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01-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome I-Les Controverses.html
  A001000022 

 Que l'Eglise Chrestienne est visible.

  A001000031 

 Article II. L'Eglise Catholique est unie en un chef visible, celle des Protestans ne l'est point, et ce qui s'ensuit 46.

  A001000033 

 Article IV. L'Eglise Catholique est unie en creance, la pretendue reformee ne l'est point.

  A001000036 

 Article VII. L'Eglise Catholique est accompagnee de miraracles et la pretendue ne l'est point.

  A001000040 

 Article XI. La perfection de la vie evangelique est prattiquee en nostre Eglise, en la pretendue elle y est mesprisee et abolie.

  A001000043 

 Article XIV. L'Eglise Catholique est tres ancienne; la pretendue, toute nouvelle.

  A001000045 

 Article XVI. Nostre Eglise est perpetuelle; la pretendue ne l'est pas.

  A001000047 

 Article XVIII. L'Eglise Catholique est universelle en lieux et en personnes; la pretendue ne l'est point 64.

  A001000049 

 Article XX. L'Eglise Catholique est feconde; la pretendue, sterile.

  A001000054 

 La Sainte Escriture est une vraÿe Regle de la foi Chrestienne.

  A001000066 

 Que c'est que nous entendons par Tradition Apostolique.

  A001000070 

 Article II. Que l'Eglise est une Regle infallible pour nostre foy.

  A001000073 

 Article II. Combien est sainte et sacrëe l'authorité des Conciles universelz.

  A001000076 

 Et I. combien l'authorité des anciens Peres est venerable.

  A001000088 

 Article XI. Que l'Evesque de Rome est vray successeur de saint Pierre et chef de l'Eglise militante.

  A001000097 

 En quelle façon la Rayson naturelle est une Regle de bien croire, et l'experience.

  A001000111 

 Article III. De quelques passages de l'Escriture esquelz il est parlé de purgation apres ceste vie, et d'un tems et d'un lieu pour icelle.

  A001000114 

 Article VI. De quelques lieux de l'Escriture par lesquelz il est prouvé que quelques pechés peuvent estre pardonnés en l'autre monde.

  A001000132 

 J'eusse bien desiré d'estr'ouÿ, aussy bien que les accusateurs, car les parolles en bouche sont vives, en papier elles sont mortes: « La [1] vive voix, » dict saint Hierosme, « a je ne sçay quelle secrette vigueur, et le coup est bien plus justement porté dans le cœur par la vive parolle que par l'escrit.

  A001000132 

 » Qui a faict escrir'au glorieux Apostre saint Pol: Comme croiront celuy qu'ilz n'ont point ouÿ? et comm'ouyront ilz sans predicateur? La foy est par l'ouÿr, et l'ouÿr par la parole de Dieu.

  A001000133 

 On verra par la que si je desavoüe mill'impietés qu'on impos'aux Catholiques, ce n'est pas pour m'eschapper de la meslëe, comme quelques uns ont dict, mais pour suyvre la sainte intention de l'Eglise: puysque je le metz en escrit a la veüe de chacun, et sous la censure des superieurs, asseuré que je suys quilz y trouveront beaucoup d'ignorance, mays non point, Dieu aydant, d'irreligion et contrarieté aux declarations de l'Eglise Romaine.

  A001000134 

 Il faut extremement bien sçavoir pour bien escrire; les espritz mediocres se doivent contenter du dire, ou l'action, la voix, la contenance, baillent lustr'a la parole; le mien qui est des moindres, ou, a tout rompre, de la plus basse marche des mediocres, ne peut pas reussir en cest exercice: aussy ni eusse pas pensé, si un gentilhomme grave et judicieux ne m'en eust sommé et donné le courage, ce que despuys plusieurs de mes principaux amis ont trouvé bon, l'advis desquelz je prise tant, que le mien n'a du tout point de creance vers moy qu'a faute d'autre..

  A001000134 

 Si faut il toutefois que je proteste, pour la descharge de ma conscience, que toutes ces considerations ne m'eussent jamais mis en resolution d'escrire; c'est un mestier juré, qui appartient aux doctes et plus polys entendemens.

  A001000135 

 Et pour vray je croyois que, comme vous ne receves point de loy pour vostre creance que de l'interpretation de l'Escriture qui vous semble la meilleure, vous voudries encor ouÿr celle que j'y apporterois, c'est a dire, de l'Eglise Apostolique Romaine, laquelle vous n'aves jamais veüe cy devant que barbouillee, toute desfiguree et contrefaitte par l'ennemy, qui sçavoit bien que si vous l'eussies veüe en sa pureté vous ne l'eussies jamais abandonnëe.

  A001000135 

 [5] Le tems est mauvais, l'Evangile de paix peut a grand peyn'estre receu parmi tant de soupçons de guerre: si, ne me pers je pas de courage; les fruictz un peu tardifz se conservent beaucoup mieux que les printaniers; j'espere que si une fois Nostre Seigneur crie a vos oreilles son saint Epheta, ceste tardiveté reussira en beaucoup plus de fermeté..

  A001000136 

 La main de Dieu n'est point parcluse ni partiale, et faict volontiers paroistre sa puyssance es sujetz chetifz et grossiers.

  A001000143 

 J'eusse bien desiré que mes raysons eussent esté ouÿes, aussy bien comme les allegations des accusateurs, câr les paroles en bouche sont vives, en papier elles sont mortes: « La vive voix, » dict [1] S t Hierosme, « a je ne sçay quelle secrette vigueur, et le coup est tousjours plus justement assigné dans le cœur par la vive parolle que par l'escriture.

  A001000143 

 La prædication evangelique a tousjours præcedé l'Escriture: c'est son propre de faire croire, et de l'escriture d'ayder la memoire.

  A001000144 

 ..... et monstre au net la pureté de la foy de l'Eglise, en fin, [parce] que je justifie ceste chaste Susanne des faux tesmoignages quon a porté contr'elle, on a dict que je ne suys pas Catholique; on s'est imaginé tant de laydeur et de difformité en la mere, pour..... 5.

  A001000144 

 Il asseurera chacun que je ne dis rien a Tonon que je ne veuille bien qu'on sache, si besoin estoit, a Necy et a Rome; dequoy ont besoin d'estr'asseurés ceux qui ne me tiennent pas pour Catholique par ce que je dis: que nos œuvres ne sont pas meritoires sinon entant quelles sont taintes au sang de N. S.; que le cors de N. S. est substantiellement, reellement et veritablement sous les especes de pain et de vin au tres st S. de Sac. de l'Eucharistie, mays non pas charnellement; que les Saints ont un'excellence beaucoup plus grande et de plus eminent calibre que les mortelz mondains, mays quelle n'a point d'autre proportion avec l'excellence divine que de la creature au Createur, du finy a l'infini; et semblables verités: c'est adire, que je presche la doctrine Catholique.

  A001000144 

 La 1. et principale c'est quelle portera chez vous ce que vous ne voules pas venir prendre chez nous en l'assemblee.

  A001000145 

 Il faut extremement bien sçavoir pour bien escrire; les espritz mediocres se doivent contenter du dire, ou l'action, la voix, l'affection et contenance baillent lustr'a l'enseignement; le mien qui est des moindres, ou, a tout rompre, de la plus basse marche des mediocres, ne reussira pas en cest exercice: aussy ny pensois je pas, si un gentilhomme grave et judicieux ne m'en eut sommé et donné courage, a quoy despuys plusieurs de mes principaux amis m'ont poussé; en telles occasions je prise tant le jugement de mes amis que je ne me crois jamais moy mesme qu'a faute d'autre..

  A001000145 

 Mays si faut il que je proteste, pour la descharge de ma conscience, que toutes ces commodités ne m'eussent jamais mis en volonté d'escrire; c'est un mestier juré, qui appartient aux doctes et polys entendemens.

  A001000146 

 Et pour vray je croyois que, comme vous n'asujettisses a personne vostre creance, si non a l'interpretation de l'Escriture Sainte qui vous semble la meilleure, vous voudries encores ouÿr celle que j'y apporterois, c'est adire, celle de l'Eglise Cat. Ro., laquelle vous n'aves jamais veüe cy devant que barbouïllëe et defigurëe par les ennemis; car si vous l'eussies veu en sa pureté jamais vous ne l'eussies abandonnëe.

  A001000146 

 Je vous puys bien asseurer, car il est vray, que jamays vous ne lires escrit qui vous soit addressé par homme plus affectionné a vostre service spirituel que je suys; et je puys dire que jamays je ne recueilliray commandement avec plus de courage, que je fis celluyla de M. le R me Ex mo Evesque, quand il m'ordonna, sur le bon playsir de son Altesse de laquell'il me mit la lettre en main, de venir icy pour vous apporter la sainte Parole de Dieu, comme sachant ne vous pouvoir faire plus ni de plus signalé service que celluy la, duquel dépend vostre Paradis.

  A001000160 

 Ceste grande facilité que les hommes ont de se scandaliser, fit dire, ce semble, a Nostre Seigneur, quil estoit impossible que scandale n'advint, ou, comme dict saint Mathieu, i l est necessaire quil arrive des scandales: car, si les hommes prenent occasion de leur mal du sauverain bien mesme, comme se pourroit il faire quil ni eut du scandale au monde ou il y a tant de maux?.

  A001000161 

 Il y a un scandale que nos doctes theologiens appellent [7] actif, et c'est une action mauvaise qui donne occasion de mal faire a autruy, et la personne qui faict ce scandale s'appelle justement scandaleuse.

  A001000161 

 Le premier est scandaleux, le second scandaleux et scandalizé, le troisiesme scandalizé seulement.

  A001000161 

 Le premier surpasse le troisiesme en meschanceté, et le second surpasse d'autant plus le premier, quil contient le premier et le second ensemble, estant actif et passif tout ensemble, et que se massacrer et præcipiter soymesme est une cruauté plus desnaturëe que de tuer autruy..

  A001000161 

 Les deux autres sortes de scandales s'appellent scandales passifz, mays les uns, scandales passifz ab extrinseco, les autres, ab intrinseco: car entre les personnes qui sont scandalizëes, les unes le sont par les mauvaises actions d'autruy, et sont celles qui reçoivent le scandale actif, mettans leur volonté en butte aux scandaleux; les autres le sont par leur propre malice, qui, n'ayans point d'occasion d'ailleurs, s'en bastissent et forgent en leur propre cerveau, et se scandalizent eux mesmes d'un scandale [8] qui est tout de leur creu.

  A001000161 

 Qui scandalize autruy manque de charité vers le prochain, qui se scandalize soymesme manque de charité vers soymesme, et qui est scandalizé par autruy manque de force et de courage.

  A001000162 

 Cherchons, je vous prie, la caus'en nous de nos vices et pechés, nostre volonté en est la seule source.

  A001000162 

 Et quand il est dict quil a esté mis a la ruyne de plusieurs, on le doit verifier en l'evenement, qui fut tel que plusieurs s'y sont ruynés, nompas en l'intention de la bonté supreme, qui ne l'avoit envoyé que pour lumiere a la revelation des Gentilz et a la gloire d'Israel.

  A001000162 

 Mays le scandale pris sans occasion tient le premier rang de [9] tous costés, le plus frequent, le plus dangereux et dommageable, et c'est de celluyla seul duquel Nostre Seigneur est object, es ames qui se sont mises en proÿe a l'iniquité.

  A001000162 

 Mays un peu de patience: Nostre Seigneur ne peut estre scandaleux, car tout y est sauverainement bon, ny scandalizable, car il est sauverainement puyssant et sage; comme donques se peut il faire qu'on se scandalize en luy, et quil soit mis a la ruyne de plusieurs? Ce seroit un horrible blaspheme d'attribuer nostre mal a sa Majesté: elle veut que chacun soit sauvé et vienne a connoissance de la verité; elle ne veut qu'aucun perisse; nostre perdition vient de nous, et nostr' ayde de la bonté divine.

  A001000162 

 Nostre Seigneur donques, ni sa sainte Parole, ne nous scandalize point, mays nous nous scandalizons nous mesmes en luy: qui est la propre façon de parler en ce faict, que luy mesme enseigne, disant: Bienheureux qui ne sera point scandalizé en moy.

  A001000162 

 Toutes ces sortes de scandales abondent au monde, et ne voit on rien si dru que le scandale; c'est principal trafiq du diable, dont Nostre Seigneur disoit: Malheur au monde a cause des scandales.

  A001000163 

 Cestuyci est le principal et sauverain scandale du monde, et qui en comparayson de tous les autres merite seul le nom de scandale; et semble que ce soit quasi tout un quand Nostre Seigneur dict: Il est necessaire que scandales adviennent, et quand saint Pol dict: Il faut quil y aÿe des heresies.

  A001000163 

 Or ce scandale icy se va diversifiant avec le tems, et comme mouvement violent se va tousjours plus affaiblissant en sa mauvaisetie: car, en ceux qui commencent la division et ceste guerre civile entre les Chrestiens, l'heresie est un scandale purement pris, passif ab intrinseco, et ni a point de mal en l'heresiarque qui ne soit du tout puysé [en] sa volonté, personne ny a part que luy; le scandale des premiers quil desbauche tumbe desja en partage, mais inegalement, car l'heresiarque y a sa part a cause de sa sollicitation, les desbauchés y en ont une, d'autant plus grande quilz ont eu moins d'occasion de le suyvre; puys, l'heresie ayant pris pied, ceux qui naissent parmi les hæretiques de parens hæretiques ont tousjours [11] moins de part a la faute: mays il n'arrive jamais que aux uns et aux autres il ni ayt beaucoup de leur faute, et particulierement en ceux de nostr'aage, qui quasi tous sont en scandale presque purement passif [pris].

  A001000163 

 Or j'ay dict que leur scandale est purement ou presque purement passif..... Car on sçait bien que l'occasion de leur division et escart quilz pretendent avoir, c'est l'erreur, l'ignorance, l'idolatrie, quilz disent estr'en l'Eglise laquelle ilz ont abandonnee; et d'ailleur c'est chose toute certaine que l'Eglise en son cors general ne peut estre scandaleuse et est inscandalisable, comme son Espoux, qui luy communique par grace et assistence particuliere ce qui luy est naturel en proprieté: car en estant le chef il addresse ses pas au droit chemin, l'Eglise c'est son cors mistique, et par ce il prend a soy l'honneur et le mespris qui luy est faict; dont on ne peut dire quelle donne, prenne ou reçoive aucun scandale.

  A001000164 

 Je n'ay pas autre intention que de vous faire voir, Messieurs, que ceste Susanne est accusée a tort, et qu'elle a rayson de se lamenter de tous ceux qui se sont distancés de ses ordonnances, avec les parolles mesmes de son Espoux: Ilz m'ont hayé d'une hayne injuste.

  A001000164 

 Prenes neantmoins a gré je vous prie, Messieurs de Thonon, cest escrit, et quoy que vous en ayes veu plusieurs autres mieux faictz et plus riches, arrestes un peu vostr'entendement sur cestuy ci, que peut estre sera il plus sortable a vostre complexion que les autres; car son air est du tout Savoysien, et l'une des plus prouffitables receptes et derniers remedes c'est le retour a l'air naturel: si cestuyci ne prouffite, on vous en monstrera d'autres plus purs et subtilz.

  A001000164 

 Tant de grans personnages ont escrit en nostre aage, que la posterité n'a quasi plus rien a dire, mays seulement a considerer, apprendre, imiter, admirer: je ne diray donques rien icy de nouveau, et ne voudrois pas fair'autrement; tout est ancien, et ny a presque rien du mien que le fil et l'eguille, le reste ne m'a cousté que le descoudre et recoudre a ma façon, avec cest'advis de Vincent le Lirinois, c. 22.

  A001000169 

 Ceste grande facilité de se scandaliser que N. S. connoissoit estr'au monde, luy fit, ce semble, dire ces deux saintes parolles: Il est impossible que scandale n'advienne, ou, comme dict S. Matt., Malheur au monde a cause des scandales, car il est nécessaire quil arrive des scandales; et cest'autre: Bienheureux qui ne sera point scandalizé en moy: car, si les hommes se scandalisent et prennent occasion de leur mal du sauverain bien mesme, comme se pourroit il faire quil ni eut du scandale au monde ou il y a tant de maux?.

  A001000170 

 .. En fin, qui prend le scandale donné, c'est adire, qui a occasion de se scandalizer et le faict, ne peut avoir autr'excuse que celle d'Eve sur le serpent, celle d'Adam sur Eve, que nostre Dieu trouva n'estre pas de mise.

  A001000170 

 .. Et l'un et l'autre, qui donne le scandale et qui le prend, sont tres mauvais, mays qui le prend sans quil luy soit presenté est dautant plus cruel que celuy qui le donne, [que se] precipiter soymesme est crime plus desnaturé que de tuer un autre.

  A001000170 

 Car, quand a ceux qui les donnent, ilz ni ont point d'autre necessité que par la supposition et resolution quilz ont faict eux mesmes de vivre meschamment et vitieusement; ilz pourroyent silz vouloient, par la grâce de Dieu, n'infecter pas ny empunayser le monde des puantes exhalations de leurs pechés, mays estre bonn'odeur en Jesuchrist: le monde neantmoins est tant remply de pecheurs, qu'ores que plusieurs s'amendent et soyent remis en grace, il en demeure tousjours un nombre infiny qui rend tesmoignage qu' il est impossible que scandale n'advienne: malheur, au reste, par qui vient le scandale.

  A001000170 

 Et quand a ceux qui se forgent eux mesmes les scandales, se chatouïllans pour se faire rire en leur iniquité, lesquelz, comme leur devancier Esau, pour la moindre incommodité quil y a pour leur entendement en la foy, ou pour leur volonté es saintz commandemens, se font accroire quilz mourront silz n'alienent la portion quilz ont en l'Eglise, puysqu'ilz ayment la malediction et quilz la cherchent, ce n'est merveille silz sont mauditz.

  A001000170 

 Le 2. empire sur le 1., mays le troysiesme empire d'autant plus sur le 2 d, que se massacrer et précipiter soymesme est une cruauté plus desnaturëe que de tuer les autres..

  A001000170 

 Le premier est appellé receptum, receu, le 2., datum, donné, le 3., acceptum, pris; le 2., activum, le 1. et 3., passivum, mais le 1., passivum ab extrinseco, le 3., passivum ab intrinseco.

  A001000170 

 Le premier est scandalizé, le 2., scandaleux, le 3., scandaleux et scandalizé tout ensemble; le 1.

  A001000171 

 Ces ouvriers, qui trouvent estrange que le pere de famille donnast autant aux derniers venus comm'aux premiers, dequoy se scandalizent ilz sinon de la bonté, liberalité et bienfaict? comment, dict le bon seigneur, ton œil est il malin de ce que je suys bon? Qui ne voit en ce saint banquet et souper qui fut faict a N. S. en Bethanie, [10] comme Judas prend a contrecœur, et murmure, de voir l'honneur que la devote Magdaleyne faict a son Sauveur; comme la suavité de l'odeur du parfum répandu offence le sentiment de ce punays infame.

  A001000171 

 Les Capharnaites [9] se scandalizent ilz pas a bon escient sur les paroles de Nostre Seigneur, au recit de S t Jan, qu'ilz appellent parolle dure et non recevable? Mays a quel propos? par ce que N. S. est si bon que de les vouloir nourrir de sa chair, par ce quil dict des parolles de vie æternelle; et contre cette douceur ilz se pugnent.

  A001000171 

 Or, combien aye esté en vogue ceste troysiesme façon de scandale jusques a present, le tesmoignage de toutes les histoires ecclesiastiques y est en mille lieux; nous ne trouverons quasi pas tant de traitz pour y remarquer tous les autres vices que pour celuyci seul.

  A001000172 

 Confessons donques que personne d'entre nous autres hommes n'est offencé que de soy mesme; c'est ce que j'entreprens de persuader icy a force de raysons.

  A001000172 

 N. S. estoit vray Sauveur, venu pour esclairer tout homme, et servir de lumiere pour la revelation des Gentilz et la gloire d'Israel; ce pendant Israël en prend l'occasion de son ignominie: voila pas grand malheur? Et quand il est dict quil est mis a la ruyne de plusieurs, il le faut entendre quand a l'evenement, non quand a l'intention de la divine Majesté; comme l'arbre de science du bien et du mal n'avoit rien dequoy apprendre a Adam le bien ni le mal, l'evenement pourtant luy donna ce nom la, par ce qu'Adam, y prenant du fruict, essaya le mal que luy apportoit sa desobeissance.

  A001000172 

 O mon Dieu, mon Sauveur, espures mon esprit, faites couler doucement ceste vostre Parole dans le cœur des lecteurs, comm'une sainte rosëe, pour raffrechir l'ardeur de leurs passions, silz en ont, et ilz verront combien est veritable en vous, et en l'Eglise vostre Sponse, ce que vous en aves dict..

  A001000172 

 Vous y verres des bonnes raysons, et desquelles je me rends evictionnaire, qui vous feront voir clair comme le jour, que vous estes hors du train quil faut tenir pour aller a salut, et que ce n'a pas esté la faute de la sainte guide, mays la faute est de l'avoir abandonnëe.

  A001000172 

 ... cestuyci neantmoins reviendra peut estre mieux a vostre complexion, car son air est du tout Savoysien.

  A001000174 

 N'est ce pas chose admirable de voir combien il y a eu de sortes d'heresies jusques a præsent, desquelles tous les autheurs se faysoyent fors d'en monstrer la source es Saintes Escritures?.

  A001000179 

 .. Nous pouvons prattiquer si exactement l'enseignement de Plutarque, quon doit retirer utilité de son hayneur, que le peché mesme, nostre capital ennemy et le sauverain mal du monde, nous peut remettr'en connoissance de nous mesmes, en humilité et contrition, et la cheute de l'homme de bien le faict marcher par après plus droit et plus advisé: tant est veritable la parole de S t Pol: Nous sçavons que toutes choses aydent a bien a ceux qui ayment Dieu..

  A001000179 

 Il ny a rien dont la Saint'Escriture donne plus d'advertissemens, les histoires plus de tesmoignage, nostre sayson plus d'experience, que de la facilité avec laquelle l'homme se scandalise, et laquell'est si grande quil ny a chose, tant bonne soit elle, delaquelle il ne tire quelqu'occasion de sa ruyne: miserabl'a la verité quil est, puys que ayant en toutes choses moyen de retirer prouffit, il les tourne et les prend tout expres au biais de sa perte et malheur.

  A001000180 

 Mays c'est chose qui pass'au pardela de tout'admiration, de voir qu'es choses bonnes, proufitables, saintes, divines, en Dieu mesme, la malice des hommes y trouve dequoy s'entretenir, se nourrir et braver.

  A001000180 

 N'est-ce pas donq une chose estrange, que pouvans proufiter en toutes choses, pour mauvayses quelles soyent, nous convertissions tout a nostre perte? Que si du mal seulement nous prenons le mal, ce ne seroit pas grand [15] merveille, car c'est ce qui s'y presente de prime face; si des choses indifferentes et neutres nous nous servions en mal, la nature n'en seroit pas tant outragee, puysque ce sont armes a toutes mains: et neantmoins la couardise seroit tousjours grande, si, pouvans changer toutes choses en bien, par un'alchimie si aysëe et de si peu de frais, ou une seul'estincelle de charité suffit, nous avions le courage si lasche de demeurer en misere et nous procurer le, mal.

  A001000180 

 Non ja que le peché estant en nous proufite, ou ny estant plus puysse y operer quelque bien, car le peché est mauvais tout au long, mays nous pouvons y faire naistre des occasions de beaucoup de bien, lesquelles il ne produiroit jamais de soymesme: semblables aux abeilles lesquelles vindrent faire leur miel dans la puante caroigne du fier lion que Samson avoit egorgé.

  A001000192 

 Est chef de l'univers; ce qu'elle n'a par guerre.

  A001000194 

 Ores lui est acquis par la religion..

  A001000199 

 Est il pas plus honnorable de conceder a la puyssance de Jesuchrist le pouvoir faire le S t Sacrement, comme le croit l'Eglise, et a sa bonté le vouloir faire, que non pas le contraire? sans doute que c'est la plus grande gloire de N. S.; et par ce que nostre cerveau ne le peut comprendre, pour seconder nostre cerveau omnes quærunt quæ sua sunt, non quœ Jesu Christi..

  A001000200 

 Accurate perpendenda est sententia quœ est Jo. 8.

  A001000201 

 Ex inimicis nos optima quæque cognoscere et utilitatem capere persuadet Psalmista: Super inimicos meos prudentem me fecisti, deinde, super omnes docentes, super senes, etc. Super enim, ait Genebrard, [17] a intelligi potest; super inimicos, id est, occasione inimicorum, ab vel ex inimicis.

  A001000202 

 Omnia sacrificia farinacea antiqua erant veluti condimenta sacrificiorum cruentorum; sic Eucharistiæ Sacramentum est veluti condimentum sacræ Crucis, eique optima ratione adjunctum..

  A001000203 

 Ecclesia mons est, hæresis vallis; descendunt enim hæretici ab ecclesia non errante ad errantem, a veritate ad umbram, etc..

  A001000204 

 4, tunc ejectus est quando ludere voluit cum Isaac, id est, Ecclesia Catholica: quanto magis hæretici? etc..

  A001000205 

 v. 17: Omne vas quod fictum est contra te non dirigetur, et omnem linguam resistentem tibi in judicio judicabis; hæc est hæreditas servorum Domini et justitia eorum apud me, dicit Dominus..

  A001000207 

 Ergo cathedra unica, quæ est prima de dotibus, sedit prior Petrus..

  A001000207 

 Milevit., l. 2 contra Donatistas: Negare non potes scire te, in urbe Roma Petro primo cathedram principalem esse collatam, in qua sederit omnium Apostolorum caput Petrus, unde et Cæphas dictus est, in qua una cathedra unitas ab omnibus servaretur, ne cæteri Apostoli singulas quisque sibi defenderent, ut jam schismaticus et peccator esset qui contra singularem cathedram alteram collocaret.

  A001000211 

 En la veneration ou des S ts ou du Pape, il ne faut oublier ce quil dict au roy d'Angleterre, en un'epistre, l'an 1525, qui est recensee en Coclëe es actes de l'an 26: Quare his litteris prosterno me pedibus Majestatis tuæ quantum possum humillime..

  A001000243 

 La mission est donques necessaire; vous ne le nieres pas, si vous ne sçaves quelque chose plus que vos maistres..

  A001000243 

 Vous voyes bien ou je vays battre; c'est sur la faute de mission et de vocation que Luther, Zuingle, Calvin et les autres avoyent: car c'est chose certayne que quicomque veut enseigner et tenir rang de pasteur en l'Eglise, il doit estr'envoÿé.

  A001000245 

 Qui a donné l'authorité aux premiers d'assembler les peuples, dresser des compaignies et bandes a part? Ce n'est pas le peuple, car ilz n'estoyent encor pas assemblés..

  A001000245 

 Voyons que c'est du premier.

  A001000250 

 Car, de faict, qu'est ce se dire prædicateur de la parole de Dieu et pasteur des ames, que se dire ambassadeur et legat de N. S.? selon le dire de l'Apostre, Nous sommes donques ambassadeurs pour Christ.

  A001000250 

 Dites moy, quell'occasion eustes vous de les ouÿr et de les croire, sans avoir aucun'asseurance de leur commission et de l'adveu de N. S. dont ilz se disoyent legatz? C'est en un mot avoir abandonné a credit l'Eglise ancienne en laquelle vous aves esté baptizés, que d'avoir creu aux præcheurs qui n'avoient point de mission legitime du Maistre..

  A001000250 

 Et qu'est ce dire que tout le Christianisme a failly, toute l'Eglise erré, et par tout la verité s'estr'esvanouÿe, sinon dire que N. S. a abandonné son Eglise, a rompu le sacré lien de mariage quil avoit contracté avec elle? Et vouloir mettr'en avant un'Eglise nouvelle, n'est ce pas vouloir bailler a ce sacré et saint Espoux une seconde femme? C'est ce que les ministres prætenduz de l'Eglise ont entrepris, c'est ce dequoy ilz se sont vantés; ceste persuasion estoit le but de leurs presches, de leurs desseins et de leurs escritz.

  A001000251 

 Mais ni de l'une ny de l'autre façon vos ministres n'ont aucune mission; comment donq est ce quilz ont entrepris la prædication? Comme præcheront ilz, dict l'Apostre, s'ilz ne sont envoyés?.

  A001000252 

 Et premierement quand a la mission ordinaire et mediate, ilz nen ont du tout point; car ce quilz en sçavent avancer, c'est, ou bien quilz sont envoÿés par les peuples et princes seculiers, ou bien quilz sont envoÿés par l'imposition des mains des Evesques qui les firent prestres, dignité a laquelle il faut quen fin ilz aÿent recours, quoy quilz la mesprisent en tout et par tout..

  A001000253 

 Et quilz ne l'ayent peu faire, la rayson y est expresse, car:.

  A001000255 

 Si donques ilz ont estés envoyés par les seculiers, ilz ne sont pas envoyés a l'Apostolique ny legitimement, et leur mission est nulle..

  A001000256 

 Et de faict, les seculiers n'ont point de mission, et comme donq la donneront ilz? comme communiqueront ilz l'authorité quilz n'ont pas? Et partant S t Pol dict, parlant.de l'ordre de prestrise et pastoral: Nul ne s'attribue cest honneur sinon qui est appellé de Dieu, connu'Aaron.

  A001000256 

 Or Aaron fut consacré et ordonné par les mains de Moyse, qui fut prestre luy mesme, selon la sainte parole de David, Moyse et Aaron sont entre ses prestres, et Samuel entre ceux qui invoquoyent son nom, et quil est mesme touché en l'Exode, sous ces motz, Adjointz aussy avec toy Aaron pour m'exercer l'estat sacerdotal.

  A001000257 

 En fin, qui est moindre est beny par le plus grand, comme dict S t Pol: les peuples donques ne peuvent pas envoyer les pasteurs, car les pasteurs sont plus que les brebis, et la mission ne se faict pas sans benediction.

  A001000257 

 v. 16, Amen, amen, dico vobis, non est servus major domino suo, neque apostolus major est eo qui misit illum.

  A001000258 

 Je laiss'a part que, comme je prouveray cy apres, l'Eglise est monarchique, et partant appartient au grand Pasteur d'envoyer, non aux peuples.

  A001000259 

 Que si ilz disent quil n'estoit Catholique, qu'estoit il donques? Il n'estoit [26] pas Lutherien, car on sçait bien que quand Luther commença a precher en Alemaigne il ny avoit point de Lutheriens, et que c'est luy qui en est la source: il n'estoit donq pas de la vraye Eglise, et comme pouvoit il faire mission pour la vraÿe prædication? Ilz n'ont donq point de vocation de ce costé la, sinon quilz ayent recours a l'invisible mission receüe d es principautés, puyssances et gouverneurs du monde de ces tenebres mondaynes, et malices spirituelles, contre lesquelz les bons Catholiques ont tousjours eü la guerre.

  A001000259 

 ou ce peuple et magistrat estoit de la vraye Eglise ou non: s'il estoit de la vraye Eglise, pourquoy est ce que Luther les en leva? l'eussent ilz bien apellé pour estre levés de leur bonne place et de l'Eglise? et silz n'en estoyent pas, comme pouvoyent ilz avoir le droit de mission et de vocation? hors la vraye Eglise il ny peut avoir aucune tell'authorité.

  A001000266 

 Veritablement c'est parler françois et realement, que de confesser que leur mission ne peut estre coulëe des Apostres a leurs ministres, que par la succession de nos Evesques et par l'imposition de leurs mains: la chose est telle sans doute.

  A001000267 

 Ilz prechent choses contraires a l'Eglise en laquelle ilz ont estés ordonnés prestres: ou, donq, ilz errent, ou l'Eglise qui les a envoyés, et, par consequent, ou leur eglise est fause ou celle de laquelle ilz ont pris la mission.

  A001000267 

 Si c'est celle de laquelle ilz ont pris mission, leur mission est fause; car d'un'eglise fause ne peut sortir une vraye mission: si c'est leur eglise qui est fause, moins ont ilz mission; car en un'eglise fause ne peut estre vraye mission.

  A001000268 

 Outre cela, quoy quilz eussent eu mission en l'Eglise Romaine, ilz ne l'ont pas eu pour en sortir et distraire de son obeissance ses enfans: certes, le commissaire ne doit pas exceder les bornes de sa commission, ou c'est pour neant.

  A001000269 

 Luther, Œcolampade ou Calvin n'estoyent pas evesques; comme donques pouvoyent ilz communiquer aucune mission a leurs successeurs de la part de l'Eglise Romaine, qui proteste en tout et par tout quil ni a que les Evesques qui puyssent envoyer, et que cela n'appartient aucunement aux simples prestres? en quoy saint Hierosme mesme a mis la difference qui est entre le simple prestre et l'Evesque, en l'epistre ad Evagrium; et saint Augustin et Epiphane mettent Aerius en conte avec les hæretiques par ce quil tenoit le contraire..

  A001000273 

 .. Voicy leur plus asseurëe retraitte, laquelle, par ce quell'est commune a toutes sortes d'heretiques, merite d'estre attaquee a bon escient, et ruynee sans dessus dessous.

  A001000274 

 Comment donques se voudront excuser et relever de ceste preuve pour leur mission ceux qui en nostr'aage en veulent avancer un'extraordinaire? quel privilege ont ilz plus qu'Apostolique et Mosaique? Que diray je plus? Si nostre sauverain Maistre, consubstantiel au Pere, duquel la mission est si authentique qu'elle presuppose [30] la communication de mesm'essence, luy mesme, dis je, qui est la source vive de toute mission Ecclesiastique, n'a pas voulu s'exempter de ceste preuve de miracles, quelle rayson y a il que ces nouveaux ministres soyent creus a leur seule parole? Nostre Seigneur allegue fort souvent sa mission pour mettre sa parole en credit: Comme mon Pere m'a envoyé, je vous envoÿe.

  A001000274 

 Ma doctrine n'est point mienne, mays de Celuy qui m'a envoyé.

  A001000274 

 Mays aussy, pour donner authorité a sa mission, il met en avant ses miracles, ains atteste que, sil n'eust faict des œuvres que nul autre n'a faict parmi les Juifz, ilz n'eussent point eu de peché de ne croire point en luy; et ailleurs il leur dict: Ne croyes vous pas que mon Pere est en moy et moy en mon Pere? au moins croyes le par les œuvres.

  A001000274 

 Qui sera donc si osé que de se vanter de la mission extraordinayre, sans produyre quand et quand des miracles, il merite d'estre tenu pour imposteur: or est il que ni vos premiers ni derniers ministres n'ont faict aucun miracle: ilz n'ont donq point de mission extraordinaire.

  A001000274 

 Vrayement Moyse monstre bien la necessité de ceste preuve a qui veut parler extraordinairement; car, ayant a demander le don d'eloquence a Dieu, il ne le demande qu'apres avoir le pouvoir des miracles, monstrant quil est plus necessaire d'avoir l'authorité de parler que d'en avoir la promptitude.

  A001000275 

 Comment donques authorizeroit il deux sortes de pasteurs, l'une extraordinaire, l'autre ordinaire? [31] Quand a l'ordinaire qu'elle soit authorisëe, cela est certain; quand a l'extraordinaire, nous le præsupposons: ce seroyent donques deux eglises differentes, qui est contre la plus pure parole de Nostre Seigneur, qui n'a qu'une seul'espouse, qu' une seule colombe, qu'une seule parfaitte.

  A001000275 

 Dieu n'est point autheur de division, mais d'union et concorde, principalement entre ses disciples et ministres ecclesiastiques, comme Nostre Seigneur monstre clairement en la sainte priere quil fit a son Pere es derniers jours de sa vie mortelle.

  A001000275 

 Et c'est ce que saint Pol enseigne, quand il ne veut que personne s'attribue l'honneur pastoral sinon celuy qui est appelle de Dieu, comm'Aaron: car la vocation d'Aaron fut faitte par l'ordinaire, Moyse, si que Dieu ne mit pas sa sainte parole en la bouche de Aaron immediatement, mays Moyse, auquel Dieu fit ce commandement: Parle a luy, et luy metz mes paroles en sa bouche; et je seray en ta bouche et en la sienne.

  A001000275 

 Et comment? immediatement et mediatement tout ensemble: immediatement, en son Baptesme et en sa Transfiguration, avec ceste voix: Cestuyci est mon Filz bien aymé auquel j'ay pris mon bon playsir, escoutes le; mediatement, par les [33] Prophetes, et sur tout par David es lieux que saint Pol cite a ce propos des Psalmes: Tu es mon Filz, je t'ay engendré aujourdhuy, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedec.

  A001000275 

 Et de faict, ou me monstrera on jamais une vocation legitime extraordinaire qui n'aÿe esté receüe par l'authorité ordinayre? Saint Pol fut appellé extraordinairement, mays ne fut il pas approuvé et authorisé par l'ordinaire, une et deux fois? et la mission receüe par l'authorité ordinaire est appellëe mission du Saint Esprit.

  A001000275 

 Et par tout la vocation est perceptible: la parole en la nuëe fut ouÿe, et en David ouÿe et leüe; mais saint Pol, voulant monstrer la vocation de Nostre Seigneur, apporte les passages seulz de David, par lesquelz il dict Nostre Seigneur avoir esté clarifié de son Pere, se contentant ainsy de produyre le tesmoignage perceptible, et faict par l'entremise des Escritures ordinaires et des Prophetes receuz..

  A001000275 

 Et quoy? Nostre Seigneur est il divisé, ou en luy mesme ou en son cors qui est l'Eglise? Non, pour vray, mays, au contraire, il ni a qu' un Seigneur; lequel a basti son cors mistique avec une belle varieté de membres tres bien agencés, assemblés et serrés comtement, par toutes les joinctures de la sousministration mutuelle; de façon que de vouloir mettr'en l'Eglise ceste division de troupes ordinayres et extraordinaires, c'est la ruyner et perdre.

  A001000275 

 Il faut donques revenir a ce que nous disions, que jamais la vocation extraordinaire n'est legitime quand ell'est desavouëe de l'ordinaire.

  A001000275 

 Je dis, secondement, que jamais aucune mission extraordinaire ne doit estre receüe, estant desadvouëe de l'authorité ordinaire qui est en l'Eglise de Nostre Seigneur.

  A001000275 

 Jesus Christ est sauverain Pontife selon l'ordre de Melchisedec: s'est il ingeré et poussé de luy mesme a cest honneur? non, mays y a esté appellé.

  A001000275 

 La mission de saint Jan Baptiste ne se peut pas bien dire extraordinaire, parce quil n'enseignoit rien contre l'eglise Mosaique, et par ce quil estoit de la race sacerdotale: si est ce neanmoins que la rareté de sa doctrine fut avouëe par l'ordinayre magistrat de l'eglise Judaique, en la belle legation qui luy fut faicte par les prestres et levites, la teneur de laquelle præsuppose une grande estime et reputation en laquelle il estoit vers eux; et les Phariseens mesmes, qui estoyent assis sur la chaire de Moise, ne venoyent ilz pas communiquer a son baptesme tout ouvertement, [32] sans scrupule? c'estoit bien recevoir sa mission a bon escient.

  A001000275 

 que la vocation des pasteurs et magistratz ecclesiastiques doit estre faite visiblement ou perceptiblement, non par maniere d'enthousiasme et motion secrette: car voyla deux exemples quil propose; d'Aaron, qui fut oint et appellé visiblement, et puys de Nostre Seigneur et Maistre, qui, estant sauverain Pontife et Pasteur de tous les siecles, ne s'est point clarifié soy mesme, c'est a dire, ne s'est point attribué l'honneur de sa sainte prestrise, comme avoit dict saint Pol au paravant, mays a esté illustré par Celuy qui luy a dict: Tu es mon Filz, je t'ay engendré au jourdhuy, et, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedech.

  A001000276 

 Et de vray, si l'extraordinaire devoit abolir l'ordinaire, comment sçaurions nous quand, a qui, et comment, nous nous y devrions ranger? Non, non, l'ordinaire est immortelle pendant que l'Eglise sera ça bas au monde: Les pasteurs et docteurs quil a donnés une fois a l'Eglise doivent avoir perpetuelle succession, pour la consummation des Saintz, jusques a ce que nous nous rencontrions tous en l'unité de la foy, et de la connoissance du Filz de Dieu, en homme parfaict, a la mesure de l'aage entiere de Christ; affin que nous ne soyons plus enfans, flotans et demenés ça et la a tous vens de doctrine, par la piperie des hommes et par leur rusëe seduction.

  A001000276 

 Je dis, 3., que l'authorité de la mission extraordinaire ne destruict jamais l'ordinaire, et n'est donnee jamais pour la renverser: tesmoins tous les Prophetes, qui jamais ne firent autel contr'autel, jamais ne renverserent la prestrise d'Aaron, jamais n'abolirent les constitutions sinagogiques; tesmoin Nostre Seigneur, qui asseure que tout royaume divisé en soymesme sera desolé, et l'une mayson tumbera sur l'autre; tesmoin le respect quil portoit a la chaire de Moyse, la doctrine de laquelle il vouloit estre gardëe.

  A001000276 

 Que si jamais elles n'ont prævalu ni prævaudront, la vocation extraordinaire ny est pas necessaire pour l'abolir: car Dieu ne hait rien de ce quil a faict, comment donq aboliroit il l'Eglis'ordinaire pour en faire d'extraordinaires? veu que c'est luy qui a edifié l'ordinaire sur soymesme, et l'a cimentee de son sang propre..

  A001000276 

 [34] et discipline desordonnee et entrerompue a tous coupz, nous serions sujetz a estre seduictz par les hommes qui a tous propos se vanteroyent de l'extraordinaire vocation, ains, comme les Gentilz, nous cheminerions (comme il insere apres) en la vanité de nos entendemens, un chacun se faysant accroire de sentir la motion extraordinaire du Saint Esprit: dequoy nostre aage fournit tant d'exemples, que c'est une des plus fortes raysons qu'on puysse præsenter en cest'occasion; car, si l'extraordinaire peut lever l'ordinair'administration, a qui en laisserons nous la charge? a Calvin, ou a Luther? a Luther, ou au Pacimontain? au Pacimontain, ou a Blandrate? a Blandrate, ou a Brence? a Brence, ou a la Reyne d'Angleterre? car chacun tirera de son costé ceste couverte de la mission extraordinaire.

  A001000282 

 Je n'ay encor sceu rencontrer parmy vos maistres que deux objections a ce discours que je viens de faire; dont l'une est tirëe de l'exemple de Nostre Seigneur et des Apostres, l'autre, de l'exemple des Prophetes..

  A001000283 

 Mays quand a la premiere, dites moy, je vous prie, [35] trouves vous bon qu'on mette en comparaison la vocation de ces nouveaux ministres avec celle de Nostre Seigneur? Nostre Seigneur avoit il pas esté prophetisé en qualité de Messie? son tems n'avoit il pas esté determiné par Daniel? a-il faict action qui presque ne soit particulierement cottëe es Livres des Prophetes et figurëe es Patriarches? Il a faict changement de bien en mieux de la loy Mosaïque, mays ce changement la n'avoit il pas esté prædit? Il a changé par consequence le sacerdoce Aaronique en celuy de Melchisedech, beaucoup meilleur; tout cela n'est ce pas selon les tesmoignages anciens? Vos ministres n'ont point esté prophetisés en qualité de prædicateurs de la Parole de Dieu, ni le tems de leur venue, ni pas une de leurs actions; ilz ont faict un remuement sur l'Eglise beaucoup plus grand et plus aspre que Nostre Seigneur ne fit sur la Sinagogue, car ilz ont tout osté sans y remettre que certaines ombres, mays de tesmoignages ilz n'en ont point a cest effect.

  A001000285 

 Ou ell'estoit ordinaire, comme nous avons monstré cy devant, ou approuvëe du reste de la Sinagogue, comm'il est aysé a voir en ce qu'on les reconnoissoit incontinent, et en faysoit on conte en tous lieux parmi les Juifz, les appellans hommes de Dieu: et a qui regardera de pres l'histoire de cest'ancienne Sinagogue, verra que l'office des prophetes estoit aussy commun entr'eux qu'entre nous des prædicateurs..

  A001000286 

 Isaïe, voulant escrire dans un grand livre qui luy fut monstré, prit Urie prestre, quoy qu'a venir, et Zacharie prophete a tesmoins, comme s'il prenoyt le tesmoignage de tous les prestres et prophetes; et Malachie atteste il pas que les levres du prestre gardent la science, et demanderont la loy de sa bouche; car c'est l'ange du Seigneur des armëes? tant s'en faut que jamais ilz ayent retiré les Juifz de la communion de l'ordinaire..

  A001000286 

 Jamais on ne monstrera prophete qui voulut renverser la puissance ordinaire, ains l'ont tousjours suyvie, et n'ont rien dict contraire a la doctrine de ceux qui estoyent assis sur la chaire Mosaïque et Aaronique; ains il s'en est trouvé qui estoyent de la race sacerdotale, comme Jeremie, filz d'Helcias, et Ezechiel, filz de Buzi; ilz ont tousjours parlé avec honneur des Pontifes et succession sacerdotale, quoy quilz ayent repris leurs vices.

  A001000288 

 Et de vray, il ny a qu'un mal en ceste prophetie, c'est seulement faute de verité; car il præcha encor pres de vingt deux, et neantmoins encor se trouve il des prestres et des clochers, et en la chaire de saint Pierre est assis un Pape legitime..

  A001000288 

 Si donques il est question entre nous de l'authorité prophetique, elle nous demeurera, soit elle ordinaire ou extraordinaire, puysque nous en avons l'effect, non pas a vos ministres qui n'en ont jamais faict un brin de preuve: sinon quilz voulussent appeller propheties la vision de Zuingle, au livre inscrit, Subsidium de Eucharistia, et le livre intitulé, Querela Lutheri, ou la prædiction quil fit, l'an 25 de ce siecle, que sil præchoit encor deux ans il ne demeureroit ni Pape, ni prestres, ni moynes, ni clochers, ni Messe.

  A001000289 

 Mays non, que maintenant, enseignés de l'Eglise, ilz reconnoyssent que c'est une vocation de l'homme, et que les oreilles ont corné a leur viel Adam, et s'en remettent a celuy qui, comm'Heli, præside maintenant a l'Eglise..

  A001000289 

 Vous sembl'il pas que ce soyent Luther et Zuingle avec leurs propheties et visions? ou Carolostade avec sa revelation quil disoit avoir eüe pour sa cene, qui donna occasion a Luther d'escrire son livre, Contra cœlestes prophetas? C'est [38] bien eux, au moins, qui ont ceste proprieté de n'avoir pas estés envoyés; c'est eux qui prennent leurs langues, et disent, le Seigneur a dict: car ilz ne sçauroyent jamais monstrer aucune preuve de la charge quilz usurpent, ilz ne sçauroyent produyre aucune legitime vocation, et, donques, comme veulent ilz precher? On ne peut s'enrooler sous aucun capitayne sans l'aveu du prince, et comment fustes vous si promtz a vous engager sous la charge de ces premiers ministres, sans le congé de vos pasteurs ordinaires, mesme pour sortir de l'estat auquel vous esties nay et nourry qui est l'Eglise Catholique? Ilz sont coulpables d'avoir faict de leur propr'authorité ceste levëe de bouclier, et vous de les avoir suyvis; dont vous estes inexcusables.

  A001000298 

 Au contraire, Messieurs, l'Eglise qui contredisoit et s'opposoit a vos premiers ministres, et s'oppose encores a ceux de ce tems, est si bien marquëe de tous costés, que personne, tant aveuglé soit il, ne peut prætendre cause d'ignorance du devoir que tous les bons Chrestiens luy ont, et que ce ne soit la vraÿe, unique, inseparable et tres chere Espouse du Roy celeste; qui rend vostre separation d'autant plus inexcusable.

  A001000298 

 Car, sortir de l'Eglise, et contredire a ses decretz, c'est tousjours se rendre ethnique et publicain, quand ce seroit a la persuasion d'un ange ou seraphim; mays, a la persuasion d'hommes pecheurs a la grande forme, comme les autres, personnes particulieres, sans authorité, sans adveu, sans aucune qualité requise a des precheurs ou profetes que la simple connoissance de quelques sciences, rompre tous les liens et [la] plus religieuse obligation d'obeissance qu'on eust en ce monde, qui est celle qu'on doit a l'Eglise comm'Espouse de Nostre Seigneur, c'est une faute qui ne se peut couvrir que d'une grande [40] repentance et pœnitence, a laquelle je vous invite de la part du Dieu vivant..

  A001000299 

 Je crois que cestecy est l'extrem'absurdité, et qu'au pardela immediatement se loge la frenesie et rage..

  A001000299 

 Les adversaires, voyans bien qu'a ceste touche leur doctrine seroit reconneüe de bas or, ont tasché par tous moyens de nous divertir de ceste preuve invincible que nous prenons es marques de la vraÿe Eglise, et partant ont voulu maintenir que l'Eglise est invisible et imperceptible, et par consequent irremarquable.

  A001000300 

 Ceste theologie est [tant] imaginaire et damnatoire, que les autres ont mieux aymé dire que durant ces mill'ans l'Eglise n'estoit ni visible ni invisible, mays du tout abolie et estoufëe par l'impieté et l'idolatrie..

  A001000300 

 Mays ilz vont par deux chemins a ceste leur opinion de l'invisibilité de l'Eglise; car les uns disent qu'ell'est invisible par ce qu'elle consiste seulement es personnes esleües et prædestinëes, les autres attribuent cest'invisibilité a la rareté et dissipation des croyans et fidelles: dont les premiers tiennent l'Eglis'estre en tous tems invisible, les autres disent que cest'invisibilité a duré environ mill'ans, ou plus ou moins, c'est a dire, des saint Gregoire jusqu'a Luther, quand la papauté estoit paysible parmi le Christianisme; car ilz disent que durant ce tems la il y avoit plusieurs vrais Chrestiens secretz, qui ne descouvroyent pas leurs intentions, et se contentoyent de servir ainsy Dieu a couvert.

  A001000301 

 S'il est comm'une montaigne, et si grande qu'elle remplit la terre, comme sera elle invisible ou secrette? et s'il dure æternellement, comm'aura il manqué 1000 ans? Et c'est bien du royaume de l'Eglise militante que s'entend ce passage: car, 1.

  A001000302 

 Estr'apellés en un cors c'est estr'apellés en l'Eglise; et en ces similitudes que faict Nostre Seigneur en saint Mathieu, de la vigne et du banquet avec l'Eglise, les ouvriers de la vigne et les conviés aux noces il les nomme apellés et convoqués: Plusieurs, dict il, sont apellés, mays peu sont esleuz.

  A001000302 

 L'assemblëe des Juifz s'appelloyt Sinagogue, celle des Chrestiens s'appelle Eglise: par ce que les Juifz estoyent comm'un troupeau de bestail, assemblé et entroupelé par crainte, les Chrestiens sont assemblés par la Parole de Dieu, appellés ensemble en union de charité par la prædication des Apostres et leurs successeurs; dont saint Augustin a dict: « L'Eglise est nommee de la convocation, la Sinagogue, du troupeau; par ce qu'estre convoqué appartient plus aux hommes, estr'entroupelé appartient plus au bétail.

  A001000302 

 Mays il faut avant tout dire que c'est qu'Eglise.

  A001000302 

 » Or c'est a bonne rayson que l'on [a] apelé le peuple Chrestien Eglise ou convocation, par ce que [le] premier benefice que Dieu faict a l'homme pour le mettr'en grace, c'est de l'appeller a l'Eglise; c'est le premier effect de sa prædestination: Ceux quil a prædestinés il les [42] a appellés, disoit saint Pol aux Romains; et aux Collossiens: Et la paix de Christ tressaute en vos cœurs, en laquelle vous estes appelles en un cors.

  A001000303 

 L'Eglise est une sainte université ou generale compaignie d'hommes, unis et recueillis en la profession d'une mesme foi Chrestienne, en la participation de mesmes Sacremens et Sacrifice, et en l'obeissance d'un mesme vicaire et lieutenant general en terre de Nostre Seigneur Jesuchrist et successeur de saint Pierre, sous la charge des legitimes Evesques.

  A001000303 

 Voyla d'où est pris le mot d'Eglise, et voicy la definition d'icelle.

  A001000305 

 Nostre Seigneur et Maistre nous renvoÿe a l'Eglise en nos difficultés et dissentions; saint Pol enseigne son Timothee comm'il faut converser en icelle, il fit apeller les Anciens de l'Eglise Myletayne, il leur remonstre quilz sont constitués du Saint Esprit pour regir l'Eglise, il est envoyé par l'Eglise avec saint Barnabas, il fut receu par l'Eglise, il confirmoit les Eglises, il constitue des prestres par les Eglises, il [43] assemble l'Eglise, il salue l'Eglise en Cæsaree, il a persecuté l'Eglise.

  A001000306 

 Que dira l'on aux propheties, qui nous repræsentent l'Eglise non seulement visible mays toute claire, illustre, manifeste, magnifique? Ilz la depeignent comm' une reyne parëe de drap d'or recamé, avec une belle varieté d'enrichissemens, comm' une montaigne, comm'un soleil, comm'une pleyne lune, comme l'arc en ciel, tesmoin fidele et certain de la faveur de Dieu vers les hommes qui sont tous la posterité de Noë, qui est ce que le Psalme porte en nostre version: Et thronus ejus sicut sol in conspectu meo, et sicut luna perfecta in æternum, et testis in cælo fidelis..

  A001000307 

 L'Escriture atteste par tout qu'elle se peut voir et connoistre, ains qu'ell'est conneue.

  A001000307 

 Salomon, es Cantiques, parlant de l'Eglise, ne dict il pas: Les filles l'ont veüe et l'ont præchëe pour tresheureuse? Et puys, introduysant ses filles pleynes d'admiration, il leur faict dire: Qui est cellecy qui comparoist et se produit comm'une aurore en son lever, belle comme la lune, esleüe comme le soleil, terrible comm'un esquadron de gendarmerie bien ordonné? N'est ce pas la declairer visible? Et quand il faict qu'on l'apelle ainsy: Reviens, reviens, Sullamienne, reviens, reviens, affin qu'on te voÿe, et qu'elle responde: Qu'est ce que vous verres en ceste Sullamitesse sinon les troupes des armees? n'est ce pas encores la declairer visible? Qu'on regarde ces admirables [44] cantiques et repræsentations pastorales des amours du celest'Espoux avec l'Eglise, on verra que par tout ell'est tres visible et remarquable.

  A001000308 

 Je crois que ceux ausquelz saint Pol disoit: Prenes gard'a vous et a tout le troupeau, auquel le Saint Esprit vous a constitués pour regir l'Eglise de Dieu, je crois, dis je, quil les voyoit; et quand ilz se jettoyent comme bons enfans au col de ce bon [pere], le baysans et baignans sa face de leurs larmes, je crois quil les touchoit, sentoyt et voyoit: et ce qui me le faict plus croire, c'est quilz regrettoyent principalement son départ par ce quil avoit dict quilz ne verroyent plus sa face; ilz voyoyent donques saint Pol, et saint Pol les voyoit.

  A001000308 

 Les pasteurs et docteurs de l'Eglise sont visibles, donques l'Eglise est visible: car, je vous prie, les pasteurs de l'Eglise sont ilz pas une partie de l'Eglise, et faut il pas que les pasteurs et les brebis s'entrereconnoissent les uns et les autres? faut il pas que les brebis entendent la voix du pasteur et le suyvent? faut il pas que le bon pasteur aille rechercher la brebis esgarëe, quil reconnoisse son parc et bercaïl? Ce seroit de vray une belle sorte de pasteurs qui ne sceut connoistre son troupeau ni le voir.

  A001000309 

 C'est le propre de l'Eglise de faire la vraÿe prædication [45] de la Parole de Dieu, la vraye administration des Sacremens; et tout cela est il pas visible? comme donques veut on que le sujet soit invisible?.

  A001000311 

 Comme les Patriarches, peres de la Sinagogue Israelitique, et desquelz Nostre Seigneur est né selon la chair, faysoyent l'eglise [Judaïque] visible, ainsy les Apostres avec leurs disciples, enfans de la Sinagogue selon la chair, et, selon l'esprit, de Nostre Seigneur, donnerent le commencement a l'Eglise Catholique visiblement, selon le Psalmiste: Pour tes peres te sont nais des enfans, tu les constitueras princes sur toute la terre: « pour douze Patriarches te sont nais douze » Apostres, dict Arnobe.

  A001000312 

 Bonté de Dieu, et nous demanderons encores si l'Eglise est visible? Mays qu'est ce que l'Eglise? une assemblëe d'hommes qui ont la chair et les os; et nous dirons encores que ce n'est qu'un esprit ou fantosme, qui sembl'estre visible et ne l'est que par illusion? Non, non, qu'est ce qui vous troubl'en cecy, et d'ou vous peuvent venir ces pensers? Voyes ses mains, regardes ses ministres, officiers et gouverneurs; voyes ses pieds, regardes ses prædicateurs comm'ilz la portent en levant, couchant, mydi et septentrion: tous sont de chair et d'os.

  A001000312 

 La Sinagogue par qui persecutëe? par les Egiptiens, Babiloniens, Madianites, Philistins, tous peuples visibles; l'Eglise, par les payens, Turcs, Mores, Sarrasins, hæretiques, tout est visible.

  A001000312 

 Les anciens quelle manducation religieuse et sacrëe avoyent ilz? de l'aigneau Paschal, de la manne, tout est visible; nous [46] autres, du tressaint Sacrement de l'Eucharistie, signe visible quoy que de chose invisible.

  A001000312 

 Touches la, venes comm'humbles enfans vous jetter au giron de ceste douce mere; voyes la, consideres la bien tout'en son cors comm'ell'est toute belle, et vous verres qu'ell'est visible, car une chose spirituelle et invisible n'a ni chair ni os comme voyes qu' elle a..

  A001000314 

 Premierement, Nostre Seigneur avoit en son humanité deux parties, le cors et l'ame: ainsy l'Eglise son Espouse a deux parties; l'une interieure, invisible, qui est comme son ame, la foy, l'esperance, la charité, la grace; l'autre exterieure et visible comme le cors, la confession de foy, les louanges et cantiques, la prædication, les Sacremens, [le] Sacrifice: ains tout ce qui se faict en l'Eglise a son exterieur et interieur; la priere interieure et exterieure, la foy remplit le cœur d'asseurance et la bouche de confession, la prædication se faict exterieurement par les hommes, mays la secrette [47] lumiere du Pere cæleste y est requise, car il faut tousjours l'ouyr et apprendre de luy avant que de venir au Filz; et quand aux Sacremens, le signe y est exterieur mays la grace est interieure, et qui ne le sçait? Voyla donq l'interieur de l'Eglise et l'exterieur.

  A001000314 

 Son plus beau est dedans, le dehors n'est pas si excellent: comme disoit l'Espoux es Cantiques: Tes yeux sont des yeux de colombe, sans ce qui est caché au dedans; Le miel et le laict sont sous ta langue, c'est a dire en ton cœur, voyla le dedans, et l'odeur de tes vestemens comme l'odeur de l'encens, voyla le service exterieur; et le Psalmiste: Toute la gloire de ceste fille royale est au par dedans, c'est l'interieur, Revestue de belles varietés en franges d'or, voyla l'exterieur..

  A001000315 

 2 nt, il faut considerer que tant l'interieur que l'exterieur de l'Eglise peut estre dict spirituel, mays diversement; car l'interieur est spirituel purement et de sa propre nature, l'exterieur de sa propre nature est corporel, mays parce quil tend et vise a l'interieur spirituel on l'apelle spirituel, comme faict saint Pol les hommes qui rendoyent le cors sujet a l'esprit, quoy quilz fussent corporelz; et quoy qu'une personne soit particuliere de sa nature, si est ce que servant au public, comme [les] juges, on l'apelle publique..

  A001000316 

 Maintenant, si on dict que la loy Evangelique a esté donnée dans les cœurs interieurement, non sur les tables de pierre exterieurement, comme dict Hieremie, on doit respondre, qu'en l'interieur de l'Eglise et dans son cœur est tout le principal de sa gloire, qui ne laysse pas de rayonner jusques a l'exterieur qui la faict voir et reconnoistre; ainsy quand il est dict en l'Evangile, que l'heur'est venüe quand les vrays adorateurs adoreront le Pere en esprit et verité, nous sommes enseignés que l'interieur est le principal, et que l'exterieur est vain s'il ne tend et ne se va rendre dans l'interieur pour s'y spiritualizer..

  A001000317 

 De mesme, quand saint Pierre appelle l'Eglise mayson spirituelle, c'est par ce que tout ce qui part de [48] l'Eglise tend a la vie spirituelle, et que sa plus grande gloire est interieure, ou bien par ce que ce n'est pas une mayson faitte de chaux et sable, mays une mayson mistique de pierres vivantes, ou la charité sert de ciment..

  A001000318 

 La sainte Parole porte que le royaume de Dieu ne vient pas avec observation: le royaume de Dieu c'est l'Eglise; donq l'Eglise n'est pas visible.

  A001000318 

 Responce: Le royaume de Dieu, en ce lieu la, c'est Nostre Seigneur avec sa grace, ou, si vous voules, la compaignie de Nostre Seigneur pendant quil fut au monde, dont il s'ensuit: Car voicy le royaume de Dieu est parmi vous; et ce royaume icy ne comparut pas avec l'apparat et le fast d'une magnificence mondayne, comme les Juifz croyoyent; et puys, comm'on a dict, le plus beau joyau de ceste fille royale est caché au dedans, et ne se peut voir..

  A001000319 

 Quand a ce que saint Pol a dict aux Hebrieux, que nous ne sommes pas venus vers une montaigne maniable, comme celle de Sina, mays vers une Hierusalem cæleste, il ne faict pas a propos pour faire invisible l'Eglise; car saint Pol monstre en cest endroit que l'Eglise est plus magnifique et enrichie que la Sinagogue, et qu'elle n'est pas une montaigne naturelle comme celle de Sina, mays mistique, dont il ne s'ensuit aucune invisibilité: outre ce qu'on peut dire avec rayson quil parle vrayement de la Hierusalem cæleste, c'est a dire de l'Eglise triomphante, dont il y adjouste, la frequence des Anges, comme sil vouloit dire qu'en la vielle Loy Dieu fut veu en la montaigne en une façon espouvantable, et que la nouvelle nous conduit a le voir en sa gloire la haut en Paradis..

  A001000320 

 Aussy voit on l'Eglise, mays non sa sainteté interieure, on voit ses yeux de colombe, mays on croit ce qui est caché au dedans, on voit sa robbe richement recamëe en belle diversité avec ses houppes d'or, mays la plus claire splendeur de sa gloire est au dedans, que nous croyons; il y a en ceste royale Espouse de quoy repaistre l'œïl interieur et exterieur, la foy et le sens, et c'est tout pour la plus grande gloire de son Espoux..

  A001000320 

 En fin, voyci l'argument que chacun crie estre le plus fort: je crois la sainte Eglise Catholique; si je la crois ne la vois pas; donques ell'est invisible.

  A001000326 

 De vray, ceste ruse n'est pas petite, de destourner les yeux spirituelz des gens de l'Eglise militante a la prædestination eternelle, affin qu'esblouÿs a l'esclair de ce mistere inscrutable nous ne voyons pas ce qui est devant nous.

  A001000326 

 Pour rendre l'invisibilité de l'Eglise probable chacun produit sa rayson, mays la plus triviale que je voÿe c'est de s'en rapporter a l'eternelle prædestination.

  A001000326 

 Que si on demande quell'est l'eglise visible, ilz respondent, que c'est l'assemblëe des personnes qui font profession de mesme foy et Sacremens, qui contient les bons et mauvais, et n'est eglise que de nom; et l'eglise invisible est celle qui contient les esleuz seulement, qui, n'estans en la connoissance des hommes, sont seulement reconneuz et veuz de Dieu..

  A001000328 

 Or l'Apostre atteste de ceste vraye Eglise, mayson de Dieu, qu'il y a en icelle des vaisseaux d'honneur, et de contumelie, c'est a dire des bons et des mauvais..

  A001000329 

 Ceux ausquelz on les retient ne sont ilz pas mauvais et reprouvés? ains cela est propre aux reprouvés que leurs pechés soyent retenuz, et l'ordinaire des esleuz quilz leur soyent pardonnés: or, que ceux ausquelz saint Pierre avoit pouvoir de les retenir ou pardonner fussent en l'Eglise, il appert; car de ceux qui ne sont en l'Eglise il n'appartient qu'a Dieu seul d'en juger; ceux, donques, desquelz saint Pierre devoit juger n'estoyent pas hors de l'Eglise mays dedans, quoy quil en deut avoir de reprouvés..

  A001000329 

 N'est ce pas la vraÿe Eglise contre laquelle les portes d'enfer ne prævaudront point? et neantmoins en icelle il y a des hommes qui ont besoin qu'on deslie leurs pechés, et d'autres ausquelz il les faut retenir, comme Nostre Seigneur faict voir en la promesse et puyssance qu'il en donne a saint Pierre.

  A001000330 

 On ne peut icy s'eschapper, l'argument est inevitable; il s'agit d'un nostre frere qui ne soit ni payen ni publicain, mais sous la discipline et correction de l'Eglise, et par consequent membre de l'Eglise, et neantmoins n'est pas inconvenient quil soit reprouvé, acariastre et obstiné.

  A001000331 

 Or cestuyci, encor quil ni demeure pas a jamais, il y demeure neantmoins pour un tems, pendant quil y est retenu pour quelque service..

  A001000331 

 Quand Nostre Seigneur dict: Le serviteur ne demeure pas en la mayson a jamais, le filz y demeure tousjours, n'est ce pas autant que s'il disoit qu'en la mayson de l'Eglise y est l'esleu et le reprouvé pour un tems? car, qui peut estre ce serviteur qui ne demeure pas tousjours en la mayson, que celuy la qui sera jetté une fois es tenebres exterieures? et de faict, il monstre bien que c'est aussy [ce] quil entend, quand il dict immediatement devant: Qui faict peché est serviteur de peché.

  A001000333 

 Judas est il pas reprouvé? et toutefois il fut Apostre et Evesque, selon le Psalmiste, et saint Pierre, [52] qui dict qu' il eut part au ministere de l'apostolat, et tout l'Evangile, qui le met tousjours en conte au college des Apostres.

  A001000333 

 Mays pourquoy me niera-on que les reprouvés et mauvais soyent de la vraÿe Eglise, puysque mesmes ilz y peuvent estre pasteurs et evesques? la chose est certayne.

  A001000334 

 Et tout cecy est semblable a la sainte parole de Nostre Seigneur, qui tient les scribes et pharisiens estre vrais pasteurs de la vraÿe Eglise de ce tems la, puys quil commande qu'on leur obeisse, et neantmoins ne les tient pas pour esleuz ains plustost pour reprouvés.

  A001000334 

 Or quell'absurdité seroit ce, je vous prie, si les seulz esleuz estoyent de l'Eglise? il s'ensuyvroit ce qu'ont dict les Donatistes, que nous ne pourrions pas connoistre nos prælatz, et par consequent ne leur pourrions rendre l'obeissance: car, comme connoistrions nous si ceux qui se diroyent prælatz et pasteurs seroyent de l'Eglise? puysque nous ne pouvons connoistre qui est prædestiné et qui non d'entre les vivans, comm'il se dira ailleurs; et s'ilz ne sont de l'Eglise, comme y peuvent ilz tenir le lieu de chefz? ce seroit bien un monstre des plus estranges qui se peut voir que le chef de l'Eglise ne fut de l'Eglise.

  A001000335 

 Saint Jan faict semblable l'Eglise a l'aire d'une grange, en laquelle est non seulement le grain pour le grenier, mays encores la paille pour estre bruslëe au feu eternel; ne sont ce pas les esleuz et les reprouvés? Nostre Seigneur l'apparie au filet jetté dans la mer, dans lequel on tire et les bons et les mauvais poissons; a la compaignie de dix vierges dont il y en a cinq folles et cinq sages; a trois valetz dont l'un est faineant et partant jetté es tenebres exterieures; et en fin a un festin de noces dans lequel sont entrés et bons et mauvais, et les mauvais n'ayans la robbe convenante sont jettés es tenebres exterieures.

  A001000337 

 Apporteront ilz donques ce qui est escrit aux Cantiques, de l'Espouse, que c'est un jardin fermé, une fontayne ou source cachetëe, un puys d'eau vivante, qu'elle est toute belle et sans aucune tache, ou, comme dict l'Apostre, glorieuse, sans ride, sainte, immaculëe? Je les prie de bon cœur quilz regardent ce quilz veulent conclure de cecy, car silz veulent conclure quil ni doive point avoir en l'Eglise que de saints immaculés, sans ride, glorieux, je leur feray voir avec ces mesmes passages quil ny a en l'Eglise ni esleu ni reprouvé: car, n'est ce pas « la voix humble mais veritable, » comme dict le grand Concile de Trente, « de tous les justes » et esleuz, « remettes nous nos debtes comme nous les remettons a nos debiteurs »? Je tiens saint Jaques pour esleu, et neantmoins il confesse: Nous offençons tous en plusieurs choses; saint Jan nous ferme la bouche et a tous les esleuz, affin que personne ne se vante d'estre sans peché, ains au contraire veut [que] chacun sache et confesse quil peche; je crois que David en son ravissement et extase sçavoit que c'estoit que des esleuz, et neantmoins il tenoit tout homme pour mensonger.

  A001000338 

 Ainsy l'Eglise militante est tousjours glorieuse et victorieuse sur les portes et puyssances infernales, quoy que plusieurs des siens, ou s'esgarant et mettant en desordre, comme vous aves faict, demeurent en pieces et perdus, ou par des autres accidens y sont blessés et y meurent.

  A001000338 

 L'Eglise en cors est toute belle, sainte, glorieuse, et quand aux meurs et quand a la doctrine.

  A001000338 

 L'Espouse a des cheveux et des ongles qui ne sont pas vivantes, quoy qu'elle soit vivante; le senat est sauverain, mais non pas chasque senateur; l'armëe est victorieuse, mays nompas chasque soldat; ell'emporte la bataglie, mays plusieurs soldatz y demeurent mors.

  A001000338 

 Prenes donques l'un'apres l'autre les belles louanges de l'Eglise qui sont semëes es Escritures, et luy en faites une couronne, car elles luy sont bien deües, comme plusieurs maledictions a ceux qui estans en un si beau chemin s'y perdent; c'est un' armëe bien ordonnëe, quoy que plusieurs s'y disbendent..

  A001000339 

 Mays qui ne sçait combien de fois on attribue a tout un cors ce qui n'appartient qu'a l'une des parties? L'Espouse apelle son Espoux blanc et vermeil, mays incontinent elle dict quil a les cheveux noirs; saint Mathieu dict que les larrons qui estoyent crucifiés avec Nostre Seigneur blasphemerent, et ce ne fut que l'un d'eux au rapport de saint Luc; on dict que le lis est blanc, mais il y a du jaune et du verd.

  A001000342 

 Mays quelle difficulté trouve l'on en tout cela? nous confessons que les brebis prædestinëes entendent la voix de leur pasteur, et ont toutes les proprietés qui sont descrittes en saint Jan, ou tost ou tard, mays nous confessons aussy qu'en l'Eglise, qui est la bergerie de Nostre Seigneur, il ni a pas seulement des brebis ains encores des boucz; autrement, pourquoy seroit il dict qu'a la fin du monde, au jugement, les brebis seront separëes, sinon par ce que jusques au jugement, pendant que l'Eglise est en ce monde, ell'a en soy des boucz avec les brebis? certes, si jamais ilz n'avoyent estés ensemble, jamais on ne les separeroit: et puys en fin de conte, si les prædestinés sont apellés brebis aussy le sont bien les reprouvés, tesmoin David: Vostre fureur est courroucëe sur les brebis de vostre parc; [57] J'ay erré comme la brebis qui est perdüe; et ailleurs, quand il dict: O vous qui regentes sur Israel, escoutes, vous qui conduyses Joseph comm' une oüaille: quand il dict Joseph, il entend les Josephois et le peuple Israelitique, parce qu'a Joseph fut donné la primogeniture, et l'aisné baille nom a la race.

  A001000342 

 Nous confessons, donques, quil y a des brebis sauvëes et prædestinëes, desquelles il est parlé en saint Jan, il y en a d'autres damnëes, desquelles il est parlé ailleurs, et toutes sont dans un mesme parc..

  A001000342 

 il accompare Nostre Seigneur: Quasi ovis ad occisionem ductus est; et tout au long du c. 34 d'Ezechiel, ou sans doute tout le peuple d'Israel est apellé brebis, sur lequel David devoit regner.

  A001000343 

 C'est bien autre chose estre a Dieu selon l'eternelle præscience, pour l'Eglise triomphante, et d'estre a Dieu selon la præsente Communion des saintz, pour l'Eglise militante.

  A001000344 

 De mesme ce que saint Jan dict, Ilz sont sortis d'entre nous, mays n'estoyent pas d'entre nous, ne faict rien a propos, car je diray, comme dict sainct Augustin: ilz estoyent des nostres ou d'entre nous numero, et ne l'estoyent pas merito, c'est a dire, comme le mesme Docteur: « Ilz estoyent entre nous et des nostres par la communion des Sacremens, mays selon la particuliere proprieté de leurs vices ilz ne l'estoyent pas; » ilz estoyent ja heretiques en leur ame et de volonté, quoy que selon l'apparence exterieure ilz ne le fussent pas.

  A001000344 

 Et n'est pas a dire que les bons ne soyent avec les mauvais en l'Eglise, ains, au contrayre, comme pouvoient ilz sortir de la compaignie de l'Eglise silz ny estoyent? ilz estoyent sans doute de faict, mais de volonté ilz en estoyent deja dehors..

  A001000345 

 C'est donq chose certayne, que non seulement les esleuz mays les reprouvés encores peuvent estre et sont de l'Eglise, et qui, pour la rendre invisible, ny met que les esleuz, faict comme le mauvais disciple qui, pour ne secourir point son maistre, s'excuse de n'avoir rien apris de son cors mais de son ame.

  A001000345 

 En fin, voicy un argument qui sembl'estre assorti de forme et de figure: « Celuy n'a Dieu pour pere qui n'a l'Eglise pour mere », chose certayne; de mesme, qui n'a Dieu pour pere n'aura point l'Eglise pour mere, tres certain: or est il que les reprouvés n'ont point Dieu pour pere; donques ilz n'ont point l'Eglise pour mere, et par consequent les reprouvés ne sont en l'Eglise.

  A001000345 

 Mays la responce est belle.

  A001000345 

 Que si on veut dire que les reprouvés n'ont point Dieu pour pere par ce quilz ne seront point heritiers, selon la parole de l'Apostre, S'il est filz il est hæritier, nous nierons la consequence; car non seulement les enfans sont en l'Eglise, mays encores les serviteurs, avec ceste difference, que les enfans y demeureront a jamais comm'heritiers, les serviteurs non, mays seront chassés quand bon semblera au Maistre.

  A001000345 

 Qui auroyt les yeux asses clair voyans pour voir l'issue de la course des hommes, verroit bien dans l'Eglise dequoy s'escrier: Plusieurs sont apellés et peu sont esleuz; c'est a dire, plusieurs sont en la militante qui ne seront jamais en la triomphante.

  A001000352 

 On dict donques, pour detraquer le joug de la sainte sousmission qu'on doit a l'Eglise, qu'ell'estoit perie il y a quatre ving et tant d'annëes, morte, ensevelie, et la sainte lumiere de la vraye foy estainte: c'est un blaspheme pur que tout cecy contre la Passion de Nostre Seigneur, contre sa providence, contre sa bonté, contre sa verité..

  A001000353 

 Ignores vous que Nostre Seigneur se soyt acquis l'Eglis'en son sang? et qui pourra la luy lever? [61] penses vous quil soit plus foible que son adversaire? ah, je vous prie, parlons honorablement de ce cappitaine; et qui donques ostera d'entre ses mains son Eglise? peut estre dires vous quil peut la garder mais quil ne veut; c'est donq sa providence, sa bonté, sa verité que vous attaques..

  A001000353 

 Ne sçait on pas la parole de Nostre Seigneur mesme: Si je suys une foys eslevé de terre j'attireray a moy toutes choses? a il pas esté eslevé en la Croix? a il pas souffert? et comme donques auroyt il layssé aller l'Eglise quil avoit attirëe, a vau de route? comm'auroit il lasché ceste prise qui luy avoit costé si cher? Le prince du monde, le diable, avoit il esté chassé avec le saint baston de la Croix pour un tems de trois ou quatre cens ans pour revenir maistriser mill'ans? voules vous evacuer en ceste sorte la force de la Croix? estes vous arbitres de si bonne foy que de vouloir si iniquement partager Nostre Seigneur, et mettre desormays un'alternative entre sa divine bonté et la malice diabolique? Non, non, quand un fort et puyssant guerrier garde sa forteresse tout y est en paix, que si un plus fort survient et le surmonte, il luy leve les armes et le despoüille.

  A001000354 

 La consommation des saintz estoyt elle ja faicte il y a onze cens ou douze cens ans? l'edification du cors mistique de Nostre Seigneur, qui est l'Eglise, avoit elle esté parachevee? Ou cesses de vous apeller ædificateur, ou dites que non; et si elle n'avoit esté achevëe, comme de faict elle ne l'est pas mesme maintenant, pour quoy faites vous ce tort a la bonté de Dieu que de dire quil ayt osté et levé aux hommes ce quil leur avoit donné? C'est une des qualités de la bonté de Dieu que, comme dict saint Pol, ses dons et ses graces sont sans pænitence, c'est a dire, il ne donne pas pour oster.

  A001000354 

 Sa divine providence, des qu'ell'eust creë l'homme, le ciel, la terre, et ce qui est au ciel et a la terre, les conserva et conserve perpetuellement, en façon que la generation du moindre oysillion n'est pas encores estainte; que dirons nous donques de l'Eglise? Tout ce monde ne luy costa de premier marché qu'une simple parole: Il le dict et tout fut faict, et il le conserve avec une perpetuelle et infallible providence; comment, je vous prie, eust il abandonné l'Eglise qui luy coste tout son sang, tant de peynes et travaux? Il a tiré l'Israel de l'Egipte, des desers, de la mer Rouge, de tant de calamités et captivités, et nous croirons quil ayt layssé engolfé le Christianisme en l'incredulité? Il a tant eu de soin de son Agar, et il mesprisera Sara? il a tant favorisé la servante qui devoit estre chassëe hors de la mayson, et n'aura tenu conte de l'Espouse legitime? il aura tant honnoré l'ombre, et il abandonnera le cors? O que ce [62] seroit bien pour neant que tant et tant de promesses auroyent estees faites de la perpetuité de cest'Eglise..

  A001000355 

 C'est de l'Eglise que le Psalmiste chante: Dieu l'a fondëe en eternité; Son trosne (il parle de l'Eglise, trosne du Messie filz de David, en la personne du Pere eternel) sera comme le soleil devant moy, et comme la lune parfaitte en eternité, et le tesmoin fidele au ciel; Je mettray sa race es siecles des siecles et son trosne comme les jours du ciel, c'est a diré, autant que le ciel durera; Daniel l'apelle Royaume qui ne se dissipera point eternellement, l'Ange dict a Nostre Dame que ce royaume n'auroit point de fin, et parle de l'Eglise comme nous le prouvons ailleurs; Isaïe avoit il pas predict en ceste façon de Nostre Seigneur: S'il met et expose sa vie pour le peché il verra une longue race, c'est a dire, de longue durëe? et ailleurs: Je feray un'alliance perpetuelle avec eux; apres: Tous ceux qui les verront (il parle de l'Eglise visible) les connoistront? Mays, je vous prie, qui a baillé charge a Luther et Calvin de revoquer tant de saintes et solemnelles promesses que Nostre Seigneur a faites a son Eglise, de perpetuité? n'est ce pas Nostre Seigneur qui, parlant de l'Eglise, dict que les portes d'enfer ne prevaudront point contr'elle? et comme verifiera-on ceste promesse si l'Eglise a esté abolie mill'ans ou plus? et ce doux adieu que Nostre Seigneur dict a ses Apostres, Ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem seculi, comme l'entendrons nous si voulons dire que l'Eglise puisse perir?.

  A001000356 

 Mays voudrions nous bien casser la belle regle de Gamaliel qui, parlant de l'Eglise naissante, usa de ce discours: Si ce conseil ou cest'œuvre est des hommes elle se dissipera, mays si ell'est de Dieu vous ne sçauries la dissoudre? L'Eglise est ce pas l'œuvre de Dieu? et comment donques dirons nous qu'elle soit dissipëe? Si ce bel arbre ecclesiastique avoit esté planté de main d'homme, j'avoueroys aysement quil pourroit estre arraché, mays ayant esté planté de si bonne main qu'est celle de Nostre Seigneur, je ne sçaurois [63] conseiller a ceux qui entendent crier a tous propos que l'Eglise estoit perie sinon ce que dict Nostre Seigneur: Laisses la ces aveugles, car toute plante que le Pere celeste n'a pas plantée sera arrachëe, mays celle que Dieu a plantëe ne sera point arrachëe..

  A001000357 

 Saint Pol dict que tous doivent estre vivifiés chacun en son ordre; les premices ce sera Christ, puys ceux qui sont de Christ, puys la fin: entre Christ et les siens, c'est a sçavoir, l'Eglise, il ni a rien d'entredeux, car montant au ciel il les a layssés en terre, entre l'Eglise et la fin il ni a point d'entredeux, d'autant qu'elle devoit durer jusques a la fin.

  A001000358 

 Et qui donques sera si osé de dire que cest'Eglise est morte, il accuse la bonté, la diligence et le sçavoir de ce grand reformateur, et qui se croit estre le reformateur ou resuscitateur d'icelle, il s'attribue l'honneur deu a un seul Jesuchrist, et se faict plus qu'Apostre.

  A001000358 

 Mays, je vous prie, si cest'Espouse fut morte apres que du costé de son Espoux endormy sur la Croix ell'eust premierement la vie, si elle fut morte, dis je, qui l'eust resuscitëe? Ne sçait on pas que la resurrection des mors n'est pas moindre miracle que la creation, et beaucoup plus grand que la continuation et conservation? Ne sçait on pas que la reformation de l'homme [est] un bien plus profond mistere que la formation, et qu'en la formation Dieu dict, et il fut faict? il inspira l'ame vivante, et il ne l'eut pas si tost inspirëe que ce celest'homme commença a respirer; mays en la reformation Dieu employa trente trois ans, sua le sang et l'eau, mourut mesme sur ceste reformation.

  A001000358 

 « O voix impudente, » dict saint Augustin contre les Donatistes, « l'Eglise ne sera point par ce que tu ni es point? » Non, non, dict saint Bernard, « les torrens sont venus, les vens ont soufflé et l'ont combattue, elle n'est point tumbëe par ce qu'ell'estoit fondëe sur la pierre, et la pierre estoit Jesus Christ.

  A001000359 

 Et qu'est ce autre chose dire que l'Eglis'a manqué sinon dire que tous nos devanciers sont damnés? ouy, pour vray, car hors la vraÿe Eglise il ni a point de salut, hors de cest'Arche tout le monde se perd.

  A001000360 

 Je veux conclure ceste preuve avec saint Augustin, et parler a vos ministres: « Que nous apportes vous de nouveau? faudra il encor une foys semer la bonne semence, puysque des qu'ell'est semëe elle croit jusqu'à la moysson? Si vous dites estre par tout perdue celle que les Apostres avoyent semëe, nous vous respondons: lises nous cecy es Saintes Escritures, ce que pour vray vous ne lires jamais que premierement vous ne nous monstries estre faux ce qui est escrit, que la semence [65] qui fut semëe au commencement croistroit jusqu'au tems de moyssons.

  A001000360 

 Ne dites pas donques que la bonne semence est abolie ou estouffëe, car elle croit jusques a la consommation du siecle..

  A001000360 

 » La bonne semence ce sont les enfans du Royaume, la zizanie sont les mauvais, la moysson c'est la fin du monde.

  A001000366 

 L'Eglise fut elle pas tout'abolie quand Adam et Eve pecherent? Responce: Adam et Eve n'estoyent pas Eglise, ains le commencement d'Eglise; et n'est pas vray que fut perdue alhors encor qu'ell'eust esté, car ilz ne pecherent pas en la doctrine ni au croire, mais au faire..

  A001000367 

 Aaron, sauverain Prestre, n'adora il pas le veau d'or avec tout son peuple? Responce: Aaron n'estoit encores pas sauverain Prestre ni chef du peuple, ains le fut par apres; et n'est pas vray que tout le peuple idolatrast, car les enfans de Levi n'estoyent ilz pas gens de Dieu? et se joignirent ilz pas a Moyse?.

  A001000368 

 Responce: Helie n'estoit pas seul en Israel homme de bien, puysquil y en avoit 7000 hommes qui ne s'estoient pas abandonné a l'idolatrie, et ce qu'en dict le Prophete n'est que pour mieux exprimer la justice de sa plainte; et n'est pas vray qu'encor que tout Israel eut manqué l'Eglise pourtant eut esté abolie, car Israel n'estoit pas toute l'Eglise, ains en estoit desja separé par le schisme de Hieroboam, et le royaume de Juda en estoit la meilleure et la principale partie; c'est d'Israel non de [66] Juda, aussy, de quoy Azarie prædit quil seroit sans prestre et sacrifice..

  A001000369 

 Qui ne sçait la plainte de David: Il ni a celuy, mesm'un tout seul, qui face bien? et qui ne sçait de l'autre costé quil y eut plusieurs gens de bien de son tems? Ces façons de parler sont frequentes, mays il n'en faut faire conclusion particuliere sur un chacun; davantage, on ne prouve pas par la que la foy eut manqué en l'Eglise, ni que l'Eglise fut morte, car il ne s'ensuit pas, si un cors est par tout malade donques il est mort.

  A001000370 

 Responce: Qui vous dict que sous prætexte de l'Eglise il faille se confier au mensonge? ains, au contraire, qui s'appuÿe au jugement de l'Eglise s'appuÿe sur la colonne et fermeté de verité, qui se fie a l'infallibilité de l'Eglise ne se fie pas au mensonge, si ce n'est mensonge ce qui est escrit: Les portes d'enfer ne prævaudront point contre elle.

  A001000371 

 Est il pas escrit quil faut que la discession et la separation vienne, et que le sacrifice cessera, et qu'a grand peyne le Filz de l'homme trouvera la foy en [67] terre a son second retour visible, quand il viendra juger? Responce: Tous ces passages s'entendent de l'affliction que fera l'Antichrist en l'Eglise les trois ans et demy quil y regnera puyssamment; non obstant cela, l'Eglise durant ces troys ans mesme ne manquera pas, ains sera nourrie et conservëe parmi les desers et solitudes ou elle se retirera, comme dict l'Escriture..

  A001000377 

 I a il homme de jugement au monde qui ne connoisse clairement, quand il lira l'Apocalipse de saint Jan, que ce n'est pas pour ce tems quil est dict que la femme (c'est a dire, l'Eglise) s'en fuit en la solitude?...

  A001000378 

 Ilz tournent a ce biays ce qui est escrit en l'Apocalipse, que la femme s'en fuit en la solitude, et prennent consequence que l'Eglise a esté [68] cachëe et secrette, espouvantëe de la tirannie du Pape, il y a mill'ans, jusqu'a ce qu'elle s'est produicte en Luther et ses adhærens.

  A001000378 

 Je ne veux plus ramener tant de passages ja cottés cy dessus, ou l'Eglis'est dicte semblable au soleil, lune, arc en ciel, a une reyne, a une montaigne aussy grande que le monde, et un monde d'autres; je me contenteray de vous mettr'en teste deux grans colonnelz de l'ancienne Eglise, des plus vallians qui furent onques, saint Augustin et saint Hierosme..

  A001000378 

 Les Anciens avoyent sagement dict que bien sçavoir reconnoistre la difference des tems es Escritures estoyt une bonne regle pour bien les entendre, a faute dequoy les Juifz a tous coupz s'æquivoquent, attribuantz au premier advenement du Messie ce qui est proprement dict du second, et les adversaires de l'Eglise encor plus lourdement, quand ilz veulent faire l'Eglise telle des saint Gregoire jusqu'a cest aage qu'elle doit estre du tems de l'Antichrist.

  A001000379 

 David avoit dict: Le Seigneur est grand et trop plus loüable, en la cité de nostre Dieu, en la sainte montaigne d'iceluy.

  A001000379 

 La pierre taillëe du mont sans œuvre manuelle, n'est ce pas Jesus Christ, descendu de la race des Juifz sans œuvre de mariage? et ceste pierre la ne fracassa elle tous les royaumes de la terre, c'est a dire, toutes les dominations des idoles et dæmons? ne s'accreut elle pas jusqu'a remplir tout l'univers? C'est donq de ce mont quil est dict, præparé sur la cime [des] mons; c'est un mont eslevé sur le sommet de tous les mons, et toutes gens se rendront vers en iceluy.

  A001000379 

 Les Donatistes (les Calvinistes) rencontrent le mont, et [69] quand on leur dict, montés, ce n'est pas une montaigne, ce disent ilz, et plus tost y donnent et l'heurtent du front que d'y chercher une demeure.

  A001000379 

 Qui d'entre vous connoit l'Olimpe? personne, certes, ne plus ne moins que les habitateurs d'iceluy ne sçavent que c'est de nostre mont Chidabbe; ces montz sont retirés en certains quartiers, mays le mont d'Isaïe n'est pas de mesme, car il a remply toute la face de la terre.

  A001000379 

 « C'est la cité, » dict saint Augustin, « mise sur la montaigne, qui ne se peut cacher, c'est la lampe qui ne peut estre celee sous un tonneau, conneüe de tous, a tous fameuse, car il s'ensuit: Le mont Sion est fondé avec grande joÿe de l'univers.

  A001000379 

 » Et de faict, Nostre Seigneur, qui disoit que personne n'allume la lampe pour la couvrir sous un muy, comm'eust il mis tant de lumieres en l'Eglise pour les aller cacher en certains recoins inconneuz? Il poursuit: « Voyci le mont qui remplit l'universelle face de la terre, voyci la cité delaquelle il est dict: La cité ne se peut cacher qui est situëe sur le mont.

  A001000380 

 Mays ja n'advienne que Dieu soit mort pour neant; le puyssant est lié et saccagé, la parole du Pere est accomplie: Demande moy, et je te donneray les gens pour hæritage, et pour ta possession les bornes de la terre.

  A001000380 

 Ou sont, je vous prie, ces gens trop religieux, ains plustost trop prophanes, qui font plus de sinagogues que d'eglises? comme seront destruittes les cittés du diable, et en fin, a sçavoir en la consommation des siecles, les idoles comme seront ilz abbatus? Si Nostre Seigneur n'a point eu de l'Eglise, ou s'il l'a eu en la seule Sardigne, certes il est trop appauvry.

  A001000380 

 Saint Hierosme entre en cest'escarmouche d'un autre costé, qui vous est bien aussy dangereux que l'autre, car il faict voir clairement que ceste dissipation prætendue, ceste retraitte et cachette, abolist la gloire [70] de la Croix de Nostre Seigneur; car, parlant a un schismatique reuni a l'Eglise, il dict ainsy: « Je me rejouys avec toy, et rends graces a Jesus Christ mon Dieu, de ce que tu t'es reduit de bon courage de l'ardeur de fauceté au goust et saveur de tout le monde; et ne dis pas comme quelquesuns: O Seigneur, sauves moy, car le saint a manqué, desquelz la voix impie evacue la Croix de Jesus Christ, assujettit le Filz de Dieu au diable, et le regret que le Seigneur a proferé des pecheurs, il l'entend estre dict de tous les hommes.

  A001000381 

 Et que diroit ce grand personnage de ceux qui non seulement nient qu'ell'aÿe esté generale et universelle, mays dient qu'elle n'estoit qu'en certaines personnes inconneües, sans vouloir determiner un seul petit vilage ou elle fut il y a quattre vingtz ans? n'est ce pas bien avilir les glorieux trophëes de Nostre Seigneur? Le Pere celeste, pour la grand'humiliation et aneantissement que Nostre Seigneur avoit subi en l'arbre de la Croix, avoit rendu son nom si glorieux que tout genou se devoit plier en sa reverence, mays ceux cy [71] ne prisent pas tant la Croix ni les actions du Crucifix, ostant de ce conte toutes les generations de mill'ans.

  A001000381 

 Le Pere luy avoit donné en heritage beaucoup de gens, par ce quil avoit livré sa vie a la mort, et avoyt esté mis au rang des meschans hommes et voleurs, mays ceux cy luy amaigrissent bien son lot, et roignent si fort sa portion qu'a grand peyne durant mill'ans aura il eu certains serviteurs secretz, ains n'en aura du tout point eu; car je m'addresse a vous, o devanciers, qui porties le nom de Chrestien, et qui aves estés en la vraye Eglise: ou vous avies la vraye foy, ou vous ne l'avies pas; si vous ne l'avies pas, o miserables, vous estes damnés, et si vous l'avies, pourquoy la celies vous aux autres? que n'en laissies vous des memoyres? que ne vous opposies vous a l'impieté, a l'idoletrie? ou si vous ne sçavies pas que Dieu a recommandé a un chacun son prochain? certes, On croit de cœur pour la justice, mays qui veut obtenir le salut il faut faire la confession de sa foy, et comme pouvies vous dire, J'ay creu, et par ce j'ay parlé? O miserables encores, qui ayant un si beau talent l'aves caché en terre; si ainsy est, vous estes es tenebres extérieures.

  A001000388 

 Mays quelle plus dommageable et temerayre persuasion pouvoyent ilz faire au Christianisme que cellela? Si donques l'Eglise peut errer, o Calvin, o Luther, a qui auray je recours en mes difficultés? a l'Escriture, disent ilz: mays que feray je, pauvr'homme? car c'est sur l'Escriture mesme ou j'ay difficulté; je ne suys pas en doute s'il faut adjouster foy a l'Escriture ou non, car qui ne sçait que c'est la parole de verité? ce qui me tient en peyne c'est l'intelligence de cest'Escriture, ce [73] sont les consequences d'icelle, lesquelles estans sans nombre, diverses et contraires sur un mesme sujet, ou qu'un chacun prend parti qui en l'une qui en l'autre, et que de toutes il ny en a qu'une salutaire, ah, qui me fera connoistre la bonne d'entre tant de mauvaises? qui me fera voir la vraye verité au travers de tant d'apparentes et masquëes vanités? Chacun se voudroit embarquer sur le navire du Saint Esprit, il ny en a qu'un, et celuy la seul prendra port, tout le reste court au naufrage; ah, quel danger de mesprendre: l'egale ventance et asseurance des patrons en deçoit la plus part, car tous se ventent d'en estre les maistres.

  A001000389 

 Mays qui considerera le tesmoignage que Dieu a donné pour l'Eglise, si authentique, il verra que dire, l'Eglise erre, n'est autre sinon dire, Dieu erre, ou se plaict et veut qu'on erre, qui seroit un grand blaspheme: car, n'est ce pas Nostre Seigneur qui dict: Si ton [frere] a peché (contre toy), dis le a l'Eglise; que si quelqu'un n'entend l'Eglise, quil te soit comme ethnique [74] et peager? Voyes vous comme Nostre Seigneur nous renvoÿe a l'Eglise en nos differens, et quelz qu'ilz soyent? mays combien plus es injures et differens plus importans? certes, si je suys obligé, apres l'ordre de la correction fraternelle, d'aller a l'Eglise pour fayre amander un vicieux qui m'aura offencé, combien plus seray je obligé d'y deferer celuy qui apelle toute l'Eglise Babilone, adultere, idolatre, mensongere, parjure? d'autant plus principalement qu'avec ceste sienne malveillance il pourra desbaucher et infecter tout'une province, le vice d'heresie estant si contagieux que comme chancre il se va tousjours traynant plus avant pour un tems.

  A001000389 

 Que si elle peut errer, ce ne sera plus moy, ou l'homme, qui nourrira cest erreur au monde, ce sera nostre Dieu mesme qui l'authorisera et mettra en credit, puysqu'il nous commande d'aller a ce tribunal pour y ouyr et recevoir justice: ou il ne sçait pas ce que s'y faict, ou il nous veut decevoir, ou c'est a bon escient que la vraÿe justice s'y administre, et les sentences sont irrevocables.

  A001000390 

 C'est le mesme que saint Pol enseigne, quand il appelle l'Eglise colomne et fermeté de verité.

  A001000390 

 Ell'est bien tellement asseurëe et ferme que toutes les portes d'enfer, c'est a dire toutes les forces ennemies, ne sçauroient s'en rendre maistresses; et ne seroit ce pas place gaignëe pour l'ennemy si l'erreur y entrait, es choses qui sont pour l'honneur et le service du Maistre? Nostre Seigneur est le chef de l'Eglise; a on point d'honte d'oser dire que le cors d'un chef si saint soit adultere, prophane, corrompu? et qu'on ne die pas que ce soit de l'Eglise invisible, car s'il y a point: d'Eglise visible (comme je l'ay monstré cy dessus) [76] Nostre Seigneur en est le chef; oyes saint Pol: Et ipsum dedit caput supra omnem ecclesiam, non sur un'eglise de deux que vous imagines, mais sur tout'Eglise.

  A001000390 

 Il parle de l'Eglise visible, car ou adresserait il son Timothëe pour converser? il l'apelle mayson de Dieu; ell'est donq bien fondëe, bien ordonnee, bien couverte contre tous orages et tempestes d'erreur: ell'est colomne et fermeté de la verité; la verité donques est en icelle, ell'y loge, ell'y demeure, qui la cherch'ailleurs la pert.

  A001000390 

 L'escorce de la lettre n'est ni verité ni faulseté, mays selon le sens qu'on luy baille ell'est veritable ou faulse.

  A001000390 

 La verité donques consiste au sens, qui est comme la mouelle, et partant, si l'Eglis'estoit gardienne de la verité, le sens de l'Escriture luy auroit esté remis en garde, il le faudroit chercher chez elle, et non en la cervelle de Luther, ou Calvin, ou de quelque particulier; dont elle ne pourroit errer, ayant tousjours le sens des Escritures.

  A001000390 

 Mays dites moy, si l'Eglise a en garde les Escritures, pourquoy est ce que Luther les prit et les porta hors d'icelle? et pourquoy est ce que vous ne prenes de ses mains aussy bien les Macabbëes, l'Ecclesiastique et tout le reste comme l'Epistr'aux Hebrieux? car elle proteste d'avoir aussy cherement en garde les uns que les autres.

  A001000390 

 N'est ce pas a dire que la verité est soustenue fermement en l'Eglise? ailleurs la verité n'est soustenue que par intervales, ell'en tumbe souvent, mays en l'Eglise ell'y est sans vicissitude, immuablement, sans chanceler; bref, stable et perpetuelle.

  A001000390 

 Respondre que saint Pol veut dire que l'Escriture a esté remise en garde a l'Eglise, et rien plus, c'est trop ravaler la similitude quil propose, car c'est bien autre chose, soustenir la verité, que, garder l'Escriture.

  A001000391 

 Je conclus, donques, que quand nous voyons que l'Eglise universelle a esté et est en creance de quelqu'article, soyt que nous le voyons expres en l'Escriture, soyt quil en soit tiré par quelque deduction, ou bien par Tradition, nous ne devons aucunement conteroller ni disputer ou douter sur iceluy, ains prester l'obeissance et l'hommage a ceste celeste Reyne que Nostre Seigneur commande, et regler nostre foy a ce niveau.

  A001000397 

 Calvin se voudroit bien couvrir par une distinction, disant que l'Eglise peut errer en choses non necessaires au salut, non es autres, mays Beze confesse librement qu'ell'a tant erré [77] qu'elle n'est plus Eglise; et cela n'est ce pas errer en choses necessaires au salut? mesme quil avoüe qu'hors l'Eglise il ni a point de salvation.

  A001000397 

 Et dict de Beze quil a apris ceste façon de parler de ceux qui l'ont instruict en sa religion prætendue, c'est a dire, de Calvin; et de vray, si Calvin pensoit que l'Eglise Romayne n'eust pas erré es choses necessaires a salut il eust eu tort de s'en separer, car y pouvant faire son salut, et y estant le vray Christianisme, il eust esté obligé d'y demeurer pour son salut, lequel ne pouvoit estr'en deux lieux differentz..

  A001000397 

 Il s'ensuit donques de son dire, quoy quil se tourne et contourne de tous costés, que l'Eglis'a erré es choses necessaires a salut: car, si hors l'Eglise on ne trouve point de salut, et l'Eglise a tant erré qu'elle n'est plus Eglise, certes en elle ni a point de salut; or est il qu'elle ne peut perdre le salut que se destournant des choses necessaires a salut, ell'a donq failly en choses necessaires a salut: autrement, ayant ce qui est necessaire a salut elle seroit la vraÿe Eglise, ou on se sauveroit hors la vraÿe Eglise, qui ne se peut.

  A001000398 

 Mays on ne se peut eschapper de ce costé la: car, quell'Eglise i avoit il au monde il y a deux cens, trois cens, quatre cens et cinq cens ans, sinon l'Eglise Catholique Romayne, toute telle qu'ell'est a præsent? il ni avoit point d'autre sans doute; donques, c'estoit la vraÿe Eglise et neantmoins erroit, ou il ni avoit point de vraÿe Eglise au monde: et en ce cas la encores est il contraint d'avoüer que cest aneantissement estoit venu par erreur intolerable et en choses necessaires a salut, car, quand a ceste dissipation de fideles et secrett'Eglise quil cuyde produire, j'en ay desja asses faict voir la vanité cy devant; outre ce que quand ilz confessent que l'Eglise visible peut errer, ilz violent l'Eglise a laquelle Nostre Seigneur nous adresse en nos difficultés, et que saint Pol apelle colomne et pilier de verité, car ce n'est [78] que de la visible delaquelle s'entendent ces tesmoignages, sinon qu'on voulut dire que Nostre Seigneur nous eust renvoyé a parler a une chose invisible, imperceptible et du tout inconneüe, ou que saint Pol enseignat son Timothëe a converser en un'assemblëe delaquelle il n'eut aucune connoissance..

  A001000398 

 On me dira peut estre que de Beze dict bien que l'Eglise Romayne qui est aujourdhuy erre en choses necessaires, et que partant il s'en est separé, mays quil ne dict pas que la vraÿe Eglise ait jamais erré.

  A001000399 

 Mays n'est ce pas violer tout le respect et la reverence deüe a ceste Reyne espouse du Roy celeste, d'avoir ramené sur ses terres quasi toutes les troupes que cy devant, avec tant de sang, de sueurs et de travaux, ell'avoyt par solemnelle punition bannies et chassées de ses confins, comme rebelles et conjurées ennemyes de sa coronne, j'entens, d'avoir remis sus pied tant d'heresies et fauses opinions que l'Eglise avoit condamnees comme entreprenans la sauverayneté sur l'Eglise, absoulvans ceux qu'ell'a condamnés, condamnés ceux qu'ell'avoit absoutz? Voyci des exemples..

  A001000407 

 Le recit en est faict par [80] le Concile Gangrense, in præfatione, ou pour ces raysons il fut anathematisé et condamné.

  A001000408 

 Quand au premier trait, voyes de Beze en son traitté Des marques de l'Eglise; quand au second, n'est il pas d'accord avec ceste tant celebre sentence de Luther, que de Beze tient pour tresglorieux reformateur: Vides quam dives sit homo Christianus sive baptizatus, qui etiam volens non potest perdere salutem suam, quantiscumque peccatis, nisi nolit credere?.

  A001000411 

 6; le second et troysiesme est trop trivial parmi vous pour en dir'autre chose..

  A001000411 

 Quand au premier, c'est vostr'ordinaire langage, et celuy de Calvin in Antidoto, sess.

  A001000413 

 Les Messaliens mesprisoyent les ordres sacrés, les eglises et les autelz, comme dict saint Damascene, Hær. 80; Ignatius (apud Theodoretum, Dialogo 3, qui dicitur Impatibilis ): Eucharistias et oblationes non admittunt, quod non confiteantur Eucharistiam esse carnem Servatoris nostri Jesu Christi, quæ pro peccatis nostris passa est, quam Pater benignitate suscitavit; contre lesquelz a escrit saint Martial, [81] Epistola ad Burdegalenses.

  A001000415 

 Ah, je vous prie, n'est ce pas fouler aux pieds la majesté de l'Eglise, que de produyre comme reformations et reparations necessaires et saintes, ce qu'ell'a tant abominé lhors qu'elle estoit en ses plus pures annëes, et qu'ell'avoyt terrassé comm'impieté, ruyne et degast de la vraÿe doctrine? L'estomac delicat de ceste celeste Espouse n'avoit pieça peu soustenir la violence de ces venins, et l'avoit rejetté avec tel effort que plusieurs veynes de ses Martirs en estoyent esclattëes, et maintenant vous le luy repræsentes comm'une præcieuse medecine.

  A001000415 

 Imagines vous donques ceste [82] venerabl'antiquité, au ciel au tour du Maistre, qui regardent vos reformatoyres: ilz y sont allés combattans les opinions que les ministres adorent, ilz ont tenuz pour hæretiques ceux dont vous suyves les pas; penses vous que ce quilz ont jugé erreur, hæresie, blaspheme es Arriens, Manicheens, en Judas, ilz le trouvent maintenant sainteté, reformation, restauration? Qui ne voit que c'est icy le plus grand mespris qu'on peut fair'a la majesté de l'Eglise? Si vous voules venir a la succession de la vraye et sainte Eglise de ces premiers siecles, ne contrevenes donq pas a ce qu'ell'a si sollemnellement establi et constitué.

  A001000424 

 C'est de l'Eglise que saint Pol dict a son cher Thimotee, 3: Ut scias quomodo oporteat te conversari in domo Dei, quæ est Ecclesia, columna et firmamentum veritatis; c'est d'icelle que David dict: Beati qui habitant in domo tua Domine; c'est d'elle que l'Ange dict: Regnabit in domo Jacob in æternum; c'est d'elle que Nostre Seigneur: In domo Patris mei mansiones multæ sunt, Simile est regnum cælorum homini patrifamilias, Mat.

  A001000424 

 Combien de fois et en combien de lieux, l'Eglise, tant militante que triomphante, et au Viel et au Nouveau Testament, soit appellëe mayson et famille, il me semblerait tems perdu d'en vouloir faire recherche, puisque cela est tant commun es Escritures que ceux qui les ont leües n'en douteront jamais, et qui ne les a leües, incontinent quil les lira, il trouvera quasi par tout ceste façon de parler.

  A001000425 

 12: Omnis civitas vel domus divisa contra se non stabit. Jamais une province ne peut estre bien gouvernëe d'elle mesme, principalement si ell'est grande.

  A001000425 

 Je vous demande, Messieurs les clair voians, qui ne voules pas qu'en l'Eglise il y ait un chef, me sçauries vous donner exemple de quelque gouvernement d'apparence auquel tous les gouvernemens particuliers ne se soyent rapportés a un? Il faut laisser a part les Macedoniens, Babiloniens, Juifz, Medes, Perses, Arabes, Siriens, François, Espagnolz, Anglois, et un'infinité des plus remarquables, esquelles la chose est claire.

  A001000425 

 Mays ce Maistre et Pere de famille, s'en allant a la dextre de Dieu son Pere, ayant laissé plusieurs serviteurs en sa mayson, il voulut en laisser un qui fust serviteur en chef, et auquel les autres se rapportassent; ainsy dict Nostre Seigneur: Quis putas est servus fidelis et prudens, quem constituit Dominus super familiam suam? Et de vray, sil ni avoit un maistre valet en une boutique, penses comme le trafiq iroit, sil ni avoit un roy en un roiaume, un paron en un navire, et un pere de famille en une famille, et de vray ce ne seroit plus une famille; mays escoutes Nostre Seigneur, S t Mat.

  A001000425 

 Mays supposé, ce qui est tres faux, que quelque province particuliere se fust gouvernee d'elle mesme, comment est ce qu'on le pourroit dire de l'Eglise Chrestienne, laquelle est si universelle qu'elle comprend tout le monde? comment pourroit elle estre une si elle se gouvernoit d'elle mesme? autrement, il faudroit tousjours avoir un concile debout de toutes les eveschés, et qui l'advoera? il faudroit que tous les Evesques fussent tousjours absens, et comme se pourroit faire cela? Et si tous les Evesques estoient pareilz, qui les assembleroit? Mays quelle peyne serait ce, quand on aurait quelque doute en la foy, de fayre assembler un concile? Il ne se peut nullement donques fayre, que toute l'Eglise, et chasque partie d'icelle, se gouverne elle mesme sans se rapporter l'une a l'autre..

  A001000425 

 Ores, l'Eglise estant une mayson et famille, le maistre d'icelle il ne faut pas douter quil ni en a qu'un seul, Jesuchrist, ainsy est elle appellëe mayson de Dieu.

  A001000426 

 Mais non; ce n'est ni une province, ni une ville, ni une simple et perpetuelle assemblee, c'est un seul homme chef, constitué sur toute l'Eglise: Fidelis servus et prudens, quem constituit Dominus..

  A001000426 

 Ou c'est une province, ou une ville, ou un'assemblee, ou un particulier: si c'est une province, ou est elle? ce n'est pas l'Angleterre, car quand ell'estoit Catholique, ou [lui trouvez-vous ce droit? si vous proposez une autre province,] ou sera elle? et pourquoy plustost celle la qu'un'autre? outre ce que pas une province n'a jamais demandé ce privilege.

  A001000426 

 Si c'est une ville, il faut que ce soit l'une des patriarchales: ores, des patriarchales il ni en a que cinq, Rome, Antioche, Alexandrie, Costantinople et Hierusalem; laquelle des cinq? toutes sont payennes fors Romme.

  A001000426 

 Si donques ce doit estre une ville, c'est Romme, si un'assemblee, c'est celle de Romme.

  A001000433 

 Ce qu'estant ainsy, je vous dis que ce serviteur general, ce dispensateur et gouverneur, ce maistre valet de la maison de Nostre Seigneur, c'est saint Pierre, lequel a rayson de cela peut bien dire: O Domine, quia ego servus; et non pas seulement servus, mais doublement, quia qui bene præsunt duplici honore digni sunt; et non seulement servus tuus, mais encores filius ancillæ tuæ.

  A001000433 

 Quand on a quelque serviteur de race, a celluyla on se fie davantage, et luy baille on volontier les clefz de la maison; donques non sans cause j'introduis saint Pierre, disant, O Domine, etc., car il est serviteur bon et fidelle auquel, comme a serviteur de race, le Maistre a baillé les clefz: Tibi dabo claves regni cælorum.

  A001000433 

 Saint Luc nous monstre bien que saint Pierre est ce serviteur, car, apres avoir raconté que Nostre Seigneur avoit dict par advertissement a ses disciples: Beati servi quos cum venerit Dominus invenerit vigilantes; amen, dico vobis, quod præcinget se, et faciet illos discumbere, et transiens ministrabit illis, saint Pierre seul interrogea Nostre Seigneur: Ad nos dicis hanc parabolam an et ad omnes? Nostre Seigneur, respondant a saint Pierre, ne dict pas: Qui putas erunt fideles, comm'il avoit [dit] beati servi, mais, Quis putas est dispensator fidelis et prudens, quem constituit Dominus super familiam suam ut det illis in tempore tritici mensuram? Et de faict, Theophylacte dict que saint Pierre fit ceste demande comme ayant la supresme charge de l'Eglise, et saint Ambroise, l. 7.

  A001000434 

 Ainsy saint Pierre est appellé Pierre sur laquelle l'Eglise est fondëe: Tu es Cephas, et super hanc petram: or est il que cephas veut dire en siriac une pierre, aussi bien que sela en hebreu, mais l'interprete latin a dict Petrus, pour ce qu'en grec il y a Petros, qui veut aussi bien dire pierre comme petra; et Nostre Seigneur, en saint Mathieu, 7, dict que l'homme sage faict sa mayson et la fonde sur le rocher, supra petram: en quoy le diable, pere de mensonge, singe de Nostre Seigneur, a voulu faire certaine imitation, fondant sa malheureuse heresie principalement en un diocese de saint Pierre, et en une Rochelle.

  A001000434 

 De plus, Nostre Seigneur demande que ce serviteur soit prudent et fidele, et saint Pierre a bien ces deux conditions: car, la prudence comme luy peut elle manquer, puysque ni la chair ni le sang ne le gouverne poinct, mais le Pere celeste? et la fidelité comme luy pourroit elle fallir, puysque Nostre Seigneur [dit]: Rogavi pro te ut non deficeret fides tua? lequel il faut croire que exauditus est pro sua reverentia, de quoy il donne bien bon tesmoignage quand il adjouste, Et tu conversus confirma fratres tuos, comme s'il vouloit dire: j'ay prié pour toy, et partant sois confirmateur des [88] autres, car pour les autres je n'ay pas prié sinon quilz eussent un refuge asseuré en toy..

  A001000434 

 Et de vray, si nous voulons un peu espelucher ceste parabole, qui peut estre le serviteur qui doit donner le froment sinon saint Pierre, auquel la charge de nourrir les autres a estëe donnëe: Pasce oves meas? Quand le maistre de la maison va dehors, il donne les clefz au maistre valet et œconome, et n'est ce pas a saint Pierre auquel Nostre Seigneur a dict: Tibi dabo claves regni cælorum? Tout se rapporte au gouverneur, et le reste des officiers s'appuyent sur iceluy, quand a l'authorité, comme tout l'edifice sur le fondement.

  A001000440 

 Concluons donques quil falloit, que Nostre Seigneur abandonnant son Eglise quand a son estre corporel et visible, il laissast un lieutenant et vicaire general visible, et cestuy ci c'est saint Pierre, dont il pouvoit bien [dire]: O Domine, quia ego servus tuus.

  A001000440 

 Vous me dires, ouy, mais Nostre Seigneur n'est pas mort, et d'abondant il est toujours avec son Eglise, pourquoy donques luy bailles vous un vicaire? Je vous respons que n'estant pas mort il n'a poinct de successeur, mais seulement un vicaire, et d'abondant, quil assiste vrayement a son Eglise en tout et par tout de sa faveur invisible, mais, affin de ne faire pas un cors visible sans un chef visible, il luy a encores voulu assister en la personne d'un lieutenant visible, par le moyen duquel, outre les faveurs invisibles, il administre perpetuellement son Eglise en maniere et [forme] convenable a la suavité de sa disposition..

  A001000441 

 Vous me dires encores, quil ni a poinct d'autre fondement que Nostre Seigneur en l'Eglise: Fundamentum aliud nemo potest ponere præter id quod positum est, quod est Christus Jesus.

  A001000442 

 Il dict in fundamentis, a cause qu'encores les autres Apostres estoyent fondements de l'Eglise: Et murus civitatis, dict l'Apocalipse, habens fundamenta duodecim, et in ipsis duodecim, nomina duodecim Apostolorum Agni, et ailleurs, Fundati super fundamenta Prophetarum et Apostolorum, ipso summo lapide angulari Christo Jesu, et le Psalmiste, Fundamenta ejus in montibus sanctis; mais entre tous il y en a un lequel par excellence et superiorité est apellé pierre et fondement, et c'est celuy auquel Nostre Seigneur a dict: Tu es Cephas, id est, Lapis..

  A001000443 

 Escoutes saint Mathieu; il dict que Nostre Seigneur y jettera une pierre esprouvëe: quelle preuve voules vous autre que cellela, Quem dicunt homines esse Filium hominis? question difficile, a laquelle saint Pierre, expliquant le secret et ardu mistere de la communication des idiomes, respond si pertinement que rien plus, et faict preuve quil est vrayement pierre, disant, Tu es Christus, Filius Dei vivi..

  A001000445 

 Il est donq angulaire in fundamento fundatum, fondé sur le fondement; il sera fondement mais non pas premier, car il i aura ja un autre fondement, Ipso summo lapide angulari Christo.

  A001000451 

 Vous estes si esloignés de vouloir reconnoistre un chef universel, que mesme vous n'aves point de chef provincial; les ministres sont autant parmi vous l'un que l'autre, et n'ont aucune prerogative au Consistoire, ains sont inferieurs, et en science et en voix, au president qui n'est pas ministre.

  A001000452 

 Au contraire, il y a une Eglise au monde, vraye et legitime, qui a un chef visible, il n'y en a point qui en aye un que la nostre, la nostre donques seule est la vraye Eglise.

  A001000452 

 La vraye Eglise doit avoir un chef visible en son gouvernement et administration, la vostre n'en a point, donques la vostre n'est pas la vraye Eglise.

  A001000458 

 Dieu est en son saint lieu, il rend sa maison peuplee de personnes de mesme sorte et intelligence; donques la vraye Eglise de Dieu doit estre unie, liee, jointe et serree ensemble en une mesme doctrine et creance.

  A001000458 

 Jesus Christ, est il divisé? Non, pour vray, car il est Dieu de paix non de dissention, comme saint Pol enseignoit par toutes les eglises.

  A001000458 

 L'Eglise n'est qu'un cors, duquel tous les fidelles sont membres, jointz et liés ensemble par toutes les jointures; il n'y a qu'une foy et un esprit qui anime ce cors.

  A001000464 

 C'est ce qui nous tient tous parés d'une mesme livree de creance, car, sçachant qu'il y a un chef et lieutenant general en l'Eglise, ce qu'il resoult et determine avec l'advis des autres Prelatz, lhors qu'il est assis sur la chaire de saint Pierre pour enseigner le Christianisme, sert de loy et de niveau a nostre creance.

  A001000464 

 C'est « le commencement de l'unité de prestrise, » c'est « le lien d'unité, » ce dict saint Cyprien; « Nous n'ignorons pas, » [dit] il encores, « qu'il y a un Dieu, qu'un Christ et Seigneur, lequel nous avons confessé, un Saint Esprit, un Evesque en l'Eglise Catholique.

  A001000464 

 Donques en ceste unique chaire, qui est la premiere des prerogatives, fut assis premierement saint Pierre.

  A001000464 

 » « C'est la mere de la dignité sacerdotale, » ce disoit Julius premier.

  A001000466 

 Les Puritains en Angleterre tiennent comme article de foy qu'il n'est pas loysible de precher, baptizer, prier, es eglises qui ont esté autrefois aux Catholiques, mais on n'est pas si despiteux de deça: mais notes que j'ay dict qu'ilz le tiennent pour article de foy, car ilz souffrent et les prisons et les bannissemens plustost que de s'en desdire.

  A001000466 

 Les huguenotz françois tiennent que selon la Parole de Dieu les prestres ne sont pas moindres que les Evesques; les Anglois ont des Evesques qui commandent aux prestres, et entre eux, deux Archevesques, dont l'un est appellé Primat, nom auquel Calvin veut si grand mal.

  A001000466 

 Ne sçaves pas que l'un de vos plus grans ministres dict a Poissy que le Cors de Nostre Seigneur estoit « aussi loin de la cene que la terre du ciel »? et ne sçaves pas encores que cela est tenu pour faux par plusieurs des autres? l'un de vos maistres n'a il pas confessé dernierement la realité du Cors de Nostre Seigneur en la cene, et les autres la nient ilz pas? Me pourres vous nier, qu'au fait de la [95] justification vous soyes autant divisés entre vous autres comme vous Testes d'avec nous? tesmoin l' Anonyme disputateur.

  A001000467 

 Ce grand Prince est digne de foy, et il raconte cecy pour y avoir esté present.

  A001000467 

 Certes, la division qui est entre vous au nombre des Sacremens [est remarquable]: maintenant, communement, parmi vous on ne met que deux Sacremens; Calvin en a mis trois, adjoustant au baptesme et cene, l'ordre; Luther y met la penitence pour troisiesme puys dit qu'il n'y en a qu'un; en fin les protestans au colloque de Ratisbonne, auquel se trouva Calvin, tesmoin Beze en sa Vie, confesserent qu'il [y] avoit sept Sacremens.

  A001000467 

 Ceux qui sont divisés en plusieurs partis ne peuvent estre appellés du nom d'Eglise, parce que, comme dict saint Chrisostome, « le nom d'Eglise est un nom de consentement et concorde.

  A001000467 

 En l'article de la toute puissance de Dieu, comment est ce que vous y estes divisés? pendant que les uns nient qu'un cors puisse estre, voire par la vertu divine, en deux lieux, les autres nient toute puissance absolue, les autres ne nient rien de tout cela.

  A001000467 

 L'Escriture ne peut estre vostre arbitre, car c'est de l'Escriture mesme dequoy vous estes en proces, voulans les uns l'entendre d'une façon, les autres de l'autre.

  A001000467 

 Mays le pis est que vous ne vous sçauries accorder; car, ou prendres vous un arbitre asseuré? Vous n'aves point de chef en terre pour vous addresser a luy en vos difficultés; vous croyes que l'Eglise mesme peut s'abuser et abuser les autres; vous ne voudries mettre vostre ame en main si peu asseuree, ou vous n'en tenes pas grand conte.

  A001000467 

 Que si je voulois vous monstrer les grandes contrarietés qui sont en la doctrine de ceux que de Beze reconnoit tous pour glorieux reformateurs de l'Eglise, a sçavoir, Hierosme de Prague, Jehan Hus, Wiclef, Luther, Bucer, Œcolampade, Zuingle, Pomeran et les autres, je n'aurois [96] jamais faict: Luther seul vous instruira asses de la bonne concorde qui est entre eux, en la lamentation qu'il faict contre les Zuingliens et Sacramentaires, qu'il appelle Absalons, et Judas, et espritz svermeriques, l'an mil cinq cens vingt sept.

  A001000467 

 Toute ceste division a son fondement au mespris que vous faites d'un chef visible en terre, car, n'estans point liés pour l'interpretation de la Parole de Dieu a aucune superieure authorité, chacun prend le parti que bon luy semble: c'est ce que dit le Sage, que les superbes sont tousjours en dissention, qui est une marque de vraye heresie.

  A001000468 

 Ceste unité de langage est en nous un vray signe que nous sommes l'armee du Seigneur, et vous ne pouves estre reconneus que pour Madianites, qui ne faites en vos opinions que criailler et hurler chacun a sa mode, chamailler les uns sur les autres, vous entr'esgorgeans et [97] massacrans vous mesmes par vos dissentions, ainsy que dict Dieu par Isaïe: Les Egyptiens choqueront contre les Egyptiens, et l'esprit d'Egypte se rompra: et saint Augustin dict que « comme Donatus avoit tasché de diviser Christ, ainsy luy mesme par une journelle separation des siens estoit divisé en luy mesme.

  A001000468 

 Nous sonnons tous au ton de la trompette d'un seul Gedeon, et avons tous un mesme esprit de foy au Seigneur et a son lieutenant, l'espee des decisions de Dieu et de l'Eglise, selon la parole des Apostres, Visum est Spiritui Sancto et nobis.

  A001000468 

 » Ceste seule Marque vous doit faire quitter vostre pretendue eglise, car, qui n'est avec Dieu est contre Dieu; Dieu n'est point en vostre eglise, car il n'habite point qu'en lieu de paix, et en vostre eglise il n'y a ni paix ni concorde..

  A001000474 

 Elle est sainte ençores parce que l'Esprit qui la vivifie est saint, et parce qu'elle est le cors mistique d'un chef qui est tres saint.

  A001000474 

 Elle l'est encores parce que toutes ses actions interieures et exterieures sont saintes; elle ne croit, ni espere, ni ayme que saintement; en ses prieres, predications, Sacremens, Sacrifice, elle est sainte.

  A001000474 

 L'Eglise de Nostre Seigneur est sainte: c'est un article de foy.

  A001000474 

 La sainteté interieure ne se peut voir; l'exterieure ne peut servir de Marque, parce que toutes les sectes s'en vantent, et qu'il est mal aysé de reconnoistre la vraye priere, predication et administration des Sacremens.

  A001000474 

 Mais ceste Eglise a sa sainteté interieure, selon la parole de David, Toute la gloire de ceste fille royale est au dedans; elle a encores sa sainteté exterieure, en franges d'or environnee de [98] belles varietés.

  A001000474 

 Nostre Seigneur s'est donné pour elle, affin de la sanctifier; c'est un peuple saint, dict saint Pierre; l'Espoux est saint, et l'Espouse sainte; elle est sainte estant dediee a Dieu, ainsy que les aisnés en l'ancienne Sinagogue furent appellés saintz, pour ce seul respect.

  A001000480 

 L'Eglise, donques, a le lait et le miel sous sa langue, en son cœur, qui est la sainteté interieure laquelle nous ne pouvons voir; elle est richement paree d' une belle robbe bien recamee et brodee a varietés, qui est la sainteté exterieure laquelle se peut voir.

  A001000482 

 Or sus, l'Eglise doit elle pas tousjours combattre l'infidelité? et pourquoy donques luy voudries vous oster ce bon baston que Dieu luy a mis en main? Je sçay bien qu'elle n'en a pas tant de necessité qu'au commencement; apres que la sainte plante de la foy a prins bonne racine on ne la doit pas si souvent arrouser; mais aussi, vouloir lever en tout l'effect, la necessité et cause demeurant en bonne partie, c'est tres mal philosopher..

  A001000489 

 Informations prinses deüement et authentiquement, on trouve que, sous le commencement de ce siecle, saint François [101] de Paule a fleuri en miracles indubitables, comme est la ressuscitation des mortz; on en trouve tout autant de saint Diegue d'Alcala: ce ne sont pas bruitz incertains, mais preuves assignees, informations prinses..

  A001000492 

 Ainsy se font les miracles es Indes ou la foy n'est encores du tout affermie; desquelz je laisse un monde, pour me tenir en la briefveté que je dois..

  A001000495 

 Alhors donq, par l'opposition de vrays miracles, les illusions de l'Antichrist seront descouvertes, et comme Moïse fit en fin confesser aux magiciens de Pharaon, Digitus Dei est hic, ainsy Helie et Enoch feront en fin que leurs ennemis dent gloriam Deo cœli.

  A001000495 

 Or sus, que dires vous a cecy? dires vous que l'Antichrist fera des miracles? Saint Pol atteste qu'ilz seront faux, et pour le plus grand que saint Jan produit, c'est qu'il fera descendre le feu du ciel.

  A001000496 

 Les merveilles de l'Antichrist ne seront qu'une bouttade de trois ans et demy, mais les miracles de l'Eglise luy sont tellement propres que des qu'elle est fondee elle a tousjours esté reluisante en miracles; en l'Antichrist les miracles seront forcement, et ne dureront pas, mais en l'Eglise ilz y sont naturellement en sa surnaturelle nature, et partant ilz sont tousjours, et tousjours l'accompagnent, pour verifier la parole, ces signes suivront ceux qui croiront..

  A001000497 

 Ainsy « Quelques merveilles se sont faictes », dict saint Augustin, « chez les payens »: non pas pour preuve du paganisme, mays de l'innocence, de la virginité et fidelité, laquelle, ou qu'elle soit, est aymee et prisee de Dieu son autheur.

  A001000497 

 Or ces merveilles ne se sont faites que rarement; donques on n'en peut rien conclure: les nuees jettent quelques fois des esclairs, mays ce n'est que le soleil qui a pour marque et pour proprieté d'esclairer..

  A001000497 

 Que si Vespasien a gueri un aveugle et un boiteux, les medecins mesmes, au recit de Tacitus, trouverent que c'estoit un aveuglement et une perclusion qui n'estoyent pas incurables; ce n'est donques pas merveille si le diable les sceut guerir.

  A001000498 

 L'Eglise a tousjours esté accompagnee de miracles solides et bien asseurés, comme ceux de son Espoux, donques c'est la vraye Eglise; car, me servant en cas pareil de la rayson du bon Nicodeme, je diray: Nulla societas potest hæc signa facere quœ hæc facit, tam illustria aut tam constanter, nisi Dominus fuerit cum illa; et comme disoit Nostre Seigneur aux disciples de saint Jan, Dicite, cæci vident, claudi ambulant, surdi audiunt, pour monstrer qu'il estoit le Messie, ainsy, oyant qu'en l'Eglise se font de si solemnelz miracles, il faut conclure que vere Dominus est in loco isto..

  A001000499 

 Il est aysé aux apprentifz d'un mestier de s'equivoquer en leur premier essay; on faict souvent courir certains bruitz parmi vous pour entretenir le simple peuple en haleyne, mais n'ayans point d'autheur ne doivent avoir point d'authorité: outre ce que, au chassement du diable, il ne faut tant regarder ce qui se faict, comme il faut considerer la façon et la forme comme on le faict; si c'est par oraisons legitimes et invocations du nom de Jesus Christ.

  A001000499 

 Puys, une hirondelle ne faict pas le printems; c'est la suite perpetuelle et ordinaire des miracles qui est Marque de la vraye Eglise, non accident: mais ce seroit se battre avec l'ombre et le vent, de refuter ce bruit, si lasche et si debile que personne n'ose dire de quel costé il est venu..

  A001000499 

 Vous me confesseres que ce n'est pas de vostre mestier de faire des miracles, ni de chasser les diables; une fois il reussit mal a l'un de vos grans maistres qui s'en vouloit mesler, ce dict Bolsec: Illi de mortuis vivos suscitabant, ce dict Tertullien, [105] isti de vivis mortuos faciunt.

  A001000500 

 Toute la responce que j'ay veüe chez vous, en ceste extreme necessité, c'est qu'on vous faict tort de vous demander des miracles: aussi faict on, je vous promets; c'est se mocquer de vous, comme qui demanderoit a un mareschal qu'il mist en œuvre une emeraude ou diamant.

  A001000501 

 Mays quand vous dites que vous n'aves besoin de miracles parce que vous ne voules establir une foy nouvelle, dites moy donq encores si saint Augustin, saint Hierosme, saint Gregoire, saint Ambroise et les autres preschoyent une nouvelle doctrine, et pourquoy donq se faisoit il tant de miracles et si signalés comme ilz produisent? Certes, l'Evangile estoit mieux receu au monde qu'il n'est maintenant, il y avoit de plus excellens pasteurs, plusieurs martyres et miracles avoyent precedé, mays l'Eglise ne laissoit pas d'avoir encores ce don des miracles, pour un plus grand lustre de la tres [106] sainte Religion.

  A001000502 

 Que si elle s'en veut vanter davantage, on luy imposera silence avec ces saintes paroles: Si filii Abrahæ estis, opera Abrahæ facite: la vraye Eglise des croyans doit tousjours estre suivie de miracles, il n'y a point d'Eglise en nostre aage qui en soit suivie que la nostre, la nostre donques seule est la vraye Eglise..

  A001000502 

 Que si vous voulies dire qu'alhors elle estoit plus nouvelle que maintenant, je vous respondrois, qu'une si notable interruption comme est celle que vous pretendes, de 900 ou mille ans, rend ceste monnoye si estrange que si on n'y voit en grosses lettres les caracteres ordinaires, l'inscription et l'image, nous ne la recevrons jamais.

  A001000508 

 La prophetie est un tres grand miracle, qui consiste en la certaine connoissance que l'entendement humain a des choses sans experience ni aucun discours naturel, par l'inspiration surnaturelle; et partant, tout ce que j'ay dit des miracles en general doit estre employé en cecy: mays, outre cela, le prophete Joël predict qu' au dernier tems, c'est a dire, au tems de l'Eglise evangelique, comme interprete saint Pierre, Nostre Seigneur [108] respandroit sur ses serviteurs et servantes de son Saint Esprit, et qu'ilz prophetiseroient; comme Nostre Seigneur avoit dict: Ces signes suivront ceux qui croiront.

  A001000509 

 Jesus Christ, montant aux cieux, il a mené la captivité captive, il a donné des dons aux hommes; car il a donné les uns pour apostres, les autres pour prophetes, les autres pour evangelistes, les autres pour pasteurs et docteurs: l'esprit apostolique, evangelique, pastoral et doctoral est tousjours en l'Eglise, et pourquoy luy levera on encores l'esprit prophetique? c'est un parfum de la robbe de ceste Espouse..

  A001000509 

 L'Ange dict, en l'Apocalipse, que le tesmoignage de Nostre Seigneur c'est l'esprit de prophetie: or, ce tesmoignage de l'assistance de Nostre Seigneur n'est pas seulement donné pour les infidelles, mais principalement pour les fidelles, ce dict saint Pol; comme donques diries vous que Nostre Seigneur l'ayant donné une fois a son Eglise il le luy leva par apres? le principal sujet pour lequel il luy a esté concedé y est encores, donques la concession dure tousjours.

  A001000515 

 Le tesmoignage de Nostre Seigneur c'est l'esprit de prophetie..

  A001000516 

 Calvin a voulu, ce semble, prophetiser, en la preface sur son Catechisme de Geneve, mais sa prediction est tellement favorable pour l'Eglise Catholique, que quand nous en aurons l'effect nous sommes contens de le tenir pour tel quel prophete.

  A001000516 

 Ores, ou sont vos prophetes? et si vous n'en aves point, croyes que vous n'estes pas du cors pour l'edification duquel Nostre Seigneur [les] a laissés, au dire de saint Pol; aussi, Le tesmoignage de Nostre Seigneur c'est l'esprit de prophetie.

  A001000522 

 Le Filz de l'homme n'a pas lieu ou il puisse reposer sa teste; il a esté tout pauvre pour nous enrichir; il vivoit d'aumosnes, dict saint Luc: Mulieres aliquæ ministrabant ei de facultatibus suis; en deux Psalmes qui touchent proprement sa personne, comme interpretent saint Pierre et saint Pol, il est appellé mendiant; quand il envoye prescher ses Apostres, il les enseigne, Nequid tollerent in via nisi virgam tantum, et qu'ils ne portassent ni pochette, ni pain, ni argent a la ceinture, mays chaussés de sandales, et qu'ilz ne fussent affeublés [111] de deux robbes.

  A001000523 

 Au reste, je dis cecy pour vostre prouffit; non pour vous mettre des laqs, mais [pour] ce qui est honneste, et qui vous facilite le moyen de servir Dieu sans empeschemens.

  A001000523 

 C'est cela mesmie qui avoit esté predict par Isaïe: Que l'eunuque ne dise point, voicy je suis un arbre sec, parce que le Seigneur dict ainsy aux eunuques: qui garderont mes Sabbatz, et choisiront ce que je veux, et tiendront mon alliance, je leur bailleray, en ma mayson et en mes murailles, une place et un nom meilleur que les enfans et les filles, je leur bailleray un nom sempiternel qui ne perira point. Qui ne voit icy que l'Evangile va justement joindre a la prophetie? Et en l'Apocalipse, ceux qui chantoyent un cantique nouveau, qu'autre qu'eux ne pouvoit dire, c'estoyent ceux qui ne s'estoyent point souillés avec les femmes, parce qu'ilz estoyent vierges; ceux la suivent l'Aigneau ou qu'il aille.

  A001000523 

 C'est icy ou se rapportent les exhortations de saint Pol: Il est bon a l'homme de ne toucher point la femme.

  A001000523 

 Or je dis â qui n'est pas marié, et aux vefves, qu'il leur sera bon de demeurer ainsy, comme moy.

  A001000523 

 Voicy la rayson: Qui est sans femme, il est soigneux des choses du Seigneur, comme il plaira a Dieu, mais qui est avec sa femme, il a soin des choses du monde, comme il agreera a sa femme, et est divisé; et la femme non mariee et la vierge pensent aux choses du Seigneur, pour estre saintes de cors et d'esprit, mais celle qui est mariee pense aux choses mondaines, comme elle [112] plaira a son mary.

  A001000524 

 En fin, la tres humble obeissance de Nostre Seigneur, qui est si particulierement notee es Evangiles, non seulement a son Pere, a laquelle il estoit obligé, mays a saint Joseph, a sa Mere, a Cesar auquel il paya le tribut, et a toutes creatures, en sa Passion, pour l'amour de nous: Humiliavit semetipsum, factus obediens usque ad mortem, mortem autem crucis.

  A001000524 

 Et l'humilité qu'il monstre d'estre venu enseigner, quand il dict: Le Filz de l'homme n'est pas venu pour estre servi, mays pour servir.

  A001000524 

 Il veut que nous apprenions de luy l'humilité, et il s'humilioit, non seulement a qui il estoit inferieur entant qu'il portoit [113] la forme de serviteur, mais encores a ses inferieurs mesmes; il desire donques que, comme il s'est abaissé non jamais contre son devoir mais outre le devoir, ainsy nous obeissions volontairement a toutes creatures pour l'amour de luy: il veut que nous renoncions a nous mesmes par son exemple, mais il a renoncé si fermement a sa volonté qu'il s'est sousmis a la croix mesme, et a servi ses disciples et serviteurs, tesmoin celuy qui le trouvant estrange luy disoit: Non lavabis mihi pedes in æternum.

  A001000524 

 Ne sont ce pas des perpetuelles repliques et expositions de ceste tant douce leçon, Apprenes de moy que je suis debonnaire et humble de courage? et de ceste autre, Si quelqu'un veut venir apres moy, qu'il renonce a soy mesme, qu'il prenne sa croix tous les jours, et qu'il me suive? Qui garde les commandemens il renonce asses a soy mesme pour estre sauvé, c'est bien asses s'humilier pour estre exalté, mais d'ailleurs il reste une autre obeissance, humilité et renoncement de soy mesme, auquel l'exemple et les enseignemens de Nostre Seigneur nous invitent.

  A001000525 

 Mays pourquoy? Nostre Seigneur le declaire: Qui pot est capere capiat.

  A001000525 

 Saint Pol le monstre plus clairement: Hoc, ce dit il, ad utilitatem vestram dico: Je dis cecy pour vostre prouffit; non pour vous dresser des pieges et laqs, mais pour vous inciter a ce qui est honneste, et qui vous donne aysance et facilité de servir Dieu et l'honnorer sans empeschement.

  A001000526 

 Nostre Seigneur ne fut pas plus tost monté au ciel, qu'entre les Chrestiens chacun vendoit son bien et apportoit le prix aux pieds des Apostres; et saint Pierre, pratiquant la premiere regle, disoit: Aurum et argentum non est mihi.

  A001000527 

 Saint Denis, en son Ecclesiastique Hierarchie, raconte que les Apostres ses maistres appelloient les religieux de son tems therapeutes, c'est a dire, serviteurs ou adorateurs, pour le special service et culte qu'ilz faisoyent a Dieu, ou moynes, a cause de l'union a Dieu en laquelle ilz s'avançoyent.

  A001000528 

 Potitianus, gentilhomme africain, revenant de la cour de l'Empereur, raconta a saint Augustin qu'en Egypte il y avoit un grand nombre de monasteres et religieux, qui representoyent une grande douceur et simplicité en leurs mœurs, et comme il y avoit un monastere a Milan, hors ville, garni d'un bon nombre de religieux, vivans en grande union et fraternité, desquels saint Ambroise, Evesque du lieu, estoit comme abbé; il leur raconta aussi, qu'aupres de la ville de Treves il y avoit un monastere de bons religieux, ou deux courtisans de l'Empereur s'estoyent rendus moynes, et que deux jeunes damoiselles, qui estoyent fiancees a ces deux courtisans, ayans ouÿ la resolution de leurs espoux, voüerent pareillement a Dieu leur virginité, et se retirerent du monde pour vivre en religion, pauvreté et chasteté: c'est saint Augustin qui faict ce recit.

  A001000529 

 Nostre Seigneur a faict coucher en ses Escritures ces advertissemens et conseilz de chasteté, pauvreté et obeissance, il les a prattiqués et faict prattiquer en son Eglise naissante; toute l'Escriture et [117] toute la vie de Nostre Seigneur n'estoit qu'une instruction pour l'Eglise, l'Eglise donques devoit en faire son prouffit, ce devoit donques estre un des exercices de l'Eglise que ceste chasteté, pauvreté et obeissance ou renoncement de soy mesme; item, l'Eglise a tousjours faict cest exercice en tous tems et en toutes saisons, c'est donques une de ses proprietés: mays a quel propos tant d'exhortations si elles n'eussent deu estre prattiquees? La vraye Eglise donques doit reluire en la perfection de la vie Chrestienne; non ja que chacun en l'Eglise soit obligé de la suivre, il suffit qu'elle se trouve en quelques membres et parties signalees, affin que rien ne soit escrit ni conseillé en vain, et que l'Eglise se serve de toutes les pieces de la Sainte Escriture..

  A001000535 

 L'Eglise qui est a present, suivant la voix de son Pasteur et Sauveur, et le chemin battu des devanciers, loue, approuve et prise beaucoup la resolution de ceux qui se rangent a la prattique des conseilz evangeliques, desquelz elle a un tres grand nombre.

  A001000536 

 Je sçay, quelques ministres y ont esté, mais ilz sont allés avec appointement humain, lequel quand il leur a failli, ilz s'en sont revenus sans faire autre, parce qu'un singe est tousjours singe; mais les nostres y sont demeurés en perpetuelle continence, pour feconder l'Eglise de ces nouvelles plantes, en extreme pauvreté, pour enrichir ces peuples du traffiq evangelique, et y sont mortz en esclavage, pour mettre ce monde la en liberté chrestienne..

  A001000537 

 Que si, au lieu de faire vostre prouffit de ces exemples et conforter vos cerveaux a la suavité d'un si saint parfum, vous tournes les yeux devers certains lieux ou la discipline monastique est du tout abolie, et n'y a plus rien d'entier que l'habit, vous me contraindres de dire que vous cherches les cloaques et voiries, non les jardins et vergers.

  A001000537 

 Que voules vous? le Maistre y avoit semé la bonne semence, mais l'ennemy y a sursemé la zizanie; cependant l'Eglise, au Concile de Trente, y avoit mis bon ordre, mais il est mesprisé par ceux qui le devoient mettre en execution, et tant s'en faut que les docteurs Catholiques consentent a ce malheur, qu'ilz tiennent estre grand peché d'entrer en ces monasteres ainsy desbordés.

  A001000538 

 Au moins, ne m'en sçauries vous monstrer aucun essay ni bonne volonté parmi vous autres, ou jusques aux ministres chacun se marie, chacun trafique pour assembler des richesses, personne ne reconnoist autre superieur que celuy que la force luy faict advoüer; signe evident que ceste pretendue eglise n'est pas celle pour laquelle Nostre Seigneur a presché, et tracé le tableau de tant de beaux exemples: car, si chacun se marie, que deviendra l'advis de saint Pol, Bonum est homini mulierem non tangere? si chacun court a l'argent et aux possessions, a qui s'addressera la parole de Nostre Seigneur, Nolite thesaurizare vobis thesauros in terra, et l'autre, Vade, vende omnia, da pauperibus? si chacun veut gouverner a son tour, ou se trouvera la prattique de ceste si solemnelle sentence, Qui [120] vult venire post me abneget semetipsum? Si donq vostre eglise se met en comparaison avec la nostre, la nostre sera la vraye Espouse, qui prattique toutes les paroles de son Espoux, et ne laisse pas un talent de l'Escriture inutile; la vostre sera fause, qui n'escoute pas la voix de l'Espoux, ains la mesprise: car il n'est pas raisonnable que, pour tenir la vostre en credit, on rende vaine la moindre syllabe de l'Escriture, laquelle, ne s'addressant qu'a la vraye Eglise, seroit vaine et inutile si en la vraye Eglise on n'employoit toutes ses pieces..

  A001000545 

 comme les fourbeurs et chaudronniers, car le reste du monde nous appelle Catholiques; que si on y adj ouste Romaine, ce n'est sinon pour instruire les peuples du siege de l'Evesque qui est Pasteur general et visible de l'Eglise, et ja du tems de saint Ambroise, ce n'estoit autre chose estre Romains de communion qu'estre Catholiques..

  A001000546 

 Le nom de Religion est commun a l'eglise des Juifz et des Chrestiens, a l'ancienne Loy et a la nouvelle; le nom de Catholique c'est le propre de l'Eglise de Nostre Seigneur; le nom de reformee est un blaspheme contre Nostre Seigneur, qui a si bien formé et sanctifié son Eglise en son sang, qu'elle ne devoit jamais subir autre forme que d' espouse toute belle, de colomne et fermeté de verité.

  A001000546 

 On peut reformer les peuples et particuliers, mais non l'Eglise ni la Religion, car, si elle estoit Eglise et Religion elle estoit bien formee, la difformation s'appelle heresie et irreligion; la teinture du sang de Nostre Seigneur est trop vive et fine pour avoir besoin de nouvelles couleurs: vostre eglise donques, s'appellant reformee, quitte sa part a la formation que le Sauveur y avoit faitte.

  A001000546 

 Pour vray, si saint Augustin vivoit maintenant, il se tiendroit en nostre Eglise laquelle, de tems immemorable, est en possession du nom de Catholique.

  A001000546 

 Voyla donques les noms nouveaux que ces reformateurs advoüent les uns pour les autres; vostre eglise, donques, n'ayant pas seulement le nom de Catholique, vous ne pouves dire en bonne conscience le Symbole des Apostres, ou vous vous juges vous mesmes, qui, confessans l'Eglise Catholique et universelle, persistes en la vostre qui ne l'est pas.

  A001000552 

 L'Eglise pour estre Catholique doit estre universelle en tems, et pour estre universelle en tems il faut qu'elle soit ancienne; l'ancienneté donques est une proprieté de l'Eglise, et en comparaison des heresies elle doit estre plus ancienne et precedente, parce que, comme dict tres bien Tertullien, la fauseté est une corruption de verité, la verité donques doit preceder.

  A001000552 

 La bonne semence est semee devant l'ennemy, qui a sursemé la zizanie bien apres; Moyse devant Abiron, Datan et Coré; les Anges devant les diables; Lucifer fut debout au jour avant qu'il cheut es tenebres eternelles; la privation doit suivre la forme.

  A001000552 

 Saint Jan dict des heretiques: Ilz sont sortis de nous, ilz estoyent donques dedans avant que de sortir; la sortie, c'est l'heresie, l'estre dedans, la fidelité.

  A001000558 

 « Vous nous confesses, et n'oseries faire autrement, que pour un tems l'Eglise Romaine fut Sainte, Catholique, Apostolique: lhors qu'elle merita ces saintes loüanges de l'Apostre: Vostre foy est annoncee par tout le monde.

  A001000559 

 Et certes, ce seroit grand cas si les historiens, qui ont esté si curieux de remarquer jusques aux moindres mutations des villes et peuples, eussent oublié la plus notable de toutes celles qui se peuvent faire, qui est de [124] la religion, en la ville et province la plus signalee du monde, qui est Rome et l'Italie.

  A001000559 

 Je vous prie, Messieurs, si vous sçaves quand nostre Eglise commença l'erreur pretendu, dites le nous franchement, car c'est chose certaine que, comme dict saint Hierosme, Hæreses ad originem revocasse, refutasse est.

  A001000559 

 Remontons le cours des histoires jusqu'au pied de la Croix, regardons deça et dela, nous ne verrons jamais, en pas une saison, que ceste Eglise Catholique ait changé de face, c'est tousjours elle mesme en doctrine et en Sacremens..

  A001000560 

 Voules vous que je cotte par le menu comment, par quelz succes et actions, par quelles forces et violences, ceste reformation s'empara de Berne, Geneve, Lausanne et autres villes? quelz troubles et lamentations elle a engendrés? vous ne prendries pas playsir a ce recit, nous le voyons, nous le sentons: en un mot, vostre eglise n'a pas 80 ans, son autheur est Calvin, ses effectz, le malheur de nostre aage.

  A001000561 

 Or, si Tertullien, ja de son tems, atteste que les Catholiques debouttoyent les heretiques par leur posteriorité et nouveauté, quand l'Eglise mesme n'estoit qu'en son adolescence ( Solemus, disoit il, hæreticos, compendii gratia, de posterioritate præscribere ), combien plus d'occasion avons nous maintenant? Que si l'une de nos deux eglises doit estre la vraye, ce tiltre demeurera a la nostre qui est tres ancienne, et a vostre nouveauté, l'infame nom d'heresie.

  A001000567 

 L'heresie des Nicolaïtes est ancienne, mais non universelle, car elle n'a duré que bien peu, et comme une bourrasque qui semble vouloir deplacer la mer puys tout a coup se perd en elle mesme, et comme un champignon, qui naist en quelque mauvaise vapeur, en une nuict comparoist et en un jour se perd, ainsy toutes heresies, pour anciennes qu'elles ayent esté, se sont esvanouies, mais l'Eglise dure perpetuellement..

  A001000568 

 Ignores vous que Nostre Seigneur se soit acquis l'Eglise en son sang? et qui pourra la luy lever, et oster d'entre ses mains? Peut estre dires vous qu'il peut [126] la garder mais qu'il ne veut; c'est donq sa providence que vous accuses..

  A001000568 

 Ne sçait on pas la parole de Nostre Seigneur: Si je suis une fois eslevè de terre j'attireray toutes choses a moy? a il pas esté levé en croix? et comme donques auroit il laissé aller l'Eglise qu'il avoit attiree, a vau de route? comme auroit il lasché ceste prise qui luy avoit costé si cher? Le diable, prince du monde, avoit il esté chassé avec le saint baston de la Croix pour un tems de trois ou quatre cens ans, pour par apres revenir maistriser mille ans? voules vous evacuer en ceste sorte la force de la Croix? voules vous si iniquement partager Nostre Seigneur, et mettre une alternative entre luy et le diable? Pour vray, quand un fort et puissant guerrier garde sa forteresse tout y est en paix, que si un plus fort survient et le surmonte, il luy leve les armes et le despouille.

  A001000569 

 La consommation des saintz estoit elle ja faicte il y a onze cens ans? l'edification du cors mistique de Nostre Seigneur, qui est l'Eglise, avoit elle esté parachevee? Ou cesses de vous appeller edificateurs, ou dites que non; et si elle n'avoit esté achevee, pourquoy faites vous ce tort a la bonté de Dieu, que dire qu'il ayt osté et levé aux hommes ce qu'il leur avoit donné? Les dons et graces de Dieu sont sans penitence, c'est a dire, il ne les donne pas pour oster.

  A001000570 

 C'est de l'Eglise que le Psalmiste chante: Dieu l'a fondee en eternité; Son trosne (il parle de l'Eglise, trosne du Messie) ser a comme le soleil devant moy, et comme la lune parfaitte en eternité, et le tesmoin fidele au ciel; Je mettray sa race es siecles des siecles; Daniel l'appelle Royaume qui ne se dissipera point eternellement; l'Ange dict a Nostre Dame que ce royaume n'aura point de fin; Isaïe dict de Nostre Seigneur: S'il met et expose sa vie pour le peche il verra une longue race; et ailleurs: Je feray une alliance perpetuelle avec eux; ceux qui les verront les connoistront..

  A001000571 

 N'est ce pas Nostre Seigneur qui, parlant de l'Eglise, a dict que les portes d'enfer ne prevaudront point contre elle, et qui promit a ses Apostres, pour eux et leurs successeurs, Voyci que je suis avec vous jusques [127] a la consommation du siecle? Si ce conseil, dict Gamaliel, ou ceste œuvre est des hommes elle se dissipera, mays si elle est de Dieu vous ne sçauries la dissoudre: l'Eglise est œuvre de Dieu, qui donques la dissipera? Laisses la ces aveugles, car toute plante que le Pere celeste n'a pas plantee sera arrachee, mays l'Eglise a esté plantee de Dieu et ne peut estre arrachee..

  A001000573 

 Si ceste Espouse fust morte apres qu'elle eut receu la vie du costé de son Espoux endormi sur la Croix, si elle fust morte, dis je, qui l'eust resuscitee? La resurrection d'un mort n'est pas moindre miracle que la création: en la creation Dieu dict, et il fut faict, il inspira l'ame vivante, et si tost qu'il l'eut inspiree l'homme commença a respirer; mays Dieu voulant reformer l'homme il employa trente trois ans, sua le sang et l'eau, et mourut sur l'œuvre.

  A001000573 

 » « Non, non, » dict saint Bernard, « les torrens sont venus, les vens ont soufflé et l'ont combattue, elle n'est point tombee, parce qu'elle estoit fondee sur la pierre, et la pierre estoit Jesus Christ.

  A001000575 

 « Que nous dites vous de nouveau? » dict saint Augustin, « faudra il encores une fois semer la bonne semence, puysque des qu'elle est semee elle croist jusqu'a la moisson? Que si vous dites que celle que les Apostres avoyent semee est par tout perdue, nous vous respondrons, lises nous cecy es Saintes Escritures, et vous ne le lires jamais que vous ne rendies faux ce qui est escrit, que la semence qui fut semee au commencement croistroit jusqu'au tems de moissonner.

  A001000575 

 » La bonne semence ce sont les en fans du Royaume, la zizanie sont les mauvais, la moisson c'est la fin du monde.

  A001000578 

 Ce sont donques certaines expressions et demonstrations vehementes, accoustumees es propheties, qui ne doivent [se] verifier sinon en general pour un grand desbordement, comme quand David disoit: Non est qui faciat bonum, et saint Pol: Omnes quærunt quæ sua sunt..

  A001000578 

 Ni quand Helie se lamentoit d'estre seul; car, il ne parle que d'Israël, et Juda estoit la meilleure et principale partie de l'Eglise: et ce qu'il dict n'est qu'une façon de parler pour mieux exprimer la justice de sa plainte, car au reste il y avoit encores sept mille hommes qui ne s'estoyent encores point abandonnés a l'idolatrie.

  A001000585 

 Je vous diray, comme j'ay dict cy dessus, montres moy une dizaine d'annees, des que Nostre Seigneur est monté au ciel, en laquelle nostre Eglise n'ayt esté: ce qui vous garde de sçavoir dire quand nostre Eglise a commencé, c'est parce qu'elle a tousjours duré.

  A001000586 

 Elle estoit, ce me dira peut estre quelqu'un, mais inconneüe: bonté de Dieu, qui ne dira le mesme? Adamites, Anabaptistes, chacun entrera en ce discours; j'ay ja monstré que l'Eglise militante n'est pas invisible, j'ay monstré qu'elle est universelle en tems, je vais monstrer qu'elle ne peut estre inconneüe..

  A001000586 

 Or, quant a vostre eglise, supposons ce gros mensonge pour verité, qu'elle ayt esté du tems des Apostres, si ne sera elle pas pourtant l'Eglise Catholique: car, la Catholique doit estre universelle en tems, elle doit donques tousjours durer; mais dites moy ou estoit vostre eglise il y a cent, deux cens, trois cens ans, et vous ne le sçauries faire, car elle n'estoit point; elle n'est donques pas la vraye Eglise.

  A001000590 

 Comme donques osent ilz transporter ceste Escriture a une intelligence si contraire a ses propres circonstances? Au contraire, l'Eglise est dicte semblable au soleil, a la lune, a l'arc en ciel, a une reyne, a une montaigne aussi grande que le monde: elle ne peut donques estre secrette ni cachee, mays doit estre universelle en son estendue..

  A001000590 

 Ilz tournent a ce biais ce qui est escrit en l'Apocalipse, que la femme s'enfuit en la solitude, dont ilz prennent occasion de dire que l'Eglise a esté cachee et secrette jusqu'a ce qu'elle s'est produicte en Luther et ses adherens.

  A001000590 

 Les Anciens disoyent sagement que sçavoir bien la difference des tems estoit un bon moyen d'entendre bien les Escritures, a faute dequoy les Juifz [errent,] entendant du premier avenement du Messie ce qui est bien souvent dict du second, et les ministres encor plus lourdement, quand ilz veulent faire l'Eglise telle des saint Gregoire [131] en ça qu'elle doit estre au tems de l'Antichrist.

  A001000591 

 David avoit dict: Le Seigneur est grand et trop plus loüable, en la cité de nostre Dieu, en la sainte montaigne d'iceluy. « C'est la cité, » dict saint Augustin, « assise sur la montaigne, qui ne se peut cacher, c'est la lampe qui ne peut estre couverte sous un tonneau, conneüe et celebre a tous, car il s'ensuit: Le mont Sion est fondé avec grande joye de l'univers.

  A001000591 

 La pierre taillee du mont sans œuvre manuelle, n'est ce pas Jesus Christ, descendu de la race des Juifz sans œuvre de mariage? et ceste pierre la ne fracassa elle pas tous les royaumes de la terre, c'est a dire, toutes les dominations des idoles et demons? ne s'accreut elle pas jusqu'a remplir le monde? C'est donq de ce mont qu'il est dit, preparé sur la cime des mons; c'est un mont eslevé sur le sommet des mons, et toutes gens se rendront vers iceluy.

  A001000591 

 Les Donatistes rencontrent le mont, et quand on leur dict, montés, ce n'est pas une montaigne, ce disent ilz, et plustost y choquent du front que d'y chercher une demeure.

  A001000591 

 Qui d'entre vous connoit l'Olimpe? personne, certes, ne plus ne moins que les habitateurs d'iceluy ne sçavent que c'est de nostre mont Chidabbe; ces montz sont retirés en certains quartiers, mays le mont d'Isaïe n'est pas de mesme, car il a rempli toute la face de la terre.

  A001000591 

 Qui se perd et s'esgare de ce mont? qui choque et se casse la teste en iceluy? qui ignore la cité mise sur le mont? mays non, ne vous esmerveilles pas qu'il soit inconneu a ceux cy qui haïssent les freres, qui haïssent l'Eglise, car, par ce, vont ilz en tenebres et ne sçavent ou ilz vont, ilz se sont separés du reste de l'univers, ilz sont aveugles de mal talent »: c'est saint Augustin qui a parlé..

  A001000592 

 Mays ja n'advienne que Dieu soit mort pour neant, le puissant est lié et saccagé, la parole du Pere est accomplie: Demande moy, et je te donneray les gens pour heritage, et les bornes de la terre pour ta possession.

  A001000592 

 Ou sont, je vous prie, ces gens trop religieux, ains plustost trop prophanes, qui [133] font plus de sinagogues que d'eglises? comme seront destruittes les cités du diable, et les idoles comme seront ilz abattus? Si Nostre Seigneur n'a point eu d'Eglise, ou s'il l'a eue en la seule Sardigne, certes il est trop appauvri.

  A001000593 

 Et que diroit ce grand personnage s'il vivoit maintenant? N'est ce pas bien avilir le trophee de Nostre Seigneur? le Pere celeste, pour la grande humiliation et aneantissement que son Filz subit en l'arbre de la Croix, avoit rendu son nom si glorieux que tous genoux se devoient plier en la reverence d'iceluy, et parce qu'il avoit livré sa vie a la mort, estant mis au rang des meschans et voleurs, il avoit en heritage beaucoup de gens; mays ceux cy ne prisent pas tant les passions du Crucifix, levans de sa portion les generations de mille annees, si que a peyne durant ce tems il ait eu quelques serviteurs secretz, qui en fin ne seront qu'hypocrites et meschans; car je m'addresse a vous, o devanciers, qui porties le nom de Chrestiens, et qui aves esté en la vraye Eglise: ou vous avies la foy, ou vous ne l'avies pas; si vous ne l'avies pas, o miserables, vous estes damnés, et si vous l'avies, que n'en laissies vous des memoires, que ne vous opposies vous a l'impieté? Ne sçavies vous que Dieu a recommandé le prochain a un chacun? et qu' on croit de cœur pour la justice, mays qui veut obtenir salut il faut faire la confession de foy? et comme pouvies vous dire, J'ay creu, et partant j'ay parlé? Vous estes encores miserables, qui ayant un si beau talent l'aves caché en terre.

  A001000599 

 Car l'Eglise sera comme le soleil, dict le Psalme, et le soleil n'esclaire pas tousjours egalement en toutes les contrees, il suffit qu'au bout de l'an nemo est qui se abscondat a calore ejus; ainsy suffira il qu'au bout du siecle la prediction de Nostre Seigneur soit verifiee, qu'il falloit que la penitence et remission des pechés fust preschee en toutes nations, commençant des Hierusalem..

  A001000599 

 L'universalité de l'Eglise ne requiert pas que toutes les provinces ou nations reçoivent tout a coup l'Evangile, il suffit que cela se fasse l'une apres l'autre; en telle sorte neantmoins que l'on voye tousjours l'Eglise, et qu'on connoisse que c'est celle la mesme qui a esté par tout le monde ou la plus grande partie, affin qu'on puisse dire: Venite ascendamus ad montem Domini.

  A001000603 

 Est chef de l'univers; ce qu'elle n'a par guerre.

  A001000605 

 Ores lui est acquis par la religion; » [135].

  A001000607 

 Despuys, la mesme Eglise est venue a nostre aage, et tousjours Romaine et Papale, de façon qu'encores que nostre Eglise maintenant seroit beaucoup moindre qu'elle n'est, elle ne lairroit pas d'estre tres Catholique, parce que c'est la mesme Romaine qui a esté, et [qui a] possedé presque en toutes les provinces des nations et peuples innombrables.

  A001000607 

 Mais elle est encores maintenant estendue sur toute la terre, en Transylvanie, Pologne, Hongrie, Bohesme et par toute l'Allemagne, en France, en Italie, en Sclavonie, en Candie, en Espagne, Portugal, Sicile, Malte, Corsique, en Grece, en Armenie, en Syrie, et tout par tout: mettray je icy en conte les Indes orientales et occidentales? Dequoy qui voudroit voir un abregé, il faudroit qu'il se trouvast en un Chapitre ou assemblee generale des religieux de saint François appellés Observantins: il verroit venir de tous les coins du monde, viel et nouveau, des religieux a l'obeissance d'un simple, vil et abject; si que ceux la seulz luy sembleroyent suffire pour verifier ceste partie de la prophetie de Malachie: In omni loco sacrificatur nomini meo..

  A001000615 

 Vostre eglise non seulement n'est pas catholique, mais encores ne le peut estre, n'ayant la force ni vertu de produire des enfans, mais seulement de desrobber les poussins d'autruy, comme faict la perdrix; et neantmoins c'est bien l'une des proprietés de l'Eglise d'estre feconde, c'est pour cela entre autres qu'elle est appellee colombe; et si son Espoux quand il veut benir un homme rend sa femme feconde, sicut vitis abundans in lateribus domus suæ, et faict habiter la sterile en une famille, mere joyeuse en plusieurs enfans, ne devoit il pas avoir luy mesme une Espouse qui fust feconde? Mesme que selon la sainte Parole, ceste deserte devoit avoir plusieurs enfans, ceste nouvelle Hierusalem devoit estre tres peuplee et avoir une grande generation: Ambulabunt gentes in lumine tuo, dict le Prophete, et reges in splendore ortus tui.

  A001000622 

 La doctrine Chrestienne Catholique est une douce pluie, qui fait germer la terre infructueuse; la leur ressemble plustost a une gresle qui rompt et terrasse les moissons, et met en friche les plus fructueuses campaignes.

  A001000622 

 O quelle eglise, donques, qui n'est ni unie, ni sainte, ni catholique, et, qui pis est, ne peut avoir aucune raysonnable esperance de jamais l'estre..

  A001000622 

 Quelle merveille donques si vostre prédication est sterile? vous n'aves que l'escorce sans le suc, comme voules vous qu'elle germe? vous n'aves que le fourreau sans espee, la lettre sans l'intelligence, ce n'est pas merveille si vous ne pouves dompter l'idolatrie »: ainsy saint Pol, parlant de ceux qui se separent de l'Eglise, il proteste sed ultra non proficient.

  A001000622 

 Si donques vostre eglise ne se peut en aucune façon dire catholique jusques a present, moins deves vous esperer qu'elle le soit cy apres; puysque sa predication est si flaque, et que ses prescheurs n'ont jamais entrepris, comme dict Tertullien, la charge ou commission ethnicos convertendi, mays seulement nostros evertendi.

  A001000640 

 Comme le vulgaire admire les cometes et feuz erratiques, et croit que ce soyent des vrays astres et vives planettes, tandis que les plus entenduz connoissent bien que ce ne sont que flammes qui se coulent en l'air le long de quelques vapeurs qui leur servent de pasture, et n'ont rien de commun avec les astres incorruptibles que ceste grossiere clarté qui les rend visibles; ainsy le miserable peuple de nostre aage, voyant certaines chaudes cervelles s'enflammer a la suite de quelques subtilités humaines, esclairees de l'escorce de la Saint'Escriture, il a creu que c'estoyent des verités celestes et s'y est amusé, quoy que les gens de bien et judicieux tesmoignoient que ce n'estoyent que des inventions terrestres qui, se consumants peu a peu, ne laisseroyent autre memoyre d'elles que le ressentiment de beaucoup de malheurs qui suit ordinairement ces apparences..

  A001000640 

 Si l'advis que saint Jan donne, de ne croire pas a toutes sortes d'espritz, fut onques necessaire, il l'est maintenant plus que jamais, quand tant de divers et contraires espritz, avec un'esgale asseurance, demandent creance parmi la Chrestienté en vertu de la Parole de Dieu; apres lesquelz on a veu tant de peuples s'escarter, [141] qui ça qui la, chacun a son humeur.

  A001000641 

 Il importe donques infiniment de sçavoir quelles sont les vraÿes Regles de nostre creance, car on pourra aysement connoistre par la l'heresie d'avec la vraye Religion, et c'est ce que je pretens faire voir en ceste seconde Partie..

  A001000642 

 J'ay beau sçavoir que la Parole de Dieu est infallible, que pour tout cela je ne croiray pas que Jesus est le Christ Filz de Dieu vivant, si je ne suys asseuré que ce soit une parole revelee par le Pere celeste, et quand je sçauray cecy, encor ne seray je pas hors d'affaire, si je ne sçai comm'il le faut entendre, ou d'une filiation adoptive, a l'Arrienne, ou d'une filiation naturelle, a la Catholique..

  A001000642 

 La foy Chrestienne est fondëe sur [143] la Parole de Dieu; c'est cela qui la met au sauverain degré d'asseurance, comm'ayant a garend cest'eternelle et infallible verité; la foy qui s'appuÿe ailleurs n'est pas Chrestienne: donques la Parole de Dieu est la vraÿe Regle de bien croire, puysqu'estre Fondement et Regle en cest endroit n'est qu'une mesme chose.

  A001000642 

 Mays parce que ceste Regle ne regle point nostre croyance sinon quand ell'est appliquee, proposee et declairee, et que cecy se peut bien et mal faire, il ne suffit pas de sçavoir que la Parole de Dieu est la vraye et infallible Regle de bien croire, si je ne sçai quelle parole est de Dieu, ou ell'est, qui la doit proposer, appliquer et declairer.

  A001000643 

 Certes, le danger est egal, ou d'estre desreglé a faute d'une juste Regle, ou d'estre mal regle a faute d'un'application bien reglëe et juste de la Regle mesme.

  A001000644 

 C'est donq Dieu seul qui regle nostre croyance Chrestienne, mais avec deux instrumens, en diverse façon: i. par sa Parole, comm'avec une regle formelle; 2.

  A001000644 

 Disons ainsy: Dieu est le peintre, nostre foy la peinture, les couleurs sont la Parole de Dieu, le pinceau c'est l'Eglise.

  A001000644 

 Voyla donques deux Regle ordinaires et infallibles de nostre croyance: la Parole de Dieu qui est la Regle fondamentale et formelle, l'Eglise de Dieu qui est la Regle d'application et d'explication.

  A001000645 

 La Parolle de Dieu, Regle formelle de nostre foy, ou ell'est en l'Escriture ou en la Tradition: je traitte premierement de l'Escriture, puys de la Tradition.

  A001000646 

 L'Eglise, qui est la Regle d'application, ou elle se declaire en tout son cors universel, par une croyance generale de tous les Chrestiens, ou en ses principales et nobles parties, par un consentement de ses pasteurs et docteurs; et en ceste derniere façon, ou c'est en ses pasteurs assemblés en un lieu et en un tems, comm'en un Concile general, ou c'est en ses pasteurs divisés de lieux et d'aage mays assemblés en union et correspondance de foy, ou bien, en fin, ceste mesm'Eglise se declaire et parle par son chef ministerial: et ce sont quattre Regles explicantes et applicantes pour nostre foy, l'Eglise en cors, le Concile general, le consentement des Peres et le Pape; outre lesquelles nous ne devons pas en rechercher d'autres, celles ci suffisent pour affermir les plus inconstans..

  A001000647 

 Mays Dieu, qui se plait en la surabondance de ses faveurs, voulant ayder la foiblesse des hommes, ne laisse pas d'adjouster par fois a ces Regles ordinaires (je parle des l'establissement et fondation de l'Eglise), une Regle extraordinaire, trescertaine et de grand'importance; c'est le Miracle, tesmoignage extraordinaire de la vraye application de la Parole divine..

  A001000648 

 En fin, la Rayson naturelle peut encor estre ditte une Regle de bien croire, mays negativement, et non pas affirmativement; car qui diroit ainsy, telle proposition est article de foy donques ell'est selon la rayson naturelle, ceste consequence affirmative seroit mal tiree, puysque presque toute nostre foy est hors et par dessus nostre rayson; mays qui diroit, cela est un article de foy donques il ne doit pas estre contre la rayson naturelle, la consequence est bonne, car la rayson naturelle et la foy estans puysees de mesme source et sorties d'un mesm'autheur, elles ne peuvent estre contraires..

  A001000649 

 Au reste, qui voudroit reduire toutes ces regles en une seule, diroit que l'unique et vraye Regle de bien croire c'est la Parolle de Dieu, preschëe par l'Eglise de Dieu..

  A001000649 

 Les deux premieres ne sont qu'une Regle formelle, les quattre suivantes ne [146] sont qu'une Regle d'application, la septieme est extraordinaire, et la huittiesme, negative.

  A001000650 

 C'est icy ou je vous apelle au nom de Dieu tout puyssant, et vous somme de sa part de juger justement.

  A001000659 

 Si l'advis que S t Jan donn'aux Chrestiens, de ne croire pas a toutes sortes d'espritz, fut onques necessaire, il l'est encores maintenant plus que jamais, quand tant de divers et contraires espritz, avec un'egale asseurance, demandent creance parmi le Christianisme en vertu de la Parole de Dieu; apres lesquelz on a veu tant de peuples [141] s'escarter, qui ça qui la, chacun a son humeur.

  A001000660 

 Nous avons donques en l'Eglise des Regles tres certaines pour connoistre la doctrine fause d'avec la vraye, et pour establir nostre foi; et c'est icy ou je vous appelle et vous prie de juger justement: car je me prometz de vous monstrer tresclairement, que Calvin et tous vos ministres ont violé en leur doctrine toutes les Regles de la vraye foi et de la predication Chrestienne; affin que, comme vous aves veu quilz vous ont levé du giron de la vraÿe Eglise, vous voyes encores quilz vous ont osté la lumiere de la vraye foi, pour vous faire suivre les illusions de leurs nouveautés..

  A001000661 

 .. La foy Chrestienne est fondee sur la Parole de Dieu tout puyssant, sauveraine et supreme verité; c'est cela qui la met au premier rang et degré d'asseurance et certitude, en quoy il ni a rien icy bas qui luy soit comparable.

  A001000661 

 Or, ceste Parole a esté revelee.. La foy Chrestienne est fondëe sur la Parolle [143] que Dieu luymesme a revelee; c'est cela qui la met au supreme rang et degré d'asseurance et certitude, comm'ayant a tesmoin cest'eternelle et infallibl'authorité et verité premiere, qui ne peut non plus decevoir et mentir qu'elle peut estre deceüe et trompee; la foy qui n'a son fondement et appuy sur la Parole de Dieu n'est pas une foy Chrestienne: donques la Parole de Dieu est la vraye Regle de bien croire aux Chrestiens, puisqu'estre Fondement et Regle n'est qu'une mesme chose en cest endroit.

  A001000673 

 Je sçai bien, Dieu merci, que la Tradition a esté devant tout'Escriture, puysque mesm'une bonne partie de l'Escriture n'est que Tradition reduitte en escrit avec un'infallible assistence du Saint Esprit; mays parce que l'authorité de l'Escriture est plus aysement receüe par les reformateurs que celle de la Tradition, je commence par cest endroit, pour faire un'entree plus aysee a mon discours..

  A001000674 

 La Sainte Escriture est tellement Regle a nostre creance Chrestienne, que qui ne croit tout ce qu'elle [148] contient, ou croit quelque chose qui luy soit tant soit peu contraire, il est infidele.

  A001000674 

 Nostre Seigneur y a renvoyé les Juifz pour redresser leur foy; les Sadduceens erroyent pour ignorer les Escritures: c'est donq un niveau tres asseuré, c'est un flambeau luysant es obscurités, comme parle saint Pierre, lequel ayant ouy luy mesme la voix du Pere en la Transfiguration du Filz, se tient neanmoins pour plus asseuré au tesmoignage des Prophetes qu'en ceste sienne experience.

  A001000681 

 La S te Escriture est une vraye regle de la foi chrestienne.

  A001000683 

 L'Escriture Sainte est tellement Regle de la foi Chrestienne, que nous sommes obligés par toute sorte d'obligation de croire tresexactement [148] tout ce qu'elle contient, et de ne croire jamais ce qui luy est tant soit peu contraire; car, si Nostre S r mesme y a renvoyé les Juifz pour redresser leur foy, il faut que ce soit un niveau tresasseuré.

  A001000688 

 Ilz mettoyent le point apres l'erat, au lieu de le mettr'apres le Mot; ce qu'ilz faysoyent de peur d'estre convaincuz par ce texte que le Verbe est Dieu: tant il faut peu pour alterer ceste sacree Parole..

  A001000688 

 Les promesses ont esté dittes a Abraham, dict saint Pol, et a sa semence; il n'est pas dict, et ses semences, comme en plusieurs, mais comm'en une, et a ta semence, qui est Christ: voyes, je vous prie, combien la variation du singulier au plurier eust gasté le sens misterieux de ceste parole.

  A001000688 

 Nostre Seigneur met en conte les iota, voire les seulz petitz pointz et accens de ces saintes paroles; combien donques est il jaloux de leur integrité? Les Ephrateens disoyent sibolleth, sans oublier pas une seule lettre, mais par ce quilz ne prononçoyent pas asses grassement, les Galaadites les esgorgeoyent sur le quay du Jordain.

  A001000689 

 Quand le vin est meilleur il se ressent plus tost du goust estranger, et la cimetrie d'un excellent tableau ne peut souffrir le meslange de nouvelles couleurs.

  A001000696 

 Les Saintes Escritures ne sont ce pas le vray testament de Dieu æternel, bien scelé et signé en son sang, confirmé par la mort? que sil est ainsy, combien se faut il garder d'y remuer aucune chose? « Le testament, » dict ce grand Ulpien, « est une juste sentence de nostre volonté de ce que quelqu'un veut estre faict apres sa mort.

  A001000696 

 Quand deux choses sont bien justes ensemble, qui [150] remue l'une leve l'egalité et la justice d'entr'elles; si c'est une juste sentence, a quoy faire l'altererons nous?.

  A001000696 

 Quand un testament est confirmé par la mort du testateur, il ny faut adjouster, diminuer ni changer en façon que ce soit; qui le feroit seroit tenu pour un faulsaire.

  A001000697 

 La seule difference de prononciation faysoit l'equivoque en parlant, et en escrit la transposition d'un seul point sur la lettre scin faict le mesme equivoque, et, changeant le jamin en semol, au lieu d'un espi de blé signifie un pois ou charge: mays quicomque change, leve ou joint le moindre accent du monde en l'Escriture il est sacrilege, et merite la mort, [151] qui ose mesler le prophane au sacré.

  A001000697 

 Nostre S r met en conte jusques au moindr'accent, au moindr'iota de l'Escriture, combien donques punira il ceux qui violeront leur integrité? Mes freres, dict S t Pol, je parle selon l'homme, mays personne ne mesprise le testament confirmé d'un homme, ni n'ordonne outre cela; et pour monstrer combien il importe de laisser l'Escritur'en sa naiveté, il met un exemple: Abrahæ dictæ sunt promissiones et semini ejus; non dicit, et seminibus, quasi in multis, sed quasi in uno, et semini tuo, qui est Christus: voyes vous, je vous prie, la variation du singulier au plurier combien ell'eust gasté le sens? Les Ephrateens disoyent sibollet, et n'oublioient pas une seule lettre, mays par ce quilz ne le prononçoyent pas asses grassement, les Galaadites les egorgeoyent sur le quai du Jordain.

  A001000698 

 Quand le vin est meilleur il se ressent plus tost du goust estranger, et l'exquise cimetrie d'un excellent tableau ne peut souffrir le meslange de nouvelles coleurs.

  A001000698 

 Qui manie des grains de verre, sil en pert un, deux, et trois, c'est peu de chose, mays sil en avoit autant perdu de perles orientales, la perte seroit grande.

  A001000698 

 Tell'est la conscience avec laquelle nous devons contempler et manier le sacré depost des Escritures.

  A001000705 

 general, de Trulles, outre les Livres precedens du second rang, furent receuz au canon comme indubitables, Thobie, Judith, deux des Macchabees, la Sapience, l'Ecclesiastique et l'Apocalipse; mais avant tous ceux du second rang, le Livre de Judith fut receu et reconneu pour divin au premier general Concile de Nicee, ainsy que saint Hierosme en est tesmoin, en sa præface sur iceluy.

  A001000706 

 Mays il me suffit d'avoir dict cecy; mon Memorial n'est pas obligé de s'arrester sur chasque particularité.

  A001000713 

 qui est appellé de Nehemie, Thobie, Judith, Hester, Job, cent cinquante Psalmes de David, les Paraboles, l'Ecclesiaste, le Cantique des Cantiques, la Sapience, l'Ecclesiastique, Isaïe, Hieremie avec Baruch, Ezechiel, Daniel, Ozëe, Joel, Amos, Abdias, Jonas, Micheas, Nahum, Abacuc, Sophonias, Aggæe, [153] Zacharie, Malachie, deux des Machabees, le 1. et 2.

  A001000714 

 chap.; aussy on douta pour un tems du dernier chapitre de S t Marc, comme dict S t Hieros., et de l'histoire de la sueur de N. S. au jardin d'Olivet, qui est en S t Luc 22.

  A001000715 

 Et ne faut pas douter que le S t Esprit n'assiste en ce jugement a l'Eglise, car vos ministres mesme confessent que Dieu luy a remis en garde les Saintes Escritures, et veulent dire que c'est a cest'intention que S t Pol l'apelle colomne et fermeté de verite; et comme les garderoit elle, si elle ne les sçait connoistre et tirer du meslange des autres livres?.

  A001000715 

 Mays l'Eglise mesme, comme se peut elle resoudre qu'un Livre soit canonique?.. car elle n'est plus conduite par nouvelles revelations, mays par les anciennes apostoliques, esquelles ell'a l'infallibilité d'interpretation; que si les Anciens n'ont pas eu revelation de l'authorité d'un Livre, comme donques la peut elle sçavoir?.. Elle considere le tesmoignage de l'antiquité, la conformité que ce Livre a avec les autres ja receuz, et le commun goust [156] que le peuple Chrestien y prend: car, comm'on peut connoistre quell'est la propre viande et prouffitable des animaux quand on les y voit prendre goust et s'y nourrir saynement, ainsy quand l'Eglise voit que le peuple Chrestien savoure volontiers un Livre pour canonique, et y faict son prouffit, elle peut connoistre que c'est une pasture propre et saine aux espritz chrestiens; et comme, quand on veut sçavoir si un vin est de mesme creu qu'un autre, l'on les apparie, regardant si la couleur, l'odeur et le goust est pareil en tous deux, ainsy quand l'Eglise a bien consideré un Livre avoir le goust, l'odeur et la couleur, la sainteté du stile, de la doctrine et des misteres, semblable aux autres canoniques, et que d'ailleurs ell'a le tesmoignage de plusieurs bons et irreprochables tesmoins de l'antiquité, elle peut declairer le Livre pour frere germain des autres canoniques.

  A001000715 

 Si ces Livres ne furent pas des le commencement indubitables en l'Eglise, comm'est ce que le tems leur peut acquerir cest'authorité? Pour vray, l'Eglise ne sçauroit rendre un Livre canonique sil ne l'estoit, mays l'Eglise peut bien declairer qu'un Livr'est canonique qui n'estoit pas tenu pour tel d'un chacun, et ainsi le mettr'en credt parmi le Christianisme, nom pas changeant la substance du Livre, qui de soy estoit canonique, mays changeant la persuasion des Chrestiens, la rendant tres asseurëe de ce dont elle ne l'estoit pas.

  A001000716 

 Mais combien est il important a l'Eglise qu'elle puysse sçavoir en tems et lieu quell'escriture est sainte et quelle non; car, si elle recevoit un'escriture non sainte pour ste elle nous conduiroit a la superstition, et si elle refusoit l'honneur et la creance qui est deüe a la Parole de Dieu a un'escriture sainte, ce seroit impieté.

  A001000716 

 Quand donques l'Eglise a declairé qu'un Livr'est canonique, nous ne devons jamais douter quil ne le soit.

  A001000716 

 Si donques Nostre S r defend son Eglise contre les portes d'enfer, si jamais le S t Esprit luy assista pour luy de si pres qu'elle peut dire, Visum est Spiritui S to et nobis, il faut fermement croire quil l'inspire en ces occasions de si grande consequence; car ce seroit bien la laisser au besoin, sil la laissoit en ce cas, duquel depend non seulement un article ou deux de nostre foi, mays le gros de nostre religion.

  A001000724 

 Ou trouves vous que la regle de bien recevoir les Saintes Escritures soyt, qu'elles soyent escrittes en ces langages la plustost qu'en Grec ou Latin? vous dittes quil ne faut rien recevoir en matiere de religion que ce qui est escrit, et apportes en vostre belle prefacé le dire des jurisconsultes: Erubescimus sine lege loqui; vous semble il pas que la dispute qui se faict sur la validité ou invalidité des Escritures soyt une des plus importantes en matiere de religion? sus donques, ou demeurés honteux, ou produises la Sainte Escriture pour la negative que vous soustenés: certes, le Saint Esprit se declaire aussi bien en Grec qu'en Caldee..

  A001000724 

 Puys donques que vous rejettes esgalement ces Livres escritz en Hebreu et Caldee avec les autres qui ne sont pas escritz en mesme langage, il vous faut chercher un autre prætexte que celuy que vous aves allegué, pour racler ces Livres du canon: quand vous dittes que vous les rejettes par ce quilz ne sont escritz ni en Hebreu ni en Caldee, ce n'est pas cela, car vous ne rejetteries pas, [160] a ce conte, Tobie, Judith, le premier des Machabees, l'Ecclesiastique, qui sont escritz ou en Hebreu ou en Caldee.

  A001000725 

 Est ce cela qui vous fasche? Mais pour Dieu, dittes moy, qui vous a dict quilz sont perduz, corrompuz ou alterés, pour avoir besoin de restitution? Vous præsupposes peut estre que ceux qui les auront traduitz sur l'originaire auront mal traduit, et vous voudries avoir l'original pour les collationner et les juger.

  A001000727 

 C'est le propre de l'heresie et non de l'Eglise de proufiter ainsy de mal en pis; mays de ceci ailleurs..

  A001000727 

 Estre inconstant ce n'est pas changer un doute en resolution, mais ouy bien changer de resolution en doute; ce n'est pas instabilité de s'affermir apres l'esbranlement, mays ouy bien de s'esbransler apres l'affermissement.

  A001000727 

 Et de quell'eglise entendes vous? certes, l'Eglise Catholique, qui est la seule vraye, les reçoit, comme saint [Augustin] vient de vous attester maintenant, et le repete encores [ailleurs]; le Concile de Carthage, celuy de Trulles, 6.

  A001000727 

 Mais il y a bien a dire entre douter d'une chose si ell'est recevable, et la rejetter: le doute n'empeche pas la resolution suivante, ains en est un præallable; rejetter præsuppose resolution.

  A001000727 

 Peut estre voules vous dire qu'anciennement quelques Catholiques douterent de leur authorité; c'est selon la division que j'ay faitte ci dessus: mais quoy pour cela? le doute de ceux la a il peu empecher la resolution de leurs successeurs? est ce a dire que si on n'est pas tout au premier coup resolu, il faille tousjours demeurer en bransle, incertain et irresolu? A l'on pas esté pour un tems incertain de l'Apocalipse et d'Ester? vous ne l'oseries nier, j'ay de trop bons [163] tesmoins; d'Ester, saint Athanase et saint Gregoire Nazianzene, de l'Apocalipse, le Concile de Laodicee: et néanmoins vous les receves; ou receves-les tous, puysqu'ilz sont d'esgale condition, ou n'en receves point, par mesme rayson.

  A001000728 

 Quand a saint Hierosme que vous allegués, ce n'est rien a propos, puysque de son tems l'Eglise n'avoit encor pas pris la resolution qu'ell'a prise despuys, touchant la canonisation de ces Livres, hormis pour celuy de Judith..

  A001000729 

 Et le canon Sancta Romana, qui est de Gelaise premier, je crois que vous l'aves rencontré a tastons, car il est tout contre vous; puysque, censurant les Livres apocriphes, il n'en nomme pas un de ceux que nous recevons, ains au contraire atteste que Tobie et les Maccabees estoyent receuz publiquement en l'Eglise..

  A001000730 

 » Ce « peut estre » la garde de mentir, et vous l'aves oublié; et si elle met en conte ces Livres icy dont est question, comm'apocriplies, c'est parce qu'elle croyoit que apocriphe, volut dire, n'avoir point de certain autheur, et partant y enroolle comm'apocriphe le Livre des Juges: et sa sentence n'est pas si authentique qu'elle passe en chose jugee; en fin, ce n'est qu'une glosse..

  A001000733 

 en Hebreu; et bien, que [le premier y soit;] le second n'est que comme une epistre que [les Anciens] d'Israel envoyerent aux freres Juifz qui estoyent hors la Judee, et si ell'est escritte au langage le plus cohneu et commun de ce tems-la, s'ensuit il qu'elle ne soit pas recevable? Les Ægiptiens avoyent en usage le langage grec beaucoup plus que l'hebreu, comme monstra bien Ptolomee quand il procura la version des 72; voyla pourquoy ce 2.

  A001000735 

 Ce n'est donq pas un petit gain a l'ennemy du Christianisme, d'avoir de plein sault raclé en la Sainte Escriture tant de nobles parties.

  A001000735 

 Voyla, ce me semble, toutes vos raysons esvanouÿes, et n'en sçauries produire d'autres; mays nous sçaurons bien dire, que sil est ainsy loysible indifferemment de rejetter ou revoquer en doute l'authorité des Escritures desquelles on a douté pieça, quoy que l'Eglise en aÿe determiné, il faudra rejetter ou douter d'une grande partie du Viel et Nouveau Testament.

  A001000742 

 Maintenant, comme se pourroit tenir une bonne ame de donner ouverture a l'ardeur d'un saint zele, et d'entrer en une chrestienne cholere, sans peché, considerant avec quelle temerité ceux qui ne [158] font que crier, l'Escriture, l'Escriture, ont mesprisé, avily, prophané ce divin testament du Pere Eternel, comm'ilz ont falsifié ce sacré contract d'une si celebre alliance? Comm'oses vous biffer, o ministres calvinistes, tant de nobles parties du sacré cors des Bibles? Vous ostes Baruch, Thobie, Judith, Sapience, l'Ecclesiastique, les Machabëes; pourquoy demembres vous ainsy la S te Escriture? qui vous a dict quilz ne sont point sacrés? L'on en doute en l'ancienne [159] Eglise: et n'a on pas douté en l'ancienne Eglise d'Hester, de l'Epistr'aux Hebreux, de celle de S t Jaques, de S t Jude, de la seconde de S t Pierre et des deux dernieres de S t Jan, et sur tout de l'Apocalipse? que ne rayes vous aussy bien ceux ci que vous aves faict ceux la? Dites franchement que [ce que] vous en aves faict, ce n'a esté que pour contredire a l'Eglise: il vous fachoit de voir es Machabees l'intercession des Saintz et la priere pour les trepassés, l'Ecclesiastique vous piquoit en ce quil attestoit du liberal arbitre et de lhonneur des reliques; plus tost que de forcer vos cervelles, et les adjuster a l'Escriture, vous aves violé l'Escriture pour l'accommoder a vos cervelles, vous aves retranché la ste Parole pour ne retrancher point vos fantasies; comme vous laveres vous jamais [160] de ce sacrilege? Aves vous dégradé les Machabees, l'Ecclesiastique, Tobie et les autres par ce que quelques uns des Anciens ont douté de leur authorité? pourquoy receves vous donques les autres Livres, desquelz on a douté autant que de ceux ci? Que leur pouves vous opposer autre, sinon que leur doctrine vous est mal aysëe a concevoir? ouvres le cœur a la foy, et vous concevres aysement ce dont vostre incredulité vous prive; par ce que vous ne voules pas croire ce qu'ilz enseignent, vous les condamnes, condamnes plus tost vostre temerité, et receves l'Escriture.

  A001000743 

 pro canonicis habet. Que dires vous a cela? que les Juifz ne les avoient pas en leurs cathalogues? S t Augustin le confesse, mais estes vous Juifz ou Chrestiens? et si vous voules estre appellés Chrestiens, contentes vous que l'Eglise Chrestienne les reçoive: la lumiere du S t Esprit s'est elle estainte avec la Sinagogue? N. S. et les Apostres n'ont ilz pas eu autant de pouvoir que la Sinagogue? Et bien que l'Eglise n'ait pas pris l'authorité de ses Livres de la bouche des Scribes et Pharisiens, suffira il pas qu'elle l'ait prise du tesmoignage des Apostres? Or, il ne faut pas penser que l'ancienn'Eglise et ces tres anciens Docteurs eussent pris la hardiesse de mettre ces Livres au roole des canoniques si elle n'en [162] eust eu quelque advis par la Tradition des Apostres et leurs disciples, qui pouvoyent sçavoir en quel rang le Maistre mesme les tenoit; sinon que pour excuser nos fantasies, nous accusions de prophanation et sacrilege ces tant sts et graves Docteurs, avec toute l'Eglise ancienne.

  A001000747 

 Les raysons que les reformeurs ont avancees au chapitre precedent ne sont que biffes, comme nous avons veu, desquelles on se sert comme d'amusement, pour voir si quelque simple et foible cervelle s'en voudroit contenter: et de faict, quand on vient au joindre, ilz confessent que ni l'authorité de l'Eglise, ni de saint Hierosme, ni de la Glosse, ni du Caldee, ni de l'Hebreu, n'est pas cause suffisante pour recevoir ou rejetter quelque Escriture.

  A001000748 

 C'est leur coustume, quand ilz veulent [168] produire quelque opinion estrange, de ne parler pas clair et net, pour laisser a penser aux lecteurs quelque chose de mieux..

  A001000748 

 Or, a la verité, c'est bien procedé a eux de ne vouloir s'appuyer en cest article sur le commun accord et consentement de l'Eglise; puysque ce commun accord a canonisé l'Ecclesiastique, les [Livres des] Machabees, tout autant et aussitost que l'Apocalipse, et neantmoins ilz veulent recevoir [celuy ci] et rejetter ceux la: Judith, authorisé par le grand premier et irreprochable Concile de Nicee, est biffé par les reformeurs; ilz ont donques rayson de confesser qu'en la reception des Livres canoniques, ilz ne reçoivent point l'accord et consentement de l'Eglise, qui ne fut onques plus grand ni plus solemnel qu'en ce premier Concile.

  A001000748 

 « Nous connoissons, » disent ilz, « ces Livres estre canoniques, non tant par le commun accord de l'Eglise: » a les ouÿr parler, ne diries vous pas qu'au moins en quelque façon ilz se laissent guider a l'Eglise? Leur parler n'est pas franc: il semble qu'ilz ne refusent pas du tout credit au commun accord des Chrestiens, mais que seulement ilz ne le reçoivent pas a mesme degré que leur persuasion interieure, et neantmoins ilz n'en tiennent aucun conte; mais ilz vont ainsy retenus en leur langage pour ne paroistre pas du tout incivilz et desraysonnables.

  A001000751 

 Vous dites que vous sentes ceste persuasion en vous, mais pourquoy suis je obligé de vous croire? vostre parole est elle si puissante, que je sois forcé sous son authorité de croire que vous penses et sentes ce que vous dites? je vous veux tenir pour gens de bien, mais quand il s'agit des fondemens de ma foy, comme est de recevoir ou rejetter les Escritures ecclesiastiques, je ne trouve ni vos pensees ni vos paroles asses fermes pour me servir de base..

  A001000752 

 Cest esprit faict il ses persuasions indifferemment a chacun, ou seulement a quelques uns en particulier? si a chacun, et que veut dire que tant de milliades de Catholiques ne s'en sont jamais aperceuz, ni tant de femmes, laboureurs et autres parmi vous? si c'est a quelques uns en particulier, monstres les moy, je vous prie, et pourquoy a ceux la plus tost qu'aux autres? quelle marque me les fera connoistre et trier de la presse du reste des hommes? Me faudra il croire au [169] premier qui dira d'en estre? ce seroit trop nous mettre a l'abandon et a la mercy des seducteurs: monstres moy donques quelque regle infallible pour connoistre ces inspirés et persuadés, ou me permettes que je n'en croye pas un..

  A001000754 

 En un mot, c'est a l'Eglise generale que le Saint Esprit addresse immediatement ses inspirations et persuasions, puys, par la prædication de l'Eglise, il les communique aux particuliers; c'est l'Espouse en laquelle le laict est engendré, puys les enfans le succent [170] de ses mammelles: mays vous voules, au rebours, que Dieu inspire aux particuliers, et par leur moyen a l'Eglise, que les enfans reçoivent le laict, et que la mere soit nourrie a leurs tetins; chose absurde..

  A001000755 

 Or, si l'Escriture n'est violee et sa majesté lezee par l'establissement de ces interieures et particulieres inspirations, jamais elle ne fut ni sera violëe; car ainsy la porte est ouverte a chacun de recevoir ou rejetter des Escritures ce que bon luy semblera.

  A001000756 

 En l'Exode on a levé, a Geneve et ailleurs parmi ces reformeurs, le 22 verset du 2 d chapitre, lequel est de telle substance que ni les 70 ni les autres traducteurs ne l'auroyent jamais escrit sil n'eut esté es originaux.

  A001000756 

 Es misterieuses parolles de l'Eucharistie, ne veut on pas esbranler l'authorité de ces motz, Qui pro vobis funditur, par ce que le texte grec monstre clairement que ce qui estoit au calice n'estoit pas vin, mais le sang du Sauveur? comme qui diroit en françois, Ceci est la coupe du nouveau testament en mon sang, laquelle sera respandue pour vous; car en ceste façon de parler, ce qui est en la coupe doit estre le vray sang, non le vin, puysque le vin n'a pas esté respandu pour nous, mais le sang, et que la coupe ne peut estre versee qu'a rayson de ce qu'elle contient.

  A001000756 

 L'ennemy est fin; s'il la vouloit arracher tout a coup il donneroit l'alarme; [171] il establit un moyen certain et infallible pour la lever piece a piece tout bellement, c'est ceste opinion de l'interieure inspiration, par laquelle chacun peut recevoir ou rejetter ce que bon luy semble: et de faict, voyes un peu le progres de ce dessein.

  A001000756 

 Qui est le couteau avec lequel on a faict tant de retranchemens? l'opinion de ces inspirations particulieres; qu'est ce qui faict si hardis vos reformeurs a racler, l'un ceste piece, l'autre celle la, et l'autre un'autre? le pretexte de ces interieures persuasions de l'esprit, qui les rend sauverains, chacun chez soy, au jugement de la validité ou invalidité des Escrittures.

  A001000757 

 L'Eglise ne sçauroit rendre un livre canonique sil ne l'est, mais elle peut bien le faire reconnoistre pour tel, non pas changeant la substance du livre, mays changeant la persuasion des Chrestiens, la rendant tout'asseuree de ce dont ell'estoit douteuse.

  A001000757 

 Que si jamais nostre Redempteur defend son Eglise contre les portes d'enfer, si jamais le Saint Esprit l'inspire et conduit, c'est en ceste occasion; car ce seroit bien la laisser du tout et au besoin, sil la laissoit en ce cas duquel depend le gros de nostre religion.

  A001000757 

 » Le Saint Esprit peut inspirer que bon luy semble, mays quand a l'establissement de la foy publique et generale des fideles, il ne nous addresse qu'a l'Eglise; c'est a elle de proposer quelles sont les vrayes Escritures, et quelles non: non qu'elle puysse donner verité ou certitude a l'Escriture, mays elle peut bien nous faire certains et asseurés de la certitude d'icelle.

  A001000759 

 Voyla donq la fontaine et la source de toute la violation qu'on a faict de ceste sainte Regle; c'est quand on s'est imaginé de ne la recevoir qu'a la mesure et regle des inspirations que chacun croit et pense sentir..

  A001000764 

 L'Eglise avoit generalement receu, il y a plus de mill'ans, la version latine que l'Eglise Catholique produit, saint Hierosme, tant sçavant homme, en estoit l'autheur ou le correcteur; quand voicy en nostr'aage s'eslever un espais brouillart [176] de l'esprit de tournoyement, lequel a tellement esblouy ces regrateurs de vielles opinions qui ont couru cy devant, que chacun a voulu tourner, qui d'un costé qui d'autre, et chacun au biais de son jugement, ceste sainte sacrëe Escriture de Dieu: en quoy, qui ne voit la prophanation de ce vase sacré de la sainte lettre, dans laquelle se conservoit le precieux basme de la doctrine Evangelique? Car, n'eust ce pas esté prophaner l'Arche de l'alliance, si quelqu'un eust voulu maintenir qu'un chacun la pouvoit prendre, la porter chez soy et la demonter toute et depecer, puys luy bailler telle forme quil eust voulu, pourveu quil y eust quelque apparence d'Arche? et qu'est ce autre chose soustenir que l'on peut prendre les Escritures, les tourner et accommoder chacun selon sa suffisance? Et neanmoins, des lors qu'on asseure que l'edition ordinaire de l'Eglise est si difforme quil la faut rebastir tout a neuf, et qu'un homme particulier y met la main et commence ce train, la porte est ouverte a la temerité: car si Luther l'ose faire, et pourquoy non Erasme? et si Erasme, pourquoy non Calvin ou Melancthon? pourquoy non Henricus [177] Mercerus, Sebastien Castalio, Beze, et le reste du monde? pourveu qu'on sache quelques vers de Pindare, et quatre ou cinq motz d'Hebreu, au pres de quelques bons Tresors de l'une et l'autre langue.

  A001000765 

 Mays quoy? qu'aves vous faict de mieux? chacun a prisé la sienne, chacun a mesprisé celle d'autruy; on a [178] tournaïllé tant qu'on a voulu, mays personne ne se conte de la version de son compaignon: qu'est ce autre chose que renverser la majesté de l'Escriture, et la mettre en mespris vers les peuples, qui pensent que ceste diversité d'editions vienne plustost de l'incertitude de l'Escriture que de la bigarrure des traducteurs? bigarrure laquelle seule nous doit mettre en asseurance de l'ancienne traduction, laquelle, comme dict le Concile, l'Eglise a si longuement, si constamment et si unanimement approuvëe..

  A001000765 

 Que dites vous? que l'edition ordinaire est corrompue? Nous avoüons que les transcriveurs et les imprimeurs y ont layssé couler certains æquivocques, de fort peu d'importance (si toutefois il y a rien en l'Escriture qui puysse estre dict de peu d'importance), lesquelz le Concile de Trente commande estre levés, et que d'ores en avant on prene garde a la faire imprimer le plus correctement quil sera possible; au reste, il n'y a rien qui ny soit tres sortable au sens du Saint Esprit qui en est l'autheur: comme ont monstré ci devant tant de doctes gens des nostres, qui se sont opposés a la temerité de ces nouveaux formateurs de religion, que ce seroit perdre tems d'en vouloir parler davantage; outre ce que ce seroit folie a moy de vouloir parler de la naifveté des traductions, qui ne sceuz jamais bonnement lire avec les pointz en l'une des langues necessaires a ceste connoissance, et ne suys guere plus sçavant en l'autre.

  A001000771 

 Que sil en va ainsy des versions latines, combien est grand le mespris et prophanation qui s'est faict es versions françoises, alemandes, polonnoises et autres langues: et neanmoins voicy un des plus pregnans artifices que l'ennemi du Christianisme et d'unité ait employé en nostr'aage pour attirer les peuples a ses cordelles; il connoissoit la curiosité des hommes, et combien chacun prise son jugement propre, et partant il a induict tous les sectaires a traduire les Saintes Escritures, chacun en la langue de la province ou il se cantonne, et a maintenir ceste non jamais ouÿe opinion, que chacun estoit capable d'entendre les Escritures, que tous les devoyent lire, et que les offices publiques se devoyent celebrer et chanter en la langue vulgaire de chaque province..

  A001000772 

 C'est une bien grande licence a ceux qui traduysent, de sçavoir quilz ne seront point conterollés que par ceux de leur province mesme; chaque province n'a pas tant d'yeux clairvoyans comme la France et l'Allemaigne.

  A001000772 

 » C'est l'intention de Satan de corrompre l'integrité de cest testament; il sçait ce quil importe de troubler la fontaine et de l'empoysonner, c'est gaster toute la troupe egalement..

  A001000773 

 .. Laquelle, outre le grand poids qu'elle doit avoir pour contrebalancer a toutes nos curiosités, a une rayson que je tiens pour tres bonne; c'est que ces autres langues ne sont point reglëes, mays de ville en ville se changent en accens, en frases et paroles, elles se changent de sayson en sayson, et de siecle en siecle.

  A001000773 

 Bref, c'est chose plus que raysonnable qu'une si sainte Regle comm'est la sainte Parole, soit conservëe es langues reglëes, car elle ne pourroit se maintenir en ceste parfaitte integrité es langues bastardes et desreglees..

  A001000773 

 Mays disons candidement; ne sçavons nous pas que les Apostres parloyent toutes langues? et que veut dire quilz n'escrivirent leurs Evangiles et Epistres qu'en Hebrieu, comme saint Hierosme atteste de l'Evangile de saint Matthieu, en Latin, comme quelques uns pensent de celuy de saint Marc, et en Grec, comm'on tient des autres Evangiles; qui furent les trois langues choysies, des la Croix mesme de Nostre Seigneur, pour la prædication du Crucifix? Ne porterent ilz pas l'Evangile par tout le monde, et au monde ny avoit il point d'autre langage que ces trois la? si avoit a la verité, et neanmoins ilz ne jugerent pas estre expedient de diversifier en tant de langues leurs escritz: qui mesprisera donques la coustume de nostre Eglise, qui a pour son garand l'imitation des Apostres?.. Dequoy nous avons une notable trace et piste en l'Evangile: car le jour que Nostre Seigneur entra en Hierusalem, les troupes alloyent criant, Osanna filio David; benedictus qui venit in nomine Domini; osanna in excelsis; et ceste parole, Osanna, a estëe laissëe en son entier parmi les textes grecz de saint Marc et saint Jan, signe [180] que c'estoit la mesme parole du peuple: or est il que Osanna, ou bien Osianna (et l'un vaut l'autre, disent les doctes en la langue), est une parole hebraique, non siriacque, prise, avec le reste de ceste louange la qui fut donnëe a Nostre Seigneur, du Psalme 117.

  A001000774 

 Mays je vous advise que le saint Concile de Trente ne rejette pas les traductions vulgaires imprimëes par l'authorité des ordinaires, seulement il commande qu'on [181] n'entreprene pas de les lire sans congé des superieurs; ce qui est tres raisonnable, pour ne mettre pas ce couteau, tant affilé et tranchant a deux costés, en la main de qui s'en pourrait esgorger soymesme, dequoy nous parlerons cy apres; et partant il ne trouve pas bon que chacun qui sçait lire, sans autr'asseurance de sa capacité que celle quil prend de sa temerité, manie ce sacré memorial.

  A001000774 

 « Ni n'est certes rayson, » me souviens je avoir leu en un essay du S r de Montaigne, « de voir tracasser, » entre les mains de toutes personnes, « par une salle et par une cuysine, le saint Livre des sacrés misteres de nostre creance; ce n'est pas en passant et tumultuairement quil faut manier un estude si serieux et venerable; ce doit estre un'action destinee et rassise, alaquelle on doit tousjours adjouster ceste præface de nostr'office, Sursum corda, et y apporter le cors mesme, disposé en contenance qui tesmoigne une particuliere attention et reverence.

  A001000780 

 Ce desvit prend en partie ses raysons de ce que j'ay ja dict; car, sil n'est pas expedient de traduire ainsy a tous propos de province en province le [182] texte sacré de l'Escriture, la plus grande partie, et quasi tout ce qui est es offices, estant pris de la Sainte Escriture, il n'est pas convenable de le mettre nomplus en françois: sinon quil y a d'autant plus de danger de reciter es services publiqs la Saint'Escriture en vulgaire, que non seulement les vieux mays les jeunes enfans, non seulement les sages mais les folz, non seulement les hommes mais les femmes, et, en somme, qui sçait et qui ne sçait lire, pourroyent tous y prendre occasion d'errer, chacun a son goust.

  A001000781 

 Ce tresexcellent theologien Robert Belarmin raconte, pour l'avoir appris de lieu tres asseuré, qu'une bonne femme, ayant ouy en Angleterre un ministre lire le chap. 25 de l'Ecclesiastique (quoy quilz ne le tiennent si non pour ancien, non pour canonique), parce quil est, la, discouru de la mauvaistie des femmes, elle se leva, disant: « Et quoy? c'est la parole de Dieu? mays du diable.

  A001000781 

 Mays qui est celuy, tant houppé soit il et ferré, qui entende sans estude les Propheties d'Ezechiel et autres, et les Psalmes? et que servira donques aux peuples de les ouir, sinon pour les prophaner et mettre en doute? et quand au reste, nous autres Catholiques ne devons en aucune façon reduire nos offices sacrés aux langages particuliers, ains plus tost, comme nostr'Eglise est universelle en tems et en lieux, elle doit aussi faire ses services publicqs en un langage qui soit de mesme universel en tems et en lieux, tel qu'est le Latin en Occident, le Grec en [183] Orient; autrement nos præstres ne sçauroyent dire Messe, ni les autres l'entendre, hors de leurs contrëes.

  A001000781 

 Pour y apprendre la doctrine? mays certes, la doctrine ne s'en peut tirer si quelqu'un n'a ouvert l'escorce de la lettre, dans laquelle est contenue l'intelligence; ce que je deduyray tantost en son lieu: la predication sert a ce point, non la recitation du service; en laquelle la Parole de Dieu est non seulement recitëe, mays exposëe par le pasteur.

  A001000781 

 » Il recite encores, le prenant de Theodoret, un bon et juste mot de saint Basile le Grand: l'escuyer de cuysine de l'Empereur voulut faire l'entendu a produire certains passages de l'Escriture; Tuum est de pulmento cogitare, non dogmata divina decoquere; comme sil eust dict: mesles vous de gouster vos sauces, non pas de gourmander la divine Parole.

  A001000787 

 Et quoy? n'est ce pas une prophanation et violation extreme d'avoir laissé a ceste cervelle esventëe un jugement de si grande consequence, et puys suivre aussy estroittement le triage d'un basteleur, es prieres publiques, comm'on fit jamais jadis l'interpretation des 70, qui furent si particulierement assistés du Saint Esprit? combien de motz, combien de sentences couche il la dedans, qui ne furent jamais en l'Escriture; c'est bien autre que de prononcer mal scibolleth.

  A001000787 

 La seule insuffisance de l'autheur, qui n'estoit qu'un ignorant, la lasciveté de laquelle il tesmoigne par ses escritz, sa vie tes prophane et qui n'avoit rien moins que du Chrestien, meritoit qu'on luy refusast la frequentation de l'eglise; et neanmoins son nom et ses psalmes sont comme sacrés en vos eglises, et les chante l'on parmi vous autres comme s'ilz estoyent de David: la ou, qui ne voit combien est violëe la sacrëe Parole? car le vers, sa mesure, sa contrainte ne permet pas qu'on suyve la proprieté des motz de l'Escriture, mais y mesle l'on du sien pour rendre le sens parfaict et comble, et a esté necessaire a cest ignorant rimeur de choisir un sens la ou il y en pouvoyt avoir plusieurs.

  A001000788 

 Et quand a ceste façon de faire chanter indifferemment, en tous lieux et en toutes occupations, les Psalmes, qui ne voit que c'est un mespris de religion? N'est ce pas offencer la Majesté divine, de luy parler avec des paroles tant exquises comme celles des Psalmes sans aucune reverence ni attention? dire des prieres par voye d'entretien, n'est ce pas se mocquer de Celuy a qui on parle? Quand on voit, ou a Geneve ou ailleurs, un garçon de boutique se jouer au chant de ces Psalmes, et rompre le fil d'une tres belle priere pour dire, Monsieur, que vous plaict il? ne connoist on pas bien qu'il faict un accessoire du principal, et que ce n'est sinon pour passetems quil chante ceste divine chanson, quil croit neantmoins estre du Saint Esprit? Ne faict il pas bon voir ces cuysiniers chanter les Psalmes de la Pœnitence de David, et demander a chasque verset le lart, le chapon, la perdrix? « Ceste voix, » dict des Montaignes, « est trop divine pour n'avoir autre usage que d'exercer les poulmons et plaire aux oreilles.

  A001000788 

 » Je confesse qu'en particulier tous lieux sont bons a prier et toute contenance qui n'est pas peché, pourveu qu'on prie d'esprit, par ce que Dieu voit l'interieur, auquel gist la principale substance de l'orayson; mays je crois que qui prie en publiq doit faire demonstration exterieure de la reverence que les paroles propres quil profere demandent; autrement il scandalize le prochain, qui n'est pas tenu de penser quil ayt [186] de la religion en l'interieur, voyant le mespris en l'exterieur..

  A001000789 

 Je tiens, donques, que tant pour chanter comme Psalmes divins ce qui est bien souvent fantasie de Marot, que pour le chanter irreveremment et sans respect, on peche tressouvent, en vostre tant reformëe eglise, contre ceste parole, Spiritus est Deus, et eos qui adorant eum in spiritu et veritate oportet adorare: car, outre ce qu'en ces psalmes vous attribues au Saint Esprit bien souvent les conceptions de Marot, contre la verité, la bouche aussy crie, par mi les rues et cuysines, o Seigneur, o Seigneur, que le cœur ni l'esprit n'y sont point, mays au traffiq et au gain; et, comme dict Isaïe, vous vous eslances de bouche vers Dieu, et le glorifies de vos levres, mays vostre cœur est bien loin de luy, et vous le craignes selon les commandemens et doctrines des hommes.

  A001000789 

 Pour vray, cest inconvenient de prier sans devotion arrive bien souvent aux Catholiques, mais ce n'est pas par l'adveu de l'Eglise, et je ne reprens pas maintenant les particuliers de vostre parti, mais le cors de vostre [église,] laquelle par ses traductions et libertés met en usage prophane ce qui devroit estre en tres grande reverence..

  A001000796 

 L'eunuche tresorier general d'Ethiopie estoyt bien fidele, puysqu'il estoit venu adorer au Temple de Hierusalem; il lisoyt Isaïe, il entendoit bien les paroles, puys quil demandoit de quel Prophete s'entendoit ce quil avoit leu; neantmoins il n'en avoit pas l'intelligence ni l'esprit, comme luy mesme confessoit: Et quomodo possum si non aliquis ostenderit mihi? Non seulement il n'entend pas, mays confesse de ne le pouvoir sil n'est enseigné; et nous verrons une lavandiere se vanter d'entendre aussy bien l'Escriture que saint Bernard.

  A001000796 

 Mays d'ou vient ceste discorde, si frequente et irreconciliable, qui est entre vous autres freres en Luther, sur ces seules paroles, Cecy est mon cors, et sur le point de la justification? [188] Certes, saint Pierre n'est pas de vostre advis, qui admoneste, en sa 2.

  A001000796 

 Mays dites la verité; penses vous que la chose aille ainsy? les trouves vous si aysëes? les entendes vous bien? si vous le penses, j'admire vostre creance, qui est non seulement sur l'experience, mays contre ce que vous voyes et sentes.

  A001000796 

 Mays ou est ceste Parole de Dieu? en l'Escriture; et l'Escriture est ce quelque chose de secret? non pas, ce dit on, aux fideles: a quoy faire donq ces interpreteurs, ces prædicans? si vous estes fideles, vous y entendres autant qu'eux; renvoyes les aux infideles, et gardes seulement quelques diacres pour vous donner le morceau de pain et verser le vin de vostre souper; si vous pouves vous repaistre vous mesmes au champ de l'Escriture, qu'aves vous a faire de pasteurs? quelque jeun'innocent et pur enfant qui sçaura lire en fera bien la rayson.

  A001000796 

 Ne connoisses vous pas l'esprit de division? il faut s'asseurer que l'Escriture est aysëe, affin que chacun la tirasse, qui ça qui la, que chacun en face le maistre, et qu'elle serve aux opinions et fantasies d'un chacun.

  A001000796 

 Sil est ainsy, que l'Escriture soit si aysëe a entendre, a quoy faire tant de commentaires des Anciens et tant de commenteries de vos ministres? a quel propos tant d'harmonies, et a quoy faire ces escoles de theologie? Il ne faut, ce vous dit on, que la doctrine de la pure Parolle de Dieu en l'Eglise.

  A001000797 

 C'est chose tres étrange de voir comme ceste suffisance prætendue faict prophaner l'Escriture..

  A001000797 

 Homme de bien, et qui a mon advis ne voudroit pas mentir, m'a raconté quil a ouy un'ministre en ce pais, traittant de la Nativité de Nostre Seigneur, asseurer quil n'estoit pas né en une creche, et exposer le texte, qui est expres au contraire, paraboliquement, disant: Nostre Seigneur dict bien quil est la vigne, et il ne l'est pas pour cela, de mesme, encor quil soit dict quil est né en une creche, il ny est pas né pour cela, mais en quelque lieu honnorable, qui en comparaison de sa grandeur se pouvoit appeller creche.

  A001000797 

 Ne voyla pas un beau sens et rare? mays la rayson estoit encores plus belle, par ce qu'a l'entendre autrement ce seroit contre nature, et qu'il faut interpreter l'Escriture par l'Escriture, ou nous trouvons que Nostre Seigneur n'en fit pas de mesme quand le serviteur le frappa: c'est le fruict de vostre triviale theologie.

  A001000799 

 Hic adscribenda sunt ea verba c. 35 Vincentii Lirinensis: Nam videas eos, etc. Cecy n'est ce pas [190] faire ce que dict Dieu en Ezechiel, 34, v. 18: Nonne satis vobis erat pascua bona depasci? insuper et reliquias pascuarum vestrarum conculcastis pedibus..

  A001000800 

 Ad hoc signum ☼ addendum est caput de prophanatione per Psalmos Davidis versibus redditos..

  A001000808 

 Es Actes des Apostres on louoit Dieu en toutes langues: aussy faut il, mays es offices universelz et catholiques il y faut une langue universelle et catholique; hors de la, que toute langue confesse que le Seigneur Jesus est a la dextre de Dieu le Pere..

  A001000809 

 Au Deuteronome est il pas dict que les commandemens de Dieu ne sont pas secretz ni celés? et le Psalmiste dict il pas: Præceptum Domini lucidum; Lucerna pedibus meis Mot tuum? Tout cela va bien, mays il s'entend estant prechëe et expliquëe et bien entendue, car, Quomodo credent sine prædicante? et tout ce que David grand prophete a dict, ne doit estre tiré en consequence sur un chacun..

  A001000810 

 Croyes qu'encores selon l'esprit il est veritable ce que disoit le Sage: Melior est pauper ambulans in simplicitate sua quam dives in pravis itineribus; et ailleurs: Simplicitas justorum diriget eos; et: Qui ambulat simpliciter ambulat confidenter. Ou je ne voudrois pas dire quil ne faille prendre peyne d'entendre, mays seulement qu'on ne se doit pas penser de trouver de soymesme son salut ni son pasturage, sans la conduicte de qui Dieu a constitué pour cest effect, selon le mesme Sage: Ne innitaris prudentiæ tuæ; et, Ne sis sapiens apud temetipsum: ce que ne font pas ceux qui pensent en leur seule suffisance connoistre toute sorte de misteres, sans observer l'ordre que Dieu a establi, qui en a faict entre nous les uns docteurs et pasteurs, non tous, et un chacun pour soymesme.

  A001000812 

 Audito, scilicet, quod Dominus ait, Confiteor tibi, Pater, in hoc ipso quod sonuit Confiteor, pectora vestra tutudistis: tundere autem pectus quid est, nisi arguere quod latet in pectore, et evidenti pulsu occultum castigare peccatum? quare hoc fecistis, nisi quia audistis, Confiteor tibi, Pater? Confiteor audistis, quis est qui confitetur non attendistis; nunc ergo advertite.

  A001000812 

 Saint Augustin: Admonenda fuit charitas vestra confessionem non esse semper vocem peccatoris; quia mox ut hoc Mot sonuit [in ore] lectoris, secutus est etiam sonus tunsionis pectoris vestri.

  A001000812 

 Voyes vous comme le peuple oyoyt la leçon publique de l'Evangile, et ne l'entendoit pas, sinon ce mot, Confiteor tibi, Pater? qu'il entendoit par coustume, par ce qu'on le disoit tous au commencement de la Messe, comme nous faysons maintenant: c'est sans doute que la leçon s'en faysoit en Latin, qui n'estoit pas leur langage vulgaire..

  A001000825 

 Voicy les paroles du saint Concile de Trente, parlant de la verité et discipline Chrestienne Evangelique: Perspiciens (sancta Sinodus) hanc veritatem et disciplinant contineri in Libris scriptis et sine scripto Traditionibus, quæ ab ipsius Christi ore ab Apostolis acceptæ, aut ab ipsis Apostolis, Spiritu Sancto dictante, quasi per manus traditæ, ad nos usque pervenerunt; orthodoxorum Patrum exempla secuta, omnes Libros tam Veteris quam Novi Testamenti, cum utriusque unus Deus sit auctor, nec non Traditiones ipsas, tum ad fidem tum ad mores pertinentes, tanquam vel oretenus a Christo vel a Spiritu Sancto dictatas, et continua successione in Ecclesia Catholica servatas, pari pietatis affectu ac reverentia suscipit et veneratur. Voyla, a la verité, un decret digne d'une assemblëe qui puysse dire, [196] Visum est Spiritui Sancto et nobis; car il ny a presque mot qui ne porte coup sur les adversaires et ne leur leve tous armes du poingt..

  A001000826 

 Redempti estis de vana vestra conversatione paternæ traditionis? Tout cecy n'est point a propos; puysque le Concile proteste clairement que les Traditions quil reçoit ne sont ni traditions ni doctrines des hommes, ains, quæ ab ipsius Christi ore ab Apostolis acceptæ, vel ab ipsis Apostolis, Spiritu Sancto dictante, quasi per manus traditæ, ad nos usque pervenerunt: ce sont donques Parole de Dieu, doctrine du Saint Esprit, non des hommes.

  A001000827 

 A qui en veulent ilz? c'est une querelle d'Allemand.

  A001000827 

 En cas pareil ilz produysent contre nous ce que saint Pol disoit a son bon Timothëe: Omnis scriptura divinitus inspirata utilis est ad docendum, ad corripiendum, ad erudiendum in justitia, ut perfectus sit homo Dei, ad omne bonum opus instructus.

  A001000827 

 Qui nie la tres excellente utilité de l'Escriture, sinon les huguenotz qui en levent des plus belles pieces comme vaynes? Elles sont tres utiles, certes; ce n'est pas une petite faveur que Dieu nous a faict de les nous conserver parmi tant de persecutions: mays l'utilité de l'Escriture ne rend pas les saintes Traditions inutiles, nom plus que l'usage d'un œïl, d'une jambe, d'une oreille, d'une main, ne rend pas l'autre inutile; [197] dont le Concile dict: Omnes Libros tam Veteris quam Novi Testamenti, nec non Traditiones ipsas, pari pietatis affectu ac reverentia suscipit et veneratur.

  A001000828 

 De mesme: Multa quidem et alia signa fecit Jesus quæ non sunt scripta in libro hoc; hæc autem scripta sunt ut credatis quod Jesus est Filius [Dei], et ut credentes vitam habeatis in nomine ejus: donques il ny a rien autre a croire que cela; belle consequence! Nous sçavons bien que Quæcumque scripta sunt ad nostram doctrinam scripta sunt; mays cela empechera il que les Apostres præchent? Hæc scripta sunt ut credatis quod Jesus est Filius Dei; mays cela ne suffit pas, car, quomodo credent sine prædicante? Les Escritures sont donnees pour nostre salut, mays nompas les Escritures seules, les Traditions y ont encor place: les oyseaux ont l'aisle droite pour voler; donques l'aysle gauche ny sert de rien? ains l'une ne va pas sans l'autre.

  A001000829 

 L'Escriture donques est Evangile, mais nom pas tout l'Evangile, car les Traditions sont l'autre partie: qui enseignera donques outre ce qu'ont enseigné les Apostres, maudict soit il; mays les Apostres ont enseigné par escrit et par Tradition, et tout est Evangile.

  A001000830 

 Nous appelions donques Tradition Apostolique la doctrine, soit de la foy soit des mœurs, que Nostre Seigneur a enseignëe de sa propre bouche ou par la bouche des Apostres; laquelle n'estant point escritte es Livres canoniques, a esté ci devant conservëe jusqu'a nous comme passant de main en main, par continuelle succession de l'Eglise: en un mot, c'est la Parole de Dieu vivant, imprimëe non sur le papier mais dans le cœur de l'Eglise seulement.

  A001000836 

 L'Escriture est utile pour enseigner; apprenes donques de l'Escriture mesme quil faut recevoir avec honneur et creance les saintes Traditions.

  A001000836 

 Nous confessons que la tressainte Escriture est tres excellente et tres utile; elle est escrite affin que nous croyons; rien ne luy peut estre contraire que le mensonge et l'impieté: mays pour establir ces verités il ne faut pas rejetter cellecy, a sçavoir, que les Traditions [199] sont tres utiles; donnees affin que nous croyons; rien ne leur est contraire que l'impieté et le mensonge; car pour establir une verité il ne faut jamais destruire l'autre.

  A001000836 

 Que si Nostre Seigneur ni ses Apostres ne l'ont jamais escrit, pourquoy nous evangelises vous ces choses cy? au contraire, il est defendu de lever rien de l'Escriture, pourquoy voules [vous] lever les Traditions, qui y sont si expressement authentiquëes?.

  A001000836 

 S'il ne faut rien adjouster a ce que Nostre Seigneur a commandé, ou est ce quil a commandé qu'on condamnast les Traditions Apostoliques? pourquoy adjoustes vous cecy a ses paroles? ou est ce que Nostre Seigneur l'a jamais enseigné? que tant s'en faut quil ait jamais commandé le mespris des Traditions Apostoliques, que jamais il ne mesprisa aucune tradition du moindre prophete du monde: coures tout l'Evangile, et vous n'y verres censurëes que les traditions humaynes et contraires a l'Escriture.

  A001000837 

 N'est ce pas la Saint'Escriture de saint Pol qui dict, Itaque, fratres, tenete traditiones quas accepistis, sive per sermonem sive per epistolam? Hinc patet quod non omnia per epistolam tradiderunt Apostoli, sed multa etiam sine literis; eadem vero fide digna sunt tam ista quam illa, dict saint Chrysostome, en son commentaire sur ce lieu.

  A001000839 

 Et quand a la fin il leur dict, Cætera cum venero disponam, il nous laysse a penser quil leur avoyt enseigné plusieurs choses bien remarquables, et neanmoins nous n'en avons aucun escrit ailleurs: sera il donq perdu pour l'Eglise? non certes, mais est venu par Tradition, autrement l'Apostre ne l'eust pas envié a la posterité et l'eust escrit..

  A001000839 

 Si c'estoit en la seconde des Corinthiens, on pourroit dire que par ses commandemens il entend ceux de la premiere, quoy que le sens y seroit forcé (mays a qui ne veut marcher tout ombre sert), mays cecy est escrit en la premiere; il ne parle pas d'aucun Evangile, car il ne l'appelleroit pas præcepta mea: qu'estoit ce donques sinon une doctrine Apostolique non escritte? cela nous l'appelions Tradition.

  A001000840 

 Je vous demande, quand leur dict il ces choses quil avoit a leur dire? pour vray, ou ce fut apres sa resurrection les 40 jours quil fut avec eux, ou par la venue du Saint Esprit; mais que sçavons nous que c'est quil comprenoit sous ceste parole, Multa habeo, et si tout est escrit? il est bien dict quil fut 40 jours avec eux, les enseignant du royaume des cieux, mays nous n'avons ni toutes ses apparitions ni ce quil leur disoit en icelles.

  A001000853 

 Il dict que la conclusion de tout son discours est « que le vray Christ est la seule, vraye et perpetuelle marque de l'Eglise Catholique, entendant du vray Christ tel, » dict il, « quil s'est tres parfaittement declaré dés le commencement, tant es escritz prophetiques qu'apostoliques, en ce qui appartient a nostre salut; » plus bas il dict: « Voyla ce que j'avois a dire sur la vraye, unique et essentielle marque de la vraÿe Eglise, qui est la Parole escritte prophetique et apostolique, bien et deuement administrëe; » et plus haut il avoit confessé quil y avoit des grandes difficultés es Escrittures Saintes, mays « nom pas es pieces qui touchent a nostre creance.

  A001000853 

 » Il dict encores quilz sont « ceux qui n'ont desavoüé ni voudroyent desavoüer un seul Concile digne de ce nom, general ni particulier, ancien ni plus recent, » (notés) « pourveu, » dict il, « que la pierre de touche, qui est la Parole de Dieu, en face l'espreuve.

  A001000854 

 Mays a cela nous repliquons, Amen: mays nous disons que nostre different n'est pas la; c'est qu'es differens que nous aurons sur l'interpretation, et qui s'y trouveront de deux motz en deux motz, nous avons besoin d'un juge.

  A001000855 

 Au contrayre, dis je, c'est vous, Luther, qui vous trompes; l'Escriture me le dict en tel et tel passage, bien joint et adjusté a telle et telle piece de l'Escriture et aux articles de la foy.

  A001000855 

 C'est icy le gros de nostre affaire, Chrestiens; connoisses, je vous prie, l'esprit de division.

  A001000855 

 Je ne suys pas en doute sil faut adjouster foy a la sainte Parole; qui ne sçait qu'elle est au supreme grade de certitude? ce qui me tient en peyne c'est l'intelligence de ceste Escriture, ce sont les consequences et conclusions qu'on y attache, lesquelles estans diverses, sans nombre et contraires bien souvent sur un mesme sujet, ou chacun prend parti, qui d'un costé qui d'autre, qui me fera voir la verité au travers de tant de vanités? qui me fera voir ceste Escriture en sa naifve couleur? car le col de ceste colombe change autant d'apparences que ceux qui le regardent changent de postures et distances.

  A001000855 

 L'Escriture est une tres sainte et tres infallible pierre de touche; toute proposition qui soustient cest essay je la tiens pour tres loyale et franche.

  A001000855 

 Mays quoy, quand j'ay en main ceste proposition, le cors naturel de Nostre Seigneur est realement, substantiellement et actuellement au Saint Sacrement de l'autel? Je la fays toucher, a tous biays et de tous costés, a l'expresse et tres pure Parolle de Dieu et au Simbole des Apostres; [205] il ny a point d'endroit ou je ne la frotte cent fois si vous voules, et quand plus je regarde, tousjours je la reconnoys de plus fin or et de plus franc metail.

  A001000855 

 Si sal evanuerit, in quo salietur? si l'Escriture est le sujet de nostre different, qui la reglera?.

  A001000856 

 Quil y ayt mis la plus excellente bussole et la charte la plus juste du monde, mays dequoy sert cela si personne n'a le sçavoir d'en tirer quelque regle infallible pour conduire le navire? dequoy servira il quil y ait un tresbon timon, sil ny a un patron pour le mouvoir a la mesure qu'enseignera la charte? mays sil est permis a chacun de le tourner au fil que bon luy semblera, qui ne void que nous sommes perdus? Ce n'est pas l'Escriture qui a besoin de regle ni de lumiere estrangere, comme Beze pense que nous croyons; ce sont nos gloses, nos consequences, intelligences, interpretations, conjectures, additions et autres semblables mesnages du cerveau de l'homme, qui ne pouvant demeurer coy s'embesoigne [206] tousjours a nouvelles inventions: ni moins voulons nous un juge entre Dieu et nous, comm'il semble quil veuille inferer en son Epistre; c'est entr'un homme tel que Calvin, Beze, Luther, et entr'un autre tel que Echius, Fischer, Morus; car nous ne demandons pas si Dieu entend mieux l'Escriture que nous, mays si Calvin l'entend mieux que saint Augustin ou saint Cyprien.

  A001000856 

 Saint Hilaire dict tresbien: De intelligentia hæresis est, non de Scriptura, et sensus, non sermo, fit crimen; et saint Augustin: Non aliunde natæ sunt hæreses nisi dum Scripturæ bonæ intelliguntur non bene, et quod in eis non bene intelligitur etiam temere et audacter asseritur. C'est le vray jeu de Michol, de couvrir une statue faitte a poste dans le lict, des habitz de David; qui regarde cela pense avoir veu David, mays il s'abuse, David ny est pas: l'heresie couvre au lict de son cerveau la statue de sa propre opinion des habitz de la Sainte Escritture; qui voit ceste doctrine pense avoir veu la sainte Parole de Dieu, mays il se trompe, elle ny est point, les motz y sont mays non l'intelligence.

  A001000856 

 Scripturæ, dict saint Hierosme, non in legendo sed in intelligendo consistunt; sçavoir la loy n'est pas sçavoir les paroles, mays le sens..

  A001000857 

 Et c'est icy ou je crois d'avoir fermement prouvé que nous avons besoin d'une autre Regle pour nostre foy outre la Regle de l'Escritture Sainte: Si diutius steterit mundus (dict une bonne fois Luther), iterum fore necessarium, propter diversas Scripturce interpretationes quæ nunc sunt, ut ad conservandam fidei unitatem Conciliorum decreta recipiamus, atque ad ea confugiamus; il confesse qu'auparavant on la recevoit, et confesse que ci apres il le faudra faire.

  A001000857 

 J'ay esté long, mays cecy une fois bien entendu, n'est pas un petit moyen de se resouvre a une tressainte deliberation..

  A001000858 

 Autant en dis je des Traditions; car si chacun veut [207] produyre des Traditions, et que nous n'ayons poinct de juge en terre, pour mettre en dernier ressort difference entre celles qui sont recevables et celles qui ne le sont pas, a quoy, je vous prie, en serons nous? L'exemple est clair: Calvin trouve recevable l'Apocalipse, Luther le nie, autant en est il de l'Epistre de saint Jaques; qui reformera ces opinions des reformateurs? l'une ou l'autre est mal formëe, qui y mettra la main? Voyla une seconde necessité que nous avons d'une autre 3 e Regle outre la Parole de Dieu..

  A001000859 

 Il y a neanmoins tresgrande difference entre les premieres Regles et celle cy; car la premiere Regle, qui est la Parole de Dieu, est Regle infallible de soy mesme, et tres suffisante pour regler tous les entendemens du monde, la seconde n'est pas proprement Regle de soymesme, mays seulement entant qu'elle applique la premiere, et qu'elle nous propose la droitture contenue en la Parole sainte: ainsy qu'on dict les loix estre une regle des causes civiles; le juge ne l'est pas de soy mesme, puysque son jugement est obligé au reglement de la loy, neantmoins il est, et peut tresbien estre appellé, regle, par ce que l'application des loix estant sujette a varieté, quand il l'a une fois faicte il faut s'y arrester.

  A001000859 

 La premiere proposition est inevitable: nous sommes en difficulté de la 2 e avec Calvin; qui nous appointera? qui determinera de ce doute? si chacun a l'authorité de proposer le sens de la sainte Parole, la difficulté est immortelle; si celuy qui a l'authorité de proposer peut [208] errer en sa proposition, tout est a refaire.

  A001000859 

 La sainte Parole, donques, est la loy premiere de nostre foy; reste l'application de ceste Regle, laquelle pouvant recevoir autant de formes quil y a de cerveaux au monde, nonobstant toutes analogies de la foy, encores faut il avoir une, seconde Regle pour le reglement de cest'application: il faut la doctrine, et quelqu'un qui la propose; la doctrine est en la sainte Parole, mays qui la proposera? Voyci comm'on deduit un article de foy: la Parole de Dieu est infallible, la Parole de Dieu porte que le Baptesme est necessaire a salut, donques le Baptesme est necessaire a salut.

  A001000865 

 Je soustiens que ce [209] juge n'est autre que l'Eglise Catholique, laquelle ne peut aucunement errer es interpretations et consequences qu'elle tire de la Sainte Escriture, ni es jugemens qu'elle faict sur les difficultés qui s'y presentent.

  A001000865 

 Mays c'est impieté de croire que Nostre Seigneur ne nous ayt layssé quelque supreme juge en terre, auquel nous puyssions nous addresser en nos difficultés, et qui fust tellement infallible en ses jugemens que suyvant ses decretz nous ne puyssions errer.

  A001000865 

 Or, n'est il pas raysonnable qu'aucun particulier s'attribue cest infallible jugement sur l'interpretation ou explication de la sainte Parole; car, a quoy en serions nous? Qui voudroit subir le joug du jugement d'un particulier? pourquoy plus tost de l'un que de l'autre? quil parle tant quil voudra de l'analogie, de l'entousiasme, du Seigneur, de l'Esprit, tout cela ne pourra jamais brider tellement mon cerveau que, sil faut s'embarquer a l'adventure, je ne me jette plus tost dans le vaysseau de mon jugement que dans celuy d'un autre, quand il parleroit Grec, Hebrieu, Latin, Tartarin, Moresque et tout ce que vous voudres.

  A001000872 

 Ceux donques qui voudroyent que l'Empereur eust ceste authorité, n'ont point de fondement en l'Escriture ni en la rayson; [211] car, quelles sont les causes principales pour lesquelles on assemble les Conciles generaux, sinon pour reprimer et repouser l'heretique, le schismatique, le scandaleux, comme loups de la bergerie? ainsy fut faicte ceste premiere assemblëe en Hierusalem pour resister a certains de l'heresie des Pharisæens: et qui a charge de repouser le loup sinon le berger? et qui est berger que celuy a qui Nostre Seigneur dict, Pasce oves meas? trouves que semblable charge fut donnée a Tibere? Qui a l'authorité de repaistre le troupeau a l'authorité d'assembler les bergers, pour cognoistre quelle pasture et quelles eaux sont saines aux ouaïlles; cela est proprement assembler les pasteurs in nomine Christi, c'est a dire, par l'authorité de Nostre Seigneur, car qu'est ce autre chose assembler les estatz au nom du prince que les convoquer par authorité du prince? et qui a cest'authorité que celuy qui comme lieutenant a receu les clefz du royaume des cieux? Qui fit dire au bon pere Lucentius, Evesque vicaire du Saint Siege apostolique, que Dioscorus avoit eu tresgrand tort d'avoir assemblé un Concile sans l'authorité Apostolique: Sinodum, dict il, ausus est facere sine authoritate Sedis Apostolicæ, quod nunquam rite factum est, nec fieri licuit; et dict ces paroles en la pleyne assemblee du grand Concile de Calcedoyne.

  A001000872 

 Et de vray, ce sont les pasteurs qui ont charge d'instruire le peuple, et de prouvoir a son salut par les resolutions des doutes qui surviennent touchant la doctrine Chrestienne; les empereurs et les princes y doivent avoir zele, mais selon leur ministere, qui est par voÿe de justice, de police et de l'espëe, qu' ilz ne portent pas sans cause.

  A001000872 

 Il est neanmoins necessaire que si la ville ou l'assemblëe se faict est sujette a l'Empereur, ou a quelque prince, et qu'on veuille faire quelque cueillette publique pour les frais d'un Concile, que le prince chez lequel on s'assemble ayt donné licence et authorisé l'assemblëe, et les cueillettes doivent estre avouëes par les princes riere les estatz desquelz elles se font: et quand l'Empereur voudroit assembler un Concile, pourveu que le Saint Siege y consentit pour rendre la convocation legitime... Telles ont esté les assemblëes de quelques Conciles [212] tres authentiques, et celle qu'Herodes commanda en Hierusalem, pour sçavoir ubi Christus nasceretur, a laquelle les prestres et scribes consentirent; mays qui la voudroit tirer en consequence, pour attribuer l'authorité aux princes de commander les convocations, auroit autant de rayson que de tirer en consequence sa cruauté sur saint Jan Baptiste et le meurtre sur les petitz enfans..

  A001000873 

 C'est donques aux Ecclesiastiques d'y estre convoqués, quoy que les princes, l'Empereur, les roys et autres y ayent lieu comme protecteurs de l'Eglise..

  A001000873 

 Il succede que nous remarquions, en ce premier Concile chrestien qui fut faict par les Apostres, qui y fut apellé Convenerunt, dict le texte, Apostoli et presbiteri videre de verbo hoc; les Apostres et les prestres, en un mot, les gens d'Eglise: la rayson le vouloit, car le vieux proverbe est par tout bon, Ne sutor ultra crepidam, et le mot du bon pere Hosius, rapporté par saint Athanase, quil escrivit a l'empereur Constantius, Tibi Deus imperium commisit, nobis quæ sunt Ecclesiæ concredidit.

  A001000874 

 Pendant qu'on deliberoit, les senieurs ou prestres parlerent, comm'il est probable selon ces paroles, cum autem magna conquisitio fieret, qui monstrent qu'on debatit bien fort ceste question; mays quand il vint a resoudre et porter sentence, il ne se trouve personne qui parle qui ne soit Apostre: aussy ne trouve l'on pas es anciens Conciles et canoniques qu'autre que les Evesques ayt signé et defini; qui fut la cause que les Peres du Concile de Calcedoyne, y voyans entrer les religieux et laicz, crierent plusieurs foys: Mitte foras superfluos, Concilium episcoporum est.

  A001000875 

 Au Concile d'Ephese, saint Cyrille y præsida comme legat et lieutenant de Cælestin, Pape: voyci les paroles de saint Prosper d'Aquitayne: Per hunc virum (il parle du Pape Cælestin) etiam orientales Ecclesiæ gemina peste purgatæ sunt, quando Cyrillo, Alexandrinæ urbis Antistiti, gloriosissimo fidei Catholicæ defensori, [214] ad exsecandam nestorianam impietatem apostolico auxiliatus est gladio; ce que le mesme Prosper dict encores in Chronico: Nestorianæ impietati præcipua Cyrilli Alexandrini Episcopi industria et Papæ Cælestini repugnat authoritas.

  A001000875 

 Au Concile de Constantinople, quoy quil ny fut pas ni aucun legat pour luy, par ce quil traittoit la mesme cause avec les Evesques occidentaux a Rome qui estoit traittëe a Constantinople par les orientaux, qui ne s'estoyent peu joindre qu'en esprit et deliberation, si est ce que par les lettres que les Peres de part et d'autre s'envoyerent, Damase, Evesque de Rome, est reconneu pour legitime chef et præsident.

  A001000877 

 Il peut bien y avoir des laicz au Concile s'il est expedient, mays non pas pour y tenir lieu de juges.

  A001000877 

 Reste le consentement, reception et execution des decretz du Concile, qui fut faicte, comm'elle se doit encores faire a present, par tous ceux qui y assistent, dont il fut dict: Tunc placuit Apostolis et senioribus, cum omni Ecclesia, eligere viros ex eis, etc.; mays quand a l'authorité en vertu delaquelle la promulgation du decret de ce Concile-la fut faicte, elle ne fut sinon des gens ecclesiastiques: Apostoli et seniores fratres, iis qui sunt Antiochiæ, Syriæ et Ciliciæ; l'authorité des brebis ny est point cottëe, mais celle la seulement des pasteurs.

  A001000883 

 Nous parlons donq icy d'un Concile tel que celuy la, ou se trouve l'authorité de saint Pierre, tant au commencement qu'a la conclusion, et des autres Apostres et pasteurs qui s'y voudront trouver, sinon de tous au moins d'une notable partie; ou la discussion soit libre, c'est a sçavoir, que qui voudra y propose ses raysons sur la difficulté qui y est proposëe; ou les pasteurs ayent voix judiciaire; telz en fin qu'ont esté ces quatre premiers, desquelz saint Gregoire faisoit tant de conte, quil en fit ceste protestation: Sicut sancti Evangelii 4 Libros, sic 4 Concilia suscipere et venerari me fateor..

  A001000884 

 C'est la mesm'Eglise, aussy chere au celest'Espoux qu'elle fut alhors, en plus de necessité qu'elle n'estoit alhors; quelle rayson y a il quil ne luy fist la mesme assistence quil luy fit alhors en pareille occasion? Consideres, je vous prie, l'importance de ces motz Evangeliques, Si quis Ecclesiam non audierit, sit tibi tanquam etnicus et publicanus; [216] et quand peut on jamais ouyr plus distinctement l'Eglise que par la voix d'un Concile general, ou les chefz de l'Eglise se trouvent tous ensemble pour dire et deduyre les difficultés? le cors ne parle pas par ses jambes ni par ses mains, mays seulement par son chef; ainsy, comme peut l'Eglise mieux prononcer sa sentence que par ses chefz? Mays Nostre Seigneur s'explique: Iterum dico vobis, quia si duo ex vobis consenserint super terram de omni re quamcumque petierint, fiet illis a Patre meo qui in cælis est; ubi enim sunt duo vel tres congregati in nomine meo, ibi sum in medio eorum.

  A001000884 

 Or sus, voyons un peu combien grande doit estre leur authorité sur l'entendement des Chrestiens; et voicy comme les Apostres en parlent: Visum est Spiritui Sancto et nobis.

  A001000884 

 Si deux ou troys, quand besoin en est, estans assemblés au nom de Nostre Seigneur, ont son assistence si particuliere quil est au milieu d'eux comm'un general emmy l'armee, comm'un docteur et regent au milieu de ses disciples, si le Pere les exauce infalliblement en ce quilz luy demandent, comme refuserait il son Saint Esprit a la generale assemblëe des pasteurs de l'Eglise?.

  A001000886 

 En fin, quel plus estroit commandement avons nous que de prendre la pasture de la main de nos pasteurs? saint Pol ne dict il pas que le Saint Esprit les a colloqués au bercail pour nous regir, et que Nostre Seigneur les nous a donnés affin que nous ne soyons point flottans et emportés a tout vent de doctrine? quel respect donques devons nous porter aux ordonances [217] et canons qui partent de leur assemblëe generale? Certes, pris a part l'un de l'autre, leurs doctrines sont encores sujettes a l'espreuve, mays quand ilz sont ensemble, et que toute l'authorité ecclesiastique est ramassëe en un, qui peut conteroller l'arrest qui en sort? Si le sel s'esvanouÿt, en quoy le conservera-on? si les chefz sont aveugles, qui conduira le reste? si les colomnes tumbent, qui les soutiendra?.

  A001000887 

 Athanase dit que Mot Domini per æcumenicam Niceæ Sinodum manet in æternum; saint Gregoire Nazianzene, parlant des Apollinaristes, qui se ventoyent d'avoyr estés avoüés par un Concile Catholique, Quod si vel nunc, dict il, vel ante suscepti sunt, hoc ostendant et nos acquiescemus; perspicuum enim erit eos rectæ doctrinæ assentiri, nec enim aliter se res habere potest; saint Augustin dict que la celebre question du Baptesme, meüe par les Donatistes, fit douter plusieurs Evesques, donec, plenario totius orbis Concilio, quod saluberrime sentiebatur etiam remotis dubitationibus firmaretur; Defertur, dict Ruffin, ad Constantinum [218] sacerdotalis Concilii (Nicæni) sententia; ille tanquam a Deo prolatam veneratur, cui si quis tentasset obniti, velut contra divina statuta venientem in exilium se protestatur acturum. Que si quelqu'un pensoit, pour produire des analogies, des sentences de l'Escriture, des motz grecz et hebreux, quil luy fust permis de remettre en doute ce qui a desja esté determiné par les Conciles generaux, il faut quil produise des patentes du ciel bien signëes et scelees, ou quil die que chacun en peut autant faire que luy, et que tout est a la merci de nos subtiles temerités, que tout est incertain et sujet a la diversité des jugemens et considerations des hommes.

  A001000887 

 Mays j'ay ja monstré cy devant que de intelligentia hæresis est, non de Scriptura; sensus, non sermo, fit crimen.

  A001000887 

 Qui ne sçait combien de passages l'Arrien produict? que luy peut on opposer sinon qu'il les entend mal? mays il a pleyne liberté de croire que c'est vous qui interpretes mal, non luy, que vous vous trompes, non luy, que son rapport a l'analogie de la foy est mieux cousu que le vostre, pendant quil ni a que les particuliers qui s'opposent a ses nouveautés.

  A001000893 

 .. comme traitte il le grand Concile de Nicee? par ce que le Concile defend estre receuz au ministere clerical ceux qui se sont taillés eux mesmes, et defend quand et quand aux Ecclesiastiques de tenir en leurs maysons [219] autres femmes que leurs meres et leurs seurs, hic prorsus, dict Luther, non intelligo Spiritum Sanctum in hoc Concilio. Et pourquoy? An debebit episcopus aut concionator illum intolerabilem ardorem et æstum amoris illiciti sustinere, et neque conjugio neque castratione se ab his periculis liberare? An vero nihil aliud est negotii Spiritui Sancto in Conciliis, quam ut impossibilibus, periculosis, non necessariis legibus suos ministros obstringat et oneret? Il n'excepte point de Concile, ains tient asseurement qu'un curé seul peut autant qu'un Concile: voyla l'opinion de ce grand reformateur..

  A001000894 

 Mays qu'ay je besoin de courir loin? de Beze dict, en l'Epistre au Roy de France, que vostre reformëe ne refusera l'authorité d'aucun Concile; voyla qui est bon, mays ce qui s'ensuit gaste tout: « pourveü, » dict il, « que la Parole de Dieu en face l'espreuve.

  A001000894 

 » Mays, mon Dieu, quand cessera on de brouiller? les Conciles, apres toute consultation, espreuve faite a la sainte pierre de touche de la Parole de Dieu, jugent et determinent d'un article; si apres tout cela il faut un'autre espreuve avant qu'on reçoive ceste determination,.. n'en faudra il encores une autre? qui ne voudra espreuver? et quand finira on jamais? apres l'espreuve faite par le Concile, de Beze et ses disciples veulent encores espreuver; et qui gardera a un autre d'en demander autant?.. pour sçavoir si l'espreuve du Concile a esté bien faite, pourquoy n'en faudra il une troysiesme pour sçavoir si la seconde est fidelle? et puys une quatriesme pour la troysiesme? tout sera a refaire, et la posterité ne se fiera jamais a l'antiquité, mays ira roulant et mettant ores dessus ores dessous les plus saintz articles de la foy en la roüe de l'entendement.

  A001000895 

 Mays, je vous prie, si l'espreuve faite par un Concile general n'est asses authentique pour arrester le cerveau des hommes, comme l'authorité d'un quidam le pourra faire? Voyci une grand'ambition.

  A001000896 

 De Beze, en l'Epistre au Roy de France et au Traitté mesme, dict que « le Concile de Nicëe a esté un vray et legitime Concile sil y en eut onques »; il dict vray, jamays bon Chrestien n'en douta, ni des autres troys premiers: mays sil est tel, pourquoy est ce que Calvin apelle dure la sentence du Concile en son Simbole, Deum de Deo, lumen de lumine? et que veut dire que ceste parole, ὅμοούσιον, deplaict tant a Luther, Anima mea odit hoc Mot, homoousion? parole laquelle est si recommandable en ce grand Concile.

  A001000896 

 Jamais Luther ni Pierre Martir ou Ochin n'eussent estés de vos ministres silz eussent eu en memoyre les actions du grand Concile de Calcedoyne; car il y est defendu tres expres que les religieux et religieuses ne se marient point.

  A001000896 

 Que veut dire que vous ne tenes conte de la realité du Cors de Nostre Seigneur au Saint Sacrement, que vous appelles superstition le tres saint Sacrifice qui se faict par les prestres, du mesme precieux Cors du Sauveur, et que vous ne voules point mettre difference entre l'Evesque et le prestre? puysqu'en ce grand Concile tout y est si expressement non ja defini mays presupposé comme chose toute notoire en l'Eglise.

  A001000897 

 .. sans authorité du supreme chef de l'Eglise, qui estoit Nostre Seigneur, lhors present d'une præsence visible, et lequel ilz estoyent obligés de reconnoistre: a la verité, quand le grand Sacrificateur est præsent visiblement, le vicayre ne se peut appeller chef, quand le gouverneur d'une forteresse est præsent, c'est a luy de donner le mot, non a son lieutenant.

  A001000897 

 Je sçai qu'es Conciles il y a des articles pour l'ordre et police ecclesiastique, qui peuvent estre changés et ne sont que temporelz, mays ce n'est pas aux particuliers d'y mettre la main: la mesm'authorité qui les a dressés les doit abroger, si quelqu'autre s'en mesle c'est pour neant; et ce n'est pas la mesm'authorité si ce n'est un Concile, ou le chef general, ou la coustume de toute l'Eglise.

  A001000897 

 Mays tout cecy s'entend des vrays Conciles, ou generaux, ou provinciaux advoüés par les generaux ou par le Siege Apostolique: tel que ne fut pas celuy des 400 prophetes assemblés par Achab; car il ne fut ni general, car ceux de Juda n'y furent point apellés, ni bien congregé, car il n'y eut point d'authorité sacerdotale, et ces prophetes n'estoyent pas legitimes et pour telz reconneuz par le roy de Juda, Josaphat, quand il dict: Non est hic propheta Domini, ut interrogemus per eum? comme sil eust voulu dire que les autres n'estoyent pas prophetes du Seigneur.

  A001000897 

 Quand aux decretz de la doctrine de la foi, ilz sont invariables; ce qui est une fois vray, l'est en eternité; aussi les Conciles appellent Canons ce quilz en determinent, par ce que ce sont Regles inviolables a nostre creance.

  A001000912 

 Il ny a point de meilleur expedient au monde: ja que Calvin et Beze confessent que l'Eglise demeura pure les six premieres centeynes d'annees, [226] que nous regardions si vostre eglise est en mesme foy et doctrine que cellela; et qui nous pourra mieux tesmoigner la foy que l'Eglise suyvoit en ces anciens tems, que ceux qui vivoyent alhors avec elle et en sa table? qui pourra mieux desduire les deportemens de ceste celest'Espouse, en la fleur de son aage, que ceux qui ont eu cest honneur d'avoir les principaux offices chez Elle? Et de ce costé, les Peres meritent qu'on leur ajouste foy non pour l'exquise doctrine dont ilz estoyent pourveuz, mays pour la realité de leurs consciences, et la fidelité avec laquelle ilz ont marché en besoigne..

  A001000913 

 Or, qui ne voit qu'au premier cas c'est une impudence intolerable de refuser creance a ceste milliade de Martirs, Confesseurs, Docteurs qui nous ont præcedé? et si la foy de ceste ancienne Eglise nous doit servir de Regle pour bien croire, nous ne sçaurions mieux trouver ceste Regle qu'es escritz et depositions de ces tressaintz et signalés ayeulz ................................................... [228].

  A001000913 

 Outre cela, vous dites que vostre eglise a estëe taillëe.. a la regle et compas de l'Escriture; nous le nions, et disons que vous aves accourcy, estressy et plié ceste regle, comme faysoyent ceux de Lesbos, pour l'accomoder a vostre cerveau, et..... et reformëe selon la vraye intelligence de l'Escriture; nous le nions, et disons que les anciens Peres ont eu plus de suffisance et d'erudition que vous, et neantmoins ont jugé que l'intelligence des Escritures n'estoit pas telle que vous dittes; n'est ce pas une preuve tres certaine? Vous dites que selon les Escrittures il faut abolir la Messe; tous les anciens Peres le nient: a qui croirons nous, ou a ceste troupe d'Evesques et Martirs anciens, ou a ceste bande de nouveaux venuz? voyla ou nous en sommes.

  A001000913 

 Voicy nostre different: vous dites que vous aves reformé vostre eglise sur le patron [227] de l'Eglise ancienne; nous le nions, et prenons a tesmoins ceux qui l'ont veüe, qui l'ont conservëe, qui l'ont gouvernëe; n'est ce pas une preuve franche et nette de toute supercherie? icy nous ne produysons que la preudhommie et bonne foy des tesmoins.

  A001000920 

 Ainsy l'imposition de nom en saint Pierre n'est pas un petit argument de l'excellence particuliere de sa charge, selon la rayson mesme que Nostre Seigneur y attacha, Tu es Petrus, etc..

  A001000920 

 Sil change Jacob en Israel, la rayson est en realité sur le champ: Par ce que si tu as esté puyssant contre Dieu, combien plus surmonteras tu les hommes? Si que Dieu, par les noms quil impose, ne marque pas seulement les choses nommëes, mays nous instruit de leurs qualités et conditions: tesmoins [229] les Anges, qui ne portent point de noms que selon leurs charges, et saint Jan Baptiste, qui porte la grace en son nom quil annonça en sa prædication; ce qui est ordinaire a ceste sainte langue des Israelites.

  A001000921 

 Mays quel nom luy donne il? nom plein de majesté, non vulgaire ni trivial, mays qui ressent sa superiorité et authorité, semblable a celuy d'Abraham mesme: car, si Abraham fut ainsy appelé par ce quil devoit estre pere de plusieurs peuples, saint Pierre a receu ce nom par ce que sur luy, comme sur une pierre ferme, devoit estre fondëe la multitude des Chrestiens; et c'est a ceste ressemblance que saint Bernard appelle la dignité de saint Pierre, « Patriarchat d'Abraham.

  A001000922 

 Ce nom est l'un de ceux de Nostre Seigneur; car, quel autre nom trouvons nous attribué plus frequemment au Messie que celuy de pierre? Ce changement donques, et ceste imposition de nom, est tres considerable, car les noms que Dieu donne sont moelleux et massifz: il communique son nom a saint Pierre, il luy a donques communiqué quelque qualité sortable au nom.

  A001000922 

 Je sçai bien quil imposa nom aux deux freres Jan et Jaques, Boanerges, enfans de tonnerre, mays ni ce nom n'est point nom de superieurité ou commandement, ains d'obeissance, ni propre ou particulier, mays commun a deux; ni ne semble pas quil leur fut permanent, puysque jamais ilz n'en sont appellés despuys, mays que ce fut plus tost un tiltre de louange, a cause de l'excellence de leur prædication.

  A001000922 

 Mays en saint Pierre il donne un nom permanent, plein d'authorité, et qui luy est si particulier que nous pouvons bien dire, auquel des autres a il dict, tu es pierre? pour monstrer que saint Pierre a esté superieur aux autres..

  A001000922 

 Nostre Seigneur est apellé principalement pierre, parce quil est fondement de l'Eglise et pierre angulaire, l'appuy et la fermeté de cest edifice spirituel; ainsy a il declairé que sur saint Pierre seroit edifiëe son Eglise, et quil l'affermiroit en la foy: Conferma [230] fratres tuos.

  A001000923 

 Il me semble que saint Basile donne atteinte a ce que je dis, quand il dict: Petrus ter abnegavit, et collocatus est in fundamento.

  A001000923 

 Nam Christus vere est immobilis Petra, Petrus vero propter Petram; axiomata namque sua Christus largitur aliis, largitur autem ea non evacuatus, sed nihilo minus habens: Petra est et Petram fecit, quæ sua sunt largitur servis suis; argumentum hoc est opulenti, habere videlicet et aliis dare. Ainsy parle saint Basile.

  A001000924 

 Maintenant, quel doute reste il que ce n'est qu'un mesme duquel il a dict, Tu es Roche, et duquel il dict, et sur ceste roche? certes, il ne s'estoit point parlé d'autre Cepha en tout ce chapitre la que de Simon; a quel propos donques allons nous rapporter ce relatif, hanc, a un autre Cepha que celuy qui est immediatement præcedent?.

  A001000924 

 Mays nous n'equivoquons point icy; car ce n'est qu'un mesme mot, et pris sous la mesme signification, quand Nostre Seigneur a dict a Simon, Tu es Pierre, et quand il a dict, et sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise: et ce mot de pierre n'estoit pas un nom propre d'homme, mays seulement il fut approprié a Simon Bar Jona; ce que vous entendres bien mieux si on le prend au langage auquel Nostre Seigneur le dict.

  A001000924 

 Or, je vous prie, quelle apparence y a il que Nostre Seigneur eust faict ceste grande præface, Beatus es Simon Bar Jona, quia caro et sanguis non revelavit tibi, sed Pater meus qui in cælis est; et ego dico tibi, pour ne dire autre sinon, quia tu es Petrus, puys, changeant tout a coup de propos, il allast parler d'autre chose? Et puys, quand il dict, et sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise, ne voyes vous pas quil parle notoirement de la pierre delaquelle il avoit parlé præcedemment? et de quell'autre pierre avoit il parlé que de Simon, au quel il avoit dict, Tu es Pierre? Mays voicy tout l'equivoque qui peut faire scrupule a vos imaginations; c'est que peut estre penses vous que comme Pierre est maintenant un nom propre d'homme, il le fut aussy alhors, et que Petrus ne soit pas la mesme chose que petra, et que, partant, nous passions la signification de Pierre a la pierre, par equivocque du masculin au feminin.

  A001000924 

 Qu'est ce qu'il [Notre-Seigneur] dict? Trois choses; mays il les faut considerer l'une apres l'autre: Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam, et portæ inferi non prævalebunt adversus eam;.. Et tibi dabo claves regni cælorum; quodcumque, etc... que il estoit pierre ou rocher, et sur ce rocher ou ceste pierre il edifieroit son Eglise.

  A001000925 

 Certes, la [version] latine a asses d'autres argumentz pour faire connoistre que ceste pierre n'est autre que saint Pierre, et partant, pour accomoder le mot a la personne a qui on le bailloit pour nom, qui estoit masculine, il luy a baillé une terminayson de mesme, a l'imitation du Grec, qui avoit mis, Tu es πέτρος, et super hanc τῇ πέτρᾷ; mays il ne reussit pas si heureusement en Latin qu'en Grec, par ce qu'en Latin, Petrus ne veut pas dire petra, mays en Grec πέτρος et petra n'est qu'une mesme chose; comme en François rocher et roche [est le mesme,] toutefois, s'il me failloit approprier ou l'un ou l'autre a un homme, je luy appliqueroys plus tost le nom de rocher que de roche, pour la correspondance du mot masculin a la personne masculine.

  A001000925 

 Vous me dires: ouy, mais le Latin dict, Tu es Petrus, et non Tu es Petra; or, ce relatif hanc, qui est feminin, ne se sçauroit rapporter a Petrus, qui est masculin.

  A001000926 

 En fin, pour vous monstrer que c'est bien de saint Pierre duquel il dict, et super hanc petram, je produis les paroles suivantes; car c'est tout un de luy promettre l es clefz du royaume des cieux, et de luy dire, super hanc petram; et neantmoins nous ne pouvons pas douter que ce ne soit saint Pierre auquel il promet les [233] clefz du royaume des cieux, puys quil dict clairement, et tibi dabo claves regni cælorum: si donques nous ne voulons descoudre ceste piece de l'Evangile d'avec les paroles præcedentes et les suivantes, pour la joindre ailleurs a nostre poste, nous ne pouvons croire que tout cecy ne soit dict a saint Pierre et de saint Pierre, Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam; ce que la vraÿe et pure Eglise Catholique, mesme selon la confession des ministres, a avoüé haut et cler en l'assemblëe de 630 Evesques au Concile de Calcedoyne..

  A001000927 

 .. La pierre sur laquelle on releve l'edifice c'est la premiere, les autres s'affermissent sur elle, celles qu'elle ne soustient ne sont pas de l'edifice; on peut bien remuer les autres pierres sans que le bastiment tumbe, mays qui leve la fondamentale, renverse la mayson.

  A001000927 

 .. Les François appellent, mayson, l'edifice et la famille encores; par ceste proportion que, comme une mayson n'est autre qu'un assemblage de pierres et autres materieux faict avec ordre, dependance et mesure, ainsy une famille n'est autre qu'un assemblage de gens, avec ordre et dependance les uns des autres.

  A001000927 

 C'est a ceste similitude que Nostre Seigneur appelle son Eglise ædifice, duquel faysant saint Pierre le fondement, il le faict chef et superieur de ceste famille..

  A001000927 

 On sçait que ce que le chef est au cors d'un vivant, la racine en un arbre, le fondement l'est en un bastiment.

  A001000928 

 .. Il monstre une des differences quil y a entre saint Pierre et luy: car Nostre Seigneur est fondement et fondateur, fondement et ædificateur de l'Eglise, mays saint Pierre n'en est que fondement; Nostre Seigneur en est le Maistre et Seigneur en proprieté, saint Pierre en a seulement l'œconomie; dequoy nous dirons cy apres.

  A001000928 

 La pierre sur laquelle on releve l'edifice c'est la premiere, les autres s'affermissent sur elle; on peut bien remuer les autres pierres sans ruyner l'edifice, mays qui leve la fondamentale, renverse la mayson: si donques les portes [234] d'enfer ne peuvent rien contre l'Eglise, elles ne peuvent rien contre son fondement et chef, lequel elles ne sçauroyent lever et renverser qu'elles ne mettent sans dessus dessous tout le bastiment.

  A001000935 

 En ce cas donques, puysque nous voyons que l'Escriture nous enseigne qu'il ni a point d'autre fondement que Nostre Seigneur, et que la mesme nous enseigne clairement que saint Pierre l'est encores, et plus outre encores que tous les Apostres le sont, il ne faut pas refuser le premier enseignement pour le second, ni le second pour le troysiesme, ains les laysser tous troys en leur entier; ce qui se fera aysement si nous considerons ces passages a la bonne foy et franchement..

  A001000935 

 Mays une grande preuve au contraire, ce semble aux adversaires, c'est que selon saint Pol, Fundamentum aliud nemo potest ponere præter id quod positum est, quod est Christus Jesus; et selon le mesme, nous sommes domestiques de Dieu, superædificati supra fundamentum Apostolorum et Prophetarum, ipso summo angulari lapide, Christo Jesu; et en l'Apocalipse, la muraille de la sainte cité avoit douze fondemens, et en ces douze fondemens le nom des douze Apostres.

  A001000935 

 Si donques, disent ilz, tous les douze Apostres sont fondemens de l'Eglise, comment attribues vous ce tiltre a saint Pierre en particulier? et si saint Pol dict que personne ne peut mettre autre fondement que Nostre Seigneur, comme oses vous dire que par ces paroles, Tu es Pierre, et [235] sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise, saint Pierre ayt esté estably pour fondement de l'Eglise? que ne dites vous plustost, dict Calvin, que ceste pierre sur laquelle l'Eglise est fondëe n'est autre que Nostre Seigneur? que ne dites vous plustost, dict Luther, que c'est la confession de foy que saint Pierre avoit faict? Mays a la verité, ce n'est pas une bonne façon d'interpreter l'Escriture, que de renverser l'un des passages par l'autre, ou l'etirer par une intelligence forcëe a un sens estrange et mal advenant; il faut y laisser tant qu'on peut la naifveté et suavité du sens qui s'y presente.

  A001000936 

 Ainsy la supreme charge qu'eut saint Pierre en l'Eglise militante, a raison de laquelle il est apellé fondement de l'Eglise, comme chef et gouverneur, n'est pas outre l'authorité de son Maistre, ains n'est qu'une participation d'icelle; si que luymesme n'est pas fondement de ceste hiérarchie outre Nostre Seigneur, mays plus tost en Nostre Seigneur, comme nous l'appelions tressaint Pere en Nostre Seigneur, hors duquel il ne seroit rien.

  A001000936 

 Et pour vray, Nostre Seigneur est l'unique fondement de l'Eglise: c'est le fondement de nostre foy, de nostr'esperance et charité; c'est le fondement de la valeur des Sacremens et de nostre fœlicité; et c'est encores le fondement de toute l'authorité et l'ordre ecclesiastique, et de toute la doctrine et administration qui s'y faict; qui douta jamays de cela? Mays, me dict on, sil est unique fondement, comment est ce que vous mettes encores saint Pierre pour fondement? 1.

  A001000936 

 Et puys, aves vous bien consideré les paroles de saint Pol? Il ne veut pas qu'on reconnoisse aucun fondement outre Nostre Seigneur, mays ni saint Pierre ni les autres Apostres ne sont pas fondemens outre Nostre Seigneur, ains sous Nostre Seigneur; leur doctrine [n'est] pas outre celle de leur Maistre, mays celle la mesme de leur Maistre.

  A001000936 

 Vous nous faictes tort; nous ne le mettons pas pour fondement, Celuy la outre lequel on n'en peut point mettre d'autre, l'a mis luy mesme; si que, si Nostre Seigneur est vray fondement de l'Eglise, comm'il l'est, il faut croire que saint Pierre l'est encores, puysque Nostre Seigneur l'a mis en ce rang: que si quelqu'autre que Nostre Seigneur mesme luy eust donné ce grade, nous crierions tous avec vous: Nemo potest aliud fundamentum ponere præter id quod positum.

  A001000937 

 Car Nostre Seigneur est fondement et fondateur, fondement sans autre fondement, fondement de l'Eglise Naturelle, Mosaique et Evangelique, fondement perpetuel et immortel, fondement de la militante et triomphante, fondement de soymesme, fondement de nostre foy, esperance et charité, et de la valeur des Sacremens.

  A001000937 

 Ceste si grande difference faict qu'en comparayson, l'un ne soit pas apellé fondement au pris de l'autre, qui neanmoins pris a part peut estre appellé fondement, affin de laisser lieu a la proprieté des Parolles saintes: ainsy qu'encores quil soit le bon Pasteur il ne laysse de nous en donner sous luy, entre lesquelz et sa majesté il y a si grande difference, que luy mesme monstre quil est le seul Pasteur..

  A001000937 

 Nostre Seigneur donques est fondement, et saint Pierre aussi, mays avec une si notable difference, qu'au pris de l'un, l'autre peut estre dict ne l'estre point.

  A001000937 

 Saint Pierre est fondement non fondateur de toute l'Eglise, fondement, mays fondé sur un autre fondement qui est Nostre Seigneur, fondement de la seule Eglise Evangelique, fondement sujet a succession, fondement de la [237] militante non de la triomphante, fondement par participation, fondement ministerial, non absolu, enfin administrateur et non seigneur, et nullement fondement de nostre foy, esperance et charité, ni de la valeur des Sacremens.

  A001000938 

 Au contraire, puys que Nostre Seigneur a dict en particulier et en termes particuliers a saint Pierre ce qui est dict par apres en general des autres, il faut conclure qu'il y a en saint Pierre quelque particuliere proprieté de fondement, et quil a esté luy en particulier ce que tout le college a esté ensemble.

  A001000938 

 Tout de mesme, ce n'est pas bien philosopher de dire, tous les Apostres en general sont appellés fondemens de l'Eglise, donques saint Pierre ne l'est que comme les autres.

  A001000938 

 Toute l'Eglise a esté fondëe sur tous les Apostres, et toute sur saint Pierre en particulier; c'est donq saint Pierre qui en est le fondement, pris a part, ce que les autres ne sont pas, car a qui a il jamays esté dict en particulier, Tu es Pierre, etc.? Ce seroit violer l'Escriture, qui diroit que tous les Apostres en general n'ont pas esté fondement de l'Eglise; ce seroit aussy la violer, qui nieroit que saint Pierre ne l'eust esté particulierement: il faut que la parole generale sortisse son effect general, et la particuliere, le particulier, affin que rien ne demeure inutile et sans mistere en des si misterieuses Escritures..

  A001000939 

 Et c'est ainsy que s'entend le lieu de l'Apocalipse; car les douze Apostres sont apellés fondemens de la celeste Hierusalem, par ce que ce ont esté les premiers qui ont converty le monde a la religion Chrestienne, qui a esté comme jetter les fondements de la gloire des hommes et la semence de leur bienheureuse immortalité.

  A001000939 

 Et en cest endroit, tous les Apostres semblent aller a pair, si saint Jan et saint Pol ne precedent pour l'excellence de leur theologie; c'est donq de ce costé que tous les Apostres sont fondemens de l'Eglise.

  A001000939 

 Mays le lieu de saint Pol semble ne s'entendre pas tant de la personne des Apostres que de leur doctrine; car il n'est pas dict que nous soyons suredifiés sur les Apostres, mays, sur le fondement des Apostres, c'est a dire, sur la doctrine quilz ont annoncëe: ce qui est aysé a reconnoistre, puysqu'il ne dict pas seulement que nous sommes sur le fondement des Apostres, mays encores des Prophetes, et nous sçavons bien que les Prophetes n'ont pas autrement estés fondemens de l'Eglise Evangelique que par leur doctrine.

  A001000939 

 Voyons seulement a quelle rayson generale tous les Apostres sont apellés fondemens de l'Eglise: et c'est par ce que ce sont eux qui par leur prædication ont planté la foy et doctrine Chrestienne; en quoy sil faut donner prærogative a quelqu'un des Apostres, ce sera a celuy la qui disoit: Abundantius illis omnibus [238] laboravi.

  A001000946 

 Et ego dico tibi quia tu es Petrus, et tibi dabo, etc.; ce tibi dabo se rapporte a celuy la mesme auquel il avoit dict, et ego dico tibi, c'est donq a saint Pierre.

  A001000946 

 Et ne nie pas nom plus que le reste des prælatz de l'Eglise n'ayent eu part [241] a l'usage des clefz; et quand aux Apostres, je confesse quilz y ont eu tout'authorité: je dis seulement que la collation des clefz est icy promise principalement a la personne de saint Pierre, et a l'utilité de toute l'Eglise; car encor que ce soit luy qui les ayt recettes, si est ce que ce n'est pas pour son prouffit particulier, mays pour celuy de l'Eglise.

  A001000946 

 Le maniement des clefz est promis a saint Pierre en particulier et principalement, puys, en apres, a l'Eglise; mays principalement pour le bien general de l'Eglise, puys, en apres, pour celuy de saint Pierre: comm'il advient en toutes charges publiques..

  A001000946 

 Mays si cecy n'est violer l'Escriture, jamays homme ne la viola; car n'estoit ce pas a saint Pierre a qui il parloit? et comme pouvoit il mieux exprimer son intention que de dire, Et ego dico tibi; Dabo tibi? et puysque immediatement il venoit de parler de l'Eglise, ayant dict, portæ inferi non prævalebunt adversus eam, qui l'eust gardé de dire, et dabo illi claves regni, sil les eust voulu donner a toute l'Eglise immediatement? or il ne dict pas illi, mays, dabo tibi.

  A001000946 

 Que sil est permis d'aller ainsy devinant sur des paroles si claires, il ny aura rien en l'Escriture qui ne se puysse plier a tous sens: quoy que je ne nie pas que saint Pierre en cest endroit ne parlast en son nom et de toute l'Eglise, quand il fit ceste noble confession; non ja comme commis par l'Eglise ou par les disciples (car nous n'avons pas un brin de marque de ceste commission en l'Escriture, et la revelation sur laquelle il fonde sa confession avoit esté faite a luy seul, sinon que tout le college des Apostres eut nom Simon Barjona), mays comme bouche, prince et chef des autres, selon saint Chrysostome et saint Cyrille, et « pour la primauté de son apostolat, » comme dict saint Augustin.

  A001000947 

 Mays on me demandera quelle difference il y a entre la promesse que Nostre Seigneur faict icy a saint Pierre de luy donner les clefz, et celle quil fit aux Apostres par apres; car, a la verité, il semble que ce n'estoit que la mesme, par ce que Nostre Seigneur explicant ce quil entendoit par les clefz, il dict: Et quodcumque ligaveris super terram erit ligatum et in cælis, et quodcumque solveris, qui n'est autre que ce quil dict aux Apostres en general, quæcumque alligaveritis.

  A001000950 

 A la verité, quand l'Escriture veut ailleurs declairer une sauveraine authorité, elle a usé de semblables termes: en l'Apocalipse, quand Nostre Seigneur se veut faire connoistre a son serviteur, il luy dict: Ego sum primus et novissimus, et vivus et fui mortuus, et ecce sum vivens in secula seculorum; et habeo claves mortis et inferni; qu'entend il par les clefz de la mort et de l'enfer, sinon la supreme puyssance et sur l'un et sur l'autre? et la mesme quand il est dict de Nostre Seigneur, Hæc dicit sanctus et verus, qui habet clavem David, qui aperit et nemo claudit, claudit et nemo aperit, que pouvons nous entendre que la supreme authorité en l'Eglise? et ce que l'Ange dict a Nostre Dame, Dabit illi Dominus sedem David patris ejus et regnabit in domo Jacob in æternum? le Saint Esprit nous faysant connoistre la royauté de Nostre Seigneur ores par le siege ou trosne, ores par les clefz..

  A001000950 

 Et qui ne sçait qu'un maistre partant de sa mayson, sil laisse les clefz a quelqu'un, que ce n'est sinon luy en laysser la charge et le gouvernement? Quand les princes font leurs entrëes es villes, on leur presente les clefz, comme leur deferans la sauveraine authorité; c'est donq la supreme authorité que Nostre Seigneur promet icy a saint Pierre.

  A001000950 

 Voyons voir donques que c'est que de promettre les clefz du royaume des cieux.

  A001000951 

 I a il rien de plus coignant que ces deux Escrittures? Car, Beatus es, Simon Barjona, quia caro et sanguis non revelavit tibi, sed Pater meus qui in cælis est, ne vaut il pas bien pour le moins, Vocabo servum meum Eliakim filium Helciæ? et, Ego dico tibi quia tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam, et portæ inferi, etc., ne vaut il pas tout autant, Induam illum tunica tua, et cingulo tuo confortabo eum, et potestatem tuam dabo in manu ejus, et erit quasi pater habitantibus Hierusalem et domui Juda? et qu'est ce autre chose estre le fondement ou pierre fondamentale d'une famille, que d'y estre comme pere, y avoir la surintendence, y estre gouverneur? Que si l'un a eu ceste asseurance, Dabo clavem David super humerum ejus, l'autre n'en a pas eu moins, qui a ceste promesse, Et tibi dabo claves regni cælorum; que si quand l'un aura ouvert, personne ne fermera, quand il aura fermé personne n'ouvrira, aussi, quand l'autre aura deslié personne ne liera, quand il aura lié personne ne desliera.

  A001000951 

 L'un est Eliakim, filz d'Helcias, l'autre Simon, filz de Jonas; l'un est revestu de la robbe pontificale, l'autre, de la revelation cæleste; l'un a la puyssance en sa main, l'autre est un fort rocher; l'un est comme pere en Hierusalem, l'autre est comme fondement en l'Eglise; l'un a les clefz du Temple de David, l'autre, celles de l'Eglise Evangelique; quand l'un ferme personne n'ouvre, quand l'un lie personne ne deslie; quand l'un ouvre personne ne ferme, quand l'un deslie personne ne lie.

  A001000951 

 La, donques, est descritte la deposition d'un sauverain Prestre et gouverneur du Temple: Hæc dicit Dominus Deus exercituum: vade, ingredere ad eum qui habitat in tabernaculo, ad Sobnam, præpositum Templi, et dices ad eum: quid tu hic? et plus bas: deponam te.

  A001000951 

 Mays sur tout, le commandement qui est faict en Isaie pour Eliakim, s'apparie de toutes pieces a celuy que Nostre Seigneur faict icy a saint Pierre.

  A001000952 

 Ceste difference est prise des termes propres de l'Escriture, car solvere et ligare ne signifie que l'action et exercice, habere claves, l'habitude.

  A001000952 

 Et a la verité, il fut convenable que les Apostres, qui devoyent par tout planter l'Eglise, eussent tous plein pouvoir et entiere authorité d'user des clefz et pour l'exercice d'icelles; et fut tres necessaire [245] encores que l'un d'entr'eux en eust la garde par office et dignité, ut Ecclesia quæ una est, comme dict saint Cyprien, super unum, qui claves ejus accepit, voce Domini fundaretur..

  A001000952 

 Et quelle difference y a il? certes, toute telle quil y a entre la proprieté d'une authorité et l'usage: il se peut bien faire qu'un roy vivant, il ait ou la reyne ou son filz qui ait tout autant de pouvoir que le roy mesme a chastier, absoudre, donner, faire grace; il n'aura pourtant pas le sceptre, mays l'usage seulement; il aura bien la mesm'authorité, mays nom pas quand a la proprieté, ains seulement quand a l'usage et l'exercice; tout ce quil aura faict sera faict, mays il ne sera pas chef ni roy, ains faudra quil reconnoisse que son pouvoir est extraordinaire, par commission et delegation, au lieu que le pouvoir du roy, qui ne sera point plus grand, sera ordinaire et par proprieté.

  A001000952 

 Voyla combien est differente la promesse que Nostre Seigneur fit a saint Pierre, de celle quil fit aux autres Apostres; les Apostres ont tous mesme pouvoir avec saint Pierre, mays nom pas en mesme grade, d'autant quilz l'ont comme deleguez et commis, et saint Pierre, comme chef ordinaire et officier permanent.

  A001000952 

 Voyla que c'est qu'importe ceste promesse de donner les clefz a saint Pierre, promesse qui ne fut onques faitte aux autres Apostres: mays je dis que ce n'est pas tout un de promettre les clefz du Royaume, et de dire, quodcumque solveris, quoy que l'un soit explication de l'autre.

  A001000955 

 Mays les paroles suivantes rendent tout cecy tres evident; car quelque Protestant pourroit dire quil a prié pour saint Pierre en particulier pour quelque autre respect que l'on peut imaginer (car l'imagination fournit tousjours asses d'appuy a l'opiniastreté), non par ce quil fut chef des autres, et que la foy des autres fut maintenue en leur pasteur: au contraire, Messieurs, c'est affin que, aliquando conversus confirmet fratres suos; il prie pour saint Pierre comme pour le confirmateur et l'appuy des autres, et cecy qu'est ce, que le declairer chef des autres? On ne sçauroit, a la verité, donner commandement a saint Pierre de confirmer les Apostres, qu'on ne le chargeast d'avoir soin d'eux; car, comme pourroit mettre ce commandement en faict, sans prendre garde a la foiblesse ou fermeté des autres pour les affermir et rasseurer? N'est ce pas le redire encor une fois fondement de l'Eglise? sil appuÿe, rasseure, affermit ou confirme les pierres mesme fondamentales, comme n'affermira il tout le reste? sil a charge de soutenir les colomnes de l'Eglise, comme ne soustiendra il tout le reste du bastiment? sil a charge de repaistre les pasteurs, ne sera il pas sauverain pasteur luy mesme? Le jardinier qui voit les ardeurs du soleil continuelles sur une jeune plante, pour la præserver de l'assechement qui la menace, ne porte de l'eau sur chasque branche, mais ayant bien trempé la racine croit que tout le reste est en asseurance, par ce [247] que la racine va dispersant l'humeur a tout le reste de la plante: ainsy Nostre Seigneur ayant planté ceste saint'assemblëe de Disciples, pria pour le chef et la racine, affin que l'eau de la foy ne manquast point a celuy qui devoit en assaisonner tout le reste, et que par l'entremise du chef, la foi fust tousjours conservëe en l'Eglise; il prie donques pour saint Pierre en particulier, mays au prouffit et utilité generale de toute l'Eglise..

  A001000955 

 Nostre Seigneur, qui devoit maintenir la foy en son Eglise, n'a point prié pour la foy d'aucun des autres en particulier, mays seulement de saint Pierre comme chef: car, quelle rayson penserions nous en ceste prærogative, Expetivit vos, tous tant que vous estes, ego autem rogavi pro te? n'est ce pas le mettre luy tout seul en conte pour tous comme chef et conducteur de toute la troupe? Mays qui ne voit combien ce lieu est pregnant a ceste intention? Regardons ce qui precede, et nous y trouverons que Nostre Seigneur avoit declaré a ses Apostres quil y en avoit un entr'eux plus grand que les autres, qui major est inter vos, et qui præcessor; et tout d'un train Nostre Seigneur luy va dire que l'adversaire cherchoyt de les cribler, tous tant quilz estoyent, et neantmoins quil avoit prié pour luy [en] particulier, affin que sa foy ne manquast.

  A001000956 

 Mays il faut, avant que fermer ce propos, que je vous die que saint Pierre ne perdit pas la foy quand il nia Nostre Seigneur, mays la crainte luy fit desavouer ce quil croyoit; c'est a dire, il ne s'oublia pas en la foy, mays en la confession de la foy; il croyoit bien, mais il parloit mal, et ne confessoit pas ce quil croyoit.

  A001000962 

 Il y a des autres pasteurs en l'Eglise; chacun doit pascere gregem qui in se est, comme dict saint [249] Pierre, ou celuy in quo eum posuit Spiritus Sanctus Episcopum, selon saint Pol; mays, Cui unquam aliorum sic absolute, sic indiscrete, dict saint Bernard, [totæ] commissæ sunt oves, Pasce oves meas?.

  A001000963 

 Ce n'est que saint Pierre qui fut fasché, ce n'est que saint Pierre auquel la mort est præditte; quelle occasion donques y peut il avoir [250] de douter si ceste parolle, Pasce oves meas, qui est jointte a toutes ces autres, s'addresse a luy seul?.

  A001000963 

 Ce n'est que saint Pierre qui s'appelle Simon Joannis, ou Jonæ (que l'un vault l'autre, et Jona n'est que l'abbregé de Joannah ), et affin qu'on sache que ce Simon Joannis est bien saint Pierre, saint Jan atteste que c'estoit Simon Petrus: Dicit Jesus Simoni Petro, Simon Joannis, diligis me plus his? c'est donq saint Pierre en particulier auquel Nostre Seigneur dict, Pasce oves meas.

  A001000963 

 Mesme, que Nostre Seigneur en ceste parole met saint Pierre a part des autres, quand il le met en comparayson: diligis me, voyla saint Pierre d'un costé, plus his? voyla les Apostres de l'autre; et quoy que tous les Apostres ny fussent pas, si est ce que les principaux y estoyent, saint Jaques, saint Jan, saint Thomas et autres.

  A001000964 

 En l'Escriture, regir et paistre le peuple se prend pour une mesme chose, comm'il [est] aysé a voir en Ezechiel, au second des Rois; et es Psalmes en plusieurs endroitz, la ou, selon l'original, il y a pascere, nous avons regere, comme au Psalme second, Reges eos in virga ferrea, et de faict, entre regir et paistre les brebis avec une holette de fer il ny a pas difference; au Psalme 22, Dominus regit me, c'est a sçavoir, me gouverne comme pasteur; et quand il est dict que David avoit esté esleu pascere Jacob servum suum, et Israel hæreditatem suam; et pavit eos in innocentia cordis sui, c'est tout de mesme que sil disoit, regere, gubernare, præesse; et c'est avec la mesme façon de parler que les peuples sont appellés brebis de la [251] pasture de Nostre Seigneur, si que avoir commandement de paistre les brebis Chrestiennes, n'est autre que d'en estre le regent et pasteur..

  A001000964 

 Or, que repaistre les brebis soit avoir la charge d'icelles, il appert clairement; car qu'est ce qu'avoir la charge de paistre les brebis que d'en estre pasteur et berger? et les bergers ont pleyne charge des brebis, non seulement ilz les conduysent aux pasturages, mays les rameynent, les establent, les conduisent, les gouvernent, les tiennent en crainte, chastient et defendent.

  A001000965 

 C'est que par trois fois Nostre Seigneur luy recharge de faire office de pasteur, luy disant, p nt, Pasce agnos meos, 2 nt, oviculas, 3 nt oves; non seulement affin de rendre ceste [253] institution plus solemnelle, mays pour monstrer quil luy donnoit en charge non seulement les peuples, mays les pasteurs et Apostres mesme, qui, comme brebis, nourrissent les agneaux et brebiettes, et leur sont meres..

  A001000965 

 Cui non planum est non designasse aliquas, sed assignasse omnes? nihil excipitur ubi distinguitur nihil: et forte præsentes cæteri condiscipuli erant cum, committens uni, unitatem omnibus commendaret in uno grege et uno pastore, secundum illud: Una est columba mea, formosa mea, perfecta mea; ubi unitas, ibi perfectio.

  A001000965 

 Maintenant, il est aysé a voir quelle authorité Nostre Seigneur baille a saint Pierre par ceste parole, Pasce oves meas; car, a la verité, 1.

  A001000965 

 Mays sil luy a dict, Repais mes brebis, ou il les luy recommandoit toutes, ou quelques unes seulement: si il n'en recommandoit que quelques unes, et quelles? je vous prie; n'eust ce pas esté ne luy en recommander point, de luy en recommander seulement quelques unes sans luy dire lesquelles, et luy donner en charge des brebis meconneües? si toutes, comme la parole le porte, donques il a esté le general pasteur de toute l'Eglise; et la chose va bien ainsy sans doute, c'est l'interpretation ordinayre des Anciens, c'est l'execution de ses promesses.

  A001000965 

 [252] Quand Nostre Seigneur disoit, Cognosco oves meas, il entendoit de toutes; quand il dict, Pasce oves, il entend encores de toutes: et qu'est ce autre chose dire, Pasce oves meas, que, aÿe soin de mon bercail, de ma bergerie, ou de mon parc et troupeau? or, Nostre Seigneur n'a qu'un troupeau, il est donq totalement sous la charge de saint Pierre.

  A001000965 

 le commandement y est si particulier quil ne s'addresse qu'a saint Pierre; 2.

  A001000968 

 Ni ce que saint Pol est apellé l'Apostre des Gentilz, et saint Pierre, des Juifz; par ce que ce n'estoit pas pour diviser le gouvernement de l'Eglise, ni pour empecher l'un ou l'autre de convertir et les Gentilz et les Juifz indifferemment, mays pour leur assigner les quartiers ou ilz devoyent principalement travailler a la [254] predication, affin que chacun attaquant de son costé l'impieté, le monde fust plus tost rempli du son de l'Evangile..

  A001000969 

 Ni ce quil semble quil ne conneust pas que les Gentilz deussent appartenir a la bergerie de Nostre Seigneur, qui luy estoit commise; car ce quil dict au bon Cornelius, In veritate comperi quia non est personarum acceptor Deus, sed in omni gente qui timet eum et operatur justitiam acceptus est illi, n'est pas autre chose que ce quil avoit dict long tems au paravant, Omnis quicumque invocaverit nomen Domini salvus erit, et la prædiction quil avoit expliquëe, In semine tuo benedicentur omnes familiæ terræ; mays il n'estoit pas asseuré du tems auquel il failloit commencer la reduction des Gentilz, suyvant la sainte parole du Maistre, Eritis mihi testes in Hierusalem, et in omni Judæa, et Samaria, et usque ad ultimum terræ, et celle de saint Pol, Vobis quidem oportebat primum loqui Mot Dei, sed quoniam repellitis, ecce convertimur ad Gentes: [255] mesme que Nostre Seigneur avoit desja ouvert le sens des Apostres a l'intelligence de l'Escriture, quand il leur dict que oportebat prædicari in nomine ejus pænitentiam et remissionem peccatorum in omnes gentes, incipientibus a Hierosolima..

  A001000972 

 Ni, en fin, ce qu'on faict sonner si haut, que saint Pol a repris en face saint Pierre; car chacun sçait quil est permis au moindre de reprendre le plus grand et de l'admonester quand la charité le requiert: tesmoin [256] nostre saint Bernard en ses Livres De Consideratione; et sur ce propos le grand saint Gregoire dict ces paroles toutes dorëes: Factus est sequens minoris sui, ut in hoc etiam præiret; quatenus qui primus erat in apostolatus culmine, esset primus [et] in humilitate..

  A001000979 

 Il y a des autres pasteurs en l'Eglise; chacun doit repaistre le troupeau qui est en luy, Pascite gregem qui in vobis est, dict saint [249] Pierre, ou celuy auquel le S t Esprit l'a mis Evesque, In quo, dict S t Pol, vos posuit Spiritus Sanctus Episcopos; mays auquel des autres fut il onques dict tant absolument et indifferemment: Repais mes brebis? Cui unquam aliorum, dict saint Bernard, sic absolute, sic indiscrete commissœ sunt oves, Pasce oves meas?.

  A001000980 

 C'est S t Pierre seul auquel ceste charge s'addresse; Dicit Jesus Simoni Petro, Simon Joannis, diligis me plus bis? c'est donq S t Pierre auquel N. S r parle; car pas un de la trouppe ne s'appelloit Simon Pierre, ou Simon Joannis, si ce n'est S t Pierre, filz de Jonas ou Johannah (que l'un n'est qu'un abbregé de l'autre).

  A001000981 

 Au Psalme 22, Dominus regit me, c'est a dire, me gouverne comme berger; et quand il est dict que David avoit esté choisi pascere Jacob servum suum, et Israel hæreditatem suam; et pavit eos in innocentia cordis sui, c'est tout de mesme que s'il y avoit regere, gubernare, prœesse; ainsy les peuples sont appellés brebis de la pasture du Seigneur, [251] si que avoir commandement de paistre les brebis Chrestiennes, n'est autre que de les gouverner et regir..

  A001000981 

 Or, que repaistre les brebis soit en avoir la charge, il appert de ce que les bergers non seulement conduisent le troupeau aux pasturages, mays le ramenent, gouvernent, defendent, chastient et establent; et de faict, en l'Escriture, regir et paistre le peuple se prend pour une mesme chose, comme il est aysé a voir en Ezechiel, au second des Rois, et es Psalmes en plusieurs endroitz.

  A001000982 

 Cui non planum est non designasse aliquas, sed assignasse omnes? nihil excipitur ubi distinguitur nihil: et forte præsentes cœteri condiscipuli erant cum, committens uni, unitatem omnibus commendaret in uno grege et uno pastore, secundum illud: Una est columba mea, formosa mea, perfecta mea; ubi unitas, ibi perfectio.

  A001000982 

 Et de faict, quand il luy dict, Repais mes brebis, ou il les luy recommandoit toutes ou quelques unes seulement; si quelques unes, n'eust ce pas esté ne luy en recommander point, puysqu'il ne luy specifioit pas lesquelles luy estoyent commises, et luy donner charge de brebis inconneues? Il les luy a donques recommandees toutes, le faisant pasteur general de toute l'Eglise; et la chose va bien ainsy, c'est l'interpretation ordinaire des Anciens, c'est l'execution des promesses.

  A001000982 

 Mais, sur tout, l'authorité qui est donnee a S t Pierre par ces paroles, Pasce oves meas, est si generale qu'elle s'estend sur tous les fideles mortelz, et le commandement y est si particulier quil ne s'addresse qu'a S t Pierre.

  A001000982 

 Quand [252] Nostre S r disoit, Cognosco oves meas, il parloit de toutes; quand il dict, Pasce oves meas, il entend encores de toutes: car N. S r n'a qu'un bercail, qu'une bergerie, qu'un parc et un troupeau, il est donq totalement sous la charge de S t Pierre.

  A001000986 

 Ni ce quil semble que S t Pierre ne conneust pas que les Gentilz deussent appartenir a la bergerie de N. S r; car ce qu'il dict au bon capitaine Cornelius, In veritate comperi quia non est personarum acceptor Deus, sed in omni gente qui timet eum et operatur justitiam acceptus est illi, n'est pas autre chose que ce qu'il avoit dict long tems au paravant, Omnis quicumque invocaverit nomen Domini salvus erit, et la prediction qu'il avoit expliquee, In semine tuo benedicentur omnes familæ terræ.

  A001000989 

 Ni, en fin, ce qu'on faict sonner si haut, que S t Pol a repris en face S t Pierre; car chacun sçait qu'il est permis au moindre de reprendre le plus grand, et de l'admonester avec charité et sousmission: tesmoin [256] S t Bernard en ses Livres ad Eugenium; et sur ce propos le grand S t Gregoire dict ces paroles toutes dorees: Factus est sequens minoris sui, ut in hoc etiam præiret; quatenus qui primus erat in apostolatus culmine, esset primus in humilitate..

  A001000995 

 Il C'est chose bien digne de consideration en ce faict, que jamais les Evangelistes ne nomment les Apostres ensemble avec saint Pierre, quilz ne le mettent tousjours au haut bout, tousjours en teste de la troupe: ce qui ne peut estre faict a cas et fortune; tant par ce que c'est une observation perpetuelle es Evangiles, et que ce ne sont pas quatre ou cinq fois quilz sont nommés ensemble, mays tres souvent ou tous ou une partie, qu'aussi qu'es autres Apostres, les Evangelistes [257] n'observent point d'ordre: Duodecim Apostolorum nomina sunt hæc, dict saint Mathieu: primus Simon, qui dicitur Petrus, et Andreas frater ejus, Jacobus Zebedæi et Joannes frater ejus, Philip pus et Bartholomœus, Thomas et Mathœus publicanus, Jacobus Alphœi et Thaddœus, Simon Cananœus, et Judas Iscariotes qui tradidit eum. Saint Marc met saint Jaques second, saint Luc le met troysiesme; saint Mathieu met......

  A001000996 

 C'est chose bien digne de consideration en ce faict, que jamais les Evangelistes ne nomment ou tous les Apostres ou une partie d'iceux ensemble, quilz ne mettent tousjours saint Pierre au haut bout, tousjours en teste de la trouppe: ce qu'on ne sçauroit penser estre faict a cas fortuit, car c'est une observation perpetuelle entre les Evangelistes, et ce ne sont pas quattre ou cinq fois quilz sont nommés ainsy ensemble, mays tressouvent, et d'ailleurs, es autres Apostres, ilz n'observent point d'ordre: Duodecim Apostolorum nomina hœc sunt, dict saint Mathieu: primus Simon, qui dicitur Petrus, et Andreas frater ejus, Jacobus Zebedæi et Joannes frater ejus, Philippus et Bartholomœus, Thomas et Mathœus publicanus, Jacobus Alphœi et Thaddœus, Simon Cananœus et Judas Iscariotes.

  A001000996 

 Or sus, imaginons que nous voyons, es champs, es rues, es assemblëes, ce que nous lisons es Evangiles, et de vray [est] il encor plus certain que si nous l'avions veu; quand nous verrions par tout saint Pierre le premier, et tout le reste pesle mesle, ne jugerions nous pas que les autres sont esgaux et compaignons, et saint Pierre, le chef et cappitaine?.

  A001000997 

 Mays, outre cela, bien souvent quand les Evangelistes parlent de la compaignie Apostolique, ilz ne nomment que Pierre, et mettent les autres en conte par accessoire et suite: Prosecutus est eum Simon, et qui cum illo erant.

  A001000997 

 Vous sçaves bien que nommer une personne et mettre les autres en un bloc avec luy, c'est le rendre le plus apparent, et les autres, ses inferieurs..

  A001000998 

 Nunquid non habemus potestatem sororem mulierem circumducendi, sicut cæteri Apostoli, et fratres Domini, et Cephas? Qu'est ceci a dire, Dicite discipulis ejus, et Petro? Pierre estoit il pas Apostre? Ou il estoit moins ou plus que les autres, ou il estoit esgal: jamais homme, sil n'est du tout desesperé, ne dira quil fut moins; sil est egal, et va a pair des autres, pourquoy le met on a part? sil ny a rien en luy de particulier, pourquoy ne dict on aussi bien, Dicite discipulis ejus, et Andreæ, ou Joanni? Certes, il faut que ce soit quelque particuliere qualité qui soit en luy plus qu'es autres, et quil ne fut pas simple Apostre; de maniere qu'ayant dict, Dicite discipulis, ou, Sicut cæteri discipuli, on peut encor demeurer en doute de saint Pierre, comme plus qu'Apostre et disciple..

  A001000999 

 Mays saint Mathieu nous monstre clairement quel ordre il y avoit entre les Apostres, c'est a sçavoir, quil y en avoit un premier, tout le reste egal, sans second ni troysiesme: Primus, dict il, Simon, qui dicitur Petrus; il ne dict poinct, secundus Andreas, tertius Jacobus, mays les va nommant simplement, pour nous faire connoistre que pourveu que saint Pierre fut premier, tout le reste estoient a mesme, et qu'entr'eux il ni avoit point de præseance.

  A001000999 

 Primus, dit il, Petrus, et Andreas: d'icy est tiré le nom de primauté; car sil estoit primus, sa place estoit primiere, son rang, primier, et ceste sienne qualité, primauté.

  A001000999 

 Seulement une fois en l'Escriture saint Pierre est nommé apres saint Jaques: Jacobus, Cephas et Joannes dextras dederunt societatis.

  A001001000 

 Mais qu'est cecy, je vous prie? dire que saint Pierre fut le plus viel de la troupe, c'est chercher a credit une excuse a l'opiniastreté: on voit les raysons toutes cleres en l'Escriture, mays par ce qu'on est resolu de maintenir le contrayre, on en va chercher avec l'imagination ça et la.

  A001001000 

 Pourquoy dict on que saint Pierre fut le plus viel, puysque c'est une pure fantasie, qui n'a point de fondement en l'Escriture et est contraire aux Anciens? que ne dict on plus tost quil estoit celuy sur lequel Nostre Seigneur fondoit son Eglise, auquel il avoyt baillé les clefz du royaume des cieux, qui estoit le confirmateur des freres? car tout cecy est de l'Escriture: ce qu'on veut soustenir est soustenu, sil a fondement en l'Escriture ou non, il n'importe.

  A001001004 

 C'est chose bien digne de consideration a ce propos, que jamais les Evangelistes ne nomment ou tous les Apostres ou une partie d'iceux, quilz ne mettent tousjours S t Pierre au haut bout, tousjours [257] en teste de la compaignie: ce qu'on ne sçauroit penser estre faict sans mistere, car c'est une observation perpetuelle entre les Evangelistes, et ce ne sont pas quattre ou cinq fois quilz sont ainsy nommés, mays tres souvent, et d'ailleurs, es autres Apostres, ilz [258] n'observent point d'ordre.

  A001001004 

 Or sus, imaginons que nous voyons, es champs, es rues, es assemblees, ce que nous lisons es Evangiles, et de vray il est encor plus certain; quand nous verrions par tout et en toutes occasions S t Pierre marcher le premier, et tout le reste pesle mesle, ne jugerions nous pas que les autres sont esgaux et compaignons, et S t Pierre, le chef et cappitaine?.

  A001001005 

 Mays, outre cela, bien souvent quand les Evangelistes parlent de la compaignie des Apostres, ilz ne nomment que Pierre, et mettent les autres en conte par accessoire et suite: Prosecutus est eum Simon, et qui cum illo erant.

  A001001005 

 Vous sçaves bien que nommer une personne a part et mettre les autres en bloc avec luy, c'est le rendre le plus apparent, et les autres, ses inferieurs..

  A001001006 

 Nunquid non habemus potestatem sororem mulierem circumducendi, sicut cœteri Apostoli, et fratres Domini, et Cephas? Qu'est ceci a dire, je vous prie, Dites aux disciples, et a Pierre, Pierre et les Apostres respondirent? comment? Pierre n'estoit il pas Apostre? Ou il estoit moins, ou esgal, ou plus que les autres; jamais homme ne dira, sil n'est du tout desesperé, quil fut moins; sil est egal, et va a pair des autres, pourquoy le met on a part? sil ny a rien en luy de particulier, pourquoy ne dict on aussi bien, Dicite discipulis ejus, et Jacobo, ou Joanni?.

  A001001007 

 D'icy est tiré le nom de primauté, car sil estoit primus, son rang estoit primier, sa place primiere, et sa dignité estoit primauté, [261].

  A001001007 

 Seulement une fois S t Pierre est nommé apres S t Jaques: Jacobus, Cepbas et Joannes dextras dederunt societatis. Mays a la verité, il y a trop de quoy douter que l'original ne fust pas de la façon, pour tirer aucune conclusion valable de ce seul passage: car S t Augustin, S t Ambroise, S t Hierosme, tant en leurs Commentaires qu'au texte, [260] n'ont pas escrit Jaques, Pierre et Jan, mays Pierre, Jaques, Jan, autant en a faict S t Chrysostome, au Commentaire; qui monstre la diversité des exemplaires, et rend la conclusion de part et d'autre douteuse.

  A001001008 

 Dignité laquelle on ne peut rejetter sur la viellesse de S t Pierre, car ce seroit une pure fantasie, et une trop grosse excuse a l'opiniastreté, qui n'a point de fondement en l'Escriture, et est contraire a la tradition des Anciens; et qu'il ne fut pas le plus ancien Apostre, l'Escriture le monstre ouvertement qui tesmoigne que S t André l'amena a N. S r; et quand aux autres qualités et conditions de S t Pierre, on n'en trouvera point de particulieres qui le puissent avancer plus que les autres, sinon celles qui le rendent chef de l'Eglise.

  A001001014 

 Si je voulois apporter icy tout ce qui s'en trouve, je ferois aussi grande ceste preuve que je veux faire toute ceste Partie; et ne me cousteroit guere, car cest excellent theologien Robert Belarmin me mettroit beaucoup de choses en main, mays sur tout le docteur Nicolas Sander a traité ce sujet si solidement et amplement, qu'il est malaysé d'en dire rien quil n'ayt dict et escrit en ses Livres De la Visible Monarchie: j'en præsenteray quelques pieces..

  A001001015 

 Si l'Eglise est comparee a un bastiment, comm'elle l'est, son rocher et son fondement ministerial en est sainct Pierre..

  A001001018 

 Si a une nasselle, saint Pierre en est le patron, et en celle la Nostre Seigneur enseigne..

  A001001019 

 Si a une pesche, saint Pierre y est le premier, les vrays disciples de Nostre Seigneur ne peschent qu'avec luy..

  A001001020 

 Si aux retz et filetz, c'est saint Pierre qui les jette en mer, c'est saint Pierre qui les tire, les autres disciples y sont coadjuteurs; c'est saint Pierre qui les met a port, et presente les poissons a Nostre Seigneur..

  A001001021 

 Dites vous qu'ell'est semblable a une legation? saint Pierre y est le premier..

  A001001022 

 Dites vous que c'est une fraternité? saint Pierre y est le premier, le gouverneur et confirmateur des autres..

  A001001024 

 Voules vous que ce soit un parc ou bercail de brebis et d'aigneaux? et saint Pierre en est le pasteur et berger general.

  A001001026 

 C'est luy qui le premier proposa de faire un Apostre; qui n'estoit pas un trait de petite authorité, car les Apostres n'ont pas tous eu des successeurs, et par la mort n'ont pas perdu leur dignité, mays saint Pierre, enseignant l'Eglise, monstre, et que Judas avoit perdu son apostolat, [265] et quil en failloit un autre en sa place, contre l'ordinaire de cest'authorité, qui continue es autres apres la mort, et delaquelle ilz feront encor exercice au jour du jugement, lhors quilz seront assis autour du Juge, jugeans les douze tribus d'Israel..

  A001001026 

 Nostre Seigneur est il monté au ciel, toute la sainte brigade Apostolique se retire chez saint Pierre, comme chez le commun pere de famille; saint Pierre se leve entr'eux et parle le premier, enseigne l'interpretation d'une grave prophetie, a le premier soin de la restauration et creüe du nombre Apostolique, comme chef et colomnel.

  A001001027 

 Les Apostres et Disciples n'ont pas plus tost receu le Saint Esprit, que saint Pierre, comme chef de l'embassade Evangelique, estant avec ses onse compagnons, commence a proposer, selon sa charge, la sainte nouvelle de salut aux Juifz en Hierusalem: c'est le premier catechiste de l'Eglise, et qui preche la pœnitence; les autres sont avec luy, et on les interroge tous, mays saint Pierre seul respond pour tous, comme chef de tous..

  A001001029 

 Faut il donner commencement a l'usage du glaive spirituel de l'Eglise, pour chastier le mensonge? c'est saint Pierre qui assigne le premier coup, sur Ananie et Saphire: de la vient la haine que tous les menteurs [266] portent a son Saint Siege, par ce que, comme dict saint Gregoire, Petrus mentientes verbo occidit..

  A001001030 

 C'est le premier qui reconnoit l'erreur et refute l'heresie, en Simon Magus; de la vient la hayne irreconciliable de tous heretiques a son Siege..

  A001001031 

 C'est le premier qui resuscita les morts, quand il prie pour la devote Tabite..

  A001001032 

 C'est le premier qui commande qu'on baptise les payens..

  A001001032 

 Est il tems de mettre la main a la moyson du paganisme? c'est saint Pierre a qui s'en addresse la revelation, comm'au chef de tous les ouvriers et l'œconome de la metairie.

  A001001032 

 Le bon cappitaine italien Cornelius est il prest a recevoir la grace de l'Evangile? on le renvoÿe a saint Pierre, affin que par ses mains fust dedié et beny le Gentilisme.

  A001001033 

 Se trouve l'on en un Concile general? saint Pierre, comme præsident, y ouvre la porte au jugement et a la definition, et sa sentence [est] suyvie des autres, sa particuliere revelation y sert de loy.

  A001001034 

 Qu'est ce a dire cecy? que n'alloit il aussi bien pour voir le grand apostre et si signalé saint Jaques, que saint Pierre? par ce qu'on regarde les gens en teste et en face, et saint Pierre estoit le chef de tous les Apostres..

  A001001034 

 Saint Paul confesse quil est venu expres en Hierusalem [267] voir saint Pierre, et demeura quinze jours pres de luy; il y vit saint Jaques, mays il n'estoit pas venu pour le voir, ains seulement saint Pierre.

  A001001036 

 Si cecy n'est pas estre le premier et chef des Apostres, je confesse que les Apostres ne sont pas Apostres, les pasteurs, pasteurs, ni les docteurs, docteurs; car, en quelles autres plus expresses paroles et marques pourroit on faire connoistre un pasteur, un docteur, un Apostre, que celles que le Saint Esprit a mis es Escritures pour faire reconnoistre saint Pierre pour chef de l'Eglise? [268].

  A001001043 

 Ce grand docteur Nicolas Sanderus a traité ce sujet si doctement et amplement, en ses Livres De la Visible Monarchie de l'Eglise, qu'il est malaysé d'en dire rien qu'il n'ayt escrit, et ne cousteroit guere de m'y estendre bien avant: j'en presenteray quelques pieces.

  A001001044 

 Si l'Eglise y est comparee a un bastiment, son rocher et son fondement en est S t Pierre..

  A001001046 

 Voules vous que ce soit une nacelle? S t Pierre en est le patron, et en celle la seule Nostre Seig r enseigne..

  A001001047 

 Aimes vous mieux que ce soit une pesche? S t Pierre y est le premier et guide, les vrays disciples de Nostre S r ne peschent qu'avec luy..

  A001001048 

 Si vous l'accompares aux retz et filetz, c'est S t Pierre qui les jette en mer, c'est S t Pierre qui les tire, qui les met a port, et presente les poissons a Nostre Seig r; les autres disciples n'y sont que coadjuteurs..

  A001001049 

 Dites vous qu'elle est semblable a une legation? S t Pierre y est le premier..

  A001001050 

 Si vous dites que ce soit une fraternité, S t Pierre y est le premier, gouverneur et confirmateur des autres..

  A001001051 

 Si c'est un royaume, S t Pierre en a les clefz..

  A001001052 

 Si c'est une bergerie ou bercail de brebis et d'aigneaux, S t Pierre en est le pasteur et berger general.

  A001001054 

 Il a le premier soin de la restauration et creüe de la compaignie Apostolique, comme chef et general: c'est luy qui le premier propose de faire un nouvel Apostre; qui ne fut pas un trait de petite authorité, car les Apostres n'ont pas tous eu des successeurs, et par la mort n'ont pas perdu leur dignité, mays S t Pierre, enseignant l'Eglise, monstra, et que Judas avoit perdu son apostolat [265] et qu'il en failloit un autre en sa place, contre l'ordinaire de ceste authorité, qui continue es autres apres la mort, et de laquelle ilz feront exercice au jour du jugement, lhors qu'ilz seront assis autour du Juge, jugeans les douze tribus d'Israel..

  A001001054 

 Nostre Seig r est il monté au ciel, toute la sainte brigade Apostolique se retire chez S t Pierre, comme chez le commun pere de famille; S t Pierre se leve entr'eux, parle le premier, et y enseigne l'interpretation d'une grave prophetie.

  A001001055 

 Les Apostres et Disciples n'ont pas plus tost receu le S t Esprit, que S t Pierre, comme chef de l'embassade Evangelique, estant avec ses onze compagnons, commence a proposer, selon sa charge, la sainte nouvelle de salvation aux Juifz en Hierusalem: c'est le premier catechiste de l'Eglise, et qui preche la penitence; les autres sont avec luy, et on les interroge tous, mays S t Pierre seul respond pour tous, comme chef de la troupe..

  A001001057 

 Faut il donner commencement a l'usage du glaive spirituel pour chastier le mensonge? c'est S t Pierre qui assigne le premier coup, sur Ananie et Saphire: de la vient la haine que les faux [266] docteurs portent a son Saint Siege et succession, par ce que, comme dict S4 Gregoire, Petrus mentientes verbo occidit..

  A001001058 

 C'est le premier qui reconnoit l'erreur et refute l'heresie, en Simon le Magicien; et c'est pourquoy les heretiques ont inimitié irreconciliable avec son Siege..

  A001001059 

 C'est le premier qui resuscita les morts, priant pour la devote Tabite..

  A001001060 

 C'est le premier qui commande qu'on baptise les payens..

  A001001060 

 Est il tems de recueillir la moysson du paganisme? c'est a saint Pierre auquel s'addresse la revelation, comme au chef de tous les ouvriers et l'econome de la metairie: ainsy, quand le bon cappitaine italien Cornelius fut prest a recevoir la grace de l'Evangile, on le renvoya a S t Pierre, affin que par ses mains le Gentilisme fust consacré et dedié.

  A001001061 

 Assemble on un Concile general? S t Pierre, comme president, y ouvre la porte au jugement et a la definition; sa sentence est suivie des autres, et sa particuliere revelation y sert de loy..

  A001001062 

 Saint Paul confesse quil est venu expres en Hierusalem voir [267] S t Pierre, et demeura quinze jours pres de luy; il y vit bien S t Jaques, mays ce fut par accessoire.

  A001001070 

 Ceux la donques la forcent, qui y apportent un sens nouveau, qui la tirent contre la nature de ses paroles et contre le sens de l'antiquité: ce que sil est loysible a chacun, l'Escriture ne servira plus que de jouët aux cerveaux fantasques et opiniastres..

  A001001070 

 Si nous commencions a la tirer [en] consequence pour la primauté de saint Pierre, on pourroit croire que nous la forçons; mays quoy? ell'est tres claire en ce faict, et a esté entendue de toute l'Eglise premiere en ce sens.

  A001001072 

 Que tesmoignoit elle autre, quand, es lettres publiques et patentes quilz appelloyent anciennement formëes, apres la premiere lettre du Pere, Filz, et Saint Esprit, [270] on y mettoit la premiere lettre de Petrus, sinon qu'apres Dieu tout puyssant, qui est le Roy absolu, l'authorité du lieutenant est en grand pris vers ceux qui sont bons Chrestiens?.

  A001001099 

 Nostre cause est si clairement deduitte en l'Escriture, que c'est presque chose vaine d'y rien adjouster: mays affin que vous sçachies que nous n'y apportons point d'interpretation forcee ou controuvee, je produiray ce qu'en a pensé toute l'Eglise premiere..

  A001001125 

 Je vous prie, si les [274] Apostres, a l'entendement desquelz le S t Esprit esclairoit de si pres, si fermes et puissans, avoyent besoin de confirmateur et pasteur pour la forme et entretenement visible de leur union, et de toute l'Eglise, combien plus maintenant en avons nous necessité, quand il y a tant d'infirmités et foiblesses es membres de l'Eglise? et si les volontés des Apostres, si fermement liees par la charité, eurent besoin d'une liaison exterieure de l'authorité d'un chef, combien plus par apres, quand la charité s'est tant rafroidie, a l'on eu besoin de ceste liaison d'une authorité et d'un magistrat visible? Que si, comme dict S t Hierosme, au tems des Apostres Unus inter omnes eligitur, ut capite constituto schismatis tollatur occasio, combien plus maintenant, pour la mesme rayson, est il necessaire qu'il y ait un chef en l'Eglise? La bergerie Chrestienne doit durer en unité visible jusqu'a la consummation du monde, donques l'unité de gouvernement exterieur y doit demeurer encores, et personne n'a l'authorité de changer la forme d'administration que Nostre Seigneur y a mise: dont il s'ensuit notoirement que S t Pierre a eu des successeurs, en a encores, et en aura jusqu'a la fin du siecle.

  A001001130 

 On ne succede qu'a celuy qui cede et quitte sa place, soit par deposition ou par la mort; qui faict que Nostre Seigneur est tousjours Chef et sauverain Pontife de l'Eglise, et auquel personne ne succede, par ce quil est tousjours vivant, et n'a cedé ou quitté ce sacerdoce [ou] pontificat, quoy quil l'exerce en partie par ses ministres et serviteurs icy bas en l'Eglise militante: [276] mays ces ministres et lieutenantz, tout tant quil y a de pasteurs, peuvent ceder et cedent, soit par deposition ou par la mort, leurs offices et dignités..

  A001001131 

 Mays comme seroit il perpetuel si saint Pierre n'avoit point de successeur? car on ne peut pas douter que saint Pierre ne soit plus pasteur de l'Eglise, puysquil n'est plus en l'Eglise militante, ni mesme homme visible, qui est une condition requise pour administrer en l'Eglise visible.

  A001001131 

 Reste a sçavoir comm'il a faict ceste cession, comm'il a quitté ce sien pontificat, si c'est ou par deposition faicte entre vivantz, ou par la mort naturelle; puys on verra qui luy a succedé et par quel droit..

  A001001133 

 Ce fut donques la mort qui le leva de ceste sentinelle et de ce guet general quil faisoit, comme pasteur ordinaire, sur toute la bergerie de son Maistre: mays qui succeda en sa place? Et quand a ce point, toute l'antiquité est d'accord que c'est l'Evesque de Rome, avec ceste rayson: saint Pierre mourut Evesque de Rome, donques l'evesché de Rome fut le dernier siege du chef de l'Eglise, donques l'Evesque de Rome, qui fut apres la mort de saint Pierre, succeda au chef de l'Eglise, et, par consequent, fut chef de l'Eglise.

  A001001133 

 Quelqu'un [278] pourroit dire quil succeda au chef de l'Eglise quand a l'evesché de Rome, mays non quand a la monarchie du monde; mays celuy la devroit monstrer que saint Pierre eut deux sieges, dont l'un fut pour Rome, l'autre pour l'univers, ce qui n'est point.

  A001001140 

 Ce n'est ici qu'un Memorial, et n'est pas rayson que je m'amuse a toutes sortes d'objections; on en faict sur ce point qui sont si legeres et vaines qu'elles ne meritent pas qu'on s'y amuse.

  A001001141 

 On ne succede qu'a celuy qui quitte et cede sa place, soit par deposition ou par la mort; qui faict que N. S. est tousjours Chef et sauverain Pontife de l'Eglise, auquel personne ne succede, par ce quil est tousjours vivant, et n'a cedé ou quitté son sacerdoce ou pontificat, quoy quil l'exerce en partie par ses ministres et serviteurs icy bas en l'Eglise militante, outre ce quil a une authorité si excellente qu'elle n'est pas en tout communicable: [276] mays ces ministres et vicaires cedent necessairement leurs offices et dignités, ou par deposition ou par la mort..

  A001001142 

 Or nous avons monstré que S t Pierre a esté chef ministeriel de l'Eglise, et que ceste charge luy a esté baillee pour le bien et utilité publique du Christianisme, si que, le Christianisme durant tousjours, ceste mesme charge et authorité doit estre perpetuelle en l'Eglise militante; mays S t Pierre n'est plus pasteur de l'Eglise, puysqu'il n'est plus en l'Eglise militante, ni homme visible, qui est une condition requise pour administrer en l'Eglise visible.

  A001001142 

 Reste a voir comme il a quitté et cédé son pontificat, si c'est ou par deposition faicte entre vivans, ou par la mort naturelle; puys on verra qui luy a succedé et par quel droit..

  A001001143 

 Et d'un costé, c'est chose certaine que S t Pierre a continué en sa charge toute sa vie; car ceste parole de N. S r, Repais mes brebis, luy fut non seulement une institution en ceste supreme [277] charge pastorale, mais un commandement absolu, qui n'avoit point d'autre limitation que par le terme de sa vie, non plus que cestuy la, Prædicate Evangelium omni creaturæ, a quoy les Apostres vacquerent jusques a la mort.

  A001001144 

 Ce fut donques la mort qui le leva de ceste sentinelle generale quil faisoit, comme pasteur ordinaire, sur toute la bergerie du Maistre: mays qui succeda en sa place? Et quand a ce point, toute l'antiquité dict que c'est l'Evesque de Rome.

  A001001144 

 Quelqu'un dira quil succeda au chef de l'Eglise quand a l'evesché de Rome, mays non pas quand a la primauté et charge generale; mays celuy la devroit monstrer que S t Pierre eut deux sieges, l'un pour Rome, l'autre pour l'univers, ce qui n'est point.

  A001001150 

 Mays je n'ay que faire de combattre toutes ces negatives par le menu, puysque, quand j'auray bien preuvé que saint Pierre a esté et est mort Evesque de Rome, j'auray suffisamment prouvé que l'Evesque de Rome est successeur de saint Pierre; outre ce que tous mes raysons et mes tesmoins portent en termes expres que l'Evesque de Rome a succedé a saint Pierre, qui est mon intention, delaquelle neantmoins reussira une claire certitude que saint Pierre a esté a Rome et y est mort..

  A001001151 

 Et quand a l'authorité de cest'epistre, Damasus, in Pontificali, en la vie de Clement, en parle ainsy: In epistola quæ ad Jacobum scripta est, qualiter Clementi commissa est a beato Petro Ecclesia reperies; et Rufin, en la præface sur les Livres Des Reconnaissances de saint Clement, en parle fort honorablement, et dict quil l'avoit mise en Latin, et que saint Clement y tesmoignoit de son institution, et quod eum reliquerit successorem Cathedræ.

  A001001151 

 Et voici mon premier tesmoin: saint Clement, disciple de saint Pierre, en Fepistre premiere quil a escrit ad Jacobum fratrem Domini, laquelle est si authentique que Ruffin en a esté traducteur il y a environ [280] douze cens ans; or il dict ces paroles: Simon Petrus, Apostolus primus, Regem seculorum usque ad Romance urbis notitiam, ut etiam ipsa salvaretur, invexit; hic pro pietate pati volens, apprehensa manu mea in conventu fratrum, dixit: Clementem hunc Episcopum vobis ordino, cui soli meæ prædicationis et doctrinæ Cathedram trado; (et peu apres) Ipsi trado a Domino mihi traditam potesatem ligandi et solvendi.

  A001001153 

 : Romanorum Ecclesia Clementem a Petro ordinatum edit, id est, per instrumenta et rationes publicas demonstrat; et au mesme livre: Fœlix Ecclesia, cui totam doctrinam Apostoli cum sanguine suo profuderunt, et parle de l'Eglise Romayne, ubi Passioni Dominicæ Petrus adæquatur: ou vous voyes que saint Pierre est mort a Rome, et y a constitué saint Clement, si que, joignant ce tesmoignage aux autres, on voit quil y a esté Evesque et y est mort enseignant..

  A001001154 

 55, ad Cornelium: Navigare audent ad Petri Cathedram, atque ad Ecclesiam principalem, unde unitas sacerdotalis exorta est, et parle de l'Eglise Romaine..

  A001001159 

 Hieronymus, ad Damasum Cum successore piscatoris et discipuli Crucis loquor; ego Beatitudini tuæ, id est, Cathedræ Petri, communione consocior..

  A001001161 

 3, quand les legatz du Saint Siege veulent porter sentence contre Dioscorus, ilz disent en ceste façon: Unde sanctissimus et beatissimus magnæ et senioris Romæ Leo, per nos et præsentem sanctam Sinodum, una cum ter beatissimo et omni laude digno beato Petro Apostolo, qui est petra et crepido Ecclesiæ Catholicæ, nudavit eum tam episcopatus dignitate quam etiam ab sacerdotali alienavit ministerio. Notes un peu ces traitz: que le seul Evesque de Rome le prive par ses legatz et par le Concile, que ilz joignent l'Evesque de Rome avec saint Pierre; car ilz monstrent que l'Evesque de Rome tient le lieu de saint Pierre..

  A001001163 

 Bref, jamays il ne fut dict ni douté d'aucun Evesque, es premiers cinq cens ans, quil fut chef ou superieur aux autres, que de celuy de Rome, duquel on ne douta voirement jamais, mays a on tenu pour tout resolu quil estoit tel: a quel propos donques, apres quinze cens ans passés, veut [on] mettre cest'ancienne tradition en compromis? Je n'aurois jamais faict si je voulois apporter sur table toutes les asseurances et recharges que nous avons de ceste verité es escritz des Anciens; cecy cependant suffira, de ce costé, pour prouver que l'Evesque de Rome est successeur de saint Pierre, et que saint Pierre a esté et est mort Evesque a Rome.

  A001001163 

 Ou quilz nous dient quel autre Evesque est chef de l'Eglise et successeur de saint Pierre: au Concile de Nicëe, en celuy de Constantinople et de Calcedoyne, on ne voit pas qu'aucun Evesque s'usurpe la primauté; ell'est deferëe selon l'ancienne coustume au Pape, autre quelconque ny est nommé en pareil grade.

  A001001163 

 Pour Dieu, jettons l'œil sur ceste tresancienne et trespure Eglise des six premieres centeynes, et la regardons de toutes pars; que si nous la voyons croire fermement que le Pape fut successeur de saint Pierre, quelle temerité sera ce de le nier? Voicy, ce me semble, une rayson qui ne demande plus aucun credit, mays consiste en beau content: saint Pierre a eu des successeurs en son vicariat; et qui a jamais esté en reputation en l'Eglise ancienne, d'estre successeur de saint Pierre et chef de l'Eglise, que l'Evesque de Rome? Certes, tout tant quil y a d'autheurs anciens [285] donnent tous ce tiltre au Pape, et jamais aux autres, et comme donques dirons nous quil ne le soit pas? certes, c'est nier la verité conneüe.

  A001001167 

 Que l'Evesque de Rome est vray successeur de saint Pierre et chef de l'Eglise.

  A001001170 

 Voici mon premier tesmoin: S t Clement, disciple de S t Pierre, en l'epistre premiere quil a escrit ad Jacobum fratrem Domini, laquelle est si authentique que Ruffin en a esté traducteur il y [280] a environ douze cens ans, dict ces paroles: Simon Petrus, Apostolus primus, Regem seculorum usque ad Romance urbis notitiam, ut etiam ipsa salvaretur, invexit; hic pro pietate pati volens, apprehensa manu mea in conventu fratrum, dixit: Clementem hunc Episcopum vobis ordino, cui soli meœ prædicationis et doctrinæ Cathedram trado; et peu apres: Ipsi trado a Domino mihi traditam potestatem ligandi et solvendi. De quoy parlant Damasus, in Pontificali, en la vie de Clement, In epistola, dict il, quæ ad Jacobum scripta est, qualiter Clementi commissa est a B. Petro Ecclesia reperies; et Rufin, en la preface sur les Livres Des Reconnaissances de S t Clement, en parle fort honorablement, et dict quil l'avoit traduitte en Latin, et que S t Clement y tesmoignoit de son institution, et quod eum reliquerit Petrus successorem Cathedræ.

  A001001171 

 Mon 2 d tesmoin est S t Irenee: Maximæ, dict il, et antiquissimæ et omnibus cognitœ a duobus gloriosissimis Apostolis Petro et Paulo Romæ fundatœ Ecclesiæ, etc.; et peu apres: Fundantes igitur et instruentes beati Apostoli Ecclesiam, ejus administrandæ episcopatum Lino tradiderunt; succedit ei Anacletus, post eum episcopatum sortitur Clemens..

  A001001172 

 Tertullien, es Prescriptions: Romanorum Ecclesia, dict il, Clementem a Petro ordinatum edit, id est, per instrumenta et rationes publicas demonstrat; et au mesme livre: Fœlix Ecclesia, ubi Passioni Dominicœ Petrus adæquatur, parlant de l'Eglise Romaine..

  A001001173 

 S t Cyprien: Navigare audent ad Petri Cathedram, atque ad Ecclesiam principalem, unde unitas sacerdotalis exorta est, et parle de l'Eglise Romaine..

  A001001177 

 S t Hierosme, ad Damasum: Cum successore piscatoris et discipuli Crucis loquor; ego Beatudini tuæ, id est, Cathedræ Petri, communione consocior..

  A001001179 

 Au grand Concile de Calcedoine, quand les legatz du Saint Siege veulent porter sentence contre Dioscorus, ilz disent en ceste façon: Unde sanctissimus et beatissimus magnce et senioris Romœ Episcopus Leo, per nos et præsentem sanctam Sinodum, una cum ter beatissimo et omni laude digno B. Petro Apostolo, qui est petra et crepido Ecclesiœ Catholicœ, nudavit eum tam episcopatus dignitate, etc. Notes un peu ces traitz: que le seul Evesque de Rome prive Dioscorus de son evesché, qu'il le prive par ses legatz et par le Concile, qu'ilz joignent l'Evesque de Rome avec S t Pierre; car ilz monstrent par la que l'Evesque de Rome tient le lieu de S t Pierre..

  A001001181 

 Au Concile de Nicee, de Constantinople et de Calcedoyne, la primauté est deferee au Pape, selon l'ancienne coustume; autre quelconque ny est nommé en pareil grade.

  A001001181 

 Bref, jamais il ne fut douté d'aucun autre Evesque, es premiers cinq cens ans de l'Eglise, s'il estoit chef ou superieur aux autres; on tenoit pour tout resolu que c'estoit celuy la seul de Rome: a quel propos donques mettrons nous maintenant ceste ancienne resolution en compromis? Cecy cependant suffira pour prouver que l'Evesque de Rome est successeur de S t Pierre.

  A001001181 

 Voicy en fin, ce me semble, une rayson qui ne demande point de credit, mays consiste en beau content: S t Pierre a eu des successeurs, jamais en l'Eglise ancienne aucun Evesque ne fut en reputation de l'estre sinon celuy de Rome, donques celuy de [285] Rome l'est.

  A001001187 

 Mays a la verité, quoy quil n'eust esté que fort peu de tems Evesque de Rome, sil y est mort Evesque, il y a laissé son siege et sa succession: [287] de façon que quand a Calvin, nous n'aurions pas grand cas a debattre, pourveu quil fut resolu de confesser fermement que saint Pierre est mort a Rome, et quil y estoit Evesque quand il mourut; et quand aux autres, nous avons asses prouvé cy dessus que saint Pierre est mort Evesque a Rome..

  A001001189 

 Saint Pierre donques, ayant preché cinq ans environ en Judee, sur la fin de la cinquieme annëe il vint en Antioche, ou il demeura Evesque environ sept ans, c'est a dire, jusqu'a l'annëe 2 de de Claudius, ne laissant pour cela de faire des courses evangeliques en Galatie, en Asie, Cappadoce et ailleurs pour la conversion des peuples; de la, l'annëe 7 e de son pontificat en Antioche, ayant remis sa charge episcopale au bon Evodius, il revint en Hierusalem, ou estant arrivé, il fut emprisonné de la part d'Herodes en faveur des Juifz, environ le jour de Pasque.

  A001001190 

 Au reste, saint Epiphane peut avoir eu [occasion] de douter de l'election de saint Clement faite par saint Pierre, faute d'en avoir eu des preuves suffisantes, et se peut faire encores que Tertullien, Damase, Rufin et autres aient eu occasion de n'en douter point; qui faict parler ainsy sans resolution, touchant ce faict, a saint Epiphane, et par contraire rayson faict si fermement asseurer a Tertullien, plus ancien, que, Romanorum Ecclesia Clementem a Petro ordinatum edit, id est, per instrumenta et rationes publicas demonstrat.

  A001001190 

 Mays quand a moy, je me range volontiers, et avec rayson ce me semble, au parti de ceux qui asseurent: par ce que douter de ce qu'un homme de bien et d'entendement asseure resolument, c'est dementir le diseur; au contrayre, asseurer ce dont un autre doute, n'est que confesser que le douteux ne sçait pas tout, ce [292] quil a confessé premieement luy mesme doutant, car douter n'est autre que ne sçavoir pas fermement la verité d'une chose..

  A001001190 

 assumpserunt, cum sub Apostolis hic fuerit contemporaneus Petro et Paulo, nam et illi contemporanei Apostolorum fuerunt; sive igitur adhuc ipsis superstitibus a Petro accepit impositionem manuum episcopatus, et eo recusato remoratus est, sive post Apostolorum successionem a Cleto Episcopo hic constituitur, non ita clare scimus.

  A001001191 

 Ainsy est il tout certain que la premiere Epistre de saint Pierre a esté escritte a Rome, comme atteste saint Hierosme: Petrus, dict il, in prima Epistola, sub nomine Babilonis figuraliter Romam significans, Salutat vos, inquit, Ecclesia quæ est in Babilone coelecta; ce qu'au paravant avoit declaré le tres ancien Papias, disciple des Apostres, au recit d'Eusebe.

  A001001191 

 Maintenant, ja que par ce petit discours de la vie de saint Pierre, qui est tres probable, vous aves veu que saint Pierre n'a pas tousjours esté pied coy a Rome, mays y ayant son siege n'a pas layssé de visiter plusieurs provinces, revenir en Hierusalem et faire l'office Apostolique, toutes ces frivoles raysons qu'on deduict de l'authorité negative des Epistres de saint Pol n'auront plus acces en vos jugemens; car, si on dict que saint Pol ait escrit a Rome et dés Rome, et quil n'ait point faict de mention de saint Pierre, on ne le trouvera pas estrange, par ce qu'a l'adventure saint Pierre ny estoit pas alhors.

  A001001191 

 Mays la [293] consequence seroit elle bonne: saint Pierre en ceste Epistre la ne donne point de signe que saint Pol fut avec luy, donques il n'a jamais esté a Rome? Ceste Epistre ne dict pas tout, et si elle ne dict pas quil y fut, aussi ne dict elle pas quil n'y fut pas; il est probable quil n'y estoit pas lhors, ou que sil y estoit, quil ne fut pas expedient de l'y nommer pour quelque rayson: autant en dis je de celles de saint Pol..

  A001001192 

 En fin, pour adjuster le tems de la vie de saint Pierre aux empires de Tiberius, Caius Caligula, Claudius et Nero, on pourra les desduire a peu pres de ce qui en est, en ceste façon: au dixhuictiesme de Tibere, Nostre Seigneur monta au ciel; cinq ans apres, qui fut en la derniere annëe de l'empire de Tibere, saint Pierre vint en Antioche, ou ayant demeuré environ sept ans, c'est a sçavoir, ce qui resta du tems de Tibere, 4 ans de Caius Caligula et 2 de Claudius, sur la fin du 2 d de Claudius il vint a Rome, ou il demeura environ 7 ans, a sçavoir jusqu'au 9.

  A001001199 

 Mays quoy qu'il n'eust esté que fort peu de tems Evesque de Rome, sil y est mort Evesque, il y a laissé son siege et sa succession: [287] de façon que quand a Calvin, nous n'aurions pas grand cas a debattre, pourveu quil fut resolu de confesser fermement que S t Pierre est mort a Rome, et que quand il mourut il en estoit Evesque; mays quand a ceux qui le nient, nous avons asses prouvé que S t Pierre est mort Evesque a Rome..

  A001001199 

 Vray est que Calvin, voyant qu'il importoit peu pour son opinion, et que c'estoit dementir toute l'antiquité a descouvert, se contente de dire qu'au moins S t Pierre ne fut pas longuement Evesque a Rome: Propter, ce dict il, scriptorum consensum non pugno quin illic mortuus fuerit, sed Episcopum fuisse, præsertim longo tempore, persuaderi nequeo.

  A001001201 

 Mais S t Pierre ayant preché cinq ans ou environ en Judee, sur la fin de la cinquieme annee vint en Antioche, ou il demeura Evesque environ sept ans, c'est a dire, jusqu'a l'annee 2 de de Claudius, ne laissant pour cela de faire des courses evangeliques en Galatie, en Asie, Cappadoce et ailleurs pour la conversion des peuples; de la, l'annee 7 e de son pontificat en Antioche, ayant remis sa charge episcopale au bon Evodius, il revint en Hierusalem, ou il fut emprisonné de la part d'Herodes en faveur des Juifz, environ le jour de Pasque.

  A001001202 

 Au reste, S t Epiphane peut avoir eu doute de l'election de S t Clement, faute d'en avoir eu des preuves suffisantes, et se peut faire encores que Tertullien, Damase, Rufin et autres aient eu occasion de n'en douter point; qui faict parler ainsy S t Epiphane touchant ce faict, et par contraire rayson [Tertullien assure que], Romanorum Ecclesia Clementem a Petro ordinatum edit, id est, per instrumenta et rationes publicas demonstrat.

  A001001202 

 Mays quand a moy, je me range volontiers, et avec rayson ce me semble, au parti de ceux qui asseurent et affirment: par ce que douter de ce qu'un homme de bien et d'entendement asseure resolument, c'est dementir le diseur; au contraire, asseurer ce dont un autre doute, n'est que confesser que le douteux ne [292] sçait pas tout, ce quil a confessé luy mesme doutant, car douter n'est autre chose que ne sçavoir rsolument la verité..

  A001001202 

 Or, avant que mourir, il empoigna par la main son disciple S t Clement, et le constitua son successeur; a quoy S t Clement ne voulut pas entendre ni en faire exercice qu'apres la mort de Linus et Cletus, qui avoyent estés coadjuteurs de S t Pierre en l'administration de l'Eglise Romaine; partant, qui veut sçavoir pourquoy quelques autheurs anciens mettent en rang S t Clement apres S t Pierre, et quelques autres, S t Linus, je luy feray respondre par S t Epiphane: Nemo miretur quod ante Clementem Linus et Cletus episcopatum assumpserunt, cum sub Apostolis hic fuerit contemporaneus Petro et Paulo, nam et illi contemporanei Apostolorum fuerunt; sive igitur adhuc ipsis superstitibus a Petro accepit impositionem manuum episcopatus, et eo recusato remoratus est, sive post Apostolorum successionem a Cleto Episcopo hic constituitur, non ita clare scimus. Parce donques que S t Clement avoit esté choisi par [291] S t Pierre, et que neanmoins il ne voulut pas accepter la charge avant la mort de Linus et Cletus, les uns, en consideration de l'election faite par S t Pierre, le mettent le premier en rang, les autres, eu esgard au refus quil en fit et a l'exercice quil en laissa a Linus et Cletus, le mettent le 4 e.

  A001001203 

 Ainsy est il tout certain que la p re Epistre de S t Pierre a esté escritte de Rome, comme tesmoigne S t Hierosme: « Pierre, » dict il, « en sa premiere Epistre, sous le nom de Babilone signifiant figurement Rome, Salutat vos, inquit, Ecclesia quæ est in Babilone coelecta; » ce qu'au paravant avoit declaré le tres ancien Papias, disciple des Apostres, tesmoin Eusebe.

  A001001203 

 Mays la [293] consequence seroit elle bonne: S t Pierre en ceste Epistre la ne donne point de signe que S t Pol fut avec luy, donques il n'a jamais esté a Rome? Ceste Epistre ne dict pas tout; il est probable quil n'estoit pas alhors a Rome, ou que sil y estoit, il ne fut pas expedient de l'y nommer pour quelque rayson: autant en dis je des Epistres de S t Pol.

  A001001216 

 Ecclesia in qua est potentior principalitas - Ir., l. 3. c. 3.

  A001001270 

 On objecte que saint Gregoire ne vouloit estre appellé Evesque universel: mays Evesque universel se peut entendre, ou d'un qui soit tellement Evesque de l'univers que les autres Evesques ne soyent que vicaires et substitués, ce qui n'est point, car les Evesques sont vrayement princes spirituelz, chefz et Evesques, non lieutenantz du Pape mais de Nostre Seigneur, dont il les apelle freres; ou on peut entendre d'un qui est surintendant sur tous, et auquel les autres, qui sont surintendans en particulier, sont inferieurs voirement mays non pas vicaires ni substitués, et c'est ainsy que les Anciens l'ont appellé Evesque universel..

  A001001271 

 On produict le Concile de Carthage, qui defend que pas un ne s'appelle Princeps sacerdotum; mays c'est faute d'avoir autre entretien qu'on allegue cecy, car qui ne sçait que c'estoit un Concile provincial qui touche les Evesques de ceste province la, de laquelle l'Evesque de Rome n'estoit pas, la mer Mediterranëe est entredeux.

  A001001272 

 Ce nom estoit commun aux Evesques, tesmoin saint Hierosme, qui appelle ainsy saint Augustin, en une epistre, au bout: Incolumem te tueatur Omnipotens, domine vere sancte et suscipiende papa; mays il a esté rendu particulier au Pape, par excellence, a cause de l'universalité de sa charge, dont il est appellé au Concile de Calcedoine, « Pape universel, » et « Pape, » tout court, sans addition ni limitation; et ne veut dire autre ce mot que ayeul ou grand pere:.

  A001001272 

 Restoit le nom de Pape, lequel j'ay reservé pour fermer ce discours, et qui est l'ordinaire duquel nous appelions l'Evesque de Rome.

  A001001277 

 Au reste, ceux qui, expliquans le second chapitre de la 2 e aux Thessaloniciens, pour vous faire croire que le Pape est Antichrist vous auroyent dict quil se faict appeller Dieu en terre, ou Filz de Dieu, sont les plus grans menteurs du monde; car tant s'en faut que les Papes prenent aucun tiltre ambitieux, que des le tems de saint Gregoire se sont pour le plus appellés Serviteurs des serviteurs de Dieu.

  A001001277 

 Et affin que vous sachies combien est ancien ce nom parmi les gens de bien, saint Ignace, disciple des Apostres, Epistola ad Mariam Zarbensem, Cum esses, dict il, Romæ, apud Papam Linum; ja de ce [301] tems la il y avoit des Papistes, et de quelle sorte? Nous l'appelions Sa Sainteté; et nous trouvons que saint Hierosme l'appelloit desja en ceste façon: Obtestor Beatitudinem tuam per Crucem, etc., Ego nullum primum nisi Christum sequens, Beatitudini tuæ, id est, Cathedræ Petri, communione consocior.

  A001001288 

 Ecclesiam in qua est potentior principalitas [295].

  A001001306 

 C'est ainsy qu'ilz nomment l'Eglise Romaine.

  A001001322 

 On objecte que S t Gregoire ne vouloit estre appellé Evesque universel: mays Evesque universel se peut entendre, ou d'un qui soit tellement Evesque de l'univers que les autres Evesques ne soyent que vicaires et substitués, ce qui n'est point, car les Evesques sont vrayement princes spirituelz, chefz et pasteurs, non lieutenans du Pape mais de Nostre Seig r, dont le Pape les apelle freres; ou on peut entendre d'un qui est surintendant sur tous, et auquel les autres, qui sont surintendans particuliers, sont inferieurs, mays non vicaires ni substitués; et c'est ainsy que les Anciens ont appellé le Pape Evesque universel, et S t Gregoire le nie en l'autre façon..

  A001001323 

 On produict le Concile de Carthage, qui defend que pas un ne s'appelle « Prince des prestres; » mays c'est faute d'autre entretien qu'on allegue cecy, car le Concile de Carthage estoit provincial, qui ne touche que les Evesques de ceste province la, de laquelle Rome n'est pas, la mer Mediterranee est entredeux.

  A001001324 

 Ce nom estoit commun a tous les Evesques, tesmoin S t Hierosme, qui appelle ainsy S t Augustin en une epistre: Incolumem, dict il au bout, tueatur te Omnipotens, domine vere sancte et suscipiende papa; mays il a esté rendu particulier au Pape, par excellence, a cause de la generalité de sa charge, dont il est appellé au Concile de Calcedoine, « Pape universel, » et « Pape » simplement, tout court, sans addition ni limitation; et ne veut dire autre ce mot que ayeul ou grand pere:.

  A001001324 

 Restoit le nom de Pape, que j'ay reservé pour fermer ce discours, et qui est l'ordinaire duquel nous appelions l'Evesque de Rome.

  A001001329 

 Et affin que vous sachies combien ce nom est ancien parmi les gens de bien, S t Ignace, disciple des Apostres, en la lettre quil escrit a Marie Zarbense, Cum esses, dict il, Romæ, apud Papam [301] Linum; ja de ce tems la il y avoit des Papistes, et de quelle sorte? Au reste, ceux qui, expliquans le second chapitre de la 2 e aux Thess., pour vous faire croire que le Pape est Antichrist vous auroyent dict quil se faict appeller Dieu en terre, ou Filz de Dieu, sont eux mesmes enfans du diable, qui mentent si puamment; car tant s'en faut que les Papes prenent aucun tiltre ambitieux, que des le tems de S t Gregoire ilz se sont pour le plus appellés Serviteurs des serviteurs de Dieu.

  A001001329 

 Nous l'appelions par fois Sa Sainteté, mais S t Hierosme l'appelloit desja ainsy: Obtestor Beatitudinem tuam, etc., Beatitudini tuæ, id est, Cathedræ Petri, communione consocior.

  A001001335 

 Ce n'est pour vray pas sans mistere, que souvent en l'Evangile ou il est question que le general des Apostres parle, saint Pierre seul parle pour tous.

  A001001335 

 En saint Jan, ce fut luy qui dict pour tous: Domine, ad quem ibimus? verba vitæ æternæ habes, et nos credimus et cognovimus quia tu es Christus, Filius Dei. Ce fut luy, en saint Mathieu, qui, au nom de tous, fit comme chef ceste noble confession: Tu es Christus, Filius Dei vivi. Il demanda pour tous, Ecce nos reliquimus omnia, etc. En saint Luc: Domine, ad nos dicis hanc parabolam an et ad omnes? C'est l'ordinaire que le chef parle pour tout le cors, et ce que le chef dict, on le tient dict par tout le reste.

  A001001335 

 Et de vray, si le confirmateur fut tumbé, tout le reste fut il pas tumbé? si le confirmateur tumbe ou chancele, qui le confirmera? si le confirmateur n'est [303] pas ferme et stable quand les autres s'affoybliront, qui les affermira? car il est escrit: Si l'aveugle conduict l'aveugle, tumberont tous deux en la fosse; si l'instable et le foible veut soustenir et rasseurer le foible, ilz donneront tous deux en terre.

  A001001335 

 Ne voyes vous pas qu'en l'election de saint Matthias c'est luy seul qui parle et determine? Les Juifz demanderent a tous les Apostres: Quid faciemus viri fratres? saint Pierre seul respond pour tous: Pænitentiam agite, etc. Et c'est a ceste rayson que saint Chyrsostome et Origene l'ont appellé Os et verticem Apostolorum, comme nous avons veu cy dessus, par ce quil souloit parler pour tous les Apostres; et le mesme saint Chrysostome l'appelle Os Christi, par ce que ce quil dict pour toute l'Eglise et a toute l'Eglise, comme chef et pasteur, ce n'est pas tant parole humaine que de Nostre Seigneur: Amen, dico vobis, qui accipit si quem misero, me accipit; dont ce quil disoit et determinoit ne pouvoit estre faux.

  A001001335 

 Or, les moyens necessaires pour confirmer les autres, de rasseurer les foibles, c'est de n'estre point sujet a la foiblesse soymesme, mays d'estre solide et ferme, comme une vraye pierre et un roch: tel estoit saint Pierre, entant que pasteur general et gouverneur de l'Eglise..

  A001001336 

 Ainsy quand saint Pierre fut mis au fondement de l'Eglise, et que l'Eglise fut asseurëe que les portes d'enfer ne prævaudroyent point contre elle, ne fut ce pas asses dire que saint Pierre, comme pierre fondamentale du gouvernement et administration ecclesiastique, ne pouvoit se froisser et rompre par l'infidelité ou erreur, qui est la principale porte d'enfer? car, qui ne sçait que si le fondement renverse, si l'on y peut porter la sappe, que tout l'edifice renversera?.. Et quoy? si le pasteur mettoit ses brebis es pasturages venimeux, le parc se perdroit il pas incontinent? Les brebis vont suyvant le pasteur; s'il erre, tout se perd.

  A001001336 

 Et n'est pas raysonnable que les brebis..... De mesme, si le pasteur supreme ministerial peut conduire ses brebis es pasturages veneneux, on voit clairement que le parc est pour estre bien tost perdu; car, si le supreme pasteur ministerial conduit a mal, qui le redressera? sil s'egare, qui le ramenera? a la verité, il faut que nous ayons a le suivre simplement, non a le guider, autrement les brebis seroyent pasteurs.

  A001001339 

 Ainsy donques le supreme pasteur de l'Eglise nous est juge competent et suffisant en toutes nos plus grandes difficultés, autrement nous serions de pire condition que cest ancien peuple, qui avoyt un tribunal auquel il pouvoit s'addresser pour la resolution de ses doutes, specialement en matiere de religion.

  A001001339 

 Saint Bernard apelle le Pape un autre « Moise en authorité »: or, combien grande fut l'authorité de Moise il ni a personne qui l'ignore, car il s'assit et jugea de tous les differens qui estoyent parmi le peuple, et de toutes les difficultés qui survenoyent au service de Dieu; il constitua des juges pour les affaires de peu d'importance, mays les grans doutes estoyent reservés a sa connoissance; si Dieu veut parler au peuple, c'est par sa bouche et par son entremise.

  A001001340 

 Au Deuteronome: Facies quodcumque dixerint qui præsunt loco quem elegerit Dominus, et docuerint te juxta legem ejus; sequerisque sententiam eorum, nec declinabis ad dextram nec ad sinistram: qui autem superbierit, nolens obedire sacerdotis imperio, judicis sententia moriatur. Que dira on icy? Il falloit subir le jugement du sauverain Pontife; qu'on estoit obligé de suivre le jugement qui estoit jouxte la loy, non l'autre? ouy, mays en cela il failloit suivre la sentence du præstre, autrement si on ne l'eust pas suivie, ains examinee, c'eust esté pour neant qu'on fut allé a luy, et la difficulté et ambiguité n'eust jamais esté resolue parmi les opiniastres; dont il est dict simplement, q ui autem superbierit, nolens obedire sacerdotis imperio, judicis sententia moriatur; et en Malachie: Labia sacerdotis custodiunt scientiam, et legem requirent ex ore ejus; dont il s'ensuit que chacun ne pouvoit pas se resouvre es poins de la religion, ni produire la loy a sa fantasie, mais selon la proposition du Pontife.

  A001001341 

 Je vous prie, si en l'ombre il y avoit des illuminations de doctrine et des perfections de verité en la poitrine du Prestre, pour en repaistre et raffermir le peuple, qu'est ce que nostre grand Prestre n'aura pas? de nous, dis je, qui sommes au jour et au soleil levé? Le grand Prestre ancien n'estoit que vicaire et lieutenant de Nostre Seigneur, nomplus que le nostre, mays il semble quil præsidoit a la nuict, par ses illuminations, et le nostre præside au jour, par ses instructions; ministeriellement tous deux, et par la lumiere du Soleil de justice, lequel, bien quil soit levé, est neanmoins voilé a nos yeux par nostre propre mortalité, car le voir face a face ordinairement [307] n'appartient qu'a ceux qui sont delivrés du cors qui se corrompt..

  A001001341 

 Que si le grand Præstre portoit le Rational du jugement en la poitrine, ou estoyt le Urim et Thummim, doctrine et verité comme interpretent les uns, ou les illuminations et perfections comme disent les autres, qui n'est presque qu'une mesme chose, puysque la perfection consiste en verité et la doctrine n'est qu'illumination, penserons nous que le grand Præstre de la Loy nouvelle n'en ayt pas encores les effectz? a la verité, tout ce qui fut concedé de bon a l'ancienne Eglise et a la chambriere Agar, aura esté donné en beaucoup meilleure façon a Sara et a [306] l'Espouse: nostre grand Præstre donques a encores le Urim et Thummim en sa poitrine. Or, soit que ceste doctrine et verité ne fust autre que ces deux motz escritz au Rational, comme semble croire saint Augustin, et Hugues de saint Victor l'asseure, ou que ce fust le nom de Dieu, comme veut Rabbi Salomon, au récit de Vatable et Augustin Evesque d'Eugubbium, ou que ce fussent les seules pierres du Rational par lesquelles Dieu tout puyssant reveloit ses volontés au Prestre, comme veut ce docte homme François Ribera, la rayson pour laquelle le grand Præstre avoyt au Rational sur sa poitrine la doctrine et la verité, estoit sans doute par ce que judicabat judicii veritatem; mesme que par le Urim et Thummim les prestres estoyent instruitz du bon plaisir de Dieu, et leurs entendemens esclairés et perfectionnés par la revelation divine, comme le bon de Lyra l'a entendu, et Ribera l'a asses suffisamment prouvé, a mon advis: dont quand David voulut sçavoir sil devoit poursuivre les Amalecites, il dict au Præstre Abiathar, Applica ad me ephod, ou, le superhumeraire; ce quil fit sans doute pour reconnoistre la volonté de Dieu au Rational qui y estoit joint, comme va deduysant doctement ce docteur Ribera.

  A001001342 

 C'est a ce propos que saint Hierosme dict au Pape Damase: Qui tecum non colligit, spargit; hoc est, qui Christi non est, Antichristi est; et saint Bernard dict quil faut rapporter les scandales qui se font, « principalement en la foy, » au Siege de Rome: Dignum namque arbitror ibi potissimum resarciri damna fidei, ubi non possit fides sentire defectum: cui enim alteri sedi dictum est aliquando, Ego pro te rogavi, ut non deficiat fides tua? Saint Cyprien: Navigare audent ad Cathedram Petri, atque ad Ecclesiam principalem; nec cogitare eos esse Romanos, ad quos perfidia habere non possit accessum. Ne voyes vous pas quil parle des Romains a cause de la Chaire de saint Pierre, et dict que l'erreur n'y peut rien?.

  A001001342 

 C'est sur ce sujet que saint Bernard a appellé le Pape, Dignitate Aaron et « Hæritier des Apostres », et saint Hierosme, le Saint Siege, Tutissimum communionis Catholicæ portum; car il porte le Rational pour en esclairer tout le Christianisme, comme les Apostres et Aaron, de doctrine et verité.

  A001001343 

 Quid etiam actione firmastis, nisi scientes quod per omnes provincias de Apostolico fonte petentibus responsa semper emanent? Præsertim quoties fidei ratio ventilatur, arbitror omnes fratres et coepiscopos nostros non nisi ad Petrum, id est, sui nominis et honoris authorem, referre debere, velut nunc retulit vestra dilectio, quod per totum mundum possit omnibus ecclesiis in commune prodesse. Voyes vous l'honneur et le credit auquel estoit le Siege Apostolique vers les Anciens les plus doctes et saints, voire mesme vers les Conciles entiers? on y alloit comme au vray Ephod et Rational de la nouvelle Loy: ainsy y alla saint Hierosme, du tems de Damasus, auquel, apres avoir dict que l'Orient rompoit et mettoit en pieces la roubbe, entiere et tissue par dessus, de Nostre Seigneur, et que les renardeaux gastoyent la vigne du Maistre, Ut inter lacus contritos, dict il, qui aquam non habent, difficile ubi fons signatus et hortus ille conclusus sit possit intelligi, ideo mihi Cathedram Petri et fidem Apostolico ore laudatam censui consulendam, etc..

  A001001344 

 Les Eusebiens y portent les accusations contre saint Athanase; saint Athanase qui estoit en Alexandrie, siege principal et patriarchal, vint respondre a Rome, y estant appellé et cité; les adversaires n'y voulurent pas comparoistre, sachans, dict Theodoret, mendacia sua manifesto fore detecta: les Eusebiens confessent l'authorité du Siege de Rome quand ilz y appellent saint Athanase, et saint Athanase quand il s'y præsente; mays sur tout les Eusebiens, hæretiques arriens, confessent asses combien son jugement est infallible, quand ilz n'y osent comparoistre de peur d'y estre condamnés.

  A001001345 

 La 1 re, le Pape ne pourroit estre venu a ce grade et a ceste monarchie sans le vouloir de Dieu; mays le vouloir de Dieu est tousjours venerable, donques il ne faut pas contredire a la primauté du Pape.

  A001001345 

 La 4 e, Il ny a point de puissance qui ne soit de Dieu; donques celle du Pape, qui est tant establie, est de Dieu.

  A001001345 

 La 5 e n'est que la mesme.

  A001001345 

 La 6 e, par ce que tous les fidelles le croyent ainsy, entre lesquelz il est impossible que Nostre Seigneur ne soit: or il faut arrester avec Nostre Seigneur et les Chrestiens en tout et par tout.

  A001001345 

 Que vous semble de Luther? est il pas Catholique? et neanmoins c'estoit au commencement de sa reformation..

  A001001352 

 Ainsy disons nous quil faut avoir recours a luy non comme a un docte homme, car en cela il est ordinairement devancé par plusieurs [312] autres, mays comme au chef et Pasteur general de l'Eglise, et, comme tel, honnorer, suivre et embrasser fermement sa doctrine, car alhors il porte en sa poitrine le Urim et Thummim, la doctrine et verité..

  A001001352 

 Et de vray, tout ce que dict un roy n'est pas loy ni edict, mays seulement ce que le roy dict comme roy, et determinant juridiquement; ainsy tout ce que dict le Pape n'est pas Droit canon ni loy, il faut quil veuille determiner et donner loy aux brebis, et quil y garde l'ordre et forme requise.

  A001001352 

 Mays quand il est revestu des habitz pontificaux, je veux dire, quand il enseigne toute l'Eglise comme pasteur es choses de la foy et des mœurs generales, alhors il ny a que doctrine et verité.

  A001001352 

 Or, quand il est heretique expres, ipso facto il tumbe de son grade hors de l'Eglise, et l'Eglise le doit ou priver, comme dient quelques uns, ou le declairer privé, de son Siege Apostolique, et dire, comme fit saint Pierre, Episcopatum ejus accipiat alter.

  A001001353 

 Et comment est ce que le Saint Esprit conduict l'Eglise, sinon par le ministere et office de prædicateurs et pasteurs? mays si les pasteurs ont des pasteurs encores, ilz les doivent suivre; ainsy tous doivent suivre celuy qui est le supreme pasteur, par le ministere duquel nostre Dieu veut conduire, non les aigneaux seulement et brebiettes, mays les brebis et meres des aigneaux, c'est a dire, non les peuples seulement, mays les autres pasteurs encores, celuy qui succede a saint Pierre qui eut ceste charge, Pasce oves meas.

  A001001353 

 Le Saint Esprit est conducteur de l'Eglise, il la conduict par son pasteur; qui donques ne suit le pasteur, ne suit pas le Saint Esprit..

  A001001353 

 Les theologiens ont dict tout en un mot, quil peut errer in quæstionibus facti, non juris, quil peut errer extra Cathedram, hors la chaire de saint Pierre, c'est a dire, comme homme particulier, par escritz et mauvais exemples, mays non pas quand il est in Cathedra, c'est a dire, quand il veut faire une instruction et decret pour enseigner toute l'Eglise, quand il veut confirmer les freres comme supreme pasteur, et les veut conduyre es pasturages de la foy: car alhors ce n'est pas tant l'homme qui determine, resoult et definit, que c'est le benit Saint Esprit par l'homme, lequel, selon la promesse faicte par Nostre Seigneur a ses Apostres, enseigne toute verité a l'Eglise, ou, comme dict le Grec et semble que l'Eglise l'entende en une collecte de Pentecoste, conduict et meyne son Eglise en toute verité: Cum autem venerit ille Spiritus veritatis, docebit vos omnem veritatem, ou, deducet vos in omnem veritatem.

  A001001353 

 [313] C'est ainsy que Dieu conduit son Eglise es pasturages de sa sainte Parole, et en l'exposition d'icelle; qui cherche la verité sous autre conduite, la pert.

  A001001354 

 Ainsy est conduit le troupeau Chrestien par le Saint Esprit, mays sous la charge et conduite de son pasteur; lequel, neanmoins, ne court pas a la volëe, mays selon la necessité convoque les autres pasteurs, ou en partie ou generalement, regarde soigneusement la piste des devanciers, considere le Urim et Thummim de la Parole de Dieu, entre devant son Dieu par ses prieres et invocations, et s'estant ainsy diligemment enquesté du vray chemin, se met en campaigne hardiment et faict voile de bon cœur: heureux qui le suit et se range a la discipline de sa houlette, heureux qui s'embarque en son navire; car il repaistra de verité, il surgira au port de la sainte doctrine..

  A001001354 

 Mays le grand Cardinal Toletus remarque tresbien a propos sur ce lieu, quil n'est pas dict, portabit Ecclesiam in omnem veritatem, mays, deducet, pour monstrer que quoy que le Saint Esprit esclaire a l'Eglise, si veut il qu'elle use de la diligence requise a tenir le bon chemin; comme firent les Apostres, qui ayans a respondre sur une question d'importance, debattirent de part et d'autre, conferant les Escritures ensemble, ce qu'ayans faict diligemment, ilz conclurent par le Visum est Spiritui Sancto et nobis, c'est a dire, le Saint Esprit nous a esclairé, et nous avons marché, il nous a guidé, nous l'avons suivi jusques a ceste verité; il faut employer les moyens ordinaires pour la recherche de la verité, et neanmoins reconnoistre la treuve et l'abord en icelle de l'assistence du Saint Esprit.

  A001001355 

 Ainsy ne faict il jamais commandement general a toute l'Eglise es choses necessaires, qu'avec l'assistence du Saint Esprit, lequel ne manquant mesme pas aux especes des animaux es choses necessaires, par ce quil [314] les a establies, ne manquera pas aussi au Christianisme en ce qui luy est necessaire pour sa vie spirituelle.

  A001001356 

 Et quand il dict: Nostrum est non judicari ab ipso, sed ipsum judicare..

  A001001356 

 Et quand, escrivant contre le Roy d'Angleterre, Vivens, dict il, papatus hostis ero, exustus tuus hostis ero. Que dites vous de ce grand pere? sont ce pas des paroles dignes d'un tel reformateur? j'ay honte de lire, et ma main se fache de præsenter ces vilaynies; mays qui les vous cachera vous ne croires jamais quil soit tel quil est.

  A001001357 

 De Beze, qui dict que des long tems il ny a eu aucun Pape qui se soit soucié de la religion ni qui ayt esté theologien, veut il pas tromper quelqu'un? car il sçait bien qu'Adrien, Marcel et ces cinq derniers ont estés tres grans theologiens: a quoy faire, mentir? Mays disons quil y ait du vice et de l'ignorance: Cathedra tibi, vous dict saint Augustin, quid fecit Ecclesiæ Romanæ, in qua Petrus sedit et in qua hodie Anastasius sedet? quare appellas cathedram pestilentiæ Cathedram Apostolicam? Si propter homines, quos putas legem loqui et non facere, numquid Dominus Noster Jesus Christus propter Pharisæos, de quibus ait, Dicunt et non faciunt, cathedræ in qua sedebant ullam fecit injuriam? nonne illam cathedram Moisi commendavit, et illos servato cathedræ honore redarguit? ait enim: Super cathedram, etc. Hæc si cogitaretis, non propter homines quos infamatis blasphemaretis Cathedram Apostolicam cui non communicatis; sed quid est aliud quam nescire [quid] dicere, et tamen non posse nisi maledicere? [317].

  A001001357 

 On dict mille folies sur cecy, c'est le rendes vous de tous vos ministres; silz composent des livres, a tous propos, comme las et recreuz du travail, ilz s'arrestent sur les vices des Papes, disans bien souvent ce quilz sçavent bien n'estre [316] point.

  A001001370 

 Affin que Moyse fust creu, il [Dieu] luy donna le pouvoir des miracles; Nostre Seigneur, dict saint Marc, confirmoit ainsy la prædication Apostolique; si Nostre Seigneur n'eust faict tant de miracles, on n'eust pas peché de ne le croire pas, dict le mesme Seigneur; saint Pol tesmoigne que Dieu confirmoit la foy par miracles: donques le miracle est une juste rayson de croire, une juste preuve de la foy, et un argument pregnant pour persuader les hommes a creance; car si ainsy n'estoit, nostre Dieu ne s'en fut pas servi.

  A001001370 

 Car, ou le miracle est une juste persuasion et confirmation, ou non: si non, donques Nostre Seigneur ne confirmoit pas justement sa doctrine; si c'est une juste persuasion, donques en quel tems quilz se facent ilz nous obligent a les prendre pour une tres ferme rayson, aussy le sont ilz.

  A001001370 

 Tu es Deus qui facis mirabilia, dict David au Dieu tout puyssant, donques ce qui est confirmé par miracles est confirmé de la part de Dieu; or Dieu ne peut estre autheur ni confirmateur du mensonge, ce donques qui est confirmé par miracles ne peut estre mensonge, ains pure verité..

  A001001371 

 Et affin de couper chemin a toutes fantasies, je confesse quil y a des faux miracles et des vrais miracles, et qu'entre les vrays miracles il y en a qui font argument evident que la puyssance de Dieu y est, les autres, non, sinon par leurs circonstances.

  A001001371 

 Les miracles que l'Antichrist fera seront tous faux, tant par ce que son intention sera de decevoir, que par ce que une partie ne seront qu'illusions et vaynes apparences magiques, l'autre partie ne seront pas miracles en nature mays seulement miracles devant les hommes, c'est a dire, ne surpasseront pas les forces de nature, mays pour estre extraordinaires sembleront miracles aux simples.

  A001001371 

 Or plusieurs playes sont mortelles en presence de quelques medecins, et incurables, qui [319] ne le seront pas en præsence des autres qui sont plus suffisans et ont quelque remede plus exquis; ainsy la plaïe sera mortelle selon le cours ordinaire de la medecine, mays le diable, qui a plus de suffisance en la connoissance des vertus des herbes, odeurs, minerales et autres drogues, que les hommes, fera ceste cure la par l'application secrette des medicamens inconneuz aux hommes: et semblera miracle a qui ne sçaura discerner entre la science humayne et diabolique, entre la diabolique et divine, en ce que la diabolique devance l'humayne de grande traitte, et la divine surpasse la diabolique d'une infinité; l'humayne ne sçait qu'une petite partie de la vertu qui est en nature, la diabolique sçait beaucoup davantage mays dans les confins de nature, la divine n'a point d'autre limite que son infinité.

  A001001372 

 Cela apert par ce que j'ay dict; et par exemple, les merveilles que firent les magiciens d'Egipte estoyent, quand a l'apparence exterieure, toutes semblables aux miracles que faysoit Moise, mays qui considerera les circonstances, connoistra bien ayseement que les uns estoyent vrays miracles, les autres faux, comme le confesserent les magiciens quand ilz dirent: Digitus Dei est hic.

  A001001373 

 En somme, le miracle est une tres asseurëe preuve et confirmation en la creance quand c'est un vray miracle, et en quel tems quil soit faict; autrement il faudroit renverser toute la prædication Apostolique.

  A001001373 

 Il estoit raysonnable qu'estant la foy de choses qui surmontent nature, elle fust averëe par œuvres qui surpassent nature, et qui monstrent que la prædication ou parole annoncëe part de la bouche et authorité du Maistre de nature, le pouvoir duquel n'est point limité, lequel se rend par le miracle comme tesmoin de la verité, soussigne et met son sceau a la parole portëe par le prædicateur.

  A001001373 

 Il semble que les miracles ne soyent pas necessaires, mays ilz le sont a la verité; et n'est pas sans cause que la suavité de la divine providence en fournit a son Eglise en toutes les saysons, car en toutes saysons il y a des heresies, lesquelles bien qu'elles soyent suffisamment rabbatues, voire a la capacité des moindres, par l'antiquité, majesté, unité, catholicisme, sainteté de l'Eglise, si est ce que chacun ne sçait pas priser ces « doüaires, » comme parle Optatus, a leur vraye [321] valeur, chacun n'entend pas et ne penetre pas ce langage: mays quand Dieu parle par œuvres, chacun l'entend, c'est une parole commune a toutes nations; comme l'escriture d'une sauvegarde n'est conneüe d'un chacun, mays si on y voit la croix blanche, les armes du Prince, chacun connoit que le tesmoignage et l'authorité sauveraine y court..

  A001001373 

 Or, semble il que les miracles soyent tesmoignages generaux pour les simples et plus rudes: car chacun ne peut pas sonder l'admirable convenance quil y a entre les Propheties et l'Evangile, la grande sapience de l'Escriture, et semblables marques illustres qui sont en la Religion Chrestienne, c'est un examen a faire aux doctes; mays il ni a celuy qui n'apprehende le tesmoignage d'un vray miracle, chacun entend ce langage entre les Chrestiens.

  A001001379 

 Les miracles qui se font en l'Eglise, monstrans ou est la vraye Eglise, font suffisante preuve de toute la creance de l'Eglise; car Dieu ne porteroit jamays tesmoignage a une eglise qui n'eust la vraÿe foy et fust errante, idolatre, trompeuse: mays ceste bonté supreme ne s'arreste pas la; elle a confirmé presque tous les pointz de la foy Catholique par tres illustres miracles, et, par une speciale providence de Dieu, nous trouvons que quasi sur tous les articles esquelz nous sommes en different avec les ministres, Nostre Seigneur a rendu tres illustre tesmoignage de la verité que nous prechons, par miracles irreprochables.

  A001001380 

 .. Que dites vous? si vous me demandes qui a faict ce miracle, je vous respondray par les propres paroles de Nostre Seigneur: Cæci vident, claudi ambulant, leprosi mundantur, surdi audiunt, mortui resurgunt, pauperes evangelizantur... Quelle foy l'a demandé? la foy que le Pape est successeur de saint Pierre, et en a l'eminente authorité.

  A001001380 

 En quoy s'est faict le miracle? en ce que ce patient a esté remis de la privation a l'habitude, et une operation vitale luy a esté rendue, qui est l'ouÿe, car encor quil n'est pas dict quil fut sourd, si l'estoit il neanmoins, car le muet naturel est tousjours sourd.

  A001001380 

 Que peut donques conclure sinon que, Digitus Dei est, que Dieu a signé et scellé la creance en laquelle [323] nous sommes pour l'article de la succession du Pape en l'authorité de saint Pierre, et pour l'article de la tressainte Messe? qu'opposera on? En quel tems s'est faict ce miracle? en la plus pure et sainte Eglise, car, et Calvin et les Lutheriens confessent que la pureté de l'Eglise a duré jusqu'apres saint Gregoire.

  A001001380 

 Voyes ce qu'en tesmoigna Nostre Seigneur: Protinus venerandus vir, poursuit saint Gregoire, orationi incubuit, et Missarum solemnia exorsus, sacrificium in conspectu Dei omnipotentis immolavit; quo peracto, ab altari exiens claudi manum tenuit, atque assistente et aspiciente populo eum mox a terra in propriis gressibus erexit; cumque ei Dominicum Corpus in os mitteret, illa diu muta ad loquendum lingua soluta est.

  A001001381 

 Une femme aussy qui avoit petri le pain qu'on devoit consacrer, venant a la sainte Communion, comm'elle vit saint Gregoire, tenant non plus le pain mais le tressaint Sacrement, venir a elle pour la communier, et dire, Corpus Domini Nostri Jesu Christi custodiat animam, etc., elle se prit a rire; saint Gregoire l'interroge pourquoy elle rioyt, elle respond que c'estoit parce qu'elle avoit petri le pain duquel saint Gregoire avoit dict que c'estoit le Cors de Nostre Seigneur; saint Gregoire impetra par prieres que la sainte Eucharistie apparut au dehors ce qu'elle estoit au dedans, dont ceste pauvre femme fut reduite a la foy, et tout le peuple confirmé: c'est une histoire racontëe par le bon Paulus Diaconus..

  A001001382 

 Nous prechons quil faut adorer Nostre Seigneur qui est realement au tressaint Sacrement: Gorgonia, seur de saint Gregoire Nazianzene, le fit, et incontinent elle guerit d'une maladie incurable, au rapport de son [324] frere mesme.

  A001001384 

 Nous prechons que c'est non seulement Sacrement, mais Sacrifice: et saint Augustin, parlant d'un lieu inhabitable par la violence des espritz malins, qui estoit a Hesperius, au territoire Fussalense, Perrexit unus, dict [il], ex presbiteris, obtulit ibi Sacrificium Corporis Christi, orans quantum potuit ut cessaret illa vexatio, Deoque protinus miserante cessavit.

  A001001387 

 Vincit quod pejus est. Eusebe faict foy des merveilles que Dieu a faict par ce saint signe au tems de Constantin le Grand..

  A001001391 

 Nous avons des images en nos eglises: mays qui ne sçait les grans miracles qui furent faitz au crucifiement d'une image de Nostre Seigneur, que les Juifz firent en Syrie en la ville de Berite? non seulement le sang en sortit, mays ce sang guerit quicomque en fut touché, de toutes sortes de maladies; c'est le grand saint Athanase qui le raconte..

  A001001392 

 C'est asses.

  A001001393 

 Or quel mespris est ce de tant de miracles, de se mocquer et gauser de toute ceste doctrine, et de l'Eglise qui la præche? Si vous ne voules priser le tesmoignage de l'antiquité, Testimonium Dei majus est.

  A001001393 

 Qu'est ce que vous respondres? Quand a moy, j'ay escrit icy les premiers miracles qui me sont venus en main; que j'ay pris neanmoins des autheurs qui ont estés en la pure Eglise, car si je vous eusse apporté les miracles faictz au tems de saint Bernard, de saint Malachie, de Bede, de saint François, vos ministres eussent incontinent crié que c'estoyent des prodiges de l'Antichrist, mays puysque tous tant quilz sont confessent que l'Antichrist n'a point comparu sinon quelque tems apres saint Gregoire, et que ce que je produis a tout esté faict auparavant, ou au tems de saint Gregoire, il n'y eschoit point de difficulté.

  A001001393 

 Sed quæro, dict il peu apres, quid non credant? utrum a Martiribus possint aliqui visitari? hoc est Christo non credere, ipse enim dixit: Et majora horum facietis.

  A001001394 

 De quoy accuserons nous et luy et deux Evesques, Aurelius et Maximinus, quil apelle pour ses recors? sera ce d'ignorance, simplesse, facilité? ou de malice et imposture? est il homme, en nostre siecle, si impudent qui pense leur estre comparable, soit en vertu, soit en sçavoir, jugement et suffisance? ».

  A001001394 

 Je veux icy mettre une piece empruntëe: « Quand nous lisons dans Bouchet les miracles des reliques de saint Hilaire, passe; son credit n'est pas asses grand pour nous oster la licence d'y contredire: mais de condamner d'un train toutes pareilles histoires me semble singuliere impudence.

  A001001395 

 Dites, pour Dieu, ce quilz racontent est il pas tres possible a Dieu? et sil est possible, comme oserons nous nier quil n'ait esté faict, puysque [328] tant de grans personnages en tesmoignent? On m'a dict plus d'une fois, est ce article de foy de croire ces contes? Ce n'est voirement pas article de foy, mays article de sagesse et discretion; car c'est une bestise trop notoire et une tres sotte arrogance de donner des dementies a ces anciens et graves personnages, sans autre fondement que parce que ce quilz disent n'est pas sortable a nos conceptions: sera il donq dict que nostre petite cervelle bornera la verité et mensonge, et fera loy a l'estre et au non estre? [329].

  A001001409 

 Dieu est autheur en nous de la rayson naturelle, et ne hait rien de ce quil a faict, si que, ayant marqué nostre entendement de ceste sienne lumiere, il ne faut pas penser que l'autre lumiere surnaturelle quil depart aux fidelles, combatte et soit contraire a la naturelle; elles sont filles d'un mesme Pere, l'une par l'entremise de nature, l'autre par l'entremise de moyens plus hautz et eslevés, elles donques peuvent et doivent demeurer ensemble comme seurs tres affectionnëes.

  A001001409 

 Soit en nature soit sur nature, la rayson est tousjours rayson, et la verité, verité; aussy n'est ce que le mesme œïl qui voit es obscurités d'une nuict bien sombre a deux pas devant luy, et celuy qui voit au beau jour de mydi tout le cercle de son horison, mays ce sont diverses lumieres qui luy esclairent: ainsy est il certain que la verité, et sur nature et en [330] nature, est tousjours la mesme, ce sont seulement diverses lumieres qui la monstrent a nos entendemens; la foy nous la monstre sur nature, et l'entendement en nature, mays la vérité n'est jamais contraire a soymesme..

  A001001410 

 .. Item, nos sens ne se trompent pas sur leur propre object quand l'application est bien faitte, et nostre experience prise a part, simple et nüe, ne peut estre deceüe: ce sont propositions de la philosophie, qui ont ceste rayson bien asseurëe, c'est que Dieu est autheur de nos sens, et les dresse, comme saint ouvrier et infallible, a leur propre fin et but; ce sont certes premiers principes, que ceux qui les leveroyent nous leveroyent tout discours et rayson.

  A001001410 

 Mon œil se peut tromper, jugeant une chose plus grande qu'elle n'est; mays la grandeur n'est pas le propre object de mon œil, car il est commun au toucher et a la main: et se peut tromper, estimant le mouvement estre ou il n'est point, comme ceux qui navigent le long de la rive voient, ce leur semble, les arbres et tours se remuer; mays le mouvement n'est pas propre object de la veüe, le toucher y a part encores: il se peut encores tromper si l'application n'est pas pure; car, sil y a du verre vert ou rouge en l'entredeux, il pensera vert ou rouge ce qui ne le sera pas..

  A001001411 

 Au reste, si au jugement du sens et a l'experience vous y adjoustes du discours et de la consequence, si vous vous y trompes ne vous en prenes plus au sentiment ni a l'experience, car elle n'est plus pure ni simple, qui est une des conditions que j'ay mises en mes propositions; c'est le discours et la consequence que vous y aves attachüe qui vous a trompé.

  A001001411 

 De mesme, l'experience qui nous monstre que nous ne sçavons pas comme ces accidens sont sans leur naturelle substance, est tres veritable, mays si nostre jugement tire conclusion de la quil n'en soit rien, il se trompe et nous trompe encores; et nostre experience n'en peut mais, qui n'a point touché a ceste consequence..

  A001001411 

 Le sens qui juge qu'a l'autel il y a la rondeur, la blancheur, le goust et saveur du pain, juge bien, mays le discours qui deduit de la que la substance du pain y est encores, tire une tres mauvaise et fause conclusion; delaquelle le sens ne peut mais, qui ne prend point de connoissance sur la substance des choses, mais sur les accidens.

  A001001412 

 L'experience donques et la connoissance des sens est tres veritable, mays les discours que nous en tirons nous trahissent: hors de la, qui combat la connoissance des sens et la propre experience, combat la rayson et la renverse, car le fondement de tout discours depend de la connoissance des sens et de l'experience.

  A001001418 

 Quand Luther, en la præface de l' Assertion des articles condamnés par Leon, dict que « l'Escriture est tres aysëe, intelligible et claire a chacun », et que chacun y peut connoistre la verité, et discerner entre les sectes et opinions quelle est la vraye, quelle est la fausse, dites, je vous prie, combat il pas la propre experience de tout le monde? et quand vous aves creu ceste sottise, connoisses vous pas tout ouvertement le contraire? Je ne sache homme si versé qui osast jurer, sil a point de conscience, quil sçait le vray sens, je ne dis pas de toute l'Escriture, mays de quelque partie d'icelle; et si, n'ay je jamais veu homme entre vous qui entende le sens d'un chapitre tout entier..

  A001001420 

 Et quand Luther dict que le croire, esperer, aymer ne sont pas operations et actions de nostre volonté, mais pures passions sans aucune activité de nostre volonté, ne perd il pas tout en un coup le croire, l'esperer, l'aymer, et les change en estre creu, esperé et aymé, et combat le cœur de l'homme, qui connoist [333] bien que c'est luy qui croit, ayme, espere, par la grace de Dieu?.

  A001001421 

 Item, quand Luther dict que les enfans au Baptesme ont l'usage de l'entendement et rayson, et quand le sinode de Wittemberg dict que les enfans au Baptesme ont des mouvemens et inclinations semblables aux mouvemens de la foy et charité, et ce sans entendre, n'est ce pas se mocquer de Dieu, de nature, et de l'experience?.

  A001001422 

 Et quand on dict que nous pechons « incités, poussés, necessités, par la volonté, ordonance, decret et predestination de Dieu, » n'est ce pas blasphemer contre toute rayson et contre la majesté de la supreme bonté? Ah, voyla la belle theologie de Zuingle, Calvin et Beze: At enim dices, dict Beze, dices, non potuerunt resistere Dei voluntati, id est, decreto: fateor; sed sicut non potuerunt, ita etiam noluerunt.

  A001001422 

 Verum non poterant aliter velle: fateor quoad eventum et energiam, sed voluntas tamen Adami coacta non fuit. Bonté de Dieu, je vous appelle a garant: vous m'aves poussé a mal faire, vous l'aves ainsy decreté, ordonné, voulu, je ne pouvois faire autrement, je ne pouvois vouloir autrement, qu'y a il de ma faute? O Dieu de mon cœur, chastiés mon vouloir sil peut ne vouloir pas le mal et quil le veüille, mays sil luy est impossible de ne le vouloir pas, et vous luy soÿes cause de ceste impossibilité, qu'y peut il avoir de sa faute? Si cecy n'est contre rayson, je confesse quil ny a point de rayson au monde..

  A001001423 

 « La loy de Dieu est impossible, » selon Calvin et les autres: que s'ensuit il de la, sinon que Nostre Seigneur soit tiran, qui commande chose impossible? si ell'est impossible, pourquoy la commande on?.

  A001001425 

 C'est asses.

  A001001425 

 Mays l'absurdité des absurdités, et la plus horrible deraison de toutes, c'est celle la, que, tenans que l'Eglise tout'entiere aÿe erré mill'ans durant en l'intelligence de la Parole de Dieu, Luther, Zuingle, Calvin puyssent s'asseurer de la bien entendre; bien plus, qu'un simple ministrot, prechant comme parole de Dieu que toute l'Eglise visible a erré, que Calvin et tous les hommes peuvent errer, ose trier et choysir entre les interpretations de l'Escriture celle qui luy plaict, et l'asseurer et maintenir comme parole de Dieu; encores plus, que vous autres qui oyans dire que chacun peut errer au faict de la religion, et toute l'Eglise mesme, sans vouloir vous en chercher d'autre parmi mille sectes qui toutes se vantent de bien entendre la Parole de Dieu et la bien precher, croÿes si opiniastrément a un ministre qui vous preche, que vous ne voules rien ouir autre.

  A001001432 

 C'est une voix pleyne de fast et d'ambition entre vos ministres, et qui leur est ordinaire, quil faut interpreter l'Escriture et esprouver les expositions par l'analogie de la foy.

  A001001432 

 Disons, je vous prie: vous dites que l'Escriture est aysëe d'entendre, pourveu qu'on l'adjuste a la regle et proportion ou analogie de la foy; mays quelle regle de la foy peuvent avoir ceux [qui] n'ont point d'Escriture que toute glossee, toute estirëe et contournee d'interpretations, metaphores, metonimies? si la regle est sujette au desreglement, qui la reglera? et quelle analogie ou proportion de foy y peut il avoir, si on proportionne les articles de foy aux conceptions les plus esloignëes de leur naïfveté? Voules vous que la proportion des articles de foy vous serve pour vous resoudre sur la doctrine et religion? laysses les articles de foy en leur naturelle taille, ne leur bailles point d'autre forme que celle quilz ont receüe des Apostres.

  A001001433 

 Si l'analogie de la foy est sujette a vos glosses et opinions, il le faut dire franchement, affin qu'on sache vostre intention; ainsy ce sera interpreter Escriture par l'Escriture et par l'analogie, le tout adjusté a vos interpretations et conceptions..

  A001001433 

 Si on demande comm'il se peut faire que le mesme cors de Nostre Seigneur soit en deux lieux, je diray que cela est aysé a Dieu, suyvant le dire de l'Ange, Non est impossibile apud Deum omne Mot, et le confirmeray par la rayson de la foy, Credo in Deum Patrem omnipotentem; mays si vous glosses, et l'Escriture et l'article de foy mesme, comme confirmeres vous vostre glosse? a ce conte la il ny aura point de premier principe sinon vostre cervelle.

  A001001434 

 C'est icy la parfaite Communion des Saintz, car c'est la viande commune des Anges et saintes ames du Paradis et de nous autres, c'est le vray pain duquel tous les Chrestiens participent.

  A001001434 

 L' omnipotentem me confirme, la creation m'y recrëe; car, qui ex nihilo fecit omnia, quare ex pane non faciet Corpus Christi? Le nom de Jesus m'y conforte, car sa misericorde et magnifique volonté y est exprimëe; ce quil est Filz consubstantiel au Pere monstre son pouvoir illimité.

  A001001434 

 L'Eglise, qui estant sainte ne peut induire a l'erreur, estant catholique n'est pas astreinte a ce miserable siecle, mays doit avoir son estendue en long des les Apostres, en large par tout le monde, en profondité jusqu'au Purgatoire, en hauteur jusqu'au ciel, a sçavoir, toutes nations, tous les siecles passés, les Saints canonizés et nos ayeulz desquelz nous avons esperance, les Prelatz, les Conciles recens et anciens, tout par tout chantent Amen, amen, a ceste sainte creance.

  A001001434 

 La Remission des pechés, l'Autheur de la remission y estant, est confirmëe, la semence de nostre Resurrection jettëe, la Vie æternelle conferëe..

  A001001434 

 Le Saint Esprit, par l'operation duquel il a esté conceu et est né d'une Vierge, pourra bien encores avec son operation fayre ceste admirable besoigne de la Transubstantiation.

  A001001434 

 Sa conception d'une Vierge hors le cours naturel, ce quil n'a point dedaigné de s'y loger pour nous, ce quil est né avec penetration de dimension, action qui surmonte et outrepasse la nature d'un cors, m'asseure et de la volonté et du pouvoir.

  A001001434 

 Sa mort m'affermit, car, qui est mort pour nous, que ne fera il pas pour nous? Son sepulchre me console, et sa descente aux enfers, car je ne douteray point quil ne descente en l'obscurité de mon cors, etc. [337] Sa resurrection me ravive, car la nouvelle penetration de la pierre, l'agilité, subtilité, clarté, impassibilité de son cors n'est plus sujette aux loix trop grossieres de nos cervelles.

  A001001434 

 Son ascension me faict monter a ceste foy; car si son cors penetre, s'esleve par sa seule volonté, et se place sans place a la dextre du Pere, pourquoy ne sera il encor ça bas ou bon luy semble, sans y occuper autre place qu'a sa volonté? Ce qu' il sied a la dextre du Pere, me monstre que tout luy est sousmis, le ciel, la terre, les distances, les lieux et les dimensions: ce que de la il viendra juger les vivans et les morts, me pousse a la creance de l'illimitation de sa gloire, et que partant sa gloire n'est pas attachëe au lieu, mays ou quil soit il la porte avec soy; dont au tressaint Sacrement il y est sans laysser sa gloire ni ses perfections.

  A001001435 

 Ou trouves vous de la contrarieté a ceste sainte analogie de la foy? tant s'en faut, que vrayement ceste creance du tressaint Sacrement, qui contient en verité, realité et substance le vray et naturel Cors de Nostre [338] Seigneur, est vrayement l'abbregé de nostre foy, suyvant le dire du Psalmiste, Memoriam fecit.

  A001001436 

 C'est bien asses pour cest exemple..

  A001001436 

 En fin, au Saint Sacrement, aussi bien qu'es saintes paroles de Nostre Seigneur, l'esprit y est, qui vivifie la chair, autrement elle ne proufiteroit de rien, mays la chair ne laisse pas d'y estre avec sa vie et son esprit.

  A001001436 

 Mays je reviens a vous, Messieurs, et demande que c'est qu'on m'opposera plus a ces passages si clairs, Cecy est mon cors.

  A001001436 

 Que dires vous plus? que ce Sacrement est appellé pain? aussy est il, mays comme Nostre Seigneur l'explique: Ego sum panis vivus.

  A001001436 

 Que la chair ne prouffite de rien? non pas la vostre ou la mienne qui ne sont que charoignes, ni nos sentimens charnelz; nom pas une chair simple, morte, sans esprit ni vie: mays celle du Sauveur, qui est tousjours garnie de l'Esprit vivifiant et de son Verbe, je dis qu'elle proufite a tous ceux qui la reçoivent dignement pour la vie æternelle.

  A001001437 

 A tout rompre vous monstreres que qui voudroit un peu estirer ces paroles, il trouveroit quelques semblables phrases en l'Escriture que celle que vous pretendes estre icy, mays ad esse a posse c'est une lourde consequence; je nie que vous le puyssies faire joindre, je dis que si chacun les manie a sa main, la pluspart les prendront a gauche.

  A001001437 

 Ah, vous disies que vous joindries vostre negative avec l'analogie par le fil de l'Escriture; ou est cest'Escriture, qu'un cors ne puysse estre en deux lieux? voyes un peu comme vous mesles la prophane apprehension d'une rayson purement humaine avec la sacree Parole.

  A001001437 

 Quand a vous, que produires vous de semblable? [339] je vous monstre un est, monstres moy le non est que vous pretendes, ou le significat; je vous ay monstré le corpus, monstres moy le signe effectueux.

  A001001437 

 Vous adjustes tout cecy a l'anormalogie de vostre foy, et comment? Nostre Seigneur est assis a la dextre, donq il n'est pas icy.

  A001001438 

 Dites moy donques, si la regle a besoin de reglement, qui la reglera? Ainsy le Simbole dict que Nostre Seigneur est descendu en enfer, et Calvin le veut regler a ce quil s'entende d'une descente imaginaire, l'autre le rapporte au sepulcre: n'est ce pas traitter ceste regle a la Lesbienne, et plier le niveau sur la pierre au lieu de tailler la pierre au niveau? Pour vray, comme saint Clement et saint Augustin l'appellent regle, aussy saint Ambroise l'appelle clef, mays sil faut une autre clef pour ouvrir ceste clef, ou la trouverons nous? monstres la nous; sera [ce] le cerveau des ministres, ou quoy? sera ce le Saint Esprit? mays chacun se ventera d'en avoir sa part.

  A001001438 

 Voicy une regle infallible de nostre foy: Dieu est tout puyssant; qui dict tout n'exclud rien, et vous voules regler ceste regle, et la limiter a ce qu'elle ne s'estende pas a la puyssance absolue, ou a la puyssance de placer un cors en deux lieux, ou le placer en un lieu sans quil y occupe l'espace exterieur.

  A001001438 

 Voyla vostre analogie; a sçavoir mon, qui a mieux travaillé, ou vous ou moy? Si on vous laisse interpreter la descente de Nostre Seigneur aux enfers, du [340] sepulcre, ou de l'apprehension de l'enfer et peyne des damnés, la sainteté de l'Eglise, d'une Eglise invisible et inconneüe, son universalité, d'une Eglise secrette et cachëe, la communion des Saintz, d'une seule bienveuillance generale, la remission des pechés, d'une seule non imputation, quand vous aures ainsy proportionné le Simbole a vostre jugement, il sera quand et quand bien proportionné au reste de vostre doctrine; mays qui ne voit l'absurdité? le Simbole, qui est l'instruction des plus simples, seroit la plus obscure doctrine du monde, et devant estre regle a la foy, il auroit besoin d'estre reglé par une autre regle; In circuitu impii ambulant.

  A001001439 

 Je ne voudrois pas que vous pensassies que j'ignorasse que le seul Simbole n'est pas la totale regle et mesure de la foy; car, et saint Augustin et le grand [341] Lirinensis appellent encores regle de nostre foy, le sentiment ecclesiastique.

  A001001439 

 Mays comme vous mesprisés toute la doctrine ecclesiastique, aussi mesprises vous ceste noble partie et si signalëe qui est le Simbole, luy refusant creance sinon apres que vous l'aures reduit au petit pied de vos conceptions.

  A001001445 

 Par exemple, ny a il pas plus de misericorde d'exhiber la realité de son Cors pour nostre viande, que de n'en donner que la figure, commemoration et manducation fiduciaire? n'est ce pas plus de justifier l'homme embellissant son ame par la grace, que sans l'embellir le justifier par une simple connivence ou non imputation? n'est ce pas une plus grande faveur de rendre l'homme et ses œuvres aggreables et bonnes, que de tenir seulement l'homme pour bon sans quil le soit en realité? n'est ce pas plus d'avoir layssé sept Sacremens pour la justification et sanctification du pecheur, que de n'en avoir laissé que deux, dont l'un ne serve de rien et l'autre de peu? n'est ce pas plus d'avoir laissé la puyssance d'absouvre en l'Eglise, que de n'en avoir point laissé? n'est ce pas plus d'avoir laissé une Eglise visible, universelle, signalëe, remarquable et perpetuelle, que de l'avoir layssé petite, secrette, dissipëe, sujette a corruption? n'est ce pas plus priser les travaux de Nostre Seigneur, de dire qu'une seule goutte de son sang suffisoit a racheter le monde, que de dire que s'il n'eut enduré les peynes des damnés il ni avoit rien de faict? la misericorde de Dieu n'est elle pas plus magnifiëe, de donner a ses Saintz la connoissance de ce qui se faict cy bas, le credit de prier pour nous, se rendre exorable a leurs intercessions, les avoir rendu glorieux des leur mort, que de les faire attendre et tenir « en suspens », comme parle Calvin, jusqu'au jugement, les rendre sourds a nos prieres et se rendre inexorable aux leurs? Cecy se verra plus clair en nos essais..

  A001001447 

 La doctrine Catholique ne peut partir d'aucune passion, puysque personne ne s'y range sinon avec ceste condition, de captiver son intelligence sous l'authorité des pasteurs; elle n'est point superbe, puysqu'elle apprend a ne se croire pas soymesme mays l'Eglise..

  A001001457 

 .. Vous ne devies pas croire si legerement; si vous eussies bien advisé a vos affaires, vous eussies veu que ce n'estoit pas la Parole de Dieu quilz avançoyent, mais leurs propres conceptions voylëes des motz de l'Escritture, et eussies bien connu que jamais un si riche habit ne fut faict pour couvrir un si vilain cors comme est ceste heresie..

  A001001458 

 Car, par supposition, faysons que jamais il ny eust Eglise, ni Concile, ni Pasteurs, ni Docteurs, des les Apostres, et que l'Escriture Sainte ne contient que les Livres quil plaict a Calvin, Beze et Martyr d'avouer, quil ny a point de Regle infallible pour la bien entendre, mays qu'elle est a la merci des conceptions de quicomque voudra maintenir quil interprete l'Escriture par l'Escriture et par l'analogie de la foy, comme on veut entendre Aristote par l'Aristote et par l'analogie de la philosophie; confessons seulement que ceste Escriture est divine, et je maintiens devant tous juges equitables que, si non tous, au moins ceux d'entre vous qui avoyent quelque connoissance et suffisance sont inexcusables, et ne sçauroyent garentir leur religion de legereté et temerité.

  A001001459 

 C'est donques ce que je pretens faire en ceste troysiesme Partie, ou j'attaqueray vos ministres sur les Sacremens en general, et en particulier sur celuy de l'Eucharistie, de la Confession et Mariage, sur l'honneur et invocation des Saintz, sur la convenance des ceremonies en general, puys en particulier, sur la puyssance de l'Eglise, sur le merite des bonnes œuvres et la justification, et sur les indulgences; ou je n'employeray que la pure et simple Parole de Dieu, avec laquelle seule je vous feray voir, comme par essay, vostre faute si a descouvert, que vous aures occasion de vous en repentir.

  A001001459 

 Ne diries vous pas que c'est bien eux qui seulz et sans compaignon manient l'Escriture Sainte? Ilz en citent, a la verité, des morceaux, et a tous propos, « en public, en privé, » dict le grand Lirinensis, « en leurs discours, en leurs livres, es rues, es banquetz.

  A001001459 

 » Mays qui sondera au fons de leur doctrine, verra clair comme le jour que ce n'est qu'une happelourde saffranëe, telle que celle que le diable produisoit quand il tentoit Nostre Seigneur, car il avançoit l'Escriture pour son intention.

  A001001460 

 C'est ce que je pretens icy, mays briefvement; et [348] proteste que je produyray tresfidelement tout ce que je cuyderay estre de plus apparent de leur costé, puys par l'Escriture mesme les convaincray, affin que vous voyes que quoyque et eux et nous manions et nous armons de l'Escriture, nous en avons neanmoins la realité et droit usage, eux n'en ayant qu'une vayne apparence par maniere d'illusion; ainsy que non seulement Moise et Aaron, mays encores les magiciens animerent leurs verges et les convertirent en colœuvres, mays la verge d'Aaron devora les verges des autres.

  A001001469 

 Ce mot de Sacrement est bien expres en l'Escriture en la signification qu'il a en l'Eglise Catholique, puysque saint Pol, parlant du Mariage, l'apelle clair et net, Sacrement.

  A001001469 

 Mays nous [allons] voir cecy cy apres; il suffit maintenant, contre l'insolence de Zuingle et autres qui ont voulu rejetter ce nom, que toute l'Eglise ancienne en aÿe usé: car ce n'est pas avec une plus grand'authorité que le mot de Trinité, Consubstantiel, Personne, et cent autres sont demeurés en l'Eglise comme saints et legitimes; et c'est une tres inutile et sotte temerité de vouloir changer les motz ecclesiastiques que l'antiquité nous a laissé, outre le danger quil y auroit, qu'apres le changement des motz on n'allast au change de l'intelligence et creance, comme on voit ordinayrement que c'est l'intention de ces novateurs de paroles.

  A001001475 

 Voyla [pas des] passages bien clairs pour monstrer que la prædication [est] la vraye forme des Sacremens? Mays qui leur a dict quil ni a point d'autre Mot vitæ que la predication? je soustiens, au contraire, que ceste sainte invocation, Je te baptise au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit, est encores un Mot vitæ, comme l'ont dict saint Chrysostome et Theodoret; aussi sont bien les autres saintes prieres et invocations du nom de Dieu, qui ne sont pourtant pas prædications.

  A001001476 

 Et pour monstrer que le Baptesme est de Nostre Seigneur, non de celuy qui l'administre, il ne dict pas, Nunquid in prædicatione Pauli baptizati estis? mais plustost, Nunquid in nomine Pauli baptizati estis? monstrant que quoyque la prædication præcede, si n'est elle pas de l'essence du Baptesme, pour attribuer au prædicateur et catechiste le Baptesme comm'il est attribué a celuy le nom duquel y est invoqué.

  A001001476 

 Et quand a la tressainte Eucharistie, qui est l'autre Sacrement que les ministres font semblant de recevoir, ou trouveront ilz jamais que Nostre Seigneur y aÿe usé de prædication? Saint Pol enseigne aux Corinthiens comm'il faut celebrer la cene, mays on ny trouve point qu'il y soit commandé de precher; et affin que personne ne doutast que le rite quil proposoit fut legitime, il dict quil l'avoit ainsy apris de Nostre Seigneur: Ego enim accepi a Domino, quod et tradidi vobis.

  A001001476 

 On ne dict pas qu'il ne soit convenable d'instruire le peuple des [353] Sacremens qu'on luy confere, mays seulement que ceste instruction n'est pas la forme des Sacremens.

  A001001476 

 Pour vray, a qui regardera de pres le premier Baptesme faict apres la Pentecoste, verra clair comme le jour que la prædication est une chose et le Baptesme une autre: His auditis, voyla la prædication d'un costé, compuncti sunt corde, et dixerunt ad Petrum et ad reliquos Apostolos: quid faciemus, viri fratres? Petrus vero ad illos: pænitentiam, inquit, agite, et baptizetur unusquisque vestrum in nomine Jesu Christi, in remissionem peccatorum vestrorum; voyla le Baptesme d'autre costé, mis a part.

  A001001476 

 Qui doute que saint Pol n'ait catechisé et instruict de la foy plusieurs Corinthiens qui ont estés baptisés? que si l'instruction et prædication estoit la forme du Baptesme, saint Pol n'avoit pas rayson de dire, Gratias ago Deo quod [352] neminem baptizavi nisi Crispum et Caium, etc.; car donner forme a une chose, n'est ce pas la faire? Bien plus, que saint Pol met a part le baptizer du precher: Non me misit Christus baptizare sed evangelizare.

  A001001477 

 Ilz violent encores la Tradition, l'authorité de l'Eglise, des Conciles, des Papes et des Peres, qui tous ont creu et croyent que le Baptesme des petitz enfans est vray et legitime: mays comme veut on que la predication y soit employëe? les enfans n'entendent pas ce qu'on dict, ilz ne sont pas capables de l'usage de rayson, a quoy faire les instruire? on peut bien precher devant eux, mays ce seroit pour neant, car leur entendement n'est pas encor ouvert pour recevoir l'instruction, comme instruction; elle ne les touche point, ni ne leur peut estre appliquëe, quel effect donq peut elle faire en eux? [leur] Baptesme donq seroit vain, puysqu'il seroit sans forme et [signification]: la forme donq du Baptesme n'est pas la prædication.

  A001001477 

 Luther respond que les enfans ressentent [des] mouvemens actuelz de la foy par la prædication: c'est violer et dementir l'experience et le sentiment mesme.

  A001001478 

 Au Concile Laodicien, ou il est parlé de l'ordre de la Messe, il ne se dict rien de la prædication, comme estant chose de decence mais non de l'essence de ce mistere.

  A001001478 

 Nous disons que la forme des Sacremens est une parole [354] consecratoire, et de benediction ou invocation.

  A001001478 

 Or sus, voyla, selon les Regles de la foy, et principalement selon l'Escriture Sainte, comme vos ministres errent quand ilz vous enseignent que la prædication est forme des Sacremens: mays voyons si ce que nous en croyons est plus conforme a la sainte Parole.

  A001001478 

 Quomodo, dict le grand saint Ambroise, potest qui panis est Corpus esse Christi? consecratione; et plus bas: Non erat Corpus Christi ante consecrationem, sed post consecrationem dico tibi quod jam est Corpus Christi; et voyes le bien au long, mays je me reserve sur ce sujet quand nous traitterons de la sainte Messe..

  A001001478 

 Y a il rien si clair en l'Escriture: Docete omnes gentes, baptizantes eos in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti; ceste forme, au nom du Pere, etc., est elle pas invocatoire? certes, le mesme saint Pierre qui dict aux Juifz, Pœnitentiam agite, et baptizetur unusquisque vestrum in nomine Jesu Christi, in remissionem peccatorum vestrorum, dict peu apres au boiteux devant la belle porte, In nomine Jesu Christi Nazareni, surge et ambula: qui ne voit que ceste derniere parole est invocatoire? et pourquoy non la premiere, qui est de mesme substance? Ainsy saint Pol ne dict pas, Calix prædicationis de quo prædicamus, nonne communicatio Sanguinis Christi est? mays au contraire, Calix benedictionis cui benedicimus; on le consacroit donques et benissoit-on: ainsy au Concile de Laodicëe, c. 25, Non oportet Diaconum calicem benedicere.

  A001001485 

 Au contraire, le Concile de Florence et celuy de Trente declairent que « si quelqu'un dict que l'intention au moins de faire ce que faict l'Eglise n'est pas requise es ministres quand ilz conferent les Sacremens, il est anatheme »: ce sont les termes du Concile de Trente.

  A001001485 

 Ilz disent que quoy que le ministre n'aÿe aucune intention de faire la cene ou baptiser, ains seulement de se moquer et badiner, neanmoins, pourveu quil face l'exterieure action du Sacrement, le Sacrement y est complet.

  A001001485 

 Item, le Concile ne dict pas quil soit necessaire de vouloir faire ce que l'Eglise Romayne faict, mays seulement en general ce que l'Eglise faict, sans particulariser quelle est la vraye Eglise: ains, qui, pensant que l'eglise pretendue de Geneve fust la vraye Eglise, limiteroit son intention a l'intention de l'eglise de Geneve, se tromperoit si jamais homme se trompa en la connoissance [357] de la vraÿe Eglise, mays son intention suffiroit en cest endroit, puysque encores qu'elle se terminast a l'intention d'une eglise fausaire, si est ce qu'elle ne s'y termineroit que sous la forme et conception de la vraye Eglise, et l'erreur ne seroit que materiel, non formel, comme disent nos docteurs.

  A001001485 

 Item, n'est pas requis que nous ayons ceste intention actuellement quand nous conferons le Sacrement, mays suffit qu'on puysse dire avec verité que nous faysons telle et telle ceremonie et disons telle et telle parole, comme jetter l'eau, disans, Je te baptise au nom du Pere, etc., en intention de faire ce que les vrays Chrestiens font et que Nostre Seigneur a commandé, quoy que pour lhors nous ne soyons pas en attention, et ny pensions pas precisement.

  A001001485 

 Telle intention est du moins requise, et suffit aussy, pour la collation des Sacremens..

  A001001486 

 Ores que la proposition du Concile est esclarcie, voyons voir si elle est, comme celle des adversaires, sans fondement de l'Escriture.

  A001001487 

 Il ne suffit donq pas de faire ce que Nostre Seigneur a commandé quand il dict, Hoc facite, mays le faut faire a l'intention que Nostre Seigneur l'a commandé, c'est a dire, in sui commemorationem; sinon avec ceste intention particuliere, au moins generale, sinon immediatement, au [359] moins mediatement, voulant faire ce que l'Eglise faict, laquelle a intention de faire ce que Nostre Seigneur a faict et commandé, si que on s'en rapporte a l'intention de l'Espouse, qui est adjustëe au commandement de l'Espoux..

  A001001487 

 Je crois quil est impossible d'imaginer qu'un homme face la Cene en commemoration de Nostre Seigneur, sil n'a l'intention de faire ce que Nostre Seigneur a commandé, ou au moins de faire ce que font ceux qui le font en la commemoration de Nostre Seigneur.

  A001001487 

 Or, n'est il pas dict simplement, Hoc facite, mays, facite in meam commemorationem; et comme peut on faire ceste sacrëe action en commemoration de Nostre Seigneur, sans avoir l'intention d'y faire ce que Nostre Seigneur a commandé, ou du moins ce que les Chrestiens, disciples de Nostre Seigneur, font? affin que, sinon immediatement, au moins par l'entremise de l'intention des Chrestiens ou de l'Eglise, on face ceste action en commemoration de Nostre Seigneur.

  A001001488 

 Et c'est a ce propos que saint Augustin: Unde tanta vis aquæ, ut corpus tangat et cor abluat, nisi faciente verbo? non quia dicitur, sed quia creditur; c'est a dire, les paroles de soy, estant proferees sans aucune intention ou creance, n'ont point de vertu, mays estans dites en vertu et creance, et selon l'intention generale [360] de l'Eglise, elles font cest effect salutaire.

  A001001488 

 Or, comme peut estre faicte une action au nom de Dieu, qui se faict pour se mocquer de Dieu? Pour vray, l'action du Baptesme ne depend pas tellement des parolles, qu'elle ne se puysse faire en vertu et en authorité toute contraire aux parolles, si le cœur, qui est le moteur des paroles et de l'action, les dresse a une contraire fin et intention.

  A001001488 

 Si donques Nostre Seigneur ne commande pas simplement qu'on face l'action du Baptesme ni qu'on die les paroles, mays l'action se face et les paroles se dient au nom du Pere, etc., il faut avoir au moins l'intention generale de faire le Baptesme en vertu du commandement de Nostre Seigneur, en son nom et de sa part; et quand a l'absolution, que l'intention y soit requise, il est plus qu'expres: Quorum remiseritis peccata, remittuntur eis, il laysse cela a leur deliberation.

  A001001508 

 Nous sommes d'accord que le sang de nostre Redempteur est le vray purgatoire des ames, car en iceluy sont nettoyees toutes les ames du monde; dont saint Pol l'appelle, aux Hebreux, premier, purgationem peccatorum facientem: les tribulations aussi sont certains purgatoires, par lesquelz nos ames sont rendues pures comme l'or est affiné en la fournaise; Ecclesiastici 27, Vasa figuli probat fornax, justos autem tentatio tribulationis: la penitence et contrition est encores un certain purgatoire; dont David dict, au Psal. 50, Asperges me, Domine, hyssopo, et mundabor: on sçait bien aussi que le Baptesme, auquel nos pechés sont lavés, peut estre appellé purgatoire, et tout ce qui sert a la purgation de nos offenses; mays icy nous appelions Purgatoire, un lieu auquel, apres ceste vie, les ames lesquelles partent de ce monde avant qu'estre parfaictement espurees des souilleures qu'elles ont contractees, ne pouvant rien entrer en Paradis qui ne soit pur et net, sont arrestees pour y estre nettoyees et purifiees.

  A001001508 

 Que si on veut sçavoir pourquoy ce lieu est plustost appellé simplement Purgatoire que les autres moyens de purgation cy dessus apportés, on respondra que c'est parce qu'en ce lieu la on n'y faict autre que la purgation des taches qui sont demeurees au partir de ce monde, et qu'au Baptesme, penitence, tribulations et autres, non seulement l'ame s'espure de ses imperfections, mays s'enrichit encores de plusieurs graces et perfections; qui a faict laisser le nom de Purgatoire a ce lieu de l'autre siecle, lequel, a proprement parler, n'est pour autre que pour la purification des ames.

  A001001514 

 Ce n'est pas une opinion receue a la volee que l'article du Purgatoire: il y a long tems que l'Eglise a soustenu ceste creance envers tous et contre tous.

  A001001514 

 En fin, c'est l'ordinaire de toutes les factions de nostre aage de se moquer du Purgatoire et mespriser les prieres pour les trespassés, mays l'Eglise Catholique s'est opposee vivement a tous ceux cy, a chacun en son tems, avec l'Escriture Sainte en main, de laquelle nos devanciers ont tiré plusieurs belles raysons..

  A001001514 

 [365] En fin, Luther, Zuingle, Calvin et ceux de leur parti ont du tout nié la verité du Purgatoire, car quoy que Luther, in Disputatione Lipsica, dict qu'il croyoit fermement, ains sçavoit asseurement, qu'il y avoit un Purgatoire, si est ce que par apres il s'en dedict, au livre De abroganda missa privata.

  A001001515 

 elle a prouvé les aumosnes, prieres et autres saintes actions pouvoir soulager les trespassés; dont il s'ensuit qu'il y a un purgatoire, car: ceux d'enfer ne peuvent avoir aucun secours en leurs peynes; en Paradis, tout bien y estant, nous n'y pouvons rien porter du nostre pour ceux qui y sont desja; donques c'est pour ceux qui sont en un troisiesme lieu, que nous appelions Purgatoire..

  A001001526 

 Ce premier argument est invincible: il y a un tems et un lieu de purgation pour les ames apres ceste vie mortelle; donques il y a un Purgatoire, puysque l'enfer ne peut apporter aucune purgation, et le Paradis ne peut recevoir aucune chose qui ayt besoin de purgation.

  A001001527 

 Ce lieu est apporté en preuve du Purgatoire par Origene, homilia 25 in Numeros, et par saint Ambroise, sur le Psal. 36, et au sermon 3 sur le Psal. 118, ou il expose par l'eau, le Baptesme, et par le feu, le Purgatoire..

  A001001528 

 Ceste purgation, faicte en esprit de jugement et de bruslement, est entendue de Purgatoire par saint Augustin, au 1.

  A001001528 

 Et de faict, les paroles precedentes favorisent ceste interpretation, esquelles il est parlé de la salvation des hommes; et puys a la fin du chapitre, ou il est parlé du repos des heureux, dont ce qui est dict, purgavit Dominus sordes, se doit entendre de la purgation necessaire pour ceste salvation; et parce que ceste purgation est dicte se devoir faire en esprit d'ardeur et de bruslement, elle ne se peut bonnement interpreter que du Purgatoire et du feu d'iceluy..

  A001001529 

 Ce lieu estoit desja en train pour prouver le Purgatoire parmi les Catholiques, du tems de saint Hierosme, il y a environ 1200 ans, ainsy que le mesme saint Hierosme tesmoigne sur le dernier chapitre d'Isaïe; la ou ce qui est dict, cum sedero in tenebris; iram Domini portabo, donec causam meam judicet, ne se peut entendre d'aucune peyne si proprement comme de celle de Purgatoire..

  A001001529 

 Dominus lux mea est; iram Domini portabo, quoniam peccavi ei, donec causam meam judicet et faciat judicium meum; educet me in lucem, videbo justitiam ejus.

  A001001530 

 En Zacharie, 9: Tu autem, in sanguine testamenti tui, eduxisti vinctos tuos de lacu in quo non est aqua. Le lac duquel sont tirés ces prisonniers n'est que le Purgatoire, duquel Nostre Seigneur les [368] delivra en sa descente aux enfers; ne se pouvant entendre du Limbo, ou estoient les Peres avant la resurrection de Nostre Seigneur, dans le sein d'Abraham, par ce que la il y avoit de l'eau de consolation, comme l'on peut voir en saint Luc, 16; dont saint Augustin, en l'epistre 99, ad Evodium, dict que Nostre Seigneur visita ceux qui estoient aux tourmens des enfers, c'est a dire, au Purgatoire, et quil les en delivra: dont il s'ensuit quil y a un lieu ou les fideles sont tenus prisonniers, et duquel ilz peuvent estre delivrés..

  A001001531 

 Nous sçavons bien qu'ilz l'entendent de la purgation qui se fera a la fin du monde par le feu et conflagration generale, la ou seront purgés les reliquatz des pechés de ceux qui se trouveront vivans; mais nous ne laissons pas d'en tirer un bon argument pour nostre Purgatoire, car, si les personnes de ce tems la ont besoin de purgation avant que de ressentir l'effect de la benediction du Juge supreme, pourquoy est ce que ceux qui meurent avant ce tems n'en auront encores besoin? puysqu'il s'en peut trouver qui auront a la mort quelque reliquat de leurs imperfections.

  A001001531 

 chap.: Et sedebit conflans et emundans argentum; et purgabit filios Levi, et colabit eos quasi aurum et argentum, etc. Ce lieu est exposé d'une peyne purifiante par Origene, homil. 6 sur l'Exode, par saint Ambroise, sur le Psal. 36, par saint Augustin, livre 20 de la Cité de Dieu, chap. 25, et saint Hierosme, sur ce lieu.

  A001001538 

 Imaginons maintenant que le feu se mette en l'une et en l'autre maison: celle qui est de matiere solide sera hors de fortune, et l'autre sera reduicte en cendres; que si l'architecte est dans la premiere, il y demeurera sain et sauve, que s'il est dans la seconde, s'il se veut eschapper il faudra qu'il se rue a travers le feu et la flamme, et se sauvera tellement qu'il portera les marques d'avoir esté au feu: Ipse autem salvus erit, sic tamen quasi per ignem..

  A001001538 

 Or en iceluy, comme il est aysé a voir a qui regarde de pres tout le chapitre, l'Apostre use de deux similitudes: la premiere est d'un architecte qui fonde une maison precieuse et de matiere solide sur un roc, la seconde est de celuy qui sur un mesme fondement dresse une maison d'ais, de cannes et de chaume.

  A001001539 

 Le fondement en ceste similitude est Nostre Seigneur; dont saint Pol dict, Ego plantavi, et, Ego ut sapiens architectus fundamentum posui, et puys [370] apres: Fundamentum enim aliud nemo ponere potest præter id quod positum est, quod est Christus Jesus.

  A001001539 

 Le jour du Seigneur duquel il est parlé, s'entend le jour du jugement, lequel en l'Escriture a accoustumé d'estre appellé jour du Seigneur; en Joël, 2, Veniet dies Domini, en Sophonie, 1, Juxta est dies Domini: puys, par ce qu'y est adjousté, dies Domini declarabit, car c'est a ceste journee la que se declareront toutes les actions du monde: en fin, quand l'Apostre dict, quia in igne revelatur, il monstre asses que c'est le dernier jour du jugement; en la seconde des Thessaloniciens, 1, I n revelatione Domini nostri Jesu Christi de cælo, cum Angelis virtutis ejus, in flamma ignis, au Ps.

  A001001540 

 Toute ceste interpretation, outre ce qu'elle s'apparie tres bien avec le texte, est encores tres authentique pour avoir esté suivie, d'un commun consentement, par les anciens Peres.

  A001001541 

 On dira qu'en ceste interpretation il y a de l'equivoque et du malseant, en ce que le feu duquel il est parlé est pris ores pour le feu de Purgatoire, ores pour celuy qui precedera le jour du jugement.

  A001001541 

 On respond que c'est une elegante façon de parler par la confrontation de ces deux feux, car voicy le sens de la sentence: le jour du Seigneur sera esclairé par le feu qui le precedera, et comme ce jour la sera esclairé par le feu, ainsy ce mesme jour par le jugement esclaircira le merite et le defaut de chaque œuvre; et comme chaque œuvre sera esclaircie, ainsy les ouvriers qui auront ouvré avec imperfections seront sauvés par le feu du Purgatoire.

  A001001542 

 Je respons qu'il y a de la similitude en ce passage, car l'Apostre veut dire que celuy duquel les œuvres ne sont pas du tout solides, sera sauvé comme l'architecte qui s'eschappe du feu ne laissant pas pour cela de [372] passer par le feu, mays un feu d'autre calibre que n'est le feu qui brusle en ce monde.

  A001001542 

 Le passage est difficile et malaysé, mays bien consideré il nous faict une manifeste conclusion pour nostre pretention..

  A001001542 

 On dira encores qu'il n'est pas dict qu'il sera sauvé par le feu, mays comme par le feu, et que partant on ne peut pas conclure le feu du Purgatoire en verité.

  A001001549 

 argument que nous tirons de la sainte Parole pour le Purgatoire est prins du 2.

  A001001549 

 des Machabees, au chap. 12; la ou l'Escriture raconte que Judas Machabee envoya en Hierusalem douze mille dragmes d'argent pour faire des sacrifices pour les morts, et apres elle adjouste: Sancta ergo et salubris est cogitatio pro defunctis exorare, ut a peccatis solvantur; car, voicy nostre discours: c'est chose sainte et prouffitable de prier pour les morts affin qu'ilz soient delivrés de leurs pechés, donques apres la mort il y a encores tems et lieu pour la remission des pechés; or ce lieu icy ne peut estre ni l'enfer ni le Paradis, donques c'est le Purgatoire..

  A001001550 

 Cest argument est si bien faict, que pour y respondre nos adversaires nient l'authorité du Livre des [373] Machabees, et le tiennent pour apocriphe: mays a la verité ce n'est qu'a faute d'autre response; car ce Livre icy a esté tenu pour authentique et sacré par le Concile de Carthage 3, au canon 47, et par Innocent 1, en l'epistre ad Exuperium, et par saint Augustin, l. 18 de la Cité de Dieu, chap. 36, duquel voicy les paroles: Libros Machabæorum non Judæi sed Ecclesia pro canonicis habet, et le mesme saint Augustin, au l. 2 De doctrina Christiana, chap. 8, et Gelase, au decret des Livres canoniques qu'il fit en un Concile de 70 Evesques, et plusieurs autres Peres qu'il seroit long a citer.

  A001001550 

 De maniere que vouloir respondre niant l'authorité du Livre, c'est nier quant et quant l'authorité de l'antiquité..

  A001001552 

 La premiere, c'est qu'ilz disent la priere avoir esté faicte pour monstrer la bonne affection qu'ilz avoyent a l'endroit des defuncts, non pas qu'ilz pensassent les defuncts en avoir besoin; mays l'Escriture y contredict par ces paroles, ut a peccatis solvantur..

  A001001553 

 Ilz objectent que c'est un manifeste erreur de prier pour la resurrection des morts avant le jugement, car c'est presupposer, ou que les ames resuscitent et par consequent meurent, ou que les cors ne resuscitent pas si ce n'est par l'entremise des prieres et bonnes actions des vivans, qui seroit contre l'article, Credo resurrectionem mortuorum: or, que ces erreurs soyent presupposés en ce lieu des Machabees, il appert par ces paroles: nisi enim eos qui ceciderant resurrecturos speraret, superfluum videretur et vanum pro defunctis orare. On respond que en cest endroit ilz ne prient pas pour la resurrection ni de [374] l'ame ni du cors, mays seulement pour la delivrance des ames; en quoy ilz presupposoyent l'immortalité de l'ame, car, s'ilz eussent creu que l'ame fust morte avec le cors, ilz n'eussent point pris de soin de leur delivrance; et par ce que, parmi les Juifz, la creance de l'immortalité de l'ame et de la resurrection des cors estoient tellement jointes ensemble que qui nioit l'une nioit l'autre, pour monstrer que Judas Machabeus croyoit l'immortalité de l'ame il dict qu'il croyoit la resurrection des cors.

  A001001555 

 Peut estre qu'ilz diront que ce Livre est apocriphe, mays toute l'antiquité l'a tousjours tenu en credit; et pour vray, la coustume de mettre la viande pour les pauvres es sepultures est tres ancienne, mesme en l'Eglise Catholique, car saint Chrysostome, qui vivoit il y a plus de 1200 ans, en l'homelie 32, sur le 9.

  A001001557 

 Et c'est de ceste coustume que parle tout ouvertement saint Pol en la 1.

  A001001557 

 Il appert donques par ces paroles de saint Pol, que la priere, jeusne et autres saintes afflictions se faisoyent louablement pour les defuncts; or, ce [377] n'estoit pour ceux de Paradis, qui n'en avoyent besoin, ni pour ceux d'enfer, qui n'en pouvoyent recevoir le fruict, c'est donques pour ceux de Purgatoire: ainsy l'a exposé, il y a 1200 ans, saint Ephrem en son Testament, et les Peres qui ont disputé contre les Petrobusiens..

  A001001557 

 Ni ne faudroit pas dire que le baptesme duquel parle saint Pol soit seulement un baptesme de tristesses et de larmes, non de jeusnes, prieres et autres actions, car avec ceste intelligence sa conclusion seroit tres mauvaise: il veut conclure que si les morts ne resuscitent point, et si l'ame est mortelle, qu'en vain s'afflige l'on pour les morts; mais, je vous prie, n'auroit on pas plus d'occasion de s'affliger par tristesse pour la mort des amis s'ilz ne resuscitent point, perdant toute esperance de jamais les revoir, que s'ilz resuscitent? Il entend donques des afflictions volontaires que l'on faisoit pour impetrer le repos des defuncts, lesquelles sans doute on prattiqueroit en vain si les ames estoyent mortelles, ou que les morts ne resuscitassent point; en quoy il se faut souvenir de ce qui a esté dict cy dessus, que l'article de la resurrection des morts et celuy de l'immortalité de l'ame estoyent conjoincts tellement ensemble en la creance des Juifz, que qui advouoit l'un, advouoit l'autre, et que qui nioit l'un, nioit l'autre.

  A001001557 

 Voicy donques le sens de ceste Escriture: si les morts ne resuscitent point, a quoy faire prend on peyne et affliction, priant et jeusnant pour les morts? et certes, ceste sentence de saint Pol ressemble a celle des Machabees cottee cy dessus: Superfluum est et vanum orare pro mortuis, si mortui non resurgunt. Qu'on me tourne et transfigure ce texte en tant d'interpretations que l'on voudra, qu'il n'y en aura pas une qui joigne bien a la sainte Lettre que celle cy.

  A001001564 

 Certes, quand Nostre Seigneur eut dict a Pilate, Regnum meum non est de hoc mundo, en saint Jan, 18, Pilate fit ceste conclusion: Ergo Rex es tu? laquelle fut trouvee bonne par Nostre Seigneur, qui y consentit; ainsy quand il dict qu'il y a un peché qui ne peut estre pardonné en l'autre siecle, il s'ensuit tres bien, donques il y en a d'autres qui peuvent estre remis.

  A001001564 

 Il y a quelques pechés qui peuvent estre pardonnés en l'autre monde; ce n'est ni en enfer ni au ciel, c'est donques en Purgatoire.

  A001001564 

 Je sçay bien que nos adversaires taschent par diverses interpretations de parer a ce coup icy, mays il est si bien porté qu'ilz ne s'en peuvent eschapper; et de vray il vaut bien mieux avec les Peres anciens entendre proprement, et avec toute la reverence que l'on [379] peut, les paroles de Nostre Seigneur, que pour fonder une nouvelle doctrine les rendre grossieres et mal agencees.

  A001001565 

 L'adversaire sera nostre propre conscience, qui combat tousjours contre nous et pour nous, c'est a dire, qu'il resiste tousjours a nos mauvaises inclinations et a nostre viel Adam pour nostre salut, comme exposent saint Ambroise, Bede, saint Augustin, saint Gregoire et saint Bernard, en divers lieux.

  A001001565 

 Le juge est sans doute Nostre Seigneur, en saint Jan, 5: Pater omne judicium dedit Filio. La prison pareillement, l'enfer, ou le lieu des peynes de l'autre monde, auquel, comme en une grande gëole, il y a plusieurs demeures, l'une pour ceux qui sont damnés, qui est comme pour les criminelz, l'autre qui est pour ceux qui sont en Purgatoire, qui est comme pour debtes.

  A001001565 

 Le quatrain duquel il est dict, non exies inde donec reddas novissimum quadrantem, sont les petitz pechés et d'infirmité, comme le quatrain est la moindre monnoye qu'on peut devoir.

  A001001565 

 Origene, saint Cyprien, saint Hilaire, saint Ambroise, saint Hierosme et saint Augustin disent que le chemin, duquel il est dict, dum es in via, n'est autre que le passage de la presente vie.

  A001001565 

 Quand il est dict, donec solvas ultimum quadrantem, n'est il pas presupposé qu'on le puisse payer, et qu'on puisse tellement diminuer la debte qu'il n'en reste plus que le dernier liard? que si comme quand il est dict au Psalme, Sede a dextris mets donec ponant inimicos tuos, etc., il s'ensuit tres bien, ergo aliquando ponet inimicos scabellum pedum, ainsy, disant non exies inde donec reddas, il monstre que aliquando reddet vel reddere potest.

  A001001565 

 Qui ne voit qu'en saint Luc 12, la comparaison est tiree non d'un homicide, ou de quelque criminel qui ne peut avoir esperance de son salut, mais d'un debiteur qui est mis en prison jusques a payement, lequel estant faict, incontinent il est mis dehors? Voicy donques l'intention de Nostre Seigneur: que, pendant que nous sommes en ce monde, nous taschions par la penitence et ses fruictz de payer, selon la puissance que nous en avons par le sang du Redempteur, la peyne a laquelle nos pechés nous ont obligés; puysque, si nous attendons la mort, nous n'en aurons pas si bon conte au Purgatoire, ou nous serons traittés a la rigueur..

  A001001566 

 On peut dire que ces peynes se souffriront en ce monde, mays saint Augustin et les autres Peres l'entendent pour l'autre monde; et puys, ne se peut il pas faire qu'un homme meure sur la premiere ou seconde offense de laquelle il est parlé icy, et celuy la, ou payera il les peynes deües a son offense? ou si vous voules qu'il ne les paye point, quel lieu luy donneres vous pour sa retraite apres ce monde? vous ne luy bailleres pas l'enfer, sinon que vous voulies adjouster a la sentence de Nostre Seigneur, qui ne baille l'enfer pour peyne qu'a ceux qui auront faict la troisiesme offense; le loger en Paradis vous ne le deves faire, parce que la nature de ce lieu celeste rejette toute sorte d'imperfection; n'allegues pas icy la misericorde du Juge, car il declare en cest endroit qu'il veut encores user de justice: faites donques comme les anciens Peres, et dites qu'il y a un lieu ou elles seront purgees, et puys s'en iront la haut en Paradis..

  A001001567 

 Ainsy est exposé ce passage par saint Ambroise, et par saint Augustin, [382] l. 21 de la Cité de Dieu, chap. 27; mais la parabole de laquelle use Nostre Seigneur est trop claire pour nous laisser douter de ceste interpretation, car la similitude est prise d'un econome lequel, estant desmis de son office et appauvri, demandoit secours a ses amis, et Nostre Seigneur apparie l'estre desmis a la mort, et le secours demandé aux amis, a l'ayde que l'on reçoit, apres la mort, de ceux auxquelz l'on a faict l'aumosne; ceste ayde ne se peut recevoir par ceux qui sont en Paradis ou en enfer, c'est donques par ceux qui sont en Purgatoire..

  A001001567 

 Defaillir, qu'est ce autre que mourir? et les amis, que sont ilz autre que les Saints? les interpretes l'entendent tous ainsy; dont il s'ensuit deux choses, et que les Saints peuvent ayder les hommes trespassés, et que les trespassés peuvent estre aydés des Saints: car a quel autre propos peut on entendre ces paroles, facite amicos qui recipiant? il ne se peut entendre de l'aumosne, car souventefois l'aumosne est bonne et sainte, et toutefois ne nous acquiert pas des amis qui nous puissent recevoir en eternelz tabernacles, comme quand elle est faicte a des personnes mauvaises avec sainte et droitte intention.

  A001001567 

 chap., il est escrit: Facite vobis amicos de mammona iniquitatis, ut cum defeceritis, recipiant vos in æterna tabernacula.

  A001001573 

 6, et Ezechias, en Isaïe 38, Quia non infernus confitebitur tibi; ou se doit encores rapporter ce que chante David ailleurs, Peccatori autem dixit Deus: quare tu enarras justifias meas et assumis testamentum meum per os tuum? car si Dieu ne veut recevoir louange du pecheur obstiné, comment est ce qu'il permettroit a ces miserables damnés d'entreprendre ce saint office? Saint Augustin faict grand [383] conte de ce lieu pour ce propos, l. 12 du Genese, au chap. 33.

  A001001573 

 Aux cieux on trouve asses de genoux qui flechissent au nom du Redempteur, en terre l'on en trouve beaucoup en l'Eglise militante; mays en enfer, ou est ce que nous en trouverons? David se desfie d'y en trouver aucun quand il dict, In inferno autem quis confitebitur tibi? Ps.

  A001001573 

 Il y a un semblable passage en l'Apocalipse, 5: Quis dignus est aperire librum et solvere septem signacula ejus et nemo inventus est, neque in cælo, neque in terra, neque subtus terram; et plus bas au mesme chapitre: Et omnem creaturam, quæ in cælo est, et super terram, et sub terra, omnes audivi dicentes Sedenti in throno et Agno: Benedictio, et honor, et gloria, et potestas, in sæcula sæculorum; et quatuor animalia dicebant, Amen: ne constitue il pas icy une Eglise en laquelle Dieu soit loué sous terre? et que peut elle estre, si ce n'est celle du Purgatoire?.

  A001001577 

 1, can. Visum est, au Concile d'Orleans 2, c. 14; en Allemagne, au Concile Wormatiense, c. 80; en [384] Italie, au Concile 6 sous Symmachus; en Grece, comme on peut voir en leurs Sinodes recueillies par Martin Bracarense, c. 69: et par tous ces Conciles vous verres que l'Eglise tient pour authentique la priere pour les trespassés, et par consequent le Purgatoire.

  A001001577 

 Nostre Seigneur nous baille la regle en son Evangile comme on se doit comporter en semblables occasions: Si peccaverit in te frater tuus, etc., die Ecclesiæ; si quis Ecclesiam non audiverit, sit tibi tanquam ethnicus et publicanus. Oyons donques ce que dict l'Eglise en cest endroit: en Afrique, au Concile de Carthage 3, c. 29, et au 4., c. 79; en Espaigne, au Concile Bracarense, c. 34 et 39; en France, au Concile de Chalon, comme il est rapporté De Consec., dist.

  A001001578 

 Ecclesia est firmamentum et columna veritatis, et portæ inferi non prævalebunt adversus eam.

  A001001578 

 Mays quelle plus sainte resolution de l'Eglise voudroit on avoir que celle qui est couchëe en toutes les Messes d'icelle? Regardes les liturgies de saint Jaques, saint Basile, saint Chrysostome, de saint Ambroise, desquelles se servent encores a present tous les Chrestiens orientaux, vous y verres la commemoration pour les morts comm'elle se voit en la nostre a peu pres.

  A001001584 

 C'est chose belle et pleyne de toute consolation, de voir le beau rapport que l'Eglise præsente a avec l'ancienne, particulierement en la creance: disons ce qui faict a nostre propos sur le Purgatoire.

  A001001584 

 Mays cecy ne faict rien a nostre propos, car il est vray que saint Augustin dict qu'on peut douter du feu et de la qualité d'iceluy, mays non pas du Purgatoire: or, soit que la purgation se face ou par feu ou autrement, soit que le feu aye mesmes qualités que celuy d'enfer ou non, si est ce quil ne laysse pas d'y avoir une purgation et un Purgatoire; il ne met pas donques en doute le Purgatoire, mais la qualité d'iceluy; ce que ne nieront jamais ceux qui verront comm'il en parle au c. 16 et 24 du mesme Livre de la Cité, et au livre De cura pro mortuis agenda, et en mille autres lieux.

  A001001584 

 Mays comment est ce que les Peres n'ont pas creu a bon escient le Purgatoire, puysqu'Aerius, comme j'ay dict cy devant, a esté tenu pour hæretique par ce qu'il le nioyt? C'est pitié de voir l'audace avec laquelle Calvin traitte saint Augustin par ce quil pria et fit prier pour sa mere, sainte Monique, et pour tout prætexte apporte que saint Augustin, l. 21 Civit., c. 26, semble douter du feu de Purgatoire.

  A001001584 

 Tous les anciens Peres l'ont creu, et attesté que c'estoit la foy Apostolique; voicy les autheurs que nous en avons: entre les disciples des Apostres, saint Clement et saint Denis; apres, saint Athanase, saint Basile, saint Gregoire Nazianzene, Ephrem, Cyrille, Epiphane, Chrysostome, Gregoire Nyssene, Tertullien, Cyprien, Ambroise, Hierosme, Augustin, Origene, Boece, Hilaire, c'est a dire, toute l'antiquité, mesme devant douze centz ans que tous ces Peres ont vescu: desquelz il m'eust esté tres aysé d'apporter les tesmoignages, qui sont recueillis exactement es livres de nos Catholiques, au livre de Canisius, en son Catechisme, de Sanderus, De visibili Monarchia, de Genebrard, en sa Chronologie, de Bellarmin, en sa Controversie du Purgatoire, de Stapleton, en son Promptuaire; mays sur tous qui voudra voir au long et fidellement cités les passages des Peres anciens, quil prenne en main l'œuvre de Canisius reveu par Busæus.

  A001001590 

 12, de laquelle Nostre Seigneur dict que les hommes reddent rationem in die judicii; il en faut rendre conte; l'autre merite le conseil, c'est a dire merite qu'on delibere s'il sera condamné ou non (car Nostre Seigneur s'accommode a la façon de parler des hommes); le 3 me seul est celluyla qui sans doute infalliblement sera damné: donques le p r et le 2 d sont pechés qui ne rendent [388] pas l'homme coulpable de la mort æternelle, mais d'une correction temporelle; et partant si l'homme meurt avec iceux, par accident ou autrement, il faut quil subisse le jugement d'une peyne temporelle, moyennant laquelle son ame estant purgëe il ira au Ciel avec les Heureux.

  A001001590 

 De ces pechés parle le Sage, Proverb., 24, Septies in die cadit justus: car le juste ne peut pecher, pendant quil est juste, de peché qui merite la damnation; il s'entend donq quil chet en des pechés ausquelz la damnation n'est pas deüe, que les Catholiques appellent venielz, lesquelz se peuvent purger en l'autre monde, au Purgatoire..

  A001001590 

 Voicy deux invincibles raysons du Purgatoire: la 1., il y a des pichés legers au pris des autres et qui ne rendent pas l'homme coulpable de l'enfer; si donq l'homme meurt en iceux que deviendra il? le Paradis ne reçoit rien de souillé, Apoc. 21, l'enfer est une trop criminelle peyne, il n'est pas deu a son piché; il faut donques advouer quil arrestera en un Purgatoire, ou estant bien esmondé il ira par apris au Ciel.

  A001001590 

 c.: Qui irascitur fratri suo, reus erit judicio; qui dixerit fratri suo racha, reus erit consilio; qui dixerit fatue, reus erit gehennæ ignis. Qu'est ce, je vous prie, d'estre coulpable de gehenne du feu, sinon estre coulpable de l'enfer? or ceste peyne n'est deüe qu'a ceux qui appellent fatue: ceux qui montent en cholere et ceux qui expriment leur cholere par parole non injurieuse et diffamatoire, ne sont pas en mesme rang; ains l'un merite le jugement, c'est a dire, que sa colere soit mise en jugement, comme la parolle oyseuse, Mat.

  A001001591 

 des Rois, 12, le peché est pardonné a David, le Prophete luy disant: Deus quo que transtulit peccatum tuum, sed, quia blasphemare fecisti inimicos nomen Domini, filius tuus morte morietur.

  A001001591 

 rayson est qu'apres le pardon du peché demeure en partie la peyne deiie a icelluy, comme par exemple, 2.

  A001001602 

 Les personnes qui ont reconnu ces escris sont: Monsieur le Marquis de Lulin, gouverneur de la province de Chablays, laquelle province est une des provinces converties par le grand François de Sales, le R. P. Prieur des Chartreux de Ripaielle, Monsieur Serafin, channoinne de S t Pierre de Genaive, agé de 80 annés, Monsieur Jannus, Prieur de Brans en Chablays, Monsieur Gard, channoinne de Notre Dame de l'eglisse Collegialle d'Annessi, Monsieur François Favre, qui a servi de cambrier 20 annés le dit Serviteur de Dieu.

  A001001616 

 Nous soubsigné, Guilliaume de Blancheville, Seigneur et Baron d'Heiry, Cornillion, Martod, Gerbaix, la Salle, Ennuis ( Annuits ), Gilly, etc., Conseiller d'Estat de S. A. R., Premier President au Souverain Senat de Savoye et commandant generalement en Savoye en l'absence de M me Rle, Declairons que le livre de l'Authorité de sainct Pierre est tout du B. H. François de Salle, et l'autre, qui est escript de la main de son secretaire, est corrigé de la main dudict Bien-heureux.

  A001001625 

 Nous soubsigné, Pierre Anthoine de Castagnery, Baron de Chasteauneufz, Conseiller d'Estat de S. A. R., President en sa Souveraine Chambre des Comptes de Savoye et Generallissime de ses finances, Declairons que le livre de l'Hautorité de sainct Pierre est tout du B. H. François de Salles, et l'autre, qui est escrit de la main de son secretaire, est corrigé de la main dudict Bien-heureux.

  A001001635 

 Nous soubsigné, Claude Ducret, Conseillier d'Estat de S. A. Rle, Premier Senateur au Souverain Senat de Savoye, a tous qu'il appartiendra sçavoir faisons, qu'aiant veu, leu et visité le livre de l'Hauthorité de sainct Pierre, contenant douze cayers, Declairons [392] que le tout est escrit de la main du B. H. François de Salles.

  A001001667 

 Nous, Pierre François Jaÿ, Docteur en Theologie, Chantre et Chanoine de l'eglise Cathedrale de S t Pierre de Geneve, Vicaire general et Official de Monseigneur l'Illustrissime et Reverendissime Charles Auguste de Sales, Evesque et Prince de Geneve, Attestons, a tous quil appartiendra, avoir veu douze cayers, tant gros que petits, avoir bien recogneu iceux avoir esté escripts de la main propre de feu Illustrissime et Reverendissime François de Sales, vivant Evesque et Prince de Geneve, de tres heureuse et louable memoire; dans lesquels cayers est traicté de plusieurs poinctz de controverses contre les heretiques de nostre temps, et particulierement touchant l'authorité de nostre Sainçt Pere le Pape, comme [394] Vicaire de Nostre Sauveur et successeur de sainct Pierre.

  A001001677 

 Nous, Jean Claude Jarsellat Bébin, Docteur es Droicts, Chanoine de l'église Cathedrale S t Pierre de Geneve, Officiai a la partie de France de l'Evesché, Attestons, a tous quil appartiendra, avoir veu douzes cayers, tant gros que petits, et avoir bien recogneu iceux avoir estés escripts de la main propre de feu Illustrissime et Reverendissime François De Sales, vivant Evesque et Prince de Geneve; dans lesquels cayers est traicté de plusieurs poincts de controverses contre les heretiques de nostre temps, et particulierement touchant l'authorité de nostre Sainct Pere le Pape.

  A001001687 

 Nous, Don Charles François Chastenoux, Docteur en Theologie, Prevost des Reverends Peres Barnabittes fondés en la ville de Thonon dans la Duché de Chablais, Attestons, a tous qu'il appartiendra, avoir veu douzes cayers, tant gros que petitz, et avoir bien reconuz iceux avoir estés escritz de la propre main et caractere de feu Illustrissime et Reverendissime François De Sales, vivant Evesque et Prince de Geneve, dans lesquelz cayers est traicté de [395] plusieurs poinctz de controverse contre les heretiques de nostre temps, et particulierement touchant l'auctorité de nostre Sainct Pere le Pape.

  A001001703 

 Qua diligentia potui, transcripsi integrum Manuscriptum codicem Bibliothecæ Chigianæ, qui pro maxima parte est Sancti Francisci Autographum.

  A001001714 

 Je reconnois que la plus grande partie dudit traité est escrit de la propre main dudit Serviteur de Dieu, et l'autre partie de la main du Sieur George Roland, ou de Monsieur Louys de Sales, frere du Serviteur de Dieu.

  A001001714 

 Je reconnois que le 4 e cayet est tout entier escrit de sa main, qui contient 16 feuillets, c'est a dire, 32 pages; je reconnois que les 5 feuilles detacheez qui suivent apres ledit 4 me caiet sont toutes escrittes de la propre main du Serviteur de Dieu.

  A001001714 

 Je reconnois que le 5 e cayer, qui contient 8 feuillets, c'est a dire, 16 pages, quoyqu'en la derniere page il n'y ait qu'onze lignes et demies, est tout escrit de la main du Serviteur de Dieu.

  A001001714 

 Le 6 e cayer, qui contient 26 feuillets, c'est a dire, 52 pages, n'est pas escrit de la main du Serviteur de Dieu, mais de celle du Sieur George Roland, qui l'a escrit soubs le Serviteur de Dieu.

  A001001714 

 Le 7 e cayer, ou il y a 9 feuillets et demy escrits, c'est a dire, 18 pages et demies, est de la mesme main du Sieur George Roland; et le dernier cayer, qui contient 16 feuillets, est tout escrit de la main de Monsieur Louys de Sales, frere du Serviteur de Dieu, à la reserve des trois dernieres pages, qui sont de [397] la propre main du Serviteur de Dieu, et en la 15 e page, a la marge, en la 9 e ligne, parlant du Concile de Carthage, ledit Serviteur de Dieu adjouste de sa main: « qui fut il y a environ 1200 ans, et auquel se trouva Saint Augustin, comme recite Prosper in Chron.

  A001001714 

 Les deux premieres feuilles separeez, et tout le premier caiet et contenant 11 feuilles ou 22 feuilletz, et pareillement le second caiet contenant 6 feuilles ou 12 feuilletz, sont de la propre main du Serviteur de Dieu: comm'aussy les huict premiers feuillets du 3 e caiet, c'est a dire, les 16 premieres pages dudit caiet; mais la 17 e, 18 e, 19 e et 20 e page du mesme cayet sont d'une main estrangere, mais en quelques endroits ils sont corrigés de la propre main dudit Serviteur de Dieu, ce qui fait connoistre qu'il les a dicté; la 21 e, 22 e et 23 e, et 4 lignes et demies de la 24 e page, sont encor de la propre main du Serviteur de Dieu.

  A001001733 

 La compulsation et production en estant faite, il fut jugé à propos d'en envoyer l'original à nostre Saint Pere le Pape Alexandre VII, aprés toutes fois en avoir fait attester et reconnoistre la verité du caractere, par personnes celebres, et contemporains dudit Saint François de Sales, qui furent: le sieur de Blancheville, Premier President du Senat de Chambery, ledit Seigneur Charles Auguste de Sales, son neveu, les sieurs Jay et Bébin, Officiaux et Grands Vicaires de [399] l'Evesché de Genéve, et autres; et il est tres-vray qu'il fut reconnu estre de la composition et propre écriture dudit Saint François de Sales.


02-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome II-Defense de l'estendart de la Sainte Croix.html
  A002000021 

 Que l'Eglise chrestienne est visible.

  A002000037 

 Chapitre IX. Comme la Croix est saluee, et si elle est invoquee en l'Eglise.

  A002000039 

 Chapitre XI. L'image de la Croix est de grande vertu.

  A002000042 

 Chapitre XIV. De la punition de ceux qui ont injurié l'image de la Croix, et combien elle est haïe par les ennemis de Jesus Christ.

  A002000045 

 Chapitre II. Le signe de la Croix est une publique profession de la foy Chrestienne.

  A002000049 

 Chapitre VI. La Croix est employee es consecrations et benedictions sacramentelles.

  A002000052 

 Chapitre IX. Rayson dixiesme pour laquelle on fait la Croix au front, qui est pour detester l'Antechrist 93.

  A002000057 

 Chapitre II. De l'honneur, que c'est; a qui et pourquoy il appartient d'honnorer et d'estre honnoré.

  A002000058 

 Chapitre III. De l'adoration; que c'est.

  A002000068 

 Chapitre XIII. L'honneur de la Croix n'est contraire au commandement premier du Decalogue, et briefve interpretation d'iceluy.

  A002000076 

 La Croix est saintement veneree.

  A002000098 

 C'est la premiere besoigne que j'estale, elle est deuë au Seigneur du lieu; les confrairies de Savoye, pour lesquelles je l'ay dressee, la recevront de meilleur cœur, quand elles verront sur son front le glorieux nom de leur protecteur.

  A002000098 

 Je sçay, Monseigneur, quelles raysons j'aurois pour n'oser pas offrir a un si grand Prince un si petit ouvrage, comme est celuy ci; mays je n'ignore pas aussi le privilege des primices, et me prometz que le bon œil que Vostre Altesse a jetté sur quelques unes [3] qui de mes autres actions, ne me sera pas moins favorable en celle ci, a laquelle je ne suis porté d'autre desir que d'estre tenu pour homme, qui est, qui doit, et veut estre a jamais,.

  A002000098 

 Lhors les noires marques de son infamie furent du tout effacees par le sang sacré de l'Aigneau, [1] auquel ayant trempé la premiere elle en est demeuree pour jamais claire et blanche: comme font les estoles des Bienheureux, qui n'ont tiré leur blancheur que de ce — mesme vermeil.

  A002000098 

 Son desseinest de combattre pour l'honneur de la Croix blanche, qui est l'enseigne que Dieu a pieça confiee a la serenissime mayson de Savoye, a laquelle si la valeur chrestienne des devanciers n'eust acquis ce bon heur, il luy seroit meshuy tres justement deu, pour le saint zele que Vostre Altesse a tous-jours eu a la sainte foy et a la memoire de la Croix: mays particulierement quand elle a procuré si vivement, quoy que tres doucement, le restablissement de la Religion Catholique en ses balliages de Thonon et Ternier, se baignant dans un saint ayse d'y voir par tout replanter les saintz Estendartz de salut.

  A002000124 

 C'est ce que font eternellement les Bienheureux la haut, jettans leurs couronnes aux piedz de Celuy qui est assis au throsne, avec ceste reconnoissance: O Seigneur, nostre Dieu, vous estes digne de prendre la gloire, l'honneur et la vertu; car vous aves tout créé, et tout est et a esté créé par vostre volonté.

  A002000124 

 C'est donques la seule creature intelligente qui est chargee de rendre a Dieu et payer le devoir d'honneur qui luy est deu par toute creature.

  A002000124 

 Comme Dieu tout puissant est la premiere cause de toute perfection, aussi veut-il que toute la gloire luy en revienne; c'est le tribut qu'il demande pour tous ses bienfaitz.

  A002000124 

 L'honneur et gloire ne logent pas parmi les creatures pour y sejourner et vivre, mays seulement par maniere de passage: leur propre domicile c'est la divinité, comme aussi c'est le lieu de leur naissance.

  A002000124 

 L'univers et chaque piece d'iceluy, pour petite qu'elle soit, a ce commun devoir d'honnorer son Createur, dequoy les Saintz les somment et sollicitent si souvent et si chaudement par tant d'exhortations et cantiques, que leurs livres en sont pleins; mais la façon de faire cest hommage est differente.

  A002000125 

 L'ennemy de la Croix avec lequel j'entreprens de combattre dit ainsy son advis sur ce sujet (et les autres de son parti ne disent pas mieux): «... nous croyons de cœur et confessons de bouche que Dieu seul doit estre servi et honoré... De faict, combien que nous puissions honorer les uns les autres civilement, suivant ce qui est commandé aux [7] inferieurs d'honorer leurs superieurs, si est-ce que quand il est question d'honneur religieux ou conscientieux, ce sont choses non accordantes de donner tout honneur à un seul Dieu et à son Fils, et en departir une portion à aucun homme, ou à la croix materielle, ou à creature qui soit.

  A002000126 

 Et c'est a ceste occasion que les magistratz sont appellés dieux.

  A002000126 

 Il n'y a point de puissance, sinon de Dieu; le prince est serviteur de Dieu.

  A002000126 

 Ilz rendent tout honneur a Dieu, parce, disent-ilz, qu'il a tout creé et que tout est par sa volonté.

  A002000126 

 Mais je remarque au contraire: que c'est trop retrancher de l'honneur deu a Dieu, d'en lever le civil et politique; car si la rayson avancee par les Bienheureux est raysonnable, pour vray, non seulement tout honneur religieux, mays aussi tout honneur politique doit estre rendu a Dieu seul.

  A002000126 

 Or, je vous prie, Dieu est-il pas l'autheur et principe de l'ordre politique? Les roys regnent par luy... et par luy les princes maistrisent.

  A002000127 

 Cependant saint Paul n'est pas de cest advis: Soyes sujetz, dit-il, par la necessité, non seulement pour l'ire, mais aussi pour la conscience.

  A002000127 

 Il y va donques de la conscience a honnorer les superieurs, et l'honneur qu'on leur porte est conscientieux..

  A002000128 

 Amarias, disoit Josaphat, presidera es choses qui appartiennent a Dieu; Zabadias, filz d'Ismaël, qui est duc en la mayson de Juda, sera sur les œuvres qui appartiennent a l'office du Roy. Ce sont donques deux choses.

  A002000129 

 Mais cest honneur deu aux Bienheureux ne peut estre que conscientieux et religieux; il n'est donques pas vray qu'il ne faille donner aucun honneur que politique aux creatures..

  A002000131 

 Le souverain honneur n'est que pour la souveraine excellence; qui l'addresseroit ailleurs seroit inepte et idolatre..

  A002000132 

 Dire donques qu'il faut honnorer Dieu d'autre honneur que du souverain, c'est dire que l'excellence divine est autre que souveraine, [11] puysque l'honneur n'est autre que la protestation de l'excellence de celuy qu'on honnore, comme nous dirons sur la fin de ceste defense.

  A002000132 

 Donques honnorer une creature d'un souverain honneur, c'est protester qu'elle a une souveraine excellence, qui est une bestise; honnorer Dieu d'un honneur subalterne, c'est protester que son excellence est subalterne, qui est une autre bestise.

  A002000132 

 Tant s'en faut, donques, que ce soit idolâtrie de donner aucun honneur religieux aux creatures, qu'au contraire il y a un honneur religieux qui ne se peut donner qu'aux creatures, et seroit blaspheme de le porter a Dieu: c'est l'honneur subalterne qu'on doit aux Saintz et aux personnes ecclesiastiques, duquel j'ay parlé ci devant..

  A002000133 

 Ainsy n'est-il pas dit que les Bienheureux mettent leurs couronnes sur la teste de Celuy qui est assis au throsne, car a la verité elles seroyent trop petites et de ridicule proportion pour ceste grande majesté; mais ilz les jettent aux piedz d'Iceluy, en reconnoissance que c'est de luy et de sa volonté qu'ilz les tiennent.

  A002000133 

 Et en ceste sorte est-il vray qu' au seul Dieu immortel, invisible, soit honneur et gloire, laissant au reste a part ce qui se pourroit dire touchant ceste proposition apostolique, Au seul Dieu soit honneur et gloire, a sçavoir: si l'Apostre veut dire qu'honneur et gloire ne doit estre baillé qu'a Dieu seul, ou s'il veut plustost dire qu'honneur et gloire [12] ne doit estre baillé a aucun Dieu qui ayt des autres dieux pour compaignons, mais a ce Roy immortel, invisible, qui seul est Dieu..

  A002000134 

 De tout ce discours s'ensuit qu'on peut bien honnorer religieusement quelques creatures, et néanmoins donner tout honneur et gloire a un seul Dieu, qui est un fondement general pour tout mon advertissement.

  A002000141 

 Or je dis de plus, que non seulement on peut donner honneur et gloire a Dieu seul et tout ensemble a quelque creature, comme a la Croix, mays que pour bien rendre a Dieu l'honneur qui luy est deu il est force d'honnorer religieusement quelques creatures, et particulirement la Croix; c'est a dire que pour bien honnorer Dieu, non seulement l'on peut, mais l'on doit honnorer la Croix: et c'est l'autre fondement de ma Defense, lequel se prouvera par beaucoup de raysons particulieres, mais en voyci la source et l'origine..

  A002000142 

 Aussi appelle-on les plus honnorables, excellens, illustres et tres clairs; car, comme la lueur, splendeur et clairté s'espand et communique a tout ce qui l'approche, et plus elle est grande plus elle s'espand et plus loin, ainsy plus l'honneur d'une chose est grand et plus il rend honnorables ses appartenances, selon le plus et le moins qu'elles l'attouchent.

  A002000142 

 L'honneur doit estre mesuré par son objet qui est la perfection et excellence; mays plus une excellence est parfaitte, ou une perfection excellente, plus elle se communique a tout ce qui luy appartient ou depend d'elle; plus donques un honneur est excellent, plus s'estend-il et communique a toutes les appartenances de son objet.

  A002000142 

 Mays le plus excellent honneur est celuy par lequel on honnore tant une chose, que pour son respect on honnore encor toutes ses appartenances et dependances, selon les degrés qu'elles tiennent en ce rang.

  A002000142 

 Si l'on doit quelque honneur a Dieu, c'est sans doute le plus excellent.

  A002000143 

 Mais le trait de l'Escriture est sur tout remarquable pour nostre intention, quand il est dit que le nombre des croyans croissoit en sorte qu'ilz portoyent les malades en des places, sur les lictz, a fin qu'au moins l'ombre de saint Pierre les couvrist.

  A002000143 

 Voyes-vous comme l'accroissement de la foy et de l'honneur de Jesus Christ fait croistre l'honneur et [14] estime de ses Saintz et de ce qui depend d'eux? Ainsy saint Gregoire de Tours voulant raconter un miracle que je reciteray ci apres, il y fait ceste preface: « En ce tems ci Jesus Christ est aymé d'une si grande dilection par une entiere foy, que de celuy, la loy duquel les peuples fidelles retiennent es tables de leur cœur, ilz en affigent aussi par les eglises et maysons l'image, peinte en des tableaux visibles, pour une remembrance de vertu.

  A002000144 

 C'est bien une autre philosophie que celle des novateurs qui, pour mieux honnorer Jesus Christ, selon leur advis, rejettent les croix, images, reliques et autres appartenances d'iceluy, ne voulans qu'aucun honneur leur soit donné, par ce, disent-ilz, que Dieu est jaloux.

  A002000144 

 Mays quelle jalousie pourroit avoir le soleil ou le feu de voir qu'on tint pour plus lumineux et chaud ce qui les approcheroit de plus pres? Ne se tiendroyent-ilz pas pour beaucoup plus mesprisés si l'on disoit le contraire, les privans de la vigueur qu'ilz ont de respandre et communiquer leurs belles qualités? Aussi, tant s'en faut que Dieu soit jaloux si l'on attribue quelque vertu excellente ou sainteté, et par consequent quelque honneur, aux creatures, que plustost seroit-il jaloux si on la leur levoit, puysque on le priveroit d'une des principales proprietés de sa bonté, qui est la communication.

  A002000144 

 Or, seroit-ce refuser a Dieu l'honneur et l'amour qui luy est deu, si on ne l'aymoit et honnoroit si parfaitement, que par la l'on n'aymast et honnorast encores toutes les choses qui luy appartiennent, chacune en son rang et degré.

  A002000144 

 Par contraire rayson, ce seroit offenser Dieu et sa [16] jalousie, qui priseroit, aymeroit ou honnoreroit autre chose que sa divine Majesté d'honneur egal et pareil a celuy qui luy est deu; comme le sujet et vassal offenseroit son souverain, de prester fidelité et hommage, de mesme sorte et façon que celle qu'il luy doit, a quelque autre seigneur ou prince..

  A002000144 

 Pourquoy seroit-il jaloux de nous voir honnorer les mesmes creatures a mesme condition, puysqu'il n'est jaloux de son honneur que comme d'une dependance de son amour? Au contraire, comme la jalousie de Dieu requiert que nous l'aymions tant et si parfaitement que pour l'amour de luy nous aymions [15] encor les creatures, aussi veut-il que nous l'honnorions tant que pour son honneur nous honnorions encor les creatures.

  A002000145 

 Les payens et idolatres offensent la jalousie de Dieu en la seconde sorte; car ilz donnent pareil et semblable honneur aux creatures que celuy qui est deu a Dieu seul, puysque multiplians les divinités ilz multiplient encor la gloire qui est incommunicable.

  A002000145 

 Mais l'Eglise cheminant par le droit milieu de la vente, sans pencher ni a l'une ni a l'autre des extremités, donne a Dieu un honneur supreme, souverain et unique; fertile neanmoins et fecond, et qui en produit plusieurs autres pour les choses saintes et sacrees, qui est contre les schismatiques et contre les payens et idolatres.

  A002000145 

 Tous ces honneurs, reverences et respectz qu'elle porte aux creatures, pour excellentes qu'elles soyent, ne sont que subalternes, inferieurs, finis et dependans, qui tous se rapportent, comme a leur source et origine, a la gloire d'un seul Dieu, qui en est le souverain Seigneur et principe..

  A002000146 

 J'ay voulu prendre l'air de mon discours de si loin pour bien descouvrir l'estat et le vray point du different que j'ay avec l'autheur du petit traitté contre lequel je fais ceste Defense, lequel a mon advis est cestuy cy: Si ainsy est que la Croix soit une appartenance religieuse de Jesus Christ, luy doit-on attribuer quelque honneur [17] ou vertu dependante et subalterne? Et par les fondemens generaux que j'ay jettés cy devant il appert asses de la verité de la foy Catholique touchant ce point; et neanmoins, toute ceste Defense n'est employee a autre qu'a la confirmer et faire des preuves particulieres de cest article: Qu'il faut attribuer honneur et vertu a la Croix..

  A002000153 

 Il est malaysé de tenir posture avec celuy qui escrime de seule rage, sans regle ni mesure..

  A002000155 

 Mays affin que je paye en contant l'approbation que je desire de vous) touchant ce jugement, sans attendre que vous ayes leu tout mon advertissement (qui peut estre n'obtiendra pas ceste grace de vous que vous y employies beaucoup de tems), je vous veux mettre devant quelques pieces de ce beau traitté, affin que vous voyies que peut valoir le tout. Le tout n'est que de 62 petites pages: en la premiere il n'y a que le tiltre, lequel pour bon commencement est du tout mensonger, car il porte le nom « de la vertu de la [20] Croix et de la maniere de l'honorer », et le traitté n'est employé a autre qu'a persuader la Croix estre inutile et indigne d'honneur.

  A002000155 

 indignes de compassion et secours que le traitté de response, je n'eusse jamais dressé cest advertissement; [19] car le traitté n'est rien qui vaille, ce n'est pas seulement un mensonge bien agencé.

  A002000156 

 Certes Dieu est tout puissant, mais il n'est pas tout voulant.

  A002000156 

 Et est vray que Dieu a fait tout ce qu'il a voulu, et peut tout ce qu'il veut; mays c'est une bestise de dire qu'il veut tout ce qu'il peut, ou qu'il ne peut [21] que ce qu'il a declairé vouloir.

  A002000156 

 Qu'il faut « concevoir la toute-puissance de Dieu par ce qui nous apparoist de la volonté d'icelui, suivant ce qui est dit au Pseaume: Dieu a fait tout ce qu'il a voulu.

  A002000157 

 C'est donq le mesme de dire que Jesus Christ a beu la couppe de l'ire de Dieu et a souffert des peynes infinies, et dire qu'il a eu crainte pour le salut de son ame: or la crainte presuppose probabilité en l'evenement du mal que l'on craint: si donques Nostre Seigneur eut crainte de son salut, il eut par consequent probabilité de sa damnation.

  A002000157 

 Faire voir le blaspheme, c'est asses le refuter..

  A002000157 

 Item, souffrir des peynes infinies presuppose la privation de la grace de Dieu, principalement si on parle des peynes temporelles telles qu'il faut confesser avoir esté celles de Jesus Christ: si donques Jesus Christ a souffert des peynes infinies, quoy que temporelles, il aura esté privé de la grace de Dieu; qui sont parolles desquelles le blaspheme mesme auroit honte, et neanmoins c'est la theologie du traitteur.

  A002000157 

 » C'est le blaspheme de Calvin qui dit que Jesus Christ eut crainte pour le salut de son ame propre, redoutant la malediction et ire de Dieu; car a la verité aucune peyne ne peut estre infinie, ni aucun ne peut boire la couppe de l'ire de Dieu, pendant qu'il est asseuré de son salut et de la bienveuillance de Dieu.

  A002000158 

 3. Et ceste proposition n'est-elle pas blasphematoire: « Le nom de Dieu, de la Trinité, des Anges et Prophetes, le commencement de l'Evangile de sainct Jean... et le signe de la Croix... ne sont pas choses simplement recevables... »? Qu'est-ce donques qui sera recevable?.

  A002000159 

 4. C'est de mesme quand il allegue pour inconvenient que « Nostre Dame ayt esté compagne des souffrances de nostre Sauveur »; car pour vray, si elle n'a esté compagne de ses souffrances, elle ne le sera pas de ses consolations ni de son paradis..

  A002000160 

 Je sçay qu'un bon excusant pourroit tirer toutes ces propositions a quelque sens moins inepte que celuy qu'elles portent de prime face, mais il feroit tort au traitteur qui l'entend comme il le dit; et n'est pas raysonnable que l'on reçoive a aucune sorte d'excuse celuy, lequel va pinçant par le menu tous les motz des hymnes et oraisons ecclesiastiques, pour les contourner a mauvais sens, contre la manifeste intention de l'Eglise.

  A002000161 

 Les Anciens, dit-il, faisoyent la Croix de peur d'estre descouvertz; et tout incontinent apres, il dit qu'ilz « faisoient ouvertement ce signe pour monstrer qu'ils n'en avoient point honte... » Ou l'un, ou l'autre est mensonge.

  A002000162 

 « Sainct Hierosme, » dit-il, parlant du Thau mentionné au IX e chapitre d'Ezechiel, « laissant le charactere dont a usé le Prophete, a recherché le charactere des Samaritains... » C'est un mensonge; car au contraire, saint Hierosme n'allegue le Thau des Samaritains que pour rechercher celuy dont le Prophete et les anciens Hebreux usoyent..

  A002000164 

 Il fait dire a saint Athanase « qu'apres la venue de la Croix toute adoration des images a esté ostee... » C'est une fauseté; car saint Athanase ne parle pas des images, mais des idoles.

  A002000165 

 » Mays Tertullien, Arnobe et Justin le Martyr sont tesmoins irreprochables que c'est une fauseté.

  A002000169 

 Mais est-il pas playsant quand il attribue une certaine vieille rime françoise aux Heures de l'usage de [24] Rome? Pour vray, un si grand nombre d'impertinences manifestes, avec cent autres telles (que je n'ay voulu cotter par le menu), en si peu de besoigne comme est le traitté, me fait croire que l'autheur ne peut estre sinon quelque arrogant pedant, ou quelque ministre hors d'haleyne et morfondu, ou si c'est quelque homme d'erudition, la rage et passion luy en aura levé l'usage; et de vray il fit ceste besoigne fort a la haste, et ne se bailla gueres de loysir apres la sortie des placquars..

  A002000170 

 III. La troisiesme chose que je vous diray sera la rayson que j'ay eue d'entreprendre ceste response, et c'est l'occasion que mon adversaire pretend avoir eue de dresser un traitté.

  A002000170 

 Or il la propose luy mesme en ceste sorte: « Necessité nous est imposee de parler de l'abus insupportable commis touchant la Croix, afin que tous apprennent comment il se faut munir contre le poison de l'idolatrie que le diable vient à vomir derechef en ce temps et en ce voisinage, se servant du bastellage de certains siens instrumens qui, et par paroles et par escrits, taschent à rebastir l'idolatrie, comme les murs de Jericho qui par la voix des trompettes de Dieu sont tombez, dés bon nombre d'annees en ces quartiers.

  A002000171 

 C'est cela qui l'eschauffa a faire ce beau traitté, voyant que non seulement les paroles et les escritz, mays aussi ces grans exemples de pieté dissipoyent les nuages et brouillas que ceux de son parti avoyent opposés a la blanche clairté de la Croix pour en empescher la vraye veuë, et a cuydé pouvoir encor troubler l'air et offusquer les yeux des simples gens par son traitté.

  A002000171 

 Cependant c'est une imposture ce que dit le traitteur, l'honneur et reverence de la Croix (qu'il nomme faussement idolatrie) avoir esté abattue au lieu ou ces Quarante Heures furent celebrees et ces placquars divulgués, car l'exercice Catholique y a tousjours esté maintenu a la barbe de l'heresie, avec un aussi grand miracle comme est celuy par lequel Dieu contient le vaste et fluide element de l'eau dedans les bornes et limites qu'il luy a assignees, qui ne se peuvent outrepasser.

  A002000171 

 L'autheur du traitté sceut comme toutes ces choses s'estoyent passees, et eut communication des feuilles qu'on avoit distribuees, et ce fort aysement; car tout avoit esté fait aux portes de la ville [de] Geneve, c'est a dire une petite lieuë pres d'icelle.

  A002000172 

 IV. J'ay encor a vous dire pour la quattriesme chose, que, ne sçachant qui est l'autheur du traitté auquel je fais response et m'estant force de l'alleguer souvent, j'ay pris congé de me servir du nom de traitteur, lequel je n'emploie qu'a faute d'autre plus court; et cependant je n'ay voulu user d'aucunes injures ni invectives mordantes, comme il a fait, ma nature n'est point tournee a ce biais.

  A002000172 

 Or je me nomme au contraire, non pour l'obliger a aucun respect (car a l'adventure que le rang [27] auquel je suis en ceste Eglise Cathedrale le mettra en humeur de me traitter plus mal), mais affin que s'il est encor a Geneve, d'ou son traitté est sorti, il sçache ou il trouvera son respondant s'il a quelque chose a demesler avec luy touchant ce different; l'asseurant qu'il ne me trouvera jamais que très bien affectionné a son service par tout ou il ne sera pas mal affectionné au Crucifix et a la Croix.

  A002000173 

 Au reste c'est a vous, Messieurs mes Confreres, que j'addresse mon advertissement, non que je ne souhaitte qu'il soit leu de plusieurs autres, mais, parce que vous vous estes dediés par une particuliere devotion a l'honneur du tres saint Crucifix et de sa Croix, vous estes aussi obligés de sçavoir plus particulierement rendre conte et rayson de cest honneur.

  A002000174 

 Si trouveres-vous encor icy quelques belles pieces de poesie et versions des vers des anciens Peres que je cite, lesquelles sont parties de la main de Monsieur nostre President de Genevois, AntoyneFavre, l'une des plus riches ames et des mieux faittes que nostre aage ayt portées, et qui par une rare condition sçait extremement bien assortir l'exquise devotion dont il est animé avec la singuliere vigilance qu'il a aux affaires publiques.

  A002000175 

 Combattons, Messieurs, tous ensemble sous la tres [29] sainte enseigne de la Croix, non seulement crucifians la vanité des raysons heretiques par l'opposition de la sainte et saine doctrine, mais crucifians encor en nous le viel Adam avec toutes ses concupiscences: affin que renduz conformes a l'image du Filz de Dieu, lhors que cest Estendart de la Croix sera planté sur les murailles de la Hierusalem celeste, en signe que toutes les richesses et magnificences d'icelle seront exposees au butinement de ceux qui auront bien combattu, nous puissions avoir part a ces riches despouïlles que le Crucifix promet pour recompense a la violence de ses soldatz, qui est le bien de l'heureuse immortalité.

  A002000185 

 La croix et son nom estoit horrible et funeste, jusqu'à ce que le Filz de Dieu, voulant mettre en honneur les peynes et travaux et le crucifiement, sanctifia premierement le nom de croix, si que en l'Evangile il se trouve presque par tout en une signification honnorable et religieuse: Qui ne prend sa croix, disoit-il, et ne vient apres moy, n'est pas digne de moy.

  A002000186 

 Entendes donques tous-jours quand je parleray de la Croix, de sa vertu et de son honneur, que c'est de celle de Jesus Christ de laquelle je traitte: donq j'admire le traitteur qui presuppose que nous separions la Croix de Jesus Christ d'avec Jesus Christ mesme, sans aucune dependance d'iceluy.

  A002000186 

 Or est-il certain que deux pieces de bois, de pierre, ou de quelqu'autre matiere, traversantes l'une a l'autre font une croix, mays elles ne font pas pour cela la Croix de Jesus Christ, de laquelle seule, et non d'aucune autre, les Chrestiens font estat..

  A002000188 

 Et c'est ce que saint Pol enseigne, quand il ne veut que personne s'attribue l'honneur pastoral sinon celuy qui est appelle de Dieu, comm'Aaron: car la vocation d'Aaron fut faitte par l'ordinaire, Moyse, si que Dieu ne mit pas sa sainte parole en la bouche de Aaron immediatement, mays Moyse, auquel Dieu fit ce commandement: Parle a luy, et luy metz mes paroles en sa bouche; et je seray en ta bouche et en la sienne. Que si nous considerons les paroles de saint Pol, nous apprendrons mesme, 5.

  A002000188 

 Et comment? immediatement et mediatement tout ensemble: immediatement, en son Baptesme et en sa Transfiguration, avec ceste voix: Cestuyci est mon Filz bien aymé auquel j'ay pris mon bon playsir, escoutes le; mediatement, par les [33] Prophetes, et sur tout par David es lieux que saint Pol cite a ce propos des Psalmes: Tu es mon Filz, je t'ay engendré aujourdhuy, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedec.

  A002000188 

 Et par tout la vocation est perceptible: la parole en la nuëe fut ouÿe, et en David ouÿe et leüe; mais saint Pol, voulant monstrer la vocation de Nostre Seigneur, apporte les passages seulz de David, par lesquelz il dict Nostre Seigneur avoir esté clarifié de son Pere, se contentant ainsy de produyre le tesmoignage perceptible, et faict par l'entremise des Escritures ordinaires et des Prophetes receuz..

  A002000188 

 Jesus Christ est sauverain Pontife selon l'ordre de Melchisedec: s'est il ingeré et poussé de luy mesme a cest honneur? non, mays y a esté appellé.

  A002000188 

 que la vocation des pasteurs et magistratz ecclesiastiques doit estre faite visiblement ou perceptiblement, non par maniere d'enthousiasme et motion secrette: car voyla deux exemples quil propose; d'Aaron, qui fut oint et appellé visiblement, et puys de Nostre Seigneur et Maistre, qui, estant sauverain Pontife et Pasteur de tous les siecles, ne s'est point clarifié soy mesme, c'est a dire, ne s'est point attribué l'honneur de sa sainte prestrise, comme avoit dict saint Pol au paravant, mays a esté illustré par Celuy qui luy a dict: Tu es mon Filz, je t'ay engendré au jourdhuy, et, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedech. Je vous prie, penses a ce trait.

  A002000189 

 Et de vray, si l'extraordinaire devoit abolir l'ordinaire, comment sçaurions nous quand, a qui, et comment, nous nous y devrions ranger? Non, non, l'ordinaire est immortelle pendant que l'Eglise sera ça bas au monde: Les pasteurs et docteurs quil a donnés une fois a l'Eglise doivent avoir perpetuelle succession, pour la consummation des Saintz, jusques a ce que nous nous rencontrions tous en l'unité de la foy, et de la connoissance du Filz de Dieu, en homme parfaict, a la mesure de l'aage entiere de Christ; affin que nous ne soyons plus enfans, flotans et demenés ça et la a tous vens de doctrine, par la piperie des hommes et par leur rusëe seduction.

  A002000189 

 Je dis, 3., que l'authorité de la mission extraordinaire ne destruict jamais l'ordinaire, et n'est donnee jamais pour la renverser: tesmoins tous les Prophetes, qui jamais ne firent autel contr'autel, jamais ne renverserent la prestrise d'Aaron, jamais n'abolirent les constitutions sinagogiques; tesmoin Nostre Seigneur, qui asseure que tout royaume divisé en soymesme sera désolé, et l'une mayson tumbera sur l'autre; tesmoin le respect quil portait a la chaire de Moyse, la doctrine de laquelle il vouloit estre gardëe.

  A002000189 

 Que si jamais elles n'ont prævalu ni prævaudront, la vocation extraordinaire ny est pas necessaire pour l'abolir: car Dieu ne hait rien de ce quil a faict, comment donq aboliroit il l'Eglis'ordinaire pour en faire d'extraordinaires? veu que c'est luy qui a edifié l'ordinaire sur soymesme, et l'a cimentee de son sang propre..

  A002000189 

 Voyla le beau discours que faict saint Pol, pour mons trer que si les docteurs et pasteurs ordinaires n'avoient perpetuelle succession, ains fussent sujetz a l'abrogation des extraordinaires, nous n'aurions aussi qu'une foy [34] et discipline desordonnee et entrerompue a tous coupz, nous serions sujetz a estre seduictz par les hommes qui a tous propos se vanteroyent de l'extraordinaire vocation, ains, comme les Gentilz, nous cheminerions (comme il insere apres) en la vanité de nos entendemens, un chacun se faysant accroire de sentir la motion extraordinaire du Saint Esprit: dequoy nostre aage fournit tant d'exemples, que c'est une des plus fortes raysons qu'on puysse præsenter en cest'occasion; car, si l'extraordinaire peut lever l'ordinair'administration, a qui en laisserons nous la charge? a Calvin, ou a Luther? a Luther, ou au Pacimontain? au Pacimontain, ou a Blandrate? a Blandrate, ou a Brence? a Brence, ou a la Reyne d'Angleterre? car chacun tirera de son costé ceste couverte de la mission extraordinaire.

  A002000195 

 Je n'ay encor sceu rencontrer parmy vos maistres que deux objections a ce discours que je viens de faire; dont l'une est tirëe de l'exemple de Nostre Seigneur et des Apostres, l'autre, de l'exemple des Prophetes..

  A002000196 

 Mays quand a la premiere, dites moy, je vous prie, [35] trouves vous bon qu'on mette en comparaison la vocation de ces nouveaux ministres avec celle de Nostre Seigneur? Nostre Seigneur avoit il pas esté prophetisé en qualité de Messie? son tems n'avoit il pas esté determiné par Daniel? a-il faict action qui presque ne soit particulierement cottëe es Livres des Prophetes et figurëe es Patriarches? Il a faict changement de bien en mieux de la loy Mosaique, mays ce changement la n'avoit il pas esté prædit? Il a changé par consequence le sacerdoce Aaronique en celuy de Melchisedech, beaucoup meilleur; tout cela n'est ce pas selon les tesmoignages anciens? Vos ministres n'ont point esté prophetisés en qualité de prædicateurs de la Parole de Dieu, ni le tems de leur venue, ni pas une de leurs actions; ilz ont faict un remuement sur l'Eglise beaucoup plus grand et plus aspre que Nostre Seigneur ne fit sur la Sinagogue, car ilz ont tout osté sans y remettre que certaines ombres, mays de tesmoignages ilz n'en ont point a cest effect.

  A002000198 

 Ou ell'estoit ordinaire, comme nous avons monstré cy devant, ou approuvëe du reste de la Sinagogue, comm'il est aysé a voir en ce qu'on les reconnoissoit incontinent, et en faysoit on conte en tous lieux parmi les Juifz, les appellans hommes de Dieu: et a qui regardera de pres l'histoire de cest'ancienne Sinagogue, verra que l'office des prophetes estoit aussy commun entr'eux qu'entre nous des prædicateurs..

  A002000199 

 Isaïe, voulant escrire dans un grand livre qui luy fut monstré, prit Urie prestre, quoy qu'a venir, et Zacharie prophete a tesmoins, comme s'il prenoyt le tesmoignage de tous les prestres et prophetes; et Malachie atteste il pas que les levres du prestre gardent la science, et demanderont la loy de sa bouche; car c'est l'ange du Seigneur des armëes? tant s'en faut que jamais ilz ayent retiré les Juifz de la communion de l'ordinaire..

  A002000199 

 Jamais on ne monstrera prophete qui voulut renverser la puissance ordinaire, ains l'ont tousjours suyvie, et n'ont rien dict contraire a la doctrine de ceux qui estoyent assis sur la chaire Mosaique et Aaronique; ains il s'en est trouvé qui estoyent de la race sacerdotale, comme Jeremie, filz d'Helcias, et Ezechiel, filz de Buzi; ilz ont tousjours parlé avec honneur des Pontifes et succession sacerdotale, quoy quilz ayent repris leurs vices.

  A002000201 

 Et de vray, il ny a qu'un mal en ceste prophetie, c'est seulement faute de verité; car il præcha encor pres de vingt deux, et neantmoins encor se trouve il des prestres et des clochers, et en la chaire de saint Pierre est assis un Pape legitime..

  A002000201 

 Si donques il est question entre nous de l'authorité prophetique, elle nous demeurera, soit elle ordinaire ou extraordinaire, puysque nous en avons l'effect, non pas a vos ministres qui n'en ont jamais faict un brin de preuve: sinon quilz voulussent appeller propheties la vision de Zuingle, au livre inscrit, Subsidium de Eucharistia, et le livre intitulé, Querela Lutheri, ou la prædiction quil fit, l'an 25 de ce siecle, que sil præchoit encor deux ans il ne demeureroit ni Pape, ni prestres, ni moynes, ni clochers, ni Messe.

  A002000202 

 Mays non, que maintenant, enseignés de l'Eglise, ilz reconnoyssent que c'est une vocation de l'homme, et que les oreilles ont corné a leur viel Adam, et s'en remettent a celuy qui, comm'Heli, præside maintenant a l'Eglise..

  A002000202 

 Vous sembl'il pas que ce soyent Luther et Zuingle avec leurs propheties et visions? ou Carolostade avec sa revelation quil disoit avoir eue pour sa cene, qui donna occasion a Luther d'escrire son livre, Contra cœlestes prophetas? C'est [38] bien eux, au moins, qui ont ceste proprieté de n'avoir pas estés envoyés; c'est eux qui prennent leurs langues, et disent, le Seigneur a dict: car ilz ne sçauroyent jamais monstrer aucune preuve de la charge quilz usurpent, ilz ne sçauroyent produyre aucune legitime vocation, et, donques, comme veulent ilz precher? On ne peut s'enrooler sous aucun capitayne sans l'aveu du prince, et comment fustes vous si promtz a vous engager sous la charge de ces premiers ministres, sans le congé de vos pasteurs ordinaires, mesme pour sortir de l'estat auquel vous esties nay et nourry qui est l'Eglise Catholique? Ilz sont coulpables d'avoir faict de leur propr'authorité ceste levëe de bouclier, et vous de les avoir suyvis; dont vous estes inexcusables.

  A002000213 

 Au contraire, Messieurs, l'Eglise qui contredisoit et s'opposoit a vos premiers ministres, et s'oppose encores a ceux de ce tems, est si bien marquëe de tous costés, que personne, tant aveuglé soit il, ne peut prætendre cause d'ignorance du devoir que tous les bons Chrestiens luy ont, et que ce ne soit la vraÿe, unique, inseparable et très chere Espouse du Roy celeste; qui rend vostre separation d'autant plus inexcusable.

  A002000213 

 Car, sortir de l'Eglise, et contredire a ses decretz, c'est tousjours se rendre ethnique et publicain, quand ce seroit a la persuasion d'un ange ou seraphim; mays, a la persuasion d'hommes pecheurs a la grande forme, comme les autres, personnes particulieres, sans authorité, sans adveu, sans aucune qualité requise a des precheurs ou profetes que la simple connoissance de quelques sciences, rompre tous les liens et [la] plus religieuse obligation d'obeissance qu'on eust en ce monde, qui est celle qu'on doit a l'Eglise comm'Espouse de Nostre Seigneur, c'est une faute qui ne se peut couvrir que d'une grande [40] repentance et pœnitence, a laquelle je vous invite de la part du Dieu vivant..

  A002000214 

 Je crois que cestecy est l'extrem'absurdité, et qu'au pardela immediatement se loge la frenesie et rage..

  A002000214 

 Les adversaires, voyans bien qu'a ceste touche leur doctrine seroit reconneüe de bas or, ont tasché par tous moyens de nous divertir de ceste preuve invincible que nous prenons es marques de la vraÿe Eglise, et partant ont voulu maintenir que l'Eglise est invisible et imperceptible, et par consequent irremarquable.

  A002000215 

 Ceste theologie est [tant] imaginaire et damnatoire, que les autres ont mieux aymé dire que durant ces mill'ans l'Eglise n'estoit ni visible ni invisible, mays du tout abolie et estoufëe par l'impieté et l'idolatrie..

  A002000215 

 Mays ilz vont par deux chemins a ceste leur opinion de l'invisibilité de l'Eglise; car les uns disent qu'ell'est invisible par ce qu'elle consiste seulement es personnes esleües et prædestinëes, les autres attribuent cest'invisibilité a la rareté et dissipation des croyans et fidelles: dont les premiers tiennent l'Eglis'estre en tous tems invisible, les autres disent que cest'invisibilité a duré environ mill'ans, ou plus ou moins, c'est a dire, des saint Gregoire jusqu'a Luther, quand la papauté estoit paysible parmi le Christianisme; car ilz disent que durant ce tems la il y avoit plusieurs vrais Chrestiens secretz, qui ne descouvroyent pas leurs intentions, et se contentoyent de servir ainsy Dieu a couvert.

  A002000216 

 S'il est comm'une montaigne, et si grande qu'elle remplit la terre, comme sera elle invisible ou secrette? et s'il dure æternellement, comm'aura il manqué 1000 ans? Et c'est bien du royaume de l'Eglise militante que s'entend ce passage: car, 1.

  A002000217 

 L'assemblëe des Juifz s'appelloyt Sinagogue, celle des Chrestiens s'appelle Eglise: par ce que les Juifz estoyent comm'un troupeau de bestail, assemblé et entroupelé par crainte, les Chrestiens sont assemblés par la Parole de Dieu, appellés ensemble en union de charité par la prædication des Apostres et leurs successeurs; dont saint Augustin a dict: « L'Eglise est nommee de la convocation, la Sinagogue, du troupeau; par ce qu'estre convoqué appartient plus aux hommes, estr'entroupelé appartient plus au bétail.

  A002000217 

 Mays il faut avant tout dire que c'est qu'Eglise.

  A002000217 

 » Or c'est a bonne rayson que l'on [a] apelé le peuple Chrestien Eglise ou convocation, par ce que [le] premier benefice que Dieu faict a l'homme pour le mettr'en grace, c'est de l'appeller a l'Eglise; c'est le premier effect de sa prædestination: Ceux quil a prædestinés il les [42] a appellés, disoit saint Pol aux Romains; et aux Collossiens: Et la paix de Christ tressaute en vos cœurs, en laquelle vous estes appelles en un cors. Estr'apellés en un cors c'est estr'apellés en l'Eglise; et en ces similitudes que faict Nostre Seigneur en saint Mathieu, de la vigne et du banquet avec l'Eglise, les ouvriers de la vigne et les convies aux noces il les nomme apellés et convoqués: Plusieurs, dict il, sont apellés, mays peu sont esleuz.

  A002000218 

 L'Eglise est une sainte université ou generale compaignie d'hommes, unis et recueillis en la profession d'une mesme foi Chrestienne, en la participation de mesmes Sacremens et Sacrifice, et en l'obeissance d'un mesme vicaire et lieutenant general en terre de Nostre Seigneur Jesuchrist et successeur de saint Pierre, sous la charge des legitimes Evesques.

  A002000218 

 Voyla d'où est pris le mot d'Eglise, et voicy la definition d'icelle.

  A002000220 

 Nostre Seigneur et Maistre nous renvoÿe a l'Eglise en nos difficultés et dissentions; saint Pol enseigne son Timothee comm'il faut converser en icelle, il fit apeller les Anciens de l'Eglise Myletayne, il leur remonstre quilz sont constitués du Saint Esprit pour regir l'Eglise, il est envoyé par l'Eglise avec saint Barnabas, il fut receu par l'Eglise, il confirmoit les Eglises, il constitue des prestres par les Eglises, il [43] assemble l'Eglise, il salue l'Eglise en Cæsaree, il a persecuté l'Eglise.

  A002000221 

 Que dira l'on aux propheties, qui nous repræsentent l'Eglise non seulement visible mays toute claire, illustre, manifeste, magnifique? Ilz la depeignent comm' une reyne parëe de drap d'or recamé, avec une belle varieté d'enrichissemens, comm' une montaigne, comm'un soleil, comm'une pleyne lune, comme l'arc en ciel, tesmoin fidele et certain de la faveur de Dieu vers les hommes qui sont tous la posterité de Noë, qui est ce que le Psalme porte en nostre version: Et thronus ejus sicut sol in conspectu meo, et sicut luna perfecta in æternum, et testis in cælo fidelis..

  A002000222 

 L'Escriture atteste par tout qu'elle se peut voir et connoistre, ains qu'ell'est conneue.

  A002000222 

 Salomon, es Cantiques, parlant de l'Eglise, ne dict il pas: Les filles l'ont veüe et l'ont præchëe pour tresheureuse? Et puys, introduysant ses filles pleynes d'admiration, il leur faict dire: Qui est cellecy qui comparoist et se produit comm'une aurore en son lever, belle comme la lune, esleüe comme le soleil, terrible comm'un esquadron de gendarmerie bien ordonné? N'est ce pas la declairer visible? Et quand il faict qu'on l'apelle ainsy: Reviens, reviens, Sullamienne, reviens, reviens, ajfin qu'on te voÿe, et qu'elle responde: Qu'est ce que vous verres en ceste Sullamitesse sinon les troupes des armees? n'est ce pas encores la declairer visible? Qu'on regarde ces admirables [44] cantiques et repræsentations pastorales des amours du celest'Espoux avec l'Eglise, on verra que par tout ell'est tres visible et remarquable.

  A002000223 

 Je crois que ceux ausquelz saint Pol disoit: Prenes gard'a vous et a tout le troupeau, auquel le Saint Esprit vous a constitués pour regir l'Eglise de Dieu, je crois, dis je, quil les voyoit; et quand ilz se jettoyent comme bons enfans au col de ce bon [pere], le baysans et baignans sa face de leurs larmes, je crois quil les touchoit, sentoyt et voyoit: et ce qui me le faict plus croire, c'est quilz regrettoyent principalement son départ par ce quil avoit dict quilz ne verroyent plus sa face; ilz voyoyent donques saint Pol, et saint Pol les voyoit.

  A002000223 

 Les pasteurs et docteurs de l'Eglise sont visibles, donques l'Eglise est visible: car, je vous prie, les pasteurs de l'Eglise sont ilz pas une partie de l'Eglise, et faut il pas que les pasteurs et les brebis s'entrereconnoissent les uns et les autres? faut il pas que les brebis entendent la voix du pasteur et le suyvent? faut il pas que le bon pasteur aille rechercher la brebis esgarëe, quil reconnoisse son parc et bercïl? Ce seroit de vray une belle sorte de pasteurs qui ne sceut connoistre son troupeau ni le voir.

  A002000224 

 C'est le propre de l'Eglise de faire la vraÿe prædication [45] de la Parole de Dieu, la vraÿe administration des Sacremens; et tout cela est il pas visible? comme donques veut on que le sujet soit invisible?.

  A002000226 

 Comme les Patriarches, peres de la Sinagogue Israelitique, et desquelz Nostre Seigneur est né selon la chair, faysoyent l'eglise [Judaïque] visible, ainsy les Apostres avec leurs disciples, enfans de la Sinagogue selon la chair, et, selon l'esprit, de Nostre Seigneur, donnerent le commencement a l'Eglise Catholique visiblement, selon le Psalmiste: Pour tes peres te sont nais des enfans, tu les constitueras princes sur toute la terre: « pour douze Patriarches te sont nais douze » Apostres, dict Arnobe.

  A002000227 

 Bonté de Dieu, et nous demanderons encores si l'Eglise est visible? Mays qu'est ce que l'Eglise? une assemblëe d'hommes qui ont la chair et les os; et nous dirons encores que ce n'est qu'un esprit ou fantosme, qui sembl'estre visible et ne l'est que par illusion? Non, non, qu'est ce qui vous troubl'en cecy, et d'ou vous peuvent venir ces pensers? Voyes ses mains, regardes ses ministres, officiers et gouverneurs; voyes ses pieds, regardes ses prædicateurs comm'ilz la portent en levant, couchant, mydi et septentrion: tous sont de chair et d'os.

  A002000227 

 La Sinagogue par qui persecutëe? par les Egiptiens, Babiloniens, Madianites, Philistins, tous peuples visibles; l'Eglise, par les payens, Turcs, Mores, Sarrasins, hæretiques, tout est visible.

  A002000227 

 Les anciens quelle manducation religieuse et sacrëe avoyent ilz? de l'aigneau Paschal, de la manne, tout est visible; nous [46] autres, du tressaint Sacrement de l'Eucharistie, signe visible quoy que de chose invisible.

  A002000227 

 Touches la, venes comm'humbles enfans vous jetter au giron de ceste douce mere; voyes la, consideres la bien tout'en son cors comm'ell'est toute belle, et vous verres qu'ell'est visible, car une chose spirituelle et invisible n'a ni chair ni os comme voyes qu' elle a..

  A002000229 

 Premierement, Nostre Seigneur avoit en son humanité deux parties, le cors et l'ame: ainsy l'Eglise son Espouse a deux parties; l'une interieure, invisible, qui est comme son ame, la foy, l'esperance, la charité, la grace; l'autre exterieure et visible comme le cors, la confession de foy, les louanges et cantiques, la prædication, les Sacremens, [le] Sacrifice: ains tout ce qui se faict en l'Eglise a son exterieur et interieur; la priere interieure et exterieure, la foy remplit le cœur d'asseurance et la bouche de confession, la prædication se faict exterieurement par les hommes, mays la secrette [47] lumiere du Pere cæleste y est requise, car il faut tousjours l'ouyr et apprendre de luy avant que de venir au Filz; et quand aux Sacremens, le signe y est exterieur mays la grace est interieure, et qui ne le sçait? Voyla donq l'interieur de l'Eglise et l'exterieur.

  A002000229 

 Son plus beau est dedans, le dehors n'est pas si excellent: comme disoit l'Espoux es Cantiques: Tes yeux sont des yeux de colombe, sans ce qui est caché au dedans; Le miel et le laict sont sous ta langue, c'est a dire en ton cœur, voyla le dedans, et l'odeur de tes vestemens comme l'odeur de l'encens, voyla le service exterieur; et le Psalmiste: Toute la gloire de ceste fille royale est au par dedans, c'est l'interieur, Revestue de belles varietés en franges d'or, voyla l'exterieur..

  A002000230 

 2 nt, il faut considerer que tant l'interieur que l'exterieur de l'Eglise peut estre dict spirituel, mays diversement; car l'interieur est spirituel purement et de sa propre nature, l'exterieur de sa propre nature est corporel, mays parce quil tend et vise a l'interieur spirituel on l'apelle spirituel, comme faict saint Pol les hommes qui rendoyent le cors sujet a l'esprit, quoy quilz fussent corporelz; et quoy qu'une personne soit particuliere de sa nature, si est ce que servant au public, comme [les] juges, on l'apelle publique..

  A002000231 

 Maintenant, si on dict que la loy Evangelique a esté donnée dans les cœurs interieurement, non sur les tables de pierre exterieurement, comme dict Hieremie, on doit respondre, qu'en l'interieur de l'Eglise et dans son cœur est tout le principal de sa gloire, qui ne laysse pas de rayonner jusques a l'exterieur qui la faict voir et reconnoistre; ainsy quand il est dict en l'Evangile, que l'heur'est venue quand les vrays adorateurs adoreront le Pere en esprit et verité, nous sommes enseignés que l'interieur est le principal, et que l'exterieur est vain s'il ne tend et ne se va rendre dans l'interieur pour s'y spiritualizer..

  A002000232 

 De mesme, quand saint Pierre appelle l'Eglise mayson spirituelle, c'est par ce que tout ce qui part de [48] « et qu'és choses supernaturelles Dieu y besongne par vertu miraculeuse non attachee à signe ni à figure.

  A002000232 

 Mays jamais Catholique ne dit cela. Nous disons seulement que la Croix, comme plusieurs autres choses, a une vertu assistante qui n'est autre que Dieu mesme, qui, par la Croix, fait les miracles quand bon luy semble en tems et lieu, ainsy qu'il le declaira luy mesme de sa robbe quand il guerit ceste pauvre femme; car il ne dit pas: j'ay senti une vertu sortie de ma robbe, mays, j'ay apperceu une vertu sortir de moy; et tout de mesme n'avoit-il pas dit: qui est-ce qui a touché ma robbe? mays plustost, qui est-ce qui m'a touché? Comme donq il advoüa que toucher sa robbe par devotion c'est le toucher luy mesme, aussi fait-il sortir de luy la vertu necessaire a ceux qui touchent sa robbe.

  A002000232 

 Pourquoy ne diray-je de mesme que c'est Nostre Seigneur qui est la vertu, non inherente a la Croix, mays bien assistante? laquelle est plus grande ou moindre, non pas selon elle mesme, car estant vertu de Dieu et Dieu mesme elle est invariable, tous-jours une et esgale, mays elle n'est pas tous-jours esgale en l'exercice et selon les effectz; car en quelques endroitz, en certains lieux et occasions, il fait des merveilles et plus grandes et plus frequentes que non pas aux autres.

  A002000232 

 Que ce traitteur donq cesse de dire que nous attribuons a la Croix la [49] vertu qui est propre a Dieu: car la vertu propre a Dieu luy est essentielle, la vertu de la Croix luy est assistante; Dieu est agissant en sa vertu propre, la Croix n'opere qu'en la vertu de Dieu; Dieu est le premier autheur et mouvant, la Croix n'est que son instrument et outil.

  A002000238 

 Ce que j'ay deduit jusques ici monstre asses combien est honnorable le bois que Nostre Seigneur porta, comme un autre Isaac, sur le mont destiné, pour estre immolé sur iceluy en divin Aigneau qui lave les pechés du monde; mais voyci des raysons particulieres inevitables.

  A002000239 

 Le sepulchre du Sauveur n'a rien eu plus que la Croix; il receut le cors mort que la Croix porta vivant et mourant, mais il ne fut point l'exaltation de Nostre Seigneur, ni instrument de nostre redemption, et neanmoins voyla le prophete Esaye qui proteste que ce sepulchre sera glorieux: Et erit sepulchrum ejus gloriosum. C'est un texte tres expres, et saint Hierosme, en l'epistre a Marcelle, rapporte ce trait d'Esaye a l'honneur que les Chrestiens rendent a ce sepulchre, y accourans de toutes partz en pelerinage..

  A002000240 

 D'avantage, Dieu est par tout, mays la ou il comparoist avec quelque particulier effect il laisse tous-jours quelque sainteté, veneration et dignité.

  A002000240 

 Voyes-vous pas comme il rendit respectable le mont sur lequel il apparut a Moyse en un buisson ardant? Leve tes soliers, dit-il, car la terre ou tu es est sainte.

  A002000240 

 [51] Le mont de Sinaÿ, le temple de Salomon, l'Arche de l'alliance et cent autres lieux, esquelz la majesté de Dieu s'est monstree, sont tous-jours demeurés venerables en l'ancienne Loy: comme devons-nous donques philosopher du saint Bois sur lequel Dieu a comparu tout embrasé de charité, en holocauste pour nostre nature humaine? La presence d'un Ange sanctifie une campaigne, et pourquoy la presence de Jesus Christ, seul Ange du grand conseil, n'aura-elle sanctifié le saint bois de la Croix?.

  A002000241 

 Et de fait, Dieu avoit rendu tant honnorable ceste sainte Arche qu'il n'en falloit approcher que de bien loin, et Osa la touchant indignement en est incontinent chastié a mort.

  A002000241 

 Mais l'Arche de l'alliance sert d'un tres magnifique tesmoignage a la Croix: car si l'un des bois pour estre l'escabeau ou marche-pied de Dieu a esté adorable, que doit estre celuy qui a esté le lict, le siege et le throsne de ce mesme Dieu? Or, que l'Arche de l'alliance fust adorable, l'Escriture le monstre: Adorés, dit le Psalmiste, l'escabeau des piedz d'iceluy, car il est saint.

  A002000241 

 On ne peut gauchir a ce coup, il porte droit dans l'œil du traitteur pour le luy crever, s'il ne void que, si cest ancien bois seulement enduit d'or, seulement marche-pied, seulement assisté de Dieu, est adorable, le pretieux bois de la Croix, teint au sang du mesme Dieu, son throsne, et pour un tems cloué avec iceluy, doit estre beaucoup plus venerable.

  A002000241 

 Or, que l'escabeau des piedz de Dieu ne soit autre que l'Arche, l'Escriture le tesmoigne ouvertement; et qu'il le faille adorer, c'est a dire venerer, il s'ensuit expressement du dire de David, ou le vray mot d'adoration est expressement rapporté a l'escabeau des piedz de Dieu, comme sçavent ceux qui ont connoissance de la langue Hebraïque.

  A002000242 

 Helisee garda soigneusement le manteau de Helie, et le tint pour honnorable instrument de miracle: pourquoy n'honnorerons-nous le bois duquel Nostre Seigneur [52] s'affeubla au jour de son exaltation et de la nostre? Que dires-vous de Jacob qui adora le bout de la verge de Joseph? n'eust-il pas honnoré la verge et sceptre du vray Jesus? Hester baysa le bout de la baguette d'or de son espoux, et qui empeschera l'ame devote de bayser par honneur la baguette du sien? Je sçai la diversité des leçons que l'on fait sur le passage de saint Paul, mais aussi sçai-je que celle-la de la Vulgaire est la plus asseuree et naïfve, mesme estant rapportee et confrontée avec ce qui est dit d'Hester; aussi est-elle suivie par saint Chrysostome..

  A002000243 

 Qui ne sçait que la Croix a esté le sceptre de Jésus Christ, dont il est escrit en Esaye, Duquel la principauté est sur son espaule? car tout ainsy que la clef de David fut mise sur l'espaule d'Eliakim filz d'Elcias, pour le mettre en possession de son Pontificat, Nostre Seigneur aussi print sa Croix sur son espaule, lhors que chassant le prince du monde, prenant possession de son Pontificat et de sa Royauté, il attira toutes choses a soy: comme interpretent saint Cyprien au Livre second contre les Juifz, et saint Hierosme au Commentaire, et Julius Firmicus Maternus, qui vivoit environ le tems de Constantin le Grand, au livre De mysteriis profanarum religionum, cap. XXII, et plusieurs autres des Anciens; quoy que Calvin sur ce passage, sans authorité ni rayson, se moque de cette interpretation, l'appellant frivole.

  A002000244 

 C'est son exaltation, c'est le temple de ses trophees, auquel il affigea comme une riche despouïlle la cedule du decret qui nous estoit contraire..

  A002000244 

 Le bois de la Croix a eu des qualités qui le rendent bien venerable; c'est qu'il a esté le siege de la Royauté de Nostre Seigneur, comme dit le Psalmiste: Dites es nations que le Seigneur a regné par le bois, ainsy que lisent les Septante, saint Augustin, saint Justin le Martyr, et saint Cyprien qui remarque que l'escriteau qui fut mis sur le bout de la Croix, en Hebreu, Grec et Latin, declaira que alhors se verifioit le mistere [53] predit par David; dont les Juifz, en haine des Chrestiens, avoyent raclé le mot a ligno, comme dit Justin.

  A002000245 

 Mays quand il n'y auroit autre que ce qu'elle est la vraye enseigne, le vray ordre et vrayes armoiries de nostre Roy, seroit-ce pas asses pour la rendre venerable? Les coquilles, toysons et jarretiers sont en honneur quand il plait aux princes les prendre pour enseigne de leur ordre: combien sera plus respectable la Croix du Roy des roys, qu'il a prise pour son enseigne? Dequoy voicy la preuve tiree de l'Escriture, que le traitteur a laissee par non sçavance.

  A002000245 

 N'est-ce pas chose bien remarquable que Nostre Seigneur a voulu prendre un de ses noms de la Croix, voulant qu'il luy demeurast perpetuel, voire apres sa resurrection, et comme la Croix est appellee Croix de Jesus, qu'aussi Jesus fust nommé Jesus crucifié? Cherches-vous Jesus de Nazareth crucifié? Nous prechons Jesus crucifié.

  A002000245 

 Ou trouveres-vous [54] qu'autre que ce Seigneur ayt prins ce nom? Comme il est appellé Galileen de son païs, Nazareen de sa ville, il est appellé Crucifié de sa Croix.

  A002000245 

 Si donq Nostre Seigneur a tant honnoré la Croix qu'il a voulu prendre un surnom d'icelle, qui est-ce qui la mesprisera?.

  A002000246 

 Ce palais est honnorable, puysque le Roy y a logé et l'a retenu par l'escriteau de son saint et venerable nom.

  A002000246 

 On luy opposerait que la Croix peut estre consideree, ou comme moyen de l'action des crucifieurs, ou comme moyen de la passion du Crucifix: comm'instrument de l'action elle n'est du tout point venerable, car ceste action estoit un tres grand peché; comm'instrument de la passion elle est extremement honnorable, car ceste passion a esté une tres admirable et parfaitte vertu.

  A002000253 

 C'est donques icy une preuve tiree du fait de nos devanciers, laquelle presuppose que la vraye Croix de Nostre Seigneur (car c'est celle-la de laquelle nous parlons) leur soit venue a notice; ce qu'aussi le traitteur tasche de nier le plus pertinemment qu'il luy est possible.

  A002000253 

 Et c'est ce que Athanase declare au commencement de son livre contre les idoles, qu'apres la venue de la Croix toute l'adoration des images a esté ostee, et que par ceste marque toutes deceptions des diables sont chassees.

  A002000253 

 J'ay monstré cy devant combien la Croix a de vertu, et combien nous avons de devoir de l'honnorer, par les consequences tirees a droit fil des saintes Escritures, ou, comme vous aves veu, je n'ay pas eu beaucoup de peyne a respondre aux argumens de ma partie, puysque ayant fait toutes ses propositions negatives, protestant de ne vouloir rien croire que ce qui est escrit, il n'a toutefois produit qu'un passage de l'Escriture, employé en un sens tres impertinent.

  A002000253 

 Maintenant donques, nous entrons en une seconde maniere de prouver la vertu et l'honneur de la Croix, c'est a sçavoir, par le tesmoignage de ceux, par l'entremise desquelz et l'Escriture et tout le Christianisme est venu jusques a nous, c'est a dire des anciens Peres et premiers Chrestiens, avec lesquelz le traitteur fait semblant d'avoir eu grand commerce, tant il discourt a playsir de ce qu'ilz ont dit.

  A002000253 

 Mays, laquelle sera vraye, sinon celle que non seulement saint Athanase a proferee, ains est enseignee par Jesus Christ et les Prophetes, et creüe par toute l'ancienneté? [59].

  A002000253 

 » Accordes, je vous prie, cest homme avec soy mesme. Pour prevenir, dit-il, l'idolatrie, Dieu veut la Croix de son Filz estre cachee; par la marque de la Croix toutes deceptions des diables sont chassees: la Croix abolit l'idolatrie; la Croix est cause de l'idolatrie.

  A002000254 

 Et vous voules au contraire, traitteur, que la Croix soit une idole, et que l'idolatrie ait esté catholique, c'est a dire universelle en l'Eglise de Jesus Christ l'espace de mille ans, et que la vraye religion ait esté cachee en un petit fagot de personnes invisibles et inconneuës.

  A002000254 

 Jesus Christ proteste que si un jour il est eslevé en haut il tirera toutes choses a soy, et le prince du monde sera chassé; et vous voules que l'eschelle de son exaltation ait deprimé et abattu son honneur et service.

  A002000254 

 Toute l'ancienneté s'est servie de la Croix contre le diable, et vous dites que ceste Croix est le throsne de son idolatrie..

  A002000255 

 C'est donq signe que le danger de l'idolatrie n'est pas egal en l'un des sepulchres et en l'autre.

  A002000257 

 Ce qu'il adjouste du lieu ou est enterré Adam n'est qu'un incident, et le voyla qu'il se rue a le rejetter comme si c'estoit son principal, sautant ainsy de matiere en matiere comme vraye sauterelle de ce grand puys de l'Apocalipse.

  A002000257 

 Et n'est-ce pas une belle consequence? la Croix n'est pas enterree la ou elle fut [61] erigee, donques elle n'est pas venue a notice; comme si elle n'eust peu venir a notice sans estre enterree au lieu ou elle fut dressee.

  A002000257 

 Mais cela n'est gueres a nostre propos et n'importe pas beaucoup..

  A002000257 

 Mays quant a ce qu'il adjouste de la sepulture d'Adam, il monstre combien il a peu de connoissance des Anciens, car la plus grande trouppe d'iceux a soustenu que la Croix fut plantee sur la sepulture d'Adam; voicy comme saint Augustin en parle: « Hierosme prestre a escrit qu'il a appris asseurement des anciens et plus vieux Juifz, qu'Isaac, de volonté, a esté immolé la ou despuys Jesus Christ a esté crucifié... Et mesme par le rapport des Anciens, l'on dit qu'Adam, le premier homme, fut jadis enseveli au lieu ou la Croix est fichee, et que partant on l'appelle le lieu de Calvaire (ou du test), parce que le chef du genre humain fut enseveli en ce lieu-la.

  A002000257 

 » Voyes-vous comme il extravague? Son intention estoit de prouver que la Croix n'estoit venue a notice; il le prouve parce qu'il n'est pas vraysemblable qu'elle ait esté enterree la ou elle est erigee.

  A002000259 

 Mais ce n'est que pour embrouiller que ce traitteur dit ceci, car nous ne disons pas que ce soyent les amis de la Croix qui l'ont ainsy enterree, ains plustost les ennemis d'icelle, affin d'en abolir la memoire, l'ont ainsy cachee.

  A002000259 

 Ni ne disons pas que ces mesmes ennemis ne l'ayent peu jetter en mer; au contraire nous disons qu'ilz l'ont peu jetter dans la mer, nonobstant la distance qui est entre le port de Japhet et la ville de Hierusalem, ou avec peyne ou sans peyne, par le moyen des rivieres qui l'eussent regorgee dans la mer.

  A002000260 

 Nostre Bethleem (un petit coin du monde, duquel le Psalmiste chante la verité est nee de la terre ) est maintenant ombragee des boscages d'Adonis, et en la caverne, en laquelle jadis Jesus Christ petit a jetté ses cris enfantins, estoit regretté et pleuré l'amoureux de Venus.

  A002000260 

 « Qui est-ce, » dit-il, « qui ne rejettera [63] ceste fable, s'il considere la haine que portoyent les Juifs à toutes sortes d'images? » Mais je diray: qui est-ce qui ne rejettera l'ineptie de ce petit traitteur, s'il considere qu'on ne dit pas que ce soyent les Juifz, mais les Gentilz, qui ayent fait cela? et que ce n'est pas Esope qui raconte ce fait, mais une infinité de tres graves et anciens autheurs comme Eusebe, Ruffin, Paulin, Sulpice, Theodoret, Sozomene, Socrates.

  A002000261 

 » Mais quelle insolence est celle cy, d'injurier tant de saintz Peres, desquelz la suffisance est incomparable, au prix de celle de tous ces novateurs?.

  A002000262 

 « La saincte histoire, » replique le traitteur, « nous enseigne bien une autre façon qu'ont tenue les ennemis de la Croix, en ce qu'ils ont rejetté la predication de l'Evangile... » Voyla pas une belle rayson? Je confesse que celle-la est une autre façon qu'ont tenue les ennemis de la Croix, mais il ne s'ensuit pas qu'ilz n'ayent tenu encor celle qui est recitee par ces anciens Peres; car l'une n'est pas contraire a l'autre, mays s'entresuivent..

  A002000263 

 Au reste, avant que de finir ce propos, je veux descouvrir un trait de ce traitteur, qui monstre combien il est passionné et de mauvaise foy.

  A002000263 

 Et de fait, comme auroit-il dit que par la Croix toute l'adoration des images a esté ostee, luy qui, es Questions qu'il a escrittes a Antiochus, dit par expres ces paroles: « Certes, nous adorons la figure de la Croix composee de deux bois »? Je sçai bien que le traitteur se voudra couvrir de la commune opiniastreté avec laquelle les Reformeurs veulent maintenir qu'idole et [65] image n'est qu'une mesme chose; mais certes, c'est une trop grande ineptie, car par la on pourroit dire que Jesus Christ est une idole, puysqu'il est appellé disertement image de Dieu en l'Escriture.

  A002000263 

 Si donques image et idole n'est qu'une mesme chose, Jesus Christ qui est image de Dieu, sera idole de Dieu, et ceux qui l'adorent seront idolatres.

  A002000263 

 Tout cela n'est que blaspheme..

  A002000264 

 Il a bien aussi bonne grace quand il met difference entre l'idolatrie payenne et l'idolatrie chrestienne (car il semble que ses paroles se rapportent a ceste intention); c'est comme qui diroit une chaleur froide ou une lumiere tenebreuse.

  A002000264 

 L'absurdité est toute pareille quand il dit que « les noms des idoles ont esté changez, mais les choses sont demeurees au Christianisme »; car, a ce conte-la, ce que nous appelions Jesus Christ ne sera autre que le Jupiter des payens, et le baptesme de Calvin, Beze et telz autres qui furent baptizés parmi les Catholiques sous le nom de la sainte Trinité, ne sera fait en realité qu'au nom et en la vertu de quelques idoles.

  A002000265 

 Et cependant ce n'est pas un petit argument pour la vertu et honneur de la sainte Croix, que Dieu l'ayt ainsy conservee pres de trois cens et trente ans sous terre, sans que pourtant elle soit aucunement pourrie, et que les ennemis du Christianisme ayans fait tout leur possible pour en abolir la memoire, elle leur ait esté cachee pour estre revelee en un tems auquel elle fust saintement reveree; et pour tant plus rendre le miracle de l'invention et conservation de ceste sainte Croix illustre, avoir conservé deux autres croix qui donnassent occasion a la preuve miraculeuse que l'on eut de la vertu de la troisiesme.

  A002000273 

 Apres que ce traitteur a discouru a playsir sur le sousterrement et lieu de la Croix, il veut en un autre endroit combattre l'invention d'icelle, et veut persuader que ceste invention est inventee.

  A002000273 

 « Il n'est besoin, » dit-il, « d'entrer sur la recerche si ç'a esté une invention controuvee ou vraye, combien que Volaterran et Frere Onufrius Panvinius, de l'ordre des Augustins, en ses notes sur Platine, en la vie d'Eusebe Pape 32, donne assez à entendre que c'est chose incertaine, veu la diversité qui se trouve és autheurs touchant le temps de ceste invention.

  A002000274 

 Et quant a Panvinius, voyant Platine dire que ceste invention fut faite sous Eusebe, il se resoult, et dignement, a l'opinion contraire, ne laissant pas la chose indecise, comme presuppose le traitteur, qui s'enferre luy mesme quand, laissant les autheurs d'accord en l'invention de la Croix, il allegue seulement leur discorde en l'aage et tems d'icelle; car c'est purement confesser ce qu'il avoit premierement nié, a sçavoir, qu'il y a bon tesmoignage que Dieu a voulu que la Croix de son Filz vint a notice.

  A002000274 

 Or l'invention de la Croix est celebree par tant de graves et saintz Peres, comme une œuvre pieuse et sainte: comme donques n'y a-il point de tesmoignage que Dieu l'aye voulue? Tesmoigner qu'une œuvre est sainte, c'est tesmoigner que Dieu la veut.

  A002000276 

 Il est vray, comme dit saint Ambroise, que la Croix de Nostre Seigneur fut conneuë par le tiltre; mais par ce que le tiltre estoit separé de la Croix, comme dit Sozomene, elle n'estoit pas encores du tout asses evidemment reconneuë, dit Ruffin.

  A002000276 

 On commença donques a la [72] connoistre par le lieu de l'affixion du tiltre; c'est ce que rapporte saint Ambroise: puys on la reconneut encores mieux, et plus parfaitement, par les miracles que Dieu fit a l'attouchement de ce saint bois; car Heleine ayant trouvé trois croix aupres du sepulchre, et ne pouvant reconnoistre a plein laquelle estoit la sainte et sacree, Macaire, Evesque de Hierusalem, fit une fort belle priere a Dieu, recitee par Ruffin, pour obtenir un signe par lequel on peust discerner la Croix de Jesus Christ.

  A002000277 

 Aussi bien ce qu'il en veut deduire n'est gueres a propos, nomplus que l'histoire [73] impertinente qu'il a prise des Sermons de Discipulus, Serm. XXI, De Invent.

  A002000281 

 Or le traitteur fait semblant d'ignorer tout cecy; et quant au premier usage, qui est de representer la Passion, il en parle en ceste sorte: « Si par le mot de croix nous entendons les souffrances que le Fils de Dieu a portees en son corps et en son ame, ayant esté rempli de douleurs, comme dit Esaye, chap. 53, et ayant esté contristé en son ame jusques à la mort, voire ayant beu la coupe de l'ire de Dieu, à cause dequoy il a crié: mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? il est certain que telles souffrances [75] ne se peuvent representer, car nos sens ne les sauroyent comprendre; mais par la foy nous entendons qu'elles sont infinies et indicibles, pourtant nous disons en nostre symbole que nous croyons que Jesus Christ a souffert, qu'il a esté crucifié, mort et enseveli, et est descendu aux enfers: que si cela est indicible, il est aussi irrepresentable.

  A002000282 

 Daniel represente Dieu; l'homme est fait a l'image et ressemblance de Dieu, ce qui ne se peut sans qu'il le represente.

  A002000282 

 Puys encor dit-il mal, car quoy que ceste valeur et ce merite de la Passion soyent infinis, et que nos sens ne les puissent comprendre, ilz sont neanmoins representables, autrement ilz ne seroyent pas croyables: rien n'est creu qui ne soit premier representé a nostre ouÿe, qui est un de nos sens.

  A002000283 

 Qui est-ce qui, voyant la Croix de Nostre Seigneur, ne se represente sa mort et passion? « J'ay veu bien souvent, » dit saint Gregoire Nissene, « la figure de la Passion, et n'ay peu passer les yeux sur ceste peinture sans larmes, lhors que je voyois l'ouvrage de l'artifice estre demonstré en la personne signifiee.

  A002000283 

 S'il entend les propres peynes, souffrances et passions de Nostre Seigneur, il est inepte de dire qu'elles sont irrepresentables; car, qu'est-ce que representoyent tant de sacrifices sanglans de l'ancienne Loy? Et qu'est-ce que represente maintenant l'Eucharistie, sinon la passion et mort du Sauveur? Jacob n'eut pas plus tost veu la robbe de son filz Joseph ensanglantee, que tout a coup il se representa tant vivement la mort presupposee d'iceluy, qu'il ne pouvoit estre consolé.

  A002000284 

 Et est encores inepte, ce traitteur, s'il veut dire que les souffrances mesmes sont infinies, par ce que boire l'ire de Dieu et estre abandonné d'iceluy est un mal infini; il semble neanmoins que ce soit son intention, [77] quand il dit que le Sauveur a beu la couppe de l'ire de Dieu, et met entre les articles de la Passion la descente aux enfers, ce que sans doute il rapporte a la crainte que Calvin attribue a Jesus Christ, disant qu' « il eut peur et crainte pour le salut de son ame propre, redoutant la malediction et ire de Dieu.

  A002000284 

 Le traitteur donq ne peut pas dire que les souffrances de Nostre Seigneur sont irreprensentables pour estre infinies, et moins encor pour estre indicibles; car Dieu, qui est infini, ne laisse pas de nous estre representé en plusieurs sortes, et sa gloire mesme, quoy qu'elle soit indicible quant a la grandeur de ses perfections.

  A002000284 

 » Mays cela est un blaspheme intolerable, comme j'ay monstré ci devant, puysque la crainte presuppose probabilité en l'evenement du mal que l'on craint, et que partant Nostre Seigneur auroit eu probabilité de sa damnation, chose horrible a dire.

  A002000285 

 Or, ces inepties sont mises en avant par le traitteur, d'autant qu'il pense que pour representer une chose il la faille ressembler de toutes pieces, ce qui est sot et ignorant; car les plus parfaittes images ne representent [78] que les lineamens et couleurs exterieures, et neanmoins on dit, et il est vray, qu'elles representent vivement.

  A002000286 

 Je confesse tout cela, mays je dis aussi que cest article est representable, non pas certes parfaitement (car, qui representeroit jamais la valeur et le prix de ce sang divin, et la grandeur des travaux inteneurs du Sauveur?) mays il est representable comme les hommes et les maysons, dont on ne represente que les visages et façades exterieures.

  A002000286 

 Le traitteur dit que c'est un article de foy, et partant incomprehensible a nos sens.

  A002000286 

 Or, que le bois de la Croix represente la Passion de Nostre Seigneur, la chose est de soy trop claire: l'infaillible rapport que la Croix a au Crucifix ne peut moins operer que ceste representation.

  A002000287 

 Mays, s'il m'est permis de parler par experience, quelle devotion vit-on s'allumer parmi les deux Confrairies d'Annessi et de Chambery, lhors qu'estans allees en procession a Aix, elles eurent ce bien d'y voir la sainte piece du bois de la Croix, laquelle y est conservee; personne ne se peut tenir de pleurer et souspirer vers le ciel a la veuë de ce pretieux gage.

  A002000294 

 De la est advenu « que tout le monde s'est efforcé d'avoir de ce bois, si que ceux qui en ont quelque peu l'enchassent en or et le mettent en leur col, estans par la beaucoup honnorés, et magnifiés, et munis, et contregardés, quoy que ç'ayt esté le bois de condamnation.

  A002000295 

 » Le latin est plus beau: Cujus Episcopi tantum munere, de eadem Cruce, hæc minuta sacri ligni ad magnam fidei et benedictionis gratiam haberi datur.

  A002000322 

 Quelle est donq, o Chrestiens, de ceste Croix la force,.

  A002000332 

 Ce n'est donq pas merveille si saint Ambroise, parlant du clou de la Croix, dit que « c'est un remede pour le salut, et que par une puissance invisible il tourmente les diables »; et saint Cyrille, que jusques a son tems le bois de la Croix qui estoit en Hierusalem guerissoit les maladies, chassoit les diables et les charmes.

  A002000333 

 Peut estre respondra-il que cependant ilz n'attribuent rien a la sainte Croix ou au seul signe d'icelle; mays nous avons ja protesté que la Croix n'est que l'instrument de Dieu es œuvres miraculeuses, si que d'elle mesme elle n'a point de proportion avec telles operations; le cas est tout semblable en la robbe de Nostre Seigneur et es os d'Helisee.

  A002000333 

 Qu'est-ce que respondra a tout cecy le traitteur? dira-il que les tesmoins que je produis sont reprochables? mays certes, ce sont tous autheurs graves.

  A002000340 

 Saint Paulin envoya une petite piece d'icelle a saint Sulpice pour la consecration d'une Eglise: « Nous avons trouvé, » dit-il, « dequoy vous envoyer pour la sanctification du temple, et pour combler la benediction des saintes reliques, c'est a sçavoir, une partie d'une petite piece du bois de la divine [88] Croix.

  A002000343 

 Hic est martyribus Crux sociata suis..

  A002000345 

 Totaque in exiguo segmine vis Crucis est..

  A002000353 

 C'est a dire:.

  A002000360 

 Le gage en est tres grand, et le moindre festu.

  A002000363 

 C'est de Hierusalem qu'un bien si grand et rare.

  A002000379 

 Mays il y a bien plus, car, auparavant mesme que la Croix fust trouvee par Heleine, les Chrestiens monstroyent en quel honneur ilz avoyent la Croix, honnorans mesme le lieu ou elle avoit esté plantee; ce qui est touché par tous les autheurs, mays beaucoup plus expressement par Sozomene qui dit « que les ennemis de la Croix avoyent dressé un temple a Venus, dans lequel ilz avoyent mis l'idole d'icelle a ceste intention, que ceux qui adoreroyent Jesus Christ en ce lieu-la semblassent adorer Venus, et que, par longueur de tems, la vraye cause vint en oubli pour laquelle les hommes venerent ce lieu-la.

  A002000386 

 Et Sozomene, apres avoir raconté l'histoire de l'invention [91] de la Croix et les merveilles qui s'y firent: « Ni cela, » dit-il, « n'est pas tant esmerveillable, principalement puysque les Gentilz mesme confessent que cecy est un vers de la Sibile:.

  A002000395 

 C'est l'advis (ce me semble) [93] de saint Chrysostome, au sermon de la Croix et du larron, et de saint Cyrille en ses Catecheses, et de saint Ephrem au livre De la vraye penitence, chap. III, IV; et a esté predit par la Sibile disant:.

  A002000406 

 Et la rayson y est bien apparente, parce que, entre toutes les croix, la vraye Croix est le plus proprement signe et Estendart de Jesus Christ..

  A002000407 

 Ce n'est donq pas merveille si saint Macaire et Heleine avoyent egale crainte, en l'invention de la Croix, « ou de prendre le gibbet d'un larron pour la Croix du Seigneur, ou que, rejettans le bois salutaire en guise de poutre d'un larron, ilz ne le violassent, » comme parle saint Paulin; ni que saint Hierosme ne pouvoit voir asses tost le jour « auquel, entrant en la caverne du Sauveur, il peust bayser et rebayser le saint bois de la Croix » avec la devote Marcelle.

  A002000407 

 Et pour vray, « si la robbe et l'anneau paternel ou quelque semblable chose est d'autant plus chere aux enfans, » comme dit saint Augustin, « que l'affection et pieté des enfans vers leur pere est plus grande, » tant plus un Chrestien sera affectionné a l'honneur de Jesus Christ, tant plus honnorera-il sa Croix.

  A002000418 

 C'est icy une forte preuve de l'honneur et vertu de la vraye Croix, car, comme parle le traitteur, « il est aisé a recueillir que, si le bois de la Croix n'a point eu de vertu ni de saincteté, ce qui n'en est que le signe ou image n'en a non plus »: au contraire donques, si le signe et image de la Croix a beaucoup de sainteté et de vertu, la Croix mesme en aura bien davantage.

  A002000419 

 Ceste-cy est l'opinion de Bede.

  A002000419 

 Et certes, il y a plus de probabilité en cecy, quand ce ne seroit que pour la commune opinion des Chrestiens, et que Justin le Martyr, au dialogue qu'il fit avec Triphon, appariant la Croix a la corne d'un licorne, semble la descrire en ceste sorte; et saint Irenee dit que « l'habitude ou figure de la Croix a cinq boutz ou pointes: deux en longueur, deux en largeur, une au milieu sur laquelle s'appuye celuy qui est crucifié.

  A002000420 

 C'est ainsy que l'a descritte Pierius, et apres luy le docte Bellarmin et plusieurs autres des nostres, a quoy le traitteur s'accorde.

  A002000463 

 C'estoit une tres honnorable persuasion que les Anciens avoyent de la sainte Croix, qui les faisoit ainsy saintement philosopher sur icelle; par ou l'on peut voir que, quand le traitteur dit que les Anciens ne faisoyent autre honneur a la Croix que de la couronner simplement de fleurs, ce n'est que faute d'en sçavoir davantage.

  A002000463 

 Mays c'est une temerité trop excessive, qu'il mesure les choses par son sçavoir.

  A002000468 

 Je me contenteray seulement de mettre en avant celle que tous les [102] Anciens, d'un commun accord, appliquent a la Croix: c'est le Serpent d'airain, qui fut dressé pour la guerison de ceux qui estoyent morduz de serpens; duquel parlant le traitteur, il remarque qu'il ne fut pas mis ou « dressé sur un bois traversier, comme on le peint communement, car il estoit eslevé sur un estendard, » dit-il, « ou sur une perche, comme le texte le dit.

  A002000468 

 Je remarque que le traitteur a tort de contredire en ceci a la commune opinion, qui porte que le Serpent estoit eslevé sur un bois traversier, sans avoir ni rayson ni authorité pour soy; et qu'au contraire, il est raysonnable que saint Justin le Martyr soit preferé en cest endroit, lequel, en l'Apologie pour les Chrestiens, recitant ceste histoire, tesmoigne que Moyse eslevant le Serpent le dressa en forme de croix.

  A002000468 

 Que la proprieté des motz du texte ne porte aucunement que le Serpent fut eslevé sur une perche; aussi Sanctes Pagninus a laissé le mot d'estendart, qui est sans doute le plus sortable et se rapporte mieux a ce qui estoit signifié.

  A002000468 

 Voyci donques ou je pourrois cotter la premiere image de la Croix: car puysqu'il est ainsy, qu'une chose pour estre image d'une autre doit avoir deux conditions, l'une qu'elle ressemble a la chose dont elle est image, l'autre qu'elle soit patronnee et tiree sur icelle, le Serpent d'airain, estant dressé en semblable forme que la Croix, et ayant esté figuré, par la prevoyance de Dieu, sur icelle, ne peut estre sinon une vraye image de la Croix.

  A002000469 

 » Et apres avoir remonstré qu'en la religion des Romains on honnoroit et prisoit des pieces de bois qui estoyent peu differentes de la Croix, et que les faiseurs d'idoles se servoyent d'instrumens faitz en forme de croix pour faire les mesmes idoles; item, qu'ilz adoroyent les victoires, et que le dedans de leurs trophees (c'est a dire les instrumens sur lesquelz on portait les trophees) estoyent en forme de croix; item, que la religion des Romains, estant toute militaire, veneroit les enseignes et estendartz, juroit par iceux, et les prisoit plus que tous les dieux, et que les voyles ou drapeaux des estendartz n'estoyent que comme des manteaux et vestemens des croix, il conclud disant: « Je loue ceste diligence; vous n'aves pas voulu consacrer des croix nues et descouvertes, ou sans ornement.

  A002000469 

 » J'admire ceste ignorance tant hardie: qui est celuy, tant soit-il peu versé en l'antiquité, qui ne sçache que tout au fin commencement de l'Eglise, les Gentilz reprochoyent de tous costés aux Chrestiens l'usage et veneration de la Croix? ce qu'ilz n'eussent jamais fait s'ilz n'eussent veu les Chrestiens avoir des croix.

  A002000471 

 Saint Athanase, qui vivoit du tems de Constantin le Grand, au livre des Questions a Antiochus, fait ceste demande: « Pourquoy est-ce que tous nous autres fidelles faisons des croix pareilles a la Croix de Christ, et que nous ne faisons point de remembrances de la sacree lance, ou du roseau, ou de l'esponge? car ces choses sont saintes comme la Croix mesme.

  A002000472 

 Et de vray, au moins ce traitteur devoit considerer que si Constantin dressa son Labare en forme de croix, pour la vision qu'il avoit eue d'une Croix a la façon de laquelle il fit dresser les autres (comme le traitteur mesme confesse que cela s'est peu faire), ce ne sera pas Constantin qui aura fait la Croix le premier en matiere subsistante, mais plustost Dieu, qui luy en fit le premier patron sur lequel les autres furent dressees.

  A002000472 

 Que si, au contraire, ce ne fut point par advertissement de Dieu, ni pour aucune vision, que Constantin fit dresser son Labare et plusieurs autres croix, mais plustost par rayson d'estat, qui est l'opinion laquelle aggree plus au traitteur, a sçavoir, que « d'autant, » ce sont ses parolles, « qu'il avoit freschement esté eslevé à la dignité imperiale, par la volonté des gens de guerre qui l'avoient preferé aux descendans de Diocletian, il advisa que le moyen de se maintenir en ceste dignité contre ses competiteurs et debateurs seroit de se faire ami des Chrestiens, que Diocletian avoit persecutez à outrance, et à ceste occasion il fit eriger des croix avant mesme qu'il fust Chrestien »; je prendray le traitteur au mot en ceste sorte:.

  A002000473 

 Et qui les avoit gardés d'en dresser jusques a ceste heure la, au moins dedans leurs maysons et oratoires? et comme pouvoit sçavoir Constantin que la maniere de flatter les [106] Chrestiens estoit de dresser des croix, s'il n'eust conneu qu'ilz en avoyent dressé auparavant et les honnoroyent? Pour vray, les Reformeurs n'eussent pas esté amis de ces anciens fideles, ni leur doctrine jugee Chrestienne, puysqu'ilz abattent leurs croix, et taschent de persuader que c'est une « corruption » d'en avoir introduit l'usage et que « c'est encor plus mal fait de le retenir; » ce sont les parolles mesmes du traitteur.

  A002000473 

 Et s'il est vray, comme sans doute il est, ce qu'il dit ailleurs, rapporté de saint Gregoire Nazianzene, que « la verité n'est point verité si elle ne l'est du tout, et qu'une pierre precieuse perd son prix à cause d'une seule tare ou d'une seule paille, » la doctrine Chrestienne n'aura plus esté pure du tems de Constantin, selon l'opinion de cest homme, puysque les Chrestiens desiroyent et se plaisoyent que l'on plantast des croix, qui est une corruption, « levain et doctrine erronee, » a son dire.

  A002000474 

 Ce n'est pas peu, a mon advis, d'avoir gaigné ceste confession sur les ennemis des croix, que les Chrestiens il y a treize cens ans aymoyent et desiroyent que l'on dressast des croix; et ne sçai comme on pourra appointer ce traitteur avec Calvin et les autres novateurs, car luy dit d'un costé que du tems de Constantin il y avoit corruption en l'Eglise, et Calvin avec les autres tiennent que l'Eglise a esté pure jusques presque au tems de Gregoire le Grand.

  A002000474 

 En fin, a ce que je vois, ilz confesseront tantost que c'est du tems des Apostres que nostre Eglise a commencé..

  A002000474 

 » Voyes-vous comme il rapporte le commencement de leur pretendue corruption de la doctrine Chrestienne au tems de saint Gregoire? et neanmoins, quant a la Croix, il l'a rapportee aux Chrestiens qui vivoyent du tems de Constantin [107] le Grand, lesquelz il fait (et c'est la verité) grans amateurs de l'erection des croix, que puys apres il appelle corruption.

  A002000475 

 Ceci est une chose toute conneuë et qui se fait a la veuë de tout le peuple, dont l'Evesque de Cocine en envoya une ample et authentique attestation, avec le portrait de ceste croix-la, au commencement [108] du saint Concile de Trente: qui est une marque bien expresse que les Apostres mesmes ont eu en honneur la sainte Croix.

  A002000475 

 J'ay donq prouvé, non seulement que ce traitteur est ignorant d'avoir dit que Constantin estoit le premier qui avoit dressé des croix en matiere subsistante, mays encor, que l'erection des croix a esté prattiquee entre les plus anciens Chrestiens, car nous n'avons pas de gueres plus anciens autheurs que Justin et Tertullien.

  A002000475 

 Que s'il est arrivé en quelques annees que ce miracle ne se soit point fait, les habitans de ces contrees, enseignés par l'experience, se tiennent pour menacés de quelque grand inconvenient.

  A002000481 

 Le traitteur, qui confesse le moins qu'il peut de ce qui establit la coustume ecclesiastique, apres avoir nié qu'avant le tems de Constantin il y eust des croix parmi les Chrestiens, en un autre endroit dit qu'au commencement, et mesme du tems de Theodose, « la Croix n'estoit « sinon deux bois traversans l'un l'autre, et n'y avoit « point de crucifix, et moins encores de vierge Marie, « comme depuis en quelques croix l'image du crucifix « est d'un costé, et celle de sa mere de l'autre.

  A002000482 

 Ce n'est donq pas ce que le traitteur disoit, que les images de la Croix furent seulement faittes du tems de Constantin, et qu'encores de ce tems la et long [111] tems apres on n'y adjoustoit point de Crucifix, car je ne vois pas qu'il puisse opposer a ceste authorité pour garantir la negative de fauseté et temerité..

  A002000482 

 Je ne sçay qui peut esmouvoir cest homme a faire ceste observation, car que peut-il importer que l'on ait fait des croix simples plustost que des images du Crucifix, puysqu'aussi bien c'est chose toute certaine qu'on ne dresse pas des croix sinon pour representer le Crucifix? mais avec cela, ceste observation est du tout fause, digne d'un homme qui mesprise l'antiquité.

  A002000483 

 Dedans la Liturgie de saint Chrysostome, selon la version d'Erasme, le prestre est commandé, se retournant vers l'image de Jesus Christ, de faire la reverence; ce que, non sans cause, les plus judicieux rapportent a l'image du Crucifix; car, quelle representation de Jesus Christ peut-on mettre plus a propos dedans l'eglise, et mesme vers l'autel, que celle du Crucifix? Qui verra de bon œil le carme que Lactance a fait de la Passion de Nostre Seigneur, connoistra qu'il a esté desseigné sur le rencontre que l'on fait de l'image du Crucifix qui est ordinairement au milieu de l'eglise, en laquelle il fait parler Nostre Seigneur, par un style poetique, a ceux qui entrent dedans l'eglise.

  A002000483 

 « Par ce, » dit-il, « que chacun ne connoist pas les lettres ni ne s'addonne a la lecture, nos Peres ont advisé ensemble que ces choses, c'est a dire les misteres de nostre foy, nous fussent representés comme certains trophees es images pour soulager et ayder nostre memoire; car bien souvent, ne tenans pas par negligence la Passion de Jesus Christ en nostre pensee, voyans l'image de la crucifixion de Nostre Seigneur nous revenons a souvenance de la Passion du Sauveur, et nous prosternans nous adorons, non la matiere, mays Celuy qui est representé par l'image.

  A002000483 

 » C'est le dire de ce grand personnage, lequel un peu apres poursuit en ceste sorte: « Or ceci est une tradition non escritte, ne plus ne moins que celle de l'adoration vers le levant, a sçavoir, d'adorer la Croix, et plusieurs autres choses semblables a celles qui ont esté dittes.

  A002000483 

 » L'image donques du Crucifix estoit, desja de ce tems-la, receuë [112] comme authorisee d'une fort ancienne coustume; d'ou vient donques ceste opinion au traitteur, de dire qu'anciennement l'on ne joignoit pas le Crucifix a la Croix, et quel interest a-il en cela sinon d'assouvir l'envie qu'il a de contredire a l'Eglise Catholique? L'image du Crucifix est autant recevable que celle de la Croix..

  A002000485 

 En fin c'est de deux choses l'une.

  A002000485 

 On mettoit bien anciennement des colombes sur la Croix et autour d'icelle, pourquoy n'y peut-on bien mettre une image de la Vierge ou de quelque autre Saint? J'en ay veu la ou, au dos de la croix, il y avoit des aigneaux pour représenter Nostre Seigneur qui a esté mis sur la Croix comme un innocent aignelet, ainsy qu'il est dit en Esaye; d'autres ou il y avoit d'autres images, non seulement de la Vierge, mays encor de saint Jean, saint Pierre et autres.

  A002000485 

 Ou bien il parle de quelques croix ou peut estre il aura veu au dos du Crucifix quelque image de Nostre Dame, et lhors il aura grand tort de [113] vouloir tirer en consequence contre nous la diversité des volontés des graveurs et peintres, ou de ceux qui font faire les croix; car, a la verité, ceste façon de crucifix n'est gueres usitee en l'Eglise; si ne veux-je pas dire pourtant qu'il y ayt aucun mal en cela.

  A002000485 

 Ou bien il reprend les croix esquelles nous mettons deça et dela du Crucifix les images de Nostre Dame et de saint Jean l'Evangeliste; mays en cecy la censure seroit tres injuste, car, comme il est loysible et convenable que nous ayons l'image du Crucifix, selon la coustume mesme des plus anciens Chrestiens, il est loysible aussi d'avoir des images de Nostre Dame et des Apostres, dequoy saint Lucas sera nostre garant, qui le premier, au recit de Nicephore Calixte, fit l'image du Sauveur, de sa Mere, de saint Pierre et de saint Paul: que s'il est ainsy, ou peut-on mieux mettre les images de Nostre Dame et de saint Jean qu'aupres de la remembrance du Crucifix? quand ce ne seroit que pour representer tant mieux l'histoire de la Passion, en laquelle l'on sçait que Nostre Seigneur vit ces deux singuliers personnages pres de sa Croix et recommanda l'un a l'autre.

  A002000486 

 Au demeurant, ce que le traitteur adjouste que l'on y met l'image de Nostre Dame « comme si elle avoit esté « compagne des souffrances de nostre Sauveur et qu'elle « eust fait en partie la redemption du genre humain, » cela, dis-je, vient de son goust qui est corrompu par la defluxion d'un'humeur aigre et chagrine, avec laquelle ces reformeurs ont accoustumé de juger les actions des Catholiques; car, qui fut jamais le Catholique qui ne sceut que nous n'avons autre Sauveur ni Redempteur qu'un seul Jesus Christ? Nous mettons tres souvent la Magdeleine embrassant la Croix; que n'a-il dit que par la nous la croyons estre nostre redemptrice? Ces gens ont l'estomac et la cervelle gastés, ilz convertissent tout en venin.

  A002000486 

 Certes, on trouve presque par tout en l'Evangile ou il est parlé de Nostre Dame, qu'elle estoit avec son Filz et auprès d'iceluy, et sur tout en sa Passion; ce ne seroit donq pas hors de rayson de la peindre encores aupres de luy en la Croix, non ja comme crucifiee pour nous, mays comme [114] celle de laquelle on peut dire, beaucoup plus proprement que de nul autre: Christo confixa est Cruci: Elle est clouee a Jesus Christ en la Croix.

  A002000486 

 Nostre Dame ne fut pas crucifiee, mays elle estoit bien sur la Croix quand son Filz y estoit, car la ou est le thresor d'une personne la est son cœur, et l'ame est plus la ou elle ayme que la ou elle anime.

  A002000492 

 C'est une noble preuve de l'honneur et vertu de l'image de la Croix, que Dieu tout puissant l'a fait comparoistre miraculeusement en plusieurs grandes et signalees occasions, et s'en est servi comme de son Estendart, tantost pour asseurer les fidelles, tantost pour espouvanter les mescreans..

  A002000493 

 Ce que appercevant le traitteur, affin de rendre douteuse l'histoire de ceste grande apparition, il devise en ceste sorte: « Combien que les historiens Chrestiens parlent d'une apparition de croix en l'air avec ces mots: Surmonte par ceci, si est-ce que Zosimus, historien Payen, qui vivoit de ce temps-la et qui a esté tres-exact recercheur des faits de Constantin, n'en a fait mention aucune.

  A002000494 

 Or, quant a Zosimus, je ne sçai comme il l'ose produire en ceste cause ici contre tous les autheurs chrestiens; car premièrement, Zosimus est tout seul et ne peut point faire de pleine preuve; secondement, il ne nie pas ceste apparition mays seulement il s'en tait; tiercement, il est suspect, car il estoit ennemy de la Croix; quartement, encor qu'il fust exact rechercheur des faitz de Constantin, il ne l'estoit pas toutefois des merveilles de Dieu.

  A002000494 

 Pourquoy est-ce que Zosimus sera meilleur que les autres? Mais quant a ce que le traitteur veut qu'Eusebe soit contraire a Sozomene en l'histoire de ceste apparition, en ce que l'un dit qu'elle advint en plein midi et [117] l'autre de nuit a Constantin dormant, je crois que c'est une contradiction qu'il aura veuë en songe et en dormant; et de fait Sozomene, en cest endroit ici, fait expresse profession de suivre Eusebe.

  A002000495 

 Car, dressant la guerre contre Maxence, il commença (comme il est vraysemblable) a douter a part soy quel evenement auroit ceste guerre, et quel secours il pourroit appeller, dont estant en ce souci il regarda par vision le signe resplendissant de la Croix au ciel; et les Anges assistans pres de luy, ja tout esbloui de la vision, luy dirent: En ceci, o Constantin, tu vaincras.

  A002000495 

 Je sçay qu'un grand docte de nostre aage s'est trompé en cest endroit, mays il merite excuse, car ç'a esté au milieu d'une grande et laborieuse besoigne, ou il est tolerable si quelquefois l'on s'endort; mays le traitteur, en si peu d'œuvre qu'il a fait, nous accusant et formant ses causes d'oppositions, ne peut avoir fait ceste tant evidente faute qu'il ne merite d'estre tenu pour un imposteur ou pour un ignorant, quoy qu'il fasse l'entendu..

  A002000497 

 Or bien, voyla l'apparition faitte a Constantin bien asseuree, en laquelle tout cecy est remarquable.

  A002000497 

 Que si cela n'est pas approuver l'usage de la Croix, il n'y aura rien d'approuvé.

  A002000499 

 Un jour, Julien l'apostat regardant les entrailles d'un animal pour faire quelque devination en icelles, luy apparut une croix environnee d'une couronne; dont partie des devins tout espouvantés disoyent que, par la, l'on devoit entendre l'accroissement de la religion Chrestienne et son eternité, d'autant que la Croix estoit le signe du Christianisme, et la couronne estoit signe de victoire et d'eternité; encores parce que la figure ronde n'a ni commencement ni fin, mais est par tout conjointe en elle mesme.

  A002000505 

 C'est ce que dit Nostre Seigneur, en saint Matthieu, en termes tant expres, qu'il n'est possible de douter de ceste verité, sinon a ceux qui ont juré le parti de l'opiniastreté; tous les Peres anciens, d'un commun consentement, l'ont presque ainsy entendu.

  A002000505 

 L'interpretation qu'on y veut apporter, de dire que lhors apparoistra le signe du Filz de l'homme, c'est a dire le Filz de l'homme mesme, qui par sa majesté se fera regarder de toutes partz comme une enseigne, est trop forcee et estiree; on voit a l'œil qu'elle ne sort pas ni ne coule des motz et paroles de l'Escriture, mais d'un prejugé auquel on veut accommoder les saintes paroles; c'est une conception qui ne suit pas l'Escriture, mais qui la veut tirer apres soy.

  A002000506 

 Or combien soit grand l'honneur qui revient de ceci [124] a la Croix, il n'y a celuy qui en puisse douter; tant parce qu'elle est appellee signe du Filz de l'homme, et que les enseignes, armoiries, signes, estendartz des princes et roys sont tres honnorables et respectables, comme tesmoigne Sozomene, et avant luy Tertullien, et l'experience mesme nous le monstre; qu'aussi parce que, comme remarquent doctement les Anciens, elle consolera les bons, estant le signe de leur salut, et espouvantera les mauvais, comme fait l'estendart d'un roy vainqueur lhors qu'il est arboré sur les murailles d'une ville rebelle; et encor d'autant qu'elle sera comme le trophee du Roy celeste, mis au plus haut du Temple de l'univers, et sera claire et lumineuse lhors que la lumiere mesme s'obscurcira en sa propre source; comme tesmoignent saint Cyrille, Hypolite le Martyr, et saint Ephrem qui dit qu'elle paroistra et sera produitte devant le Roy comme le sceptre et verge de sa majesté..

  A002000507 

 Or, quel advantage est-ce pour l'honneur et vertu de l'image de la Croix, que Dieu s'en soit servi et servira si souvent pour consoler les siens, effrayer ses ennemis, pour donner les victoires aux empereurs, et pour tesmoigner la sienne derniere, lhors qu'estant assis au throsne de sa majesté il foulera aux piedz tous ses ennemis.

  A002000514 

 Et d'adorer le bois, c'est une sottise trop extravagante:.

  A002000514 

 Que pourroit-on mieux dire a la Catholique? et que disons-nous autre sinon qu'il faut honnorer la Croix pour la protestation de nostre foy, qu'il la faut decorer d'autant plus que ses ennemis la mesprisent, qu'il la faut apposer en toutes choses et en tous lieux comme une marque honnorable, qu'elle honnore plus et, par consequent, est plus honnorable que tous les diademes et couronnes, qu'il la faut mettre sur les couronnes et sceptres, que c'est un arbre beau et luisant orné de la pourpre du Roy et plus resplendissant que les astres? Et qu'ay-je protesté cy devant sinon qu'il ne faut rien attribuer a la seule Croix et au seul signe d'icelle, qu'elle ne vaut sinon comme outil sacré et saint instrument de la vertu miraculeuse de Dieu, que la Croix n'est rien si elle n'est Croix de Jesus Christ, que sa vertu ne luy est pas adherente mais assistante, c'est a sçavoir, Dieu mesme? Si Constantin a surmonté en la Croix, suivant la divine inscription, In hoc signo vinces, ç'a esté par Jesus Christ agent principal et premier; s'il a surmonté par la Croix, ç'a esté en Jésus Christ comme en la vertu assistante de la Croix.

  A002000516 

 Ce n'est la pierre ou le bois.

  A002000520 

 Si donques le traitteur tenoit parolle, et demeuroit ferme a confesser qu'en ceste maniere peuvent les Chrestiens honnorer la Croix, et sur tout que par tout on portast la Croix pour tesmoigner du triomphe de Christ, comme il confesse que l'on faisoit anciennement au recit de Theodoret, et qu'on l'apposast en toutes choses et en tous lieux comme une marque honnorable, je confesserois de mon costé, avec tous les Catholiques, qu'il auroit bien entendu la vertu de la Croix et la maniere de l'honnorer, et que, comme il s'est vanté, il auroit preché Jesus Christ crucifié.

  A002000521 

 Ainsi jadis fut ordonné que les instrumens des contracts qui se passoient devant notaires publics devoient avoir le signe de la Croix, comme il en est parlé au livre du Code; et en pareilles choses politiques nous ne rejettons pas l'usage de la Croix materielle.

  A002000521 

 Il avoit dit qu'en tous lieux et toutes choses on pouvoit apposer la Croix comme une marque honnorable; maintenant, pour se desdire honnestement, il partage toutes les choses en deux, en politiques et non politiques, et puys limite la generale proposition que la Croix doit seulement estre apposee es choses politiques: « S'il est question, » dit-il, « que nous conversions parmi les Juifs ou Mahumetistes, nous pouvons porter nos enseignes et armes croisees pour monstrer ouvertement aux infideles que nous sommes Chrestiens, et que nos adversaires sont infideles et mescreans; ainsi peut-on graver la Croix en la monnoye, pour monstrer qu'elle est battue au coin d'un Prince Chrestien; ainsi la Croix peut estre mise és portes des villes, chasteaux et maisons pour monstrer haut et clair que les habitans de tels lieux font profession de Chrestienté.

  A002000522 

 La seconde est qu'elle ne soit mise es temples: «... en [128] fin, » dit-il, « les choses sont allees si avant que la Croix a esté mise és temples.

  A002000524 

 » Ce petit traitteur est un protee et cameleon.

  A002000525 

 Cependant, il me laisse a prouver par ordre que la Croix peut et doit estre apposee aux choses sacrees et notamment au temple, qu'elle est honnorable d'un honneur religieux, que les Anciens l'ont desiree et honnoree, et qu'elle est un remede salutaire au genre humain, ce qu'il trouve encores mauvais.

  A002000526 

 Chacun ne peut pas lire les livres sacrés, ni avoir tousjours le predicateur aux aureilles; ce donq que fait l'Escriture et le predicateur en tems et lieu, la Croix le fait en toutes sortes d'occasions, en la mayson, au chemin, en l'eglise, sur le pont, en la montaigne; ce nous est un familier et perpetuel record de la Passion du Sauveur.

  A002000526 

 Or saint Cyrille, pour luy faire response, fait un beau denombrement des principaux articles de nostre foy, et puys adjouste: « Le Bois salutaire nous fait souvenir de toutes ces choses, et nous advise de penser que, comme dit saint Paul, ainsy qu' un est mort pour tous, ainsy faut-il que les vivans ne vivent plus a soy, mays a Celuy qui est mort et ressuscité. » Le traitteur mesme produit en ceste sorte ce passage de saint Cyrille, confessant que la croix que les Chrestiens mettoyent devant leurs maysons estoit la marque et l'enseigne publique de Jesus Christ; confession bien contraire a ce qu'il avoit dit, que la Passion de Nostre Seigneur estoit irrepresentable..

  A002000526 

 » C'est pourquoy tous les Anciens, apres Jesus Christ mesme, l'ont appellee l'enseigne du Filz de Dieu.

  A002000532 

 C'est une playsante fantasie que celle du traitteur quand il trouve bon que l'on employe la Croix es choses politiques, mays non pas es sacrees.

  A002000532 

 » Et pour quel usage tout cela, je vous prie? « Pour monstrer, » respond-il, « haut et clair qu'on est Chrestien.

  A002000532 

 » Mays cela, n'est-ce pas un usage religieux? La confession et protestation de la foy n'est-ce pas une action purement Chrestienne? Et de fait, qui prendroit la croix politiquement, elle ne representeroit que mal heur et malediction; si donques l'usage de la Croix n'est que religieux, pour estre bon ou peut-il estre mieux employé qu'es choses sacrees? Si la Croix est bien seante devant les villes et maysons pour monstrer que les habitans de telz lieux font profession de Chrestienté, ne sera-elle pas mieux a propos es eglises et temples pour monstrer que ceux qui s'y assemblent font profession de Chrestienté, que ce sont lieux chrestiens et non mosquees turquesques?.

  A002000562 

 Le bon pere Nylus, en une epistre qui est recitee au II Concile de Nicee, conseilloit a Olimpiodorus de faire mettre la Croix en l'eglise du costé du levant, et deça et dela es murailles les histoires du Viel et Nouveau Testament.

  A002000563 

 C'est une grace merveilleuse; aucun ne se confond, aucun n'a honte pensant que ç'a esté une marque de mort maudite, mays chacun se pare d'icelle beaucoup plus que des couronnes, des diademes, ou de plusieurs carquans et doreures esmaillees de pierreries.

  A002000563 

 Et non seulement on ne la fuit pas, mays est desiree et aymee, chacun en fait conte, elle reluit par tout et est eparse es murailles des maysons, aux sommetz, es livres, es cités, es rues, es lieux habités et inhabités.

  A002000563 

 » C'est le dire du grand saint Chrysostome qui, pour vray, n'eust pas eu a faire un si grand denombrement des lieux et choses esquelles la Croix estoit employee, si de son tems l'Eglise eust esté formee sur le patron de la reformation des huguenotz. Pourroit-on bien dire de Geneve, la Rochelle et autres telles villes ce que saint Chrysostome dit de l'Eglise de son tems? Nous n'y voyons aucune croix erigee ni aux portes de ville, ni devant les maysons, chasteaux, forteresses, contratz, testamentz: au contraire, on les a renversees, effacees autant que l'on a peu.

  A002000563 

 » Il est tousjours sur son impie distinction d'idole payen et idole chrestien; cependant il est vray qu'en ce tems de persecution, les Chrestiens, ayans peu d'eglises dediees, faisoyent leurs assemblees ou ilz pouvoyent.

  A002000564 

 Ce n'est pas donq de nostre aage ni des hier que les choses sont allees si avant que la Croix a esté mise es temples, comme semble vouloir dire le traitteur.

  A002000570 

 Les Ariens avoyent composé des himnes et chansons pour leur secte, et les faisoyent chanter alternativement en leurs processions, sur tout aux solemnités, Dimanche et Samedi; saint Chrysostome douta que, par ce moyen, quelques uns de son peuple ne fussent attirés (plusieurs se laissent aller a ces delicatesses exterieures sans sonder le merite et le fonds de l'affaire, tesmoins les pseaumes de Marot), et partant il dressa son peuple a semblable [137] maniere de chanter, et dans peu de tems les Catholiques surpasserent en ceci les heretiques, non seulement en nombre, mais en appareil; car les images et enseignes de la Croix, faites d'argent, precedoyent avec des flambeaux allumés, et l'eunuque de l'Imperatrice avoit charge de fournir aux despens et faire dresser des psalmes et himnes: c'est Sozomene qui fait ce recit ici.

  A002000571 

 Qu'advint-il? La contagion environne de toutes pars la cité, mais arrivant justement jusques au lieu ou la procession avoit esté, comme si elle eust veu la les bornes et limites de son pouvoir, non seulement elle n'osa pas entrer dedans, mais encor ce qui estoit des-ja d'infection fut par ce moyen repoussé: saint Gregoire de Tours, qui vivoit il y a pres de mill'ans, en est mon autheur.

  A002000572 

 Ce signe est un rempart pour les amis et une defense contre les ennemis; par le mistere de ceste Croix les ignorans sont catechisés, par le mesme mistere la fontaine de la regeneration est consacree, par le mesme signe de la Croix les baptisés reçoivent les dons de grace; par l'imposition des mains avec le caractere de la mesme Croix on dedie les basiliques, on consacre les autelz, on parfait les Sacremens de l'autel; avec l'entremise des parolles du Seigneur, les prestres et levites sont par ce mesme promeuz aux Ordres sacrés, et generalement tous les Sacremens ecclesiastiques sont parfaitz en la vertu d'iceluy.

  A002000572 

 Comment donq ne sera-il rien signifié de bon par ce que les mauvais font, puysque par la Croix de Christ que les mauvais ont faite, tout bien nous est marqué et signé en la celebration de ses Sacremens.

  A002000572 

 Partant, portons avec grande affection la Croix au dedans des maysons et es murailles (vous voyes qu'il parle du signe et image de la Croix), et es fenetres, et au front encores, et en l'esprit, car cela est le signe de nostre salut... » Et peu apres, parlant encores de la Croix, il dit ainsy: « Laquelle il ne faut pas simplement former avec le doigt au cors, mays premierement en l'esprit avec une grande foy; car si tu l'imprimes en ceste sorte en ta face, pas un des meschans demons, voyant la lance par laquelle il a receu la playe mortelle, ne t'osera attaquer.

  A002000572 

 Saint Chrysostome en avoit dit au paravant tout de mesme en ceste sorte: « Portons d'un cœur joyeux la Croix de Jesus Christ comme une couronne, car toutes les choses qui profitent a nostre salut sont consumees par icelle; car, quand nous sommes regenerés la Croix de Jesus Christ y est, quand nous sommes repeuz de la tres sacree viande, quand nous sommes colloqués pour estre consacrés en l'Ordre, par tout et tous-jours ceste enseigne de victoire nous assiste.

  A002000572 

 « En fin, » dit-il, « qui est le signe de Jesus Christ que chacun connoist, sinon la Croix de Jesus Christ? lequel signe s'il n'est appliqué ou au front des croyans, ou a la mesme eau par laquelle ilz sont regenerés, ou a l'huile par lequel ilz sont chresmés, ou au sacrifice duquel ilz sont nourris, rien de tout cela ne se parfait a droit.

  A002000572 

 « Nostre Crucifix, » dit saint Augustin, « est ressuscité de mort et est monté aux cieux; il nous a laissé la Croix en memoire de sa Passion, il a laissé sa Croix pour la santé.

  A002000572 

 » C'est le tesmoignage de saint Augustin, car jaçoit que ce sermon ne fust pas de saint Augustin, comme respond le traitteur (chose certes tres mal aysee a prouver contre le propre tiltre et inscription), si est-ce que ce point ici est de saint Augustin, car il dit tout le mesme en ses Traittés sur saint Jean qui sont indubitablement siens.

  A002000572 

 » Il repete le mesme ailleurs, disant: « Ceste maudite et abominable marque de dernier supplice, a sçavoir la Croix, a esté faite plus illustre que les couronnes et diademes, car le chef n'est point tant aorné par une couronne royale comme par la Croix, qui est plus digne que tout honneur; et de celle qu'au paravant on aborrissoit, on en [140] herche si curieusement la figure si que l'on la trouve par tout, vers les princes, sujetz, hommes, femmes, vierges, mariees, serfz, libres; a tout coup chacun se signe d'icelle, la formant en nostre tres noble membre, car on la figure tous les jours en nostre front comme en une colomne.

  A002000572 

 » Ou donq que le sermon que j'ay allegué soit de saint Augustin, ou de Fulgence son [139] disciple, ou de quelqu'autre, si est-ce que la sentence que j'en ay rapportee est de saint Augustin.

  A002000573 

 Aussi es preparatoires de la Liturgie ou Messe de saint Chrysostome, traduitte par Leo Tuscus, le diacre doit, avec une lancette, faire le signe de la Croix sur le pain a consacrer, et quand ce vient a la celebration il est ordonné que l'on mette les pains sur l'autel en forme de croix; ce que mesme Nicolas Cabasile espluche par le menu en l'exposition de la Liturgie.

  A002000573 

 Je sçay qu'il y a plusieurs pointz en ce que j'ay dit qui se rapportent au simple signe de la Croix, mays il y en a beaucoup qui ne peuvent estre entenduz que de la croix faitte en matiere subsistante, comme quand il est dit que on mettoit la Croix es maysons, murailles, fenestres, en la Table sacree, et qu'avec le caractere d'icelle on dedioit les basiliques: or je n'ay pas osé separer ce que mes autheurs avoyent conjoint..

  A002000573 

 Mais remarquons que saint Chrysostome dit separement que la Croix « reluit en la Table sacree », et tantost apres « qu'elle reluit de rechef en la Cene mistique avec le Cors de Jesus Christ; » car il semble par la qu'il veuille dire que la Croix estoit non seulement [141] a l'Autel ou Table sacree (suivant ce qu'il est commandé aux prestres, en sa Liturgie, de faire la reverence se retournans vers l'image de Jesus Christ, et que saint Paulin recite d'avoir mis l'image de la Croix pres l'autel, comme j'ay dit cy devant), mais encor que l'image et figure de la Croix estoit empreinte en la tres sacree viande de l'Eucharistie.

  A002000574 

 C'est grande pitié que d'un superbe et mal instruit on ne le peut faire demordre.

  A002000574 

 Mays ayant monstré le contraire quant a l'image de la Croix, je puis dire: Hé je vous prie, qui est-ce qui pensera que ces saintz Peres, Chrysostome, Augustin, Paulin, eussent mis en usage une chose qu'ilz eussent conneu estre inutile et pernicieuse? Mays le mieux est qu'ilz tesmoignent non seulement de leur fait, ains aussi de la prattique du Christianisme de leur aage; ainsy Justinien l'Empereur fit ceste loy: « Que l'Evesque, consacrant une eglise ou monastere, consacre [143] le lieu a Dieu par oraison, fichant en iceluy le signe de nostre salut (nous entendons la vrayement adorable et honnorable Croix); ainsy qu'il commence l'edifice mettant un si bon et propre fondement.

  A002000574 

 Or, je vous prie, qui est-ce qui pensera que ces saintz Peres eussent privé a leur escient l'Eglise d'une chose qu'ilz eussent conneu luy estre utile et salutaire? » Les pauvres huguenotz avoyent esté apprins comme cela par le pere de leur reformation; on leur a monstré mille fois que c'estoit une fauseté, et que es cinq cens, voire es trois cens premieres annees, il y avoit des images es eglises: ilz dient neanmoins, autant impudemment que jamais, que l'ancienneté ne mettoit point des images aux eglises.

  A002000574 

 [142] Calvin avoit dit que « si l'authorité de l'Eglise ancienne a quelque vigueur entre nous, nous notons que par l'espace de cinq cens ans ou environ, du tems que la Chrestienté estoit en sa vigueur et qu'il y avoit plus grande pureté de doctrine, les temples des Chrestiens ont esté netz et exemptz de telle souilleure »; il parle ainsy des images de Jesus Christ et des Saintz, et peu apres il dit que « si on compare un aage avec l'autre, l'integrité de ceux qui se sont passés d'images, merite bien d'estre prisee au pris de la corruption qui est survenue despuys.

  A002000575 

 Je responds qu'en ceste piece-la il est dit que l'image peinte sur le voyle estoit d'un homme pendu, comme de Jesus Christ ou de quelqu'autre, contre les Escritures; il se pouvoit donques faire que ceste image fust dressee contre la verité de l'histoire de la [144] Passion de Nostre Seigneur, avec quelque indecence, dont saint Epiphane ne se pouvoit asseurer que c'estoit qu'elle representoit, et partant eut rayson de la dechirer.

  A002000575 

 Mais que peut tout cela contre les images de la Croix et du Crucifix qui representent au vray la Passion de Nostre Seigneur, ainsy qu'elle est descritte en l'Evangile? Si un evesque trouvoit dans quelque eglise de sa charge l'image d'un Crucifix qui representast Nostre Seigneur non cloué mais attaché avec des cordes sur la croix, comme l'on voit par la faute des peintres, en plusieurs images, le bon et le mauvais larron penduz en ceste sorte, feroit-il pas son devoir de dechirer et rompre telle image? et faudroit-il dire pourtant qu'il rejettast l'usage des images propres et bien faittes?.

  A002000575 

 Que ceste derniere piece d'epistre, citee par le traitteur, n'est aucunement de saint Epiphane, ains un agencement estranger; comme il appert en ce que le sens de l'epistre estoit du tout bien achevé sans ceste piece-la, que ceste piece est hors de propos, qu'elle ne ressent aucunement la phrase de saint Epiphane ou de saint Hierosme, et que les Iconoclastes, citans tous les tesmoignages qu'ilz peurent des anciens Peres, et nommement de saint Epiphane, ainsy qu'il est deduit au second Concile de Nicee, ne produisirent jamais ceste piece de l'epistre traduitte par saint Hierosme.

  A002000576 

 De pareille force est le tesmoignage du Concile Elibertin, cité par le traitteur, auquel il est dit « qu'en l'eglise on ne doit point avoir de peintures, afin que ce qui est honoré et adoré ne soit peint és parois.

  A002000576 

 Je dis secondement, que la defense du Concile Elibertin, selon la portee de la rayson laquelle y est alleguee, ne s'estend pas aux images mobiles, mays a celles seulement qui sont peintes en et sur les murailles, et ne serait a l'adventure pas mal que telle defense fust observee parce que telles images sont sujettes a se gaster, desfaire et effacer, non sans quelque mespris de leur saint et sacré usage, qui est la rayson du Concile disant: « Ne quod colitur aut adoratur in parietibus depingatur: Affin que ce qui est honnoré ou adoré ne soit peint es murailles.

  A002000576 

 » Troisiesmement, je dis que puysqu'on ne peut pas sçavoir le propre et particulier motif de ce Concile, et qu'il n'estoit que provincial et de dix-neuf evesques seulement, il n'est raysonnable de le vouloir rendre [145] opposant au general consentement et a la coustume de l'Eglise ancienne qui recevoit les images aux eglises, comme j'ay prouvé cy devant.

  A002000581 

 Or ces grans personnages vivoyent en la fleur de l'Eglise, dont saint Thomas et saint Bonaventure ont dit l'honneur de la Croix et des autres images estre une tradition Apostolique; car, voyans qu'il a commencé tout aussi tost que le Christianisme, et que si l'on remonte d'aage en aage dans le tems des Apostres on en trouvera une observation perpetuelle, ilz se sont tenuz en la regle de saint Augustin qui porte, que « l'on croit tres justement que ce que l'Eglise universelle tient, et n'est institué par les Conciles mais a tousjours esté observé, n'a point esté baillé sinon par l'authorité Apostolique.

  A002000581 

 Si donc au commencement, lors que l'Eglise a esté pure et la verité syncere, le signe de la Croix n'a point esté fait, elle n'a point esté dressee, saluee ni adoree, c'est tres-mal fait d'avoir introduit ceste corruption (qui ne peut estre bonnement appellee coustume), et c'est encor plus mal fait de la retenir.

  A002000581 

 « Quand il est question de reformer les desordres, il faut ensuivre le dire de Jesus Christ en sainct Matthieu, chap. 19: Il n'estoit pas ainsi au commencement.

  A002000581 

 » C'est un discours du traitteur, auquel je responds en ceste sorte: si lhors que l'Eglise estoit pure, au commencement, on a fait le signe de la Croix, on l'a dressee, saluee et honnoree, c'est tres mal fait d'avoir introduit la presomption (qui ne se peut bonnement appeller reformation) d'abattre, mespriser et deshonnorer le signe de la Croix; certes, au commencement on ne faisoit pas ainsy.

  A002000581 

 » Et la mesme est recitee l'epistre du bienheureux pere Nylus au Proconsul Olympiodorus qui vouloit bastir un temple, par ou il luy conseille de mettre l'unique et seule image de la Croix au lieu sacré vers l'orient.

  A002000581 

 » Le second Concile de Nicee, ayant parlé de l'honneur de la Croix et des images, conclud en ceste maniere: « Celle-ci est la foy des Apostres, celle-ci est la foy des Peres.

  A002000581 

 » Saint Jean Damascene, long tems avant eux, en avoit dit tout de mesme: « C'est, » dit-il, « une tradition non escritte, aussi bien que l'adoration vers le levant, a sçavoir, d'adorer la Croix... » ce sont ses paroles.

  A002000582 

 Or, ce fut Constantin qui abolit le supplice de la croix, « d'autant qu'il honnoroit beaucoup la Croix, tant pour l'ayde qu'il avoit receuë aux combatz en vertu d'icelle, que pour la divine vision qu'il en avoit eue, » comme parle Sozomene; lequel dit a ce propos une chose bien remarquable si elle est conferee avec un trait d'Eusebe en la vie de Constantin.

  A002000582 

 « D'autant, » dit-il, « que la Croix est honnorable et finie; elle est finie quant a la peyne, mays elle demeure en gloire, et des lieux des supplices elle est passee sur le front des Empereurs.

  A002000603 

 Que bien qu'en quattre pars le monde est partagé,.

  A002000604 

 Il est tout en la Croix comm'en un abregé.

  A002000631 

 C'est qu'il le veut rendre capable du Christianisme, [152] qui fait brusler les idoles et honnorer la Croix.

  A002000638 

 De mesme estoffe est la priere Françoise qui se lit presques en toutes les Heures, qu'on appelle; au moins l'ay-je leuë en celles que Michel Jove a imprimees à Lyon, l'an 1568, qui sont à l'usage de Rome; en voici les termes:.

  A002000638 

 Les choses sont allees si avant que la Croix a esté ise és temples; a esté saluee par ces mots: O Crux ave, c'est à dire, Croix bien te soit, qui sont propos ineptes; 2. et incontinent invoquee en disant: Auge piis justitiam reisque dona veniam, c'est à dire, augmente la justice aux bons et donne pardon aux coulpables; 3.

  A002000638 

 item, Crucem tuam adoramus Domine, c'est à dire, Seigneur nous adorons ta Croix; qui sont propos blasphematoires, car c'est Jesus Christ à qui telle priere doit estre faite et dressee, c'est Jesus Christ qui est le Fils lequel doit estre baisé et non pas le bois de sa Croix... mais d'autant que l'Eglise Romaine s'addresse à la croix materielle, il appert que c'est idolatrie insupportable.

  A002000649 

 Et n'a pas esté seulement appellee la Croix aoree, c'est à dire adoree, mais aussi le Vendredi a esté dict Aoré, c'est à dire adoré, à cause de l'adoration de la Croix de ce jour-là... 7.

  A002000649 

 Pareilles inepties et blasphemes se commettent autour de la lance, de laquelle saincte lance la feste se celebre le Vendredi apres les octaves de Pasques, et lui est addressee la priere suivante: Bien te soit fer triumphal, qui entrant en la [155] poictrine vitale ouvre les huis du ciel; heureuse lance, navre-nous de l'amour de celui qui a esté percé par toi.

  A002000650 

 Voyla les subtiles recerches que fait ce playsant traitteur pour convaincre les Catholiques d'estre « foret cenez, rendus punais par l'idolatrie et plus stupides que le bois », car c'est ainsy qu'il nous traitte.

  A002000651 

 » La devote Paula, entree dans l'estable ou Nostre Seigneur nasquit, avec des larmes entremeslees de joye, souspiroit en ceste sorte: « Je te salue, o Bethleem, mayson de pain, en laquelle est né ce Pain qui est descendu du ciel; je te salue Ephrata, region tres fertile et porte fruit, de laquelle Dieu est la fertilité.

  A002000656 

 qui a son patron et modelle en l'Escriture Sainte, et mille traitz des plus anciens Peres pour garantz? La rosee qu'Esaye demande aux cieux, n'est autre que le Sauveur; et David demande au feu, gresle, neige, glace, qu'elles louent Dieu; et saint André a la Croix, qu'elle le rende a son Maistre; mays ces choses leur sont autant impossibles que de pardonner aux pecheurs..

  A002000657 

 Or, quoy qu'en toutes ces manieres de dire les parolles soyent addressees a la Croix, au ciel, a la neige et semblables choses inanimees, si est-ce que l'invocation passe plus outre et se rapporte a Dieu et au Crucifix.

  A002000657 

 Quand Josué demande au soleil qu'il cesse son mouvement, c'est prier Dieu qu'il l'arreste; quand nous demandons a la Croix qu'elle pardonne aux pecheurs, c'est prier le Crucifié qu'il nous pardonne par sa Passion; et si les paroles semblent mal addressees quant a leur propre signification, elles sont neanmoins redressees par l'intention de ceux qui les proferent, et n'y a aucune messeance, parce que ces façons de parler sont ordinaires, familieres et bien entendues de ceux qui ne sont pas chicaneurs et mal affectionnés..

  A002000657 

 Voicy un exemple signalé: Josué desire que le soleil et la lune s'arrestent et parent au milieu de leur carriere; a quoy, je vous prie, s'addresse-il pour en avoir l'effect? Quant a l'intention, pour vray, il fait sa requeste a Dieu: Tunc locuutus est Josue Domino, in die qua tradidit Amorrhæum in conspectu filiorum Israël: Alhors Josué parla au Seigneur, en la journee que Dieu livra l'Amorrheen a la veuë des enfans d'Israël. Voyla son intention qui va droit a Dieu, mais quant a ses paroles elles n'arrivent que jusques au soleil et a la lune: Dixitque coram eis: Sol, contra Gabaon ne movearis, et luna contra vallem Aialon: Et dit devant iceux: O soleil, n'avance point contre Gabaon, et toy, o lune, contre la vallee d'Aïalon. Voyla les paroles qui sont dressees au soleil et a la lune, et voicy [158] l'effect qui ne part que de la main de Dieu: Stetit itaque sol in medio cæli, et non festinavit occumbere spatio unius diei; non fuit postea et antea tam longa dies, obediente Deo voci hominis: Donques le soleil s'arresta au milieu du ciel et ne se coucha point par l'espace d'un jour; onques auparavant ni apres, jour ne fut si grand, Dieu obeissant ou secondant a la voix de l'homme.

  A002000658 

 Ce n'est pourtant pas pour absurdité que j'estime estre en l'estoffe de ceste rime-la que j'en parle ainsy, car elle ne contient rien qui n'aye une bonne intelligence, comme il appert asses de ce que j'ay dit cy devant..

  A002000658 

 Or veut-il faire passer ceste calomnie sous corde, parce que bien souvent les libraires joignent avec les Heures en un mesme volume plusieurs traittés et oraisons, bien souvent mal a propos, sans congé ni rayson; mays luy qui ose bien censurer les œuvres de saint Augustin, et en rejetter plusieurs pieces comme n'ayans le style et la gravité assortissante aux autres, quoy qu'elles soyent comprises sous le mesme tiltre, n'a-il pas conneu que ces rimes françoises et autres telles oraisons ne sont pas des appartenances de l'office et des Heures de Rome? Il est sot s'il ne l'a consideré, il est imposteur s'il l'a consideré.

  A002000659 

 Si ne veux-je pas dire que la substance de ces devotions soit mauvaise; il y a, a l'adventure, quelques circonstances plustost legeres que vicieuses, mays c'est une vanité intolerable d'aller a la recherche de ces pointilles au milieu d'une dispute serieuse.

  A002000665 

 Aucun ne trouveroit mauvais qu'un sujet dist et protestast: Sire, j'honnore vostre sceptre, vostre couronne ou vostre pourpre; ainsy Nostre Seigneur a aggreable qu'on die: Seigneur, j'honnore ou adore (car l'un et l'autre en cest endroit n'est qu'une mesme chose, comme il sera dit au quatriesme Livre) j'adore, dis-je, vostre Croix.

  A002000665 

 C'est donq une chicanerie estrange d'appeller cela idolatrie, puysque tout l'honneur en revient a Jesus Christ, qui n'est pas un idole mais vray Dieu..

  A002000665 

 Le traitteur et de Beze trouvent mauvais que nous disions, Crucem tuam adoramus Domine: Seigneur nous adorons ta Croix; car c'est le Filz qui doit estre baysé et non pas la Croix, disent-ilz.

  A002000666 

 Ilz nous reprochent la benediction de la Croix; mais, ou ilz trouvent mauvais qu'on la benie, et je leur oppose saint Paul, qui dit que toute creature est sanctifiee par la parole de Dieu et par l'oraison; ou ilz trouvent mauvais les tiltres que l'on baille a la Croix en ceste benediction et en plusieurs autres parties de nos offices, et lhors je leur oppose toute l'antiquité.

  A002000666 

 » Quel reproche nous peut-on faire si nous parlons le langage de nos peres et de nostre mere? C'est aux heretiques nourris hors de la patrie et mayson, de produire des motz nouveaux et de trouver estrange le langage des domestiques.

  A002000666 

 » Saint Ephrem l'appelle « pretieuse et vivifiante, vainqueresse de la mort, esperance des fidelles, lumiere de l'univers, huissiere du Paradis, exterminatrice des heresies, fermeté de la foy, grande et salutaire defense et gloire perpetuelle des bien sentans et leur rempart inexpugnable: » ce dernier tiltre luy est encor baillé par le grand saint Antoyne.

  A002000667 

 C'est une sotte subtilité de tant disputer des motz quand il appert de la bonté de l'intention; la regle est generale qu'il les faut entendre selon la capacité du sujet dont il est question, secundum subjectam materiam: il est force que les choses s'entreprestent leurs noms les unes aux autres, car il y a plus de choses que de motz, mays c'est a la charge qu'ilz ne soyent appliqués que selon l'estendue et valeur des choses pour lesquelles on les employe.

  A002000667 

 Dieu envoya son Filz affin que le monde fust sauvé par iceluy; saint Paul fut fait tout a tous affin qu'il sauvast tous: voyla des parolles bien pareilles quant a l'escorce, mays leur sens est bien different l'un de l'autre.

  A002000667 

 La Croix est un remede salutaire, redemption des ames, tres adorable, nostre unique esperance, plus sainte que tout; cela s'entend selon le rang qu'elle tient entre les instrumens de la Passion et de nostre salut; qui l'entendroit comme du Redempteur mesme seroit inepte et sot, car le sujet en est du tout, sans difficulté, inepte et incapable..

  A002000667 

 Les paroles des gens de bien et sages sont tousjours prises sagement et en bonne part, par les gens de bien: qu'y a-il de meilleur et de plus sage que l'Eglise? c'est une malice expresse de tirer a un sens blasphematoire ses paroles, qui peuvent avoir un sens bienseant et sortable sans forcer la commune et ordinaire maniere d'entendre.

  A002000668 

 Et a ce propos, quand j'ay veu Illyricus ou Simon Goulart, au Catalogue des tesmoins de leur verité pretendue, apres avoir cité saint Chrysostome attribuant a la Croix plusieurs beaux tiltres, adjouster par forme de commentaire: Encomia Crucis Chrysostomus suo more canit, signo quod signatæ rei convenit tribuens; ista vero postea pontificii non sine blasphemia et idolatria ad signum ipsum retulerunt; [166] c'est a dire: « Chrysostome, a sa façon, chante les louanges de la Croix attribuant au signe ce qui convient a la chose signifiee, mais par apres les papaux ont rapporté ces choses au signe mesme, non sans blaspheme et idolatrie; » quand j'ay veu cela, dis-je, j'ay admiré la vehemence de ceste passion qui ne permet aux novateurs de prendre en bonne part de l'Eglise Catholique les mesmes motz et les mesmes parolles qu'ilz prennent bien en bonne part de la bouche de saint Chrysostome.

  A002000668 

 Qui leur a dit, je vous prie, que parlans comme saint Chrysostome, nous entendons autrement que luy? C'est chose certaine que nous attribuons bien souvent au signe ce qui convient a la chose signifiee, comme quand nous disons: Sire, j'honnore vostre sceptre, ou bien: Seigneur, j'adore vostre Croix..

  A002000670 

 Je dis de plus que la rayson principale pour laquelle ce jour-la est appellé aoré, n'est pas l'adoration exterieure de la Croix, mais la sainteté de la mort du Sauveur, laquelle y est celebree, dont l'adoration exterieure n'est qu'une protestation..

  A002000670 

 Le traitteur passe outre a se plaindre de ce qu'on appelle le Vendredi « aoré, c'est à dire adoré, à cause de l'adoration de la Croix de ce jour-la.

  A002000670 

 Que c'est un nom bien appliqué, car en cest endroit adoré ne veut dire autre que veneré et honnoré; or qui ne sçait que les jours [167] esquelz se sont faites quelques saintes actions, ou bien ceux esquelz on en fait memoire, sont par tout en l'Escriture appellés tres saintz, tres celebres et venerables? Le Dimanche est appellé jour du Seigneur pour ce qu'il est dedié a Dieu; saint Augustin l'appelle venerable, comme Lactance et saint Chrysostome appellent de mesme le jour de Pasques; pourquoy ne sera venerable le Vendredi dedié a Dieu en honneur de la Passion? 3.

  A002000671 

 Or combien soit ancienne la celebration du Vendredi, et sur tout du Vendredi Saint, a l'honneur de la Croix, saint Chrysostome en tesmoignera: « Commençons aujourd'huy, mes tres chers, » dit-il, « a precher du trophee de la Croix; honnorons ceste journee, ains soyons plustost couronnés en celebrant ce jour, car la Croix n'est point honnoree par nos paroles, mays nous meriterons les couronnes de la Croix par nostre fidelle confession; aujourd'huy la Croix a esté fichee et le monde a esté sanctifié.

  A002000671 

 « Le jour anniversaire revient qui represente la trois fois heureuse et vitale Croix de Nostre Seigneur, et la nous propose pour estre veneree, et nous fait chastes et nous rend plus robustes et promptz a la course de la carriere des saintes abstinences; nous, dis-je, qui d'un cœur sincere et avec levres chastes la venerons: nos qui sincero corde eam castisque labris veneramur. » Or sus donques, quel danger y a-il d'honnorer la Croix, la bayser, et de nommer le Vendredi aoré ou adoré, voire quand on le nommeroit ainsy pour l'adoration de la Croix qu'on fait ce jour-la? Pourquoy appelloit-on le jour de Pasque, Pasque, sinon parce qu'en iceluy se fit le passage du Seigneur, et de ce passage prit son nom et le jour et l'immolation laquelle s'y faisoit? Les jours prennent leur nom bien souvent de quelque action faite en [169] iceux; aussi le Vendredi peut estre dit aoré a l'occasion de l'adoration de la Croix faite en iceluy; mays comme on n'appelloit pas les tables, couteaux, nappes et autres appartenances de l'immolation de la Pasque du nom de Pasque, ainsy n'appelle-on pas aoré ni le lieu, ni l'estui, ni les doigtz, ni la main qui touchent la Croix, comme veut inferer le traitteur: la rayson est ouverte, parce que tout cela n'est pas dedié a la celebration de ceste action ou adoration comme le jour; mais le traitteur n'a ni regle ni mesure a faire des conséquences, pourveu qu'elles soyent contraires a l'antiquité ce luy est tout un..

  A002000671 

 » Et ailleurs: « Aujourd'huy Nostre Seigneur a esté pendu en la Croix; celebrons de nostre costé sa feste d'une trop plus grande joye pour apprendre la Croix estre la substance de toute nostre resjouissance spirituelle, car au paravant le seul nom de la croix estoit une peyne, mays maintenant il est nommé pour gloire, jadis il portoit l'horreur de condemnation, maintenant c'est un indice de salut, car la Croix est cause de toute nostre felicité.

  A002000672 

 Je dis de mesme quant a la lance, qu'elle est honnorable pour avoir trempé au sang de Nostre Seigneur.

  A002000672 

 Que si on luy addresse quelques prieres, c'est pour exprimer un desir bien affectionné, et non pour estre ouÿ ou entendu d'icelle; c'est de Nostre Seigneur duquel on attend la grace: si l'on en fait feste c'est pour remercier Dieu de la Passion de [170] son Filz et de son sang respandu, dequoy la lance ayant esté l'instrument elle en est aussi le memorial, et en esmeut en nous la vive apprehension qui nous fait faire feste; quoy que nos calendriers ordinaires ne font aucune mention de ceste solemnité, qui n'est aucunement commandee en l'Eglise Romaine..

  A002000672 

 Saint Ambroise confesse que « clavus ejus in honore est, que le clou de Nostre Seigneur est en honneur; » pourquoy non la lance? aussi saint Athanase l'appelle sacree.

  A002000686 

 C'est a dire: « J'ay delivré vostre cité du joug de tyrannie par cest estendart salutaire, marque de vraye force, et ay restabli en son ancienne splendeur et grandeur le Senat et Peuple Romain, le remettant en liberté.

  A002000687 

 De mesme, les Scythes et Sauromates qui avoyent rendu tributaires les empereurs precedens, furent reduitz sous l'Empire par Constantin, qui dressa contre eux ceste mesme enseigne triomphante, se confiant en l'ayde de son Sauveur; et partant il vouloit que sur les armes on gravast le signe du Trophee salutaire, et qu'on le portast en teste de son armee: c'est encor un recit d'Eusebe..

  A002000688 

 Combien de merveilles furent faittes par l'image du Crucifix en la ville de Berite au rapport de saint Athanase? Apres la mort de Julien l'apostat, se fit un si grand tremblement de terre que la mer sortant de ses propres bornes, il sembloit que Dieu menaçast le monde d'un deluge universel; les citoyens d'Epidaure, estonnés de cela, accoururent a saint Hilarion, qui pour lhors estoit en ce païs la, et le mirent au rivage, ou, tout, aussi tost qu'il eut fait trois signes de Croix au sable, la mer qui s'estoit tant enflee, demeura ferme devant luy, et apres avoir fait grand bruit se retira petit a petit en elle mesme: saint Hierosme en est le tesmoin..

  A002000688 

 Le roy Oswald, devant que combattre contre les barbares, dressa une grande croix de bois, et s'estant mis a genoux avec toute son armee, obtint de Dieu la victoire qu'il eut sur le champ; despuys, grand nombre de miracles se firent en ce lieu la, plusieurs mesme venoyent prendre des petites buches du bois de ceste croix, lesquelles ilz plongeoyent dans l'eau qu'ilz faisoyent boire aux hommes et animaux malades, et soudain ilz estoyent gueris; Bothelmus, religieux [174] d'Hagulstadt, s'estant brisé et rompu le bras, appliqua sur soy certaine racleure de ce bois et tout incontinent il fut gueri: Bede le Venerable est mon autheur.

  A002000689 

 Cosroes envoya certains Turcz marqués a Constantinople; l'Empereur, voyant qu'ilz portoyent l'image de la croix au front, s'enquit d'eux pourquoy ilz portoyent ce signe duquel au reste ilz ne tenoyent conte; ilz respondirent que jadis en Perse estoit advenuë une grande peste, contre laquelle certains Chrestiens qui estoyent parmi eux leur baillerent pour remede de faire ce signe la: c'est Nicephore Calixte qui le dit.

  A002000689 

 » La rayson de leur retraitte est parce que, comme dit saint Cyrille, « quand ilz voyent la Croix ilz se resouviennent du Crucifix, ilz craignent Celuy qui a brisé la teste du dragon; » « et si la veuë seule d'un gibbet, » dit saint Chrysostome, « nous fait horreur, combien devons-nous croire que le diable ayt de frayeur quand il voit la lance par laquelle il a receu le coup mortel »? Je ne veux pas oublier a dire que parmi les barbares des Indes, long tems avant nostre aage, on trouva ceste marque de l'Evangile; nos croix y estoyent en diverses façons en credit, on en honnoroit les sepultures, on les appliquoit a se defendre des visions nocturnes et a les mettre sur les couches des enfans contre les enchantemens..

  A002000690 

 Il dit donq que le recit de Sozomene « estant confessé, « ne conclud pas qu'on doive adorer la croix materielle; car quand ils l'auroient adoree ou auroient fait chose non faisable, c'est chose resoluë qu'ils ne doivent [176] estre imitez.

  A002000690 

 Or le traitteur, produisant fort froidement ce que Sozomene dit de la vertu de la Croix portee en l'armee de Constantin, parle en ceste sorte: « Il reste un tesmoignage du premier livre de Sozomene, chap. 4, où il est dit que les soldats de Constantin ont grandement honoré son estendard fait en forme de croix, et que quelques miracles ont esté faits parmi eux.

  A002000690 

 » Voyla une objection bien extenuee; le discours de Sozomene est bien autre que cela, mais je l'ay desja recité ailleurs, et quoy que le traitteur se fasse beau jeu, si ne laisse-il pas d'estre bien empesché a respondre.

  A002000691 

 Ainsy, a qui demanderoit pourquoy les Genazareens desiroyent si ardemment de toucher le seul bord ou frange de la robbe de Nostre Seigneur, on respondroit que c'est d'autant qu'ilz tenoyent ceste robbe comme instrument de miracles et guerisons.

  A002000691 

 Ce n'est pas tant sanctifier et honnorer une chose de s'en servir a chose sainte, comme c'est la declairer sainte et honnorable.

  A002000691 

 La Croix donq de Jesus Christ est honnorable parce qu'elle est une appartenance sacree d'iceluy, mais elle est d'autant plus declairee [178] telle, que Nostre Seigneur l'emploie a miracle: le miracle donq n'est ni le seul ni le principal fondement de la dignité de la Croix, c'est plustost un effect et consequence d'icelle.

  A002000691 

 La robbe et la Croix appartiennent premierement a Nostre Seigneur, voyla la source de leur dignité; que si par apres il s'en sert a miracle, c'est un ruisseau de ceste source.

  A002000691 

 Les prelatz qui font leur devoir sont dignes de double honneur; et, je vous prie, ceux qui ne font leur devoir doivent-ilz estre mesprisés? Au contraire saint Paul tesmoigne qu'on leur doit, ce nonobstant, honneur et reverence; la rayson est parce que leur bonne vie n'est pas la totale cause du devoir que l'on a de ces honneurs, mays la dignité du grade qu'ilz tiennent sur nous..

  A002000691 

 Or est-il certain que de cent mille croix il ne s'en trouvera trois qui facent miracle, quand bien on advouëra les contes qu'on en fait, comme l'effect le monstre et les histoires des exorcistes le conferment.

  A002000691 

 Que si on demandoit encores pourquoy ilz avoyent ceste honnorable conception de ceste robbe-la plustost que des autres, sans doute que c'est parce qu'elle appartenoit a Nostre Seigneur.

  A002000691 

 Si donq on me demande pourquoyj'honnore l'image de la Croix, j'apporteray ces deux raysons: parce qu'elle est une remembrance de Jesus Christ crucifié, et parce que Dieu fait bien souvent des merveilles par icelle, comme par un outil sacré; mais la premiere rayson est la principale et sert de rayson a la seconde, car la Croix ne represente pas la Passion parce que Dieu fait miracles par icelle, mais au contraire Dieu se sert plustost de la Croix pour faire des miracles que de plusieurs autres choses, parce que c'est l'image de sa Passion.

  A002000691 

 » Voyla pas une ignorance lourde? Le formel et premier fondement pour lequel la Croix est honnorable c'est la representation de Jesus Christ crucifié, que toutes les croix font autant l'une que l'autre; mays outre cela il y a des autres particulieres et secondes raysons qui rendent une croix plus honnorable et desirable que l'autre: si non seulement elle represente Nostre Seigneur, mays a esté touchee par iceluy ou par ses Saintz, ou a esté employee a quelque [177] œuvre miraculeuse, certes elle en sera d'autant plus honnorable, mays quand ni l'un ni l'autre ne se rencontreroit, l'image de la Croix ne laisseroit pourtant d'estre sainte a cause de sa representation.

  A002000692 

 Hé pour Dieu, nos anciens Peres, arboristes spirituelz, nous descrivent la Croix pour un arbre tout pretieux, propre a la guerison et remede de nos maux, et sur tout des diableries et enchantemens; ilz nous font foy de plusieurs [179] asseurees experiences et preuves qu'ilz en ont faites: pourquoy ne priserons-nous toutes les croix, qui sont arbres de mesme espece et sorte que celles qui firent jadis miracle? pourquoy ne les jugerons-nous de mesme qualité et proprieté puysqu'elles sont de mesme forme et figure? Si ce n'est pas a tout propos et indifféremment que la Croix fait miracle, ce n'est pas qu'elle n'ait autant de vertu en nos armees qu'en celle de Constantin, mais que nous n'avons pas tant de disposition qu'on avoit alhors, ou que le souverain Medecin qui applique cest arbre salutaire ne juge pas expedient de l'appliquer a tel effect; mais c'est sans doute, qu'ayant tous-jours une mesme forme de representer la Passion, elle a tous-jours aussi une mesme vigueur et force autant qu'il est en soy.

  A002000693 

 Au demeurant, quand le traitteur allegue les histoires des exorcistes, je ne sçay ou il a l'esprit; car puysque ainsy est, que de chasser les diables est une marque qui suit les croyans et l'Eglise, et que parmi les Reformeurs il ne se voit ni exorciste ni aucune guerison de demoniaques, il devroit meshui reconnoistre ou est la vraye Eglise: or cela est hors de nostre sujet.

  A002000693 

 C'est grand cas que cest homme trouve estrange que nos exorcistes ne chassent pas tous-jours les diables des cors, et ne voudroit pas qu'on [181] trouvast estrange que les ministres n'en chasserent jamais un seul.

  A002000693 

 Cependant, Picard que vous appelles saint par moquerie, l'estoit a bon escient pour le zele qu'il avoit au service de Dieu; la Sorbonne vous desplait tous-jours, aussi est-ce un arsenal infallible contre vos academies. Et n'est pas vray que les croix de Rome soyent plus saintes que les autres, comme vous dites en gossant, car elles n'ont point d'autre qualité que celles des autres provinces, ni ne sont le siege de la sainteté plus que les autres; leur sainteté c'est le rapport qu'elles ont a Jesus Christ, lequel elles representent ou qu'elles soyent, et ne sont point le siege du Pape (duquel sans doute vous avies envie de parler, o petit traitteur, si un peu de [182] honte de sortir ainsy hors de propos ne vous eust retenu pour ce coup), du Pape, dis-je, lequel estant appellé Sainteté pour l'excellence de l'office qu'il a au service de Jesus Christ en l'Eglise, se tient neanmoins pour bien honnoré d'honnorer le seul signe de ceste premiere, absolue et souveraine Sainteté qui est Jesus Christ crucifié.

  A002000693 

 Et quoy? si le cors est tormenté par le demon affin que l'esprit du possedé soit sauvé (comme parle l'Apostre), voudries-vous que l'exorcisme ou la priere empeschast cest effect? Vous erres, n'entendans ni les Escritures ni la vertu de Dieu.

  A002000693 

 Mais quant aux exorcismes « du tant sainct et renommé docteur Picard et autres Sorbonistes » ou du « moine de sainct Benoist mené à Rome par le cardinal Gondy » qui ne peurent sortir leur effect, ainsy que dit le traitteur, ce n'est pas grand' merveille; l'oraison de saint Paul ne valut rien moins pour n'avoir obtenu le bannissement de cest esprit charnel; l'oraison obtient les miracles, mais non pas tousjours ni infalliblement, et ne faut pour cela mespriser sa vertu.

  A002000699 

 C'est une estrange grace, personne ne se confond, personne ne se donne honte pensant que ç'a esté l'enseigne d'une mort maudite; au contraire, chacun s'en tient pour mieux paré que par les couronnes, joyaux et carquans, et non seulement elle n'est point fuie, mais elle est desiree et aymee, et chacun est soigneux d'icelle et par tout elle resplendit.

  A002000700 

 Est-il raysonnable que ce traitteur qui, a plusieurs passages de saint Augustin, ne respond autre sinon que les livres allegués ne sont pas de saint Augustin, sans autre rayson sinon qu'Erasme et les docteurs de Louvain l'ont ainsy jugé, est-il raysonnable, dis-je, qu'il soit receu a produire un huitiesme livre d'Arnobe Contre les Gentilz, puysque c'est chose asseuree qu'Arnobe n'en a escrit que sept? A l'adventure que le traitteur ne sçavoit pas ceci; mais un homme si aigre et chagrin a censurer les autres, ne peut estre excusé par l'ignorance, laquelle ne sert qu'aux humbles.

  A002000700 

 Si est-ce, dit le petit traitteur, que « ces mots expres se lisent au huictieme livre d'Arnobe, respondant à l'objection des Payens qui blasmoient les Chrestiens comme s'ils eussent honoré la Croix: nous n'honorons ni ne desirons d'avoir des croix.

  A002000700 

 » Je viens de rencontrer ceste mesme objection en Illyricus au livre X du Catalogue des tesmoins de la verité pretendue, qui est, ce me semble, le lieu ou ce traitteur l'a puisee; mays il ne la couppe pas du tout si courte que cestuy-cy.

  A002000700 

 » Or je remarque que ces deux livres reformés ont ceste contrarieté, que ce que le petit traitteur applique aux croix [185] materielles, le Catalogue l'assigne au signe fait en l'air, mays ilz n'ont qu'une intention, de contredire a l'Eglise: l'un ne veut confesser ce qui est presupposé en l'objection des payens, a sçavoir, que les Chrestiens eussent si anciennement des croix en matiere subsistante, et l'autre, le confessant, veut monstrer par la qu'il ne les faut point honnorer.

  A002000701 

 Ma rayson est claire; on ne sçauroit nier que tout a l'environ du tems d'Arnobe les Chrestiens dressoyent, honnoroyent et desiroyent les croix.

  A002000701 

 Ne les mettons pas en ces dissentions, baillons a leur dire un sens commode par lequel ilz ne s'offensent point les uns les autres, accommodons-les ensemble s'il se peut faire, et demeurons avec eux; c'est la vraye regle de bien lire les Anciens..

  A002000701 

 « Arnobe, » dit Illyricus, « vivoit environ l'an 330 »: environ ce tems-la vivoyent Constantin le Grand, saint Athanase, saint Anthoine, saint Hilarion, Lactance Firmien; un peu auparavant vivoyent Origene, Tertullien, Justin le Martyr; un peu apres, saint Chrysostome, saint Hierosme, saint Augustin, saint Ambroise, saint Ephrem: Constantin fait dresser des croix pour se rendre aggreable aux Chrestiens, et les rend adorables a ses soldatz; saint Athanase proteste que les Chrestiens adorent la Croix, et que c'est un pregnant remede contre les diables; saint Hilarion l'employe contre les desbordemens de la mer; Lactance, disciple d'Arnobe, fait un chapitre tout entier de la vertu de la Croix; Origene exhorte qu'on s'arme de la sainte Croix; Tertullien confesse que les Chrestiens sont religieux de la Croix, autant en fait Justin le Martyr; saint Chrysostome en parle comme nous avons veu, et saint Ephrem aussi; saint Ambroise asseure qu'en [187] ce signe de Jesus Christ gist le bon heur et prosperité de tous nos affaires; saint Hierosme loüe Paula prosternee devant la Croix; saint Augustin tesmoigne que ceste Croix est employee en tout ce qui concerne nostre salut: n'ay-je pas donq rayson de dire ce que saint Augustin dit a Julien, qui alleguoit saint Chrysostome contre la croyance des Catholiques: Itane, dit-il, ista verba sancti Joannis Episcopi audes tanquam e contrario tot taliumque sententiis collegarum ejus opponere, eumque ab illorum concordissima societate sejungere et eis adversarium constituere? Sera-il donq dit, petit traitteur, qu'il faille apposer ces paroles d'Arnobe « comme contraires a tant et de telles sentences de ses collegues, et le separer de leur tres accordante compaignie, et le leur constituer ennemy et adversaire »? Pour vray, si Arnobe vouloit que la Croix ne fust aucunement ni desiree ni honnoree, il desmentiroit tous les autres; si au contraire les autres Peres vouloyent que la Croix fust desiree et honnoree de toute sorte d'honneur et en toute façon, ilz desmentiroyent Arnobe, ou l'autheur du Livre que le traitteur luy attribue.

  A002000702 

 Au rebours, la Croix n'a pas esté desiree ni honnoree comme une divinité ou comme les idoles, ce qui n'est point contraire a ce qu'ont dit les Anciens.

  A002000702 

 Ell'a certes esté honnoree, non d'un honneur civil, car elle n'a point [188] d'excellence civile qui le merite, ni d'un honneur religieux absolu et supreme, car elle n'a point d'excellence absolue et supreme, mays d'un honneur religieux subalterne, moyen et relatif, comme son excellence est vrayement religieuse, mays dependante, et puisee du rapport, appartenance et proportion qu'elle a au Crucifix.

  A002000702 

 Il arrive souvent de respondre plus a l'intention qu'aux paroles, et c'est la rayson de bailler plustost tout autre sens a la parole d'un homme de bien, que de le luy bailler faux et menteur, tel que seroit celuy d'Arnobe s'il contredisoit au reste des autheurs anciens..

  A002000703 

 Si ne veux-je pas laisser a dire quel est l'autheur de ce huitiesme Livre que le traitteur a cité, qui est certes [189] digne de respect, car c'est Minutius Felix, advocat romain, lequel en cest endroit imite, voire mesme presque es paroles, Tertullien et Justin le Martyr, ne se contentant pas d'avoir respondu que les Chrestiens n'adoroyent ni ne desiroyent les croix a la façon qu'entendoyent les payens, mays par apres fait deux choses: l'une, c'est qu'il rejette l'accusation des Gentilz sur eux mesmes, monstrant que leurs estendars n'estoyent autre que des croix dorees et enrichies, [et que] leurs trophees de victoire non seulement estoyent des simples croix mays representoyent en certaine façon un homme crucifié: Signa ipsa et cantabra et vexilla castrorum, quid aliud quam auratæ cruces sunt et ornatæ? trophæa vestra victricia non tantum simplicis crucis faciem verum et affixi hominis imitantur; l'autre chose qu'il fait c'est de monstrer que le signe de la Croix est recommandable selon la nature mesme, alleguant que les voyles des navires et les jougz estoyent faitz en forme de croix, et qui plus est, que l'homme levant les mains au ciel pour prier Dieu representoit la mesme croix; puys conclud en ceste sorte: Ita signo crucis aut ratio naturalis innititur, aut vestra religio formatur. Tant s'en faut donques que Minutius rejette la Croix ou son honneur, sinon comme nous avons dit, qu'au contraire il l'establit plustost; mais le traitteur, qui n'a autre souci que de faire valoir ses conceptions a quel prix que ce soit, n'a pris qu'un petit morceau du dire de cest autheur qui luy a semblé propre a son intention.

  A002000704 

 Et c'est asses.

  A002000708 

 Je trouve en l'Escriture qu'il faut ouïr l'Eglise, qu'elle est colomne et fermeté de verité, que les portes d'enfer ne prevaudront point contre elle, mais je ne trouve point en l'Escriture qu'il faille abattre ce qu'elle dresse, honnir ce qu'elle honnore.

  A002000708 

 L'eschappatoire ordinaire des huguenotz, de demander quelque passage expres en l'Escriture pour recevoir quelque article de creance, semble demeurer encor en main au traitteur, car il me dira: Ou est-il dit qu'il faille honnorer les images de la Croix et qu'elle ait les vertus que vous luy attribues? J'ay des-ja respondu au commencement du premier Livre, mays maintenant je dis, premierement, qu'on n'est pas obligé de faire voir expres en l'Escriture commandement de tout ce que l'on fait.

  A002000708 

 Me sçauroit-on monstrer qu'il faille avoir en honneur et respect le Dimanche et le tenir pour saint plus que le Jeudi? Item l'Eucharistie, si elle n'est autre qu'une simple commemoration de la Passion, comme presupposent les Reformés: on trouvera bien qu'il faut [192] s'esprouver soy mesme et ne la manger pas indignement, mais qu'il y faille aucun honneur exterieur, ou me le monstrera-on? Et pourquoy, je vous prie, aura-on plus de credit a brusler et briser les croix, les appeller idoles et sieges du diable, qu'a les dresser, honnorer et appeller saintes, pretieuses, triomphantes? car si cecy n'est escrit cela l'est encor moins.

  A002000709 

 Je dis, avec Nicephore Constantinopolitain, qu'il est [193] commandé d'honnorer la Croix « la ou il est commandé d'honnorer Jesus Christ; d'autant que l'image est inseparable de son patron, n'estant l'image et le patron qu'une chose, non par nature mais par habitude et rapport, et que l'image a communication avec son patron, de nom, d'honneur et d'adoration, non pas a la verité egalement mais respectivement.

  A002000709 

 L'honneur de ceste vaine, frivole et legere marque est receu en l'Escriture; combien plus l'honneur des images permanentes et solides, comme est la Croix?.

  A002000709 

 » La verge de Moyse, d'Aaron, l'Arche de l'alliance et mille telles choses, ne furent-elles pas tenues pour saintes et sacrees et par consequent pour honnorables? ce n'estoyent toutefois que figures de la Croix; pourquoy donq ne nous sera honnorable l'image de la Croix? Disons ainsy: n'est-ce pas avoir en honneur une chose, de la tenir pour remede salutaire et miraculeux en nos maux? mais quel plus grand honneur peut-on faire aux choses que de les avoir en telle estime et recourir a elles pour telz effectz? or, les premiers et plus affectionnés Chrestiens avoyent ceste honnorable croyance de l'ombre de saint Pierre, neanmoins leur foy est loüee et ratifiee par le succes et par l'Escriture mesme, et cependant l'ombre n'est autre qu'une obscurité confuse et tres imparfaitte image et marque du cors, causee non d'aucune reelle application, mais d'une pure privation de lumiere.

  A002000710 

 Car l'idolatrie n'est pas de ce genre de choses dont on puisse dire: corrigez l'abus et retenez l'usage, d'autant qu'en quelque sorte qu'on prenne l'idole, elle ne vaut rien.

  A002000710 

 Dont nous recueillons du moindre au plus grand: si les images en general, et specialement celle de la Croix, ne se font point par l'ordonnance de Dieu ains par l'outrecuidance et desfiance des hommes (qui ont pensé que Dieu ne les voyoit ni oyoit sinon qu'ils eussent telles images devant leurs [195] sens), voire des images introduites depuis je ne sçay combien de temps, combien doivent-elles estre mises au loin? De faict, quand les choses deviennent en tel poinct qu'elles n'ont peu estre commencees par tel et mesme poinct, c'est chose manifeste qu'il les faut oster, comme Ezechias a osté le serpent à cause qu'il n'a peu estre dressé au commencement pour estre encensé; et à cause de l'abus survenu touchant icelui il a bien fait de l'oster du tout.

  A002000710 

 En fin je produis l'honnorable rang que le Serpent d'airain, figure de la Croix, tenoit parmi les Israëlites, [194] pour monstrer qu'autant en est-il deu aux autres images de la Croix qui sont parmi le Christianisme.

  A002000710 

 Et estant advenu qu'alors le peuple lui faisoit des encensemens, c'est à dire l'adoroit, quoi qu'il eust esté fait par Moyse et eust esté conservé par l'espace de 735 ans, Ezechias le rompit et brusla.

  A002000710 

 Icelui avoit esté basti par le commandement de Dieu, pourtant ce n'estoit pas une idole, car, combien que par la Loy generale Dieu eust defendu de faire image de chose qui fust au ciel, en la terre, ni és eaux sous la terre, si est-ce que n'estant astreint à sa Loy ains estant au dessus d'icelle, il a peu dispenser, comme de faict il a dispensé lui-mesme de sa Loy, et a commandé de faire ce serpent qui a esté figure de l'exaltation de Jesus Christ eslevé en croix, comme lui-mesme le tesmoigne en sainct Jean, chap. 3.

  A002000710 

 La rayson est considerable, comme je vay faire voir par les repliques que j'opposeray a ce qu'en dit le traitteur, lequel, avec un grand appareil, produit ce mesme Serpent d'airain contre nous affin qu'il nous morde, en ceste sorte: « Mais ce qui est allegué du 21.

  A002000710 

 chap. des Nombres ne doit estre passé legerement, car s'il y a exemple qui rabbate formellement et fermement l'abus commis touchant la Croix, c'est celui du serpent d'airain.

  A002000710 

 » Et peu apres: « Or voyons ce qui est advenu: depuis « adonc jusques au temps du bon roi Ezechias, c'est à dire par l'espace d'environ 735 ans, il n'a point esté parlé de ce serpent d'airain.

  A002000712 

 II. Vous dites que le commandement de faire ce Serpent d'airain a esté une dispense du commandement prohibitif de faire images; donques, de faire des images n'est pas idolatrie, ni les images ne sont pas idoles, car l'idolatrie est mauvaise en toute façon et est impossible qu'elle puisse estre loysible, « d'autant qu'en quelque sorte qu'on prenne l'idole, elle ne vaut rien.

  A002000713 

 Donq, avoir des images hors et outre l'Escriture n'est ni idolatrie ni superstition; et ne soyes pas si effronté de dire que la conservation et garde du Serpent d'airain fut superstition, car vous accuseres de connivence, lascheté et irreligion les plus saintz et fervens serviteurs que Dieu ayt eu en Israël, Moyse, Josué, Gedeon, Samuel, David, sous l'authorité et regne desquelz ceste image a esté transportee et conservee tant d'annees outre le tems pour lequel Dieu l'avoit commandee.

  A002000713 

 III. Vous dites que « depuis adonc jusques au temps du bon roi Ezechias, c'est à dire par l'espace d'environ 735 ans, il n'a point esté parlé de ce serpent d'airain.

  A002000714 

 Apres que l'on a offert et dedié l'encens a Dieu, on le jette vers le peuple, non pour le luy offrir, mays pour luy faire part de la chose sanctifiee; on en jette vers les autelz, mays c'est a Dieu, comme a celuy qui est adoré sur l'autel; on en jette vers les reliques et memoires des Martyrs, mays c'est a Dieu, en action de graces de la victoire qu'ilz ont obtenue par sa bonté; on en jette es temples et lieux de prieres pour exprimer le désir que l'on a que l'oraison des fideles monte a Dieu comme l'encens: en quoy un grand personnage de nostre aage a parlé un peu bien rudement, disant que l'encens est offert aux creatures; ce sont inadvertances qui arrivent quelquefois aux plus grans, ut sciant gentes quoniam homines sunt.

  A002000714 

 Ni ne faut mettre en conte l'abus qui peut arriver chez quelque particulier; cela ne touche point a la cause publique, il n'est raysonnable d'y avoir esgard au prejudice du reste: le moyen de redresser l'usage de la Croix ne git pas a la renverser, mais a bien dresser et instruire les peuples.

  A002000714 

 en ce que l'encens est une offrande propre a Dieu, comme il est aysé a deduire de l'Escriture, et toute l'ancienneté l'a noté sur l'offrande faitte par les roys a Nostre Seigneur, d'or, d'encens et de myrrhe; l'encens, disent-ilz tous, est a Dieu.

  A002000723 

 Ainsy les Juifz, Turcz, apostatz et semblables canailles, ne pouvans offenser Nostre Seigneur en sa personne (car, comme dit nostre proverbe, la lune est bien gardee des loupz), ilz se sont ordinairement addressés a ses images.

  A002000723 

 Honnorer la Croix, c'est honnorer le Crucifix, la deshonnorer, c'est le deshonnorer.

  A002000724 

 L'autre est celle que dit saint Athanase, d'autant que si quelques payens, ou huguenotz, nous reprochoyent l'idolatrie comme si nous adorions le bois, nous separerions aysement les pieces de la Croix, et ne les honnorans plus on connoistroit que ce n'est pas pour la matiere que nous honnorons la Croix, mays pour la representation et remembrance; ce qu'on ne peut faire de la creche, lance et sepulchre, et autres telles choses, lesquelles neanmoins, estans employees expressement a la representation des saintz misteres, ne doivent pas estre privees d'honneur.

  A002000724 

 L'une est que des lhors que Constantin eut aboli le supplice de la croix, la Croix n'a autre usage parmi les Chrestiens sinon de representer la sainte Passion, la ou les creches, sepulchres et autres choses semblables, ont plusieurs [205] autres usages ordinaires et naturelz.

  A002000724 

 Or un grand miracle avoit esté fait a ceste statue: elle estoit colloquee sur une haute colomne de pierre sur laquelle croissoit une herbe inconneuë, laquelle, venant a joindre aux franges de la robbe de l'image, guerissoit de toutes maladies; en quoy la robbe de Nostre Seigneur est d'autant plus comparable a sa Croix, car si la robbe fit miracle estant touchee, aussi fit bien sa Croix; si non seulement sa robbe, mais encor l'image de sa robbe a fait miracles, je viens aussi de prouver que les images de la Croix ont eu ceste grace excellente d'estre bien souvent instrumentz miraculeux de sa divine Majesté.

  A002000735 

 Ainsy la vertu de religion, qui a pour sa propre et naturelle occupation de rendre a Dieu autant que faire se peut l'honneur qui luy est deu, tire au service de son dessein les actions vertueuses, les dressant toutes a l'honneur de Dieu; elle se sert de la foy, constance, temperance, par le bien croire, le martyre, le jeusne: c'estoyent desja des actions vertueuses et bonnes d'elles mesmes, la religion ne fait que les contourner a sa particuliere intention qui est d'en honnorer Dieu.

  A002000735 

 Ce droit d'annoblir les actions lesquelles d'elles-mesmes seroyent roturieres et indifferentes, appartient a la religion comme a la princesse des vertus; c'est une marque de sa souveraineté, dont elle s'y plait tant que jamais il n'y eut religion qui ne se servit de telles actions, lesquelles sont et s'appellent proprement ceremonies des lhors qu'elles entrent au service de la religion.

  A002000735 

 Et pour vray, puysque l'homme tout entier avec toutes ses actions et dependances doit honneur a Dieu, et qu'il est composé d'ame et de cors, d'interieur et d'exterieur, et qu'en l'exterieur il y a des actions indiffeérentes, ce n'est pas merveille si la religion, qui a le soin d'exiger de luy ce tribut, demande et reçoit en payement des actions exterieures, indifferentes et corporelles..

  A002000735 

 J'ay dit que c'est une ceremonie, et voici dequoy.

  A002000735 

 Le signe de la Croix est une ceremonie Chrestienne, representant la Passion de Nostre Seigneur par l'expression de la figure de la Croix faitte avec le simple mouvement.

  A002000736 

 Considerons le monde en sa naissance: Abel et Caïn font des offrandes; quelle autre vertu les a sollicités [212] a ce faire sinon la religion? Peu apres, le monde sort de l'arche, comme de son berceau, et tout incontinent un autel est dressé, et plusieurs bestes consommees sur iceluy en holocauste dont Dieu reçoit la fumee pour odeur de suavité.

  A002000737 

 Or je dis ainsy: que le signe de la Croix de soy-mesme n'a aucune force, ni vertu, ni qualité qui merite aucun honneur, et partant je confesse « que Dieu n'opere point par seules figures ou characteres, » comme dit le traitteur, et qu' « és choses naturelles la vertu procede [213] de l'essence et qualité d'icelles, és supernaturelles Dieu y besongne par vertu miraculeuse non attachee à signe ou figure; » mays je sçai aussi que Dieu, employant sa vertu miraculeuse, se sert bien souvent des signes, ceremonies, figures et caracteres, sans pourtant attacher son pouvoir a ces choses la. Moyse touchant la pierre avec sa verge, Helisee frappant sur l'eau avec le manteau d'Helie, les malades s'appliquans l'ombre de saint Pierre, les mouchoirs de saint Paul ou la robbe de Nostre Seigneur, les Apostres oignans d'huile plusieurs malades (choses qui n'estoyent aucunement commandees), que faisoyent-ilz autre que des pures ceremonies, lesquelles n'avoyent aucune naturelle vigueur et neanmoins estoyent employees pour des effectz admirables? Faudroit-il dire pour cela que la vertu de Dieu fut clouee et attachee a ces ceremonies? Au contraire, la vertu de Dieu, qui employe tant de sortes de signes et ceremonies, monstre par la qu'elle n'est attachee a aucun signe ni ceremonie..

  A002000738 

 Combien est-ce qu'en font les tisserans, peintres, tailleurs et autres, que personne n'honnore ni ne prise? parce que ces croix (autant en dis-je des caracteres et figures croisees que nous voyons es images profanes, fenestres, bastimens), ces croix, dis-je, ne sont pas destinees a l'honneur de Dieu ni a aucun usage religieux; mais quand ce signe est employé au service [214] de l'honneur de Dieu, d'indifferent qu'il estoit il devient une ceremonie sacrosainte, de laquelle Dieu se sert a plusieurs grans effectz.

  A002000738 

 J'ay dit qu'elle representoit par l'expression de la figure de la Croix, pour toucher la difference avec laquelle le signe de la Croix d'un costé, et l'Eucharistie de l'autre, representent le mistere de la Passion: car l'Eucharistie le represente principalement a rayson de la totale identité de celuy lequel y est offert et de celuy qui fut offert sur la Croix, qui n'est qu'un mesme Jesus Christ; mais le signe de la Croix fait le mesme exprimant la forme et figure de la Passion.

  A002000738 

 J'ay dit que ceste ceremonie estoit Chrestienne; d'autant que la Croix et tout ce qui la represente est folie aux payens, et scandale aux Juifz, lesquelz, comme a remarqué le docte Genebrard alleguant le Rabby Kimhi, l'ont en telle abomination, que mesme ilz ne la veulent pas nommer par son nom, mays l'appellent stamen et subtegmen, estaim et trame, qui sont les filetz que les tisserans croisent en faisant leur toile.

  A002000738 

 J'ay dit que ceste ceremonie representoit la Passion; et a la verité c'est son premier et principal usage duquel [215] tous les autres dependent, qui l'a fait differer de plusieurs autres ceremonies Chrestiennes qui servent a representer des autres misteres.

  A002000738 

 Les payens et autres infideles ont quelquefois usé de ce signe, mais par emprunt, non comme d'une ceremonie de leur religion ains de la nostre; et d'effect le traitteur confesse que le signe de la Croix est une marque de Chrestienté.

  A002000738 

 Que le signe de la Croix est une ceremonie; d'autant que, de sa qualité naturelle, un mouvement croisé n'est ni bon ni mauvais, ni louable ni vituperable.

  A002000739 

 On porte premier la main en haut vers la teste en disant, Au nom du Pere, pour monstrer que le Pere est la premiere Personne de la sainte Trinité et principe originaire des deux autres; puys on la porte en bas vers le ventre, en disant, et du Filz, pour monstrer que le Filz procede du Pere qui l'a envoyé ça bas au ventre de la Vierge; et de la, on traverse la main de l'espaule ou partie gauche a la droite, en disant, et du Saint Esprit, pour monstrer que le Saint Esprit, estant la troisiesme Personne de la sainte Trinité, procede du Pere et du Filz, et est leur lien d'amour et charité, et que par sa grace nous avons l'effect de la Passion.

  A002000739 

 Qu'il se face de la main droite, d'autant qu'elle est estimee la plus digne, comme dit Justin le Martyr.

  A002000743 

 A ce tesmoignage nous adjoindrons, à cause de briefveté, tous les autres suivans, qui sont jusques au nombre de dix, pource qu'ils se rapportent presque tous à ce qui est dit que les Chrestiens se signoient au front.

  A002000743 

 D'autre part, d'autant que les Payens se moquoient de la Croix de Jesus Christ, et disoient que c'estoit folie et honte de croire et esperer en un qui avoit esté crucifié et mort, tout au contraire les Chrestiens, sçachans que toute nostre gloire ne gist qu'en la Croix de Jesus Christ, et qu'icelle est la grande puissance et sagesse de Dieu en salut à tous croyans, ont voulu monstrer qu'ils n'avoient point honte d'icelle, et faisoient ouvertement ce signe pour dire qu'ils estoient des chevaliers croisez, c'est à dire des disciples de Jesus Christ.

  A002000743 

 Sermon des paroles de l'Apostre, chap. 3: Les sages de ce monde, dit-il, nous assaillent touchant la Croix de Christ, et disent, quel entendement avez-vous d'adorer un Dieu crucifié? Nous leur respondons: nous n'avons pas vostre entendement, nous n'avons point de honte de Jesus Christ ni de sa Croix, nous la fichons sur le front auquel lieu est le siege de pudeur; nous la mettons là, voire là, assavoir en la partie où la honte apparoist, afin que ce y soit fiché dont on n'aye point de honte.

  A002000743 

 » Le traitteur a escrit cela tout d'une haleyne; puys ailleurs, respondant a onze passages des Anciens allegués aux placquars, il dit ainsy: « Le quatorzieme est prins du troisieme traitté sur sainct Jean en ces mots: Si nous sommes Chrestiens nous attouchons à Jesus Christ, nous portons au front la marque d'icelui dont nous ne rougissons point si nous la portons aussi au cœur; la marque d'icelui est l'humilité d'icelui.

  A002000745 

 Il dit qu'ilz n'en ont pas parlé en l'intention qu'on pretend aujourd'huy: mais s'il entend de l'intention des Catholiques, je luy feray voir le contraire clair comme le soleil; s'il entend de l'intention que les ministres huguenotz imposent aux Catholiques, comme seroit ce que dit le traitteur d'attribuer au seul signe ce qui est propre au Crucifié, je confesse que les Anciens n'y ont pas pensé, c'est une imposture trop malicieuse..

  A002000747 

 Notes qu'il parle du tems de saint Augustin, auquel Calvin dit estre tout notoire et sans doute qu'il ne s'estoit fait nul changement de doctrine ni a Rome, ni aux autres villes; et le traitteur mesme confesse que ç'a esté seulement du tems de saint Gregoire que les yeux des Chrestiens ont commencé a ne voir plus gueres clair au service de Dieu; dont je discours ainsy: nul changement ne s'estoit fait en la doctrine, du tems de saint Augustin; or, du tems de saint Augustin on faisoit generalement le signe de la Croix; la doctrine donques de faire le signe de la Croix est pure et apostolique..

  A002000748 

 Il dit fort gentilement qu'on ne sçait « par qui ni comment » ceste coustume de se signer a esté anciennement introduitte: la ou je luy replique, avec saint Augustin, que « Ce que l'Eglise universelle tient, et n'a point esté institué par les Conciles mais a tousjours esté observé, est tres bien creu n'avoir esté baillé sinon par l'authorité apostolique »; et avec saint Leon, qu' « Il ne faut pas douter que tout ce qui est receu en l'Eglise pour coustume de devotion, ne provienne de la tradition apostolique et de la doctrine du Saint Esprit.

  A002000754 

 C'est ici une grande defense, laquelle a cause des pauvres est donnee gratis, et sans peyne pour les foibles, ceste grace estant de Dieu, le signe des fidelles et la crainte des diables.

  A002000754 

 On peut faire la Croix ou pour tesmoigner que l'on croit au Crucifix, et lhors c'est faire profession de la foy; ou bien pour monstrer que l'on espere et qu'on met sa confiance en ce mesme Sauveur, et lhors c'est invoquer Dieu a son ayde en vertu de la Passion de son Filz.

  A002000755 

 Or, quoy que les Anciens ayent rendu si general le signe de la Croix pour tous les rencontres et actions de nostre vie, comme une briefve et vive oraison exterieure par laquelle on invoque Dieu, si est-ce que je diray seulement comme elle a esté employee aux benedictions, consecrations, Sacremens, aux exorcismes, tentations, et aux miracles.

  A002000761 

 Ç'a esté une solemnelle observation aux Juifz et Chrestiens de prier par l'eslevation des mains, ains c'est une ceremonie tant naturelle que presque toutes nations l'ont employee, comme pour reconnoissance que le ciel est le domicile de la gloire de Dieu; tesmoin celuy qui disoit:.

  A002000769 

 Ainsy on leve la main quand on jure, car jurer n'est autre sinon invoquer Dieu a tesmoin; dont Esdras, voulant dire que Dieu avoit juré, il dit qu'il a levé la main, tant ceste coustume de lever la main est ordinaire aux sermens; et saint Jean, descrivant le serment du grand Ange, il dit qu' il leva la main au ciel.

  A002000769 

 Pour vray, l'essence de la priere est en l'ame, mais la voix, les actions et les autres signes exterieurs, par lesquelz on explique l'interieur, sont des nobles appartenances et tres utiles proprietés de l'oraison; ce sont ses effectz et operations.

  A002000770 

 Or la volonté de Dieu manifestee touchant ce poinct est que nous l'adorions et lui servions en esprit et verité, S. Jean, 4.

  A002000770 

 Voulant rendre rayson de ce que l'Escriture ne tesmoigne point expressement des miracles faitz par le bois de la Croix, au lieu de [228] dire que c'est parce que ces miracles-la ont esté faitz long teins apres que le Nouveau Testament fut escrit, qui est la vraye et claire rayson, il se met a dire en ceste sorte: « Certes, il semble qu'il n'y ait eu autre raison sinon que Dieu n'a pas voulu arrester les hommes à telles choses terriennes; comme aussi sainct Paul nous enseigne par son exemple que nous ne devons point cognoistre Jesus Christ selon la chair, 2.

  A002000771 

 J'ay monstré, au commencement du premier Livre, que ces reformés observent plusieurs ceremonies et coustumes outre et sans l'Escriture; ce n'est donq pas faute de trouver nos ceremonies en l'Escriture qu'ilz les blasment..

  A002000772 

 Aussi ceste Espouse est trop assistee de son Espoux pour broncher et decheoir en son chemin..

  A002000772 

 Et saint Paul, enseignant que les hommes doivent prier a teste nue et les femmes a teste couverte, qui n'est qu'une pure ceremonie, [229] il ne presse ceux qui voudroient chicaner au contraire, sinon de ceste parole: Nous n'avons point telle coustume, ni l'Eglise de Dieu.

  A002000773 

 Et pourquoy est-ce, o reformeurs, que vous pries mains jointes et agenouillés? Nous avons, dires-vous, l'exemple de Jesus Christ et des Apostres.

  A002000773 

 Mays si leur exemple a quelque pouvoir sur vous, que ne laves-vous les piedz avant la cene, comme Nostre Seigneur en a non seulement monstré l'exemple mais invité a iceluy? que n'oignes-vous vos malades d'huile, comme faisoyent les Apostres? que ne laisses-vous toutes vos possessions et commodités a leur exemple? que ne faites-vous la cene a la cene, c'est a dire au souper, et non au matin et des-jeuner? [230].

  A002000774 

 Les ceremonies sont-elles contraires a l'esprit et verité, pour bannir l'un par l'establissement de l'autre? Qui chargea Abraham, Aaron, Moyse, David, saint Paul, saint Pierre et mille autres, de prier les mains levees et les genoux en terre? et cela les empeschoit-il de prier en esprit et verité, ou d'estre vrays adorateurs? C'est une ignorance effrontee de tirer les Escritures a des sens tant ineptes; c'est une impieté formee, non pas une pieté reformee.

  A002000774 

 [231] Prier en esprit et verité c'est prier de bon cœur et affectionnement, sans feinte ni hypocrisie, et au reste y employer tout l'homme, l'ame et le cors, affin que ce que Dieu a conjoint ne soit separé.

  A002000774 

 » Une ame bien esmeuë est esmeuë par tout, en la langue, aux yeux, aux mains.

  A002000775 

 Si parce que saint Paul nous enseigne de ne connoistre pas Jesus Christ selon la chair il ne se faut amuser a la Croix, ni a semblables choses terriennes, pourquoy fait-on conte de la mort et Passion de Jesus Christ, qui n'appartiennent qu'a sa chair et pour le tems de sa mortalité? Que voules-vous dire, o traitteur? Qu'il ne faut connoistre Jesus Christ selon la chair? Si vous entendes selon vostre chair ou celle des autres hommes, je le confesse absolument; mais vous seres inepte de rejetter, par la, la Croix, car la Croix n'est ni selon vostre chair ni selon la mienne, elle luy est contraire et ennemie.

  A002000775 

 Si vous entendes selon la chair de Jesus Christ mesme, comme c'est le sens plus sortable, il ne faudra pas dire qu'absolument il ne faille connoistre et reconnoistre Jesus Christ selon [232] la chair; car n'est-il pas né de la Vierge selon la chair? n'est-il pas mort, resuscité et monté au ciel, selon la chair? n'a-il pas sa vraye chair a la dextre du Pere? n'est-ce pas sa chair reelle selon la verité, ou au moins le signe de sa chair selon la vanité de vos fantasies, qu'il nous a donnee en viande? faudroit-il donques oublier tout cela, avec le Mot caro factum est? Quand donques saint Paul dit qu'il ne connoit Jesus Christ selon la chair, c'est selon la chair de laquelle il parle ailleurs, disant que Jesus Christ es jour de sa chair a offert des prier es et supplications a son Pere; ou le mot de chair se prend pour mortalité, infirmité et passibilité, comme s'il eust dit que Jesus Christ, pendant les jours de sa chair mortelle, infirme et passible, a offert prieres et supplications a son Pere.

  A002000776 

 Or peut estre vouloit-il alleguer ce qui est dit en ce chap. III aux Colossiens, et qui joindroit bien mieux a son propos: Si vous estes resuscités avec Jesus Christ, cherches les choses qui sont en haut, la ou Jesus Christ est seant a la dextre du Pere; savoures les choses qui sont la sus, non celles qui sont sur la terre. Car, s'ensuivroit-il point de ces paroles qu'il ne faut tenir aucun conte de la Croix, de la Creche, du Sepulchre, et autres reliques de Nostre Seigneur qui sont ici bas en terre? A la verité cela seroit bien employé contre ceux qui arresteroyent leurs intentions et termineroyent leurs desirs aux choses qui sont icy bas; Cherches, leur diroit-on, ce qui est en haut: Sursum corda; mais nous ne tenons point arrestees nos affections ni a la Croix ni aux autres reliques, nous les portons au royaume des cieux, employans a la recherche d'iceluy toutes les choses qui nous peuvent ayder a relever nos cœurs vers Celuy auquel elles se rapportent: il faut monter au ciel, c'est la nostre visee et dernier sejour, les choses saintes d'icy bas nous servent d'eschellons pour y atteindre.

  A002000777 

 Cherches Jesus Christ et ce qui est en haut, ce me dites-vous.

  A002000777 

 Les mariniers, qui voguent a l'aspect et conduitte des estoilles, ne vont pas au ciel pour cela mais en terre, aussi ne visent-ilz pas au ciel sinon pour chercher la terre; au contraire, les Chrestiens, ne respirans qu'au ciel ou est leur thresor et le port asseuré de leurs esperances, regardent bien souvent aux choses d'icy bas, mais ce n'est pas pour aller a la terre, ains pour aller au ciel.

  A002000783 

 Puysqu'on peut prier par les saintes et legitimes ceremonies, pourquoy ne priera-on pas par le signe de la Croix, sainte et Chrestienne ceremonie? Mays parlons pour ce coup de la benediction des creatures qui a accoustumé d'estre faitte en l'Eglise, laquelle n'est autre qu'une priere et bon souhait par lequel on demande a Dieu quelque grace et bienfait pour la creature sur laquelle on a quelque advantage ou superiorité, car c'est sans contradiction que ce qui est moindre est beni par le meilleur.

  A002000784 

 L'autre estoit que le prestre eslevoit la main, comme tesmoignent les Rabbins, au rapport du bon et docte Genebrard, et qu'il est aysé a recueillir de la prattique qu'on voit en l'Escriture: Aaron, dit-elle, eslevant sa main vers le peuple, le benit; coustume laquelle prit son origine de la loy de nature, ainsy qu'il appert en la benediction que Jacob donna a ses petitz enfans, et a duré encores au tems de Nostre Seigneur, dont saint Matthieu dit que les Juifz luy amenoyent les petitz enfans a ce qu'il leur imposast les mains, c'est a dire a ce qu'il les benist.

  A002000785 

 Au lieu qu'anciennement on levoit ou imposoit simplement les mains, maintenant on exprime le signe de la Croix pour protester que toute benediction a son merite et valeur de la Passion de Jesus Christ, laquelle est encores appellee exaltation.

  A002000785 

 Mays puysque le Sauveur, dira peut estre l'huguenot, benissant ses Apostres, n'usa point du signe de la Croix, pourquoy est-ce que vous l'employes? Pour vray, je ne sçai si le Sauveur fit ce signe, car l'Escriture qui ne l'asseure pas ne le nie pas aussi; si sçai-je bien que le Crucifix mesme, benissant, n'a pas eu besoin d'user du signe de la Croix, car qu'a-il besoin de s'invoquer soy mesme, ou protester que la benediction vient de luy? Au demeurant, [238] le signe de la Croix estoit asses es mains de Nostre Seigneur sans qu'il fist aucun mouvement.

  A002000785 

 On invoque le nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit; c'est ce que l'on faisoit anciennement a couvert, car ou visoit, je vous prie, ceste repetition ternaire: Le Seigneur te benie, le Seigneur te monstre sa face, le Seigneur retourne son visage vers toy, sinon au [237] mistere de la tres sainte Trinité? aussi bien que la benediction de David: Dieu nous benie, nostre Dieu, Dieu nous benie? 2.

  A002000785 

 Que dira l'huguenot? Si on leve la main pour benir, c'est a l'imitation du Sauveur qui, montant au ciel, benit les Disciples eslevant les mains; si on fait le signe de la Croix, c'est pour monstrer d'ou nos benedictions ont leur vigueur et force.

  A002000786 

 » Aves-vous veu, traitteur, faire l'eau benite par le signe de la Croix? Theodoret en est mon autheur.

  A002000786 

 » Ce recit est de saint Epiphane, qui met le signe de la Croix en usage pour les benedictions.

  A002000787 

 Or, peu s'apperceurent de ceste tromperie, qui ne voulans plus adorer (c'est a dire honnorer), comme ilz souloyent au paravant, l'image de l'Empereur ainsy mise parmi ces idoles, comme elle estoit, en furent en fin martyrisés; mays le menu peuple, allant a la bonne foy sans y entendre autre mal, pensant seulement rendre l'honneur ordinaire a l'Empereur, faisoit la reverence a ces idoles.

  A002000787 

 Sozomene, qui raconte ceste histoire, ne dit pas qu'ilz fissent le signe de la Croix (affin que mon adversaire ne se trompe a penser que je me sois trompé, comme luy a fait si souvent), mais c'est saint Gregoire Nazianzene..

  A002000788 

 Ainsy saint Chrysostome atteste qu'on faisoit la Croix in Symposiis et Thalamis, c'est a dire, aux festins et litz nuptiaux; Tertullien, « aux bains, aux tables, aux chandelles »; Ephrem, « soit qu'on beust, soit qu'on mangeast »; Cyrille, « mangeant les pains, beuvant les couppes ».

  A002000788 

 Et de plus, mal est prins bien souvent a ceux qui ont mesprisé de faire ce saint signe avant que de manger et boire: tesmoin la religieuse qui mangea une laittue, et le religieux qui beut sans faire le signe de la Croix, qui furent aussi tost saisis du malin. Le traitteur fait deux reproches a ces tesmoignages: l'un, « Qui ne void, » dit-il, « que c'est fable? » L'autre: « Sainct Paul dit [244] que la viande nous est sanctifiee par la Parole de Dieu, et par la priere, et ne parle point du signe de Croix, ne d'autre.

  A002000788 

 Tesmoin saint Gregoire de Tours, en la gracieuse histoire qu'il escrit d'un prestre heretique qui voulant prévenir, non seulement a benir mais encor a manger, un bon prestre Catholique Romain (car le mot y est) qui estoit en mesme table, et l'ayant en effect prevenu au premier, second et troisiesme plat qu'on apporta sur table, au quatriesme en fin, l'ayant signé (l'humeur de son heresie ne portoit pas de rejetter le signe de la Croix comme fait celle des reformeurs), mettant le premier morceau en bouche il le trouva si chaud qu'il en creva, faisant un grand bruit, qui bailla occasion au nostre de dire, Periit memoria hujus cum sonitu, et a celuy qui les avoit chez soy, tous deux, de se faire Catholique sur le champ.

  A002000788 

 » Il a tort, car ces recitz n'ont rien d'impossible, rien d'inepte, et partent d'une bouche honnorable; c'est de saint Gregoire le Grand qui vaut mieux que tous ces reformés, en doctrine et authorité: sera-il donq permis au premier venu de desmentir ainsy les Anciens? Au demeurant, le dire de saint Paul, que les viandes sont sanctifiees par la priere, confirme ce que nous avons dit; car, parce que le signe de la Croix est une priere briefve, aysee, vigoureuse et ordinaire es benedictions des viandes, dire qu'a faute de faire la Croix le diable saisit un religieux et une religieuse, c'est a dire que ce fut a faute de faire ceste priere la, qui estoit la plus aysee et familiere, et a plus forte rayson autre quelcomque; bien qu'encores soit-il vray que le signe de la Croix a une particulière force contre les diables, outre celle qui est commune a toute priere, comme nous verrons cy apres.

  A002000794 

 Ou est-ce donques que le signe de la Croix est plus sortable qu'aux Sacremens, quand ce ne seroit que pour protester que la Passion est la fontaine des eaux salutaires qu'ilz nous communiquent? Les consecrations sont les plus excellentes invocations qui se fassent en l'Eglise: le saint signe, estant un si propre moyen de prier, ne peut estre mieux employé qu'a cest effect; aussi a ce esté une forme ordinaire a l'ancienne Eglise de consacrer avec le signe de la Croix.

  A002000795 

 C'est asses.

  A002000795 

 Es Liturgies de saint Jaques et de saint Chrysostome il est fort souvent commandé au prestre de faire le signe de la Croix; en celle de saint Basile, non seulement le prestre fait le signe de la Croix sur les offrandes, mais en fait encor trois sur le peuple, en forme de nos benedictions episcopales.

  A002000795 

 Saint Chrysostome: « Ainsy la Croix reluit en la [246] Table sacree, es ordinations des prestres, ainsy de rechef avec le Cors de Jesus Christ es Cenes mistiques; » et ailleurs, parlant de la Croix: « Tout ce qui profite a nostre salut est consommé par icelle; car estans regenerés, la Croix y est, quand nous sommes nourris de la tres sacree viande, lhors que nous sommes establis pour estre consacrés en l'Ordre, par tout et tousjours ceste enseigne de victoire nous assiste.

  A002000795 

 Saint Cyprien: « Nous nous glorifions en la Croix du Seigneur, de laquelle la vertu parfait tous les Sacremens, sans lequel signe il n'y a rien de saint, ni aucune consecration est reduitte a son effect »; et ailleurs: « En fin, quicomque soyent les administrateurs des Sacremens, quelles que soyent les mains avec lesquelles on baigne ou oigne ceux qui viennent au Baptesme, quelle poitrine que ce soit de laquelle les motz sacrés sortent, l'authorité ou vigueur de l'operation donne l'effect a tous les Sacremens en la figure de la Croix.

  A002000795 

 » Saint Augustin: « Si ce signe n'est appliqué ou au front des croyans, ou a l'eau mesme par laquelle ilz sont regenerés, ou a l'huile avec lequel ilz sont ointz de chresme, ou au sacrifice duquel ilz sont nourris, rien de tout cela n'est deüement parfait.

  A002000795 

 » Saint Denis Areopagite tesmoigne que le chresme estoit versé dans le baptistere en forme de croix, comme nous faisons encor maintenant; et traittant de la sainte Onction: « L'evesque, » dit-il, « commençant l'onction par le signe de la sainte Croix, laisse l'homme aux prestres pour estre oint par iceux par tout le cors »; parlant des saintz Ordres: « Or, » dit-il, « a chacun d'iceux le signe de la Croix est [247] imprimé par l'evesque benissant.

  A002000800 

 Or, parce qu'on a la honte au front, Celuy qui a dit: De celuy qui a honte de moy devant les hommes, j'auray honte de luy devant mon Pere qui est es cieux, il a mis sur le lieu de la honte et [249] pudeur la mesme ignominie que les payens mesprisent.

  A002000800 

 Vous oyes un homme, tançant quelqu'impudent, dire, il est effronté; qu'est cela a dire? Il n'a point de front, c'est a dire, il est eshonté.

  A002000801 

 Les Israelites avoient commandement de Dieu de faire ce qu'ils ont fait sur leurs surseuils, mais les Chrestiens n'ont point esté commandez de se signer sur le front; aussi en est procedé un erreur tres-pernicieux, né premierement de simplicité, accreu depuis par ignorance, et à present debattu par opiniastreté, d'attribuer au bois de la Croix ce qui est propre au seul Crucifié.

  A002000803 

 Et quoy? ne seroit-ce pas honnestement et par ordre d'estre assis, debout, ou du tout prosterné en terre? Pourquoy n'est-ce pas honnestement fait de se signer au front? Quel commandement avoyent Isaac et Jacob de benir leurs enfans? saint Jean de porter des habitz si grossiers, habiter es desertz et non en la mayson de son pere, ne boire ni vin ni cervoise, ne manger que locustes et miel sauvage, et porter ceste ceinture de peau? quant a sa ceinture il imitoit son Helie, mays sans commandement; et cependant ce sont choses que les Evangelistes ont estimees remarquables, aussi les ont-ilz remarquees.

  A002000803 

 II. Que c'est une expresse ignorance ou bestise de dire que jamais on ne se doit fonder sur l'exemple des hommes, ains sur les regles generales tirees du commandement de Dieu.

  A002000803 

 Ou est-il commandé de prier le genouïl en terre? Pour vray, Calvin ne l'a onques sceu trouver en autre lieu que la ou l'Apostre dit: Tout se face honnestement et par ordre.

  A002000803 

 Quand Helisee frappoit sur les eaux avec le manteau de son maistre, quel commandement en avoit-il? n'estoit-ce pas pour imiter ce que son maistre avoit fait peu auparavant? Lever et imposer les mains pour benir, comme nous avons ja remarqué cy dessus, ou fut-il commandé? et neanmoins la prattique en est tesmoignee par toute l'Escriture..

  A002000804 

 De ce genre est (affin que je cotte de premier ce qui est le premier et tres vulgaire) que nous signons du signe de la Croix ceux qui ont mis leur esperance en Jesus Christ: qui l'a enseigné par escrit? » Aves-vous ouÿ, petit traitteur, ce grand et ancien maistre, comme il tient l'observation de se signer au front pour toute commandee, quoy qu'elle ne soit expressement escritte? Que luy sçauries-vous opposer, sinon qu'il est homme, a vostre accoustumee? Et certes il est homme, mais tres chrestien et tres entendu en la loy Evangelique, regentant en l'Eglise au tems de sa plus grande pureté.

  A002000804 

 III. Que c'est une fauseté de dire que les Chrestiens n'ont point esté commandés de se signer sur le front; car, 1.

  A002000804 

 Item, si la figure est commandee, la chose figuree est bien asses recommandee, puysque la figure n'a esté prattiquee que pour recommander la chose figuree et nous asseurer de l'evenement d'icelle.

  A002000804 

 Je le confesse, mais je dis qu'on peut aussi prier en celle ci, aussi bien que levant les mains et les yeux; et puysque aux generaux commandemens de prier [252] Dieu, confesser la foy et faire profession de sa religion, le signe de la Croix n'est point forclos, pourquoy est-ce qu'on l'en forclorra? Calvin, confessant qu'on ne sçauroit monstrer par aucun texte expres que jamais enfant fut baptisé par les Apostres, dit neanmoins tout hardiment que « toutefois ce n'est pas a dire qu'ilz ne les ayent baptisés, veu que jamais n'en sont exclus quand il est fait mention que quelque famille a esté baptisee.

  A002000804 

 Mais, parce qu'il n'est pas du tout expres en l'Escriture, les Apostres le laisserent expressement en l'autre partie de la doctrine Chrestienne et Evangelique, appellee Tradition: « Quelle que soit la conversation et action qui nous exerce, nous touchons nostre front du signe de la Croix.

  A002000804 

 puysque le signe de la Croix est une profession de foy et invocation du Crucifix, il est asses commandé de se signer au front par tout ou il est commandé de faire profession de foy et invoquer Jesus Christ.

  A002000804 

 » Ce sont les paroles de l'ancien Tertullien; et saint Basile disoit peu apres: « Nous avons quelques articles qui sont prechés en l'Eglise de la doctrine baillee en escrit, nous en recevons aussi quelques autres de la tradition des Apostres laissee en mistere, » c'est a dire en secret, « lesquelz tous deux ont pareille force pour la pieté, et personne n'y contredit pour peu qu'il sçache quelz sont les droitz ecclesiastiques.

  A002000804 

 » On ne peut pas, diray-je a mesme, monstrer expressement que l'oraison qui se fait par le signe de la Croix soit expressement commandee, toutefois ce n'est pas a dire qu'elle ne le soit, veu que jamais elle n'est excluse quand il est commandé de prier.

  A002000805 

 Au reste, c'est une playsante gradation que celle que fait cest homme, disant que l'erreur d'honnorer la Croix est « né de simplicité, accreu par ignorance et debattu maintenant par opiniastreté.

  A002000805 

 Et ce pendant le traitteur calomnie, disant qu'on attribue au bois de la Croix ce qui est propre au Crucifié, car jamais nous n'y pensasmes ni ne le fismes, comme j'ay monstré cy devant.

  A002000805 

 IV. En fin je voudrais bien que le traitteur cottast le tems auquel est né l'erreur d'attribuer au bois ce qui est propre au Crucifié.

  A002000805 

 S'il entend parler de l'honneur de la Croix, qu'il reprend en l'Eglise Catholique, il ne [255] sçauroit monstrer quand il est né, car il a tousjours esté; et est inepte disant qu'il est né de simplicité, car saint Ambroise, saint Paulin, saint Augustin et mille autres telz Peres qui ont enseigné cest honneur, comme j'ay asses prouvé es deux premiers Livres, estoyent a la verité simples comme colombes, mais ilz estoyent aussi, a l'egal, prudens comme serpens; si que leur sainte simplicité ne pouvoit enfanter aucun erreur.

  A002000806 

 Ce que jadis estoit monstré en la lame d'or, nous est monstré au signe de la Croix; le sang de l'Evangile est plus pretieux que l'or de la Loy.

  A002000806 

 III. La troisiesme rayson, de se signer au front, est ainsy touchee par saint Hierosme: « Le prestre de l'ancienne Loy portoit une lame de tres fin or attachee a sa tiare, pendant sur le front, en laquelle estait gravé, Sanctum Domino: Saint au Seigneur; [256] et devoit tousjours avoir cest escriteau sur le front affin que Dieu luy fust propice.

  A002000807 

 IV. Le signe de la Croix est nostre estendart, il doit estre au lieu plus apparent de nostre ville.

  A002000807 

 V. C'est nostre trophee, il le faut lever au plus haut de nostre temple, et comme sur une honnorable colomne.

  A002000807 

 VI. C'est nostre couronne, il la faut sur nos testes.

  A002000807 

 VII. C'est nostre escusson, il le faut sur nostre portail et au frontispice de nos maysons.

  A002000807 

 VIII. C'est une marque honnorable, il la faut faire avec la main droitte comme plus noble, et la placer sur la plus illustre piece de nostre cors.

  A002000813 

 Mays, dit-il, sur quicomque vous verres Thau, ne le tues pas. Ce Thau, marque de sauvement, ne signifioit autre que la Croix; or, il estoit imprimé sur le front, c'est pourquoy nous faisons la Croix au front.

  A002000814 

 Car aussi Thau en Hebrieu signifie une marque ou un signe, et est tiré du mot Thavah, c'est à dire, signifier ou designer.

  A002000814 

 Mays quelle consequence en peut-on tirer contre nous? Faisons que ceste traduction fust la meilleure, n'y aurons-nous pas tousjours cest advantage, que le signe de la Croix, estant le plus excellent des purs et simples signes, et le grand signe du Filz de l'homme, il peut et doit estre entendu, plus proprement [259] qu'autre quelconque, sous le nom et mot absolu de marque ou signe? Car ainsy, quoy qu'il y peut avoir plusieurs signes du Filz de l'homme, quand toutefois il est parlé absolument du signe du Filz de l'homme, les Anciens l'ont entendu du signe de la Croix; et saint Hierosme, en l'epistre a Fabiole, prenant le signe d'Ezechiel, non pour la lettre Thau simplement, mays pour signe et marque en general, ne laisse pas pourtant de l'appliquer a la Croix: « Alhors, » dit-il, « selon la parole d'Ezechiel, le signe estoit fiché sur le front des gemissans; maintenant, portans la Croix nous disons, Seigneur, la lumiere de ta face est signee sur nous.

  A002000814 

 » Ainsy, quand il est dit en l'Apocalipse: Ne nuises point a la terre, ni a la mer, ni aux arbres, jusques a ce que nous ayons marqué les serviteurs de nostre Dieu en leurs frons, la marque dont il est question n'est autre que la Croix, comme sont d'advis Œcumene, Rupert, Anselme et plusieurs autres devanciers, avec grande rayson; car, quelle autre marque peut-on porter sur le front, plus honnorable devant Dieu le Pere, que celle de son Filz? et a quelle sorte de marque peut-on mieux déterminer toutes ces saintes paroles, qu'a celle de laquelle nous sçavons tous les plus grans serviteurs de Dieu avoir esté marqués et en avoir fait tant d'estat?.

  A002000815 

 II. Apres que le traitteur a ainsy colloqué son opinion touchant la version de ce lieu, il poursuit ainsy: « Vrai est que Theodotion et l'interpretation Vulgaire ont retenu le mot de Thau, le prenant materiellement comme on parle aux escholes, sur quoi plusieurs ont [260] philosophé à leur plaisir: car, comme le mesme sainct Hierosme escrit, les uns ont dit que par la lettre Thau, qui est la derniere de l'alphabet Hebrieu, estoient signifiez ceux qui avoient une science parfaite; les autres ont dit que par la mesme lettre estoit entendue la Loy, qui en Hebrieu est appelee Thorah, duquel mot la premiere lettre est Thau; et finalement le mesme sainct Hierosme, laissant le charactere dont a usé le Prophete, a recherché le charactere des Samaritains, et dit que Thau, entre les Samaritains, a la ressemblance d'une croix, mais il ne peint point la figure de ce Thau des Samaritains; et pourtant icelui, sentant que ce sien dire estoit recerché de trop loin, adjouste, incontinent apres, une autre exposition, c'est assavoir, que comme la lettre Thau est la derniere en l'alphabet, ainsi par icelle estoient representés les gens de bien estans de reste de la multitude des mal vivans.

  A002000817 

 C'est tres mal parlé de dire que plusieurs ont philosophé sur cela « à leur plaisir », entendant des anciennes considerations faittes sur ceste Prophetie; car ces anciens et graves espritz n'ont pas manié les Escritures a leur playsir, mais leur playsir par l'Escriture.

  A002000818 

 Aussi, quoy que saint Hierosme produise plusieurs sens, si ne sont-ilz pas contraires, mais peuvent tous joindre ensemble sur celuy que saint Hierosme estime le plus sortable, et lequel est plus doux et naïf: car le comble de connoissance, signifié par la fin et comble des lettres, qui est Thau, gist a sçavoir et prattiquer la Loy, laquelle est encor signifiee par Thau, d'autant que le mot Thorah, qui signifie la Loy, se commence par Thau.

  A002000818 

 C'est philosopher a l'honneur de Dieu, non pas a plaisir..

  A002000818 

 Or la Loy ne s'observe que par le reste et petit nombre des bons, et ce en vertu de la Croix et mort du Sauveur, le signe de laquelle est sur leur front, exprimé par la lettre Thau hebraïque.

  A002000819 

 Il proteste ouvertement que c'est son opinion, car, apres avoir allegué les deux premieres, il produit la troisiesme ainsy: « Mais affin que nous venions a nos affaires, par les anciennes lettres des Hebreux, desquelles jusques a ce jourd'huy les Samaritains se servent, la derniere lettre Thau a la ressemblance de la Croix, laquelle est peinte au front des Chrestiens et signee par la frequente inscription faite avec la main.

  A002000819 

 Mays, n'est-ce pas une trop grande ruse, de vouloir? faire croire que saint Hierosme ne s'est voulu arrester sur la troisiesme interpretation comme la sentant recherchee trop au loin, et que partant il a apporté l'autre? Certes, c'est une fauseté expresse; car, 1.

  A002000819 

 Quelle convenance y a-il entre le reste des meschans, et la derniere lettre de l'alphabet? mays elle est grande entre l'ancien Thau hebreu et la Croix, comme dit le mesme saint Hierosme.

  A002000819 

 la derniere interpretation est plus forcee, la troisiesme plus coulante.

  A002000820 

 Tant s'en faut donques que saint Hierosme ait laissé le caractere dont usa le Prophete, qu'au contraire il l'est allé rechercher dans l'antiquité des lettres hebraïques, qui estoit demeuree parmi les Samaritains.

  A002000821 

 « Mais soit, » dit-il, « que la lettre Thau ait esté peinte en charactere Hebrieu, ou en charactere Samaritain par une seule figure, il est aisé à voir qu'il y a peu de similitude à une croix entiere: [264] car le charactere Hebrieu est fait ainsi, ﬨ, et le charactere Samaritain ainsi, T, qui n'est pas la vraye figure d'une croix, car il y defaut la partie du dessus, où estoit fiché l'escriteau ou titre de la croix, comme l'a bien remarqué Lypsius, au chap. 10.

  A002000822 

 Ce n'est pas une croix, mais il ne s'en faut gueres.

  A002000823 

 Il a tort aussi d'alleguer que le caractere Hebreu est fait ainsy, ח, car c'est le caractere tel qu'on le fait aujourd'huy, duquel nous ne parlons pas, ains de celuy qui estoit au tems d'Ezechiel, lequel, comme dit saint Hierosme, ressembloit a la Croix..

  A002000824 

 Et quant au caractere Samaritain, je ne sçai s'il estoit du tout tel au tems de saint Hierosme qu'il est aujourd'huy.

  A002000828 

 Premierement il appert par ce qui est recité au huictieme et neufvieme chapitres d'Ezechiel, que tout ce qui est là dit, a esté representé en vision mentale, tellement que la chose n'a esté reellement faite.

  A002000829 

 C'est donc hors de raison que ce qui a esté dit pour un certain temps et lieu, et pour certaines personnes, soit destourné et assigné ailleurs que n'a jamais esté l'intention de l'Esprit de Dieu qui a parlé par la bouche d'Ezechiel.

  A002000829 

 « En second lieu, c'est chose claire, » dit le traitteur, « que ceste Prophetie estoit proprement et particulierement dressee contre la ville de Jerusalem, et l'execution d'icelle s'est veuë alors que les Babyloniens ont prins et rasé la ville de Jerusalem et emmené quelques restes du peuple en captivité.

  A002000830 

 Et ceste parole, Vous ne briseres pas un os d'iceluy, est entendue de Jesus Christ par saint Jean, et neanmoins elle fut ditte immediatement de l'aigneau Pascal.

  A002000830 

 Item, ce qui est dit es Livres des Rois, Je luy seray Pere et il me sera filz, ne s'entend-il pas tout droit, et en son premier sens, du roy Salomon, filz de Bersabee? neanmoins cela se rapporte et revient au Sauveur du monde, sinon que, pour retenir vos inepties en crédit, vous rejetties encor l'Epistre aux Hebreux, car ce texte y est appliqué formellement a Jesus Christ.

  A002000830 

 Je pourrois en alleguer plusieurs autres, mais voyla [270] presque la fleur des Anciens, mesmement Origene, saint Chrysostome et saint Hierosme pour les langues et proprietés des motz de l'Escriture: comme est-ce donques que le traitteur a osé si mal traitter nostre rayson tiree d'Ezechiel, laquelle a esté si bien traittee par ces doctes et anciens maistres?.

  A002000830 

 Or combien de Peres, lesquelz ont rapporté ce Thau d'Ezechiel a la Croix: Origene: « Le massacre ayant commencé en la personne des Saintz, ceux-la seulement furent sauvés que la lettre Thau, c'est a dire l'image de la Croix, avoit marqués.

  A002000830 

 Pour ne voir la raison qui a esmeu nos Peres a dire [269] quelque chose, on ne doit pour cela les juger des-raisonnables; il seroit mieux de dire comme cest autre: ce que j'en entens est beau, et aussi, crois-je, ce que je n'entens pas.

  A002000830 

 Que ores que ces paroles d'Ezechiel soyent dressees immediatement contre Hierusalem, c'est neanmoins une ignorante consequence de conclure qu'elles ne doivent estre appliquees a la Hierusalem spirituelle.

  A002000830 

 Saint Chrysostome: « Au nombre de 300, le mistere de la Croix est demonstré; la lettre T est la marque de trois cens, dont il est dit en Ezechiel: et tu escriras au front des gemissans Thau, et quicomque l'aura escrit sur luy ne sera point tué; car quicomque a l'estendart de la Croix en son front, celuy-la ne peut estre blessé par le diable.

  A002000830 

 » Saint Hierosme y est tout expres, des-ja cité ci dessus. Saint Augustin, es Questions sur les Juges, traittant du nombre de trois cens, rapporte aussi la lettre T au mistere de la Croix.

  A002000830 

 » Tertullien: « La lettre grecque Thau, et la nostre T, est la ressemblance de la Croix, laquelle il presageoit » (il parle d'Ezechiel) « devoir estre en nos frons vers la vraye et catholique Hierusalem.

  A002000831 

 Ainsy le Psalme LXXI, le dire du Livre des Rois et de l'Exode que j'ay allegué, est bien plus entierement observé en Jesus Christ qui en estoit le dernier sujet, qu'en Salomon ou en l'aigneau Pascal qui estoit le premier.

  A002000831 

 Aussi quand les Apostres appliquent les propheties et figures a nostre Sauveur ou a l'Eglise, ilz usent ordinairement de ces termes: Affin que ce qui est escrit fust accompli.

  A002000831 

 Puys donq que les Juifz ne furent point marqués de Thau, comme veut le traitteur, je conclus que pour bien verifier ceste vision, il faut que les Chrestiens, Israëlites spirituelz, en soyent marqués, c'est a dire, de la Croix, signifiee par le Thau..

  A002000831 

 » Ici je vous arreste, o traitteur, et vous somme de me dire si les termes d'Ezechiel ne portent pas que les gemissans seroyent marqués au front? vous ne le sçauries nier: ou donques ilz furent marqués, et lhors vous parles mal disant qu'ilz ne furent onques marqués, ou ilz ne furent point marqués, et lhors je vous demande quand c'est que la Prophetie fut verifiee ainsy exactement comme ses termes portent? Ce n'a pas esté en la Hierusalem temporelle, ce sera donq en la Hierusalem spirituelle, qui est l'Eglise.

  A002000832 

 Corinth., I. c'est lui qui nous a oincts et marquez, et qui nous a donné le gage de son Esprit en nos cœurs.

  A002000832 

 VII. Neanmoins, le traitteur poursuit ainsy: « Or donc, le vrai sens du passage d'Ezechiel est, que Dieu declare que lors que ce grand jugement seroit exercé sur la ville de Jerusalem, ceux seulement en seroient exemptez qui seroient marquez par l'Esprit de Dieu; et ceste façon de dire est prinse de ce qui se lit au chap. XI. d'Exode, où... il est commandé aux Israelites de mettre du sang de l'Agneau sur le surseuil de leurs habitations, afin que l'Ange voye la marque de ce sang et passe outre sans offenser les Israelites.

  A002000832 

 de l'Apocalypse est fait mention de ceux qui sont marquez, qui sont ceux qui sont appelez ailleurs esleus de Dieu, ou ceux que le Seigneur advouë pour siens pource qu'il les a comme cachettés de son seel, et, comme l'Escriture parle, a escrit leurs noms au livre de vie.

  A002000833 

 Que si ceste façon de dire du Prophete est prinse de la marque du sang de l'aigneau faitte sur les posteaux des Israëlites, elle se doit donq rapporter a une marque reelle et exterieure, car les sursueilz et posteaux furent reellement marqués et signés..

  A002000835 

 Pour vray, le suc de nostre bon heur est d'estre ointz et marqués [273] au cœur par nostre Maistre, mais le signe exterieur est encor requis, puysqu'on ne le peut mespriser sans rejetter l'interieur; et est rayson, puysque nos deux pieces sont a Jesus Christ, l'interieure et l'exterieure, qu'elles portent aussi toutes deux sa marque et son inscription.

  A002000841 

 Apres que le traitteur a tasché d'establir sa marque invisible d'Ezechiel par les marques des esleuz dont il est parlé en l'Apocalipse, il allegue en fin pour son intention la marque de la beste.

  A002000841 

 Les novateurs dient que non, et qu'estre signé de la marque de la beste n'est autre sinon estre serviteur de l'Antechrist, recevant et approuvant ses abominations.

  A002000841 

 Voyci ses motz: « En sens contraire est-il dit au XVI. de l'Apocalypse, que l'Ange verse sa phiole pour navrer de playe mauvaise ceux qui ont la marque de la beste, c'est à dire les serviteurs de l'Antechrist.

  A002000842 

 Ceste alternative, ou en leur main, ou en leur front, ne monstre-elle [277] pas que sera une marque perceptible, et autre que d'estre affectionné a l'Antechrist? Et comme pourroit-elle, autrement, mettre difference entre ceux qui avoyent pouvoir de traffiquer, et ceux qui ne l'avoyent pas, si elle n'estoit visible? comme sçauroit-on ceux qui auroyent le nombre, ou le nom, ou la marque, si elle estoit au cœur? Or, ce qui est dit au chapitre seiziesme de l'Apocalipse, se rapporte a ce qui avoit esté dit au chapitre treiziesme; si donq en l'un des lieux la marque de l'Antechrist est descritte visible, elle sera aussi visible et exterieure en l'autre, la chose est toute claire: c'est donq mal entendu de dire que ceste marque de l'Antechrist n'est point reelle ni perceptible.

  A002000842 

 Le diable, qui n'est qu'un esprit, ne se contente pas de recevoir l'hommage des sorciers, mais leur imprime une marque corporelle, comme font foi mille informations et procedures faites contre eux: qui doute donques [276] que cest homme de peché, si exact disciple du diable, n'en face de mesme, et qu'il ne veuille avoir, comme anciennement plusieurs faisoyent, des serviteurs marqués et stigmatiqués? 4.

  A002000842 

 Les motz de l'Apocalipse signifient proprement une marque reelle et exterieure, et n'y a point d'inconvenient a les entendre comme cela: pourquoy leur baillerois-je un sens estranger, puysque leur naturel est sortable? 2.

  A002000842 

 Que si l'Antechrist, comme singe, voulant faire et contrefaire le Christ, marquera ses gens au front, et par la les obligera a ne se point signer de la Croix, comme dit Hippolite, combien affectionnement devons-nous retenir l'usage de ce saint signe, pour protester que nous sommes Chrestiens et jamais n'obeirons a l'Antechrist? Les ministres avoyent enseigné leurs huguenotz que les couronnes des ecclesiastiques estoyent les marques de la beste, mais voyans qu'ilz ne pouvoyent porter une plus expresse marque de beste que de dire cela, puysque [278] d'un costé, la plus grande partie des papaux (qu'ilz appellent) ne la portent pas, et saint Jean tesmoigne que tous les sectateurs de la beste porteront sa marque, et d'autre costé, que ceux qui ne portent pas la couronne clericale ne laissent pas de trafiquer, et qu'au contraire le traffic est prohibé a ceux qui la portent, cela les a fait jetter a ceste interpretation, que la marque de la beste devoit estre invisible: c'est tousjours marque de beste, ou d'opiniastreté bestiale, comme je viens de monstrer..

  A002000843 

 Voyla dix raysons de faire et recevoir la Croix au front, tant au Baptesme et Confirmation qu'es autres occasions, a la suite de toute l'ancienne Eglise: dont saint Ambroise fait dire a la bienheuree sainte Agnes, que Nostre Seigneur l'avoit marquee en la face a fin qu'elle ne receust autre amoureux que luy; et saint Augustin, sur saint Jean: « Jesus Christ n'a pas voulu qu'une estoille fust son signe au front des fideles, mais sa Croix: par ou il fut humilié il est par la glorifié; » et Victor d'Utique descrivant le supplice fait a Armagaste, il dit que le tourment luy avoit tellement estiré le front, que la peau ne ressembloit qu'aux toiles d'araignes, tant elle estoit mince et estendue: « Le front, » dit-il, « sur lequel Jesus Christ avoit planté [279] l'estendart de sa Croix.

  A002000843 

 » Coustume, laquelle, comme elle est du tout mesprisee par les huguenotz, aussi estoit-elle superstitieusement observee par les Isins, heretiques Indois, qui non contens de faire simplement le signe de la Croix au baptesme de leurs enfans, le leur impriment sur le front avec un fer chaud.

  A002000849 

 Dequoy la preuve n'est pas malaysee, car quand ilz sacrifient a leurs dieux, si quelqu'un y assiste ayant le front signé, ilz ne font aucunement leurs sacrifices.

  A002000849 

 Saint Anthoine bravoit ainsy les diables: « Si vous aves quelque vigueur, si le Seigneur vous a baillé quelque pouvoir sur moy, venes, me voicy, devores celuy qui vous est accordé; que si vous ne pouves, pourquoy le tasches-vous en vain? car le signe de la Croix et la foy au Seigneur nous est un mur inexpugnable.

  A002000849 

 Saint Athanase: « Tout art magique est repoussé par le signe de la Croix, tout enchantement est levé.

  A002000849 

 Saint Cyrille Hierosolimitain: « C'est le signe des fidelles et la terreur des demons, car il a triomphé » (il parle de Nostre Seigneur) « d'iceux en ce signe; monstre-le hardiment, car voyans la Croix ilz se resouviennent du Crucifix, ilz craignent Celuy qui a froissé le chef du dragon.

  A002000849 

 Saint Ignace, disciple de saint Jean: « Le prince de ce monde se resjouit quand quelqu'un renie la Croix, car il a bien reconneu que la confession de la Croix estoit sa mort, d'autant que cestui ci est un trophee contre sa vertu, lequel voyant il s'effraye, et l'oyant [281] il craint.

  A002000849 

 Saint Martial, disciple de Nostre Seigneur: « Ayes tous-jours en esprit, en bouche et en signe, la Croix du Seigneur auquel vous aves creu, vray Dieu et Filz de Dieu; car la Croix du Seigneur est vostre armeure invincible contre Satan, heaume defendant la teste, cuirasse conservant la poitrine, bouclier rabattant les traitz du malin, espee qui ne permet que l'iniquité et embusches diaboliques de la meschante puissance s'approchent d'elle; par ce seul signe la victoire celeste nous a esté donnee, et par la Croix le Baptesme a esté sanctifié.

  A002000850 

 » La Croix le fortifie, et faire la Croix s'appelle « invoquer Jesus Christ », ce qui est remarquable..

  A002000851 

 » C'est certes tres bien dit a ce grand personnage..

  A002000852 

 Qu'advint-il de plus? Le mal reprend haleyne; il poursuit outre, il est animé a son entreprise, et les frayeurs le pressent de plus fort, il recourt l'autre fois au signe de la Croix et les diables sont domptés.

  A002000852 

 Vincit quod pejus est, hæc dixit simul et persuasit. » [285] Ce sont paroles de saint Gregoire Nazianzene, qui recite l'histoire, avec Theodoret et l' Histoire tripartite..

  A002000853 

 Saint Gregoire le Grand raconte qu'un Juif, se trouvant une nuit en un temple d'Apollo ou plusieurs diables estoyent assemblés comme tenans conseil, s'estant signé de la Croix, il ne peut onques estre offensé par iceux; d'autant, disoyent-ilz, que « c'est un vaisseau vuide, mays il est marqué.

  A002000853 

 » C'est asses pour mon entreprise; mays, oyons ce que le traitteur dira a ceci, car il parlera a quel pris que ce soit..

  A002000854 

 Mays que peut-il [286] cotter d'absurde en ce recit pour le rejetter, partant de si bon lieu comme est le tesmoignage de saint Gregoire? Sera-ce que les diables tiennent des assemblees et conseilz? mays l'Escriture y est expresse, et saint Jean Cassian raconte un pareil exemple.

  A002000854 

 Qui a donques peu inciter ce traitteur a faire ce jugement contre saint Gregoire, sinon la rage dont il est animé pour soustenir ses opinions?.

  A002000855 

 Car il ne suffit pas de dire que quelque chose soit advenue, mais il faut sçavoir si Dieu en est l'autheur, si c'est chose qui tende au salut des hommes et à la gloire de Dieu... 2.

  A002000855 

 Et parlant de l'exemple de Julien l'Apostat, il dit que l'exemple d'un tel miserable ne doit estre allegué pour establir une doctrine en l'Eglise, cartel exemple n'est pas louable... tellement qu'on peut bien faire ceste conclusion: puis que Julian l'Apostat et semblables ont fait ce signe et en ont esté, comme on dit, secourus, il est apparent que cela ne procede de Dieu, ains qu'il est venu de Satan qui l'a de plus en plus voulu troubler et enlacer, par le juste jugement de Dieu.

  A002000855 

 Il s'est peu faire que pour engraver au cœur des hommes une plus profonde pensee de la mort et passion de Nostre Seigneur Jesus Christ, sur les commencemens de la predication Evangelique Dieu quelquesfois a voulu qu'il se soit fait des choses extraordinaires; et pourtant, si alors il a pleu à Dieu monstrer quelques fois sa debonnaireté aux siens, il le faut recognoistre pour le remercier de son support.

  A002000856 

 J'oppose que, puysqu'il s'est peu faire que les merveilles faittes a la Croix ayent esté faittes par la force de Dieu, pour engraver la pensee de la mort et passion de nostre Sauveur au cœur des hommes, comme le traitteur confesse, il a eu tort et s'est monstré trop passionné d'aller rechercher une autre cause de ces miracles, car celle ci est plus a l'honneur de Dieu et au salut des hommes que non pas de dire que le diable en a esté l'autheur, comme le mesme traitteur dit par apres.

  A002000856 

 J'oppose, que c'est ouvrir la porte a la mescreance, laquelle, a tous les miracles des exorcismes, tant de Nostre Seigneur que de ses disciples, respondra que le [290] diable fait semblant de reculer pour mieux avancer.

  A002000856 

 Le mot de Tertullien est memorable; persuadant a sa femme de ne se remarier point a un infidelle: « Te cacheras-tu, » dit-il, « lhors que tu signes ton lit et ton cors? ne semblera-il pas que tu faces une action magique? » Voyes-vous comme Tertullien attribue aux payens le dire des huguenotz, a sçavoir, que le signe de la Croix sert a la magie? 4.

  A002000856 

 N'est-ce pas la gloire de Dieu et le bien des hommes que le diable soit dompté et rejetté? Certes, entre les grans effectz de la crucifixion du Filz de Dieu, il y conte luy-mesme celuy ci: Maintenant le prince de ce monde sera mis dehors; et c'est cela qui fait que le diable fuit devant la Croix comme devant la vive representation de ceste crucifixion.

  A002000856 

 leur contrarieté, incertitude et doute; il ne sçait a qui bailler l'honneur de ces evenemens: « Si c'est par la force de Jesus Christ... si c'est [288] par mauvais moyens... Il s'est peu faire que pour engraver une plus profonde pensee de la mort et passion de Jesus Christ... Que si ç'a esté Dieu donnant efficace d'erreur à Satan pour decevoir les hommes... » Quelz embarrassemens: monstre-il pas, avec ces irresolutions, qu'il est bien empesché, et qu'il va sondant le guay pour essayer s'il pourra trouver quelque response? 2.

  A002000857 

 Et de vray, qu'y aura-il de resolu au monde s'il est loysible de bailler ces sens aux miracles et actions extraordinaires? sera-il pas aysé a l'obstination d'attribuer la resuscitation des mortz mesmes aux illusions diaboliques? Mays qu'estoit-il besoin au diable de faire le fin avec Julien l'Apostat, nomplus qu'avec le Juif duquel saint Gregoire le Grand fait le recit? qu'eust-il pretendu par ceste simulation, avec des gens qui luy estoyent des-ja tout voués? que pouvoit-il acquerir davantage sur Julien, qui l'adoroit et descendoit pour se rendre a luy? Notes, je vous prie, le mot de saint Gregoire Nazianzene, quand il dit que Julien eut recours « au viel remede », c'est a sçavoir, a la Croix, remede qu'il avoit appris du tems qu'il estoit Catholique.

  A002000857 

 Et quant au fait de Julien l'Apostat, lequel le traitteur dit ne devoir estre suivi, ains plustost rejetté, je remonstre que c'est un trait de mauvaise foy au traitteur de gauchir ainsy a la rayson vive; car, qui produit onques ce fait comme de Julien l'Apostat? On l'avance pour monstrer que le signe de la Croix a tant de vertu contre les malins, que non seulement ilz le craignent en bonnes mains, mais encor es mains de qui que ce soit, dequoy le cas advenu a Julien fait une claire preuve.

  A002000857 

 Vincit quod deterius est, dit saint Gregoire Nazianzene, « le pis l'emporte; » mais s'il eust veu le traitteur attribuer la fuite des malins a ruse et stratageme, comme s'ilz faisoyent les fins, feignans de fuir pour surprendre leur homme, je crois qu'il eust dit, Vincit quod pessimum est: le pis du pire l'emporte.

  A002000858 

 Cela va bien; mais la Croix n'est pas faux prophete, c'est un signe saint, signe de Christianisme, comme a confessé le traitteur mesme, dont en la main de qui qu'il soit le diable le craint.

  A002000865 

 La Croix pour deux raysons a tant de vigueur contre l'ennemy: l'une, d'autant qu'elle luy represente la mort du Sauveur qui le dompta et subjugua, ce que sa superbe obstinee hait et craint extremement; l'autre, parce que le signe de la Croix est une courte et pregnante invocation du Redempteur, et en ceste derniere consideration il peut estre employé en toutes occasions ou peut estre employee la priere et oraison.

  A002000865 

 Or, quelle occasion peut-on penser ou la priere ne soit utile? soit pour chasser les venins, rendre la veuë aux aveugles, guerir les maladies, estre garanti de ses ennemis: tel est l'usage du saint signe..

  A002000866 

 Il accuse sa feinte et simulation, et son seducteur tout ensemble, avec la somme d'argent qu'il avoit receuë pour ce jeu auquel il perdit la veuë, et demande ayde et remede a nos Evesques Catholiques, lesquelz ayans sondé sa foy eurent pitié de luy, « et se prevenans l'un l'autre d'un mutuel honneur, » (ce sont les propres paroles de saint Gregoire de Tours, qui est mon autheur) « une sainte contention s'esmeut entre eux qui seroit celuy-la qui feroit le signe de la bienheureuse Croix sur ses yeux: Vindimialis et Longinus prioyent Eugene, Eugene au contraire les prioit qu'ilz luy imposent les mains; ce qu'ayans fait et luy tenans les mains sur la teste, saint Eugene, faisant le signe de la Croix sur les yeux de l'aveugle, dit: Au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit, vray Dieu, lequel nous confessons trine en une egalité et toute puissance, que tes yeux soyent ouvertz; et tout aussi tost, la douleur ostee, il revint a sa premiere santé.

  A002000866 

 L'histoire de Cyrola, evesque arien, et de son aveugle est illustre.

  A002000867 

 Il y a, en ceste histoire, trois ou quattre pointz de mauvaise digestion pour vostre estomach, o traitteur, si vous n'estes gueri despuys vostre traitté: les eglises des Saintz, ou l'on va prier Dieu; les saintes psalmodies avec les Litanies, en forme de processions; la benediction episcopale sur le peuple avec le signe de la Croix (Sanctus Episcopus illos consignans, dit saint Amphilochius, qui est mon autheur); le signe de la Croix employé pour faire ce miracle; et ce qu'il est dit, que saint Basile estant entré fit le divin mistere, fecit divinum mysterium, car c'est une phrase qui n'est pas sortable ni a la priere, laquelle ilz avoyent ja faitte toute la nuit, ni au sermon, car precher ne s'appelle pas, faire, mais publier, le divin mistere, ni certes a vostre cene, en laquelle il ne se fait rien de divin, mais s'administre seulement un pain ja fait et preparé.

  A002000867 

 Les Ariens de Nicee obtindrent de Valens, empereur heretique, l'eglise des Catholiques: saint Basile, adverti de cela, recourt a l'Empereur mesme, et luy remonstre si vivement le tort qu'il faisoit aux Catholiques, que l'Empereur en fin laissa au pouvoir de saint Basile de decider ce different, avec ceste seule condition, qu'il ne se laisseroit point transporter au zele de son parti, c'est a dire, des Catholiques, au prejudice des Ariens.

  A002000867 

 Si vous dites que saint Amphiloche attribue le miracle [298] a la vertu de l'oraison, c'est ce que je veux: car le signe de la Croix est une partie de l'oraison que fit saint Basile, tant sur le peuple le benissant, que sur les portes les signant; et a quel autre effect l'eust-il employé?.

  A002000868 

 C'est estre insensé, car qui dit jamais qu'aucune guerison ou miracle, fait ou par le signe de la Croix ou autrement, doive estre rapporté a autre qu'a Dieu seul, qui est le Dieu de toute consolation? Nostre different gist a sçavoir si Dieu employe le signe de la Croix a faire des miracles par les hommes, puysque c'est chose hors de doute qu'il employe bien souvent plusieurs choses aux effectz surnaturelz.

  A002000868 

 Le traitteur dit que non, et ne sçait pourquoy nous disons qu'ouy et le prouvons par experience; est-ce pas ineptie de repliquer que c'est Dieu qui fait ces miracles, puysqu'on ne demande pas qui les fait, mais comment et [299] par quelz instrumens et moyens? C'est Dieu qui la guerit, et pouvoit la guerir sans la renvoyer a l'autre femme qui la signa; il ne veut pas, mais la renvoye a ces moyens desquelz il se veut servir.

  A002000868 

 Le traitteur, a ce coup, est bien empesché; il chancelle, et ayant fait le recit de l'histoire tres impertinemment, tasche de se desrobber a ceste pointe que luy avoit jettee le placquart.

  A002000868 

 Une dame Carthaginoise avoit un chancre au tetin, mal, selon l'advis d'Hippocrate, du tout incurable; elle se recommande a Dieu, et, s'approchant Pasques, elle est advertie en sommeil d'aller au baptistere et se faire signer de la Croix par la premiere femme baptisee qu'elle rencontreroit: elle le fait, et soudain elle est guerie.

  A002000868 

 Voulons-nous estre plus sages que luy, et dire que ces moyens ne sont pas sortables? il luy plait que nous les employions, les voulons-nous rejetter? Or c'est saint Augustin qui est autheur de ce recit, et l'estime tellement propre a la louange de Dieu, qu'il dit tout suivant qu'il avoit fort tancé ceste dame guerie de ce qu'elle n'avoit pas asses publié ce miracle.

  A002000868 

 » Cela n'est aucunement ni vray ni a propos, car elle ne fut point advertie de remarquer l'autre avec le signe de la Croix, mays de se faire signer elle mesme du signe de la Croix sur le lieu du mal.

  A002000869 

 Si que les Anciens faisoyent grande profession de prier Dieu levans les bras haut en forme de croix, comme il appert de mille tesmoignages, mays sur tout de celuy que j'ay produit de l'ancien Origene, cy dessus: par ou, non seulement ilz faisoyent comme un perpetuel signe de Croix, mays mortifioyent encores la chair, imitans Moyse qui surmonta Amalech lhors qu'il prioit Dieu en ceste sorte, figurant et presageant la Croix de Nostre Seigneur qui est la source de toutes les faveurs que peuvent recevoir nos prieres.

  A002000882 

 Apres que le traitteur a mis en campaigne sa solemnelle distinction entre l'honneur civil et l'honneur conscientieux, que j'ay suffisamment renversee en mon Avant-Propos, il fait de sursaut ceste desgainee: « Vray est que les questionnaires ne se sont pas teus là dessus, car on a demandé de quelle sorte d'honneur elle devoit estre adoree.

  A002000882 

 Quelques uns ont dit que la vraye Croix, qui avoit touché au corps de Jesus Christ, devoit estre adoree de latrie, ou pour le moins de hyperdulie, mais que les autres devoient estre servies de l'honneur de dulie; c'est à dire, que la vraye [303] Croix devoit estre reveree de l'honneur deu à Christ, et les autres croix devoient estre honorees de l'honneur que les serviteurs doivent à leurs maistres: et c'est la belle resolution du present second plaquard.

  A002000884 

 Et remarque ce pendant que les questionnaires, qui espluchent si menuement les differences d'honneur qu'on doit a la Croix, monstrent asses qu'ilz sont saisis de la sainte et pure jalousie de laquelle j'ay traitté en l'Avant-Propos: car, comme ilz veulent attribuer a la Croix l'honneur qui luy est deu, selon le rang qu'elle tient entre les dependances de nostre Sauveur, aussi prennent-ilz soigneusement garde de ne luy en bailler que ce qu'il faut, et sur tout de n'alterer en rien l'honneur de Dieu, ni baillant moins de respect a sa Croix, ni plus aussi, qu'il ne veut et requiert.

  A002000884 

 Par ou le traitteur est asses convaincu de calomnie, quand il nous accuse de bailler des compaignons a Dieu.

  A002000884 

 Si est-ce que, parce que ce traitteur produit les questions des scholastiques avec supercherie, je veux en peu de paroles descouvrir en ce Livre, le plus naïfvement que je sçauray, la doctrine Catholique touchant la qualité de l'honneur deu a la Croix.

  A002000890 

 J'ay besoin de dire un mot de l'honneur, parce que l'adoration est une espece et sorte d'iceluy.

  A002000890 

 L'honneur, donques, est une protestation ou reconnoissance de l'excellence de la bonté de quelqu'un.

  A002000891 

 Connoistre la bonté excellente d'une personne n'est pas l'honnorer; l'envieux et malin connoist l'excellence de son ennemy, et ne laisse pourtant de le vituperer.

  A002000891 

 Faire des reverences et demonstrations exterieures a quelqu'un n'est pas aussi l'honnorer; les flatteurs et affronteurs en font a ceux qu'ilz tiennent les plus indignes du monde.

  A002000891 

 L'amour est causé par la connoissance de quelque bonté, l'honneur par la connoissance de l'excellence de la [305] bonté.

  A002000891 

 La seule determination de la volonté, par laquelle on tient en conte et respect une personne selon l'apprehension qu'on a de sa bonté, est celle la en laquelle gist la vraye essence de l'honneur.

  A002000891 

 Si donq je dis que l'honneur est une protestation ou reconnoissance, je l'entends, non de celle qui se fait par les apparences exterieures, autrement les Anges et espritz ne sçauroyent honnorer, mays de celle qui se passe en la volonté qui se resoult d'estimer une personne selon son merite, car ceste resolution est la vraye et essentielle forme de l'honneur..

  A002000892 

 Et quel bien honneste y a-il, que la vertu et ses appartenances? La bonté donques, de laquelle l'honneur est une reconnoissance, ne peut estre que de ce rang.

  A002000892 

 L'honneur tend du tout a l'honneste, le mot mesme le porte; aussi l'honnesteté n'est ditte telle, que parce qu'en elle gist l'estat et l'arrest de l'honneur: honestas, dit Isidore, quasi honoris status.

  A002000892 

 Or, si l'honneur gist proprement en la volonté, il faut qu'il tende au bien, qui est le seul objet d'icelle; jamais elle ne s'employe sinon a son but et objet, ou aux appartenances d'iceluy.

  A002000892 

 Or, si le bien honneste ou la vertu se considere simplement comme bien, il sera aussi simplement et seulement en objet a l'amour; mays si on le considere comme excellent, eminent et superieur, c'est lhors qu'il s'attirera l'honneur comme son propre tribut, lequel a son naturel mouvement au bien honneste sous la consideration particuliere de quelque excellence et eminence: de quelque excellence, dis-je, car, soit que le [306] bien honneste ayt quelque excellence sur celuy qui honnore ou non, il suffit qu'il ayt quelque excellence pour estre un vray sujet de l'honneur.

  A002000893 

 Bref, le viel mot est certain: L'honneur est le loyer de la vertu.

  A002000893 

 Et quand j'ay dit, de la bonté de quelqu'un, c'est a dire, de quelque personne, j'ay eu ceste rayson: l'excellence de la bonté, laquelle est le propre objet de l'honneur, n'est sinon la vertu; la vertu ne se trouve sinon es personnes: donques l'honneur ne se rapporte ou mediatement ou immediatement qu'aux personnes, lesquelles sont le sujet lequel est honnoré, et leur vertu le sujet pour lequel elles sont honnorees, objectum quod et objectum quo, disent nos scholastiques.

  A002000893 

 L'honneur du magistrat passe et revient a Dieu et a la republique qu'il represente; l'honneur de la viellesse, a la sagesse, de laquelle elle est une honnorable marque; l'honneur de la science, a la diligence et autres vertus, desquelles elle est et l'effect et la cause.

  A002000893 

 Que s'il est dit quelquefois que les choses inanimees et les diables donnent honneur a Dieu, ce n'est pas que cest honneur-la sorte de ces choses comme de la cause, mais seulement comme d'un'occasion que les hommes en prennent d'honnorer Dieu; ou c'est parce que telles choses font les exterieures demonstrations d'honneur, lesquelles, quoy que privees de leur ame, qui est l'intention interieure, ne laissent pas de retenir devant les peuples le nom d'honneur, ainsy que l'homme mort est appellé homme.

  A002000893 

 Si ces choses honnoroyent la vertu, elles seroyent honnorables elles mesmes pour ce respect, d'autant qu'honnorer la vertu est chose honnorable; comme au contraire, qui est honnorable il peut honnorer, car il a la vertu, et la vertu ne peut loger qu'en ceux qui la prisent et honnorent.

  A002000897 

 Son opinion est en un mot: « Adorer, c'est s'encliner, faire encensemens, ployer les genoux.

  A002000897 

 » Mon Dieu, que cela est grossier; mettons en avant la verité, elle renversera asses d'elle mesme le mensonge..

  A002000898 

 L'adoration est une speciale maniere et sorte d'honneur: car l'excellente bonté pour laquelle on honnore un autre peut estre de deux façons; ou elle est eminente, superieure et advantageuse sur celuy qui honnore, ou non.

  A002000898 

 Si elle ne l'est pas, il n'y a lieu que pour le simple honneur, tel qu'il peut estre mesme de pair a pair, voire de superieur a inferieur, et duquel parle l'Apostre quand il dit, Honore invicem prævenientes: vous prevenans en honneur; et saint Pierre disant, omnes honorate: honnores un chacun; dont il est dit mesmement qu'Assuerus honnora Mardochee.

  A002000898 

 Si, au contraire, l'excellence de la bonté pour laquelle on honnore se trouve superieure et advantageuse sur l'honnorant, lhors il y va, non d'un simple honneur, mays de l'honneur d'adoration; et partant, comme l'honneur n'est que la profession ou reconnoissance de l'excellence de la [309] bonté de quelqu'un, aussi l'adoration est la reconnoissance de l'excellence de la bonté eminente et superieure a l'endroit de celuy qui honnore.

  A002000899 

 Et, pour la troisiesme, il faut faire au dehors des signes et demonstrations de la sousmission qui est en la volonté..

  A002000899 

 Il faut connoistre et apprehender la superieurité de l'excellence adorable; c'est la premiere action, laquelle appartient a l'entendement.

  A002000899 

 Or, a bien honnorer, comme j'ay dit ci devant, il y va trois actions; il y en va bien autant, et a plus forte rayson, a bien adorer, puysqu'adorer n'est autre qu'une excellente sorte d'honnorer.

  A002000900 

 Ceste premiere action n'est que le fondement et principe de tout l'edifice de l'adoration, ce n'est pas l'edifice mesme..

  A002000900 

 Mays en laquelle de ces actions consiste la vraye et propre substance de l'adoration? Ce n'est pas en la premiere, car les diables et ceux desquelz parle saint Paul, qui, connoissans Dieu, ne l'ont pas glorifié comme Dieu, ains secoüans le joug ont dit, nous ne servirons point, ilz l'ont conneu, mays non pas reconneu.

  A002000901 

 Sera-ce point donques la troisiesme action, du tout exterieure et corporelle, en laquelle gist la vraye essence de l'adoration? Le traitteur le dit, comme vous aves veu: « Adorer, c'est s'encliner, faire encensemens, ployer les genoux.

  A002000902 

 Que s'il est dit qu'ilz jettent leurs couronnes aux piedz de Celuy qui sied au throsne, bien que leur adoration soit exprimee par une action exterieure si ne se doit-elle pas entendre que de l'esprit; car, comme leurs couronnes et felicités sont spirituelles, aussi l'hommage, reconnoissance et sousmission qu'ilz en font, n'est que purement spirituelle..

  A002000906 

 Aussi use l'Escriture de ces mots pour descrire les idolatres, que ils se sont courbez, qu'ils ont fait encensemens, ont baisé la main ou les levres; ce que font ceux de l'Eglise Romaine à leurs images, reliques et Croix: dont la conclusion est manifeste, que s'ils ne sont idolatres, si font-ils ce que font les idolatres.

  A002000906 

 Considerons donq un peu quelles raysons le traitteur produit pour monstrer qu' « adorer, c'est s'encliner, faire encensemens, ployer les genoux.

  A002000906 

 Flechir le genouïl, voire se prosterner en terre, est une action indifferente et n'a aucun bien ni aucun mal que par l'objet auquel on la dresse, c'est de l'intention dont elle procede qu'elle a sa difference de bonté ou de malice.

  A002000906 

 L'idolatre dresse toutes ses actions a l'idole, c'est cela qui le fait idolatre; au contraire, l'intention du Catholique, en toutes ses actions, est toute portee a son Dieu, c'est cela qui le fait Catholique.

  A002000906 

 La consequence est sotte; car encor que ces actions soyent pareilles es uns et es autres d'estoffe et de matiere, si ne le sont-elles pas de forme, de façon et intention: or, Dieu ne regarde pas tant ce qui se fait, comme la maniere avec laquelle il se fait.

  A002000906 

 Le tyran et le prince font mourir, a l'un c'est crime, a l'autre justice; le brigand et chirurgien couppent les membres et tirent du sang, l'un pour tuer, l'autre pour guerir.

  A002000906 

 Nous faisons quelque chose de ce que font les idolatres, mais nous ne faisons rien comme eux: l'objet de nostre Religion est Dieu vivant, qui la rend toute sainte et sacree..

  A002000906 

 Pour faire que flechir le genouïl soit idolatrie, il y faut deux parties: l'une, que ce soit a un idole, car qui flechiroit le genouïl au nom de Jesus, comme il est raysonnable que chacun face, ou devant prince, seroit-il idolatre? l'autre, que non seulement le genouïl flechisse a l'idole, mays que ce soit volontairement; il faut que le cœur plie a mesme que le cors, car l'idolatrie, comme tout autre peché, prend a l'ame et a l'intention, que si l'exterieur a quelque mal il sort de la comme de sa source.

  A002000906 

 Qui est affectionné aux idoles, quand il n'auroit [312] ni genouïl ni jambe et seroit plus immobile qu'une pierre, il est neanmoins vray idolatre; et, au contraire, qui auroit tous-jours les genoux plantés en terre ne seroit pour tout cela idolatre sans ces deux conditions, l'une, qu'il fust ainsy volontairement, l'autre, que ce fust a l'honneur d'un idole.

  A002000906 

 » Est-il possible que ce traitteur ait escrit ces choses veillant? Si le flechissement de genouïl estoit idolatrie, on ne sçauroit aller sans idolatrer, car pour aller il faut flechir le genouïl.

  A002000907 

 Il faut donq conclure indubitablement que la vraye et pure essence de l'adoration gist en l'action interieure [313] de la volonté, par laquelle on se sousmet a celuy qui est adoré; et que la connoissance, action de l'entendement, precede la sousmission comme fondement; au contraire, l'action exterieure suit la sousmission comme effect et dependance d'icelle.

  A002000913 

 L'adoration est une sorte d'honneur, l'honneur est pour la vertu: or ces miserables n'ont aucune affection a la vertu, et toutefois en ceste affection gist l'essence de l'honneur.

  A002000913 

 L'honneur part d'une volonté bien ordonnee, qui fait profession et reconnoissance de quelque excellence: [315] les damnés ont leur volonté toute desordonnee et gastee, qui ne fait profession que de mal; s'ilz reconnoissent quelque superieurité, ce n'est jamais que forcement et ne peut estre adoration.

  A002000913 

 La supreme excellence est adorable de tous et ne peut adorer aucun: si elle est supreme, comme pourra-elle en reconnoistre aucune autre pour superieure? Les advantages que l'excellence divine tient sur tout autre sont infinis, et d'infinie eminence, tout est bas ou rien en comparaison.

  A002000914 

 Mays quant a la passive, les seulz damnés en sont du tout et simplement privés, par ces raysons: l'excellence de leur nature ne tend a aucune bonté, ains est irrevocablement contournee au mal; or, tout honneur tend a la vertu et honnesteté; leur excellence est accablee et estouffee par l'extreme misere et vileté.

  A002000920 

 Abraham adore le peuple de la terre, c'est a dire les enfans de Heth, c'estoyent des creatures; de mesme son parent Loth, Josué, Balaam adorent les Anges; Saül adore l'ame de Samuel; Isaac, benissant son filz Jacob, luy souhaitte que les peuples le servent, et que les enfans de sa mere l'adorent; Joseph songe que ses pere, mere et freres l'adorent; David commande qu'on adore l'escabeau des piedz de Dieu parce qu'il est saint.

  A002000921 

 Neanmoins, encor que le mot d'adoration signifie non seulement la reverence deuë a Dieu, mais encor celle qu'on doit aux creatures, si est-ce qu'il panche un peu plus et est plus sortable a signifier la reverence deuë a Dieu; c'est pourquoy les Anciens ont par fois dit sans difficulté qu'on pouvoit adorer les creatures, et par fois ilz ont fait scrupule de l'advouer, principalement lhors qu'ilz ont eu affaire avec les chicaneurs et heretiques.

  A002000922 

 Saint Ambroise: « Heleine, » dit-il, « trouva la Croix du Seigneur; elle adora le Roy, non le bois parce certes que cela est erreur payen, mais elle adora Celuy qui pendit au bois.

  A002000922 

 » Et plus bas il introduit les Juifz, se lamentans de l'honneur qu'on fait a Nostre Seigneur, en ceste sorte: « Nous avons crucifié Celuy que les roys adorent *, voyla que mesme le clou d'iceluy est en honneur, et ce que nous luy avons planté pour sa mort est un remede salutaire, et, par une certaine vigueur invisible, tourmente les demons.

  A002000922 

 » Il parle la de l'adoration en sorte qu'il semble ne vouloir qu'elle appartienne qu'a Dieu, mais bien tost apres il l'estend encores aux creatures: « Heleine fit sagement qui esleva la Croix sur la teste des roys, a fin que la Croix de Jesus Christ spit adoree es roys; cela n'est pas insolence, mais devotion et pieté, lhors qu'on defere a la sacree Redemption.

  A002000923 

 » Mais contre les Gentilz il change de termes, disant: « Jesus Christ seul est adoré.

  A002000924 

 Saint Epiphane, traittant avec les devotz des louanges de sainte Marie Mere de Dieu (car le sermon est ainsy intitulé): « Je vois, » dit-il, « qu'elle est adoree par les Anges.

  A002000925 

 Et que toutefois ce mesme mot panche un peu plus et est plus duisant a signifier l'honneur deu a Dieu seul, consideration qui a meu les Anciens d'employer a l'ordinaire autres paroles que celle d'adoration pour signifier la reverence deuë aux Saintz et autres creatures, ou s'ilz n'y ont employé d'autres motz ilz ont limité celuy d'adoration par quelque moderation.

  A002000926 

 Ainsy, au devis qui se passa entre Nostre Seigneur et la Samaritaine, le mot d'adorer, qui y est mis tout court sans autre addition, signifie non seulement l'adoration deuë a Dieu seul, mais la plus excellente de toutes celles qui se font a Dieu, qui est le sacrifice, comme prouvent plusieurs grans personnages, par raysons inevitables..

  A002000926 

 Bref, l'adoration n'appartient pas egalement a Dieu et aux creatures, il y a a dire de l'infinité; celle qui est deuë a Dieu est si excellente en comparaison de tout autre faitte aux creatures, que n'y ayant presque aucune proportion, les autres adorations ne sont presque pas adoration au prix de celle qui appartient a Dieu.

  A002000926 

 Le second principe est, qu'entre toutes les adorations celle qui appartient a Dieu est incomparablement la plus grande et pretieuse; elle est le suc de toute adoration, ou, comme Anastase, Evesque de Theopolis, dit, l'emphase et excellence de tout l'honneur.

  A002000926 

 Or ce discours depend de deux principes: le premier, qu'entre toutes les especes d'honneur l'adoration est la plus digne, dont saint Augustin dit, que « les hommes sont appellés servables et venerables, que si on y veut joindre beaucoup, ilz seront encores ditz adorables »; il faut une grande qualité pour rendre une chose adorable.

  A002000926 

 Si que l'adoration estant la supreme sorte d'honneur, elle est particulierement propre a la supreme excellence de Dieu; et si bien elle peut estre attribuee aux creatures, c'est par une tant esloignee proportion et analogie, que si, par quelque evidente circonstance, on ne reduit la signification du mot d'adoration a l'honneur des creatures, elle panchera tous-jours [320] a l'hommage deu a Dieu, suivant le viel proverbe des logiciens, le mot equivoque ou qui signifie deux diverses choses, estant mis tout seul a part soy sans autre declairation, est tous-jours prins en sa signification plus digne et fameuse: analogum, per se sumptum, stat pro famosiori significato.

  A002000927 

 J'ay dit ceci, tant parce qu'en cest aage si fascheux et chicaneur il est expedient qu'on sçache parfaittement ce que valent les motz, qu'aussi pour respondre au traitteur qui, nous reprochant que nous adorons la Croix et les images, se baillant beau jeu sur nous, dit que « la replique est frivole de dire qu'on ne les adore pas puis qu'on ne met pas sa fiance en elles »; car je dis, au contraire, que le traitteur est extremement frivole de s'imaginer ceste replique pour nous, laquelle nous n'advouons pas ainsy crue comme elle est couchee, ains, nous tenans sur la demarche de l'Escriture Sainte et de nos devanciers, nous confessons qu'on peut loysiblement adorer les saintes creatures, notamment la Croix, et disons tout haut avec saint Athanase: « Nous adorons la figure de la Croix », et avec Lactance: « Flechisses le genou, et adores le bois venerable de la Croix.

  A002000928 

 Quand on dit, donques, qu'on [321] ne met pas sa fiance en la Croix, c'est pour monstrer qu'on ne l'adore pas en qualité de Dieu, et non pour dire qu'on ne l'adore pas en aucune façon; mays le traitteur traitte la Croix, nostre cause et la sienne, selon son humeur.

  A002000928 

 Vray est que le Catholique discret, sçachant que le mot d'adorer panche plus a l'honneur deu a Dieu qu'a celuy des creatures, et que le simple vulgaire le prend ordinairement a cest usage, le discret Catholique, dis-je, n'employera pas ce mot sans y joindre une bonne declairation; ni parmi les schismatiques, heretiques, reformeurs et bigearres, pour leur lever tout sujet de calomnier; ni devant les menus et debiles espritz, pour ne leur donner aucune occasion de mesprendre, car les Anciens ont fait ainsy.

  A002000934 

 Et n'y a, a l'adventure, aucune action exterieure, pour humble qu'elle soit, qui ne puisse estre employee a l'honneur des creatures, estant produitte avec une intention bien reglee, sinon le seul sacrifice, avec ses principales et necessaires appartenances, lequel ne se peut dresser qu'a Dieu seul en reconnoissance de sa souveraine seigneurie; car, a qui ouÿt-on jamais dire: je t'offre ce sacrifice, o Pierre, o Paul? Hors de la, tout l'exterieur est sortable a la reverence des creatures, n'entendant toutefois y comprendre les parolles, entre lesquelles il y en a beaucoup qui ne peuvent estre appliquees qu'a Dieu seul.

  A002000934 

 Et parce que l'adoration n'est pas encor du tout propre et particuliere pour l'honneur de Dieu, mays peut encor estre employee pour les creatures, il [325] adjouste a l'adoration le mot de latrie, disant: tu serviras a iceluy seul. « Aussi ne dit-il pas, tu adoreras le seul Seigneur ton Dieu, mays ouy bien, tu serviras a iceluy seul, la ou au grec le mot de latrie est employé »; ceste observation est expressement du grand saint Augustin, es Questions sur le Genese.

  A002000934 

 Il faut bien cela pour engeoler le menu peuple; mays, que me respondra-il a ceste demande? la Magdeleine est aux piedz de Nostre Seigneur et les lave, Nostre Seigneur est aux piedz de saint Pierre et les lave; l'action de la Magdeleine est une tres humble adoration: dites-moy, traitteur mon amy, l'action de Nostre Seigneur que fut-elle? Si ce ne fut pas une adoration, comme il est vray, donq s'incliner, faire les reverences et plier les genoux n'est pas adorer comme vous avies dit.

  A002000934 

 O reformation, en veux-tu plus sçavoir que ton maistre? Le nostre, respondant au tien, pour monstrer l'honneur deu a Dieu ne dit point, tu t'inclineras, d'autant que l'inclination est une action purement indifferente; mays dit seulement: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu.

  A002000934 

 Si l'action de Nostre Seigneur fut adoration aussi bien que celle de la Magdeleine (vous estes asses bon pour le vouloir soustenir, principalement si vous esties un peu surpris de colere), donq il adora les creatures: pourquoy donq ne voules-vous pas que nous en faisions de mesme? Pour vray, establir l'essence et les differences des adorations es actions exterieures, c'est la prendre sur Nostre Seigneur qui l'establit dans l'esprit; et sur le diable mesme, lequel ne se contente pas de demander a Jesus Christ qu'il s'incline, mays veut que, s'inclinant, il l'adore: Si te prosternant, dit-il, tu m'adores, je te donneray toutes ces choses; il ne se soucie point de l'inclination et prostration, si l'adoration ne l'accompagne.

  A002000934 

 [324] Le traitteur, qui met l'essence de l'adoration en la genuflexion et autres actions externes, comme font tous les schismatiques de nostre aage, est obligé par consequent de dire, que, la ou il y a pareille prostration ou reverence exterieure il y a aussi pareille adoration.

  A002000938 

 Il touche donq a la volonté de donner et l'essence et les differences aux adorations; mais quelz moyens tient-elle a les leur donner? Deux principalement: le premier est par la diversité des excellences pour lesquelles elle adore les choses, a diverses excellences il faut divers honneurs; le second est par la diversité des façons avec lesquelles les excellences pour lesquelles on adore sont participees et possedees par les objetz adorables, car, comme il y a diverses excellences, aussi peut-on participer diversement et en plusieurs manieres une mesme excellence..

  A002000939 

 Si elle est infinie et divine, l'adoration qui luy est deuë est supreme, absolue et souveraine, et s'appelle latrie, d'autant que, comme dit saint Augustin, « selon l'usage avec lequel ont parlé ceux qui nous ont basti les divines paroles, le service qui appartient a adorer Dieu, ou tousjours ou au moins si souvent que c'est presque tousjours, est appellé latrie: Latria, secundum consuetudinem qua locuti sunt qui nobis divina eloquia condiderunt, aut semper aut tam frequenter [327] ut pæne semper, ea dicitur servitus quæ pertinet ad colendum Deum; » autre mot n'y a-il en la langue latine qui signifie simplement l'adoration deuë a Dieu seul.

  A002000939 

 Si l'excellence est finie, dependante et creée, l'adoration sera subalterne et inferieure..

  A002000939 

 Toute excellence ou elle est infinie ou finie, c'est a dire, ou divine ou creée.

  A002000940 

 L'excellence creée, ou elle est naturelle ou surnaturelle: si elle est naturelle, il luy faut une adoration civile, humaine et simplement morale, ainsy honnore-on les sages et vaillans.

  A002000940 

 Si elle est surnaturelle, il luy faut une adoration moyenne, qui ne soit ni purement humaine ou civile, car l'excellence n'est ni humaine ni civile, ni aussi divine ou supreme, car l'excellence a laquelle elle se rapporte est infiniment moindre que la divine et est tousjours subalterne; et peut-on bien appeller ceste adoration, religieuse, car nous ne nous sousmettons aux choses surnaturelles que par l'instinct de la religion pieuse, devote, ou conscientieuse, mais particulierement on l'appelle dulie entre les theologiens: car iceux, voyans le mot grec de dulie s'appliquer indifferemment au service de Dieu et des creatures, et qu'au contraire le mot de latrie n'est presque employé qu'au service de Dieu seul, ilz ont appellé adoration de latrie celle qu'on fait a Dieu, et celle qu'on fait aux creatures surnaturellement excellentes, adoration de dulie; et pour mettre encores quelque difference en l'honneur des creatures, ilz ont dit que les plus signalees s'honnoroyent d'hyperdulie, les autres de l'ordinaire et generale dulie.

  A002000943 

 On honnore toute sorte de magistratz pour l'excellence du prince duquel ilz sont les serviteurs et ministres; l'excellence pour laquelle on les honnore n'est qu'une, mais on ne les honnore pas egalement, parce que tous ne participent pas egalement a ceste excellence.

  A002000944 

 Mays Dieu, qui n'est capable d'autre excellence que de l'independante, n'est capable d'autre adoration que de l'independante; la maniere d'avoir la perfection avec dependance et d'ailleurs que de soy, est trop basse et vile pour Dieu, et beaucoup plus la maniere de l'avoir par imputation ou relation; ces menus honneurs ne sont pas sortables pour une excellence infinie..

  A002000944 

 Ou elle l'aura en soy, mays non pas de soy, comme ont plusieurs hommes et les Anges, qui ont reellement en eux les bontés et vertus pour lesquelles on les honnore, mays ilz ne les ont pas d'eux mesmes, ains par la grace de Dieu; et partant, l'honneur qui leur est deu est a la verité absolu, mays non pas supreme ni independant, ains subalterne et dependant, car, comme ilz tiennent leur excellence de Dieu, aussi l'honneur qu'on leur fait a rayson d'icelle doit estre rapporté a Dieu: de ceste sorte d'adoration n'est capable que la creature intelligente et vertueuse, car autre que celle-la ne peut avoir la vertu en soy, qui est l'excellence pour laquelle on honnore.

  A002000944 

 Ou la chose adorable n'aura reellement, ni de soy ni en soy, l'excellence pour laquelle on adore, mays seulement par une certaine imputation et relation, a cause de l'alliance, appartenance, ressemblance, proportion et rapport qu'elle a avec la chose qui en soy mesme a l'excellence et bonté; et lhors l'adoration deuë aux choses pour ce respect est appellee respective, rapportee ou relative: de laquelle sont capables toutes les creatures, tant raysonnables qu'autres, hormis les miserables damnés, qui n'ont autre rapport qu'a la misere, laquelle offusque en eux tout ce qui y peut estre demeuré de leurs naturelles facultés.

  A002000944 

 Ou la chose que nous adorons a l'excellence, pour laquelle nous adorons, en soy mesme et de soy mesme, et l'adoration absolue et independante, souveraine et supreme luy sera deuë: c'est Dieu seul qui est capable [329] de cest honneur, parce qu'il est seul en soy, de soy et par soy mesme excellent, ains l'excellence mesme.

  A002000945 

 L'honneur absolu subalterne n'est que pour les creatures intelligentes, lesquelles seules ont en soy la vertu [330] qui requiert l'honneur absolu, mais elles ne l'ont pas de soy, et partant il est subalterne.

  A002000945 

 L'honneur relatif ou rapporté est, en certaine façon, propre et particulier pour les creatures irraysonnables, d'autant qu'elles ne sont capables d'autre honneur, n'estans vertueuses ni d'elles mesmes ni en elles mesmes.

  A002000945 

 L'honneur, donques, souverain et supreme est deu a Dieu, non seulement pour la perfection infinie qui est en luy, mais encor pour la maniere avec laquelle il l'a, car il l'a de soy mesme et par soy mesme.

  A002000951 

 De mesme, selon la premiere consideration, l'image de Nostre Seigneur est plus honnorable que le cors d'un martyr, d'autant qu'elle appartient a une infinie excellence, et le cors du martyr n'appartient qu'a une excellence limitee; mais selon la seconde consideration le cors du saint est plus venerable que l'image de Nostre Seigneur, [332] car encor que l'image de Dieu appartient a une excellence infinie, si luy appartient-elle presque infiniment peu, au prix de ce que le cors appartient de fort pres au martyr, duquel il est une partie substantielle qui ressuscitera pour estre faitte participante de la gloire.

  A002000951 

 La difference de leur adoration ne se prend pas du sujet auquel elles appartiennent, mais de la façon en laquelle elles luy appartiennent; elles appartiennent a un mesme sujet, mais non pas en mesme façon ains diversement, c'est ce qui en diversifie et rend differentes les venerations..

  A002000951 

 Par exemple, je veux mettre en comparaison l'image du prince avec le filz d'un amy: si je considere la qualité des excellences pour lesquelles j'honnore et l'un et l'autre, j'honnoreray plus l'image du prince que le filz de l'amy (je suppose que ce filz ne me soit respectable que pour l'amour du pere), parce que l'image du prince appartient a une personne qui m'est plus honnorable; mais si je considere le rang et degré d'appartenance que chacune de ces choses tient a l'endroit des excellences pour lesquelles on les honnore, j'honnoreray beaucoup plus le filz de mon amy que l'image du prince, car, bien que je prise plus le prince que le simple amy, si est-ce que l'image appartient incomparablement moins au prince que le filz a l'amy.

  A002000951 

 Pour donq donner le juste prix d'honneur respectif ou relatif qui est deu aux choses, il faut considerer et poiser l'excellence a laquelle elles appartiennent, et quant et quant le rang et grade d'appartenance qu'elles ont a l'endroit de ceste excellence.

  A002000954 

 Il faut donq accourcir encor ces deux noms par quelque addition; mais ou prendra-on ceste addition? Il la faut chercher en la qualité de l'excellence a laquelle vise l'adoration: si elle vise a l'excellence divine, il la faut appeller adoration relative de latrie, car l'honneur qui a pour son sujet la Divinité est appellé latrie; si elle vise a l'excellence surnaturelle creée, on l'appelle adoration relative de dulie, ou hyperdulie, selon le plus et le moins de l'excellence, car ainsy appelle-on l'honneur deu aux excellences surnaturelles; si l'adoration vise a une excellence purement humaine, elle se nommera adoration relative humaine, ou civile..

  A002000954 

 Il ne suffit pas d'appeller une de ces adorations adoration relative ou imparfaitte, car par ces paroles on ne mettroit aucune difference entre elles: toutes ont [333] part a ce nom d'adoration relative comme a leur genre, ceste estoffe leur est commune; elles sont toutes de ceste espece d'honneur qu'on appelle adoration, et toutes de ceste espece d'adoration qu'on appelle relative.

  A002000956 

 Ces honneurs relatifz et imparfaitz procedent des honneurs absolus et parfaitz, et non seulement en procedent, mais s'y rapportent et reduisent; ce n'est pas merveille s'ilz empruntent le nom du lieu de leur naissance et de leur finale retraitte.

  A002000956 

 L'homme en peinture est homme, un homme mort est homme, mais non pas simplement homme, ains homme par proportion, representation et relation: de mesme, l'honneur deu a l'image et au cors de cest homme, s'il est simplement homme, sera humain, non absolument, mays par proportion et relation; s'il est homme saint, l'honneur sera de dulie, mays respective et relative; si c'est l'image de Jesus Christ, l'honneur sera de latrie, mays respective.

  A002000956 

 La Croix est une appartenance de Jesus Christ, l'honneur de la Croix est appartenance de l'honneur de Jesus Christ; l'honneur de Jesus Christ s'appelle justement latrie, l'honneur de la Croix est une appartenance de latrie, c'est une feuille de ce grand arbre, c'est une plume de cest aigle qui vise droit au soleil de la Divinité.

  A002000956 

 Pourquoy appelle-on l'image de saint Claude, saint Claude, et le cors mort d'iceluy encores, sinon pour la relation et rapport que l'une et l'autre appartenance ont a ce Saint, vivant? De mesme peut-on appeller l'honneur deu au cors et image de ce Saint, du nom de l'honneur deu au Saint mesme, car autant de proportion que l'image ou le cors d'un saint homme a a la personne du saint propre, autant en a l'honneur deu au cors et a l'image d'un saint avec l'honneur qui est deu a la personne d'iceluy.

  A002000956 

 Si on me demande quel amour me fait caresser le laquais de mon frere, voire son chien, je ne sçaurois nier que ce ne soit l'amour fraternel, et que ces affections et beneficences ne soyent fraternelles; non que j'estime le laquais ni le chien, mon frere, mays parce qu'ilz appartiennent a mon frere; aussi, la propension ou inclination que j'ay a leur bien, n'est pas simplement fraternelle et de mesme estoffe que celle que j'ay a l'endroit de mon frere, mais elle y a son rapport et relation, dont elle peut estre ditte fraternelle relative.

  A002000957 

 La rayson est parce que, selon la regle des logiciens, le mot qui signifie deux ou plusieurs choses, l'une principalement et directement, l'autre par similitude et proportion, estant mis a part seul et sans limitation il signifie tousjours la chose principalement signifiee: analogum per se sumptum stat pro famosiori significato.

  A002000957 

 Le docte Bellarmin le prouve suffisamment, quand il ne produiroit autre que le Concile septiesme general, qui determine clairement qu'il faut honnorer les images mais non pas de latrie, car ce qui se dit a ce propos des images appartient a toutes autres appartenances exterieures de Dieu; et certes, puysque l'honneur de latrie est le souverain, il n'est deu qu'a la souveraine excellence.

  A002000957 

 Pour vray, le mot equivoque se prend tousjours en sa principale signification quand il est mis seul et sans limitation, et non jamais pour les significations accidentaires et moins principales.

  A002000957 

 Si on dit, homme, cela s'entend d'un homme vray et naturel, non d'un homme mort ou peint; si on dit latrie, c'est la vraye latrie et non la latrie imparfaitte et relative.

  A002000963 

 Il vaut mieux loger icy ce mot que de l'oublier, car il est necessaire.

  A002000963 

 Si l'adoration relative des appartenances de Jesus Christ s'appelle latrie imparfaitte, parce qu'elle se rapporte a la vraye et parfaitte latrie deuë a Jesus Christ, et de mesme l'adoration respective qu'on porte aux appartenances de Nostre Dame s'appelle hyperdulie, d'autant qu'elle vise a la parfaitte hyperdulie deuë a ceste celeste Dame, ou l'adoration respective qu'on porte aux appartenances des Saintz s'appelle dulie relative, d'autant qu'elle se reduit a la parfaitte dulie deuë a ces glorieux Peres, pourquoy n'appellera-on adoration de latrie l'honneur qu'on fait a la Vierge Mere de Dieu, et aux Saintz, puysque l'honneur de la Mere et des serviteurs redonde tout et se rapporte entierement a l'honneur et gloire du Filz et Seigneur Jesus Christ, nostre souverain Dieu et Redempteur? Tout honneur se rapporte a Dieu, comme il a esté clairement deduit en l'Avant-Propos, donq tout honneur est, et se doit appeller, adoration relative de latrie.

  A002000964 

 Il est neanmoins imparfait et relatif, d'autant qu'il n'a pas Dieu pour son objet entant que Dieu se considere en soy mesme ou en sa propre nature, mais seulement entant qu'il est representé et reconneu en ses appartenances et dependances, par la relation et rapport qu'elles ont a sa divine Majesté.

  A002000964 

 Or, l'honneur subalterne, quoy que absolu et propre, se rapporte a Dieu comme a son principe premier et fin [337] derniere, et non comme a son objet; mais l'honneur relatif se rapporte a Dieu comme a son objet et sujet, dont il est nommé honneur de latrie.

  A002000970 

 » Or la mort et Passion est passee, Jesus Christ ne meurt plus, il ne souffre plus; on peut donq honnorer les choses absentes et qui ne sont point.

  A002000971 

 Or, comme toutes ces qualités sont relatives et du tout rapportees a Jesus Christ, aussi l'honneur qu'on fait a la Croix en vertu d'icelles est tout relatif au mesme Seigneur, et partant, comme appartenant au Sauveur, c'est un honneur de latrie; comme ne luy appartenant pas directement mais relativement, c'est une latrie imparfaitte et relative, et laquelle ne doit pas simplement [339] estre ditte latrie, ni mesme adoration, selon saint Bonaventure, Livre III Sur les Sentences, comme j'ay deduit ci devant.

  A002000972 

 Car tout ainsy que la gloire de Nostre Seigneur, au jour de sa Transfiguration, espandit et communiqua ses rayons jusques sur ses vestemens qu'elle rendit blancz comme neige, de mesme, la latrie de laquelle nous adorons Jesus Christ crucifié est si vive et abondante, qu'elle rejallit et redonde a tout ce qui le touche et luy appartient: telle fut l'opinion de ceste pauvre dame qui se contentoit de toucher le bord de la robbe du Sauveur; ainsy baysons-nous la pourpre et robbe des grans.

  A002000972 

 On considere aussi la Croix, non ja comme elle est a ceste heure, separee de son Crucifix, en guise de relique, mays comme elle fut au tems de la Passion, lhors que le Sauveur estoit cloué en icelle, que ce pretieux arbre estoit chargé de son fruit, que ce therebinthe ou myrrhe distilloit de tous costés en gouttes du sang salutaire; et en ceste consideration nostre ame honnore la vraye Croix du mesme honneur qu'elle honnore le Crucifix, non tant (a parler proprement) relativement, comme plustost consequemment et par participation ou redondance.

  A002000972 

 Or cela n'est pas tant adorer que coadorer, par accident et consequent, la robbe ou la Croix.

  A002000977 

 Suspensus est patibulo..

  A002001016 

 Ou de plus est ja mort blecé,.

  A002001046 

 Mays pourquoy la salue-on, pourquoy luy parle-on comme l'on feroit au Crucifix mesme? certes, c'est parce que les motz vont a la Croix mays l'intention est dressee au Crucifix; on parle du Crucifix sous le nom de la Croix.

  A002001046 

 Ne disons-nous pas ordinairement: il appella cinquante cuirasses, cinquante lances, cent mousquetz, cent chevaux? n'appellons-nous pas, l'Enseigne d'une compaignie, celuy qui porte l'enseigne? Si parlans des chevaux nous entendons les chevaliers, si par les mousquetz, [342] lances, cuirasses, nous entendons ceux qui portent les mousquetz, lances et cuirasses, pourquoy par la Croix n'entendrons-nous bien le Crucifix? Ne parlons-nous pas souvent du Roy de France et du Duc de Savoye sous les noms de Fleur de lis et Croix blanche, parce que ce sont les armes de ces souverains Princes? pourquoy ne parlerons-nous du Sauveur sous le nom de la Croix, qui est sa vraye enseigne? C'est donq en ce sens qu'on s'addresse a la Croix, qu'on la salue et invoque; comme aussi nous nous addressons au siege et y appelions, pour dire qu'on appelle a celuy qui sied au siege.

  A002001046 

 Qui ne voit qu'en toutes ces parolles on considere la Croix comme un arbre auquel est pendant le pretieux fruit de vie, Createur du monde, comme un throsne sur lequel est assis le Roy des roys? C'est de mesme quand l'Eglise chante ce que le petit traitteur nous reproche: « O Croix qui dois estre adoree, ô Croix qui dois estre regardee, aimable aux hommes, plus saincte que tous, qui seule as mérité de porter le talent du monde; doux bois, doux cloux portans doux faix... » C'est la version du traitteur, qui n'est pas, certes, trop exacte; le latin est plus beau: O Crux adoranda, o Crux speciosa, hominibus amabilis, sanctior universis, quæ sola digna fuisti portare talentum mundi; dulce lignum, dulces clavos, dulcia ferens pondera... Et ailleurs: Crux fidelis, inter omnes arbor una nobilis, nulla silva talem profert, fronde, flore, germine; dulce lignum, dulces clavos, dulce pondus, sustinet; qui est une piece de l'hymne composé par le bon pere Fortunatus, Evesque de Poitiers.

  A002001050 

 Il y a deux sortes de signes: car les uns representent et signifient naturellement, par la dependance, appartenance, rapport ou proportion qu'ilz ont a l'endroit des choses representees par iceux; ainsy les fumees et lesses des cerfz et sangliers, ou leurs foyes et traces, sont signes naturelz des bestes qui les ont jettees et faittes, par la dependance et rapport qu'elles ont avec icelles; ainsy la fumee est signe du feu, et l'ombre du cors.

  A002001055 

 C'est son ordinaire usage, lequel n'excede point sa portee naturelle; et consideree en ceste sorte on l'honnore de l'honneur que j'ay si souvent remarqué, a sçavoir, d'une latrie imparfaitte et relative, telle que l'on porte au livre des Evangiles et autres choses sacrees, ainsy qu'il est determiné au Concile septiesme, Act.

  A002001055 

 X; laquelle est reellement et immediatement portee et dressee a la Croix comme a son premier et particulier objet, puys tout d'un coup rapportee et redressee au Crucifix comme a son objet final, universel et fondamental, puysque l'honneur porté a la Croix (entant qu'elle est remembrance du Crucifix et de sa crucifixion) n'est autre sinon une dependance, appartenance et accessoire de la grande et souveraine latrie deuë a la majesté de Celuy, lequel estant egal a Dieu son Pere, s'est humilié et abbaissé jusques a la mort de la Croix..

  A002001056 

 Je maintiens donq que les Croix des Chrestiens n'ont autre naturelle signification que de la Passion de Jesus Christ, puysque les Chrestiens ne prisent autre image ou figure de croix, sinon celle en particulier qui est image de la Croix de leur Sauveur..

  A002001056 

 Mais comme je ne traitte ici que de la Croix de Jesus Christ, aussi n'entens-je parler d'autre figure de croix que de celle qui, particulierement et destinement, est employee a representer Jesus Christ crucifié.

  A002001057 

 Autres fois on honnore l'ambassadeur en guise du roy, de l'honneur propre au roy, et lhors, a proprement parler, c'est le roy qui est honnoré en son ambassadeur, et non pas l'ambassadeur mesme, parce que proprement l'ambassadeur n'est pas le roy, il tient seulement lieu pour le roy, et le represente par la fiction et supposition que les hommes en font.

  A002001057 

 Car, qui ne voit en ceste celebrité le triomphe deferé non a l'image, mays a Nostre Dame representee par l'image? et de plus, ceste image representer la Vierge, non d'une simple representation selon sa portee naturelle, mays d'une representation instituee [347] par la fiction et estimation arbitraire des hommes? Ainsy voit-on ordinairement les effigies et images deshonnorees pour les malfaiteurs qu'on ne peut attrapper: on pend et brusle leurs representations en leur place, comme si c'estoit eux, et lhors le deshonneur ne se fait pas a l'image proprement, mays au malfaiteur au lieu duquel elle est supposee; aussi ne dit-on pas, on a pendu l'image de tel ou tel malfaiteur, mays plustost, on a pendu tel et tel en effigie, d'autant que telles executions ne se font sur les images sinon entant qu'en icelles on tient, par la fiction du droit, les malfaiteurs estre chastiés, desfaitz et punis..

  A002001057 

 De mesme, quand quelqu'un prend possession de quelque chose pour un autre il n'est pas proprement possesseur, ains celuy pour lequel la possession est prise.

  A002001057 

 Il y en a d'autres non moins a propos; comme celuy qui est recité par Nicetas Choniates, au Livre cinquiesme des gestes de l'empereur Manuel Comnenus, de l'image de Nostre Dame assise sur un char triomphal d'argent doré, et menee parmi la ville de Constantinople, en reconnoissance de la victoire obtenue sur les Pannoniens par l'Empereur, a la faveur de l'intercession de la glorieuse Vierge.

  A002001057 

 Par exemple: l'ambassadeur du roy est aucunes fois honnoré comme ambassadeur, et lhors il est luy mesme honnoré a proprement parler; car aussi, a proprement parler, il est ambassadeur, qui est la qualité pour laquelle on l'honnore, bien que ce soit en contemplation d'autruy, a sçavoir, du roy.

  A002001058 

 Et c'est ainsy, pour revenir au point, que l'image de la Croix, outre la naturelle qualité qu'elle a de representer Jesus Christ crucifié, qui la rend honnorable d'un honneur de latrie imparfaitte, outre cela, dis-je, elle peut estre destinee et mise en œuvre par le choix et fiction des hommes a tenir le lieu et la place du Crucifix, ou plustost de la vraye Croix entant que jointe au Crucifix: et consideree en ceste sorte, l'honneur et reverence qu'on luy fait ne vise proprement qu'au Crucifix, ou a la Croix jointe au Sauveur, et non a l'image de la Croix, qui n'a autre usage, en ce cas, que de prester son exterieure presence pour recevoir les actions exterieures deuës au Crucifix, au lieu et place d'iceluy qu'elle represente et signifie, et cela sert a l'exterieure protestation de l'adoration que nous faisons au Crucifix..

  A002001059 

 Ce fut a ceste consideration que le glorieux Prince des Apostres, saint Pierre, estant cloué sur la croix, disoit au peuple: « Cestuy-ci est le bois de vie, auquel le Seigneur Jesus estant relevé tira toutes choses a soy, cestuy-ci est l'arbre de vie auquel fut crucifié le cors du Seigneur Sauveur »; ainsy qu'Abdias Babylonien [348] recite (si le tiltre du livre ne ment) au Livre premier du Combat Apostolique.

  A002001059 

 Certes, il est mal aysé de contourner a autre sens les exterieurs honneurs faitz anciennement a l'Arche de l'alliance; et les Anglois honnorent, a mesme consideration, le siege vuide de leur Reyne.

  A002001059 

 D'ou vient cela, sinon qu'ilz consideroyent ces croix-la en guise et au lieu de la vraye Croix? Et c'est ainsy que l'Eglise ordonne que le jour du Vendredi Saint le peuple, prosterné a genoux, vienne bayser l'image de la Croix; car ce n'est pas a l'image que l'on monstre que cest honneur se fait, sinon entant qu'elle represente Jesus Christ crucifié tel qu'il estoit au jour de sa Passion, duquel elle tient la place pour recevoir ceste action exterieure simplement, sans que l'intention s'arreste aucunement a la figure presente.

  A002001059 

 Et de fait, comme on attribue tous les honneurs des jours de la Nativité, Passion et Resurrection de Nostre Seigneur aux jours qui les representent [349] et tiennent leur place, selon l'institution des anniversaires et commemorations qu'on en fait, aussi fait-on pareilz honneurs a l'image de la Croix, quant a l'exterieur, qu'au Crucifix, mais ce n'est que pour commemoration, et en vertu de la supposition que l'on fait que l'image represente le Crucifix et soit en son lieu a la reception de ces ceremonies exterieures.

  A002001059 

 L'adoration, donques, faitte a la Croix en ceste sorte, n'est proprement adoration qu'a l'esgard du Crucifix, et a l'endroit de la Croix ce n'est qu'une adoration impropre et representative..

  A002001059 

 » Or on ne regarde point si l'image proposee est de bronze, ou d'argent, ou d'autre matiere, qui monstre asses que lhors qu'on l'appelle bois, c'est entant qu'on la presente au lieu et en guise de la vraye Croix.

  A002001060 

 On peut dire que la Croix est encor adoree, selon quelque exterieure apparence, quand on prie Dieu devant la Croix sans autre intention que de monstrer qu'on prie en vertu de la mort et Passion du Sauveur; mais on peut beaucoup mieux dire que cela n'est adorer la Croix ni peu ni prou, puysque ni l'action exterieure ni l'interieure n'est dressee a la Croix; ne plus ne moins que lhors que nous adorons du costé d'Orient, selon l'ancienne tradition, nous n'adorons en aucune façon l'Orient, mais monstrons seulement que nous adorons Dieu tout puissant, qui s'est levé a nous d'en haut pour esclairer tout homme venant en ce monde..

  A002001061 

 Au demeurant, les pieces du vray bois de la Croix, telles que nous les avons aujourd'huy, estans mises en forme de croix (comme est la sainte Croix d'Aix en Savoye), outre les sortes d'honneur qu'elles meritent par maniere de reliques, peuvent avoir tous les usages de l'image de la Croix.

  A002001061 

 C'est pourquoy la bienheureuse Paule, adorant la vraye Croix qui estoit en Hierusalem de son tems, se prosternoit devant elle comme si elle y [350] eust veu le Sauveur pendant, au recit de saint Hierosme en son epitaphe.

  A002001061 

 De mesme, le signe de la Croix fait par le mouvement a tous les usages des images de la Croix, et par consequent part a tous les honneurs; et outre cela il a encor pour son particulier et ordinaire honneur d'estre une briefve et puissante oraison, a rayson dequoy il est tres venerable.

  A002001067 

 Il est donq defendu d'avoir les images de la Croix et autres quelconques.

  A002001067 

 Il ne sera donq que bon de le bien considerer touchant la prohibition qu'il contient, de ne faire similitude quelconque, qui est ce qui touche a nostre propos.

  A002001067 

 Mais une grande objection semble encor demeurer sus pied, car il est escrit: Tu n'auras point autres dieux devant moy.

  A002001068 

 Ceste interpretation, donq, combat l'Escriture, l'Eglise, la nature, et n'est aucunement sortable aux paroles precedentes, qui defendent pluralité de dieux, a quoy la defense des images ne sert a rien, ni aux paroles suivantes, qui defendent l'adoration des similitudes, car a quoy faire defendre l'adoration, s'il n'est loysible de les avoir ni faire? si on defend d'avoir simplement aucune similitude, qu'est-il besoin d'en defendre l'adoration?.

  A002001068 

 Ceste opinion est du tout barbare.

  A002001068 

 Les images des Cherubins, lions, vaches, pommes-graines, palmes, Serpent d'airain, sont approuvees en l'Escriture; les enfans de Ruben, Gad et Manassé firent la semblance de l'autel de Dieu, et leur œuvre est approuvee; les Juifz monstrent a Jesus Christ l'image de Cesar, et il ne la rejette point; l'Eglise a eu de tous tems l'image de la Croix, ainsy que j'ay monstré au second Livre; par nature, on fait la similitude de soy mesme aux yeux des regardans, en l'air, en l'eau, au verre, et la peinture est un don de Dieu et de nature.

  A002001069 

 Ceste opinion est plus notoirement contraire a l'Escriture que la precedente: car les Juifz et Mahometains ont au moins pretexte es motz du commandement, qui portent tout net qu'on ne face aucune similitude; mais ceux de ceste autre ligue ne sçauroyent produire un seul brin de l'Escriture qui porte qu'il soit moins loysible d'avoir des images es eglises qu'ailleurs.

  A002001069 

 II. Un tas de schismatiques et chicaneurs confesse qu'il n'est pas defendu, au commandement dont il est question, d'avoir et faire des similitudes et images, mais seulement de les mettre et faire es eglises et temples.

  A002001069 

 Que si les eglises sont maysons du Roy des roys, les ornemens y sont fort convenables; le temple est image du Paradis, pourquoy n'y logera-on les portraitz de ce qui est en Paradis? quelles plus saintes tapisseries y peut-on attacher? Et outre tout cela, ceste interpratation, tant prisee par les novateurs, ne joint aucunement a l'intention de la loy qui veut rejetter toute idolatrie; car, ne peut-on pas avoir des idoles et idolatrer hors les temples aussi bien que dans iceux? Certes, l'idole de Laban ne laissoit pas d'estre idole, encor qu'elle ne fust en l'eglise ou Temple, ni le veau d'or aussi.

  A002001069 

 Voyla un grand exemple pour nous, qui le nous veut arracher des mains il doit apporter une grande authorité a garend; nostre exemple est en l'Escriture, il faut une aussi grande authorité pour nous en prohiber l'imitation, il ne suffira pas d'y apporter des discours.

  A002001071 

 Or telles images, a proprement [354] parler, doivent representer aux sens exterieurs la forme et figure des choses dont elles sont images, par la similitude qu'elles ont avec icelles: mais le sens exterieur n'est pas capable d'apprehender par aucune connoissance la nature de Dieu, infinie et invisible; et quelle forme ou figure peut avoir similitude avec une nature qui n'a ni forme ni figure, et qui est nompareille? Ce qui soit dit sans rejetter les images esquelles on represente Dieu le Pere en forme d'un viellard, et le Saint Esprit en forme de colombe ou de langues de feu; car elles ne sont pas images de Dieu le Pere, ou du Saint Esprit, a proprement parler, mais sont images des apparences et figures par lesquelles Dieu s'est manifesté, selon l'Escriture, lesquelles apparences et figures ne representoyent pas Dieu par maniere d'images, mais par maniere de simples signes.

  A002001072 

 Mays au bout de la, je dis que le commandement de Dieu a beaucoup plus d'estendue que ne porte ceste consideration; car, si ce commandement ne defend que les images de la Divinité, a quoy faire sera-il particularisé de ne faire similitude quelconque des choses qui [355] sont au ciel, en terre et es eaux? Item, qui adoreroit l'idole d'une chose creée, ne seroit-il pas idolatre, contre ce commandement? Donques, ceste interpretation n'est pas legitime ni sortable a la loy..

  A002001074 

 L'idolatrie gist en deux sortes d'actions: les unes sont interieures, par lesquelles on croit et reconnoit pour Dieu ce qui n'est pas Dieu; les autres sont exterieures, par lesquelles on proteste de l'interieur par les inclinations et sousmissions exterieures.

  A002001074 

 Les premieres actions peuvent estre sans les secondes, et semblablement les secondes sans les premieres; car celuy qui est affectionné aux idoles, quoy qu'il n'en face aucune demonstration, il est idolatre, et celuy qui volontairement adore ou honnore les idoles exterieurement, quoy qu'il ne leur aye aucune affection, il est idolatre exterieurement, et tant l'un que l'autre offense l'honneur deu a Dieu.

  A002001074 

 Que s'il est ainsy, comme je n'en doute point, ceste prohibition de ne faire aucune similitude se doit entendre non absolument et simplement, mais selon la fin et intention du commandement, comme s'il estoit dit: Tu n'auras point d'autres dieux que moy; tu ne te feras aucune idole, ni aucune similitude, a sçavoir, pour l'avoir en qualité de Dieu, ni les adoreras point ni serviras en ceste qualité-la; en maniere que tout ce qui est porté en ce commandement soit entierement rapporté a ce seul point, de n'avoir autre Dieu que le vray Dieu, de ne donner a chose quelconque l'honneur deu a sa divine Majesté, et en somme de n'estre point idolatre.

  A002001075 

 Car, si ce n'est qu'un seul commandement qui defende de ne faire semblance quelconque et de ne les adorer, il faut que l'une ou l'autre des deux parties qu'il contient soit la principale et fondamentale, et que l'autre se rapporte a elle, comme a son but et projet: que si l'une ne se rapportoit a l'autre et n'en dependoit, ce seroyent deux commandemens et non un seul.

  A002001075 

 Donques, la principale partie de ce commandement, qui est toute sa substance, son intention et projet, est la prohibition de n'adorer ni servir aux idoles et similitudes des choses creées; et l'autre prohibition, de ne les faire point, se rapporte a ne les adorer point ni servir, comme s'il estoit dit: Tu ne te feras aucune [357] idole ni semblance quelconque, pour les adorer et servir..

  A002001075 

 Et d'ailleurs, comme pourroit-on reduire la prohibition de n'adorer les similitudes a celle-la de ne les faire point? S'il est defendu de ne les faire, a quel propos defendre de ne les adorer? Puysque sans les faire on ne les peut adorer, il y auroit une trop grande superfluité en ce commandement, de plus qu'aux autres.

  A002001075 

 Mais si quelqu'un veut debattre que la prohibition de n'avoir autre que le seul vray Dieu soit un commandement separé de l'autre defense, Tu ne te feras aucune idole ou semblance quelconque, pour ne m'amuser a le convaincre par vives raysons que je pourrois produire a ce propos, je me contenteray qu'il m'accorde, que la prohibition de ne faire aucune similitude et de les adorer n'est qu'un mesme et seul commandement (ce que, certes, on ne peut nier en aucune façon, sinon que, contre la pure et expresse Escriture, on veuille faire plus de dix commandemens en la Loy, et qu'on veuille lever a ces loys le nom de Decalogue).

  A002001075 

 Or, je vous prie, quelle jugera-on estre la principale partie de ce second commandement (je parle ainsy pour eviter debat), ou ceste-ci: Tu ne te feras aucune idole taillee, ni similitude quelconque, ou celle-ci: Tu ne les adoreras ni serviras? Pour vray, on ne peut dire que la prohibition de ne faire aucune similitude soit le projet et but de tout le commandement, car a ce conte-la il ne faudroit avoir ni faire image quelconque, qui est une rage trop expresse.

  A002001077 

 Elle est puisee tout nettement de la parole de Dieu, en laquelle ce qui est dit obscurement en un lieu a accoustumé d'estre dit plus clairement en un autre, notamment es articles d'importance et necessaires.

  A002001077 

 Et en l'Exode, Dieu inculquant son premier commandement, Vous ne vous feres point des dieux d'argent ni d'or, dit-il, monstrant asses que s'il a defendu de ne faire aucune similitude, ce n'est sinon a fin qu'on ne les face pour idolatrer..

  A002001077 

 Or, ce qui est dit ici par reduplication de negative, Tu ne feras aucune idole, ni semblance quelconque, tu ne les adoreras ni serviras, est mis au Levitique purement et simplement, ainsy que nous le declairons, en ceste sorte: Vous ne vous feres aucune idole et statue, ni dresseres des tiltres, ni mettres aucune pierre insigne en vostre terre pour l'adorer.

  A002001079 

 Et comme ceste interpretation ne rejette aucunement le vray usage des images, en quoy les Juifz et Turcz errent, aussi rejette-elle et abolit tout usage des images, statues et similitudes qui est contraire a l'honneur de Dieu, non seulement es temples et eglises, ce qui ne suffit pas, comme pensent follement plusieurs novateurs, ni seulement des similitudes faittes pour representer la Divinité, qui ne suffit pas nomplus, comme estiment plusieurs autres, mais absolument [358] tout usage idolatrique: qui est le vray et unique projet de ce premier commandement..

  A002001080 

 L'idolatrie [intérieure] ne consiste pas a se representer en l'ame les creatures par les especes et images intelligibles, mais seulement a se les representer comme divinités; tout de mesme, l'idolatrie exterieure ne consiste pas a se representer les creatures par les ressemblances et images sensibles, mais seulement a se les representer comme divinités: si que, comme le commandement, Tu n'auras autres dieux devant moy, ne defend point de se representer interieurement les creatures, aussi la prohibition, Tu ne te feras similitude quelconque, ne defend pas de se representer exterieurement les creatures, mais de les representer pour Dieu en les adorant et servant; c'est cela seul qui est defendu, tant pour l'interieur que pour l'exterieur..

  A002001081 

 Bref, le dire de Tertullien est tout vray: « Non videntur similitudinum prohibitarum legi refragari non in eo similitudinis statu deprehensa ob quem similitudo prohibetur: Ces choses-la ne semblent contrarier a la loy des similitudes prohibees, lesquelles ne se retrouvent en l'estat et condition de similitude pour lequel la similitude est defendue.

  A002001081 

 Et de plus, ceste interpretation est du tout conforme a la tres ancienne et catholique coustume de la sainte Eglise, laquelle a tousjours eu des images, notamment de la Croix, qui est autant a dire comme asseurer qu'elle est selon l'intention du Saint Esprit.

  A002001082 

 Car la Croix, prinse en la façon que la prennent les Catholiques, ne peut estre ni idole ni sujet d'idolatrie, tant s'en faut qu'elle le soit, idole n'estant autre que la representation d'une chose qui n'est point de la condition qu'on la represente, et une image fause, comme dit le prophete Habacuch, et l'apostre saint Paul: or, la Croix represente une chose tres veritable, c'est a sçavoir, la mort et Passion du Sauveur; et ne la fait-on pas pour l'adorer et servir, mais pour adorer et servir en icelle et par icelle le Crucifix, suivant le vray mot de saint Athanase: Qui adorat imaginem, in illa adorat ipsum Regem.

  A002001082 

 De mesme, que l'on honnore la Croix en tout et par tout, puysqu'on ne l'honnore que pour tant plus honnorer Dieu; que toute la veneration qu'on luy porte est relative et dependante, ou accessoire, a l'endroit de la supreme adoration deuë a sa divine Majesté; que ce n'est qu'une branche de ce grand arbre: cela n'est en façon quelconque defendu, puysque ceste semblance et figure n'est pas employee a l'action pour laquelle les similitudes sont prohibees, qui est l'idolatrie.

  A002001082 

 Que l'on ayt, donques, des images de la Croix aux champs, es villes, sur les eglises, dans les eglises, sur les autelz; tout cela n'est que bon et saint, car estant fait et institué et prattiqué pour la conservation de la memoire que nous devons avoir des benefices de Dieu, et pour honnorer tant plus sa divine bonté, ainsy que j'ay monstré tout au long de ces Livres, il ne sçauroit [359] estre defendu en la premiere Table, qui ne vise qu'a l'establissement du vray service de Dieu et abolissement de l'idolatrie.

  A002001082 

 Si que, non seulement le vray usage des sacrees et saintes images n'est aucunement defendu, mais est commandé et comprins par tout ou il est commandé d'adorer Dieu et d'honnorer ses Saintz, puysque c'est une legitime façon d'honnorer une personne, d'avoir fait son image et portrait pour le priser selon la mesure et proportion de la valeur du principal sujet.

  A002001085 

 C'est pourquoy, ayant rencontré en ses Commentaires sur Josué une grande et claire confession en faveur du juste usage des images, je l'ay voulu mettre en ce bout de livre, a fin qu'on connoisse combien la verité de la creance Catholique est puissante, qui s'est eschappee et levee des mains de ce grand et violent ennemy qui la detenoit en injustice.

  A002001086 

 Calvin traduit ainsy, et sur l'excuse des deux tribus et demy fait ce commentaire: « Neanmoins si semble-il qu'il y a eu encor quelque faute en eux, a cause que la Loy defend de dresser des statues de quelque façon qu'elles soyent: mays l'excuse est facile, que la Loy ne condamne nulles images sinon celles qui servent de representer Dieu; ce pendant, de lever un monceau de pierres en signe de trophee, ou pour tesmoignage d'un miracle qui aura esté fait, ou pour reduire en memoire quelque [362].

  A002001088 

 Ce Commentaire est considerable, car ce fut la derniere besoigne de son autheur (comme dit Beze en sa preface sur iceluy), et qui le represente le mieux, et partant ce qu'il y a dit doit prevaloir contre tout ce qu'il a dit en ses autres escritz, inconsiderement et eschauffé au desbat qu'il avoit suscité.

  A002001096 

 Les Catholiques sont en une ferme et indubitable possession du tiltre de vraye Eglise, tabernacle de Dieu avec les hommes, autel sur lequel seul l'odeur de suavité est aggreable a Dieu; les novateurs qui ne font que naistre de la terre, comme potirons, n'en ont qu'une vaine et fade usurpation.

  A002001097 

 II. Il y a encor une autre difference, entre le sujet de l'accusation faitte contre les deux tribus et demy par le reste d'Israël, et de celle que les novateurs font contre nous, laquelle est bien remarquable.

  A002001101 

 C'est un offre digne de la congregation de Dieu..

  A002001101 

 Qui pourra asses louer le zele qu'ilz font paroistre en l'offre qu'ilz font a ceux qu'ilz veulent corriger? Que si la terre de vostre possession est immonde, passes en la terre de la possession de l'Eternel, en laquelle le tabernacle de l'Eternel a sa demeurance, et ayes vos possessions entre nous, et ne vous rebelles point etc.

  A002001102 

 Et quant au point particulier dont il est question, ilz ont fait voir clairement qu'ilz n'ont esté portés d'autre affection au brisement et destruction des Croix de pierre et de bois, que pour ravir et envoler celles d'or et d'argent, renversans l'ancienne discipline Chrestienne qui ne donne prix a la Croix que pour la figure, puysqu'ilz ne la prisent que pour la matiere..

  A002001103 

 La charité les pousse egalement a se formaliser sur l'erection de l'autel nouveau et a recevoir l'excuse de ceux qui l'avoyent erigé; le cas neanmoins estoit extremement chatouilleux en cas de religion, la separation des habitations rendroit le soupçon du schisme fort juste: mais, charité est toute patiente, ell'est benigne, elle ne pense point mal, elle ne se plaist point sur l'iniquité, mais se complaist a la verité, elle croit tout, elle espere tout..

  A002001103 

 V. Mays en fin que s'est-il ensuivi de tant de diversités? Certes, ce qu'on en devoit attendre: de differentes causes, differens effectz.

  A002001106 

 Ce n'est la pierre ou le bois.

  A002001111 

 Ce sont ennemis implacables; leur cœur est de bouë, la clairté l'endurcit; il n'y a satisfaction qui les contente; si on ne se rend a la merci de leur impiteuse correction, la rage de leur mal-talent ne reçoit aucun [369] remede.

  A002001111 

 Nos saintes excuses, ou plustost nos saines declairations, qu'ilz devroyent recevoir pour le repos et tranquillité de leur tant inquietee conscience, sans plus s'effrayer et tremousser en la vanité des songes qu'ilz font sur la pretendue idolatrie de la Croix, c'est cela mesme qu'ilz rejettent et abhorrissent le plus, et l'appellent « Endormie », par mespris et desdain.

  A002001119 

 C'est ce que j'ay desiré faire en cest escrit pour les simples qui en ont plus de besoin, aussi leur cœur plus tendre et humide pourra peut estre bien recevoir l'impression du signe de la Croix d'une si foible main comme est la mienne, la ou les cœurs de pierre et de bronze de ceux qui pensent estre quelque chose ne presteroyent jamais sinon au ciseau et burin de quelque plus ferme ouvrier.

  A002001119 

 C'est la ou doivent nicher toutes nos esperances, et de nostre amendement et de la conversion des devoyés, laquelle il faut aussi ayder par voye de remonstrance et instruction, car Dieu l'a ainsy establi.

  A002001119 

 Que si [370] Dieu favorise mon projet de quelque desirable effect, si en ce combat que j'ay fait pour son honneur contre ce traitteur inconneu, il luy plaist me mettre en main quelques despouïlles, c'est a luy seul que l'honneur en est deu, c'est en la Croix, comme en un temple sacré, ou elles doivent estre pendues en trophees.

  A002001119 

 Que si mon insuffisance et lascheté me prive de tout autre gain, au moins auray-je ce bon heur d'avoir combattu pour le plus digne Estendart qui fut, est, et sera, et qui est le plus envié du monde..

  A002001120 

 Les attaques semblent redoubler en nostre aage; l'Antechrist approche tousjours plus, ce n'est merveille si ses trouppes s'avancent plus dru.

  A002001120 

 Nous adorons ce que nous sçavons, or nous sçavons Jesus Christ en Croix et la Croix en Jesus Christ; c'est pourquoy je fais fin par cest abregé et de la doctrine Chrestienne et de tout ce que j'ay deduit jusques a present, protestant avec le glorieux predicateur de la Croix, saint Paul (mais faites, mon Dieu, que ce soit plus de cœur et d'actions que d'escrit et de bouche, et qu'ainsy je face la fin de mes jours): Ja n'advienne que je me glorifie, sinon en la Croix de Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A002001137 

 C'est en cest endroit on l'insolence des reformateurs s'exerce le plus, et plus impudemment.

  A002001137 

 L'autre partie, reconnoissant fort bien que nous ne recognoissons qu'un seul Dieu et que lhonneur que nous portons a la Croix est tout autre que celuy qui est deu a Dieu, ne laissent pour cela de crier que nous sommes idolatres.

  A002001138 

 Mais il n'est pas possible de penser qu'il y ayt un'idolatrie chrestienne, nomplus que des tenebres lumineuses ou des froides chaleurs.

  A002001138 

 Or bien, ce sont des philosophies dignes de telz novateurs, ou il semble ouvertement dire que la Croix nous est autant idole que Venus et Juppiter aux payens.

  A002001139 

 il nous veut prendre par un autre biais: « Quand il est question d'honneur religieux ou conscientieux, ce sont choses non accordantes de donner tout honneur a un seul Dieu et a son Filz, et en departir une portion a aucun homme, ou a la Croix materielle, ou a creature qui soit.

  A002001140 

 Mais il poursuit: « Vray est que les questionnaires ne se sont pas teuz la dessus, car on a demandé de quelle sorte d'honneur elle devoit estr'adoree.

  A002001140 

 Quelques uns ont dit que la vraye Croix, qui avoit touché au cors de Jesuschrist, devoit estr'adoree de latrie ou pour le moins d'hiperdulie, mais que les autres croix devoyent estre servies de lhonneur de dulie; cest a dire, que la vraye Croix devoit estre reveree de lhonneur deu a Christ, et les autres croix devoyent estr'honnorees de lhonneur que les serviteurs doivent a leurs maistres: et c'est la belle resolution du present second placquart.

  A002001141 

 Or je layss'a part que c'est un mensong'expres que la belle resolution du placquart soit telle que dit ce contrediseur; car il ne parle ni peu ni prou de latrie, dulie ou hiperdulie, ni ne se sert point de la distinction de la vraye Croix d'avec l'image ou signe d'icelle.

  A002001142 

 Or, bien que d'avoir descouvert le mensonge c'est asses l'avoir refuté, si est ce neanmoins, que par ce que ce traitteur produit ceste doctrine comm'absurde, je veux ici, autant que la briefveté que j'ay entreprins de suivre me le permet, proposer au vray la resolution Catholique touchant lhonneur de la Croix..

  A002001143 

 23, et David commande que l'on adore l'escabeau des piedz de Dieu par ce quil est saint, c'est a dire, l'Arche de l'alliance.

  A002001143 

 2; Abraham adora le peuple de la terre, c'est a dire, les enfans de Heth, Gen.

  A002001143 

 Ainsy est il dict, Dominum Deum tuum adorabis: Tu adoreras le Seig r ton Dieu, Deut.

  A002001143 

 Il faut donq sçavoir, premierement, que le mot d'adorer, en la saint'Escriture, ne veut dir'autre chose que faire reverence et veneration, comme de fait c'est sa vraye signification; si que il ne signifie pas seulement la reverence ou hommage fait a Dieu, mais aussi lhonneur et veneration fait aux hommes, aux Anges et autres choses crees et saintes.

  A002001144 

 C'est pourquoy, adorer, simplement pris et absolument, signifie en l'Escriture adorer Dieu, Jo. 4; et par mesme rayson les Anciens ont quelquefois fait difficulté de l'appliquer a lhonneur des creatures, quoy quilz sceussent que cela se pouvoit faire.

  A002001144 

 Dequoy la rayson est par ce que l'adoration n'appartient pas egalement a Dieu et aux creatures, il y a a dire de l'infinité: l'adoration donques deüe a Dieu est si excellente en comparaison de celle que l'on fait aux creatures, que, ni ayant presque point de proportion, l'adoration des creatures n'est presque pas adoration au pris de celle que l'on fait a Dieu.

  A002001145 

 : Invenit Helena Crucem Domini; Regem adoravit, non lignum utique, quia hic gentilis est error, sed adoravit illum qui pependit in ligno.

  A002001145 

 Ecce et clavus ejus in honore est, et quem ad mortem impressimus remediutn salutis est, atque invisibili quadam potestate dæmones torquet; et apres: ferro pedum ejus reges inclinantur, clavum Crucis ejus diademati suo præferunt imperatores; etc..

  A002001145 

 Et toutefois bien tost apres: Sapienter Helena egit quæ crucem in capite regum levavit et locavit, ut Crux Christi in regibus adoretur; non insolentia ista sed pietas est, cum defertur sacræ redemptioni.

  A002001148 

 in Gen., que il n'est pas dit: Tu adoreras le seul Seigneur ton Dieu, mays ouÿ bien: Tu serviras au seul Seigneur ton Dieu, ou au grec le mot de latrie est employé, qui signifie un service deu a Dieu seul.

  A002001149 

 Et c'est a ceste consideration que bien souvent les Anciens ont employé d'autres motz plus generaux pour signifier la reverence dette aux Saintz et autres creatures, ou s'il ny ont pas employé d'autres motz ilz ont limité le mot d'adoration par quelque addition.

  A002001149 

 Et de vray, puysque le mot d'adorer ne signifie autre que l'action par laquelle une personne honnore un'autre en reconnoissance de quelqu'advantageuse excellence qu'ell'y pens'estre, l'adoration joint beaucoup mieux a lhonneur deu a Dieu qu'a celuy que l'on rend aux creatures; car quand elle s'adress'a Dien, elle prend toute l'estendue et desploye toute sa force sans estre contrainte ni limitee a certain ply ou mesure, comme ell'est quand on l'adress'aux creatures.

  A002001149 

 Si que entre toutes les sortes d'honneur, l'adoration est la plus excellente, et entre toutes les adorations celle-la qui se fait a Dieu est incomparablement la plus digne (dont Anast., Episc. Theopoleos, act. 4 a 7 æ sinodi, dit qu'ell'est, Emphasis seu excellentia honoris ), ains si digne qu'au prix des autres elle seule s'apell'adoration.

  A002001150 

 Or en fin, comme que ce soit, parmi le vulgaire du Christianisme ce mot d'adorer ne se rapporte qu'a lhonneur qui est deu a Dieu, qui sera cause que nous le laisserons a ce seul usage comm'au principal; et parlans de lhonneur deu aux creatures nous mettrons en œuvre des motz plus communs et d'indubitable signification, ou moins douteuse, comm'est honnorer, reverer, venerer et semblables..

  A002001151 

 Et partant, comme l'honneur n'est que le tesmoignage de l'excellence de quelqun en general, aussi l'adoration n'est que le tesmoignage d'un'excellence advantageuse et superieure, a l'endroit de celuy qui adore..

  A002001151 

 On cest'excellence, de laquell'on rend tesmoignage par l'honneur, est advantageuse a celuy que nous honnorons, sur nous, et lhors nous le pouvons, ains devons, adorer, puysque la rayson veut que nous nous reconnoissions et faisions profession d'estr'inferieurs a ceux qui ont quelque advantage d'excellence et eminence sur nous.

  A002001151 

 Or cest'excellence peut estre de deux sortes: car, ou c'est un'excellence qui ne rend celuy qui la possede advantageux ou superieur sur celuy qui le veut honnorer, et lhors il ni a lieu que pour le simpl'honneur et ne se peut former aucun'adoration; tel est l'honneur que s'entreportent les gens de bien les uns aux autres, comme, par exemple, S t Basile a S t Gregoire Naz., tesmoin Eustratius sur le p r chapitre du 9 des Ethiques, selon le dire de l'Apostre: Honore invicem prævenientes, Ro.

  A002001151 

 Secondement, il faut sçavoir qu'honnorer un personnage n'est autre sinon tesmoigner de l'excellence que nous croyons estr'en luy.

  A002001152 

 Si l'excellence surpasse infiniment, comme fait la [376] Divine, l'adoration est absolue et sauverayne, qui ne peut jamais estre trop humble et reconnoissante, et est apellee latrie: car, comme dit S t Aug., l. 10 de Civit.

  A002001153 

 Car ayans remarqué que le mot grec de dulie s'appliqu'indifferemment au service de Dieu et des creatures, et que le mot de latrie, comme dit le grand S t Aug. en plusieurs endroitz, n'est presqu'appliqué qu'au service de Dieu, ilz ont appellé le service deu a un seul Dieu, latrie, et celuy qui se peut rapporter aux creatures, dulie.

  A002001153 

 Si l'excellence est cree, comme celle des Anges et des hommes saintz ou superieurs, l'adoration est limitee et bornee a la mesure de l'excellence pour laquell'on adore, et s'apelle dulie parmi les Theologiens.

  A002001154 

 est la principale et formelle: car la premiere est bien souvent sans adoration, comm'es Diables, qui, reconnoissans la majesté de Dieu, ne l'adorent pourtant pas ains s'opposent tant quilz peuvent a son excellence, et ceux desquelz parle S t Pol, Rom. 1, qui, connoissans Dieu ne l'ont pas glorifié comme Dieu; la troysiesme peut estre faitte par mocquerie et hipocrisie; la seule seconde est tousjours vraÿe adoration..

  A002001155 

 Il s'ensuit que l'adoration ne se peut faire qu'a la nature intelligente; car, puysque l'adoration se fait en reconnoissance de quelqu'excellence superieure, les advantages que la natur'intelligente tient sur tout'autre sont si grans, qu'elle ne se doit sousmettre a aucun autre, tout le reste luy est inferieur et dedié a son usage et service..

  A002001156 

 L'excellence pour laquelle on honnore, principalement, les creatures, c'est la vertu, comme monstre S t Thomas, le tirant d'Aristote (l. 4 Eth. c, 3. et l. 1. c. 5.), q. 145.

  A002001156 

 Mays la vertu pour laquell'on reçoit honneur n'est pas tousjours nostre, ains bien souvent d'autruy: comm'on honore les superieurs quoy que mauvais, pour la vertu de Dieu et de la republique de laquell'ilz tiennent le lieu; ainsy les peres et maistres sont honnorables pour la participation quilz ont de la dignité de Dieu qui est supreme Pere, principe, recteur et Seig r; ainsy les vieux, parce que la viellesse est un signe de sagesse, comme tesmoignant de l'experience; ainsy les riches, comm'ayans un bon instrument pour ayder et conserver la republique.

  A002001157 

 Or de tout cecy s'ensuit que quoy que les Diables sont plus excellens que nous, nous ne leur devons aucun honneur, parce que leur excellence ne tend point a bien, mays l'ont du tout destournee a mal, et ce irrevocablement; joint quell'est accablee de la supreme misere.

  A002001158 

 Il s'ensuit encor que la creature irraysonnable n'estant capable d'aucun honneur puysqu'elle ne peut estre ni vertueuse ni bonteuse, si on l'honnore on ne la doit honnorer pour ce qui est d'elle mesme ni pour son propre estoc, mais comm'appartenance, instrument, signe ou acheminement de la vertu ou du vertueux.

  A002001158 

 On honnore la viellesse par ce qu'elle tesmoigne l'experience, et l'experience apporte la prudence; on honnore les riches par ce que la richesse est signe d'industrie et est instrument de beaucoup de vertuz, comme de la liberalité et magnificence; on honnore les magistratz par ce quilz representent Dieu et la republique; on honnore les moindres officiers des princes, et leurs couronnes, sieges, sceptres, par ce que ce sont signes et appartenances de leur authorité; on honnore la science par ce qu'ell'est instrument de beaucoup de bien, signe de diligence et acheminement de bien faire, comm'on deteste l'ignorance par contraires raysons.

  A002001162 

 est interrompue; les deux passages suivants sont des citations détachées.].

  A002001164 

 « L'excuse est facile, que la Loy ne condamne nulles images sinon celles qui servent de representer Dieu; ce pendant, de lever un monceau de pierres en signe de trophee, ou pour tesmoignage d'un miracle qui aura esté fait, ou pour reduire en memoire quelque benefice de Dieu excellent, la Loy ne l'a jamais defendu en passage quelconque.

  A002001166 

 Honor erga gratos conservos benevolentiæ erga communem Dominum indicium est.

  A002001169 

 se rattache à la précédente, ainsi qu'il est plus amplement exposé dans la dernière partie de la Préface.].

  A002001170 

 ........................................................................................................................... pour son particulier et ordinaire honneur d'estre nne briefve et vigoureuse orayson, a rayson dequoy il est bien fort venerable..

  A002001172 

 C'est l'Achilles des novateurs, il la faut donq faire pour par apres la desfaire.

  A002001172 

 Elle se fait ainsy: il est defendu tresexpressement de faire les statues et similitudes de chose aucune quelle qu'elle soit, beaucoup plus de les venerer et adorer; il ne faut donq pas seulement avoir les images de la Croix, combien moins les adorer? Pour desfaire cest argument il faut seulement bien entendre comme les statues et similitudes sont prohibees, car en mesme façon ne faudra-il point avoir les images de la Croix, ni les venerer.

  A002001172 

 Mettons donq au net la prohibition divine en ses termes: Tu ne te feras aucune statue, ni toute similitude qui est au ciel en haut, et en la terre a bas, ni des choses qui sont es eaux sous terre, tu ne les adoreras ni serviras: car je suis le Seigneur ton Dieu, fort, jaloux, et ce qui suit.

  A002001172 

 Que s'il ne faut avoir aucune similitude pour aucun usage que ce soit, il ne sera pas loysible nomplus d'avoir des Croix; mais s'il est permis de faire et avoir quelque similitude pour quelque particuliere occasion, il sera loysible d'avoir des Croix et les honnorer.

  A002001173 

 Premierement, je ne doute point que ceste prohibition ne soit une piece et appartenance du premier commandement, qui porte: Tu n'auras point de dieux estrangers devant moy, et partant je ne conte pas ceste prohibition pour second commandement, mais pour une partie du premier, auquel est [379] defendue l'idolatrie tout entiere: car l'idolatrie parfaitte git en deux sortes d'actions, interieures et exterieures; les interieures sont defendues par la premiere partie de ce premier commandement, qui porte: Tu n'auras point de dieux estrangers devant moy; les exterieures sont rejettees par les paroles suyvantes: Tu ne te feras aucun idole ou statue, et ce qui s'ensuit.

  A002001173 

 Que sil est ainsyn, pour bien entendre la seconde partie il la faut faire respondre, joindre et ressortir de la premiere..

  A002001174 

 Certes, la verité y est tout'ouverte..

  A002001176 

 Les images des Cherubins, des lions, vaches, pommes graines, Serpent d'airain, sont approuvees en l'Escriture; les enfans de Ruben, Gad et Manassé firent la similitude de l'autel de Dieu, et leur œuvre est approuvee; les Juifz monstrent a Nostre Seigneur l'image de Cæsar et il ne la rejette point, ains l'approuve.

  A002001176 

 Or ceste opinion est du tout barbare, combattue par l'authorité de l'Escriture, de l'Eglise et de la nature.

  A002001176 

 Par nature on fait l'image de soymesme aux yeux de ceux qui nous voyent, es verres, es eaux, en l'air, et la peinture est un don de Dieu et de nature.

  A002001177 

 C'est une opinion nouvelle, vaine et hæretique, suivie par un grand tas de schismatiques et chicaneurs, mais ell'est plus notoirement contraire a l'Escriture que la precedente, et non moins a l'Eglise de Dieu et a la nature.

  A002001177 

 Et pour vray, la rayson naturelle monstre que si les eglises sont maysons du Roi des roix, les ornemens y sont tres convenables, et si elles sont maysons du Saint des Saintz, les ornemens y doivent estre les plus saintz; or plus saintz ornemens n'y peut on mettre que les representations des choses saintes; le temple est image du ciel, pourquoy ni logera-on les images de ce qui est au ciel?.

  A002001177 

 Mais ou fut-ce, je vous prie, que les images des Cherubins, et celles des vaches, lions et grenades, estoyent anciennement, sinon dans le Temple? et quand aux Cherubins, au lieu du Temple le plus sacré et considerable, Voyla [380] un exemple signalé pour nous; qui le nous voudra ravir, il faut quil apporte une grande authorité a garend, il ne suffira pas de faire des discours; nostre exemple est en l'Escriture et de Dieu, il faut l'Escriture ou l'Eglise pour nous en oster l'imitation.

  A002001178 

 Mais je dis outre tout cela que la force de la prohibition, de ne faire similitudes de quoy que ce soit, portee au commandement de Dieu, n'est pas suffisamment deduitte par ceste consideration.

  A002001178 

 Or, tout ce qui est signe n'est pas image, quoy que ce qui est image soit signe: ainsin la colombe et les feux descendans estoyent signes, non image du Saint Esprit; ainsi quand les Anges parloyent en forme d'homme, ceste forme la estoit signe, non image de l'Ange.

  A002001178 

 Quelle forme peut avoir aucune convenance avec Celuy qui n'a aucune forme? Et toutes les images que l'on fait de Dieu le Pere et du Saint Esprit ne servent a autre qu'a representer les figures et formes sous lesquelles et par lesquelles il s'est manifesté selon l'Escriture, lesquelles formes et figures ne représentoyent pas Dieu selon sa Divinité par maniere d'images et statues de Dieu, mais par maniere de simples signes.

  A002001178 

 Si donques on dit que le commandement de Dieu rejette les images qui seroyent faittes pour représenter au sens exterieur la Divinité, comme c'est le propre des images de représenter leurs propres objetz, je suys de cest advis-la, laissant neanmoins le bon usage des images qui représentent les apparitions Divines, ou quelque proprieté de sa Divine Majesté par quelque misterieuse et secrette signification.

  A002001178 

 est interrompue; ici se termine tout ce qui a pu en être retrouvé.] [381].

  A002001188 

 Ce commandement divin est une figure qui represente la vertu du signe de la Croix: car Thau se peint en ceste sorte, T. Pour monstrer la vertu de ce signe, S. Athanase dit, au livre de l' Incarnation, que le signe de la Croix chasse tous enchantemens et sorceleries et les rend de nulle valleur.

  A002001188 

 Et si bien on [ne] doit attribuer vertu aux signes et caracteres, toutesfois ce signe est si divin qu'il ne sçauroit estre superstitieux et diabolique, veu que Dieu en fait grand estat et l'a fait predire au Prophete Ezechiel, c. 9, sous la figure de Thau; laquelle S. Hyerosme, sur ce lieu, applique formellement à la Croix.

  A002001188 

 S. Chrysostome, du mesme temps, en l'homelie Que Jesus Christ est Dieu, traicte admirablement de la gloire de ce signe, et atteste comme tous Sacremens estoyent faicts et parachevez par iceluy, et dit qu'il s'en faut servir, en ces termes: Crux in fronte nostra quasi in columna quotidie figuratur.

  A002001188 

 S. Paulin, Evesque de Nole, tres-ancien (il y a plus d'onze cents ans qu'il vivoit), in natali S. Fœlicis, dit que le signe de la Croix est l'armeure des Chrestiens, defensive contre tous ennemis.

  A002001188 

 Sur le Psalme 36, il dit que le signe de la Croix avec une grande gloire est passé du lieu des supplices au front des Roys et Empereurs; au traité 3.

  A002001194 

 1: Pacifiant par le sang de sa Croix, c'est à dire, respandu en icelle comme sur un autel; vraye eschelle à son Royaume, selon sainct Jean, 12. et Philipp., 2; instrument de sa victoire et de son triomphe, selon sainct Paul, Coloss. 2.

  A002001194 

 Comme sainct Ambroise dit au livre du Trespas de Theodose: « Ce n'est pas le bois » (dit-il), « mais le Roy du Ciel que nous adorons au bois.

  A002001194 

 Il est bien vray que mourant pour Dieu ou la patrie, la mort en est glorieuse; en memoire de laquelle on pourroit en honnorer les instruments: sur tout si cela avoit causé quelque grand bien, comme a faict la Croix, vray autel du souverain sacrifice qui est Jesus Christ, selon sainct Paul, Heb. c. 7, et Colloss.

  A002001194 

 On ne venere pas les colonnes, creches et sepulchres pour ressembler à ceux de Jesus Christ: car cela n'est pas son image et ne le represente point Crucifié, auquel on dresse l'esprit en honnorant la Croix; laquelle, depuis l'Edict imperial de Constantin de n'y attacher plus les hommes, n'a plus aucun autre usage au monde que d'estre image representant Jesus Christ crucifié.

  A002001194 

 Que s'il est gibet, c'est celuy du Dieu de la Majesté, et du Roy de gloire, où il souffrit heureusement et honnorablement pour nostre salut, sans aucun peché ny crime, ainsi que confesserent ses mesmes ennemis.

  A002001194 

 Sainct Ambroise, livre du Sacrement de l'Incarnation, c. 7, dit: « Quand nous venerons en Jesus Christ l'image de Dieu et sa Croix, ce n'est pas pour le diviser et separer en deux.

  A002001194 

 sur Josué, lict, « triomphant d'eux au bois de la Croix », et le Grec s'y rapporte bien qui est: ἐυ αὐτῷ (i. e. σταυρῷ).

  A002001194 

 » C'est chose admirable que Dieu ayant deffendu l'idolatrie, ne laissa en apres, au livre des Nombres, c. 21, de faire dresser sur le bois le Serpent de bronze, en forme pendante, encores que le peuple fut tombé en idolatrie.

  A002001200 

 vers. 7, monstre que ceste adoration est licite, disant: Nous adorerons le lieu ou ses pieds se sont arrestés.

  A002001203 

 S t Ambroise, au livre du Trespas de Theodose, dit: « Non pas le bois, mais le Roy du Ciel est adoré au bois.

  A002001204 

 S t Augustin, liv. [II] de la Visitation des malades, c. 3, dit que la Croix est digne de veneration; et fit devant icelle sa priere a Jesus Christ..

  A002001216 

 contre l'Empereur Julien l'Apostat lequel se moquoit des Chrestiens qui adoroient la Croix, les soustient, et dit: « Le bois de salut nous remet en memoire et souvient des benefices receus de Jesus Christ, et nous incite a penser que, comme saint Paul dit, Luy seul est mort pour tous et est resuscité.

  A002001223 

 Il contiendra environ 24 feuilles in 12, de la lettre de Cicero que nous appelions, qui est celle dont les Extraits de la dispute du P. Cherubin sont imprimez; et l'impression en coustera pour le moins 68 fl. S'il vous plaist donc, vous m'en escrirez, et si j'ay moyens, je le pourroy mettre sur la presse à la prochaine feste de Toussaincts.

  A002001223 

 Que si vous pouviez retrouver quelque librayre en cette ville qui le voulut faire imprimer à ses despends, je vous promets d'y fournir mon industrie et l'ortographe, car il ne l'est aucunement, et y rapporter tout ce que doit celuy qui est et sera tousjours.

  A002001234 

 L'Apostre se plaignoit et, baigné de larmes, disoit que plusieurs cheminoyent et conversoyent entre les Chrestiens desreglement, et se rendoyent ennemis de la Croix de Jesus Christ; desquels la fin est perdition, le dieu desquels est le ventre, et leur gloire est en leur confusion.

  A002001235 

 L'Archiministre de Geneve, pour eterniser sa puante memoire, a esté si impudent et effronté menteur que d'avoir publié un livre satyricque intitulé, Admonitio de Reliquiis; en la pag. 7, au § Jam ad præcipuas Domini Reliquias, il a escrit que toute la doctrine que l'Eglise tient sur la doctrine de la Croix est diabolique, reprouvee, et refutee par le Pere sainct Ambroise comme superstition ethnique et payenne.

  A002001236 

 Ce neantmoins, durant l'ardent feu et flamme de ces heresies, est demeuré en France plus grand nombre de croix et reliques [412] que n'a esté celuy des ruinees et gastees, et s'accomplist la prophetie du grand Prophete Esaïe, c. 19: In die illa erit altare Domini in medio terræ Ægypti, et titulus Domini juxta terminum ejus; et erit in signum et in testimonium Domino exercituum.

  A002001236 

 Et une chose miraculeuse est advenue contre ces brise-croix, que tous ceux qui premiers mirent leurs mains sacrileges sur les bois, pierres et autres matieres, tant dedans que hors les eglises, veuillant faire perdre la memoire de la mort et Passion de nostre Sauveur, en moins de trois ans, et aux mesmes jours qu'ils commirent cest execrable crime de leze majesté Divine, se sont trouvez morts et estouffez, privez de toute sepulture, ayde et consolation, soit de leurs confreres ou autres, et n'est demeuré et resté en terre aucun de leur race et progenie: Vultus autem Domini super facientes mala, ut perdat de terra memoriam eorum.

  A002001237 

 Et Mot caro factum est, Joan.

  A002001237 

 Imo, sans la continuelle memoire que les Chrestiens doivent avoir de la mort et Passion de Nostre Seigneur (tesmoin nostre Symbole: Et incarnatus est de Spiritu Sancto, ex Maria virgine, et homo factus est ), et sic de son humanité, nul ne seroit capable de la vie eternelle, Jean 17.

  A002001237 

 Nunc igitur causari præclarum esse aliquod habere monumentum, tum Christi, tum sanctorum ejus, quid aliud est quam inane tegumentum, fucandæ stultæ nostræ cupiditatis causa, quærere, quæ nullum in ratione fundamentum habet? Calvin par ces [413] meschantes parolles dit, que les Chrestiens ne se doivent souvenir et faire aucun compte de la chair et de toute l'humanité de Jesus Christ; contre infinis textes du nouveau Testament: Jean 6, Amen, dico vobis, nisi manducaveritis carnem filii hominis et biberitis ejus sanguinem non habebitis vitam in vobis, et quæ sequuntur.

  A002001238 

 Sur ce que le mesme Calvin prend à garent et pour tuteur de son impieté sainct Ambroise, c'est une fausseté; car ce grand Archevesque et Evesque de Milan (en son troisiesme tome), De obitu Theodosii, se conformant avec toute l'antiquité pour l'adoration de la Croix, dit: Invenit Helena titulum; Regem adoravit, non lignum utique, quia hic gentilis est error et vanitas impiorum, sed adoravit illum qui pependit in ligno, scriptus in titulo, etc..

  A002001240 

 Que quelques pieces que l'on prenne et ayent prins, retroactis seculis, de la saincte Croix, elle n'est point diminuee ni amoindrie, c'est une tres-veritable verité receuë de l'Eglise et approuvee des saincts Peres et Docteurs, et n'a oncques esté contredicte et par les heretiques.

  A002001241 

 Car raisonnablement les bons et vrays Catholiques adorent Jesus Christ pendu en la Croix, non pas le bois, or, ou autre matiere comme matiere et chose inanimee: car nous sommes tous d'accord que, in quantum est res insensibilis, puta lignum sculptum aut pictum, tunc nulla reverentia debetur ei, neque aliquis honor est exhibendus: mais considerants la Croix, in quantum est quædam res Christi, tunc adoranda est nobis adoratione Hyperduliæ.

  A002001241 

 Quand aux autres choses qui sont esté instruments de sa mort et Passion, comme les cloux, couronne, lance et autres, nous ne les adorons aucunement de l'adoration de Latrie comme la Croix, pource que ces choses ne representent point l'image de Jesus-Christ comme la Croix, quæ est signum filii hominis quod apparebit in cælo; et partant l'Ange dict aux femmes: Jesum quæritis crucifixum; non, lanceatum aut spinea corona coronatum, et hujusmodi.

  A002001242 

 La Croix peut estre dite la clef du Paradis, car par icelle le ciel fut ouvert: Velum, templi scissum est... a summo usque deorsum.

  A002001242 

 La premiere est la dignité et noblesse: car par l'attouchement du corps et effusion du sang de Nostre Sauveur, la Croix a esté rendue tres-digne et tres-noble; ainsi le tesmoigne l'Eglise: Crux fidelis inter omnes, arbor una nobilis, etc. La seconde est la saincteté qui est par le moyen dudict attouchement: car tout ainsi comme le Sauveur par l'attouchement de sa tres-pure et tres-nette chair a baillé et conferé la force et vertu regenerative aux eaux, ita, contactu suæ carnis, il a sanctifié le bois de la Croix; ainsi nous enseigne nostre Mere l'Eglise: O Crux splendidtor cunctis astris, in mundo celebris, hominibus multum amabilis, sanctior universis.

  A002001242 

 La troisiesme chose, que la Croix a esté et est tres-vertueuse et miraculeuse; tellement que l'Apostre dict: Mot crucis iis qui salvi fiunt virtus Dei est.

  A002001242 

 de Cruce, luy attribue ces belles et sainctes proprietez: Crux est spes Christianorum, resurrectio mortuorum, lux cæcorum, baculus claudorum; est consolatio pauperum, refrenatio divitum, destructio superborum, maie viventium pæna, adversus dæmones Victoria, spes desolatorum, requies tribulatorum..

  A002001276 

 Discede, Christus hic est,.

  A002001277 

 Hic Christus est, dignosce:.

  A002001364 

 Ma Muse est trop debile et trop basse ma veine,.

  A002001374 

 Il est ton clair soleil, ta lumiere et ton phare,.

  A002001375 

 C'est luy qui t'a guidé en ta syncere foy..

  A002001403 

 Meum propositum est antiquos legere, probare singula, retinere quæ bona sunt et a fide Ecclesiæ non recedere..

  A002001409 

 Vir justus terræ est dominus, victorque manebit.

  A002001479 

 A qui sa Croix sent mal, sa mort est plus puante..


03-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome III-Introduction a la vie devote.html
  A003000016 

 Chapitre III. Que la devotion est convenable a toutes sortes de vocations et professions.

  A003000019 

 Chapitre VI. De la premiere purgation, qui est celle des pechés mortelz.

  A003000020 

 Chapitre VII. De la seconde purgation, qui est celle des affections du peché.

  A003000143 

 Chapitre V. Encouragement a l'ame qui est es tentations.

  A003000181 

 Que la devotion est convenable a toutes sortes de vocations et professions - Chap.

  A003000184 

 De la premiere purgation qui est celle des pechez mortels - Chap.

  A003000185 

 De la seconde purgation qui est celle des affections du peche - Chap.

  A003000253 

 Seconde partie de l'Introduction contenant divers advis propres pour la conduitte de l'ame au chemin de la saincte devotion depuis qu'elle y est entrée.

  A003000302 

 Encouragement a l'ame qui est en ces tentations - Chap.

  A003000341 

 Je ne puis, certes, ni veux, ni dois escrire en cette Introduction que ce [5] qui a des-ja esté publié par nos predecesseurs sur ce sujet; ce sont les mesmes fleurs que je te presente, mon Lecteur, mais le bouquet que j'en ay fait sera different des leurs, a rayson de la diversité de l'ageancement dont il est façonné..

  A003000342 

 Il est vray que cela est malaysé, et c'est pourquoy je desirerois que plusieurs y employassent leur soin avec plus d'ardeur qu'on n'a pas fait jusques a present; comme, tout foible que je suis, je m'essaye par cet escrit de contribuer quelque [6] secours a ceux qui d'un cœur genereux feront cette digne entreprise..

  A003000342 

 Mon intention est d'instruire ceux qui vivent es villes, es mesnages, en la cour, et qui par leur condition sont obligés de faire une vie commune quant a l'exterieur, lesquelz bien souvent, sous le pretexte d'une pretendue impossibilité, ne veulent seulement pas penser a l'entreprise de la vie devote, leur estant advis que, comme aucun animal n'ose gouster de la graine de l'herbe nommee palma Christi, aussi nul homme ne doit pretendre a la palme de la pieté chrestienne tandis qu'il vit emmi la presse des affaires temporelles.

  A003000344 

 Mais tout cela je l'ay fait sans nulle sorte presque de loysir; c'est pourquoy tu ne verras rien icy d'exacte, ains seulement un amas d'advertissemens de bonne foy que j'explique par des paroles claires et intelligibles, au moins ay-je desiré de le faire.

  A003000347 

 Cet aage est fort bigearre, et je prevois bien que plusieurs diront qu'il n'appartient qu'aux religieux et gens de devotion de faire des conduittes si particulieres a la pieté; qu'elles requierent plus de loysir que n'en peut avoir un Evesque chargé d'un diocese si pesant comme est le mien; que cela distrait trop l'entendement qui doit estre employé a choses importantes.

  A003000347 

 Mais moy, mon cher Lecteur, je te dis avec le grand saint Denis, qu'il appartient principalement aux Evesques de perfectionner les ames, d'autant que leur ordre est le supreme entre les hommes, comme celuy des Seraphins entre les Anges, si que leur loysir ne peut estre mieux destiné qu'a cela.

  A003000348 

 C'est une peyne, je le confesse, de conduire les ames en particulier, mais une peyne qui soulage, pareille a celle des moissonneurs et vendangeurs, qui ne sont jamais plus contens que d'estre fort embesoignés et chargés; c'est un travail qui delasse et avive le cœur par la suavité qui en revient a ceux qui l'entreprennent, comme fait le cinamome ceux qui le portent parmi l'Arabie heureuse.

  A003000348 

 Mais il faut sans doute que ce soit un cœur paternel; et c'est pourquoy les Apostres et hommes apostoliques appellent leurs disciples non seulement leurs enfans, mais encor plus tendrement leurs petitz enfans..

  A003000348 

 On dit que la tigresse avant retreuvé l'un de ses petitz, que le chasseur luy laisse sur le chemin pour l'amuser tandis qu'il emporte le reste de la littee, elle s'en charge pour gros qu'il soit, et pour cela n'en est point plus pesante, ains plus legere a la course qu'elle fait pour le sauver dans sa tasniere, l'amour naturel l'allegeant par ce fardeau.

  A003000349 

 Au demeurant, mon cher Lecteur, il est vray que j'escris de la vie devote sans estre devot, mais non pas certes sans desir de le devenir, et c'est encor cette affection qui me donne courage a t'en instruire; car, comme disoit un grand homme de lettres, la bonne [10] façon d'apprendre c'est d'estudier, la meilleure c'est d'escouter, et la tresbonne c'est d'enseigner.

  A003000350 

 » Or, il m'est advis, mon Lecteur mon ami, qu'estant Evesque, Dieu veut que je peigne sur les cœurs des personnes non seulement les vertus communes, mais encores sa treschere et bien aymee devotion; et moy je l'entreprens volontier, tant pour obeir et faire mon devoir, que pour l'esperance que j'ay qu'en la gravant dans l'esprit des autres, le mien a l'adventure en deviendra saintement amoureux.

  A003000358 

 Vous aspires a la devotion, treschere Philothee, parce qu'estant Chrestienne vous sçaves que c'est une vertu extremement aggreable a la divine Majesté: mais, d'autant que les petites fautes que l'on commet au commencement de quelque affaire s'aggrandissent infiniment au progres et sont presque irreparables a la fin, il faut avant toutes choses que vous sçachies que c'est que la vertu de devotion; car, d'autant qu'il n'y [14] en a qu'une vraye, et qu'il y en a une grande quantité de fauses et vaynes, si vous ne connoissies quelle est la vraye, vous pourries vous tromper et vous amuser a suivre quelque devotion impertinente et superstitieuse..

  A003000359 

 Celuy qui est adonné au jeusne se tiendra pour bien dévot pourveu qu'il jeusne, quoy que son cœur soit plein de rancune; et n'osant point tremper sa langue dedans le vin ni mesme dans l'eau, par sobrieté, ne se feindra point de la plonger dedans le sang du prochain par la mesdisance et calomnie.

  A003000360 

 Bref, la devotion n'est autre chose qu'une agilité et vivacité spirituelle par le moyen de laquelle la charité fait ses actions en nous, ou nous par elle, promptement et affectionnement; et comme il appartient a la charité de nous faire generalement et universellement pratiquer tous les commandemens de Dieu, il appartient aussi a la devotion de les nous faire faire promptement et diligemment.

  A003000360 

 C'est pourquoy celuy qui n'observe tous les commandemens de Dieu ne peut estre estimé ni bon ni devot, puisque pour estre bon il faut avoir la charité, et pour estre devot il faut avoir, outre la charité, une grande vivacité et promptitude aux actions charitables..

  A003000360 

 La vraye et vivante devotion, o Philothee, presuppose l'amour de Dieu, ains elle n'est autre chose qu'un vray amour de Dieu; mais non pas toutefois un amour tel quel: car, entant que l'amour divin embellit nostre ame, il s'appelle grace, nous rendant aggreables a sa divine Majesté; entant qu'il nous donne la force de bien faire, il s'appelle charité; mais quand il est [14] parvenu jusques au degré de perfection auquel il ne nous fait pas seulement bien faire, ains nous fait operer soigneusement, frequemment et promptement, alhors il s'appelle devotion.

  A003000361 

 Car tout ainsy qu'un homme qui est nouvellement gueri de quelque maladie chemine autant qu'il luy est nécessaire, mais lentement et pesamment, de mesme le pecheur estant gueri de son iniquité, il chemine autant què Dieu luy commande, pesamment neanmoins et lentement jusques a tant qu'il ayt atteint a la devotion; car alhors, comme un homme bien sain, non seulement il chemine, mais il court et saute en la voÿe des commandemens de Dieu, et, de plus, il passe et court dans les sentiers des conseilz et inspirations celestes.

  A003000361 

 En fin, la charité et la devotion ne sont non plus differentes l'une de l'autre que la flamme l'est du feu, d'autant que la charité estant un feu spirituel, quand elle est fort enflammee elle s'appelle devotion: si que la devotion n'adjouste rien au feu de la charité, sinon la flamme qui rend la charité prompte, active et diligente, non seulement a l'observation des commandemens de Dieu, mais a l'exercice des conseilz et inspirations celestes..

  A003000365 

 Ceux qui descourageoyent les Israëlites d'aller en la terre de promission leur disoyent que c'estoit un païs qui devoroit les habitans, c'est a dire, que l'air y estoit si malin qu'on n'y pouvoit vivre longuement, et que reciproquement les habitans estoyent des gens si prodigieux qu'ilz mangeoyent les autres hommes comme [16] des locustes: ainsy le monde, ma chere Philothee, diffame tant qu'il peut la sainte devotion, depeignant les personnes devotes avec un visage fascheux, triste et chagrin, et publiant que la devotion donne des humeurs melancholiques et insupportables.

  A003000365 

 Mais comme Josué et Caleb protestoyent que non seulement la terre promise estoit bonne et belle, ains aussi que la possession en seroit douce et aggreable, de mesme le Saint Esprit, par la bouche de tous les Saintz, et Nostre Seigneur par la sienne mesme nous asseure que la vie devote est une vie douce, heureuse et amiable..

  A003000366 

 Les feux, les flammes, les roues et les espees sembloyent des fleurs et des parfums aux Martyrs, parce qu'ilz estoyent devotz; que si la devotion peut donner de la douceur aux plus cruelz tourmens et a la mort mesme, qu'est-ce qu'elle fera pour les actions de la vertu?.

  A003000366 

 O mondains, les ames devotes treuvent beaucoup d'amertume en leurs exercices de mortification, il est vray, mais en les faisant elles les convertissent en douceur et suavité.

  A003000366 

 Regardés les abeilles sur le thim: elles y treuvent un suc fort amer, mais en le sucçant elles le convertissent en miel, parce que telle est leur proprieté.

  A003000367 

 Le sucre adoucit les fruitz mal meurs et corrige [17] la crudité et nuisance de ceux qui sont bien meurs; or, la devotion est le vray sucre spirituel, qui oste l'amertume aux mortifications et la nuisance aux consolations: elle oste le chagrin aux pauvres et l'empressement aux riches, la desolation a l'oppressé et l'insolence au favorisé, la tristesse aux solitaires et la dissolution a celuy qui est en compaignie; elle sert de feu en hiver et de rosee en esté, elle sçait abonder et souffrir pauvreté, elle rend esgalement utile l'honneur et le mespris, elle reçoit le playsir et la douleur avec un cœur presque tous-jours semblable, et nous remplit d'une suavité merveilleuse..

  A003000368 

 Contemplés l'eschelle de Jacob (car c'est le vray pourtrait de la vie devote): les deux costés entre les-quelz on monte, et ausquelz les eschellons se tiennent, representent l'orayson qui impetre l'amour de Dieu et les Sacremens qui le conferent; les eschellons ne sont autre chose que les divers degrés de charité par lesquelz l'on va de vertu en vertu, ou descendant par l'action au secours et support du prochain, ou montant par la contemplation a l'union amoureuse de Dieu.

  A003000368 

 Le reste de [18] leurs cors est couvert, mais d'une belle et legere robbe, parce qu'ilz usent voyrement de ce monde et des choses mondaines, mais d'une façon toute pure et sincere, n'en prenans que legerement ce qui est requis pour leur condition: telles sont les personnes devotes..

  A003000369 

 Croyés moy, chere Philothee, la devotion est la douceur des douceurs et la reyne des vertus, car c'est la perfection de la charité.

  A003000369 

 Si la charité est un lait, la dévotion en est la cresme; si elle est une plante, la devotion en est la fleur; si elle est une pierre pretieuse, la devotion en est l'esclat; si elle est un baume pretieux, la devotion en est l'odeur, et l'odeur de suavité qui conforte les hommes et resjouit les Anges..

  A003000375 

 Non, Philothee, la devotion ne gaste rien quand elle est vraye, ains elle perfectionne tout, et lhors qu'elle se rend contraire a la legitime vacation de quelqu'un, elle est sans doute fausse.

  A003000375 

 « L'abeille, » dit Aristote, « tire son miel des fleures sans les intéresser, » les laissant entieres et fraisches comme elle les a treuvees; mais la vraye devotion fait encor mieux, car non seulement elle ne gaste nulle sorte de vocation ni d'affaires, ains au contraire elle les orne et embellit.Toutes sortes de pierreries jettees dedans le miel en deviennent plus esclatantes, chacune selon sa couleur, et chacun devient plus aggreable en sa vocation la conjoignant a la devotion: le soin de la famille en est rendu paisible, l'amour du mari et de la femme plus sincere, le service du prince plus fidelle, et toutes sortes d'occupations plus suaves et amiables..

  A003000376 

 C'est un erreur, ains une heresie, de vouloir bannir la vie devote de la compaignie des soldatz, de la [20] boutique des artisans, de la cour des princes, du mesnage des gens mariés.

  A003000376 

 Il est mesme arrivé que plusieurs ont perdu la perfection en la solitude, qui est neanmoins si desirable pour la perfection, et l'ont conservee parmi la multitude, qui semble si peu favorable a la perfection: Loth, dit saint Gregoire, qui fut si chaste en la ville, se souïlla en la solitude.

  A003000376 

 Il est vray, Philothee, que la devotion purement contemplative, monastique et religieuse ne peut estre exercee en ces vacations la; mais aussi, outre ces trois sortes de devotion, il y en a plusieurs autres, propres a perfectionner ceux qui vivent es estatz seculiers.

  A003000380 

 Je vous en dis de mesme, ma Philothee: voules-vous a bon escient vous acheminer a la devotion? cherchés quelque homme de bien qui vous guide et conduise; c'est ici l'advertissement des advertissemens.

  A003000382 

 L'ami fidelle est un medicament de vie et d'immortalité; ceux qui craignent Dieu le treuvent. Ces divines paroles regardent principalement l' immortalité, comme vous voyes, pour laquelle il faut sur toutes choses avoir cet ami fidelle qui guide nos actions par ses advis et conseilz, et par ce moyen nous garantit [23] des embusches et tromperies du malin; il nous sera comme un tresor de sapience en nos afflictions, tristesses et cheutes; il nous servira de medicament pour alleger et consoler nos cœurs es maladies spirituelle; il nous gardera du mal, et rendra nostre bien meilleur; et quand il nous arrivera quelque infirmité, il empeschera qu'elle ne soit pas a la mort, car il nous en relevera..

  A003000382 

 L'ami fidelle, dit l'Escriture Sainte, est une forte protection; celuy qui Va treuvé a treuvè un tresor.

  A003000383 

 Mais qui treuvera cet ami? Le Sage respond: Ceux qui craignent Dieu; c'est a dire, les humbles qui desirent fort leur avancement spirituel.

  A003000384 

 Or, ce doit tous-jours estre un Ange pour vous: c'est a dire, quand vous l'aures treuvee, ne la considerés pas comme un simple homme, et ne vous confies point en iceluy ni en son sçavoir humain, mais en Dieu, lequel vous favorisera et parlera par l'entremise de cet homme, mettant dedans le cœur et dedans la bouche d'iceluy ce qui sera requis pour vostre bonheur; si que vous le deves escouter comme un Ange qui descend du ciel pour vous y mener.

  A003000389 

 C'est le commencement de nostre santé que d'estre purgé de nos humeurs peccantes..

  A003000389 

 Les fleurs, dit l'Espoux sacré, apparoissent en nostre terre, le tems d'esmonder et tailler est venu. Qui sont les fleurs de nos cœurs, o Philothee, sinon les bons desirs? Or, aussi tost qu'ilz paroissent, il faut mettre la main a la serpe, pour retrancher de nostre conscience toutes les œuvres mortes et superflues.

  A003000390 

 L'ame qui monte du peché a la devotion est comparee a l'aube, laquelle s'eslevant ne chasse pas les tenebres en un instant, mais petit a petit.

  A003000390 

 La guerison, dit l'aphorisme, qui se fait tout bellement, est tous-jours plus asseuree; les maladies du cœur, aussi bien que celles du cors, viennent a cheval et en poste, mais elles s'en revont a pied et au petit pas..

  A003000390 

 Saint Paul tout en un moment fut purgé d'une purgation parfaitte, comme fut aussi sainte Catherine de Gennes, sainte Magdeleine, sainte Pelagie et quelques autres; mais cette sorte de purgation est toute miraculeuse et extraordinaire en la grace, comme la resurrection des mortz en la nature, si que nous ne devons pas y pretendre.

  A003000391 

 Helas, quelle pitié est-ce de voir des ames lesquelles, se voyans sujettes a plusieurs imperfections apres s'estre exercees quelques fois en la devotion, commencent a s'inquieter, se [26] troubler et descourager, laissans presque emporter leur cœur a la tentation de tout quitter et retourner en arriere.

  A003000391 

 Mais aussi, de l'autre costé, n'est-ce pas un extreme danger aux ames lesquelles, par une tentation contraire, se font accroire d'estre purgees de leurs imperfections le premier jour de leur purgation, se tenans pour parfaittes avant presque d'estre faittes, en se mettant au vol sans aisles? O Philothee, qu'elles sont en grand peril de recheoir, pour s'estre trop tost ostees d'entre les mains du medecin! Ha, ne vous levés pas avant que la lumiere soit arrivee, dit le Prophete; levés vous apres que vous aurès esté assis: et luy mesme pratiquant cette leçon et ayant esté des-ja lavé et nettoyé, demande de l'estre derechef..

  A003000392 

 C'est une heureuse condition pour nous en cette guerre, que nous soyons tous-jours vainqueurs, pourveu que nous voulions combattre.

  A003000392 

 Nostre victoire ne gist pas a ne les sentir point, mais a ne point leur consentir; mais ce n'est pas leur consentir que d'en estre incommodé.

  A003000396 

 La premiere purgation qu'il faut faire c'est celle du peché; le moyen de la faire c'est le saint Sacrement de Penitence.

  A003000397 

 Il arrive souvent que les confessions ordinaires de ceux qui vivent d'une vie commune et vulgaire sont pleines de grans defautz: car souvent on ne se prepare point ou fort peu, on n'a point la contrition requise, ains il advient maintes fois que l'on se va confesser avec une volonté tacite de retourner au peché, d'autant qu'on ne veut pas eviter l'occasion du peché, ni prendre les expediens necessaires a l'amendement de la vie; et en tous ces cas ici la confession generale est requise pour asseurer l'ame.

  A003000397 

 Vous voyes bien, Philothee, que je parle d'une confession generale de toute la vie, laquelle, certes, je confesse bien n'estre pas tous-jours absolument necessaire, mais je considere bien aussi qu'elle vous sera extremement utile en ce commencement: c'est pourquoy je vous la conseille grandement.

  A003000402 

 Ainsy il y a des penitens qui sortent en effect du peché et n'en quittent pourtant pas l'affection: c'est a dire, ilz proposent de ne plus pecher, mais c'est avec un certain contrecœur qu'ilz ont de se priver et abstenir des malheureuses delectations du peché; leur cœur renonce au peché et s'en esloigne, mais il ne laisse pas pour cela de se retourner souventefois de ce costé la, comme fit la femme de Loth du costé de Sodome.

  A003000402 

 Car ainsy ces foibles et lasches penitens s'abstiennent pour quelque tems du peché, mais c'est a regret; ilz voudraient bien pouvoir pecher sans estre damnés, ilz parlent avec ressentiment et goust du peché et estiment contens ceux qui les font.

  A003000402 

 Tous les Israëlites sortirent en effect de la terre d'Egypte, mays ilz n'en sortirent pas tous d'affection; c'est pourquoy emmi le desert plusieurs d'entre eux regrettoyent de n'avoir pas les oignons et les chairs d'Egypte.

  A003000402 

 Un homme resolu de se venger changera de volonté en la [30] confession, mais tost apres on le treuvera parmi ses amis qui prend playsir a parler de sa querelle, disant que si ce n'eust esté la crainte de Dieu, il eust fait ceci et cela, et que la loy divine en cet article de pardonner est difficile; que pleust a Dieu qu'il fust permis de se venger! Ha, qui ne voit qu'encor que ce pauvre homme soit hors du peché, il est neanmoins tout embarrassé de l'affection du peché, et qu'estant hors d'Egypte en effect, il y est encor en appetit, desirant les aulx et les oignons qu'il y souloit manger! comme fait cette femme qui, ayant detesté ses mauvaises amours, se plaist neanmoins d'estre muguettee et environnee.

  A003000407 

 Or, le premier motif pour parvenir a cette seconde purgation, c'est la vive et forte apprehension du grand mal que le peché nous apporte, par le moyen de laquelle nous entrons en une profonde et vehemente contrition; car tout ainsy que la contrition, pourveu qu'elle soit vraye, pour petite qu'elle soit, et sur tout estant jointe a la vertu des Sacremens, nous purge suffisamment du peché, de mesme quand elle est grande et vehemente, elle nous purge de toutes les affections qui dependent du peché.

  A003000407 

 Une haine ou rancune foible et debile nous fait avoir a contrecœur celuy que nous haïssons et nous fait fuir sa compaignie; mais si c'est une haine mortelle et violente, non seulement nous fuyons et abhorrons celuy a qui nous la portons, ains nous avons a degoust et ne pouvons souffrir la conversation de ses alliés, parens et amis, non pas mesme son image, ni chose qui luy appartienne.

  A003000408 

 Vous les feres l'une apres l'autre selon que je les ay marquees, n'en prenant qu'une pour chaque jour, laquelle vous feres le matin, s'il est possible, qui est le tems le plus propre pour toutes les actions de l'esprit, et la ruminerés le reste de la journee.

  A003000419 

 Considerés l'estre que Dieu vous a donné; car c'est le premier estre du monde visible, capable de vivre eternellement et de s'unir parfaittement a sa divine Majesté..

  A003000423 

 Qu'est ce que je feray jamais pour dignement benir vostre saint Nom et remercier vostre immense bonté?.

  A003000425 

 O mon ame, sçache que le Seigneur est ton Dieu; c'est luy qui t'a fait, et tu ne t'es pas faitte toy mesme.

  A003000447 

 Helas, ce dires-vous, que pensois-je, o mon Dieu, quand je ne pensois point en vous? dequoy me resouvenois-je quand je vous oubliois? qu'aymois-je quand je ne vous aymois pas? Helas, je me devois repaistre de la verité, et je me remplissois de la vanité, et servois le monde qui n'est fait que pour me servir..

  A003000469 

 O que mon Dieu est bon en mon endroit! O qu'il est bon! Que vostre cœur, Seigneur, est riche en misericorde et liberal en debonnaireté! O mon ame, racontons a jamais combien de graces il nous a faites..

  A003000470 

 Mais que suis-je, Seigneur, que vous ayes eu memoire de moy? O que mon [39] indignité est grande! Helas, j'ay foulé au pied vos benefices; j'ay deshonnoré vos graces, les convertissant en abus et mespris de vostre souveraine bonté; j'ay opposé l'abisme de mon ingratitude a l'abisme de vostre grace et faveur..

  A003000490 

 Consideres a part le peché d'ingratitude envers Dieu, qui est un peché general lequel s'espanche par tous les autres, et les rend infiniment plus enormes: voyes donq combien de benefices Dieu vous a fait, et que de tous, vous aves abusé contre le Donateur; singulierement, combien d'inspirations mesprisees, combien de bons mouvemens rendus inutiles.

  A003000493 

 Est il possible que j'aye esté si desloyale, que je n'aye laissé pas un seul de mes sens, pas une des puissances de mon ame, que je n'aye gasté, violé et souillé, et que pas un jour de ma vie ne soit escoulé auquel je n'aye produit de si mauvais effectz? Est-ce ainsy que je devois contrechanger les benefices de mon Createur et le sang de mon Redempteur?.

  A003000513 

 Quand sera-ce? sera-ce en hiver ou en esté? en la ville ou au village? de jour ou de nuit? sera-ce a l'impourveu ou avec advertissement? sera-ce de maladie ou d'accident? aures-vous le loysir de vous confesser, ou non? seres-vous assistee de vostre confesseur et pere spirituel? Helas, de tout cela nous n'en sçavons rien du tout; [43] seulement cela est asseuré que nous mourrons, et tous-jours plus tost que nous ne pensons..

  A003000516 

 Consideres les empressemens qu'on aura pour lever ce cors-la et le cacher en terre, et que, cela fait, le monde ne pensera plus gueres en vous, ni n'en sera plus memoire, non plus que vous n'avés gueres pensé aux autres: Dieu luy face paix, dira-on, et puis, c'est tout.

  A003000541 

 Alles, dit il: c'est un mot d'abandonnement perpetuel que Dieu fait de telz malheureux, les bannissant pour jamais de sa face.

  A003000541 

 Consideres la derniere sentence des mauvais: Alles, mauditz, au feu eternel qui est preparé au diable et a ses compaignons.

  A003000542 

 Consideres la sentence contraire des bons: Venes, dit le Juge; ah, c'est le mot aggreable de salut par lequel Dieu nous tire a soy et nous reçoit dans le giron de sa bonté; benis de mon Pere: o chere benediction, qui comprend toute benediction! possedés le royaume qui vous est preparé des la constitution du monde.

  A003000565 

 Outre tous ces tourmens, il y en a encor un plus grand, qui est la privation et perte de la gloire de Dieu, laquelle ilz sont forclos de jamais voir.

  A003000581 

 O que ce lieu est desirable et amiable, que cette cité est pretieuse!.

  A003000581 

 Or, joignés maintenant cette beauté avec celle d'un beau jour, en sorte que la clarté du soleil n'empesche point la claire veuë des estoiles ni de la lune; et puis apres, dites hardiment que toute cette beauté mise ensemble n'est rien au prix de l'excellence du grand Paradis.

  A003000582 

 Consideres la noblesse, la beauté et la multitude des citoyens et habitans de cet heureux païs: ces millions de millions d'Anges, de Cherubins et Seraphins, cette troupe d'Apostres, de Martyrs, de Confesseurs, de Vierges, de saintes Dames; la multitude est innumerable.

  A003000582 

 O que cette compaignie est heureuse! Le moindre de tous est plus beau a voir que tout le monde; que sera-ce de les voir tous? Mais, mon Dieu, qu'ilz sont heureux: tous-jours ilz chantent le doux cantique de l'amour eternel; tous-jours ilz jouissent d'une constante [50] allegresse; ilz s'entredonnent les uns aux autres des contentemens indicibles, et vivent en la consolation d'une heureuse et indissoluble societé..

  A003000588 

 Allons, o ma chere ame, allons en ce repos infini, cheminons a cette benite terre qui nous est promise; que faisons-nous en cett' Egypte?.

  A003000601 

 Consideres qu'il est tres vray que vous estes au milieu du Paradis et de l'enfer, et que l'un et l'autre [52] est ouvert pour vous recevoir, selon le choix que vous en ferés..

  A003000603 

 Et encores que l'un et l'autre soit ouvert pour vous recevoir, selon que vous le choisirés, si est-ce que Dieu, qui est appareillé de vous donner, ou l'un par sa justice ou l'autre par sa misericorde, desire neanmoins d'un desir nompareil que vous choisissies le Paradis; et vostre bon Ange vous en presse de tout son pouvoir, vous offrant de la part de Dieu mille graces et mille secours pour vous ayder a la montee..

  A003000604 

 Voyes les Saintz qui vous exhortent, et un million de saintes ames qui vous convient doucement, ne desirans que de voir un jour vostre cœur joint au leur, pour loüer Dieu a jamais, et vous asseurans que le chemin du Ciel n'est point si malaysé que le monde le fait: Hardiment, vous disent elles, treschere amie; qui considerera bien le chemin de la devotion par lequel nous sommes montees, il verra que nous sommes venues en ces delices, par des delices incomparablement plus souëfves que celles du monde..

  A003000630 

 Le scorpion qui nous a piqués est veneneux en nous piquant, mais estant reduit en huile c'est un grand medicament contre sa propre piqueure: le peché n'est honteux que quand nous le faisons, mais estant converti en confession et penitence, il est honnorable et salutaire.

  A003000630 

 Quand vous seres arrivee devant vostre pere spirituel, imaginés-vous d'estre en la montagne de Calvaire sous [57] les pieds de Jesus Christ crucifié, duquel le sang pretieux distille de toutes partz pour vous laver de vos iniquités; car, bien que ce ne soit pas le propre sang du Sauveur, c'est neanmoins le merite de son sang respandu qui arrouse abondamment les penitens autour des confessionnaux.

  A003000630 

 Si nous sommes bien humbles, Philothee, nostre péché nous desplaira infiniment parce que Dieu en est offencé, mais l'accusation de nostre peché nous sera douce et aggreable, parce que Dieu en est honnoré: ce nous est une sorte d'allegement de bien dire au medecin le mal qui nous tourmente.

  A003000631 

 Ouy, c'est Dieu, Philothee, que vous escoutes, puisqu'il a dit a ses vicaires: Qui vous escoute, m'escoute.

  A003000635 

 Je soussignee, constituee et establie en la presence de Dieu eternel et de toute la cour celeste, ayant [58] consideré l'immense misericorde de sa divine bonté envers moy, tresindigne et chetifve creature, qu'elle a creée de rien, conservee, soustenue, delivree de tant de dangers, et comblee de tant de bienfaitz; mais sur tout ayant consideré cette incomprehensible douceur et clemence avec laquelle ce tresbon Dieu m'a si benignement toleree en mes iniquités, si souvent et si amiablement inspiree, me conviant a m'amender, et si patiemment attendue a penitence et repentance jusques a cette N. annee de mon aage, nonobstant toutes mes ingratitudes, desloyautés et infidelités par lesquelles, differant ma conversion et mesprisant ses graces, je l'ay si impudemment offencé; apres avoir encor consideré qu'au jour de mon sacré Baptesme je fus si heureusement et saintement voüee et dediee a mon Dieu pour estre sa fille, et que, contre la profession qui fut alhors faitte en mon nom, j'ay tant et tant de fois si malheureusement et detestablement profané et violé mon esprit, l'appliquant et l'employant contre la divine Majesté; en fin, revenant maintenant a moy-mesme, prosternee de cœur et d'esprit devant le throsne de la justice divine, je me reconnois, advouë et confesse pour legitimement atteinte et convaincue du crime de leze majesté divine, et coulpable de la Mort et Passion de Jesus Christ, a rayson des pechés que j'ay commis, pour lesquelz il est mort et a souffert le tourment de la croix, si que je suis digne, par consequent, d'estre a jamais perdue et damnee..

  A003000637 

 Ceci est ma volonté, mon intention et ma resolution inviolable et irrevocable, laquelle j'advouë et confirme sans reserve ni exception, en la mesme presence sacree de mon Dieu et a la veuë de l'Eglise triomphante, et en la face de l'Eglise militante ma Mere, qui entend cette mienne declaration en la personne de celuy qui, comme officier d'icelle, m'escoute en cette action.

  A003000648 

 Certes, c'est autre chose de mentir une fois ou deux de gayeté de cœur en chose de peu d'importance, et autre chose de se plaire a mentir et d'estre affectionné a cette sorte de peché..

  A003000648 

 Je ne dis pas que vous descouvrirés des pechés venielz, mais je dis que vous descouvrirés des affections et inclinations a iceux; or, l'un est bien different de l'autre: car nous ne pouvons jamais estre du tout purs des pechés venielz, au moins pour persister long tems en cette pureté; mais nous pouvons bien n'avoir aucune affection aux pechés venielz.

  A003000649 

 Est-il bien possible qu'une ame bien nee veuille non seulement desplaire a son Dieu, mais affectionner de luy desplaire? [63].

  A003000649 

 Et je dis maintenant qu'il faut purger son ame de toutes les affections qu'elle a aux pechés venielz, c'est a dire qu'il ne faut point nourrir volontairement la volonté de continuer et perseverer en aucune sorte de peché veniel; car aussi seroit-ce une lascheté trop grande de vouloir, tout a nostre escient, garder en nostre conscience une chose si desplaisante a Dieu comme est la volonté de luy vouloir desplaire.

  A003000649 

 Que si le peché veniel luy desplait, la volonté et l'affection que l'on a au peché veniel n'est autre chose qu'une resolution de vouloir desplaire a sa divine Majesté.

  A003000650 

 Et de mesme, les pechés venielz, arrivans en une ame devote et ne s'y arrestans pas long tems, ne l'endommagent pas beaucoup; mais si ces mesmes pechés demeurent dans l'ame pour l'affection qu'elle y met, ilz luy font perdre sans doute la suavité de l'onguent, c'est a dire la sainte devotion..

  A003000651 

 Ce n'est rien, Philothee, de dire quelque petit mensonge, de se desregler un peu en paroles, en actions, en regards, en habitz, en jolietés, en jeux, en danses, pourveu que tout aussi tost que ces araignes spirituelles sont entrees en nostre conscience, nous les en rechassions et bannissions, comme les mouches a miel font les araignes corporelles.

  A003000655 

 C'est dommage de semer en la terre de nostre cœur des affections si vaines et sottes: cela occupe le lieu des bonnes impressions, et empesche que le suc de nostre ame ne soit employé es bonnes inclinations..

  A003000655 

 Ce n'est pas mal de le faire, mais ouy bien de s'y affectionner.

  A003000655 

 Je dis donq, Philothee, qu'encor qu'il soit loysible de jouer, danser, se parer, ouïr des honnestes comedies, banqueter, si est-ce que d'avoir de l'affection a cela, c'est chose contraire a la devotion et extremement nuisible et perilleuse.

  A003000655 

 Les jeux, les balz, les festins, les pompes, les comedies, en leur substance ne sont nullement choses mauvaises ains indifferentes, pouvans estre bien et mal exercees; tous-jours neanmoins ces choses-la sont dangereuses, et de s'y affectionner, cela est encor plus dangereux.

  A003000656 

 Les cerfz ayans prins trop de venaison s'escartent et retirent dedans leurs buissons, connoissans que leur graisse les charge en sorte qu'ilz ne sont pas habiles a courir, si d'adventure ilz estoyent attaqués: le cœur de l'homme se chargeant de ces affections inutiles, superflues et dangereuses, ne peut sans doute promptement, aysement et facilement courir apres son Dieu, qui est le vray point de la devotion.

  A003000656 

 Mais n'est-ce pas une chose ridicule, ains plustost lamentable, de voir des hommes faitz s'empresser et s'affectionner apres des bagatelles si indignes, comme sont les choses que j'ay nommees, lesquelles, outre leur inutilité, nous mettent en peril de nous desregler et desordonner a leur poursuitte? C'est pourquoy, ma chere Philothee, je vous dis qu'il se faut purger de ces affections; et, bien que les actes ne soient pas tous-jours contraires a la devotion, les affections neanmoins luy sont tous-jours dommageables.

  A003000661 

 On a bien treuvé le moyen de changer les amandiers amers en amandiers doux, en les perçant seulement au pied pour en faire sortir le [67] suc; pourquoy est-ce que nous ne pourrons pas faire sortir nos inclinations perverses pour devenir meilleurs? Il n'y a point de si bon naturel qui ne puisse estre rendu mauvais par les habitudes vicieuses; il n'y a point aussi de naturel si revesche qui, par la grace de Dieu premierement, puis par l'industrie et diligence, ne puisse estre dompté et surmonté.

  A003000661 

 Or, quoy qu'elles soyent comme propres et naturelles a un chacun, si est-ce que par le soin et affection contraire on les peut corriger et moderer, et mesme on peut s'en delivrer et purger: et je vous dis, Philothee, qu'il le faut faire.

  A003000666 

 L'orayson mettant nostre entendement en la clarté et lumiere divine, et exposant nostre volonté a la chaleur de l'amour celeste, il n'y a rien qui purge tant nostre entendement de ses ignorances et nostre volonté de ses affections depravees: c'est l'eau de benediction qui, par son arrousement, fait reverdir et fleurir les plantes de nos bons desirs, lave nos ames de leurs imperfections et desaltere nos cœurs de leurs passions.

  A003000667 

 Il est la lumiere du monde, c'est donques en luy, par luy et pour luy que nous devons estre esclairés et illuminés; c'est l'arbre de desir a l'ombre duquel nous nous devons rafraischir; c'est la vive fontaine de Jacob pour le lavement de toutes nos souïlleures.

  A003000673 

 Il est bon aussi de dire les litanies de Nostre Seigneur, de Nostre Dame et des Saintz, et toutes les autres prieres vocales qui sont dedans les Manuelz et Heures appreuvees, a la charge neanmoins que si vous aves le don de l'orayson mentale, vous luy gardies tous-jours la principale place; en sorte que si apres icelle, ou pour la multitude des affaires ou pour quelque autre rayson, vous ne pouves point faire de priere vocale, vous ne vous en metties point en peyne pour cela, vous contentant de dire simplement, devant ou apres la meditation, l'Orayson Dominicale, la Salutation Angelique et le Symbole des Apostres..

  A003000673 

 Le chapelet est une tres utile maniere de prier, pourveu que vous le sçachies dire comme il convient: et pour ce faire, ayes quelqu'un des petitz livres qui enseignent la façon de le reciter.

  A003000674 

 Si faisant l'orayson vocale, vous sentés vostre cœur tiré et convié a l'orayson interieure ou mentale, ne refuses point d'y aller, mais laissés tout doucement couler vostre esprit de ce costé la, et ne vous soucies point de n'avoir pas achevé les oraysons vocales que vous vous esties proposees; car la mentale que vous aures faitte en leur place est plus aggreable a Dieu et plus utile a vostre ame.

  A003000679 

 C'est pourquoy je vous presente une simple et briefve methode pour cela, en attendant que, par la lecture de plusieurs beaux livres qui ont esté composés sur ce sujet, et sur tout par l'usage, vous en puissies estre plus amplement instruite.

  A003000679 

 Je vous marque premierement la preparation, laquelle consiste en deux pointz, dont le premier est de se mettre en la presence de Dieu, et le second, d'invoquer son assistance.

  A003000679 

 Mais vous ne sçaves peut estre pas, Philothee, comme il faut faire l'orayson mentale; car c'est une chose laquelle, par malheur, peu de gens sçavent en nostre [73] aage.

  A003000680 

 C'est pourquoy tous-jours, avant l'orayson, il faut provoquer nostre ame a une attentive pensee et [74] consideration de cette presence de Dieu.

  A003000680 

 Ce fut l'apprehension de David, quand il s'escrioit: Si je monte au ciel, o mon Dieu, vous y estes; si je descends aux enfers, vous y estes; et ainsy nous devons user des paroles de Jacob, lequel ayant veu l'eschelle sacree: O que ce lieu, dit-il, est redoutable! Vrayement Dieu est icy, et je n'en sçavois rien.

  A003000680 

 Chacun sçait cette verité, mais chacun n'est pas attentif a l'apprehender.

  A003000680 

 Helas, Philothee, nous ne voyons pas Dieu qui nous est present; et, bien que la foy nous advertisse de sa presence, si est-ce que ne le voyans pas de nos yeux, nous nous en oublions bien souvent, et nous comportons comme si Dieu estoit bien loin de nous; car encor que nous sçachions bien qu'il est present a toutes choses, si est-ce que n'y pensans point, c'est tout autant comme si nous ne le sçavions pas.

  A003000680 

 Le premier gist en une vive et attentive apprehension de la toute presence de Dieu, c'est a dire que Dieu est en tout et par tout, et qu'il n'y a lieu ni chose en ce monde ou il ne soit d'une tres veritable presence; de sorte que, comme les oyseaux, ou qu'ilz volent, rencontrent tous-jours l'air, ainsy, ou que nous allions, ou que nous soyons, nous treuvons Dieu present.

  A003000680 

 Les aveugles ne voyans pas un prince qui leur est present, ne laissent pas de se tenir en respect s'ilz sont advertis de sa presence; mais la verité est que, d'autant qu'ilz ne le voyent pas, ilz s'oublient aysement qu'il soit present, et s'en estans oubliés, ilz perdent encor plus aysement le respect et la reverence.

  A003000680 

 Venant donques a la priere, il vous faut dire de tout vostre cœur et a vostre cœur: o mon cœur, mon cœur, Dieu est vrayement icy..

  A003000681 

 En la consideration donq de cette verité, vous exciterés une grande reverence en vostre cœur a l'endroit de Dieu, qui luy est si intimement present..

  A003000681 

 Le second moyen de se mettre en cette sacree presence, c'est de penser que non seulement Dieu est au lieu ou vous estes, mais qu'il est tres particulierement en vostre cœur et au fond de vostre esprit, lequel il vivifie et anime de sa divine presence, estant la comme le cœur de vostre cœur et l'esprit de vostre esprit; car, comme l'ame estant respandue par tout le cors se treuve presente en toutes les parties d'iceluy, et reside neanmoins au cœur d'une speciale residence, de mesme Dieu estant tres present a toutes choses, assiste toutefois d'une speciale façon a nostre esprit: et pour cela David appelloit Dieu, Dieu de son cœur, et saint Paul disoit que nous vivons, nous nous mouvons et sommes en Dieu.

  A003000682 

 Le troisiesme moyen, c'est de considerer nostre Sauveur, lequel en son humanité regarde des le Ciel toutes les personnes du monde, mais particulierement les Chrestiens qui sont ses enfans, et plus specialement [75] ceux qui sont en priere, desquelz il remarque les actions et deportemens.

  A003000682 

 Or, ceci n'est pas une simple imagination, mais une vraÿe verité; car encor que nous ne le voyons pas, si est-ce que de la haut, il nous considere: saint Estienne le vit ainsy au tems de son martyre.

  A003000682 

 Si que nous pouvons bien dire avec l'Espouse: Le voyla qu'il est derriere la paroy, voyant par les fenestres, regardant par les treillis..

  A003000692 

 Apres ces deux pointz ordinaires de la meditation, il y en a un troisiesme qui n'est pas commun a toutes sortes de meditations: c'est celuy que les uns appellent fabrication du lieu, et les autres, leçon interieure.

  A003000692 

 Il est vray que l'on [78] peut bien employer quelque similitude et comparayson pour ayder a la consideration; mais cela est aucunement difficile a rencontrer, et je ne veux traitter avec vous que fort simplement, et en sorte que vostre esprit ne soit pas beaucoup travaillé a faire des inventions..

  A003000692 

 J'en dis de mesme quand vous mediteres la mort, ainsy que je l'ay marqué en la meditation d'icelle, comme aussi a celle de l'enfer, et en tous semblables mysteres ou il s'agit de choses visibles et sensibles; car, quant aux autres mysteres, de la grandeur de Dieu, de l'excellence des vertus, de la fin pour laquelle nous sommes creés, qui sont des choses invisibles, il n'est pas question de vouloir se servir de cette sorte d'imagination.

  A003000692 

 Or, ce n'est autre chose que de proposer a son imagination le cors du mystere que l'on veut mediter, comme s'il se passoit reellement et de fait en nostre presence.

  A003000692 

 Par exemple, si vous voules mediter Nostre Seigneur en croix, vous vous imaginerés d'estre au mont de Calvaire et que vous voyes tout ce qui se fit et se dit au jour de la Passion; ou, si vous voules, car c'est tout un, vous vous imaginerés qu'au lieu mesme ou vous estes se fait le crucifiement de Nostre Seigneur, en la façon que les Evangelistes le descrivent.

  A003000693 

 Quelques uns vous diront neanmoins qu'il est mieux d'user de la simple pensee de la foy, et d'une simple apprehension toute mentale et spirituelle, en la representation de ces mysteres, ou bien de considerer que les choses se font en vostre propre esprit; mais cela est trop subtil pour le commencement, et jusques a ce que Dieu vous esleve plus haut, je vous conseille, Philothee, de vous retenir en la basse vallee que je vous monstre..

  A003000697 

 Apres l'action de l'imagination, s'ensuit l'action de l'entendement que nous appelions meditation, qui n'est autre chose qu'une ou plusieurs considerations faites affin d'esmouvoir nos affections en Dieu et aux choses divines: en quoy la meditation est differente de l'estude [79] et des autres pensees et considerations, lesquelles ne se font pas pour acquerir la vertu ou l'amour de Dieu, mais pour quelques autres fins et intentions, comme pour devenir sçavant, pour en escrire ou disputer.

  A003000697 

 Ayant donq enfermé vostre esprit, comme j'ay dit, dans l'enclos du sujet que vous voules mediter, ou par l'imagination, si le sujet est sensible, ou par la simple proposition, s'il est insensible, vous commencerés a faire sur iceluy des considerations, dont vous verrés des exemples tout formés es meditations que je vous ay donnees.

  A003000702 

 Or, je dis maintenant que cela est peu de chose, si vous n'y adjoustés une resolution speciale en cette sorte: or sus donques, je ne me piqueray plus de telles paroles fascheuses qu'un tel et une telle, mon voysin ou ma voysine, mon domestique ou ma domestique disent de moy, ni de tel et tel mespris qui m'est fait par cestui-ci ou cestui-la; au contraire, je diray et feray telle et telle chose pour le gaigner et adoucir, et ainsy des autres.

  A003000706 

 En fin j'ay remarqué qu'il falloit dire le Pater noster et Ave Maria, qui est la generale et necessaire priere de tous les fidelles..

  A003000706 

 La premiere, c'est l'action de graces, remerciant Dieu des affections et resolutions qu'il nous a donnees, et de sa bonté et misericorde que nous avons descouvertes au mystere de la meditation.

  A003000706 

 La seconde, c'est l'action d'offrande, par laquelle nous offrons a Dieu sa mesme bonté et misericorde, la mort, le sang, les vertus de son Filz, et, conjointement avec icelles, nos affections et resolutions.

  A003000706 

 La troisiesme action est celle de la supplication, par laquelle nous demandons a Dieu et le conjurons de nous communiquer les graces et vertus de son Filz, et de donner la benediction a nos affections et resolutions, affin que nous les puissions fidellement executer; puis nous prions de mesme pour l'Eglise, pour nos pasteurs, parens, amis et autres, employans a cela l'intercession de Nostre Dame, des Anges, des Saintz.

  A003000709 

 C'est le grand fruit de la meditation, sans lequel elle est bien souvent, non seulement inutile, mais nuisible, parce que les vertus meditees et non prattiquees enflent quelquefois l'esprit et le courage, nous estant bien advis que nous sommes telz que nous avons resolu et delibvré d'estre, ce qui est sans doute veritable si les resolutions sont vives et solides; mais elles ne sont pas telles, ains vaines et dangereuses, si [83] elles ne sont prattiquees.

  A003000710 

 Au sortir de cette orayson cordiale, il vous faut prendre garde de ne point donner de secousse a vostre cœur, car vous espancheriés le baume que vous aves receu par le moyen de l'orayson; je veux dire qu'il faut garder, s'il est possible, un peu de silence, et remuer tout doucement vostre cœur, de l'orayson aux affaires, retenant le plus long tems qu'il vous sera possible le sentiment et les affections que vous aures conceuës.

  A003000711 

 Je veux dire, un advocat doit sçavoir passer de l'orayson [84] a la plaidoyerie; le marchand, au traffic; la femme mariee, au devoir de son mariage et au tracas de son mesnage, avec tant de douceur et de tranquillité que pour cela son esprit n'en soit point troublé; car, puisque l'un et l'autre est selon la volonté de Dieu, il faut faire le passage de l'un a l'autre en esprit d'humilité et devotion..

  A003000712 

 Et quoy que j'aye mis les affections apres toutes les considerations, je ne l'ay fait que pour mieux distinguer les parties de l'orayson; car au demeurant, c'est une regle generale qu'il ne faut jamais retenir les affections, ains les laisser tous-jours sortir quand elles se presentent.

  A003000712 

 Il vous arrivera quelquefois qu'incontinent apres la preparation, vostre affection se treuvera toute esmeuë en Dieu: alhors, Philothee, il luy faut lascher la bride, sans vouloir suivre la methode que je vous ay donnee; car bien que pour l'ordinaire, la consideration doit preceder les affections et resolutions, si est-ce que le Saint Esprit vous donnant les affections avant la consideration, vous ne deves pas rechercher la consideration, puisqu'elle ne se fait que pour esmouvoir l'affection.

  A003000713 

 Emmi les affections et resolutions, il est bon d'user de colloque, et parler tantost a Nostre Seigneur, tantost aux Anges et aux personnes representees aux mysteres, aux Saintz et a soy-mesme, a son cœur, aux pecheurs et mesme aux creatures insensibles, comme l'on voit que David fait en ses Pseaumes, et les autres Saintz, en leurs meditations et oraysons..

  A003000718 

 Mais quand il ne le feroit pas, contentons-nous, Philothee, que ce nous est un honneur trop plus grand d'estre aupres de luy et a sa veuë.

  A003000722 

 Outre cette orayson mentale entiere et formee, et les autres oraysons vocales que vous deves faire une fois le jour, il y a cinq autres sortes d'oraysons plus courtes, et qui sont comme ageancemens et surjeons de l'autre grande orayson, entre lesquelles, la premiere est celle qui se fait le matin, comme une preparation generale a toutes les œuvres de la journee.

  A003000724 

 Voyes que le jour present vous est donné affin qu'en iceluy vous puissies gaigner le jour advenir de l'eternité, et feres un ferme propos de bien employer la journee a cette intention..

  A003000726 

 Et comme si vous tenies vostre cœur en vos mains, offrés-le avec tous vos bons desseins a la divine Majesté, la suppliant de le prendre en sa protection et le fortifier pour bien reussir en son service, et ce par telles ou semblables paroles intérieures: O Seigneur, voyla ce pauvre et miserable cœur qui, par vostre bonté, a conceu plusieurs bonnes affections; mais helas, il est trop foible et chetif pour effectuer le bien qu'il desire, si vous ne luy departes vostre celeste benediction, laquelle a cette intention je vous requiers, o Pere debonnaire, par le merite de la Passion de vostre Filz, a l'honneur duquel je consacre cette journee et le reste de ma vie.

  A003000727 

 Mais toutes ces actions spirituelles se doivent faire briefvement et vivement, devant que l'on sorte de la chambre s'il est possible, affin que, par le moyen de cet exercice, tout ce que vous feres le long de la journee soit arrousé de la benediction de Dieu; mais je vous prie, Philothee, de n'y manquer jamais.

  A003000734 

 On examine comme on s'est comporté en toutes les heures du jour; et pour faire cela plus aysement, on considerera ou, avec qui, et en quelle occupation on a esté.

  A003000741 

 C'est ici, chere Philothee, ou je vous souhaitte fort affectionnee a suivre mon conseil; car en cet article consiste l'un des plus asseurés moyens de vostre avancement spirituel..

  A003000742 

 O Dieu, [91] ce dires vous, pourquoy ne vous regarde-je tous-jours, comme tous-jours vous me regardes? Pourquoy penses-vous en moy si souvent, mon Seigneur, et pourquoy pense-je si peu souvent en vous? Ou sommes-nous, o mon ame? nostre vraye place, c'est Dieu, et ou est ce que nous nous treuvons?.

  A003000744 

 C'est l'exercice que faisoit le roy David parmi tant d'occupations qu'il avoit, ainsy qu'il le tesmoigne par mille traitz de ses Pseaumes, comme quand il dit: O Seigneur, et moy je suis tous-jours avec vous. [92] Je vois mon Dieu tous-jours devant moy.

  A003000746 

 Le bienheureux Elzear, comte d'Arian en Provence, ayant esté longuement absent de sa devote et chaste Delfine, elle luy envoya un homme expres pour sçavoir de sa santé, et il luy fit response: « Je me porte fort bien, ma chere femme; que si vous me voules voir, cherches-moy en la playe du costé de nostre doux Jesus, car c'est la ou j'habite et ou vous me treuveres: ailleurs, vous me chercheres pour neant.

  A003000746 

 Lesquelles paroles, outre leur sens litteral (qui tesmoigne que ce grand Roy prenoit quelques heures pour se tenir solitaire en la contemplation des choses spirituelles), nous monstrent en leur sens mystique trois excellentes retraittes et comme trois hermitages, dans lesquelz nous pouvons exercer nostre solitude a l'imitation de nostre Sauveur, lequel sur le mont de Calvaire fut comme le pelican de la solitude, qui de son sang ravive ses [93] poussins mortz; en sa Nativité dans une establerie deserte, il fut comme le hibou dedans la masure, plaignant et pleurant nos fautes et pechés; et au jour de son Ascension, il fut comme le passereau, se retirant et volant au ciel qui est comme le toit du monde; et en tous ces trois lieux, nous pouvons faire nos retraittes emmi le tracas des affaires.

  A003000752 

 Philothee, nostre esprit s'addonnant a la hantise, privauté et familiarité de son Dieu, se parfumera tout de ses perfections; et si, cet exercice n'est point malaysé, car il se peut entrelacer en toutes nos affaires et occupations, sans aucunement les incommoder, d'autant que, soit en la retraitte spirituelle, soit en ces eslancemens interieurs, on ne fait que des petitz et courtz divertissemens qui n'empeschent nullement, ains servent de beaucoup a la poursuite de ce que nous faysons.

  A003000753 

 Il est vray qu'il y a certains motz qui ont une force particuliere pour contenter le cœur en cet endroit, comme sont les eslancemens semés si dru dedans les Pseaumes de David, les invocations diverses du nom de Jesus, et les traitz d'amour qui sont imprimés au Cantique des Cantiques.

  A003000754 

 A quoy mesme toutes choses les invitent, et n'y a creature qui ne leur annonce la louange de leur Bienaymé; et, comme dit saint Augustin apres saint Anthoine, tout ce qui est au monde leur parle d'un langage muet mais fort intelligible en faveur de leur amour; toutes choses les provoquent a des bonnes pensees, desquelles par apres naissent force saillies et aspirations en Dieu.

  A003000755 

 Saint Fulgence, Evesque de Ruspe, se treuvant en une assemblee generale de la noblesse romaine que Theodoric roy des Gots haranguoit, et voyant la splendeur de tant de seigneurs qui estoyent en rang chacun selon sa qualité: « O Dieu, » dit-il, « combien doit estre belle la Hierusalem celeste, puisqu'ici bas on voit si pompeuse Rome la terrestre! Et si en ce monde tant de splendeur est concedee aux amateurs de la vanité, quelle gloire doit estre reservee en l'autre monde aux contemplateurs de la verité! ».

  A003000757 

 » Saint François voyant une brebis toute seule emmi un troupeau de boucz: « Regardes, » dit il a son compaignon, « comme cette pauvre petite brebis est douce parmi ces chevres; Nostre Seigneur alloit ainsy doux et humble entre les Pharisiens.

  A003000758 

 C'est une belle fleur, » dit ce saint personnage, « que la rose; mais elle me donne une grande tristesse, m'advertissant de mon peché, pour lequel la terre a esté condamnee de porter les espines.

  A003000758 

 » Le grand saint Basile dit que la rose emmi les espines fait cette remonstrance aux hommes: « Ce qui est de plus aggreable en ce monde, o mortelz, est meslé de tristesse; rien n'y est pur: le regret est tous-jours collé a l'allegresse, la viduité au mariage, le soin a la fertilité, l'ignominie a la gloire, la despense aux honneurs, le degoust aux delices et la maladie a la santé.

  A003000759 

 L'autre voyant un fleuve flotter s'escrioit ainsy: Mon ame n'aura jamais repos qu'elle ne se soit abismee dedans la mer de la Divinité qui est son origine; et sainte Françoise, considerant un aggreable ruysseau sur le rivage duquel elle s'estoit agenouillee pour prier, fut ravie en extase, repetant plusieurs fois ces paroles tout bellement: « La grace de mon Dieu coule ainsy doucement et souefvement comme ce petit ruysseau.

  A003000760 

 Lisés le devot Epitaphe que saint Hierosme a fait de sa sainte Paule; car c'est belle chose a voir comme il est tout parsemé des aspirations et conceptions sacrees qu'elle faisoit a toutes sortes de rencontres.

  A003000761 

 Sans iceluy, on ne peut pas bien faire la vie contemplative, et ne sçauroit-on que mal faire la vie active; sans iceluy, le repos n'est qu'oysiveté, et le travail, qu'embarrassement; c'est pourquoy je vous conjure de l'embrasser de tout vostre cœur, sans jamais vous en departir..

  A003000765 

 Je ne vous ay encor point parlé du soleil des exercices spirituelz, qui est le tressaint, sacré et tres-souverain Sacrifice et Sacrement de la Messe, centre de la religion chrestienne, cœur de la devotion, ame de la pieté, mystere ineffable qui comprend l'abisme de la charité divine, et par lequel Dieu s'appliquant reellement a nous, nous communique magnifiquement ses graces et faveurs..

  A003000766 

 L'orayson faitte en l'union de ce divin Sacrifice a une force indicible, de sorte, Philothee, que par iceluy, l'ame abonde en celestes faveurs comme appuyee sur son Bienaymè, qui la rend si pleine d'odeurs et suavités spirituelles, qu'elle ressemble a une colomne de fumee de bois aromatique, de la myrrhe, de Vencens et de toutes les poudres du parfumeur, comme il est dit es Cantiques.

  A003000769 

 Despuis que le prestre est a l'autel jusques a l'Evangile, considerés la venue et la vie de Nostre Seigneur en ce monde, [101] par une simple et generale consideration.

  A003000769 

 Or pour ouïr, ou reellement ou mentalement, la sainte Messe comme il est convenable: 1.

  A003000775 

 Et bien qu'il puisse arriver que l'on fist d'aussi bons exercices a part soy comme l'on fait aux confrairies en commun, et que peut estre l'on goustast plus de les faire [103] en particulier, si est-ce que Dieu est plus glorifié de l'union et contribution que nous faisons de nos bienfaitz avec nos freres et prochains..

  A003000775 

 Et puys, c'est tous-jours une chose fort charitable de concourir avec plusieurs et cooperer aux autres pour leurs bons desseins.

  A003000776 

 J'en dis le mesme de toutes sortes de prieres et devotions publiques, ausquelles, tant qu'il nous est possible, nous devons porter nostre bon exemple pour l'edification du prochain, et nostre affection pour la gloire de Dieu et l'intention commune..

  A003000781 

 Honnores, reveres et respectes d'un amour special la sacree et glorieuse Vierge Marie: elle est mere de nostre souverain Pere, et par consequent nostre grand'mere.

  A003000783 

 Et disoit cela avec tant de recommandation, qu'une damoiselle, lhors jeune, l'ayant ouï de sa bouche, le recitoit il n'y a que quatre ans, c'est a dire plus de soixante ans apres, avec un extreme sentiment.

  A003000784 

 Choisissés quelques Saintz particuliers, la vie desquelz vous puissies mieux savourer et imiter, et en l'intercession desquelz vous ayes une particuliere confiance: celuy de vostre nom vous est des-ja tout assigné des vostre Baptesme..

  A003000790 

 Car bien que beaucoup des actions des Saintz ne soyent pas absolument imitables par ceux qui vivent emmi le monde, si est-ce que toutes peuvent estre suivies ou de pres ou de loin: la solitude de saint Paul premier ermite est imitee en vos retraittes spirituelles et reelles, desquelles nous parlerons, et avons parlé ci dessus; l'extreme [107] pauvreté de saint François, par les prattiques de la pauvreté telles que nous les marquerons, et ainsy des autres.

  A003000790 

 Il est vray qu'il y a certaines histoires qui donnent plus de lumiere pour la conduitte de nostre vie que d'autres, comme la Vie de la bienheureuse Mere Therese, laquelle est admirable pour cela, les Vies des premiers Jesuites, celle de saint Charles Borromee, Archevesque de Milan, de saint Louys, de saint Bernard, les Chroniques de saint François et autres pareilles.

  A003000794 

 C'est ce que l'Espoux appelle heurter a la porte et parler au cœur de son Espouse, la resveiller quand elle dort, la crier et reclamer quand elle est absente, l'inviter a son miel et a cueillir des pommes et des fleurs en son jardin, et a chanter et faire resonner sa douce voix a ses oreilles..

  A003000795 

 Ainsy Dieu voulant faire en nous, par nous et avec nous, quelque action de grande charité, premierement, il nous la propose par son inspiration; secondement, nous l'aggreons; tiercement, nous y consentons; car, comme pour descendre au peché il y a trois degrés, la tentation, la delectation et le consentement, aussi en y a-il trois pour monter a la vertu: l'inspiration, qui est contraire a la tentation, la delectation en l'inspiration, qui est contraire a la delectation de la tentation, et le consentement a l'inspiration, qui est contraire au consentement a la tentation..

  A003000797 

 Aussi le gentilhomme est des-ja fort content de la damoiselle qu'il sert et se sent favorisé, quand il voit qu'elle se plait en son service..

  A003000797 

 Et si c'est un bon signe et chose fort utile de se plaire a ouïr la parolle de Dieu, qui est comme une inspiration exterieure, c'est chose bonne aussi et aggreable a Dieu de se plaire en l'inspiration interieure: c'est ce playsir, duquel parlant l'Espouse sacree, elle dit: Mon ame s'est fondue d'ayse, quand mon Bienaymè a parlé.

  A003000797 

 Le playsir qu'on prend aux inspirations est un grand acheminement a la gloire de Dieu, et des-ja on commence a plaire par iceluy a sa divine Majesté; car si bien cette delectation n'est pas encor un entier consentement, c'est une certaine disposition a iceluy.

  A003000798 

 Ce fut ce qui arriva a l'Espouse; car, quoy que la douce voix de son Bienaymé luy eust touché le cœur d'un saint ayse, si est-ce neanmoins qu'elle ne luy ouvrit pas la porte, mais s'en excusa d'une excuse frivole; dequoy l'Espoux justement indigné, passa outre et la quitta.

  A003000798 

 Mais en fin c'est le consentement qui parfait l'acte vertueux; car si estans inspirés et nous estans pleus en l'inspiration, nous refusons neanmoins par apres le consentement a Dieu, nous sommes extrêmement mesconnoissans et offençons grandement sa divine Majesté, car il semble bien qu'il y ait plus de mespris.

  A003000799 

 Mais avant que de consentir aux inspirations des choses importantes ou extraordinaires, affin de n'estre point trompee, conseilles-vous tous-jours a vostre guide, a ce qu'il examine si l'inspiration est vraye ou fause; d'autant que l'ennemi voyant une ame prompte a consentir aux inspirations, luy en propose bien souvent des fauses pour la tromper, ce qu'il ne peut jamais faire tandis qu'avec humilité elle obeira a son conducteur..

  A003000800 

 Le consentement estant donné, il faut avec un grand soin procurer les effectz, et venir a l'execution de l'inspiration, qui est le comble de la vraye vertu; car d'avoir le consentement dedans le cœur sans venir a l'effect d'iceluy, ce seroit comme de planter une vigne sans vouloir qu'elle fructifiast..

  A003000807 

 Si donq vous vous confesses d'avoir menti, quoy que sans nuysance, ou d'avoir dit quelque parole desreglee, ou d'avoir trop joué, repentes-vous en et ayes ferme propos de vous en amender; car c'est un abus de se confesser de quelque sorte de peché, soit [112] mortel soit veniel, sans vouloir s'en purger, puisque la Confession n'est instituee que pour cela..

  A003000808 

 Ne faites pas seulement ces accusations superflues que plusieurs font par routine: je n'ay pas aymé Dieu tant que je devois; je n'ay pas prié avec tant de devotion que je devois; je n'ay pas cheri le prochain comme je devois; je n'ay pas receu les Sacremens avec la reverence que je devois, et telles semblables: la rayson est, parce qu'en disant cela vous ne dires rien de particulier qui puisse faire entendre au confesseur l'estat de vostre conscience, d'autant que tous les Saintz de Paradis et tous les hommes de la terre pourroyent dire les mesmes choses s'ilz se confessoyent.

  A003000808 

 Par exemple, vous vous accuses de n'avoir pas cheri le prochain comme vous devies; c'est peut estre parce qu'ayant veu quelque pauvre fort necessiteux, lequel vous pouvies aysement secourir et consoler, vous n'en aves eu nul soin.

  A003000809 

 Il faut donq dire le fait, le motif et la duree de nos pechés; car encores que communement on ne soit pas obligé d'estre si pointilleux en la declaration des pechés venielz, et que mesme on ne soit pas tenu absolument de les confesser, si est-ce que ceux qui veulent bien espurer leurs ames pour mieux atteindre a la sainte devotion, doivent estre soigneux de bien faire connoistre au medecin spirituel le mal, pour petit qu'il soit, duquel ilz veulent estre gueris..

  A003000810 

 Et s'il est encor besoin de particulariser les paroles pour vous [114] bien declarer, je pense qu'il seroit bon de les dire; car s'accusant ainsy naifvement, on ne descouvre pas seulement les pechés qu'on a fait, mais aussi les mauvaises inclinations, coustumes, habitudes et autres racines du peché, au moyen dequoy le pere spirituel prend une plus entiere connoissance du cœur qu'il traitte et des remedes qui luy sont propres.

  A003000810 

 N'espargnes point de dire ce qui est requis pour bien faire entendre la qualité de vostre offence, comme le sujet que vous aves eu de vous mettre en cholere, ou de supporter quelqu'un en son vice.

  A003000815 

 Le Sauveur a institué ce Sacrement tres auguste de l'Eucharistie qui contient reellement sa chair et son sang, affin que qui le mange vive eternellement; c'est pourquoy, quicomque en use souvent avec devotion affermit tellement la santé et la vie de son ame, qu'il est presque impossible qu'il soit empoisonné d'aucune sorte de mauvaise affection.

  A003000815 

 Que si les fruitz les plus tendres et sujetz a corruption, comme sont les cerises, les abricotz et les fraises, se conservent aysement toute l'annee estans confitz au sucre ou au miel, ce n'est pas merveille si nos cœurs, quoy que fresles et imbecilles, sont preservés de la corruption du peché lhors qu'ilz sont sucrés et emmiellés de la chair et du sang incorruptible du Filz de Dieu.

  A003000816 

 » Ce sont les propres paroles de saint Augustin, avec lequel je ne vitupere ni loüe absolument que l'on communie tous les jours, mais laisse cela a la discretion du pere spirituel de celuy qui se voudra resouldre sur ce point; car la disposition requise pour une si frequente Communion devant estre fort exquise, il n'est pas bon de le conseiller generalement; et parce que cette disposition la, quoy qu'exquise, se peut treuver en plusieurs bonnes ames, il n'est pas bon non plus d'en divertir et dissuader generalement un chacun, ains cela se doit traitter par la consideration de l'estat interieur d'un chacun en particulier.

  A003000818 

 On ne peut pas bien arrester cecy en general, il faut faire ce que le pere spirituel dira; bien que je puisse dire asseurement que la plus grande distance des Communions est celle de mois a mois, entre ceux qui veulent servir Dieu devotement..

  A003000819 

 Si vous estes bien prudente, il n'y a ni mere, ni [118] femme, ni mari, ni pere qui vous empesche de communier souvent: car, puisque le jour de vostre Communion, vous ne laisseres pas d'avoir le soin qui est convenable a vostre condition, que vous en seres plus douce et plus gracieuse en leur endroit et que vous ne leur refuseres nulle sorte de devoirs, il n'y a pas de l'apparence qu'ilz veuillent vous destourner de cet exercice, qui ne leur apportera aucune incommodité, sinon qu'ilz fussent d'un esprit extremement coquilleux et desraysonnable; en ce cas, comme j'ay dit, a l'adventure que vostre directeur voudra que vous usies de condescendance..

  A003000820 

 C'est chose indecente, bien que non pas grand peché, de solliciter le payement du devoir nuptial le jour que l'on s'est communié, mais ce n'est pas chose malseante, ains plustost meritoire de le payer.

  A003000820 

 C'est pourquoy, pour la reddition de ce devoir-la, aucun ne doit estre privé de la Communion, si d'ailleurs sa devotion le provoque a la desirer.

  A003000820 

 Certes, en la primitive Eglise, les Chrestiens communioient tous les jours, quoy qu'ilz fussent mariés et benis de la generation des enfans; c'est pourquoy j'ay dit que la frequente Communion ne donnoit nulle sorte d'incommodité ni aux peres, ni aux femmes, ni aux maris, pourveu que l'ame qui communie soit prudente et discrete..

  A003000821 

 Quant aux maladies corporelles, il n'y en a point qui soit empeschement legitime a cette sainte participation, si ce n'est celle qui provoquerait frequemment au vomissement..

  A003000822 

 Pour communier tous les huit jours, il est requis [119] de n'avoir ni peché mortel ni aucune affection au peché veniel, et d'avoir un grand desir de se communier; mais pour communier tous les jours, il faut, outre cela, avoir surmonté la pluspart des mauvaises inclinations, et que ce soit par advis du pere spirituel..

  A003000826 

 L'ayant receu, excites vostre cœur a venir faire hommage a ce Roy de salut; traittes avec luy de vos affaires interieures, considerés-le dedans vous, ou il s'est mis pour vostre bonheur; en fin, faites-luy tout l'accueil qu'il vous sera possible, et comportes-vous en sorte que l'on connoisse en toutes vos actions que Dieu est avec vous..

  A003000826 

 O Philothee, imaginés-vous que comme l'abeille ayant recueilli sur les fleurs la rosee du ciel et le suc plus exquis de la terre, et l'ayant reduit en miel, le porte dans sa ruche, ainsy le prestre ayant pris sur l'autel le Sauveur du monde, vray Filz de Dieu, qui comme une rosee est descendu du Ciel, et vray Filz de la Vierge, qui comme fleur est sorti de la terre de nostre humanité, il le met en viande de suavité dedans vostre bouche et dedans vostre cors.

  A003000829 

 Dites leur que ceux qui n'ont pas beaucoup d'affaires mondaines doivent souvent communier parce qu'ilz en ont la commodité, et ceux qui ont beaucoup d'affaires mondaines, parce qu'ilz en ont necessité, et que celuy qui travaille beaucoup et qui est chargé de peynes doit aussi manger les viandes solides et souventesfois.

  A003000829 

 Si les mondains vous demandent pourquoy vous communies si souvent, dites leur que c'est pour apprendre a aymer Dieu, pour vous purifier de vos imperfections, pour vous delivrer de vos miseres, pour vous consoler en vos afflictions, pour vous appuyer en [121] vos foiblesses.

  A003000835 

 C'est un grand defaut en plusieurs qui, entreprenans l'exercice de quelque vertu particuliere, s'opiniastrent d'en produire des actions en toutes sortes [124] de rencontres, et veulent, comme ces anciens philosophes, ou tous-jours pleurer ou tous-jours rire; et font encor pis quand ilz blasment et censurent ceux qui, comme eux, n'exercent pas tous-jours ces mesmes vertus.

  A003000835 

 Il se faut res-jouir avec les joyeux et pleurer avec les pleurans, dit l'Apostre; et la charité est patiente, benigne, liberale, prudente, condescendante..

  A003000835 

 La musique, tant aggreable de soy mesme, est importune en un deuil, dit le Proverbe.

  A003000835 

 Le juste est comme l'arbre qui est planté sur le cours des eaux, qui porte son fruit en son tems, parce que la charité arrousant une ame, produit en elle les œuvres vertueuses chacune en sa saison.

  A003000836 

 C'est pourquoy il faut tous-jours avoir bonne et prompte provision de ces vertus generales, puisqu'il s'en faut servir presque ordinairement..

  A003000836 

 Il y a des vertus plus excellentes qu'elles; l'usage neanmoins de celles ci est plus requis.

  A003000836 

 Le sucre est plus excellent que le sel; mais le sel a un usage plus frequent et plus general.

  A003000837 

 C'estoit le goust de sainte Paule d'exercer l'aspreté des mortifications corporelles pour jouir plus aysement des douceurs spirituelles, mais elle avoit plus de devoir a l'obeissance de ses superieurs; c'est pourquoy saint Hierosme advoüe qu'elle estoit reprehensible en ce que, contre l'advis de son Evesque, elle faisoit des abstinences immoderees.

  A003000837 

 Chaque vacation a besoin de prattiquer quelque speciale vertu: autres sont les vertus d'un prelat, autres celles d'un prince, autres celles d'un soldat, autres celles d'une femme mariee, autres celles d'une vefve; et bien que tous doivent avoir toutes les vertus, tous neanmoins ne les doivent pas egalement prattiquer, mais un chacun se doit particulierement addonner a celles qui sont requises au genre de vie auquel il est appellé..

  A003000837 

 Entre les exercices des vertus, nous devons preferer celuy qui est plus conforme a nostre devoir, et non pas celuy qui est plus conforme a nostre goust.

  A003000839 

 Il est utile qu'un chacun choisisse un exercice particulier de quelque vertu, non point pour abandonner les autres, mais pour tenir plus justement son esprit rangé et occupé.

  A003000839 

 » Il conneut que c'estoit la misericorde envers les pauvres que Dieu luy recommandoit, si que, par apres, il s'addonna tellement a l'exercice d'icelle, que pour cela il est par tout appellé saint Jean l'Aumosnier.

  A003000846 

 Ains il est arrivé, comme dit saint Gregoire Nazianzene, que par une seule action de quelque vertu, bien et parfaittement exercee, une personne a atteint au comble des vertus, alleguant Rahab, laquelle, ayant exactement prattiqué l'office d'hospitalité, parvint a une gloire supreme; mais cela s'entend quand telle action se fait excellemment, avec grande ferveur et charité.

  A003000846 

 Quand nous sommes combattus de quelque vice, il faut, tant qu'il nous est possible, embrasser la prattique de la vertu contraire, rapportant les autres a icelle; car par ce moyen nous vaincrons nostre ennemi et ne laisserons pas de nous avancer en toutes les vertus.

  A003000850 

 Cette basse et grossiere crainte qui engendre les scrupules excessifz es ames de ceux qui sortent nouvellement du train des pechés, est une vertu recommandable en ce commencement, et presage certain d'une future pureté de conscience; mais cette mesme crainte seroit blasmable en ceux qui sont fort avancés, dedans le cœur desquelz doit regner l'amour, qui petit a petit chasse cette sorte de crainte servile..

  A003000852 

 C'est bon signe en un malade quand au sortir de sa maladie les jambes luy enflent, car cela denote que la nature des-ja renforcee rejette les humeurs superflues; mays ce mesme signe seroit mauvais en celuy qui ne seroit pas malade, car il [130] feroit connoistre que la nature n'a pas asses de force pour dissiper et resouldre les humeurs.

  A003000852 

 J'atteste Jesus auquel elle a servi et auquel je desire servir, que je ne mens ni d'un costé ni d'autre, ains produis naifvement ce qui est d'elle, comme Chrestien d'une Chrestienne; c'est a dire, j'en escris l'histoire, non pas un panegyrique, et que ses vices sont les vertus des autres.

  A003000853 

 J'adjouste que nous n'avons pas entrepris de nous rendre sinon gens de bien, gens de [131] devotion, hommes pieux, femmes pieuses, c'est pourquoy il nous faut bien employer a cela; que s'il plait a Dieu de nous eslever jusques a ces perfections angeliques, nous serons aussi des bons anges, mais en attendant exerçons-nous simplement, humblement et devotement aux petites vertus, la conqueste desquelles Nostre Seigneur a exposee a nostre soin et travail: comme la patience, la debonnaireté, la mortification du cœur, l'humilité, l'obeissance, la pauvreté, la chasteté, la tendreté envers le prochain, le support de ses imperfections, la diligence et sainte ferveur..

  A003000854 

 Laissons volontier les sureminences aux ames sur-eslevees: nous ne meritons pas un rang si haut au service de Dieu; trop heureux serons-nous de le servir en sa cuisine, en sa paneterie, d'estre des laquais, portefaix, garçons de chambre; c'est a luy par apres, si bon luy semble, de nous retirer en son cabinet et conseil privé.

  A003000858 

 Ouy; car, comme avoit prononcé le Sauveur, en vostre patience vous possederes vos ames. C'est le grand bonheur de l'homme, Philothee, que de posseder son ame; et a mesure que la patience est plus parfaitte, nous possedons plus parfaittement nos ames.

  A003000859 

 D'estre mesprisé, reprins et accusé par les meschans, ce n'est que douceur a un homme de courage; mais d'estre reprins, accusé et mal traitté par les gens de bien, par les amis, par les parens, c'est la ou il y va du bon.

  A003000862 

 Je suis l'advis de saint Gregoire: Quand vous seres accusee justement pour quelque faute que vous aures commise, humilies-vous bien fort, confesses que vous merités l'accusation qui est faitte contre vous.

  A003000862 

 [135] Que si l'accusation est fause, excuses-vous doucement, niant d'estre coupable, car vous deves cette reverence a la verité et a l'edification du prochain; mais aussi, si apres vostre veritable et legitime excuse on continue a vous accuser, ne vous troubles nullement et ne tasches point a faire recevoir vostre excuse; car apres avoir rendu vostre devoir a la verité, vous deves le rendre aussi a l'humilité.

  A003000863 

 Plaignes vous le moins que vous pourres des tortz qui vous seront faitz; car c'est chose certaine que pour l'ordinaire, qui se plaint peche, d'autant que l'amour propre nous fait tous-jours ressentir les injures plus grandes qu'elles ne sont: mais sur tout ne faites point vos plaintes a des personnes aysees a s'indigner et mal penser.

  A003000863 

 Que s'il est expedient de vous plaindre a quelqu'un, ou pour remedier a l'offense, ou pour accoiser vostre esprit, il faut que ce soit a des ames tranquilles et qui ayment bien Dieu; car autrement au lieu d'alleger vostre cœur, elles le provoqueroyent a de plus grandes inquietudes; au lieu d'oster l'espine qui vous pique, elles la ficheront plus avant en vostre pied..

  A003000864 

 Or, cela est vrayment une patience, mais une patience fause qui, en effect, n'est autre chose qu'une tres delicate et tres fine ambition et vanité: Ilz ont de la gloire, dit l'Apostre, mais non pas envers Dieu.

  A003000864 

 Plusieurs estans malades, affligés, et offensés de quelqu'un s'empeschent bien de se plaindre et monstrer de la delicatesse, car cela, a leur advis (et il est vray), tesmoigneroit evidemment une grande defaillance de force et de generosité; mais ilz desirent extremement, et par plusieurs artifices recherchent que chacun les plaigne, qu'on ait grande compassion d'eux, et qu'on les estime non seulement affligés, mais patiens et [136] courageux.

  A003000865 

 Es contradictions qui vous arriveront en l'exercice de la devotion (car cela ne manquera pas), resouvenes-vous de la parolle de Nostre Seigneur: La femme tandis qu'elle enfante a des grandes angoisses, mais voyant son enfant né elle les oublie, d'autant qu'un homme luy est né au monde; car vous aves conceu en vostre ame le plus digne enfant du monde, qui est Jesus Christ: avant qu'il soit produit et enfanté du tout, il ne se peut que vous ne vous ressenties du travail; mais ayés bon courage, car, ces douleurs passees, la joye eternelle vous demeurera d'avoir enfanté un tel homme au monde.

  A003000866 

 Et comme le miel qui est fait des fleurs de thim, herbe petite et amere, est le meilleur de tous, ainsy la vertu qui s'exerce en l'amertume des plus viles, basses et abjectes tribulations est la plus excellente de toutes..

  A003000871 

 La cresserelle criant et regardant les oyseaux de proye, les espouvante par une proprieté et vertu secrette; c'est pourquoy les colombes l'ayment sur tous les autres oyseaux, et vivent en asseurance aupres d'icelle: ainsy l'humilité repousse Satan, et conserve en nous les graces et dons du Saint Esprit, et pour cela tous les Saintz, mais particulerement le Roy des Saintz et sa Mere, ont tous-jours honnoré et cheri cette digne vertu plus qu'aucune autre entre toutes les morales.

  A003000872 

 Il y en a qui se rendent fiers et morgans pour estre sur un bon cheval, pour avoir un pennache en leur chapeau, pour estre habillés somptueusement; mais qui ne void cette folie? car s'il y a de la gloire pour cela, elle est [140] pour l'oyseau et pour le tailleur; et quelle lascheté de courage est ce d'emprunter son estime d'un cheval, d'une plume, d'un goderon? Les autres se prisent et regardent pour des moustaches relevees, pour une barbe bien peignee, pour des cheveux crespés, pour des mains douillettes, pour sçavoir danser, joüer, chanter; mais ne sont ilz pas lasches de courage, de vouloir encherir leur valeur et donner du surcroist a leur reputation par des choses si frivoles et folastres? Les autres, pour un peu de science, veulent estre honnorés et respectés du monde, comme si chacun devoit aller a l'escole chez eux et les tenir pour maistres: c'est pourquoy on les appelle pedans.

  A003000872 

 Nous appelions vaine la gloire qu'on se donne ou pour ce qui n'est pas en nous, ou pour ce qui est en nous mais non pas a nous, ou pour ce qui est en nous et a nous, mais qui ne merite pas qu'on s'en glorifie.

  A003000872 

 Tout cela est extremement vain, sot et impertinent, et la gloire qu'on prend de si foibles sujetz s'appelle vaine, sotte et frivole..

  A003000873 

 Ainsy, pour connoistre si un homme est vrayement sage, sçavant, genereux, noble, il faut voir si ses biens tendent a l'humilité, modestie et sousmission, car alhors ce seront des vrays biens; mais s'ilz surnagent et qu'ilz veuillent paroistre, ce seront [141] des biens d'autant moins veritables qu'ilz seront plus apparens.

  A003000873 

 On connoist le vray bien comme le vray baume: on fait l'essay du baume en le distillant dedans l'eau, car s'il va au fond et qu'il prenne le dessous, il est jugé pour estre du plus fin et pretieux.

  A003000874 

 Ce n'est plus honneur d'estre beau, quand on s'en regarde: la beauté pour avoir bonne grace doit estre negligee; la science nous deshonnore quand elle nous enfle et qu'elle degenere en pedanterie.

  A003000874 

 Si nous sommes pointilleux pour les rangs, pour les [143] seances, pour les tiltres, outre que nous exposons nos qualités a l'examen, a l'enqueste et a la contradiction, nous les rendons viles et abjectes; car l'honneur qui est beau estant receu en don, devient vilain quand il est exigé, recherché et demandé.

  A003000876 

 Les espritz bien nés ne s'amusent pas a ces menus fatras de rangs, d'honneurs, de salutations; ilz ont d'autres choses a faire: c'est le propre des espritz faineans.

  A003000880 

 Mais vous desirés, Philothee, que je vous conduise plus avant en l'humilité; car a faire comme j'ay dit, c'est quasi plustost sagesse qu'humilité: maintenant donq je passe outre.

  A003000880 

 Plusieurs ne veulent ni n'osent penser et considerer les graces que Dieu leur a faites en particulier, de peur de prendre de la vaine gloire et complaisance, en quoy certes ilz se trompent; car puisque, [145] comme dit le grand Docteur Angelique, le vray d'atteindre a l'amour de Dieu, c'est la consideration de ses bienfaitz, plus nous les connoistrons plus nous l'aymerons; et comme les benefices particuliers esmeuvent plus puissamment que les communs, aussi doivent-ilz estre considerés plus attentivement..

  A003000881 

 Ainsy la Sainte Vierge confesse que Dieu luy fait choses tres grandes, mais [146] ce n'est que pour s'en humilier et magnifier Dieu: Mon ame, dit elle, magnifie le Seigneur, parce qu'il m'a fait choses grandes..

  A003000881 

 Il ne faut pas craindre que la connoissance de ce qu'il a mis en nous nous enfle, pourveu que nous soyons attentifz a cette verité, que ce qui est de bon en nous n'est pas de nous.

  A003000881 

 Mais si voyans les graces que Dieu nous a faites, quelque sorte de vanité nous venoit chatouiller, le remede infallible sera de recourir a la consideration de nos ingratitudes, de nos imperfections, de nos miseres: si nous considerons ce que nous avons fait quand Dieu n'a pas esté avec nous, nous connoistrons bien que ce que nous faisons quand il est avec nous n'est pas de nostre façon ni de nostre creu; nous en jouirons voyrement et nous en resjouirons parce que nous l'avons, mais nous en glorifierons Dieu seul parce qu'il en est l'autheur.

  A003000882 

 Au contraire, nous faisons semblant de fuir et de nous cacher, affin qu'on nous coure apres et qu'on nous cherche; nous faisons contenance de vouloir estre les derniers et assis au bas bout de la table, mays c'est affin de passer plus avantageusement au haut bout.

  A003000883 

 Il est vray qu'encor voudrois-je que les paroles fussent adjustees a nos affections au plus pres qu'il nous seroit possible, pour suivre en tout et par tout la simplicité et candeur cordiale.

  A003000883 

 L'homme vrayement humble aymeroit mieux qu'un autre dist de luy qu'il est miserable, qu'il n'est rien, qu'il ne vaut rien, que non pas de le dire luy mesme: au moins, s'il sçait qu'on le die, il ne contredit point, mais acquiesce de bon cœur; car croyant fermement cela, il est bien ayse qu'on suive son opinion..

  A003000883 

 Or, je tiens cette regle si generale que je n'y apporte nulle exception: seulement j'adjouste que la civilité requiert que nous presentions quelquefois l'advantage a ceux qui manifestement ne le prendront pas, et ce n'est pourtant pas ni duplicité ni fause humilité; car alhors le seul offre de l'advantage est un commencement d'honneur, et puisqu'on ne peut le leur donner entier on ne fait pas mal de leur en donner le commencement.

  A003000884 

 Il faut donq humblement et saintement oser tout ce qui est jugé propre a nostre avancement par ceux qui conduisent nos ames..

  A003000884 

 Le superbe qui se fie en soy mesme a bien occasion de n'oser rien entreprendre; mais l'humble est d'autant plus courageux qu'il se reconnoist plus impuissant: et a mesure qu'il s'estime chetif il devient plus hardi parce qu'il a toute sa confiance en Dieu, qui se plait a magnifier sa toute puissance en nostre infirmité, et eslever sa misericorde sur nostre misere.

  A003000884 

 Mais ne voit il pas que quand Dieu nous veut gratifier, c'est orgueil de refuser? que les dons de Dieu nous obligent a les recevoir, et que c'est humilité d'obeir et suivre au plus pres que nous pouvons ses desirs? Or, le desir de Dieu est que nous soyons parfaitz, nous unissans a luy et l'imitans au plus presque nous pouvons.

  A003000884 

 Tout cela n'est qu'artifice et une sorte d'humilité non seulement fause, mais maligne, par laquelle on veut tacitement et subtilement blasmer les choses de Dieu, ou au fin moins, couvrir d'un pretexte d'humilité l'amour propre de son opinion, de son humeur et de sa paresse.

  A003000885 

 Car ainsy l'humilité couvre et cache toutes nos vertus et perfections humaines, et ne les fait jamais paroistre que [149] pour la charité, qui estant une vertu non point humaine mais celeste, non point morale mais divine, elle est le vray soleil des vertus, sur lesquelles elle doit tous-jours dominer: si que les humilités qui prejudicient a la charité sont indubitablement fauses..

  A003000885 

 Penser sçavoir ce qu'on ne sçait pas, c'est une sottise expresse; vouloir faire le sçavant de ce qu'on connoist bien que l'on ne sçait pas, c'est une vanité insupportable: pour moy, je ne voudrois pas mesme faire le sçavant de ce que je sçaurois, comme au contraire je n'en voudrois non plus faire l'ignorant.

  A003000885 

 Quand la charité le requiert, il faut communiquer rondement et doucement avec le prochain, non seulement ce qui luy est necessaire pour son instruction, mais aussi ce qui luy est utile pour sa consolation; car l'humilité qui cache et couvre les vertus pour les conserver, les fait neanmoins paroistre quand la charité le commande, pour les accroistre, aggrandir et perfectionner.

  A003000886 

 En suite dequoy je vous diray que si pour les actions d'une vraye et naifve devotion, on vous estime vile, abjecte ou folle, l'humilité vous fera res-jouir de ce bienheureux opprobre, duquel la cause n'est pas en vous, mais en ceux qui le font.

  A003000886 

 Il est vray que quand Michol sa femme luy en fit reproche comme d'une folie, il ne fut pas marri de se voir avili: ains perseverant en la naifve et veritable representation de sa joye, il tesmoigna d'estre bien ayse de recevoir un peu d'opprobre pour son Dieu.

  A003000886 

 Je ne voudrois ni faire du fol ni faire du sage: car si l'humilité m'empesche de faire le sage, la simplicité et rondeur m'empescheront aussi de faire le fol; et si la vanité est contraire a l'humilité, l'artifice, l'affaiterie et feintise est contraire a la rondeur et simplicité.

  A003000890 

 Et c'est cela a quoy je vous exhorte, et que pour mieux entendre, sçaches qu'entre les maux que nous souffrons les uns sont abjectz et les autres honnorables; plusieurs s'accommodent aux honnorables, mais presque nul ne veut [151] s'accommoder aux abjectz.

  A003000890 

 Il y a néanmoins difference entre la vertu d'humilité et l'abjection; car l'abjection, c'est la petitesse, bassesse et vileté qui est en nous, sans que nous y pensions; mais quant a la vertu d'humilité, c'est la veritable connoissance et volontaire reconnoissance de nostre abjection.

  A003000890 

 Voyes un devotieux hermite tout deschiré et plein de froid: chacun honnore son habit gasté, avec compassion de sa souffrance; mais si un pauvre artisan, un pauvre gentilhomme, une pauvre damoiselle en est de mesme, on l'en mesprise, on s'en moque, et voyla comme sa pauvreté est abjecte.

  A003000891 

 En voyci d'une autre sorte: nous allons visiter les malades; si on m'envoye au plus miserable, ce me sera une abjection selon le monde, c'est pourquoy je l'aymeray; si on m'envoye [152] a ceux de qualité, c'est une abjection selon l'esprit, car il n'y a pas tant de vertu ni de merite, et j'aymeray donques cette abjection.

  A003000891 

 Il y a encores des actions d'une mesme vertu, dont les unes sont mesprisees et les autres honnorees; donner l'aumosne et pardonner les offenses sont deux actions de charité: la premiere est honnoree d'un chacun, et l'autre mesprisee aux yeux du monde.

  A003000891 

 Un jeune gentilhomme ou une jeune dame qui ne s'abandonnera pas au desreglement d'une troupe desbauchee, a parler, jouer, danser, boire, vestir, sera brocardé et censuré par les autres, et sa modestie sera nommee ou bigoterie ou affaiterie: aymer cela, c'est aymer son abjection.

  A003000892 

 Je dis bien davantage: si je me suis desreglé par cholere ou par dissolution a dire des parolles indecentes et desquelles Dieu et le prochain est offencé, je me repentiray vivement et seray extremement marri de l'offence, laquelle je m'essayeray de reparer le mieux qu'il me sera possible; mays je ne laisseray pas d'aggreer l'abjection et le mespris qui m'en arrive; et si l'un se pouvoit separer d'avec l'autre, je rejetterois ardemment le peché et garderois humblement l'abjection..

  A003000893 

 Au demeurant, il arrive quelquefois que la charité requiert que nous remedions a l'abjection pour le bien du prochain, auquel nostre reputation est necessaire; mais en ce cas la, ostant nostre abjection de devant les yeux du prochain pour empescher son scandale, il la faut serrer et cacher dedans nostre cœur affin qu'il s'en edifie..

  A003000893 

 Mais quoy que nous aymions l'abjection qui s'ensuit du mal, si ne faut il pas laisser de remedier au mal qui l'a causee, par des moyens propres et legitimes, et sur tout quand le mal est de consequence.

  A003000893 

 Si j'ay fait une chose qui n'offense personne, je ne m'en excuseray pas, parce qu'encor que ce soit un defaut, si est-ce qu'il n'est pas permanent; je ne pourrois donques m'en excuser que pour l'abjection qui m'en revient; or c'est cela que l'humilité ne peut permettre: [153] mais si par mesgarde ou par sottise j'ay offensé ou scandalisé quelqu'un, je repareray l'offense par quelque veritable excuse, d'autant que le mal est permanent et que la charité m'oblige de l'effacer.

  A003000894 

 Mais vous voulés sçavoir, Philothee, quelles sont les meilleures abjections; et je vous dis clairement que les plus prouffitables a l'ame et aggreables a Dieu sont celles que nous avons par accident ou par la condition de nostre vie, parce que nous ne les avons pas choisies, ains les avons receuës telles que Dieu nous les a envoyees, duquel l'election est tous-jours meilleure que la nostre.

  A003000899 

 Car par la loüange nous voulons persuader aux autres d'estimer l'excellence de quelqu'un; par l'honneur nous protestons que nous l'estimons nous mesmes; et la gloire n'est autre chose, a mon advis, qu'un certain esclat de reputation qui rejaillit de l'assemblage de plusieurs louanges et honneurs: si que les honneurs et loüanges sont comme des pierres pretieuses, de l'amas desquelles reussit la gloire comme un esmail.

  A003000899 

 Elle consent bien neanmoins a l'advertissement du Sage, qui nous admoneste d' avoir soin de nostre renommee, parce que la bonne renommee est une estime, non d'aucune excellence, mais seulement d'une simple et commune preud'hommie et integrité de vie, laquelle l'humilité n'empesche pas que nous ne reconnoissions en nous mesmes, ni par consequent que nous en desirions la reputation.

  A003000899 

 Il est vray que l'humilité mespriseroit la renommee si la charité n'en avoit besoin; mais parce qu'elle est l'un des fondemens de la societé humaine, et que sans elle nous sommes non seulement inutiles mais dommageables au public, a cause du scandale qu'il en reçoit, la charité requiert et l'humilité aggree que nous la desirions et conservions pretieusement.

  A003000900 

 Conservons nos vertus, ma chere Philothee, parce qu'elles sont aggreables a Dieu, grand et souverain objet de toutes nos actions; mais comme ceux qui veulent garder les fruitz ne se contentent pas de les confire, ains les mettent dedans des vases propres a la conservation d'iceux, de mesme, bien que l'amour divin soit le principal conservateur de nos vertus, si est-ce que nous pouvons encor employer la bonne renommee comme fort propre et utile a cela..

  A003000900 

 Outre cela, comme les feuilles des arbres, qui d'elles mesmes ne sont pas beaucoup prisables, servent neanmoins de beaucoup, non seulement pour les embellir, mais aussi pour conserver les fruitz tandis qu'ilz sont encor tendres; ainsy la bonne renommee, qui de soy mesme n'est pas une chose fort desirable, ne laisse pas d'estre tres utile, non seulement pour l'ornement de nostre vie, mais aussi pour la conservation de nos vertus, et principalement des vertus encor tendres et foibles: l'obligation de maintenir nostre reputation et d'estre telz que l'on nous estime, force un courage genereux, d'une puissante et douce violence.

  A003000901 

 La crainte excessive de perdre la renommee tesmoigne une grande defiance du fondement d'icelle, qui est la verité d'une bonne vie.

  A003000901 

 La dissimulation et mespris de l'injure et calomnie est pour l'ordinaire un remede beaucoup plus salutaire que le ressentiment, la conteste et la vengeance: le mespris les fait esvanouir; si on s'en courrouce il semble qu'on les advoüe.

  A003000902 

 Ainsy, bien que la renommee soit coupee, ou mesme tout a fait rasee par la langue des mesdisans, qui est, dit David, comme un rasoir affilé, il ne se faut point inquieter, car bien tost elle renaistra non seulement aussi belle qu'elle estoit, ains encores plus solide.

  A003000902 

 C'est pourquoy, si l'on dit: vous estes un hypocrite, parce que vous vous rangés [157] a la devotion; si l'on vous tient pour homme de bas courage parce que vous aves pardonné l'injure, moques vous de tout cela.

  A003000902 

 Car, outre que telz jugemens se font par des niaises et sottes gens, quand on devroit perdre la renommee, si ne faudroit-il pas quitter la vertu ni se destourner du chemin d'icelle, d'autant qu'il faut preferer le fruit aux feuilles, c'est a dire le bien interieur et spirituel a tous les biens exterieurs.

  A003000902 

 La barbe est un ornement au visage de l'homme, et les cheveux a celuy de la femme: si on arrache du tout le poil du menton et les cheveux de la teste, malaysement pourra-il jamais revenir; mais si on le coupe seulement, voire, qu'on le rase, il recroistra bien tost apres et reviendra plus fort et touffu.

  A003000902 

 La reputation n'est que comme une enseigne qui fait connoistre ou la vertu loge; la vertu doit donq estre en tout et par tout preferee.

  A003000902 

 Mais si nos vices, nos laschetés, [158] nostre mauvaise vie nous oste la reputation, il sera malaysé que jamais elle revienne, parce que la racine en est arrachee.

  A003000902 

 Or, la racine de la renommee, c'est la bonté et la probité, laquelle tandis qu'elle est en nous peut tous-jours reproduire l'honneur qui luy est deu..

  A003000904 

 Servons Dieu par la bonne et mauvaise renommee, a l'exemple de saint Paul, affin que nous puissions dire avec David: O mon Dieu, c'est pour vous que j'ay supporté l'opprobre et que la confusion a couvert mon visage.

  A003000908 

 Le baume (qui, comme j'ay dit cy dessus, prend tous-jours le dessous parmi toutes les liqueurs) represente l'humilité, et l'huyle d'olive, qui prend tous-jours le dessus, represente la douceur et debonnaireté, laquelle surmonte toutes choses et excelle entre les vertus comme estant la fleur de la charité laquelle, selon saint Bernard, est en sa perfection quand non seulement elle est patiente, mais quand outre cela elle est douce et debonnaire.

  A003000908 

 Le saint chresme, duquel par tradition apostolique on use en l'Eglise de Dieu pour les confirmations et benedictions, est composé d'huyle d'olive meslee avec le baume, qui represente entre autres choses les deux cheres et bienaymees vertus qui reluisoient en la sacree Personne de Nostre Seigneur, lesquelles il nous a singulierement recommandees, comme si par icelles nostre cœur devoit estre specialement consacré a son service et appliqué a son imitation: Apprenes de moy, dit-il, que je suis doux et humble de cœur.

  A003000909 

 Mais prenes garde, Philothee, que ce chresme mystique composé de douceur et d'humilité soit dedans vostre cœur; car c'est un des grans artifices de l'ennemi de faire que plusieurs s'amusent aux paroles et contenances exterieures de ces deux vertus, qui n'examinans pas bien leurs affections interieures, pensent estre humbles et doux et ne le sont néanmoins nullement en effect; ce que l'on reconnoist parce que, nonobstant leur ceremonieuse douceur et humilité, a la moindre parole qu'on leur dit de travers, a la moindre petite injure qu'ilz reçoivent, ilz s'eslevent avec une arrogance nompareille.

  A003000909 

 Que si estans piqués et morduz par les mesdisans et ennemis nous devenons fiers, enflés et despités, c'est signe que nos humilités et douceurs ne sont pas veritables et franches, mais artificieuses et apparentes..

  A003000910 

 Je vous en dis de mesme, Philothee: cette miserable vie n'est qu'un acheminement a la bienheureuse; ne nous courrouçons donq point en chemin les uns avec les autres, marchons avec la trouppe de nos freres et compaignons doucement, paisiblement et amiablement.

  A003000910 

 Mais je vous dis nettement et sans exception, ne vous courroucés point du tout, s'il est possible, et ne recevés aucun pretexte quel qu'il soit pour ouvrir la porte de vostre cœur au courroux; car saint Jacques dit tout court et sans reserve, que l'ire de l'homme n'opere point la justice de Dieu.

  A003000911 

 Les princes honnorent et consolent infiniment les peuples quand ilz les visitent avec un train de paix; mais quand ilz conduisent des armees, quoy que ce soit pour le bien public, leurs venues sont tous-jours desaggreables et dommageables, parce qu'encor qu'ilz facent exactement observer la discipline militaire entre les soldatz, si ne peuvent-ilz jamais tant faire qu'il n'arrive tous-jours quelque desordre, par lequel le bon homme est foulé.

  A003000911 

 On ne prise pas tant la correction qui sort de la passion, quoy qu'accompagnee de rayson, que celle qui n'a aucune autre origine que la rayson seule: car l'ame raysonnable estant naturellement sujette a la rayson, elle n'est sujette a la passion que par tyrannie; et partant, quand la rayson est accompagnee de la passion elle se rend odieuse, sa juste domination estant avilie par la societé de la tyrannie.

  A003000911 

 « Il est mieux, » dit le mesme saint Augustin escrivant a Profuturus, « de refuser l'entree a l'ire juste et equitable que de la recevoir, pour petite qu'elle soit, parce qu'estant receuë, il est malaysé de la faire sortir, d'autant qu'elle entre comme un petit surgeon, et en moins de rien elle grossit et devient un poutre.

  A003000912 

 Il est donq mieux d'entreprendre de sçavoir vivre sans cholere que de vouloir user moderement et sagement de la cholere, et quand par imperfection et foiblesse nous nous treuvons surpris d'icelle, il est mieux de la repousser vistement que de vouloir marchander avec elle; car pour peu qu'on luy donne de loysir, elle se rend maistresse de la place et fait comme le serpent, qui tire aysement tout son cors ou il peut mettre la teste.

  A003000913 

 Apres ce doux effort, prattiqués l'advis que saint Augustin ja viel donnoit au jeune Evesque Auxilius: « Fais, » dit-il, « ce qu'un homme doit faire; que s'il t'arrive ce que l'homme de Dieu dit au Psalme: Mon œil est troublé de grande cholere, recours a Dieu, criant: Aye misericorde de moy, Seigneur, affin qu'il estende sa dextre pour reprimer ton courroux.

  A003000913 

 Car tout ainsy que c'est un souverain remede contre le mensonge que de s'en desdire sur le champ, aussi tost que l'on s'apperçoit de l'avoir dit, ainsy est ce un bon remede contre la cholere de la reparer soudainement par un acte contraire de douceur; car, comme l'on dit, les playes fraisches sont plus aysement remediables..

  A003000914 

 Au surplus, lhors que vous estes en tranquillité et sans aucun sujet de cholere, faites grande provision de douceur et debonnaireté, disant toutes vos parolles et faisant toutes vos actions petites et grandes en la plus douce façon qu'il vous sera possible, vous resouvenant que l'Espouse, au Cantique des Cantiques, n'a pas seulement le miel en ses levres et au bout de sa langue, mais elle l'a encor dessous la langue, c'est a dire dans la poitrine; et n'y a pas seulement du miel, mais encor du lait; car aussi ne faut-il pas seulement avoir la parolle douce a l'endroit du prochain, mais encor toute la poitrine, c'est a dire tout l'interieur de nostre ame.

  A003000914 

 Et ne faut pas seulement avoir la douceur du miel, qui est aromatique et odorant, c'est a dire la suavité de la [165] conversation civile avec les estrangers, mais aussi la douceur du lait entre les domestiques et proches voysins: en quoy manquent grandement ceux qui en rue semblent des anges, et en la mayson, des diables..

  A003000918 

 En quoy font une grande faute plusieurs qui, s'estans mis en cholere, se courroucent de s'estre courroucés, entrent en chagrin de s'estre chagrinés, et ont despit de s'estre despités; car par ce moyen ilz tiennent leur cœur confit et detrempé en la cholere: et si bien il semble que la seconde cholere ruine la premiere, si est ce neanmoins qu'elle sert d'ouverture et de passage pour une nouvelle cholere, a la premiere occasion qui s'en presentera; outre que ces choleres, despitz et aigreurs que l'on a contre soy mesme tendent a l'orgueil et n'ont origine que de l'amour propre, qui se trouble et s'inquiete de nous voir imparfaitz..

  A003000918 

 L'une des bonnes prattiques que nous sçaurions faire de la douceur, c'est celle de laquelle le sujet est en nous mesmes, ne despitant jamais contre nous mesmes ni contre nos imperfections; car encor que la rayson veut que quand nous faysons des fautes nous en soyons desplaisans et marris, si faut-il neanmoins que nous nous empeschions d'en avoir une desplaisance aigre et chagrine, despiteuse et cholere.

  A003000919 

 Il faut donq avoir un desplaysir de nos fautes qui soit paisible, rassis et ferme; car comme un juge chastie bien mieux les meschans faysant ses sentences [166] par rayson et en esprit de tranquillité, que non pas quand il les fait par impetuosité et passion, d'autant que jugeant avec passion, il ne chastie pas les fautes selon qu'elles sont, mais selon qu'il est luy mesme; ainsy nous nous chastions bien mieux nous mesmes par des repentances tranquilles et constantes, que non pas par des repentances aigres, empressees et choleres, d'autant que ces repentances faittes avec impetuosité ne se font pas selon la gravité de nos fautes, mais selon nos inclinations.

  A003000923 

 Relevés donques vostre cœur quand il tombera, tout doucement, vous humiliant beaucoup devant Dieu pour la connoissance de vostre misere, sans nullement vous estonner de vostre cheute, puisque ce n'est pas chose admirable que l'infirmité soit infirme, et la foiblesse foible, et la misere chetifve.

  A003000927 

 Soyes donq soigneuse et diligente en tous les affaires que vous aurés en charge, ma Philothee, car Dieu vous les ayant confiés veut que vous en ayes un grand soin; mais s'il est possible n'en soyes pas en sollicitude et souci, c'est a dire, ne les entreprenes pas avec inquietude, anxieté et ardeur.

  A003000928 

 Voyes-vous, si elle eust esté simplement soigneuse elle ne se fust point troublee; mais parce qu'elle estoit en souci et inquietude, elle s'empresse et se trouble, et c'est en quoy Nostre Seigneur la reprend.

  A003000933 

 Car bien qu'estans voüees, et sur tout solemnellement, elles mettent l'homme en l'estat de perfection, si est ce que pour le mettre en la perfection il suffit qu'elles soyent observees, y ayant bien de la difference entre l'estat de perfection et la perfection, puysque tous les evesques et religieux sont en l'estat de perfection, et tous neanmoins ne sont pas en la perfection, comme il ne se voit que trop.

  A003000933 

 Je ne diray rien de ces trois vertus entant qu'elles sont voiiees solemnellement, parce que cela ne regarde que les religieux; ni mesme entant qu'elles sont voiiees simplement, d'autant qu'encor que le vœu donne tous-jours beaucoup de graces et de merite a toutes les vertus, si est ce que pour nous rendre parfaitz il n'est pas necessaire qu'elles soyent voiiees, pourveu qu'elles soyent observees.

  A003000933 

 L'obeissance consacre nostre cœur, la chasteté nostre cors et la pauvreté nos moyens a l'amour et service de Dieu: ce sont les trois branches de la croix spirituelle, toutes trois neanmoins fondees sur la quatriesme qui est l'humilité.

  A003000934 

 Faites donq leurs commandemens, et cela est de necessité; mays pour estre parfaitte suivés encor leurs conseilz et mesme leurs desirs et inclinations, entant que la charité et prudence vous le permettra.

  A003000934 

 Obeisses en fin doucement, sans replique; promptement, sans retardation; gayement, sans chagrin; et sur tout obeisses amoureusement pour l'amour de Celuy qui pour l'amour de nous s'est fait obeissant jusques a la morte de la croix, et lequel, comme dit saint Bernard, ayma mieux perdre la vie que l'obeissance.

  A003000934 

 Obeisses quand ilz vous ordonneront chose aggreable, comme de manger, prendre de la recreation, car encor qu'il semble que ce n'est pas grande vertu d'obeir en ce cas, ce seroit neanmoins un grand vice de desobeir; obeisses es choses indifferentes, comme a porter tel ou tel habit, aller par un chemin ou par un autre, chanter ou se taire, et ce sera une obeissance des-ja fort recommandable; obeisses en choses malaysees, aspres et dures, et ce sera une obeissance parfaitte.

  A003000934 

 Par la necessaire, vous deves humblement obeir a vos superieurs ecclesiastiques, comme au Pape et a l'Evesque, au curé et a ceux qui sont commis de leur part; vous deves obeir a vos superieurs politiques, c'est a dire a vostre Prince et aux magistratz qu'il a establis sur vostre païs; vous deves en fin obeir a vos superieurs domestiques, c'est a dire a vostre pere, mere, maistre, maistresse.

  A003000935 

 C'est un abus de croire que si on estoit religieux ou religieuse on obeiroit aysement, si l'on se treuve difficile et revesche a rendre obeissance a ceux que Dieu a mis sur nous..

  A003000935 

 Pour apprendre aysement a obeir a vos superieurs, condescendés aysement a la volonté de vos semblables, cedant a leurs opinions en ce qui n'est pas mauvais, sans estre contentieuse ni revesche; accommodes-vous volontier aux desirs de vos inferieurs autant que la rayson le permettra, sans exercer aucune authorité imperieuse sur eux tandis qu'ilz sont bons.

  A003000936 

 Nous appelions obeissance volontaire celle a laquelle nous nous obligeons par nostre propre election, et laquelle ne nous est point imposee par autruy.

  A003000936 

 Or, soit qu'en le choisissant on face vœu d'obeir (comme il est dit que la Mere Therese, outre l'obeissance solemnellement voüee au superieur de son Ordre, s'obligea par un vœu simple d'obeir au Pere Gracian), ou que sans vœu on se dedie a l'obeissance de quelqu'un, tous-jours cette obeissance s'appelle volontaire, a rayson de son fondement qui depend de nostre volonté et election..

  A003000942 

 La chasteté est le lys des vertus, elle rend les hommes presque egaux aux Anges; rien n'est beau que par la pureté, et la pureté des hommes c'est la chasteté.

  A003000942 

 On appelle la chasteté honnesteté, et la profession d'icelle honneur; elle est nommee integrité, et son contraire corruption: bref, elle a sa gloire toute a part, d'estre la belle et blanche vertu de l'ame et du cors..

  A003000943 

 Il n'est jamais permis de tirer aucun impudique playsir de nos cors en quelque façon que ce soit, sinon en un legitime mariage, duquel la sainteté puisse par une juste compensation reparer le deschet que l'on reçoit en la delectation.

  A003000943 

 Le cœur chaste est comme la mere perle qui ne peut recevoir aucune goutte d'eau qui ne vienne du ciel, car il ne peut recevoir aucun playsir que celuy du mariage, qui est ordonné du ciel; hors de la, il ne luy est pas permis seulement d'y penser, d'une pensee voluptueuse volontaire et entretenue.

  A003000944 

 Pour le troisiesme, n'attaches point vostre affection aux playsirs et voluptés qui sont commandees et ordonnees; car bien qu'il faille prattiquer les delectations necessaires, c'est a dire celles qui regardent la fin et institution du saint mariage, si ne faut-il pas pourtant y jamais attacher le cœur et l'esprit..

  A003000945 

 Et de vray, tandis que les fruitz sont bien entiers ilz peuvent estre conservés, les uns sur la paille, les autres dedans le sable, et les autres en leur propre feuillage; mais estans une fois entamés, il est presque impossible de les garder que par le miel et le sucre, en confiture: ainsy la chasteté qui n'est point encor blessee ni violee peut estre gardee en plusieurs sortes, mais estant une fois entamee, rien ne la peut conserver [177] qu'une excellente devotion, laquelle, comme j'ay souvent dit, est le vray miel et sucre des espritz..

  A003000946 

 Que donques ces ames pures se gardent bien de jamais revoquer en doute que la chasteté ne soit incomparablement meilleure que tout ce qui luy est [178] incompatible, car, comme dit le grand saint Hierosme, l'ennemi presse violemment les vierges au desir de l'essay des voluptés, les leur representant infiniment plus plaisantes et delicieuses qu'elles ne sont, ce qui souvent les trouble bien fort, « tandis, » dit ce saint Pere, « qu'elles estiment plus doux ce qu'elles ignorent.

  A003000946 

 » Car, comme le petit papillon voyant la flamme va curieusement voletant autour d'icelle pour essayer si elle est aussi douce que belle, et pressé de cette fantasie ne cesse point qu'il ne se perde au premier essay, ainsy les jeunes gens bien souvent se laissent tellement saisir de la fause et sotte estime qu'ilz ont du playsir des flammes voluptueuses, qu'apres plusieurs curieuses pensees ilz s'y vont en fin finale ruiner et perdre; plus sotz en cela que les papillons, d'autant que ceux-ci ont quelque occasion de cuider que le feu soit delicieux puisqu'il est si beau, ou ceux-la sçachans que ce qu'ilz recherchent est extremement deshonneste ne laissent pas pour cela d'en surestimer la folle et brutale delectation..

  A003000947 

 C'est tous-jours chose dangereuse de prendre des medicamens violens, parce que si l'on en prend plus qu'il ne faut, ou qu'ilz ne soyent pas bien preparés, on en reçoit beaucoup de nuisance: le mariage a esté beni et ordonné en partie pour remede a la concupiscence et c'est sans doute un tres bon remede, mais violent neanmoins, et par consequent tres dangereux s'il n'est discretement employé..

  A003000947 

 Il est vray que la sainte licence du mariage a une force particuliere pour esteindre le feu de la concupiscence, mais l'infirmité de ceux qui en jouissent passe aysement de la permission a la dissolution, et de l'usage a l'abus.

  A003000947 

 Mais quant a ceux qui sont mariés, c'est chose veritable, et que neanmoins le vulgaire ne peut penser, que la chasteté leur est fort necessaire, parce qu'en eux elle ne consiste pas a s'abstenir absolument des playsirs charnelz, mais a se contenir entre les playsirs.

  A003000947 

 Or, comme ce commandement: Courrouces-vous et ne [179] peches point est a mon advis plus difficile que cestui ci: Ne vous courrouces point, et qu'il est plus tost fait d'eviter la cholere que de la regler, aussi est-il plus aysé de se garder tout a fait de voluptés charnelles que de garder la moderation en icelles.

  A003000948 

 J'adjouste que la varieté des affaires humains, outre les longues maladies, separe souvent les maris d'avec leurs femmes, c'est pourquoy les mariés ont besoin de deux sortes de chasteté: l'une, pour l'abstinence absolue quand ilz sont separés, es occasions que je viens de dire; l'autre, pour la moderation quand ilz sont ensemble en leur train ordinaire.

  A003000949 

 Vous voyés donques que la chasteté est necessaire a toutes sortes de gens.

  A003000953 

 Soyés extremement prompte a vous destourner de tous les acheminemens et de toutes les amorces de la lubricité, car ce mal agit insensiblement, et par des petitz commencemens fait progres a des grans accidens: il est tous-jours plus aysé a fuir qu'a guerir..

  A003000954 

 Ne permettes jamais, Philothee, qu'aucun vous touche incivilement, ni par maniere de folastrerie ni par maniere de faveur; car bien qu'a l'adventure la chasteté puisse estre conservee parmi ces actions, plustost legeres que malicieuses, si est ce que la fraischeur et fleur de la chasteté en reçoit tous-jours du detriment et de la perte: mays de se laisser toucher deshonnestement, c'est la ruine entiere de la chasteté..

  A003000955 

 C'est impudicité de regarder, d'ouïr, de parler, d'odorer, de toucher des choses deshonnestes, quand le cœur s'y amuse et y prend playsir.

  A003000955 

 L'Espouse sacree, au Cantique des Cantiques, a ses mains qui distillent la myrrhe, liqueur preservative de la corruption; ses levres sont bandees d'un ruban vermeil, marque de la pudeur des paroles; ses yeux sont de colombe, a rayson de leur netteté; ses oreilles ont des pendans d'or, enseigne de pureté; son nés est parmi les cedres du Liban, bois incorruptible.

  A003000955 

 La chasteté depend du cœur comme de son origine, mais elle regarde le cors comme sa matiere; c'est pourquoy elle se perd par tous les sens exterieurs du cors et par les cogitations et desirs du cœur.

  A003000956 

 A ce propos, je vous represente le mot que l'ancien Pere Jean Cassian rapporte comme sorti de la bouche du grand saint Basile, qui, parlant de soy mesme, dit un [182] jour: «Je ne sçay que c'est que des femmes, et ne suis pourtant pas vierge.

  A003000956 

 Il y a d'autres privautés et passions, non seulement indiscretes mais vicieuses, non seulement folastres mais deshonnestes, non seulement sensuelles mais charnelles; et par celles-ci la chasteté est pour le moins fort blessee et interessee.

  A003000957 

 Au contraire, hantés les gens chastes et vertueux, pensés et lises souvent aux choses sacrees, car la parole de Dieu est chaste et rend ceux qui s'y plaisent chastes, qui fait que David la compare au topase, pierre pretieuse, laquelle par sa proprieté amortit l'ardeur de la concupiscence..

  A003000958 

 Tenes-vous tous-jours proche de Jesus Christ crucifié, et spirituellement par la meditation et reellement par la sainte Communion: car tout ainsy que ceux qui couchent sur l'herbe nommee agnus castus deviennent chastes et pudiques, de mesme reposant vostre cœur sur Nostre Seigneur, qui est le vray Aigneau chaste et vous verrés que bien tost vostre ame et vostre cœur se treuveront purifiés de toutes souïlleures et lubricités..

  A003000962 

 Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est a eux; malheureux donq sont les riches d'esprit, car la misere d'enfer est pour eux.

  A003000962 

 Celuy est riche d'esprit lequel a ses richesses dedans son esprit, ou son esprit dedans les richesses; celuy est pauvre d'esprit qui n'a nulles richesses dans son esprit, ni son esprit dedans les richesses.

  A003000964 

 Estre riche en effect et pauvre d'affection c'est le grand bonheur du Chrestien; car il a par ce moyen les commodités des richesses pour ce monde et le merite de la pauvreté pour l'autre..

  A003000965 

 Moyse vit le feu sacré qui brusloit un buisson et ne le consumoit nullement, mais au contraire, le feu prophane de l'avarice consume et devore l'av aricieux et ne le brusle aucunement; au moins, emmi ses ardeurs et chaleurs plus excessives, il se vante de la plus douce fraischeur du monde, et tient que son alteration insatiable est une soif toute naturelle et suave..

  A003000965 

 On s'excuse sur la charge des enfans qui presse, sur la sagesse qui requiert qu'on s'establisse en moyens: jamais on n'en a trop, il se treuve tous-jours certaines necessités d'en avoir davantage; et mesme les plus avares, non seulement ne confessent pas de l'estre, mays ilz ne [185] pensent pas en leur conscience de l'estre; non, car l'avarice est une fievre prodigieuse, qui se rend d'autant plus insensible qu'elle est plus violente et ardente.

  A003000967 

 Celuy qui possede un bien justement, n'a-il pas plus de rayson de le garder justement, que nous de le vouloir avoir justement? et pourquoy donques estendons-nous nostre desir sur sa commodité pour l'en priver? Tout au plus si ce desir est juste, certes, il n'est pas pourtant charitable; car nous ne voudrions nullement qu'aucun desirast, quoy que justement, ce que nous voulons garder justement.

  A003000967 

 O Philothee, je ne sçai si c'est un desir juste de desirer d'avoir justement ce qu'un autre possede justement; car il semble que par ce desir nous nous voulons accommoder par l'incommodité d'autruy.

  A003000968 

 Si vous affectionnes fort les biens que vous aves, si vous en estes fort embesoignee, mettant vostre cœur en iceux, y attachant vos pensees et craignant d'une crainte vive et empressee de les perdre, croyes-moy, vous aves encor quelque sorte de fievre; car les febricitans boivent l'eau qu'on leur donne avec un certain empressement, avec une sorte d'attention et d'ayse que ceux qui sont sains n'ont point accoustumé d'avoir: il n'est pas possible de se plaire beaucoup en une chose, que l'on n'y mette beaucoup d'affection.

  A003000974 

 Mais prenés garde que l'amour propre ne vous trompe, car quelquefois il contrefait si bien l'amour de Dieu qu'on diroit que c'est luy: or, pour empescher qu'il ne vous deçoive, et que ce soin des biens temporelz ne se convertisse en avarice, outre ce que j'ay dit au chapitre precedent, il nous faut prattiquer bien souvent la pauvreté reelle et effectuelle, emmi toutes les facultés et richesses que Dieu nous a donnees..

  A003000974 

 Mays il faut donq que ce soit un soin plus grand et solide que celuy que les mondains ont de leurs biens, car ilz ne s'embesoignent [188] que pour l'amour d'eux mesmes, et nous devons travailler pour l'amour de Dieu: or, comme l'amour de soy mesme est un amour violent, turbulent, empressé, aussi le soin qu'on a pour luy est plein de trouble, de chagrin, d'inquietude; et comme l'amour de Dieu est doux, paisible et tranquille, aussi le soin qui en procede, quoy que ce soit pour les biens du monde, est amiable, doux et gracieux.

  A003000975 

 Il est vray que Dieu vous le rendra, non seulement en l'autre monde, mais en cestui ci, car il n'y a rien qui face tant prosperer temporellement que l'aumosne; mais en attendant que Dieu vous le rende vous seres tous-jours appauvrie de cela.

  A003000975 

 Quittes donq tous-jours quelque partie de vos moyens en les donnant aux pauvres de bon cœur; car donner ce qu'on a c'est s'appauvrir d'autant, et plus vous donneres plus vous vous appauvrirés.

  A003000976 

 L'amour egale les amans: Qui est infirme avec lequel je ne sois infirme? dit saint Paul.

  A003000976 

 [189] Il pouvoit dire: Qui est pauvre avec lequel je ne sois pauvre? parce que l'amour le faisoit estre tel que ceux qu'il aymoit.

  A003000977 

 Et comment cela? Le serviteur est moindre que son maistre: rendés-vous donq servante des pauvres; alles les servir dans leurs lictz quand ilz sont malades, je dis de vos propres mains; soyes leur cuisiniere, et a vos propres despens; soyes leur lingere et blanchisseuse.

  A003000977 

 O ma Philothee, ce service est plus triomphant qu'une royauté..

  A003000980 

 En fin, il est facile d'avoir souvent besoin de quelque chose, pour riche qu'on soit; or cela, c'est estre pauvre en effect de ce qui nous manque.

  A003000980 

 Il n'est celuy qui en quelque occasion n'ait quelque manquement et defaut de commodités.

  A003000981 

 C'est la difference des bestes et des hommes quant a leurs robbes: car les robbes des bestes tiennent a leur chair, et celles des hommes y sont seulement appliquees, en sorte qu'ilz puissent les mettre et oster quand ilz veulent..

  A003000981 

 Quand il vous arrivera des inconveniens qui vous appauvriront, ou de beaucoup ou de peu, comme font les tempestes, les feux, les inondations, les sterilités, les larcins, les proces, o c'est alhors la vraye saison de pratiquer la pauvreté, recevant avec douceur ces diminutions [191] de facultés, et s'accommodant patiemment et constamment a cet appauvrissement.

  A003000985 

 Mais si vous estes reellement pauvre, treschere Philothee, o Dieu, soyes-le encores d'esprit; faites de necessité vertu, et employes cette pierre pretieuse de [192] la pauvreté pour ce qu'elle vaut: son esclat n'est pas descouvert en ce monde, mais si est ce pourtant qu'il est extremement beau et riche.

  A003000986 

 Le premier est qu'elle ne vous est point arrivee par vostre choix, mais par la seule volonté de Dieu, qui vous a faitte pauvre sans qu'il y ait eu aucune concurrence de vostre volonté propre.

  A003000986 

 Or, ce que nous recevons purement de la volonté de Dieu luy est tous-jours tres aggreable, pourveu que nous le recevions de bon cœur et pour l'amour de sa sainte volonté: ou il y a moins du nostre il y a plus de Dieu.

  A003000987 

 Le second privilege de cette pauvreté, c'est qu'elle est une pauvreté vrayement pauvre.

  A003000987 

 Or, telle est pour l'ordinaire la pauvreté des seculiers, car parce qu'ilz ne sont pas pauvres par leur election, mais par necessité, on n'en tient pas grand conte; et en ce qu'on n'en tient pas grand conte, leur pauvreté est plus pauvre que celle [193] des religieux, bien que celle cy d'ailleurs ait une excellence fort grande et trop plus recommandable, a rayson du vœu et de l'intention pour laquelle elle a esté choisie..

  A003000987 

 Une pauvreté loüee, caressee, estimee, secourue et assistee, elle tient de la richesse, elle n'est pour le moins pas du tout pauvre; mais une pauvreté mesprisee, rejettee, reprochee et abandonnee, elle est vrayement pauvre.

  A003000988 

 Vouloir estre pauvre et n'en recevoir point d'incommodité, c'est une trop grande ambition; car c'est vouloir l'honneur de la pauvreté et la commodité des richesses..

  A003000993 

 L'amour tient le premier rang entre les passions de l'ame: c'est le roy de tous les mouvemens du cœur, il convertit tout le reste a soy et nous rend telz que ce qu'il ayme.

  A003000993 

 Or l'amitié est le plus dangereux amour de tous, parce que les autres amours peuvent estre sans communication, mays l'amitié estant totalement fondee sur icelle, on ne peut presque l'avoir avec une personne sans participer a ses qualités..

  A003000994 

 Tout amour n'est pas amitié; car, 1.

  A003000994 

 on peut aymer sans estre aymé, et lhors il y a de l'amour, mais non pas de l'amitié, d'autant que l'amitié est un amour mutuel, et s'il n'est pas mutuel ce n'est pas amitié.

  A003000995 

 Car, comme le miel est plus excellent quand il se cueille es fleurons des fleurs plus exquises, ainsy l'amour fondé sur une plus exquise communication est le plus excellent; et comme il y a du miel en Heraclee de Ponte, qui est veneneux et fait devenir insensés ceux qui le mangent, parce qu'il est recueilli sur l'aconit qui est abondant en cette region-la, ainsy l'amitié fondee sur la communication des faux et vicieux biens est toute fause et mauvaise..

  A003000995 

 Selon la diversité des communications l'amitié est aussi diverse, et les communications sont differentes selon la difference des biens qu'on s'entrecommunique: si ce sont des biens faux et vains, l'amitié est fause et vaine, si ce sont des vrays biens, l'amitié est vraye; et plus excellens seront les biens, plus excellente sera l'amitié.

  A003000996 

 La communication des voluptés charnelles est une mutuelle propension et amorce brutale, laquelle ne peut non plus porter le nom d'amitié entre les hommes que celles des asnes et chevaux pour semblables effectz; et s'il n'y avoit nulle autre communication au mariage, il n'y auroit non plus nulle amitié; mais, parce qu'outre celle-la il y a en iceluy la communication de la vie, de l'industrie, des biens, des affections et d'une indissoluble [195] fidelité, c'est pourquoy l'amitié du mariage est une vraÿe amitié et sainte..

  A003000997 

 L'amitié fondee sur la communication des playsirs sensuelz est toute grossiere, et indigne du nom d'amitié, comme aussi celle qui est fondee sur des vertus frivoles et vaines, parce que ces vertus dependent aussi des sens.

  A003000997 

 Oyes parler la pluspart des filles, des femmes et des jeunes gens, ilz ne se feindront nullement de dire: un tel gentilhomme est fort vertueux, il a beaucoup de perfections, car il danse bien, il joue bien a toutes sortes de jeux, il s'habille bien, il chante bien, il cajole bien, il a bonne mine; et les charlatans tiennent pour les plus vertueux d'entre eux ceux qui sont les plus grans bouffons.

  A003001001 

 Et bien que ces sottes amours vont ordinairement fondre et s'abismer en des charnalités et lascivetés fort vilaines, si est ce que ce n'est pas le premier dessein de ceux qui les exercent; autrement ce ne seroyent plus amourettes, ains impudicités manifestes.

  A003001003 

 Car il est tous-jours advis a ces chetifz et foibles espritz qu'il y a je ne sçai quoy a desirer es tesmoignages qu'on leur rend de l'amour reciproque, et ne sçauroyent dire que c'est; dont leur desir ne peut finir, mays va tous-jours pressant leur cœur de perpetuelles defiances, jalousies et inquietudes..

  A003001004 

 Garde bien, o ma langue parleuse, de dire ce qui arrivera par apres; si diray-je neanmoins encor cette verité: rien de tout ce que les jeunes gens et les femmes disent ou font ensemble en ces [199] folles complaisances n'est exempt de grans esguillons.

  A003001004 

 Saint Gregoire Nazianzene, escrivant contre les femmes vaynes, dit merveilles sur ce sujet; en voyci une petite piece qu'il addresse voyrement aux femmes, mais bonne encores pour les hommes: «Ta naturelle beauté suffit pour ton mari; que si elle est pour plusieurs hommes, comme un filet tendu pour une troupe d'oyseaux, qu'en arrivera-il? celuy la te plaira qui se plaira en ta beauté, tu rendras œillade pour œillade, regard pour regard; soudain suivront les sousris et petitz motz d'amour, laschés a la desrobee pour le commencement, mais bien tost on s'apprivoisera et passera-on a la cajolerie manifeste.

  A003001005 

 Helas, vous vous trompés, ce feu d'amour est plus actif et penetrant qu'il ne vous semble; vous cuyderes n'en recevoir qu'une estincelle, et vous seres tout estonné de voir qu'en un moment il aura saysi tout vostre cœur, reduit en cendre toutes vos resolutions et en fumee vostre reputation.

  A003001005 

 O qu'il dit bien, ce grand Evesque: Que penses-vous faire? Donner de l'amour, non pas? Mais personne n'en donne volontairement qui n'en prenne necessairement; qui prend est pris en ce jeu.

  A003001006 

 Ah! ce grand Dieu qui s'estoit reservé le seul amour de nos ames, en reconnoissance de leur creation, conservation et redemption, exigera un compte bien estroit de ces folles deduites que nous en faysons; que s'il doit faire un examen si exacte des parolles oyseuses, qu'est ce qu'il fera des amitiés oyseuses, impertinentes, folles et pernicieuses? [201].

  A003001006 

 O Dieu, quel aveuglement est celuy ci, de joüer ainsy a credit sur des gages si frivoles la principale piece de nostre ame! Ouy, Philothee, car Dieu ne veut l'homme que pour l'ame, ni l'ame que pour la volonté, ni la volonté que pour l'amour.

  A003001007 

 Bref, ces amourettes bannissent non seulement l'amour celeste, mais encor la crainte de Dieu, enervent l'esprit, affoiblissent la reputation: c'est, en un mot, le joüet des cours, mais la peste des cœurs..

  A003001007 

 Ces amourettes font les mesmes nuysances a l'ame, car elles l'occupent tellement et tirent si puissamment ses mouvemens qu'elle ne peut pas apres suffire a aucune bonne œuvre; les feuilles, c'est a dire les entretiens, amusemens et muguetteries sont si frequentes qu'elles dissipent tout le loysir; et en fin elles attirent tant de tentations, distractions, soupçons et autres consequences, que tout le cœur en est foulé et gasté.

  A003001007 

 Le noyer nuit grandement aux vignes et aux champs esquelz il est planté, parce qu'estant si grand, il attire tout le suc de la terre, qui ne peut par apres suffire a nourrir le reste des plantes; ses feuillages sont si touffus qu'ilz font un ombrage grand et espais, et en fin il attire les passans a soy, qui, pour abattre son fruit, gastent et foulent tout autour.

  A003001011 

 Mais si vostre mutuelle et reciproque communication se fait de la charité, de la devotion, de la perfection chrestienne, o Dieu, que vostre amitié sera pretieuse! Elle sera excellente parce qu'elle vient de Dieu, excellente parce qu'elle tend a Dieu, excellente parce que son lien c'est Dieu, excellente parce qu'elle durera eternellement en Dieu.

  A003001011 

 Si vous communiques es sciences, vostre amitié est certes [202] fort loüable; plus encor si vous communiques aux vertus, en la prudence, discretion, force et justice.

  A003001012 

 Il m'est advis que toutes les autres amitiés ne sont que des ombres au prix de celle ci, et que leurs liens ne sont que des chaisnes de verre ou de jayet, en comparayson de ce grand lien de la sainte devotion qui est tout d'or.

  A003001012 

 Qu'a bon droit peuvent chanter telles heureuses ames: O que voyci combien il est bon et aggreable que les freres habitent ensemble! Ouy, car le baume delicieux de la devotion distille de l'un des cœurs en l'autre par une continuelle participation, si qu'on peut dire que Dieu a respandu sur cette amitié sa benediction et la vie jusques aux siecles des siecles.

  A003001013 

 Car attendu qu'en un monastere bien reglé le dessein commun de tous tend a la vraye devotion, il n'est pas requis d'y faire ces particulieres communications, de peur que cherchant en particulier ce qui est commun, on ne passe des particularités aux partialités; mais quant a ceux qui sont entre les mondains et qui embrassent la vraÿe vertu, il leur est necessaire de s'allier les uns aux autres par une sainte et sacree amitié; car par le moyen d'icelle ilz s'animent, ilz s'aydent, ilz s'entreportent au bien.

  A003001015 

 Et saint Thomas, comme tous les bons philosophes, confesse que l'amitié est une vertu: or, il parle de l'amitié particuliere, puisque, comme il dit, la parfaitte amitié ne peut s'estendre a beaucoup de personnes.

  A003001015 

 Saint Paul reprochant le detraquement des Gentilz, les accuse d'avoir esté gens sans affection, c'est a dire qui n'avoient aucune amitié.

  A003001019 

 Le miel d'Heraclee, qui est si veneneux, ressemble a l'autre qui est si salutaire: il y a grand danger de prendre l'un pour l'autre ou de les prendre meslés, car la bonté de l'un n'empescheroit pas la nuysance de l'autre.

  A003001019 

 On commence par l'amour vertueux, mais si on n'est fort sage l'amour frivole se meslera, puis l'amour sensuel, puis l'amour charnel; ouy mesme il y a danger en l'amour spirituel si on n'est fort sur sa garde, bien qu'en celuy cy il soit plus difficile de prendre le change, parce que sa pureté et blancheur rendent plus connoissables les souïlleures que Satan y veut mesler: c'est pourquoy quand il l'entreprend il fait cela plus finement, et essaye de glisser les impuretés presque insensiblement..

  A003001020 

 En fin le miel d'Heraclee donne une grande amertume en la bouche: ainsy les fauses amitiés se convertissent et terminent en paroles et demandes charnelles et puantes, ou, en cas de refus, a des injures, calomnies, impostures, tristesses, confusions et jalousies qui aboutissent bien souvent en abrutissement et forcenerie; mais la chaste amitié est tous-jours egalement honneste, civile et [207] amiable, et jamais ne se convertit qu'en une plus parfaitte et pure union d'espritz, image vive de l'amitié bienheureuse que l'on exerce au Ciel..

  A003001020 

 Le miel d'Heraclee estant avalé excite un tournoyement de teste, et la fause amitié provoque un tournoyement d'esprit qui fait chanceler la personne en la chasteté et devotion, la portant a des regards affectés, mignards et immoderés, a des caresses sensuelles, a des souspirs desordonnés, a des petites plaintes de n'estre pas aymee, a des petites, mais recherchees, mais attrayantes contenances, galanterie, poursuitte des baysers, et autres privautés et faveurs inciviles, presages certains et indubitables d'une prochaine ruine de l'honnesteté; mais l'amitié sainte n'a des yeux que simples et pudiques, ni des caresses que pures et franches, ni des souspirs que pour le Ciel, ni des privautés que pour l'esprit, ni des plaintes sinon quand Dieu n'est pas aymé, marques infallibles de l'honnesteté.

  A003001020 

 Vous connoistrés l'amitié mondaine d'avec la sainte et vertueuse, comme l'on connoist le miel d'Heraclee d'avec l'autre: le miel d'Heraclee est plus doux a la langue que le miel ordinaire, a rayson de l'aconit [206] qui luy donne un surcroist de douceur, et l'amitié mondaine produit ordinairement un grand amas de paroles emmiellees, une cajolerie de petitz motz passionnés et de louanges tirees de la beauté, de la grace et des qualités sensuelles; mais l'amitié sacree a un langage simple et franc, ne peut loüer que la vertu et grace de Dieu, unique fondement sur lequel elle subsiste.

  A003001021 

 Saint Gregoire Nazianzene dit que le paon faisant son cri lhors qu'il fait sa rouë et pavonnade excite grandement les femelles qui l'escoutent a la lubricité: quand on voit un homme pavonner, se parer et venir comme cela cajoler, chuchoter et barguigner aux oreilles d'une femme ou d'une fille, sans pretention d'un juste mariage, ha! sans doute ce n'est que pour la provoquer a quelque impudicité; et la femme d'honneur bouchera ses oreilles pour ne point ouïr le cri de ce paon et la voix de l'enchanteur qui la veut enchanter finement: que si elle escoute, o Dieu, quel mauvais augure de la future perte de son cœur!.

  A003001026 

 Les chevres, selon Alcmeon, haleynent par les oreilles et non par les naseaux: il est vray qu'Aristote le nie or ne sçay-je ce que c'en est, mais je sçay bien pourtant [209] que nostre cœur haleyne par l'oreille, et que comme il aspire et exhale ses pensees par la langue, il respire aussi par l'oreille, par laquelle il reçoit les pensees des autres.

  A003001026 

 O ma Philothee, pour Dieu, soyes rigoureuse en telles occasions: le cœur et les oreilles s'entretiennent l'un a l'autre, et comme il est impossible d'empescher un torrent qui a pris sa descente par le pendant d'une montaigne, aussi est-il difficile d'empescher que l'amour qui est tombé en l'oreille ne face soudain sa cheute dans le cœur.

  A003001029 

 Si vous vous pouves esloigner de l'objet je l'appreuverois infiniment, car comme ceux qui ont esté [210] mordus des serpens ne peuvent pas aysement guerir en la presence de ceux qui ont esté autrefois blessés de la mesme morseure, aussi la personne qui est piquee d'amour guerira difficilement de cette passion, tandis qu'elle sera proche de l'autre qui aura esté atteinte de la mesme piqueure.

  A003001030 

 Il ne faut point mesnager pour un amour qui est si contraire a l'amour de Dieu..

  A003001030 

 Je crie tout haut a quicomque est tombé dans ces pieges d'amourettes: taillés, tranchés, rompés; il ne faut pas s'amuser a descoudre ces folles amitiés, il les faut deschirer, il n'en faut pas desnouer les liaysons, il les faut rompre ou couper; aussi bien les cordons et liens n'en valent rien.

  A003001030 

 Mais qui ne peut s'esloigner que doit il faire? Il faut absolument retrancher toute conversation particuliere, tout entretien secret, toute douceur des yeux, tout sousris, et generalement toutes sortes de communications et amorces qui peuvent nourrir ce feu puant et fumeux; ou pour le plus s'il est force de parler au complice, que ce soit pour declairer par une hardie, courte et severe protestation le divorce eternel que l'on a juré.

  A003001031 

 Mais apres que j'auray ainsy rompu les chaynes de [211] cet infame esclavage, encor m'en restera-il quelque ressentiment, et les marques et traces des fers en demeureront encor imprimees en mes pieds, c'est a dire en mes affections.

  A003001031 

 Non feront, Philothee, si vous aves conceu autant de detestation de vostre mal comme il merite, car si cela est, vous ne seres plus agitee d'aucun mouvement que de celuy d'un extreme horreur de cet infame amour et de tout ce qui en depend, et demeureres quitte de toute autre affection envers l'objet abandonné, que de celle d'une tres pure charité pour Dieu.

  A003001032 

 Ah, ce me dires vous, mais ne sera ce point une ingratitude, de rompre si impiteusement une amitié? O que bienheureuse est l'ingratitude qui nous rend aggreables a Dieu! Non, de par Dieu, Philothee, ce ne sera pas ingratitude, ains un grand benefice que vous feres a l'amant, car en rompant vos liens vous rompres les siens, puisqu'ilz vous estoyent communs, et bien [212] que pour l'heure il ne s'apperçoive pas de son bonheur, il le reconnoistra bien tost apres et avec vous chantera pour action de grace: O Seigneur, vous aves rompu mes liens, je vous sacrifieray l'hostie de loüange et invoqueray vostre saint Nom..

  A003001036 

 C'est pourquoy il arrive souvent qu'avec la communication de l'amitié, plusieurs autres communications passent et se glissent insensiblement de cœur en cœur, par une mutuelle infusion et reciproque escoulement d'affections, d'inclinations et d'impressions.

  A003001036 

 Or donq, Philothee, il faut bien prattiquer en ce sujet la parolle que le Sauveur de nos ames souloit dire, ainsy que les [213] Anciens nous ont appris: «Soyes bons changeurs» et monnoyeurs, c'est a dire, ne recevés pas la fause monnoye avec la bonne, ni le bas or avec le fin or; separés le pretieux d'avec le chetif: ouy, car il n'y a presque celuy qui n'ait quelque imperfection.

  A003001037 

 C'est une amitié ou foible ou meschante de voir perir l'ami et ne le point secourir, de le voir mourir d'un aposteme et n'oser luy donner le coup du rasoir de la correction pour le sauver.

  A003001037 

 On dit que la salemandre esteint le feu dans lequel elle se couche, et le peché ruine l'amitié en laquelle il se loge: si c'est un peche passager, l'amitié luy donne soudain la fuite par la correction; mais s'il sejourne et arreste, tout aussi tost l'amitié perit, car elle ne peut subsister que sur la vraye vertu; combien moins donq doit on pecher pour l'amitié? L'ami est ennemi quand il nous veut conduire au peché, et merite de perdre l'amitié quand il veut perdre et damner l'ami; ains c'est l'une des plus asseurees marques d'une fause amitié que de la voir prattiquee envers une personne vicieuse, de quelle sorte de peché que ce soit.

  A003001037 

 Si celuy que nous aymons est vicieux, sans doute nostre amitié est vicieuse; car puysqu'elle ne peut regarder la vraye vertu il est force qu'elle considere quelque vertu folastre et quelque qualité sensuelle.

  A003001039 

 L'une est du Sage: Qui craint Dieu aura pareillement une bonne amitié; l'autre est de saint Jacques: L'amitié de ce monde est ennemie de Dieu..

  A003001043 

 Il me semble, au contraire, qu'il faut commencer par l'interieur: Convertisses-vous a moy, dit Dieu, de tout vostre cœur; Mon enfant, donne-moy ton cœur car aussi, le cœur estant la source des actions, elles sont telles qu'il est.

  A003001044 

 C'est pourquoy, chere Philothee, j'ay voulu avant toutes choses graver et inscrire sur vostre cœur ce mot saint et sacré: VIVE JESUS, asseuré que je suis qu'apres cela, vostre vie, laquelle vient de vostre cœur comme un amandier de son noyau, produira toutes ses actions qui sont ses fruitz, escrites et gravees du mesme mot de salut, et que comme ce doux Jesus vivra dedans vostre cœur, il vivra aussi en tous vos deportemens, et paroistra en vos yeux, en vostre bouche, en vos mains, voyre mesme en vos cheveux; et pourrés saintement dire, a l'imitation de saint Paul: Je vis, mais non plus moy, ains Jesus Christ vit en moy.

  A003001045 

 Si vous pouves supporter le jeusne, vous feres bien de jeusner quelques jours, outre les jeusnes que l'Eglise nous commande; car outre l'effect ordinaire du jeusne, d'eslever l'esprit, reprimer la chair, prattiquer la vertu et acquerir plus grande recompense au Ciel, c'est un grand bien de se maintenir en la possession de gourmander la gourmandise mesme, et tenir l'appetit sensuel et le cors sujet a la loy de l'esprit; et bien qu'on ne jeusne pas beaucoup, l'ennemi neanmoins nous craint davantage quand il connoist que nous sçavons jeusner.

  A003001046 

 J'ay appris par experience que le petit asnon estant las en chemin cherche de s'escarter;» c'est a dire, les jeunes gens portés a des infirmités par l'exces des jeusnes, se convertissent aysement aux delicatesses.

  A003001046 

 Nous sommes grandement exposés aux tentations quand nostre cors est trop nourri et quand il est trop abbattu; car l'un le rend insolent en son ayse et l'autre le rend desesperé en son mesayse; et comme nous ne le pouvons porter quand il est trop gras, aussi ne nous peut-il porter quand il est trop maigre.

  A003001047 

 Et partant, generalement, il est mieux de garder plus de forces corporelles qu'il n'est requis, que d'en ruiner plus qu'il ne faut; car on peut tous-jours les abbattre quand on veut, mays on ne les peut pas reparer tous-jours quand on veut..

  A003001047 

 Si le travail que vous feres vous est necessaire, ou fort utile a la gloire de Dieu, j'ayme mieux que vous souffries la peyne du travail que celle du jeusne: c'est le sentiment de l'Eglise, laquelle, pour les travaux utiles au service de Dieu et du prochain, descharge ceux qui les font du jeusne mesme commandé.

  A003001048 

 C'est, comme je crois, une plus grande vertu de manger sans choix ce qu'on vous presente et en mesme ordre qu'on le vous presente, ou qu'il soit a vostre goust ou qu'il ne le soit pas, que de choisir tous-jours le pire.

  A003001048 

 Car encor que cette derniere façon de vivre semble plus austere, l'autre neanmoins a plus de resignation, car par icelle on ne renonce pas seulement a son goust, mais encor a son choix; et si, ce n'est pas une petite austerité de tourner son goust a toute main et le tenir sujet aux rencontres, joint que cette sorte de mortification ne paroist point, n'incommode personne, et est uniquement propre pour la vie civile.

  A003001048 

 Une continuelle et moderee sobrieté est meilleure que les abstinences violentes faittes a diverses reprises et entremeslees de grans relaschemens..

  A003001049 

 Il est vray qu'es jours plus signalés de la penitence, on la peut employer avec l'advis du discret confesseur..

  A003001049 

 La haire matte puissamment le cors; mais son usage n'est pas pour l'ordinaire propre ni aux gens mariés, ni aux delicates complexions, ni a ceux qui ont a supporter d'autres grandes peynes.

  A003001050 

 Certes, ce tems la est le plus gracieux, le plus doux et le moins embarrassé; les oyseaux mesmes nous provoquent en iceluy au resveil et aux louanges de Dieu: si que le lever matin sert a la santé et a la sainteté..

  A003001050 

 Et parce que l'Escriture Sainte, en cent façons, l'exemple des Saintz et les raysons naturelles nous recommandent grandement les matinees, comme les meilleures et plus fructueuses pieces de nos jours, et que Nostre Seigneur mesme est nommé Soleil levant et Nostre Dame, Aube du jour, je pense que c'est un soin vertueux de prendre son sommeil devers le soir a bonne heure, pour pouvoir prendre son resveil et faire son lever de bon matin.

  A003001050 

 Il faut prendre de la nuit pour dormir, chacun selon sa complexion, autant qu'il est requis pour bien utilement veiller le jour.

  A003001051 

 Voyes-vous, Philothee, Balaam est la cause du mal, et il frappe et bat la pauvre asnesse qui n'en peut mais..

  A003001052 

 Certes, pour guerir la demangeaison il n'est pas tant besoin de se laver et baigner, comme de purifier le sang et rafraischir le foye; ainsy, pour nous guerir de nos vices il est voyrement bon de mortifier la chair, mais il est sur tout necessaire de bien purifier nos affections et rafraischir nos cœurs..

  A003001052 

 Et Dieu sans doute vous dit en ces cas-la: Battes, rompes, fendes, froisses vos cœurs principalement, car c'est contre eux que mon courroux est animé.

  A003001052 

 Helas, c'est toy qui me jettes dans le feu, et tu ne veux pas que je brusle; tu me jettes la fumee aux yeux, et tu ne veux pas qu'ilz [221] s'enflamment.

  A003001052 

 Helas, chere amie, vous battes le pauvre asne, vous affligés vostre cors, et il ne peut mais de vostre mal, ni dequoy Dieu a son espee desgainee sur vous; corrigés vostre cœur qui est idolatre de ce mari, et qui permettoit mille vices a l'enfant et le destinoit a l'orgueil, a la vanité et a l'ambition.

  A003001052 

 O pauvre ame, si ta chair pouvoit parler comme l'asnesse de Balaam, elle te diroit: pourquoy me frappes-tu, miserable? c'est contre toy, o mon ame, que Dieu arme sa vengeance, c'est toy qui es la criminelle; pourquoy me conduis-tu aux mauvaises conversations? pourquoy appliques-tu mes yeux, mes mains, mes levres aux lascivetés? pourquoy me troubles-tu par des mauvaises imaginations? Fay des bonnes pensees, et je n'auray pas de mauvais mouvemens; hante les gens pudiques, et je ne seray point agitee de ma concupiscence.

  A003001057 

 Il faut aymer le prochain comme soy mesme: pour monstrer qu'on l'ayme, il ne faut pas fuir d'estre avec luy, et pour tesmoigner qu'on s'ayme soy mesme, on doit demeurer en soy mesme quand on y est.

  A003001057 

 Or, on y est quand on est seul: Pense a toy mesme, dit saint Bernard, et puys aux autres.

  A003001057 

 Rechercher les conversations et les fuir, ce sont deux extremités blasmables en la devotion civile, qui est celle de laquelle je vous parle.

  A003001061 

 Les bourdons seulz ne peuvent point faire du miel, mais avec les abeilles ilz s'aydent a le faire: c'est un [223] converser avec les ames devotes..

  A003001062 

 Il y a des gens qui ne font nulle sorte de contenance ni de mouvement qu'avec tant d'artifice que chacun en est ennuyé; et comme celuy qui ne voudroit jamais se pourmener qu'en comptant ses pas, ni parler qu'en chantant, seroit fascheux au reste des hommes, ainsy ceux qui tiennent un maintien artificieux et qui ne font rien qu'a cadence, importunent extremement la conversation, et en cette sorte de gens il y a tous-jours quelque espece de presomption.

  A003001067 

 Quant a la netteté, elle doit presque tous-jours estre egale en nos habitz, sur lesquelz, tant qu'il est possible, nous ne devons laisser aucune sorte de souïlleure et vilenie.

  A003001068 

 Mais quant aux vrayes vefves, qui le sont non seulement de cors mais aussi de cœur, nul ornement ne leur est convenable, sinon l'humilité, la modestie et la devotion; car si elles veulent donner de l'amour aux hommes elles ne sont pas vrayes vefves, et si elles n'en veulent pas donner, pourquoy en portent-elles les outilz? Qui ne veut recevoir les hostes, il faut qu'il oste l'enseigne de son logis.

  A003001068 

 On se moque tous-jours des vielles gens quand ilz veulent faire les jolis: c'est une folie qui n'est supportable qu'a la jeunesse..

  A003001069 

 Les hommes qui sont si lasches que de s'amuser a ces muguetteries sont par tout descriés comme hermaphrodites, et les femmes vaines sont tenues pour imbecilles en chasteté; au moins si elles en ont, elle n'est pas visible parmi tant de fatras et bagatelles.

  A003001069 

 Pour moy, je voudrois que mon devot et ma devote fussent tous-jours les mieux habillés de la trouppe, mais les moins pompeux et affaités, et, comme il est dit au proverbe, qu'ilz fussent parés de grace, [227] bien-seance et dismité.

  A003001069 

 Soyes propre, Philothee; qu'il n'y ait rien sur vous de traînant et mal ageancé: c'est un mespris de ceux avec lesquelz on converse d'aller entr'eux en habit desaggreable; mays gardés-vous bien des affaiteries, vanités, curiosités et folastreries.

  A003001069 

 Tenes-vous tous-jours, tant qu'il vous sera possible, du costé de la simplicité et modestie, qui est sans doute le plus grand ornement de la beauté et la meilleure excuse pour la laideur.

  A003001074 

 Mais parlés tous-jours de Dieu comme de Dieu, c'est a dire reveremment et devotement, non point faisant la suffisante ni la prescheuse, mais avec l'esprit de douceur, de charité et d'humilité, distillant autant que vous sçaves (comme il est dit de l'Espouse au Cantique des Cantiques) le miel delicieux de la devotion et des choses divines, goutte a goutte, tantost dedans l'oreille de l'un, tantost dedans l'oreille de l'autre, priant Dieu au secret de vostre ame qu'il luy plaise de faire passer cette sainte rosee jusques dans le cœur de ceux qui vous escoutent.

  A003001074 

 Sur tout il faut faire cet office angelique doucement et souëfvement, non point par maniere de correction, mais par maniere d'inspiration, car c'est merveille combien la suavité et amiable proposition de quelque bonne chose est une puissante amorce pour attirer les cœurs..

  A003001075 

 Ne parles donq jamais de Dieu ni de la devotion par maniere d'acquit et d'entretien, mais tous-jours avec attention et devotion: ce que je dis pour vous oster une remarquable vanité qui se treuve en plusieurs qui font profession de devotion, lesquelz a tous propos disent des parolles saintes et ferventes par maniere d'entregent et sans y penser nullement; et après les avoir dites, il leur est advis qu'ilz sont telz que les parolles tesmoignent, ce qui n'est pas.

  A003001079 

 Car, comme le poison du cors entre par la bouche, aussi celuy du cœur entre par l'oreille, et la langue qui le produit est meurtriere, d'autant qu'encor qu'a l'adventure le venin qu'elle a jetté n'ait pas fait son effect, pour avoir treuvé les cœurs des auditeurs munis de quelque contrepoison, si est ce qu'il n'a pas tenu a sa malice qu'elle ne les ait fait mourir.

  A003001079 

 Gardes vous soigneusement de lascher aucune parole deshonneste; car encor que vous ne les disies pas avec mauvaise intention, si est ce que ceux qui les oyent, les peuvent recevoir d'une autre sorte.

  A003001079 

 On dit que ceux qui ont mangé de l'herbe qu'on appelle angelique ont tous-jours l'haleyne douce et [230] aggreable; et ceux qui ont au cœur l'honnesteté et chasteté, qui est la vertu angelique, ont tous-jours leurs parolles nettes, civiles et pudiques.

  A003001079 

 Si quelqu'un ne peche point en parole, dit saint Jacques, il est homme parfait.

  A003001080 

 Si ces parolles deshonnestes sont dites a couvert, avec affaiterie et subtilité, elles sont infiniment plus veneneuses; car, comme plus un dard est pointu plus il entre aysement en nos cors, ainsy plus un mauvais mot est aigu, plus il penetre en nos cœurs.

  A003001081 

 C'est une des plus mauvaises conditions qu'un esprit peut avoir que d'estre moqueur: Dieu hait extremement ce vice et en a fait jadis des estranges punitions.

  A003001081 

 Or, la derision et moquerie ne se fait jamais sans ce mespris; c'est pourquoy elle est un fort grand peché, en sorte que les docteurs ont rayson de dire que la moquerie est la plus mauvaise sorte d'offence que l'on puisse faire au prochain par les paroles, parce que les autres offences se font avec quelque estime de celuy qui est offencé, et celle-ci se fait avec mespris et contemnement..

  A003001081 

 Rien n'est si contraire a la charité, et beaucoup plus a la devotion, que le mespris et contemnement du prochain.

  A003001082 

 Saint Louys, quand les religieux vouloyent luy parler des choses relevees apres disner: Il n'est pas tems d'alleguer, disoit-il, mais de se recreer par quelque joyeuseté et quolibetz: que chacun die ce qu'il voudra honnestement; ce qu'il disoit favorisant la noblesse qui estoit autour de luy pour recevoir des caresses de sa Majesté.

  A003001086 

 C'est chose egalement necessaire pour n'estre point jugés, de ne point juger les autres et de se juger soy mesme; car, comme Nostre Seigneur nous defend l'un, l'Apostre nous ordonne l'autre disant: Si nous nous jugions nous mesmes, nous ne serions point jugés. Mais, o Dieu, nous faysons tout au contraire; car ce qui nous est defendu nous ne cessons de le faire, jugeans a tout propos le prochain, et ce qui nous est commandé, qui est de nous juger nous mesmes, nous ne le faysons jamais..

  A003001086 

 O que les jugemens temeraires sont desaggreables a Dieu! Les jugemens des enfans des hommes sont temeraires parce qu'ilz ne sont pas juges les uns des autres, et jugeans [232] ilz usurpent l'office de Nostre Seigneur; ilz sont temeraires parce que la principale malice du peché depend de l'intention et conseil du cœur, qui est le secret des tenebres pour nous; ilz sont temeraires parce qu'un chacun a asses a faire a se juger soy mesme, sans entreprendre de juger son prochain.

  A003001087 

 Il y a des cœurs aigres, amers et aspres de leur nature, qui rendent pareillement aigre et amer tout ce qu'ilz reçoivent et convertissent, comme dit le Prophete, le jugement en absynthe, ne jugeans jamais du prochain qu'avec toute rigueur et aspreté: ceux ci ont grandement besoin de tomber entre les mains d'un bon medecin spirituel, car cette amertume de cœur leur estant naturelle, elle est malaysee a vaincre; et bien qu'en soy elle ne soit pas peché, ains seulement une imperfection, elle est neanmoins dangereuse, parce qu'elle introduit et fait regner en l'ame le jugement temeraire et la mesdisance.

  A003001088 

 Les autres jugent par passion, et pensent tous-jours bien de ce qu'ilz ayment et tous-jours mal de ce qu'ilz haïssent, sinon en un cas admirable et neanmoins veritable, auquel l'exces de l'amour provoque a faire mauvais jugement de ce qu'on ayme: effect monstrueux, mais aussi provenant d'un amour impur, imparfait, troublé et malade, qui est la jalousie, laquelle, comme chacun sçait, sur un simple regard, sur le moindre sousris du monde condamne les personnes de perfidie et d'adultere.

  A003001088 

 Quelques uns n'ont pas cet orgueil manifeste, ains seulement une certaine petite complaisance a considerer le mal d'autruy pour savourer et faire savourer plus [233] doucement le bien contraire duquel ilz s'estiment doués; et cette complaisance est si secrette et imperceptible, que si on n'a bonne veuë on ne la peut pas descouvrir, et ceux mesme qui en sont atteins ne la connoissent pas si on ne la leur monstre.

  A003001089 

 Certes, ce peché de jugement temeraire est une jaunisse spirituelle, qui fait paroistre toutes choses mauvaises aux yeux de ceux qui en sont atteins; mais qui en veut guerir il faut qu'il mette les remedes non aux yeux, non a l'entendement, mais aux affections qui sont les pieds de l'ame: si vos affections sont douces, vostre jugement sera doux; si elles sont charitables, vostre jugement le sera de mesme..

  A003001089 

 La charité craint de rencontrer le mal, tant s'en [234] faut qu'elle l'aille chercher; et quand elle le rencontre, elle en destourne sa face et le dissimule, ains elle ferme ses yeux avant que de le voir, au premier bruit qu'elle en apperçoit, et puis croit par une sainte simplicité que ce n'estoit pas le mal, mais seulement l'ombre ou quelque fantosme de mal; que si par force elle reconnoist que c'est luy mesme, elle s'en destourne tout incontinent et tasche d'en oublier la figure.

  A003001089 

 La charité est le grand remede a tous maux, mais specialement pour celuy ci.

  A003001090 

 Il faut tous-jours faire de mesme, Philothee, jugeant en faveur du prochain, autant qu'il nous sera possible; que si une action pouvoit avoir cent visages, il la faut regarder en celuy qui est le plus beau.

  A003001090 

 Isaac avoit dit que Rebecca estoit sa seur; Abimelech vit 'il se joüoit avec elle, c'est a dire qu'il la caressoit tendrement, et il jugea soudain que c'estoit sa femme: un œil malin eust plustost jugé qu'elle estoit sa garce, ou que, si elle estoit sa seur, qu'il eust esté un inceste; mais Abimelech suit la plus charitable opinion qu'il [235] pouvoit prendre d'un tel fait.

  A003001091 

 Il est vray qu'il se sert de la voix des magistratz pour se rendre intelligible a nos oreilles: ilz sont ses truchemens et interpretes et ne doivent rien [236] prononcer que ce qu'ilz ont appris de luy, comme estans ses oracles; que s'ilz font autrement, suivans leurs propres passions, alhors c'est vrayement eux qui jugent et qui par consequent seront jugés, car il est defendu aux hommes, en qualité d'hommes, de juger les autres..

  A003001091 

 Mais ne peut-on donq jamais juger le prochain? Non certes, jamais; c'est Dieu, Philothee, qui juge les criminelz en justice.

  A003001092 

 C'est aussi un jugement temeraire de tirer consequence d'un acte pour blasmer la personne; mais ceci je le diray tantost plus clairement..

  A003001092 

 Ce n'est donq pas mal fait de douter du prochain, non, car il n'est pas defendu de douter, ains de juger; mais il n'est pourtant pas permis ni de douter ni de soupçonner sinon rie a rie, tout autant que les raysons et argumens nous contraignent de douter; autrement les doutes et soupçons sont temeraires.

  A003001092 

 De voir ou connoistre une chose ce n'est pas en juger, car le jugement, au moins selon la phrase de l'Escriture, presuppose quelque petite ou grande, vraye ou apparente difficulté qu'il faille vuider; c'est pourquoy elle dit que ceux qui ne croyent point sont des-ja jugés, parce qu'il n'y a point de doute en leur damnation.

  A003001092 

 Si quelque œil malin eust veu Jacob quand il baysa Rachel aupres du puits, ou qu'il eust veu Rebecca accepter des brasseletz et pendans d'oreille d'Eliezer, homme inconneu en ce païs-la, il eust sans doute mal pensé de ces deux exemplaires de chasteté, mais sans rayson et fondement; car quand une action est de soy mesme indifferente, c'est un soupçon temeraire d'en tirer une mauvaise consequence, sinon que plusieurs circonstances donnent force a l'argument.

  A003001093 

 C'est le fait d'une ame inutile, de s'amuser a l'examen de la vie d'autruy..

  A003001099 

 La mesdisance est une espece de meurtre, car nous avons trois vies: la [238] spirituelle qui gist en la grace de Dieu, la corporelle qui gist en l'ame, et la civile qui consiste en la renommee; le peché nous oste la premiere, la mort nous oste la seconde, et la mesdisance nous oste la troisiesme.

  A003001099 

 Or, le serpent a la langue fourchue et a deux pointes, comme dit Aristote; et telle est celle du mesdisant, qui d'un seul coup pique et empoisonne l'oreille de l'escoutant et la reputation de celuy de qui elle parle..

  A003001099 

 Quicomque oste injustement la bonne renommee a son prochain, outre le peché qu'il commet, il est obligé a faire la reparation, quoy que diversement selon la diversité des mesdisances; car nul ne peut entrer au Ciel avec le bien d'autruy, et entre tous les biens exterieurs la renommee est le meilleur.

  A003001100 

 Je vous conjure donques, treschere Philothee, de ne jamais mesdire de personne, ni directement ni indirectement: gardés-vous d'imposer des faux crimes et pechés au prochain, ni de descouvrir ceux qui sont secretz, ni d'aggrandir ceux qui sont manifestes, ni d'interpreter en mal la bonne œuvre, ni de nier le bien que vous sçaves estre en quelqu'un, ni le dissimuler malicieusement, ni le diminuer par paroles, car en toutes ces façons vous offenseries grandement Dieu, mais sur tout accusant fausement et niant la verité au prejudice du prochain; car c'est double peché de mentir et nuire tout ensemble au prochain..

  A003001101 

 Je proteste, disent-ilz, que je l'ayme et que au reste c'est un galant homme; mays cependant il faut dire la verité, il eut tort de faire une telle perfidie; c'est une fort vertueuse fille, mais elle fut surprinse, et semblables [239] petitz ageancemens.

  A003001101 

 La mesdisance dite par forme de gausserie est encores plus cruelle que toutes; car, comme la ciguë n'est pas de soy un venin fort pressant, ains asses lent et auquel on peut aysement remedier, mais estant pris avec le vin il est irremediable, ainsy la mesdisance qui de soy passerait legerement par une oreille et sortiroit par l'autre, comme l'on dit, s'arreste fermement en la cervelle des escoutans quand elle est presentee dedans quelque mot subtil et joyeux.

  A003001101 

 Ne voyes-vous pas l'artifice? Celuy qui veut tirer a l'arc tire tant qu'il peut la fleche a soy, mais ce n'est que pour la darder plus puissamment: il semble que ceux ci retirent leur mesdisance a eux, mais ce n'est que pour la descocher plus fermement, affin qu'elle penetre plus avant dedans les cœurs des escoutans.

  A003001102 

 Ne dites pas: un tel est un ivroigne, encores que vous l'ayes veu ivre; ni, il est adultere, pour l'avoir veu en ce peché; ni, il est inceste, pour l'avoir treuvé en ce malheur; car un seul acte ne donne pas le nom a la chose.

  A003001102 

 Pour prendre le nom d'un vice ou d'une vertu, il faut y avoir fait [240] quelque progres et habitude; c'est donq une imposture de dire qu'un homme est cholere ou larron, pour l'avoir veu courroucer ou desrober une fois..

  A003001103 

 Helas, puisque la bonté de Dieu est si grande qu'un seul moment suffit pour impetrer et recevoir sa grace, quelle asseurance pouvons-nous avoir qu'un homme qui estoit hier pecheur le soit aujourd'huy? Le jour precedent ne doit pas juger le jour present, ni le jour present ne doit pas juger le jour precedent: il n'y a que le dernier qui les juge tous.

  A003001103 

 Nous ne pouvons donq jamais dire qu'un homme soit meschant, sans danger de mentir; ce que nous pouvons dire, en cas qu'il faille parler, c'est qu'il fit un tel acte mauvais, il a mal vescu en tel tems, il fait mal maintenant; mais on ne peut tirer nulle consequence d'hier a cejourd'huy, ni de ce jourd'huy au jour d'hier, et moins encor au jour de demain..

  A003001104 

 S'il se treuve une personne vrayement mesdisante, ne dites pas pour l'excuser qu'elle est libre et franche; une personne manifestement vaine, ne dites pas qu'elle est genereuse et propre; et les privautés dangereuses, ne les appellés [241] pas simplicités ou naifvetés; ne fardes pas la desobeissance du nom de zele, ni l'arrogance du nom de franchise, ni la lasciveté du nom d'amitié.

  A003001105 

 Et en fin, il faut sur tout observer, en blasmant le vice, d'espargner le plus que vous pourrés la personne en laquelle il est..

  A003001105 

 Ma langue, tandis que je parle du prochain, est en ma bouche comme un rasoir en la main du chirurgien qui veut trancher entre les nerfz et les tendons: il faut que le coup que je donneray soit si juste, que je ne die ni plus ni moins que ce qui en est.

  A003001105 

 Mais sur tout il faut que je sois exactement juste en mes paroles pour ne dire pas un seul mot de trop: par exemple, si je blasme la privauté de ce jeune homme et de cette fille, parce qu'elle est trop indiscrete et perilleuse, o Dieu, Philothee, il faut que je tienne la balance bien juste pour ne point aggrandir la chose, pas mesme d'un seul brin.

  A003001106 

 Il est vray que des pecheurs infames, publiques et manifestes on en peut parler librement, pourveu que ce soit avec esprit de charité et de compassion, et non point avec arrogance et presomption, ni pour se plaire au mal d'autruy; car pour ce dernier c'est le fait d'un cœur vil et abject.

  A003001106 

 J'excepte entre tous, les ennemis declarés de Dieu et de son Eglise; car ceux-la, il les faut descrier tant qu'on peut, comme sont les sectes des heretiques et schismatiques et les chefz d'icelles: c'est charité de crier au loup quand il est entre les brebis, voyre ou qu'il soit..

  A003001112 

 Accoustumes-vous a ne jamais mentir a vostre escient, ni par excuse ni autrement, vous resouvenant que Dieu est le Dieu de verité.

  A003001112 

 Gardés-vous des duplicités, artifices et feintises; bien qu'il ne soit pas bon de dire tous-jours toutes sortes de verités, si n'est-il jamais permis de contrevenir a la verité.

  A003001114 

 Voyés-vous, chere Philothee, combien cette sainte belle ame est douillette au sentiment de l'affaiterie des paroles? Certes, c'est un grand ornement de la vie chrestienne que la fidelité, rondeur et sincerité du langage.

  A003001115 

 C'est un advis du roy saint Louys, de ne point desdire personne, sinon qu'il y eust peché ou grand dommage a consentir: c'est affin d'eviter toutes contestes et disputes.

  A003001116 

 Saint Louys ne treuvoit pas bon qu'estant en compaignie l'on parlast en secret et en conseil, et particulierement a table, affin que l'on ne donnast soupçon que l'on parlast des autres en mal: «Celuy,» disoit il, «qui est a table en bonne compaignie, qui a a dire quelque chose joyeuse et plaisante, la doit dire que tout le monde l'entende; si c'est chose d'importance, on la doit taire sans en parler.».

  A003001120 

 C'est un vice, sans doute, que d'estre si rigoureux, agreste et sauvage qu'on ne veuille prendre pour soy ni permettre aux autres aucune sorte de recreation..

  A003001120 

 Il est force de relascher quelquefois nostre esprit, et nostre cors encores a quelque sorte de recreation.

  A003001121 

 Prendre l'air, se promener, s'entretenir de devis joyeux et amiables, sonner du luth ou autre instrument, chanter en musique, aller a la chasse, ce sont recreations si honnestes que pour en bien user il n'est besoin que de la commune prudence, qui donne a toutes choses le rang, le tems, le lieu et la mesure..

  A003001122 

 Ayant joüé cinq, six heures aux eschecz, au sortir on est tout recreu et las d'esprit; jouer longuement a la paume, ce n'est pas recreer le cors, mais l'accabler.

  A003001122 

 Il se faut seulement garder de l'exces, soit au tems que l'on y employe soit au prix que l'on y met; car si l'on y employe trop de tems, ce n'est plus recreation, c'est occupation: on n'allege pas ni l'esprit ni le cors, au contraire on l'estourdit, on l'accable.

  A003001122 

 Or, si le prix, c'est a dire ce qu'on joue est trop grand, les affections des joueurs se desreglent, et outre cela, c'est chose injuste de mettre de grans prix a des habilités et industries de si peu d'im portance et si inutiles, comme sont les habilités des jeux..

  A003001123 

 Mays sur tout prenés garde, Philothee, de ne point attacher vostre affection a tout cela; car pour honneste que soit une recreation, c'est vice d'y mettre son cœur et son affection.

  A003001127 

 Cela est bon pour monstrer que celuy qui gaigne ne fait pas tort aux autres, mais il ne s'ensuit pas que la convention ne soit desraysonnable et le jeu aussi; car le gain qui doit estre le prix de l'industrie, est rendu le prix du sort, qui ne merite nul prix puisqu'il ne depend nullement de nous..

  A003001127 

 Les jeux des dés, des cartes et semblables, esquelz le gain depend principalement du hazard, ne sont pas seulement des recreations dangereuses, comme les danses, mais elles sont simplement et naturellement mauvaises et blasmables; c'est pourquoy elles sont defendues par les lois tant civiles qu'ecclesiastiques.

  A003001127 

 Mais quel grand mal y a-il, me dires-vous? Le gain ne se fait pas en ces jeux selon la rayson, mais selon le sort, qui tombe bien souvent a celuy qui par habilité et industrie ne meritoit rien: la rayson est donq offensee en cela.

  A003001128 

 Car, n'est-ce pas occupation de tenir l'esprit bandé et tendu par une attention continuelle, et agité de perpetuelles inquietudes, apprehensions et empressemens? Y a-il attention plus triste, plus sombre et melancholique que celle [248] des joueurs? c'est pourquoy il ne faut pas parler sur le jeu, il ne faut pas rire, il ne faut pas tousser, autrement les voyla a despiter..

  A003001129 

 En fin, il n'y a point de joye au jeu qu'en gaignant, et cette joye n'est-elle pas inique, puisqu'elle ne se peut avoir que par la perte et le desplaysir du compaignon? cette resjouissance est certes infame.

  A003001133 

 Chacun porte au bal de la vanité a l'envi; et la vanité est une si grande disposition aux mauvaises affections et aux amours dangereux et blasmables, qu'aysement tout cela s'engendre es danses..

  A003001133 

 Les danses et balz sont choses indifferentes de leur nature; mais selon l'ordinaire façon avec laquelle cet exercice se fait, il est fort penchant et incliné du costé du mal, et par consequent plein de danger et de peril.

  A003001133 

 On les fait de nuit, et parmi les tenebres et obscurités il est aysé de faire glisser plusieurs accidens tenebreux et vicieux, en un sujet qui de soy mesme est fort susceptible du mal; on y fait des grandes veilles, apres [249] lesquelles on perd les matinees des jours suivans, et par consequent le moyen de servir Dieu en icelles: en un mot, c'est tous-jours folie de changer le jour a la nuit, la lumiere aux tenebres, les bonnes œuvres a des folastreries.

  A003001135 

 Les champignons, selon Pline, estans spongieux et poreux comme ilz sont, attirent aysement toute l'infection qui leur est autour, si que estans pres des serpens ilz en reçoivent le venin.

  A003001135 

 O Philothee, ces impertinentes recreations sont ordinairement dangereuses: elles dissipent l'esprit de devotion, allanguissent les forces, refroidissent la charité et resveillent en l'ame mille sortes de mauvaises affections; c'est pourquoy il en faut user avec une grande prudence..

  A003001137 

 Cette danse est le vray passetems des mortelz, puisqu'on y passe en un moment du tems a l'eternité ou des biens ou des peynes..

  A003001137 

 Helas, tandis que vous esties la, le tems s'est passé, la mort s'est approchee; voyes qu'elle se moque de vous et qu'elle vous appelle a sa danse, en laquelle les gemissemens de vos proches serviront de violon, et ou vous ne ferés qu'un seul passage de la vie a la mort.

  A003001142 

 Elle oste mesme la malice a celles qui sont aucunement mauvaises: c'est pourquoy les jeux de hazard qui autrement seroient blasmables, ne le sont pas, si quelquefois la juste condescendance nous y porte..

  A003001147 

 Or, entre toutes les parties exterieures du cors humain, il n'y en a point de plus noble, soit pour l'artifice soit pour l'activité, que l' œil, ni point de plus vile que les cheveux; c'est pourquoy le divin Espoux veut faire entendre qu'il n'a pas seulement aggreable les grandes œuvres des personnes devotes, mais aussi les moindres et plus basses; et que pour le servir a son goust, il faut avoir grand soin de le bien servir aux choses grandes et hautes et aux choses petites et abjectes, puysque nous pouvons egalement, et par les unes et par les autres, luy desrober son cœur par amour..

  A003001148 

 Ces petites charités quotidiennes, ce mal de teste, ce mal de dens, cette defluxion, cette bigearrerie du mari ou de la femme, ce cassement d'un verre, ce mespris ou cette moue, cette perte de gans, d'une bague, d'un mouchoir, cette petite incommodité que l'on se fait d'aller coucher de bonne heure et de se lever matin pour prier, pour se communier, cette petite honte que l'on a de faire certaines actions de devotion publiquement: bref, toutes ces petites souffrances estans prinses et embrassees avec amour contentent extremement la Bonté divine, laquelle pour un seul verre d'eau a promis la mer de toute felicité a ses fideles; et parce que ces occasions se presentent a tout moment, c'est un grand moyen pour assembler beaucoup de richesses spirituelles que de les bien employer..

  A003001148 

 Preparés-vous donq, Philothee, a souffrir beaucoup de grandes afflictions pour Nostre Seigneur, et mesme le martyre; resoulvés-vous de luy donner tout ce qui vous est de plus pretieux, s'il luy plaisoit de le prendre: pere, mere, frere, mari, femme, enfans, vos yeux mesme et vostre vie, car a tout cela vous deves apprester vostre cœur.

  A003001150 

 Mettes la main a chose forte, vous exerçant a l'orayson et meditation, a l'usage des Sacremens, a donner de l'amour de Dieu aux ames, a respandre de bonnes inspirations dedans les cœurs, et en fin a faire des œuvres grandes et d'importance selon vostre vacation; mais n'oublies pas aussi vostre fuseau et vostre quenouille, c'est a dire, prattiqués ces petites et humbles vertus lesquelles comme fleurs croissent au pied de la Croix: le service des pauvres, la visitation des malades, le soin de la famille, avec les œuvres qui dependent d'iceluy, et l'utile diligence qui ne vous laissera point oysive; et parmi toutes ces choses-la, entrejettés des pareilles considerations a celles que je viens de dire de sainte Catherine..

  A003001155 

 Nous ne sommes hommes que par la rayson, et c'est pourtant chose rare de treuver des hommes vrayement raysonnables, d'autant que l'amour propre nous detraque ordinairement de la rayson, nous conduisant insensiblement a mille sortes de petites, mais dangereuses injustices et iniquités qui, comme les petitz renardeaux desquelz il est parlé aux Cantiques, demolissent les vignes; car, d'autant qu'ilz sont petitz on n'y prend pas garde, et parce qu'ilz sont en quantité ilz ne laissent pas de beaucoup nuire.

  A003001156 

 Nous voudrions que le prochain nous laschast son bien en le payant, n'est-il pas [257] plus juste qu'il le garde en nous laissant nostre argent? nous luy sçavons mauvais gré dequoy il ne nous veut pas accommoder, n'a-il pas plus de rayson d'estre fasché dequoy nous le voulons incommoder? Si nous affectionnons un exercice, nous mesprisons tout le reste et contrerollons tout ce qui ne vient pas a nostre goust.

  A003001156 

 S'il y a quelqu'un de nos inferieurs qui n'ait pas bonne grace ou sur lequel nous ayons une fois mis la dent, quoy qu'il face nous le recevons a mal, nous ne cessons de le contrister et tous-jours nous sommes a le calanger; au contraire, si quelqu'un nous est aggreable d'une grace sensuelle, il ne fait rien que nous n'excusions.

  A003001157 

 Nous avons deux poids: l'un pour peser nos commodités avec le plus d'advantage que nous pouvons, l'autre pour peser celles du prochain avec le plus de desadvantage qu'il se peut; or, comme dit l'Escriture, les levres trompeuses ont parlé en un cœur et un cœur, c'est a dire elles ont deux cœurs; et d'avoir deux [258] poids, l'un fort pour recevoir et l'autre foible pour delivrer, c'est chose abominable devant Dieu..

  A003001157 

 Nous voulons nos droitz exactement, et que les autres soyent courtois en l'exaction des leurs; nous gardons nostre rang pointilleusement, et voulons que les autres soyent humbles et condescendans; nous nous plaignons aysement du prochain, et ne voulons qu'aucun se plaigne de nous; ce que nous faisons pour autruy nous semble tous-jours beaucoup, ce qu'il fait pour nous n'est rien, ce nous semble.

  A003001158 

 Resouvenés-vous donq, ma Philothee, d'examiner souvent vostre cœur s'il est tel envers le prochain comme vous voudries que le sien fust envers vous si vous esties en sa place, car voyla le point de la vraye rayson.

  A003001158 

 Toutes ces injustices sont petites, parce qu'elles n'obligent pas a restitution, d'autant que nous demeurons seulement dans les termes de la rigueur en ce qui nous est favorable; mais elles ne laissent pas de nous obliger a nous en amender, car ce sont des grans defautz de rayson et de charité; et, au bout de la, ce ne sont que tricheries, car on ne perd rien a vivre genereusement, noblement, courtoisement, et avec un cœur royal, egal et raysonnable.

  A003001162 

 Ne desires pas les choses fort esloignees, c'est a dire qui ne peuvent arriver de long tems, comme font plusieurs qui par ce moyen lassent et dissipent leurs coeurs inutilement, et se mettent en danger de grande inquietude.

  A003001162 

 Si un jeune homme desire fort d'estre pourveu de quelque office avant que le tems soit venu, dequoy, je vous prie, luy sert ce desir? Si une femme mariee desire d'estre religieuse, a quel propos? Si je desire d'acheter le bien de mon voysin avant qu'il soit prest a le vendre, ne perds-je pas mon tems en ce desir? Si estant malade, je desire prescher ou dire la sainte Messe, visiter les autres malades et faire les exercices de ceux qui sont en santé, ces desirs ne sont-ilz pas vains, puysqu'en ce tems-la il n'est pas en mon pouvoir [260] de les effectuer? Et ce pendant ces desirs inutiles occupent la place des autres que je devrois avoir, d'estre bien patient, bien resigné, bien mortifié, bien obeissant et bien doux en mes souffrances, qui est ce que Dieu veut que je prattique pour lhors.

  A003001163 

 Je n'appreuve nullement qu'une personne attachee a quelque devoir ou vacation, s'amuse a desirer une autre sorte de vie que celle qui est convenable a son devoir, ni des exercices incompatibles a sa condition presente; car cela dissipe le cœur et l'allanguit es exercices necessaires.

  A003001163 

 Non, je ne voudrois pas mesmement que l'on desirast d'avoir meilleur esprit ni meilleur jugement, car ces desirs sont frivoles et tiennent la place de celuy que chacun doit avoir de cultiver le sien tel qu'il est; ni que l'on desire les moyens de servir Dieu que l'on n'a pas, mais que l'on employe fidellement ceux qu'on a. Or, cela s'entend des desirs qui amusent le cœur; car quant aux simples souhaitz, ilz ne font nulle nuysance, pourveu qu'ilz ne soyent pas frequens..

  A003001164 

 Ne desirés pas les croix, sinon a mesure que vous aures bien supporté celles qui se seront presentees; car c'est un abus de desirer le martyre et n'avoir pas le courage de supporter une injure.

  A003001165 

 C'est bon signe, ma Philothee, d'avoir ainsy bon appetit, mais regardes si vous pourres bien digerer tout ce que vous voules manger.

  A003001165 

 La varieté des viandes (si principalement la quantité en est grande) charge tous-jours l'estomac, et s'il est foible, elle le ruine: ne remplisses pas vostre ame de beaucoup de desirs, ni mondains car ceux la vous gasteroyent du tout, ni mesme spirituelz car ilz vous embarrasseroyent.

  A003001165 

 Quand nostre ame est purgee, se sentant deschargee de mauvaises humeurs, elle a un appetit fort grand des choses spirituelles, et comme tout affamee elle se met a desirer mille sortes d'exercices de pieté, de mortification, de penitence, d'humilité, de charité, d'orayson.

  A003001169 

 Le Mariage est un grand Sacrement, je dis en Jesus Christ et en son Eglise; il est honnorable a tous, en tous et en tout, c'est a dire en toutes ses parties.

  A003001170 

 C'est la pepiniere du Christianisme, qui remplit la terre de fideles pour accomplir au Ciel le nombre des esleuz; si que la conservation du bien du mariage est extremement importante a la republique, car c'est sa racine et la source de tous ses ruisseaux.

  A003001170 

 mesmes le doivent honnorer avec humilité; en tous, car il est egalement saint entre les pauvres comme entre les riches; en tout, car son origine, sa fin, ses utilités, sa forme et sa matiere sont saintes.

  A003001171 

 Pleust a Dieu que son Filz bienaymé fust appellé a toutes les noces comme il fut a celles de Cana: le vin des consolations et benedictions n'y manqueroit jamais, car ce qu'il n'y en a pour l'ordinaire qu'un peu au commencement, c'est d'autant qu'en lieu de Nostre Seigneur on y fait venir Adonis, et Venus en lieu de Nostre Dame.

  A003001171 

 Qui veut avoir des aigneletz beaux et mouchetés, comme Jacob, il faut comme luy presenter aux brebis quand elles s'assemblent pour parier, des belles baguettes de diverses couleurs; et qui veut avoir un heureux succes au mariage, devroit en ses noces se representer la sainteté et dignité de ce Sacrement; mais en lieu de cela il y arrive mille desreglemens en passe-tems, festins et paroles: ce n'est donq pas merveille si les effectz en sont desreglés..

  A003001172 

 O mariés, ce n'est rien de dire: aymes vous l'un l'autre de l'amour naturel, car les pairs de tourterelles font bien cela; ni de dire, aymes vous d'un amour humain, car les payens ont bien prattiqué cet amour la; mais je vous dis, apres le grand Apostre: Maris, aymes vos femmes comme Jesus Christ ayme son Eglise; o femmes, aymes vos maris comme l'Eglise ayme son [264].

  A003001173 

 Ce fut Dieu qui amena Eve a nostre premier pere Adam et la luy donna a femme: c'est aussi Dieu, mes amis, qui de sa main invisible a fait le nœud du sacré lien de vostre mariage, et qui vous a donné les uns aux autres; pourquoy ne vous cherisses vous d'un amour tout saint, tout sacré, tout divin?.

  A003001174 

 Le premier effect de cet amour, c'est l'union indissoluble de vos cœurs.

  A003001174 

 Si on colle deux pieces de sapin ensemble, pourveu que la colle soit fine, l'union en sera si forte qu'on fendroit beaucoup plus tost les pieces es autres endroitz, qu'en l'endroit de leur conjonction; mais Dieu conjoint le mari a la femme en son propre sang, c'est pourquoy cette union est si forte que plustost l'ame se doit separer du cors de l'un et de l'autre, que non pas le mari de la femme.

  A003001176 

 Ce vous est grand honneur, o mariés, dequoy Dieu voulant multiplier les ames qui le puissent benir et loüer a toute eternité, il vous rend les cooperateurs d'une si digne besoigne par la production des cors dans lesquelz il respand, comme gouttes celestes, les ames en les creant, comme il les cree en les infusant dedans les cors..

  A003001176 

 Le troysiesme fruit du mariage c'est la production et legitime nourriture des enfans.

  A003001177 

 C'est donq une sotte ventance d'amitié que de la vouloir exalter par la jalousie, car la jalousie est voirement marque de la grandeur et grosseur de l'amitié, mais non pas de la bonté, pureté et perfection d'icelle; puisque la perfection de l'amitié presuppose l'asseurance de la vertu de la chose qu'on ayme, et la jalousie en presuppose l'incertitude..

  A003001177 

 Certes, la jalousie n'arrive jamais ou l'amitié est reciproquement fondee sur la vraye vertu, c'est pourquoy elle est une marque indubitable d'un amour aucunement sensuel, grossier et qui s'est addressé en lieu ou il a rencontré une vertu manque, inconstante et sujette a defiance.

  A003001178 

 «Avec quel front,» dit saint Gregoire Nazianzene,« voules vous exiger la pudicité de vos femmes, si vous mesmes vives en impudicité? comme leur demandes vous ce que vous ne leur donnes pas?» Voules vous qu'elles soyent chastes? comportes vous chastement envers elles, et, comme dit saint Paul, Qu'un chacun sçache posseder son vaisseau en sanctification. Que si au contraire vous mesmes leur apprenés les fripponneries, ce n'est pas merveille que vous ayes du deshonneur en leur perte..

  A003001179 

 Mais quant a moy, qui sçay que le grand ami de Dieu Isaac envoya des pendans d'oreilles pour les premieres arres de ses amours a la chaste Rebecca, je croy que cet [269] ornement mystique signifie que la premiere chose qu'un mari doit avoir d'une femme, et que la femme luy doit fidelement garder, c'est l'oreille, affin que nul langage ou bruit n'y puisse entrer, sinon le doux et amiable grillotis des paroles chastes et pudiques, qui sont les perles orientales de l'Evangile: car il se faut tous-jours resouvenir, que l'on empoisonne les ames par l'oreille, comme le cors par la bouche..

  A003001179 

 Mais si a vostre louange quelqu'un adjouste le mespris de vostre mari, il vous offence infiniment, car la chose est claire que non seulement il vous veut perdre, mais vous tient des-ja pour demi perdue, puisque la moitié du marché est faite avec le second marchand quand on est desgousté du premier.

  A003001179 

 Mais vous, o femmes, desquelles l'honneur est inseparablement conjoint avec la pudicité et honnesteté, conserves jalousement vostre gloire et ne permettes qu'aucune sorte de dissolution ternisse la blancheur de vostre reputation.

  A003001179 

 Quicomque vient loüer vostre beauté et vostre grace vous doit estre suspect, car quicomque loue une marchandise qu'il ne peut acheter il est pour l'ordinaire grandement tenté de la desrober.

  A003001180 

 L'amour et la fidelité jointes ensemble engendrent tous-jours la privauté et confiance; c'est pourquoy les Saintz et Saintes ont usé de beaucoup de reciproques caresses en leur mariage, caresses vrayement amoureuses mais chastes, tendres mais sinceres.

  A003001181 

 Sainte Monique estant grosse du grand saint Augustin, le dedia par plusieurs offres a la religion Chrestienne et au service de la gloire de Dieu, ainsy que luy mesme [270] le tesmoigne disant que des-ja il avoit gousté «le sel de Dieu dans le ventre de sa mere.» C'est un grand enseignement pour les femmes chrestiennes d'offrir a la divine Majesté les fruitz de leurs ventres, mesme avant qu'ilz en soyent sortis, car Dieu qui accepte les oblations d'un cœur humble et volontaire, seconde pour l'ordinaire les bonnes affections des meres en ce tems la: tesmoin Samuel, saint Thomas d'Aquin, saint André de Fiesole et plusieurs autres.

  A003001182 

 Certes, les races et generations sont appellees en nostre langage, maysons, et les Hebreux mesme appellent la generation des enfans, edification de mayson, car c'est en ce sens qu'il est dit que Dieu edifia des maysons aux sages femmes d'Egypte.

  A003001182 

 Or c'est pour [271] monstrer que ce n'est pas faire une bonne mayson de fourrer beaucoup de biens mondains en icelle, mais de bien eslever les enfans en la crainte de Dieu et en la vertu: en quoy on ne doit espargner aucune sorte de peyne ni de travaux, puisque les enfans sont la couronne du pere et de la mere.

  A003001183 

 Saint Paul laisse en partage aux femmes le soin de la mayson, c'est pourquoy plusieurs ont cette veritable opinion, que leur devotion est plus fructueuse a la famille que celle des maris qui, ne faisans pas une si ordinaire residence entre les domestiques, ne peuvent pas par consequent les addresser si aysement a la vertu.

  A003001184 

 Ainsy les femmes doivent [272] souhaitter que leurs maris soyent confitz au sucre de la devotion, car l'homme sans devotion est un animal severe, aspre et rude; et les maris doivent souhaitter que leurs femmes soyent devotes, car sans la devotion la femme est grandement fragile et sujette a deschoir ou ternir en la vertu.

  A003001184 

 C'est la plus grande et plus fructueuse union du mari et de la femme que celle qui se fait en la sainte devotion, a laquelle ilz se doivent entreporter l'un l'autre a l'envi.

  A003001184 

 Il est dit au Genese qu'Isaac, voyant sa femme Rebecca sterile, pria le Seigneur pour elle, ou, selon les Hebreux, il pria le Seigneur vis a vis d'elle, parce que l'un prioit d'un costé de l'oratoire et l'autre de l'autre: aussi l'orayson du mari faitte en cette façon fut exaucee.

  A003001184 

 Mais quelle benediction est-ce, quand l'homme et la femme fidelles se sanctifient l'un l'autre en une vraye crainte du Seigneur!.

  A003001184 

 Saint Paul a dit que l'homme infidelle est sanctifié par la femme fidelle, et la femme infidelle par l'homme fidelle, parce qu'en cette estroitte alliance du mariage, l'un peut aysement tirer l'autre a la vertu.

  A003001190 

 Le lict nuptial doit estre immaculé, comme l'Apostre l'appelle, c'est a dire exempt d'impudicités et autres souïlleures prophanes.

  A003001192 

 Le manger est ordonné pour conserver les personnes: or, comme manger simplement pour nourrir et conserver la personne est une bonne chose, sainte et commandee, aussi ce qui est requis au mariage pour la production des enfans et la multiplication des personnes est une bonne chose et tressainte, car c'est la fin principale des noces..

  A003001193 

 Manger, non point pour conserver la vie mais pour conserver la mutuelle conversation et condescendance que nous nous devons les uns aux autres, c'est chose grandement juste et honneste: et de mesme, la reciproque et legitime satisfaction des parties au saint Mariage est appellee par saint Paul devoir; mais devoir si grand, qu'il ne veut pas que l'une des parties [274] s'en puisse exempter sans le libre et volontaire consentement de l'autre, non pas mesme pour les exercices de la devotion, qui m'a fait dire le mot que j'ay mis au chapitre de la sainte Communion pour ce regard; combien moins donq peut-on s'en exempter pour des capricieuses pretentions de vertu ou pour les choleres et desdains..

  A003001195 

 Manger non point pour les deux premieres raysons, mais simplement pour contenter l'appetit, c'est chose supportable mais non pas pourtant louable; car le simple playsir de l'appetit sensuel ne peut estre un objet suffisant pour rendre une action louable, il suffit bien si elle est supportable..

  A003001196 

 Manger non point par simple appetit, mais par exces et desreglement, c'est chose plus ou moins vituperable, selon que l'exces est grand ou petit..

  A003001197 

 C'est grand cas, chere Philothee, que le miel si propre et salutaire aux abeilles leur puisse neanmoins estre si nuisible que quelquefois il les rend malades, comme quand elles en mangent trop au printems, car cela leur donne le flux de ventre, et quelquefois il les fait mourir inevitablement, comme quand elles sont emmiellees par le devant de leur teste et de leurs aislerons.

  A003001198 

 A la verité, le commerce nuptial qui est si saint, si juste, si recommandable, si utile a la republique, est neanmoins en certain cas dangereux a ceux qui le pratiquent; car quelquefois il rend leurs ames grandement malades de peché veniel, comme il arrive par les simples exces, et quelquefois il les fait mourir par le peché mortel, comme il arrive lhors que l'ordre establi pour la production des enfans est violé et perverti, auquel cas, selon qu'on s'esgare plus ou moins de cet ordre, les pechés se treuvent plus ou moins execrables, mais tous-jours mortelz.

  A003001198 

 Car d'autant que la procreation des enfans est la premiere et principale fin du mariage, jamais on ne peut loysiblement se departir de l'ordre qu'elle requiert, quoy que pour quelque autre accident elle ne puisse pas pour lhors estre effectuee, comme il arrive quand la sterilité ou la grossesse des-ja survenue empesche la production et generation; car en ces occurrences le commerce corporel ne laisse pas de pouvoir estre juste et saint, moyennant que les regles de la generation soyent suivies, aucun accident ne pouvant jamais prejudicier a la loy que la fin principale du mariage a imposee.

  A003001199 

 C'est une vraye marque d'un esprit truant, vilain, abject et infame de penser aux viandes et a la mangeaille avant le tems du repas, et encores plus quand apres iceluy on s'amuse au playsir que l'on a pris a manger, s'y entretenant par parolles et pensees, et vautrant son esprit dedans le souvenir de la volupté que l'on a eue en avalant les morceaux, comme font ceux qui devant disner tiennent leur esprit en broche et apres disner dans les platz; gens dignes d'estre souillars de cuisine, qui font, comme dit saint Paul, un dieu de leur ventre.

  A003001199 

 L'elephant n'est qu'une grosse beste, mais la plus digne qui vive sur la terre et qui a le plus de sens; je vous veux dire un trait de son honnesteté: il ne change jamais de femelle et ayme tendrement celle qu'il a choisie, avec laquelle neanmoins il ne parie que de trois ans en trois ans, et cela pour cinq jours seulement et si secrettement que jamais il n'est veu en cet acte; mais il est bien veu pourtant le sixiesme jour auquel avant toutes choses il va droit a quelque riviere en laquelle il se lave entierement tout le cors, sans vouloir aucunement retourner au troupeau qu'il ne se soit auparavant purifié.

  A003001200 

 Car, selon saint Gregoire, celuy a une femme comme n'en ayant point qui prend tellement les consolations corporelles avec elle que pour cela il n'est point destourné des pretentions spirituelles; or, ce qui se dit du mari s'entend reciproquement de la femme.

  A003001200 

 En cet advis consiste la parfaitte prattique de l'excellente [277] doctrine que saint Paul donne aux Corinthiens: Le tems est court, dit-il; reste que ceux qui ont des femmes soyent comme n'en ayans point.

  A003001200 

 «C'est le grand mal de l'homme,» dit saint Augustin, «de vouloir jouir des choses desquelles il doit seulement user, et de vouloir user de celles desquelles il doit seulement jouir:» nous devons jouir des choses spirituelles et seulement user des corporelles; desquelles quand l'usage est converti en jouissance, nostre ame raysonnable est aussi convertie en ame brutale et bestiale..

  A003001206 

 Que non seulement la vefve soit vefve de cors, mais aussi de cœur, c'est a dire qu'elle soit resolue d'une resolution inviolable de se conserver en l'estat d'une chaste viduité; car les vefves qui ne le sont qu'en attendant l'occasion de se remarier ne sont separees des hommes que selon la volupté du cors, mais elles sont des-ja conjointes avec eux selon la volonté du cœur.

  A003001206 

 Que si la vraye vefve, pour se confirmer en l'estat de viduité, veut offrir a Dieu en vœu son cors et sa chasteté, elle adjoustera un grand ornement a sa viduité et mettra en grande asseurance sa resolution; car voyant qu'apres le vœu il n'est plus en son pouvoir de quitter sa chasteté sans quitter le Paradis, elle sera si jalouse de son dessein qu'elle ne permettra pas seulement aux plus simples pensees de mariage d'arrester en son cœur un seul moment, si que ce vœu sacré mettra une forte barriere entre son ame et toute sorte de projetz contraires a sa resolution.

  A003001207 

 Le vœu rend les œuvres faittes en suite d'iceluy plus aggreables a Dieu, fortifie le courage pour les faire, et ne donne pas seulement a Dieu les œuvres, qui sont comme les fruitz de nostre bonne volonté, mais luy dedie encores la volonté mesme, qui est comme l'arbre de nos actions.

  A003001207 

 Par la simple chasteté nous prestons nostre cors a Dieu, retenans pourtant la liberté de le sousmettre l'autre fois aux playsirs sensuelz; mais par le vœu de chasteté nous luy en faisons un don absolu et irrevocable, sans nous reserver aucun pouvoir de nous en desdire, nous rendans ainsy heureusement esclaves de Celuy la servitude duquel est meilleure que toute royauté.

  A003001208 

 Outre cela, il faut que ce renoncement de secondes noces se face purement et simplement pour, avec plus de pureté, contourner toutes ses affections en Dieu, et joindre de toutes pars son cœur avec celuy de sa divine Majesté; car si le desir de laisser les enfans riches ou quelqu'autre sorte de pretention mondaine arreste la vefve en viduité, elle en aura peut estre la loüange, mais non pas certes devant Dieu, puisque devant Dieu rien ne peut avoir une veritable louange que ce qui est fait pour Dieu..

  A003001209 

 La vefve donq qui vit en ces folles delices, vivante est morte, et n'est a proprement parler qu'une idole de viduité.

  A003001209 

 La vefve qui vit en delices, dit saint Paul, est morte en vivant.

  A003001209 

 Qu'importe-il, je vous prie, que l'enseigne du logis d'Adonis et de l'amour prophane soit faite d'aigrettes blanches perchees en guise de pennaches, ou d'un crespe estendu en guise de retz tout autour du visage? ains souvent le noir est mis avec advantage de vanité sur le blanc pour en rehausser la couleur.

  A003001209 

 Vouloir estre vefve et se plaire neanmoins d'estre muguettee, caressee, cajolee; se vouloir treuver aux balz, aux danses et aux festins; vouloir estre parfumee, attifee et mignardee, c'est estre une vefve vivante quant au cors, mais morte quant a l'ame.

  A003001210 

 Ainsy la vefve devote ne veut jamais estre appellee et estimee ni belle ni gracieuse, se contentant d'estre ce que Dieu veut qu'elle soit, c'est a dire humble et abjecte a ses yeux..

  A003001210 

 Le retranchement des superfluités mondaines est requis a quicomque veut vivre pieusement; mays il est sur tout necessaire a la vraye vefve qui, comme une chaste tourterelle, vient tout fraischement de pleurer, gemir et lamenter la perte de son mari.

  A003001210 

 Le tems de retrancher est venu, la voix de la tourterelle a esté ouïe en nostre terre, dit le Cantique.

  A003001210 

 Quand Noëmi revint de Moab en Bethleem, les femmes de la ville qui l'avoyent conneuë au commencement de son mariage s'entredisoyent l'une a l'autre: N'est-ce point ici Noëmi? Mais elle respondit: Ne m'appelles point, je vous prie, Noëmi, car Noëmi veut dire gracieuse et belle, ains appelles moy Mara, car le Seigneur a rempli mon ame d'amertume: ce qu'elle disoit d'autant que son mari luy estoit mort.

  A003001211 

 D'aymer le mari tandis qu'il est en vie, c'est chose asses triviale entre les femmes; mais l'aymer tant qu'apres la mort d'iceluy on n'en veuille point d'autre, c'est un rang d'amour qui n'appartient qu'aux vrayes vefves.

  A003001211 

 Esperer en Dieu tandis que le mari sert de support, ce n'est pas chose si rare; mais d'esperer en Dieu quand on est destitué de cet appuy, c'est chose digne de grande loüange: c'est pourquoy on connoist plus aysement en la viduité, la perfection des vertus que l'on a eues au mariage.

  A003001211 

 Les lampes desquelles l'huyle est aromatique jettent une plus suave odeur quand on esteint leurs flammes: ainsy les vefves desquelles l'amour a esté pur en leur [282] mariage respandent un plus grand parfum de vertu de chasteté quand leur lumiere, c'est a dire leur mari, est esteinte par la mort.

  A003001212 

 La vefve laquelle a des enfans qui ont besoin de son addresse et conduitte, et principalement en ce qui regarde leur ame et l'establissement de leur vie, ne peut ni doit en façon quelconque les abandonner; car l'apostre saint Paul dit clairement qu'elles sont obligees a ce soin la, pour rendre la pareille a leurs peres et meres, et d'autant encores que si quelqu'un n'a soin des siens, et principalement de ceux de sa famille, il est pire qu'un infidelle.

  A003001214 

 Et comme le fer qui estant empesché de suivre l'attraction de l'aymant a cause de la presence du diamant, s'eslance vers le mesme aymant soudain que le diamant est esloigné, ainsy le cœur de la vefve, qui ne pouvoit bonnement s'eslancer du tout en Dieu, ni suivre les attraitz de son divin amour pendant la vie de son mari, doit soudain apres le trespas d'iceluy courir ardemment a l'odeur des parfums celestes, comme disant, a l'imitation de l'Espouse sacree: O Seigneur, maintenant que je suis toute mienne, recevés-moy pour toute vostre; tirés-moy apres vous, nous courrons a l'odeur de vos onguens..

  A003001216 

 Bref, la vraye vefve est en l'Eglise une petite violette de mars, qui respand une suavité nompareille par l'odeur de sa devotion, et se tient presque tous-jours cachee sous les larges feuilles de son abjection, et par sa couleur moins esclatante tesmoigne la mortification; elle vient es lieux frais et non cultivés, ne voulant estre pressee de la conversation des mondains, pour mieux conserver la fraischeur de son cœur contre toutes les chaleurs que le desir des biens, des honneurs ou mesme des amours luy pourrait apporter.

  A003001217 

 Et faut tous-jours avoir devant les yeux cette doctrine des Anciens, que ni la viduité ni la virginité n'ont point de rang au Ciel que celuy qui leur est assigné par l'humilité..

  A003001221 

 Je pense que c'est une grande tromperie de presenter, en lieu d'un cœur entier et sincere, un cœur tout usé, frelaté et tracassé d'amour.

  A003001226 

 Ma Philothee, tout cela n'est qu'un sot et vain babil; ces gens-la n'ont nul soin ni de vostre santé ni de vos affaires.

  A003001226 

 Qui ne voit que le monde est un juge inique, gracieux et favorable pour ses enfans, mais aspre et rigoureux aux enfans de Dieu?.

  A003001226 

 Si vous esties du monde, dit le Sauveur, le monde aymeroit ce qui est sien; mais parce que vous n'estes pas du monde, partant il vous hait.

  A003001227 

 Il est vray, Philothee; si nous nous relaschons par condescendance a rire, jouer, danser avec le monde, il s'en scandalisera, si nous ne le faysons pas, il nous accusera d'hypocrisie ou melancholie; si nous nous parons, il l'interpretera a quelque dessein, si nous nous demettons, ce sera pour luy vileté de cœur; nos gayetés [290] seront par luy nommees dissolutions, et nos mortifications tristesses, et nous regardant ainsy de mauvais œil, jamais nous ne pouvons luy estre aggreables.

  A003001227 

 Il n'est pas possible que nous le contentions, car il est trop bigearre: Jean est venu, dit le Sauveur, ne mangeant ni beuvant, et vous dites qu'il est endiable; le Filz de l'homme est venu en mangeant et beuvant, et vous dites qu'il est Samaritain.

  A003001228 

 En lieu que, comme dit saint Paul, la charité est benigne, au contraire le monde est malin; au lieu que la charité ne pense point de mal, au contraire le monde pense tous-jours mal, et quand il ne peut accuser nos actions il accuse nos intentions.

  A003001228 

 Quoy que nous fassions, le monde nous fera tous-jours la guerre: si nous sommes longuement devant le confesseur, il demandera que c'est que nous pouvons tant dire; si nous y sommes peu, il dira que nous ne disons pas tout.

  A003001229 

 Ce ne nous est pas une petite commodité pour bien asseurer le commencement de nostre devotion que d'en recevoir de l'opprobre et de la calomnie; car nous evitons par ce moyen le peril de la vanité et de l'orgueil, qui sont comme les sages femmes d'Egypte, ausquelles le Pharaon infernal a ordonné de tuer les enfans masles d'Israël le jour mesme de leur naissance.

  A003001229 

 Les cometes et les planetes [291] sont presque egalement lumineuses en apparence; mais les cometes disparoissent en peu de teins, n'estans que de certains feux passagers, et les planetes ont une clarté perpetuelle: ainsy l'hypocrisie et la vraye vertu ont beaucoup de ressemblance en l'exterieur; mais on reconnoist aysement l'une d'avec l'autre, parce que l'hypocrisie n'a point de duree et se dissipe comme la fumee en montant, mais la vraye vertu est tous-jours ferme et constante.

  A003001229 

 Soyons fermes en nos desseins, invariables en nos resolutions; la perseverance fera bien voir si c'est a certes et tout de bon que nous sommes sacrifiés a Dieu et rangés a la vie devote.

  A003001233 

 Si cela vous arrive, ayes un peu de patience, je vous prie, car ce ne sera rien: ce n'est qu'un peu d'estonnement que la nouveauté vous apporte; passé cela, vous recevres dix mille consolations.

  A003001234 

 Il est vray, nous sommes encor de petitz mouchons en la devotion, nous ne sçaurions monter selon nostre dessein, qui n'est rien moindre que d'atteindre a la cime de la perfection chrestienne; mais si commençons-nous a prendre forme [293] par nos desirs et resolutions, les aisles nous commencent a sortir, il faut donq esperer qu'un jour nous serons abeilles spirituelles et que nous volerons; et tandis, vivons du miel de tant d'enseignemens que les anciens devotz nous ont laissés, et prions Dieu qu'il nous donne des plumes comme de colombe, affin que non seulement nous puissions voler au tems de la vie presente, mais aussi nous reposer en l'eternité de la future..

  A003001234 

 Mays vous voyes que la montagne de la perfection chrestienne est extremement haute: hé mon Dieu, ce dites-vous, comment pourray-je monter? Courage, Philothee; quand les petitz mouchons des abeilles commencent a prendre forme on les appelle nymphes, et lhors ilz ne sçauroyent encor voler sur les fleurs, ni sur les montz, ni sur les collines voysines pour amasser le miel; mais petit a petit, se nourrissans du miel que leurs meres ont preparé, ces petitz nymphes prennent des aisles et se fortifient, en sorte que par apres ilz volent a la queste par tout le païsage.

  A003001238 

 Et bien que ces trois actions ne se connoissent pas si manifestement en toutes autres sortes de pechés, si est-ce qu'elles se connoissent palpablement aux grans et enormes pechés..

  A003001238 

 le peché luy est proposé; 2.

  A003001239 

 Quand la tentation de quelque peché que ce soit dureroit toute nostre vie, elle ne sçauroit nous rendre desaggreables a la divine Majesté, pourveu qu'elle ne nous plaise pas et que nous n'y consentions pas; la ravson est, parce qu'en la tentation nous n'agissons pas mays nous souffrons, et puisque nous n'y prenons point playsir, nous ne pouvons aussi en avoir aucune sorte de coulpe.

  A003001240 

 Il faut donq estre fort courageuse, Philothee, emmi les tentations, et ne se tenir jamais pour vaincue pendant qu'elles vous desplairont, en bien observant cette difference qu'il y a entre sentir et consentir, qui est qu'on les peut sentir encor qu'elles nous desplaisent, mais on ne peut consentir sans qu'elles nous plaisent, puisque le playsir pour l'ordinaire sert de degré pour venir au consentement.

  A003001240 

 Il y a neanmoins cette difference entre l'ame et cette princesse pour ce sujet, que la princesse ayant ouï la proposition deshonneste peut, si bon luy semble, chasser le messager et ne le plus ouïr; mais il n'est pas tous-jours au pouvoir de l'ame de ne point sentir la tentation, bien qu'il soit tous-jours en son pouvoir de ne point y consentir: c'est pourquoy, encor que la tentation dure et persevere long tems, elle ne peut nous nuire tandis qu'elle nous est desaggreable..

  A003001240 

 Que donq les ennemis de nostre salut nous presentent tant qu'ilz voudront d'amorces et d'appastz, qu'ilz demeurent tous-jours a la porte de nostre cœur pour entrer, qu'ilz nous facent tant de propositions qu'ilz voudront; mais tandis que nous aurons resolution de ne point nous plaire en tout cela, [295] il n'est pas possible que nous offensions Dieu, non plus que le prince espoux de la princesse que j'ay representee ne luy peut sçavoir mauvais gré du message qui luy est envoyé, si elle n'y a prins aucune sorte de playsir.

  A003001241 

 Mays quant a la delectation qui peut suivre la tentation, pour autant que nous avons deux parties en nostre ame, l'une inferieure et l'autre superieure, et que l'inferieure ne suit pas tous-jours la superieure ains fait son cas a part, il arrive maintesfois que la partie inferieure se plait en la tentation, sans le consentement, ains contre le gré de la superieure: c'est la dispute et la guerre que l'apostre saint Paul descrit, quand il dit que sa chair convoite contre son esprit, qu'il y a une loy des membres et une loy de l'esprit, et semblables choses..

  A003001242 

 C'en est de mesme de la charité, qui est nostre vie spirituelle, parmi les grandes et violentes tentations: car la tentation jettant sa delectation en la partie inferieure, couvre, ce semble, toute l'ame de cendres, et reduit l'amour de Dieu au petit pied, car il ne paroist plus en nulle part sinon au milieu du cœur, au fin fond de l'esprit; encores semble-il qu'il n'y soit pas, et a-on peyne de le treuver.

  A003001242 

 Il y est neanmoins en verité, puisque, quoy que tout soit en trouble en nostre [296] ame et en nostre cors, nous avons la resolution de ne point consentir au peché ni a la tentation, et que la delectation qui plait a nostre homme exterieur desplait a l'interieur, et quoy qu'elle soit tout autour de nostre volonté, si n'est-elle pas dans icelle: en quoy l'on voit que telle delectation est involontaire, et estant telle ne peut estre peché..

  A003001246 

 Le jeune homme duquel parle saint Hierosme, qui couché et attaché avec des escharpes de soye bien delicatement sur un lict mollet, estoit provoqué par toutes sortes de vilains attouchemens et attraitz d'une impudique femme, qui estoit couchee avec luy expres pour esbranler sa constance, ne devoit-il pas sentir d'estranges accidens? ses sens ne devoyent-ilz pas estre saisis de la delectation, et son imagination extrêmement occupee de cette presence des objetz voluptueux? Sans doute, et neanmoins parmi tant de troubles, emmi un si terrible orage de tentations et entre tant de voluptés qui sont tout autour de luy, il tesmoigne que son cœur n'est point vaincu et que sa volonté n'y consent nullement, puisque son esprit voyant tout rebellé contre luy, et n'ayant plus aucune des parties de son cors a son commandement sinon la langue, il se la coupa avec les [297] dens et la cracha sur le visage de cette vilaine ame qui tourmentait la sienne plus cruellement par la volupté, que les bourreaux n'eussent jamais sceu faire par les tourmens; aussi, le tyran qui se defioit de la vaincre par les douleurs, pensoit la surmonter par ces playsirs..

  A003001247 

 Il fit donques toutes sortes d'impudiques suggestions a son cœur, et pour tant plus l'esmouvoir, venant avec ses compaignons en forme d'hommes et de femmes, il faisoit mille et mille sortes de charnalités et lubricités a sa veuë, adjoustant des parolles et semonces tres deshonnestes; et bien que toutes ces choses fussent exterieures, si est-ce que par le moyen des sens elles penetroyent bien avant dedans le cœur de la vierge, lequel, comme elle confessoit elle mesme, en estoit tout plein, ne luy restant plus que la fine pure volonté superieure qui ne fust agitee de cette tempeste de vilenie et delectation charnelle.

  A003001247 

 L'histoire du combat de sainte Catherine de Sienne en un pareil sujet est du tout admirable: en voyci le sommaire.

  A003001248 

 O Dieu, quelle detresse a une ame qui ayme Dieu, de ne sçavoir seulement pas s'il est en elle ou non, et si l'amour divin, pour lequel elle combat, est du tout esteint en elle ou non! Mais c'est la fine fleur de la perfection de l'amour celeste que de faire souffrir et combattre l'amant pour l'amour, sans sçavoir s'il a l'amour pour lequel et par lequel il combat..

  A003001252 

 Ma Philothee, ces grans assautz et ces tentations si puissantes ne sont jamais permises de Dieu que contre les ames lesquelles il veut eslever a son pur et excellent amour; mais il ne s'ensuit pas pourtant qu'apres cela elles soyent asseurees d'y parvenir, car il est arrivé [299] maintesfois que ceux qui avoyent esté constans en des si violentes attaques, ne correspondans pas par apres fidelement a la faveur divine, se sont treuvés vaincus en des bien petites tentations.

  A003001252 

 Quelques tentations donques qui vous arrivent et quelque delectation qui s'ensuive, tandis que vostre volonté refusera son consentement, non seulement a la tentation mais encor a la delectation, ne vous troublés nullement, car Dieu n'en est point offensé..

  A003001253 

 Ainsy arrive-il quelquefois que, par la violence des tentations, il semble que nostre ame est tombee en une defaillance totale de ses forces, et que comme pasmee elle n'a plus ni vie spirituelle ni mouvement; mais si nous voulons connoistre ce que c'en est, mettons la main sur le cœur: considerons si le cœur et la volonté ont encor leur mouvement spirituel, c'est a dire s'ilz font leur devoir a refuser de consentir et suivre la tentation et delectation; car pendant que le mouvement du refus est dedans nostre cœur, nous sommes asseurés que la charité, vie de nostre ame, est en nous, et que Jesus Christ nostre Sauveur se treuve dans nostre ame, quoy que caché et [300] couvert; si que, moyennant l'exercice continuel de l'orayson, des Sacremens et de la confiance en Dieu, nos forces reviendront en nous et nous vivrons d'une vie entiere et delectable..

  A003001253 

 Quand un homme est pasmé et qu'il ne rend plus aucun tesmoignage de vie, on luy met la main sur le cœur, et pour peu que l'on y sente de mouvement on juge qu'il est en vie et que, par le moyen de quelque eau pretieuse et de quelque epitheme, on peut luy faire reprendre force et sentiment.

  A003001257 

 La princesse de laquelle nous avons parlé ne peut mais de la recherche deshonneste qui luy est faitte, puisque, comme nous avons presupposé, elle luy arrive contre son gré; mais si au contraire elle avoit par quelques attraitz donné sujet a la recherche, ayant voulu donner de l'amour a celuy qui la muguette, indubitablement elle seroit coulpable de la recherche mesme; et quoy qu'elle en fist la delicate, elle ne laisseroit pas d'en meriter du blasme et de la punition.

  A003001258 

 C'est tous-jours chose blasmable a la jeune [301] princesse de laquelle nous avons parlé, si non seulement elle escoute la proposition sale et deshonneste qui luy est faitte, mais encores apres l'avoir ouïe elle prend playsir en icelle, entretenant son cœur avec contentement sur cet objet; car bien qu'elle ne veuille pas consentir a l'execution reelle de ce qui luy est proposé, elle consent neanmoins a l'application spirituelle de son cœur par le contentement qu'elle y prend, et c'est tous-jours chose deshonneste d'appliquer ou le cœur ou le cors a chose deshonneste; ains la deshonnesteté consiste tellement a l'application du cœur, que sans icelle l'application du cors ne peut estre peché.

  A003001258 

 Quand la delectation qui arrive de la tentation peut estre evitee, c'est tous-jours peché de la recevoir, selon que le playsir que l'on y prend et le consentement que l'on y donne est grand ou petit, de longue ou de petite duree.

  A003001259 

 De mesme donq, si quelqu'un me propose quelque stratageme plein d'invention et d'artifice pour me venger de mon ennemi, et que je ne prenne pas playsir ni ne donne aucun consentement a la vengeance qui m'est [302] proposee, mais seulement a la subtilité de l'invention de l'artifice, sans doute je ne peche point, bien qu'il ne soit pas expedient que je m'amuse beaucoup a ce playsir, de peur que petit a petit il ne me porte a quelque delectation de la vengeance mesme..

  A003001259 

 Par exemple, si le galant qui luy veut donner de l'amour sonnoit exquisement bien du luth et qu'elle print playsir, non pas a la recherche qui est faitte de son amour, mais a l'harmonie et douceur du son du luth, il n'y auroit point de peché, bien qu'elle ne devrait pas continuer longuement en ce playsir, de peur de faire passage d'iceluy a la delectation de la recherche.

  A003001260 

 C'est un grand vice a une femme de vouloir entretenir de mauvaises amours, quoy qu'elle ne veuille jamais s'addonner reellement a l'amoureux.

  A003001260 

 Mais Ihors que volontairement et de propos deliberé nous sommes resolus de nous plaire en telles delectations, ce propos mesme deliberé est un grand peché, si l'objet pour lequel nous avons delectation est notablement mauvais.

  A003001260 

 On est quelquefois surprins de quelque chatouillement de delectation qui suit immediatement la tentation, devant que bonnement on s'en soit prins garde; et cela ne peut estre pour le plus qu'un bien leger peché veniel, lequel se rend plus grand si, apres que l'on s'est apperceu du mal ou l'on est, on demeure par negligence quelque tems a marchander avec la delectation, si l'on doit l'accepter ou la refuser; et.

  A003001264 

 Recoures de mesme a Dieu, reclamant sa misericorde et son secours; c'est le remede que Nostre Seigneur enseigne: Pries affin que vous n'entries point en tentation..

  A003001265 

 Mais en faysant ces protestations et ces refus de consentement, ne regardes point au visage de la tentation, ains seulement regardes Nostre Seigneur; car si vous regardes la tentation, principalement quand elle est forte, elle pourroit esbranler vostre courage..

  A003001267 

 Le grand remede contre toutes tentations grandes ou petites, c'est de desployer son cœur et de communiquer les suggestions, ressentimens et affections que nous avons a nostre directeur; car notés que la premiere condition que le malin fait avec l'ame qu'il veut seduire c'est du silence, comme font ceux qui veulent seduire les femmes et les filles, qui de prime abord defendent qu'elles ne communiquent point les propositions aux peres ni aux maris: ou au contraire Dieu, en ses inspirations, demande sur toutes choses que nous les fassions reconnoistre par nos superieurs et conducteurs..

  A003001273 

 C'est chose bien aysee a un homme ou a une femme de s'empescher de l'adultere, mais ce n'est pas chose si facile de s'empescher des œillades, de donner ou recevoir de l'amour, de procurer des graces et menues faveurs, de dire et recevoir des parolles de cajolerie.

  A003001273 

 C'est chose bien aysee que de s'empescher du meurtre, mais c'est chose difficile d'eviter les menues choleres, desquelles les occasions se presentent a tout moment.

  A003001273 

 Il est bien aysé de ne point donner de corrival au mari ni de corrivale a la femme, quant au cors, mais il n'est pas si aysé de n'en point donner quant au cœur; bien aysé de ne point souiller le lict du mariage, mais bien malaysé de ne point interesser l'amour du mariage; bien aysé de ne point desrober le bien d'autruy, mais malaysé de ne point le muguetter et convoiter; bien aysé de ne point dire de faux tesmoignage en jugement, mais malaysé de ne point mentir en conversation; bien aysé de ne point s'enivrer, mais malaysé d'estre sobre; bien aysé de ne point desirer la mort d'autruy, mais malaysé de ne point [306] desirer son incommodité; bien aysé de ne le point diffamer, mais malaysé de ne le point mespriser..

  A003001273 

 Quoy qu'il faille combattre les grandes tentations avec un courage invincible et que la victoire que nous en rapportons nous soit extremement utile, si est-ce neanmoins qu'a l'adventure on fait plus de prouffit a bien combattre les petites; car, comme les grandes surpassent en qualité, les petites aussi surpassent si demesurement en nombre, que la victoire d'icelles peut estre comparable a celle des plus grandes.

  A003001274 

 Bref, ces menues tentations de choleres, de soupçons, de jalousie, d'envie, d'amourettes, de folastrerie, de vanités, de duplicités, d'affaiterie, d'artifices, de cogitations deshonnestes, ce sont les continuelz exercices de ceux mesmes qui sont plus devotz et resolus: c'est pourquoy, ma chere Philothee, il faut qu'avec grand soin et diligence nous nous preparions a ce combat; et soyes asseuree qu'autant de victoires que nous rapportons contre ces petitz ennemis, autant de pierres pretieuses seront mises en la couronne de gloire que Dieu nous prepare en son Paradis.

  A003001274 

 C'est pourquoy je dis, qu'attendant de bien et vaillamment combattre les grandes tentations si elles viennent, il nous faut bien et diligemment defendre de ces menues et foibles attaques..

  A003001278 

 Or donq, quant a ces menues tentations de vanité, de soupçon, de chagrin, de jalousie, d'envie, d'amourettes, et semblables tricheries qui, comme mouches et moucherons, viennent passer devant nos yeux et tantost nous piquer sur la joüe, tantost sur le nés, parce qu'il est impossible d'estre tout a fait exempt de leur importunité, la meilleure resistance qu'on leur puisse faire c'est de ne s'en point tourmenter; car tout cela ne peut nuire, quoy qu'il puisse faire de l'ennui, pourveu que l'on soit bien resolu de vouloir servir Dieu.

  A003001280 

 C'est le meilleur moyen de vaincre l'ennemi, tant es petites qu'es grandes tentations; car l'amour de Dieu contenant en soy toutes les perfections de toutes les vertus, et plus excellemment que les vertus mesmes, il est aussi un plus souverain remede contre tous vices; et vostre esprit s'accoustumant en toutes tentations de recourir a ce rendes-vous general, ne sera point obligé de regarder et examiner quelles tentations il a; mais simplement se sentant troublé il s'accoisera en ce grand remede, lequel outre cela est si espouvantable au malin esprit, que quand il voit que ses tentations nous provoquent a ce divin amour, il cesse de nous en faire..

  A003001286 

 Si vous estes inclinee a l'avarice, penses souvent a la folie de ce peché qui nous rend esclaves de ce qui n'est creé que pour nous servir; qu'a la mort aussi bien [309] audra-il tout quitter, et le laisser entre les mains de tel qui le dissipera ou auquel cela servira de ruine et de damnation, et semblables pensees.

  A003001287 

 Si vous estes sujette a vouloir donner ou recevoir de l'amour, penses souvent combien cet amusement est dangereux, tant pour vous que pour les autres; combien c'est une chose indigne de prophaner et employer a passetems la plus noble affection qui soit en nostre ame; combien cela est sujet au blasme d'une extreme legereté d'esprit.

  A003001288 

 En somme, en tems de paix, c'est a dire lhors que les tentations du peché auquel vous estes sujette ne vous presseront pas, faites force actions de la vertu contraire, et si les occasions ne se presentent, alles au devant d'elles pour les rencontrer; car par ce moyen vous renforcerés vostre cœur contre la tentation future..

  A003001292 

 L'inquietude n'est pas une simple tentation, mais une source de laquelle et par laquelle plusieurs tentations arrivent: j'en diray donq quelque chose.

  A003001292 

 La tristesse n'est autre chose que la douleur d'esprit que nous avons du mal qui est en nous contre nostre gré, soit que le mal soit exterieur, comme pauvreté, maladie, mespris, soit qu'il soit interieur, comme ignorance, secheresse, repugnance, tentation.

  A003001293 

 Vous voyes donq que la tristesse, laquelle au commencement est juste, engendre l'inquietude; et l'inquietude engendre par apres un surcroist de tristesse qui est extremement dangereux..

  A003001294 

 L'inquietude est le plus grand mal qui arrive en l'ame, excepté le peché; car, comme les seditions et troubles interieurs d'une republique la ruinent entierement et l'empeschent qu'elle ne puisse resister a l'estranger, ainsy nostre cœur estant troublé et inquieté en soy mesme perd la force de maintenir les vertus qu'il avoit acquises, et quant et quant le moyen de resister aux tentations de l'ennemi, lequel fait alhors toutes sortes d'effortz pour pescher, comme l'on dit, en eau trouble..

  A003001296 

 Car, comme ceux qui craignent de perdre quelque chose qui leur est pretieuse la tiennent bien serree en leur main, ainsy, a l'imitation de ce grand Roy, nous devons tous-jours dire: O mon Dieu, mon ame est au hazard, c'est pourquoy je la porte tous-jours en mes mains, et en cette sorte je n'ay point oublié vostre sainte loy.

  A003001296 

 Examines plus d'une fois le jour, mais au moins le soir et le matin, si vous aves vostre ame en vos mains, ou si quelque passion et inquietude vous l'a point ravie; consideres, si vous aves vostre cœur a vostre commandement, ou bien s'il est point eschappé de vos mains pour s'engager a quelque affection desreglee d'amour, de haine, d'envie, de convoitise, de crainte, d'ennui, de joye.

  A003001296 

 Mon ame est tous-jours en mes mains, o Seigneur, et je n'ay point oublié vostre loy, disoit David.

  A003001296 

 Que s'il est egaré, avant toutes choses, cherches-le et le ramenes tout bellement en la presence de Dieu, remettant vos affections et desirs sous l'obeissance et conduite de sa divine volonté.

  A003001298 

 Si vous pouves descouvrir vostre inquietude a celuy qui conduit vostre ame, ou au moins a quelque confident et devot ami, ne doutes point que tout aussi tost vous ne soyes accoisee; car la communication des douleurs du cœur fait le mesme effect en l'ame que la saignee fait au cors de celuy qui est en fievre continue: c'est le remede des remedes.

  A003001302 

 Il est vray qu'elle en fait plus de mauvaises que de bonnes, car elle n'en fait que deux [313] bonnes, a sçavoir, misericorde et penitence; et il y en a six mauvaises, a sçavoir, angoisse, paresse, indignation, jalousie, envie et impatience; qui a fait dire au Sage: La tristesse en tue beaucoup et n'y a point de prouffit en icelle, parce que, pour deux bons ruysseaux qui proviennent de la source de tristesse, il y en a six qui sont bien mauvais..

  A003001302 

 La tristesse qui est selon Dieu, dit saint Paul, opere la penitence pour le salut; la tristesse du monde opere la mort. La tristesse donques peut estre bonne et mauvaise, selon les diverses productions qu'elle fait en nous.

  A003001303 

 Le malin se plait en la tristesse et melancholie, parce qu'il est triste et melancholique et le sera eternellement, dont il voudroit que chacun fust comme luy..

  A003001304 

 La mauvaise tristesse trouble l'ame, la met en inquietude, donne des craintes desreglees, desgouste de l'orayson, assoupit et accable le cerveau, prive l'ame de conseil, de resolution, de jugement et de courage, et abat les forces: bref, elle est comme un dur hiver qui fauche toute la beauté de la terre et engourdit tous les animaux; car elle oste toute suavité de l'ame et la rend presque percluse et impuissante en toutes ses facultés..

  A003001305 

 Quelqu'un est-il triste, dit saint Jacques, qu'il prie: la priere est un souverain remede, car elle esleve l'esprit en Dieu qui est nostre unique joye et consolation; mais en priant, uses d'affections et parolles, soit interieures soit exterieures, qui tendent a la confiance et amour de Dieu, comme: o Dieu de misericorde, mon tres bon Dieu, mon Sauveur debonnaire, Dieu de mon cœur, ma joye, mon esperance, mon cher Espoux, le Bienaymé de mon ame, et semblables..

  A003001307 

 Il est bon de s'employer aux œuvres exterieures et les diversifier le plus que l'on peut, pour divertir l'ame de l'objet triste, purifier et eschauffer les espritz, la tristesse estant une passion de la complexion froide et seche..

  A003001308 

 Mon Bienaymè m'est un bouquet de myrrhe, il demeurera entre mes mammelles.

  A003001309 

 La discipline moderee est bonne contre la tristesse, parce que cette volontaire affliction exterieure impetre la consolation interieure, et l'ame, sentant des douleurs de dehors, se divertit de celles qui sont au dedans.

  A003001309 

 La frequentation de la sainte Communion est excellente; car ce pain celeste affermit le cœur et res-jouit l'esprit..

  A003001314 

 Il en est de mesme de l'homme, qui est, selon le dire des Anciens, un « abregé du monde; » car jamais il n'est en un mesme estat, et sa vie escoule sur cette terre comme les eaux, flottant et ondoyant en une perpetuelle diversité de mouvemens, qui tantost l'eslevent aux esperances, tantost l'abaissent par la crainte, tantost le plient a droite par la consolation, tantost a gauche par l'affliction, et jamais une seule de ses journees, ni mesme une de ses heures, n'est entierement pareille a l'autre.

  A003001315 

 C'est un grand advertissement que celuy cy: il nous [316] faut tascher d'avoir une continuelle et inviolable egalité de cœur en une si grande inegalité d'accidens, et quoy que toutes choses se tournent et varient diversement autour de nous, il nous faut demeurer constamment immobiles a tous-jours regarder, tendre et pretendre a nostre Dieu.

  A003001315 

 Que tout se renverse sans dessus dessous, je ne dis pas seulement autour de nous, mais je dis en nous, c'est a dire que nostre ame soit triste, joyeuse, en douceur, en amertume, en paix, en trouble, en clarté, en tenebres, en tentations, en repos, en goust, en desgoust, en secheresse, en tendreté, que le soleil la brusle ou que la rosee la rafraischisse, ha! si faut-il pourtant qu'a jamais et tous-jours la pointe de nostre cœur, nostre esprit, nostre volonté superieure, qui est nostre bussole, regarde incessamment et tende perpetuellement a l'amour de Dieu son Createur, son Sauveur, son unique et souverain bien.

  A003001315 

 Qui nous separera de l'amour et charité de Dieu? Non, jamais rien ne nous separera de cet amour: ni la tribulation, ni l'angoisse, ni la mort, ni la vie, ni la douleur presente, ni la crainte des accidens futurs, ni les artifices des malins espritz, ni la hauteur des consolations, ni la profondité des afflictions, ni la tendreté, ni la secheresse ne nous doit jamais separer de cette sainte charité qui est fondee en Jesus Christ..

  A003001317 

 Or, sur cela, qu'est ce que ne fit pas Saul pour tesmoigner que son [318] cœur estoit amolly envers David? il le nomma son enfant, il se mit a pleurer tout haut, a le loüer, a confesser sa debonnaireté, a prier Dieu pour luy, a presager sa future grandeur et a luy recommander la posterité qu'il devoit laisser apres soy.

  A003001319 

 Helas, Philothee, c'est bien fait de pleurer sur cette Mort et Passion douloureuse de nostre Pere et Redempteur; [320] mais pourquoy donq ne luy donnons-nous tout de bon la pomme que nous avons en nos mains et qu'il nous demande si instamment, a sçavoir nostre cœur, unique pomme d'amour que ce cher Sauveur requiert de nous? Que ne luy resignons-nous tant de menues affections, delectations, complaisances, qu'il nous veut arracher des mains et ne peut, parce que c'est nostre dragee, de laquelle nous sommes plus frians que desireux de sa celeste grace? Ha! ce sont des amitiés de petitz enfans que cela, tendres, mais foibles, mais fantasques, mais sans effect.

  A003001319 

 La devotion donq ne gist pas en ces tendretés et sensibles affections, qui quelquefois procedent de la nature qui est ainsy molle et susceptible de l'impression qu'on luy veut donner, et quelquefois viennent de l'ennemi qui, pour nous amuser a cela, excite nostre imagination a l'apprehension propre pour telz effectz..

  A003001320 

 C'est ce goust que l'on a es choses divines pour lequel David s'escrioit: O Seigneur, que vos parolles sont douces a mon palais, elles sont plus douces que le miel a ma bouche.

  A003001320 

 Les mammelles [321] et le laict, c'est a dire les faveurs du divin Espoux, sont meilleures a l'ame que le vin le plus pretieux des playsirs de la terre: qui en a gousté tient tout le reste des autres consolations pour du fiel et de l'absynthe.

  A003001321 

 Le cœur est bon qui a de bonnes affections, et les affections et passions sont bonnes qui produisent en nous des bons effectz et saintes actions.

  A003001321 

 Mais, ce me dires-vous, puisqu'il y a des consolations sensibles qui sont bonnes et viennent de Dieu, et que neanmoins il y en a des inutiles, dangereuses, voyre pernicieuses, qui viennent ou de la nature ou mesme de l'ennemi, comment pourray-je discerner les unes des autres et connoistre les mauvaises ou inutiles entre les bonnes? C'est une generale doctrine, treschere Philothee, pour les affections et passions de nos ames, que nous les devons connoistre par leurs fruitz.

  A003001322 

 Et ainsy, c'est beaucoup, Philothee, d'avoir les douceurs; mais c'est la douceur des douceurs de considerer que Dieu de sa main amoureuse et maternelle les nous met en la bouche, au cœur, en l'ame, en l'esprit.

  A003001322 

 Finalement je vous advertis que s'il vous arrivoit quelque notable abondance de telles consolations, tendretés, larmes et douceurs, ou quelque chose d'extraordinaire en icelles, vous en conferiés fidellement avec vostre conducteur affin d'apprendre comme il s'y faut moderer et comporter, car il est escrit: As-tu treuvé le miel? mange-en ce qui suffit..

  A003001322 

 Il faut, outre tout cela, renoncer de tems en tems a telles douceurs, tendretés et consolations, separans nostre cœur d'icelles et protestans qu'encor que nous les acceptions humblement et les aymions, parce que Dieu nous les envoye et qu'elles nous provoquent a son amour, ce ne sont neanmoins pas elles que nous cherchons, mais Dieu et son saint amour: non la consolation, mais le Consolateur; non la douceur, mais le doux Sauveur; non la tendreté, mais [324] Celuy qui est la suavité du ciel et de la terre; et en cette affection nous nous devons disposer a demeurer fermes au saint amour de Dieu, quoy que de nostre vie nous ne deussions jamais avoir aucune consolation, et de vouloir dire egalement sur le mont de Calvaire, comme sur celuy de Thabor: O Seigneur, il m'est bon d'estre avec vous, ou que vous soyes en croix, ou que vous soyes en gloire.

  A003001322 

 Mais apres cela, parlant generalement et pour l'ordinaire, recevons humblement ces graces et faveurs et les estimons extremement grandes, non tant parce qu'elles le sont en elles mesmes, comme parce que c'est la main de Dieu qui nous les met au cœur; comme feroit une mere qui pour amadouer son enfant, luy mettroit elle mesme les grains de dragee en bouche, l'un apres l'autre, car si l'enfant avoit de l'esprit, il priseroit plus la douceur de la mignardise et caresse que sa mere luy fait, que la douceur de la dragee mesme.

  A003001322 

 Or, bayser le Sauveur, c'est luy obeir, garder ses commandemens, faire ses volontés, suivre ses desirs, bref, l'embrasser tendrement avec obeissance et fidelité.

  A003001322 

 il nous faut beaucoup humilier devant Dieu; gardons-nous bien de dire pour ces douceurs: o que je suis bon! Non, Philothee, ce sont des biens qui ne nous rendent pas meilleurs, car, comme j'ay dit, la devotion ne consiste pas en cela; mais disons: o que Dieu est bon a ceux qui esperent en luy, a l'ame qui le recherche! Qui a le sucre en bouche ne peut pas dire que sa bouche soit douce, mais ouy bien que le sucre est doux: ainsy, encor que cette douceur spirituelle est fort bonne, et Dieu qui nous la donne est tresbon, il ne s'ensuit pas que celuy qui la reçoit soit bon.

  A003001326 

 Helas, que l'ame qui est en cet estat est digne de compassion, et sur tout quand ce mal est vehement; car alhors, a l'imitation de David, elle se repaist de larmes jour et nuit, [325] tandis que par mille suggestions l'ennemi, pour la desesperer, se moque d'elle et luy dit: ah, pauvrette, ou est ton Dieu? par quel chemin le pourras-tu treuver? qui te pourra jamais rendre la joye de sa sainte grace?.

  A003001328 

 Comme une mere refuse le sucre a son enfant qui est sujet aux vers, ainsy Dieu nous oste les consolations quand nous y prenons quelque vayne complaisance et que nous sommes sujetz aux vers de l'outrecuidance: Il m'est bon, o mon Dieu, que vous m'humilies; ouy, car avant que je fusse humilié je vous avois offensé..

  A003001329 

 Quand nous negligeons de recueillir les suavités et delices de l'amour de Dieu lhors qu'il en est tems, il les escarte de nous en punition de nostre paresse: l'Israëlite qui n'amassoit la manne de bon matin ne le pouvoit plus faire apres le soleil levé, car elle se treuvoit toute fondue..

  A003001330 

 Nous sommes quelquefois couchés dans un lict des contentemens sensuelz et consolations perissables, comme estoit l'Espouse sacree es Cantiques: l'Espoux de nos ames buque a la porte de nostre cœur, il nous inspire de nous remettre a nos exercices spirituelz, mais nous marchandons avec luy, d'autant qu'il nous fasche de quitter ces vains amusemens et de nous separer de ces faux contentemens; c'est pourquoy il passe outre et nous laisse croupir, puys, quand nous le voulons chercher, nous avons beaucoup de peyne a le treuver: aussi l'avons-nous bien merité, puysque nous avons esté si infideles et desloyaux a son amour, que d'en avoir refusé l'exercice pour suivre celuy des choses du monde.

  A003001331 

 La duplicité et finesse d'esprit exercee es confessions et communications spirituelles que l'on fait avec son conducteur, attire les secheresses et sterilités: car puisque vous mentés au Saint Esprit, ce n'est pas merveille s'il vous refuse sa consolation; vous ne voules pas estre simple et naif comme un petit enfant, vous n'aures donq pas la dragee des petitz enfans..

  A003001332 

 Vous vous estes bien saoulee des contentemens mondains, ce n'est pas merveille si les delices spirituelles vous sont a desgoust: les colombes ja saoules, dit l'ancien proverbe, treuvent ameres les cerises.

  A003001333 

 Aves-vous bien conservé les fruitz des consolations receuës? vous en aures donq des nouvelles, car a celuy qui a, on luy en donnera davantage; et a celuy qui n'a pas ce qu'on luy a donné, mais qui l'a perdu par sa faute, on luy ostera mesme ce qu'il n'a pas; c'est a dire on le privera des graces qui luy estoient preparees.

  A003001333 

 Il est vray, la pluye vivifie les plantes qui ont de la verdeur; mais a celles qui ne l'ont point elle leur oste encor la vie qu'elles n'ont point, car elles en pourrissent tout a fait..

  A003001334 

 Mais notés, Philothee, qu'il ne faut pas faire cet examen avec inquietude et trop de curiosité; ains apres avoir fidelement consideré nos deportemens pour ce regard, si nous treuvons la cause du mal en nous, il en faut remercier Dieu, car le mal est a moitié gueri quand on a [327] descouvert sa cause.

  A003001335 

 Humilies-vous grandement devant Dieu en la connoissance de vostre neant et misere: Helas, qu'est-ce que de moy quand je suis a moy mesme? non autre chose, o Seigneur, sinon une terre seche, laquelle crevassee de toutes pars, tesmoigne la soif qu'elle a de la pluye du ciel, et ce pendant le vent la dissipe et reduit en poussiere..

  A003001336 

 Mon Pere, s'il est possible, transportes ce calice de moy.

  A003001338 

 Disons donq a Dieu en ce tems la: O Pere, s'il est possible, transportes de moy ce calice, mais [328] adjoustons de grand courage: toutefois, non ma volonté, mais la vostre soit faitte, et arrestons-nous a cela avec le plus de repos que nous pourrons; car Dieu nous voyant en cette sainte indifference nous consolera de plusieurs graces et faveurs, comme quand il vit Abraham resolu de se priver de son enfant Isaac, il se contenta de le voir indifferent en cette pure resignation, le consolant d'une vision tres aggreable et par des tres douces benedictions.

  A003001338 

 Mais apres tout cela, rien n'est si utile, rien si fructueux en telles secheresses et sterilités que de ne point s'affectionner et attacher au desir d'en estre delivré.

  A003001339 

 Finalement, Philothee, entre toutes nos secheresses et sterilités ne perdons point courage, mais attendans en patience le retour des consolations, suivons tous-jours nostre train; ne laissons point pour cela aucun exercice de devotion, ains, s'il est possible, multiplions nos bonnes œuvres, et ne pouvans presenter a nostre cher Espoux des confitures liquides, presentons-luy en des seches, car ce luy est tout un, pourveu que le cœur qui les luy offre soit parfaittement resolu de le vouloir aymer.

  A003001339 

 Quand le printems est beau les abeilles font plus de miel et moins de mouchons, parce qu'a la faveur du beau tems elles s'amusent tant a faire leur cueillette sur les fleurs qu'elles en oublient la production de leurs nymphes; mays quand le printems est aspre et nubileux elles font plus de nymphes et moins de miel, car ne pouvans pas sortir pour faire la cueillette du miel, elles s'employent a se peupler et multiplier leur race.

  A003001340 

 C'est donq un grand abus de plusieurs, et notamment des femmes, de croire que le service que nous faisons a Dieu, sans goust, sans tendreté de cœur et sans sentiment soit moins aggreable a sa divine Majesté, puisqu'au contraire nos actions sont comme les roses, lesquelles bien qu'estans fraisches elles ont plus de grace, estans neanmoins seches elles ont plus d'odeur [330] et de force: car tout de mesme, bien que nos œuvres faittes avec tendreté de cœur nous soyent plus aggreables, a nous, dis-je, qui ne regardons qu'a nostre propre delectation, si est-ce qu'estans faittes en secheresse et sterilité, elles ont plus d'odeur et de valeur devant Dieu.

  A003001340 

 Ce n'est pas si grand cas de servir un prince en la douceur d'un tems paisible et parmi les delices de la cour, mais de le servir en l'aspreté de la guerre, parmi les troubles et persecutions, c'est une vraye marque de constance et fidelité..

  A003001341 

 La bienheureuse Angele de Foligny dit que «l'orayson la plus aggreable a Dieu est celle qui se fait par force et contrainte,» c'est a dire celle a laquelle nous nous rangeons, non point pour aucun goust que nous y ayons, ni par inclination, mais purement pour plaire a Dieu, a quoy nostre volonté nous porte comme a contrecœur, forçant et violentant les secheresses et repugnances qui s'opposent a cela.

  A003001341 

 Moins il y a de nostre interest particulier en la poursuitte des vertus, plus la pureté de l'amour divin y reluit: l'enfant bayse aysement sa mere qui luy donne du sucre, mais c'est signe qu'il l'ayme grandement s'il la bayse apres qu'elle luy aura donné de l'absynthe ou du chicotin.

  A003001346 

 C'est chose ordinaire a presque tous ceux qui commencent a servir Dieu et qui ne sont encor point experimentés es soustractions de la grace ni es vicissitudes spirituelles, que leur venant a manquer ce goust de la devotion sensible, et cette aggreable lumiere qui les invite a se haster au chemin de Dieu, ilz perdent tout a coup l'haleyne et tombent en pusillanimité et tristesse de cœur.

  A003001346 

 Or, comme les ames relevees au dessus d'elles mesmes par l'essay des playsirs superieurs, renoncent facilement aux objetz visibles, ainsy quand par la disposition divine la joye spirituelle leur est ostee, se treuvans aussi d'ailleurs privees des consolations corporelles, et n'estans point encor accoustumees d'attendre en patience les retours du vray soleil, il leur semble qu'elles ne sont ni au ciel ni en la terre, et qu'elles demeureront ensevelies en une nuit perpetuelle: si que, [333] comme petitz enfançons qu'on sevre, ayans perdu leurs mammelles, elles languissent et gemissent, et deviennent ennuyeuses et importunes, principalement a elles mesmes..

  A003001347 

 Ceci donq arriva au voyage duquel il est question a l'un de la trouppe, nommé Geoffroy de Peronne, nouvellement dedié au service de Dieu.

  A003001347 

 Celuy ci, rendu soudainement aride, destitué de consolation et occupé des tenebres interieures, commença a se ramentevoir de ses amis mondains, de ses parens, des facultés qu'il venoit de laisser, au moyen dequoy il fut assailli d'une si rude tentation que, ne pouvant la celer en son maintien, un de ses plus confidens s'en apperceut, et l'ayant dextrement accosté avec douces parolles luy dit en secret: «Que veut dire ceci Geoffroy? comment est ce que contre l'ordinaire, tu te rends si pensif et affligé?» Alhors Geoffroy, avec un profond souspir, «Ah mon frere,» respondit il, «jamais de ma vie je ne seray joyeux.» Cet autre, esmeu de pitié par telles parolles, avec un zele fraternel alla soudain reciter tout ceci au commun Pere saint Bernard, lequel, voyant le danger, entra en une eglise prochaine affin de prier Dieu pour luy; et Geoffroy ce pendant, accablé de la tristesse, reposant sa teste sur une pierre, s'endormit.

  A003001348 

 Que c'est neanmoins aussi ce bon Dieu qui quelquefois, selon sa sage disposition, nous oste le laict et le miel des consolations, affin que, nous sevrant ainsy, nous apprenions a manger le pain sec et plus solide d'une devotion vigoureuse, exercee a l'espreuve des desgoustz et tentations.

  A003001348 

 Que c'est un souverain remede de descouvrir son mal a quelque ami spirituel qui nous puisse soulager..

  A003001349 

 En fin, pour conclusion de cet advertissement qui est si necessaire, je remarque que, comme en toutes choses de mesme en celles cy, nostre bon Dieu et nostre ennemi ont aussi des contraires pretentions: car Dieu nous veut conduire par icelles a une grande pureté de cœur, a un entier renoncement de nostre propre interest en ce qui est de son service, et un parfait despouillement de nous mesmes; mais le malin tasche d'employer [335] ces travaux pour nous faire perdre courage, pour nous faire retourner du costé des playsirs sensuelz, et en fin nous rendre ennuyeux a nous mesmes et aux autres, affin de decrier et diffamer la sainte devotion.

  A003001350 

 Mais le remede en cette occurrence, c'est de revigorer le cors par quelque sorte de legitime allegement et recreation; ainsy saint François ordonnoit a ses religieux qu'ilz fussent tellement moderés en leurs travaux, qu'ilz n'accablassent pas la ferveur de l'esprit..

  A003001350 

 Or, en telles occasions, il faut tous-jours se resouvenir de faire plusieurs actes de vertu avec la pointe de nostre esprit et volonté superieure; car encor que toute nostre ame semble dormir et estre accablee d'assoupissement et lassitude, si est-ce que les actions de nostre esprit ne laissent pas d'estre fort aggreables a Dieu, et pouvons dire en ce tems la, comme l'Espouse sacree: Je dors, mais mon cœur veille; et comme j'ay dit ci dessus, s'il y a moins de goust a travailler de la sorte, il y a pourtant plus de merite et de vertu.

  A003001350 

 Quelquefois les desgoustz, les sterilités et secheresses proviennent de l'indisposition du cors, comme quand par l'exces des veilles, des travaux et des jeusnes on se treuve accablé de lassitudes, d'assoupissemens, de pesanteurs et d'autres telles infirmités, lesquelles bien qu'elles dependent du cors ne laissent pas d'incommoder l'esprit, pour l'estroitte liaison qui est entre eux.

  A003001351 

 C'est pour dire que les plus grans serviteurs de Dieu sont sujetz a ces secousses, et que les moindres ne doivent s'estonner s'il leur en arrive quelques unes..

  A003001358 

 Ainsy celuy qui a un vray soin de son cher cœur doit le remonter en Dieu au soir et au matin, par les exercices marqués cy dessus; et outre cela, il doit plusieurs fois considerer son estat, le redresser et accommoder; et en fin, au moins une fois l'annee, il le doit demonter, et regarder par le menu toutes les pieces, c'est a dire toutes les affections et passions d'iceluy, affin de reparer tous les defautz qui y peuvent estre.

  A003001364 

 Le premier, c'est d'avoir quitté, rejetté, detesté, renoncé pour jamais tout peché mortel; le second, c'est d'avoir dedié et consacré vostre ame, vostre cœur, vostre cors, avec tout ce qui en depend, a l'amour et service de Dieu; le troisiesme, c'est que s'il vous arrivoit de tomber en quelque mauvaise action, vous vous en releveries soudainement, moyennant la grace de Dieu.

  A003001364 

 Mais ne sont-ce pas la des belles, justes et dignes et genereuses resolutions? Pensés bien en vostre ame combien cette protestation est sainte, raysonnable et desirable..

  A003001365 

 Consideres a qui vous aves fait cette protestation, car c'est a Dieu.

  A003001365 

 Si les paroles raysonnables donnees aux hommes nous obligent estroittement, combien plus celles que nous avons donnees a Dieu: Ha, Seigneur, disoit David, c'est a vous a qui mon cœur l'a dit; mon cœur a projette cette bonne parole; non, jamais je ne l'oublieray..

  A003001369 

 C'est la main dextre de Dieu qui a fait tout cela.

  A003001374 

 Ce second point de l'exercice est un peu long; et pour le prattiquer je vous diray qu'il n'est pas requis que vous le facies tout d'une traitte, mays a plusieurs fois, [343] comme prenant ce qui regarde vostre deportement envers Dieu pour un coup, ce qui vous regarde vous mesme pour l'autre, ce qui concerne le prochain pour l'autre, et la consideration des passions pour le quatriesme.

  A003001374 

 Il est neanmoins requis de faire tout ce second point en trois jours et deux nuitz pour le plus, prenant de chaque jour et de chaque nuit quelque heure, je veux dire quelque tems, selon que vous pourres; car si cet exercice ne se faisoit qu'en des tems fort distans les uns des autres, il perdroit sa force et donneroit des impressions trop lasches.

  A003001374 

 Il n'est pas requis ni expedient que vous facies a genoux, sinon le commencement et la fin qui comprend les affections.

  A003001381 

 Quel est vostre cœur contre le peché mortel? Aves-vous une resolution forte a ne le jamais commettre pour quelque chose qui puisse arriver? et cette resolution a-elle duré des vostre protestation jusques a present? En cette resolution consiste le fondement de la vie spirituelle.

  A003001382 

 Quel est vostre cœur a l'endroit des commandemens de Dieu? Les treuves-vous bons, doux, aggreables? Ha, ma fille, qui a le goust en bon estat et l'estomach sain, il ayme les bonnes viandes et rejette les mauvaises..

  A003001383 

 Quel est vostre cœur a l'endroit des pechés venielz? On ne sçauroit se garder d'en faire quelqu'un par cy par la; mais y en a-il point auquel vous ayes une speciale inclination? et, ce qui seroit le pis, y en a-il point auquel vous ayes affection et amour?.

  A003001384 

 Quel est vostre cœur a l'endroit des exercices spirituelz? Les aymes-vous? les estimes-vous? vous faschent-ilz point? en estes-vous point desgoustee? auquel vous sentes-vous moins ou plus inclinee? Ouïr la parolle de Dieu, la lire, en deviser, mediter, aspirer en Dieu, se confesser, prendre les advis spirituelz, s'apprester a la Communion, se communier, restreindre ses affections: qu'y a-il en cela qui repugne a vostre cœur? Et si vous treuves quelque chose a quoy ce cœur aye moins d'inclination, examines d'ou vient ce desgoust, qu'est-ce qui en est la cause..

  A003001385 

 Il en prend de mesme des [346] ames qui ayment bien Dieu; quoy qu'elles soyent empressees, quand le souvenir de Dieu s'approche d'elles, elles perdent presque contenance a tout le reste, pour l'ayse qu'elles ont de voir ce cher souvenir revenu, et c'est un extremement bon signe..

  A003001385 

 Quel est vostre cœur a l'endroit de Dieu mesme? Vostre cœur se plaist-il a se resouvenir de Dieu? en ressent-il point de douceur aggreable? Ha, dit David, je me suis resouvenu de Dieu et m'en suis delecté.

  A003001385 

 Si le mari d'une femme revient de loin, tout aussi tost que cette femme s'apperçoit de son retour et qu'elle sent sa voix, quoy qu'elle soit embarrassee d'affaires et retenue par quelque violente consideration emmi la presse, si est-ce que son cœur n'est pas retenu, mais abandonne les autres pensees pour penser a ce mari venu.

  A003001386 

 Quel est vostre cœur a l'endroit de Jesus Christ Dieu et homme? Vous plaises-vous autour de luy? Les mouches a miel se plaisent autour de leur miel, et les guespes autour des puanteurs: ainsy les bonnes ames prennent leur contentement autour de Jesus Christ et ont une extreme tendreté d'amour en son endroit; mais les mauvais se plaisent autour des vanités..

  A003001387 

 Quel est vostre cœur a l'endroit de Nostre Dame, des Saintz, de vostre bon Ange? Les aymes-vous fort? aves-vous une speciale confiance en leur bienveillance? leurs images, leurs vies, leurs louanges vous plaisent-elles?.

  A003001390 

 Sçauries-vous remarquer d'avoir quitté quelque affection et renoncé a quelque chose pour Dieu? car c'est un bon signe d'amour de se priver de quelque chose en faveur de celuy qu'on ayme.

  A003001394 

 Comme vous aymes-vous vous mesme? vous aymes-vous point trop pour ce monde? Si cela est, vous desireres de demeurer tous-jours ici, et aures un extreme soin de vous establir en cette terre; mais si vous vous aymes pour le Ciel, vous desireres, au moins acquiesceres aysement de sortir d'ici bas a l'heure qu'il plaira a Nostre Seigneur..

  A003001404 

 Examines bien si vostre cœur est franc en leur endroit, et si vous aves grande contradiction a les aymer.

  A003001404 

 Mais, pour parler en general, quel est vostre cœur a l'endroit du prochain? l'aymes-vous bien cordialement et pour l'amour de Dieu? Pour bien discerner cela, il vous faut bien representer certaines gens ennuyeux et maussades, car c'est la ou on exerce l'amour de Dieu envers le prochain, et beaucoup plus envers ceux qui nous font du mal, ou par effect ou par paroles.

  A003001409 

 J'ay estendu ainsy au long ces pointz, en l'examen desquelz gist la connoissance de l'avancement spirituel qu'on a fait; car quant a l'examen des pechés, cela est pour les confessions de ceux qui ne pensent point a s'avancer.

  A003001416 

 En la tristesse, si elle est trop excessive pour choses vaines..

  A003001417 

 En la joye, si elle est excessive et pour choses indignes..

  A003001418 

 Quelles affections en fin tiennent nostre cœur empesché? quelles passions le possedent? en quoy s'est-il principalement detraqué? Car par les passions de l'ame, on reconnoist son estat en les tastant l'une apres l'autre: d'autant que, comme un joueur de luth pinçant toutes les cordes, celles qu'il treuve dissonnantes il les accorde, ou les tirant ou les laschant, ainsy, apres avoir tasté l'amour, la haine, le desir, la crainte, l'esperance, la tristesse et la joye de nostre ame, si nous les treuvons mal accordantes a l'air que nous voulons sonner, qui est la gloire de Dieu, nous pourrons les accorder, moyennant sa grace et le conseil de nostre pere spirituel.

  A003001435 

 Consideres la noblesse et excellence de vostre ame, qui a un entendement lequel connoist non seulement tout ce monde visible, mais connoist encor qu'il y a des Anges et un Paradis; connoist qu'il y a un Dieu tres souverain, tres bon et ineffable; connoist qu'il y a une eternité, et de plus connoist ce qui est propre pour bien vivre en ce monde visible, pour s'associer aux Anges en [353] Paradis et pour jouir de Dieu eternellement.

  A003001436 

 Voyes vostre cœur comme il est genereux, et que, comme rien ne peut arrester les abeilles de tout ce qui est corrompu, ains s'arrestent seulement sur les fleurs, ainsy vostre cœur ne peut estre en repos qu'en Dieu seul, et nulle creature ne le peut assouvir.

  A003001437 

 Helas, nostre cœur courant aux creatures, il y va avec des empressemens, pensant de pouvoir y accoiser ses desirs; mais si tost qu'il les a rencontrees, il void que c'est a refaire et que rien ne le peut contenter, Dieu ne voulant que nostre cœur treuve aucun lieu sur lequel il puisse reposer, non plus que la colombe sortie de l'arche de Noé, affin qu'il retourne a son Dieu duquel il est sorti.

  A003001438 

 O mon ame, tu es capable de Dieu, malheur a toy si tu te contentes de moins que de Dieu! Esleves fort vostre ame sur cette consideration, remonstres-luy qu'elle est eternelle et digne de l'eternité; enfles-luy le courage pour ce sujet.

  A003001443 

 Des vices, qui n'en a qu'un peu n'est pas content, et qui en a beaucoup est mescontent; mais des vertus, qui n'en a qu'un peu, encor a-il des-ja du contentement, et puis tous-jours plus en avançant.

  A003001443 

 O vie devote, que vous estes belle, douce, aggreable et souëfve: vous adoucisses les tribulations, et rendes souëfves les consolations; sans vous le bien est mal, et les playsirs pleins d'inquietude, troubles et defaillances.

  A003001447 

 Consideres l'exemple des Saintz de toutes sortes: qu'est-ce qu'ilz n'ont pas fait pour aymer Dieu et estre ses devotz? Voyes ces Martyrs invincibles en leurs resolutions, quelz tourmens n'ont-ilz pas souffert pour les maintenir? Mais sur tout, ces belles et florissantes dames, plus blanches que les lys en pureté, plus vermeilles que la rose en charité, les unes a douze, les autres a treize, quinze, vingt et vingt cinq ans, ont souffert mille sortes de martyres, plustost que de renoncer a leur resolution, non seulement en ce qui estoit de la profession de la foy, mais en ce qui estoit de la protestation de la devotion: les unes mourans plustost que de quitter la virginité, les autres plustost que de cesser de servir les affligés, et consoler les tourmentés, et ensevelir les trespassés.

  A003001448 

 Mon Dieu, qu'est ce que dit saint Augustin de sa mere Monique? avec quelle fermeté a-elle poursuivi son entreprinse de [356] servir Dieu en son mariage, en son vefvage! Et saint Hierosme, de sa chere fille Paula? parmi combien de traverses, parmi combien de varietés d'accidens! Mais qu'est-ce que nous ne ferons pas sur des si excellens patrons? Ilz estoyent ce que nous sommes, ilz le faisoyent pour le mesme Dieu, pour les mesmes vertus: pourquoy n'en ferons nous autant, en nostre condition et selon nostre vocation, pour nostre chere resolution et sainte protestation?.

  A003001452 

 Consideres l'amour avec lequel Jesus Christ Nostre Seigneur a tant souffert en ce monde, et particulierement au jardin des Olives et sur le mont de Calvaire: cet amour vous regardoit, et par toutes ces peynes et travaux obtenoit de Dieu le Pere des bonnes resolutions et protestations pour vostre cœur, et par mesme moyen obtenoit encor tout ce qui vous est necessaire pour maintenir, nourrir, fortifier et consommer ces resolutions.

  A003001452 

 O resolution, que vous estes pretieuse estant fille d'une telle mere comme est la Passion de mon Sauveur! o combien mon ame vous doit cherir, puisque vous aves esté si chere a mon Jesus.

  A003001453 

 Voyes-vous, ma Philothee, il est certain que le cœur de nostre cher Jesus voyoit le vostre des Farbre de la Croix et l'aymoit, et par cet amour luy obtenoit tous les biens que vous aurés jamais, et entre autres nos resolutions; ouy, chere Philothee, nous pouvons tous dire comme Hieremie: O Seigneur, avant que je fusse, vous me regardies et m'appellies par mon nom, d'autant que vrayement sa divine Bonté prepara en son amour et misericorde tous les moyens generaux et particuliers de nostre salut, et par consequent nos resolutions.

  A003001454 

 Ah, mon Dieu, que nous devrions profondement mettre ceci en nostre memoire: est il possible que j'aye esté aymee et si doucement aymee de mon Sauveur, qu'il allast penser a moy en particulier, et en toutes ces petites occurrences par lesquelles il m'a tiree a luy? et combien donq devons nous aymer, cherir et bien employer tout cela a nostre utilité.

  A003001454 

 Ceci est bien doux: ce cœur amiable de mon Dieu pensoit en Philothee, l'aymoit et luy procuroit mille moyens de salut, autant comme s'il n'eust point eu d'autre ame au monde en qui il eust pensé, ainsy que le soleil esclairant un endroit [358] de la terre ne l'esclaire pas moins que s'il n'esclairoit point ailleurs et qu'il esclairast cela seul; car tout de mesme Nostre Seigneur pensoit et soignoit pour tous ses chers enfans, en sorte qu'il pensoit a un chacun de nous comme s'il n'eust point pensé a tout le reste.

  A003001454 

 Il m'a aymè, dit saint Paul, et s'est donné pour moy; comme s'il disoit: pour moy seul, tout autant comme s'il n'eust rien fait pour le reste.

  A003001458 

 Et quand commença-il a estre Dieu? Jamais, car il l'a tous-jours esté sans commencement et sans fin, et aussi il vous a tous-jours aymee des l'eternité, c'est pourquoy il vous preparoit les graces et faveurs qu'il vous a faittes.

  A003001469 

 Ce jour que vous aures fait ce renouvellement et les autres suivans, vous deves fort souvent redire de cœur et de bouche ces ardentes paroles de saint Paul, de saint Augustin, de sainte Catherine de Gennes et autres: Non, je ne suis plus mienne, ou que je vive ou que je meure, je suis a mon Sauveur; je n'ay plus de moy ni de mien: mon moy, c'est Jesus, mon mien, c'est d'estre sienne; o monde, vous estes tous-jours vous mesme, et moy j'ay tous-jours esté moy mesme, mais doresnavant je ne seray plus moy mesme.

  A003001474 

 Mais ne voyes vous pas la ruse? S'il falloit faire tous ces exercices tous les jours, a la verité ilz nous occuperoyent du tout, mais il n'est pas requis de les faire sinon en tems et lieu, chacun selon l'occurrence.

  A003001475 

 Il est vray, sans doute, j'ay presupposé cela, et est vray encor que chacun n'a pas le don de l'orayson mentale; mais il est vray aussi que presque chacun le peut avoir, voyre les plus grossiers, pourveu qu'ilz ayent des bons conducteurs et qu'ilz veuillent travailler pour l'acquerir, autant que la chose le merite.

  A003001479 

 Refaites tous les premiers jours du mois la protestation qui est en la premiere Partie, apres la meditation, et a tous momens protestés de la vouloir observer, disant avec David: Non, jamais eternellement je n'oublieray vos justifications, o mon Dieu, car en icelles vous m'aves vivifiee. Et quand vous sentirés quelque detraquement en vostre ame, prenes vostre protestation en main, et prosternee en esprit d'humilité proferes-la de tout vostre cœur, et vous treuverés un grand allegement..

  A003001480 

 Car cette franchise de confesser qu'on veut servir Dieu et qu'on s'est consacré a son amour d'une speciale affection est fort aggreable a sa divine Majesté, qui ne veut point que l'on ait honte de luy ni de sa Croix; et puis, elle coupe chemin a beaucoup de semonces que le monde voudroit faire au contraire, et nous oblige de reputation a la poursuite.

  A003001480 

 Que si quelqu'un vous dit que l'on peut vivre devotement [365] sans la prattique de ces advis et exercices, ne le niés pas, mais respondés amiablement que vostre infirmité est si grande qu'elle requiert plus d'ayde et de secours qu'il n'en faut pas pour les autres..

  A003001481 

 En fin, treschere Philothee, je vous conjure par tout ce qui est de sacré au Ciel et en la terre, par le Baptesme que vous avés receu, par les mammelles que Jesus Christ sucça, par le cœur charitable duquel il vous ayma et par les entrailles de la misericorde en laquelle vous esperés, continues et perseveres en cette bienheureuse entreprise de la vie devote.

  A003001481 

 Nos jours s'escoulent, la mort est a la porte: «La trompette,» dit saint Gregoire Nazianzene, «sonne la retraitte, qu'un chacun se prepare, car le jugement est proche.» La mere de saint Simphorien voyant qu'on le conduisoit au martyre crioit apres luy: «Mon filz, mon filz, souvienne-toy de la vie eternelle, regarde le Ciel et considere Celuy lequel y regne; la fin prochaine terminera bien tost la briefve course de cette vie.» Ma Philothee, vous diray-je de mesme, regardes le Ciel et ne le quittes pas pour la terre; regardes l'enfer, ne vous y jettes pas pour les momens; regardes Jesus Christ, ne le renies pas pour le monde; et quand la peyne de la vie devote vous semblera dure, chantés avec saint François:.

  A003001498 

 Je ne puis, ny veux, ny dois escrire en cette Introduction que ce qui a desja esté publié par nos predecesseurs sur ce sujet: ce sont les mesmes fleurs que je te presente, mon Lecteur: mais le bouquet, que j'en ay fait sera differant des leurs, à raison de la diversité de l'ageancement dont il est façonné..

  A003001499 

 Il est vray que cela est malaysé: et c'est pourquoy je desirerois que plusieurs y employassent leur soin avec plus d'ardeur qu'on n'a pas fait jusques à present, comme tout foible que je suis, je m'essaye par cet escrit, de contribuer quelque secours à ceux qui avec un courageux dessein ont commencé cette entreprise..

  A003001499 

 Mon intention est d'instruire ceux qui vivent és villes, és mesnages, en la cour, et qui par leur condition sont obligez de faire une vie commune quant à l'exterieur, lesquels bien souvent sous le pretexte d'une pretendue impossibilité ne veulent seulement pas penser à l'entreprinse de la vie devote, leur estant advis, que comme nul animal n'ose gouster de la graine de l'herbe nommée Palma Christi, qu'aussi nul ne doit pretendre à la palme de pieté, et devotion, tandis qu'il vit emmy la presse des affaires temporelles: et je leur monstre que comme les meres perles vivent emmy la mer, sans prendre nulle goutte d'eau marine, et que vers les isles Chelidoines il y a des fontaines d'eau bien douce au milieu de la mer, et que les piraustes volent dedans les flammes sans [7*] brusler leurs aisles; ainsi peut une ame genereuse et constante vivre au monde sans recevoir aucune humeur mondaine, treuver des sources d'une douce pieté au milieu des ondes ameres de ce siecle, et voler entre les flammes de tant de convoitises que le monde allume de toutes parts, sans, brusler les aisles des sacrez desirs et sainctes affections de la vie devote.

  A003001501 

 C'est pourquoy tu ne verras rien d'exacte en cecy: ains seulement un amas d'advertissemens de bonne foy, expliquez par des paroles claires, et intelligibles: au moins ay je eu ce dessein, et quant au reste des ornemens du langage je n'y ay pas seulement voulu penser, comme ayant assez d'autres choses à faire.

  A003001503 

 Cest aage est fort bigearre, et je prevois bien que plusieurs [8*] diront qu'il n'appartient qu'aux Religieux et gens de devotion de faire des conduites si particulieres à la pieté, qu'elles requierent plus de loisir que n'en peut avoir un Evesque chargé d'un Diocese si pesant, que cela distrait trop l'entendement qui doit estre employé à choses si importantes..

  A003001504 

 Mais moy, mon cher Lecteur, je te dis avec le grand sainct Denys qu'il appartient principalement aux Evesques de perfectionner les ames, d'autant que leur ordre est le supreme entre les hommes, comme celuy des Seraphins entre les Anges: si que leur loisir ne peut estre mieux destiné qu'à cela.

  A003001505 

 C'est un travail qui delasse, et avive le cœur par la suavité qui en revient à ceux qui l'entreprennent, comme fait le Cinamome ceux qui le portent en l'Arabie heureuse.

  A003001505 

 C'est une peine, je le confesse, que de conduire les ames, en particulier; mais une peine qui soulage, pareille à celle des moissonneurs et vandangeurs, qui ne sont jamais plus contens que d'estre fort embesongnés et chargés.

  A003001505 

 On dit mesme que la tygresse ayant recouvert l'un de ses petits que le chasseur luy laisse sur le chemin pour l'amuser, tandis qu'il emporte le reste de la littee, elle s'en charge pour gros qu'il soit, et pour cela n'en est point plus pesante, ains plus legere à la course qu'elle fait pour le sauver dans sa tasniere, l'amour naturel l'allegeant par ce fardeau.

  A003001506 

 Mais il faut sans doute que ce soit un cœur paternel: et c'est pourquoy les Apostres et hommes apostoliques appellent leurs disciples non seulement leurs enfans, mais encor plus tendrement leurs petits enfans.

  A003001507 

 Au demeurant, mon cher Lecteur, il est vray que j'escris de la vie devote, sans estre devot, mais non pas certes sans desir de le devenir: et c'est cette seule affection qui me pousse à t'en instruire.

  A003001507 

 Car comme disoit un grand homme de lettres, la bonne façon d'apprendre c'est d'estudier, la meilleure c'est d'escouter, et la tres bonne c'est d'enseigner.

  A003001508 

 Or il m'est advis, mon Lecteur mon amy, qu'estant Evesque, Dieu veut, que je peigne sur les cœurs des personnes non seulement les vertus communes, mais encore sa tres-chere et bien aymée devotion: et moy je l'entreprens volontiers, tant pour obéir et faire mon devoir, que pour l'esperance que j'ay que la gravant dans l'esprit des autres, le mien à l'adventure en deviendra saintement amoureux: et si jamais sa divine Majesté me voit vivement espris de ce sainct amour, elle me la donnera en mariage eternel.

  A003001515 

 Ames revesches à la devotion, et qui n'en ayant la practique, vous gabbez de ceux qui s'y baignent; voycy qui est digne d'estre leu pour vous y faire prendre goust.

  A003001528 

 Veu les precedentes Attestations, Nous avons permis d'imprimer le present livre, dans lequel l'Autheur sera trouvé semblable à ce qu'il est en sa vie; ses actions ordinaires estans pleines d'aussi profonde pieté, qu'il l'enseigne en ce livre à autruy.

  A003001535 

 Vous aspirés à la devotion, ma chere Philothee, parce qu'estant Chrestienne vous sçavez que c'est une vertu extremement agreable à la divine Majesté: mais d'autant que les petites fautes que l'on commet au commencement de quelque affaire, s'agrandissent infiniment au progrez, et sont presque irreparables à la fin; il faut avant toute chose que vous sçachiez que c'est que la vertu de devotion: car parce que il n'y en a qu'une vraye, et qu'il y en a une grande quantité de fausses, et vaines, si vous ne cognoissiez quelle est la vraye, vous pourriez vous tromper, et vous amuser à suivre quelque devotion impertinente et superstitieuse..

  A003001536 

 Arelius peignoit toutes les faces des images qu'il faisoit à l'air et ressemblance des femmes qu'il aymoit, et chacun peint la devotion selon sa passion et fantesie: celuy qui est adonné au jeusne, pourveu qu'il jeusne, il se tiendra pour bien devot, quoy [13*] que son cœur soit plein de rancune; et n'osant pas tremper sa langue dedans le vin ny mesme dans l'eau, par sobrieté, ne se feindra point de la plonger dedans le sang du prochain par la medisance et calomnie; un autre s'estimera devot parce que il dit une grande multitude d'oraisons tous les jours; quoy qu'apres cela sa langue se fonde toute en parolles facheuses, arrogantes et injurieuses parmy ses domestiques et voisins: l'autre tire fort volontiers l'aumosne de sa bourse, pour la donner aux pauvres: mais il ne peut tirer la douceur de son cœur, pour pardonner à ses ennemis: l'autre pardonnera à ses ennemis, mais de tenir raison à ses creanciers, jamais qu'à vive force de justice.

  A003001537 

 Bref la devotion n'est autre chose qu'une agilité et vivacité spirituelle: par le moyen de laquelle la charité fait ses actions en nous, ou nous pour elle, promptement et affectionnement: et comme il appartient à la charité de nous faire faire generallement et universellement [14*] tous les commandemens de Dieu: il apartient aussi à la devotion de les nous faire faire promptement et diligemment.

  A003001537 

 C'est pourquoy celuy qui n'observe tous les commandemens de Dieu, ne peut estre estimé ny bon ny devot, puis que pour estre bon il faut avoir la charité, et pour estre devot il faut avoir outre la charité, une grande vivacité et promptitude aux actions charitables..

  A003001537 

 La vraye et vivante devotion, ô Philothée, presuppose l'amour de Dieu, ains elle n'est autre chose qu'un amour de Dieu, mais non pas un amour tel quel: l'amour divin entant qu'il embelit nostre ame il s'apelle grace, nous rendant agreables à sa divine Majesté: entant qu'il nous donne la force d'operer, il s'apelle charité.

  A003001537 

 Mais quand il est parvenu jusques au degré de perfection, auquel il ne nous fait pas seulement operer, mais nous fait operer soigneusement, frequemment et promptement, alors il s'apelle devotion.

  A003001538 

 Car tout ainsi qu'un homme qui est nouvellement guery de quelque maladie, chemine autant qu'il luy est necessaire, mais lentement et pesemment: ainsi le pecheur estant guery de son iniquité, il chemine autant que Dieu le luy commande; pesemment neantmoins, et lentement jusques à tant qu'il ayt atteint à la devotion.

  A003001538 

 En fin la charité et la devotion ne sont plus differentes l'une de l'autre que la flamme du feu: d'autant que la charité estant un feu spirituel, quand elle est fort enflammee elle s'apelle devotion.

  A003001542 

 Mais comme Josue et Caleb protestoient que la terre promise estoit, [15*] non seulement bonne et belle, mais aussi que la possession en seroit douce et agreable: de mesme le Saint Esprit par la bouche de tous les Saints, et nostre Seigneur par la sienne mesme nous asseure que la vie devote est une vie douce, heureuse, et amyable..

  A003001543 

 Les feux, les flammes, les roües, et les espees sembloient des fleurs et des parfuns aux Martyrs, parce que ils estoient devots: que si la devotion peut donner de la douceur aux plus cruels tourmens et à la mort mesme, qu'est ce qu'elle fera pour les actions de vertu?.

  A003001543 

 Regardez les abeilles sur le thin, elles y treuvent un suc fort amer: mais en le sussant elles le convertissent en miel, parce que telle est leur proprieté: ô mondains, les ames devotes treuvent beaucoup d'amertume en leur exercice de mortification: il est vray, mais en les faisant elles les convertissent en douceur et suavité.

  A003001544 

 Or la devotion est le vray sucre spirituel qui oste l'amertume aux mortifications, et la nuisance aux consolations: elle oste le chagrin aux pauvres, et l'empressement aux riches, la desolation à l'opressé et l'insolence au favorisé, la tristesse aux solitaires, et la dissolution à celuy qui est en compagnie: elle sert de feu en hyver et de rosee en esté: elle sçait abonder et souffrir pauvreté: elle rend esgallement utile l'honneur, et le mespris: elle reçoit le plaisir et la douleur avec un cœur presque tousjours semblable, et remplit d'une suavité merveilleuse..

  A003001545 

 Contemplés l'eschelle de Jacob (car c'est le vray pourtrait de la vie devote): les deux costez entre lesquels on monte, et ausquels les eschellons se tiennent, representent l'oraison qui impetre l'amour de Dieu, et les Sacremens qui le conferent: les eschellons ne sont autre chose que les divers degrez de charité, par lesquels l'on va de vertu en vertu, ou descendant par l'action au secours et suport du prochain, ou montant par la contemplation en l'union amoureuse de Dieu.

  A003001545 

 Croyez moy, ma chere Philotee, la devotion est la douceur des douceurs, et la royne des vertus, car c'est la perfection de la charité.

  A003001545 

 Ils ne sont pas jeunes, mais ils le semblent estre, parce qu'ils sont plains de vigueur et agilité spirituelle: ils ont des aisles pour voler, et s'eslancer en Dieu par la [16*] sainte oraison: mais ils ont des pieds aussi pour cheminer avec les hommes par une saincte et amiable conversation: leurs visages sont beaux et guays, d'autant qu'ils reçoivent toutes choses avec douceur et suavité: leurs jambes, leurs bras et leurs testes sont toutes à decouvert, d'autant que leurs pensees, leurs affections et actions n'ont nul dessein ny motif, que de plaire à Dieu: le reste de leurs corps est couvert, mais d'une belle et legere robe, parce qu'ils usent de ce monde et des choses mondaines, mais d'une façon toute pure et sincere, n'en prenant que legerement ce qui est requis pour leur condition: telles sont les personnes devotes.

  A003001545 

 Si la charité est un laict, la devotion en est la cresme: si elle est une plante, la devotion en est la fleur: si elle est une pierre precieuse, la devotion en est l'esclat: si elle est un baume precieux, la devotion en est l'odeur, et odeur de suavité, qui conforte les hommes, et resjouyt les Anges..

  A003001550 

 Non, Philothee, la devotion ne gaste rien quand elle est vraye, ains elle perfectionne tout: et lors qu'elle se rend contraire à la legitime vocation de quelqu'un, elle est sans doubte fausse.

  A003001550 

 Toutes sortes de pierreries jettées dedans le miel en deviennent plus esclatantes, chacune selon sa couleur: et chacun devient plus agreable en sa vocation, la conjoignant à la devotion: le soing de la famille en est rendu paisible: l'amour du mary plus sincere: le service du Prince plus fidelle, et toutes sortes d'occupations plus suaves et amiables..

  A003001551 

 C'est une erreur, ains une heresie de vouloir bannir la vie devote de la compagnie des soldats, de la boutique des artisans, de la Cour des Princes, du mesnage des gens mariez.

  A003001551 

 Il est mesme arrivé que plusieurs ont perdu la perfection en la solitude, qui est neantmoins si desirable pour la perfection, et l'ont conservé parmy la multitude, qui semble si peu favorable à la perfection.

  A003001551 

 Il est vray, Philothee, que la devotion purement contemplative, monastique, et religieuse ne se peut pas exercer en ces vocations: mais aussi, outre ces trois sortes de devotion, il y en a plusieurs autres propres à perfectionner ceux qui vivent és estats seculiers.

  A003001555 

 C'est icy l'advertissement des advertissemens; quoy que vous cherchiez, dit le devot Avila, vous ne trouverés jamais si asseurement la volonté de Dieu, que par le chemin de cette humble obeïssance tant recommandée et pratiquée par tous les anciens devots..

  A003001556 

 L'amy fidelle, dit l'Escriture Sainte, est une forte protection: celuy qui l'a treuvé a treuvé un thresor: l'amy fidelle est un medicament de vie et d'immortalité: et ceux qui craignent Dieu le treuvent.

  A003001557 

 Mais qui treuvera cest amy? le Sage respond: Ceux qui craignent Dieu: c'est à dire les humbles, qui desirent fort leur advencement spirituel.

  A003001558 

 C'est à dire, quand vous l'aurez treuvé, ne le considerez pas comme un simple homme, et ne vous confiés point en luy, ny en son sçavoir humain; mais en Dieu, lequel vous favorisera, et parlera par l'entremise de cest homme, mettant dedans le cœur et dans la bouche d'iceluy ce qui sera requis pour vostre bon-heur.

  A003001563 

 C'est le commancement de nostre santé que d'estre purgé de nos humeurs peccantes..

  A003001563 

 Les fleurs, dit l'Espoux sacré, apparoissent en nostre terre: le temps d'emonder et tailler est venu.

  A003001564 

 L'ame qui remonte du peché à la devotion est comparée à l'aube laquelle s'eslevant ne chasse pas les tenebres en mesme instant, mais petit à petit: la guerison, dit l'aphorisme, qui se fait tout bellement, est tousjours la plus asseurée: les maladies du cœur aussi bien que celles du corps viennent à cheval et en poste, mais elles s'en revont à pied et au petit pas.

  A003001564 

 Mais cette sorte de purgation est toute miraculeuse et extraordinaire en la grace, comme la resurrection des morts en la nature: si que nous ne devons pas y pretendre.

  A003001565 

 Helas quelle pitié est ce des ames, lesquelles se voyans subjetes à plusieurs imperfections, apres s'estre exercées quelques mois en la devotion, commencent à s'inquieter, se troubler et decourager, laissant presque emporter leur cœur à la tentation de tout quitter et retourner en arriere.

  A003001565 

 Il reste doncques seulement qu'elles ne nous facent point perdre le courage; delivre moy Seigneur, disoit David, de la couhardise et decouragement: c'est une heureuse condition pour nous en cette guerre, que tandis que nous combattons nous sommes vaincueurs..

  A003001565 

 Mais aussi de l'autre costé n'est ce pas [21*] un extreme danger aux ames, lesquelles par une tentation contraire se font à croire d'estre purgées de leurs imperfections le premier jour de leur purgation, se tenant pour parfaites avant presque que d'estre faites, et se mettant au vol sans aisles.

  A003001565 

 Or, ce n'est pas leur consentir que de recevoir des incommoditez d'icelles: il faut bien que pour l'exercice de nostre humilité nous soyons quelque fois blessez en cette bataille spirituelle: mais nous ne sommes jamais tenus pour vaincus sinon lors que nous avons perdu ou la vie, ou le courage.

  A003001569 

 La premiere purgation qu'il faut faire, c'est celle du peché: le moyen de la faire c'est le sainct Sacrement de Penitence.

  A003001570 

 Ains il advient maintefois que l'on se va confesser avec une volonté tacite de retourner au peché, d'autant qu'on ne veut pas esviter l'occasion du peché, ny prendre les expedients necessaires à l'amandement de la vie: et en tous ces cas icy la confession generalle est fort requise pour asseurer l'ame.

  A003001570 

 Mais je considere bien aussi qu'elle vous sera extremement utile en ce commancement: c'est pourquoy je vous la conseille.

  A003001574 

 Ainsi il y a des penitens qui sortent en effect du peché, et n'en quittent pas pourtant l'affection: c'est à dire ils proposent de ne plus pecher, mais c'est avec certain contrecœur, qu'ils ont de se priver et abstenir des malheureuses delectations du peché.

  A003001574 

 Car ainsi ces foibles et lasches penitens s'abstiennent pour quelque temps de peché, mais c'est à regret.

  A003001574 

 Tous les Israëlites sortirent en effect de la terre d'Egipte, mais ils n'en sortirent pas tous d'affection: c'est pourquoy emmy le desert plusieurs d'entre eux regrettoient de n'avoir pas les oignons et les chairs d'Egypte.

  A003001574 

 Un homme resolu de se venger, changera de volonté en la confession; mais tost apres on le treuvera parmy ses amis qu'il prend plaisir à parler de sa querelle, disant que si ce n'eut esté la crainte de Dieu, il eut fait cecy et cela, que la loy divine en cet article de pardonner est difficile: que pleust à Dieu, qu'il fut permis de se venger! Ha qui ne voit qu'encor que ce pauvre homme soit hors du peché, il est neantmoins tout embarrassé de l'affection du peché, et qu'estant hors d'Egypte en effect il y est encor en appetit, desirant les aulx et les oignons qu'il y souloit manger: comme fait cette femme, qui ayant detesté ses mauvaises amours se plaist neantmoins d'estre muguettée et environnée.

  A003001579 

 Car tout ainsi que la contrition, pourveu qu'elle soit vraye, pour petite qu'elle soyt estant joincte à la vertu des Sacremens, nous purge suffisemment du peché; de mesme quand elle est grande, et vehemente elle nous purge de toutes les affections qui dependent du peché.

  A003001579 

 Mais si c'est une haine mortelle, et violente, non seulement nous fuyons, et aborrons celuy à qui nous la portons, ains nous avons à degoust, et ne pouvons souffrir la conversation de ses alliez, parens et amis, non pas mesme son image ny chose qui luy apartient: ainsi quand le penitent ne hayt le péché que par une legere quoy que vraye contrition, il se resoult voirement bien de ne plus pecher: mais quand il le hayt d'une contrition puissante, et vigoureuse, non seulement il deteste le peché, ains encor toutes les affections, dependances, et acheminemens [25*] du peché.

  A003001579 

 Or le premier moyen, et fondement de cette seconde purgation, c'est la vive, et forte apprehension du grand mal que le peché nous aporte: par le moyen de laquelle nous entrons en une profonde, et vehemente contrition.

  A003001580 

 Or pour parvenir à cette apprehension, et contrition, il faut que vous vous exerciez soigneusement aux meditations suyvantes, lesquelles estant bien pratiquées deracineront de vostre cœur moyennant la grace de Dieu, le peché, et les principalles affections du peché: aussi les ay je dressées tout à fait pour cest usage: vous les ferez l'une apres l'autre, selon que je les ay marquées, n'en prenant qu'une pour chasque jour, laquelle vous ferez le matin s'il est possible, qui est le temps le plus propre pour toutes les actions de l'esprit..

  A003001591 

 Considerez l'estre que Dieu vous a donné, car c'est le premier estre du monde visible, capable de vivre eternellement, et de s'unir parfaitement à sa divine Majesté..

  A003001595 

 Qu'est ce que je feray jamais, pour dignement benir vostre saint nom, et remercier vostre immense bonté?.

  A003001599 

 O mon ame sçache que le Seigneur est ton Dieu: c'est luy qui t'a fait, et tu ne t'es pas faitte toy mesme.

  A003001620 

 Helas, ce direz vous, que pensois je, ô mon Dieu, quand je ne pensois point en vous? dequoy me resouvenois je quand je vous oubliois? qu'aimois je quand je ne vous aymois pas? helas je me devois repaistre de la verité, et je me remplissois de la vanité, et servois le monde qui n'est fait que pour me servir.

  A003001643 

 O que mon Dieu est bon en mon endroict! ô qu'il est bon! ô que vostre cœur, Seigneur, est riche en misericorde et liberal en debonnaireté! ô mon ame racontons à jamais combien de graces il nous a faites.

  A003001644 

 Mais que suis je, Seigneur, que vous ayez eu memoire de moy? O que mon indignité est grande! helas j'ay foulé aux pieds vos benefices, ay deshonoré vos graces, convertissant en abus, et mespris vostre souveraine bonté: j'ay opposé l'abisme de mon ingratitude à l'abisme de vostre faveur et grace..

  A003001663 

 Considerez à part le peché d'ingratitude envers Dieu, qui est un peché general qui s'espanche par tous les autres, et les rend infiniment plus enormes: voyez donques combien de benefices Dieu vous a fait, et que de tous vous avez abusé contre le donateur; singulierement combien d'inspirations mesprisées, combien de bons mouvemens rendus inutiles.

  A003001666 

 Est il possible que j'aye esté si desloyalle que je n'aye laissé pas un seul de mes sens, pas une des puissances de mon ame que je n'aye gasté, violé et souillé? et que pas un jour de ma vie ne se soit escoulé auquel je n'aye produit de si mauvais effects? est ce ainsi que je devois contrechanger les benefices de mon Createur, et le sang de mon Redempteur? [32*].

  A003001686 

 Quand sera ce? sera ce en hyver ou en esté? en la ville ou au village? de jour ou de nuict? Sera ce [33*] à l'impourveu ou avec advertissement? Sera ce de maladie ou d'accident? Aurez vous le loisir de vous confesser ou non? Serez vous assistée de vostre Confesseur et pere spirituel, ou non? Helas de tout cela nous n'en sçavons rien du tout: seulement cela est asseuré que nous mourrons et tousjours plus tost que nous ne pensons..

  A003001689 

 Dieu luy face paix, dira-on, et puis c'est tout.

  A003001713 

 Allez, dit-il (c'est un mot d'abandonnement perpetuel, que Dieu faict de tels mal heureux, les bannissant pour jamais de sa face).

  A003001713 

 Considerez la derniere sentence des mauvaises ames: Allez maudites au feu eternel, qui est preparé au Diable et à ses compagnons.

  A003001714 

 Considerez la sentence contraire des bons: Venez, dit le Juge, (ah c'est le mot agreable de salut par lequel Dieu nous tire à soy, et nous reçoit dans le giron de sa bonté) benis de mon Pere: ô chere benediction, qui comprend toute benediction! possedez le Royaume qui vous est preparé, dés la constitution du monde: ô Dieu, quelle grace? car ce Royaume n'aura jamais fin..

  A003001736 

 Outre tous ces tourmens, il y en a encor un plus grand, qui est la privation et perte de la gloire de Dieu, lequel ils sont forclos de jamais voir.

  A003001752 

 O que ce lieu est desirable et amiable! Que cete Cité est precieuse..

  A003001752 

 Or joignez maintenant cette beauté avec celle d'un beau jour: en sorte que la clarté du Soleil n'empesche point la claire veüe des estoilles ny de la lune; et puis apres dittes hardiment que toute cette beauté mise ensemble n'est rien au prix de l'excellence du grand Paradis.

  A003001753 

 Considerez la noblesse, la beauté et la multitude des citoyens de cette ville là, des habitans de cest heureux païs; ces millions de millions d'Anges, de Cherubins, et Seraphins, cette troupe d'Apostres, de Martyrs, de Confesseurs, de Vierges, de Saintes Dames, la multitude est innumerable.

  A003001753 

 O que cette compagnie est heureuse! le moindre de tous est plus beau à voir que tout ce monde, que sera-ce de les voir tous? Mais mon Dieu, qu'ils sont heureux! Tousjours ils chantent le doux cantique de l'amour eternel, tousjours ils jouissent d'une constante allegresse: ils s'entre-donnent les uns aux autres des contentemens indicibles, et vivent en la consolation d'une heureuse, et indissoluble societé..

  A003001759 

 O puis qu'il vous a pieu, mon bon, et souverain Seigneur, redresser mes pas en vos voyes, non jamais plus je ne retourneray en derriere: allons, ô ma chere ame, allons en ce repos infini: cheminons à cette benite terre qui nous est promise: que faisons nous en cet Egypte?.

  A003001775 

 Considerez qu'il est tres vray que vous estes au milieu du Paradis, et de l'enfer, et que l'un, et l'autre est ouvert pour vous recevoir selon le choix que vous en ferez..

  A003001777 

 Et encor que l'un, et l'autre soit ouvert pour vous recevoir selon que vous le choisirez, si est ce que Dieu qui est appareillé de vous donner, ou l'un par sa justice, ou l'autre par sa misericorde, desire neantmoins d'un desir nompareil que vous choisissiez le Paradis, et que vostre bon Ange vous en presse de tout son pouvoir, vous offrant de la part de Dieu mille graces, et mille secours pour vous ayder à la montee..

  A003001778 

 Voyez saint Louys, qui vous exhorte, et un million de sainctes Dames qui vous convient doucement, desirans de voir un jour vostre cœur joinct au leur pour loüer Dieu à jamais: et vous asseurent que le chemin du Ciel n'est point si mal aysé que le monde le fait: Hardiment, vous disent elles, hardiment, [40*] treschere sœur.

  A003001809 

 C'est pourquoy je vous presente une simple et briefve methode de [43*] pratiquer, en attendant que par la lecture de plusieurs beaux livres qui ont estez composez sur ce sujet, et sur tout par l'usage vous en puissiez estre plus amplement instruite..

  A003001809 

 Ces Meditations sont propres pour vous conduire à une vraye contrition: mais vous ne sçavez peut estre pas, ô Philothee, comme il faut faire l'exercice de la saincte Meditation: car c'est une chose, laquelle par malheur peu de gens sçavent en nostre aage.

  A003001810 

 Je vous ay premierement marqué la preparation laquelle consiste en deux poincts: dont le premier est de se mettre en la presence de Dieu, et le second d'invoquer son assistance.

  A003001811 

 Ce fut l'apprehension de David quand il s'escrioit: Si je monte au Ciel, ô mon Dieu, vous y estes; si je descends en enfer vous y estes: et ainsi nous devons user des parolles de Jacob, lequel ayant veu l'eschelle sacree: ô que ce lieu, dit il, est redoutable; vrayement Dieu est icy, et je n'en sçavois rien: il veut dire qu'il n'y pensoit pas, car au reste il ne pouvoit ignorer que Dieu ne fut en tout, et par tout.

  A003001811 

 Helas Philothee, nous ne voyons pas Dieu qui nous est present: et bien que la foy nous advertisse de sa presence, si est ce que ne le voyans pas de nos yeux, nous nous en oublions bien souvent, et lors nous nous comportons comme si Dieu estoit bien loing de nous: car encor que nous sçachions bien qu'il est present à toutes choses, si est ce que n'y pensant point, c'est tout autant comme si nous ne le sçavions pas: c'est pourquoy tousjours avant l'oraison, il faut provoquer nostre ame à une atentive pensee, et consideration de cette presence de Dieu.

  A003001811 

 Le premier gist en une vive, et attentive aprehension de la toute-puissance de Dieu; c'est à dire que Dieu est en tout, et par tout, et qu'il n'y a lieu ny chose au monde où il ne soit, d'une tres veritable presence: de sorte que comme les oyseaux où qu'ils volent rencontrent tousjours l'air, ainsi où que nous allions, où que nous soyons nous trouvons Dieu present: chacun sçait cette verité, mais chacun n'est pas attentif à l'apprehender.

  A003001811 

 Les aveugles ne voyant pas un Prince qui leur est present, ne laissent pas de se maintenir en respect, s'ils sont advertis de sa presence: mais la verité est que parce que ils ne le voyent pas, ils s'oublient aysement qu'il soit present, et s'en estans oubliez ils perdent encore plus aysement le respect, et la reverence.

  A003001811 

 Venant doncques à la priere, ô Philothee, il vous faut dire de tout vostre cœur, et à vostre cœur, ô mon cœur Dieu est vrayement icy..

  A003001812 

 En la consideration donques de cette verité, vous exciterez une grande reverence en vostre cœur à l'endroit de Dieu, qui luy est si intimement present..

  A003001812 

 Le second moyen de se mettre en cette sacrée presence, c'est de penser, que non seulement Dieu est au lieu où vous estes, mais qu'il est tres particulierement en vostre cœur, et au fond de vostre esprit, lequel il vivifie, et anime de sa divine presence, estant là comme le cœur de vostre cœur, et l'esprit de vostre esprit: car comme l'ame est respandue par tout le corps, se trouvant presente [44*] en toutes les parties d'iceluy, et reside neantmoins au cœur d'une specialle residence: de mesme Dieu estant tres present à toutes choses, assiste toutefois d'une specialle façon à nostre esprit: et pour cela David appelloit Dieu, Dieu de son cœur, et sainct Paul disoit que nous vivons, nous nous mouvons, et sommes en Dieu.

  A003001813 

 Car encor que nous le voyons pas, si est ce que de là haut il nous considere.

  A003001813 

 Le troisiesme moyen c'est de considerer nostre Sauveur lequel en son humanité regarde dés le Ciel toutes les personnes du monde, mais particulierement les Chrestiens qui sont ses enfans, et plus specialement ceux qui sont en priere, desquels il remarque les actions et deportemens: or cecy n'est pas une simple imagination, mais une vraye verité.

  A003001813 

 S. Estienne le vist ainsi au temps de son martyre: si que nous pouvons bien dire avec l'Espouse: Le voilà qu'il est derriere la paroy, voyant par les fenestres, regardant par les treillis..

  A003001821 

 Apres ces deux poincts ordinaires de la meditation, il en y a un troisiesme qui n'est pas commun à toutes sortes de meditations.

  A003001821 

 C'est celuy que les uns appellent fabrication du lieu, et les autres leçon interieure.

  A003001821 

 Comme aussi à celle de l'enfer, et en tous semblables mysteres où il s'agit de choses visibles, et sensibles: car quant aux autres mysteres de la grandeur de Dieu, de l'excellence des vertus, de la fin pour laquelle nous sommes crées, qui sont des choses invisibles, il n'est pas question de vouloir se servir de cette sorte d'imagination.

  A003001821 

 Il est vray que l'on peut bien employer quelque similitude et comparaison pour ayder la consideration: mais cela est plus difficile à rencontrer, et je ne veux traitter avec vous que fort simplement, et en sorte que vostre esprit ne soit pas beaucoup travaillé à faire des inventions.

  A003001821 

 Mais cela est trop subtil [47*] pour le commencement: et jusques à ce que Dieu vous esleve plus haut, je vous conseille, ô Philothee, de vous tenir en la basse vallee que je vous ay monstree..

  A003001821 

 Or ce n'est autre chose, que de proposer à son imagination le corps du mystere que l'on veut mediter, comme s'il se passoit reellement, et de fait en nostre presence.

  A003001821 

 Ou si vous voulez (car c'est tout un) vous vous imaginerez qu'au lieu mesme où vous estes se fait le crucifiement de nostre Seigneur, en la façon que les Evangelistes le descrivent.

  A003001821 

 Quelques uns vous diront neantmoins qu'il est mieux d'user de la simple pensee de la foy, et d'une simple apprehension toute mentale, et spirituelle en la representation de ces mysteres, ou bien de considerer que les choses se font en nostre propre esprit.

  A003001825 

 Apres l'action de l'imagination s'ensuit l'action de l'entendement que nous appelions meditation, qui n'est autre chose qu'une ou plusieurs considerations faites afin d'esmouvoir nos affections en Dieu, et aux choses divines: en quoy la meditation est differente de l'estude, et des autres pensees, et considerations, lesquelles ne se font pas pour acquerir la vertu ou l'amour de Dieu, mais pour quelques autres fins, et intentions.

  A003001825 

 Ayant doncques enfermé vostre esprit, comme j'ay dit, dans l'enclos du sujet que vous voulez mediter, ou par imaginations, si le sujet est sensible, ou par la simple proposition, s'il est insensible, vous commencerez à faire sur iceluy des considerations, dont vous verrez des exemples tous formez es meditations, que je vous ay données.

  A003001829 

 C'est cela que nous avons appellé affections.

  A003001833 

 Or je dis maintenant que cela est peu de chose, si vous n'y adjoustez une resolution specialle en cette sorte: or sus doncques je ne me picqueray plus des parolles facheuses, [49*] qu'un tel, et une telle, mon voisin ou ma voisine, mon domestique, ou ma domestique disent de moy, ny de tel et tel mespris qui m'est fait par cestuy cy ou cestuy là: au contraire je diray, et feray telle, et telle chose pour le gaigner, et adoucir, et ainsi des autres affections.

  A003001837 

 En fin il faut conclure la meditation par ces trois actions qu'il faut faire avec le plus d'humilité que l'on peut: dont la premiere c'est l'action de graces, remerciant Dieu des affections, et resolutions qu'il nous a données, et de sa bonté, et misericorde que nous aurons decouvertes au mystere de la meditation; la seconde c'est l'action d'offrande, par laquelle nous offrons à Dieu sa mesme bonté, et misericorde, la mort, le sang, les vertus de son Fils: et conjointement nos affections, et resolutions: et la troisiesme action est celle de la supplication, par laquelle nous demandons à Dieu, et le conjurons de nous communiquer les graces, et vertus de son Fils, et de donner sa benediction à nos affections et resolutions, afin que nous les puissions bien fidellement executer: nous prions de mesme pour l'Eglise, pour nos pasteurs, parens, amis, et autres, employans à mesme intention l'intercession de nostre Dame, des Anges, des Saincts: en fin j'ay marqué qu'il falloit dire le Pater noster et Ave Maria..

  A003001842 

 C'est le grand fruit de la meditation sans lequel elle est bien souvent, non seulement inutile mais nuisible, parce que les vertus meditées, et non pratiquées enflent bien souvent l'esprit, et le courage: nous estant bien advis que nous sommes tels que nous avons resolu, et deliberé d'estre: ce qui est sans doute veritable, quand les resolutions sont vives, et solides, mais elles ne sont pas telles, si elles ne sont pratiquees, ains sont vaines, et dangereuses.

  A003001843 

 Je veux dire, un Advocat doit sçavoir passer de l'oraison à la plaidoirie: le marchand au trafic: la femme mariée au devoir de son mariage, et au tracas de son mesnage, avec tant de douceur et de tranquillité, que pour cela son esprit n'en soit point troublé: car puis que l'un, et l'autre est selon la volonté de Dieu, il faut faire le passage de l'un à l'autre en esprit d'humilité, et de devotion..

  A003001844 

 Car bien que pour l'ordinaire la consideration doit preceder les affections et resolutions, si est ce que le Sainct Esprit vous donnant les affections avant la consideration, vous ne devez pas rechercher la consideration, puis qu'elle ne se fait que pour esmouvoir l'affection.

  A003001844 

 Et quoy que j'aye mis les affections apres toutes les considerations, je ne l'ay fait que pour mieux distinguer les parties de l'Oraison: car au demeurant c'est une regle generalle qu'il ne faut jamais retenir les affections, ains les laisser tousjours sortir quant elles se presentent.

  A003001845 

 Emmy les affections et resolutions, il est bon d'user de colloque, et parler tantost à nostre Seigneur, tantost aux Anges, et aux personnes representees au mystere, aux Saints, à soy mesme, à son cœur, aux pecheurs, et mesmes aux creatures insensibles, comme l'on void que David fait en ses Pseaumes, et les autres Saincts en leurs meditations, et oraisons..

  A003001849 

 Mais quand il ne le feroit pas, ô Philothee, contentons nous que ce nous est honneur trop plus grand d'estre aupres de luy, et à sa veüe.

  A003001853 

 Le peché n'est honteux que quand nous le faisons: mais estant converty en confession, et penitence, il est honorable, et salutaire.

  A003001853 

 Le scorpion qui nous a piquez, est veneneux en nous piquant, mais estant reduit en huile c'est un grand medicament contre sa propre piqueure.

  A003001853 

 Si nous sommes bien humbles, Philothee, nostre peché nous deplaira infiniment, parce que Dieu en a esté offencé: mais l'acusation de nostre peché nous sera douce et agreable, parce que Dieu en est honoré: ce nous est une sorte d'allegement de bien dire au medecin le mal qui nous tourmente..

  A003001854 

 Quand vous serez arrivée devant vostre Pere spirituel, imaginez vous que vous estes en la montagne de Calvaire sous les pieds de Jesus-Christ crucifié, duquel le sang precieux distille de toutes parts pour vous laver de vos iniquitez: car bien que ce ne soit pas le propre sang du Sauveur, c'est neantmoins le merite de ce sang respandu, qui arrouse abondamment les penitens au tour des confessionnaux.

  A003001855 

 Et cela fait, escoutez l'advertissement, et les ordonnances du serviteur de Dieu, et dittes en vostre cœur: Parlez, Seigneur, car vostre servante vous escoute: c'est Dieu, Philothee, que vous escoutez, puis qu'il a dit à ses [54*] Vicaires: Celuy qui vous escoute m'escoute.

  A003001859 

 Apres avoir encor consideré qu'au jour de mon sacré baptesme je fus si heureusement, et saintement vouée, et dediée à mon Dieu, pour estre sa fille: et que contre la profession qui fut alors faitte en mon nom j'ay tant et tant de fois, si malheureusement, et detestablement profané, et violé mon esprit, l'apliquant, et employant contre la divine Majesté: en fin revenant maintenant à moy mesme, prosternee de cœur et d'esprit devant le trosne de la justice divine, je me recognois, advoüe, et confesse pour legitimement atteinte, et convaincue du crime de leze majesté divine, et coulpable de la mort, et passion de Jesus Christ, à raison des pechez que j'ay commis, pour lesquels il est mort, et a souffert le tourment de la croix, dont je suis digne par consequent d'estre à jamais perdue, et damnée..

  A003001861 

 Mais helas si par suggestion de l'ennemy, ou par quelque infirmité humaine, il m'arrivoit de contrevenir en chose quelconque à ceste mienne resolution et consecration, je proteste dés maintenant et me propose, moyennant la grace du Sainct Esprit, de m'en relever, si tost que je m'en appercevray, me convertissant derechef à la misericorde divine, sans retardation ny dilation quelconque: cecy est ma volonté, mon intention et ma resolution inviolable et irrevocable, laquelle j'advouë et confirme sans reserve ny exception, en la mesme presence sacree de mon Dieu, à la veuë de l'Eglise triomphante, et en la face de l'Eglise militante ma mere, qui entend ceste mienne declaration, en la personne de celuy qui comme officier d'icelle m'escoute en cette action.

  A003001871 

 O Philothee, tout cela n'est qu'un sot et vain babil: ces gens n'ont nul soing ny de vostre santé, ny de vos affaires.

  A003001871 

 Qui ne voit que le monde est un juge inique, gracieux et favorable pour ses enfans, mais aspre et rigoureux aux enfans de Dieu..

  A003001871 

 Si vous estiez du monde, dit le Sauveur, le monde aimeroit ce qui est sien: mais [59*] parce que vous n'estes pas du monde, par tant il vous hayt.

  A003001872 

 Il aggrandit nos imperfections, et publie que ce sont des pechez: de nos pechez veniels, il en fait des mortelz, et nos pechez d'infirmité, il les convertit en pechez de malice: en lieu que, comme dit S. Paul, la charité est benigne, au contraire le monde est malin: en lieu que la charité ne pense point de mal, au contraire le monde pense tousjours mal: et quand il ne peut accuser nos actions, il accuse nos intentions.

  A003001872 

 Il n'est pas possible que nous le contentions, car il est trop bigearre.

  A003001872 

 Jean est venu, dit le Sauveur, ne mangeant ny beuvant, et vous dites qu'il est endiablé: le Fils de l'homme est venu en mangeant et beuvant, et vous dites qu'il est Samaritain! Il est vray, Philothee, si nous nous relaschons par condescendance, à rire, joüer, ou dancer avec le monde, il s'en scandalisera: si nous ne le faisons pas, il nous accusera d'hypocrisie ou melancolie; si nous nous parons, il l'interpretera à quelque dessein: si nous nous demettons, ce sera pour luy vileté de cœur; nos gayetez seront par luy nommées dissolutions, et nos mortifications tristesses, et nous regardant ainsi de mauvais œil, jamais nous ne pouvons luy estre agreables.

  A003001873 

 Si nous sommes longuement devant le Confesseur, il admirera que c'est que nous pouvons tant dire: si nous y sommes peu, il dira que nous ne disons pas tout: il espiera tous nos mouvemens, et pour une petite parolle de cholere, il protestera que nous sommes insupportables: le soing de nos affaires luy semblera avarice, et nostre douceur privauté: et quant aux enfans du monde, leurs coleres sont generositez, leurs avarices mesnages, leurs privautez [60*] entretiens honnorables: les haragnes gastent tousjours l'ouvrage des abeilles..

  A003001874 

 Ainsi l'hipocrisie et la vraye vertu ont beaucoup de similitude en l'exterieur: mais on reconnoist aisement l'une d'avec l'autre, parce que l'hipocrisie n'a point de durée, et se dissipe comme la fumee en montant: mais la vraye vertu est tousjours ferme et constante.

  A003001874 

 Ce ne nous est pas une petite commodité pour bien asseurer le commencement de nostre devotion, que d'en recevoir de l'opprobre et de la calomnie; car nous esvitons par ce moyen le peril de la vanité et de l'orgueil, qui sont comme les sages femmes d'Egypte, ausquelles le Pharaon infernal a ordonné de tuer les enfans masles d'Israël, le jour mesme de leur naissance.

  A003001874 

 Qu'il crie tant qu'il voudra comme un chat-huan pour inquieter les oyseaux du jour: soyons fermes en nos desseins, invariables en nos resolutions: la perseverance fera bien voir si c'est à certes et tout de bon que nous sommes crucifiez à Dieu, et rengez à la vie devote.

  A003001878 

 C'est qu'un seul jour de devotion vaut mieux que mille annees de la vie mondaine..

  A003001878 

 Si cela vous arrive, ayez un peu de patience, je vous prie, car ce ne sera rien: ce n'est qu'un peu d'estonnement que la nouveauté vous apporte: passé cela vous recevrez dix mille consolations.

  A003001879 

 Il est vray, nous sommes encores comme des petits mouchons en la devotion: nous ne sçaurions monter selon nostre dessein, qui n'est rien moindre que d'atteindre à la cime de la perfection Chrestienne.

  A003001879 

 Mais vous voyez que la montagne de la perfection Chrestienne est extremement haute: hé mon Dieu, ce dites vous, comme y pourray-je monter? Courage, Philothee, quand les petits mouchons des abeilles commencent à prendre forme on les appelle nymphes: et lors ils ne sçauroient encor voler sur les fleurs, ny sur les monts, ny sur les collines voisines, pour amasser le miel: mais petit à petit se nourrissans du miel que leurs meres ont preparé, ces petits nymphes prenent des aisles et se fortifient, en sorte que par apres ils volent à la queste par tout le paysage.

  A003001884 

 Or l'un est bien differant de l'autre: car nous ne pouvons estre jamais du tout purs des pechez veniels, au moins pour persister long temps en cette pureté, mais nous pouvons bien n'avoir aucune affection aux pechez veniels.

  A003001884 

 Par exemple, c'est autre chose de mentir une fois ou deux de gayeté de cœur en chose de peu d'importance, et autre chose de se plaire à mentir, et d'estre affectionnée à cette sorte de peché..

  A003001885 

 Car aussi seroit-ce une lacheté trop grande de vouloir tout à nostre escient, garder en nostre conscience une chose si deplaisante à Dieu, comme est la volonté de luy vouloir desplaire.

  A003001885 

 Et je dis maintenant qu'il faut purger son ame de toutes les affections qu'elle a aux pechez veniels: c'est à dire qu'il ne faut point nourrir volontairement la volonté de continuer et perseverer en aucune sorte de peché veniel.

  A003001885 

 Que si le peché veniel luy deplait, la volonté, et l'affection que l'on a au peché veniel n'est autre chose qu'une resolution de vouloir deplaire à sa divine [63*] Majesté; est il bien possible qu'une ame bien née vueille non seulement deplaire à son Dieu, mais affectionner de luy deplaire?.

  A003001886 

 Mais si ces mesmes pechez demeurent dans l'ame par l'affection qu'elle y met, ils luy font perdre sans doute la suavité de l'onguent, c'est à dire la sainte devotion..

  A003001887 

 Ce n'est rien, Philothee, que de dire quelque petit mensonge, de se deregler un peu en parolles, en actions, en regards, en habits, en jolietez, en jeux, en dances: pourveu que tout aussi tost que ces haragnes spirituelles sont entrées en nostre conscience nous les en rechassions, et bannissions, comme les mouches à miel font les haragnes corporelles.

  A003001891 

 C'est dommage de semer en la terre de nostre cœur des affections si vaines, et sottes: cela occupe le lieu des bonnes impressions, et empesche que le suc de nostre ame ne soit employé és bonnes inclinations..

  A003001891 

 Ce n'est pas mal de le faire, mais ouy bien de s'y affectionner.

  A003001891 

 Je dis donques, Philothee, qu'encor qu'il soit loisible de jouer, dancer, se parer, ouïr des honnestes comedies, banqueter: si est ce que d'avoir de l'affection à cela, c'est chose contraire à la devotion, et extremement nuisible, et perilleuse.

  A003001891 

 Mais tousjours ces choses là sont dangereuses, et de s'y affectionner, cela est encor plus dangereux.

  A003001892 

 Mais n'est ce pas une chose ridicule, ains plustost lamentable, de voir des hommes faits s'empresser et affectionner apres des bagatelles si indignes, comme sont les choses que j'ay nommées, lesquelles, outre leur inutilité, nous mettent en peril de nous [65*] deresgler et desordonner à leur poursuitte? C'est pourquoy, ma chere Philothee, je vous dis qu'il se faut purger de ces affections: et bien que les actes ne soient pas tousjours contraires à la devotion, les affections neantmoins luy sont tousjours dommageables..

  A003001896 

 On a bien treuvé le moyen de changer les amendiers amers en amendiers doux, en les perçant seulement au pied pour en faire sortir le suc; pourquoy est ce que nous ne pourrons pas faire sortir nos inclinations perverses pour devenir meilleurs? Il n'y a point de si bon naturel qui ne puisse estre rendu mauvais par les habitudes vicieuses.

  A003001896 

 Or quoy qu'elles soient comme propres et naturelles à un chacun, si est ce que par le soing et affection contraire on les peut corriger et moderer: et mesme on peut s'en delivrer et purger: et je vous dis, Philothee, qu'il le faut faire.

  A003001900 

 Il n'y a rien qui purge tant nostre entendement de ses ignorances et nostre volonté de ses affections depravées, c'est l'eau de benediction qui par son arrousement fait reverdir et fleurir les plantes de nos bons desirs, lave nostre ame de ses imperfections, et desaltere nos cœurs de leurs passions..

  A003001901 

 Mais sur tout je vous conseille la mentale et cordiale, et particulierement celle qui se fait autour de la vie et passion de nostre Seigneur; en la regardant souvent par la meditation, toute vostre ame se remplira de luy, vous apprendrez ses contenances, et formerez vos actions au modelle des siennes: il est la lumiere du monde: c'est doncques en luy, par luy, et pour luy que nous devons estre esclairez et illuminez: c'est l'arbre de desir, à l'ombre duquel nous nous devons rafraischir: c'est la vive fontaine de Jacob pour le lavement de toutes nos soüilleures.

  A003001904 

 Je veux dire qu'il faut garder s'il est possible un peu de silence, et remuer tout doucement vostre cœur de l'oraison aux affaires, retenant le plus long temps qu'il vous sera possible le sentiment et les affections que vous aurez conceuës.

  A003001906 

 Le chapelet est une tres-utile maniere de prier, pourveu que vous le sçachiez dire comme il convient: et pour ce faire ayez quelqu'un des petits livrets qui enseignent la façon de le reciter..

  A003001907 

 Il est bon aussi de dire les Letanies de nostre Seigneur, de nostre Dame, et des Saincts, et toutes les autres prieres vocales qui sont dedans les Manuels et Heures approuvées; à la charge neantmoins que si vous avez le don de l'oraison mentale, vous luy gardiez tousjours la principale place.

  A003001908 

 Si faisant l'oraison vocale, vous sentez vostre cœur tiré et convié à l'oraison interieure ou mentale, ne refusez point d'y aller; mais laissez tout doucement couler vostre esprit de ce costé là, et [69*] ne vous souciez point de n'avoir pas achevé les oraisons vocales que vous vous estiez proposées; car la mentale que vous aurez faite en leur place est plus agreable à Dieu, et plus utile à vostre ame.

  A003001914 

 Outre ceste oraison mentale entiere et formée, et les autres oraisons vocales que vous devez faire une fois le jour, il y a cinq autres sortes d'oraisons plus courtes, et qui sont comme adjancements et surjons de l'autre grande oraison: entre lesquelles la premiere est celle qui se fait le matin comme une preparation à toutes les œuvres de la journée: or vous la ferez en ceste sorte.

  A003001916 

 Voyez que le jour present vous est donné, afin qu'en iceluy vous puissiez gaigner le jour advenir de l'eternité: et ferez un ferme propos de bien employer la journée à ceste intention..

  A003001918 

 O Seigneur, voila ce pauvre et miserable cœur, qui par vostre bonté a conceu plusieurs bonnes affections; mais helas il est trop foible, et chetif pour effectuer le bien qu'il desire, si vous ne luy departez vostre celeste benediction, laquelle à cette intention je vous requiers, ô Pere debonnaire, par le meritede la passion de vostre Fils, à l'honneur duquel je consacre cette journée, et le reste de ma vie.

  A003001919 

 Mais toutes ces actions spirituelles se doivent faire briefvement et [71*] vivement, devant que l'on sorte de la chambre, s'il est possible: affin que par le moyen de cest exercice tout ce que vous ferez le long de la journée soit arrousé de la benediction de Dieu: mais je vous prie, Philothee, de n'y manquer jamais..

  A003001924 

 On examine comme on s'est comporté en toutes les heures du jour: et pour faire cela plus aysement on considere, où, avec qui, et en quelles occupations on a esté: si l'on treuve d'avoir fait quelque bien on en fait action de graces à Dieu: si au contraire l'on a fait quelque mal en pensees, en parolles, ou en œuvres on en demande pardon à sa divine Majesté, avec resolution de s'en confessera la premiere occasion, et de s'en amender soigneusement: apres cela on recommande à la providence divine, son corps, son [72*] ame, l'Eglise, les parens, les amis.

  A003001928 

 C'est icy, ma chere Philothee, où je vous souhaite fort affectionnée à suivre mon conseil, car en cest article consiste l'un des plus asseurez moyens de vostre advancement spirituel..

  A003001929 

 O Dieu, ce direz vous, pourquoy ne vous regarde je tousjours, comme tousjours vous me regardez? pourquoy pensez vous en moy si souvent, mon Seigneur, et pourquoy pense je si peu souvent en vous? où sommes nous ô mon ame? nostre vraye place c'est Dieu, et ou est ce que nous nous trouvons?.

  A003001931 

 O Philothee, nostre esprit, s'adonnant à la hantise, privauté, et familiarité de son Dieu, il se parfumera tout de ses perfections: et si cest exercice n'est point malaisé; car il se peut entrelasser à toutes nos affaires et occupations, sans nullement les incommoder: d'autant que, soit en la retraitte spirituelle, soit aux eslancemens interieurs on ne fait que des petites, et courtes diversions, qui n'empeschent nullement, ains servent de beaucoup à la poursuitte de ce que nous faisons.

  A003001932 

 Il est vray qu'il y a de [74*] certains mots qui ont une force particuliere pour contanter le cœur en cet endroit, comme sont les eslancemens semez si dru dedans les Pseaumes de David, et les invocations diverses du nom de Jesus, avec les traits d'amour qui sont imprimez au Cantique des Cantiques.

  A003001934 

 C'est une belle fleur, dit ce sainct personnage, que la rose, mais elle me donne une [75*] grande tristesse m'advertissant de mon peché pour lequel la terre a esté condamnée de porter les espines.

  A003001934 

 Je ne puis me contenir de dire la pensee du grand sainct Basile, lequel considerant la rose emmy les espines, dit qu'elle parle aux hommes, leur faisant cette remonstrance: Ce qui est de plus agreable en ce monde, ô mortels, est meslé de tristesse: rien n'y est pur, le regret est tousjours collé à l'alegresse, la viduité au mariage, le soing à la fertilité, l'ignominie à la gloire, la despance aux honneurs, le degoust aux delices, et la maladie à la santé.

  A003001934 

 L'autre voyant un fleuve flotter: ô Dieu, dit il, ces eaux n'auront jamais repos qu'elles ne soyent abismées dedans la mer d'où elles sont sorties; mais ny mon cœur aussi n'aura jamais ny paix ny tranquillité, qu'il ne se soit plongé dedans son origine qui est Dieu.

  A003001935 

 C'est pourquoy je vous conjure de l'embrasser de cœur, sans jamais vous en departir..

  A003001935 

 Sans iceluy on ne peut pas bien faire la vie contemplative, et on ne sçauroit que mal faire la vie active: sans iceluy le repos n'est qu'oisiveté, et le travail qu'empressement.

  A003001939 

 Je ne vous ay encor point parlé du Soleil des exercices spirituels, qui est le tres-sainct, tres-sacré et tres-souverain Sacrifice, et Sacrement de la Messe, centre de la religion Chrestienne, cœur de la devotion, ame de la pieté, mystere inefable qui comprend l'abisme de la charité divine, et par lequel Dieu s'appliquant reellement à nous, nous communique magnifiquement ses graces et faveurs..

  A003001940 

 L'oraison faite en l'union de ce divin Sacrifice a une force [76*] indicible: de sorte, Philothee, que l'ame par iceluy abonde en celestes faveurs, comme appuyée sur son Bien-aymé, qui la rend si pleine d'odeurs et suavitez spirituelles qu'elle ressemble à une colonne de fumee de bois aromatiques, de la mirrhe, de l'encens, et de toutes les poudres du parfumeur, comme il est dict és Cantiques..

  A003001943 

 Depuis que le Prestre est à l'autel jusques à l'Evangile, considerez la venuë et la vie de nostre Seigneur en ce monde, par une simple et generale consideration.

  A003001943 

 Or pour ouïr, ou reellement, ou mentalement la saincte Messe, comme il est convenable, dés le commencement jusques à ce que le Prestre se soit mis à l'autel, faites avec luy la preparation; laquelle consiste à se mettre en la presence de Dieu, recognoistre vostre indignité, et demander pardon de vos fautes.

  A003001949 

 Et bien qu'il puisse arriver que l'on fist d'aussi bons exercices à part soy, comme l'on fait aux Confrairies en commun, et que peut estre l'on goustast plus de les faire en particulier; si est-ce que Dieu est plus glorifié de l'union et contribution que nous faisons de nos bien-faits avec nos freres et prochains..

  A003001949 

 Et puis c'est tousjours une chose fort charitable de concourir avec plusieurs, et cooperer aux autres pour leurs bons desseins.

  A003001950 

 J'en dis de mesme de toutes sortes de prieres et devotions publiques, ausquelles, tant qu'il nous est possible, nous devons porter nostre bon exemple pour l'edification du prochain, et nostre affection pour la gloire de Dieu, et l'intention commune.

  A003001956 

 Honnorez, reverez, et respectez d'un amour special la sacrée et glorieuse Vierge Marie: elle est Mere de nostre souverain Pere, et par consequent nostre grand Mere.

  A003001958 

 Et disoit cela avec tant de recommandation, qu'une Damoiselle lors jeune, l'ayant ouy de sa bouche le recitoit, il n'y a que quatre ans, c'est à dire plus de soixante ans apres, avec un extreme sentiment.

  A003001959 

 Celuy de vostre nom vous est desja tout assigné dés vostre baptesme..

  A003001966 

 Doncques si vous vous confessez d'avoir menty, quoy que sans nuisance, ou d'avoir dit quelque parolle desreglée, ou d'avoir trop joué, repentez vous en, et ayez ferme propos de vous en amender; car c'est un abus de se confesser de quelque sorte de peché, soit mortel, soit veniel, sans vouloir s'en purger, puis que la Confession n'est instituée que pour cela..

  A003001967 

 La raison est, parce qu'en disant cela vous ne dites rien de particulier qui puisse faire entendre au Confesseur l'estat de vostre conscience: d'autant que tous les Saincts de Paradis, et tous les hommes de la terre pourroient dire les mesmes choses s'ils se confessoient.

  A003001967 

 Par exemple, vous vous accusez de n'avoir pas chery le prochain tant comme vous deviez: c'est peut estre, parce qu'ayant veu quelque pauvre fort necessiteux que vous pouviez fort aisement secourir et consoler, vous n'en avez eu nul soing.

  A003001968 

 Je n'espargneray donc point de dire: je me suis relachée de dire des parolles de courroux, contre une personne ayant prins de luy en mauvaise part quelque parolle qu'il m'a dit, non point pour la qualité des parolles, mais parce que celuy là m'estoit desagreable: et s'il est encore besoing de particulariser les parolles pour vous bien declarer, je pense qu'il seroit bon de les dire.

  A003001968 

 N'espargnez point de dire ce qui est requis pour bien faire entendre la qualité de vostre offence, comme seroit à dire, le sujet que vous avez eu de vous mettre en colere, ou de suporter quelqu'un en son vice: par exemple, un homme lequel me desplait, me dira quelque legere parolle pour rire: je le prendray en mauvaise part, et me mettray en colere.

  A003001968 

 Si vous avez peché à jouer, expliquez si ç'a esté pour le desir du gain, ou pour le plaisir de la conversation, ainsi des autres: car encore que communement on ne soit pas obligé d'estre si pointileux en la declaration des pechez veniels, et que mesme on ne soit pas tenu absolument de les confesser; si est-ce que ceux qui veulent bien espurer leurs ames pour mieux atteindre à la saincte devotion, ils doivent estre soigneux de bien faire cognoistre au medecin spirituel, le mal pour petit qu'il soit, duquel ils veulent estre gueris.

  A003001973 

 C'est pourquoy quiconque en use souvent avec devotion, il affermit tellement la santé, et la vie de son ame, qu'il est presque impossible qu'il soit empoisonné d'aucune sorte de mauvaise affection, On ne peut estre nourry de cette chair de vie et nourry des affections de mort.

  A003001973 

 Que si les fruits les plus tendres et sujets à la corruption, comme sont les cerises, les abricots et les fraises, se conservent aisement toute l'annee estans confits au sucre ou au miel; ce n'est pas merveille si nos cœurs quoy que fraisles et imbecilles sont preservez de la corruption du peché, lors qu'ils sont sucrés et emmielés de la chair et du sang incorruptible du Fils de Dieu.

  A003001974 

 Car parce que la disposition requise pour une si frequente Communion doit estre fort exquise, il n'est pas bon de le conseiller generallement.

  A003001974 

 Et parce que cette disposition là quoy que exquise se peut treuver en plusieurs bonnes ames; il n'est pas bon non plus d'en divertir et dissuader generallement un chacun, ains cela se doit traitter par la consideration de l'estat interieur d'un chacun en particulier.

  A003001976 

 Bien que je puisse dire asseurement que la plus grande distance des Communions c'est celle de mois à mois, entre ceux qui veulent servir Dieu devotement..

  A003001977 

 Si vous estes bien prudente, il n'y a ny maistre, ny femme, ny mary, ny pere, ny mere qui vous empesche de communier souvent: car puis que le jour de vostre Communion vous ne laisserez pas d'avoir le soing qui est convenable à vostre condition, que vous en serez plus douce et plus gratieuse en leur endroit, que vous ne leur refuserez nulles sortes de devoirs; il n'y a pas de l'apparence qu'ils veuillent vous destourner de cet exercice, qui ne leur apportera nulle incommodité, sinon qu'ils fussent d'un esprit extremement coquilleux et desraisonnable: et en ce cas, comme j'ay dit, à l'adventure que le Pere spirituel voudra que vous usiez de condescendence..

  A003001978 

 C'est chose indecente, bien que non pas grand peché, de soliciter le payement du devoir nuptial, le jour que l'on s'est communié; mais ce n'est pas chose mal seante, ains plustost [87*] meritoire de le payer.

  A003001978 

 C'est pourquoy j'ay dit que la frequente Communion ne donnoit nulle sorte d'incommodité, ny aux meres, ny aux femmes, ny aux marys: pourveu que l'ame qui communie soit prudente et discrette.

  A003001978 

 C'est pourquoy pour la reddition de ce devoir là, nul ne doit estre privé de la Communion, si d'ailleurs sa devotion le provoque à la desirer.

  A003001978 

 Quant aux maladies corporelles, il n'y en a nulle qui soit empeschement legitime à ceste saincte participation, si ce n'est celle qui provoqueroit frequemment au vomissement..

  A003001983 

 Pour communier tous les huict jours, il est requis de n'avoir ny peché mortel, ny aucune affection au peché veniel, et d'avoir un grand desir de communier.

  A003001984 

 En fin faictes luy tout l'accueil qu'il vous sera possible, et comportez vous en sorte que l'on cognoisse en toutes vos actions que Dieu est avec vous..

  A003001984 

 L'ayant receu excitez vostre cœur à venir faire hommage à ce Roy de salut: traictez avec luy de vos affaires interieures, considerez le dedans vous, où il s'est mis pour vostre bon-heur.

  A003001984 

 O Philothee, imaginez vous que comme l'abeille ayant recueilly sur les fleurs la rosee du ciel, et le suc plus exquis de la terre, elle le porte dans la ruche, ainsi le Prestre ayant pris sur l'autel le Sauveur du monde, vray Fils de Dieu, qui est descendu du Ciel, et vray Fils de la Vierge, qui comme fleur est sorty de la terre de nostre humanité, il le met comme un miel de suavité dedans vostre bouche, et dedans vostre corps.

  A003001987 

 Dites leur que ceux qui n'ont pas beaucoup d'affaires mondaines doivent souvent communier, parce que ils en ont la commodité: et ceux qui ont beaucoup d'affaires mondaines, parce que ils en ont necessité; et que celuy qui travaille beaucoup, et qui est chargé de peine, doit aussi manger des viandes solides et souventefois.

  A003001987 

 Si les mondains vous demandent pourquoy vous communiez si souvent, dites leur que c'est pour apprendre à aimer Dieu, pour vous purifier de vos imperfections, pour vous delivrer de vos miseres, pour vous consoler en vos afflictions, pour vous appuyer en vos foiblesses.

  A003001992 

 Ce sont les trois branches de la croix spirituelle: toutes trois neantmoins fondées sur la quatriesme qui est l'humilité..

  A003001993 

 Car bien qu'estant vouées, et sur tout solemnellement elles mettent l'homme en l'estat de perfection; si est-ce que elles ne le mettent pas en la perfection, sinon entant qu'elles sont observées: y ayant bien de la difference entre l'estat de perfection, et la perfection, puis que tous les Evesques et Religieux sont en l'estat de perfection, et tous [91*] neantmoins ne sont pas en la perfection, comme il ne se voit que trop.

  A003001993 

 Je ne diray rien de ces trois vertus, entant qu'elles sont vouées solemnellement, parce que cela ne regarde que les Religieux: ny mesme entant qu'elles sont voüées simplement: d'autant qu'encor que le vœu donne tousjours beaucoup de graces et de merite à toutes les vertus, si est-ce qu'il n'importe pas qu'elles soient voüées ou non voüées, pourveu qu'elles soient observées.

  A003001997 

 Et sur tout obeïssez amoureusement, pour l'amour de Celuy qui pour l'amour de vous s'est fait obéissant jusques à la mort et la mort de la Croix: et lequel, comme dit S. Bernard, ayma mieux perdre la vie que l'obéissance..

  A003001997 

 Faites doncques leurs commandemens, et cela est de necessité; mais pour estre parfaite suyvez encor leurs conseils, et mesme leurs désirs et inclinations, autant que la charité et prudence vous le permettra.

  A003001997 

 Obeïssez quand ils vous ordonneront chose agreable, comme de manger, prendre de la recreation: car encore qu'il semble que ce n'est pas grande vertu d'obeir en ce cas, ce seroit neantmoins un grand vice de desobeïr.

  A003001997 

 Vous devez obeïr à vos superieurs politiques, c'est à dire, à vostre Prince et aux Magistrats qu'il a estably sur vostre pays: vous devez en fin obeïr à vos superieurs domestiques, c'est à dire à vostre pere, mere, mary, maistre, maistresse.

  A003001998 

 Pour apprendre aysement à obéir aux Superieurs, condescendez aysement à la volonté de vos semblables, cedant à leurs opinions en ce qui n'est mauvais, sans estre contentieuse ny revesche: accommodez vous volontiers aux desirs de vos inferieurs, autant que la raison le permettra, sans exercer aucune authorité imperieuse sur eux, tandis qu'ils sont bons.

  A003001999 

 C'est un abus de croire que si l'on estoit Religieux ou Religieuse on obeïroit aysement, si l'on se treuve difficile, et revesche à rendre obéissance à ceux que Dieu a mis sur nous..

  A003002000 

 Nous appelions obeissance volontaire, celle à laquelle nous nous obligeons par nostre propre election, et laquelle ne nous est point imposee par autruy.

  A003002000 

 Or soit qu'en le choisissant on face vœu d'obeir (comme il est dit que la mere Therese outre l'obeissance solemnellement vouée au superieur de son Ordre, s'obligea par un vœu simple d'obeïr au pere Gratien), ou que sans vœu on se dedie à l'obeissance de quelqu'un, tousjours cette obéissance s'apelle volontaire à raison de son fondement qui depend de nostre volonté et election..

  A003002006 

 La chasteté est le lys des vertus: elle rend les hommes presque esgaux aux Anges.

  A003002006 

 Rien n'est beau que par la pureté, et la pureté des hommes c'est la chasteté.

  A003002006 

 Tout ce qui luy est contraire se nomme souïlleure, ordure, vilenie: on appelle la chasteté honnesteté, et la profession d'icelle, honneur; elle s'apelle integrité, et son contraire corruption.

  A003002007 

 Il n'est jamais permis de tirer aucun impudique plaisir de nos corps, sinon en un legitime mariage, duquel la saincteté puisse par une juste compensation reparer le dechet qui se reçoit par la delectation.

  A003002008 

 Hors de là, il n'est pas permis seulement d'y penser d'une pensée arrestée, volontaire, et entretenue.

  A003002008 

 La chasteté est comme la mere perle, qui ne peut recevoir aucune goutte d'eau qui ne vienne du ciel; car elle ne peut recevoir aucun plaisir que celuy du Mariage, qui est ordonné du Ciel.

  A003002009 

 Car bien qu'il faille pratiquer les delectations necessaires, c'est à dire celles qui dependent du sainct Mariage, si ne faut il pas pourtant jamais y attacher le cœur et l'esprit..

  A003002010 

 Or manger pour conserver la vie c'est chose bonne, saincte, et commandée; manger, non point pour conserver la vie, mais pour conserver la juste conversation que nous devons à nostre famille, c'est chose honneste et juste: manger par simple plaisir sans excez, c'est chose tolerable, non pas toutefois louable; mais manger avec exces, selon que l'exces est grand ou petit, c'est chose ou plus ou moins vituperable; et l'exces du manger et du boire ne consiste pas seulement en la quantité, et à trop manger, mais aussi en la façon et maniere de manger.

  A003002010 

 Pour conserver la personne, le manger est ordonné; et l'on fait les mariages pour multiplier les personnes, et conserver le genre humain.

  A003002014 

 Car bien que à l'adventure la chasteté puisse estre conservée parmi ces actions plustost legeres que malicieuses, si est ce que la fraicheur et fleur de la chasteté en reçoit tousjours du detriment et de la perte..

  A003002015 

 C'est impudicité de regarder, d'ouyr, de parler, d'odorer, de toucher des choses deshonnestes, quand le cœur s'y amuse, et prend plaisir.

  A003002015 

 C'est pourquoy elle se perd par tous les sens exterieurs du corps, et par les cogitations et desirs du cœur.

  A003002015 

 Ses yeux sont de colombe, à raison de leur netteté: ses aureilles ont des pendans d'or, enseigne de pureté: son nés est parmy les cedres du Lyban, bois incorruptible.

  A003002017 

 Au contraire hantez les gens chastes et vertueux, pensez et lisez souvent aux choses sacrées: car la parolle de Dieu est chaste, et rend ceux qui s'y plaisent chastes.

  A003002018 

 Car tout ainsi que ceux qui couchent sur l'herbe nommée Agnus castus, deviennent chastes et pudiques; de mesme reposant vostre cœur sur nostre Seigneur, qui est le vray Agneau chaste et immaculé, vous verrez que bien tost vostre ame et vostre chair se treuveront purifiées de toutes souillures de lubricité..

  A003002022 

 Bien-heureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des Cieux est à eux.

  A003002022 

 Celuy est riche d'esprit, lequel a les richesses dedans son esprit, ou son esprit dedans les richesses.

  A003002022 

 Malheureux doncques sont les riches d'esprit, car la misere d'enfer est pour eux.

  A003002022 

 [98*] Celuy est pauvre d'esprit, qui n'a nulles richesses dans son esprit, ny son esprit dedans les richesses.

  A003002023 

 Estre riche en effect et pauvre d'affection, c'est le grand bon-heur du Chrestien: car il a par ce moyen les commoditez des richesses pour ce monde, et le merite de la pauvreté pour l'autre..

  A003002026 

 Celuy qui possede un bien justement, n'a il pas plus de raison de le garder justement, que nous de le vouloir avoir justement? Et pourquoy donc estendons nous nostre desir sur sa commodité pour l'en priver? tout au plus si ce desir est juste, certes il n'est pourtant pas charitable: car nous ne voudrions pas nullement qu'aucun desirast, quoy que justement, ce que nous voulons garder justement.

  A003002026 

 O Philothee, je ne sçay si c'est un desir juste de desirer d'avoir justement ce qu'un autre possede justement: car il me semble que par ce desir nous nous voulons accommoder par l'incommodité d'autruy.

  A003002028 

 Il n'est pas possible de se plaire beaucoup en une chose, qu'on n'y mette beaucoup d'affection..

  A003002036 

 C'est pourquoy nous le devons avoir plus grand que les mondains n'ont pas des leurs; car ils ne font pas leurs travaux sur une si excellente consideration, puis qu'ils ne les font que pour l'amour d'eux-mesmes, et nous les faisons pour l'amour de Dieu.

  A003002036 

 Et comme l'amour de Dieu est doux, tranquille, paisible: aussi le soin et travail qu'on a pour iceluy, des biens du monde, est tout doux, amiable et soüefve.

  A003002036 

 Or comme l'amour de soy-mesme est un amour violant, turbulent, empressé; aussi le travail et le soin qu'on a pour luy des biens du monde, est tout plein de trouble, de chagrin, d'inquietude.

  A003002037 

 Il est vray que Dieu vous le rendra, non pas seulement en l'autre monde, [103*] mais en cellui-cy: car il n'y a rien qui fasse tant prosperer temporellement que l'aumosne: mais en attendant que Dieu vous le rende vous serez tousjours appauvrie de cela.

  A003002037 

 Quittez tousjours quelque partie de vos moyens en les donnant aux pauvres de bon cœur: car donner ce qu'on a, c'est s'appauvrir d'autant: et plus vous donnerez, plus vous vous appauvrirez.

  A003002038 

 Il pouvoit dire: Qui est pauvre avec lequel je ne sois pauvre? parce que l'amour le faisoit estre tel que ceux qu'il aimoit.

  A003002038 

 L'amour esgale les amans: Qui est infirme avec lequel je ne sois infirme? dit sainct Paul.

  A003002040 

 Et comment cela? Le serviteur est moindre que son maistre; rendez vous doncques servante des pauvres: allez les servir dans leurs licts quand ils sont malades; je dis de vos propres mains: soyez leur cuisiniere, et à vos propres despens: soyez leur lingiere et blanchisseuse; ô ma Philothee, ce service est plus triomphant qu'une Royauté! Sainct Louys tout grand Roy qu'il estoit, le pratiquoit avec un zele et perseverance nompareille..

  A003002042 

 En fin il est facile d'avoir souvent besoing de quelque chose, pour riche qu'on soit: or cela c'est estre pauvre en effet, de ce qui nous manque.

  A003002042 

 Il n'est celuy presque qui en quelque occasion n'ait quelque manquement et defaut de commoditez.

  A003002043 

 C'est la difference des bestes et des hommes, quant à leurs robbes; car les robbes des bestes tiennent à leur chair, et celles des hommes y sont seulement appliquées, en sorte qu'ils puissent les mettre et oster quand ils veulent..

  A003002043 

 Quand il vous arrivera des inconveniens qui vous appauvriront, ou de beaucoup ou de peu, comme font les tempestes, les feux, les inondations, les sterilitez, les larcins, les proces, ô c'est allors la vraye saison de prattiquer la pauvreté, recevant avec douceur ces diminutions de facultés, et s'accommodant patiemment et constamment à cet appauvrissement.

  A003002047 

 Son esclat n'est pas decouvert en ce monde: mais si est-ce pourtant qu'il est extremement beau et riche..

  A003002049 

 Le premier, c'est qu'elle ne vous est point arrivée par vostre choix, mais par la seule volonté de Dieu, qui vous a faitte pauvre, sans qu'il y ayt eu aucune concurrence de vostre volonté propre.

  A003002049 

 Or ce que nous recevons purement de la volonté de Dieu luy est tousjours tres-agreable, [106*] pourveu que nous le recevions de bon cœur, et pour l'amour de sa saincte volonté.

  A003002050 

 Et en ce qu'on n'en tient pas grand conte, leur pauvreté est plus pauvre que celle des Religieux, bien que celle-cy d'ailleurs ayt une excellence fort grande, et trop plus recommandable à raison du vœu, et de l'intention pour laquelle elle a esté choisie..

  A003002050 

 Le second privilege de cette pauvreté, c'est qu'elle est une pauvreté vrayement pauvre.

  A003002050 

 Or telle est pour l'ordinaire la pauvreté des seculiers: car parce qu'ils ne sont pas pauvres par leur election, mais par necessité, on n'en tient pas grand conte.

  A003002050 

 Une pauvreté louée, caressée, estimée, secourue et assistée, elle tient de la richesse: elle n'est pour le moins pas du tout pauvre; mais une pauvreté mesprisée, rejettée, reprochée et abandonnée, elle est vrayement pauvre.

  A003002052 

 Vouloir estre pauvre, et n'en recevoir point d'incommodité, c'est une trop grande ambition, car c'est vouloir l'honneur de la pauvreté et la commodité des richesses..

  A003002057 

 Quant à la netteté, Philothee, elle doit presque tousjours estre esgale en nos habits; sur lesquels, tant qu'il est possible, nous ne devons laisser aucune sorte de souillure et vilenie.

  A003002058 

 Mais quant aux vrayes vefves, qui le sont, non seulement de corps, mais aussi de cœur, nul ornement ne leur est convenable, sinon l'humilité, la modestie et la devotion: car si elles veulent donner de l'amour aux [108*] hommes, elles ne sont pas vrayes vefves; et si elles n'en veulent pas donner, pourquoy en portent elles les outils? Qui ne veut recevoir les hostes, il faut qu'il oste l'enseigne de son logis.

  A003002058 

 On se moque tousjours des vieilles gens quand ils veulent faire les jolis: c'est une folie qui n'est supportable qu'à la jeunesse..

  A003002059 

 C'est un mespris de ceux avec lesquels on converse d'aller entre eux en habit desagreable: mais gardez vous bien des affaiteries, vanitez, curiositez, et folastreries.

  A003002059 

 Et comme il est dit au proverbe, qu'ils fussent parez de grace, bien-seance, et dignité.

  A003002059 

 Et les femmes vaines sont tenues pour imbecilles en chasteté: au moins si elles en ont, elle n'est pas visible parmi tant de fatras et bagatelles.

  A003002059 

 Tenez vous tous-jours tant qu'il vous sera possible, du costé de la simplicité, qui est sans doute le plus grand ornement de la beauté, et la meilleure excuse pour la laideur.

  A003002063 

 Pour monstrer qu'on l'aime, il ne faut pas [109*] fuïr d'estre avec luy; et pour tesmoigner qu'on s'aime soy-mesme, il se faut plaire avec soy-mesme, quand on y est: or on y est quand on est seul.

  A003002063 

 Recercher les conversations, et les fuïr, ce sont deux extremitez blasmables en la devotion civile, qui est celle de laquelle je vous parle.

  A003002067 

 C'est un grand advantage pour nous bien exercer à la devotion, de converser avec les ames devotes.

  A003002068 

 Il y a des gens qui ne font nulle sorte de contenance ny de mouvement, qu'avec tant d'artifice que chacun en est ennuyé.

  A003002072 

 C'est l'exercice que faisoit le Roy David parmi tant d'occupations [111*] qu'il avoit (comme il tesmoigne par mille traits de ses Pseaumes) comme quand il dit: O Seigneur, et moy je suis tousjours avec vous, Je voyois mon Dieu tousjours devant moy, J'ay eslevé mes yeux à vous, ô mon Dieu, qui habitez au Ciel, Mes yeux sont tous-jours à Dieu.

  A003002074 

 Lesquelles parolles, outre leur sens literal (qui tesmoigne que ce grand Roy prenoit quelques heures pour se tenir solitaire en la contemplation des choses spirituelles) en leur sens mystique nous monstrent trois excellentes retraittes et comme trois hermitages dans lesquels nous pouvons exercer nostre solitude, à l'imitation de nostre Sauveur: lequel sur le mont de Calvaire fut comme le pelican de la solitude, qui de son sang ravive ses poussins morts: en sa Nativité dans une establerie deserte il fut comme le hyboux dedans la mazure, pleignant et pleurant nos pechez: et au jour de son Ascension, il fut comme le passereau, se retirant et volant au Ciel qui est comme le toict du monde; et en tous ces trois lieux nous pouvons nous retirer au temps de nostre solitude.

  A003002078 

 Gardez vous soigneusement de lascher aucune parolle deshonneste: car encore que vous ne les dissiez pas avec mauvaise intention, si est-ce que ceux qui les oyent les peuvent recevoir d'une autre sorte.

  A003002078 

 Si quelqu'un ne peche point en parolle, dit S. Jaques, il est homme parfaict.

  A003002079 

 C'est pourquoy elle est un fort grand peché: et c'est la difference qu'il y a entre la joyeuseté ou facetie, et la moquerie; que ce que la joyeuseté employe par confiance et privauté, la moquerie l'employe par mespris, et avilissement.

  A003002079 

 C'est une des plus mauvaises conditions qu'un esprit peut avoir, que celle d'estre mocqueur.

  A003002079 

 Dont les Docteurs ont raison de dire que la moquerie est la plus mauvaise sorte d'offense que l'on puisse faire au prochain par les parolles; parce que les autres offenses se font avec quelque estime de celuy qui est offencé, et celle cy se fait avec mespris et contemnement.

  A003002079 

 Rien n'est si contraire à la charité, et beaucoup plus à la devotion que le mespris et contemnement du prochain: or la derision et moquerie ne se fait jamais sans ce mespris.

  A003002083 

 Il est permis de corriger les inferieurs avec des parolles aspres et dures, en leur reprochant leur vie et leurs vices, comme l'Apostre S. Paul ne fait nulle difficulté d'apeller les Galates insensés; et S. Jean Baptiste les Juifs engeance de viperes, et lors ces parolles aspres ne tiennent pas lieu d'injure, ains de correction: et n'ont pas leur origine de l'ire, mais de la charité et du zele.

  A003002083 

 Or on en peut user ainsi avec les inferieurs: mais si vous me croyez, Philothée, ce sera si peu souvent, que l'on connoisse bien que ce n'est pas d'un esprit injurieux que ces parolles sortent de vostre bouche.

  A003002083 

 Que si vous pouvés absolument n'en point dire, ce sera chose beaucoup meilleure, à raison du danger qu'il y a de mesprendre entre nous autres, qui ne sommes pas parfaits comme saint Jean Baptiste, et saint Paul: et puis la verité est que si l'esprit de Dieu ne fait dire telles paroles, comme il faisoit en eux, elles n'apportent nulle sorte de correction.

  A003002087 

 Quant à la medisance c'est la peste des conversations; bien heureux est celuy qui en est preservé.

  A003002088 

 Bref ma langue pendant que je juge le prochain, est en ma bouche comme un rasoir en la main du Chirurgien, lequel veut trancher entre les nerfs et les tendons.

  A003002088 

 Il faut que le coup que j'en donneray soit si juste, que je ne die ny plus ny moins que ce qui en est..

  A003002088 

 Par exemple, si je blasme la privauté de ce jeune homme et de cette fille, parce qu'elle est trop grande et indiscrette; ô Dieu, Philothee, il faut que je tienne la balance bien droitte: et que puis que je les veux juger, que je ne die pas un seul mot de trop.

  A003002088 

 S'il se treuve une personne qui soit vrayement medisante ne dittes pas pour l'excuser qu'elle est libre et franche.

  A003002088 

 Si l'on parle d'une personne manifestement subjette à la vanité, ne dittes pas qu'elle est genereuse et propre.

  A003002089 

 Alors doncq je puis, ains je dois dire franchement que cette privauté est blasmable, que cette dissolution est deshonneste.

  A003002091 

 C'est charité de crier au loup quand il est entre les brebis, voyre où qu'il soit..

  A003002091 

 Il est vray que des pecheurs infames, publiques, et manifestes on en peut parler librement, pourveu que ce soit avec esprit de charité et de compassion, et non point avec arrogance et presumption, ny pour se plaire au mal d'autruy: car pour ce dernier c'est le fait d'un cœur vil et abjet.

  A003002097 

 Accoustumez vous de ne jamais dire de mensonge à vostre escient, ny par excuse, [116*] ny autrement, vous resouvenant que Dieu est le Dieu de verité.

  A003002097 

 Gardez vous des duplicitez, artifices, et feintises: car bien que il ne soit pas bon de dire tousjours toutes sortes de veritez, si n'est il jamais permis de contrevenir à la verité.

  A003002098 

 C'est un advis du Roy sainct Louys de ne point desdire personne, sinon qu'il y eust peché, ou grand dommage à consentir: c'est afin d'esviter toutes contestes et disputes.

  A003002100 

 Celuy, disoit-il, qui est à table en bonne compagnie, qui a à dire quelque chose joyeuse et plaisante, la doit dire que tout le monde l'entende: si c'est chose d'importance on la doit taire, sans en parler.

  A003002104 

 C'est un vice sans doute que d'estre si rigoureux, agreste, et sauvage, qu'on ne vueille prendre pour soy, ny permettre aux autres aucune sorte de recreation..

  A003002104 

 Il est force, ma chere Philothee, de relascher quelquefois nostre esprit, et nostre corps encore à quelque sorte de recreation.

  A003002105 

 Prendre l'air, se promener, s'entretenir de devis joyeux et amiables, jouer du luth, ou autres instrumens, chanter musique, aller à la chasse, ce sont recreations si honnestes, que pour en bien user il n'est besoin que de la commune prudence, qui donne à toutes choses le rang, le temps, le lieu et la mesure..

  A003002106 

 Ayant joüé cinq, six heures aux eschets, au sortir on est tout recreu et las d'esprit.

  A003002106 

 Et si le prix, c'est à dire ce que l'on joüe est trop grand, les affections des joueurs se dereglent; et outre cela, c'est chose injuste de mettre des grands prix à des habilités, et industries de si peu d'importance, et si inutiles comme sont les habilités des jeux.

  A003002106 

 Il se faut seulement garder de l'exces, soit au temps que l'on y employe, soit au prix que l'on y met: car si l'on y employe trop de temps, ce n'est plus recreation, c'est occupation; on n'allege pas ny l'esprit ny le corps, au contraire on l'estourdit, on l'accable.

  A003002106 

 Joüer longuement à la paume ce n'est pas recreer le corps, mais l'accabler.

  A003002106 

 Mais sur tout prenés garde, Philothee, de ne point attacher vostre affection à tout cela: car pour honneste que soit une recreation, c'est vice d'y mettre son cœur, et son affection.

  A003002110 

 Chacun porte au bal de la vanité à l'envy; et la vanité est une si grande disposition aux mauvaises affections, et aux amours dangereux et blasmables, qu'aisement tout cela s'engendre és danses..

  A003002110 

 En un mot c'est tousjours folie de changer le jour à la nuict, la lumiere aux tenebres, les bonnes œuvres à des folatreries.

  A003002110 

 Il est aysé de faire glisser plusieurs accidens tenebreux, [119*] et vicieux en un sujet qui de soy-mesme est fort susceptible du mal.

  A003002110 

 Les danses et bals sont choses indifferentes de leur nature: mais selon l'ordinaire façon avec laquelle cet exercice se fait, il est fort panchant, et incliné du costé du mal, et par consequent plein de danger et de peril.

  A003002111 

 Les champignons selon Pline estans spongieux et poreux, comme ils sont, attirent aysement toute l'infection qui leur est autour; si que les serpens les approchans ils en reçoivent le venin; les bals, les danses, et telles assemblées tenebreuses, attirent ordinairement les vices et pechez, qui regnent en un lieu, les querelles, les envies, les moqueries, les folles amours.

  A003002112 

 O Philothée, ces impertinentes recreations sont ordinairement dangereuses: elles dissipent l'esprit de devotion, allanguissent les forces, refroidissent la charité, et reveillent en l'ame mille sortes de mauvaises affections: c'est pourquoy il en faut user avec une grande prudence.

  A003002116 

 Les jeux des dez, des cartes, et semblables esquels le gain depend principallement du hazard, ne sont pas seulement des recreations dangereuses, comme les danses, mais elles sont simplement et naturellement mauvaises et blasmables: c'est pourquoy elles sont defendues par les loix, tant civiles qu'ecclesiastiques.

  A003002116 

 Mais nous avons ainsi convenu, me direz vous: cela est bon, pour monstrer que celuy qui gaigne ne fait pas tort aux autres: mais il ne s'ensuit pas que la convention ne soit desraisonnable, et le jeu aussi: car le gain qui doit estre le prix de l'industrie, est rendu le prix du sort, qui ne merite nul prix, puis qu'il ne depend nullement de nous..

  A003002116 

 Mais quel grand mal a il, me direz vous? Le gain ne se fait pas en ces jeux selon la raison, mais selon le sort qui tumbe bien souvent à celluy qui par habilité et industrie ne meritoit rien: la raison est donq offencée en cela.

  A003002117 

 Car comme peut estre recreation un exercice auquel il faut tenir l'esprit bandé et tendu par une attention continuelle, et agité de perpetuelles inquietudes, apprehensions, et empressemens? Y a-il attention plus triste, plus sombre, et melancolique que celle des joüeurs? C'est pourquoy il ne faut pas parler sur le jeu, il ne faut pas rire, il ne faut pas tousser, autrement les voila à despiter.

  A003002118 

 En fin il n'y a point de joye au jeu qu'en gaignant: et ceste joye n'est elle pas inique, puis qu'elle ne se peut avoir que par la perte et le desplaisir du compagnon? ceste resjoüissance est certes infame.

  A003002122 

 Car si cela se fait par affection ce n'est plus recreation: si on y employe beaucoup de temps, on s'estourdit, on se lasse en lieu de s'alleger: si on en fait ordinaire cela se convertit en occupation..

  A003002123 

 Mais en quelles occasions peut on bien danser, et joüer? Les justes [122*] occasions de la danse sont plus frequentes: celles du jeu sont beaucoup plus rares, comme aussi le jeu est beaucoup plus blasmable, parlant du jeu de hazard.

  A003002127 

 Saint Louys quand des Religieux vouloient luy parler de choses relevées apres disner: Il n'est pas temps d'alleguer, disoit il, mais de se recreer par quelque joyeuseté et quolibets; que chacun die ce qu'il voudra honnestement: ce qu'il disoit, favorisant la noblesse qui estoit autour de luy pour recevoir des caresses de sa Majesté.

  A003002131 

 L'amour tient le premier rang entre les passions de l'ame, et est dans le cœur comme le Roy de tous les mouvemens d'iceluy.

  A003002131 

 Or l'amitié est le plus dangereux amour de tous, parce que les autres amours peuvent estre sans communication: mais l'amitié estant totalement fondée sur icelle, on ne peut l'avoir avec une personne sans participer à ses qualitez..

  A003002132 

 L'amitié est un amour mutuel: et si il n'est pas mutuel, ce n'est pas une amitié: et ne suffit pas qu'il soit mutuel, il faut encor que les parties qui s'entreaiment le sçachent: et qu'avec cela il y ayt entre elles quelque sorte de communication, qui soit le fondement de l'amitié.

  A003002133 

 Et comme il y a du miel en Heraclée de Ponte, qui est veneneux, et fait devenir insensés ceux qui le mangent, parce qu'il est recueilly sur l'aconit, qui est abondant en cette region là; ainsi l'amitié fondée sur la communication des faux et vicieux biens, est toute fausse et mauvaise..

  A003002133 

 Selon la diversité des communications, l'amitié est aussi diverse: et les communications sont differentes, selon la difference des biens qu'on s'entrecommunique.

  A003002133 

 Si ce sont des biens faux et vains, l'amitié est fausse et vaine: si ce sont des vrays biens, l'amitié est vraye: et plus excellens seront les biens, plus excellente sera l'amitié: car comme le miel est plus excellent quand il se cueille és fleurons des fleurs plus exquises; ainsi l'amitié fondée sur une plus exquise communication est la plus excellente.

  A003002134 

 La communication des voluptés charnelles est une mutuelle propension et amorce brutalle, laquelle ne peut non plus porter le nom d'amitié entre les hommes, que celles des asnes et chevaux pour semblables effets: et s'il n'y avoit nulle autre communication au Mariage, il n'y auroit non plus nulle amitié.

  A003002134 

 Mais parce que, outre celle là, il y a en iceluy la communication de la vie, de l'industrie, des biens, des affections, et d'une indissoluble fidellité; c'est pourquoy l'amitié du Mariage est une vraye amitié et sainte..

  A003002135 

 L'amitié fondée sur la communication des plaisirs sensuels est toute grossiere, et indigne du nom d'amitié: comme aussi celle qui est fondée sur des vertus frivoles et vaines, parce que ces vertus dependent aussi des sens.

  A003002135 

 Oyés parler la pluspart des filles, des femmes, et des jeunes gens; ils ne se feindront nullement de dire: un tel Gentilhomme est fort vertueux, il a beaucoup de perfection: car il danse bien, il joüe bien à toutes sortes de jeux, il s'habille bien, il chante bien, il cajole bien, il a bonne mine; et les charlatans s'apellent vertueux l'un l'autre, quand ils sont bons bouffons.

  A003002139 

 Mais si vostre mutuelle et reciproque communication se fait de la charité, de la devotion, de la perfection Chrestienne; ô Dieu, que vostre amitié sera precieuse! Elle sera excellente parce qu'elle vient de Dieu, excellente parce qu'elle tend à Dieu, excellente parce que son lien c'est Dieu, excellente parce qu'elle durera eternellement en Dieu.

  A003002139 

 Qu'à bon droit peuvent chanter telles heureuses ames: O que voicy combien il est bon et agreable que les freres habitent ensemble; ouy, car le baume [126*] delicieux de la devotion distille de l'un des cœurs en l'autre, par une continuelle participation: si qu'on peut dire que Dieu a respendu sur ceste amitié sa benediction, et la vie jusques au siecle des siecles..

  A003002139 

 Si vous communiquez és sciences vostre amitié, c'est certes fort louable: plus encor si vous communiquez aux vertus, en la prudence, discretion, force, justice.

  A003002140 

 Il m'est advis que toutes les autres amitiés ne sont que des ombres au prix de celle-cy, et que leurs liens ne sont que des chaisnes de verre ou de jayet, en comparaison de ce grand lien de la sainte devotion, qui est tout d'or..

  A003002142 

 S. Hierosme, S. Augustin, S. Bernard et tous les plus parfaicts du monde ont eu des particulieres amitiez; et S. Paul reprochant le detraquement des Gentils, les accuse qu'ils estoient gens sans affection: c'est à dire qui n'affectionnoient personne, ny n'avoient nulle sorte d'amitié.

  A003002146 

 On commence par l'amour vertueux: mais si on n'est fort sage, l'amour frivole se meslera, puis l'amour sensuel, puis l'amour charnel; ouy mesme, il y a danger en l'amour spirituel, si on n'y prend garde, bien qu'en celuy-cy il soit plus difficile de prendre le change, parce que sa pureté et blancheur rendent plus cognoissables les soüillures que Satan y veut mesler: c'est pourquoy il fait cela plus finement et y glisse les impuretez presque insensiblement..

  A003002148 

 Soyez fidelle, constante, et impliable aux vrayes amitiés: fuïez les fausses et frivoles, et vous resouvenez tousjours de ce que dit S. Jaques, L'amitié de ce monde est ennemie de Dieu.

  A003002153 

 Je n'appreuve nullement qu'une personne attachée à quelque devoir ou vocation s'amuse à desirer une autre sorte de vie, que celle qui est convenable à son devoir, ny des exercices incompatibles à sa condition presente: car cela dissipe le cœur et l'allanguit és exercices necessaires.

  A003002153 

 Non je ne voudrois pas mesmement que l'on desirast d'avoir meilleur esprit, ny meilleur jugement: car ces desirs sont frivoles, et tiennent la place de celuy que chacun doit avoir de cultiver le sien tel qu'il est: ny que l'on desire les moyens de servir Dieu que l'on n'a pas, mais que l'on employe fidellement ceux qu'on a. Or cela s'entend des desirs qui amusent le cœur; car quant aux simples souhaits ils ne font nulle nuysance, pourveu qu'ils ne soyent pas frequens..

  A003002154 

 Ne desirez pas les croix, sinon à mesure que vous aurez bien supportées celles qui se seront presentées: car c'est un abus de desirer le martyre, et n'avoir pas le courage de supporter une injure.

  A003002155 

 C'est bon signe, ma Philothee, d'avoir ainsi bon appetit: mais regardez si vous pourrez bien tout digerer ce que vous voulez manger.

  A003002155 

 La varieté des viandes (si principalement la quantité en est grande) charge tousjours l'estomach, et si il est foible elle le ruine.

  A003002155 

 Quand nostre ame est purgée, se sentant deschargée de mauvaises humeurs, elle a un appetit fort grand des choses spirituelles: et comme toute affamée elle se met à desirer mille sortes d'exercices de pieté, de mortification, de penitence, d'humilité, de charité, d'oraison.

  A003002159 

 Nous ne sommes hommes que par la raison: et c'est pourtant chose rare de trouver des hommes vrayement raisonnables: d'autant que l'amour propre nous detraque ordinairement de la raison, nous conduisant insensiblement a mille sortes de petites mais dangereuses injustices et iniquitez, qui sont comme les petits renardeaux, desquels il est parlé aux Cantiques, qui demolissent les vignes: parce qu'ils sont petits on n'y prend pas garde, mais parce qu'ils sont en quantité ils ne laissent pas de beaucoup nuire.

  A003002160 

 Nous voulons vendre fort cher, et acheter à bon marché: nous voulons que l'on face justice en la maison d'autruy, et chez nous misericorde, et connivence: nous voulons qu'on prenne en bonne part nos parolles, et sommes chatouilleux et douillets à celles d'autruy: nous voudrions que le prochain nous laschast son bien en le bien payant; n'est il pas plus juste qu'il le garde en nous laissant nostre argent? Nous luy sçavons mauvais gré dequoy il ne nous veut pas accommoder; n'a il pas plus de raison d'estre fasché dequoy nous le voulons incommoder?.

  A003002161 

 Au contraire si quelqu'un nous est agreable d'une grace sensuelle, il ne fait rien que nous n'excusions.

  A003002161 

 Or comme dit l'Escriture, les levres trompeuses ont parlé en un cœur et un cœur, c'est à dire, elles ont deux cœurs: et d'avoir deux poids, l'un fort pour recevoir, et l'autre foible pour delivrer, c'est chose abominable devant Dieu..

  A003002162 

 Resouvenés vous donc, ma Philothee, d'examiner souvent vostre cœur, s'il est tel envers le prochain, estant en vostre place, comme voudriez que le sien fut envers vous, si vous estiés en la sienne: car voyla le poinct de la vraye raison.

  A003002162 

 Toutes ces injustices sont petites, parce qu'elles n'obligent pas à restitution: d'autant que nous demeurons seulement dans les termes de la rigueur en ce qui nous est favorable; mais elles ne laissent pas de nous obliger à nous en amander, car ce sont des grands defauts de raison et de charité; et au bout de là ne sont que tricheries: car on ne perd [131*] rien à vivre genereusement, noblement, courtoisement, et avec un cœur esgal et raisonnable.

  A003002166 

 La tristesse n'est autre "chose que la douleur d'esprit que nous avons du mal qui est en nous contre nostre gré: soit que le mal soit exterieur, comme pauvreté, maladie, mespris: soit qu'il soit interieur, comme ignorance, secheresse, repugnance, tentation.

  A003002168 

 Vous voyez donques que la tristesse, laquelle au commencement est juste engendre l'inquietude, et l'inquietude engendre par apres un surcroist de tristesse, qui est extremement dangereux.

  A003002169 

 L'inquietude est le plus grand mal qui arrive en l'ame, excepté le peché.

  A003002171 

 Soyés soigneuse de faire souvent l'examen que je vous marqueray cy bas, au chapitre de la troisiesme Partie, considerant si vostre ame s'est point eschappée de vos mains par quelques sortes d'affections déreglées: et si vous decouvrez quelque sorte de desordre, taschés d'appaiser le tout en la presance de Dieu, remettant fort vos empeschemens et desirs à la conduitte et mercy de sa divine providence..

  A003002173 

 Si vous pouvés decouvrir vostre inquietude à celluy qui conduit vostre ame, ou au moins à quelque confident et devot amy, ne doutez [133*] point que tout aussi tost vous ne soyez accoisée: car la communication des douleurs du cœur fait le mesme effet en l'ame, que la seignée fait au corps de celuy qui est en fievre continue; c'est le remede des remedes..

  A003002177 

 Il est vray qu'elle en fait plus de mauvaises que de bonnes: car elle n'en fait que deux bonnes, à sçavoir misericorde et penitence; et il y en a six mauvaises, à sçavoir, angoisse, paresse, indignation, jalousie, envie, et impatience; qui a faict dire au Sage, La tristesse en tue beaucoup, et n'y a point de proffit en icelle, parce que pour deux bons ruisseaux qui proviennent de la source de tristesse, il y en a six qui sont bien mauvais..

  A003002177 

 La tristesse qui est selon Dieu, dit S. Paul, opere la penitence pour le salut: la tristesse du monde opere la mort.

  A003002178 

 Le malin se plaist en la tristesse et melancholie, parce qu'il est triste et melancholique, et le sera eternellement, dont il voudroit que chacun fut comme luy..

  A003002179 

 La mauvaise tristesse trouble l'ame, la met en inquietude, donne des craintes desreglées, degouste de l'oraison, assoupit et accable le cerveau, prive l'ame de conseil, de resolution et de jugement, décourage et abbat les forces; et bref elle est comme un dur hyver, qui fauche toute la beauté de la terre, et engourdit tous les animaux: car elle oste toute la suavité de l'ame, et la rend presque percluse et impuissante en toutes ses facultez..

  A003002180 

 La priere est un souverain remede: elle eslete l'esprit en Dieu, qui est nostre unique joye et consolation: mais en priant usez d'affections et parolles, soit interieures, soit exterieures, qui tendent à la confiance et amour de Dieu, [134*] comme, ô Dieu de misericorde, mon tres-bon Dieu, mon Sauveur debonnaire, Dieu de mon cœur, ma joye, mon esperance, mon cher Espoux, le Bien-aimé de mon ame, et semblables..

  A003002180 

 Quelqu'un est il triste? dit sainct Jaques, qu'il prie.

  A003002183 

 Il est bon de s'employer aux œuvres exterieures, et les diversifier le plus que l'on peut, pour divertir l'ame de l'object triste, purifier et eschauffer les esprits, la tristesse estant une passion de la complexion froide et seiche..

  A003002184 

 Faictes des actions exterieures de ferveur, quôy que sans goust, embrassant l'image du Crucifix, la serrant sur la poitrine, luy baisant les pieds et les mains, levant vos yeux et vos mains au Ciel, eslançant vostre voix en Dieu par des parolles d'amour et de confiance, comme sont celles-cy, Mon Bien-aymé est à moy, et moy à luy: mon Bien-aimé m'est un bouquet de mirrhe, il demeurera entre mes mammelles; Mes yeux se fondent sur vous, ô mon Dieu, disans, Quand me consolerez vous? O Jesus soyez moy Jesus; Vive Jesus, et mon ame vivra; Qui me separera de l'amour de mon Dieu? et Semblables..

  A003002185 

 La discipline moderée est bonne contre la tristesse, parce que ceste volontaire affliction exterieure impetre la consolation interieure: et l'ame sentant des douleurs de dehors, se divertit de celles qui sont au dedans: la frequentation de la saincte Communion est excellente, car ce pain celeste affermit le cœur, et resjoüit l'esprit..

  A003002191 

 Il est vray qu'il y a certaines histoires qui donnent plus de lumiere pour la conduitte de nostre vie que d'autres; comme la vie de la B. H. mere Therese, laquelle est admirable pour cela, les vies des premiers Jesuistes, celle du B. H.Cardinal [136*] Boromee, de S. Louys, de S. Bernard; les Croniques de S. François, et autres pareilles.

  A003002191 

 La solitude de S. Paul premier hermite est imitée en vos retraittes spirituelles et reelles, desquelles nous avons parlé cy dessus: l'extreme pauvreté de S. François par les prattiques de la pauvreté, telles que nous avons marquées, ainsi des autres.

  A003002191 

 Lisez aussi les histoires et vies des Saincts, esquelles comme dans un miroûer vous verrez le pourtrait de la vie Chrestienne: et accommodez leurs actions à vostre proffit selon vostre vocation: car bien que beaucoup des actions des Saincts ne soyent pas imitables par ceux qui vivent emmy le monde; si est ce neantmoins que toutes peuvent estre suyvies ou de prés ou de loing.

  A003002195 

 Et vous, ma Philothee, parlés souvent de Dieu és devis familiers que vous ferés avec vos amis et voisins: mais tousjours parlés en comme de Dieu, c'est à dire reveremment et devotement: non point faisant la suffisante ny la prescheuse, mais avec esprit de douceur, de charité et d'humilité, distillant (comme il est dit de l'Espouse au Cantique des Cantiques) le miel delicieux de ce que vous sçaurez de la devotion et des choses divines, goutte à goutte, tantost dedans l'aureille de l'un, tantost dedans l'aureille de l'autre: priant Dieu au secret de vostre ame, qu'il luy plaise de faire passer ceste saincte rosée jusques dedans le cœur de ceux qui vous escoutent..

  A003002196 

 Mais, comme j'ay dit, il faut faire cet office Angelique doucement et souëfvement, non point par maniere de correction, mais par maniere d'inspiration: car c'est merveille combien la suavité et amiable proposition de quelque bonne chose est une puissante amorce pour attirer les cœurs..

  A003002197 

 Ce que je dis pour vous oster une remarquable vanité qui se treuve en plusieurs personnes qui font profession de devotion, lesquelles à tout propos disent des parolles sainctes et ferventes par maniere d'entregent, et sans y penser nullement: et apres les avoir dittes, il leur est advis qu'ils sont tels que leurs parolles tesmoignent, ce qui n'est pas.

  A003002201 

 C'est pourquoy le divin Espoux veut faire entendre qu'il n'a pas seulement agreables les grandes œuvres des personnes devotes, mais aussi les moindres et plus petites: et que pour le servir à son goust, il faut avoir grand soing de le bien servir aux choses grandes et hautes, et aux choses basses et abjettes, puis que nous pouvons esgallement et par les unes et par les autres luy desrober son cœur par amour..

  A003002202 

 Ces petites charitez quotidiennes, ce mal de teste, ce mal de dents, cette defluxion, cette bigearrierie du mary ou de la femme, ce cassement d'un verre, ce mespris ou cette moue, cette perte de gans, d'une bague, d'un mouchoir, cette [138*] petite incommodité que l'on se fait d'aller coucher de bonne heure, de se lever matin pour prier, pour se communier, ceste petite honte que l'on a de faire certaines actions de devotion publiquement: bref toutes ces petites souffrances estant prinses et embrassées avec amour contentent extremement la bonté divine; laquelle pour un seul verre d'eau a promis la mer de toute felicité à ses fidelles: et parce que ces occasions se presentent à tout moment, c'est un grand moyen d'assembler beaucoup de richesses spirituelles que de les bien employer..

  A003002202 

 Preparez vous doncques, Philothee, à souffrir beaucoup de grandes afflictions pour nostre Seigneur, et mesme à endurer le martyre: resolvez-vous de luy donner tout ce qui vous est de plus precieux, s'il luy plaisoit de le prendre; pere, mere, frere, mary, femme, enfans, vos yeux mesme et vostre vie, car à tout cela vous devez apprester vostre cœur.

  A003002204 

 Mettez la main à chose forte, vous exerçant à l'oraison et meditation, à l'usage des Sacremens, à donner de l'amour de Dieu aux ames, à respendre des bonnes inspirations dedans les cœurs: et en fin à faire des œuvres grandes et d'importance selon vostre vocation: mais n'obliés pas aussi vostre fuseau et vostre quenouille: c'est à dire prattiqués ces petites et humbles vertus, lesquelles comme fleurs [139*] croissent au pied de la croix; le service des pauvres, la Visitation des malades, le soin de la famille, et toutes les œuvres qui dependent d'iceluy, et l'utile diligence qui provoque à ne point demeurer oisive, ny de cœur, ny de corps; et parmi toutes ces choses là entre-jettez des pareilles considerations que celles que je viens de dire de saincte Catherine..

  A003002209 

 C'est chose bien aisée à un homme ou à une femme de s'empescher de l'adultere: mais ce n'est pas chose si facile de s'empescher des œillades, de donner ou recevoir de l'amour, de procurer des graces et menues faveurs, de dire et recevoir des [140*] parolles de cajollerie.

  A003002209 

 C'est chose bien aysée que de s'empescher du meurtre, mais c'est chose difficile d'esviter les menues choleres, desquelles les occasions se presentent à tout moment.

  A003002209 

 C'est pourquoy, ma chere Philothee, il faut qu'avec grand soin et diligence nous nous preparions à ce combat: et soyés asseurée qu'autant de victoires que nous rapporterons contre ces petits ennemis, autant de pierres precieuses seront mises en la couronne de gloire que Dieu nous prepare en son Paradis: c'est pourquoy je dis qu'attendant de bien et vaillamment combattre les grandes tentations, si elles viennent, il nous faut bien, et diligemment nous defendre de ces menues, et foibles attaques..

  A003002209 

 Il est bien aisé de ne point donner de corival au mary, ny de corivale à la femme, quant au corps: mais il n'est pas si aysé de n'en point donner quant au cœur; bien aysé de ne point souiller le lict du Mariage, mais bien mal aysé de ne point interesser l'amour du Mariage: bien aysé de ne point desrober le bien d'autruy, mais mal aysé de ne point le muguetter et convoiter: bien aysé de ne point dire de faux tesmoignage en jugement, mais mal aysé de ne point mentir en conversation; bien aysé de ne point s'ennyvrer, mais mal aysé d'estre sobre: bien aysé de ne point desirer la mort d'autruy, mais mal aysé de ne point desirer son incommodité: bien aysé de ne le point diffamer, mais mal aysé de ne le point mespriser.

  A003002209 

 J'en dis de mesme touchant les tentations, lesquelles il faut combattre avec un courage esgal, ou petites qu'elles soient, ou grandes: si est ce neantmoins qu'à l'adventure on fait plus de proffit à bien combattre les petites que les grandes.

  A003002213 

 Ainsi Dieu voulant faire en nous, par nous, et avec nous quelque action de grande charité, premierement il nous la propose par son inspiration, secondement nous l'agreons, troisiesmement nous y consentons; car comme pour descendre au [141*] peche il y a trois degrez, la tentation, la delectation, et le consentement, aussi en y a-il trois pour monter à la vertu: l'inspiration, qui est contraire à la tentation, la delectation en l'inspiration, qui est contraire à la delectation de la tentation, et le consentement à l'inspiration, qui est contraire au consentement à la tentation..

  A003002215 

 C'est ce plaisir duquel parlant l'Espouse sacrée, elle dit: Mon ame s'est fondue d'ayse, quand mon bien-Aymé a parlé; aussi le Gentil-homme est desja fort contant de la Damoiselle qu'il sert, et se sent favorisé quand il voit qu'elle se plait en son service..

  A003002215 

 Le plaisir que l'on prend aux inspirations est un grand acheminement à la grace de Dieu, et desja on commence à plaire par iceluy à sa divine Majesté: car si bien cette delectation n'est pas encore un entier consentement, c'est une certaine disposition à iceluy; et si c'est un bon signe et chose fort utile de se plaire à oüir la parole de Dieu, qui est comme une inspiration exterieure, c'est chose bonne aussi et agreable à Dieu de se plaire en l'inspiration interieure.

  A003002216 

 Ce fut ce qui arriva à l'Espouse sacrée: car quoy que la douce voix de son bien-Aimé luy eust touché le cœur d'un sainct ayse, si est-ce neantmoins qu'elle ne luy ouvrit pas la porte, mais s'en excusa d'une excuse frivole: dequoy l'Espoux justement indigné il passa outre et la quitta: aussi le Gentilhomme qui apres avoir longuement recerché une Damoiselle, et luy avoir rendu son service agreable, en fin seroit rejette et mesprisé, auroit bien plus de sujet de mécontentement que si sa recerche n'avoit point esté agreée ny favorisée.

  A003002216 

 Mais en fin c'est le consentement qui parfait l'acte vertueux, car si estans inspirés et nous estant pleuz en l'inspiration nous refusons neantmoins par apres le consentement à Dieu, nous sommes extremement mescognoissans et offensons grandement sa divine Majesté, car il semble bien qu'il y ait plus de mespris.

  A003002217 

 Consentez, mais d'un consentement plein, amoureux et constant à la saincte inspiration: car en ceste sorte, Dieu que vous ne pouvez obliger se tiendra pour fort obligé à vostre affection: mais avant que de consentir aux inspirations des choses importantes ou extraordinaires, afin de n'estre point trompée conseillez vous tousjours à vostre guide, afin qu'il examine si l'inspiration est vraye ou fausse: d'autant que l'ennemy voyant une ame prompte à consentir aux inspirations luy en propose bien souvent des fausses pour la tromper: ce qu'il ne peut jamais faire, tandis qu'avec l'humilité elle obeïra à son conducteur..

  A003002218 

 Le consentement estant donné, il faut avec un grand soin en procurer les effets, et venir à l'execution de l'inspiration, qui est le comble de la vraye vertu: car d'avoir le consentement dedans le cœur, sans venir à l'effet d'iceluy, ce seroit comme de planter une vigne sans vouloir qu'elle fructifiast..

  A003002223 

 Ainsi Satan, le monde, et la chair, voyant une ame espousée au Fils de Dieu luy envoye des tentations et suggestions, par lesquelles le peché luy est proposé, sur lesquelles elle se plait, ou elle se deplait: en fin elle [143*] consent, ou elle refuse; qui sont en somme les trois degrez pour descendre à l'iniquité, la tentation, la delectation, et le consentement.

  A003002223 

 Et bien que ces trois actions ne se cognoissent pas si manifestement en toutes autres sortes de peché, si est-ce qu'elles se cognoissent palpablement aux grands et enormes pechez..

  A003002224 

 Quand la tentation de quel peché que ce soit dureroit toute nostre vie, elle ne sçauroit nous rendre desagreables à la divine Majesté, pourveu qu'elle ne nous plaise pas, et que nous n'y consentions pas: la raison est, parce qu'en la tentation nous n'agissons pas, mais nous souffrons: et puis que nous n'y prenons point de plaisir, nous ne pouvons aussi en avoir aucune sorte de coulpe.

  A003002225 

 C'est [144*] pourquoy tant que la tentation dure et persevere, elle ne peut nous nuire, tandis qu'elle nous est desagreable..

  A003002225 

 Il faut donc estre fort courageuse, Philothee, emmy les tentations, et ne se tenir jamais pour vaincuë pendant qu'elles vous deplairont, en bien observant ceste difference qu'il y a entre sentir et consentir; c'est qu'on les peut sentir encore qu'elles nous deplaisent, mais on ne peut consentir sans qu'elles nous plaisent, puis que le plaisir pour l'ordinaire sert de degré pour venir au consentement.

  A003002225 

 Mais il y a ceste difference entre l'ame et ceste Princesse pour ce sujet, que la Princesse ayant ouy la proposition deshonneste peut si bon luy semble chasser le messager, et ne le plus ouïr; mais il n'est pas tousjours au pouvoir de l'ame de ne point sentir la tentation, bien qu'il soit tousjours en son pouvoir de ne point y consentir.

  A003002225 

 Que doncques les ennemis de nostre salut nous presentent tant qu'ils voudront d'amorces et d'apasts: qu'ils demeurent tousjours à la porte de nostre cœur pour entrer: qu'ils nous facent tant de propositions qu'ils voudront; mais tandis que nous aurons resolution de ne point nous plaire en tout cela, il n'est pas possible que nous offensions Dieu, non plus que le Prince espoux de la Princesse que j'ay representé, ne luy peut sçavoir mauvais gré du message qui luy est envoyé, si elle n'y a prins aucune sorte de plaisir.

  A003002226 

 Mais quant à la delectation qui peut suyvre la tentation, pour autant que nous avons deux parties en nostre ame, l'une inferieure, et l'autre superieure, et que l'inferieure ne suit pas tousjours la superieure, ains fait son cas à part; il arrive maintefois que la partie inferieure se plait en la tentation, sans le consentement, ains contre le gré de la superieure: c'est la dispute et la guerre que l'Apostre S. Paul descrit quand il dit que sa chair convoite contre son esprit; qu'il y a une loy des membres, et une loy de l'esprit, et semblables choses..

  A003002227 

 Car la tentation jettant sa delectation en la partie inferieure, couvre ce semble toute l'ame de cendres, et reduit l'amour de Dieu au petit pied, car il ne paroit plus nulle part, sinon au milieu du cœur, au fin fond de l'esprit, encor semble il qu'il n'y soit pas, et on a peine de le treuver: il y est neantmoins en verité, puisque quoy que tout soit en trouble en nostre ame et en nostre corps, nous avons la resolution de ne point consentir au peché ny à la tentation, et que la delectation qui plait à nostre homme exterieur desplait à l'interieur: et quoy qu'elle soit tout autour de nostre volonté, si n'est elle pas dans icelle; en quoy l'on voit que telle delectation est involontaire, et estant telle elle ne peut estre peché.

  A003002227 

 Il y estoit neantmoins puis qu'on l'y treuve; et avec iceluy on peut rallumer tous les autres charbons desja esteints: c'en est de mesme de la charité, qui est nostre vie spirituelle, parmy les grandes et violentes tentations.

  A003002231 

 Le jeune homme duquel parle S. Hierosme, qui couché et attaché sur un lict mollet, estoit provoqué par toutes sortes de vilains attouchemens et attraits des impudiques femmes qui s'estoient couchées avec luy expres pour esbranler sa constance, ne devoit il pas sentir d'estranges esmotions charnelles? ses sens ne devoient ils pas estre saisis de la delectation, et son imagination extremement occupée de ceste presence des objets voluptueux? sans doute; et neantmoins parmi tant de troubles, emmy un si terrible orage de tentations, il tesmoigne que son cœur n'est point vaincu, que sa volonté qui sent tout autour de soy tant de voluptez n'y consent toutefois nullement: puis que son esprit voyant tout rebellé contre luy, et n'ayant plus aucune des parties de son corps à son commandement, sinon la langue, il se la coupa avec les dents, et la cracha sur le visage de ces vilaines ames qui tourmentoient la sienne plus cruellement par la volupté, que les borreaux n'eussent jamais sceu faire par les tourmens..

  A003002232 

 Il fit donc toutes sortes d'impudiques suggestions à son cœur: et pour tant plus l'esmouvoir, venant avec ses compagnons en forme d'hommes et de femmes, il faisoit mille et mille sortes de charnalitez et lubricitez à sa veuë, adjoustant des parolles et semonces tres deshonnestes; et bien que toutes ces choses fussent exterieures, si est-ce que par le moyen des sens elles penetroient bien avant dedans le cœur de la vierge, lequel comme elle confessoit elle mesme, en estoit tout plein, ne luy restant plus que la fine pure volonté superieure, qui ne fut agitée de ceste tempeste de vilenie et delectation charnelle.

  A003002232 

 L'histoire du combat de saincte Catherine de Siennes en un pareil sujet est du tout admirable, en voicy le sommaire.

  A003002233 

 Mais c'est la fine fleur et la perfection de l'amour celeste que de faire souffrir et combattre pour luy, sans sçavoir si on l'a, et si il est en celuy qui combat pour et par luy..

  A003002233 

 Voyez vous, Philothee, comme ce feu estoit couvert de la cendre, et que la tentation et delectation estoit mesme entrée dedans le cœur, et avoit environné la volonté, laquelle seule asistée de son Sauveur resistoit par des amertumes, des desplaisirs et detestations du mal qui luy estoit suggeré, refusant perpetuellement son consentement au peché qui l'environnoit? O Dieu quelle detresse à une ame qui ayme Dieu de ne sçavoir seulement pas si il est en elle ou non, et si l'amour divin pour lequel elle combat est du tout esteint en elle, ou non.

  A003002237 

 Ma Philothee, ces grands assauts et ces tentations si puissantes, ne sont jamais permises de Dieu que contre les ames, lesquelles il veut eslever à son pur et excellent amour: mais il ne s'ensuit pas pourtant qu'apres cela elles soient asseurées d'y parvenir: car il est [147*] arrivé maintefois que ceux qui avoient esté constans en des si violentes attaques, ne correspondant pas par apres fidellement à la faveur divine se sont treuvés vaincus en des biens petites tentations.

  A003002238 

 Ainsi arrive il quelquefois que par la violance des tentations il semble que nostre ame est tumbée en une defaillance totale de ses forces, et que comme pasmée elle n'a plus ny vie spirituelle, ny mouvement.

  A003002238 

 Mais si nous voulons connoistre ce que c'en est, mettons la main sur le cœur, considerons si le cœur et la volonté ont encore leur mouvement spirituel, c'est à dire s'ils font leur devoir à refuser de consentir et suivre la tentation et la delectation: car pendant que le mouvement du refus est dedans nostre cœur, nous sommes asseurés que la charité vie de nostre ame est en nous, et que Jesus Christ nostre Sauveur, se treuve dans nostre ame, quoy que caché et couvert; si que moyennant l'exercice continuel de l'oraison, des Sacremens et de la confience en Dieu nos forces reviendront en nous, et nous vivrons d'une vie entiere et delectable.

  A003002238 

 Quand un homme est pasmé et qu'il ne rend plus aucun tesmoignage de vie en son visage, on luy met la main sur le cœur: et pour peu que l'on y sente de mouvement, on juge qu'il est en vie, et que par le moyen de quelque eau precieuse et de quelque epitheme on peut luy faire reprendre force et sentiment.

  A003002238 

 Quelles tentations donques qui vous arrivent et quelle delectation qui s'en ensuive, tandis que vostre volonté refusera son consentement, non seulement à la tentation, mais encor à la delectation, ne vous troublés nullement, Philothee, car Dieu n'en est point offencé.

  A003002242 

 La Princesse de laquelle nous avons parlé ne peut mais de la recherche deshonneste qui luy est faite, puis que, comme nous avons presuposé, elle luy arrive contre son gré.

  A003002243 

 C'est tousjours chose blasmable à la jeune Princesse de laquelle nous avons parlé, si non seulement elle escoute la proposition salle et deshonneste qui luy est faicte, mais encore apres l'avoir ouïe elle prend plaisir en icelle, entretenant son cœur avec contentement sur cet object: car bien qu'elle ne vueille pas consentir à l'execution reelle de ce qui luy est proposé, elle consent neantmoins à l'application spirituelle de son cœur, par [149*] le contentement qu'elle y prend: et c'est tousjours chose deshonneste d'appliquer ou le cœur, ou le corps à chose deshonneste; ains la deshonnesteté consiste tellement à l'application du cœur, que sans icelle l'application du corps ne peut estre peché..

  A003002243 

 Quand la delectation qui m'arrive de la tentation peut estre esvitée, c'est tousjours peché de la recevoir, selon que le plaisir que l'on y prend, et le consentement que l'on y donne est grand, ou petit, de longue ou de petite durée.

  A003002245 

 De mesme doncque si quelqu'un me propose quelque stratageme plein d'invention et d'artifice pour me venger de mon ennemy, et que je ne prenne pas plaisir, ny ne donne nul consentement à la vengeance qui m'est proposée, mais seulement à la subtilité de l'invention et de l'artifice, sans doute je ne peche point: bien qu'il ne soit pas expedient que je m'amuse beaucoup à ce plaisir, de peur que petit à petit il ne me porte à quelque delectation de la vengeance mesme..

  A003002245 

 Par exemple, si le galand qui luy veut donner de l'amour sonnoit exquisiment bien du luth, et qu'elle print plaisir, non pas à la recherche qui est faite de son amour, mais à l'harmonie et douceur du son du luth, il n'y auroit point de peché, bien qu'elle ne devroit pas continuer longuement en ce plaisir, de peur de faire passage d'iceluy à la delectation de la recherche.

  A003002246 

 C'est un grand vice à une femme de vouloir entretenir des mauvaises amours, quoy qu'elle ne vueille jamais s'abandonner reellement à l'amoureux..

  A003002246 

 On est quelquefois surprins de quelque chatouillement de delectation qui suit immediatement la tentation devant que bonnement on s'en soit prins garde: et cela ne peut estre qu'un bien leger peché veniel, lequel se rend plus grand, si apres que l'on s'est aperceu du mal où l'on est, on demeure par negligence quelque temps à marchander avec la delectation, si l'on doit l'accepter ou la refuser: et encore plus grand si en s'en appercevant on demeure en icelle quelque temps par vraye negligence, sans nulle sorte de propos de [150*] la rejetter: mais lors que volontairement et de propos deliberé nous sommes resolus de nous plaire en telles delectations, ce propos mesme deliberé est un grand peché, si l'object pour lequel nous avons delectation est notablement mauvais.

  A003002250 

 Recourez de mesme à Dieu, reclamant sa misericorde et son secours: c'est le remede que nostre Seigneur enseigne: Priez afin que vous n'entriez point en tentation..

  A003002252 

 Mais en faisant ces protestes et ces refus de consentement ne regardez point au visage la tentation, ains seulement regardez nostre Seigneur: car si vous regardiez la tentation, principalement quand elle est forte, elle pourroit esbranler vostre courage..

  A003002254 

 Le grand remede contre toutes tentations grandes ou petites, c'est de deployer son cœur et communiquer les suggestions, ressentimens et affections que nous avons à nostre directeur; car notez que la premiere condition que le malin fait avec l'ame qu'il veut seduire, c'est du silence, comme font ceux qui veulent seduire les femmes [151*] et les filles, qui de prim'abord defendent qu'elles ne communiquent point les propositions aux peres ny aux marys: ou au contraire Dieu en ses inspirations demande sur toutes choses que nous les fassions recognoistre par nos superieurs et conducteurs..

  A003002260 

 Mais quant aux menues tentations de vanité, de soupçon, de chagrin, de jalousie, d'envie, d'amourettes, et semblables tricheries, qui comme mouches et moucherons viennent passer devant nos yeux, et tantost nous picquer sur la joüe, tantost sur le nez; parce qu'il est [152*] impossible d'estre tout à fait exempt de leur importunité, la meilleure resistence qu'on leur puisse faire c'est de ne s'en point tourmenter: car tout cela ne peut point nuire, quoy qu'il puisse faire de l'ennuy, pourveu que l'on soit bien resolu de vouloir servir Dieu..

  A003002261 

 Que si vous me croyez, vous ne vous opiniastrerez pas à faire des actions de la vertu contraire à la tentation que vous sentez, parce que ce seroit quasi vouloir disputer avec elle: mais apres en avoir fait une, si vous avez eu le loisir de recognoistre la tentation, avec un simple retour de vostre cœur, et mouvement de vostre esprit, comme par maniere de diversion, vous ferez une action d'amour à l'endroit de Dieu, et irez baiser en esprit Jesus Christ crucifié: car l'amour de Dieu contenant en soy toutes les perfections de toutes les vertus, il est aussi un souverain remede contre tous vices: et vostre esprit s'accoustumant en toutes tentations de recourir à ce rendez-vous general, ne sera point obligé de regarder et examiner quelles tentations il a, mais simplement se sentant troublé il s'acoisera en ce grand remede..

  A003002266 

 Si vous estes inclinée à l'avarice, pensez souvent à la folie de ce peché, qui nous rend esclaves de ce qui n'est crée que pour nous servir: qu'à la mort aussi bien faudra il tout quitter, et le laisser entre les mains de tel qui le dissipera, ou auquel cela servira de ruine et de damnation, et semblables pensées: parlez fort contre l'avarice, et louez fort le mespris du monde: violentez vous à faire souvent des aumosnes et des charitez, et à laisser escouler quelques occasions d'assembler..

  A003002267 

 Si vous estes subjette à vouloir donner ou recevoir de l'amour, pensez souvent combien cet amusement est dangereux, tant pour vous que pour les autres: combien c'est une chose indigne de prophaner et employer à passetemps la plus noble affection qui soit [154*] en nostre ame, combien cela est subjet au blasme d'une extreme legereté d'esprit: parlez souvent en faveur de la pureté et simplicité de cœur, et faites aussi, le plus qu'il vous sera possible, des actions conformes à cela, evitant toutes affaiteries, et mugueteries..

  A003002268 

 En somme, en temps de paix, c'est à dire lors que les tentations du peché auquel vous estes subjete ne vous presseront pas, faites force actions de la vertu contraire: et si les occasions ne se presentent pas, allez au devant d'elles pour les rencontrer: car par ce moyen vous renforcerez vostre cœur contre la tentation future..

  A003002272 

 Entre toutes les vertus, je vous recommande les deux bien-aimées de nostre Seigneur et lesquelles seules il a ordonné que nous aprinssions de luy, l'humilité et la douceur de cœur: mais prenés garde que ce soit de cœur: car c'est un des grands artifices de l'ennemy de faire que plusieurs s'amusent à dire des paroles et faire des gestes exterieures de ces deux vertus, lesquels n'examinant pas leurs affections interieures pensent estre humbles et doux, et ne le sont neantmoins nullement en effet: ce que l'on reconnoit, parce que nonobstant leur ceremonieuse douceur et humilité, à la moindre parolle qu'on leur dit de travers, ou la moindre petite injure qu'ils reçoivent, ils s'eslevent avec une arrogance non-pareille..

  A003002273 

 Ne vous laissés nullement persuader de recevoir aucune sorte de cholere et d'ire chés vous, ny pour un sujet ny pour un autre: car pour petite qu'elle soit, depuis qu'une fois elle est entrée dedans le cœur, il est malaysé de l'en sortir, et d'empescher qu'elle ne tyrannise nostre ame: aussi n'est elle utile à chose du monde, puisque, comme dit l'Apostre S. Jaques, l'ire de l'homme n'opere point la [155*] justice de Dieu, et jamais à l'adventure ne s'est il treuvé homme sage qui ne se soit repenty de s'estre mis en cholere..

  A003002275 

 L'Espouse au Cantique des Cantiques n'a pas seulement le miel en ses levres, et au bout de sa langue, mais elle l'a encor dessous la langue, c'est à dire dans la poitrine: et n'y a pas seulement du miel, mais encor du laict: aussi ne faut il pas seulement avoir la parolle douce à l'endroit du prochain, mais aussi toute la poitrine, c'est à dire tout l'interieur de nostre ame; et ne faut pas seulement avoir la douceur du miel, qui est aromathique et odorant, c'est à dire la suavité de la conversation civile avec les estrangers, mais aussi la douceur du laict entre les domestiques et proches voisins: en quoy manquent grandement ceux qui en ruë semblent des Anges, et en la maison des diables..

  A003002279 

 Il faut donques avoir un deplaisir de nos fautes qui soit paisible, rassis et ferme; car tout [156*] ainsi qu'un Juge chastie bien mieux les meschans faisant ses sentences par raison, et en esprit de tranquillité, que non pas quand il les fait par impetuosité et passion: d'autant que jugeant avec passion, il ne chastie pas les fautes selon qu'elles sont, mais selon qu'il est luy mesme; ainsi nous nous chastions bien mieux nous mesmes par des repentences tranquilles et constantes, que non pas par des repentences aigres, empressées et choleres, d'autant que ces repentances faites avec impetuosité ne se font pas selon la gravité de nos fautes, mais selon nos inclinations.

  A003002279 

 L'une des bonnes prattiques que nous sçaurions faire de la douceur, c'est celle de laquelle le sujet est en nous-mesme, ne despitant jamais contre nous mesme, ny contre nos imperfections: car encore que la raison veut que quand nous faisons des fautes, nous en soyons desplaisans et marris; si faut il neantmoins que nous nous empeschions d'en avoir une deplaisance aigre et chagrine, depiteuse et cholere: en quoy font une grande faute plusieurs qui s'estans mis en cholere se courroucent de s'estre courroucés, entrent en chagrin de s'estre chagrinés, et ont despit de s'estre dépités: car par ce moyen ils tiennent leur cœur confit et detrempé en la cholere; et si bien il semble que la seconde cholere ruyne la premiere, si est ce neantmoins qu'elle sert d'ouverture et de passage pour une nouvelle cholere à la premiere occasion qui s'en presentera.

  A003002282 

 Relevez doncques vostre cœur quand il tombera, tout doucement, [157*] vous humiliant beaucoup devant Dieu par la recognoissance de vostre misere, sans nullement vous estonner de vostre chêute, puis que ce n'est pas chose admirable que l'infirmité soit infirme, et la foiblesse foible, et la misere chetive.

  A003002283 

 Quand vous vous serez mise en cholere, au premier ressentiment que vous aurez de vostre faute, repàrez la par un acte de douceur, exercée promptément à l'endroit de la mesttie personne contre laquelle vous vous serez irritée: car tout ainsi que c'est un souverain remede contre la mensonge que de s'en dedire sur le champ, tout aussi tost que l'on s'apperçoit de l'avoir dit; aussi est ce un bon remede contre la cholere de la reparer soudainement par un acte contraire de douceur car, comme l'on dit, les playes fraisches sont plus aysement remediables..

  A003002288 

 Le vray patient et serviteur de Dieu supporte esgallement les tribulations conjointes à l'ignominie, et celles qui sont honnorables: d'estre mesprisé, reprins, et accusé par les meschans, ce n'est que douceur [158*] à un homme de courage: mais d'estre reprins, accusé et mal traitté par les gens de bien, par les amis, par les parens, c'est là où il y va du bon.

  A003002291 

 Je suis de l'advis de S. Gregoire: Quand vous serez accusée justement, pour quelque faute que vous aurez commise, humiliez vous bien fort: confessez que vous meritez plus que l'accusation qui est faite contre vous.

  A003002291 

 Que si l'accusation est fausse, excusez vous doucement, niant d'estre coulpable: car vous devez ceste reverence à la verité, et à l'edification du prochain: mais aussi si apres vostre veritable et simple excuse on continue à vous accuser, ne vous troublez nullement, et ne taschez point à faire recevoir vostre excuse: car apres avoir rendu vostre devoir à la verité, vous devez aussi le rendre à l'humilité: et en ceste sorte vous n'offenserez ny le soin que vous devez avoir de vostre renommée, ny l'affection que vous devez à la tranquilité, douceur de cœur et humilité..

  A003002292 

 Plaignez vous le moins que vous pourrez des torts qui vous seront faits: car c'est chose certaine, que pour l'ordinaire qui se plaint peche, d'autant que l'amour propre nous fait tousjours ressentir les injures plus grandes qu'elles ne sont: mais sur tout ne faictes point vos plaintes à des personnes aysées à s'indigner et mal penser.

  A003002292 

 Que s'il est expedient de vous plaindre à quelqu'un, ou pour remedier à l'offence, ou pour acoiser vostre esprit; il faut que ce soit à des ames tranquilles, et qui aiment bien Dieu: car autrement au lieu d'alleger vostre cœur, elles le provoqueront à plus grandes inquietudes: en lieu d'oster l'espine qui vous pique, elles la ficheroient plus avant en vostre pied..

  A003002293 

 Es contradictions qui vous arriveront en l'exercice de la devotion (car cela ne manquera pas) resouvenez vous de la parole de nostre Seigneur: La femme tandis qu'elle enfante a des grandes angoisses, mais voyant son enfant nay elle les oublie, d'autant qu'un homme luy est nay au monde; car vous avez conceu en vostre ame le plus digne enfant du monde, qui est Jesus Christ: avant qu'il soit produit et enfanté du tout, il ne se peut que vous ne vous ressentiez du travail; mais ayez bon courage, car ces douleurs passées la joye eternelle vous demeurera d'avoir enfanté un tel homme au monde.

  A003002294 

 Et comme le miel qui est fait des fleurs de thim, herbe petite et amere, est le meilleur de tous, ainsi la vertu qui s'exerce en l'amertume des plus viles, basses et abjectes tribulations est la plus excellente de toutes..

  A003002300 

 Mais s'il est possible n'en soyez pas en sollicitude et soucy, c'est à dire, ne les entreprenez pas avec inquietude, anxieté et ardeur: ne vous empressez point à la besongne, car toute sorte d'empressement trouble la raison et le jugement, et nous empesche mesme de bien faire la chose à laquelle nous nous empressons..

  A003002301 

 Voyez vous, si elle eust esté simplement soigneuse, elle ne se fut point troublée, mais parce qu'elle estoit en soucy et inquietude, elle s'empresse et se trouble, et c'est en quoy nostre Seigneur la reprend.

  A003002309 

 Ainsi celuy qui a un vray soin de son cher cœur, doit le remonter en Dieu au soir et au matin, par les exercices marqués cy dessus: et outre cela il doit plusieurs fois considerer son estat, le redresser et accommoder; et en fin au moins une fois l'annee, il le doit demonter, et regarder par le menu toutes les pieces, c'est à dire toutes les affections et passions d'iceluy, affin de reparer tous les defauts qui y peuvent estre.

  A003002315 

 Le premier c'est d'avoir quitté, rejetté, detesté, renoncé pour jamais tout peché mortel.

  A003002315 

 Le second c'est d'avoir dedié et consacré vostre ame, vostre cœur, vostre corps, avec tout ce qui en depend à l'amour et service de Dieu.

  A003002315 

 Le troisiesme c'est que s'il vous arrivoit de tomber en quelque mauvaise action, vous vous en releveriez soudainement, moyennant la grace de Dieu; mais ne sont ce pas là des belles, justes, dignes, et genereuses resolutions? Pesez bien en vostre ame combien ceste protestation est saincte, raisonnable et desirable..

  A003002316 

 Considerez à qui vous avez faicte ceste protestation, car c'est à Dieu.

  A003002316 

 Si les parolles raisonnables données aux hommes nous obligent estroittement, combien plus celles que nous avons données à Dieu? Ah Seigneur, disoit David, c'est à vous à qui mon cœur l'a dict: mon cœur a projetté ceste bonne parolle: non, jamais je ne l'oubliray..

  A003002320 

 Ne prenez vous point à bon-heur de sçavoir parler à Dieu par l'oraison? d'avoir affection à le vouloir aimer? d'avoir accoisé et pacifié beaucoup de passions qui vous inquietoient? d'avoir esvité plusieurs pechez et embarrassemens de conscience? et en fin d'avoir si souvent communié de plus que vous n'eussiez pas fait, vous unissant à ceste souveraine source des graces eternelles? ah que ces graces sont grandes; il faut, ma fille, les peser au poids du Sanctuaire: c'est la main dextre de Dieu qui a fait tout cela.

  A003002325 

 Il est neantmoins requis de faire tout ce second point en deux jours et deux nuicts pour le plus, prenant de chasque jour et de chasque nuit quelque heure, je veux dire quelque temps, selon que vous verrez: car si cet exercice ne se faisoit qu'en des temps fort distans les uns des autres, il perdroit sa force, et donneroit des impressions trop lasches.

  A003002325 

 Il n'est pas requis ny expedient que vous faciez à genoux sinon le commencement et la fin qui comprend les affections.

  A003002325 

 Le second poinct de l'exercice est un peu long, et pour le pratiquer je vous diray qu'il n'est pas requis que vous le faciez tout d'une traitte, mais à plusieurs fois: comme prenant ce qui regarde vostre deportement envers Dieu pour un coup, ce qui vous regarde vous mesme pour l'autre, ce qui concerne le prochain pour l'autre, et la consideration des passions pour le quatriesme.

  A003002341 

 Quel est vostre cœur contre le peché mortel? avez vous une resolution forte de ne le jamais commettre pour quelque chose qui [170*] puisse arriver, et ceste resolution a elle duré de vostre protestation jusques à present?.

  A003002342 

 Quel est vostre cœur à l'endroit des commandemens de Dieu? les trouvés vous bons, doux, agreables? ah ma fille, qui a le goust en bon estat et l'estomach sain, il aime les bonnes viandes, et rejette les mauvaises..

  A003002343 

 Quel est vostre cœur à l'endroit des pechez veniels? on ne sçauroit se garder d'en faire quelqu'un par cy, par là, mais y en a-il point auquel vous ayez une speciale inclination? et ce qui seroit le pis, y en a-il point auquel vous ayez affection et amour?.

  A003002344 

 Quel est vostre cœur à l'endroit des exercices spirituels? les aymez-vous? les estimez-vous? vous faschent ils point? en estes vous point degoustée? auquel vous sentez vous moins inclinée? auquel vous sentez vous plus inclinée? ouïr la parole de Dieu, la lire, en deviser, mediter, aspirer en Dieu, se confesser, prendre les advis spirituels, s'apprester à la Communion, se communier, restraindre ses affections, qu'y a-il en cela qui repugne à vostre cœur? et si vous treuvez quelque chose à quoy ce cœur aye moins d'inclination, examinez d'où vient ce degoust, qu'est ce qui en est la cause?.

  A003002345 

 Quel est vostre cœur à l'endroit de Dieu mesme? vostre cœur se plait il à se resouvenir de Dieu? en ressent il point de douceur agreable? ah, dit David, je me suis resouvenu de Dieu, et m'en suis delecté.

  A003002346 

 Il en prend de mesme des ames qui aiment bien Dieu; quoy qu'elles soient embarrassees, quand le souvenir de Dieu s'approche d'elles, elles perdent presque contenance à tout le reste, pour l'ayse qu'elles ont de voir ce cher souvenir revenu, et c'est un extreme bon signe..

  A003002346 

 Si le mary d'une femme revient de loing, tout aussi tost que cette femme s'apperçoit de son retour, et qu'elle sent sa voix, quoy qu'elle soit empressée d'affaire, et retenuë par quelque violente consideration emmy la presse, si est ce que son cœur n'est pas retenu, mais abandonne les autres pensées pour penser à ce mary venu.

  A003002347 

 Quel est vostre cœur à l'endroit de Jesus Christ Dieu et homme? vous plaisés vous autour de luy? Les mouches à miel se plaisent autour de leur miel, et les guespes autour des puanteurs; ainsi les [171*] bonnes ames sa plaisent autour de Jesus Christ et de sa Croix, et les mauvaises autour des vanités..

  A003002348 

 Quel est vostre cœur à l'endroit de nostre Dame, des Saints, de vostre bon Ange? les aymez-vous fort? avez-vous une specialle confiance en leur bienveuïllance? leurs images, leurs vies, leurs louanges vous plaisent elles?.

  A003002354 

 Comme vous aymez vous? vous aymez vous point trop pour ce monde? si cela est, vous desirerez de demeurer tousjours icy, et aurez un extreme soin de vous establir en ceste terre: mais si vous vous aymez pour le Ciel, vous desirerez, au moins acquiescerez aysement, de sortir d'icy bas à l'heure qu'il plairra à nostre Seigneur..

  A003002364 

 Examinés bien si vostre cœur est franc en leur endroit, et si vous avez grande contradiction à les aymer..

  A003002364 

 Mais pour parler en general, quel est vostre cœur à l'endroit du prochain? l'aymés vous bien cordiallement, et pour l'amour de Dieu? Pour bien discerner cela, il vous faut bien representer certaines gens ennuyeux et maussades: car c'est là où on exerce l'amour de Dieu envers le prochain, et beaucoup plus envers ceux qui nous font du mal, ou par effet, ou par parolles.

  A003002369 

 J'ay estendu ainsi au long ces poincts, en l'examen desquels gist la connoissence de l'avancement spirituel qu'on a fait: car quant à l'examen des péchés, cela est pour les confessions de ceux qui ne pensent point à s'avancer.

  A003002377 

 En la tristesse, si elle est trop excessive, et pour choses vaines..

  A003002378 

 En la joye, si elle est excessive, et pour choses indignes..

  A003002379 

 Quelles affections en fin tiennent vostre cœur empesché? quelles passions le possedent? enquoy s'est il principalement detraqué?.

  A003002380 

 Car par les passions de l'ame, on reconnoist son estat en les tastant l'une apres l'autre: comme un joueur de luth connoist estat de son luth, pinçant toutes les cordes; et celles qu'il treuve dissonnantes il les acorde, ou les tirant, ou les lachant; ainsi apres avoir tasté l'amour, la hayne, le desir, la crainte, l'esperance, la tristesse et la joye de nostre ame, si nous les treuvons malaccordantes à l'air que nous voulons sonner, qui est la gloire de Dieu, nous pourrons les accorder, moyennant sa grace, et le conseil de nostre Pere spirituel.

  A003002396 

 Considerez la noblesse et excellence de vostre ame, qui a un entendement lequel cognoist non seulement tout ce monde visible, mais cognoist encor qu'il y a des Anges et un Paradis, cognoist qu'il y a un Dieu tres-souverain, tres-bon, et ineffable: cognoist qu'il y a [175*] une eternité; et de plus cognoist ce qui est propre pour bien vivre en ce monde visible, pour s'associer aux Anges en Paradis, et pour jouir de Dieu eternellement..

  A003002397 

 Vostre ame a de plus une volonté toute noble, laquelle peut aymer Dieu, et ne le peut hayr en soy-mesme: voyez vostre cœur comme il est genereux; et que comme rien ne peut arrester les abeilles de tout ce qui est corrompu, mais elles s'arrestent seulement sur les fleurs; ainsi vostre cœur ne peut estre en repos qu'en Dieu seul, et nulle creature ne le peut assouvir.

  A003002398 

 Helas nostre cœur courant aux creatures, y va avec des empressemens, pensant de pouvoir y accoiser ses desirs; mais si tost qu'il les a rencontrées il voit que c'est à refaire, et que rien ne le peut contenter, Dieu ne voulant que nostre cœur treuve aucun lieu, sur lequel il puisse reposer, non plus que la Colombe sortie de l'Arche de Noë, afin qu'il retourne à son Dieu, duquel il est sorty.

  A003002399 

 Eslevez fort vostre ame sur ceste considération: remonstrez luy qu'elle est eternelle, et digne de l'eternité: flattez la fort pour ce sujet..

  A003002403 

 Considerez que les vertus et la devotion peuvent seules rendre vostre ame contente en ce monde: voyez combien tout cela est beau: mettez en comparaison les vertus et les vices qui leur sont contraires.

  A003002404 

 Des vices qui n'en a qu'un peu n'est pas contant, et qui en a beaucoup est mescontant: mais des vertus qui n'en a qu'un peu, encor a-il desja du contentement, et puis tousjours plus en avançant.

  A003002404 

 O vie devote que vous estes belle, douce, agreable, et souëfve! vous adoucissez les tribulations et rendez souëfves les consolations: sans vous le bien est mal, et les plaisirs pleins d'inquietudes, troubles et defaillances: ah qui vous cognoistroit pourroit bien dire avec la Samaritaine, Domine da mihi hanc aquam; Seigneur donnez moy cette eau; aspiration fort frequente à la M. Therese, et à saincte Catherine de Genes..

  A003002408 

 Considerez l'exemple des Saincts de toutes sortes; qu'est-ce qu'ils n'ont pas fait pour aymer Dieu et estre ses devots? Voyez ces Martyrs invincibles en leurs resolutions; quels tourmens n'ont ils pas soufferts pour la maintenir? mais sur tout ces belles et florissantes dames, plus blanches que le lys en pureté, plus vermeilles que la rose en charité; les unes à douze, les autres à treize, quinze, vingt, et vingt et cinq ans, ont souffert mille sortes de martyres, plustost que de renoncer à leur resolution, non seulement en ce qui estoit de la protestation de la foy, mais en ce qui estoit de la protestation de la devotion: les unes mourant plustost que de quitter la virginité, les autres plustost que de cesser de servir les affligez, et consoler les tourmentez, et ensevelir les trespassez.

  A003002409 

 Mon [177*] Dieu qu'est ce que dit sainct Augustin de sa mere Monique? avec quelle fermeté a elle poursuivie son entreprinse de servir Dieu en son mariage, en son vefvage? Et S. Hierosme de sa chere fille Paula parmy combien de traverses, parmy combien de varieté d'accidens? Mais qu'est ce que nous ne ferons pas sur ces si excellens patrons? Ils estoient ce que nous sommes, ils le faisoient pour le mesme Dieu, pour les mesmes vertus; pourquoy n'en ferons nous autant en nostre condition, selon nostre vocation, pour nostre chere resolution, et sainte protestation?.

  A003002413 

 Cet amour vous regardoit, et par toutes ces peines et travaux obtenoit de Dieu le Pere des bonnes resolutions et protestations pour vostre cœur, et par mesme moyen obtenoit encor tout ce qui vous est necessaire, pour maintenir, nourrir, fortifier, et consommer ces resolutions.

  A003002413 

 O resolutions que vous estes precieuses, estant fille d'une telle mere, comme est la passion de mon Sauveur! ô combien mon ame vous doit cherir, puis que vous avez esté si cheres à mon Jesus? Helas ô Sauveur de mon ame, vous mourustes pour m'acquerir mes resolutions, he faittes moy la grace que je meure plustost que de les perdre..

  A003002414 

 Voyez vous, ma fille, il est certain que le cœur de nostre cher Jesus voyoit le vostre dés l'arbre de la Croix et l'aimoit, et par cet amour luy obtenoit tous les biens qu'il aura jamais, et entre autres nos resolutions: vray ma fille, nous pouvons tous dire comme Hieremie; O Seigneur, avant que je fusse vous me regardiez, et m'appelliez par mon nom, d'autant que vrayement sa divine bonté prepara en son amour et misericorde tous les moyens généraux et particuliers de nostre salut, et par consequent nos resolutions.

  A003002415 

 Ah mon Dieu, que nous devrions profondement mettre cecy en nostre memoire! Est il possible que j'aye esté aymé et si doucement aymé de mon Sauveur, qu'il allast penser en moy, en mon particulier, en toutes ces petites occurrences, par lesquelles il m'a tiré à luy: et combien doncques devons nous aymer, cherir, et bien employer tout cela à nostre utilité? Cecy est bien doux; ce cœur amiable de mon Dieu pensoit en Philothee, l'aymoit et luy procuroit mille moyens de salut, autant comme s'il n'eut point eu d'autre ame au monde en qui il eut pensé; ainsi que le Soleil esclairant un endroit de la terre, ne l'esclaire pas moins que s'il n'esclairast point ailleurs, et qu'il esclairast cela seul.

  A003002415 

 Il m'a aymé, dit S. Paul, et s'est donné pour moy: comme s'il disoit, pour moy seul, tout autant, comme s'il n'eut rien fait pour le reste.

  A003002419 

 Et quand commença-il à estre Dieu? jamais: car il l'a tousjours esté, sans commencement, et sans fin: et aussi il vous a tousjours aymé dés l'eternité: c'est pourquoy il vous preparait les graces et faveurs qu'il vous a faictes.

  A003002434 

 Non je ne suis plus mienne: ou que je vive, ou que je meure, je suis à mon Sauveur; je n'ay plus de moy, ny de mien: mon moy c'est Jesus, mon mien c'est d'estre sienne.

  A003002439 

 Mais ne voyés vous la ruse? S'il falloit faire tous ces exercices tous les jours, à la verité ils nous occuperoient du tout: mais il n'est pas requis de les faire, sinon en temps et lieu, chacun selon l'occurrence.

  A003002440 

 Il est vray sans doute, j'ay presupposé cela: et est vray encores que chacun n'a pas le don de l'oraison mentale: mais il est vray aussi que presque chacun le peut avoir, voire les plus grossiers, pourveu qu'ils ayent des bons conducteurs, et qu'ils veuillent travailler pour l'acquerir, autant que la chose le merite.

  A003002444 

 Refaittes tous les premiers jours du mois la protestation qui est en la premiere Partie, apres la meditation: et à tous momens protestés de la vouloir observer, disant avec David: Non, jamais eternellement je n'oubliray vos justifications, ô mon Dieu, car en icelles vous m'avés vivifiée; et quand vous sentirez quelque detraquement en vostre ame, prenés vostre protestation en main, et prosternée en esprit d'humilité proferés la de tout vostre cœur, et vous treuverés un grand allegement..

  A003002445 

 Faites profession ouverte de vouloir estre devote; je ne dis pas d'estre devote, mais je dis de le vouloir estre; et n'ayes point de honte des actions communes et requises qui nous conduisent à l'amour de Dieu; advoüés hardiment, que vous vous essaïés de mediter, que vous aymeriés mieux mourir que de pecher mortellement, que vous voulés frequenter les Sacremens, et suyvre les conseils de vostre Directeur (bien que souvent il ne soit pas necessaire de le nommer, pour plusieurs raisons) car cette franchise de confesser qu'on veut servir Dieu, et qu'on s'est consacré à son amour, [183*] d'une specialle affection, est fort aggreable à sa divine Majesté, qui ne veut point que l'on ayt honte de luy ny de sa Croix: et puis elle coupe chemin à beaucoup de semonces, que le monde voudroit faire au contraire, et nous oblige de reputation à la poursuitte.

  A003002445 

 Que si quelqu'un vous dit que l'on peut vivre devotement sans la prattique de ces advis et exercices, ne le niez pas, mais respondés amiablement, que vostre infirmité est si grande qu'elle requiert plus d'aydes et de secours qu'il n'en faut pas pour les autres..


04-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IV-Vol.1-Traitte de l'amour de Dieu.html
  A004000022 

 Chapitre VIII. Quelle est la convenance qui excite l'amour 23.

  A004000024 

 Chapitre X. Que l'union a laquelle l'amour pretend est spirituelle.

  A004000029 

 Chapitre XV. De la convenance qui est entre Dieu et l'homme.

  A004000032 

 Chapitre XVIII. Que l'inclination naturelle que nous avons d'aymer Dieu n'est pas inutile.

  A004000035 

 Chapitre II. Qu'en Dieu il n'y a qu'un seul acte qui est sa propre Divinité.

  A004000040 

 Chapitre VII. Combien la Providence sacree est admirable en la diversite des graces qu'elle distribue aux hommes.

  A004000050 

 Chapitre XVII. Que l'amour d'esperance est fort bon quoy qu'imparfait 60.

  A004000052 

 Chapitre XIX. Que la penitence sans l'amour est imparfaite.

  A004000061 

 Chapitre V. Que le bonheur de mourir en la divine charité est un don special de Dieu.

  A004000077 

 Chapitre V. Que la seule cause du manquement et rafroidissement de la charite est en la volonte des creatures 95.

  A004000082 

 Chapitre X. Combien cet amour imparfait est dangereux.

  A004000088 

 Chapitre IV. De l'amoureuse condoleance par laquelle la complaysance de l'amour est encor mieux declaree 111.

  A004000098 

 Description de la theologie mystique qui n'est autre chose que l'orayson.

  A004000103 

 Chapitre VI. Que la contemplation se fait sans peyne qui est la troisiesme difference entre icelle et la meditation 132.

  A004000119 

 Hé, je vous conjure par ce cœur de vostre doux Jesus qui est le Roy des cœurs, que les vostres adorent, animés mon ame et celles de tous ceux qui liront cet escrit, de vostre toute puissante faveur envers le Saint Esprit, affin que nous immolions meshuy en holocauste toutes nos affections a sa divine Bonté, pour vivre, mourir et revivre a jamais, emmi les flammes de ce celeste feu que Nostre Seigneur vostre Filz a tant desiré d'allumer en nos cœurs, que pour cela il ne cessa de travailler et souspirer jusques a la mort et la mort de la croix.

  A004000119 

 On mettoit jadis les lampes de l'ancien Temple sur des fleurs de lys d'or: o Marie et Joseph, pair sans pair, lys sacrés d'incomparable beauté entre lesquelz le Bienaymé se repaist et repaist tous ses amans! helas, si j'ay quelque esperance que cet escrit d'amour puisse esclairer et enflammer les enfans de lumiere, ou le puis je mieux colloquer qu'emmi vos lys? lys esquelz le Soleil de justice, splendeur et candeur de la lumiere eternelle, s'est si souverainement recreé qu'il y a prattiqué les delices de l'ineffable dilection de son cœur envers nous.

  A004000127 

 Le Saint Esprit enseigne que les levres de la divine Espouse, c'est a dire de l'Eglise, ressemblent a l'escarlatte et au bornal qui distille le miel, affin que chacun sache que toute la doctrine qu'elle annonce consiste en la sacree dilection, plus esclattante en vermeil que l'escarlatte, a cause du sang de l'Espoux qui l'enflamme, plus douce que le miel, a cause de la suavité du Bienaymé qui la comble de delices.

  A004000132 

 Aux aisles d'un pigeon ou l'argent est tremblant,.

  A004000135 

 Certes, l'Eglise est paree d'une varieté excellente d'enseignemens, sermons, traittés et livres pieux, tous grandement beaux et aymables a la veüe, a cause du meslange admirable que le Soleil de justice fait des rayons de sa divine sagesse avec les langues des Pasteurs, qui sont leurs plumes, et avec leurs plumes qui tiennent aussi quelquefois lieu de langues et font le riche pennage de cette colombe mystique.

  A004000135 

 Tout est a l'amour, en l'amour, pour l'amour et d'amour en la sainte Eglise..

  A004000136 

 Mays comme nous sçavons bien que toute la clarté du jour provient du soleil, et disons neanmoins pour l'ordinaire que le soleil n'esclaire pas sinon quand a descouvert il darde ses rayons en quelque endroit, de mesme, bien que toute la doctrine chrestienne soit de l'amour sacré, si est ce que nous n'honnorons pas indistinctement toute la theologie du tiltre de ce divin [4] amour, ains seulement les parties d'icelle qui contemplent l'origine, la nature, les proprietés et les operations d'iceluy en particulier..

  A004000137 

 Or, c'est la verité que plusieurs escrivains ont admirablement traitté ce sujet, sur tout ces anciens Peres, qui, servans tres amoureusement Dieu, parloyent aussi divinement de son amour.

  A004000139 

 Le Pere Jean de Jesus Maria, de l'Ordre des Carmes deschaussés, a composé un livret qui porte de mesme le nom de l'Art d'aymer Dieu, lequel est fort estimé.

  A004000139 

 Le Pere Louys Richeome, de la Compaignie de Jesus, a aussi publié un livre sous le tiltre de l'Art d'aymer Dieu par les creatures; et cet autheur est tant aymable en sa personne et en ses beaux escritz, qu'on ne peut douter qu'il ne le soit encor plus, escrivant de l'amour mesme.

  A004000140 

 Mays en fin, la bienheureuse Therese de Jesus a si bien escrit des mouvemens sacrés de la dilection, en tous les livres qu'elle a laissés, qu'on est ravi de voir tant d'eloquence en une si grande humilité, tant de fermeté d'esprit en une si grande simplicité; et sa tres sçavante ignorance fait paroistre tres ignorante la science de plusieurs gens de lettres, qui, apres un grand tracas d'estude, se voyent honteux de n'entendre pas ce qu'elle escrit si heureusement de la prattique du saint amour.

  A004000141 

 Il me semble mesme que mon dessein n'est pas celuy des autres, sinon en general, entant que nous visons tous a la gloire du saint amour: mays de ceci la lecture t'en fera foy..

  A004000141 

 Or, quoy que ce Traitté que je te presente, mon cher Lecteur, suive de bien loin tous ces excellens livres, sans espoir de les pouvoir aconsuivre, si est ce que j'espere tant en la faveur des deux amans celestes auxquelz je le dedie, qu'encor te pourra-il rendre quelque sorte de service, et que tu y rencontreras beaucoup [7] de bonnes considerations qu'il ne te seroit pas si aysé de treuver ailleurs, comme reciproquement tu treuveras ailleurs plusieurs belles choses qui ne sont pas icy.

  A004000142 

 La nature mesme, qui est une si sage ouvriere, projettant la production des raysins, produit quant et quant, comme par une prudente inadvertence, tant de feuilles et de pampres, qu'il y a peu de vignes qui n'ayent besoin en leur sayson d'estre esfeuillees et esbourgeonnees..

  A004000142 

 Que si outre cela tu treuves quelque autre chose, ce sont des surcroissances qu'il n'est presque pas possible d'eviter a celuy qui, comme moy, escrit entre plusieurs distractions: mais je croy bien pourtant que rien ne sera sans quelque sorte d'utilité.

  A004000144 

 Quelques uns peut estre treuveront que j'ay trop dit, [8] et qu'il n'estoit pas requis de prendre ainsy les discours jusques dans leurs racines; mays je pense que le divin amour est une plante pareille a celle que nous appelions angelique, de laquelle la racine n'est pas moins odorante et salutaire que le tige et les feuilles.

  A004000145 

 Ce que Nostre Seigneur dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, est grandement amplifié et declaré selon le [9] grec: Bienheureux sont les mendians d'esprit; et ainsy des autres..

  A004000145 

 Par exemple, ce que l'Espoux celeste dit a son Espouse: Tu as blessé mon cœur, est fort esclairci par l'autre version: Tu m'as emporté le cœur, ou Tu as tiré et ravi mon cœur.

  A004000146 

 J'ay souvent cité le sacré Psalmiste en vers, et ç'a esté pour recreer ton esprit et selon la facilité que j'en ay eu par la belle traduction de Philippe des Portes, abbé de Tiron, de laquelle neanmoins je me suis quelquefois departi: non certes cuydant de pouvoir faire mieux les vers que ce fameux poete, car je serois un grand impertinent si n'ayant jamais seulement pensé a cette sorte d'escrire, je pretendois d'y reuscir en un aage et en une condition de vie qui m'obligeroit de m'en retirer si jamais j'y avois esté engagé; mays en quelques endroitz ou il y pouvoit avoir plusieurs intelligences, je n'ay pas suivi ses vers parce que je ne voulois pas suivre son sens; comme au Psalme CXXXII, il a entendu un mot latin qui y est, des franges de la robbe, que j'ay estimé devoir estre pris pour le collet: c'est pourquoy j'ay fait la traduction a mon gré..

  A004000147 

 Et pour t'oster un soupçon qui te pourroit venir en l'esprit contre ma sincerité pour ce regard, je t'advertis que le chapitre XIII du septiesme Livre est extrait d'un sermon que fis a Paris, a Saint Jean en Greve, le jour de l'Assumption de Nostre Dame, l'an 1602..

  A004000148 

 Car tout ainsy, dit-il, que les voyagers, sachans qu'il y a quelque beau jardin a vingt ou vingt cinq pas de leur chemin, se destournent aysement de si peu pour l'aller voir, ce qu'ilz ne feroyent pas s'ilz sçavoyent qu'il fust plus esloigné de leur route, de mesme ceux qui sçavent que la fin d'un chapitre n'est guere esloignee du commencement, ilz entreprennent volontier de le lire, ce qu'ilz ne feroyent pas, pour aggreable qu'en fust le sujet, s'il failloit beaucoup de tems pour en achever la lecture.

  A004000149 

 J'admiray qu'il se treuvast des hommes qui, pour vouloir paroistre hommes, se monstrassent en effect si peu hommes; car je te laisse a penser, mon cher Lecteur, si la devotion n'est pas egalement pour les hommes comme pour les femmes, et s'il ne faut pas lire avec pareille attention et reverence la seconde Epistre de saint Jean, addressee a la sainte dame Electa, comme la troysiesme qu'il destine a Caïus, et si mille et mille lettres ou excellens traittés des anciens Peres de l'Eglise doivent estre tenus pour inutiles aux hommes, d'autant qu'ilz sont addressés a des saintes femmes de ce tems-la.

  A004000149 

 Mays outre cela, c'est l'ame qui aspire a la devotion que j'appelle Philothee, et les hommes ont une ame aussi bien que les femmes.

  A004000150 

 Toutefois, pour imiter en cette occasion le grand Apostre qui s'estimoit redevable a tous, j'ay changé d'addresse en ce Traitté, et parle a Theotime: que si d'aventure il se treuvoit des femmes (or cette impertinence seroit plus supportable en elles) qui ne voulussent pas lire les enseignemens qu'on fait a un homme, je les prie de croire que le Theotime auquel je parle est l'esprit humain, qui desire faire progres en la dilection sainte, esprit qui est egalement es femmes comme es hommes..

  A004000151 

 Ce Traitté donq est fait pour ayder l'ame des-ja devote a ce qu'elle se puisse avancer en son dessein, et pour cela il m'a esté force de dire plusieurs choses un peu moins conneües au vulgaire et qui par consequent sembleront plus obscures: le fond de la science est tous-jours un peu plus malaysé a sonder, et se treuve peu de plongeons qui veuillent et sachent aller recueillir les perles et autres pierres precieuses dans les entrailles de l'ocean.

  A004000154 

 Pour cela j'ay donq fort peu escrit, et beaucoup moins mis en lumiere; et pour suivre le conseil et la volonté de mes amis je te diray que c'est, affin que tu n'attribues pas la louange [14] du travail d'autruy a celuy qui n'en merite point du sien propre..

  A004000158 

 Or, en cette occasion on replanta par toutes les advenues et places publiques de ces quartiers-la, les victorieuses enseignes de la Croix; et parce que peu auparavant on en avoit planté une fort solemnellement a Annemasse, pres Geneve, un certain ministre fit un petit traitté contre l'honneur d'icelle, contenant une invective ardente et veneneuse, a laquelle pour cela il fut treuvé bon que l'on respondit: et Monseigneur Claude de Granier, mon predecesseur, duquel la memoire est en benediction, m'en imposa la charge selon le pouvoir qu'il avoit sur moy, qui le regardois non seulement comme mon Evesque, mais comme un saint serviteur de Dieu.

  A004000161 

 L'architecte est un sot, qui, privé de rayson,.

  A004000166 

 Et moy, sachant la qualité de ces censeurs, je loue leur intention que je pense avoir esté bonne; mays j'eusse neanmoins desiré qu'il leur eust pleu de considerer que la premiere proposition est puisee de la commune et veritable doctrine des plus saintz et sçavans theologiens, que j'escrivois pour les gens qui vivent emmi le monde et les cours, qu'au partir de la j'inculque soigneusement l'extreme peril qu'il y a es danses; et que, quant à la seconde proposition, avec le mot de quolibet, elle n'est pas de moy, mais de cet admirable roy saint Loüys, docteur digne d'estre suivi en l'art de bien conduire les courtisans a la vie devote.

  A004000166 

 Troys ou quattre ans apres, je mis en lumiere l' Introduction a la Vie devote, pour les occasions et en la façon que j'ay remarqué en la Preface d'icelle; dont je n'ay rien a te dire, mon cher Lecteur, sinon que, si ce livret a receu generalement un gracieux et doux accueil, voire mesme parmi les plus graves prelatz et docteurs de l'Eglise, il n'a pas pourtant esté exempt d'une rude censure de quelques uns qui ne m'ont pas seulement blasmé, mais m'ont asprement baffoüé en publiq de ce que je dis a Philothee que le bal est une action de soymesme indifferente, et qu'en recreation on peut dire des quolibetz.

  A004000167 

 Et sur ce propos, mon cher Lecteur, je te conjure de m'estre doux et bonteux en la lecture de ce Traitté: que si tu treuves le stile un peu (quoy que ce sera, je m'asseure, fort peu) different de celuy dont j'ay usé escrivant a Philothee, et tous deux grandement divers de celuy que j'ay employé en la Defense de la Croix, sache qu'en dix neuf ans, on apprend et desapprend beaucoup de choses; que le langage de la guerre est autre que celuy de la paix, et que l'on parle d'une façon aux jeunes apprentis, et d'une autre sorte aux vieux compaignons..

  A004000168 

 Et c'est une bonne partie de ce que je te communique maintenant que je dois a cette benite assemblee, parce que celle qui en est la Mere et y preside, sachant que j'escrivois sur ce sujet et que neanmoins malaysement pourrois-je tirer la besoigne au jour, si Dieu ne m'aydoit fort specialement et que je ne fusse continuellement pressé, ell'a eu un soin continuel de prier et faire prier pour cela, et [20] de me conjurer saintement de recueillir tous les petitz morceaux de loysir qu'elle estimoit pouvoir estre sauvés, par ci par la, de la presse de mes empeschemens, pour les employer a ceci: et parce que cette ame m'est en la consideration que Dieu sçait, elle n'a pas eu peu de pouvoir pour animer la mienne en cette occasion..

  A004000170 

 A cette intention, j'ay dedié cette œuvre a la Mere de dilection et au Pere de l'amour cordial, comme j'avois dedié l' Introduction au divin Enfant qui est le Sauveur des amans et l'amour des sauvés.

  A004000170 

 Certes, comme les femmes tandis qu'elles sont fortes et habiles a produire aysement les enfans, leur choysissent ordinairement des parreins entre leurs amis de ce monde, mays quand leur foiblesse et indisposition rend leurs enfantemens difficiles et perilleux, elles invoquent les Saintz du Ciel et vouent de faire tenir leurs enfans par quelque pauvre ou par quelque personne devote, au nom de saint Joseph, de saint François d'Assise, de saint François de Paule, de saint Nicolas, ou de quelqu'autre Bienheureux qui puisse impetrer de Dieu le bon succes de leur grossesse et une naissance vitale pour l'enfant; de mesme, avant que je fusse Evesque, [21] me treuvant avec plus de loysir et moins d'apprehension pour escrire, je dediay les petitz ouvrages que je fis aux princes de la terre; mais maintenant qu'accablé de ma charge j'ay mille difficultés d'escrire, je ne consacre plus rien qu'aux princes du Ciel, affin qu'ilz m'obtiennent la lumiere requise, et que, si telle est la volonté divine, ces escritz ayent une naissance fructueuse et utile a plusieurs..

  A004000171 

 Cependant je sousmetz tous-jours de tout mon cœur mes escris, mes paroles et mes actions a la correction de la tressainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, sachant qu'elle est la colomne et fermeté de la verité, dont elle ne peut ni faillir ni defaillir, et que «nul ne peut avoir Dieu pour Pere qui n'aura cette Eglise pour mere.».

  A004000179 

 Affin qu'une musique soit belle, il ne faut pas seulement que les voix soyent nettes, claires et bien distinguees, mays qu'elles soyent alliees en telle sorte les unes aux autres, qu'il s'en fasse une juste consonance et harmonie, par le moyen de l'union qui est en la distinction et la distinction qui est en l'union des voix, que non sans cause on appelle un accord discordant, ou plustost une discorde accordante..

  A004000179 

 Une armee est belle quand elle est composee de toutes ses parties tellement rangees en leurs ordres, que leur distinction est reduite au rapport qu'elles doivent avoir ensemble pour ne faire qu'une seule armee.

  A004000180 

 Et c'est pourquoy, jamais, a proprement parler, nous n'attribuons la beauté corporelle sinon aux objetz des deux sens qui sont les plus connoissans et qui servent le plus a l'entendement, qui sont la veüe et l'ouye; si que nous ne disons pas: voyla des belles odeurs ou des belles saveurs; mays nous disons bien: voyla des belles voix et des belles couleurs..

  A004000180 

 Or, comme dit excellemment l'angelique saint Thomas apres le grand saint Denis, la beauté et la bonté, [23] bien qu'elles ayent quelque convenance, ne sont pas neanmoins une mesme chose: car le bien est ce qui plait a l'appetit et volonté, le beau, ce qui plait a l'entendement et a la connoissance; ou, pour le dire autrement, le bon est ce dont la jouissance nous delecte, le beau, ce dont la connoissance nous aggree.

  A004000181 

 Les voix, pour estre belles, doivent estre claires et nettes, les discours intelligibles, les couleurs esclattantes et resplendissantes: l'obscurité, l'ombre, les tenebres sont laides et enlaidissent toutes choses, parce qu'en icelles rien n'est connoissable, ni l'ordre, ni la distinction, ni l'union, ni la convenance; qui a fait dire a saint Denis que Dieu, «comme souveraine beauté, est autheur de la belle convenance, du beau lustre et de la bonne grace qui est en toutes choses, faisant esclatter, en forme de lumiere, les distributions et departemens de son rayon,» par lesquelz toutes choses sont rendues belles, voulant que pour establir la beauté il y eust la convenance, la clarté et la bonne grace..

  A004000182 

 Ainsy, en la souveraine beauté de nostre Dieu nous reconnoissons l'union, ains l'unité de l'essence en la distinction des Personnes, avec une infinie clarté, jointe a la convenance incomprehensible de toutes les perfections des actions et mouvemens, comprises tres souverainement et, par maniere de dire, jointes et adjustees excellemment en la tres unique et tres simple perfection du pur acte divin qui est Dieu mesme, immuable et invariable, ainsy que nous dirons ailleurs..

  A004000182 

 Certes, Theotime, la beauté est sans effect, inutile et morte, si la clarté et splendeur ne l'avive et luy donne efficace, dont nous disons les couleurs estre vives quand elles ont de l'esclat et du lustre.

  A004000182 

 Mais quant aux choses animees et vivantes, leur beauté n'est pas accomplie sans la bonne grace, laquelle, outre la convenance des parties parfaittes qui fait la beauté, adjouste la convenance des mouvemens, gestes et actions, qui est comme [24] l'ame et la vie de la beauté des choses vivantes.

  A004000183 

 Dieu donq, voulant rendre toutes choses bonnes et belles, a reduit la multitude et distinction d'icelles en une parfaite unité et, pour ainsy dire, il les a toutes rangees a la monarchie, faisant que toutes choses s'entretiennent les unes aux autres, et toutes a luy qui est le souverain Monarque.

  A004000189 

 C'est ainsy, Theotime, que Nostre Seigneur enseigne qu' il y a des eunuques qui sont telz pour le Royaume des cieux, c'est a dire qui ne sont pas eunuques d'impuissance naturelle, mais par l'industrie de laquelle leur volonté se sert pour les retenir dans la sainte continence.

  A004000189 

 C'est sottise de commander a un cheval qu'il ne s'engraisse pas, qu'il ne croisse pas, qu'il ne regimbe pas: si vous desirés tout cela, leves-luy le ratelier; il ne luy faut pas commander, il le faut gourmander pour le dompter..

  A004000190 

 Il est vray qu'elle ne les peut pas manier ni ranger si absolument comme elle fait les mains, les pieds ou la langue, a rayson des facultés sensitives, et notamment de la fantasie, qui n'obeissent pas d'une obeissance prompte et infallible a la volonté, et desquelles puissances sensitives la memoire et l'entendement ont besoin pour operer: mays toutefois, la volonté les remue, les employe et applique selon qu'il luy plaist, bien que non pas si fermement et invariablement que la fantasie variante et volage ne les divertisse maintefois, les distraisant ailleurs; de sorte que comme l'Apostre s'escrie: Je fay non le bien que je veux, mays le mal que je hay, aussi nous sommes souvent contrains de nous plaindre dequoy nous pensons, non le bien que nous aymons, mais le mal que nous haïssons..

  A004000194 

 Avant que l'Empereur soit creé, il est sousmis aux electeurs qui dominent sur luy, pouvans ou le choisir a la dignité imperiale ou le rejetter; mays s'il est une fois esleu et eslevé par eux, ilz sont des lhors sous luy, et il domine sur eux.

  A004000194 

 La volonté donques, Theotime, domine sur la memoire, l'entendement et la fantasie, non par force mais par authorité, en sorte qu'elle n'est pas tous-jours infalliblement obeie, non plus que le pere de famille ne l'est pas aussi tous-jours par ses enfans et serviteurs.

  A004000194 

 Or, c'en est de mesme de l'appetit sensuel, lequel, comme dit saint Augustin, est appellé convoitise en nous autres pecheurs, et demeure sujet a la volonté et a l'esprit comme la femme a son mari; parce que, tout ainsy qu'il fut dit a la femme: Tu te retourneras a ton mari, et il te maistrisera, aussi fut-il dit a Cain que son appetit se retourneroit a luy, et qu'il domineroit sur iceluy: et se retourner a l'homme [28] ne veut dire autre chose que se sousmettre et s'assujettir a luy.

  A004000194 

 Ton ennemi peut exciter en toy le sentiment de la tentation, mais tu peux, si tu veux, ou donner ou refuser le consentement.» Si tu permetz a l'appetit de te porter au peché, alhors tu seras sous iceluy et il te maistrisera, parce que quicomque fait le peché, il est serf du peché; mais avant que tu faces le peché, tandis que le peché n'est pas encor en ton consentement, mays seulement en ton sentiment, c'est a dire qu'il est encor en ton appetit et non en ta volonté, ton appetit est sous toy, et tu le maistriseras.

  A004000194 

 «O homme,» dit saint Bernard, «il est en ton pouvoir, si tu veux, de faire que ton ennemi soit ton serviteur, en sorte que toutes choses te reviennent a bien: ton appetit est sous toy, et tu le domineras.

  A004000195 

 En somme, cet appetit sensuel est a la verité un sujet rebelle, seditieux, remuant; et faut confesser que nous ne le sçaurions tellement desfaire qu'il ne s'esleve, qu'il n'entreprenne et qu'il n'assaille la rayson; mays pourtant la volonté est si forte au dessus de luy que, si elle veut, elle peut le ravaler, rompre ses desseins et le repousser, puisque c'est asses le repousser que de ne point consentir a ses suggestions.

  A004000196 

 Au contraire, si tost que nous connoissons le mal, nous le haïssons; s'il est absent, nous le fuyons; si nous pensons de ne pouvoir l'eviter, nous le craignons; si nous estimons de le pouvoir eviter, nous nous enhardissons et encourageons; mais si nous le sentons comme present, nous nous attristons, et lhors l'ire et le courroux accourt soudain pour rejetter et repousser le mal, ou du moins s'en venger; que si l'on ne peut, on demeure en tristesse; mais si l'on l'a repoussé ou que l'on se soit vengé, on ressent la satisfaction et assouvissement, qui est un playsir de triomphe, car comme la possession du bien res-jouit le cœur, la victoire contre le mal assouvit le courage.

  A004000196 

 Si le bien est consideré en soy, selon sa naturelle bonté, il excite l'amour, premiere et principale passion; si le bien est regardé comme absent, il nous provoque au desir; si, estant desiré, on estime de le pouvoir obtenir, on entre en esperance; si on pense de ne le pouvoir pas obtenir, on sent le desespoir; mais quand on le possede comme present, il nous donne la joye.

  A004000197 

 Cependant la mer en fin s'apaise, le danger passe, et l'asseurance redonnant a un chacun la liberté de causer, voire mesme de railler, un certain voluptueux asiatique, se moquant du Stoïcien, luy reprochoit qu'il avoit eu peur et qu'il estoit devenu have et pasle au danger, et que luy au contraire estoit demeuré ferme, sans effroy; a quoy le Stoïcien repartit par le recit de ce que Aristippus, philosophe socratique, avoit respondu a un homme qui pour mesme sujet l'avoit piqué d'un mesme reproche: «Car,» luy dit-il, «toy, tu as eu rayson de ne t'estre point soucié pour l'ame d'un meschant brouillon; mais moy j'eusse eu tort de ne point craindre la perte de l'ame d'Aristippus;» et le bon de l'histoire est que Aulus Gellius, tesmoin oculaire, la recite.

  A004000197 

 Et c'est affin d'exercer nos volontés en la vertu et vaillance spirituelle, que cette multitude de passions est laissee en nos ames, Theotime; de sorte que les Stoïciens, qui nierent qu'elles se treuvassent en l'homme sage, eurent grand tort; mays d'autant plus, que ce qu'ilz nioyent en paroles ilz le prattiquoyent en effect, au recit de saint Augustin qui raconte cette gracieuse histoire.

  A004000197 

 Mais quant a la repartie qu'elle contient, le Stoïcien qui la fit favorisa plus sa promptitude que sa cause, puisque, alleguant un compaignon de sa crainte, il laissa preuvé, par deux irreprochables tesmoins, que les Stoïciens estoyent touchés de la crainte, et de la crainte qui respand ses effectz es yeux, au visage et en la contenance, et qui par consequent est une passion..

  A004000198 

 «Entre nous autres Chrestiens,» dit le grand saint Augustin, «selon les Escritures Saintes et la doctrine saine, les citoyens de la sacree Cité de Dieu, vivans selon Dieu au pelerinage de ce monde, craignent, desirent, se deulent et se res-jouissent.» Ouy mesme le Roy souverain de cette Cité a craint, desiré, s'est doulu et res-joui jusques a pleurer, blesmir, trembler et suer le sang, bien qu'en luy ces mouvemens n'ont pas esté des passions pareilles aux nostres; dont [31] le grand saint Hierosme, et apres luy l'Escole, ne les a pas osé nommer du nom de passions, pour la reverence de la personne en laquelle ilz estoyent, ains du nom respectueux de propassions, pour tesmoigner que les mouvemens sensibles en Nostre Seigneur y tenoyent lieu de passions, bien qu'ilz ne fussent pas passions; d'autant qu'il ne patissoit ou souffroit chose quelconque de la part d'icelles, sinon ce que bon luy sembloit et comme il luy plaisoit, les gouvernant et maniant a son gré; ce que nous ne faysons pas, nous autres pecheurs, qui souffrons et patissons ces mouvemens en desordre contre nostre gré, avec un grand prejudice du bon estat et police de nos ames..

  A004000202 

 L'amour estant la premiere complaisance que nous avons au bien, ainsy que nous dirons tantost, certes il precede le desir; et d'effect, qu'est-ce que l'on desire, sinon ce que l'on ayme? Il precede la delectation; car, comme pourroit-on se res-jouir en la jouissance d'une chose, si on ne l'aymoit pas? Il precede l'esperance, car on n'espere que le bien qu'on ayme; il precede la hayne, car nous ne haïssons le mal que pour l'amour que nous avons envers le bien, ains le mal n'est pas mal sinon parce qu'il est contraire au bien: et c'en est de mesme.

  A004000203 

 C'est pourquoy les autres passions et affections sont bonnes ou mauvaises, vicieuses ou vertueuses, selon que l'amour duquel elles procedent est bon ou mauvais; car il respand tellement ses qualités sur elles, qu'elles ne semblent estre que le mesme amour.

  A004000203 

 Saint Augustin, reduisant toutes les passions et affections a quatre, comme ont fait Boëce, Ciceron, Virgile et la pluspart de l'antiquité: «L'amour, » dit-il, «tendant a posseder ce qu'il ayme s'appelle convoitise» ou desir; «l'ayant et possedant, il s'appelle joye; fuyant ce qui luy est contraire, il s'appelle crainte: que si cela luy arrive et qu'il le sente, il s'appelle tristesse; et partant, ces passions sont mauvaises si l'amour est mauvais, bonnes, s'il est bon.» «Les citoyens de la Cité de Dieu craignent, desirent, se deulent, se res-jouissent, et parce que leur amour est droit, toutes ces affections sont aussi droites.» «La doctrine chrestienne assujettit l'esprit a Dieu, affin qu'il le guide et secoure, et assujettit a l'esprit toutes ces passions, affin qu'il les bride et modere, en sorte qu'elles soyent converties au service de la justice et vertu.» «La droite volonté est l'amour bon, la volonté mauvaise est l'amour mauvais;» c'est a dire en un mot, Theotime, que l'amour domine tellement en la volonté, qu'il la rend toute telle qu'il est..

  A004000204 

 Bref, Theotime, la volonté n'est esmeüe que par ses affections, entre lesquelles l'amour, comme le premier mobile est la premiere affection, donne le bransle a tout le reste, et fait tous les autres mouvemens de l'ame..

  A004000204 

 La femme, pour l'ordinaire, change sa condition en celle de son mari, et devient noble s'il est noble, reyne s'il est roy, duchesse s'il est duc: la volonté change aussi de qualité selon l'amour qu'elle espouse; s'il est charnel elle est charnelle; spirituelle, s'il est spirituel; et toutes les affections de desir, de joye, d'esperance, de crainte, de tristesse, comme enfans nés du mariage de l'amour avec la volonté, reçoivent aussi par consequent leurs qualités de l'amour.

  A004000205 

 Elle est donq maistresse sur les amours, comme une damoiselle sur les amans qui la recherchent, parmi lesquelz elle peut eslire celuy qu'elle veut.

  A004000205 

 Mais il y a une liberté en la volonté qui ne se treuve pas en la femme mariee; et c'est que la volonté peut rejetter son amour quand elle veut, appliquant l'entendement aux motifz qui l'en peuvent desgouster et prenant resolution de changer d'objet: car ainsy, pour faire vivre et regner l'amour de Dieu en nous, nous amortissons l'amour propre, et, si nous ne pouvons l'aneantir du tout, au moins nous l'affoiblissons, en sorte que, s'il vit en nous, il n'y regne plus; comme au contraire, nous pouvons, en quittant l'amour sacré, adherer a celuy des creatures, qui est l'infame adultere que le celeste Espoux reproche si souvent aux pecheurs.

  A004000211 

 Et certes, Theotime, ilz n'eurent pas tort de vouloir qu'il y eust des eupathies et bonnes affections en la partie raysonnable de l'homme, mais ilz eurent tort de dire qu'il n'y avoit point de passions en la partie sensitive et que la tristesse ne touchoit point le cœur de l'homme sage; car, laissant a part que eux mesmes en estoyent troublés, comme il a esté dit, se pourroit-il bien faire que la sagesse nous privast de la misericorde, qui est une vertueuse tristesse laquelle arrive en nos cœurs pour nous porter au desir de delivrer le prochain du mal qu'il endure? Aussi, le plus homme de bien de tout le paganisme, Epictete, ne suivit pas cet erreur, que les passions ne s'eslevassent point en l'homme sage, ainsy que saint Augustin atteste, lequel mesme monstre encores que la dissension des Stoïciens [36] avec les autres philosophes en ce sujet, n'a pas esté qu'une pure dispute de paroles et desbat de langage..

  A004000211 

 Pour cela, ilz nioyent sur tout que l'homme sage peust jamais avoir aucune tristesse, d'autant qu'elle ne regarde que le mal survenu, et que rien n'advient en mal a l'homme sage, puisque nul n'est jamais offencé que par soy mesme, selon leur maxime.

  A004000213 

 Les premieres sont nommees affections naturelles; car, qui est celuy qui ne desire naturellement d'avoir la santé, les provisions requises au vestir et a la nourriture, les douces et aggreables conversations? Les secondes affections sont nommees raysonnables, d'autant qu'elles sont toutes appuyees sur la connoissance spirituelle de la rayson, par laquelle nostre volonté est excitee a rechercher la tranquillité du cœur, les vertus morales, le vray honneur, la contemplation philosophique des choses eternelles.

  A004000213 

 Mais les affections du supreme degré sont nommees divines et surnaturelles, parce que Dieu luy mesme les respand en nos espritz, et qu'elles regardent et tendent en Dieu sans l'entremise d'aucun discours ni d'aucune lumiere naturelle; selon qu'il est aysé de concevoir par ce que nous dirons ci apres des acquiescemens et sentimens qui se prattiquent au sanctuaire de l'ame.

  A004000217 

 La volonté gouverne toutes les autres facultés de l'esprit humain, mays elle est gouvernee par son amour qui la rend telle qu'il est.

  A004000217 

 Or, entre tous les amours, celuy de Dieu tient le sceptre, et a tellement l'authorité de commander inseparablement unie et propre a sa nature, que s'il n'est le maistre, il cesse d'estre et perit..

  A004000218 

 Ce n'est certes pas sans mystere que les derniers entre ces freres emportent ainsy les advantages sur leurs aisnés.

  A004000218 

 L'amour divin est voyrement le puisné entre toutes les affections du cœur humain; car, comme dit l'Apostre, ce qui est animal est premier, et le spirituel apres; mais ce puisné herite toute l'authorité, et l'amour propre, comme un autre Esaü, est destiné a son service; et non seulement tous les autres mouvemens de l'ame, comme ses freres, l'adorent et luy sont sousmis, mais aussi l'entendement et la volonté, qui luy tiennent lieu de pere et de mere.

  A004000218 

 Tout est sujet a ce celeste amour, qui veut tous-jours estre ou roy ou rien, ne pouvant vivre qu'il ne regne, ni regner si ce n'est souverainement..

  A004000219 

 Ainsy l'amour sacré est un enfant miraculeux, puisque la volonté humaine ne le peut concevoir si le Saint Esprit ne le respand dans nos cœurs; et, comme surnaturel, il doit presider et regner sur toutes les affections, voire mesme sur l'entendement et la volonté..

  A004000219 

 Isaac, Jacob et Joseph furent des enfans surnaturelz; car leurs meres, Sara, Rebecca et Rachel, estans steriles par nature, les conceurent par la grace de la bonté celeste: c'est pourquoy ilz furent establis maistres de leurs freres.

  A004000220 

 Et, bien qu'il y ait d'autres mouvemens surnaturelz en l'ame, la crainte, la pieté, la force, l'esperance, ainsy que Esaü et Benjamin furent enfans surnaturelz de Rachel et Rebecca, si est-ce que le divin amour est le maistre, l'heritier et le superieur, comme estant filz de la promesse, puisque c'est en sa faveur que le Ciel est promis a l'homme.

  A004000220 

 Le salut est monstré a la foy, il est preparé a l'esperance, mais il n'est donné qu'a la charité: la foy monstre le chemin de la terre promise, comme une colomne de nuee et de feu, c'est a dire claire-obscure; l'esperance nous nourrit de sa manne de suavité; mais la charité nous y introduit, comme l'Arche de l'alliance qui nous fait le passage au Jourdain, c'est a dire au jugement, et qui demeurera au milieu du peuple en la terre celeste, promise aux vrays Israëlites, en laquelle ni la colomne de la foy ne sert plus de guide, ni on ne se repaist plus de la manne d'esperance..

  A004000221 

 Le saint amour fait son sejour sur la plus haute et relevee region de l'esprit, ou il fait ses sacrifices et holocaustes a la Divinité, ainsy qu'Abraham fit le sien, et que Nostre Seigneur s'immola sur le coupeau au mont Calvaire; affin que, d'un lieu si relevé, il soit ouy et obei par son peuple, c'est a dire par toutes les facultés et affections de l'ame, qu'il gouverne avec une douceur nompareille; car l'amour n'a point de forçatz ni d'esclaves, ains reduit toutes choses a son obeissance avec une force si delicieuse, que, comme rien n'est si fort que l'amour, aussi rien n'est si aymable que sa force..

  A004000226 

 Car je vous prie, Theotime, qu'est ce que le bien sinon ce que chacun veut? et qu'est ce que la volonté sinon la faculté qui porte et fait tendre au bien, ou a ce qu'elle estime tel? La volonté donques appercevant et sentant le bien par l'entremise de l'entendement qui le luy represente, ressent a mesme tems une soudaine delectation et complaisance en ce rencontre, qui l'esmeut et incline, doucement mays puissamment, vers cet object aymable, [40] affin de s'unir a luy; et pour parvenir a cette union, elle luy fait chercher tous les moyens plus propres..

  A004000226 

 La volonté a une si grande convenance avec le bien, que tout aussi tost qu'elle l'apperçoit elle se tourne de son costé pour se complaire en iceluy, comme en son objet tres aggreable, auquel elle est si estroittement alliee que mesme l'on ne peut declarer sa nature que par le rapport qu'elle a avec iceluy, non plus qu'on ne sçauroit monstrer la nature du bien que par l'alliance qu'il a avec la volonté.

  A004000227 

 La volonté donq a une convenance tres estroitte avec le bien; cette convenance produit la complaysance que la volonté ressent a sentir et appercevoir le bien; cette complaisance esmeut et pousse la volonté au bien; ce mouvement tend a l'union, et en fin, la volonté esmeüe et tendante a l'union cherche tous les moyens requis pour y parvenir, Certes, a parler generalement, l'amour comprend tout cela ensemblement, comme un bel arbre, duquel la racine est la convenance de la volonté au bien, le pied en est la complaysance, son tige c'est le mouvement; les recherches, poursuites et autres effortz en sont les branches, mais l'union et jouissance en est le fruit.

  A004000228 

 Considerons, de grace, la prattique d'un amour insensible entre l'aymant et le fer; car c'est la vraye image de l'amour sensible et volontaire duquel nous parlons.

  A004000229 

 Bref, la complaysance est le premier esbranlement ou la premiere esmotion que le bien fait en la volonté; et cette esmotion est suivie du mouvement et escoulement par lequel la volonté s'avance et s'approche de la chose aymee, qui est le vray et propre amour.

  A004000229 

 Disons ainsy: le bien empoigne, saisit et lie le cœur par la complaysance, mays par l'amour il le tire, conduit et amene a soy; par la complaysance il le fait sortir, mays par l'amour il luy fait faire le chemin et le voyage; la complaysance c'est le resveil du cœur, mays l'amour en est l'action; la complaysance le fait lever, mays l'amour le fait marcher; le cœur estend ses [42] aisles par la complaysance, mais l'amour est son vol. L'amour donques, a parler distinctement et precisement, n'est autre chose que le mouvement, escoulement et avancement du cœur envers le bien..

  A004000229 

 Mais en fin pourtant, Theotime, la complaysance et le mouvement ou escoulement de la volonté en la chose aymable est, a proprement parler, l'amour; en sorte neanmoins que la complaysance ne soit que le commencement de l'amour, et le mouvement ou escoulement du cœur qui s'en ensuit soit le vray amour essentiel.

  A004000229 

 Si que l'un et l'autre peut estre voirement nommé amour, mais diversement: car, comme l'aube du jour peut estre appellee jour, aussi cette premiere complaisance du cœur en la chose aymee peut estre nommee amour, parce que c'est le premier ressentiment de l'amour; mais comme le vray cœur du jour se prend des la fin de l'aube jusques au soleil couché, aussi la vraye essence de l'amour consiste au mouvement et escoulement du cœur, qui suit immediatement la complaysance et se termine a l'union.

  A004000230 

 Ainsy est ce de la complaysance qui esbranle la volonté: c'est elle qui la meut, et c'est elle qui la fait reposer en la chose aymee, quand elle s'est unie a icelle.

  A004000230 

 Ce mouvement d'amour estant donq ainsy dependant de la complaysance, en sa naissance, conservation et perfection, et se treuvant tous-jours inseparablement conjoint avec icelle, ce n'est pas merveille si ces grans espritz ont estimé que l'amour et la complaisance fussent une mesme chose, bien qu'en verité, l'amour estant une vraye passion de l'ame, il [43] ne peut estre la simple complaysance, mais faut qu'il soit le mouvement qui proceded'icelle..

  A004000230 

 Le poids des choses les esbranle, les meut et les arreste: c'est le poids de la pierre qui luy donne l'esmotion et le bransle a la descente, soudain que les empeschemens luy sont ostés; c'est le mesme poids qui luy fait continuer son mouvement en bas; et c'est en fin le mesme poids encores qui la fait arrester et accoiser quand elle est arrivee en son lieu.

  A004000230 

 Plusieurs grans personnages ont creu que l'amour n'estoit autre chose que la mesme complaysance, en quoy ilz ont eu beaucoup d'apparence de rayson; car non seulement le mouvement d'amour prend son origine de la complaysance que le cœur ressent a la premiere rencontre du bien, et aboutit a une seconde complaysance qui revient au cœur par l'union a la chose aymee, mais, outre cela, il tient sa conservation de la complaysance, et ne peut vivre que par elle, qui est sa mere et sa nourrice, si que soudain que la complaisance cesse, l'amour cesse.

  A004000231 

 C'est pourquoy, quand il tend a un bien present il ne fait autre chose que de pousser le cœur, le serrer, joindre et appliquer a la chose aymee, de laquelle par ce moyen il jouit; et lhors on l'appelle amour de complaysance parce que soudain qu'il est né de la premiere complaysance, il se termine a l'autre seconde, qu'il reçoit en l'union de son objet present.

  A004000231 

 Mais quand le bien devers lequel le cœur s'est retourné, incliné et esmeu, se treuve esloigné, absent ou futur, ou que l'union ne se peut pas encor faire si parfaittement qu'on pretend, alhors le mouvement d'amour par lequel le cœur tend, s'avance et aspire a cet objet absent, s'appelle proprement desir; car le desir n'est autre chose que l'appetit, convoitise ou cupidité des choses que nous n'avons pas, et que neanmoins nous pretendons d'avoir..

  A004000232 

 Bref, ces souhaitz ou velleités ne sont autre chose qu'un petit amour qui se peut appeller amour de simple approbation, parce que, sans aucune pretention, l'ame aggree le bien qu'elle connoist, et, ne le pouvant desirer en effect, elle proteste qu'elle le desireroit volontier et que vrayement il est desirable..

  A004000232 

 Et ce mouvement s'appelle souhait, ou, comme disent les Scholastiques, velleité, qui n'est autre chose qu'un commencement de vouloir lequel n'a point de suite; d'autant que la volonté voyant qu'elle ne peut atteindre a cet objet a cause de l'impossibilité ou de l'extreme difficulté, elle arreste son mouvement et le termine en cette simple affection de souhait, comme si elle disoit: Ce bien que je voy et auquel je ne puis pretendre, m'est a la verité fort aggreable; et bien que je ne le puis vouloir ni esperer, si est ce que, si je le pouvois vouloir ou desirer, je le desirerois ou voudrois volontier.

  A004000232 

 Nous pouvons bien dire: je desirerois d'estre jeune, mais nous ne dirons pas: je desire d'estre jeune, puisque cela n'est pas possible.

  A004000233 

 Ce n'est pas encor tout, Theotime, car il y a des desirs et souhaitz qui sont encor plus imparfaitz que ceux que nous venons de dire, d'autant que leur mouvement n'est pas arresté par l'impossibilité ou extreme difficulté, mais par la seule incompatibilité qu'ilz ont avec des autres desirs ou vouloirs plus puissans; comme quand un malade desire de manger des potirons ou melons, et quoy qu'il en ait a son commandement, il ne veut neanmoins pas en manger, parce qu'il craint d'empirer son mal: car qui ne voici deux desirs en cet [45] homme, l'un de manger des potirons, et l'autre de guerir? mays parce que celuy de guerir est plus grand, il estouffe et suffoque l'autre, l'empeschant de produire aucun effect.

  A004000233 

 Or, a mesure que les choses incompatibles avec ce qui est souhaité sont moins aymables, les souhaitz sont plus imparfaitz, puisqu'ilz sont arrestés et comme estouffés par des si foibles contraires: ainsy le souhait que Herodes eut de ne point faire mourir saint Jean fut plus imparfait que celuy que Pilate avoit de delivrer Nostre Seigneur; car celuy ci craignoit la calomnie et l'indignation du peuple et de Cesar, et celuy la de contrister une seule femme.

  A004000237 

 C'est donq aussi l'homme qui, par la faculté affective que nous appelions volonté, tend et se complait au bien, et qui a cette grande convenance avec iceluy, laquelle est la source et origine de l'amour.

  A004000237 

 Nous disons que l'œil void, l'oreille entend, la langue parle, l'entendement discourt, la memoyre se resouvient et la volonté ayme: mais nous sçavons bien toutefois que c'est l'homme, a proprement parler, qui, par diverses facultés et differens organes, fait toute cette varieté d'operations.

  A004000237 

 Or, ceux la n'ont pas bien rencontré qui ont creu que la ressemblance estoit la seule convenance qui produisoit l'amour; car qui ne sçait que les viellars les plus sensés ayment tendrement et cherement les petitz enfans, et sont reciproquement aymés d'eux; que les sçavans ayment les ignorans, pourveu [47] qu'ilz soyent dociles, et les malades, leurs medecins? Que si nous pouvons tirer quelqu'argument de l'image d'amour qui se void es choses insensibles, quelle ressemblance peut faire tendre le fer a l'aymant? un aymant n'a-il pas plus de ressemblance avec un autre aymant ou avec une autre pierre, qu'avec le fer qui est d'un genre tout différent? Et bien que quelques uns, pour reduire toutes les convenances a la ressemblance, asseurent que le fer tire le fer, et l'aymant tire l'aymant, si est ce qu'ilz ne sçauroyent rendre rayson pourquoy l'aymant tire plus puyssamment le fer, que le fer ne tire le fer mesme.

  A004000237 

 Or, il en est de mesme de l'amour humain, car il se prend quelquefois plus fortement entre des personnes de contraires qualités, qu'entre celles qui sont fort semblables..

  A004000238 

 La convenance donq qui cause l'amour ne consiste pas tous-jours en la ressemblance, mais en la proportion, rapport ou correspondance de l'amant a la chose aymee: car ainsy ce n'est pas la ressemblance qui rend aymable le medecin au malade, ains la correspondance de la necessité de l'un avec la suffisance de l'autre, d'autant que l'un a besoin du secours que l'autre peut donner; comme aussi le medecin ayme le malade, et le sçavant son apprentif, parce qu'ilz peuvent exercer leurs facultés sur eux.

  A004000238 

 La teste, certes, ne ressemble pas au cors, ni la main au bras, mais neanmoins, ces choses ont une si grande correspondance et joignent si proprement l'une a l'autre, que par leur mutuelle conjonction elles s'entreperfectionnent excellemment: c'est pourquoy, si ces parties-la avoyent chacune une ame distincte, [49] elles s'entr'aymeroyent parfaittement, non point par ressemblance, car elles n'en ont point ensemble, mays pour la correspondance qu'elles ont a leur mutuelle perfection.

  A004000238 

 Les viellars ayment les enfans, [49] non point par simpathie, mais d'autant que l'extreme simplicité, foiblesse et tendreté des uns rehausse et fait mieux paroistre la prudence et asseurance des autres; et cette dissemblance est aggreable: au contraire, les petitz enfans ayment les viellars parce qu'ilz les voyent amusés et embesoignés d'eux, et que, par un sentiment secret, ilz connoissent qu'ilz ont besoin de leur conduite.

  A004000239 

 Mais quand cette mutuelle correspondance est conjointe avec la ressemblance, l'amour sans doute s'engendre bien plus puissamment; car la similitude estant la vraye image de l'unité, quand deux choses semblables s'unissent par correspondance a mesme fin, il semble que ce soit plustost unité qu'union..

  A004000240 

 La convenance donq de l'amant a la chose aymee est la premiere source de l'amour, et cette convenance consiste en la correspondance, qui n'est autre chose que le mutuel rapport qui rend les choses propres a s'unir pour s'entrecommuniquer quelque perfection.

  A004000244 

 Or, faysant parler l'Espouse la premiere, comme par maniere d'une certaine surprise d'amour, il luy fait faire d'abord cet eslancement: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche! Voyes vous, Theotime comme l'ame en la personne de cette bergere ne pretend, par le premier souhait qu'elle exprime, qu'une chaste union avec son Espoux, comme protestant que c'est l'unique fin a laquelle elle aspire et pour laquelle elle respire; car, je vous prie, que veut dire autre chose ce premier souspir: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche?.

  A004000245 

 Le bayser de tout tems, comme par instinct naturel, a esté employé pour representer l'amour parfait, c'est a dire l'union des cœurs, et non sans cause.

  A004000245 

 On connoist l'homme au visage, dit l'Escriture; et Aristote, rendant rayson de ce que a l'ordinaire on ne peint sinon la face des grans hommes, «c'est d'autant,» dit-il, «que le visage monstre qui nous sommes.».

  A004000246 

 Mays pourtant, nous ne respandons nos discours ni les pensees qui procedent de la portion spirituelle de nos ames, que nous appelions rayson et par laquelle nous sommes differens d'avec les animaux, sinon par nos paroles et par consequent par le moyen de la bouche; si que verser son ame, et respandre son cœur, n'est autre chose que parler.

  A004000246 

 Versés devant Dieu vos cœurs, dit le Psalmiste, c'est a dire, exprimés [51] et prononcés les affections de vostre cœur par paroles; et la devote mere de Samuel, prononçant ses prieres, quoy que si bellement qu'a peyne voyoit-on le mouvement de ses levres: J'ay respandu, dit elle, mon ame devant Dieu.

  A004000247 

 Ainsy donq le bayser estant la vive marque de l'union des cœurs, l'Espouse qui ne pretend en toutes ses poursuites que d'estre unie avec son Bienaymé, Qu'il me bayse, dit-elle, d'un bayser de sa bouche; comme si elle s'escrioit: Tant de souspirs et de traitz enflammés que mon amour jette incessamment, n'impetreront-ilz jamais ce que mon ame desire? Je cours, hé, n'atteindray-je jamais au prix pour lequel je m'eslance, qui est d'estre unie cœur a cœur, esprit a esprit avec mon Dieu, mon Espoux et ma vie? Quand sera-ce que je respandray mon ame dans son cœur, et qu'il versera [52] son cœur dedans mon ame, et qu'ainsy heureusement unis, nous vivrons inseparables!.

  A004000248 

 Ces unités de cœur, d'ame et d'esprit signifient la perfection de l'amour, qui joint plusieurs ames en une: ainsy est il dit, que l'ame de Jonathas estoit collee a l'ame de David, c'est a dire, comme l'Escriture adjouste, il ayma David comme son ame propre.

  A004000248 

 Le grand Apostre de France, tant selon son sentiment que rapportant celuy de son Hierotee, escrit, je pense, cent fois en un seul chapitre des Noms divins, que l'amour est unifique, unissant, ramassant, resserrant, recueillant et rapportant les choses a l'unité.

  A004000248 

 Saint Gregoire de Nazianze et saint Augustin disent que leurs amis avec eux n'avoyent qu'une ame; et Aristote, appreuvant des-ja de son tems cette façon de parler: «Quand,» dit il, «nous voulons exprimer combien nous aymons nos amis, nous disons: l'ame de celuy ci et mon ame n'est qu'une.» La haine nous separe, et l'amour nous assemble: la fin donques de l'amour n'est autre chose que l'union de l'amant a la chose aymee.

  A004000252 

 Mays quant aux unions volontaires, elles sont posterieures a l'amour en effect, et causes neanmoins d'iceluy comme sa fin et pretention unique: en sorte que, comme l'amour tend a l'union, ainsy l'union estend bien souvent et aggrandit l'amour; car l'amour fait chercher la conversation, et la conversation nourrit souvent et accroist l'amour; l'amour fait desirer l'union nuptiale, et cette union reciproquement conserve et dilate l'amour: si que il est vray en tous sens que l'amour tend a l'union..

  A004000252 

 Or, quand l'union est naturelle, elle produit l'amour, et l'amour qu'elle produit nous porte a une nouvelle union volontaire qui perfectionne la naturelle: ainsy le pere et le filz, la mere et la fille, ou deux freres, estans naturellement unis par la communication d'un mesme sang, sont excités par cette union a l'amour, et par l'amour sont portés a une union de volonté et d'esprit qui peut estre dite volontaire, d'autant qu'encor que son fondement soit naturel, son action neanmoins est deliberee; et en ces amours produitz par l'union naturelle, il ne faut point chercher d'autre correspondance que celle de l'union mesme, par laquelle la nature prevenant la volonté, l'oblige d'appreuver, aymer et perfectionner l'union qu'elle a [54] des-ja faitte.

  A004000253 

 Ce n'est pas, Theotime, qu'il n'y ait quelque sorte de passions en l'homme lesquelles, comme le guy vient sur les arbres par maniere d'excrement et de surcroissance, naissent aussi bien souvent parmi l'amour et autour de l'amour; mais neanmoins elles ne sont pas ni l'amour ni partie de l'amour, ains sont des excremens et superfluités d'iceluy, lesquelles non seulement ne sont pas prouffitables pour maintenir ou perfectionner l'amour, mais au contraire l'endommagent grandement, l'affoiblissent, et en fin finale, si on ne les retranche, le ruinent tout a fait; dequoy voyci la rayson..

  A004000253 

 Mais a quelle sorte d'union tend-il? N'aves-vous pas remarqué, Theotime, que l'Espouse sacree exprime son souhait d'estre unie avec son Espoux, par le bayser, et que le bayser represente l'union spirituelle qui se fait par la reciproque communication des ames? Certes, c'est l'homme qui ayme, mais il ayme par la volonté, et partant, la fin de son amour est de la nature de sa volonté: mais sa volonté est spirituelle, c'est pourquoy l'union que son amour pretend est aussi spirituelle; d'autant plus que le cœur, siege et source de l'amour, non seulement ne seroit pas perfectionné par l'union qu'il auroit aux choses corporelles, mays en seroit avili.

  A004000254 

 A mesure que nostre ame s'employe a plus d'operations [55], ou de mesme sorte ou de diverse sorte, elle les fait moins parfaitement et vigoureusement; parce que, estant finie, sa vertu d'agir l'est aussi, si que, fournissant son activeté a diverses operations, il est force que chacune d'icelles en ayt moins.

  A004000255 

 Ce n'est pas que je ne sache ce qu'on dit de Cesar, et que je ne croye ce que tant de grans personnages ont asseuré d'Origene, que leur attention pouvoit a mesme tems s'appliquer a plusieurs objetz; mais pourtant, chacun confesse qu'a mesure qu'ilz l'appliquoyent a plus d'objetz, elle estoit moindre en chacun d'iceux.

  A004000255 

 Il est rare que ceux qui sçavent beaucoup, sçachent bien ce qu'ilz sçavent, parce que la vertu et force de l'entendement espanchee en la connoissance de plusieurs choses, est moins forte et vigoureuse que quand elle est ramassee a la consideration d'un seul objet.

  A004000255 

 Ne voyons-nous pas que le feu, symbole de l'amour, forcé de sortir par la seule bouche du canon, fait un esclat prodigieux, qu'il feroit beaucoup moindre s'il avoit ouverture par deux ou par trois endroitz? Puis donq que l'amour est [56] un acte de nostre volonté, qui le veut avoir non seulement noble et genereux, mais fort, vigoureux et actif, il en faut retenir la vertu et la force dans les limites des operations spirituelles; car qui voudroit l'appliquer aux operations de la partie sensible ou sensitive de nostre ame, il affoibliroit d'autant les operations intellectuelles, esquelles, toutefois, consiste l'amour essentiel..

  A004000255 

 Nous avons trois sortes d'actions amoureuses: les spirituelles, les raysonnables et les sensuelles; quand l'amour escoule sa force par toutes ces trois operations, il est sans doute plus estendu, mais moins tendu, et quand il ne s'escoule que par une sorte d'operation, il est plus tendu, quoy que moins estendu.

  A004000255 

 Quand donq l'ame employe sa vertu affective a diverses sortes d'operations amoureuses, il est force que son action ainsy divisee soit moins vigoureuse et parfaite.

  A004000256 

 Ceux donques qui, touchés des voluptés divines et intellectuelles, laissent ravir leur cœur aux sentimens d'icelles, sont voirement hors d'eux mesmes, c'est a dire au dessus de la condition de leur nature; mais par une bienheureuse et desirable sortie, par laquelle, entrans en un estat plus noble et relevé, ilz sont autant anges par l'operation de leur ame, [57] comme ilz sont hommes par la substance de leur nature, et doivent estre ditz ou anges humains ou hommes angeliques.

  A004000256 

 Les philosophes anciens ont reconneu qu'il y avoit deux sortes d'extases, dont l'une nous portoit au dessus de nous mesmes, et l'autre nous ravaloit au dessous de nous mesmes: comme s'ilz eussent voulu dire que l'homme estoit d'une nature moyenne entre les Anges et les bestes, participant de la nature angelique en sa partie intellectuelle et de la nature bestiale en sa partie sensitive; et que neanmoins il pouvoit, par l'exercice de sa vie et par un continuel soin de soy mesme, s'oster et deloger de cette moyenne condition; d'autant que, s'appliquant et exerçant beaucoup aux actions intellectuelles, il se rendoit plus semblable aux Anges qu'il ne l'estoit aux bestes; que s'il s'appliquoit beaucoup aux actions sensuelles, il descendoit de sa moyenne condition et s'approchoit de celle des bestes: et parce que l'extase n'est autre chose que la sortie qu'on fait de soy mesme, de quel costé que l'on en sorte on est vrayement en extase.

  A004000257 

 Et de mesme les hommes brutaux, ravis en la volupté sensuelle, et particulierement quand c'est en celle du sens general, perdent tout a fait l'usage et l'attention de la rayson et de l'entendement, parce que leur miserable ame, pour sentir plus entierement et attentivement l'object brutal, se divertit des operations spirituelles, pour s'enfoncer et convertir du tout aux bestiales et brutales; imitans en cela mystiquement, les uns, Helie, ravi en haut sur le char enflammé entre les Anges, et les autres, Nabuchodonosor, abruti et ravalé au rang des bestes farouches..

  A004000257 

 Or, a mesure que l'extase est plus grande, ou au dessus de nous ou au dessous de nous, plus elle empesche nostre ame de retourner a soy mesme et de faire les operations contraires a l'extase en laquelle elle est.

  A004000258 

 Les bœufs de Job labouroyent la terre, tandis que les asnes inutiles paissoyent autour d'eux, mangeans les pasturages deus aux bœufs qui travaillovent: tandis que la partie intellectuelle de nostre ame travaille a l'amour honneste et vertueux, sur quelque objet qui en est digne, il arrive souvent que les sens et facultés de la partie inferieure tendent a l'union qui leur est propre et leur sert de pasture; bien que l'union ne soit deüe qu'au cœur et a l'esprit, qui seul aussi peut produire le vray et substantiel amour..

  A004000258 

 Maintenant je dis que, quand l'ame prattique l'amour par les actions sensuelles et qui la portent au dessous de soy, il est impossible qu'elle n'affoiblisse d'autant [58] plus l'exercice de l'amour superieur; de sorte que, tant s'en faut que l'amour vray et essentiel soit aydé et conservé par l'union a laquelle l'amour sensuel tend, qu'au contraire il s'affoiblit, se dissipe et perit par icelle.

  A004000259 

 Helisee, ayant gueri Naaman le Syrien, se contenta de l'avoir obligé, refusant au reste son or, son argent et les meubles qu'il luy avoit offert; mais Giesi, cet infïdele serviteur, courant apres iceluy, demanda et prit, outre le gré de son maistre, ce qu'il avoit refusé: l'amour intellectuel et cordial, qui est certes, ou doit estre, le maistre en nostre ame, refuse toutes sortes d'unions corporelles et sensuelles, et se contente en la simple bienveuillance; mais les puissances de la partie sensitive, qui sont ou doivent estre les servantes de l'esprit, demandent, cherchent et prennent ce qui a esté refusé par la rayson, et, sans prendre permission d'icelle, s'avancent a vouloir faire leurs unions abjectes et serviles, deshonnorans, comme Giesi, la pureté de l'intention de leur maistre qui est l'esprit; et a mesure que l'ame se convertit a tells [59] unions grossieres et sensibles, elle se divertit de l'union delicate, intellectuelle et cordiale..

  A004000261 

 Ainsy l'amour se peut bien treuver es unions des puissances sensuelles meslees avec les unions des puissances intellectuelles, mais non jamais si excellemment comme il fait lhors que les seulz espritz et courages, separés de toutes affections corporelles, jointz ensemble, font l'amour pur et spirituel; car l'odeur des affections ainsy meslees, est non seulement plus suave et meilleure, mays plus vive, plus active et plus solide.

  A004000261 

 Le basilique, le romarin, la marjoleine, l'hysope, le clou de girofle, la cannelle, la noix muscade, les citrons et le musc, mis ensemble et demeurans en cors, rendent voirement une odeur bien aggreable par le meslange de leur bonne senteur; mays non pas a beaucoup pres de ce que fait l'eau qui en est distillee, en laquelle les suavités de tous ces ingrediens, separees de leur cors, se meslent beaucoup plus excellemment, s'unissans en une tres parfaite odeur qui penetre bien plus l'odorat qu'elles ne feroient pas, si avec elle et son eau les cors des ingrediens se treuvoyent conjointz et unis.

  A004000262 

 Il est vray que plusieurs, ayans l'esprit grossier, terrestre et vil, estiment la valeur de l'amour comme celle des pieces d'or, desquelles les plus grosses et pesantes sont les meilleures et plus recevables; car ainsy leur est-il advis que l'amour brutal soit plus fort, parce qu'il est plus violent et turbulent; plus solide, parce qu'il est grossier et terrestre; plus grand, parce qu'il est plus sensible et farouche: mais au contraire, l'amour est comme le feu, duquel plus la matiere est delicate, aussi les flammes en sont plus claires et belles, et lesquelles on ne sçauroit mieux esteindre qu'en les deprimant et couvrant de terre; car de mesme, plus le sujet de l'amour est relevé et spirituel, plus ses actions sont vives, subsistantes et permanentes, et ne sçauroit-on mieux ruiner l'amour que de l'abbaisser aux unions viles et terrestres.

  A004000266 

 Nous n'avons qu'une ame, Theotime, et laquelle est indivisible; mais en cette ame il y a divers degrés de perfection, car elle est vivante, sensible et raysonnable, et selon ces divers degrés elle a aussi diversité de proprietés et inclinations, par lesquelles elle est portee a la fuite ou a l'union des choses.

  A004000266 

 avec l'olivier; ainsy voyons-nous que naturellement il y a contrarieté entre l'homme et le serpent, en sorte que la seule salive de l'homme qui est a jeun fait mourir le serpent, et que, au contraire, l'homme et la brebis ont une merveilleuse convenance et se plaisent l'un avec l'autre.

  A004000267 

 Secondement, nous avons en nous l'appetit sensitif, par le moyen duquel nous sommes portés a la recherche et a la fuite de plusieurs choses, par la connoissance sensitive que nous en avons; tout ainsy comme les animaux, desquelz les uns appetent une chose et les autres une autre, selon la connoissance qu'ilz ont qu'elle leur est convenable ou non: et en cet appetit reside, ou d'iceluy provient l'amour que nous appelions sensuel ou brutal, qui, a proprement parler, ne doit neanmoins pas estre appellé amour, ains simplement appetit..

  A004000268 

 Or, en nostre ame entant qu'elle est raysonnable, nous remarquons manifestement deux degrés de perfection, que le grand saint Augustin, et apres luy tous les docteurs, ont appellé deux portions de l'ame, l'inferieure et la superieure: desquelles celle la est dite inferieure, qui discourt et fait ses consequences selon ce qu'elle apprend et experimente par les sens; et celle la est dite superieure, qui discourt et fait ses consequences selon la connoissance intellectuelle, qui n'est point fondee sur l'experience des sens, ains sur le discernement et jugement de l'esprit; aussi cette portion superieure est appellee communement esprit et partie mentale de l'ame, comme l'inferieure est ordinairement appellee le sens ou sentiment, et rayson humaine..

  A004000269 

 C'est ce que dit saint Augustin, que la superieure portion de l'ame est celle par laquelle nous adherons et nous appliquons a l'obeissance de la loy eternelle..

  A004000269 

 Or, cette portion superieure peut discourir selon deux sortes de lumieres: ou bien selon la lumiere naturelle, comme ont fait les philosophes et tous ceux qui ont discouru par science; ou selon la lumiere surnaturelle, comme font les theologiens et chrestiens, entant qu'ilz establissent leurs discours sur la foy et parole de Dieu revelee, et encor plus particulierement ceux desquelz [63] l'esprit est conduit par des particulieres illustrations, inspirations et esmotions celestes.

  A004000271 

 Un pere, envoyant son filz ou en la cour ou aux estudes, ne laisse pas de pleurer en le licenciant, tesmoignant qu'encor qu'il veuille selon la portion superieure le despart de cet enfant pour son avancement a la vertu, neanmoins selon l'inferieure il a de la repugnance a la separation; et quoy qu'une fille soit mariee au gré de son pere et de sa mere, si est ce que prenant leur benediction elle excite les larmes, en sorte que la volonté superieure acquiesçant a son despart, l'inferieure monstre de la resistance.

  A004000272 

 Or, ce n'est pas pourtant a dire qu'il y ait en l'homme deux ames, ou deux natures, comme pensoient les Manicheens: «Non,» dit saint Augustin, livre huitiesme de ses Confessions, chapitre dixiesme, «ains la volonté, allechee par divers attraitz, esmeüe par diverses raysons, semble estre divisee en soy mesme, tandis qu'elle est tiree de deux costés, jusques a ce que prenant parti selon sa liberté, elle suit ou l'un ou l'autre;» car alhors la plus puissante volonté surmonte, et gaignant le dessus, ne laisse a l'ame que le ressentiment du mal que le debat luy a fait, que nous appelions contrecœur..

  A004000273 

 En suite dequoy il fit la priere que le calice de la Passion fust transporté de luy, c'est a dire qu'il en fust exempt; en quoy il exprime manifestement le vouloir de la portion inferieure de son ame, laquelle discourant sur les tristes et angoisseux objetz de la Passion qui luy estoit preparee, et de laquelle la vive image estoit representee en son imagination, il en [65] tira, par une consequence tres raysonnable, la fuite et esloignement d'iceux, dont il fait la demande a son Pere: par ou l'on remarque clairement que la portion inferieure de l'ame n'est pas la mesme chose que le degré sensitif d'icelle, ni la volonté inferieure une mesme chose avec l'appetit sensuel; car l'appetit sensuel, ni l'ame selon son degré sensitif, ne sont pas capables de faire aucune demande ni priere, qui sont des actes de la faculté raysonnable, et particulierement ilz ne sont pas capables de parler a Dieu, objet auquel les sens ne peuvent atteindre, pour en donner la connoissance a l'appetit.

  A004000273 

 Et ne faut pas dire qu'il souffrit seulement selon le cors, ni mesme selon l'ame entant qu'elle estoit sensible, ou, qui est la mesme chose, selon le sens; car luy mesme atteste, qu'avant qu'il souffrit aucun tourment exterieur, ni mesme qu'il vit les bourreaux aupres de soy, son ame estoit triste jusques-a la mort.

  A004000273 

 Mais l'exemple de nostre Sauveur est admirable pour ce sujet, et apres la consideration duquel il n'y a plus a douter de la distinction de la portion superieure et inferieure de l'ame; car, qui ne sçait, entre les theologiens, qu'il fut parfaittement glorieux des l'instant de sa conception au ventre de la Vierge? et neanmoins il fut a mesme tems sujet aux tristesses, regretz et afflictions de cœur.

  A004000277 

 Nostre rayson, ou pour mieux dire nostre ame entant qu'elle est raysonnable, est le vray temple du grand Dieu, lequel y reside plus particulierement.

  A004000277 

 «Je te cherchois,» dit saint Augustin, «hors de moy, et» je ne te treuvois point, parce que «tu estois en moy.» En ce temple mistique, il y a aussi troys parvis, qui sont troys differens degrés de rayson: au premier nous discourons selon l'experience des sens; au second nous discourons selon les sciences humaines; au troisiesme nous discourons selon la foy; et en fin, outre cela, il y a une certaine eminence et supreme pointe de la rayson et faculté spirituelle, qui n'est point conduitte par la lumiere du discours ni de la rayson, ains par une simple veüe de l'entendement et un simple sentiment de la volonté, par lesquelz l'esprit acquiesce et se sousmet a la verité et a la volonté de Dieu..

  A004000278 

 Le grand Prestre, entrant dedans le Sanctuaire, obscurcissoit encor la lumiere qui entroit par la porte, jettant force parfums dedans son encensoir, la fumee desquelz rebouschoit les rayons de la clarté que l'ouverture de la porte rendoit; et toute la veüe qui se fait en la supreme pointe de l'ame est en certaine façon obscurcie et couverte par les renoncemens et resignations que l'ame fait, ne voulant pas tant regarder et voir la beauté de la verité et la verité de la bonté qui luy est presentee, qu'elle veut l'embrasser et l'adorer: de sorte que l'ame voudroit presque fermer les yeux, soudain qu'elle a commencé a. voir la dignité de la volonté de Dieu, affin que, sans s'occuper davantage a la considerer, elle peust plus puissamment et parfaitement l'accepter et, par une complaysance absolue, s'unir infiniment et se sous-mettre a elle..

  A004000278 

 Or, cette extremité et cime de nostre ame, cette [67] pointe supreme de nostre esprit, est naifvement bien representee par le Sanctuaire, ou mayson sacree.

  A004000279 

 Car, encor que la fov, l'esperance et la charité respandent leur divin mouvement presque en toutes les facultés de l'ame, tant raysonnables que sensitives, les reduisant et assujettissant saintement sous leur juste authorité, si est ce que leur speciale demeure, leur vray et naturel sejour, est en cette supreme pointe de l'ame, des laquelle, comme une heureuse source d'eau vive, elles s'espanchent par divers surgeons et ruysseaux, sur les parties et facultés inferieures..

  A004000281 

 Mais si la foy, l'esperance et la charité se forment par ce saint acquiescement en la pointe de l'esprit, comment est-ce qu'au degré inferieur se peuvent faire les discours qui dependent de la lumiere de la foy? Ainsy que nous voyons que les advocatz au barreau [69] disputent avec beaucoup de discours sur les faitz et droitz des parties, et que le Parlement ou Senat resoult d'en haut toutes les difficultés par un arrest, lequel estant prononcé, les advocatz et auditeurs ne laissent pas de discourir entr'eux sur les motifs que le Parlement peut avoir eu, de mesme, Theotime, apres que les discours, et sur tout la grace de Dieu, ont persuadé a la pointe et supreme eminence de l'esprit d'acquiescer et former l'acte de la foy par maniere d'arrest, l'entendement ne laisse pas de discourir derechef sur cette mesme foy ja conceue, pour considerer les motifs et raysons d'icelle; mais cependant, les discours de theologie se font au parquet et barreau de la portion superieure de l'ame, et les acquiescemens, en haut, au siege et tribunal de la pointe de l'esprit.

  A004000281 

 Or, par ce que la connoissance de ces quatre divers degrés de la rayson est grandement requise pour entendre tous les traittés des choses spirituelles, j'ay voulu l'expliquer asses amplement..

  A004000285 

 L'amour de convoitise est celuy par lequel nous aymons quelque chose pour le prouffit que nous en pretendons; l'amour de bienveuillance est celuy par lequel nous aymons quelque chose pour le [70] bien d'icelle, car qu'est-ce autre chose avoir l'amour de bienveuillance envers une personne que de luy vouloir du bien?.

  A004000285 

 On partage l'amour en deux especes, dont l'une est appellee amour de bienveuillance, et l'autre, amour de convoitise.

  A004000286 

 Si celuy a qui nous voulons du bien l'a des-ja et le possede, alhors nous le luy voulons par le playsir et contentement que nous avons dequoy il l'a et le possede; et ainsy se forme l'amour de complaysance, qui n'est autre chose que l'acte de la volonté par lequel elle s'unit et joint au playsir, contentement et bien d'autruy.

  A004000287 

 Quand l'amour de bienveuillance est exercé sans correspondance de la part de la chose aymee, il s'appelle amour de simple bienveuillance; quand il est avec mutuelle correspondance, il s'appelle amour d'amitié.

  A004000288 

 Si nous aymons simplement l'ami, sans le preferer aux autres, l'amitié est simple; si nous le preferons, alhors cette amitié s'appellera dilection, comme qui diroit amour de election, parce qu'entre plusieurs choses que nous aymons, nous choisissons celle-la pour la preferer..

  A004000290 

 Et de fait, en nostre langage mesme, les motz de cher, cherement, encherir, representent une certaine estime, un prix, une valeur particuliere; de sorte que, comme le mot d'homme parmi le peuple est presque demeuré aux masles, comme au sexe plus excellent, et celuy d'adoration est aussi presque demeuré pour Dieu, comme pour son principal object, ainsy le nom de charité est demeuré a l'amour de Dieu, comme a la supreme et souveraine dilection..

  A004000290 

 Mais si l'eminence de cette amitié est hors de proportion et de comparayson au dessus de toute autre, alhors elle sera dite dilection incomparable, [71] souveraine, sureminente et, en un mot, ce sera la charité, laquelle est deüe a un seul Dieu.

  A004000294 

 Au contraire, saint Augustin, ayant mieux consideré l'usage de la Parole de Dieu, monstre clairement que le nom d'amour n'est pas moins sacré que celuy de dilection, et que l'un et l'autre signifie parfois une affection sainte, et quelquefois aussi une passion depravee; alleguant a ces fins plusieurs passages de l'Escriture.

  A004000294 

 Mais le grand saint Denis, comme excellent Docteur de la proprieté des noms divins, parle bien plus avantageusement en faveur du nom d'amour; enseignant que les theologiens, c'est a dire les Apostres et premiers disciples d'iceux (car ce Saint n'avoit point veu d'autres theologiens), [72] pour desabuser le vulgaire et dompter la fantasie d'iceluy, qui prenoit le nom d'amour en sens prophane et charnel, ilz l'ont plus volontier employé es choses divines que celuy de dilection; et quoy qu'ilz estimassent que l'un et l'autre estoit pris pour une mesme chose, «il a toutefois semblé a quelques uns d'entre eux que le nom d'amour estoit plus propre et convenable a Dieu que celuy de dilection; si que le divin Ignace a escrit ces paroles: Mon amour est crucifié.» Ainsy, comme ces anciens theologiens employoient le nom d'amour es choses divines, affin de luy oster l'odeur d'impureté de laquelle il estoit suspect selon l'imagination du monde, de mesme, pour exprimer les affections humaines, ilz ont pris playsir d'user du nom de dilection, comme exempt du soupçon de deshonnesteté; dont quelqu'un d'entr'eux a dit, au rapport de saint Denis: «Ta dilection est entree en mon ame, ainsy que la dilection des femmes.» En fin, le nom d'amour represente plus de ferveur, d'efficace et d'activeté que celuy de dilection; de sorte qu'entre les Latins, dilection est beaucoup moins qu'amour: «Clodius,» dit leur grand Orateur, «me porte dilection, et pour le dire plus excellemment, il m'ayme.» Et partant, le nom d'amour, comme plus excellent, a esté justement donné a la charité, comme au principal et plus eminent de tous les amours: si que pour toutes ces raysons, et parce que je pretendois de parler des actes de la charité plus que de l'habitude d'icelle, j'ay appellé ce petit ouvrage, Traitté de l'Amour de Dieu.

  A004000298 

 Que si quelqu'accident espouvante nostre cœur, soudain il recourt a la Divinité, advoüant que quand tout luy est mauvais, elle seule luy est bonne, et que quand il est en peril, elle seule, comme son souverain bien, le peut sauver et garentir..

  A004000298 

 Si tost que l'homme pense un peu attentivement a la Divinité, il sent une certaine douce émotion de cœur, qui tesmoigne que Dieu est Dieu du cœur humain; et jamais nostre entendement n'a tant de playsir qu'en cette pensee de la Divinité, de laquelle la moindre connoissance, comme dit le prince des philosophes, vaut mieux que la plus grande des autres choses, comme le moindre rayon du soleil est plus clair que le plus grand de la lune ou des estoiles, ains est plus lumineux que la lune et les estoiles ensemble.

  A004000299 

 Nous sommes creés a l'image et semblance de Dieu: qu'est-ce a dire cela, sinon que nous avons une extreme convenance avec sa divine Majesté?.

  A004000300 

 Elle reside toute en tout son cors, et toute en chacune des parties d'iceluy, comme la Divinité est toute en tout le monde, et toute en chaque partie [74] du monde.

  A004000300 

 Nostre ame est spirituelle, indivisible, immortelle; entend, veut, et veut librement; est capable de juger, discourir, sçavoir et avoir des vertus: en quoy elle ressemble a Dieu.

  A004000301 

 C'est donq un doux et desirable rencontre que celuy de l'affluence et de l'indigence, et ne sçauroit-on presque dire qui a plus de contentement, ou le bien abondant a se respandre et communiquer, ou le bien defaillant et indigent a recevoir et tirer, si Nostre Seigneur n'avoit dit que c'est chose plus heureuse de donner que de recevoir.

  A004000301 

 Rien n'est si a propos pour l'indigence qu'une liberale affluence, rien si aggreable a une liberale affluence qu'une necessiteuse indigence; et plus le bien a d'affluence, plus l'inclination de se respandre et communiquer est forte, plus l'indigent est necessiteux, plus il est avide de recevoir, comme un vuide de se remplir.

  A004000303 

 Nostre ame donques, considerant que rien ne la contente parfaittement et que sa capacité ne peut estre remplie par chose quelconque qui soit au monde, voyant que son entendement a une inclination infinie de sçavoir tous-jours davantage, et sa volonté un appetit insatiable d'aymer et treuver du bien, n'a-elle pas rayson d'exclamer: Ah, donques je ne suis pas faite pour ce monde! Il y a quelque souverain bien duquel je depens, et quelque ouvrier infini qui a imprimé en moy cet interminable desir de sçavoir et cet appetit qui ne peut estre assouvi: c'est pourquoy il faut que je tende et [76] m'estende vers luy, pour m'unir et joindre a sa bonté a laquelle j'appartiens et suis.

  A004000303 

 Telle est la convenance que nous avons avec Dieu..

  A004000307 

 Et ce secours, d'un costé seroit naturel, comme convenable a la nature, et tendant a l'amour de Dieu entant [77] qu'il est Autheur et souverain Maistre de la nature; et d'autre part il seroit surnaturel, parce qu'il correspondroit, non a la nature simple de l'homme, mais a la nature ornee, enrichie et honnoree de la justice originelle, qui est une qualité surnaturelle procedante d'une tres speciale faveur de Dieu.

  A004000307 

 Mays quant a l'amour sur toutes choses qui seroit prattiqué selon ce secours, il seroit appellé naturel, d'autant que les actions vertueuses prennent leur nom de leurs objectz et motifs, et cet amour dont nous parlons tendroit seulement a Dieu, selon qu'il est reconneu Autheur, Seigneur et souveraine fin de toute creature par la seule lumiere naturelle, et par consequent aymable et estimable sur toutes choses par inclination et propension naturelle..

  A004000307 

 S'il se treuvoit des hommes qui fussent en l'integrité et droitture originelle en laquelle Adam se treuva lhors de sa creation, bien que d'ailleurs ilz n'eussent aucune autre assistence de Dieu que celle qu'il donne a chasque creature affin qu'elle puisse faire les actions qui luy sont convenables, non seulement ilz auroyent l'inclination d'aymer Dieu sur toutes choses, mays aussi ilz pourroyent naturellement executer cette si juste inclination: car, comme ce divin Autheur et Maistre de la nature coopere et preste sa main forte au feu pour monter en haut, aux eaux pour couler vers la mer, a la terre pour descendre en bas et y demeurer quand elle y est; ainsy, ayant luy mesme planté dans le cœur de l'homme une speciale inclination naturelle, non seulement d'aymer le bien en general, mays d'aymer en particulier et sur toutes choses sa divine bonté qui est meilleure et plus aymable que toutes choses, la suavité de sa providence souveraine requeroit qu'il contribuait aussi a ces bienheureux hommes que nous venons de dire, autant de secours qu'il seroit necessaire affin que cette inclination fust prattiquee et effectuee.

  A004000308 

 Or, bien que l'estat de nostre nature humaine ne soit pas maintenant doué de la santé et droitture originelle que le premier homme avoit en sa creation, et qu'au contraire nous soyons grandement depravés par le peché, si est ce toutefois que la sainte inclination d'aymer Dieu sur toutes choses nous est demeuree, comme aussi la lumiere naturelle par laquelle nous connoissons que sa souveraine bonté est aymable sur toutes choses; et n'est pas possible qu'un homme pensant attentivement en Dieu, voire mesme par le seul discours naturel, ne ressente un certain eslan d'amour que la secrette inclination de nostre nature suscite au fond du cœur, par lequel, a la premiere apprehension de ce premier et souverain object, la volonté est prevenue et se sent excitee a se complaire en iceluy..

  A004000309 

 Et voyci chose estrange, mais neanmoins bien tesmoignee, car le perdreau qui aura esté esclos et nourri sous les aysles d'une perdrix estrangere, au premier reclam qu'il oyt de sa vraye mere qui avoit pondu l'œuf duquel il est procedé, il quitte la perdrix larronnesse, se rend a sa premiere mere et se met a sa suite, par la correspondance qu'il a avec sa premiere origine; correspondance toutefois qui ne paroissoit point, ains fut demeuree secrette, cachee et comme dormante au fond de la nature, jusques a la rencontre de son object, que soudain excitee, et comme resveillee, elle fait son coup, et pousse l'appetit du perdreau a son premier devoir.

  A004000309 

 Il en est de mesme, Theotime, de nostre cœur; car quoy qu'il soit couvé, nourri et eslevé emmi les choses corporelles, basses et transitoires, et, par maniere de dire, sous les aysles de la nature, neanmoins, au premier regard qu'il jette en Dieu, a la premiere connoissance qu'il en reçoit, la naturelle et premiere inclination d'aymer Dieu, qui estoit comme assoupie et imperceptible, se resveille en un instant, et a l'improuveu paroist, comme une estincelle qui sort d'entre les cendres, laquelle touchant nostre volonté, luy donne un eslan de l'amour supreme deu au souverain et premier Principe de toutes choses.

  A004000313 

 Ainsy nos espritz, animés d'une sainte inclination naturelle envers la Divinité, ont bien plus de clarté en l'entendement pour voir combien elle est aymable, que de force en la volonté pour l'aymer: car le peché a beaucoup plus debilité la volonté humaine, qu'il n'a offusqué l'entendement, et la rebellion de l'appetit sensuel, que nous appelions concupiscence, trouble voirement l'entendement, mais c'est pourtant contre la volonté qu'il excite principalement la sedition et revolte; si que la pauvre volonté, des-ja toute infirme, estant agitee des continuelz assautz que la concupiscence luy livre, ne peut faire un si grand progres en l'amour divin, comme la rayson et inclination naturelle luy suggerent qu'elle devroit faire.

  A004000313 

 Et quant a Platon, il se declare asses [80] en la celebre definition de la philosophie et du philosophe, disant que philosopher n'est autre chose qu'aymer Dieu, et que le philosophe n'estoit autre que l'amateur de Dieu.

  A004000313 

 Helas, Theotime, quelz beaux tesmoignages, non seulement d'une grande connoissance de Dieu, mays aussi d'une forte inclination envers iceluy, ont esté laissés par ces grans philosophes, Socrate, Platon, Trismegiste, Aristote, Hippocrate, Seneque, Epictete! Socrate, le plus loüé d'entr'eux, connoissoit clairement l'unité de Dieu, et avoit tant d'inclination a l'aymer que, comme saint Augustin tesmoigne, plusieurs ont estimé qu'il n'enseigna jamais la philosophie morale pour autre occasion que pour espurer les espritz, affin qu'ilz peussent mieux contempler le souverain bien qui est la tres unique Divinité.

  A004000314 

 Ilz l'ont certes aucunement glorifié, luy donnant des souverains filtres d'honneur, mays ilz ne l'ont pas glorifié comme il le falloit glorifier, c'est a dire ilz ne l'ont pas glorifié sur toutes choses; n'ayans pas eu le courage de ruiner l'idolatrie, ains communiquans avec les idolatres, retenans la verité qu'ilz connoissoient, en injustice, prisonniere dedans leurs cœurs, et preferans l'honneur et le vain repos de leurs vies a l'honneur qu'ilz devoient a Dieu, ilz se sont esvanouis en leurs discours..

  A004000315 

 N'est ce pas grande pitié, Theotime, de voir Socrate, au recit de Platon, parler en mourant des dieux comme s'il y en avoit plusieurs, luy qui sçavoit si bien qu'il n'y en avoit qu'un seul? N'est ce pas chose deplorable que Platon ayt ordonné que l'on sacrifie a plusieurs dieux, luy qui sçavoit si bien la verité de l'unité divine? Et Mercure Trismegiste n'est il pas lamentable, de lamenter et plaindre si laschement l'abolissement de l'idolatrie, luy qui en tant d'endroitz avoit parlé si dignement de la Divinité?.

  A004000317 

 Car ainsy nostre cœur humain produit bien naturellement certains commencemens d'amour envers Dieu, mais d'en venir jusques a l'aymer sur toutes choses, qui est la vraye maturité de l'amour deu a cette supreme Bonté, cela n'appartient qu'aux cœurs animés et assistés de la grace celeste et qui sont en l'estat de la sainte charité; et ce petit amour imparfait, duquel la nature en elle mesme sent les eslans, ce n'est qu'un certain vouloir sans vouloir, un vouloir qui voudrait mais qui ne veut pas, un vouloir sterile qui ne produit point de vrays effectz, un vouloir paralytique qui void la piscine salutaire du saint amour mais qui n'a pas la force de s'y jetter; et en fin, ce vouloir est un avorton de la bonne volonté, qui n'a pas la vie de la genereuse vigueur [82] requise pour en effect preferer Dieu a toutes choses: dont l'Apostre, parlant en la personne du pecheur, s'escrie: Le vouloir est bien en moy, mais je ne treuve pas le moyen de l'accomplir..

  A004000317 

 En somme, Theotime, nostre chetifve nature, navree par le peché, fait comme les palmiers que nous avons de deça, qui font voirement certaines productions imparfaittes et comme des essais de leurs fruitz, mais de porter des dattes entieres, meures et assaisonnees, cela est reservé pour des contrees plus chaudes.

  A004000321 

 Mais si nous ne pouvons pas naturellement aymer Dieu sur toutes choses, pourquoy donq avons-nous naturellement inclination a cela? la nature est-elle pas vaine de nous inciter a un amour qu'elle ne nous peut donner? pourquoy nous donne-elle la soif d'une eau si pretieuse, puisqu'elle ne peut nous en abbreuver? Ha, Theotime, que Dieu nous a esté bon! La perfidie que nous avions commise en l'offençant meritoit certes qu'il nous privast de toutes les marques de sa bienveuillance, et de la faveur qu'il avoit exercee envers nostre nature, Ihors qu'il imprima sur elle la lumiere de son divin visage et qu'il donna a nos cœurs l'allegresse de se sentir enclins a l'amour de la divine Bonté, affin que les Anges, voyans ce miserable homme, eussent occasion de dire par compassion: Est-ce la, la creature de parfaite beauté, l'honneur de toute la terre?.

  A004000322 

 Il vit que nous estions environnés de chair, un vent qui se dissipe en courant, et qui ne revient plus; c'est pourquoy, selon les entrailles de sa misericorde, il ne nous voulut pas du tout ruiner ni nous oster le signe de sa grace perdue, affin que le regardans, et sentans en nous cette arriance et propension a l'aymer, nous taschassions de ce faire, et que personne ne peust justement dire: [83] Qui nous monstrera le bien? Car encor que par la seule inclination naturelle nous ne puissions pas parvenir au bonheur d'aymer Dieu comme il faut, si est ce que, si nous l'employions fïdellement, la douceur de la pieté divine nous donneroit quelque secours, par le moyen duquel nous pourrions passer plus avant; que si nous secondions ce premier secours, la bonté paternelle de Dieu nous en fourniroit un autre plus grand, et nous conduiroit de bien en mieux, avec toute suavité, jusques au souverain amour auquel nostre inclination naturelle nous pousse: puisque c'est chose certaine qu'a celuy qui est fidele en peu de chose et qui fait ce qui est en son pouvoir, la benignité divine ne denie jamais son assistance pour l'avancer de plus en plus..

  A004000323 

 L'inclination donques d'aymer Dieu sur toutes choses, que nous avons par nature, ne demeure pas pour neant dans nos cœurs: car, quant a Dieu, il s'en sert comme d'une anse pour nous pouvoir plus suavement prendre et retirer a soy, et semble que, par cette impression, la divine Bonté tienne en quelque façon attachés nos cœurs, comme des petitz oyseaux, par un filet par lequel il nous puisse tirer quand il plaist a sa misericorde d'avoir pitié de nous; et quant a nous, elle nous est un indice et memorial de nostre premier Principe et Createur, a l'amour duquel elle nous incite, nous donnant un secret advertissement que nous appartenons a sa divine Bonté.

  A004000324 

 C'est pourquoy le grand Prophete royal appelle cette inclination non seulement lumiere, parce qu'elle nous fait voir ou nous devons tendre, mais aussi joye et allegresse, parce qu'elle nous console en nostre egarement, nous donnant esperance que Celuy qui nous a empreinte et laissee cette belle marque de nostre origine, pretend encor et desire de nous y ramener et reduire, si nous sommes si heureux que de nous laisser reprendre a sa divine Bonté.

  A004000324 

 Certes, l'honnorable inclination que Dieu a mise en nos ames, fait connoistre a nos amis et a nos ennemis que non seulement nous avons esté a nostre Createur, mais encor que, si bien il nous a laissés et laschés a la merci de nostre franc arbitre, neanmoins nous luy appartenons, et il s'est reservé le droit de nous reprendre a soy pour nous sauver, selon que sa sainte et suave Providence le requerra.

  A004000332 

 Nous disons, quand le soleil a son lever est rouge et que tost apres il devient noir ou creux et enfoncé, ou bien, quand a son coucher il est blafastre, pasle, have, que c'est signe de pluye.

  A004000332 

 Theotime, le soleil n'est ni rouge, ni noir, ni pasle, ni gris, ni verd: ce grand luminaire n'est point sujet a ces vicissitudes et changemens de couleurs, n'ayant pour toute couleur que sa très claire et perpetuelle lumiere, laquelle, si ce n'est par miracle, est invariable; mays nous parlons de la sorte parce qu'il nous semble estre tel, selon la varieté des vapeurs qui sont entre luy et nos yeux, lesquelles le font paroistre de diverses façons..

  A004000333 

 Et comme le soleil n'a aucune de toutes les couleurs que nous luy attribuons, ains une seule tres claire lumiere qui est par dessus toute couleur et qui rend visiblement colorees toutes les couleurs, aussi en Dieu il n'y a aucune des perfections que nous imaginons, ains une seule tres pure excellence qui est au dessus de toute perfection et qui donne la perfection a tout ce qui est parfait..

  A004000333 

 Mais cependant, en Dieu il n'y a ni varieté ni difference quelcomque de perfections, ains il est luy mesme une tres seule, tres simple et tres uniquement unique perfection; car tout ce qui est en luy n'est que luy mesme, et toutes les excellences que nous disons estre en luy en une si grande diversité, elles y sont en une tres simple et tres pure unité.

  A004000333 

 Or nous devisons ainsy de Dieu, non tant selon ce qu'il est en luy mesme, comme selon ses œuvres, par l'entremise desquelles nous le contemplons; car sur nos diverses considerations nous le nommons differemment, [87] comme s'il avoit une grande multitude de differentes excellences et perfections.

  A004000334 

 Et pour cela, Dieu respondant par l'Ange au pere de Samson, qui luy demandoit son nom: [88] Pourquoy demandes-tu mon nom, dit-il, qui est admirable? comme s'il vouloit dire: Mon nom peut estre admiré, mais non pas prononcé par les creatures; il doit estre adoré, mais il ne peut estre compris que par moy, qui seul sçay proferer le propre nom par lequel au vray et naifvement j'exprime mon excellence.

  A004000334 

 Nostre esprit est trop foible pour former une pensee qui puisse representer une excellence tant immense, laquelle comprenant en sa tres simple et tres unique perfection, distinctement et parfaittement, toutes autres perfections, en une façon infiniment excellente et eminente que nostre esprit ne peut penser, nous sommes forcés, pour parler aucunement de Dieu, d'user d'une grande quantité de noms, disant qu'il est bon, sage, tout puissant, vray, juste, saint, infini, immortel, invisible; et certes, nous parlons veritablement: Dieu est tout cela ensemble, parce qu'il est plus que tout cela, c'est a dire il l'est en une sorte si pure, si excellente et si relevee, qu'en une tres simple perfection il a la vertu, force et excellence de toute perfection..

  A004000334 

 Or, de nommer parfaitement cette supreme excellence, laquelle en sa tres singuliere unité comprend, ains surmonte toutes excellences, cela n'est pas au pouvoir de la creature, ni humaine ni angelique: car, comme il est dit en l'Apocalypse, Nostre Seigneur a un nom que personne ne sçait que luy mesme, parce que luy seul connoissant parfaitement son infinie perfection, luy seul aussi la peut exprimer par un nom proportionné; dont les Anciens ont dit que nul n'estoit vray theologien que Dieu, d'autant que nul ne peut connoistre totalement la grandeur infinie de la perfection divine, ni par consequent la representer par paroles, sinon luy mesme.

  A004000335 

 Ainsy la manne estoit une seule viande, laquelle comprenant en soy le goust et la vertu de toutes les autres viandes, on eut peu dire qu'elle avoit le goust du citron, du melon, du raisin, de la prune et de la poire; mais on eut encor plus veritablement dit qu'elle n'avoit pas tous ces goustz, ains un seul goust qui estoit le sien propre, lequel neanmoins contenoit en son unité tout ce qui pouvoit estre d'aggreable et desirable en toute la diversité des autres goustz; comme l'herbe dodecatheos, «laquelle,» ce dit Pline, «guerissant de toutes, maladies,» n'est ni rhubarbe, ni sené, ni rose, ni betoine, ni buglosse, ains un seul simple qui en l'unique simplicité de sa proprieté a autant de force que tous les autres medicamens ensemble.

  A004000336 

 Mays pourtant, que tout esprit loüe le Seigneur, le nommant de tous les noms les plus eminens qui se pourront treuver; et pour la plus grande loüange que nous luy puissions rendre, confessons que jamais il ne peut estre asses loüé, et pour le plus excellent nom que nous luy puissions attribuer, protestons que son nom est sur tout nom, et que nous ne pouvons le dignement nommer..

  A004000336 

 Non, Theotime, nous ne pouvons jamais le comprendre, puisque, comme dit saint Jean, il est plus grand que nostre cœur.

  A004000336 

 Nous en dirons beaucoup de choses, dit l'Escriture, et demeurerons courtz en paroles: la somme [89] de tous discours, c'est qu'il est toutes choses.

  A004000336 

 Si nous nous glorifions, a quoy nous servira cela? car le Tout Puissant est sur toutes ses œuvres.

  A004000341 

 Et si, en cela nous n'offençons pas la verité; car encor qu'en Dieu il n'y ait pas multitude d'actions, ains un seul acte qui est la Divinité mesme, cet acte toutefois est si parfait, qu'il comprend excellemment la force et la vertu de tous les actes qui sembleroyent estre requis pour toute la diversité des effectz que nous voyons..

  A004000341 

 Mays il n'en est pas de mesme en Dieu, car il n'y a en luy qu'une tres simple infinie perfection, et en cette perfection, qu'un seul tres unique et tres pur acte: [90] ains, pour parler plus saintement et sagement, Dieu est une seule, tres souverainement unique et tres uniquement souveraine perfection; et cette perfection est un seul acte tres purement simple et tres simplement pur, lequel n'estant autre chose que la propre essence divine, il est par consequent tous-jours permanent et eternel.

  A004000347 

 Ainsy saint Chrysostome remarque que ce que Moyse a dit en plusieurs paroles, descrivant la creation du monde, le glorieux saint Jean l'a exprimé en un seul mot, disant que par le Verbe, c'est a dire par cette Parole eternelle qui est le Filz de Dieu, tout a esté fait.

  A004000347 

 Car encor que l'historien sacré, s'accommodant a nostre façon d'entendre, raconte que Dieu repeta souvent cette toute puissante parole: Soit fait, es journees de la creation du monde, neanmoins, a proprement parler, cette parole fut tres unique; si que David l'appelle un souffle ou aspiration de la bouche divine, c'est a dire un seul trait de son infinie volonté, lequel respand si puissamment sa vertu en la varieté des choses creées, que pour cela nous le concevons comme s'il estoit multiplié et diversifié en autant de differences comme il y en a en ces effectz, quoy qu'en verité il soit tres unique et tres simple.

  A004000348 

 Ainsy, Theotime, la nature, comme le peintre, multiplie et diversifie ses actes a mesure que ses besoignes sont differentes, et luy faut un grand tems pour faire des grans effectz; mais Dieu, comme l'imprimeur, a donné l'estre a toute la diversité des creatures qui ont esté, sont et seront, par un seul trait de sa toute puissante volonté, tirant de son idee, comme de dessus une planche bien taillee, cette admirable différence de personnes et d'autres choses qui s'entresuivent es saysons, es aages, es siecles, chacune en son ordre, selon qu'elles devoyent estre: cette souveraine unité de l'acte divin estant opposee a la confusion et au desordre, et non a la distinction ou varieté, qu'elle employe, au contraire, pour en composer la beauté, reduisant toutes les differences et diversités a la proportion, et la proportion a l'ordre, et l'ordre a l'unité du monde, qui comprend toutes choses creées tant visibles qu'invisibles; lesquelles toutes ensemble s'appellent univers, peut estre parce que toute leur diversité se reduit en unité, comme qui diroit unidivers, c'est a dire unique et divers, unique avec diversité et divers avec unité..

  A004000354 

 aussi le seul eternel vouloir de sa divine Majesté estend sa force de siecle en siecle et jusques aux siecles des siecles, pour tout ce qui a esté, qui est et sera eternellement, sans que chose quelconque ayt estre que par ce seul tres unique, tres simple et tres eternel Acte divin, auquel soit honneur et gloire.

  A004000360 

 Mais d'autant que la disposition est inutile sans la creation ou levee des officiers, et que la creation est vaine sans la providence qui regarde a ce qui est requis pour la conservation des officiers creés ou erigés, et qu'en fin cette conservation qui se fait par le bon gouvernement n'est autre chose que la providence effectuee, partant, non seulement la disposition mais aussi la creation et le bon gouvernement de Salomon, furent appellés du nom de providence: aussi ne disons-nous pas qu'un homme ayt de la providence, sinon quand il gouverne bien..

  A004000361 

 Mais parce que ces moyens sont de diverses sortes, nous diversifions aussi le nom de la providence, et disons qu'il y a une providence naturelle, une autre surnaturelle; et celle ci, qu'elle est ou generale, ou speciale, ou particuliere..

  A004000361 

 Or maintenant, Theotime, parlans des choses divines selon l'impression que nous avons prise en la consideration des choses humaines, nous disons que Dieu ayant eu une eternelle et tres parfaite connoissance de l'art de faire le monde pour sa gloire, il disposa avant toutes choses en son divin entendement toutes les pieces principales de l'univers qui pouvoient luy rendre de l'honneur, c'est a dire la nature angelique et la nature humaine; et en la nature angelique, la varieté des hierarchies et des ordres que l'Escriture Sainte et les sacrés Docteurs nous enseignent; comme aussi entre les hommes, il disposa qu'il y auroit cette grande diversité que nous y voyons.

  A004000361 

 Puis, en cette mesme eternité, il prouveut et fît estat a part soy de tous les moyens requis aux hommes et aux Anges pour parvenir a la fin a laquelle il les avoit destinés, et fit ainsy l'acte de sa providence; et sans s'arrester la, pour effectuer sa disposition il a reellement creé les Anges et les hommes, et pour effectuer sa providence il a fourni et fournit par son gouvernement tout ce qui est necessaire aux creatures raysonnables pour parvenir a la gloire: si que, pour le dire en un mot, la providence souveraine n'est autre chose que l'acte par lequel Dieu veut fournir [96] aux hommes et aux Anges les moyens necessaires ou utiles pour parvenir a leur fin.

  A004000364 

 Les adventures de l'ancien Joseph furent admirables en varieté et en passages d'une extremité a l'autre: ses freres qui l'avoyent vendu pour le perdre, furent tout estonnés de le voir devenu vice-roy, et apprehendoyent infiniment qu'il ne se ressentist du tort qu'ilz luy avoyent fait: Mais non, leur dit-il, ce n'est pas tant par vos menees que je suis envoyé ici, comme par la Providence divine; vous avés eu des mauvais desseins sur moy, mais Dieu les a reduitz a bien.

  A004000364 

 Voyes vous, Theotime, le monde eust appelle fortune [98] ou evenement fortuit ce que Joseph dit estre un projet de la Providence souveraine, qui range et reduit toutes choses a son service; et il en est ainsy de tout ce qui se passe au monde, et mesme des monstres, la naissance desquelz rend les œuvres accomplies et parfaittes plus estimables, produit de l'admiration et provoque a philosopher et faire plusieurs bonnes pensees, et, en somme, ilz tiennent lieu en l'univers comme les ombres es tableaux, qui donnent grace et semblent relever la peinture..

  A004000368 

 Tout ce que Dieu a fait est destiné au salut des hommes et des Anges: mays voyci l'ordre de sa providence pour ce regard, selon que, par l'attention aux Saintes Escritures et a la doctrine des Anciens, nous le pouvons descouvrir, et que nostre foiblesse nous permet d'en parler..

  A004000369 

 Dieu conneut eternellement qu'il pouvoit faire une quantité innumerable de creatures, en diverses perfections et qualités, ausquelles il se pourroit communiquer; et considerant qu'entre toutes les façons de se communiquer il n'y avoit rien de si excellent que de se joindre a quelque nature creée, en telle sorte que la creature fust comme entee et inseree en la Divinité, pour ne faire avec elle qu'une seule personne, son infinie bonté, qui de soy mesme et par soy mesme est portee a la communication, se resolut et determina d'en faire une de cette maniere; affin que, comme eternellement il y a une communication essentielle en Dieu, par laquelle le Pere communique toute son infinie et [99] indivisible Divinité au Filz en le produisant, et le Pere et le Filz ensemble, produisans le Saint Esprit luy communiquent aussi leur propre unique Divinité, de mesme cette souveraine Douceur fust aussi communiquee si parfaittement hors de soy a une creature, que la nature creée et la Divinité, gardant une chacune leurs proprietés, fussent neanmoins tellement unies ensemble qu'elles ne fussent qu'une mesme personne..

  A004000371 

 Outre cela, la sacree Providence determina de produire [100] tout le reste des choses, tant naturelles que surnaturelles, en faveur du Sauveur, affin que les Anges et les hommes peussent en le servant participer a sa gloire; en suite dequoy, bien que Dieu voulut creer tant les Anges que les hommes avec le franc-arbitre, libres d'une vraye liberté pour choisir le bien et le mal, si est-ce neanmoins que, pour tesmoigner que de la part de la Bonté divine ilz estoyent dediéz au bien et a la gloire, elle les crea tous en justice originelle, laquelle n'estoit autre chose qu'un amour tres suave qui les disposoit, contournoit et acheminoit a la felicité eternelle..

  A004000373 

 C'estoit la nature humaine de laquelle il avoit resolu de prendre une piece bien heureuse pour l'unir a sa Divinité; il vit que c'estoit une nature imbecille, un vent qui va et ne revient pas, c'est a dire qui se dissipe en allant; il eut esgard a la surprise que Satan avoit faitte au premier homme et a la grandeur de la tentation qui le ruina; il vit que toute la race des [101] hommes perissoit par la faute d'un seul: si que, par ces raysons, il regarda nostre nature en pitié et se resolut de la prendre a merci..

  A004000378 

 Estant donq ainsy, que toute volonté bien disposee qui se determine de vouloir plusieurs objectz esgalement presens, ayme mieux, et avant tous, celuy qui est le plus aymable, il s'ensuit que la souveraine Providence faisant son eternel projet et dessein de tout ce qu'elle produiroit, elle voulut premierement et ayma, par une preference d'excellence, le plus aymable object de son amour, qui est nostre Sauveur; et puis, par ordre, les autres creatures, selon que plus ou moins elles appartiennent au service, honneur et gloire d'iceluy..

  A004000378 

 Or disant, Theotime, que Dieu avoit veu et voulu une chose premierement, et puis secondement une autre, observant ordre en ses volontés, je l'ay entendu selon qu'il a esté declaré cy devant; a sçavoir, qu'encor que tout cela s'est passé en un tres seul et tres simple acte, neanmoins par iceluy, l'ordre, la distinction et [102] la dependance des choses n'a pas esté moins observee que s'il y eust eu plusieurs actes en l'entendement et volonté de Dieu.

  A004000379 

 Ainsy tout a esté fait pour ce divin homme, qui pour cela est appellé aisné de toute creature, possédé par la divine Majesté au commencement des voÿes d'icelle, avant qu'elle fit chose quelconque, creé au commencement, avant les siecles: car en luy toutes choses sont faittes, et il est avant tous, et toutes choses sont establies en luy, et il est chef de toute l'Eglise, tenant en tout et par tout la primauté.

  A004000379 

 On ne plante principalement la vigne que pour le fruict; et partant, le fruict est le premier desiré et pretendu, quoy que les feuilles et les fleurs precedent en la production.

  A004000380 

 Et tant s'en faut que le peché d'Adam ayt surmonté la debonnaireté divine, que tout au contraire il l'a excitee et provoquee: si que, par une suave et tres amoureuse antiperistase et contention, elle s'est revigoree a la presence de son adversaire, et comme ramassant ses forces pour vaincre, elle a fait surabonder la grace ou l'iniquité avoit abondé; de sorte que la sainte Eglise, par un saint exces d'admiration, s'escrie, la veille de Pasques: «O peché d'Adam, a la verité necessaire, qui a esté effacé par la mort de Jesus Christ; o coulpe bien heureuse, qui a mérité d'avoir un tel et si grand Redempteur!» Certes, Theotime, nous pouvons dire comme cet ancien: « Nous estions perdus, si nous n'eussions esté perdus;» c'est a dire, nostre perte nous a esté a prouffit, puisqu'en effect la nature humaine a receu plus de graces par la redemption de son Sauveur, qu'elle n'en eust jamais receu par l'innocence d'Adam, s'il eust perseveré en icelle..

  A004000380 

 Mays donq maintenant, mon Theotime, qui doutera de l'abondance des moyens du salut, puisque nous avons un si grand Sauveur, en consideration duquel nous avons esté faitz, et par les merites duquel nous avons esté rachetés? Car il est mort pour tous, parce [103] que tous estoyent mortz; et sa misericorde a esté plus salutaire pour racheter la race des hommes, que la misere d'Adam n'avoit esté veneneuse pour la perdre.

  A004000381 

 Car encor que la divine Providence ait laissé en l'homme des grandes marques de sa severité parmi la grace mesme de sa misericorde, comme par exemple, la necessité de mourir, les maladies, les travaux, la rebellion de la sensualité, si est-ce que la faveur celeste surnageant a tout cela, prend playsir de convertir toutes ces miseres au plus grand prouffit de ceux qui l'ayment, faysant naistre la patience sur les travaux, le mespris du monde sur la necessité de mourir, et mille victoires sur la concupiscence: et comme l'arc-en-ciel touchant l'espine aspalatus la rend plus odorante que les lys, aussi la redemption de Nostre Seigneur touchant nos miseres, elle les rend plus utiles et aymables que n'eust jamais esté l'innocence originelle.

  A004000385 

 Car, Theotime, il ne s'est pas contenté, en l'exces sacré de sa misericorde, d'envoyer a son peuple, c'est a dire au genre humain, une redemption generale et universelle, par laquelle un chacun peut estre sauvé; mais il l'a diversifiee en tant de manieres, que sa liberalité reluisant en toute cette varieté, cette varieté reciproquement embellit aussi sa liberalité.

  A004000386 

 De sorte qu'elle fut rachetee si excellemment, qu'encor que par apres le torrent de l'iniquité originelle vinst rouler ses ondes infortunees sur la conception de cette sacree Dame, avec autant d'impetuosité comme il eust fait sur celle des autres filles d'Adam, si est-ce qu'estant arrivé la, il ne passa point outre, ains s'arresta court, comme fit anciennement le Jourdain du tems de Josué, et pour le mesme respect: car ce fleuve retint son cours en reverence du passage de l'Arche de l'alliance, et le peché originel retira ses eaux, reverant et redoutant la presence du vray Tabernacle de l'eternelle alliance..

  A004000387 

 Aussi proteste-il qu'entre toutes les creatures raysonnables qu'il a choisies, cette Mere est son unique colombe, sa toute parfaite, sa toute chere Bien-aymee, hors de tout parangon et de toute comparayson.

  A004000387 

 De cette maniere donques, Dieu destourna de sa glorieuse Mere toute captivité, luy donnant le bonheur des deux estatz de la nature humaine, puisqu'elle eut l'innocence que le premier Adam avoit perdue, et jouît excellemment de la redemption que le second luy acquit; en suite dequoy, comme un jardin d'eslite qui devoit porter le fruit de vie, elle fut rendue florissante en toutes sortes de perfections, ce Filz de l'amour eternel ayant ainsy paré sa Mere de robbe d'or, recamee en belle varieté, affin qu'elle fust la Reyne de sa dextre, c'est a dire la premiere de tous les esleuz, qui jouiroit des delices de la dextre divine.

  A004000387 

 Dieu disposa aussi d'autres faveurs pour un petit nombre de rares creatures qu'il vouloit mettre hors du danger de la damnation, comme il est certain de saint Jean Baptiste, et tres probable de Hieremie et de quelques autres, que la divine Providence alla saisir dans le ventre de leur mere, et des Ihors les establit en la perpetuité de sa grace affin qu'ilz demeurassent fermes en son amour, bien que sujetz aux retardemens et pechés venielz, qui sont contraires a la perfection de l'amour et non a l'amour mesme.

  A004000387 

 Et ces ames, en comparayson des autres, sont comme des reynes, tous-jours couronnees de charité, qui tiennent le rang principal en l'amour du Sauveur, apres sa Mere, laquelle est la Reyne des reynes; Reyne, non seulement couronnee d'amour, mays de la perfection de l'amour, et, qui plus est, couronnee de son Filz propre qui est le souverain object de l'amour, puisque les enfans sont la couronne de leurs peres et meres..

  A004000388 

 Telz furent les Apostres, David, Magdeleine [107] et plusieurs autres, qui pour un tems demeurerent hors de l'amour de Dieu; mais en fin, estans une bonne fois convertis, furent confirmés en la grace jusques a la mort: de sorte que des Ihors, demeurans voirement sujetz a quelques imperfections, ilz furent toutefois exemptz de tout peché mortel, et par consequent du peril de perdre le divin amour; et furent comme des amies sacrees de l'Espoux celeste, parees voirement de la robbe nuptiale de son tressaint amour, mais non pas pourtant couronnees, parce que la couronne est un ornement de la teste, c'est a dire de la premiere partie de la personne; or, la premiere partie de la vie des ames de ce rang ayant esté sujette a l'amour des choses terrestres, elles ne peuvent porter la couronne de l'amour celeste, ains leur suffit d'en porter la robbe, qui les rend capables du lit nuptial de l'Espoux divin et d'estre eternellement, bienheureuses avec luy..

  A004000393 

 Mais pourtant, Theotime, quoy que cette tres abondante suffisance de graces soit ainsi versee sur toute la nature humaine, et qu'en cela nous soyons tous esgaux qu'une riche abondance de benedictions nous est offerte a tous, si est-ce neanmoins que la varieté de ces faveurs est si grande, qu'on ne peut dire qui est plus admirable, ou la grandeur de toutes les graces en une si grande diversité, ou la diversité en tant de grandeurs.

  A004000394 

 Aussi nostre Sauveur compare sa grace aux perles, lesquelles, comme dit Pline, s'appellent autrement unions, parce qu'elles sont tellement uniques une chacune en ses qualités, qu'il ne s'en treuve jamais deux qui soyent parfaitement pareilles; et comme une estoile est differente de l'autre en clarté, ainsy seront differens les hommes les uns des autres en la gloire, signe evident qu'ilz l'auront esté en la grace.

  A004000394 

 Et bien que, quant aux hommes, la grace ne soit pas donnee selon leurs conditions naturelles, toutefois la divine Douceur, prenant playsir et, par maniere de dire, s'esgayant en la production des graces, elle les diversifie en infinies façons, affin que de cette varieté se fasse le bel esmail de sa redemption et misericorde; dont l'Eglise chante en la feste de chasque Confesseur Evesque: Il ne s'en est point treuvé de semblable a luy.

  A004000395 

 C'est donq une impertinence de vouloir rechercher pourquoy saint Paul n'a pas eu la grace de saint Pierre, ni saint Pierre celle de saint Paul; pourquoy saint Anthoine n'a pas esté saint Athanase, ni saint Athanase saint Hierosme: car on respondroit a ces demandes que l'Eglise est un jardin diapré de fleurs infinies, il y en faut donq de diverses grandeurs, de diverses couleurs, de diverses odeurs, et, en somme, de differentes perfections; toutes ont leur prix, leur grace et leur esmail, et toutes, en l'assemblage de leurs varietés, font une tres aggreable perfection de beauté..

  A004000395 

 Mais il se faut bien garder de jamais rechercher pourquoy la supreme Sagesse a departi une grace a l'un plustost qu'a l'autre, ni pourquoy il fait abonder ses faveurs en un endroit plustost qu'en l'autre: non, Theotime, n'entrés jamais en cette curiosité; car ayans tous suffisamment, ains abondamment, ce qui est requis pour le salut, quelle rayson peut avoir homme du monde de se plaindre, s'il plait a Dieu de departir ses graces plus largement aux uns qu'aux autres? Si quelqu'un s'enqueroit pourquoy Dieu a fait les melons plus gros que les frayses, ou les lys plus grans que les violettes, pourquoy le romarin n'est pas une rose, ou pourquoy l'œillet n'est pas un soucy, pourquoy le paon [110] est plus beau qu'une chauvesouris, ou pourquoy la figue est douce et le citron aigrelet, on se moqueroit de ses demandes et on luy diroit: pauvre homme, puisque la beauté du monde requiert la varieté, il faut qu'il y ait des differentes et inegales perfections es choses, et que l'une ne soit pas l'autre; c'est pourquoy les unes sont petites, les autres grandes, les unes aigres, les autres douces, les unes plus, et les autres moins belles.

  A004000395 

 Or c'en est de mesme es choses surnaturelles: Chaque personne a son don, un ainsy, et l'autre ainsy, dit le Saint Esprit.

  A004000399 

 Bien que la redemption du Sauveur nous soit appliquee en autant de differentes façons comme il y a d'ames, si est-ce neanmoins que l'amour est le moyen universel de nostre salut, qui se mesle par tout et sans lequel rien n'est salutaire, ainsy que nous dirons ailleurs.

  A004000399 

 Hé, dit-il, je suis venu pour mettre le feu au monde, que pretens-je sinon qu'il arde? Mais pour declarer plus vivement l'ardeur de ce desir, il nous commande cet amour en termes admirables: Tu aymeras, dit-il, le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton ame, de toutes tes forces, c'est le premier et le plus grand commandement. Vray Dieu, Theotime, que le cœur divin est amoureux de nostre amour! Ne suffisoit-il pas qu'il eust publié une permission par laquelle il nous eust donné congé de l'aymer, comme Laban permit a Jacob d'aymer sa belle Rachel et de la gaigner par ses services? Mays non, il declare plus avant sa passion amoureuse envers nous, et nous commande de l'aymer de tout nostre pouvoir, affin que la consideration de sa Majesté et de nostre misere, qui font une tant infinie disparité et inegalité de luy a nous, ni autre pretexte quelconque, ne nous divertist de l'aymer.

  A004000400 

 Mais il ne se contente pas d'annoncer ainsy son extreme desir d'estre aymé, en public, en sorte que chacun puisse avoir part a son aymable semonce; ains il va mesme de porte en porte hurtant et frappant, protestant que si quelqu'un ouvre, il entrera chez luy et soupera avec luy, c'est a dire, il luy tesmoignera toute sorte de bienveuillance..

  A004000400 

 Or, vivre selon Dieu, c'est aymer; et qui n'ayme pas, il demeure en la mort.

  A004000401 

 Certes, cette riche, comble et plantureuse suffisance de moyens que Dieu eslargit aux pecheurs pour l'aymer, paroist presque par tout en l'Escriture: car voyes ce divin Amant a la porte; il ne bat pas simplement, il s'arreste a battre, il appelle l'ame: Sus, leve toy, ma bienaymee, depesche toy, et met sa main dans la serreure, pour voir s'il pourroit point ouvrir; s'il presche emmi les places, il ne presche pas simplement, mais il va criant, c'est a dire, il continue a crier; s'il exclame qu'on se convertisse, il semble qu'il ne l'a jamais asses repeté: Convertisses-vous, convertisses-vous, faites penitence, retournés a moy, vivés; pourquoy mourres-vous, mayson d'Israël? En somme, ce divin Sauveur n'oublie rien pour monstrer que ses miserations sont sur toutes ses œuvres, que sa misericorde surpasse son jugement, que sa redemption est copieuse, que son amour est infini, et, comme dit l'Apostre, qu'il est riche en misericorde, et que par consequent il voudrait que tous les hommes fussent sauvés, et qu'aucun ne perist.

  A004000401 

 L'Apostre, comme vous voyes, oppose les richesses de la bonté de Dieu aux thresors de la malice du cœur impenitent, et dit que le cœur malicieux est si riche en iniquité, que mesme il mesprise les richesses de la debonnaireté par laquelle Dieu l' attire a penitence; et notés que ce ne sont pas simplement les richesses de la bonté divine que l'obstiné mesprise, mais les richesses attrayantes a penitence, richesses qu'on ne peut bonnement ignorer.

  A004000401 

 Or, qu'est ce a dire tout cela, Theotime, sinon que Dieu ne nous donne pas seulement une simple suffisance de moyens pour l'aymer, et en l'aymant nous sauver, mais que c'est une suffisance riche, ample, magnifique, et telle qu'elle doit estre attendue d'une si grande bonté comme est la sienne? Le grand Apostre, parlant au pecheur obstiné: Mesprises-tu, dit-il, les richesses de la bonté, patience et longanimité de Dieu? ignores-tu que la benignité de Dieu t'amene a penitence? Mays toy, selon ta dureté et ton cœur [113] impenitent, tu te fays un thresor d'ire au jour de l'ire.

  A004000407 

 Mais nous autres humains, nous ressemblons plustost aux apodes: car s'il nous advient de quitter l'air du saint amour divin pour prendre terre et nous attacher aux creatures, ce que nous faysons toutes les fois que nous offençons Dieu, nous mourons voirement, mais non pas d'une mort si entiere qu'il ne nous reste un peu de mouvement, et, avec cela, des jambes et des pieds, c'est a dire quelques menues affections qui nous peuvent faire faire quelques essays d'amour; mays cela pourtant est si foible, qu'en verité nous ne pouvons plus de nous mesmes desprendre nos cœurs du peché, ni nous relancer au vol de la sacree dilection, laquelle, chetifz que nous sommes, nous avons perfidement et volontairement quittee..

  A004000409 

 Mais voyés derechef cet Apostre sacré dormant dans la prison d'Herodes, lié de deux chaisnes: il est la en qualité de martyr, et neanmoins il represente le pauvre homme qui dort emmi le peché, prisonnier et esclave de Satan.

  A004000409 

 Or, ce premier eslan ou esbranlement que Dieu donne en nos cœurs pour les inciter a leur bien, se fait voirement en nous, mais non pas par nous; car il arrive a l'improveu avant que nous y ayons ni pensé [116] ni peu penser, puisque nous n'avons aucune suffisance pour de nous mesmes, comme de nous mesmes, penser aucune chose qui regarde nostre salut; mais toute nostre suffisance est de Dieu, lequel ne nous a pas seulement aymés avant que nous fussions, mais encor affin que nous fussions, et que nous fussions saintz: en suite dequoy il nous previent es benedictions de sa douceur paternelle, et excite nos espritz pour les pousser a la sainte repentance et conversion.

  A004000410 

 C'est en sursaut et a l'improuveu que Dieu nous appelle et resveille par sa tressainte inspiration: en ce commencement de la grace celeste, nous ne faysons rien que sentir l'esbranlement «que Dieu fait en nous,» comme dit saint Bernard, mais «sans nous.».

  A004000410 

 Je dormois, dit cette devote Espouse, et mon Espoux, qui est mon cœur, veilloit; hé, voy-le cy qu'il m'esveille, m'appellant par le nom de nos amours, et j'entens bien que c'est luy a sa voix.

  A004000410 

 N'est-il pas donq vray, mon cher Theotime, que cette premiere esmotion et secousse que l'ame sent, quand Dieu, la prevenant d'amour, l'esveille et l'excite a quitter le peché et se retourner a luy, et non seulement cette secousse, ains tout le resveil se fait en nous et pour nous, mays non pas par nous? Nous sommes esveillés, mays nous ne nous sommes pas esveillés de nous mesmes; c'est l'inspiration qui nous a esveillés, [117] et pour nous esveiller, elle nous a esbranlés et secoués.

  A004000414 

 Malheur a toy, Corozaïn, malheur a toy, Bethsaïda; car si en Tyr et en Sidon eussent esté faittes les vertus qui ont esté faittes en toy, ilz eussent fait penitence avec la haire et la cendre: c'est la parole du Sauveur.

  A004000416 

 Le grand saint Augustin donne une grande clarté a ce discours par celuy qu'il fait au livre douziesme de la Cité de Dieu, chapitre VI, VII, VIII, IX; car encor qu'il regarde particulierement les Anges, si est ce toutefois qu'il apparie les hommes a eux pour ce point.

  A004000416 

 Puis, au chapitre IX, ayant preuvé que tous les Anges furent creés en charité, [119] avoüant encor comme chose probable que la grace et charité fut esgale en tous eux, il demande comme il est advenu que les uns ont perseveré et fait progres en leur bonté jusques a parvenir a la gloire, et les autres ont quitté le bien pour se ranger au mal jusques a la damnation.

  A004000417 

 Comme sera-il donq arrivé que quelques uns des Seraphins, voire le premier de tous, selon la plus probable et commune opinion des Anciens, soyent descheus, tandis qu'une multitude innombrable des autres Anges, inferieurs en nature et en grace, ont excellemment et courageusement perseveré? D'ou vient que Lucifer, tant eslevé par nature et sureslevé par grace, est tombé, et que tant d'Anges, moins avantagés, sont demeurés debout en leur fidelité? Certes, ceux qui ont perseveré en doivent toute la louange a Dieu, qui par sa misericorde les a creés et maintenus bons; mais Lucifer et tous ses sectateurs, a qui peuvent-ilz attribuer leur cheute sinon, comme dit saint Augustin, a leur propre volonté, qui a par sa liberté quitté la grâce divine qui les avoit si doucement prevenus? Comment es-tu tombé, o grand Lucifer, qui tout ainsy qu'une belle aube sortois en ce monde invisible, revestu de la charité premiere, comme du commencement de la clarté d'un beau jour qui devoit croistre jusques au [120] midy de la gloire eternelle? La grace ne t'a pas manqué, car tu l'avois, comme ta nature, la plus excellente de tous, mais tu as manqué a la grace; Dieu ne t'avoit pas destitué de l'operation de son amour, mais tu privas son amour de ta cooperation; Dieu ne t'eust jamais rejetté, si tu n'eusses rejetté sa dilection.

  A004000417 

 Mays s'il est vray, comme saint Thomas le preuve extremement bien, que la grace ayt esté diversifiee es Anges a proportion et selon la varieté de leurs dons naturelz, les Seraphins auront eu une grace incomparablement plus excellente que les simples Anges du dernier ordre.

  A004000422 

 En ce sens saint Paul nous exhorte de ne point recevoir la grace de Dieu en vain: car, comme un malade qui ayant receu la medecine en sa main ne l'avaleroit pas dans son estomach, auroit voirement receu la medecine, mais sans la recevoir, c'est a dire il l'auroit receüe en une façon inutile et infructueuse, de mesme, nous recevons la grace de Dieu en vain, quand nous la recevons a la porte du cœur et non pas dans le consentement du cœur; car ainsy nous la recevons sans la recevoir, c'est a dire nous la recevons sans fruit, puisque ce n'est rien de sentir l'inspiration sans y consentir.

  A004000424 

 A quoy tient-il donques que nous ne sommes pas si avancés en l'amour de Dieu comme saint Augustin, saint François, sainte Catherine de Gennes, ou sainte Françoise? Theotime, c'est parce que Dieu ne nous en a pas fait la grace.

  A004000424 

 Mais pourquoy est-ce que Dieu ne nous en a pas fait la grace? parce que nous n'avons pas correspondu comme nous devions, a ses inspirations.

  A004000427 

 La bienheureuse Mere Therese de Jesus, vierge certes aussi toute angelique, parlant de l'orayson de quietude, dit ces paroles: «Il y a plusieurs ames lesquelles arrivent jusques a cet estat, et celles qui passent outre sont en bien petit nombre, et ne sçay qui en est la cause.

  A004000427 

 Pour certain, la faute n'est pas de la part de Dieu, car, puisque sa divine Majesté nous ayde et fait cette grace que nous arrivions jusques a ce point, je croy qu'il ne manqueroit pas de nous en faire encor davantage, si ce n'estoit nostre faute et l'empeschement que nous y mettons de nostre part.» Soyons donques attentifs, Theotime, a nostre avancement en l'amour que nous devons a Dieu, car celuy qu'il nous porte ne nous manquera jamais.

  A004000431 

 Il faut donner un rang particulier a ces ames privilegiees esquelles Dieu s'est pleu d'exercer non la seule affluence, mais l'inondation, et, s'il faut ainsy dire, non la seule liberalité et effusion, mais la prodigalité et profusion de son amour.

  A004000432 

 Le propre lien de la volonté humaine, c'est la volupté et le playsir: «On monstre des noix a un enfant,» dit saint Augustin, «et il est attiré en aymant; il est attiré par le lien, non du cors, mais du cœur.» Voyés donq comme le Pere eternel nous tire: en nous enseignant il nous delecte, non pas en nous imposant aucune necessité; il jette dedans nos cœurs des délectations et playsirs spirituelz, comme des sacrees amorces par lesquelles il nous attire suavement a recevoir et gouster la douceur de sa doctrine..

  A004000432 

 Sans doute, Theotime, nous ne sommes pas tirés a Dieu par des liens de fer, comme les taureaux et les buffles, ains par maniere d'allechemens, d'attraitz delicieux et de saintes inspirations, qui sont en somme les liens d'Adam et d'humanité; c'est a dire proportionnés et convenables au cœur humain, auquel la liberté est naturelle.

  A004000433 

 En cette sorte donq, trescher Theotime, nostre franc arbitre n'est nullement forcé ni necessité par la grace; ains, nonobstant la vigueur toute puissante de la main misericordieuse de Dieu, qui touche, environne et lie l'ame de tant et tant d'inspirations, de semonces et d'attraitz, cette volonté humaine demeure parfaittement [126] libre, franche et exempte de toute sorte de contrainte et de necessité.

  A004000433 

 La grace est si gracieuse et saisit si gracieusement nos cœurs pour les attirer, qu'elle ne gaste rien en la liberté de nostre volonté; elle touche puissamment, mais pourtant si delicatement, les ressortz de nostre esprit, que nostre franc arbitre n'en reçoit aucun forcement; la grace a des forces, non pour forcer, ains pour allecher le cœur; elle a une sainte violence, non pour violer, mais pour rendre amoureuse nostre liberté; elle agit fortement, mais si suavement, que nostre volonté ne demeure point accablee sous une si puissante action; elle nous presse, mais elle n'oppresse pas nostre franchise: si que nous pouvons, emmi ses forces, consentir ou resister a ses mouvemens selon qu'il nous plaist..

  A004000434 

 Mais ce qui est autant admirable que veritable, c'est que quand nostre volonté suit l'attrait et consent au mouvement divin, elle le suit aussi librement comme librement elle resiste, quand elle resiste, bien que le consentement a la grace depende beaucoup plus de la grace que de la volonté, et que la resistance a la grace ne depende que de la seule volonté: tant la main de Dieu est amiable au maniement de nostre cœur, tant elle a de dexterité pour nous communiquer sa force sans nous oster nostre liberté, et pour nous donner le mouvement de son pouvoir sans empescher celuy de nostre vouloir; adjustant sa puissance a sa suavité en telle sorte que, comme en ce qui regarde le bien sa puissance nous donne suavement le pouvoir, aussi sa suavité maintient puissamment la liberté de nostre vouloir.

  A004000434 

 Si tu sçavois le don de Dieu, dit le Sauveur a la Samaritaine, et qui est celuy qui te dit, donne-moy a boire, toy mesme peut estre luy eusses demandé, et il t'eust donné de l'eau vive.

  A004000435 

 Mais quand il est dit que nous pouvons rejetter l'inspiration celeste et les attraitz divins, on n'entend pas, certes, qu'on puisse empescher Dieu de nous inspirer ni de jetter ses attraitz en nos cœurs; car, comme j'ay des-ja dit, cela se fait «en nous» et «sans nous;» ce sont des faveurs que Dieu nous fait avant que nous y ayons pensé: il nous esveille lhors que nous dormons, et, par consequent, nous nous treuvons esveillés avant qu'y avoir pensé; mais il est en nous de nous lever ou de ne nous lever pas, et bien qu'il nous ayt esveillés sans nous, il ne nous veut pas lever sans nous.

  A004000435 

 Or, c'est resister au resveil que de ne se point lever et se rendormir, puisque on ne nous resveille que pour nous faire lever.

  A004000435 

 Theotime, [128] les inspirations nous previennent, et avant que nous y ayons pensé elles se font sentir, mais apres que nous les avons senties, c'est a nous d'y consentir pour les seconder et suivre leurs attraitz, ou de dissentir et les repousser: elles se font sentir a nous, sans nous, mais elles ne nous font pas consentir sans nous..

  A004000439 

 Ainsy, mon cher Theotime, quand l'inspiration, comme un vent sacré, vient pour nous pousser en l'air du saint amour, elle se prend a nostre volonté, et par le sentiment de quelque celeste delectation elle l'esmeut, estendant et despliant l'inclination naturelle, qu'elle a au bien, en sorte que cette inclination mesme luy serve de prise pour saisir nostre esprit: et tout cela, comme j'ay dit, se fait «en nous, sans nous,» car c'est la faveur divine qui nous previent en cette sorte.

  A004000440 

 0 Jesus, que c'est un playsir delicieux de voir l'amour celeste, qui est le soleil des vertus, quand petit a petit, par des progres qui insensiblement se rendent sensibles, il va desployant sa clarté sur une ame, et ne cesse point qu'il ne l'ayt toute couverte de la splendeur de sa presence, luy donnant en fin la parfaitte beauté de son jour! 0 que cette aube est gaye, belle, amiable et aggreable! Mays pourtant il est vray que, ou l'aube n'est pas jour, ou, si elle est jour, c'est un jour commençant, un jour naissant, c'est plustost l'enfance du jour que le jour mesme: et de mesme, sans doute, ces mouvemens d'amour qui precedent l'acte de la foy requis a nostre justification, ou ilz ne sont pas amour, a proprement parler, ou ilz sont un amour commençant et imparfait; ce sont les premiers bourgeons verdoyans que l'ame eschauffee du soleil celeste, comme un arbre mystique, commence a jetter au printems, qui sont plustost presages de fruitz que fruitz..

  A004000442 

 C'est pourquoy Pachome se secoue des divertissemens, pour avec plus d'attention et de facilité recueillir et savourer la grace receüe, se retirant a part pour y penser; puis il estend son cœur et ses mains au ciel, ou l'inspiration l'attire, et commençant a desployer les aysles de ses affections, voletant entre la desfiance de soy mesme et la confiance en Dieu, il entonne d'un air humblement amoureux le cantique de sa conversion, par lequel il tesmoigne d'abord que des-ja il connoist un seul Dieu, Createur du ciel et de la terre; mais il connoist aussi qu'il ne le connoist pas encor asses pour le bien servir, et partant, il supplie qu'une plus grande connoissance luy soit donnee, affin qu'il puisse par icelle parvenir au parfait service de sa divine Majesté..

  A004000442 

 Il m'est advis, certes, que je voy en cet exemple un rossignol qui, se resveillant a la prime aube, commence a se secouer, s'estendre, desployer ses plumes, voleter de branche en branche dans son buisson, et petit a petit gazouiller son delicieux ramage: car n'aves-vous pas pris garde, comme le bon exemple de ces charitables Chrestiens excita et resveilla en sursaut le bienheureux Pachome? Certes, cet estonnement d'admiration qu'il [131] en eut ne fut autre chose que son resveil, auquel Dieu le toucha, comme le soleil touche la terre, avec un rayon de sa clarté, qui le remplit d'un grand sentiment de playsir spirituel.

  A004000443 

 Mais quelz sont ses attraitz? Le premier, par lequel il nous previent et resveille, se fait par luy «en nous» et «sans nous;» tous les autres se font aussi par luy, et «en nous,» mais non pas «sans nous.» Tires-moy, dit l'Espouse sacree, c'est a dire, commences le premier, car je ne sçaurois m'esveiller de moy mesme, je ne sçaurois me mouvoir si vous ne m'esmouves; mays quand vous m'aures esmeüe, alhors, o le cher Espoux de mon ame, nous courrons nous deux: vous courres devant moy en me tirant tous-jours plus avant, et moy je vous suivray a la course, consentant a vos attraitz; mays que personne n'estime que vous m'allies tirant apres vous comme une esclave forcee ou comme une charrette inanimee; ah non, vous me tires a l'odeur de vos parfums.

  A004000443 

 Si je vous vay suivant, ce n'est pas que vous me traisnies, c'est que vous m'alleches; vos attraitz sont puissans, mays non pas violens, [132] puisque toute leur force consiste en leur douceur.

  A004000447 

 Et voyci la merveille: car Dieu fait la proposition des mysteres de la foy a nostre ame parmi des obscurités et tenebres, en telle sorte que nous ne voyons pas les verités, ains seulement nous les entrevoyons; comme il arrive quelquefois que la terre estant couverte de brouillars nous ne pouvons voir le soleil, ains nous voyons seulement un peu plus de clarté du costé ou il est, de façon que, par maniere de dire, nous le voyons sans le voir, parce que d'un costé nous ne le voyons pas tant que nous puissions bonnement dire que nous le voyons, et d'autre part nous ne le voyons pas si peu que nous puissions dire que nous ne le voyons point; et c'est ce que nous appelions entrevoir.

  A004000448 

 Et neanmoins, l'acte de la foy consiste en cet acquiescement de nostre esprit, lequel ayant receu l'aggreable lumiere de la verité, il y adhere par maniere d'une douce, mais puissante et solide asseurance et certitude, qu'il prend en l'authorité de la revelation qui luy en est faitte..

  A004000448 

 Les Juifz virent les miracles et ouyrent les merveilles de Nostre Seigneur; mais estans indisposés a recevoir la foy, c'est a dire, leur volonté n'estant pas susceptible de la douceur et suavité de la foy, a cause de l'aigreur et malice dont ilz estoyent remplis, ilz demeurerent en leur infidelité: ilz voyoyent la force de l'argument, mais ilz ne savouroyent pas la suavité de la conclusion, et pour cela ilz n'acquiesçoyent pas a sa verité.

  A004000448 

 Mais ne faut il pas qu'en effect je sois infiniment aymable, puisque les sombres tenebres et les espais brouillars entre lesquelz je suis, non pas veüe mais seulement entreveüe, ne me peuvent empescher d'estre si aggreable, que l'esprit, me cherissant sur tout, fendant la presse de toutes autres connoissances, il me fait faire place et me reçoit comme sa reyne, dans le trosne le plus relevé qui soit en son palais, d'ou je donne la loy a toute science et assujettis tout discours et tout sentiment humain? Ouy vrayement, Theotime, tout ainsy que les chefz de l'armee d'Israël se despouillans de leurs vestemens, les mirent ensemble et en firent comme un trosne royal sur lequel ilz assirent Jehu, crians: Jehu est roy, de mesme, a l'arrivee de la foy, l'esprit se despouille de tous discours et argumens, et les sousmettant a la foy, il la fait asseoir sur iceux, la reconnoissant comme reyne, et crie avec une grande joye: Vive la foy! Les discours et argumens pieux, les miracles et autres avantages de la religion chrestienne, la rendent certes extremement croyable et connoissable; mays la seule foy la rend creüe et reconneüe, faysant aymer la beauté de sa verité [134] et croire la verité de sa beauté, par la suavité qu'elle respand en la volonté et la certitude qu'elle donne a l'entendement.

  A004000448 

 Mon Dieu, Theotime, pourrois-je bien dire ceci? La foy est la grande amie de nostre esprit, et peut bien parler aux sciences humaines qui se vantent d'estre plus evidentes et claires qu'elle, comme l'Espouse sacree parloit aux autres bergeres: Je suis brune, mais belle.

  A004000449 

 Vous aves ouy dire, Theotime, qu'es Conciles generaux il se fait des grandes disputes et recherches de la verité, par discours, raysons et argumens de theologie; mays la chose estant debattue, les Peres, c'est a dire les Evesques, et specialement le Pape qui est le chef des Evesques, concluent, resoulvent et determinent, et la determination estant prononcee chacun s'y arreste et y acquiesce pleinement, non point en consideration des raysons alleguees en la dispute et recherche precedente, mays en vertu de l'authorité du Saint Esprit qui, presidant invisiblement es Conciles, a jugé, determiné et conclu par la bouche de ses serviteurs qu'il a establis Pasteurs du Christianisme.

  A004000453 

 La foy nous fait connoistre par une infallible certitude que Dieu est, qu'il est infini en bonté, qu'il se peut communiquer a nous, et que non seulement il peut, ains il le veut: si que, par une ineffable douceur, il nous a preparés tous les moyens requis pour parvenir au bonheur de la gloire immortelle.

  A004000454 

 Le cœur humain tend a Dieu par son inclination naturelle, sans sçavoir bonnement quel il est; mais quand il le treuve a la fontaine de la foy, et qu'il le void si bon, si beau, si doux et si debonnaire envers tous, et si disposé a se donner comme souverain bien a tous ceux qui le veulent, o Dieu, que de contentemens et que de sacrés mouvemens en l'esprit, pour s'unir a jamais a cette bonté si souverainement aymable! J'ay en fin treuvé, dit l'ame ainsy touchee, j'ay treuvé ce que je desirois, et je suis maintenant contente.

  A004000455 

 Certes, ou que nous veuillions ou que nous ne veuillions pas, nostre esprit tend au souverain bien: mays qui est ce souverain bien? Nous ressemblons a ces bons Atheniens qui faysoient sacrifice au vray Dieu, lequel neanmoins leur estoit inconneu, jusques a ce que le grand saint Paul leur en annonça la connoissance: car ainsy nostre cœur, par un profond et secret instinct, tend en toutes ses actions et pretend a la felicité, et la va cherchant ça et la, comme a tastons, sans sçavoir toutefois ni ou elle reside ni en quoy elle consiste, jusques a ce que la foy la luy monstre et luy en descrit les merveilles [138] infinies: et lhors ayant treuvé le tresor qu'il cherchoit, helas, quel contentement a ce pauvre cœur humain, quelle joye, quelle complaysance d'amour! Hé, je l'ay rencontré, Celuy que mon ame cherchoit sans le connoistre; o que ne sçavois-je a quoy tendoyent mes pretentions quand rien de tout ce que je pretendois ne me contentoit, parce que je ne sçavois pas ce que, en effect, je pretendois! Je pretendois d'aymer, et ne connoissois pas ce qu'il failloit aymer; et partant, ma pretention ne treuvant pas son veritable amour, mon amour estoit tous-jours en une veritable mais inconneüe pretention: j'avois bien asses de presentiment d'amour pour me faire pretendre, mays je n'avois pas asses de sentiment de la bonté qu'il failloit aymer, pour exercer l'amour..

  A004000460 

 C'est a Dieu que je souspire,.

  A004000461 

 C'est Dieu que mon cœur desire..

  A004000462 

 Et comme l'oyseau auquel le fauconnier oste le chaperon, ayant la proye en veüe s'eslance soudain au vol, [139] et s'il est retenu par les longes se debat sur le poing avec une ardeur extreme, de mesme la foy nous ayant osté le voile de l'ignorance et fait voir nostre souverain bien, lequel neanmoins nous ne pouvons encor posseder, retenus par la condition de cette vie mortelle, helas, Theotime, nous le desirons alhors: de sorte que.

  A004000473 

 Ce desir est juste, Theotime, car qui ne desireroit un bien si desirable? mais ce seroit un desir inutile, ains qui ne serviroit que d'un continuel martyre a nostre cœur, si nous n'avions asseurance de le pouvoir un jour assouvir.

  A004000473 

 Celuy qui, pour le retardement de ce bonheur, protestoit que ses larmes luy estoyent un pain ordinaire nuit et jour, tandis que son Dieu luy estoit absent, et que ses adversaires l'enqueroyent, ou est ton Dieu? helas, qu'eust il fait s'il n'eust eu quelque sorte d'esperance de pouvoir une fois jouir de ce bien apres lequel il souspiroit? Et la divine Espouse va toute esploree et alangourie d'amour, dequoy elle ne treuve pas si tost le Bienaymé qu'elle cherche: l'amour du Bienaymé avoit creé en elle le desir, le desir avoit fait naistre l'ardeur du pourchas, et cette ardeur luy causoit la langueur, qui eust aneanti et consumé son pauvre cœur si elle n'eust eu quelqu'esperance de rencontrer en fin ce qu'elle pourchassoit.

  A004000474 

 Et cet accoisement est la racine de la tressainte vertu que nous appelions esperance, car la volonté, asseuree par la foy qu'elle pourra jouir de son souverain bien usant des moyens a ce destinés, elle fait deux grans actes de vertu: par l'un, elle attend de Dieu la jouissance de sa souveraine bonté, et par l'autre, elle aspire a cette sainte jouissance..

  A004000474 

 Ouy certes, Theotime, parce que l'asseurance que Dieu nous donne que le Paradis est pour nous, fortifie infiniment le desir que nous avions d'en jouir, et neanmoins affoiblit, ains aneantit tout a fait le trouble et l'inquietude que ce desir nous apportoit; de sorte que nos cœurs, par les promesses sacrees que la divine Bonté nous a faites, demeurent tout a fait accoisés.

  A004000475 

 Et de vray, Theotime, entre esperer et aspirer il y a seulement cette difference: que nous esperons les choses que nous attendons, par le moyen d'autruy, et nous aspirons aux choses que nous pretendons, par nos propres moyens, de nous mesmes; et d'autant que nous parvenons a la jouissance de nostre souverain bien qui est Dieu, premierement et principalement par sa faveur, grace et misericorde, et que neanmoins cette mesme misericorde veut que nous cooperions a sa faveur, contribuans la foiblesse de nostre consentement a la force de sa grace, partant, nostre esperance est aucunement meslee d'aspirement: si que nous n'esperons pas tout a fait sans aspirer, et n'aspirons jamais sans tout a fait esperer; en quoy l'esperance tient tous-jours le rang principal, comme fondee sur la grace divine, sans laquelle, tout ainsy que nous ne pouvon pas seulement [141] penser a nostre souverain bien selon qu'il convient pour y parvenir, aussi ne pouvons-nous jamais sans icelle y aspirer comme il faut pour l'obtenir. L'aspirement donques est un rejetton de l'esperance, comme nostre cooperation l'est de la grace: et tout ainsy que ceux qui veulent esperer sans aspirer seront rejettés comme couards et negligens, de mesme ceux qui veulent aspirer sans esperer sont temeraires, insolens et presomptueux.

  A004000475 

 Mais cependant, et l'un et l'autre se fait par cet amour desirant qui tend a nostre souverain bien, lequel, a mesure qu'il est plus asseurement esperé, est aussi tous-jours plus aymé; ains l'esperance n'est autre chose que l'amoureuse complaysance que nous avons en l'attente et pretention de nostre souverain bien.

  A004000475 

 Mais quand l'esperance est suivie de l'aspirement, et qu'esperans nous aspirons et aspirans nous esperons, alhors, cher Theotime, l'esperance se convertit en un courageux dessein par l'aspirement, et l'aspirement se convertit en une humble pretention par l'esperance, esperans et aspirans selon que Dieu nous inspire.

  A004000475 

 Or, par ce progres, l'amour a converti son desir en esperance, pretention et attente, si que l'esperance est un amour attendant et pretendant; et parce que le bien souverain que l'esperance attend, c'est Dieu, et qu'elle ne l'attend aussi que de Dieu mesme, auquel et par lequel elle espere et aspire, cette sainte vertu d'esperance aboutissante de toutes pars a Dieu, est, par consequent, une vertu divine ou theologique.

  A004000475 

 Tout y est d'amour, Theotime: soudain que la foy m'a monstre mon souverain bien, je l'ay aymé; et parce qu'il m'estoit absent, je l'ay desiré; et d'autant que j'ay sceu qu'il se vouloit donner a moy, je l'ay derechef plus ardemment aymé et desiré, car aussi sa bonté est d'autant plus aymable et desirable qu'elle est plus disposee a se communiquer.

  A004000479 

 L'amour que nous prattiquons en l'esperance, Theotime, va certes a Dieu, mays il retourne a nous; il a son regard en la divine Bonté, mays il a de l'esgard a nostre utilité; il tend a cette supreme perfection, mays il pretend nostre satisfaction: c'est a dire, il ne nous porte pas en Dieu parce que Dieu est souverainement bon en soy mesme, mais parce qu'il est souverainement bon envers nous mesmes; ou, comme vous voyes, il y a du nostre et du nous mesme; et partant, cet amour est voirement amour, mais amour de convoitise et interessé.

  A004000480 

 Car quand je dis: j'ayme Dieu pour moy, c'est comme si je disois: j'ayme avoir Dieu, j'ayme que Dieu soit a moy, qu'il soit mon souverain bien; qui est une sainte [143] affection de l'Espouse celeste, laquelle cent fois proteste par exces de complaysance: Mon Bienaymé est tout mien, et moy je suis toute sienne, il est a moy et je suis a luy; mais dire: j'ayme Dieu pour l'amour de moy mesme, c'est comme qui diroit: l'amour que je me porte est la fin pour laquelle j'ayme Dieu, en sorte que l'amour de Dieu soit dependant, subalterne et inferieur a l'amour propre que nous avons envers nous mesmes; qui est une impieté nompareille..

  A004000480 

 Mais il y a bien de la difference entre cette parole: j'ayme Dieu pour le bien que j'en attens, et celle cy: je n'ayme Dieu que pour le bien que j'en attens; comme aussi c'est chose bien diverse de dire: j'ayme Dieu pour moy, et dire: j'ayme Dieu pour l'amour de moy.

  A004000481 

 Cet amour donq que nous appelions esperance, est un amour de convoitise, mais d'une sainte et bien ordonnee convoitise, par laquelle nous ne tirons pas Dieu a nous ni a nostre utilité, mays nous nous joignons a luy comme a nostre finale felicité.

  A004000481 

 Nous nous aymons ensemblement avec Dieu par cet amour, mays non pas nous preferant ou esgalant a luy en cet amour; l'amour de nous mesmes est meslé avec celuy de Dieu, mays celuy de Dieu surnage; nostre amour propre y entre voirement, mais comme simple motif, et non comme fin principale; nostre interest y tient quelque lieu, mays Dieu y tient le rang principal.

  A004000481 

 Ouy, sans doute, Theotime, car quand nous aymons Dieu comme nostre souverain bien, nous l'aymons pour une qualité par laquelle nous ne le rapportons pas à nous, mais nous a luy; nous ne sommes pas sa fin, sa pretention ni sa perfection, ains il est la nostre; il ne nous appartient pas, mais nous luy appartenons; il ne depend point de nous, ains nous de luy; et en somme, par la qualité de souverain bien, pour laquelle nous l'aymons, il ne reçoit rien de nous, ains nous recevons de luy; il exerce envers nous son affluence et bonté, et nous prattiquons nostre indigence et disett: de sorte que, aymer Dieu en tiltre du souverain bien, c'est l'aymer en tiltre honnorable et respectueux, par lequel nous l'advoüons estre nostre perfection, nostre repos et nostre fin, en la jouissance de laquelle consiste nostre bonheur..

  A004000482 

 Et c'est ainsy que nous aymons et convoitons Dieu par l'esperance: non affîn qu'il soit nostre bien, mais parce qu'il l'est; non affin qu'il soit nostre, mais parce que nous sommes siens; non comme s'il estoit pour nous, mais d'autant que nous sommes pour luy..

  A004000482 

 Il y a des biens desquelz nous jouissons, mais d'une reciproque et mutuellement esgale jouissance, comme nous faysons de nos amis; car l'amour que nous leur portons entant qu'ilz nous rendent du contentement, est voirement amour de convoitise, mais convoitise honneste par laquelle ilz sont a nous et nous egalement a eux, ilz nous appartiennent, et nous pareillement leur appartenons.

  A004000482 

 Il y a des biens desquelz nous nous servons en les employant, comme sont nos esclaves, nos serviteurs, nos chevaux, nos habitz; et l'amour que nous leur [144] portons est un amour de pure convoitise, car nous ne les aymons pas que pour nostre prouffit.

  A004000482 

 Mais il y a des biens dont nous jouissons d'une jouissance de dependance, participation et sujettion, comme nous faysons de la bienveuillance de nos pasteurs, princes, pere, mere, ou de leur presence et faveur: car l'amour que nous leur portons est aussi, certes, amour de convoitise, quand nous les aymons entant qu'ilz sont nos princes, nos pasteurs, nos peres, nos meres, puisque ce n'est pas la qualité de pasteur, ni de prince, ni de pere, ni de mere, qui nous les fait aymer, ains parce qu'ilz sont telz en nostre endroit et a nostre regard; mays cette convoitise est un amour de respect, de reverence, d'honneur; car nous aymons, par exemple, nos peres, non parce qu'ilz sont nostres, mays parce que nous sommes a eux.

  A004000483 

 Et notés, Theotime, qu'en cet amour ici, la rayson pour laquelle nous aymons, c'est a dire pour laquelle nous appliquons nostre cœur a l'amour du bien que nous convoitons, c'est parce que c'est nostre bien; mais la rayson de la mesure et quantité de cet amour, depend de l'excellence et dignité du bien que nous aymons.

  A004000483 

 Mays pourquoy l'aymons nous souverainement? parce qu'il est nostre bien souverain..

  A004000483 

 Pourquoy donq aymons-nous Dieu, Theotime, de cet amour de convoitise? parce qu'il est nostre [145] bien.

  A004000484 

 Or, quand je dis que nous aymons souverainement Dieu, je ne dis pas que nous l'aymions pour cela du souverain amour, car le souverain amour n'est qu'en la charité; mais en l'esperance l'amour est imparfait, parce qu'il ne tend pas a sa bonté infinie entant qu'elle est telle en elle mesme, ains seulement entant qu'elle nous est telle: et neanmoins, parce qu'en cette sorte d'amour il n'y a point de plus excellent motif que celuy qui provient de la consideration du souverain bien, nous disons que par iceluv nous aymons souverainement, quoy qu'en verité nul, par ce seul amour, ne puisse ni observer les commandemens de Dieu ni avoir la vie eternelle, parce que c'est un amour qui donne plus d'affection que d'effect, quand il n'est pas accompagné de la charité..

  A004000488 

 Et j'ay enclos en la pœnitence le propos de [146] reparer l'offence, parce que la repentance ne deteste pas asses le mal quand elle laisse volontairement subsister son principal effect, qui est l'offence et l'injure: or, elle le laisse subsister, tandis que le pouvant en quelque sorte reparer elle ne le fait pas..

  A004000488 

 La pemtence, a parler generalement, est une repentance par laquelle on rejette et deteste le peché qu'on a commis, avec resolution de reparer, autant que l'on peut, l'offense et injure faite a celuy contre lequel on a peché.

  A004000489 

 Aussi Aristote, reconnoissant cette sorte de penitence, asseure que l'intemperant, lequel de propos deliberé s'adonne aux voluptés, «est tout a fait incorrigible, parce qu'il ne se sçauroit repentir, et celuy qui est sans penitence est incurable.».

  A004000489 

 Il y en a, certes, une qui est purement morale et humaine: comme fut celle d'Alexandre le Grand, lequel ayant tué son cher Clitus cuyda se laisser mourir de faim, tant la force de la pœnitence fut grande, dit Ciceron; et celle d'Alcibiades, qui, convaincu par Socrates de n'estre pas sage, se print a pleurer amerement, triste et affligé de n'estre pas ce qu'il devoit estre, dit saint Augustin.

  A004000489 

 Je laisse a part maintenant la penitence de plusieurs payens, lesquelz, comme Tertulien tesmoigne, en avoyent entre eux quelque apparence, mais si vaine et inutile que mesme quelquefois ilz faysoyent pœnitence d'avoir bien fait; car je ne parle que de la pœnitence vertueuse, laquelle, selon les differens motifs desquelz elle provient, est aussi de diverses especes.

  A004000491 

 Il y a encor une autre pœnitence qui est voirement morale, mais religieuse pourtant, et en certaine façon [147] divine, d'autant qu'elle procede de la connoissance naturelle que l'on a d'avoir offencé Dieu en pechant; car en verité plusieurs philosophes ont sceu qu'on faisoit chose aggreable a la Divinité de vivre vertueusement, et que, par consequent, on l'offençoit en vivant vitieusement.

  A004000491 

 Le bon homme Epictete fait un souhait de mourir en vray Chrestien (comme il est fort probable qu'aussi fit il), et, entre autres choses, il dit qu'il seroit content s'il pouvoit en mourant eslever ses mains a Dieu et luy dire: «Je ne vous ay point, quant a ma part, fait de deshonneur;» et de plus, il veut que son philosophe face un serment admirable a Dieu de ne jamais desobeir a sa divine Majesté, ni blasmer ou accuser chose quelconque qui arrive de sa part, ni de s'en plaindre en façon que ce soit; et ailleurs il enseigne que Dieu et «nostre bon Ange » sont presens a nos actions.

  A004000495 

 Neanmoins, bien que la penitence religieuse ayt en quelque façon esté reconneüe par quelques uns des philosophes, si est ce que ç'a esté si rarement et foiblement, que ceux qui ont eu la reputation d'estre les plus vertueux d'entre eux, c'est a dire les Stoïciens, ont asseuré que l'homme sage ne s'attristoit jamais: dequoy ilz ont fait une maxime autant contraire a la rayson que la proposition sur laquelle ilz la fondoyent estoit contraire a l'experience, a sçavoir, que l'homme sage ne pechoit point..

  A004000496 

 Nous pouvons donq bien dire, mon cher Theotime, que la pœnitence est une vertu toute chrestienne, puisque d'un costé elle a esté si peu conneüe entre les payens, et de l'autre elle est tellement reconneüe parmi les vrays Chrestiens qu'en icelle consiste une grande partie de la philosophie evangelique, selon laquelle quicomque dit qu'il ne peche point est insensé, et quicomque croid de remedier a son peché sans pœnitence, il est forcené; car c'est l'exhortation des exhortations de Nostre Seigneur: Faites penitence.

  A004000497 

 Nous entrons en une profonde apprehension dequoy, entant qu'en nous est, nous offençons Dieu par nos pechés, le mesprisant et deshonnorant, luy desobeissant et nous rebellant a luy; lequel aussi, de son costé, s'en tient pour offencé, irrité et mesprisé, desagreant, reprouvant et abominant l'iniquité.

  A004000498 

 Car nous considerons parfois que Dieu, qui est offencé, a establi une punition rigoureuse en enfer pour les pecheurs, et qu'il les privera du Paradis preparé aux gens de bien.

  A004000498 

 Hé, qui ne craindroit une si grande perte et une si grande peine! Et cette double crainte, dont l'une est servile et l'autre mercenaire, nous porte grandement a nous repentir des pechés par lesquelz nous les avons encourues; et a cet effect, en la sacree Parole, cette crainte nous est cent fois et cent fois intimee..

  A004000498 

 Or, comme le desir du Paradis est extremement honnorable, aussi la crainte de le perdre est grandement prisable; et non seulement cela, mais le desir du Paradis estant fort estimable, la crainte de son contraire, qui est l'enfer, est bonne et louable.

  A004000499 

 D'autres fois, nous considerons la laideur et la malice du peché, selon que la foy nous l'enseigne; comme par exemple, que par iceluy la ressemblance et image de Dieu que nous avons, est barbouillee et desfiguree, la dignité de nostre esprit deshonnoree, que nous sommes rendus semblables aux bestes insensees, que nous avons violé nostre devoir envers le Createur du monde, et perdu le bien de la societé des Anges pour nous associer et assujettir au diable, nous rendans esclaves de nos passions et renversans l'ordre de la rayson, offencans nos bons Anges a qui nous sommes tant obligés..

  A004000503 

 Elle est a la verité louable, car ni la Sainte Escriture ni l'Eglise ne nous exciteroient pas par telz motifs, si la pœnitence qui en provient n'estoit bonne; et on void manifestement que c'est chose grandement raysonnable de se repentir du peché pour ces considerations, ains qu'il est impossible de ne se repentir pas, a qui les considere attentivement: mays pourtant c'est une pœnitence, certes, imparfaite, d'autant que l'amour divin n'y entre encor point.

  A004000503 

 Or, tous ces motifs nous sont enseignés par la foy et religion Chrestienne, et partant, la penitence qui en provient est grandement louable, quoy qu'imparfaite.

  A004000504 

 C'est bien fait, certes, et cela ne se peut nier, de se repentir de ses pechés pour eviter la peine de l'enfer et obtenir le Paradis; mais qui prendroit resolution de ne se vouloir jamais repentir pour aucun autre sujet, il forclorroit volontairement le mieux, qui est de se repentir pour l'amour de Dieu, et commettroit un grand peché.

  A004000504 

 Et prenes garde que je ne dis pas que ces repentances rejettent l'amour de Dieu, mais je dis seulement qu'elles [151] ne le comprennent pas; elles ne le repoussent pas, mais elles ne le contiennent pas; elles ne sont pas contre luy, mais elles sont encor sans luy; il n'en est pas forclos, mais il n'y est pas non plus enclos.

  A004000504 

 La volonté qui embrasse le bien, simplement, est fort bonne, mais si elle l'embrasse en rejettant le mieux, elle est certes desreglee, non pas acceptant l'un, mais en repoussant l'autre: ainsy, le vœu de donner aujourd'huy l'aumosne est bon, mais le vœu de ne la donner qu'aujourd'huy seroit mauvais, parce qu'il forclorroit le mieux, qui est de la donner aujourd'huy et demain et tous-jours, quand on pourra.

  A004000505 

 De commencer d'apprendre, cela est fort loüable, mais qui commenceroit en intention de ne jamais se perfectionner, il feroit contre toute rayson.

  A004000505 

 L'enfance est bonne, mais si on ne vouloit jamais estre qu'enfant, cela seroit mauvais, car l'enfant de cent ans est mesprisé.

  A004000505 

 La crainte et les autres motifs de [152] repentance dont nous avons parlé sont bons pour le commencement de la sagesse chrestienne, qui consiste en la pœnitence; mais qui voudroit, de propos deliberé, ne point parvenir a l'amour, qui est la perfection de la pœnitence, il offenceroit grandement Celuy qui a tout destiné a son amour, comme a la fin de toutes choses..

  A004000505 

 Le commencement des choses bonnes est bon, le progres est meilleur, et la fin est tres bonne: toutefois, le commencement est bon en qualité de commencement, et le progres en qualité de progres; mays de vouloir finir l'œuvre par le commencement, ou au progres, c'est renverser l'ordre.

  A004000506 

 Conclusion: la repentance qui forclost l'amour de Dieu est infernale, pareille a celle des damnés; la repentance qui ne rejette pas l'amour de Dieu, quoy qu'elle soit encor sans iceluy, est une bonne et desirable repentance, mais imparfaite, et qui ne peut nous donner le salut jusques a ce qu'elle ayt atteint a l'amour et qu'elle se soit meslee avec iceluy: si que, comme le grand Apostre a dit que s'il donnoit son cors a brusler et tous ses biens aux pauvres, sans avoir la charité, cela luy seroit inutile, aussi pouvons-nous dire en verité, que quand nostre penitence seroit si grande que sa douleur fist fondre nos yeux en larmes et fendre nos cœurs de regret, si nous n'avons pas le saint amour de Dieu tout cela ne nous serviroit de rien pour la vie eternelle..

  A004000510 

 La nature, que je sache, ne convertit jamais le feu en eau, quoy que plusieurs eaux se convertissent en feu; mais Dieu le fit pourtant une fois par miracle: car, ainsy qu'il est escrit au Livre des Machabees, lhors que les enfans d'Israël furent concluitz en Babylone du [153] tems de Sedecias, les prestres, par l'advis de Hieremie, cacherent le feu sacré en une vallee, dans un puits sec, et au retour, les enfans de ceux qui avoyent ainsi caché le feu l'allerent chercher, selon ce que leurs peres leur avoyent enseigné; et ilz le treuverent converti en une eau fort espaisse, laquelle estant tiree par eux et respandue sur les sacrifices, selon que Nehemias l'ordonnoit, soudain que les rayons du soleil l'eurent touchee, elle fut convertie en un grand feu..

  A004000511 

 Et comme nous voyons que le feu convertit le vin en une eau que presque par tout on appelle eau de vie, laquelle conçoit et nourrit si aysement le feu que pour cela on la nomme aussi, en plusieurs endroitz, ardente, de mesme la consideration amoureuse de la Bonté laquelle estant souverainement aymable a esté offencee par le peché, produit l'eau de la sainte penitence; puis, de cette eau provient reciproquement le feu de l'amour divin, dont on la peut proprement appeller eau de vie, et ardente: elle est certes une eau en sa substance, car la penitence n'est autre chose qu'un vray desplaysir, une reelle douleur et repentance; mais elle est neanmoins ardente, parce qu'elle contient la vertu et proprieté de l'amour, comme provenue d'un motif amoureux, et par cette proprieté elle donne la vie de la grace..

  A004000512 

 C'est pourquoy la parfaite pœnitence a deux effectz differens: car, en vertu de sa douleur et detestation, elle nous separe du peché et de la creature a laquelle la delectation nous avoit attachés; mais en vertu du [154] motif de l'amour, d'ou elle prend son origine, elle nous reconcilie et reunit a nostre Dieu duquel nous nous estions separés par le mespris: si que, a mesme qu'elle nous retire du peché en qualité de repentance, elle nous rejoint a Dieu en qualité d'amour..

  A004000513 

 Car encor que cela se passe ainsy maintefois, si est-ce que d'autres fois aussi, a mesme que l'amour divin naist dedans nos cœurs, la pœnitence naist dedans l'amour, et plusieurs fois la pœnitence venant en nos espritz, l'amour vient en la pœnitence.

  A004000513 

 Et comme lhors qu'Esaü sortit du ventre de sa mere, Jacob son jumeau l'empoigna par le pied, affin que non seulement leurs naissances s'entresuivissent, mais aussi s'entretinssent et fussent entreliees l'une a l'autre, de mesme le repentir, rude et aspre a cause de sa douleur, naist le premier, comme un autre Esaü, et l'amour, doux et gratieux comme Jacob, le tient par le pied et s'attache tellement a luy qu'ilz n'ont qu'une seule origine, puisque la fin de la naissance du repentir est le commencement de celle du parfait amour.

  A004000514 

 L'amour imparfait le desire et le requiert, la pœnitence le cherche et le treuve, l'amour parfait le tient et le serre: ainsy qu'on dit des rubis d'Ethiopie, qui ont naturellement leur feu fort blafastre, mais estans mis dans le vinaigre, il esclatte et jette son brillement fort clair; car l'amour qui precede le repentir est pour l'ordinaire [155] imparfait, mais estant detrempé dans l'aigreur de la pœnitence, il se renforce et devient amour excellent..

  A004000515 

 Dites-moy, de grace: c'est la proprieté de l'aymant de tirer a soy le fer et de se joindre a luy; mays ne voyons-nous pas que le fer touché de l'aymant, sans avoir ni l'aymant ni sa nature, ains seulement sa vertu et qualité attrayante, ne laisse pas de tirer et s'unir un autre fer? Ainsy la parfaite repentance, touchee du motif de l'amour sans avoir la propre action de l'amour, ne laisse pas d'en avoir la vertu et la qualité, c'est a dire le mouvement d'union pour rejoindre et reunir nos cœurs a la volonté divine.

  A004000515 

 Mais, ce me dires-vous, quelle vertu ou proprieté de l'amour peut avoir la repentance, si elle n'a pas l'action? Theotime, le motif de la parfaite repentance, c'est la bonté de Dieu laquelle il nous desplait d'avoir offencee; or, ce motif n'est motif sinon parce qu'il esmeut et donne le mouvement, mais le mouvement que la bonté divine donne au cœur qui la considere ne peut estre que le mouvement d'amour, c'est a dire d'union: c'est pourquoy la vraye repentance, bien qu'il ne soit pas advis et qu'on ne voye pas la propre action de l'amour, reçoit neanmoins tous-jours le mouvement de l'amour et la qualité unissante d'iceluy, par laquelle elle nous reunit et rejoint a la divine bonté.

  A004000515 

 Mays quelle difference y a-il, me repliqueres-vous, entre ce mouvement unissant de la penitence et l'action propre de l'amour? Theotime, l'action de l'amour est un mouvement d'union voirement, mais il se fait par complaysance: or, le mouvement d'union qui est en la penitence se fait, non par voye de complaysance, ains de desplaysir, de repentance, de reparation, de reconciliation; entant donq que ce mouvement unit, il a la qualité de l'amour, entant qu'il est amer et douloureux, il a la qualité de la penitence; et, en somme, de sa naturelle condition c'est un vray mouvement de penitence, mais qui a la vertu et qualité unissante de l'amour.

  A004000516 

 Ainsy le vin theriacal n'est pas appelle theriacal pour contenir la propre substance de la theriaque, car il n'y en a point du tout; mais on le nomme ainsy parce que la plante de la vigne ayant esté detrempee en theriaque, les raisins et le vin qui en sont provenus ont tiré la vertu et l'operation de la theriaque contre toute sorte de venins.

  A004000516 

 Si donques la penitence, selon l'Escriture, efface le peché, sauve l'ame, la rend aggreable a Dieu et la justifie, qui sont des effectz appartenans a l'amour et qui semblent ne devoir estre attribués qu'a luy, il ne le faut pas treuver estrange; car bien que l'amour ne se treuve pas tous-jours luy mesme en la pœnitence parfaitte, sa vertu neanmoins et sa proprieté y est tous-jours, s'y estant escoulee par le motif amoureux duquel elle provient..

  A004000517 

 Ains plustost, la fin de la pœnitence est dans le commencement de l'amour, comme le pied d'Esaü estoit dans la main de Jacob; de telle façon que lhors qu'Esaü achevoit sa naissance, Jacob commençoit la sienne, la fin de la naissance de l'un estant jointe, liee, et qui plus est, environnee du commencement de la naissance de l'autre; car ainsy le commencement de l'amour parfait ne suit pas seulement la fin de la pœnitence, mais il s'attache, il se lie, et, pour le dire en un mot, ce commencement d'amour se mesle avec la fin de la repentance, et en ce moment du meslange, la pœnitence et contrition merite la vie eternelle..

  A004000517 

 Car ainsy le Saint Esprit jettant dans nostre entendement la consideration de la grandeur de nos pechés, entant que par iceux nous avons offencé une si souveraine bonté, et nostre volonté recevant la reflexion de cette connoissance, le repentir croist petit a petit si fort, avec une certaine chaleur affective et desir de retourner en grace avec Dieu, qu'en fin ce mouvement arrive a tel signe, qu'il brusle et unit avant mesme que l'amour soit du tout formé: amour qui, toutefois, comme un feu sacré, s'allume immediatement en ce point la; de sorte que la repentance ne parvient jamais a ce signe de brusler et reunir le cœur a Dieu, qui est son extreme perfection, qu'elle ne se treuve toute convertie en feu et flamme [157] d'amour, la fin de l'un servant de commencement a l'autre.

  A004000517 

 Ni ne faut pas non plus s'estonner que la force de l'amour naisse dedans la repentance avant que l'amour y soit formé; puisque nous voyons que par la reflexion des rayons du soleil battant sur la glace d'un mirouer, la chaleur, qui est la vertu et propre qualité du feu, s'augmente petit a petit si fort, qu'elle commence a brusler avant qu'elle ayt bonnement produit le feu, ou, au moins, avant que nous l'ayons apperceu.

  A004000518 

 Or, parce que cette repentance amoureuse se prattique ordinairement par des eslans ou eslevemens du cœur en Dieu, pareilz a ceux des anciens pœnitens: Je suis vostre, o mon Dieu, sauves-moy; Ayés misericorde de moy, ayés-en misericorde, car mon ame se confie en vous; Sauves-moy, Seigneur, car les eaux submergent mon ame; Faites-moy comme un de vos mercenaires; Seigneur, soyes-moy propice, a moy, pauvre pecheur, ce n'est pas sans rayson que quelques uns ont dit que l'orayson justifioit; car l'orayson repentante, ou la repentance suppliante, eslevant l'ame en Dieu et la reunissant a sa bonté, obtient sans doute le pardon, en vertu du saint amour qui luy donne le mouvement sacré.

  A004000522 

 Aussi, le grand saint Augustin prononce solemnellement cette remarquable parole: «Escoute une fois, o homme, et entens! N'es-tu pas tiré? prie affin que tu sois tiré;» en laquelle, son intention n'est pas de parler du premier mouvement que Dieu fait «en nous, sans nous,» [159] Ihors qu'il nous excite et esveille du sommeil de peché; car, comme pourrions nous demander le reveil, puisque personne ne peut prier avant qu'estre esveillé? mays il parle de la resolution que l'on prend d'estre fidele, car il estime que croire c'est estre tiré, et partant, il admonneste ceux qui ont esté excités a croire en Dieu, de demander le don de la foy.

  A004000522 

 Comme s'il eut voulu dire: Je ne suis plus dans l'obscurité de la nuit d'infidelité, des-ja les rayons de vostre foy esclairent sur l'orison de mon ame, mais neanmoins je ne croy pas encor convenablement, c'est une connoissance encor toute foyble et meslee de tenebres; helas, Seigneur, secoures moy.

  A004000522 

 Entre le premier reveil du peché ou de l'incredulité et la resolution finale que l'on prend de croire parfaitement, il y va souventefois beaucoup de tems, pendant lequel on peut prier, comme fit saint Pachome, ainsy que nous avons veu; et comme le pere du pauvre lunatique, lequel, au rapport de saint Marc, asseurant qu'il croyoit, c'est a dire qu'il commençoit a croire, conneut quand et quand qu'il ne croyoit pas asses, dont il s'escria: Hé, Seigneur, je croy, mais aydes mon incredulité.

  A004000525 

 Ainsy donq, pour conclure ce point, l'ame prevenue de la grace, sentant les premiers attraitz et consentant a leur douceur, comme revenant a soy apres une si longue pasmayson, elle commence a souspirer ces paroles: Helas, o mon cher Espoux, mon ami, tires moy, je vous prie, et me prenes par dessous le bras, car je ne puis autrement aller; mais si vous me tires, nous courrons: vous, en m'aydant par l'odeur de vos parfums, et moy, correspondant par mon foible consentement et odorant vos suavités qui me renforcent et revigorent toute, jusqu'a ce que le bausme de vostre nom sacré, c'est a dire l'onction salutaire de ma justification soit respandue en moy.

  A004000525 

 Voyes vous, Theotime, elle ne prieroit pas si elle n'estoit excitee, mais si tost qu'elle l'est et qu'elle sent les attraitz, elle prie qu'on la tire; estant tiree elle court, mays elle ne courroit pas si les parfums qui l'attirent, et par lesquelz on la tire, ne luy avivoient le cœur par la force de leur odeur precieuse; et comme elle court plus fort et qu'elle s'approche de plus pres de son celeste Espoux, elle sent tous-jours plus delicieusement les suavités qu'il respand, jusques a ce qu'en fin luy mesme s'escoule dedans son cœur par maniere de bausme respandu, si qu'elle s'escrie, comme surprise de ce contentement, non si tost attendu et inopiné: O mon Espoux, vous estes un bausme versé dans mon sein! ce n'est pas merveille si les jeunes ames vous cherissent.

  A004000530 

 Il ne cesse de nous faire du bien et rendre toutes sortes de tesmoignages de sa tressainte affection, nous ayant ouvertement revelé tous ses secretz, comme a ses amis confidens; et, pour comble de son saint amoureux commerce avec nous, il s'est rendu nostre propre viande au tressaint Sacrement de l'Eucharistie.

  A004000530 

 Mais cette amitié est une vraye amitié, [163] car elle est reciproque, Dieu ayant aymé eternellement quicomque l'a aymé, l'ayme ou l'aymera temporellement; elle est declaree et reconneüe mutuellement, attendu que Dieu ne peut ignorer l'amour que nous avons pour luy, puisque luy mesme nous le donne, ni nous aussi ne pouvons ignorer celuy qu'il a pour nous, puisqu'il l'a tant publié et que nous reconnoissons tout ce que nous avons de bon comme veritables effectz de sa bienveuillance; et, en fin, nous sommes en perpetuelle communication avec luy, qui ne cesse de parler a nos cœurs par inspirations, attraitz et mouvemens sacrés.

  A004000530 

 Voyla donq en fin, mon cher Theotime, comme Dieu, par un progres plein de suavité ineffable, conduit l'ame qu'il fait sortir hors de l'Egypte du peché, d'amour en amour, comme de logement en logement, jusques a ce qu'il l'ayt fait entrer en la Terre de promission, je veux dire en la tressainte charité; laquelle, pour le dire en un mot, est une amitié et non pas un amour interessé, car par la charité nous aymons Dieu pour l'amour de luy mesme, en consideration de sa bonté tres souverainement aymable.

  A004000531 

 Et partant, Theotime, ce n'est pas un amour que les forces de la nature ni humaine ni angelique puissent produire, ains le Saint Esprit le donne et le respand en nos cœurs; et comme nos ames, qui donnent la vie a nos cors, n'ont pas leur origine de nos cors, mays sont mises dans nos cors par la providence naturelle de Dieu, ainsy la [164] charité, qui donne la vie a nos cœurs, n'est pas extraitte de nos cœurs, mays elle y est versee comme une celeste liqueur, par la providence surnaturelle de sa divine Majesté..

  A004000531 

 Il est choisi, dit l'Espouse sacree, entre mille: elle dit entre mille, mais elle veut dire entre tous; c'est pourquoy cette dilection n'est pas dilection de simple excellence, ains une dilection incomparable, car la charité ayme Dieu par une estime et preference de sa bonté, si haute et relevee au dessus de toute autre estime, que les autres amours, ou ne sont pas vrays amours en comparayson de cestuy-cy, ou s'ilz sont vrays amours, cestuy-cy est infiniment plus qu'amour.

  A004000531 

 Or cette amitié n'est pas une simple amitié, mais amitié de dilection, par laquelle nous faysons election de Dieu pour l'aymer d'amour particulier.

  A004000532 

 C'est pourquoy, avec la foy et l'esperance, elle fait sa residence en la pointe et cime de l'esprit, et comme une reyne de majesté elle est assise dans la volonté comme en son throsne, d'ou elle respand sur toute l'ame ses suavités et douceurs, la rendant par ce moyen toute belle, aggreable et aymable a la divine Bonté: de sorte que, si l'ame est un royaume duquel le Saint Esprit soit le Roy, la charité est la reyne, seante a sa dextre en robbe d'or recamee de belles varietés; si l'ame est une reyne, espouse du grand Roy celeste, la charité est sa couronne qui embellit royalement sa teste; mais si l'ame avec son cors est un petit monde, la charité est le soleil qui orne tout, eschauffe tout et vivifie tout..

  A004000533 

 La charité donq est un amour d'amitié, une amitié de dilection, une dilection de preference, mais de preference incomparable, souveraine et surnaturelle, laquelle est comme un soleil en toute l'ame pour l'embellir de ses rayons, en toutes les facultés spirituelles pour les perfectionner, en toutes les puissances pour les moderer, mais en la volonté, comme en son siege, pour y resider et luy faire cherir et aymer son Dieu sur toutes choses.

  A004000533 

 O que bienheureux est l'esprit dans lequel cette sainte dilection est respandue, puisque tous biens luy arrivent pareillement avec icelle!.

  A004000540 

 Le sacré Concile de Trente nous asseure que «les amis de Dieu, allans de vertu en vertu, sont renouvelles de jour en jour, c'est a dire croissent par bonnes œuvres en la justice qu'ilz ont receüe par la grace divine, et sont de plus en plus justifiés, selon ces celestes advertissemens: Qui est juste, qu'il soit derechef justifié,» et qui est saint, qu'il soit encor plus sanctifié; Ne doute point d'estre justifié jusques a la mort; Le sentier des justes s'avance et croist, connue une lumiere resplendissante, jusques au jour parfait; Faisans la verité avec charité, croissons en tout en Celuy qui est le chef, a sçavoir Jesus Christ; et, en fin, Je vous prie que vostre charité croisse de plus en plus: qui sont toutes paroles sacrees selon David, saint Jean, l'Ecclesiastique et saint Paul..

  A004000541 

 Et de demeurer en un estat de consistence longuement, il est impossible: qui ne gaigne, perd en ce traffiq; qui ne monte, descend en cette eschelle; qui n'est vainqueur, est vaincu en ce combat.

  A004000541 

 Je n'ay jamais sceu qu'il se treuvast aucun animal qui [167] n'eust point de bornes et limites en sa croissance, sinon le crocodile, qui estant extremement petit en son commencement, ne cesse jamais de croistre tandis qu'il est en vie; en quoy il represente egalement et les bons et les mauvais: car l' outrecuidance de ceux qui haïssent Dieu monte tous-jours, dit le grand roy David, et les bons croissent comme l'aube du jour, de splendeur en splendeur.

  A004000541 

 Nous vivons entre les hazards des batailles que nos ennemis nous livrent; si nous ne resistons, nous perissons, et nous ne pouvons resister sans surmonter, ni surmonter sans victoire: car, comme dit le glorieux saint Bernard, «il est escrit tres specialement de l'homme, que jamais il n'est en un mesme estat:» il faut ou qu'il avance, ou qu'il retourne en arriere.

  A004000541 

 Qui est le prix, sinon Jesus Christ? et comme le pourres-vous apprehender si vous ne le suivés? Que si vous le suivés, vous ires et courres tous-jours, car il ne s'arresta jamais, ains continua la course de son amour et obeissance, jusques a la mort et la mort de la croix..

  A004000542 

 Detestable, tu seras assis! hé, ne connois-tu pas que tu es au chemin, et que le chemin n'est pas fait pour s'asseoir mais pour marcher? Et il est tellement fait pour marcher, que marcher s'appelle cheminer; et Dieu, parlant a l'un de ses plus grans amis: Marche, luy dit-il, devant moy, et sois parfait..

  A004000543 

 De sorte que la charité mesme qui est en nostre Redempteur, entant qu'il est homme, quoy qu'elle soit grande au dessus de tout ce que les Anges et les hommes peuvent comprendre, si est-ce qu'elle n'est pas infinie en son estre et d'elle mesme; ains seulement en l'estime de sa dignité et de son merite, parce qu'elle est la charité [169] d'une personne d'infinie excellence, c'est a dire d'une Personne divine, qui est le Filz eternel du Pere tout puissant..

  A004000543 

 La charité donq, entre nous, peut estre perfectionnee jusques a l'infini, mais exclusivement; c'est a dire, la charité peut estre rendue de plus en plus et tous-jours plus excellente, mais non pas que jamais elle puisse estre infinie.

  A004000543 

 La vraye vertu n'a point de limites, elle va tous-jours outre; mais sur tout la sainte charité, qui est la vertu des vertus, et laquelle ayant un object infini, seroit capable de devenir infinie si elle rencontroit un cœur capable de l'infinité, rien n'empeschant cet amour d'estre infini que la condition de la volonté qui le reçoit et qui doit agir par iceluy; condition a rayson de laquelle, comme jamais personne ne verra Dieu autant qu'il est visible, aussi onques nul ne le peut aymer autant qu'il est aymable.

  A004000544 

 Cependant, c'est une faveur extreme pour nos ames, qu'elles puissent croistre sans fin de plus en plus en l'amour de leur Dieu, tandis qu'elles sont en cette vie caduque,.

  A004000550 

 Voyés-vous, Theotime, ce verre d'eau ou ce petit morceau de pain qu'une sainte ame donne au pauvre, pour Dieu: c'est peu de fait certes, et chose presque indigne de consideration selon le jugement humain; Dieu neanmoins le recompense, et tout soudain donne pour cela quelqu'accroissement de charité.

  A004000551 

 O Seigneur, nous fait dire la sainte Eglise nostre Mere, «donnés-nous l'augmentation de la foy, de l'esperance et de la charité;» et c'est a l'imitation de ceux qui disoient au Sauveur: Seigneur, accroisses la foy en nous; et selon l'advis de saint Paul, qui asseure que Dieu seul est puissant de faire abonder en nous toute grace..

  A004000552 

 C'est donq Dieu qui fait cet accroissement, en consideration de l'employte que nous faysons de sa grace, selon qu'il est escrit: A celuy qui a, c'est a dire, qui employe bien les faveurs receües, on luy en donnera davantage, et il abondera.

  A004000553 

 Theotime, les abeilles font le miel delicieux qui est leur ouvrage de haut prix, mays la cire, qu'elles font aussi, ne laisse pas pour cela de valoir quelque chose et de rendre leur travail recommandable: le cœur amoureux doit tascher de produire ses œuvres avec grande ferveur et de haute estime, afhn d'augmenter puissamment sa charité; mays si, toutefois, il en produit de moindres, il ne perdra point la recompense, car Dieu luy en sçaura gré, c'est a dire l'en aymera tous-jours un peu plus.

  A004000554 

 A mesure que nous regardons plus vivement nostre ressemblance qui paroist en un miroüer, elle nous regarde aussi plus attentivement; et a mesure que Dieu jette plus amoureusement ses doux yeux sur nostre ame, qui est faitte a son image et semblance, nostre ame reciproquement regarde sa divine Bonté plus attentivement et ardemment, correspondant selon sa petitesse a tous les accroissemens que cette souveraine Douceur fait de son divin amour envers elle.

  A004000554 

 Certes, le sacré Concile de Trente parle ainsy: «Si quelqu'un dit que la justice receüe n'est pas conservee, et que mesmes elle n'est pas augmentee devant Dieu par bonnes œuvres, [172] mays que les œuvres sont seulement fruitz et signes de la justification acquise, et non pas cause de l'augmenter, anatheme.» Voyés-vous, Theotime, la justification qui se fait par la charité est augmentee par les bonnes œuvres, et, ce qu'il faut remarquer, c'est par les bonnes œuvres sans exception; car, comme dit excellemment saint Bernard sur un autre sujet, «rien n'est excepté ou rien n'est distingué.» Le Concile parle des bonnes œuvres indistinctement et sans reserve, nous donnant a connoistre, que non seulement les grandes et ferventes, ains aussi les petites et foibles, font augmenter la sainte charité; mais les grandes, grandement, et les petites, beaucoup moins..

  A004000555 

 Or, ce n'est pas merveille si l'amour sacré, comme roy des vertus, n'a rien, ou petit ou grand, qui ne soit aymable, puisque le baume, prince des arbres aromatiques, n'a ni escorce ni feuille qui ne soit odorante: et que pourroit produire l'amour, qui ne fust digne d'amour et ne tendist a l'amour? [173].

  A004000555 

 Tel est l'amour que Dieu porte a nos ames, tel le desir de nous faire croistre en celuy que nous luy devons porter; sa divine Suavité nous rend toutes choses utiles, elle prend tout a nostre advantage, elle fait valoir a nostre proffit toutes nos besoignes, pour basses et debiles qu'elles soyent.

  A004000560 

 L'ame est espouse de Nostre Seigneur quand elle est juste, et parce qu'elle n'est point juste qu'elle ne soit en charité, elle n'est point aussi espouse qu'elle ne soit menee dedans le cabinet de ces delicieux parfums desquelz il est parlé es Cantiques.

  A004000560 

 Mais puisqu'il n'est plus requis qu'il employe son amour a mourir pour nous, quand il void l'ame ainsy precipitee en l'iniquité il accourt pour l'ordinaire a son ayde, et d'une misericorde nompareille entr'ouvre la porte du cœur, par des eslans et remors de conscience qui procedent de plusieurs clartés et apprehensions qu'il a jettees dedans nos espritz, avec des mouvemens salutaires, par le moyen desquelz, comme par des eaux odorantes et vitales, il fait revenir l'ame a soy et la remet en des bons [175] sentimens.

  A004000560 

 Or, quand l'ame qui a cet honneur commet le peché, elle tombe pasmee d'une defaillance spirituelle, et cet accident est a la verité bien inopiné; car, qui pourroit jamais penser qu'une creature voulust quitter son Createur et souverain bien, pour des choses si legeres comme sont les amorces du peché? Certes, le Ciel s'en estonne, et si Dieu estoit sujet aux passions, il tomberoit a cœur failli pour ce malheur, comme lhors qu'il fut mortel il expira sur la croix pour nous en racheter.

  A004000560 

 Or, tandis qu'il la fait ainsy passer entre les vertus par lesquelles il la dispose a ce saint amour, il ne la conduit pas seulement, mais il la soustient de telle façon, que comme elle, de son costé, marche tant qu'elle peut, aussi luy, pour sa part, la porte et la va soustenant; et ne sçauroit-on bonnement dire si elle va ou si elle est portee, car elle n'est pas tellement portee qu'elle n'aille, et va toutefois tellement, que si elle n'estoit portee elle ne pourroit pas aller; si que, pour parler a l'apostolique, elle doit dire: Je marche, non pas moy seule, ains la grace de Dieu avec moy..

  A004000560 

 Que si l'ame estant ainsy excitee, adjouste son consentement au sentiment de la grace, secondant l'inspiration qui l'a prevenue et recevant les secours et remedes requis que Dieu luy a preparés, il la revigorera, et la conduira par divers mouvemens de foy, d'esperance et de pœnitence, jusques a ce qu'elle soit tout a fait remise en la vraye santé spirituelle, qui n'est autre chose que la charité.

  A004000561 

 C'est pourquoy, encor qu'elle puisse aller d'elle mesme, elle en doit toute la gloire a son Dieu qui luy a donné une santé si vigoureuse et si forte; car, soit que le Saint Esprit nous fortifie par les mouvemens qu'il imprime en nos cœurs, ou qu'il nous soustienne par la charité qu'il y respand, soit qu'il nous secoure par maniere d'assistence, en nous relevant et portant, ou qu'il renforce nos cœurs, versant en iceux l'amour revigorant et vivifiant, c'est tous-jours en luy et par luy que nous vivons, que nous marchons et que nous operons.

  A004000562 

 Neanmoins, bien que moyennant la charité respandue dans nos cœurs nous puissions marcher en la presence de Dieu et faire progres en la voye de salut, si est-ce que la Bonté divine assiste l'ame a laquelle il a donné son amour, la tenant continuellement de sa sainte main.

  A004000564 

 Sur tout l'assistance speciale de Dieu est requise a l'ame qui a le saint amour, es entreprises signalees et extraordinaires; car bien que la charité, pour petite qu'elle soit, nous donne asses d'inclination et, comme je pense, une force suffisante pour faire les œuvres necessaires au salut, si est-ce neanmoins que, pour aspirer et entreprendre des actions excellentes et extraordinaires, nos cœurs ont besoin d'estre poussés et rehaussés par la main et le mouvement de ce grand [177] amoureux celeste, comme la princesse de nostre parabole, laquelle, quoy que bien remise en santé, ne pouvoit faire des montees ni aller bien viste, que son cher espoux ne la relevast et soustinst fortement.

  A004000565 

 Pour ces grandes œuvres, Theotime, nous avons besoin non seulement d'estre inspirés, mays aussi d'estre fortifiés, affin d'effectuer ce que l'inspiration requiert de nous; comme encor es grans assautz des tentations extraordinaires, une speciale et particuliere presence du secours celeste nous est tout a fait necessaire.

  A004000567 

 L'Eternel est de mon parti,.

  A004000571 

 Il en est de mesme de tous les grans assautz que nos ennemis nous livrent, et nous pouvons bien dire comme Jacob, que c'est l' Ange qui nous garentit de tout mal, et chanter, avec le grand roy David, [179].

  A004000573 

 C'est Dieu, qui gouverne le monde;.

  A004000589 

 Tout ainsy donq qu'une douce mere, menant son petit enfant avec elle l'ayde et supporte selon qu'elle void la necessité, luy laissant faire quelques pas de luy mesme es lieux moins dangereux et bien plains, tantost le prenant par la main et l'affermissant, tantost le mettant entre ses bras et le portant, de mesme Nostre Seigneur a un soin continuel de la conduite de ses enfans, c'est a dire de ceux qui ont la charité, les faisant marcher devant luy, leur tendant la main es difficultés, et les portant luy mesme es peynes qu'il void leur estre autrement insupportables.

  A004000590 

 Car ce don n'est autre chose que l'assemblage et la suite de divers appuis, soulagemens et secours, par le moyen desquelz nous continuons en l'amour de Dieu jusques a la fin: comme l'education, eslevement ou nourrissage d'un enfant, n'est autre chose qu'une multitude de sollicitudes, aydes, secours et autres telz offices necessaires a un enfant, exercés et continués envers iceluy, jusques a l'aage auquel il n'en a plus besoin..

  A004000591 

 En plusieurs, au contraire, la perseverance est plus longue, comme en sainte Anne la prophetesse, en saint Jean l'Evangeliste, saint Paul premier hermite, saint Hilarion, saint Romuald, saint François de Paule: et ceux-ci ont eu besoin de mille sortes de diverses assistances, selon la varieté des adventures de leur pelerinage et de la duree d'iceluy..

  A004000591 

 Et quant a ceux-ci, ilz n'ont pas besoin de grande varieté de secours, ains, si quelque grande tentation ne leur survient, ilz peuvent faire une si courte perseverance avec la seule charité qui leur est donnee et les assistances par lesquelles ilz se sont convertis; car ilz arrivent au port sans navigation, et font leur pelerinage en un seul sault que la [181] puissante misericorde de Dieu leur fait faire si a propos, que leurs ennemis les voyent triompher avant que de les sentir combattre: de sorte que leur conversion et leur perseverance n'est presque qu'une mesme chose, et qui voudroit parler exactement selon la proprieté des motz, la grace qu'ilz reçoivent de Dieu, d'avoir aussi tost l'issue que le commencement de leur pretention, ne sçauroit estre bonnement appellee perseverance; bien que, toutefois, parce que quant a l'effect elle tient lieu de perseverance en ce qu'elle donne le salut, nous ne laissons pas aussi de la comprendre sous le nom de perseverance.

  A004000591 

 Mais la suite des secours et assistances n'est pas egale en tous ceux qui perseverent; car es uns elle est fort courte, comme en ceux qui se convertissent a Dieu peu avant leur mort, ainsy qu'il advint au bon larron; au sergent qui, voyant la constance de saint Jacques, fit sur le champ profession de foy et fut rendu compaignon du martyre de ce grand Apostre; au portier bienheureux qui gardoit les quarante Martyrs en Sebaste, lequel voyant l'un d'iceux perdre courage et quitter la palme du martyre, se mit en sa place, et en un moment se rendit Chrestien, martyr et glorieux tout ensemble; au notaire duquel il est parlé en la vie de saint Anthoine de Padoüe, qui ayant toute sa vie esté un faux vilain, fut neanmoins martyr en sa mort; et a mille autres, que nous avons veu et leu avoir esté si heureux que de mourir bons, ayant vescu mauvais.

  A004000592 

 Tous-jours neanmoins la perseverance est le don le plus desirable que nous puissions esperer en cette vie, et lequel, comme parle le sacré Concile, «nous ne pouvons avoir d'ailleurs que de Dieu, qui seul peut affermir celuy qui est debout, et relever celuv qui tumbe;» c'est pourquoy il le faut continuellement demander, employant les moyens que Dieu nous a enseignés pour l'obtenir: l'orayson, le jeusne, l'aumosne, l'usage des Sacremens, la hantise des bons, l'ouÿe et la lecture des saintes paroles..

  A004000593 

 Et de fait, selon l'opinion du grand saint Bernard, nous pouvons tous dire en verité apres l'Apostre, que « ni la mort, ni la vie, ni les forces, ni les anges, ni la profondeur, ni la hauteur ne nous pourra jamais separer de la charité de Dieu qui est en Jesus Christ: ouy, car nulle creature ne nous peut arracher de ce saint amour, mays nous pouvons nous mesmes seulz le quitter et l'abandonner par nostre propre volonté, hors laquelle il n'y a rien a craindre pour ce regard.».

  A004000593 

 Non certes que je veuille dire que la perseverance ayt son origine de nostre pouvoir, car au contraire, je sçay qu'elle procede de la misericorde divine, de laquelle elle est un don tres pretieux; mays je veux dire qu'encor qu'elle ne provient pas de nostre pouvoir, elle vient neanmoins en nostre pouvoir, par le moyen de nostre vouloir que nous ne sçaurions nier estre en nostre pouvoir: car bien [182] que la grace divine nous soit necessaire pour vouloir perseverer, si est ce que ce vouloir est en nostre pouvoir, parce que la grace celeste ne manque jamais a nostre vouloir tandis que nostre vouloir ne defaut pas a nostre pouvoir.

  A004000593 

 Or, parce que le don de l'orayson et de la devotion est liberalement accordé a tous ceux qui de bon cœur veulent consentir aux inspirations celestes, il est, par consequent, en nostre pouvoir de perseverer.

  A004000604 

 En fin le Roy celeste ayant mené l'ame qu'il ayme jusques a la fin de cette vie, il l'assiste encor en son bienheureux trespas, par lequel il la tire au lict nuptial de la gloire eternelle, qui est le fruit delicieux de la sainte perseverance.

  A004000604 

 Et alhors, cher Theotime, cette ame toute ravie d'amour pour son Bienaymé, se representant la multitude des faveurs et secours dont il l'a prevenue et assistee tandis qu'elle estoit en son pelerinage, elle bayse incessamment cette douce main secourable qui l'a conduite, tiree et portee en chemin, et confesse que c'est de ce divin Sauveur qu'elle tient tout son bonheur, puisqu'il a fait pour elle tout ce que le grand patriarche Jacob souhaittoit pour son voyage, lhors qu'il eut veu l'eschelle du ciel.

  A004000604 

 O Seigneur, dit elle donq alhors, vous aves esté avec moy et m'aves gardee en la voÿe par laquelle je suis venue, vous m'aves donné le pain de vos Sacremens pour ma nourriture, vous m'aves revestue de la robbe nuptiale de charité, vous m'aves heureusement amenee en ce sejour de gloire qui est vostre mayson, o mon Pere eternel.

  A004000609 

 Tel donq est l'ordre de nostre acheminement a la vie eternelle, pour l'execution duquel la divine Providence [184] establit des l'eternité la multitude, distinction et entresuite des graces necessaires a cela, avec la dependance qu'elles ont les unes des autres..

  A004000610 

 Il voulut premierement, d'une vraye volonté, qu'encor apres le peché d'Adam tous les hommes fussent sauvés; mays en une façon et par des moyens convenables a la condition de leur nature, douee de franc arbitre; c'est a dire, il voulut le salut de tous ceux qui voudroyent contribuer leur consentement aux graces et faveurs qu'il leur prepareroit, offriroit et departiroit a cette intention.

  A004000611 

 Car la divine Bonté donne la gloire en suite des merites, les merites en suite de la charité, la charité en suite de la penitence, la penitence en suite de l'obeissance a la vocation, l'obeissance a la vocation en suite de la vocation, et la vocation en suite de la redemption du Sauveur; sur laquelle est appuyee toute cette eschelle mystique du grand Jacob, tant du costé du Ciel, puisqu'elle aboutit au sein amoureux de ce Pere eternel, dans lequel il reçoit les esleuz en les glorifiant, comme aussi du costé de la terre, puisqu'elle est plantee sur le sein et le flanc percé du Sauveur, mort pour cette occasion sur le mont de Calvaire.

  A004000611 

 Nous pouvons donq rendre rayson de l'ordre des effectz de la providence qui regarde nostre salut, en descendant du premier jusques au dernier, c'est a dire depuis le fruit qui est la gloire, jusques a la racine de ce bel arbre qui est la redemption du Sauveur.

  A004000612 

 Et que cette suite des effectz de la Providence ayt esté ainsy ordonnee avec la mesme dependance qu'ilz ont les uns des autres en l'eternelle volonté de Dieu, la sainte Eglise le tesmoigne quand elle fait la preface d'une de ses solemnelles prieres en cette sorte: «O Dieu eternel et tout puissant, qui estes Seigneur des vivans et des mortz, et qui usés de misericorde envers tous ceux que vous prevoyes devoir estre a l'advenir vostres par foy et par œuvre;» comme si elle avouoit que la gloire, qui est le comble et le fruit de la misericorde divine envers les hommes, n'est destinee que pour ceux que la divine sapience a preveu qu'a l'advenir, obeissans a la vocation, viendroyent a la foy vive qui opere par la charité..

  A004000613 

 En somme, tous ces effectz dependent absolument de la redemption du Sauveur, qui les a merités pour nous a toute rigueur de justice, par l'amoureuse obeissance qu'il a prattiquee jusques a la mort et la mort de la croix, laquelle est la racine de toutes les graces que nous recevons, nous qui sommes greffes spirituelz entés sur son tige.

  A004000613 

 Que si ayans esté entés nous demeurons en luy, nous porterons sans doute, par la vie de la grace qu'il nous communiquera, le fruit de la gloire qui nous est preparé; que si nous sommes comme jettons et greffes rompus sur cet arbre, c'est a dire, que par nostre resistance nous rompions le progres et l'entresuite des effectz de sa debonnaireté, ce ne sera pas merveille si en fin on nous retranche du tout, et qu'on nous mette dans le feu eternel, comme branches inutiles..

  A004000614 

 Or il est en nous d'estre siens: car bien que ce soit un don de Dieu d'estre a Dieu, c'est toutefois un don que Dieu ne refuse jamais a personne, ains l'offre a tous, pour le donner a ceux qui de bon cœur consentiront de le recevoir..

  A004000615 

 Mays voyés, je vous prie, Theotime, de quelle ardeur Dieu desire que nous soyons siens, puisque a cette [186] intention il s'est rendu tout nostre, nous donnant sa mort et sa vie; sa vie affin que nous fussions exemptz de l'eternelle mort, et sa mort affin que nous puissions jouir de l'eternelle vie.

  A004000619 

 Les fleuves coulent incessamment et, comme dit le Sage, ilz retournent au lieu duquel ilz sont issus: la mer, qui est le lieu de leur naissance, est aussi le lieu de leur dernier repos; tout leur mouvement ne tend qu'a les unir avec leur origine.

  A004000620 

 Elle le treuve donq, ce Bienaymé, car il luy fait sentir sa presence par mille consolations; elle le tient, car ce sentiment produit [187] des fortes affections par lesquelles elle le serre et l'embrasse; elle proteste de ne le quitter jamais, oh non, car ces affections passent en resolutions eternelles; et toutefois, elle ne pense pas le bayser du bayser nuptial jusques a ce qu'elle soit avec luy en la mayson de sa mere, qui est la Hierusalem celeste, comme dit saint Paul.

  A004000620 

 Mais voyés, Theotime, qu'elle ne pense rien moins, cette Espouse, que de tenir son Bienaymé a sa mercy comme un esclave d'amour; dont elle s'imagine que c'est a elle de le mener a son gré et l'introduire au bien heureux sejour de sa mere, ou neanmoins elle sera elle mesme introduite par luy, comme fut Rebecca en la chambre de Sara par son cher Isaac.

  A004000621 

 Icy, en cette vie caduque, l'ame est voirement espouse et fiancee de l' Aigneau immaculé, mais non pas encor mariee avec luy; la foy et les promesses se donnent, mais l'execution du mariage est differee: c'est pourquoy il y a tous-jours lieu de nous en desdire, quoy que jamais nous n'en ayons aucune rayson, puisque nostre fidele Espoux ne nous abandonne jamais que nous ne l'obligions a cela par nostre desloyauté et perfidie.

  A004000622 

 Il est vray, Theotime, qu'en attendant ce grand bayser d'indissoluble union, que nous recevrons de l'Espoux la haut en la gloire, il nous en donne quelques uns par mille ressentimens de son aggreable presence; car si l'ame n'estoit pas baysee, elle ne seroit pas tiree, ni ne courroit pas a l'odeur des parfums du Bienaymé.

  A004000626 

 Quand, apres les travaux et hazards de cette vie mortelle, les bonnes ames arrivent au port de l'eternelle, elles montent au plus haut et dernier degré d'amour auquel elles puissent parvenir; et cet accroissement final leur estant conferé pour recompense de leurs merites, il leur est departi, non seulement a bonne mesure, mais encor a mesure pressee, entassee et qui respand de toutes pars par dessus, comme dit Nostre Seigneur: de sorte que l'amour qui est donné pour salaire est tous-jours plus grand en un chacun que [189] celuy lequel luy avoit esté donné pour meriter.

  A004000627 

 Au Ciel, Theotime, l'attention amoureuse des Bienheureux est ferme, constante, inviolable, qui ne peut ni perir ni diminuer; leur intention est tous-jours pure, exempte du meslange de toute autre intention inferieure: en somme, ce bonheur de voir Dieu clairement et de l'aymer invariablement est incomparable.

  A004000629 

 Ce n'est pas l'ordinaire non plus que les hommes mortelz ayent plus de charité que les immortelz; et toutefois il y en a eu de mortelz qui, estans inferieurs en l'exercice de l'amour aux immortelz, les ont neanmoins devancés en la charité et habitude amoureuse.

  A004000629 

 Ce n'est pas l'ordinaire que les bergers soyent plus vaillans que les soldatz; et toutefois David, petit berger, [190] venant en l'armee d'Israël, treuva que tous estoyent plus habiles aux exercices des armes que luy, qui neanmoins se treuva plus vaillant que tous.

  A004000633 

 La virginité de son cœur et de son cors fut plus digne et plus honnorable que celle des Anges; c'est pourquoy son esprit, non divisé ni partagé, comme saint Paul parle, estoit t out occupé a penser aux choses divines, comme elle plairoit a son Dieu.

  A004000633 

 O Dieu, nenny, car elle est la fille d'incomparable dilection, la toute unique colombe, la toute parfaitte Espouse.

  A004000633 

 Tous les Saintz et les Anges ne sont comparés qu'aux estoiles, et le premier d'entre [191] eux a la plus belle d'entre elles: mais celle cy est belle comme la lune, aysee d'estre choisie et discernee entre tous les Saintz, comme le soleil entre les astres.

  A004000634 

 Hé, n'allegués pas, je vous prie, que cette sainte Vierge fut neanmoins sujette au dormir; non, ne me dites pas cela, Theotime, car ne voyes-vous pas que son sommeil est un sommeil d'amour, de sorte que son Espoux mesme veut qu'on la laisse dormir tant qu'il luy plaira? Ah, gardés bien, je vous en conjure, dit-il, d'esveiller ma Bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A004000635 

 C'est pourquoy, quand elle mettoit son cors angelique au repos du sommeil: Or sus, reposés, disoit elle, o tabernacle de l'Alliance, Arche de la sainteté, throsne de la Divinité, allegés vous un peu de vostre lassitude, et reparés vos forces par cette douce tranquillité..

  A004000636 

 Mais si jamais elle songea, comme l'ancien Joseph, a sa grandeur future, quand au ciel elle seroit revestue du soleil, couronnee d'estoiles, et la lune a ses pieds, c'est a dire toute environnee de la gloire de son Filz, couronnee de celle des Saintz, et l'univers sous elle; ou que, comme Jacob, elle vid le progres et les fruitz de la Redemption faite par son Filz en faveur des Anges et des hommes, Theotime, qui pourroit jamais s'imaginer l'immensité de si grandes delices? Que de colloques avec son cher Enfant, que de suavités de toutes pars!.

  A004000636 

 Mon Dieu, Theotime, quelle consolation d'ouïr saint Chrysostome, racontant un jour a son peuple la vehemence de l'amour qu'il luy portoit! «La necessité du sommeil,» dit-il, «pressant nos paupieres, la tirannie de nostre amour envers vous excite les yeux de nostre esprit, et maintefois emmi mon sommeil il m'a esté advis que je vous parlois, car l'ame a accoustumé de voir en songe, par imagination, ce qu'elle pense parmi la journee: ainsy, ne vous voyans pas des yeux de la chair, nous vous voyons des yeux de la charité.» Hé, doux Jesus, qu'est-ce que devoit songer vostre tressainte Mere Ihors qu'elle dormoit et que son [193] cœur veilloit? Ne songeoit-elle point de vous voir encor plié dans ses entrailles, comme vous fustes neuf mois? ou bien pendant a ses mammelles et pressant doucement le sacré chicheron de son tetin virginal? Helas, que de douceurs en cette ame! Peut estre songea-elle maintefois que, comme Nostre Seigneur avoit jadis souvent dormi sur sa poitrine, ainsy qu'un petit aignelet sur le flanc mollet de sa mere, de mesme aussi elle dormoit dans son costé percé, comme une blanche colombe dans le trou d'un rocher asseuré.

  A004000637 

 Mais combien donq y a-il plus d'apparence que la Mere du vray Salomon ait eu l'usage de rayson en son sommeil, c'est a dire, comme Salomon mesme la fait parler, que son cœur ait veillé tandis qu'elle dormoit? Certes, que saint Jean eust l'exercice de son esprit dans le [194] ventre mesme de sa mere, ce fut une bien plus grande merveille: et pourquoy donques en refuserions nous une moindre a celle pour laquelle et a laquelle Dieu a fait plus de faveurs qu'il ne fit ni fera jamais pour tout le reste des creatures?.

  A004000638 

 Et les flammes sacrees de la Vierge ne pouvant ni perir, ni diminuer, ni demeurer en mesme estat, ne cesserent jamais de prendre des accroissemens incroyables jusques au Ciel, lieu de leur origine; tant il est vray que cette Mere est la Mere de belle dilection, c'est a dire, la plus aymable comme la plus amante, et la plus amante comme la plus aymee Mere de cet unique Filz, qui est aussi le plus aymable, le plus amant et le plus aymé Filz de cette unique Mere..

  A004000642 

 Mais qu'est elle, cette union?.

  A004000643 

 A mesure que nos sens rencontrent des objetz aggreables et excellens, ilz s'appliquent plus ardemment et avidement a la jouissance d'iceux: plus les choses sont belles, aggreables a la veüe et deüement esclairees, plus [195] l'œil les regarde avidement et vivement; et plus la voix ou musique est douce et souefve, plus elle attire l'attention de l'oreille.

  A004000643 

 La verité est l'objet de nostre entendement, qui a, par consequent, tout son contentement a descouvrir et connoistre la verité des choses; et selon que les verités sont plus excellentes nostre entendement s'applique plus delicieusement et plus attentivement a les considerer..

  A004000643 

 Si que chaque objet exerce une puissante mais amiable violence sur le sens qui luy est destiné; violence qui prend plus ou moins de force selon que l'excellence est moindre ou plus grande, pourveu qu'elle soit proportionnee a la capacité du sens qui en veut jouir: car l'œil qui se plaist tant en la lumiere, n'en peut pourtant supporter l'extremité et ne sçauroit regarder fixement le soleil; et pour belle que soit une musique, si elle est forte et trop proche de nous, elle nous importune et offence nos oreilles.

  A004000644 

 Quel playsir pensés-vous, Theotime, qu'eussent ces anciens philosophes qui conneurent si excellemment tant de belles verités en la nature? Certes, toutes les voluptés ne leur estoyent rien en comparayson de leur bien-aymee philosophie, pour laquelle quelques uns d'entre eux quittèrent les honneurs, les autres des grandes richesses, d'autres leur païs; et s'en est treuvé tel qui, de sens rassis, s'est arraché les yeux, se privant pour jamais de la jouissance de la belle et aggreable lumiere corporelle, pour s'occuper plus librement a considerer la verité des choses par la lumiere spirituelle, car on lit cela de Democrite; tant la connoissance de la verité est delicieuse: dont Aristote a dit fort souvent que la felicité et beatitude humaine consiste en la sapience, qui est la connoissance des verités eminentes..

  A004000645 

 Ah! dit saint Hierosme a son Paulin, «le docte Platon ne sceut onques ceci, l'eloquent Demosthenes l'a ignoré.» O que vos paroles, dit ce grand Roy, sont douces, Seigneur, a mon palais, plus douces que le miel a ma bouche! Nostre cœur n'est oit-il pas tout ardent, tandis qu'il nous parloit en chemin? disent ces heureux pelerins d'Emaüs, parlant des flammes amoureuses dont ilz estoyent touchés par la parole de la foy..

  A004000645 

 Dieu a empreint [196] sa piste, ses alleures et passees en toutes les choses creées; de sorte que la connoissance que nous avons de sa divine Majesté par les creatures, ne semble estre autre chose que la veüe des pieds de Dieu, et qu'en comparayson de cela la foy est une veüe de la face mesme de sa divine Majesté, laquelle nous ne voyons pas encores au plein jour de la gloire, mais nous la voyons, pourtant, comme en la prime aube du jour, ainsy qu'il advint a Jacob aupres du gay de Jaboc; car bien qu'il n'eust veu l'Ange avec lequel il lutta, sinon a la foible clarté du point du jour, si est-ce que tout ravi de contentement il ne laissa pas de s'escrier: J'ay veu le Seigneur face a face, et mon ame a esté sauvee.

  A004000645 

 O combien delicieuse est la sainte lumiere de la foy, par laquelle nous sçavons avec une certitude nompareille, non seulement l'histoire de l'origine des creatures et de leur vray usage, mais aussi celle de la naissance eternelle du grand et souverain Verbe divin, auquel et par laquel tout a esté fait, et lequel, avec le Pere et le Saint Esprit, est un seul Dieu tres unique, tres adorable et beni es siecles des siecles, Amen.

  A004000650 

 Celuy qui jouissant plus pleinement du monde que jamais nul ne fit, en est toutefois si peu content qu'il pleure de tristesse dequoy il n'en peut avoir d'autres, que la folle persuasion d'un miserable cajolleur luy fait imaginer: dites-moy, je vous prie, Theotime, monstre-il pas que la soif de son cœur ne peut estre assouvie en cette vie, et que ce monde n'est pas suffisant pour le desalterer? O admirable, mays aymable inquietude du cœur humain! Soyes, soyes a jamais sans repos ni tranquillité quelcomque en cette terre, mon ame, jusques a ce que vous ayes rencontré les fraisches eaux de la vie immortelle et la tressainte Divinité, qui seules peuvent esteindre vostre alteration et accoiser vostre desir..

  A004000650 

 Le desir qui precede la jouissance aiguise et affine le ressentiment d'icelle, et plus le desir a esté pressant et puissant, plus la possession de la chose desiree est aggreable et delicieuse.

  A004000650 

 On les desire neanmoins tous-jours extremes, et jamais ilz ne le sont qu'ilz ne soyent excessifz, insupportables et dommageables; car on meurt de joye comme on meurt de tristesse, ains la joye est plus active a nous ruiner que la tristesse.

  A004000652 

 Alhors, certes, comme on voit un petit enfant affamé, si fort collé au flanc de sa mere et attaché a son tetin, presser avidement cette douce fontayne de suave et desiree liqueur, de sorte qu'il est advis qu'il veuille, ou se fourrer tout dans ce sein maternel, ou bien tirer et succer toute cette poitrine dans la sienne, ainsy nostre ame toute haletante de la soif extreme du vray bien, lhors qu'elle en rencontrera la source inespuisable en la Divinité, o vray Dieu, quelle sainte et suave ardeur a s'unir et joindre a ces mammelles fecondes de la toute bonté, ou pour estre tout abismés en elle, ou affin qu'elle vienne toute en nous!.

  A004000657 

 De sorte que les verités signifiees en la parole de Dieu sont par icelle representees a l'entendement, comme les choses exprimees au mirouer sont, par le mirouer, representees a l'œil: si que, croire c'est voir comme par un miroüer, dit le grand Apostre..

  A004000657 

 Nous voyons et entendons ainsy, Theotime, tout ce que nous voyons ou entendons en cette vie mortelle, ouy mesme les choses de la foy: car, comme le miroüer ne contient pas la chose que l'on y void ains seulement la representation et espece d'icelle, laquelle representation arrestee par le miroüer en produit une autre en l'œil qui regarde; de mesme, la parole de la foy ne contient pas les choses qu'elle annonce, ains seulement elle les represente, et cette representation des choses divines, qui est en la parole de la foy, en produit une autre, laquelle nostre entendement, moyennant la grace de Dieu, accepte et reçoit comme representation de la sainte verité, et nostre volonté s'y complait et l'embrasse comme une verité honnorable, utile, aymable et tres bonne.

  A004000658 

 O vray Dieu, quelle suavité a l'entendement humain, d'estre a jamais uni a son souverain object, recevant non sa representation mais sa presence, non aucune image ou espece mais la propre essence de sa divine verité et majesté! Nous serons la comme des enfans tres heureux de la Divinité, ayans l'honneur d'estre nourris de la propre substance divine, receüe en nostre ame par la bouche de nostre entendement; et ce qui surpasse toute douceur, c'est que, comme les meres [201] ne se contentent pas de nourrir leurs poupons de leur lait, qui est leur propre substance, si elles mesmes ne leur mettent le chicheron de leur tetin dans la bouche, affin qu'ilz reçoivent leur substance non en un cuillier ou autre instrument ains en leur propre substance et par leur propre substance, en sorte que cette substance maternelle serve de tuyau aussi bien que de nourriture pour estre receüe du bienaymé petit enfançon, ainsy Dieu, nostre Pere, ne se contente pas de faire recevoir sa propre substance en nostre entendement, c'est a dire de nous faire voir sa Divinité, mais par un abisme de sa douceur il appliquera luy mesme sa substance a nostre esprit, affin que nous l'entendions non plus en espece ou representation mais en elle mesme et par elle mesme, en sorte que sa substance paternelle et eternelle serve d'espece aussi bien que d'object a nostre entendement.

  A004000659 

 Il est vray qu'ici cette faveur nous est faitte reellement, mais a couvert, sous les especes et apparences sacramentelles, la ou au Ciel, la Divinité se donnera a descouvert, et nous la verrons, face a face, comme elle est.

  A004000664 

 Ainsy verrons-nous donq cette eternelle et admirable generation du Verbe et Filz divin, par laquelle il nasquit eternellement a l'image et semblance du Pere: image et semblance vive et naturelle, qui ne represente aucuns accidens ni aucun exterieur, puisqu'en Dieu tout est substance et n'y peut avoir accident, tout est interieur et n'y peut avoir aucun exterieur; mais image qui represente la propre substance du Pere si vivement, si naturellement, tant essentiellement et substantiellement, que pour cela elle ne peut estre que le mesme Dieu avec luy, sans distinction [203] ni difference quelcomque d'essence ou substance, ains avec la seule distinction des Personnes.

  A004000665 

 Ainsy Dieu, qui est seul, n'est pas pourtant solitaire; car il est seul en sa tres unique et tres simple Divinité, mays il n'est pas solitaire, puisqu'il est Pere et Filz en deux Personnes.

  A004000665 

 Ce Filz donq, infinie image et figure de son Pere infini, est un seul Dieu tres unique et tres infini avec son Pere, sans qu'il y ait aucune difference de substance entre eux, ains seulement la distinction des Personnes; laquelle distinction de Personnes, comme elle est totalement requise, aussi est-elle tres suffisante pour faire que le Pere prononce, et que le Filz soit la Parole prononcee, que le Pere die, et que le Filz soit le Verbe ou la diction, que le Pere exprime, et que le Filz soit l'image, semblance et figure exprimee, et qu'en somme, le Pere soit Pere, et le Filz soit Filz, deux Personnes distinctes, mays une seule essence et Divinité.

  A004000669 

 vision, Theotime, qui combla tellement le cœur amiable du petit Bernard, d'ayse, de jubilation et de delices spirituelles, qu'il en eut toute sa vie des ressentimens extremes; et partant, combien que depuis, comme une abeille sacree, il recueillit tous-jours de tous les divins mysteres le miel de mille douces et divines consolations, si est-ce que la solemnité de Noël luy apportoit une particuliere suavité, et parloit avec un goust nompareil de cette nativité de son Maistre.

  A004000673 

 Le Pere eternel, voyant l'infinie bonté et beauté de son essence si vivement, essentiellement et substantiellement exprimee en son Filz, et le Filz voyant reciproquement que sa mesme essence, bonté et beauté est originairement en son Pere comme en sa source et fontaine, hé, se pourroit-il faire que ce divin Pere et son Filz ne s'entr'aymassent pas d'un amour infini, puisque leur volonté par laquelle ilz ayment, et leur bonté pour laquelle ilz ayment, sont infinies en l'un et en l'autre?.

  A004000674 

 Le Pere souspire cet amour, le Filz le souspire aussi; mais parce que le Pere ne souspire cet amour que par la mesme volonté et pour la mesme bonté qui est egalement et uniquement en luy et en son Filz, et le Filz mutuellement ne souspire ce souspir amoureux que pour cette mesme bonté et par cette mesme volonté, partant ce souspir amoureux n'est qu'un seul souspir, ou un seul esprit eslancé par deux souspirans..

  A004000674 

 Or, le Pere et le Filz se treuvans non seulement egaux et unis, ains un mesme Dieu, une mesme bonté, une mesme essence et une mesme unité, quel amour doivent-ilz avoir l'un a l'autre! Mays cet amour ne se passe pas comme l'amour que les creatures intellectuelles ont entre elles ou envers leur Createur (car l'amour creé se fait par plusieurs et divers eslans, souspirs, unions et liaysons qui s'entresuivent et font la continuation de l'amour avec une douce vicissitude de mouvemens spirituelz); car l'amour divin du Pere eternel envers son Filz est prattiqué en un seul souspir, eslancé reciproquement par le Pere et le Filz, qui, en cette sorte, demeurent unis et liés ensemble.

  A004000674 

 Ouy, mon Theotime, car la bonté du Pere et du Filz n'estant qu'une seule tres uniquement unique bonté, commune a l'un et a l'autre, l'amour de cette bonté ne peut estre qu'un seul amour; parce qu'encor [206] qu'il y ayt deux amans, a sçavoir le Pere et le Filz, neanmoins il n'y a que leur seule tres unique bonté, qui leur est commune, laquelle est aymee, et leur tres unique volonté qui ayme, et partant il n'y a aussi qu'un seul amour, exercé par un seul souspir amoureux.

  A004000675 

 Et d'autant que le Pere et le Filz qui souspirent, ont une essence et volonté infinie par laquelle ilz souspirent, et que la bonté pour laquelle ilz souspirent est infinie, il est impossible que le souspir ne soit infini; et d'autant qu'il ne peut estre infini qu'il ne soit Dieu, partant cet Esprit souspiré du Pere et du Filz est vray Dieu, et parce qu'il n'y a ni peut avoir qu'un seul Dieu, il est un seul vray Dieu avec le Pere et le Filz.

  A004000675 

 Mais de plus, parce que cet amour est un acte qui procede reciproquement du Pere et du Filz, il ne peut estre ni le Pere ni le Filz desquelz il est procedé, quoy qu'il ait la mesme bonté et substance du Pere et du Filz, ains faut que ce soit une troisiesme Personne divine, laquelle avec le Pere et le Filz ne soit qu'un seul Dieu; et d'autant que cet amour est produit par maniere de souspirs ou d'inspirations, il est appellé Saint Esprit..

  A004000677 

 O voyci que c'est chose bonne,.

  A004000682 

 Au tressaint onguent est semblable,.

  A004000689 

 Mais, o Dieu, si l'amitié humaine est tant agreablement aymable et respand une odeur si delicieuse sur ceux qui la contemplent, que sera-ce, mon bienaymé Theotime, de voir l'exercice sacré de l'amour reciproque du Pere envers le Filz eternel! Saint Gregoire Nazianzene raconte que l'amitié incomparable qui estoit entre luy et son grand saint Basile estoit celebree par toute la Grece, et Tertulien tesmoigne que les payens admiroient cet amour plus que fraternel qui regnoit entre les premiers Chrestiens: o quelle feste, quelle solemnité! de quelles louanges et benedictions doit estre celebree, de quelles admirations doit estre honnoree et aymee l'eternelle et souveraine amitié du Pere et du Filz! Qu'y a-il d'aymable et d'amiable si l'amitié ne l'est pas? et si l'amitié est amiable et aymable, quelle amitié le peut estre en comparayson de cette infinie amitié qui est entre le Pere et le Filz, et qui est un mesme Dieu tres unique avec eux? Nostre cœur, Theotime, s'abismera d'amour, en l'admiration de la beauté et suavité de l'amour que ce Pere eternel et ce Filz incomprehensible prattiquent divinement et eternellement.

  A004000693 

 C'est pourquoy la suavité de la Sagesse eternelle a disposé de ne point appliquer son essence a nostre entendement, qu'elle ne l'ait preparé, revigoré et habilité, pour recevoir une veüe si eminente et disproportionnee a sa condition naturelle comme est la veüe de la Divinité: car ainsy le soleil, souverain object de nos yeux corporelz entre les choses naturelles, ne se presente point a nostre veiie que premier il n'envoye ses rayons, par le moyen desquelz nous le puissions voir; de sorte, que nous ne le voyons que par sa lumiere.

  A004000693 

 L'entendement creé verra donq l'essence divine sans aucune entremise d'espece ou representation, mais il ne la verra pas neanmoins sans quelqu'excellente lumiere qui le dispose, esleve et renforce pour faire une veüe si haute et d'un object si sublime et esclattant; car, comme la chouette a bien la veüe asses forte pour voir la sombre lumiere de la nuict sereine, mais non pas toutefois pour voir la clarté du midi, qui est trop brillante pour estre receüe par des yeux si troubles et imbecilles, ainsy nostre entendement, qui a bien asses de force pour considerer les verités naturelles par son discours, et mesme les choses surnaturelles de la grace par la lumiere de la foy, ne sauroit pas neanmoins, ni par la lumiere de la nature ni par la lumiere de la foy, atteindre jusques a la veüe de la substance divine en elle mesme.

  A004000704 

 Non, Theotime, car Dieu estant tres uniquement un et tres simplement indivisible, on ne le peut voir qu'on ne le voye tout; et d'autant qu'il est infini, sans limite, ni borne, ni mesure quelcomque en sa perfection, il n'y a ni peut avoir aucune capacité hors de luy, qui jamais puisse totalement comprendre ou penetrer l'infinité de sa bonté, infiniment essentielle et essentiellement infinie..

  A004000705 

 Cette lumiere creée du soleil visible, qui est limitee et finie, est tellement veüe toute de tous ceux qui la regardent, qu'elle n'est pourtant jamais veüe totalement de pas un, ni mesme de tous ensemble.

  A004000705 

 Il en est presqu'ainsy de tous nos sens: entre plusieurs qui oyent une excellente musique, quoy que tous l'entendent toute, les uns pourtant ne l'oyent pas si bien ni avec tant de [211] playsir que les autres, selon que les aureilles sont plus ou moins delicates.

  A004000705 

 La manne estoit savouree toute de quicomque la mangeoit, mais differemment neanmoins, selon la diversité des appetitz de ceux qui la prenoyent, et ne fut jamais savouree totalement, car elle avoit plus de differentes saveurs qu'il n'y avoit de varieté de gousts es Israelites: Theotime, nous verrons et savourerons la haut au Ciel toute la Divinité, mais jamais nul des Bienheureux ni tous ensemble ne la verront ou savoureront totalement; cette infinité divine aura tous-jours infiniment plus d'excellences que nous ne sçaurions avoir de suffisance et de capacité, et nous aurons un contentement indicible de connoistre, qu'apres avoir assouvi tout le desir de nostre cœur et rempli pleynement sa capacité en la jouissance du bien infini, qui est Dieu, neanmoins il restera encor en cette infinité des infinies perfections a voir, a jouïr et posseder, que sa divine Majesté entend et void, elle seule se comprenant soy mesme..

  A004000706 

 Ah, Theotime, nos espritz, a leur gré et selon toute l'estendue de leurs souhaitz, nageront en l'ocean et voleront en l'air de la Divinité, et se res-jouiront eternellement de voir que cet air est tant infini, cet ocean si vaste, qu'il ne peut estre mesuré par leurs aysles, et que jouissans sans reserve ni exception [212] quelcomque de tout cet abisme infini de la Divinité, ilz ne peuvent neanmoins jamais egaler leur jouissance a cette infinité, laquelle demeure tous-jours infiniment infinie au dessus de leur capacité..

  A004000706 

 Ainsy les poissons jouissent de la grandeur incroyable de l'ocean, et jamais pourtant aucun poisson, ni mesme toute la multitude des poissons, ne vid toutes les plages ni ne trempa ses escailles en toutes les eaux de la mer; et les oyseaux s'esgayent a leur gré dans la vasteté de l'air, mais jamais aucun oyseau, ni mesme toute la race des oyseaux ensemble, n'a battu des aysles toutes les contrees de l'air et n'est jamais parvenu a la supreme region d'iceluy.

  A004000707 

 O Dieu, que ce qu'ilz voyent est admirable! mais o Dieu, que ce qu'ilz ne voyent pas l'est beaucoup plus! Et toutefois, Theotime, la tressainte beauté qu'ilz voyent estant infinie, elle les rend parfaitement satisfaitz et assouvis; et se contentans d'en jouir selon le rang qu'ilz tiennent au Ciel, a cause de la tres aymable Providence divine qui en a ainsy ordonné, ilz convertissent la connoissance qu'ilz ont de ne posseder pas ni ne pouvoir posseder totalement leur object, en une simple complaysance d'admiration, par laquelle ilz ont une joye souveraine de voir que la beauté qu'ilz ayment est tellement infinie qu'elle ne peut estre totalement conneüe que par elle mesme: car en cela consiste la divinité de cette Beauté infinie, ou la beauté de cette infinie Divinité.

  A004000715 

 Nous ne faysons pas ces discours pour ces grandes ames d'eslite que Dieu, par une tres speciale faveur, maintient et confirme tellement en son amour, qu'elles sont hors le hazard de jamais le perdre; nous parlons pour le reste des mortelz, auxquelz le Saint Esprit addresse ces advertissemens: Qui est debout, qu'il prenne garde a ne point tomber.

  A004000716 

 Mais, o Dieu eternel, comme est-il possible, dires-vous, qu'une ame qui a l'amour de Dieu le puisse jamais perdre? Car ou l'amour est, il resiste au peché: et comme se peut il donq faire que le peché y entre, puisque l'amour est fort comme la mort, aspre au combat comme l'enfer? comme peuvent les forces de la mort ou de l'enfer, c'est a dire les pechés, vaincre l'amour qui pour le moins les esgale en force, et les surmonte en assistance et en droit? Mays comme peut-il estre qu'une ame raysonnable, qui a une fois savouré une si grande douceur comme est celle de l'amour divin, puisse onques volontairement avaler les eaux ameres de l'offence? Les enfans, tout enfans qu'ilz sont, estans nourris au lait, au beurre et au miel, abhorrent l'amertume de l'absinthe et du chicotin, et pleurent jusques a pasmer quand on leur en fait gouster: hé donques, o vray Dieu, l'ame une fois jointe a la bonté du Createur, comme le peut-elle quitter pour suivre la vanité de la creature?.

  A004000717 

 Certes, en cette vie mortelle, quoy que nos ames abondent en amour celeste, si est ce que jamais elles n'en sont si pleines que par la tentation cet amour ne puisse sortir; mais la haut au Ciel, quand les suavités de la beauté de Dieu occuperont tout ncstre entendement et les delices de sa bonté assouviront toute nostre volonté, en sorte qu'il n'y aura rien que la plenitude de son amour ne remplisse, nul objet, quoy qu'il penetre jusques a nos cœurs, ne pourra jamais tirer ni faire sortir une seule goutte de la pretieuse liqueur de leur amour celeste; et de penser donner du vent par dessus, c'est a dire decevoir ou surprendre l'entendement, il ne sera plus possible, car il sera immobile en l'apprehension de la verité souveraine..

  A004000718 

 Ainsy le vin qui est bien espuré et separé de sa lie peut aysement estre garenti de tourner et pousser, mais celuy qui est sur sa lie y est presque tous-jours sujet.

  A004000719 

 Nous sommes comme le corail, qui dans l'ocean, lieu de son origine, est un arbrisseau pasleverd, foible, flechissant et pliable; mais estant tiré hors du fond de la mer, comme du sein de sa mere, il devient presque [217] pierre, se rendant ferme et impliable, a mesme qu'il change son verd blafastre en un vermeil fort vif: car ainsy, estans encor emmi la mer de ce monde, lieu de nostre naissance, nous sommes sujetz a des vicissitudes extremes, pliables a toutes mains, a la droitte de l'amour celeste par l'inspiration, a la gauche de l'amour terrestre par la tentation; mais si une fois tirés hors de cette mortalité, nous avons changé le pasleverd de nos craintives esperances au vif vermeil de l'asseuree jouissance, jamais plus nous ne serons muables, ains demeurerons a tous-jours arrestés en l'amour eternel..

  A004000720 

 En somme, Theotime, quand nous avons la charité nostre franc arbitre est paré de la robbe nuptiale, de laquelle comme il peut tous-jours demeurer vestu, s'il veut, en bien faisant, aussi s'en peut il despouiller, s'il luy plait, en pechant..

  A004000720 

 Il est impossible de voir la Divinité et ne l'aymer pas; mays ici bas, ou, sans la voir, nous l'entrevoyons seulement au travers des ombres de la foy, comme en un miroüer, nostre connoissance n'est pas si grande qu'elle ne laisse encor l'entree a la surprise des autres objetz et biens appareils, lesquelz, entre les obscurités qui se meslent en la certitude et verité de la foy, se glissent insensiblement comme petitz renardeaux, et demolissent nostre vigne fleurie.

  A004000724 

 Ainsy la charité est quelquefois tellement alangourie et [218] abbatue dans le cœur qu'elle ne paroist presque plus en aucun exercice, et neanmoins elle ne laisse pas d'estre entiere en la supreme region de l'ame; et c'est lhors que, sous la multitude des pechés venielz, comme sous des cendres, le feu du saint amour demeure couvert et sa lueur estouffee, quoy que non pas amorti ni esteint.

  A004000724 

 Car tout ainsy que la presence du diamant empesche l'exercice et l'action de la proprieté que l'aymant a d'attirer le fer, sans toutefois luy oster la proprieté, laquelle opere soudain que cet empeschement est esloigné, de mesme la presence du peché veniel n'oste pas voirement a la charité sa force et puissance d'operer mais elle l'engourdit en certaine façon et la prive de l'usage de son activité, si qu'elle demeure sans action, sterile et infeconde.

  A004000724 

 Certes, le peché veniel, ni mesme l'affection au peché veniel, n'est pas contraire a l'essentielle resolution de la charité, qui est de preferer Dieu a toutes choses: d'autant que par ce peché nous aymons quelque chose hors de la rayson, mais non pas contre la rayson; nous deferons un peu trop, et plus qu'il n'est convenable, a la creature, mais non pas en la preferant au Createur; nous nous amusons plus qu'il ne faut aux choses terrestres, mais nous ne quittons pas pour cela les celestes: en somme, cette sorte de peché nous retarde au chemin de la charité, mais il ne nous en oste pas, et partant, le peché veniel n'estant pas contraire a la charité, il ne la destruit jamais, ni en tout ni en partie..

  A004000724 

 L'ame est maintefois contristee et affligee dans le cors, jusques mesme a quitter plusieurs membres d'iceluy, qui demeurent privés de mouvement et sentiment, encores qu'elle n'abandonne pas le cœur, ou elle est tous-jours toute entiere jusques a l'extremité de la vie.

  A004000725 

 Certes, la concupiscence ayant conceu, elle engendre le peché; mais ce peché, quoy que peché, n'engendre pas tous-jours la mort de l'ame, ains seulement lhors qu'il a une malice entiere et qu'il est consommé et accompli, comme dit saint Jacques: qui en cela establit si clairement la difference entre le peché veniel et le peché mortel, que je ne sçay comme il s'est treuvé des gens en nostre siecle qui ayent eu la hardiesse de le nier..

  A004000725 

 Dieu fit sçavoir a l'Evesque d'Ephese qu'il avoit delaissé sa premiere charité; ou il ne dit pas qu'il estoit sans charité, mais seulement qu'elle n'estoit plus telle qu'au commencement, c'est a dire qu'elle n'estoit plus prompte, fervente, fleurissante et fructueuse: ainsy que nous avons accoustumé de dire d'un homme, qui de brave, joyeux et gaillard est devenu chagrin, paresseux et maussade: Ce n'est plus celuy d'autrefois; car nous ne voulons pas entendre que ce ne soit pas le mesme selon la substance, mais seulement selon les actions et exercices; et de mesme, Nostre Seigneur a dit qu'es derniers jours la charité de plusieurs se rafroidira, [219] c'est a dire, elle ne sera pas si active et courageuse, a cause de la crainte et de l'ennuy qui oppressera les cœurs.

  A004000726 

 Neanmoins, le peché veniel est peché, et par consequent il desplait a la charité, non comme chose qui luy soit contraire, mays comme chose contraire a ses operations et a son progres, voire mesme a son intention, laquelle estant que nous rapportions toutes nos operations a Dieu, elle est violee par le peché veniel, qui porte les actions par lesquelles nous le commettons, non pas voirement contre Dieu, mais hors de Dieu et de sa volonté: et comme nous disons d'un arbre qui a esté rudement touché et reduit en friche par la tempeste, que rien n'y est demeuré, parce qu'encor que l'arbre est entier, neanmoins il est resté sans fruit, de mesme, quand nostre charité est battue des affections que l'on a aux pechés venielz, nous disons qu'elle est diminuee et defaillie, non que l'habitude de l'amour ne soit entiere en nos espritz, mais parce qu'elle est sans les œuvres qui sont ses fruitz..

  A004000727 

 Car en somme, la charité estant une qualité active, ne peut estre long tems sans agir ou perir; elle est, disent nos Anciens, de l'humeur de Rachel, qui aussi la representoit.

  A004000727 

 Donne-moi des enfans, disoit celle ci a son mari, autrement je mourray: et la charité presse le cœur auquel elle est mariee de la feconder en bonnes œuvres, autrement elle perira..

  A004000728 

 bride aux menues choleres, se treuve en fin furieux et insupportable; qui s'addonne a mentir par raillerie, est grandement en danger de mentir avec calomnie..

  A004000733 

 Nous n'aymons pas Dieu sans intermission, d'autant qu'en cette vie mortelle la charité est en nous par maniere de simple habitude, de laquelle, comme les philosophes ont remarqué, nous usons quand il nous plait et non jamais contre nostre gré.

  A004000733 

 Quand donq nous n'usons pas de la charité qui est en nous, c'est a dire quand nous n'employons pas nostre esprit aux exercices de l'amour sacré, ains que le tenans diverti a quelque autre occupation, ou que paresseux en soy mesme il se tient inutile et negligent, alhors, Theotime, il peut estre touché de quelque object mauvais, et surpris de quelque tentation; et bien que l'habitude de la charité en mesme tems soit au fond de nostre ame et qu'elle face son office, nous inclinant a rejetter la suggestion mauvaise, si est-ce qu'elle ne nous presse pas ni nous porte a l'action de la resistance, qu'a mesure que nous la secondons, comme les habitudes ont coustume de faire: et partant, nous laissant en nostre liberté, il advient maintefois que le mauvais object ayant jetté bien avant ses attraitz dans nostre cœur, nous nous attachons a luy par une complaysance excessive, laquelle venant a croistre il nous est malaysé de nous en desfaire, et comme des espines, selon que dit Nostre Seigneur, [222] elle suffoque en fin la semence de la grace et dilection celeste.

  A004000735 

 Dieu ne veut pas empescher que nous ne soyons attaqués de tentations, affin que resistans, nostre charité soit plus exercee, et puisse par le combat emporter la victoire et par la victoire obtenir le triomphe; mais que nous ayons quelque sorte d'inclination a nous delecter en la tentation, cela vient de la condition de nostre nature, qui ayme tant le bien que pour cela elle est sujette d'estre allechee par tout ce qui a apparence de bien.

  A004000735 

 Et ce que la tentation nous presente pour amorce est tous-jours de cette sorte; car, comme enseignent [223] les saintes Lettres, ou c'est un bien honnorable selon le monde pour nous provoquer a l' orgueil de la vie mondaine, ou un bien delectable aux sens pour nous porter a la convoitise charnelle, ou un bien utile a nous enrichir pour nous inciter a la convoitise et avarice des yeux.

  A004000736 

 Car de mesme, trescher Theotime, l'amour propre treuvant nostre foy hors d'attention et sommeillante, il nous presente des biens vains mais apparens, seduit nos sens, nostre imagination et les facultés de nos ames, et presse tellement nos francs arbitres qu'il les conduit a l'entiere revolte contre le saint amour de Dieu; lequel alhors, comme un autre David, sort de nostre cœur avec tout son train, c'est a dire avec les dons du Saint Esprit et les autres [224] vertus celestes, qui sont compaignes inseparables de la charité si elles ne sont ses proprietés et habilités; et ne reste plus en la Hierusalem de nostre ame aucune vertu d'importance, sinon Sadoc le voyant, c'est a dire le don de la foy qui nous peut faire voir les choses eternelles, avec son exercice, et encor Abiathar, c'est a dire le don de l'esperance avec son action, qui tous deux demeurent bien affligés et tristes, maintenans toutefois en nous l'Arche de l'alliance, c'est a dire la qualité et le filtre de Chrestien qui nous est acquis par le Baptesme..

  A004000736 

 Tel fut le progres de sedition que le desloyal Absalon excita contre son bon pere David; car il mit en avant des propositions bonnes en apparence, lesquelles estant une fois receües par les pauvres Israëlites desquelz la prudence estoit endormie et engourdie, il les sollicita tellement qu'il les reduisit a une entiere rebellion: de sorte que David fut contraint de sortir tout espleuré de Hierusalem avec tous ses plus fideles amis, ne laissant en la ville de gens de marque, sinon Sadoc et Abiathar, prestres de l'Eternel, avec leurs enfans; or Sadoc estoit voyant, c'est a dire prophete.

  A004000745 

 Nostre esprit, certes, ne sort pas petit a petit de son cors, ains en un moment, lhors que l'indisposition du cors est si grande qu'il ne peut plus y faire les actions de vie; et de mesme, a l'instant que le cœur est tellement detraqué en ses passions que la charité n'y peut plus regner, elle le quitte et abandonne; car elle est si genereuse qu'elle ne peut cesser de regner sans cesser d'estre..

  A004000745 

 Ouy, Theotime, car en ce mespris de Dieu consiste le peché mortel, et un seul peché mortel bannit la charité de l'ame, d'autant qu'il rompt le lien et l'union d'icelle avec Dieu, qui est l'obeissance et sousmission a sa volonté; et comme le cœur humain ne peut estre vivant et divisé, aussi la charité, qui est le cœur de l'ame et l'ame du cœur, ne peut jamais estre blessee qu'elle ne soit tuee: ainsy qu'on dit des perles, qui conceües de la rosee celeste perissent si une seule goutte de l'eau marine entre dedans leur escaille.

  A004000746 

 Mais la charité, Theotime, que le Saint Esprit respand en un moment dans nos cœurs lhors que les conditions requises a cette infusion se rencontrent en nous, certes aussi en un instant elle nous est ostee, si tost que, destournans nostre volonté de l'obeissance que nous devons a Dieu, nous avons achevé de consentir a la rebellion et desloyauté a laquelle la tentation nous incite..

  A004000747 

 Et de mesme, Theotime, encores que le Saint Esprit ayant mis la charité en une ame luy donne sa croissance par addition de degré a degré et de perfection a perfection d'amour, si est ce toutefois, que la resolution de preferer la volonté de Dieu a toutes choses estant le point essentiel de l'amour sacré, et auquel l'image de l'amour eternel, c'est a dire du Saint Esprit, est representee, on ne sçauroit en oster une seule piece que soudain toute la charité ne perisse..

  A004000747 

 Il est vray que la charité s'agrandit par accroissement de degré a degré et de perfection a perfection, selon [226] que par nos oeuvres ou la reception des Sacremens nous luy faisons place; mais, toutefois, elle ne diminue pas par amoindrissement de sa perfection, car jamais on n'en perd un seul brin qu'on ne la perde toute.

  A004000748 

 Cette preference de Dieu a toutes choses est le cher enfant de la charité.

  A004000748 

 En somme, Theotime, comme la pierre pretieuse nommee prassius, perd sa lueur en la presence de quel venin que ce soit, ainsy l'ame perd [227] en un instant sa splendeur, sa grace et sa beauté, qui consiste au saint amour, a l'entree et presence de quel peché mortel que ce soit; dont il est escrit que l'ame qui pechera mourra..

  A004000748 

 Que si Agar, qui n'estoit qu'une ægyptienne, veyant son filz en danger de mourir n'eut pas le courage de demeurer au pres de luy, ains le voulut quitter, disant: Ah, je ne sçaurois voir mourir cet enfant! quelle merveille y a-il que la charité, fille de douceur et suavité celeste, ne puisse voir mourir son enfant, qui est le propos de ne jamais offencer Dieu? Si que, a mesure que nostre franc arbitre se resout de consentir au peché, donnant par mesme moyen la mort a ce sacré propos, la charité meurt avec iceluy, et dit en son dernier souspir: Hé non, jamais je ne verray mourir cet enfant.

  A004000752 

 Comme ce seroit une effronterie impie de vouloir attribuer aux forces de nostre volonté les œuvres de l'amour sacré que le Saint Esprit fait en nous et avec nous, aussi seroit-ce une impieté effrontee de vouloir rejetter le defaut d'amour qui est en l'homme ingrat, sur le manquement de l'assistance et grace celeste; car le Saint Esprit crie par tout, au contraire, que nostre perte vient de nous; que le Sauveur a apporté le feu du saint amour, et ne desire rien plus sinon qu'il brusle nos cœurs; que le salut est preparé devant la face de toutes nations, lumiere pour esclairer les Gentilz, et pour la gloire d'Israël; que la divine Bonté ne veut point qu'aucun perisse, mays que tous viennent a la connoissance de la verité; veut que tous hommes soyent sauvés, le Sauveur d'iceux estant venu au monde affin que tous receussent l'adoption des enfans; et le Sage nous advertit clairement: Ne dis point: il tient a Dieu.

  A004000752 

 En somme, Theotime, le Sauveur est une lumiere qui esclaire tout homme qui vient en ce monde..

  A004000753 

 Il est vray qu'ilz ne firent pas resistance au soleil, mais il les ayda aussi beaucoup a ne point resister; car il vint doucement respandre sa lumiere sur eux, se faisant entrevoir au travers de leurs paupieres, et par sa chaleur, comme par son amour, il alla dessiller leurs yeux et les pressa de voir son jour..

  A004000754 

 Au contraire, ces pauvres errans n'avoyent-ilz pas tort de crier dans ce bois: Hé, qu'avons-nous fait au soleil pour quoy il ne nous a pas fait voir sa lumiere comme a nos compaignons, affin que nous fussions arrivés [229] au logis sans demeurer en ces effroyables tenebres? Car, qui ne prendroit la cause du soleil, ou plustost de Dieu, en main, mon cher Theotime, pour dire a ces chetifs malencontreux: Qu'est ce, miserables, que le soleil pouvoit bonnement faire pour vous, qu'il ne l'ayt fait? ses faveurs estoyent esgales envers tous vous autres qui dormiés: il vous aborda tous avec une mesme lumiere, il vous toucha de mesmes rayons, il respandit sur vous une chaleur pareille; et, malheureux que vous estes, quoy que vous vissiés vos compaignons levés prendre le bordon pour tirer chemin, vous tournastes le dos au soleil, et ne voulustes pas employer sa clarté ni vous laisser vaincre a sa chaleur..

  A004000755 

 Tous les hommes sont voyageurs en cette vie mortelle; presque tous nous nous sommes volontairement endormis en l'iniquité, et Dieu, Soleil de justice, darde sur tous, tres suffisamment ains abondamment, les rayons de ses inspirations, il eschauffe nos cœurs de ses benedictions, touchant un chascun des attraitz de son amour: hé, que veut dire donq que ces attraitz en attirent si peu et en tirent encor moins? Ah, certes, ceux qui estans attirés, puis tirés, suivent l'inspiration, ont grande occasion de s'en res-jouir, mais non pas de s'en glorifier: qu'ilz se resjouissent, parce qu'ilz jouissent d'un grand bien; mais qu'ilz ne s'en glorifient pas, puisque c'est par la pure bonté de Dieu, qui leur laissant l'utilité de son bienfait s'en est reservé la gloire..

  A004000756 

 Responce apostolique d'un homme apostolique, et toute pareille a la rayson que le grand Apostre rend de la perte des anciens Gentilz, qu'il dit estre inexcusables, d'autant qu' ayans conneu le bien ilz suivirent le mal; car c'est en un mot ce qu'il inculque au premier chapitre de l'Epistre aux Romains.

  A004000760 

 L'amour des hommes envers Dieu tient son origine, son progres et sa perfection de l'amour eternel de Dieu envers les hommes: c'est le sentiment universel de l'Eglise nostre Mere, laquelle, avec une ardente jalousie, veut que nous reconnoissions nostre salut et les moyens pour y parvenir de la seule misericorde du Sauveur, affîn qu'en la terre comme au Ciel a luy seul soit honneur et gloire.

  A004000760 

 Qu'as-tu que tu n'ayes receu? dit le divin Apostre, parlant des dons de science, eloquence et autres telles qualités des pasteurs ecclesiastiques; et si tu l'as receu, pourquoy t'en glorifies [231] tu comme si tu ne l'avois pas receu? Il est vray, nous avons tout receu de Dieu, mais par dessus tout nous avons receu les biens surnaturelz du saint amour; que si nous les avons receus, pourquoy en prendrons-nous de la gloire?.

  A004000762 

 Or dis moy donq maintenant, miserable, qu'as-tu fait en tout cela dequoy tu te puisses vanter? Tu as consenti, je le sçay bien; le mouvement de ta volonté a librement suivi celuy de la grace celeste: mais tout cela, qu'est-ce autre chose sinon recevoir l'operation divine et n'y resister pas? et qu'y a-il en cela que tu n'ayes receu? Ouy mesme, pauvre homme que tu es, tu as receu la reception de laquelle tu te glorifies et le consentement duquel tu te vantes.

  A004000763 

 Mays dis moy derechef, je te prie, homme vil et abject, es tu pas ridicule quand tu penses avoir part en la gloire de ta conversion parce que tu n'as pas repoussé l'inspiration? n'est ce pas la fantasie des voleurs et tirans, de penser donner la vie a ceux auxquelz ilz ne l'ostent pas? et n'est ce pas une forcenee impieté de penser que tu ayes donné la sainte, efficace et vive activeté a l'inspiration divine, parce que tu ne la luy as pas ostee par ta resistence? Nous pouvons empescher les effeetz de l'inspiration, mais nous ne les luy pouvons pas donner: elle tire sa force et venu de la bonté divine, qui est le lieu de son origine, et non de la volonté humaine, qui est le lieu de son abord.

  A004000763 

 S'indigneroit on pas de la princesse de nostre parabole, si elle se vantoit d'avoir donné la vertu et proprieté aux eaux cordiales et autres medicamens, ou de s'estre guerie elle mesme, parce que si elle n'eust receu les remedes que le roy luy donna et versa dans sa bouche, lhors qu'a moytié morte elle n'avoit presque plus de sentiment, ilz n'eussent point eu d'operation? Ouy, luy diroit-on, ingrate que vous estes, vous pouvies vous opiniastrer a ne point recevoir les remedes, et mesme les ayant receus en vostre bouche vous les pouvies rejetter; mais il n'est pas vray pourtant que vous leur ayés donné la vigueur ou vertu, car ilz l'avoyent [233] par leur proprieté naturelle: seulement, vous aves consenti de les recevoir et qu'ilz fissent leur action; et encor n'eussies-vous jamais consenti, si le roy ne vous eust premierement revigoree et puis sollicitee a les prendre; onques vous ne les eussies receus s'il ne vous eust aydee a les recevoir, ouvrant vostre propre bouche avec ses doigtz et respandant la potion dedans icelle.

  A004000764 

 C'est donq l'inspiration qui imprime en nostre franc arbitre l'heureuse et suave influence, par laquelle non seulement [234] elle luy fait voir la beauté du bien, mais elle l'eschauffe, l'ayde, le renforce et l'esmeut si doucement, que par ce moyen il se plie et escoule librement au parti du bien..

  A004000764 

 Nostre franc arbitre peut arrester et empescher la course de l'inspiration, et quand le vent favorable de la grace celeste enfle les voyles de nostre esprit, il est en nostre liberté de refuser nostre consentement et empescher par ce moyen l'effect de la faveur du vent; mays quand nostre esprit single et fait heureusement sa navigation, ce n'est pas nous qui faisons venir le vent de l'inspiration, ni qui en remplissons nos voyles, ni qui donnons le mouvement au navire de nostre cœur, ains seulement nous recevons le vent qui vient du Ciel, consentons a son mouvement et laissons aller le navire sous le vent, sans l'empescher par la remore de nostre resistence.

  A004000765 

 Et quant a celle qui a conceu la perle et qui est restee engrossee de la rosee, elle n'a rien en cela qu'elle ne tienne du ciel, non pas mesme son ouverture par laquelle elle a receu la rosee; car sans le ressentiment des rayons de l'aurore, qui l'ont doucement excitee, elle ne fust pas venue en la surface de la mer ni n'eust pas ouvert son escaille.

  A004000765 

 Or, le ciel a il pas envoÿé sa rosee et son influence sur l'une et l'autre mereperle? pourquoy donq l'une a-elle par effect produit sa perle, et l'autre non? Le ciel avoit esté liberal pour celle qui est demeuree sterile, autant qu'il estoit requis pour l'emperler et rendre enceinte du bel union; mais elle a empesché l'effect de son benefice, se tenant fermee et couverte.

  A004000765 

 Theotime, si nous avons quelqu'amour envers Dieu, a luy en soit l'honneur et la gloire, qui a tout fait en nous et sans lequel rien n'a esté fait, a nous en soit l'utilité et l'obligation; car c'est le partage de sa divine bonté avec nous: il nous laisse le fruict de ses bienfaitz, et s'en reserve l'honneur et la louange; et certes, puisque nous ne sommes tous rien que par sa grace, nous ne devons rien estre que pour sa gloire.

  A004000769 

 L'esprit humain est si foible, que quand il veut trop curieusement rechercher les causes et raysons de la volonté divine, il s'embarrasse et entortille dans les filetz de mille difficultés desquelles par apres il ne se peut desprendre.

  A004000771 

 Et bien que le tressaint Esprit, parlant en l'Escriture Sainte, rende rayson en plusieurs endroitz de presque tout ce que nous sçaurions desirer, touchant ce que sa Providence fait en la conduite des hommes au saint amour et au salut eternel, si est-ce neanmoins qu'en plusieurs occasions il declare qu'il ne faut nullement se departir du respect qui est deu a sa volonté, de laquelle nous devons adorer le propos, le decret, le bon playsir et l'arrest; au bout duquel, comme souverain Juge et souverainement equitable, il n'est pas raysonnable qu'elle manifeste ses motifs, ains suffit qu'elle die simplement: et pour cause.

  A004000771 

 O Theotime mon ami, jamais, non jamais nous ne devons laisser emporter nostre esprit a ce tourbillon de vent follet, ni penser de treuver une meilleure rayson de la volonté de Dieu que sa volonté mesme, laquelle est souverainement raysonnable, ains la rayson de toutes [236] les raysons, la regle de toute bonté, la loy de toute equité.

  A004000771 

 Que si nous devons charitablement porter tant d'honneur aux decretz des cours souveraines composees de juges corruptibles de la terre et de terre, que de croire qu'ilz n'ont pas esté faitz sans motifs, quoy que nous ne les sachions pas, hé, Seigneur Dieu, avec quelle reverence amoureuse devons-nous adorer l'equité de vostre providence supreme, laquelle est infinie en justice et bonté!.

  A004000772 

 C'est pourquoy ce divin Apostre conclud en cette sorte le long discours qu'il en avoit fait: O profondité des richesses de la sagesse et science de Dieu! que ses jugemens sont incomprehensibles et ses voyes imperceptibles! Qui [237] connoist les pensees du Seigneur? ou qui a esté son conseiller? Exclamation par laquelle il tesmoigne que Dieu fait toutes choses avec grande sagesse, science et rayson, mais en telle sorte neanmoins, que l'homme n'estant pas entré au divin conseil duquel les jugemens et projetz sont infiniment eslevés au dessus de nostre capacité, nous devons devotement adorer ses decretz comme tres equitables, sans en rechercher les motifs qu'il retient en secret par devers soy, affin de tenir nostre entendement en respect et humilité par devers nous..

  A004000772 

 Et qui considerera en tranquillité d'esprit le IX, X et XI chapitre de l'Epistre aux Romains, verra clairement que la volonté de Dieu n'a point rejetté le peuple Juif sans rayson; mais neanmoins cette rayson ne doit point estre recherchee par l'esprit humain, qui, au contraire, est obligé de s'arrester purement et simplement a reverer le decret divin, l'admirant avec amour comme infiniment juste et equitable, et l'aymant avec admiration comme impenetrable et incomprehensible.

  A004000773 

 Escoute une fois et entens! N'es-tu pas tiré? prie affin que tu sois tiré.» «Certes, c'est asses au Chrestien vivant encor de la foy et ne voyant pas ce qui est parfait, mays sçachant seulement en partie, de sçavoir et croire que Dieu ne deslivre personne de la damnation sinon par misericorde gratuite, par Jesus Christ Nostre Seigneur, et qu'il ne damne personne sinon par sa tres equitable verité, par le mesme Jesus Christ Nostre Seigneur: mais de sçavoir pourquoy il deslivre celuy cy plustost que celuy la, recherche qui pourra une si grande profondité de ses jugemens, mais qu'il se garde du precipice;» car «ses decretz ne sont pas pour cela injustes, encor qu'ilz soyent secretz.» «Mais pourquoy deslivre-il donq ceux ci plustost que ceux la? Nous disons derechef: O homme, qui es tu qui respondes a Dieu? S es jugemens sont incomprehensibles et ses voÿes inconneües; et adjoustons ceci: Ne t'enquiers pas des choses qui sont au dessus de toy et ne recherche pas ce qui est au dela de tes forces.» «Or, il ne fait pas misericorde a ceux ausquelz, par une verité tres secrete et tres esloignee des pensees humaines, il juge qu'il ne doit pas departir sa faveur ou misericorde.» [238].

  A004000773 

 «Personne,» dit-il, «ne vient au Sauveur sinon estant tiré: qui c'est qu'il tire et qui c'est qu'il ne tire pas, pourquoy il tire celuy cy et non pas celuy la, n'en veuille pas juger si tu ne veux errer.

  A004000774 

 Et certes, cette response est bien solide; mais, suivant l'advis du divin saint Paul et de saint Augustin, nous ne nous devons pas amuser a cette consideration, laquelle, quoy que bonne, n'est pas toutefois comparable a plusieurs autres que Dieu s'est reservé et qu'il nous fera connoistre en Paradis.

  A004000774 

 Nous voyons quelquefois des enfans jumeaux, dont l'un naist plein de vie et reçoit le Baptesme, l'autre en naissant perd la vie temporelle avant que de renaistre a l'eternelle; l'un, par consequent, est heritier du Ciel, l'autre privé de l'heritage.

  A004000774 

 Or, pourquoy la divine Providence donne-elle des evenemens si divers a une si pareille naissance? Certes, on peut dire que la Providence de Dieu ne viole pas ordinairement les lois de la nature; si que l'un de ces bessons estant vigoureux, et l'autre estant trop foible pour supporter l'effort de la sortie du ventre maternel, celuy ci est mort avant que de pouvoir estre baptizé, et l'autre a vescu; la Providence n'ayant pas voulu empescher le cours des causes naturelles, lesquelles en cette occurrence auront esté la rayson de la privation du Baptesme en celuy qui ne l'a pas eu.

  A004000774 

 «Alhors,» dit saint Augustin, «ce ne sera plus chose secrette pourquoy l'un plustost que l'autre est eslevé, la cause estant esgale de l'un et de l'autre; ni pourquoy des miracles n'ont pas esté faitz parmi ceux entre lesquelz s'ilz eussent esté faitz ilz eussent fait penitence, et ont esté faitz parmi ceux qui n'estoyent pas pour croire.» Et ailleurs, ce mesme Saint, parlant des pecheurs dont Dieu laisse l'un en son iniquité et en releve l'autre: «Or, pourquoy il retient l'un,» dit-il, «et ne retient pas l'autre, il n'est pas possible de le comprendre ni loysible de s'en enquerir, puisqu'il suffit de savoir qu'il depend de luy qu'on demeure debout, et ne vient pas de luy qu'on tumbe;» et derechef: «Cela est caché et tres esloigné de l'esprit humain, au moins du mien.».

  A004000775 

 Et d'autant qu'il n'estoit pas expedient pour nostre salut que nous eussions connoissance de ces secretz, ains nous estoit plus utile de les ignorer pour nous tenir en humilité, pour cela Dieu ne les a pas voulu reveler, et mesme le saint Apostre n'a pas osé s'en enquerir, ains a tesmoigné l'insuffisance de nostre entendement pour ce sujet, lhors qu'il s'est escrié: O profondité des richesses de la sapience et science de Dieu! » Pourroit on parler plus saintement, Theotime, d'un si saint mystere? Aussi, ce sont les paroles d'un tressaint et judicieux Docteur de l'Eglise.

  A004000775 

 Voyla, Theotime, la plus sainte façon de philosopher en ce sujet; c'est pourquoy j'ay tous-jours treuvé admirable et aymable la sçavante modestie et tres sage humilité du Docteur seraphique saint Bonaventure, au [239] discours qu'il fait de la rayson pour laquelle la Providence divine destine les esleuz a la vie eternelle.

  A004000775 

 «Peut estre,» dit il, «que c'est par la prevision des biens qui se feront par celuy qui est tiré, entant qu'ilz proviennent aucunement de la volonté: mais de sçavoir dire quelz biens sont ceux, la prevision desquelz sert de motif a la divine volonté, ni je ne le sçay pas distinctement ni je ne m'en veux pas enquerir, et il n'y a point de rayson que de quelque sorte de convenance, de maniere que nous en pourrions dire quelqu'une, et c'en seroit une autre; c'est pourquoy nous ne sçaurions avec certitude marquer la vraye rayson ni le vray motif de la volonté de Dieu pour ce regard, car, comme dit saint Augustin, bien que la verité en soit tres certaine, elle est neanmoins tres esloignee de nos pensees, de sorte que nous n'en sçaurions rien dire d'asseuré, sinon par la revelation de Celuy auquel toutes choses sont conneües.

  A004000780 

 Combien de fois nous arrive-il d'ignorer comment et pourquoy les œuvres mesmes des hommes se font? Et donques, dit le mesme saint Evesque de Nazianze, «l'artisan n'est pas ignorant, encor que nous ignorons son artifice, ni de mesme, certes, les choses de ce monde [241] ne sont pas temerairement et imprudemment faites, encor que nous ne sachions pas leurs raysons.» Si nous entrons en la boutique d'un horloger, nous treuverons quelquefois un horologe qui ne sera pas plus gros qu'une orange, auquel il y aura neanmoins cent ou deux cens pieces, desquelles les unes serviront a la monstre, les autres a la sonnerie des heures et du resveille-matin; nous y verrons des petites roues dont les unes vont a droite, les autres a gauche, les unes tournent par dessus, les autres par bas, et le balancier qui a coups mesurés va balançant son mouvement de part et d'autre: et nous admirons comme l'art a sceu joindre une telle quantité de si petites pieces les unes aux autres, avec une correspondance si juste, ne sçachans ni a quoy chasque piece sert ni a quel effect elle est faitte ainsy, si le maistre ne le nous dit, et seulement en general nous sçavons que toutes servent pour la monstre ou pour la sonnerie.

  A004000780 

 On dit que les bons Indois s'amuseront des jours entiers aupres d'un horologe pour ouïr sonner les heures a point nommé, et ne pouvans deviner comme cela se fait, ilz ne dient pas pourtant que c'est sans art et rayson, ains demeurent ravis d'amour et d'honneur envers ceux qui gouvernent les horologes, les admirans comme gens plus qu'humains..

  A004000781 

 Et nous sçavons bien en general que ces pieces diversifiees en tant de sortes, servent toutes, ou pour faire paroistre comme en une monstre la tressainte justice de Dieu, ou pour manifester la triomphante misericorde de sa bonté, comme par une sonnerie de louange; mays de connoistre en particulier l'usage de chasque piece, ou comme elle est ordonnee a la fin generale, ou pourquoy elle est faite ainsy, nous ne le pouvons pas entendre, sinon que le souverain Ouvrier nous l'enseigne.

  A004000782 

 Croyons donq, que comme Dieu est le facteur et Pere de toutes choses, aussi en a-il le soin par sa providence qui serre et embrasse toute la machine des creatures, et sur tout croyons qu'il preside a nos affaires, de nous autres qui le connoissons, encor que nostre vie soit agitee de tant de contrarietés d'accidens: dont la rayson nous est inconneüe affin, peut estre, que ne pouvans pas arriver a cette connoissance, nous admirions la rayson souveraine de Dieu qui surpasse toutes choses; car, envers nous, la chose est aysement mesprisee qui est aysement conneüe, mais ce qui surpasse la pointe de nostre esprit, plus il est difficile d'estre entendu, plus aussi il nous excite a une grande admiration.» Certes, les raysons de la providence celeste seroyent bien basses si nos petitz espritz y pouvoyent atteindre; elles seroyent moins aymables en leur suavité et moins admirables en leur majesté, si elles estoyent moins esloignees de nostre capacité..

  A004000782 

 «Nous ressemblons,» dit derechef le grand Nazianzene, «a ceux qui sont affligés du vertigo ou tournoyement de teste: il leur est advis que tout tourne sans dessus dessous autour d'eux, bien que ce soit leur cervelle et imagination qui tournent, et non pas les choses; car ainsy, rencontrans quelques evenemens desquelz les causes nous sont inconneües, il nous semble que les choses du monde sont administrees sans rayson parce que nous ne la sçavons pas.

  A004000783 

 Exclamons donques, Theotime, en toutes occurrences, mais exclamons d'un cœur tout amoureux envers la providence toute sage, toute puissante et toute douce de nostre Pere eternel: O profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu! O Seigneur Jesus, Theotime, que les richesses de la bonté divine sont excessives! Son amour envers nous est un abisme incomprehensible; c'est pourquoy il nous a preparé une [243] riche suffisance, ou plustost une riche affluence de moyens propres pour nous sauver, et pour les nous appliquer suavement il use d'une sagesse souveraine, ayant par son infinie science preveu et conneu tout ce qui estoit requis a cet effect.

  A004000784 

 Car, qui peut penetrer le sens, l'intelligence et l'intention de Dieu? Qui a esté son conseiller pour sçavoir ses projetz et leurs motifs? ou qui l'a jamais prevenu par quelque service? N'est-ce pas luy, au contraire, qui nous previent es benedictions de sa grace pour nous couronner en la felicité de sa gloire? Ah, Theotime, toutes choses sont de luy qui en est le createur, toutes choses sont par luy qui en est gouverneur, toutes choses sont en luy qui en est le protecteur; a luy soit honneur et gloire es siecles des siecles, Amen.

  A004000784 

 Ces jugemens sont incomprehensibles, ou, comme lit saint Gregoire Nazianzene, ilz sont inscrutables, c'est a dire, nous n'en sçaurions reconnoistre et penetrer les motifs; les voyes et moyens par lesquelz il les execute et conduit a chef ne peuvent estre discernés et reconneus, et, pour bon sentiment que nous ayons, nous demeurons en defaut a chasque bout de champ et en perdons la trace.

  A004000788 

 Certes, la vie d'un homme qui, tout alangouri, va petit a petit mourant dans un lit, ne merite presque plus que l'on l'appelle vie, puisque encor qu'elle soit vie, elle est toutefois tellement meslee avec la mort, qu'on ne sçauroit dire si c'est une mort encor vivante ou une vie mourante.

  A004000788 

 Et cet amour qui est en son declin et qui va perissant et defaillant, est appellé amour imparfait; parce que, encores qu'il soit entier en l'ame, il n'y est pas ce semble entierement, c'est a dire, il ne tient quasi plus a l'ame et est sur le point de l'abandonner.

  A004000788 

 Helas, que c'est un piteux spectacle, Theotime! Mais bien plus lamentable est l'estat d'une ame laquelle, ingrate a son Sauveur, va de moment en moment en arriere, se retirant de l'amour divin par certains degrés d'indevotion et de desloyauté, jusques a tant que, l'ayant du tout quitté, elle demeure en l'horrible obscurité de perdition.

  A004000788 

 La charité, tandis qu'elle est en nous, produit force actions d'amour envers Dieu, par le frequent exercice desquelles nostre ame prend une certaine habitude et coustume d'aymer Dieu, qui n'est pas la charité, ains seulement un pli et inclination que la multitude des actions a donné a nostre cœur.

  A004000788 

 Or, la charité estant separee de l'ame par le peché, il y reste maintefois une certaine ressemblance de charité qui nous peut decevoir et amuser vainement; et je vous diray que c'est.

  A004000789 

 Apres avoir fait une longue habitude de prescher ou dire la Messe par election, il nous arrive maintefois en songe de parler et dire les mesmes choses que nous dirions en preschant ou celebrant: si que la coustume et habitude acquise par election et vertu, est en quelque sorte prattiquee par apres sans election et sans vertu, puisque les actions faites en dormant n'ont de la vertu, a parler generalement, qu'une apparente image, et en sont seulement des simulacres et representations.

  A004000791 

 Et neanmoins, il y a bien de la difference entre la charité et l'amour humain qu'elle produit en nous: car la voix de la charité prononce, intime et opere tous les commandemens de Dieu dedans nos cœurs; l'amour humain qui reste apres elle, les dit voirement et intime quelquefois tous, mais il ne les opere jamais tous, ains quelques uns seulement; la charité prononce et assemble toutes les syllabes, c'est a dire toutes les circonstances des commandemens de Dieu; cet amour humain en laisse tous-jours quelqu'une en arriere, et sur tout celle de la droite et pure intention.

  A004000791 

 Et quant au ton, la charité l'a fort esgal, doux et gracieux; mais cet amour humain va tous-jours ou trop haut es choses terrestres ou trop bas es celestes, et ne commence jamais sa besoigne qu'apres que la charité a cessé de faire la sienne: car tandis que la charité est en l'ame, elle se sert de cet amour humain, qui est sa creature, et l'employe pour faciliter ses operations, si que, pendant ce tems la, les œuvres de cet amour, comme d'un serviteur, appartiennent a la charité qui en est la dame.

  A004000791 

 Or je veux maintenant dire ainsy: quand le saint amour de charité rencontre une ame maniable et qu'il fait quelque long sejour en icelle, il y produit un second amour, qui n'est pas un amour de charité quoy qu'il provienne de la charité, ains c'est un amour humain, lequel neanmoins ressemble tellement la charité, qu'encores que par apres elle perisse en l'ame, il est advis qu'elle y soit tous-jours, d'autant qu'elle y a laissé apres soy cette sienne image et ressemblance qui la represente; en sorte qu'un ignorant s'y tromperoit, ainsy que les oyseaux firent en la peinture des raysins de Zeuxis, qu'ilz cuyderent estre des vrays raysins, tant l'art avoit proprement imité la nature.

  A004000795 

 Les parfumiers, quoy qu'ilz ne soyent plus en leurs boutiques, portent long tems l'odeur des parfums qu'ilz ont maniés; ainsy ceux qui ont esté es cabinetz des onguens celestes, c'est a dire en la tressainte charité, ilz en gardent encor quelque tems apres la senteur..

  A004000796 

 Quand le cerf a passé la nuit en quelque lieu, la [248] matinee mesme l'assentiment et le vent en est encor frais, le soir il est plus malaysé a prendre; mais a mesme que ses alleures sont vielles et dures, les chiens vont aussi perdant connoissance.

  A004000798 

 Or cet amour imparfait est bon en soy mesme, Theotime, car estant creature de la sainte charité et comme de son train, il ne se peut qu'il ne soit bon; et d'effect, a servi fidelement la charité tandis qu'elle a sejourné dedans l'ame, et est tous-jours prest de la servir si elle y retournoit.

  A004000798 

 Que s'il ne peut faire les actions de l'amour parfait, il n'en est pourtant pas a mespriser, car la condition de sa nature est telle: ainsy les estoiles qui en comparayson du soleil sont fort imparfaites, sont neanmoins extremement belles regardees en particulier, et ne tenant point de rang en la presence du soleil elles en tiennent en son absence..

  A004000799 

 Toutefois, quoy que cet amour imparfait soit bon en soy, il nous est neanmoins perilleux, pour autant que souvent nous nous contentons de l'avoir luy seul, parce [249] que, ayant plusieurs traitz exterieurs et interieurs de la charité, pensans que ce soit elle mesme que nous avons, nous nous amusons et estimons d'estre saintz, tandis qu'en cette vaine persuasion, les pechés qui nous ont privés de la charité croissent, grossissent et multiplient si fort qu'en fin ilz se rendent maistres de nostre cœur.

  A004000800 

 Hé Dieu, n'est-ce pas une grande pitié de voir une ame qui se flatte en cette imagination d'estre sainte, demeurant en repos comme si elle avoit la charité, se treuver toutefois en fin que sa sainteté est fainte, et que son repos n'est qu'une lethargie et sa joye une manie? [250].

  A004000804 

 Mais quel moyen, me dires vous, de discerner si c'est Rachel ou Lia, la charité ou l'amour imparfait, qui me donne les sentimens de devotion dont je suis touché? Si examinant en particulier les objetz des desirs, des affections et des desseins que vous aves presentement, vous en treuves quelqu'un pour lequel vous voulussies contrevenir a la volonté et au bon playsir de Dieu, pechant mortellement, c'est hors de doute que tout le sentiment, toute la facilité et promptitude que vous aves a servir Dieu n'a point d'autre source que de l'amour humain et imparfait; car si l'amour parfait regnoit en vous, o Seigneur Dieu! il romproit toute affection, tout desir, tout dessein duquel l'objet serait si pernicieux, et ne pourroit souffrir que vostre cœur le regardast..

  A004000805 

 Mais remarqués que j'ay dit cet examen devoir estre fait des affections que vous aves presentement; car il n'est pas besoin de vous imaginer celles qui pourroyent naistre par apres, puis qu'il suffit que nous soyons fideles es occurrences presentes, selon la diversité des tems, et que chasque saison a bien asses de son travail et de sa peyne..

  A004000807 

 Quand donq on fait la prattique de cette vaillance par les occurrences futures ou seulement possibles, si on a un sentiment bon et fidele on en remercie Dieu, car ce sentiment est tous-jours bon, mais pourtant on demeure avec humilité entre la confiance et desfiance, esperant que moyennant l'assistance divine on feroit en l'occasion ce qu'on s'imagine, et toutefois, craignant que selon nostre misere ordinaire peut estre n'en ferions nous rien et perdrions courage.

  A004000808 

 Ainsy, mon cher Theotime, il n'est pas necessaire que nous ayons tous-jours le sentiment et mouvement du courage requis a surmonter le lion rugissant qui va ça et la rodant pour nous devorer; cela nous pourroit donner de la vanité et presomption: il suffit bien que nous ayons bon desir de combattre vaillamment, et une parfaite confiance que l'Esprit divin nous assistera de son secours lhors que l'occasion de l'employer se presentera..

  A004000808 

 Samson n'avoit certes pas tous-jours son [252] courage, ains il est marqué en l'Escriture, que le lion des vignes de Tamnatha venant a luy furieusement et rugissant, l'esprit de Dieu le saisit, c'est a dire, Dieu luy donna le mouvement d'une nouvelle force et d'un nouveau courage, et il mit en pieces le lion comme il enst fait un chevreau; et tout de mesme quand il desfit les mille Philistins qui le vouloyent desfaire en la campaigne de Lechi.

  A004000817 

 L'amour n'est autre chose, ainsy que nous avons dit, sinon le mouvement et escoulement du cœur, qui se fait envers le bien par le moyen de la complaysance que l'on a en iceluy; de sorte que la complaysance est le grand motif de l'amour, comme l'amour est le grand mouvement de la complaysance..

  A004000818 

 Nous sçavons par la foy que la Divinité est un abisme incomprehensible de toute perfection, souverainement infini en excellence et infiniment souverain en bonté; et cette verité que la foy nous enseigne, nous la considerons attentivement par la meditation, regardans cette immensité de biens qui sont en Dieu, ou tous ensemble [255] par maniere d'assemblage de toutes perfections, ou distinctement considerant ses excellences l'une apres l'autre: comme par exemple, sa toute puissance, sa toute sagesse, sa toute bonté, son eternité, son infinité.

  A004000818 

 O que beni soit a jamais mon Dieu dequoy il est si bon! hé, que je meure ou que je vive, je suis trop heureuse de sçavoir que mon Dieu est si riche en tous biens, que sa bonté est si infinie et son infinité si bonne..

  A004000818 

 Or, quand nous avons rendu nostre entendement fort attentif a la grandeur des biens qui sont en ce divin object, il est impossible que nostre volonté ne soit touchee de complaysance en ce bien, et lhors nous usons de nostre liberté et de l'authorité que nous avons sur nous mesmes, provoquans nostre propre cœur a repliquer et renforcer sa premiere complaysance par des actes d'approbation et res-jouissance: O, dit alhors l'ame devote, que vous estes beau, mon Bienaymé, que vous estes beau! vous estes tout desirable, ains vous estes le desir mesme; tel est mon Bienaymé, et il est l'Ami de mon cœur, o filles de Hierusalem.

  A004000819 

 Ainsy, appreuvans le bien que nous voyons en Dieu et nous res-jouissans d'iceluy, nous faysons l'acte d'amour que l'on appelle complaysance, car nous nous playsons du playsir divin infiniment plus que du nostre propre; et c'est cet amour qui donnoit tant de contentement aux Saintz quand ilz pouvoyent raconter les perfections de leur Bienaymé, et qui leur faisoit prononcer avec tant de suavité que Dieu estoit Dieu.

  A004000819 

 Il est Dieu de nostre cœur par cette complaysance, d'autant que par icelle nostre cœur l'embrasse et le rend sien; il est nostre heritage, d'autant que par cet acte nous jouissons des biens qui sont en Dieu, et comme d'un heritage nous en tirons toute sorte de playsir et de contentement.

  A004000819 

 Or sçachés, disoyent ilz, que le Seigneur il est Dieu; O Dieu, mon Dieu, mon Dieu, vous estes mon Dieu; J'ay dit au Seigneur, vous estes mon Dieu; Dieu de mon cœur, et mon Dieu est le lot de mon héritage eternellement.

  A004000820 

 Ainsy une ame esprise de l'amoureuse complaysance qu'elle prend a considerer la Divinité, et en icelle une infinité d'excellences, elle en attire aussi dans son cœur les couleurs, c'est a dire la multitude des merveilles et perfections qu'elle contemple, et les rend siennes par le contentement qu'elle y prend..

  A004000821 

 Tel est le doux et noble larcin d'amour, qui sans decolorer le Bienaymé se colore de ses couleurs, sans le despouiller se revest de sa robbe, sans luy rien oster prend tout ce qu'il a, et sans l'appauvrir s'enrichit de ses biens; comme l'air prend la lumiere sans amoindrir la splendeur originaire du soleil, et le miroüer la grace du visage sans diminuer celle de l'homme qui se mire..

  A004000822 

 Cette ame, donques, avoit une telle complaysance et se sentoit tant honnoree en la bonté divine qui reluit en la vie, mort et passion du Sauveur, qu'il ne prenoit aucun playsir qu'en cet honneur; et c'est cela qui luy fait dire: Ja n'advienne que je me glorifie sinon en la Croix de mon Sauveur; comme il dit aussi, qu'il ne vivoit pas luy mesme, ains Jesus Christ vivoit en luy.

  A004000826 

 En somme, l'aphorisme des medecins est vray, que ce qui est savouré nourrit; et celuy des philosophes: ce qui plaist, paist..

  A004000826 

 Nous nous paissons avec luy de sa douceur par le playsir que nous y prenons, et rassasions nostre cœur es perfections divines par l'ayse que nous en avons: et ce repas est un souper a cause du repos qui le suit, la complaysance nous faysant doucement reposer en la suavité du bien qui nous delecte et duquel nous repaissons nostre cœur; car, comme vous sçaves, Theotime, le cœur se paist des choses esquelles il se plaist, si que, en nostre langue françoise, on dit que l'un se paist de l'honneur, l'autre des richesses, comme le Sage avoit dit que la bouche des folz se paist d'ignorance; et la souveraine Sagesse proteste que sa viande, c'est a dire son playsir, n'est autre chose que de faire la volonté de son Pere.

  A004000826 

 O Dieu, que l'ame est heureuse qui prend son playsir a sçavoir et connoistre que Dieu est Dieu et que sa bonté est une infinie bonté; car ce celeste Espoux, par cette porte de la complaysance, entre en elle et soupe avec nous, comme nous avec luy.

  A004000828 

 Ah, les justes et bons vous ayment! et comme pourroit-on estre bon et n'aymer pas une si grande bonté? Les princes terrestres ont leurs tresors es cabinetz de leur palais, leurs armes en leurs arsenalz: mays le Prince celeste, il a son tresor en son sein, ses armes dans sa poitrine; et parce que son tresor est sa bonté, comme ses armes sont ses amours, son sein et sa poitrine ressemble a celle d'une douce mere qui a deux beaux tetins comme deux cabinetz, riches en douceur de bon lait, armés d'autant de traitz pour assujettir le cher petit poupon comme il en peut faire de traittes en tettant..

  A004000829 

 Certes, la nature a logé les tetins en la poitrine affin que la chaleur du cœur y faisant la concoction du lait, comme la mere est la nourrice de l'enfant le cœur d'icelle en fust aussi le nourricier, et que le lait fust une viande toute d'amour, meilleure cent fois que le vin.

  A004000829 

 Le vin, Theotime, est le lait des raysins, et le lait est le vin des tetins: aussi l'Espouse sacree dit que son Bienaymé est raysin pour elle, mais raysin cyprin, c'est a dire d'une odeur excellente.

  A004000829 

 Moyse dit que les Israëlites pouvoyent boire le sang tres pur et tres bon du raysin; et Jacob, descrivant a son filz Judas la fertilité du lot qu'il auroit en la Terre promise, prophetisa sous cette figure la veritable felicité des Chrestiens, disant que le Sauveur laveroit sa robbe, c'est a dire la sainte Eglise, au sang du raysin, c'est a dire en son propre sang.

  A004000830 

 Le lait, qui est une viande cordiale toute d'amour, represente la science et theologie mystique, c'est a dire le doux savourement provenant de la complaysance amoureuse que l'esprit reçoit lhors qu'il medite les perfections de la Bonté divine; mais le vin signifie la science ordinaire et acquise qui se tire a force de speculation, sous le pressoir de plusieurs argumens et disputes.

  A004000831 

 Helas, l'ame qui tient par amour son Sauveur entre les bras de ses affections, combien delicieusement sent-elle les parfums des perfections infinies qui se retreuvent en luy, et avec quelle complaysance dit-elle en soy mesme: Ah, voyci que la senteur de mon Dieu est comme la senteur d'un jardin fleurissant! hé, que ses mammelles sont pretieuses, respandans des parfums souverains! Ainsy l'esprit du grand saint Augustin, balançant entre les sacrés contentemens qu'il avoit a considerer d'un costé le mystere de la naissance de son Maistre, et de l'autre part le mystere de la Passion, s'escrioit tout ravi en cette complaysance:.

  A004000831 

 Quand le saint homme Isaac embrassa et baysa son cher enfant Jacob, il sentit la bonne odeur de ses [262] vestemens, et soudain, parfumé d'un playsir extreme: O, dit-il, voyci que l'odeur de mon filz est comme l'odeur d'un champ fleuri que Dieu a beni; l'habit et le parfum estoit en Jacob, mais Isaac en eut la complaysance et res-jouissance.

  A004000841 

 Or, quand nous accroissons et renforçons cette premiere complaysance par le moyen [263] de l'exercice de l'amour, ainsy que nous avons declaré es chapitres precedens, alhors nous attirons dedans nostre cœur les perfections divines, et jouissons de la divine bonté par la res-jouissance que nous y prenons, prattiquans cette premiere partie du contentement amoureux que l'Espouse sacree exprime disant: Mon Bien-aymé est a moy; mays parce que cette complaysance amoureuse estant en nous qui l'avons, ne laisse pas d'estre en Dieu en qui nous la prenons, elle nous donne reciproquement a sa divine bonté: si que par ce saint amour de complaysance nous jouissons des biens qui sont en Dieu comme s'ilz estoyent nostres, mays parce que les perfections divines sont plus fortes que nostre esprit, entrant en iceluy elles le possedent reciproquement; de sorte que nous ne disons pas seulement que Dieu est nostre par cette complaysance, mais aussi que nous sommes a luy..

  A004000842 

 Ainsy nostre cœur s'estant mis en la presence de la divine bonté et ayant attiré les perfections d'icelle par la complaysance qu'elle y prend, peut dire en verité: la bonté de Dieu est toute mienne, puisque je jouis de ses excellences, et moy je suis tout sien, puisque ses contentemens me possedent..

  A004000842 

 L'herbe aproxis (ainsy que nous avons dit ailleurs) a une si grande correspondance avec le feu, qu'encor qu'elle en soit esloignee, soudain neanmoins qu'elle est a son aspect elle attire la flamme et commence a brusler, concevant son feu non tant a la chaleur qu'a la lueur de celuy qu'on luy presente.

  A004000842 

 Quand donques par cette attraction elle s'est unie au feu, si elle sçavoit parler ne pourroit-elle pas dire: Mon bienaymé feu est mien, puisque je l'ay attiré a moy et que je jouis de ses flammes; mais moy je suis aussi a luy, car si je l'ay tiré a moy, il me reduit en luy comme plus fort et plus noble: il est mon feu et je suis son herbe, je l'attire et il me brusle.

  A004000843 

 Par la complaysance, nostre ame, comme une toison de Gedeon, se remplit toute de la rosee celeste; et cette rosee est a la toison parce qu'elle est descendue en icelle, mais reciproquement la toison est a la rosee [264] parce qu'elle est detrempee par icelle et en reçoit le prix.

  A004000843 

 Qui est plus l'un a l'autre, ou la perle a l'ouïtre, ou l'ouïtre a la perle? La perle est a l'ouïtre qui l'a attiree a soy, mais l'ouïtre est a la perle laquelle luy donne la valeur et l'estime.

  A004000844 

 Mais comme donq se peut il entendre que les Anges qui voyent le Redempteur, et en iceluy tous les mysteres de nostre salut, desirent neanmoins encor de le voir? Theotime, ilz le voyent, certes, tous-jours, mais d'une veüe si aggreable et delicieuse que la complaysance qu'ilz en ont les assouvit sans leur oster le desir, et les fait desirer sans leur oster l'assouvissement; la jouissance n'est pas diminuee par le desir, ains en est perfectionnee, comme leur desir n'est pas estouffé, ains affiné par la jouissance..

  A004000845 

 La jouissance d'un bien qui contente tous-jours ne flestrit jamais, ains se renouvelle et fleurit sans cesse, elle est tous-jours aymable, tous-jours desirable; le continuel contentement des celestes amoureux produit un desir perpetuellement content, comme leur continuel desir fait naistre en eux un contentement perpetuellement desiré.

  A004000845 

 Le bien qui est fini termine le desir quand [265] il donne la jouissance et oste la jouissance quand il donne le desir, ne pouvant estre possedé et desiré tout ensemble; mais le bien infini fait regner le desir dans la possession et la possession dans le desir, ayant dequoy assouvir le desir par sa sainte presence et dequoy le faire tous-jours vivre par la grandeur de son excellence, laquelle nourrit en tous ceux qui la possedent un desir tous-jours content et un contentement tous-jours desireux..

  A004000846 

 Les espritz perdus ont un mouvement eternel sans nul meslange de tranquillité; nous autres mortelz, qui sommes encor en ce pelerinage, avons tantost du repos, tantost du mouvement en nos affections; les espritz bienheureux ont tous-jours le repos en leurs mouvemens et le mouvement en leur repos, n'y ayant que Dieu seul qui ait le repos sans mouvement, parce qu'il est souverainement un acte pur et substantiel.

  A004000846 

 Or, bien que selon la condition ordinaire de cette vie mortelle nous n'ayons pas le repos en nostre mouvement, si est-ce toutefois, que lhors que nous faisons les essais des exercices de la vie immortelle, c'est a dire, que nous prattiquons les actes du saint amour, nous treuvons du repos dans le mouvement de nos affections et du mouvement au repos de la complaysance que nous avons en nostre Bienaymé, recevans par ce moyen des avant-goustz de la future felicité a laquelle nous aspirons..

  A004000847 

 S'il est vray que le cameleon vive de l'air, par tout [266] ou il va dans l'air il a dequoy se repaistre: que s'il se remue d'un lieu a l'autre, ce n'est pas pour chercher dequoy se rassasier, mais pour s'exercer dedans son aliment comme les poissons dedans la mer.

  A004000851 

 En somme, Theotime, l'ame qui est en l'exercice de l'amour de complaysance crie perpetuellement en son sacré silence: Il me suffit que Dieu soit Dieu, que sa bonté soit infinie, que sa perfection soit immense; que je meure ou que je vive il importe peu pour moy, puisque mon cher Bienaymé vit eternellement d'une vie toute triomphante.

  A004000851 

 La mort mesme ne peut attrister le cœur qui sçait que son souverain amour est vivant; c'est asses pour l'ame qui ayme, que celuy qu'elle ayme plus que soy mesme soit comblé de biens eternelz, puisqu'elle vit plus en celuy qu'elle ayme qu'en celuy qu'elle anime, ains qu'elle ne vit pas elle mesme, mais son Bienaymé vit en elle.

  A004000855 

 La compassion, condoleance, commiseration ou misericorde n'est autre chose qu'une affection qui nous fait participer a la passion et douleur de celuy que nous aymons, tirant la misere qu'il souffre dans nostre cœur: dont elle est appellee misericorde, comme qui diroit, une misere de cœur, comme la complaysance tire dedans le cœur de l'amant le playsir et contentement de la chose aymee.

  A004000855 

 Or c'est l'amour qui fait l'un et l'autre effect par la vertu qu'il a d'unir le cœur qui ayme a ce qui est aymé, rendant par ce moyen les biens et les maux des amis, communs; et ce qui se passe en la compassion, donne beaucoup de clarté a ce qui regarde la complaysance..

  A004000856 

 Helas, les mesmes clouz qui crucifierent le cors de ce divin Enfant crucifierent aussi le cœur de la Mere, les mesmes espines qui percerent son chef outrepercerent l'ame de cette Mere toute douce; elle eut les mesmes miseres de son Filz par commiseration, les mesmes douleurs par condoleance, les mesmes passions par compassion; et en somme, l'espee de la mort qui transperça le cors de ce tresaymé Filz outreperça de mesme le cœur de cette tres amante Mere: dont elle pouvoit bien dire qu'il luy estoit un bouquet de myrrhe au milieu de ses mammelles, c'est a dire en sa poitrine et au milieu de son cœur.

  A004000856 

 Jacob ayant la triste, quoy que fause nouvelle de la mort de son cher Joseph, vous voyes quelle affliction il en sent: Ah, dit-il, je descendray en regret aux enfers, c'est a dire au Limbe, dans le sein d'Abraham, vers cet enfant..

  A004000857 

 On void pour cela Cesar pleurer sur Pompee; et les filles de Hierusalem ne sceurent jamais s'empescher de pleurer sur Nostre Seigneur, bien que la pluspart d'entr'elles ne luy fussent pas grandement affectionnees; comme aussi les amis de Job, quoy que mauvais amis, firent des grans gemissemens voyans l'effroyable spectacle de son incomparable misere; et quel grand coup de douleur au cœur de Jacob, de penser que son cher enfant estoit trespassé d'une mort si cruelle comme est celle d'estre devoré d'une beste sauvage? Mais la commiseration, outre tout cela, se renforce merveilleusement par la presence de l'object miserable: pour cela la pauvre Agar s'esloignoit de son filz languissant, affin d'alleger en quelque sorte la douleur de compassion [269] qu'elle sentoit, disant: Je ne verray pas mourir l'enfant; comme au contraire Nostre Seigneur pleure voyant le sepulchre de son bienaymé Lazare et regardant sa chere Hierusalem; et nostre bon homme Jacob est outré de douleur quand il void la robbe ensanglantee de son pauvre petit Joseph..

  A004000858 

 Mais qu'est-ce a dire, il revescut ou il resuscita? Theotime, les espritz ne meurent de leur propre mort que par le peché, qui les separe de Dieu lequel est leur vraye vie surnaturelle, mais ilz meurent quelquefois de la mort d'autruy; et cela arriva au bon Jacob duquel nous parlons, car l'amour, qui tire dans le cœur de l'amant le bien et le mal de la chose aymee, l'un par complaysance, l'autre par commiseration, tira la mort de l'aymable Joseph dans le cœur de l'amant Jacob; et par un miracle impossible a toute autre puissance qu'a celle de l'amour, l'esprit de ce bon pere estoit plein de la mort de celuy qui estoit vivant et regnant, d'autant que l'affection ayant esté trompee devança l'effect..

  A004000858 

 Or, autant de causes aggrandissent la complaysance: a mesure que l'ami nous est plus cher, nous avons plus de playsir en son contentement, et son bien entre plus avant en nostre ame; que si le bien est excellent, nostre joye en est aussi plus grande; mais si nous voyons l'ami en la jouissance d'iceluy, nostre res-jouissance en devient extreme.

  A004000859 

 Ainsy donq il revescut d'une nouvelle vie, parce que la vie de son filz entra dans son esprit par complaysance et l'anima d'un contentement non pareil, duquel se treuvant assouvi et ne tenant plus conte d'aucun autre playsir en comparayson d'iceluy: Il me suffit, dit-il, si mon enfant Joseph est en vie.

  A004000859 

 O Dieu, Theotime, quelle joye, et que ce viellard l'exprime excellemment! car, que veut-il dire par ces paroles: Maintenant je mourray content, puisque j'ay veu ta face, sinon que son allegresse est si grande qu'elle est capable de rendre joyeuse et aggreable la mort mesme, qui est la plus triste et horrible chose du monde?.

  A004000860 

 Dites-moy, je vous prie, Theotime, qui ressent plus le bien de Joseph, ou luy qui en jouit, ou Jacob qui s'en res-jouit? Certes, si le bien n'est bien que pour le contentement qu'il nous donne, le pere en a autant et plus que le filz; car le filz, avec la dignité de vice-roy qu'il possede, a par consequent beaucoup de soin et d'affaires, mais le pere jouit par complaysance et possede purement ce qui est de bon en cette grandeur et dignité de son filz, sans charge, sans soin et sans peyne.

  A004000860 

 Je mourray joyeux, dit-il: helas, qui ne void son contentement? si la mort mesme ne peut troubler sa joye, qui la pourra donq jamais alterer? si son ayse vit emmi les detresses de la mort, qui la pourra jamais esteindre? L'amour est fort comme la mort, et les allegresses de l'amour surmontent les tristesses de la mort, car la mort ne les peut faire mourir, ains les avive: si que, comme il y a un feu qui par merveille se nourrit en une fontayne proche de Grenoble, ainsy que nous sçavons fort asseurement et que mesme le grand saint Augustin atteste, aussi la sainte charité est si forte qu'elle nourrit ses flammes et ses consolations emmi les plus tristes angoisses de la mort, et les eaux des tribulations ne peuvent esteindre son feu.

  A004000865 

 Helas, il souffre des douleurs insupportables, ce divin Amant bienaymé, c'est cela qui m'attriste et me fait pasmer d'angoisse; mais il prend playsir a souffrir, il ayme ses tourmens et meurt d'ayse de mourir de douleur pour moy: c'est pourquoy, comme je suis dolente de ses douleurs, je suis aussi toute ravie d'ayse de son amour; non seulement je m'attriste avec luy, mais je me glorifie en luy..

  A004000865 

 L'amour esgale les amans: hé, je le voy, ce cher Amant, qu'il est un feu d'amour bruslant dans un buisson espineux de douleur, et j'en suis toute de mesme, je suis toute enflammee d'amour dedans les haillers de mes douleurs, je suis un lis environné d'espines, Hé, ne veuillés pas regarder seulement les horreurs de mes poignantes douleurs, mays voyés la beauté de mes aggreables amours.

  A004000865 

 Pour cela donques la beauté de l'amour est en la laideur de la douleur.

  A004000866 

 Ainsy naist l'union pretieuse de nostre coeur avec son Dieu, laquelle, comme un Benjamin mystique, est enfant de douleur et de joye tout ensemble..

  A004000866 

 Car de mesme l'amoureuse complaysance que nous avons prise en l'amour de Nostre Seigneur, rend infiniment plus forte la compassion que [273] nous avons de ses douleurs, comme reciproquement, repassans de la compassion des douleurs a la complaysance des amours, le playsir en est bien plus ardent et relevé.

  A004000866 

 Ce fut cet amour, Theotime, qui attira sur l'amoureux seraphique saint François les stigmates, et sur l'amoureuse angelique sainte Catherine de Sienne les ardentes blesseures du Sauveur: la complaysance amoureuse ayant aiguisé les pointes de la compassion douloureuse, ainsy que le miel rend plus penetrant et sensible l'amertume de l'absynthe, comme au contraire la souefve odeur des roses est affinee par le voysinage des aulx qui sont plantés pres des rosiers.

  A004000867 

 Il ne se peut dire, Theotime, combien le Sauveur desire d'entrer en nos ames par cet amour de complaysance douloureuse: Helas, dit-il, ouvre-moy, ma chere seur, ma mie, ma colombe, ma toute-pure, car ma teste est toute pleine de rosee, et mes cheveux des gouttes de la nuit.

  A004000867 

 Qui est cette rosee, et qui sont ces gouttes de la nuit, sinon les afflictions et peynes de sa Passion? Les perles, certes (comme nous avons dit asses souvent), ne sont autre chose que gouttes de la rosee que la fraicheur de la nuit espluÿe sur la face de la mer, receües dans les escailles des ouïtres ou mereperles.

  A004000871 

 En l'amour que Dieu exerce envers nous, il commence tous-jours par la bienveuillance, voulant et faisant en nous tout le bien qui y est, auquel par apres il se complait.

  A004000872 

 Mais nostre amour envers Dieu commence, au contraire, par la complaysance que nous avons en la souveraine bonté et infinie perfection que nous sçavons estre en la Divinité, puis nous venons a l'exercice de la bienveuillance: et comme la complaysance que Dieu prend en ses creatures n'est autre chose qu'une continuation de sa bienveuillance envers elles, aussi la bienveuillance que nous portons a Dieu n'est autre chose qu'une approbation et perseverance de la complaysance que nous avons en luy..

  A004000873 

 Ah! mais pourtant, o le sacré Bienaymé de mon ame, je ne desire pas de pouvoir desirer aucun bien a vostre Majesté, ains je me complais de tout mon cœur en ce supreme degré de bonté que vous aves, auquel ni par desir ni mesme par pensee on ne peut rien adjouster; mais si ce desir estoit possible, o Divinité infinie, o Infinité divine, mon ame voudroit estre ce desir et n'estre rien autre que cela, tant elle desireroit de desirer pour vous ce qu'elle se complait infiniment de ne pouvoir pas desirer, puisque l'impuissance de faire ce desir provient de l'infinie infinité de vostre perfection qui surpasse tout souhait et toute pensee! Hé, que j'ayme cherement l'impossibilité de vous pouvoir desirer aucun bien, o mon Dieu, puisqu'elle provient de l'incomprehensible immensité de vostre abondance, laquelle est si souverainement infinie, que s'il se treuvoit un desir infini il serait infiniment assouvi par l'infinité de vostre bonté, qui le convertirait en une infinie complaysance..

  A004000873 

 Ne pouvans donq point faire aucun desir absolu pour Dieu, nous en faisons des imaginaires et conditionnelz en cette sorte: Je vous ay dit, Seigneur, vous estes mon Dieu, qui, tout plein de vostre infinie bonté, ne pouves avoir indigence ni de mes biens ni de chose quelconque; mais si, par imagination de chose impossible, je pouvois penser que vous eussies besoin de quelque bien, je ne cesserois jamais de vous le souhaitter au prix de ma vie, de mon estre et de tout ce qui est au monde.

  A004000873 

 Or cet amour de bienveuillance envers Dieu se pratique ainsy: nous ne pouvons desirer d'un vray desir aucun bien a Dieu, parce que sa bonté est infiniment plus parfaite que nous ne sçaurions ni desirer ni penser; le desir n'est que d'un bien futur, et nul bien n'est [275] futur en Dieu, puisque tout bien luy est tellement present que la presence du bien en sa divine Majesté n'est autre chose que la Divinité mesme.

  A004000874 

 Ce desir, donques, par imagination de choses impossibles, peut estre quelquefois utilement prattiqué emmi les grans sentimens et ferveurs extraordinaires; aussi [276] dit-on que le grand saint Augustin en faisoit souvent de pareille sorte, eslançant par exces d'amour ces paroles: Hé, Seigneur, je suis Augustin et «vous estes Dieu; mais si toutefois ce qui n'est ni ne peut estre estoit, que je fusse Dieu et que vous fussies Augustin, je voudrois, en changeant de qualité avec vous, devenir Augustin affin que vous fussies Dieu.».

  A004000875 

 C'est encor une sorte de bienveuillance envers Dieu, quand, considerans que nous ne pouvons l'aggrandir en luy mesme, nous desirons de l'aggrandir en nous, c'est a dire de rendre de plus en plus et tous-jours plus grande la complaysance que nous avons en sa bonté.

  A004000875 

 Et Ihors, mon Theotime, nous ne desirons pas la complaysance pour le playsir qu'elle nous donne, mais parce seulement que ce playsir est en Dieu: car, comme nous ne desirons pas la condoleance pour la douleur qu'elle met en nos cœurs, mais parce que cette douleur nous unit et associe a nostre Bienaymé douloureux, ainsy n'aymons-nous pas la complaysance parce, qu'elle nous rend du playsir, mais d'autant que ce playsir se prend en l'union du playsir et bien qui est en Dieu; auquel pour nous unir davantage, nous voudrions nous complaire d'une complaysance infiniment plus grande, a l'imitation de la tressainte Reyne et Mere d'amour, de laquelle l' ame sacree magnifioit et aggrandissoit perpetuellement Dieu; et affin que l'on sceust que cet aggrandissement se faysoit par la complaysance qu'elle avoit en la divine Bonté, elle declare que son esprit avoit tressailli de contentement en Dieu son Sauveur.

  A004000879 

 Le vray amant n'a presque point de playsir sinon en la chose aymee: ainsy toutes choses sembloyent ordure et boüe au glorieux saint Paul, en comparayson de son Sauveur; et l'Espouse sacree n'est toute que pour son Bienaymé: Mon cher Ami est tout a moy, et moy je suis toute a luy..

  A004000879 

 Un religieux demanda au devot frere Gilles, l'un des premiers et plus saintz compaignons de saint François, ce qu'il pourroit faire pour estre plus aggreable a Dieu, et il luy respondit en chantant: «L'une a l'un, l'une a l'un;» ce que par apres expliquant: «Donnes tous-jours,» dit-il, toute vostre ame, qui est une, a Dieu seul, qui est un.» L'ame s'escoule par les playsirs, et la diversité d'iceux la dissipe et l'empesche de se pouvoir appliquer attentivement a celuy qu'elle doit prendre en Dieu.

  A004000880 

 Que si l'ame qui est en cette sainte affection rencontre [278] les creatures, pour excellentes qu'elles soyent, voire mesme quand ce seroyent les Anges, elle ne s'arreste point avec icelles, sinon autant qu'il faut pour estre aydee et secourue en son desir: Dites moy donques, leur fait elle, dites moy, je vous en conjure, aves vous point veu Celuy qui est l'Ami de mon ame? La glorieuse amante Magdeleine rencontra les Anges au sepulchre, qui luy parlerent sans doute angeliquement, c'est a dire bien suavement, voulans appayser l'ennuy auquel elle estoit; mais au contraire, toute espleuree, elle ne sceut prendre aucune complaysance ni en leur douce parole, ni en la splendeur de leurs habitz, ni en la grace toute celeste de leur maintien, ni en la beauté toute aymable de leurs visages, ains, toute couverte de larmes: Ilz m'ont enlevé mon Seigneur, disoit elle, et je ne sçai ou ilz me l'ont mis.

  A004000881 

 Or, pour encor mieux magnifier ce souverain Bienaymé, l'ame va tous-jours cherchant la face d'iceluy, c'est a dire, avec une attention tous-jours plus soigneuse et ardente, elle va remarquant toutes les particularités des beautés et perfections qui sont en luy, faysant un progres continuel en cette douce recherche de motifs qui la puissent perpetuellement presser de se plaire de plus en plus en l'incomprehensible bonté qu'elle ayme.

  A004000885 

 L'honneur, mon cher Theotime, n'est pas en celuy que l'on honnore, mays en celuy qui honnore; car, combien de fois arrive-il que celuy que nous honnorons n'en sçait rien et n'y a seulement pas pensé? combien de fois louons-nous ceux qui ne nous connoissent pas ou qui dorment? Et toutefois, selon l'estime commune des hommes et leur ordinaire façon de concevoir, il semble que c'est faire du bien a quelqu'un quand on luy fait de l'honneur, et qu'on luy donne beaucoup quand on luy donne des tiltres et des louanges; et nous ne faysons pas difficulté de dire qu'une personne est riche d'honneur, de gloire, de reputation, de louange, encor qu'en verité nous sachions bien que tout cela, est hors de la personne honnoree et que bien souvent elle n'en reçoit aucune sorte de prouffit, suivant ce mot attribué au grand saint Augustin: «O pauvre Aristote, tu es loué ou tu es absent, et tu es bruslé ou tu es present.» Quel bien revient il, je vous prie, a Cesar et Alexandre le Grand, de tant de vaines paroles que plusieurs vaines ames employent a leur louange?.

  A004000886 

 Dieu, comblé d'une bonté qui surmonte toute louange et tout honneur, ne reçoit aucun advantage ni surcroist de bien pour toutes les benedictions que nous luy donnons; il n'en est ni plus riche, ni plus grand, ni plus [281] content, ni plus heureux, car son heur, son contentement, sa grandeur et ses richesses ne sont ni ne peuvent estre que la divine infinité de sa bonté.

  A004000886 

 Toutefois, parce que, selon nostre apprehension ordinaire, l'honneur est estimé l'un des plus grans effectz de nostre bienveuillance envers les autres, et que par iceluy non seulement nous ne presupposons point d'indigence en ceux que nous honnorons, mais plustost nous protestons qu'ilz abondent en excellence, partant nous employons cette sorte de bienveuillance envers Dieu; qui non seulement l'aggree, mais la requiert comme conforme a nostre condition, et si propre pour tesmoigner l'amour respectueux que nous luy devons, que mesme il nous a ordonné de luy rendre et rapporter tout honneur et gloire..

  A004000896 

 Mais ce desir de loüer Dieu que la sainte bienveuillance excite en nos cœurs, Theotime, est insatiable; car l'ame qui en est touchee voudroit avoir des louanges infinies pour les donner a son Bienaymé, parce qu'elle void que ses perfections sont plus qu'infinies: si que, se treuvant bien esloignee de pouvoir satisfaire a son souhait, elle fait des extremes effortz d'affection pour en quelque sorte loüer cette bonté toute louable, et ces effortz de bienveuillance s'aggrandissent admirablement par la complaysance; car a mesure que l'ame treuve Dieu bon, savourant de plus en plus la suavité d'iceluy et se complaysant en son infinie beauté, elle voudroit aussi relever plus hautement les louanges et benedictions qu'elle luy donne.

  A004000899 

 Or l'amant sacré est comme cela: car toutes les facultés de son ame sont autant de tuyaux qu'il a en sa poitrine, pour resonner les cantiques et louanges du Bienaymé; sa devotion, au milieu de toutes, est la langue de son cœur, selon saint Bernard, par laquelle il reçoit la rosee des perfections divines, les sucçant et attirant a soy comme son aliment, par la tressainte complaysance qu'il y prend; et par cette mesme langue de devotion, il fait toutes ses voix d'orayson, de louange, de cantiques, de psalmes, de benedictions, selon le tesmoignage d'une des plus insignes cygales spirituelles qui ait jamais esté ouïe, laquelle chantoit ainsy:.

  A004000906 

 Car n'est ce pas comme s'il eust dit: Je suis une cygale mystique; mon ame, mes espritz, mes pensees, et toutes les facultés qui sont ramassees au dedans de moy sont des orgues: o qu'a jamais tout cela benisse le nom et retentisse les louanges de mon Dieu!.

  A004000916 

 Le cœur atteint et pressé du desir de louer plus qu'il ne peut la divine Bonté, apres divers effortz sort maintefois de soy mesme pour convier toutes les creatures a le secourir en son dessein; comme nous voyons avoir fait les trois enfans en la fornaise, en cet admirable Cantique de benedictions par lequel ilz excitent tout ce qui est au ciel, en la terre et sous terre a rendre graces a Dieu eternel, en le louant et benissant souverainement.

  A004000916 

 Si que ce divin Psalmiste royal ayant composé une grande quantité de [286] Pseaumes, avec cette inscription, Loués Dieu, apres avoir discouru parmi toutes les creatures pour leur faire les saintes semonces de benir la Majesté celeste, et parcouru une grande varieté de moyens et instrumens propres a la celebration des louanges de cette eternelle Bonté, en fin, comme tombant en defaillance d'haleyne, il conclud toute sa sacree psalmodie par cet eslan: Tout esprit loue le Seigneur; c'est a dire: Tout ce qui a vie, ne vive ni ne respire que pour benir le Createur, selon l'encouragement qu'il avoit donné ailleurs:.

  A004000923 

 La complaysance tire les suavités divines dedans le cœur, lequel se remplit si ardemment qu'il en est tout esperdu; mais l'amour de bienveuillance fait sortir nostre cœur de soy mesme et le fait exhaler en vapeurs de parfums delicieux, c'est a dire en toutes sortes de saintes louanges; et ne pouvant neanmoins en tant pousser comme il desireroit: O, dit-il, que toutes les creatures viennent contribuer les fleurs de leurs benedictions, les pommes de leurs actions de graces, de leurs honneurs et de leurs adorations, affin que de toutes pars on sente les odeurs respandues a la gloire de Celuy duquel l'infinie douceur surpasse tout honneur, et que nous ne pouvons jamais bien dignement magnifier..

  A004000924 

 C'est cette divine passion qui fait tant faire de predications, qui fait passer entre tant de hazards les Xaviers, les Berzees, les Anthoines; cette multitude de Jesuites, de Capucins et de religieux, et autres ecclesiastiques de toutes sortes, es Indes, au Jappon, en Maraignan, affin de faire connoistre, reconnoistre et adorer le nom sacré de Jesus emmi ces grans peuples.

  A004000924 

 C'est cette passion sainte qui fait tant escrire de livres de pieté, tant fonder d'eglises, d'autelz, de maysons pieuses; et, en somme, qui fait veiller, travailler et mourir tant de serviteurs de Dieu entre les flammes du zele qui les consume et devore.

  A004000929 

 Mais quelle est cette voix admirable, qui sortant du throsne divin annonce les alleluia aux esleuz, sinon la tressainte complaysance, laquelle estant receüe dedans l'esprit leur fait ressentir la douceur des perfections divines, en suite de laquelle naist en eux l'amoureuse bienveuillance, source vive des louanges sacrees? Ainsy, par effect, la complaysance procedant du throsne vient intimer les grandeurs de Dieu aux Bienheureux, et la bienveuillance les excite a respandre reciproquement devant le throsne les parfums de louange: c'est pourquoy, par maniere de responce, ilz chantent eternellement alleluia, c'est a dire loués Dieu.

  A004000929 

 O que ce temple est aymable, ou tout retentit en louanges! Que de douceur a ceux qui vivent en ce sacré sejour, ou tant de philomeles et rossignolz celestes chantent avec cette sainte contention d'amour les cantiques d'eternelle suavité!.

  A004000931 

 Theotime, voyés de grace cet esprit qui, comme un celeste rossignol enfermé dans la cage de son cors, clans laquelle il ne peut chanter a souhait les benedictions de son eternel amour, sçait qu'il gazouilleroit et prattiqueroit mieux son beau ramage s'il pouvoit gaigner l'air, pour jouir de sa liberté et de la societé des autres philomeles entre les gaves et fleurissantes collines de la contree bienheureuse; c'est pourquoy il exclame: Helas, o Seigneur de ma vie, hé, par vostre bonté toute douce, deslivrés-moy, pauvre que je suis, de la cage de mon cors, retirés-moy de cette petite prison, affïn qu'affranchi de cet esclavage je puisse voler ou mes chers compaignons m'attendent la haut au Ciel, pour me joindre a leurs chœurs et m'environner de leur joye! la, Seigneur, alliant ma voix aux leurs, je feray avec eux une douce harmonie d'airs et d'accens delicieux, chantant, louant et benissant vostre misericorde..

  A004000937 

 Ainsy, Theotime, entre tous les chœurs des hommes et tous les chœurs des Anges, on entend cette voix hautaine de la tressainte Vierge, qui, relevee au dessus de tout, rend plus de louange a Dieu que tout le reste des creatures; aussi le Roy celeste la convie tout particulierement a chanter: [292] Monstre-moy ta face, dit-il, o ma Bienaymee, que ta voix sonne a mes oreilles; car ta voix est toute douce, et ta face toute belle..

  A004000938 

 Dieu provoque l'ame et donne la grace requise pour la production des autres [293] louanges, mais celles du Redempteur, luy qui est Dieu les produit luy mesme: c'est pourquoy elles sont infinies..

  A004000938 

 Mays ces louanges que cette Mere d'honneur et de belle dilection, avec toutes les creatures ensemble, donne a la Divinité, quoy qu'excellentes et admirables, sont neanmoins si infiniment inferieures au merite infini de la bonté de Dieu, qu'elles n'ont aucune proportion avec iceluy; et partant, quoy qu'elles contentent grandement la sacree bienveuillance que le cœur amant a pour son Bienaymé, si est-ce qu'elles ne l'assouvissent pas.

  A004000938 

 O quel cantique du Filz pour le Pere! o que ce cher Bienaymé est beau entre tous les enfans des hommes! o que sa voix est douce, comme procedante des levres sur lesquelles la plenitude de la grace est respandue! Tous les autres sont parfumés, mais luy, il est le parfum mesme; les autres sont embaumés, mais luy, il est le baume respandu.

  A004000938 

 Ouy, mon cher Theotime, toutes les benedictions que l'Eglise militante et triomphante donne a Dieu, sont benedictions angeliques et humaines, car si bien elles s'addressent au Createur, toutefois elles procedent de la creature; mais celles du Filz, elles sont divines, car elles ne regardent pas seulement Dieu comme les autres, ains elles proviennent de Dieu, car le Redempteur est vray Dieu.

  A004000939 

 Il a la veüe de chevreuil, pour penetrer plus avant que nul autre en la beauté de l'object sacré qu'il veut louer; il ayme la melodie de la gloire et louange de son Pere plus que tous, c'est pourquoy il fait des tressaillemens de louanges et benedictions au dessus de tous.

  A004000939 

 Tenes, le voyla, ce divin amour du Bienaymé, comme il est derriere la paroy de son humanité; voyés qu'il se fait entrevoir par les playes de son cors et l'ouverture de son flanc, comme par des fenestres, et comme par un treillis au travers duquel il nous regarde..

  A004000940 

 Mais comme [294] ceux qui regardent au travers des treillis voyent et ne sont qu'entreveus, ainsy le divin amour de ce cœur, ou plustost ce cœur du divin amour, void tous-jours clairement les nostres et les regarde des yeux de sa dilection, mais nous ne le voyons pas pourtant, seulement nous l'entrevoyons: car, o Dieu! si nous le voyions ainsy qu'il est, nous mourrions d'amour pour luy puisque nous sommes mortelz, comme luy mesme mourut pour nous tandis qu'il estoit mortel, et comme il en mourrait encor, si maintenant il n'estoit immortel.

  A004000944 

 Elles sont d'infinie valeur, estime et dignité, parce qu'elles procedent d'une personne qui est Dieu, mais elles sont d'essence et nature finie, parce que Dieu les fait selon sa nature et substance humaine, qui est finie.

  A004000944 

 La louange donq qui part du Sauveur entant qu'il est homme, n'estant pas de tout point infinie, elle ne peut correspondre de toutes pars a la grandeur infinie de la Divinité a laquelle elle est destinee: c'est pourquoy, apres le premier ravissement d'admiration qui nous saisit quand nous avons rencontré une louange si glorieuse [296] comme est celle que le Sauveur donne a son Pere, nous ne laissons pas de reconnoistre que la Divinité est encor infiniment plus louable qu'elle ne peut estre louee, ni par toutes les creatures ni par l'humanité mesme du Filz eternel..

  A004000944 

 Toutes les actions humaines de nostre Sauveur sont infinies en valeur et merite, a rayson de la Personne qui les produit, qui est un mesme Dieu avec le Pere et le Saint Esprit; mays elles ne sont pas pourtant de nature et essence infinie.

  A004000945 

 Ainsy, mon Theotime, a mesure que nous montons par bienveuillance vers la Divinité, pour entonner et ouïr ses louanges, nous voyons qu'il est tous-jours au dessus de toute louange, et finalement nous connoissons qu'il ne peut estre loué selon qu'il merite sinon par luy mesme, qui seul peut dignement esgaler sa souveraine bonté par une souveraine louange..

  A004000945 

 Que si c'est cette beauté de la lumiere qui provoque les alouettes a chanter, comme il est fort probable, ce n'est pas merveille si elles chantent plus clairement a mesure qu'elles volent plus hautement, s'eslevant esgalement en chant et en vol, jusques a tant que ne pouvant presque plus chanter elles commencent a descendre de ton et de cors, rabbaissant petit a petit leur vol comme leur voix.

  A004000946 

 Alhors nous exclamons: «Gloire soit au Pere, et au Filz, et au Saint Esprit;» et affin qu'on sçache que ce n'est pas la gloire des louanges creées que nous souhaittons a Dieu par cet eslan, ains la gloire essentielle et eternelle qu'il a en luy mesme, par luy mesme, de luy mesme, et qui est luy mesme, nous adjoustons: «Ainsy qu'il l'avoit au commencement, et maintenant, et tous-jours, et es siecles des siecles, Amen;» comme si nous disions par souhait: Qu'a jamais Dieu soit glorifié de la gloire qu'il avoit avant toute creature, en son infinie eternité et eternelle infinité.

  A004000947 

 Et bien que, au commencement, l'ame amoureuse eut eu quelque sorte de desir de pouvoir asses louer son Dieu, si est-ce que revenant a soy elle proteste qu'elle ne voudroit pas le pouvoir asses louer, ains demeure en une tres humble complaysance, de voir que la divine Bonté est si tres infiniment louable qu'elle ne peut estre suffisamment louee que par sa propre infinité..

  A004000954 

 Le cœur de l'homme n'est jamais tant inquieté que quand on empesche le mouvement par lequel il s'estend et resserre continuellement, et jamais si tranquille que quand il a ses mouvemens libres; de sorte que sa tranquillité est en son mouvement.

  A004000954 

 Or c'en est de mesme de l'amour des Seraphins et de tous les hommes seraphiques; car il a son repos en son continuel mouvement de complaysance, par lequel il tire Dieu en soy comme se resserrant, et de bienveuillance, par lequel il s'estend et jette tout en Dieu.

  A004000964 

 Or, le premier exercice consiste principalement en l'orayson, en laquelle se passent tant de divers mouvemens interieurs qu'il est impossible de les exprimer tous; non seulement a cause de leur quantité, mais aussi a rayson de leur nature et qualité, laquelle estant spirituelle ne peut estre que grandement desliee et presque imperceptible a nos entendemens.

  A004000965 

 Ce traitte est donques difficile, sur tout a qui n'est pas homme de grande orayson..

  A004000965 

 Dieu seul est celuy qui, par son infinie science, void, sonde et penetre tous les tours et contours de nos espritz; il entend nos pensees de loin, il treuve tous nos sentiers, faufilans et destours; sa science en est admirable, elle prevaut au dessus de nostre capacité et nous n'y pouvons atteindre.

  A004000966 

 Nous ne prenons pas ici le mot d'orayson pour la seule priere ou «demande de quelque bien, respandue devant Dieu par les fideles,» comme saint Basile la nomme; mays comme saint Bonaventure, quand il dit que l'orayson, a parler generalement, comprend tous les actes de contemplation, ou comme saint Gregoire Nissene, quand il enseignoit que «l'orayson est un entretien et conversation de l'ame avec Dieu;» ou bien comme saint Chrysostome, quand il asseure que «l'orayson est un devis avec la divine Majesté;» ou en fin comme saint Augustin et saint Damascene, quand ilz disent que l'orayson est «une montee ou eslevement de l'esprit en Dieu.» Oue si l'orayson est un colloque, un «devis» ou une «conversation» de l'ame avec Dieu, par icelle donq nous parlons a Dieu et Dieu reciproquement parle a nous, nous aspirons a luy et respirons en luy, et mutuellement il inspire en nous et respire sur nous..

  A004000967 

 Mays dequoy devisons-nous en l'orayson? quel est le sujet de nostre entretien? Theotime, on n'y parle que de Dieu; car, de qui pourroit deviser et s'entretenir l'amour que du bienaymé? Et pour cela, l'orayson et la theologie mystique ne sont qu'une mesme chose.

  A004000967 

 celle la traitte de Dieu entant qu'il est Dieu, et celle cy en parle entant qu'il est souverainement aymable; c'est a dire, celle la regarde la divinité de la supreme Bonté, et celle ci la supreme bonté de la Divinité.

  A004000968 

 En somme, l'orayson et theologie mystique n'est autre chose qu'une conversation par laquelle l'ame s'entretient amoureusement avec Dieu de sa tres aymable bonté, pour s'unir et joindre a icelle..

  A004000968 

 Le langage des amans est si particulier que nul ne l'entend qu'eux mesmes: Je dors, disoit l'amante sacree, et mon cœur veille; et voyla que mon Bienaymé me parle.

  A004000968 

 Or elle s'appelle mystique parce que la conversation y est toute secrette, et ne se dit rien en icelle entre Dieu et l'ame que de cœur a cœur, par une communication incommunicable a tout autre qu'a ceux qui la font.

  A004000969 

 L'orayson est une manne, pour l'infinité des goustz amoureux et des pretieuses suavités qu'elle donne a ceux qui en usent; mais elle est secrette, parce qu'elle tombe avant la clarté d'aucune science, en la solitude mentale, ou l'ame, traittant seule a seule avec son Dieu, Qui est celle-ci, peut-on dire d'elle, qui monte par le desert, comme une nuee de parfums, de myrrhe, d'encens et de toutes les poudres du parfumeur? Aussi, le desir du secret l'avoit incitee de faire cette supplication a son Espoux: Venés, mon Bienaymé, sortons aux chams, sejournons es villages.

  A004000969 

 Pour cela l'amante celeste est appellee tourterelle, oyseau qui se plait es lieux ombrageux et solitaires, esquelz elle ne se sert de son ramage que pour son unique paron, ou le flattant tandis qu'il est en vie, ou le regrettant apres sa mort.

  A004000969 

 Pour cela, au Cantique, l'Espoux divin et l'Espouse celeste representent leurs amours par un continuel devis; que si leurs amis et amies parlent parfois emmi leur entretien, ce n'est qu'a la desrobbee et de sorte qu'ilz ne troublent point le colloque.

  A004000970 

 L'amour desire le secret, et quoy que les amans n'ayent rien a dire de secret ilz se playsent toutefois a le dire secretement: et c'est en partie, si je ne me trompe, parce qu'ilz ne veulent parler que pour eux mesmes, et disans quelque chose a haute voix il leur est advis que ce n'est plus pour eux seulz, partie parce qu'ilz ne disent pas les choses communes a la façon commune, ains avec des traitz particuliers et qui ressentent la speciale affection avec laquelle ilz parlent Le langage de l'amour est commun quant aux paroles, mais quant a la maniere et prononciation il est si particulier que nul ne l'entend sinon les amans.

  A004000970 

 Le nom d'ami estant dit en commun n'est pas grande chose, mais estant dit a part, en secret, a l'oreille, il veut dire merveilles; et a mesure qu'il est dit plus secretement, sa signification en est plus aymable.

  A004000971 

 Voyes-vous, Theotime, que le silence des amans affligés parle de la prunelle des yeux et par les larmes? Certes, en la theologie mistique [305] c'est le principal exercice de parler a Dieu et d'ouïr parler Dieu au fond du cœur; et parce que ce devis se fait par des tres secretes aspirations et inspirations, nous l'appelions colloque de silence: les yeux parlent aux yeux et le cœur au cœur, et nul n'entend ce qui se dit que les amans sacrés qui parlent..

  A004000975 

 Au premier Psalme, l'homme est dit bienheureux, qui a sa volonté en la loy du Seigneur, et qui meditera en la loy d'iceluy jour et nuit; mais au second Psalme: Pourquoy ont fremi les nations, et les peuples pourquoy ont-ilz medité choses vaines? La meditation, donques, se fait pour le bien et pour le mal: toutefois, d'autant qu'en l'Escriture Sainte le mot de meditation est employé ordinairement pour l'attention que l'on a aux choses divines, affin de s'exciter a les aymer, il a esté, par maniere de dire, canonizé du commun consentement des theologiens, aussi bien que le nom d'ange et de zele, comme au contraire, celuy de dol et de demon a esté diffamé; si que maintenant, quand on nomme la medication, on entend parler de celle qui est sainte, et par laquelle on commence la theologie mystique..

  A004000975 

 Ce mot est grandement en usage dans les Saintes Escritures, et ne veut dire autre chose qu'une attentive et reiteree pensee, propre a produire des affections ou bonnes ou mauvaises.

  A004000976 

 Or toute meditation est une pensee, mais toute pensee n'est pas meditation, Maintefois nous avons des pensees [306] auxquelles nostre esprit s'attache sans dessein ni pretention quelcomque, par maniere de simple amusement, ainsy que nous voyons les mousches communes voler ça et la sur les fleurs sans en tirer chose aucune; et cette espece de pensee, pour attentive qu'elle soit, ne peut porter le nom de meditation, ains doit estre simplement appellee pensee.

  A004000977 

 Ainsy, plusieurs sont tous-jours songears, et attachés a certaines pensees inutiles sans sçavoir presque a quoy ilz pensent, et, ce qui est admirable, ilz n'y sont attentifs que par inadvertance et voudroyent ne point avoir telles cogitations; tesmoin celuy qui disoit: Mes pensees se sont dissipees, tourmentant mon cœur.

  A004000977 

 En somme, la pensee et l'estude se font de toutes sortes de choses; mays la meditation, ainsy que nous en parlons maintenant, ne regarde que les objetz la consideration desquelz nous peut rendre bons et devotz: si que la meditation n'est autre chose qu'une pensee attentive, reiteree ou entretenue volontairement en l'esprit, affin d'exciter la volonté a des saintes et salutaires affections et resolutions..

  A004000979 

 Ainsy celuy qui avoit dit: Je mediteray comme la colombe, exprimant sa conception d'une autre sorte: Je repenseray, dit il, devant vous, o mon Dieu, toutes mes annees en l'amertume de mon ame; car mediter et repenser pour exciter les affections, n'est qu'une mesme chose.

  A004000979 

 Ce qu'en l'un des passages est exprimé par le mot de mediter, est declairé en l'autre par celuy de repenser; et pour monstrer que la pensee reiteree et la meditation tend a nous esmouvoir aux affections, resolutions et actions, il est dit en l'un [309] et l'autre passage, qu'il faut repenser et mediter en la loy pour l'observer et prattiquer.

  A004000979 

 Dont Moyse advertissant le peuple de repenser les faveurs receues de Dieu, il adjouste cette rayson: Affin, dit il, que tu observes ses commandemens, et que tu chemines en ses voyes, et que tu le craignes; et Nostre Seigneur mesme fait ce commandement a Josué: Tu mediteras au livre de la Loy jour et nuit, affin que tu gardes et faces ce qui est escrit en iceluy.

  A004000979 

 En ce sens l'Apostre nous exhorte en cette sorte: Repenses a Celuy qui a receu une telle contradiction des pecheurs, affin que vous ne vous lassies, manquans de courage; quand il dit repenses, c'est autant comme s'il disoit, medités.

  A004000979 

 Et tost apres: Ma colombe, monstre moy ta face, que ta voix resonne a mes oreilles, car ta voix est douce et ta face tres bien seante et gracieuse; il veut dire, Theotime, que l'ame devote luy est tres aggreable quand elle se presente devant luy et qu'elle medite pour s'eschauffer au saint amour spirituel, ainsy que font les colombes pour s'exciter, et leurs parons, a leurs amours naturelz.

  A004000979 

 O comme j'ay cheri vostre loy, mon Seigneur! dit David, c'est tout le jour ma meditation; il medite en la loy parce qu'il la cherit, et il la cherit parce qu'il la medite..

  A004000980 

 Ainsy le bienheureux Isaac, comme un aigneau net et pur, sortoit devers le soir aux chams, pour se retirer, conferer et exercer son esprit avec Dieu, c'est a dire prier et mediter..

  A004000980 

 La meditation n'est autre chose que le ruminement mystique, requis pour n'estre point immonde, auquel une des devotes bergeres qui suivoyent la sacree Sulamite nous invite; car elle asseure que la sainte doctrine est comme un vin pretieux, digne non seulement d'estre beue par les pasteurs et docteurs, mais d'estre soigneusement savouree, et par maniere de dire, maschee et ruminee: Ton gosier, dit elle, dans lequel se forment les paroles saintes, est un vin tres bon, digne de mon Bienaymé pour estre beu, et de ses levres et de ses dens pour estre ruminé.

  A004000981 

 Or telle est l'ame devote en la meditation: elle va de mystere en mystere, non point a la volee ni pour se consoler seulement a voir l'admirable beauté de ces divins objectz, mays destinement et a dessein pour treuver des motifs d'amour ou de quelque celeste affection; et les ayans treuvés elle les tire a soy, elle les savoure, elle s'en charge, et les ayans reduitz et colloqués dedans son cœur, elle met a part ce qu'elle void plus propre pour son avancement, faisant en fin des resolutions convenables pour le tems de la tentation.

  A004000985 

 Theotime, la contemplation n'est autre chose qu'une amoureuse, simple et permanente attention de l'esprit aux choses divines; ce que vous entendres aysement par la comparayson de la meditation avec elle..

  A004000987 

 Et en somme, la meditation est mere de l'amour, mais la contemplation est sa fille: c'est pourquoy j'ay dit que la contemplation estoit une attention amoureuse, car l'on appelle les enfans du nom de leurs peres, et non pas les peres du nom de leurs enfans..

  A004000988 

 Il est vray, Theotime, que comme l'ancien Joseph fut la couronne et la gloire de son pere, luy donna un grand accroissement d'honneurs et de contentemens et le fit rajeunir en sa viellesse, ainsy la contemplation couronne son pere, qui est l'amour, le perfectionne et luy donne le comble d'excellence; car l'amour ayant excité en nous l'attention contemplative, cette attention fait naistre reciproquement un plus grand et fervent amour, lequel en fin est couronné de perfections lhors qu'il jouit de ce qu'il ayme.

  A004000992 

 Mais qui a plus de force, je vous prie, ou l'amour pour faire regarder le Bienaymé ou la veüe pour le faire aymer? Theotime, la connoissance est requise a la production de l'amour, car jamais nous ne sçaurions aymer ce que nous ne connoissons pas; et a mesure que la connoissance attentive du bien s'augmente, l'amour aussi prend davantage de croissance, pourveu qu'il n'y ayt rien qui empesche son mouvement.

  A004000992 

 Mays neanmoins, il arrive maintefois que la connoissance ayant produit l'amour sacré, l'amour ne s'arrestant pas dans les bornes de la connoissance qui est en l'entendement, passe outre et s'avance bien fort au dela d'icelle: si que, en cette vie mortelle, nous pouvons avoir plus d'amour que de connoissance de Dieu; dont le grand saint Thomas asseure que souvent «les plus simples et les femmes abondent en devotion,» et sont ordinairement plus capables de l'amour divin que les habiles gens et sçavans.

  A004000994 

 Si que la connoissance du bien donne la naissance a l'amour, mais non pas la mesure; comme nous voyons que la connoissance d'une injure esmeut la cholere, laquelle, si elle n'est soudain estouffee, devient presque tous-jours plus grande que le sujet ne requiert: les passions ne suivant pas la connoissance qui les esmeut, mais la laissant bien souvent en arriere, elles s'avancent sans mesure ni limite quelcomque devers leur object..

  A004000995 

 Nous fouissons la terre pour treuver l'or et l'argent, employans une peyne presente pour un bien qui n'est encor qu'esperé, de sorte que la connoissance incertaine nous met en un travail present et reel; puis, a mesure que nous descouvrons la veine de la miniere, nous en cherchons tous-jours davantage et plus ardemment.

  A004000995 

 O combien est il vray, selon que saint Augustin s'escrioit, que «les idiotz ravissent les Cieux,» tandis que plusieurs sçavans s'abisment es enfers!.

  A004000995 

 Or cela arrive encor plus fortement en l'amour sacré, d'autant que nostre volonté n'y est pas appliquee par une connoissance naturelle, mays par la lumiere de la foy, laquelle nous asseurant de l'infinité du bien qui est en Dieu, nous donne asses de sujet de l'aymer de tout nostre pouvoir.

  A004000995 

 Un bien petit sentiment eschauffe la meute a la queste; ainsy, cher Theotime, une connoissance obscure, environnee de beaucoup de nuages, comme est celle de la foy, nous affectionne infiniment a l'amour de la bonté qu'elle nous fait appercevoir.

  A004000997 

 Nous aymons extremement les sciences avant que nous les sçachions, dit saint Thomas, «par la seule connoissance confuse et sommaire que nous en avons:» et il faut dire de mesme, que la connoissance de la bonté divine applique nostre volonté a l'amour; mais despuis que la volonté est en train, son amour va de soy mesme croissant par le playsir qu'il sent de s'unir a ce souverain bien.

  A004000998 

 Il faut neanmoins advoüer que la volonté attiree par la delectation qu'elle sent en son object, est bien plus fortement portee a s'unir avec luy quand l'entendement de son costé luy en propose excellemment la bonté, car elle y est alhors tiree et poussee tout ensemble; [317] poussee par la connoissance, tiree par la delectation: si que la science n'est point de soy mesme contraire, ains est fort utile a la devotion, et si elles sont jointes ensemble elles s'entr'aydent admirablement, quoy qu'il arrive fort souvent que, par nostre misere, la science empesche la naissance de la devotion, d'autant que la science enfle et enorgueillit, et l'orgueil, qui est contraire a toute vertu, est la ruine totale de la devotion.

  A004001002 

 La premiere sorte ressemble a la meditation, en laquelle nous considerons, par exemple, les effectz de la misericorde divine, pour nous exciter a son amour; mays la seconde est semblable [318] a la contemplation, en laquelle nous regardons, d'un seul trait arresté de nostre esprit, toute la varieté des mesmes effectz comme une seule beauté composee de toutes ces pieces qui font un seul brillant de splendeur.

  A004001002 

 Les compaignes de l'Espouse sacree luy avoyent demandé quel estoit son Bienaymé, et elle leur respond descrivant admirablement toutes les pieces de sa parfaite beauté: son teint est blanc et vermeil, sa teste d'or, ses cheveux comme un jetton de fleurs de palmes non encor du tout espanouies, ses yeux de colombe, ses joües comme petites tables, planches ou carreaux de jardin, ses levres comme lis, parsemees de toutes odeurs, ses mains annelees de jacinthe, ses jambes comme colomnes de marbre; ainsy va-elle meditant cette souveraine beauté en detail, jusques a ce qu'en fin elle conclud par maniere de contemplation, mettant toutes les beautés en un: Son gosier, dit-elle, est tres suave, et luy il est tout desirable; et tel est mon Bienaymé, et il est mon cher Ami..

  A004001002 

 On peut regarder la beauté d'une riche couronne en deux sortes: ou bien voyant tous ses fleurons et toutes les pierres pretieuses dont elle est composee, l'une apres l'autre; ou bien, apres avoir consideré ainsy toutes les pieces particulieres, regardant tout l'esmail d'icelles ensemble d'une seule et simple veüe.

  A004001003 

 C'est pourquoy le divin Espoux estime tant que sa bienaymee le regarde d' un seul œil, et que sa perruque soit si bien tressee qu'elle ne semble qu' un seul cheveu; car, qu'est-ce regarder l'Espoux d' un seul œil, que de le voir d'une simple veüe attentive, sans multiplier les regars? et qu'est-ce porter ses cheveux ramassés, que de ne point respandre [319] sa pensee en varieté de considerations? O que bienheureux sont ceux qui, apres avoir discouru sur la multitude des motifs qu'ilz ont d'aymer Dieu, reduisans tous leurs regars en une seule veue et toutes leurs pensees en une seule conclusion, arrestent leur esprit en l'unité de la contemplation, a l'exemple de saint Augustin ou de saint Bruno, prononçans secrettement en leur ame, par une admiration permanente, ces paroles amoureuses: O bonté, bonté! O bonté tous-jours ancienne et tous-jours nouvelle! et a l'exemple du grand saint François, qui, planté sur ses genoux en orayson, passa toute la nuit en ces paroles: O Dieu, vous estes «mon Dieu et mon tout!» les inculquant continuellement, au recit du bienheureux frere Bernard de Quinteval, qui l'avoit ouy de ses oreilles..

  A004001003 

 La meditation est semblable a celuy qui odore l'œillet, la rose, le romarin, le thym, le jasmin, la fleur d'orange, l'un apres l'autre, distinctement; mais la contemplation est pareille a celuy qui odore l'eau de senteur composee de toutes ces fleurs: car celuy cy en un seul sentiment reçoit toutes les odeurs unies que l'autre avoit senti divisees et separees, et n'y a point de doute que cette unique odeur qui provient de la confusion de toutes ces senteurs, ne soit elle seule plus suave et pretieuse que les senteurs desquelles elle est composee, odorees separement l'une apres l'autre.

  A004001004 

 Voyes saint Bernard, Theotime; il avoit medité toute la Passion piece a piece, puis de tous les principaux pointz mis ensemble il en fit un bouquet d'amoureuse douleur, et le mettant sur sa poitrine pour convertir sa meditation en contemplation, il s'escria: Mon Bienaymé est un bouquet de myrrhe pour moy! Mays voyes encor plus devotement le Createur du monde, comme en la creation il alla premierement meditant sur la bonté de ses ouvrages, piece a piece, separement, a mesure qu'il les voyoit produitz.

  A004001005 

 Apres que nous avons esmeu une grande quantité de diverses affections pieuses, par la multitude des considerations dont la meditation est composee, nous assemblons en fin la vertu de toutes ces affections; lesquelles de la confusion et meslange de leurs forces font naistre une certaine quintessence d'affection, et d'affection plus active et puissante que toutes les affections desquelles elle procede, d'autant qu'encor qu'elle ne soit qu'une, elle comprend la vertu et proprieté de toutes les autres, et se nomme affection contemplative..

  A004001006 

 Certes, a mesure que l'eau s'esloigne de son origine, elle se divise et dissipe ses sillons, si avec un grand soin on ne la contient ensemble: et les perfections se separent et partagent a mesure qu'elles sont [321] esloignees de Dieu, qui est leur source; mais quand elles s'en approchent, elles s'unissent jusques a ce qu'elles soyent abismees en cette souverainement unique perfection, qui est l' unité necessaire et la meilleure partie, que Magdeleine choysit, laquelle ne luy sera point ostee..

  A004001010 

 Quelquefois nous regardons seulement a quelqu'une des perfections de Dieu, comme, par exemple, a son infinie bonté, sans penser aux autres attributz ou vertus d'iceluy; comme un espoux arrestant simplement sa veüe sur le beau teint de son espouse, qui par ce moyen regarderoit voirement tout son visage, d'autant que le teint est respandu sur presque toutes les pieces d'iceluy, et toutefois ne seroit attentif, ni aux traitz, ni a la grace, ni aux autres parties de la beauté: car de mesme quelquefois, l'esprit regardant la bonté souveraine de la Divinité, bien qu'il voye en icelle la justice, la sagesse, la puissance, il n'est neanmoins en attention que pour la bonté, a laquelle la simple veüe de sa contemplation s'addresse..

  A004001011 

 Quelquefois aussi nous sommes attentifs a regarder en Dieu plusieurs de ses infinies perfections, mais d'une veüe simple et sans distinction; comme celuy qui d'un trait d'œil, passant sa veüe des la teste jusques aux pieds de son espouse richement paree, auroit attentivement tout veu en general et rien en particulier, ne [322] sçachant bonnement dire, ni quel carquant ni quelle robbe elle portoit, ni quelle contenance elle tenoit ou quel regard elle faisoit, ains seulement que tout y estoit beau et aggreable: car ainsy, par la contemplation, 0u tire maintefois un seul trait de simple consideration sur plusieurs grandeurs et perfections divines tout ensemble; et n'en sçauroit-on toutefois dire chose quelcomque en particulier, sinon que tout est parfaitement bon et beau..

  A004001012 

 Et lhors, Theotime, l'ame fait une certaine saillie d'amour, non seulement sur l'action qu'elle considere, mais sur Celuy duquel elle procede: Vous estes bon, Seigneur, et en vostre bonté apprenes moy vos justifications; Vostre gosier, c'est a dire la parole qui en provient, est très suave, et vous estes tout desirable; Helas, que vos paroles sont douces a mes entrailles, plus que le miel a ma bouche! Ou bien avec saint Thomas: Mon Seigneur et mon Dieu! et avec sainte Magdeleine: Rabboni! ha, mon Maistre!.

  A004001014 

 L'Espoux divin, comme berger qu'il est, prepara un festin somptueux a la façon champestre pour son Espouse sacree, lequel il descrit en sorte que mystiquement il representoit tous les mysteres de la redemption humaine: Je suis venu en mon jardin, dit-il, j'ay moissonné ma myrrhe avec tous mes parfums; j'ay mangé mon bornai avec mon miel, j'ay meslé mon vin avec mon lait; mangés, mes amis, et beuvés, et vous enivres, mes treschers.

  A004001014 

 Theotime, hé! quand fut-ce, je vous prie, que Nostre Seigneur vint en son jardin, sinon quand il vint es tres pures, tres humbles et tres douces entrailles de sa Mere, pleynes de toutes les plantes fleurissantes des saintes vertus? Et qu'est-ce a Nostre Seigneur de moissonner sa myrrhe avec ses parfums, sinon assembler souffrances a souffrances jusques a la mort, et la mort de la croix? joignant par icelles merites a merites, tresors a tresors pour enrichir ses enfans spirituelz.

  A004001015 

 [324] Or manger, c'est mediter, car en meditant on masche, tournant ça et la la viande spirituelle entre les dens de la consideration, pour l'esmier, froisser et digerer, ce qui se fait avec quelque peyne; boire, c'est contempler, et cela se fait sans peyne ni resistance, avec playsir et coulamment; mais s'enivrer, c'est contempler si souvent et si ardemment, qu'on soit tout hors de soy mesme pour estre tout en Dieu.

  A004001016 

 Or, d'autant que pour parvenir a la contemplation nous avons pour l'ordinaire besoin d'ouïr la sainte parole, de faire des devis et colloques spirituelz avec les autres, a la façon des anciens anachoretes, de lire des livres devotz, de prier, mediter, chanter des cantiques, former des bonnes pensees; pour cela la sainte contemplation estant la fin et le but auquel tous ces exercices tendent, ilz se reduisent tous a elle, et ceux qui les prattiquent sont appellés contemplatifs; comme aussi cette sorte d'occupation est nommee vie contemplative a rayson de l'action de nostre entendement, par laquelle nous regardons la verité de la beauté et bonté divine avec une attention amoureuse, c'est a dire avec un amour qui nous rend attentifs, ou bien avec une attention qui provient de l'amour et augmente l'amour que nous avons envers l'infinie suavité de Nostre Seigneur.

  A004001020 

 Mais le recueillement duquel j'entens de parler ne se fait pas par le commandement de l'amour, ains par l'amour mesme; c'est a dire, nous ne le faysons pas nous mesmes par election, d'autant qu'il n'est pas en nostre pouvoir de l'avoir quand nous voulons et ne depend pas de nostre soin, mays Dieu le fait en nous, quand il luy plait, par sa tressainte grace.

  A004001021 

 Car tout ainsy qu'un nouvel esseim ou jetton de mousches a miel, lhors qu'il veut fuir et changer païs, est rappellé par le son que l'on fait doucement sur des bassins, ou par l'odeur du vin emmiellé, ou bien encor par la senteur de quelques herbes odorantes, en sorte qu'il s'arreste par l'amorce de ces douceurs et entre dans la ruche qu'on luy a preparee; de mesme Nostre Seigneur, prononçant quelque secrette parole de son amour, ou respandant l'odeur du vin de sa dilection plus delicieuse que le miel, ou bien evaporant les parfums de ses vestemens, c'est a dire quelques sentimens de ses consolations celestes en nos cœurs, et par ce moyen leur faysant sentir sa tres aymable presence, il retire a soy toutes les facultés de nostre ame, lesquelles se ramassent autour de luy et s'arrestent en luy comme en leur object tres desirable.

  A004001021 

 Rien n'est si naturel au bien que d'unir et attirer a soy les choses qui le peuvent sentir, comme font nos ames, lesquelles tirent tous-jours et se rendent a leur tresor, c'est a dire a ce qu'elles ayment.

  A004001021 

 [326] Il arrive donq quelquefois que Nostre Seigneur respand imperceptiblement au fond du cœur une certaine douce suavité qui tesmoigne sa presence, et Ihors les puissances, voire mesme les sens exterieurs de l'ame, par un certain secret consentement se retournent du costé de cette intime partie ou est le tres aymable et trescher Espoux.

  A004001024 

 Or ce mesme contentement peut estre prattiqué par imitation entre ceux qui, ayans communié, sentent par la certitude de la foy ce que non la chair ni le sang, mais le Pere celeste leur a revelé: que leur Sauveur est en cors et en ame present d'une tres reelle presence a leur cors et a leur ame, par ce tres adorable Sacrement.

  A004001025 

 C'en est de mesme en cette sorte de recueillement de laquelle nous parlons; car a la seule presence de Dieu, au seul sentiment que nous avons qu'il nous regarde, ou des le Ciel ou de quelqu'autre lieu hors de nous, bien que pour lhors nous ne pensions pas a l'autre sorte de presence par laquelle il est en nous, nos facultés et puissances se ramassent et assemblent en nous mesmes pour la reverence de sa divine Majesté, que l'amour nous fait craindre d'une crainte d'honneur et de respect.

  A004001025 

 Il arrive quelquefois que toutes nos puissances interieures se resserrent et ramassent en elles mesmes, par l'extreme reverence et douce crainte qui nous saisit en consideration de la souveraine majesté de Celuy qui nous est present et nous regarde; ainsy que, pour distraitz que nous soyons, si le Pape ou quelque grand prince comparoit, nous revenons a nous mesmes et retournons nos pensees sur nous, pour nous tenir en contenance et respect.

  A004001030 

 Et c'est cet aymable repos de l'ame que la bienheureuse vierge Therese, de Jesus appelle «orayson de quietude,» non guere differente de ce qu'elle mesme nomme «sommeil des puissances,» si toutefois je l'entens bien..

  A004001030 

 L'ame, estant donq ainsy recueillie dedans elle mesme en Dieu ou devant Dieu, se rend parfois si doucement attentive a la bonté de son Bienaymé, qu'il luy semble que son attention ne soit presque pas attention, tant elle est simplement et delicatement exercee; comme il arrive en certains fleuves, qui coulent si doucement et egalement, qu'il semble a ceux qui les regardent ou navigent sur iceux de ne voir ni sentir aucun mouvement, parce qu'on ne les voici nullement ondoyer ni flotter.

  A004001031 

 Mon Bienaymé est a moy et moy je suis a luy, qui paist entre les lys tandis que le jour aspire et que les ombres s'inclinent.

  A004001031 

 Mon Bienaymé m'est un bouquet de mirrhe, il demeurera entre mes mammelles.

  A004001031 

 Voyés-vous, Theotime, comme la sainte Sulamite se contente de sçavoir que son Bienaymé soit avec elle, ou en son sein, ou en son parc, ou ailleurs, pourveu qu'elle sache ou il est: aussi est elle Sulamite, toute paisible, toute tranquille et en repos..

  A004001032 

 Et ce qui est encor plus admirable, c'est que la volonté n'apperçoit point cet ayse et contentement qu'elle reçoit, jouissant insensiblement d'iceluy; d'autant qu'elle ne pense pas a soy, mais a Celuy la presence duquel luy donne ce playsir: comme il arive maintefois que, surpris d'un leger sommeil, nous entr'oyons seulement ce que nos amis disent autour de nous ou ressentons les caresses qu'ilz nous font, presque imperceptiblement, sans sentir que nous sentons..

  A004001033 

 Dont le divin Berger adjure les filles de Sion, par les chevreuils et cerfs des campagnes, qu'elles n'esveillent point sa bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille, c'est a dire, qu'elle s'esveille d'elle mesme.

  A004001033 

 Neanmoins l'ame qui en ce doux repos jouit de ce delicat sentiment de la presence divine, quoy qu'elle ne s'apperçoive pas de cette jouissance, tesmoigne toutefois clairement combien ce bonheur luy est precieux et aymable, quand on le luy veut oster ou que quelque chose l'en destourne: car alhors, la pauvre ame fait des plaintz, crie, voire quelquefois pleure, comme un petit enfant [331] qu'on a esveillé avant qu'il eust asses dormi, lequel, par la douleur qu'il ressent de son reveil, monstre bien la satisfaction qu'il avoit en son sommeil.

  A004001034 

 Et ce divin Amant, jaloux de l'amoureux sommeil et repos de cette bienaymee, tança Marthe qui la vouloit esveiller: Marthe, Marthe, tu es bien embesoignee et te troubles apres plusieurs choses; une seule chose neanmoins est requise: Marie a choisi la meilleure part, qui ne luy sera point ostee.

  A004001034 

 Et qu'est ce a dire, elle escoute? c'est a dire, elle est la comme un vaysseau d'honneur, a recevoir goutte a goutte la mirrhe de suavité que les levres de son Bienaymé distilloyent dans son cœur.

  A004001034 

 Voyes-la, je vous prie, Theotime: elle est assise en une profonde tranquillité, elle ne dit mot, elle ne pleure point, elle ne sanglotte point, elle ne souspire point, elle ne bouge point, elle ne prie point.

  A004001035 

 O Dieu, quelles delices a ce Benjamin, enfant de la joye du Sauveur, de dormir ainsy entre les bras de son Pere, qui, le jour suivant, comme le Benoni, enfant de douleur, le recommanda aux douces mammelles de sa Mere! Rien n'est plus desirable au petit enfant, soit qu'il veille ou qu'il dorme, que la poitrine de son pere et le sein de sa mere..

  A004001036 

 Il est mieux de dormir sur cette sacree poitrine que de veiller ailleurs, ou que ce soit..

  A004001040 

 Or il en est de mesme de l'ame qui est en repos et quietude devant Dieu; car elle succe presqu'insensiblement la douceur de cette presence, sans discourir, sans operer, et sans faire chose quelconque par aucune de ses facultés sinon par la seule pointe de la volonté, qu'elle remue doucement et presqu'imperceptiblement, comme la bouche par laquelle entre la delectation et l'assouvissement insensible qu'elle prend a jouir de la presence divine.

  A004001041 

 [334] Hé, la Mere de Dieu, Nostre Dame et Maistresse, estant grosse, ne voyoit pas son divin Enfant, mais le sentant dedans ses entrailles sacrees, vray Dieu, quel contentement en ressentoit-elle! Et sainte Elizabetli, ne jouit-elle pas admirablement des fruitz de la divine presence du Sauveur, sans le voir, au jour de la tressainte Visitation? L'ame non plus n'a aucun besoin, en ce repos, de la memoire, car elle a present son Amant; elle n'a pas aussi besoin de l'imagination, car qu'est-il besoin de se representer en image, soit exterieure soit interieure, celuy de la presence duquel on jouit? De sorte qu'en fin c'est la seule volonté qui attire doucement, et comme en tettant tendrement, le lait de cette douce presence, tout le reste de l'ame demeurant en quietude avec elle, par la suavité du playsir qu'elle prend..

  A004001042 

 On ne se sert pas seulement du vin emmiellé pour retirer et rappeller les avettes dans les ruches, mays on s'en sert encor pour les appayser; car, quand elles font des seditions et mutineries entr'elles, s'entretuant et desfaisant les unes les autres, leur gouverneur n'a point de meilleur remede que de jetter du vin emmiellé au milieu de ce petit peuple effarouché; d'autant que les particuliers desquelz il est composé, sentans cette suave et aggreable odeur, s'appaysent, et s'occupans a la jouissance de cette douceur demeurent accoysés et tranquilles.

  A004001047 

 Or tous ces espritz sont ordinairement sujetz d'estre troublés en la sainte orayson; car si Dieu leur donne le sacré repos de sa presence, ilz le quittent volontairement pour voir comme ilz se comportent en iceluy et pour examiner s'ilz y ont bien du contentement, s'inquietans pour sçavoir si leur tranquillité est bien tranquille et leur quietude bien quiete: si que, en lieu d'occuper doucement leur volonté a sentir les suavités de la presence divine, ilz employent leur entendement a discourir sur les sentimens qu'ilz ont; comme une espouse qui s'amuseroit a regarder la bague avec laquelle elle auroit esté espousee, sans voir l'espoux mesme qui la luy auroit donnee.

  A004001048 

 Et comme l'enfant qui, pour voir ou il a ses pieds, a osté sa teste du sein de sa mere, y retourne tout incontinent parce qu'il est fort mignard, ainsy faut il que si nous nous appercevons d'estre distraitz par la curiosité de sçavoir ce que nous faysons en l'orayson, soudain nous remettions nostre cœur en la douce et paysible attention de la presence de Dieu, de laquelle nous estions divertis.

  A004001048 

 L'ame, donq, a qui Dieu donne la sainte quietude amoureuse en l'orayson, se doit abstenir tant qu'elle peut de se regarder soy mesme ni son repos, lequel pour estre gardé ne doit point estre curieusement regardé; car qui l'affectionne trop le perd, et la juste regle de le bien affectionner c'est de ne point l'affecter.

  A004001048 

 Neanmoins il ne faut pas croire qu'il y ait aucun peril de perdre cette sacree quietude par les actions du cors ou de l'esprit qui ne se font ni par legereté ni par indiscretion; car, comme dit la bienheureuse Mere Therese, c'est une superstition d'estre si jaloux de ce repos, que de ne vouloir ni tousser, ni cracher, ni respirer, de peur de le perdre: d'autant que Dieu qui donne cette paix, ne l'oste pas pour telz mouvemens necessaires, ni pour les distractions et divagations de l'esprit quand elles sont involontaires; et la volonté estant une fois bien amorcee a la presence divine ne laisse pas d'en savourer les douceurs, quoy que l'entendement ou la memoire se soyent eschappés et desbandés apres des pensees estrangeres et inutiles..

  A004001049 

 Il est vray qu'alhors la quietude de l'ame n'est pas si grande comme si l'entendement et la memoire conspiroyent avec la volonté, mais toutefois elle ne laisse pas d'estre une vraye tranquillité spirituelle, puisqu'elle regne en la volonté, qui est la maistresse de toutes les autres facultés.

  A004001050 

 Mays pourtant la paix de l'ame seroit bien plus grande et plus douce si on ne faysoit point de bruit autour d'elle et qu'elle n'eust aucun sujet de se mouvoir ni quant au cœur ni quant au cors, car elle voudroit bien estre toute occupee en la suavité de cette presence divine; mais ne pouvant quelquefois s'empescher d'estre divertie es autres facultés, elle conserve au moins la quietude en la volonté, qui est la faculté par laquelle elle reçoit la jouissance du bien.

  A004001054 

 Suivant ce que nous avons dit, la sainte quietude a donq divers degrés: car quelquefois elle est en toutes les puissances de l'ame, jointes et unies a la volonté; quelquefois elle est seulement en la volonté, en laquelle elle est aucunes fois sensiblement et d'autres fois imperceptiblement, d'autant qu'il arrive parfois que l'ame tire un contentement incomparable de sentir, par certaines douceurs interieures, que Dieu luy est present, comme il advint a sainte Elizabeth quand Nostre Dame la visita; et d'autres fois l'ame a une certaine ardente suavité d'estre en la presence de Dieu, laquelle pour lhors luy est imperceptible, comme il advint aux disciples pelerins qui ne s'apperceurent bonnement de l'aggreable playsir dont ilz estoyent touchés, marchans avec Nostre Seigneur, sinon quand ilz furent arrivés et qu'ilz l'eurent reconneu en la divine fraction du pain..

  A004001055 

 Aucunes fois elle le sent parler et luy parle reciproquement, mais si secrettement, si doucement, [339] si bellement, que c'est sans pour cela perdre la sainte paix et quietude: si que, sans se resveiller elle veille avec luy, c'est a dire, elle veille et parle a son Bienaymé, cœur [à cœur,] avec autant de suave tranquillité et de gracieux repos comme si elle sommeilloit doucement.

  A004001055 

 Et d'autres fois elle sent parler l'Espoux, mais elle ne sçauroit luy parler, parce que l'ayse de l'ouïr ou la reverence qu'elle luy porte la tient en silence, ou bien parce qu'elle est en secheresse et tellement alangourie d'esprit qu'elle n'a de force que pour ouïr et non pas pour parler; comme il arrive corporellement quelquefois a ceux qui commencent a s'endormir ou qui sont grandement affoiblis par quelque maladie..

  A004001056 

 Et remarqués, je vous prie, qu'il faut plus de soin pour se mettre en la presence de Dieu que pour y demeurer lhors que l'on s'y est mis, car pour s'y mettre il faut appliquer sa pensee et la rendre actuellement attentive a cette presence, ainsy que je le dis en l' Introduction; mais quand on s'est mis en cette presence, on s'y tient par plusieurs autres moyens, tandis que, soit par l'entendement, soit par la volonté, on fait quelque chose en Dieu ou pour Dieu: comme, par exemple, le regardant, ou quelque chose pour l'amour de luy; l'escoutant, ou ceux qui parlent pour luy; parlant a luy, ou a quelqu'un pour l'amour de luy, et faisant quelqu'œuvre, quelle qu'elle soit, pour son honneur et service.

  A004001056 

 Mays en fin, quelquefois ni elle n'oyt son Bienaymé, ni elle ne luy parle, ni elle ne sent aucun signe de sa presence, ains simplement elle sçait qu'elle est en la presence de son Dieu, auquel il plait qu'elle soit la.

  A004001056 

 Que si, a cette simple façon de demeurer devant Dieu, il luy plaist d'adjouster quelque petit sentiment que nous sommes tout siens et qu'il est tout nostre, o Dieu, que ce nous est une grace desirable et pretieuse!.

  A004001057 

 Et quoy donques! conclueroit on, tu ne desires rien sinon d'estre une immobile statue la dedans cette creuse niche? Non certes, diroit en fin cette sage statue, non, je ne veux rien estre sinon une statue, et tous-jours dedans cette niche tandis que mon sculpteur le voudra, me contentant d'estre ici et ainsy, puisque c'est le contentement de celuy a qui je suis et par qui je suis ce que je suis..

  A004001058 

 O vray Dieu, que c'est une bonne façon de se tenir en la presence de Dieu, d'estre et vouloir tous-jours et a jamais estre en son bon playsir! car ainsy, comme je pense, en toutes occurrences, ouy mesme en dormant profondement, nous sommes encor plus profondement en la tressainte presence de Dieu.

  A004001059 

 Car, en somme, c'est le comble de l'amoureuse extase de n'avoir pas sa volonté en son contentement, mais en celuy de Dieu, ou de n'avoir pas son contentement en sa volonté, mais en celle de Dieu..

  A004001059 

 Or cette quietude en laquelle la volonté n'agit que par un tres simple acquiescement au bon playsir divin, voulant estre en l'orayson sans aucune pretention que d'estre a la veue de Dieu selon qu'il luy plaira, c'est une quietude souverainement excellente, d'autant qu'elle est pure de toute sorte d'interest, les facultés de l'ame n'y prenant aucun contentement, ni mesme la volonté, sinon en sa supreme pointe, en laquelle elle se contente de n'avoir aucun autre contentement sinon celuy d'estre [342] sans contentement, pour l'amour du contentement et bon playsir de son Dieu, dans lequel elle se repose.

  A004001063 

 Mettes de la liqueur dans un vaysseau, et vous verres qu'elle demeurera bornee dans les limites du vaysseau, lequel s'il est rond ou quarré la liqueur sera de mesme, n'ayant aucune limite ni figure, sinon celle du vaysseau qui la contient..

  A004001064 

 L'ame n'en est pas de mesme par nature, car elle a ses figures et ses bornes propres: elle a sa figure par ses habitudes et inclinations, et ses bornes par sa propre volonté; et quand elle est arrestee a ses inclinations et volontés propres, nous disons qu'elle est dure, c'est a dire opiniastre, obstinee: Je vous osteray, dit Dieu, vostre cœur de pierre, c'est a dire, je vous [343] osteray vostre obstination.

  A004001064 

 On appelle cœur de fer, de boys ou de pierre celuy qui ne reçoit pas aysement les impressions divines, ains demeure en sa propre volonté, emmi les inclinations qui accompaignent nostre nature depravee; au contraire, un cœur doux, maniable et traittable est appellé un cœur fondu et liquefié: Mon cœur, dit David parlant en la personne de Nostre Seigneur sur la croix, mon cœur est fait comme de la cire fondue, au milieu de mon ventre: Cleopatra, cette infame reyne d'Ægypte, voulant encherir sur tous les exces et toutes les dissolutions que Marc Anthoine avoit fait en banquetz, fit apporter a la fin d'un festin qu'elle faysoit a son tour, un bocal de fin vinaigre, dedans lequel elle jetta une des perles qu'elle portoit en ses oreilles, estimee deux centz cinquante mille escus; puis la perle estant resolue, fondue et liquefiee, elle l'avala, et eust encor enseveli l'autre perle, qu'elle avoit en l'autre oreille, dans la cloaque de son vilain estomach, si Lucius Plancus ne l'eust empeschee.

  A004001065 

 L'amour avoit rendu l'Espoux fluide et coulant, dont l'Espouse l'appelle une huyle respandue; et voyla que maintenant elle asseure qu'elle mesme est toute fondue d'amour: Mon ame, dit-elle, s'est escoulee lhors que mon Bienaymé a parlé.

  A004001065 

 Le baume est si espais de sa nature qu'il n'est point fluide ni coulant, et plus il est gardé plus il s'espaissit, et en fin s'endurcit devenant rouge et transparent; mais la chaleur le dissout et rend fluide.

  A004001065 

 Mon ame, dit l'amante sacree, s'est toute fondue a mesme que mon Bienaymé a parlé; et qu'est ce a dire, elle s'est fondue, sinon, elle ne s'est plus contenue en elle mesme, ains s'est escoulee devers son divin [344] Amant? Dieu ordonna a Moyse qu'il parlast au rocher, et il produiroit des eaux; ce n'est donq pas merveille si luy mesme fit fondre l'ame de son amante lhors qu'il luy parloit en sa douceur.

  A004001066 

 Mays comme se fait cet escoulement sacré de l'ame en son Bienaymé? Une extreme complaysance de l'amant en la chose aymee produit une certaine impuissance spirituelle qui fait que l'ame ne se sent plus aucun pouvoir de demeurer en soy mesme; c'est pourquoy, comme un baume fondu, qui n'a plus de fermeté ni de solidité, elle se laisse aller et escouler en ce qu'elle [345] ayme: elle ne se jette pas par maniere d'eslancement ni elle ne se serre pas par maniere d'union, mais elle se va doucement coulant, comme une chose fluide et liquide, dedans la Divinité qu'elle ayme.

  A004001067 

 Car dites moy, je vous prie, Theotime, si une goutte d'eau elementaire jettee dans un ocean d'eau naphe, estoit vivante et qu'elle peust parler et dire l'estat auquel elle seroit, ne crieroit elle pas de grande joye: O mortelz, je vis voirement, mais je ne vis pas moy mesme, ains cet ocean vit en moy et ma vie est cachee en cet abisme..

  A004001067 

 Vous voyes donq bien, Theotime, que l'escoulement d'une ame en son Dieu n'est autre chose qu'une veritable extase, par laquelle l'ame est toute hors des bornes de son maintien naturel, toute meslee, absorbee et engloutie en son Dieu: dont il arrive que ceux qui parviennent a ce saint exces de l'amour divin, estans par apres revenuz a eux, ne voyent rien en la terre qui les contente, et vivans en un extreme aneantissement d'eux mesmes demeurent fort alangouris en tout ce qui appartient aux sens, et ont perpetuellement au cœur la maxime de la bienheureuse vierge Therese de Jesus: «Ce qui n'est pas Dieu ne m'est rien.» Et semble que telle fut la passion amoureuse de ce grand ami du Bienaymé, qui disoit: Je vis, mais non pas moy, ains Jesus Christ vit en moy; et: Nostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu.

  A004001072 

 Il est «aigu,» dit l'apostre [347] de la France, et entre tres intimement dans l'esprit.

  A004001072 

 L'amour est la premiere, ains le principe et l'origine de toutes les passions; c'est pourquoy c'est luy qui entre le premier dans le cœur, et parce qu'il penetre et perce jusques au fin fond de la volonté ou il a son siege, on dit qu'il blesse le cœur.

  A004001072 

 Les autres affections entrent voirement aussi, mais c'est par l'entremise de l'amour, car c'est luy qui, perçant le cœur, leur fait le passage; ce n'est que la pointe du dard qui blesse, le reste aggrandit seulement la blesseure et la douleur..

  A004001072 

 Nous ne haïssons le mal sinon parce qu'il est contraire au bien que nous aymons; nous craignons le mal futur parce qu'il nous privera du bien que nous aymons.

  A004001072 

 Qu'un mal soit extreme, nous ne le haïssons neanmoins jamais, sinon a mesure que nous cherissons le bien auquel il est opposé.

  A004001073 

 Certes, Theotime, l'amour est ainsy aigredoux, et tandis que nous sommes en ce monde il n'a jamais une douceur parfaittement douce, parce qu'il n'est pas parfait ni jamais purement assouvi et satisfait; et neanmoins il ne laisse pas d'estre grandement aggreable, son aigreur affinant la suavité de sa douceur comme sa douceur aiguise la grace de son aigreur.

  A004001073 

 Les grenades, par leur couleur vermeille, par la multitude de leurs grains si bien serrés et rangés, et par leurs belles couronnes, representent naifvement, ainsy que dit saint Gregoire, la tressainte charité, toute vermeille a cause de son ardeur envers Dieu, comblee de toute la varieté des vertus, et qui seule obtient et porte la couronne des recompenses eternelles; mays le suc des grenades, qui, comme nous sçavons, est si agreable aux sains et aux malades, est tellement meslé d'aigreur et de douceur, qu'on ne sçauroit discerner s'il res-jouit le goust ou bien parce qu'il a son aigreur doucette, ou bien parce qu'il a une douceur aigrette.

  A004001073 

 Pourquoy, je vous prie, est il triste? c'est sans doute parce qu'il est blessé.

  A004001074 

 Il est vray que cette douleur provient de l'amour, et partant c'est une amiable et aymable douleur, Oyes les eslans douloureux, mais amoureux, d'un amant royal: Mon ame a soif de son Dieu fort et vivant; hé, quand viendray-je et paroistray-je devant la face de mon Dieu? Mes larmes m'ont servi de pain nuit et jour, tandis qu'on me dit: ou est ton Dieu? Ainsy la sacree Sulamite, toute destrempee en ses douloureuses amours, parlant aux filles de Hierusalem: Helas, dit-elle, je vous conjure, si vous rencontres mon Ami, annoncés luy ma peyne, parce que je languis toute blessee de son amour.

  A004001074 

 Mays puisque l'amour est enfant de la complaysance, comme peut il blesser et donner de la douleur? Quelquefois l'objet bienaymé est absent; et lhors, mon [348] cher Theotime, l'amour blesse le cœur par le desir qu'il excite, lequel ne pouvant estre assouvi tourmente grandement l'esprit.

  A004001074 

 piqué un enfant, certes, vous auries beau luy dire: ah, mon enfant, l'abeille qui t'a piqué c'est celle la mesme qui fait le miel que tu treuves si bon; car, il est vray, diroit-il, son miel est bien doux a mon goust, mais sa piqueure est bien douloureuse, et tandis que son eguillon est dedans ma joüe je ne puis m'accoyser; et ne voyes vous pas que ma face en est toute enflee? Theotime, certes l'amour est une complaysance, et par consequent il est fort aggreable, pourveu qu'il ne laisse point dedans nos cœurs l'eguillon du desir; mais quand il le laisse, il laisse avec iceluy une grande douleur.

  A004001075 

 A mesme tems qu'elle est attiree puissamment a voler vers son cher Bienaymé, elle est aussi retenue puissamment et ne peut voler, comme attachee aux basses miseres de cette vie mortelle et de sa propre impuissance; elle desire des aysles de colombe pour voler en son repos, et elle n'en treuve point: la voyla donq rudement tourmentee entre la violence de ses eslans et celle de son impuissance.

  A004001075 

 Le desir pique et blesse incessamment le cœur dans lequel il est, comme nous avons dit.

  A004001075 

 Les premiers traitz que nous recevons de l'amour s'appellent blesseures, parce que le cœur qui sembloit sain, entier et tout a soy mesme tandis qu'il n'aymoit pas, commence, lhors qu'il est atteint d'amour, a se separer et diviser de soy mesme pour se donner a l'objet aymé: or cette division ne se peut faire sans douleur, puisque la douleur n'est autre chose que la division des choses vivantes qui se tiennent l'une a l'autre.

  A004001075 

 O miserable que je suis, disoit l'un de ceux qui ont experimenté ce travail, qui me delivrera du cors de cette mortalité? Alhors, si vous y prenes garde, Theotime, ce n'est pas le desir d'une chose absente qui blesse le cœur, car l'ame sent que son Dieu est present, il l'a des-ja menee dans son cellier a vin, il a arboré sur son cœur l'estendart de l'amour; mays quoy que des-ja il la voye toute sienne, il la presse, et descoche de tems en tems mille et mille traitz de son amour, luy monstrant par des nouveaux moyens combien il est plus aymable qu'il n'est aymé: et elle, qui n'a pas tant de force pour l'aymer que d'amour pour s'efforcer, voyant ses effortz si imbecilles en comparayson du desir qu'elle a pour aymer dignement Celuy que nulle force ne peut asses aymer, helas, elle se sent outree d'un tourment incomparable; car, autant d'eslans qu'elle fait pour voler plus haut en son desirable amour, autant reçoit-elle de secousses de douleur..

  A004001076 

 Or ce desir qui ne peut reuscir est comme un dard dans le flanc d'un esprit genereux; [350] mais la douleur qu'on en reçoit ne laisse pas d'estre aymable, d'autant que quicomque desire bien d'aymer, ayme aussi bien a desirer, et s'estimeroit le plus miserable de l'univers s'il ne desiroit continuellement d'aymer ce qui est si souverainement aymable: desirant d'aymer il reçoit de la douleur, mays aymant a desirer il reçoit de la douceur..

  A004001077 

 Dieu, donq, tirant continuellement, s'il faut ainsy dire, des sagettes du carquois de son infinie beauté, blesse l'ame de ses amans, leur faysant clairement voir qu'ilz ne l'ayment pas a beaucoup pres de ce qu'il est aymable.

  A004001077 

 Vray Dieu, Theotime, que vay-je dire! Les Bienheureux qui sont en Paradis, voyans que Dieu est encor plus aymable qu'ilz ne l'ayment, pasmeroyent et periroyent eternellement du desir de l'aymer davantage, si la tressainte volonté de Dieu n'imposoit a la leur le repos admirable dont elle jouit; car ilz ayment si souverainement cette souveraine volonté, que son vouloir arreste le leur et le contentement divin les contente, acquiesçans d'estre bornés en leur amour par la volonté mesme de laquelle la bonté est l'object de leur amour.

  A004001082 

 C'est encor une autre blesseure d'amour, quand l'ame sent bien qu'elle ayme Dieu et que neanmoins Dieu la traitte comme s'il ne sçavoit pas d'estre aymé, ou comme s'il estoit en desfiance de son amour; car alhors, mon cher Theotime, l'ame reçoit des extremes angoisses, luy estant insupportable de voir et sentir le seul semblant que Dieu fait de se desfier d'elle.

  A004001082 

 Un jour on faysoit des exorcismes sur une personne possedee, et le malin esprit estant pressé de dire quel estoit son nom: «Je suis,» respondit-il, «ce malheureux privé d'amour;» et soudain sainte Catherine de Gennes, qui estoit la presente, se sentit troubler et renverser toutes les entrailles, d'autant qu'elle avoit seulement ouï prononcer le mot de privation d'amour: car, comme les demons haïssent si fort l'amour divin qu'ilz tremblent lhors qu'ilz en voyent le signe ou qu'ilz en oyent le nom, c'est a dire quand ilz voyent la Croix et qu'ilz oyent prononcer le nom de Jesus, ainsy ceux qui ayment fortement Nostre Seigneur tremoussent de douleur et d'horreur quand ilz voyent quelque signe ou qu'ilz entendent quelque parole qui represente la privation de ce saint amour..

  A004001083 

 Helas, [353] cette pauvre ame qui sent bien qu'elle est resolue de plustost mourir que d'offencer son Dieu, mais ne sent pas neanmoins un seul brin de ferveur, ains au contraire une froideur extreme qui la tient toute engourdie, et si foible qu'elle tumbe a tous coups en des imperfections fort sensibles, cette ame, dis-je, Theotime, elle est toute blessee, car son amour est grandement douloureux de voir que Dieu fait semblant de ne voir pas combien elle l'ayme, la laissant comme une creature qui ne luy appartient pas; et luy est advis qu'emmi ses defautz, ses distractions et froideurs, Nostre Seigneur descoche contre elle ce reproche: Comme peux-tu dire que tu m'aymes, puisque ton ame n'est pas avec moy? ce qui luy est un dard de douleur au travers de son cœur; mais un dard de douleur qui procede d'amour, car si elle n'aymoit pas elle ne seroit pas affligee de l'apprehension qu'elle a de ne pas aymer..

  A004001084 

 La vie passee est en horreur a la vie presente de celuy qui a passé sa vie precedente sans aymer la souveraine Bonté..

  A004001086 

 Il n'y a point de douleur emmi l'amour, ou s'il y a de la douleur c'est une bienaymee douleur.

  A004001086 

 Le Bienaymé est un bouquet de myrrhe amere, et ce bouquet amer est reciproquement le Bienaymé, qui demeure cherement colloqué entre les tetins de la bienaymee, c'est a dire le plus aymé de tous les bienaymés..

  A004001086 

 Mays, comme que ce soit, cecy est admirable es blesseures receües par le divin amour, que la douleur en est aggreable; et tous ceux qui la sentent y consentent, et ne voudroyent pas changer cette douleur a toute la douceur de l'univers.

  A004001090 

 C'est chose asses conneüe que l'amour humain a la force, non seulement de blesser le cœur, mais de rendre malade le cors jusques a la mort; d'autant que comme la passion et le temperament du cors a beaucoup de pouvoir d'incliner l'ame et la tirer apres soy, aussi les [355] affections de l'ame ont une grande force pour remuer les humeurs et changer les qualités du cors.

  A004001090 

 Et en fin c'est sa vie que d'estre «tous-jours indigent,» car si une fois il est rassasié il n'est plus ardent, et par consequent il n'est plus amour..

  A004001090 

 Mais outre cela, l'amour, quand il est vehement, porte si impetueusement l'ame en la chose aymee et l'occupe si fortement, qu'elle manque a toutes ses autres operations, tant sensitives qu'intellectuelles; si que, pour nourrir cet amour et le seconder, il semble que l'ame abandonne tout autre soin, tout autre exercice et soy mesme encores: dont Platon a dit que l'amour estoit «pauvre, deschiré, nud, deschaux, chetif, sans mayson, couchant dehors sur la dure, es portes, tous-jours indigent.» Il est «pauvre,» parce qu'il fait quitter tout pour la chose aymee; il est « sans mayson,» parce qu'il fait sortir l'ame de son domicile pour suivre tous-jours celuy qui est aymé; il est «chetif,» pasle, maigre et desfait, parce qu'il fait perdre le sommeil, le boire et le manger; il est «nud et deschaux,» parce qu'il fait quitter toutes autres affections pour prendre celles de la chose aymee; il couche «dehors sur la dure,» parce qu'il fait demeurer a descouvert le cœur qui ayme, luy faisant manifester ses passions par des souspirs, plaintes, louanges, soupçons, jalousies; il est tout estendu comme un gueux «aux portes,» parce qu'il fait que l'amant est perpetuellement attentif aux yeux et a la bouche de la chose qu'il ayme, et tous-jours attaché a ses oreilles pour luy parler et mendier des faveurs desquelles il n'est jamais assouvi: or, les yeux, les oreilles et la bouche sont les portes de l'ame.

  A004001091 

 Certes, je sçai bien, Theotime, que Platon parloit ainsy de l'amour abject, vil et chetif des mondains, mays neanmoins ces proprietés ne laissent pas de se treuver en l'amour celeste et divin; car, voyes un peu ces premiers maistres de la doctrine chrestienne, c'est a dire ces premiers docteurs du saint amour evangelique, et oyes ce que disoit l'un d'entr'eux qui avoit le plus eu de travail: Jusques a maintenant, dit-il, nous avons faim et soif, et sommes nuds, et sommes souffletés, [356] et sommes vagabonds; nous sommes rendus comme les ballieures de ce monde et comme la racleure et peleure de tous.

  A004001091 

 Comme s'il disoit: Nous sommes tellement abjectz, que si le monde est un palais nous en sommes estimés les ballieures; si le monde est une pomme nous en sommes la racleure.

  A004001092 

 Hé, ne prenes pas garde a mon teint, car je suis voirement brune, d'autant que mon Bienaymé, qui est mon soleil, a dardé les rayons de son amour sur moy; rayons qui esclairent par leur lumiere, mais qui par leur ardeur m'ont rendue haslee et noyrastre, et me touchant de leur splendeur ilz m'ont ostee ma couleur.

  A004001092 

 Oyons, de grace, la sainte Sulamite, comme elle s'escrie presque en cette sorte: Quoy que, a rayson de mille consolations que mon amour me donne, je sois plus belle que les riches tentes de mon Salomon, je veux dire plus belle que le Ciel qui n'est qu'un pavillon inanimé de sa majesté royale, puisque je suis son pavillon animé, si suis-je neanmoins toute noyre, deschiree, poudreuse et toute gastee de tant de blesseures et de coups que ce mesme amour me donne.

  A004001092 

 [357] La passion amoureuse me fait trop heureuse de me donner un tel Espoux comme est mon Roy, mais cette mesme passion qui me tient lieu de mere, puisqu'elle seule m'a mariee et non mes merites, elle a des autres enfans qui me donnent des assautz et des travaux nompareilz, me reduisans a telle langueur, que comme d'un costé je ressemble une reyne qui est au costé de son roy, aussi de l'autre je suis comme une vigneronne qui dans une chetifve cabanne garde une vigne, et une vigne encor qui n'est pas sienne..

  A004001093 

 Qui pourroit jamais descrire les langueurs amoureuses des saintes Catherines de Sienne et de Gennes, ou de sainte Angele de Foligni, ou de sainte Christine, ou de la bienheureuse Mere Therese, ou de saint Bernard, ou de saint François? Et quant a ce dernier, sa vie ne fut autre chose que larmes, souspirs, plaintes, langueurs, definemens, pasmaysons amoureuses; mais rien n'est si admirable en tout cela, que cette admirable communication que le doux Jesus luy fit de ses amoureuses et pretieuses douleurs, par l'impression de ses playes et stigmates.

  A004001094 

 L'amour est admirable pour aiguiser l'imagination affin qu'elle penetre jusques a l'exterieur: les brebis de Laban, eschauffees d'amour, eurent l'imagination si forte qu'elle porta coup sur les petitz aigneletz desquelz elles estoyent pregnes, pour les faire blancz ou tachetés, selon les baguettes qu'elles regarderent dans les canaux esquelz on les abbreuvoit; et les femmes grosses, ayant l'imagination affinee par l'amour, impriment ce qu'elles desirent es cors de leurs enfans; une imagination [359] puissante fait blanchir un homme en une nuit, detraque sa santé et toutes ses humeurs..

  A004001095 

 Mais de faire les ouvertures en la chair par dehors, l'amour qui estoit dedans ne le pouvoit pas bonnement faire: c'est pourquoy l'ardent Seraphin venant au secours, darda des rayons d'une clarté si penetrante, qu'elle fit reellement les playes exterieures du Crucifix, en la chair, que l'amour avoit imprimees interieurement en l'ame.

  A004001097 

 Et en somme, comme penses-vous, Theotime, qu'une ame qui a une fois un peu a souhait tasté les consolations divines, puisse vivre en ce monde meslé de tant de miseres, sans douleur et langueur presque perpetuelle? On a maintefois ouy ce grand homme de Dieu, François Xavier, lançant sa voix au Ciel, lhors qu'il croyoit estre bien solitaire, en cette sorte: Hé, mon Seigneur, non, de grace, ne m'accablés pas d'une si grande affluence de consolations; ou si par vostre infinie bonté il vous plaist me faire ainsy abonder en delices, tirés-moy donq en Paradis, car, qui a une fois bien gousté en l'interieur vostre douceur il luy est force de vivre en amertume tandis qu'il ne jouit pas de vous.


05-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome V-Vol.2-Traitte de l'amour de Dieu.html
  A005000019 

 Chapitre VII. Comme l'amour est la vie de l'ame, et suite du discours de la vie extatique.

  A005000021 

 Chapitre IX. Du supreme effect de l'amour affectif, qui est la mort des amans, et premièrement de ceux qui moururent en amour.

  A005000027 

 De l'amour de conformité par lequel nous unissons nostre volonté a celle de Dieu qui nous est signifiee par ses commandemens conseilz et inspirations.

  A005000032 

 Chapitre V. De la conformité de nostre volonté a celle de Dieu, qui nous est signifiee par ses commandemens 33.

  A005000035 

 Chapitre VIII. Que le mespris des conzeilz evangeliques est un grand péché.

  A005000037 

 Chapitre X. Comme il se faut conformer a la volonté divine qui nous est signifiee par les inspirations, et premièrement de la variété des moyens par lesquelz Dieu nous inspire.

  A005000040 

 Chapitre XIII. Troisiesme marque de l'inspiration, qui est la sainte obeissance a l'Eglise et aux supérieurs 45.

  A005000061 

 Chapitre II. Que ce divin commandement de l'amour tend au Ciel, mais est toutefois donné aux fideles de ce monde 73.

  A005000065 

 Chapitre VI. Que l'amour de Dieu sur toutes choses est commun a tous les amans.

  A005000098 

 Chapitre XXI. Que la tristesse est presque tous-jours inutile, ains contraire au service du saint amour 131.

  A005000112 

 Chapitre XIII. Que le mont de Calvaire est la vraye académie de la dilection.

  A005000137 

 De la liquefaction de l'ame, c'est a dire, comm'elle se fond en Dieu.

  A005000142 

 Du suprem'effect de l'amour, qui est de nous faire mourir et ceux qui sont mortz d'amour 198.

  A005000157 

 Car il y a, certes, difference entre unir et joindre une chose a l'autre, et serrer ou presser une chose contre une autre ou sur une autre: d'autant que pour joindre et unir il n'est besoin que d'une simple application d'une chose a l'autre, en sorte qu'elles se touchent et soyent ensemble, ainsy que nous joignons les vignes aux ormeaux, et les jasmins aux treilles des berceaux que l'on fait es jardins; mais pour serrer et [5] presser il faut faire une application forte qui accroisse et augmente l'union: de sorte que serrer c'est intimement et fortement joindre, comme nous voyons que le lierre se joint aux arbres; car il ne s'unit pas seulement, mais il se presse et serre si fort à eux, que mesme il penetre et entre dans leurs escorces..

  A005000158 

 Mays voyés derechef ce petit poupon, apasté des caresses maternelles, comme de son costé il coopere a cette union d'entre sa mere et luy; car il se serre aussi et se presse tant qu'il peut pour luy mesme sur la poitrine et le visage de sa mere, et semble qu'il se veuille tout enfoncer et cacher dans ce sein aggreable duquel il est extrait.

  A005000158 

 Or, alhors, Theotime, l'union est parfaitte, laquelle n'estant qu'une ne laisse pas de proceder de la mere et de l'enfant; en sorte neanmoins qu'elle depend toute de la mere, car elle a attiré a soy l'enfant, elle l'a premiere serré entre ses bras et pressé sur sa poitrine, et les forces du poupon ne sont pas si grandes qu'il eust peu se serrer et prendre si fort a sa mere.

  A005000160 

 Nous usons mesme de ce mot, selon nostre langage, es choses morales: il me presse de faire cecy ou cela, il me presse de demeurer; c'est a dire, il n'employe pas seulement sa persuasion ou sa priere, mais il l'employe avec contention et effort: comme firent les pelerins en Emaüs, qui non seulement supplierent Nostre Seigneur, mais le presserent et serrerent a force, le contraignant d'une amoureuse violence d'arrester au logis avec eux..

  A005000160 

 Qu'est ce a dire, tenir collés les yeux, tenir attachees les aureilles et ravir les cœurs, sinon, unir et joindre fort serré les sens et puissances dont on parle, a leurs objectz? L'ame, donq, se serre et se presse sur son object quand elle s'y affectionne avec grande attention; car le serrement n'est autre chose que le progres et avancement de l'union et conjonction.

  A005000161 

 Comme, par exemple, l'ame ayant longuement demeuré au sentiment d'union par lequel elle savoure doucement combien elle est heureuse d'estre a Dieu, en fin accroissant cette union par un serrement et eslan cordial: Ouy, Seigneur, dira-elle, je suis vostre, toute, toute, toute, sans exception; ou bien: Hé, Seigneur, je le suis certes, et je le veux estre tous-jours plus; ou bien, par maniere de priere: O doux Jesus, hé tirés-moy tous-jours plus avant dans vostre cœur, affin que vostre amour m'engloutisse et que je sois du tout abismee en sa douceur..

  A005000162 

 Et puisque c'est une verité indubitable que le divin amour, tandis que nous sommes en ce monde, est un mouvement, ou au moins une habitude active et tendante au mouvement, lhors mesme qu'il est parvenu [8] a la simple union il ne laisse pas d'agir, quoy qu'imperceptiblement, pour l'accroistre et perfectionner de plus en plus..

  A005000162 

 Mais d'autres fois l'union se fait, non par des eslancemens repetés, ains par maniere d'un continuel insensible pressement et avancement du cœur en la divine bonté; car, comme nous voyons qu'une grande et pesante masse de plomb, d'airain ou de pierre, quoy qu'on ne la pousse point, se serre, enfonce et presse tellement contre la terre sur laquelle elle est posee, qu'en fin avec le tems on la treuve toute enterree, a cause de l'inclination de son poids qui par sa pesanteur la fait tous-jours tendre au centre, ainsy nostre cœur estant une fois joint a son Dieu, s'il demeure en cette union et que rien ne l'en divertisse, il va s'enfonçant continuellement, par un insensible progres d'union, jusques a ce qu'il soit tout en Dieu, a cause de l'inclination sacree que le saint amour luy donne, de s'unir tous-jours davantage a la souveraine bonté: car, comme dit le grand apostre de France, «l'amour est une vertu unitive,» c'est a dire, qui nous porte a la parfaite union du souverain bien.

  A005000163 

 Ainsy les arbres qui ayment d'estre transplantés, apres qu'ilz le sont, estendent leurs racines et se fourrent bien avant dans le sein de la terre qui est leur element et leur aliment, nul ne s'appercevant de cela tandis qu'il se fait, ains seulement quand il est fait.

  A005000163 

 Ainsy un sentiment de dilection, comme par exemple: Que Dieu est bon! estant entré dedans le cœur, d'abord il fait l'union avec cette bonté; mais estant entretenu un peu longuement, comme un parfum pretieux il penetre de tous costés l'ame, il se respand et dilate dans nostre volonté, et, par maniere de dire, il s'incorpore avec nostre esprit, se joignant et serrant de toutes pars de plus en plus a nous et nous unissant a luy.

  A005000163 

 Et c'est ce que nous enseigne le grand David quand il compare les sacrees paroles au miel; car, qui ne sçait que la douceur du miel s'unit de plus en plus a nostre sens par un progres continuel de savourement, lhors que le tenans longuement en la bouche, ou que l'avalans tout bellement, sa saveur penetre plus avant le sens de nostre goust? Et de mesme ce sentiment de la bonté celeste, exprimé par cette parole de saint Bruno: O Bonté! ou par celle de saint Thomas: Mon [9] Seigneur et mon Dieu! ou par celle de Magdeleine: Hé mon Maistre! ou par celle de saint François: «Mon Dieu et mon tout!» ce sentiment, dis je, demeurant un peu longuement dedans un cœur amoureux, il se dilate, il s'estend et s'enfonce par une intime penetration en l'esprit, et de plus en plus le detrempe tout de sa saveur, qui n'est autre chose qu'accroistre l'union; comme fait l'onguent pretieux ou le baume, qui, tumbant sur le coton, se mesle et s'unit tellement de plus en plus, petit a petit, avec iceluy, qu'en fin on ne sçauroit plus dire si le coton est parfumé ou s'il est parfum, ni si le parfum est coton ou le coton parfum.

  A005000163 

 Et le cœur humain, transplanté du monde en Dieu par le celeste amour, s'il s'exerce fort en l'orayson, certes, il s'estendra continuellement et se serrera a la Divinité s'unissant de plus en plus a sa bonté, mais par des accroissemens imperceptibles, desquelz on ne remarque pas bonnement le progres tandis qu'il se fait, ains quand il est fait.

  A005000163 

 O qu'heureuse est une ame qui en la tranquillité de son cœur conserve amoureusement le sacré sentiment de la presence de Dieu! car son union avec la divine bonté croistra perpetuellement, quoy qu'insensiblement, et detrempera tout l'esprit d'iceluy de son infinie suavité..

  A005000168 

 L'union se fait quelquefois sans que nous y cooperions, sinon par une simple suite, nous laissans unir sans resistance a la divine bonté; comme un petit enfant amoureux du sein de sa mere, mais tellement alangouri qu'il ne peut faire aucun mouvement pour y aller ni pour se serrer quand il y est, mais seulement est bien [10] ayse d'estre pris et tiré entre les bras de sa mere et d'estre pressé par elle sur sa poitrine..

  A005000173 

 Telle est la varieté des unions..

  A005000174 

 O beau petit Martial, que vous estes heureux d'estre saisi, pris, porté, uni, joint et serré sur la poitrine celeste du Sauveur et baysé de sa bouche sacree, sans que vous y cooperies qu'en ne faisant pas resistance a recevoir ces divines caresses! Au contraire, saint Simeon embrasse et serre Nostre Seigneur sur son sein, sans que Nostre Seigneur fasse aucun semblant de cooperer a cette union, bien que, comme chante la [12] tressainte Eglise, «le viellard portoit l'Enfant, mays l'Enfant gouvernoit le viellard.» Saint Bonaventure, touché d'une sainte humilité, non seulement ne s'unissoit pas a Nostre Seigneur, ains se retiroit de sa presence reelle, c'est a dire du tressaint Sacrement de l'Eucharistie, quand un jour oyant Messe, Nostre Seigneur se vint unir a luy, luy portant son divin Sacrement: or cette union faite, hé Dieu, Theotime, pensés de quel amour cette sainte ame serra son Sauveur sur son cœur! A l'opposite, sainte Catherine de Sienne, desirant ardemment Nostre Seigneur en la sainte Communion, pressant et poussant son ame et son affection devers luy, il se vint joindre a elle, entrant en sa bouche avec mille benedictions.

  A005000174 

 Voyés saint Martial (car ce fut, comme on dit, le bienheureux enfant duquel il est parlé en saint Marc): Nostre Seigneur le prit, le leva et le tint asses longuement entre ses bras.

  A005000175 

 Et affin qu'on sçache que si on la tire un peu fortement par la volonté, toutes les puissances de l'ame se porteront a l'union: Tirés moy, dit-elle, et nous courrons; l'Espoux n'en tire qu'une, et plusieurs courent a l'union; la volonté est la seule que Dieu veut, mais toutes les autres puissances courent apres elle pour estre unies a Dieu avec elle..

  A005000175 

 La sacree amante du Cantique parle comme ayant prattiquee l'une et l'autre sorte d'union: Je suis toute a mon Bienaymé, ce dit-elle, et son retour est devers moy; car c'est autant que si elle disoit: Je me suis unie a mon cher Ami, et reciproquement il se retourne devers moy pour, en s'unissant de plus en plus a moy, se rendre aussi tout mien; Mon cher Ami m'est un bouquet de myrrhe, il demeurera entre mes mammelles, et je le serreray sur mon sein, comme un bouquet de suavité; Mon ame, dit David, s'est serree a vous, o mon Dieu, et vostre main droite m'a empoigné et saisi.

  A005000175 

 Mais ailleurs elle confesse d'estre prevenue, disant: Mon cher Ami est tout a moy, et moy je suis toute sienne; nous faysons une sainte union, par laquelle il se joint a moy, et moy je me joins a luy.

  A005000181 

 Soit donques que l'union de nostre ame avec Dieu se face imperceptiblement, soit qu'elle se face perceptiblement, Dieu en est tous-jours l'autheur, et nul ne peut s'unir a luy s'il ne va a luy, ni nul ne peut aller a luy s'il n'est tiré par luy, comme tesmoigne le divin Espoux, disant: Nul ne peut venir a moy sinon que mon Pere le tire; ce que sa celeste Espouse proteste aussi, disant: Tirés moy, nous courrons a l'odeur de vos parfums..

  A005000182 

 Ne puis-je pas m'approcher d'une personne pour luy parler, pour le mieux voir, pour obtenir quelque chose de luy, pour odorer les parfums qu'il porte, pour m'appuyer sur luy? et lhors je m'approche voirement de luy et me joins a luy, mais rapprochement et union n'est pas ma principale pretention, ains je m'en sers seulement comme d'un moyen et d'une disposition pour obtenir une autre chose.

  A005000182 

 Que si je m'approche de luy et me joins a luy, non pour aucune autre fin que pour estre proche de luy et jouïr de cette prochaineté et union, c'est alhors un approchement d'union pure et simple..

  A005000183 

 En somme, la pretention de l'ame en cette union, n'est autre que d'estre avec son Amant..

  A005000183 

 Hé, ce ne sont pas les allegresses que je cherche, c'est luy mesme; et par tout mon cœur amoureux me fait rechercher d'estre unie a cet aymable Enfant, mon cher Bienaymé.

  A005000183 

 Hé, que cherches vous, o Mere de la vie, en ce mont de Calvaire et en ce lieu de mort? Je cherche, eust elle dit, mon Enfant qui est la vie de ma vie.

  A005000183 

 Mais maintenant il est parmi les tristesses de la mort.

  A005000184 

 Et cet effect de l'amour fut mesme prattiqué entre David et Jonathas, car il est dit que l'ame de Jonathas fut collee a celle de David: aussi est-ce un axiome celebré par les anciens Peres, que l'amitié qui peut finir ne fut jamais vraye amitié, ainsy que j'ay dit ailleurs..

  A005000184 

 Mais quand l'union de l'ame avec Dieu est grandement tres estroitte et tres serree, elle est appellee par les theologiens inhesion ou adhesion, parce que par icelle l'ame demeure prise, attachee, collee et affigee a la divine Majesté, en sorte que malaysement peut elle s'en desprendre et retirer.

  A005000184 

 O Dieu, Theotime, combien plus doit estre attachee et serree l'ame qui est amante de son Dieu, quand elle est unie a la divinité de l'infinie Douceur et qu'elle est prise et esprise en cet object d'incomparables [16] perfections! Telle fut celle du grand vaysseau d'election qui s'escrioit: Affin que je vive a Dieu, je suis affigé a la croix avec Jesus Christ; aussi proteste-il que rien, non pas la mort mesme, ne le peut separer de son Maistre.

  A005000184 

 Voyés, je vous prie, cet homme pris et serré par attention a la suavité d'une harmonieuse musique, ou bien (ce qui est extravagant) a la niaiserie d'un jeu de cartes: vous l'en voules retirer et vous ne pouves, quelles affaires qu'il ayt au logis on ne le peut arracher, il en perd mesme le boire et le manger.

  A005000185 

 Ainsy l'ame laquelle, par l'exercice de l'union, est parvenue jusques a demeurer prise et attachee a la divine Bonté, n'en peut estre tiree presque que par force et avec beaucoup de douleur; on ne la peut faire desprendre: si on destourne son imagination, elle ne laisse pas de se tenir prise par son entendement; que si on tire son entendement, elle se tient attachee par la volonté; et si on la fait encor [17] abandonner de la volonté par quelque distraction violente, elle se retourne de moment en moment du costé de son cher object, duquel elle ne se peut du tout desprendre, renouant tant qu'elle peut les doux liens de son union avec luy par des frequens retours qu'elle fait, comme a la desrobbee; experimentant en cela la peyne de saint Paul, car elle est pressee de deux desirs: d'estre delivree de toute occupation exterieure pour demeurer en son interieur avec Jesus Christ, et d'aller neanmoins a l'œuvre de l'obeissance que l'union mesme avec Jesus Christ luy enseigne estre requise..

  A005000185 

 Voyes, je vous prie, Theotime, ce petit enfant attaché au tetin et au col de sa mere: si on le veut arracher de la pour le porter en son berceau, parce qu'il en est tems, il marchande et dispute tant qu'il peut pour ne point quitter ce sein tant amiable; si on le fait desprendre d'une main il s'accroche de l'autre, et si on l'enleve du tout il se met a pleurer, et tenant son cœur et ses yeux ou il ne peut plus tenir son cors, il va reclamant sa chere mere, jusques a ce qu'a force de le bercer on l'ayt endormi.

  A005000186 

 Or, la bienheureuse Mere Therese dit excellemment, que l'union estant parvenue jusqu'a cette perfection que de nous tenir pris et attachés avec Nostre Seigneur, elle n'est point differente du ravissement, suspension ou pendement d'esprit; mais qu'on l'appelle seulement union, ou suspension, ou pendement, quand elle est courte, et quand elle est longue on l'appelle extase ou ravissement: d'autant qu'en effect, l'ame attachee a son Dieu si fermement et si serree qu'elle n'en puisse pas aysement estre desprise, elle n'est plus en soy mesme, mais en Dieu; non plus qu'un cors crucifié n'est plus en soy mesme, mais en la croix, et que le lierre attaché a la muraille n'est plus en soy, mais en la muraille..

  A005000187 

 Imagines vous donques, que saint Paul, saint Denis, saint Augustin, saint Bernard, saint François, sainte Catherine de Gennes ou de Sienne sont encor en ce monde, et qu'ilz dorment de lassitude apres plusieurs travaux pris pour l'amour de Dieu; representes vous d'autre part quelque bonne ame, mais non pas si sainte comme eux, qui fust en l'orayson d'union a mesme tems: je vous [18] demande, mon cher Theotime, qui est plus uni, plus serré, plus attaché a Dieu, ou ces grans Saintz qui dorment, ou cette ame qui prie? Certes, ce sont ces admirables amans; car ilz ont plus de charité, et leurs affections, quoy qu'en certaine façon dormantes, sont tellement engagees et prises a leur Maistre qu'elles en sont inseparables.

  A005000187 

 Mays affin d'eviter tout equivoque, saches, Theotime, que la charité est un lien et un lien de perfection; et qui a plus de charité, il est plus estroittement uni et lié a Dieu.

  A005000187 

 Mays, ce me dires vous, comme se peut-il faire qu'une ame qui est en l'orayson d'union, et mesme jusques a l'extase, soit moins unie a Dieu que ceux qui dorment, pour saintz qu'ilz soyent? Voyci que je vous dis, Theotime: celle la est plus avant en l'exercice de l'union, et ceux ci sont plus avant en l'union; ceux ci sont unis et ne s'unissent pas, puisqu'ilz dorment, et celle la s'unit, estant en l'exercice et prattique actuelle de l'union..

  A005000187 

 Or, nous ne parlons pas de cette union qui est permanente en nous par maniere d'habitude, soit que nous dormions, soit que nous veillions; nous parlons de l'union qui se fait par l'action et qui est un des exercices de la charité et dilection.

  A005000192 

 Et bien que les attraitz par lesquelz nous sommes attirés de la part de Dieu soyent admirablement doux, suaves et delicieux, si est-ce qu'a cause de la force que la beauté et bonté divine a pour tirer a soy l'attention et application de l'esprit, il semble que non seulement elle nous esleve, mays qu'elle nous ravit et emporte; comme au contraire, a rayson du tres volontaire consentement et ardent mouvement par lequel l'ame ravie s'escoule apres les attraitz divins, il semble que non seulement elle monte et s'esleve, mais qu'elle se jette et s'eslance hors de soy en la Divinité mesme.

  A005000192 

 Et c'en est de mesme en la tres infame extase ou abominable ravissement qui arrive a l'ame lhors que, par les amorces des playsirs brutaux, elle est mise hors de sa propre dignité spirituelle et au dessous de sa condition naturelle: car, entant que volontairement elle suit cette malheureuse volupté et se precipite hors de soy mesme, c'est a dire hors de l'estat spirituel, on dit qu'elle est en l'extase sensuelle; mais entant que les [20] appatz et allechemens sensuelz la tirent puissamment et, par maniere de dire, l'entraisnent dans cette basse et vile condition, on dit qu'elle est ravie et emportee hors de soy mesme, parce que ces voluptés bestiales la demettent de l'usage de la rayson et intelligence avec une si furieuse violence que, comme dit l'un des plus grans philosophes, l'homme estant en cet accident semble estre tumbé en epilepsie, tant l'esprit demeure absorbé et comme perdu.

  A005000193 

 L'admiration se fait en nous par le rencontre d'une verité nouvelle que nous ne connoissions pas ni n'attendions pas de connoistre; et si a la nouvelle verité que nous rencontrons est jointe la beauté et bonté, l'admiration qui en provient est grandement delicieuse.

  A005000193 

 Mais, mon cher Theotime, quant aux extases sacrees, elles sont de trois sortes: l'une est de l'entendement, l'autre de l'affection, et la troisiesme de l'action; l'une est en la splendeur, l'autre en la ferveur, et la troisiesme en l'œuvre; l'une se fait par l'admiration, l'autre par la devotion, et la troisiesme par l'operation.

  A005000194 

 Et d'autant que cette admiration, quand elle est forte, nous tient hors et au dessus de nous mesmes par la vive attention et application de nostre entendement aux choses celestes, elle nous porte par consequent en l'extase..

  A005000194 

 Or l'admiration des choses aggreables attache et colle fortement l'esprit a la chose admiree: tant a rayson de l'excellence de la beauté qu'elle luy descouvre, qu'a rayson de la nouveauté de cette excellence; l'entendement ne se pouvant asses assouvir de voir ce qu'il n'a [21] encor point veu et qui est si aggreable a voir.

  A005000198 

 De mesme, quant au bien, [22] sa vraye image c'est la lumiere, sur tout en ce que la lumiere recueille, reduit et convertit a soy tout ce qui est (dont le soleil, entre les Grecs, est nommé d'une parole laquelle monstre qu'il fait que toutes choses soyent ramassees et serrees, rassemblant les dispersees, comme la bonté convertit a soy toutes choses), estant non seulement la souveraine unité, mays souverainement unissante, d'autant que toutes choses la desirent comme leur principe, leur conservation et leur derniere fin.

  A005000198 

 Et quant au beau, parce qu'il attire et rappelle a soy toutes choses, les Grecs l'appellent d'un nom qui est tiré d'une parole qui veut dire appeller.

  A005000198 

 Tout se fait pour le bon et pour le beau, toutes choses regardent vers luy, sont meües et contenues par luy et pour l'amour de luy; le bon et le beau est desirable, aymable et cherissable a tous; pour luy toutes choses font et veulent tout ce qu'elles operent et veulent.

  A005000199 

 Ce discours, Theotime, est presque tout composé des paroles du divin saint Denis Areopagite: et certes, il est vray que le soleil, source de la lumiere corporelle, est la vraye image du bon et du beau; car, entre les creatures purement corporelles, il n'y a point de bonté ni de beauté egale a celle du soleil.

  A005000199 

 Comme beau, comblant nostre entendement de delices, il respand son amour dans nostre volonté; comme bon, remplissant nostre volonté de son amour, il excite nostre entendement a le contempler, [23] l'amour nous provoquant a la contemplation et la contemplation a l'amour: dont il s'ensuit que l'extase et le ravissement depend totalement de l'amour, car c'est l'amour qui porte l'entendement a la contemplation et la volonté a l'union.

  A005000199 

 De maniere qu'en fin il faut conclure avec le grand saint Denis, que «l'amour divin est extatique, ne permettant pas que les amans soyent a eux mesmes, ains a la chose aymee;» a rayson dequoy cet admirable apostre saint Paul, estant en la possession de ce divin amour et fait participant de sa force extatique, d'une bouche divinement inspiree, Je vis, dit-il, non plus moy, mays Jesus Christ vit en moy; ainsy, comme un vray amoureux sorti hors de soy en Dieu, il vivoit non plus sa propre vie, mays la vie de son Bienaymé, comme souverainement aymable..

  A005000199 

 Entant qu'elle est belle et claire, elle attire tous les yeux qui ont veüe au monde; entant qu'elle est bonne et qu'elle eschauffe, elle attire a soy tous les appetitz et toutes les inclinations du monde corporel, car elle tire et esleve les exhalations et vapeurs, elle tire et fait sortir les plantes et les animaux de leurs origines, et ne se fait aucune generation a laquelle la chaleur vitale de ce grand luminaire ne contribue.

  A005000200 

 Il est vray que, comme j'ay des-ja signifié, l'entendement entre quelquefois en admiration voyant la sacree delectation que la volonté a en son extase, comme la volonté reçoit souvent de la delectation appercevant l'entendement en admiration; de sorte que ces deux facultés s'entrecommuniquent leurs ravissemens, le regard de la beauté nous la faisant aymer, et l'amour nous la faisant regarder.

  A005000200 

 On n'est guere souvent eschauffé des rayons du soleil qu'on n'en soit esclairé, ni esclairé qu'on n'en soit eschauffé; l'amour fait facilement admirer, et l'admiration facilement aymer..

  A005000201 

 Et partant, le malin esprit peut extasier, s'il faut ainsy parler, et ravir l'entendement, luy representant des merveilleuses intelligences qui le tiennent eslevé et suspendu au dessus de ses forces naturelles, et par telles clartés il peut encor donner a la volonté quelque sorte d'amour vain, mol, tendre et imparfait, par maniere de complaysance, satisfaction et consolation sensible; mais de donner la vraye extase de la volonté, par laquelle elle s'attache uniquement et puissamment a la Bonté divine, cela n'appartient qu'a cet Esprit souverain par lequel la charité de Dieu est respandue dedans nos cœurs..

  A005000201 

 Toutefois, les deux extases, de l'entendement et de la volonté, ne sont pas tellement appartenantes l'une a l'autre que l'une ne soit bien souvent sans l'autre: car, [24] comme les philosophes ont eu plus de la connoissance que de l'amour du Createur, aussi les bons Chrestiens en ont maintefois plus d'amour que de connoissance; et par consequent l'exces de la connoissance n'est pas tous-jours suivi de celuy de l'amour, non plus que l'exces de l'amour n'est pas tous-jours accompaigné de celuy de la connoissance, ainsy que j'ay remarqué ailleurs.

  A005000205 

 C'est pourquoy il ne se faut pas estonner si le malin esprit, pour faire le singe, tromper les ames, scandaliser les foibles et se transformer en esprit de lumiere, opere des ravissemens en quelques ames peu solidement instruites en la vraye pieté..

  A005000205 

 Mays ce qui est admirable, c'est que son extase passoit si avant qu'il ne sentoit mesme pas quand on luy appliquoit le feu, sinon apres qu'il estoit revenu a soy; et neanmoins, si quelqu'un parloit un peu fort et a voix claire, il l'entendoit comme de loin, et n'avoit aucune respiration.

  A005000206 

 Affin donq qu'on puisse discerner les extases divines d'avec les humaines et diaboliques, les serviteurs de Dieu ont laissé plusieurs documens; mays quant a moy, il me suffira pour mon propos de vous proposer deux marques de la bonne et sainte extase: l'une est que l'extase sacree ne se prend ni attache jamais tant a l'entendement qu'a la volonté, laquelle elle esmeut, eschauffe et remplit d'une puissante affection envers Dieu; de maniere que si l'extase est plus belle que bonne, plus lumineuse que chaleureuse, plus speculative qu'affective, elle est grandement douteuse et digne de soupçon.

  A005000207 

 L'entiere observation des commandemens de Dieu n'est pas dans l'enclos des forces humaines, mais elle est bien pourtant dans les confins de l'instinct de l'esprit humain, comme tres conformes a la rayson et lumiere naturelle: de sorte que, vivans selon les commandemens de Dieu, nous ne sommes pas pour cela hors de nostre inclination naturelle.

  A005000207 

 La seconde marque des vrayes extases consiste en la troysiesme espece d'extase que nous avons marquee ci dessus, extase toute sainte, toute aymable et qui couronne les deux autres; et c'est l'extase de l'œuvre et de la vie.

  A005000207 

 Mays, outre les commandemens divins, il y a des inspirations celestes, pour l'execution desquelles il ne faut pas seulement que Dieu nous esleve au dessus de nos forces, mais aussi qu'il nous tire au dessus des instinctz et des inclinations de nostre nature; d'autant qu'encor que ces inspirations ne sont pas contraires a la rayson humaine, elles l'excedent toutefois, la surmontent et sont au dessus d'icelle: de sorte que lhors, nous ne vivons pas seulement une vie civile, honneste et chrestienne, mais une vie surhumaine, spirituelle, devote et extatique, c'est a dire une vie qui est en toute façon hors et au dessus de nostre condition naturelle..

  A005000208 

 Ne point desrobber, ne point mentir, ne point commettre de luxure, prier Dieu, ne point jurer en vain, aymer et honnorer son pere, ne point tuer, c'est vivre selon la rayson naturelle de l'homme; mais quitter tous nos biens, aymer la pauvreté, l'appeller et tenir en qualité de tres delicieuse maistresse, tenir les opprobres, mespris, abjections, persecutions, martyres pour des felicités et beatitudes, se contenir dans les termes d'une tres absolue chasteté, et en fin, vivre emmi le monde et en cette vie mortelle contre toutes les opinions et maximes du monde et contre le courant du fleuve de cette vie, par des ordinaires resignations, renoncemens et abnegations de nous mesmes, ce n'est pas vivre humainement, [27] mais surhumainement; ce n'est pas vivre en nous, mais hors de nous et au dessus de nous: et parce que nul ne peut sortir en cette façon au dessus de soy mesme si le Pere eternel ne le tire, partant cette sorte de vie doit estre un ravissement continuel et une extase perpetuelle d'action et d'operation..

  A005000209 

 La mort fait que l'ame ne vit plus en son cors ni en l'enclos d'iceluy; que veut donq dire, Theotime, cette parole de l'Apostre: Vous estes mortz? C'est comme s'il eust dit: Vous ne vives plus en vous mesme ni dedans l'enclos de vostre propre condition naturelle, vostre ame ne vit plus selon elle mesme, mays au dessus d'elle mesme.

  A005000209 

 Le phœnix est phœnix en cela, qu'il aneantit sa propre vie a la faveur des rayons du soleil, pour en avoir une plus douce et vigoureuse, cachant, par maniere de dire, sa vie sous les cendres; les bigatz et vers a soye changent leur estre, et de vers se font papillons; les abeilles naissent vers, puis deviennent nimphes, marchans sur leurs pieds, et en fin deviennent mousches volantes.

  A005000209 

 Nostre vie nouvelle c'est l'amour celeste qui vivifie et anime nostre ame, et cet [28] amour est tout caché en Dieu et es choses divines avec Jesus Christ; car puisque, comme disent les lettres sacrees de l'Evangile, apres que Jesus Christ se fut un peu laissé voir a ses disciples en montant la haut au Ciel, en fin une nuee l'environna qui l'osta et cacha de devant leurs yeux, Jesus Christ donques est caché au Ciel en Dieu.

  A005000209 

 Or, Jesus Christ est nostre amour, et nostre amour est la vie de nostre ame: donques nostre vie est cachee en Dieu avec Jesus Christ; et quand Jesus Christ qui est nostre amour, et par consequent nostre vie spirituelle, viendra paroistre au jour du jugement, alhors nous apparoistrons avec luy en gloire, c'est a dire, Jesus Christ nostre amour nous glorifiera, nous communiquant sa felicité et splendeur..

  A005000209 

 Vous estes mortz, disoit le grand Apostre aux Rhodiens, et vostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu.

  A005000213 

 Ainsy saint Ignace, au rapport de saint Denis, disoit que son amour estoit crucifié; comme s'il eust voulu dire: Mon amour naturel et humain, avec toutes les passions qui en dependent, est attaché sur la croix, je l'ay fait mourir comme un amour mortel qui faisoit vivre mon cœur d'une vie mortelle; et comme mon Sauveur fut crucifié et mourut selon sa vie mortelle pour resusciter a l'immortelle, aussi je suis mort avec luy sur la croix selon mon amour naturel, qui estoit la vie mortelle de mon ame, affin que je resuscitasse a la vie surnaturelle d'un amour qui, pouvant estre exercé au Ciel, est aussi par consequent immortel..

  A005000213 

 Ainsy, Theotime, l'amour est le premier acte et principe de nostre vie devote ou spirituelle, par lequel nous vivons, sentons et nous esmouvons, et nostre vie spirituelle est telle que sont nos mouvemens affectifz; et un cœur qui n'a point de mouvement et d'affection, il n'a point d'amour, comme au contraire un cœur qui a de l'amour n'est point sans mouvement affectif.

  A005000213 

 L'ame est le premier acte et principe de tous les mouvemens vitaux de l'homme, et, comme parle Aristote, elle est «le principe par lequel nous vivons, sentons et entendons:» dont il s'ensuit que nous connoissons la diversité des vies selon la diversité des mouvemens, en sorte mesme que les animaux qui n'ont point de mouvement naturel sont du tout sans vie.

  A005000213 

 Quand donq nous avons colloqué nostre amour en Jesus Christ, nous [29] avons, par consequent, mis en luy nostre vie spirituelle: or, il est caché maintenant en Dieu au Ciel comme Dieu fut caché en luy tandis qu'il estoit en terre; c'est pourquoy nostre vie est cachee en luy, et quand il paroistra en gloire, nostre vie et nostre amour paroistra de mesme avec luy en Dieu.

  A005000214 

 Car, quel bien peut avoir une ame d'estre ravie a Dieu par l'orayson, si en sa conversation et en sa vie elle est ravie des affections terrestres, basses et naturelles? Estre au dessus de soy mesme en l'orayson et au dessous de soy en la vie et operation, estre angelique en la meditation et bestial en la conversation, c'est clocher de part et d'autre, jurer en Dieu et jurer en Melchon, et en somme c'est une vraye marque que telz ravissemens et telles extases ne sont que des amusemens et tromperies du malin esprit.

  A005000214 

 Quand donques on void une personne qui en l'orayson a des ravissemens par lesquelz elle sort et monte au dessus de soy mesme en Dieu, et neanmoins n'a point d'extase en sa vie, c'est a dire ne fait point une vie relevee et attachee a Dieu, par abnegation des convoytises mondaines et mortification des volontés et inclinations naturelles, par une interieure douceur, simplicité, humilité, et sur tout par une continuelle charité, croyés, Theotime, que tous ses ravissemens sont grandement douteux et perilleux; ce sont ravissemens propres a faire admirer les hommes, mais non pas a les sanctifier.

  A005000215 

 Et qui ne void, Theotime, je vous prie, que c'est l'extase de la vie et operation de laquelle le grand Apostre parle principalement, quand il dit: Je vis, mais non plus moy, ains Jesus Christ vit en moy? car il l'explique luy mesme en autres termes aux Romains, disant que nostre viel homme est crucifié ensemblement avec Jesus Christ, que nous sommes mortz au peché avec luy, et que de mesme nous sommes resuscités avec luy pour marcher en nouveauté de vie, affin de ne servir plus au peché.

  A005000215 

 Voyla deux hommes representés en un chacun de nous, Theotime, et par consequent deux vies: l'une du viel homme, qui est une vielle vie, comme on dit de l'aigle qui estant devenue vielle va traisnant ses plumes et ne peut plus prendre son vol; l'autre vie est de l' homme nouveau, qui est aussi une vie nouvelle, comme celle de l'aigle laquelle deschargee de ses vielles plumes qu'elle a secouees dans la mer, en prend des nouvelles, et s'estant rajeunie vole en la nouveauté de ses forces..

  A005000216 

 En la premiere vie nous vivons selon le viel homme, c'est a dire selon les defautz, foiblesses et infirmités que nous avons contractees par le peché de nostre premier pere Adam, et partant nous vivons au peché d'Adam, et nostre vie est une vie mortelle, ains la mort mesme; en la seconde vie nous vivons selon l' homme nouveau, c'est a dire selon les graces, faveurs, ordonnances et volontés de nostre Sauveur, et par consequent nous vivons au salut et a la redemption, et cette [31] nouvelle vie est une vie vive, vitale et vivifiante.

  A005000217 

 Or, quicomque est resuscité a cette nouvelle vie du Sauveur, il ne vit plus ni a soy, ni en soy, ni pour soy, ains a son Sauveur, en son Sauveur et pour son Sauveur.

  A005000221 

 Il est vray, certes; si un Jesus Christ est mort pour tous, donques tous sont morts en la personne de cet unique Sauveur qui est mort pour eux, et sa mort leur doit estre imputee, puisqu'elle a esté enduree pour eux et en leur consideration..

  A005000221 

 Mais quelle resolution? Voyes, je vous prie, Theotime, comme il va gravement fichant et poussant sa conception dans nos cœurs: estimans ceci, dit il; et quoy? que si un est mort pour tous, donques tous sont morts; et Jesus Christ est mort pour tous.

  A005000221 

 Qu'est ce a dire, estimans ceci? c'est a dire, que la charité du Sauveur nous presse lhors principalement que nous estimons, considerons, pesons, meditons et sommes attentifs a cette resolution de la foy.

  A005000221 

 Si un homme sçait d'estre aymé de qui [32] que ce soit, il est pressé d'aymer reciproquement; mais si c'est un homme vulgaire qui est aymé d'un grand seigneur, certes il est bien plus pressé; mais si c'est d'un grand monarque, combien est-ce qu'il est pressé davantage? Et maintenant, je vous prie, sachans que Jesus Christ, vray Dieu eternel, tout puissant, nous a aymés jusques a vouloir souffrir pour nous la mort, et la mort de la croix, o mon cher Theotime, n'est ce pas cela avoir nos coeurs sous le pressoir et les sentir presser de force, et en exprimer de l'amour par une violence et contrainte qui est d'autant plus violente qu'elle est toute aymable et amiable? Mais, comme est-ce que ce divin Amant nous presse? La charité de Jesus Christ nous presse, dit son saint Apostre, estimans ceci.

  A005000222 

 Mais qu'est ce qu'il a desiré de nous sinon que nous nous conformassions a luy, affin, dit l'Apostre, que ceux qui vivent ne vivent plus desormais a eux mesmes, ains a Celuy qui est mort et resuscité pour eux.

  A005000222 

 Mais que s'ensuit il de cela? Il m'est advis que j'oye cette bouche apostolique, comme un tonnerre, qui exclame aux oreilles de nos cœurs: Il s'ensuit donques, o Chrestiens, ce que Jesus Christ a desiré de nous en mourant pour nous.

  A005000222 

 Vray Dieu, Theotime, que cette consequence est forte en matiere d'amour! Jesus Christ est mort pour nous, il nous a donné la vie par sa mort, [33] nous ne vivons que parce qu'il est mort, il est mort pour nous, a nous et en nous: nostre vie n'est donq plus nostre, mais a Celuy qui nous l'a acquise par sa mort; nous ne devons donq plus vivre a nous, mais a luy; non en nous, mais en luy; non pour nous, mais pour luy..

  A005000228 

 Hé, que reste-il donq? quelle conclusion avons-nous plus a prendre, mon cher Theotime, sinon que ceux qui vivent ne vivent plus a eux mesmes, ains a Celuy qui est mort pour eux? c'est a dire, que nous consacrions au divin amour de la mort de nostre Sauveur tous les momens de nostre vie, rapportans a sa gloire toutes nos proyes, toutes nos conquestes, toutes nos œuvres, toutes nos actions, toutes nos pensees et toutes nos affections.

  A005000228 

 Voyons-le, Theotime, ce divin Redempteur, estendu sur la croix, comme sur son bucher d'honneur ou il meurt d'amour pour nous, mais d'un amour plus douloureux que la mort mesme, ou d'une mort plus amoureuse que l'amour mesme: hé, que ne nous jettons-nous en esprit sur luy, pour mourir sur la croix avec luy, qui, pour l'amour de nous, a bien voulu mourir! Je le tiendray, devrions nous dire si nous avions la generosité de l'aigle, et ne le quitteray jamais; je mourray avec luy et brusleray dedans les flammes de son amour, un mesme feu consumera ce divin Createur et sa chetifve creature; mon Jesus est tout mien et je suis toute sienne, je vivray et mourray sur sa poitrine, ni la mort ni la vie ne me separera jamais de luy..

  A005000233 

 L'amour est fort comme la mort: la mort separe l'ame du mourant d'avec son cors et d'avec toutes les choses du monde; l'amour sacré separe l'ame de l'amant d'avec son cors et d'avec toutes les choses du monde, et n'y a point d'autre difference sinon en ce que la mort fait tous-jours par effect ce que l'amour ne fait ordinairement que par l'affection.

  A005000233 

 Or je dis ordinairement Theotime, parce que quelquefois l'amour sacré est bien si violent, que mesme par effect il cause la separation du cors et de l'ame, faisant mourir les amans d'une mort tres heureuse, qui vaut mieux que cent vies..

  A005000234 

 Comme c'est le propre des repreuvés de mourir en peché, aussi est-ce le propre des esleuz de mourir en l'amour et grace de Dieu; mays cela toutefois advient differemment.

  A005000234 

 Le juste ne meurt jamais a l'improuveu, car c'est avoir bien prouveu a sa mort que d'avoir perseveré en la justice chrestienne jusques a la fin, mais il meurt bien quelquefois de mort subite ou soudaine; c'est pourquoy l'Eglise, toute sage, ne nous fait pas simplement requerir es Letanies, d'estre deslivrés de mort soudaine, mais «de mort soudaine et improuveue:» pour estre soudaine elle n'en est pas pire, sinon qu'elle soit encor improuveue.

  A005000235 

 En un homme dormant, il semble que toutes ses habitudes dorment avec luy, et qu'elles se resveillent aussi avec luy; ainsy donq, l'homme juste mourant subitement, ou accablé d'une mayson qui luy tumbe dessus, ou tué par le foudre, ou suffoqué d'un catherre, ou bien mourant hors de son bon sens par la violence de quelque fievre chaude, il ne meurt certes pas en l'exercice de l'amour divin, mais il meurt neanmoins en l'habitude d'iceluy; dont le Sage a dit: Le juste, s'il [37] est prevenu de la mort, il sera en refrigere; car il suffit pour obtenir la vie eternelle de mourir en l'estat et habitude de l'amour et charité..

  A005000235 

 Mais, comme pouvoyent ilz deceder en l'amour de Dieu, puisque mesme ilz ne pensoyent pas en Dieu lhors de leur trespas? Les sçavans hommes, Theotime, ne perdent pas leur science en dormant, autrement ilz seroyent ignorans a leur resveil et faudroit qu'ilz retournassent a l'escole; or c'en est de mesme de toutes les habitudes de prudence, de temperance, de foy, d'esperance, de charité; elles sont tous-jours dedans l'esprit des justes, bien qu'ilz n'en fassent pas tous-jours les actions.

  A005000236 

 Le bienheureux et venerable Bede, ayant sceu par revelation l'heure de son trespas, alla a Vespres (et c'est oit le jour de l'Ascension), et «se tenant debout, appuyé seulement aux accoudoirs de son siege, sans maladie quelconque, finit sa vie au mesme instant qu'il finit de chanter Vespres,» comme justement pour suivre son Maistre montant au Ciel, affin d'y jouir du beau matin de l'eternité qui n'a point de Vespres..

  A005000236 

 Saint Augustin mourut en l'exercice de la sainte contrition, qui n'est pas sans amour; saint Hierosme, exhortant ses chers enfans a l'amour de" Dieu, du prochain et de la vertu; saint Ambroyse, tout ravi, devisant doucement avec son Sauveur, soudain apres avoir receu le tres divin Sacrement de l'autel; saint Anthoyne de Padoüe, apres avoir recité un hymne a la glorieuse Vierge Mere, et parlant en grande joye avec le Sauveur; saint Thomas d'Acquin, joignant les mains, eslevant ses yeux au ciel, haussant fortement sa voix et prononçant par maniere d'eslan, avec grande ferveur, ces paroles du Cantique, qui estoyent les dernieres qu'il avoit exposees: Venes, o mon cher Bienaymé, et sortons ensemble aux chams.

  A005000237 

 Jean Gerson, Chancelier de l'Université de Paris, homme si docte et si pieux, que, comme dit Sixtus Senensis, «on ne peut discerner s'il a surpassé sa [38] doctrine par la pieté ou sa pieté par la doctrine,» ayant expliqué les cinquante proprietés de l'amour divin marquees au Cantique des Cantiques, trois jours apres, monstrant un visage et un cœur fort vif, expira prononçant et repetant plusieurs fois, par maniere d'orayson jaculatoire, ces saintes paroles tirees du mesme Cantique: O Dieu, vostre dilection est forte comme la mort.

  A005000241 

 Aussi la confession de la foy n'est pas tant un acte de l'entendement et de la foy, comme c'est un acte de la volonté et de l'amour de Dieu; et c'est pourquoy le grand saint Pierre, gardant la foy dans son ame au jour de la Passion, perdit neanmoins la charité, ne voulant pas advoüer de bouche pour son Maistre, Celuy qu'il reconnoissoit pour tel en son cœur.

  A005000241 

 Tous les Martirs, Theotime, moururent pour l'amour divin; car, quand on dit que plusieurs sont mortz pour la foy, on ne doit pas entendre que ç'ait esté pour la foy morte, ains pour la foy vivante, c'est a dire animee de la charité.

  A005000242 

 Ainsy, mon cher Theotime, quand l'ardeur du saint amour est grande, elle donne tant d'assautz au cœur, elle le blesse si souvent, elle luy cause tant de langueurs, elle le fond si ordinairement, elle le porte en des extases et ravissemens si frequens, que par ce moyen l'ame presque toute occupee en Dieu, ne pouvant fournir asses d'assistance a la nature pour faire la digestion et nourriture convenable, les forces animales et vitales commencent a manquer petit a petit, la vie s'accourcit et le trespas arrive..

  A005000242 

 Le regret quelquefois empesche si longuement les affligés de [40] boire, de manger et de dormir, qu'en fin, affoiblis et alangouris ilz meurent; et lhors, le vulgaire dit qu'ilz sont mortz de regret, mais ce n'est pas la verité, car ilz meurent de defaillance de forces et d'exinanition: il est vray que cette defaillance leur estant arrivee a cause du regret, il faut advoüer, que s'ilz ne sont pas mortz de regret, ilz sont mortz a cause du regret et par le regret.

  A005000243 

 O Dieu, Theotime, que cette mort est heureuse! que douce est cette amoureuse sagette qui, nous blessant de cette playe incurable de la sacree dilection, nous rend pour jamais languissans et malades d'un battement de cœur si pressant qu'en fin il faut mourir! De combien penses-vous que ces sacrees langueurs et les travaux supportés pour la charité avançassent les jours aux divins amans, comme a sainte Catherine de Sienne, a saint François, au petit Stanislas Koska, a saint Charles et a plusieurs centaines d'autres qui moururent si jeunes? Certes, quant a saint François, des qu'il eut receu les saintes stigmates de son Maistre, il eut de si fortes et penibles douleurs, tranchees, convulsions et maladies, qu'il ne luy demeura que la peau et les os, et sembloit plustost une anatomie ou une image de la mort, qu'un homme vivant et respirant encores.

  A005000247 

 Mays ce qui appartient au souverain degré d'amour, c'est que quelques uns meurent d'amour; et c'est lhors que non seulement l'amour blesse l'ame en sorte qu'il la met en langueur, mays quand il la transperce, donnant son coup droit dans le milieu du cœur, et si fortement qu'il pousse l'ame dehors de son cors: ce qui se fait ainsy.

  A005000247 

 Or, c'est le plus violent effect que l'amour fasse en une ame, et qui requiert auparavant une grande nudité de toutes les affections qui peuvent tenir le cœur attaché ou au monde ou au cors; en sorte que, comme le feu ayant separé petit a petit l'essence de sa masse et l'ayant du tout espuree, fait en fin sortir la quintessence, aussi le saint amour [42] ayant retiré le cœur humain de toutes humeurs, inclinations et passions, autant qu'il se peut, il en fait par apres sortir l'ame, affin que par cette mort, pretieuse aux yeux divins, elle passe en la gloire immortelle..

  A005000254 

 Outre ce qui a esté dit, j'ay treuvé une histoire laquelle pour estre extremement admirable n'en est que plus croyable aux amans sacrés; puisque, comme dit le saint Apostre, la charité croid tres volontier toutes choses, c'est a dire elle ne pense pas aysement qu'on mente, et s'il n'y a des marques apparentes de fauseté en ce qu'on luy represente, elle ne fait pas difficulté de les croire, mais sur tout quand ce sont choses qui exaltent et magnifient l'amour de Dieu envers les hommes ou l'amour des hommes envers Dieu: d'autant que la charité, qui est reyne souveraine des vertus, se plaist, a la façon des princes, es choses qui servent a la gloire de son empire et domination.

  A005000255 

 De Bethleem il alla en Bethabara, et passa jusques au petit lieu de Bethanie, ou, se resouvenant que Nostre Seigneur s'estoit devestu pour estre baptisé, il se despouilla aussi luy mesme, et entrant dans le Jordain, se lavant et beuvant des eaux d'iceluy, il luy estoit advis d'y voir son Sauveur recevant le Baptesme par la main de son Precurseur, et le Saint Esprit descendant visiblement sur iceluy sous la forme de colombe, avec les cieux encor ouvertz, d'ou, ce luy sembloit, descendoit la voix du Pere eternel disant: Cestuy cy est mon Filz bienaymé auquel je me complais.

  A005000257 

 Sur quoy: «Sans doute,» dit le medecin, «son cœur s'est donques esclatté d'exces et de ferveur d'amour.» Et affin de mieux affermir son jugement il le voulut ouvrir, et treuva ce brave cœur ouvert, avec ce sacré mot gravé au dedans d'iceluy: «Jesus mon amour!» L'amour donques fit en ce cœur l'office de la mort, separant l'ame du cors sans concurrence d'aucune autre cause: et c'est saint Bernardin de Sienne, autheur fort docte et fort saint, qui fait ce recit au premier de ses sermons de l'Ascension..

  A005000258 

 Je voy bien, a la verité, que cette histoire est grandement extraordinaire et qui meriteroit un tesmoignage de plus grand poids; mais apres la tres veritable histoire du cœur fendu de sainte Claire de Montefalco, que tout le monde peut voir encor maintenant, et celle des stigmates de saint François, qui est tres asseuree, mon ame ne treuve rien de malaysé a croire parmi les effectz du divin amour..

  A005000263 

 Car, a qui de tous les Seraphins appartient-il de dire au Sauveur: Vous estes mon vray Filz, et je vous ayme comme mon vray Filz? et a qui de toutes les creatures fut il jamais dit par le Sauveur: Vous estes ma vraye Mere et je vous ayme comme ma vraye Mere, vous estes ma vraye Mere toute mienne et je suis vostre vray Filz tout vostre? Si donques un serviteur amant osa bien dire, et le dit en verité, qu'il n'avoit point d'autre vie que celle de son Maistre, helas, combien hardiment et ardemment devoit exclamer cette Mere: Je n'ay point d'autre vie que la vie de mon Filz, ma vie est toute en la sienne, et la sienne toute en la mienne; car ce n'estoit plus union, ains unité de cœur, d'ame et de vie entre cette Mere et ce Filz..

  A005000263 

 Si les premiers Chrestiens furent ditz n'avoir qu' un cœur et une ame, a cause de leur parfaite mutuelle dilection; si saint Paul ne vivoit plus luy mesme, ains Jesus Christ vivoit en luy, a rayson de l'extreme union de son cœur a celuy de son Maistre, par laquelle son ame estoit comme morte en son cœur qu'elle animoit, pour vivre dans le cœur du Sauveur qu'elle aymoit; o [50] vray Dieu, combien est il plus veritable que la sacree Vierge et son Filz n'avoyent qu' une ame, qu' un cœur et qu'une vie, en sorte que cette sacree Mere, vivant ne vivoit pas elle, mais son Filz vivoit en elle! Mere la plus amante et la plus aymee qui pouvoit jamais estre; mays amante et aymee d'un amour incomparablement plus eminent que celuy de tous les ordres des Anges et des hommes, a mesure que les noms de Mere unique et de Filz unique sont aussi des noms au dessus de tous autres noms en matiere d'amour.

  A005000263 

 Telle, comme je pense, fut la mort de ce grand Patriarche, homme choisi pour faire les plus tendres et amoureux offices qui furent ni seront jamais faitz a l'endroit du Filz de Dieu, apres ceux qui furent pratiqués par sa celeste Espouse, vraye Mere naturelle de ce mesme Filz; de laquelle il est impossible d'imaginer qu'elle soit morte d'autre sorte de mort que de celle d'amour: mort la plus noble de toutes, et deue par consequent a la plus noble vie qui fut onques entre les creatures, mort de laquelle les Anges mesmes desireroyent de mourir s'ilz estoyent capables de mort.

  A005000264 

 Or, si cette Mere vescut de la vie de son Filz, elle mourut aussi de la mort de son Filz: car, quelle est la vie, telle est la mort.

  A005000269 

 On dit d'un costé que Nostre Dame revela a sainte Mathilde que la maladie de laquelle elle mourut ne fut autre chose qu'un assaut impetueux du divin amour; mais sainte Brigide et saint Jean Damascene tesmoignent qu'elle mourut d'une mort extremement paisible: et l'un et l'autre est vray, Theotime..

  A005000270 

 Les estoiles sont merveilleusement belles a voir et jettent des clartés aggreables, mais si vous y aves pris garde, c'est par brillemens, estincellemens et eslans qu'elles produisent leurs rayons, comme si elles enfantoyent la lumiere avec effort, a diverses reprises; soit que leur clarté estant foible ne puisse pas agir si continuellement avec egalité, soit que nos yeux imbecilles ne fassent pas leur veüe constante et ferme a cause de la grande distance qui est entr'eux et ces astres.

  A005000271 

 Ah non, Theotime, il ne faut pas mettre une impetuosité d'agitation en ce celeste amour du cœur maternel de la Vierge, car l'amour, de soy mesme, est doux, gracieux, paisible et tranquille: que s'il fait quelquefois des assautz, s'il donne des secousses a l'esprit, c'est parce qu'il y treuve de la resistance; mais quand les passages de l'ame luy sont ouvertz sans opposition ni contrarieté, il fait ses progres paisiblement, avec une suavité nompareille.

  A005000271 

 Mays ce fut tout autre chose en la tressainte Vierge, car, comme nous voyons croistre la belle aube du jour, non a diverses reprises et par secousses, ains par une certaine dilatation et croissance continue qui est presqu'insensiblement sensible, en sorte que vrayement on la void croistre en clarté, mais si egalement que nul n'apperçoit aucune interruption, separation ou discontinuation de ses accroissemens, ainsy le divin amour croissoit a chasque moment dans le cœur virginal de nostre glorieuse Dame, mais par des croissances douces, paisibles et continues, sans agitation, ni secousse, ni violence quelcomque.

  A005000274 

 Et c'est pourquoy, comme le fer s'il estoit quitte de tous empeschemens et mesme de sa pesanteur, seroit attiré fortement, mais doucement et d'une attraction egale, par l'aymant, en sorte neanmoins que l'attraction serait tous-jours plus active et plus forte a mesure que l'un seroit plus pres de l'autre et que le mouvement seroit [56] proche de sa fin, ainsy la tressainte Mere n'ayant rien en soy qui empeschast l'operation du divin amour de son Filz, elle s'unissoit avec iceluy d'une union incomparable, par des extases douces, paysibles et sans effort; extases esquelles la partie sensible ne laissoit pas de faire ses actions, sans donner pour cela aucune incommodité a l'union de l'esprit, comme reciproquement la parfaite application de son esprit ne donnoit pas fort grand divertissement aux sens.

  A005000274 

 Nostre cœur est fait pour Dieu, qui l'alleche continuellement et ne cesse de jetter en luy les attraitz de son celeste amour; mais cinq choses empeschent la sainte attraction d'operer: 1.

  A005000274 

 s'il est frotté d'un ail; 5.

  A005000274 

 si le fer est engraissé; 4.

  A005000274 

 si le fer est trop pesant.

  A005000282 

 Le veritable amour n'est jamais ingrat, il tasche de complaire a ceux esquelz il se complait; et de la vient la conformité des amans, qui nous fait estre [59] telz que ce que nous aymons.

  A005000283 

 L'amour, dit saint Chrysostome, ou il treuve ou il fait la ressemblance; l'exemple de ceux que nous aymons a un doux et imperceptible empire et une authorité insensible sur nous, il est force ou de les quitter, ou de les imiter.

  A005000283 

 On dit qu'il y a es Indes un petit animal terrestre qui se plaist tant avec les poissons et dans la mer, qu'a force de venir souvent nager avec eux en fin il devient poisson, et d'animal terrestre il est rendu tout a fait animal marin.

  A005000284 

 Ainsy, les disciples d'Aristote se plaisoyent a parler begue comme luy, et ceux de Platon tenoyent les espaules courbees, a son imitation; telle femme s'est retreuvee, au recit de Plutarque, de laquelle l'imagination et apprehension estoit si ouverte a toutes choses par la volupté, que regardant l'image d'un More elle conceut un enfant tout noir, d'un pere extremement blanc: et le fait des brebis de Jacob sert de preuve a cela.

  A005000284 

 En somme, le playsir que l'on a en la chose est un certain fourrier qui fourre dans le cœur amant les qualités de la chose qui plaist; et pour cela la sacree complaysance nous transforme en Dieu que nous aymons, et a mesure qu'elle est grande la transformation est plus parfaite: ainsy les Saintz, qui ont grandement aymé, ont esté fort vistement et parfaitement transformés, l'amour transportant et transmettant les mœurs et humeurs de l'un des cœurs en l'autre..

  A005000285 

 Chose estrange, mais veritable: s'il y a deux luths unisones, c'est a dire de mesme son et accord, l'un pres de l'autre, et que l'on joüe de l'un d'iceux, l'autre, quoy qu'on ne le touche point, ne laissera pas de resonner comme celuy duquel on joue; la convenance de l'un a l'autre, comme par un amour naturel, faisant cette correspondance.

  A005000285 

 L'amour est un magistrat qui exerce sa puissance sans bruit, sans prevostz ni sergens, par cette mutuelle complaysance [61] par laquelle, comme nous nous plaisons en Dieu, nous desirons aussi reciproquement de luy plaire..

  A005000285 

 Le grand Apostre dit, comme je pense en ce sens, que la loy n'est point mise aux justes; car en verité, le juste n'est juste sinon parce qu'il a le saint amour, et s'il a l'amour il n'a pas besoin qu'on le presse par la rigueur de la loy, puisque l'amour est le plus pressant docteur et solliciteur pour persuader au cœur qu'il possede l'obeissance aux volontés et intentions du bienaymé.

  A005000286 

 L'amour est l'abbregé de toute la theologie, qui rendit tres saintement docte l'ignorance des Paulz, des Anthoines, des Hilarions, des Simeons, des François, sans livres, sans precepteurs, sans art. En vertu de cet amour la bienaymee peut dire en asseurance: Mon Bienaymé est tout mien par la complaysance, de laquelle il me plait et me paist, et moy je suis toute a luy par la bienveuillance, de laquelle je luy plais et le repais; mon cœur se paist de se plaire en luy, et le sien se paist dequoy je luy plais pour luy: tout ainsy qu'un sacré berger, il me paist comme sa chere brebis entre les lis de ses perfections, esquelles je me plais; et pour moy, comme sa chere brebis, je le pais du lait de mes affections, par lesquelles je luy veux plaire.

  A005000291 

 L'amour [62] de complaysance tire Dieu dedans nos cœurs, mais l'amour de bienveuillance jette nos cœurs en Dieu, et par consequent toutes nos actions et affections, les luy dediant et consacrant tres amoureusement; car la bienveuillance desire a Dieu tout l'honneur, toute la gloire et toute la reconnoissance qu'il est possible de luy rendre, comme un certain bien exterieur qui est deu a sa bonté..

  A005000292 

 Nous avons eu une extreme complaysance a voir que Dieu est souverainement bon; et partant nous desirons, par l'amour de bienveuillance, que tous les amours qu'il nous est possible d'imaginer soyent employés a bien aymer cette bonté.

  A005000292 

 Nous nous sommes delectés a considerer comme Dieu est non seulement le premier principe, mais aussi la derniere fin, Autheur, Conservateur et Seigneur de toutes choses; a rayson dequoy nous souhaitons que tout luy soit sousmis par une souveraine obeissance.

  A005000293 

 Mais notés, Theotime, que je ne traitte pas ici de l'obeissance qui est deüe a Dieu parce qu'il est nostre Seigneur et Maistre, nostre Pere et Bienfacteur; car cette sorte d'obeissance appartient a la vertu de justice et non pas a l'amour.

  A005000293 

 Non, ce n'est pas cela dont je parle a present; car encor qu'il n'y eust ni enfer pour punir les rebelles, ni Paradis pour recompenser les bons, et que nous n'eussions nulle sorte d'obligation ni de devoir a Dieu (et ceci soit dit par imagination de chose impossible et qui n'est presque pas imaginable), si est ce toutefois, que l'amour de bienveuillance nous porteroit a rendre toute obeissance [63] et sousmission a Dieu par election et inclination, voire mesme par une douce violence amoureuse, en consideration de la souveraine bonté, justice et droiture de sa divine volonté.

  A005000294 

 Et en ce point consiste la tres profonde obeissance d'amour, laquelle n'a pas besoin d'estre excitee par menasses ou recompenses, ni par aucune loy ou par quelque commandement; car elle previent tout cela, se sousmettant a Dieu pour la seule tres parfaite bonté qui est en luy, a rayson de laquelle il merite que toute volonté luy soit obeissante, sujette et sousmise, se conformant et unissant a jamais en tout et par tout a ses intentions divines..

  A005000298 

 Et bien qu'en erité sa divine Majesté n'ayt qu'une tres unique et tres simple volonté, si est ce que nous la marquons de noms differens, suivant la varieté des moyens par lesquelz nous la connoissons; varieté selon laquelle nous sommes aussi diversement obligés de nous conformer a icelle.

  A005000298 

 Nous considerons quelquefois la volonté de Dieu en elle mesme, et la voyans toute sainte et toute bonne, il nous est aysé de la louer, benir et adorer, et de sacrifier nostre volonté et toutes celles dés autres creatures a son obeissance, par cette divine exclamation: Vostre [64] volonté soit faite en la terre comme au Ciel.

  A005000299 

 C'est pourquoy Dieu, desirant que nous suivions sa volonté signifiee, il nous sollicite, exhorte, incite, inspire, ayde et secourt; mais permettant que nous resistions, il ne fait autre chose que de simplement nous laisser faire ce que nous voulons, selon nostre libre election, contre son desir et intention..

  A005000299 

 Quand donques nous resistons, Dieu ne contribue rien a nostre desobeissance, ains, laissant nostre volonté en la main de son franc arbitre, il permet qu'elle choisisse le mal; mais quand nous obeissons, Dieu contribue son secours, son inspiration et sa grace: car la permission est une action de la volonté qui de soy mesme est brehaigne, sterile, infeconde, et, par maniere de dire, c'est une action passive qui ne fait rien, ains laisse faire; au contraire, le desir est une [65] action active, feconde, fertile, qui excite, semond et presse.

  A005000299 

 Que nous puissions resister, cela depend de nostre naturelle condition et liberté; que nous resistions, cela depend de nostre malice; que nous ne resistions pas, c'est selon le desir de la divine Bonté.

  A005000300 

 Cette espece de bienfait veut estre offert par semonces, remonstrances et sollicitations, et non violemment et forcement exercé; c'est pourquoy il se fait par maniere de desir et non de vouloir absolu.

  A005000300 

 Et toutefois, ce desir est un vray desir; car, comme peut on exprimer plus naifvement le desir que l'on a qu'un ami face bonne chere, que de preparer un bon et excellent festin, comme fit ce roy de la parabole evangelique, puis l'inviter, presser et presque contraindre, par prieres, exhortations et poursuites, de venir, de s'asseoir a table et de manger? Certes, celuy qui a vive force ouvriroit la bouche a un ami, luy fourreroit la viande dans le gosier et la luy feroit avaler, il ne luy donneroit pas un festin de courtoisie, mais le traitteroit en beste et comme un chappon qu'on veut engraisser.

  A005000300 

 Or c'en est de mesme de la volonté signifiee de Dieu, car par icelle Dieu desire d'un vray desir que nous facions ce qu'il declaire, et a cette occasion il nous fournit tout ce qui est requis, nous exhortant et pressant de l'employer: en ce genre de faveur on ne peut rien desirer de plus.

  A005000305 

 A cette intention il nous a faitz a son image et semblance par la creation, et s'est fait a nostre image et semblance par l'Incarnation, apres laquelle il a souffert la mort pour racheter toute la race des hommes et la sauver: ce qu'il fit avec tant d'amour, que, comme raconte le grand saint Denis, apostre de la France, il dit un jour au saint homme Carpus qu'il estoit «prest de patir encor une fois pour sauver les hommes,» et que cela luy seroit aggreable s'il se pouvoit faire sans le peché d'aucun homme..

  A005000307 

 J'ay demandé une chose, disoit le Prophete, et c'est celle la que je requerray a jamais: Que je voye la volupté du Seigneur et que je visite son temple.

  A005000307 

 Nostre sanctification est la volonté de Dieu et nostre salut son bon playsir: or, il n'y a nulle difference entre le bon playsir et la bonne volupté, ni par consequent donq entre la bonne volupté et la bonne volonté divine; ains la volonté que Dieu a pour le bien des hommes est appellee bonne parce qu'elle est amiable, propice, favorable, aggreable, delicieuse, et, comme les Grecs, apres saint Paul, ont dit, c'est une vraye philantropie, c'est a dire, une bienveuillance ou volonté toute amoureuse envers les hommes..

  A005000307 

 Rien n'est si aggreable et delicieux aux agens libres que de faire leur volonté.

  A005000307 

 [68] Mays quelle est la volupté de la souveraine Bonté, sinon de se respandre et communiquer ses perfections? Certes, ses delices sont d'estre avec les enfans des hommes, pour verser ses graces sur eux.

  A005000308 

 Tout le temple celeste de l'Eglise triomphante et militante resonne de toutes pars les cantiques de ce doux amour de Dieu envers nous; et le cors tres sacré du Sauveur, comme un temple tressaint de sa Divinité, est tout paré de marques et enseignes de cette bienveuillance: c'est pourquoy, en visitant le temple divin, nous voyons ces aymables delices que son cœur prend a nous favoriser..

  A005000309 

 Regardons donq cent fois le jour cette amoureuse volonté de Dieu, et fondans nostre volonté dans icelle, escrions devotement: O Bonté d'infinie douceur, que vostre volonté est amiable! que vos faveurs sont desirables! Vous nous aves creés pour la vie eternelle, et vostre poitrine maternelle, enflee des mammelles sacrees d'un amour incomparable, abonde en lait de misericorde, soit pour pardonner aux penitens, soit pour perfectionner les justes: hé, pourquoy donq ne collons nous pas nos volontés a la vostre, comme les petitz enfans s'attachent au chicheron du tetin de leurs meres, pour succer le lait de vos eternelles benedictions!.

  A005000311 

 David acceptoit en particulier les afflictions, comme un acheminement a sa perfection, quand il chantoit en cette sorte: O qu' il m'est bon, Seigneur, que vous m'ayes humilié, affin que j'apprenne vos justifications, ainsy furent les Apostres joyeux es tribulations, dequoy ilz avoyent la faveur d'endurer des ignominies pour le nom de leur Sauveur.

  A005000311 

 Les choses representees particulierement font une impression plus forte et blessent plus sensiblement l'imagination; c'est pourquoy, en l' Introduction, nous avons donné par advis qu'apres les affections generales on fist les resolutions particulieres en la sainte orayson.

  A005000315 

 Le desir que Dieu a de nous faire observer ses commandemens est extreme, ainsy que toute l'Escriture tesmoigne: et comme le pouvoit il mieux exprimer que par les grandes recompenses qu'il propose aux observateurs de sa loy, et les estranges supplices dont il menasse les violateurs d'icelle? C'est pourquoy David exclame: O Seigneur, vous aves ordonné que vos commandement soyent trop plus observés..

  A005000318 

 C'est tout mon entretien, j'en parle tout le jour..

  A005000322 

 Pour moy, fade est le miel s'il leur est comparé..

  A005000323 

 Mais pour exciter ce saint et salutaire amour des commandemens, nous devons contempler leur beauté, laquelle est admirable; car, comme il y a des œuvres [71] qui sont mauvaises parce qu'elles sont defendues, et des autres qui sont defendues parce qu'elles sont mauvaises, aussi y en a-il qui sont bonnes parce qu'elles sont commandees, et des autres qui sont commandees parce qu'elles sont bonnes et tres utiles: de sorte que toutes sont tres bonnes et tres aymables, parce que le commandement donne la bonté aux unes qui n'en auroyent point autrement, et donne un surcroist de bonté aux autres qui, sans estre commandees, ne laisseroyent pas d'estre bonnes.

  A005000323 

 Nous ne recevons pas le bien en bonne part quand il nous est presenté par une main ennemie; les Lacedemoniens ne voulurent pas suivre un fort sain et salutaire conseil d'un meschant homme jusques a ce qu'un homme de bien leur redist: au contraire, le present n'est jamais qu'aggreable quand un ami le fait.

  A005000323 

 O que doux et desirable est le joug de la loy celeste qu'un Roy tant aymable a establie sur nous!.

  A005000324 

 Ains, comme il y a des personnes qui, pour aggreable que soit un medicament, ont du contrecœur a le prendre, seulement parce qu'il porte le nom de medicament, aussi y a-il des ames qui ont en horreur les actions commandees, seulement parce qu'elles sont commandees; et s'est treuvé tel homme, ce dit on, qui ayant doucement vescu dans la grande ville de Paris l'espace de quatre vingtz ans sans en sortir, soudain qu'on luy eut enjoint de par le Roy d'y demeurer encor le reste de ses jours, il alla dehors voir les chams, que de sa vie il n'avoit desiré..

  A005000325 

 Au contraire, comme une branche d' agnus castus empesche de lassitude le voyageur qui la porte, aussi la croix, la mortification, le joug, la loy du Sauveur, qui est le vray Aigneau chaste, est une charge qui delasse, qui soulage et recree les cœurs qui ayment sa divine Majesté.

  A005000325 

 On dit que les muletz et chevaux chargés de figues succombent incontinent au faix et perdent toute leur force: plus douce que les figues est la loy du Seigneur; mais l'homme brutal, qui s'est rendu comme le cheval et mulet, esquelz il n'y a point d'entendement, perd le courage et ne peut treuver des forces pour porter cet amiable faix.

  A005000325 

 «On n'a point de travail en ce qui est aymé, ou s'il y a du travail c'est un travail bienaymé;» le travail meslé du saint amour est un certain aigre-doux, plus aggreable au goust qu'une pure douceur..

  A005000330 

 C'est pourquoy l'amour de complaysance, qui nous oblige de plaire au Bienaymé, nous porte par consequent a la suite de ses conseilz; et l'amour de bienveuillance, qui veut que toutes les volontés et affections luy soyent sousmises, fait que nous voulons non seulement ce qu'il ordonne, mais ce qu'il conseille et a quoy il exhorte: ainsy que l'amour et respect qu'un enfant fidele porte a son bon pere le fait resoudre de vivre non seulement selon les commandemens qu'il impose, mais encor selon les desirs et inclinations qu'il manifeste..

  A005000330 

 Il y a difference entre commander et recommander: quand on commande on use d'authorité pour obliger, quand on recommande on use d'amitié pour induire et provoquer; le commandement impose necessité, le conseil et recommandation nous incite a ce qui est de plus grande utilité; au commandement correspond l'obeissance, et la creance au conseil; on suit le conseil affin de plaire, et le commandement pour ne pas desplaire.

  A005000331 

 Et Dieu ne veut pas qu'un chacun observe tous les conseilz, ains seulement ceux qui sont convenables, selon la diversité des personnes, des tems, des occasions et des forces, ainsy que la charité le requiert; car c'est elle qui, comme reyne de toutes les vertus, de tous les commandemens, de tous les conseilz et en somme de toutes les lois et de toutes les actions chrestiennes, leur donne a tous et a toutes le rang, l'ordre, le tems et la valeur..

  A005000331 

 Le conseil se donne voirement en faveur de celuy [74] qu'on conseille, affin qu'il soit parfait: Si tu veux estre parfait, dit le Sauveur, va, vens tout ce que tu as et le donne aux pauvres, et me suis; mais le cœur amoureux ne reçoit pas le conseil pour son utilité, ains pour se conformer au desir de Celuy qui conseille, et rendre l'hommage qui est deu a sa volonté: et partant, il ne reçoit les conseilz sinon ainsy que Dieu le veut.

  A005000332 

 Non seulement la charité ne permet pas aux peres de famille de tout vendre pour donner aux pauvres, mais leur ordonne d'assembler honnestement ce qui est requis pour l'education et sustentation de la femme, des enfans et serviteurs; comme aussi aux rois et princes d'avoir des tresors qui, provenus d'une juste espargne et non de tyranniques inventions, servent comme de salutaires [75] preservatifs contre les ennemis visibles.

  A005000332 

 Si ton pere ou ta mere ont une vraye necessité de ton assistance pour vivre, il n'est pas tems alhors de pratiquer le conseil de la retraitte en un monastere; car la charité t'ordonne que tu ailles en effect executer son commandement, d'honnorer, servir, ayder et secourir ton pere ou ta mere.

  A005000332 

 Tu es un prince, par la posterité duquel les sujetz de la couronne qui t'appartient doivent estre conservés en paix et asseurés contre la tyrannie, sedition et guerre civile; l'occasion donq d'un si grand bien t'oblige de produire en un saint mariage des legitimes successeurs: ce n'est pas perdre la chasteté, ou au moins c'est la perdre chastement, que de la sacrifier au bien public en faveur de la charité.

  A005000333 

 Il y a des circonstances qui les rendent quelquefois impossibles, quelquefois inutiles, quelquefois perilleux, quelquefois nuisibles a quelques uns, qui est une des intentions pour lesquelles Nostre Seigneur dit de l'un d'iceux ce qu'il veut estre entendu de tous: Qui peut le prendre, si le prenne; comme s'il disoit, ainsy que saint Hierosme expose: Qui peut gaigner et emporter l'honneur de la chasteté «comme un prix» de reputation, qu'il le prenne, car il est exposé a ceux qui courront vaillamment.

  A005000333 

 Tous donques ne peuvent pas, c'est a dire, il n'est pas expedient a tous d'observer tous-jours tous les conseilz, lesquelz estans donnés en faveur de la charité, elle sert de regle et de mesure a l'execution d'iceux..

  A005000334 

 Que si la charité fait sortir des cloistres ceux qui par vœu solemnel s'y estoyent attachés, a plus forte rayson, et pour moindre sujet, on peut, par l'authorité de cette mesme charité, conseiller a plusieurs de demeurer chez eux, garder leurs moyens, se marier, voire de prendre les armes et aller a la guerre, qui est une profession si dangereuse..

  A005000335 

 En somme, c'est une eau sacree par laquelle le jardin de l'Eglise est fecondé, et bien qu'elle n'ait qu'une couleur sans couleur, les fleurs neanmoins qu'elle fait croistre ne laissent pas d'avoir une chacune sa couleur differente: elle fait des Martyrs plus vermeilz que la rose, des Vierges plus blanches que le lys; aux uns elle donne le fin violet de la mortification, aux autres le jaune des soucis du mariage, employant diversement les conseilz pour la perfection des ames qui sont si heureuses que de vivre sous sa conduite..

  A005000335 

 Or, quand la charité porte les uns a la pauvreté et qu'elle en retire les autres, quand elle en pousse les uns au mariage, les autres a la continence, qu'elle enferme l'un dans le cloistre et en fait sortir l'autre, elle n'a point besoin d'en rendre rayson a personne; car elle a la plenitude de la puissance en la loy chrestienne, selon qu'il est escrit: La charité peut toutes choses; elle a le comble de la prudence, selon qu'il est dit: La charité ne fait rien en vain.

  A005000335 

 Tout est fait pour la charité, et la charité pour Dieu; tout doit servir a la charité, et elle, a personne, non pas mesme a son Bienaymé, duquel elle n'est pas servante, mais espouse, auquel elle ne fait pas service, ains elle luy fait l'amour.

  A005000339 

 O Theotime, que cette volonté divine est aymable! o qu'elle est amiable et desirable! o loy toute d'amour et toute pour l'amour! Les Hebrieux par le mot de paix entendent l'assemblage et comble de tous biens, [77] c'est a dire la felicité; et le Psalmiste s'escrie: Qu'une paix plantureuse abonde a ceux qui ayment la loy de Dieu et que nul choppement ne leur arrive! comme s'il vouloit dire: O Seigneur, que de suavité en l'amour de vos sacrés commandemens! toute douceur delicieuse saisit le cœur qui est saisi de la dilection de vostre loy.

  A005000340 

 Ainsy l'ame qui ayme Dieu est tellement transformee en la volonté divine, qu'elle merite plustost d'estre nommee volonté de Dieu, qu'obeissante ou sujette a la volonté divine: dont Dieu dit par Isaïe qu'il appellera l'Eglise chrestienne d'un nom nouveau que la bouche du Seigneur nommera, marquera et gravera dans le cœur de ses fideles.

  A005000340 

 Au contraire le meschant, des le siecle, c'est a dire tous-jours, a rompu le joug de la loy de Dieu, et a dit: Je ne serviray point; c'est pourquoy Dieu dit qu'il l'a appellé des le ventre de sa mere transgresseur et rebelle; et parlant au roy de Tyr il luy reproche qu'il avoit mis son cœur comme le cœur de Dieu: car l'esprit revolté veut que son cœur soit maistre de soy mesme et que sa propre volonté soit souveraine comme la volonté de Dieu; il ne veut pas que la volonté divine regne sur la sienne, ains veut estre absolu et sans dependance quelcomque.

  A005000340 

 Ce qui fut parfaitement verifié en la [78] primitive Eglise, lhors que, comme dit le glorieux saint Luc, en la multitude des croyans il n'y avoit qu'un cœur et qu'une ame; car il n'entend pas parler du cœur qui fait vivre nos cors, ni de l'ame qui anime les cœurs d'une vie humaine, mais il parle du cœur qui donne la vie celeste a nos ames, et de l'ame qui anime nos cœurs de la vie surnaturelle: cœur et ame tres unique des vrays Chrestiens, qui n'est autre chose que la volonté de Dieu.

  A005000340 

 La vie, dit le Psalmiste, est en la volonté de Dieu: non seulement parce que nostre vie temporelle depend de la volonté divine, mais aussi d'autant que nostre vie spirituelle gist en l'execution d'icelle, par laquelle Dieu vit et regne en nous, et nous fait vivre et subsister en luy.

  A005000340 

 Quand l'Espouse celeste veut exprimer l'infinie suavité des parfums de son divin Espoux, Vostre nom, luy dit elle, est un unguent respandu; comme si elle disoit: Vous estes si excellemment parfumé qu'il semble que vous soyes tout parfum, et qu'il soit a propos de vous appeller unguent et parfum, plustost qu'oint et parfumé.

  A005000341 

 O combien excellente est l'observation de la defense des injustes voluptés, en celuy qui a mesme renoncé aux plus justes et legitimes delices! O combien celuy la est esloigné de convoiter le bien d'autruy, qui rejette toutes richesses et celles mesme que saintement il pourroit garder! Que celuy est bien esloigné de vouloir preferer sa volonté a celle de Dieu, qui pour faire la volonté de Dieu s'assujettit a celle d'un homme!.

  A005000341 

 Or, quand nostre amour est extreme a l'endroit de la volonté de Dieu, nous ne nous contentons pas de faire seulement la volonté divine qui nous est signifiee es [79] commandemens, mais nous nous rangeons encor a l'obeissance des conseilz, lesquelz ne nous sont donnés que pour plus parfaitement observer les commandemens, auxquelz aussi ilz se rapportent, ainsy que dit excellemment saint Thomas.

  A005000342 

 David estoit un jour en son preside, et la garnison des Philistins en Bethleem; or il fit un souhait disant: O si quelqu'un me donnoit a boire de l'eau de la cisterne qui est a la porte de Bethleem! Et voyla qu'il n'eut pas plus tost dit le mot, que trois vaillans chevaliers partent de la, main et teste baissee, traversent l'armee ennemie, vont a la cisterne de Bethleem, puisent de l'eau et l'apportent a David; lequel, voyant le hazard auquel ces gentilzhommes s'estoyent mis pour contenter son appetit, ne voulut point boire cette eau conquise au peril de leur sang et de leur vie, ains la respandit en oblation au Dieu eternel.

  A005000343 

 Certes, ainsy que tesmoigne le divin Psalmiste, Dieu n'exauce pas seulement l'orayson de ses fideles, ains il exauce mesme encor le seul desir d'iceux, et la seule preparation qu'ilz font en leurs cœurs pour prier, tant il est favorable et propice a faire la volonté de ceux qui l'ayment.

  A005000343 

 Et pourquoy donq reciproquement ne serons nous si jaloux de suivre la sacree volonté de Nostre Seigneur, que nous fassions non seulement ce qu'il commande, mais encores ce qu'il tesmoigne d'aggreer et souhaitter? Les ames nobles n'ont pas besoin d'un plus fort motif pour embrasser un dessein que de sçavoir que le Bienaymé le desire: Mon ame, dit l'une d'icelles, s'est escoulee soudain que mon Ami a parlé..

  A005000347 

 Dieu, au commencement du monde, commanda a la terre de germer l'herbe verdoyante faisant sa semence, et tout arbre fruitier faisant son fruit, un chacun selon son espece, qui eust aussi sa semence en soy mesme: et ne voyons nous pas par experience que les plantes et fruitz n'ont pas leur juste croissance et maturité que quand elles portent leurs graines et pepins, qui leur servent de geniture pour la production de plantes et d'arbres de pareille sorte? Jamais nos vertus n'ont leur juste stature et suffisance qu'elles ne produisent en nous des desirs de faire progres, qui, comme semences spirituelles, servent en la production de nouveaux degrés de vertus; et me semble que la terre de nostre cœur a commandement de germer les plantes des vertus qui portent les fruitz des saintes œuvres, une chacune selon son genre, et qui ayt les semences des desirs et desseins de tous-jours multiplier et avancer en perfection: et la vertu qui n'a point la graine ou le pepin de ces desirs, elle n'est pas en la suffisance et maturité.

  A005000347 

 Les paroles par lesquelles Nostre Seigneur nous exhorte de tendre et pretendre a la perfection sont si fortes et pressantes, que nous ne sçaurions dissimuler l'obligation que nous avons de nous engager a ce dessein: Soyes saintz, dit-il, parce que je suis saint; Qui est saint, qu'il soit encor davantage [81] sanctifié, et qui est juste, qu'il soit encor plus justifié; Soyes parfaitz ainsy que vostre Pere celeste est parfait.

  A005000347 

 Pour cela le grand saint Bernard escrivant au glorieux saint Guarin, abbé d'Aux, duquel la vie et les miracles ont tant rendu de bonne odeur en ce Diocese: «L'homme juste,» dit il, «ne dit jamais c'est asses, il a tous-jours faim et soif de la justice.» Certes, Theotime, quant aux biens temporelz, rien ne suffit a celuy auquel ce qui suffit ne suffit pas; car, qu'est ce qui peut suffire a un cœur auquel la suffisance n'est pas suffisante? Mais quant aux biens spirituelz, celuy n'en a pas ce qui luy suffit auquel il suffit d'avoir ce qui luy suffit, et la suffisance n'est pas suffisante, parce que la vraye suffisance es choses divines consiste en partie au desir de l'affluence.

  A005000347 

 Rien voirement n'est stable ni ferme [82] en ce monde, mais de l'homme il en est dit encor plus particulierement, que jamais il ne demeure en un estat:» il faut donques ou qu'il s'avance ou qu'il retourne en arriere..

  A005000348 

 C'est une heresie de dire que Nostre Seigneur ne nous a pas bien conseillés, et un blaspheme de dire a Dieu: Retire toy de nous, nous ne voulons point la science de tes voyes; mais c'est une irreverence horrible contre Celuy qui avec tant d'amour et de suavité nous invite a la perfection, de dire: je ne veux pas estre saint, ni parfait, ni avoir plus de part en vostre bienveuillance, ni suivre les conseilz que vous me donnés pour faire progres en icelle..

  A005000348 

 Neanmoins je dis bien que c'est un grand peché de mespriser la pretention a la perfection chrestienne, et encor plus de mespriser la semonce par laquelle Nostre Seigneur nous y appelle; mais c'est une impieté insupportable de mespriser les conseilz et moyens d'y parvenir que Nostre Seigneur nous marque.

  A005000348 

 Or, je ne dis pas, non plus que saint Bernard, que ce soit peché de ne prattiquer pas les conseilz: non certes, Theotime, car c'est la propre difference du commandement au conseil, que le commandement nous oblige sous peyne de peché, et le conseil nous invite sans peyne de peché.

  A005000349 

 Boire du vin contre l'advis du medecin, quand [83] on est vaincu de la soif ou de la fantasie d'en boire, ce n'est pas proprement mespriser le medecin ni son advis; mais dire: je ne veux point suivre l'advis du medecin, il faut que cela provienne d'une mauvaise estime qu'on a de luy.

  A005000349 

 De ne suivre pas le conseil de virginité affin de se marier, cela n'est pas mal fait; mais de se marier pour preferer le mariage a la chasteté, comme font les heretiques, c'est un grand mespris ou du Conseiller ou du conseil.

  A005000349 

 Et c'en est de mesme des conseilz de l'Eglise, laquelle, a rayson de la continuelle assistance du Saint Esprit qui l'enseigne et conduit en toute verité, ne peut jamais donner des mauvais advis..

  A005000349 

 Or, quant aux hommes, on peut souvent mespriser leur conseil et ne mespriser pas ceux qui le donnent, parce que ce n'est pas mespriser un homme d'estimer qu'il ait erré: mais quant a Dieu, rejetter son conseil et le mespriser, cela ne peut provenir que de l'estime que l'on fait qu'il n'a pas bien conseillé; ce qui ne peut estre pensé que par esprit de blaspheme, comme si Dieu n'estoit pas asses sage pour sçavoir, ou asses bon pour vouloir bien conseiller.

  A005000353 

 Encor que tous les conseilz ne puissent ni doivent estre prattiqués par chasque Chrestien en particulier, si est ce qu'un chacun est obligé de les aymer tous, parce qu'ilz sont tous tres bons.

  A005000353 

 Mays de quel ami et de quelz conseilz parlons nous? O Dieu, c'est de l'Ami des amis, et ses conseilz sont plus aymables que le miel: l'ami c'est le Sauveur, ses conseilz sont pour le salut..

  A005000353 

 O que beni soit a jamais l' Ange du grand conseil, avec tous les advis qu'il donne et les exhortations qu'il fait aux humains! Le cœur est res-joui far les unguens et bonnes senteurs, dit Salomon, et par les bons conseilz de l'ami l'ame est adoucie.

  A005000353 

 Si vous aves la migraine et [84] que l'odeur du musque vous nuyse, laisseres vous pour cela d'avouer que cette senteur soit bonne et aggreable? Si une robbe d'or ne vous est pas avenante, dirés vous qu'elle ne vaut rien? Si une bague n'est pas pour vostre doigt, la jetteres vous pour cela dans la boüe? Loues donq, Theotime, et aymes cherement tous les conseilz que Dieu a donné aux hommes.

  A005000354 

 Res-jouissons nous, Theotime, quand nous verrons des personnes entreprendre la suite des conseilz que nous ne pouvons ou ne devons pas observer; prions pour eux, benissons-les, favorisons-les et les aydons, car la charité nous oblige de n'aymer pas seulement ce qui est bon pour nous, mais d'aymer encor ce qui est bon pour le prochain..

  A005000355 

 Nous tesmoignerons asses d'aymer tous les conseilz quand nous observerons devotement ceux qui nous seront convenables; car tout ainsy que celuy qui croid un article de foy d'autant que Dieu l'a revelé par sa parole, annoncee et declairee par l'Eglise, ne sçauroit mescroire les autres, et celuy qui observe un commandement pour le vray amour de Dieu est tout prest d'observer les autres quand l'occasion s'en presentera, de mesme celuy qui ayme et estime un conseil evangelique parce que Dieu l'a donné, il ne peut qu'il n'estime consecutivement tous les autres, puisqu'ilz sont aussi de Dieu.

  A005000356 

 N'est il pas expedient a cause de vostre qualité que vous gardies la parfaite chasteté? gardes en donq au moins ce que sans faire tort a la charité vous en pourres garder.

  A005000356 

 Vous n'estes pas obligé de rechercher celuy qui vous a offencé, car c'est a luy de revenir a soy et venir a vous pour vous donner satisfaction, puisqu'il vous a prevenu par injure et outrage; mays alles neanmoins, Theotime, faites ce que le Sauveur vous conseille, prevenes-le au bien, rendes-luy bien pour mal, jettes sur sa teste et sur son cœur un brasier ardent de tesmoignages de charité, qui le brusle tout et le force de vous aymer.

  A005000357 

 De prester aux pauvres hors la tres grande necessité, c'est le premier degré du conseil de l'aumosne; et c'est un degré plus haut de leur donner, plus haut encor de donner tout, et en fin encor plus haut de donner sa [86] personne, la voüant au service des pauvres.

  A005000357 

 L'hospitalité hors l'extreme necessité est un conseil: recevoir l'estranger est le premier degré d'iceluy; mais aller sur les advenues des chemins pour le semondre, comme faisoit Abraham, c'est un degré plus haut; et encor plus de se loger es lieux perilleux pour retirer, ayder et servir les passans.

  A005000357 

 Visiter les malades qui ne sont pas en extreme necessité, c'est une louable charité; les servir, est encor meilleur; mais se dedier a leur service, c'est l'excellence de ce conseil, que les Clercs de la Visitation des infirmes exercent par leur propre Institut, et plusieurs dames en divers lieux: a l'imitation de ce grand saint Sanson, gentilhomme et medecin romain, qui, en la ville de Constantinople ou il fut fait prestre, se dedia tout a fait, avec une admirable charité, au service des malades en un hospital qu'il y commença et que l'empereur Justinien esleva et paracheva; a l'imitation des saintes Catherines de Sienne et de Gennes, de sainte Elizabeth de Hongrie et des glorieux amis de Dieu, saint François et le bienheureux Ignace de Loyola, qui, au commencement de leurs Ordres, firent cet exercice avec une ardeur et utilité spirituelle incomparable..

  A005000358 

 Mays de passer outre et s'avancer en la perfection, c'est un conseil; les actes heroïques des [87] vertus n'estans pas pour l'ordinaire commandes, ains seulement conseillés.

  A005000358 

 Mays quand il est force d'endurer le martyre ou renoncer a la foy, le martyre ne laisse pas d'estre martyre et un excellent acte d'amour et de force; neanmoins je ne sçay s'il le faut nommer acte heroïque, n'estant pas choisi par aucun exces d'amour, ains par la necessité de la loy qui en ce cas le commande.

  A005000358 

 Or, en la prattique des actes heroïques de la vertu consiste la parfaite imitation du Sauveur, qui, comme dit le grand saint Thomas, eut des l'instant de sa conception toutes les vertus en un degré heroïque; et certes, je dirois volontier plus qu'heroïque, puisqu'il n'estoit pas simplement plus qu'homme, mais infiniment plus qu'homme, c'est a dire vray Dieu.

  A005000362 

 Dieu ayant formé le cors humain du limon de la terre, ainsy que dit Moyse, il inspira en iceluy la respiration de vie, et il fut fait en ame vivante, c'est a dire en ame qui donnoit [89] vie, mouvement et operation au cors; et ce mesme Dieu eternel souffle et pousse les inspirations de la vie surnaturelle en nos ames, affin que, comme dit le grand Apostre, elles soyent faites en esprit vivifiant, c'est a dire en esprit qui nous face vivre, mouvoir, sentir, et ouvrer les œuvres de la grace, en sorte que Celuy qui nous a donné l'estre nous donne aussi l'operation.

  A005000362 

 L'haleyne de l'homme eschauffe les choses esquelles elle entre: tesmoin l'enfant de la Sunamite, sur la bouche duquel le prophete Helisee ayant mis la sienne et haleyné sur iceluy, sa chair s'eschauffa; et l'experience est toute manifeste.

  A005000362 

 Les rayons du soleil esclairent en eschauffant et eschauffent en esclairant; l'inspiration est un rayon celeste qui porte dans nos cœurs une lumiere chaleureuse, par laquelle il nous fait voir le bien et nous eschauffe au pourchas d'iceluy.

  A005000362 

 Mais quant au souffle de Dieu, non seulement il eschauffe, ains il esclaire parfaitement, d'autant que l'Esprit divin est une lumiere infinie, duquel le souffle vital est appellé inspiration, d'autant que par iceluy cette supreme Bonté haleyne et inspire en nous les desirs et intentions de son cœur..

  A005000363 

 Le moyen ordinaire c'est la predication; mais quelquefois, ceux auxquelz la parole ne proffite pas sont instruitz par la tribulation, selon le dire du Prophete: L' affliction donnera intelligence a l'ouïe; c'est a dire: ceux qui par l'ouïe des menasses celestes sur les meschans ne se corrigent pas, apprendront, la verité par l'evenement et les effectz, et deviendront sages sentans l'affliction.

  A005000363 

 Lhors que j'estois jeune, a Paris, deux escoliers, dont l'un estoit heretique, passans la nuit au fauxbourg Saint Jacques, en une desbauche deshonneste, ouïrent sonner les Matines des Chartreux; et l'heretique demandant a l'autre a quelle occasion on sonnoit, il luy fit entendre avec quelle devotion on celebroit les offices sacrés en ce saint monastere: O Dieu, dit-il, que l'exercice de ces religieux est different du nostre! ilz font celuy des Anges, et nous celuy des bestes brutes.

  A005000363 

 Saint [90] Cyprien (ce n'est pas le grand Evesque de Cartage, ains un autre qui fut laïs, mais glorieux martir) fut touché voyant le diable confesser son impuissance sur ceux qui se confient en Dieu.

  A005000364 

 Hé, Seigneur, disoit le fidele Eliezer, voyci que je suis pres de cette fontaine d'eau, et les filles des habitans de cette cité sortiront pour puiser de l'eau; la jeune fille, donq, a laquelle je diray: Panches vostre cruche affin que je boive, et elle respondra: Beuves, ains je donneray encor a boire a vos chameaux, c'est celle la que vous aves preparee pour vostre serviteur Isaac.

  A005000368 

 La charité envers les pauvres malades est un exercice ordinaire des vrays Chrestiens, mais exercice ordinaire qui fut prattiqué en perfection extraordinaire par saint François et sainte Catherine de Sienne quand ilz lechoyent et sucçoyent les ulceres des ladres et chancreux, et par le glorieux roy saint Louys quand il servoit a genoux et teste nue les malades (dont un abbé de Cisteau demeura tout esperdu d'admiration, le voyant en cette posture manier et agencer un miserable, ulceré de playes horribles et chancreuses); comme encor c'estoit une prattique bien extraordinaire de ce saint monarque de servir a table les pauvres les plus vilz et abjectz, et manger les restes de leurs potages.

  A005000368 

 Saint François ne fut pas seulement extreme en la prattique de la pauvreté, comme chacun sçait, mais il le fut encor en celle de la simplicité: il racheta un aigneau, de peur qu'on ne le tuast, parce qu'il representoit Nostre Seigneur; il portoit respect presqu'a toutes creatures, en contemplation de leur Createur, par une non accoustumee mais tres prudente simplicité; telles fois il s'est amusé a retirer les vermisseaux du chemin, affin que quelqu'un ne les foulast au passage, se resouvenant que son Sauveur s'estoit parangonné au vermisseau; il appelloit les creatures ses «freres et seurs,» par certaine consideration admirable que le saint amour luy suggeroit.

  A005000369 

 Il ne veut pas empescher, [94] non plus que Pharao, que les mistiques femmes d'Israël, c'est a dire les ames chrestiennes, enfantent des masles, pourveu qu'avant qu'ilz croissent on les tue: au contraire, dit le grand saint Hierosme, «entre les Chrestiens on n'a pas tant d'egard au commencement qu'a la fin.» Il ne faut pas tant avaler de viande qu'on ne puisse faire la digestion de ce que l'on en prend.

  A005000370 

 Le grand saint Thomas est d'opinion qu'il n'est pas expedient de beaucoup consulter et longuement deliberer sur l'inclination que l'on a d'entrer en une bonne et bien formee Religion; et il a rayson, car la Religion estant conseillee par Nostre Seigneur en l'Evangile, qu'est-il besoin de beaucoup de consultations? Il suffit d'en faire une bonne avec quelque peu de personnes qui soyent bien prudentes et capables de tel affaire, et qui nous puissent ayder a prendre une courte et solide resolution: mais, des que nous avons deliberé et resolu, et en ce sujet et en tout autre qui regarde le service de Dieu, il faut estre fermes et invariables, sans se laisser nullement esbranler par aucune sorte d'apparence de plus grand bien; car bien souvent, dit le glorieux saint Bernard, le malin nous donne le change, et pour nous destourner d'achever un bien il nous en propose un autre qui semble meilleur, lequel apres que nous avons commencé, pour nous divertir de le parfaire il en presente un troisiesme, se contentant que nous fassions plusieurs commencemens, pourveu que nous ne fassions point de fin.

  A005000371 

 L'inspiration est suspecte qui nous pousse a quitter un vray bien que nous avons present, pour en pourchasser un meilleur a venir.

  A005000371 

 Qui est en bon chemin, qu'il se sauve.

  A005000372 

 Ainsy nostre ennemy voyant un homme qui, inspiré de Dieu, entreprend une profession et maniere de vie propre a son avancement en l'amour celeste, il luy persuade de prendre une autre voye, de plus grande perfection en apparence, et l'ayant desvoyé de son premier chemin il luy rend petit a petit impossible la suite du second, et luy en propose un troisiesme, affin que l'occupant en la recherche continuelle de divers et nouveaux moyens pour se perfectionner, il l'empesche d'en employer aucun, et par consequent de parvenir a la fin pour laquelle il les cherche, qui est la perfection.

  A005000377 

 De s'habiller des habitz du sexe duquel on n'est pas, et s'exposer ainsy deguisé au voyage avec des hommes, cela est non seulement au dela, mais contraire aux regles ordinaires de la modestie chrestienne.

  A005000379 

 Ainsy les serviteurs de Dieu qui ont eu les plus hautes et relevees inspirarations, ont esté les plus doux et paisibles de l'univers: Abraham, Isaac, Jacob; Moyse est qualifié le plus debonnaire d'entre tous les hommes; David est recommandé par sa mansuetude..

  A005000379 

 Et bien qu'elle soit belliqueuse et guerriere, si est ce que tout ensemble elle est tellement paisible, qu'emmi les armees et batailles elle continue les accors d'une melodie nompareille: Que verres-vous, dit elle, en la Sulamite sinon les chœurs des armees? Ses armees sont des chœurs, c'est a dire des accors des chantres; et ses chœurs sont des armees, parce que les armes de l'Eglise et de l'ame devote ne sont autre chose que les oraysons, les hymnes, cantiques et pseaumes.

  A005000379 

 Et comme le Sauveur est appellé paisible ou pacifique Salomon, aussi son Espouse est appellee Sulamite, tranquille et fille de paix; et la voix, c'est a dire l'inspiration de l'Espoux, ne l'agite ni la trouble nullement, ains l'attire si suavement qu'il la fait doucement fondre, et comme escouler son ame en luy: Mon ame, dit elle, s'est fondue quand mon Bienaymé a parlé.

  A005000379 

 Il vient comme un vent impetueux et comme un foudre celeste, mais il ne renverse point les Apostres, il ne les trouble point; la frayeur qu'ilz reçoivent de son bruit est momentanee et se treuve soudain suivie d'une douce asseurance: c'est pourquoy ce feu s'assied sur un chacun d'iceux, comme y prenant et donnant son sacré repos.

  A005000379 

 Or, une des meilleures marques de la bonté de toutes les inspirations, et particulierement des extraordinaires, c'est la paix et tranquillité du cœur qui les reçoit; car l'Esprit divin est voirement violent, mais d'une violence douce, suave et paisible.

  A005000380 

 Au contraire, l'esprit malin est turbulent, aspre, remuant; et ceux qui suivent ses suggestions infernales, cuydans que ce soyent inspirations celestes, sont ordinairement connoissables parce qu'ilz sont inquietz, testus, fiers, entrepreneurs et remueurs d'affaires; qui [100] sous le pretexte de zele renversent tout sans dessus dessous, censurent tout le monde, tancent un chacun, blasment toutes les choses; gens sans conduite, sans condescendance, qui ne supportent rien, exerçans les passions de l'amour propre sous le nom de la jalousie de l'honneur divin..

  A005000384 

 A la paix et douceur du cœur est inseparablement conjointe la tressainte humilité.

  A005000384 

 Mais je n'appelle pas humilité ce ceremonieux assemblage de paroles, de gestes, de baysemens de terre, de reverences, d'inclinations, quand il se fait, comme il advient souvent, sans aucun sentiment interieur de sa propre abjection et de la juste estime du prochain: car tout cela n'est qu'un vain amusement des foibles espritz, et doit plustost estre nommé phantosme d'humilité, qu'humilité.

  A005000385 

 Car lhors que les hermites espars parmi les desertz voysins d'Antioche sceurent la vie extraordinaire qu'il faysoit sur sa colomne, en laquelle il sembloit estre ou un Ange terrestre ou un homme celeste, ilz luy envoyerent un deputé d'entr'eux, auquel ilz donnerent ordre de luy parler de leur part en cette sorte: «Pourquoy est-ce, Simeon, que laissant le grand chemin de la vie devote, frayé par tant de grans et saintz devanciers, vous en suives un autre, inconneu aux hommes et tant esloigné de tout ce qui a esté veu et ouï jusques a present? Quittés, Simeon, cette colomne, et rangés-vous meshui avec les autres a la façon de vivre et a la methode de servir Dieu usitee par les bons Peres predecesseurs.» Que si Simeon acquiesçoit a leur advis, et pour condescendre a leur volonté se monstroit prompt a vouloir descendre, ilz donnerent charge au deputé de luy laisser la liberté de perseverer en ce genre de vie ja commencee, d'autant que par son obeissance, disoyent ces bons Peres, on pourra bien connoistre qu'il a entrepris cette sorte de vie par l'inspiration divine; mais, si, au contraire, il resistoit, et que mesprisant leur exhortation il voulust suivre sa propre volonté, ilz resolurent qu'il le failloit retirer par force et luy faire abandonner sa colomne.

  A005000385 

 Le deputé donq estant venu a la colomne, il n'eut pas si tost fait son ambassade, que le grand Simeon, sans delay, sans reserve, sans replique quelcomque, se print a vouloir descendre, avec une obeissance et humilité digne de sa rare sainteté; ce que voyant le delegué: «Arrestés,» dit-il, «o Simeon, demeurés la, perseverés constamment et ayes bon courage; poursuives vaillamment vostre entreprise, vostre sejour sur cette colomne est de Dieu.».

  A005000386 

 Tout est asseuré en l'obeissance, tout est suspect hors de l'obeissance..

  A005000387 

 Quand Dieu jette des inspirations dans un coeur, la premiere qu'il respand c'est celle de l'obeissance.

  A005000387 

 Quicomque dit qu'il est inspiré, et refuse d'obeir aux superieurs et suivre leurs advis, il est imposteur.

  A005000388 

 De mesme, tous les esleuz tournent la fleur de leur cœur, qui est l'obeissance aux commandemens, du costé de la volonté divine; mais les ames vivement esprises du saint amour ne regardent pas seulement cette divine Bonté par l'obeissance aux commandemens, ains aussi par l'union de toutes leurs affections, suivans le contour de ce divin Soleil en tout ce qu'il leur commande, conseille et inspire, sans reserve ni exception quelcomque.

  A005000388 

 Dont ilz peuvent dire avec le sacré Psalmiste: Seigneur, vous aves empoigné ma main droite, et m'aves conduit en vostre volonté, et m'aves recueilli avec beaucoup de gloire; J'ay esté fait comme un cheval envers vous, et je suis tous-jours avec vous: car, comme un cheval bien dressé se manie aysement, doucement et justement en toutes façons par l'escuyer qui le monte, aussi l'ame amante est si souple a la volonté de Dieu, qu'il en fait tout ce qu'il veut.

  A005000392 

 Saint Basile dit que la volonté de Dieu nous est tesmoignee par ses ordonnances ou commandemens, et que lhors il n'y a rien a deliberer, car il faut simplement faire ce qui est ordonné; mais que pour tout le reste il est en nostre liberté de choisir a nostre gré ce que bon nous semblera, bien qu'il ne faille pas faire tout ce qui est loysible, ains seulement ce qui est expedient: et qu'en fin, pour bien discerner ce qui est convenable, il faut ouïr l'advis du sage pere spirituel..

  A005000393 

 Car l'ennemi en toutes occurrences les met en doute si c'est la volonté de Dieu qu'elles facent une chose plustost qu'une autre: comme, par exemple, si c'est la volonté de Dieu qu'elles mangent avec l'ami ou qu'elles ne mangent pas, qu'elles prennent des habitz gris ou noirs, qu'elles jeusnent le vendredi ou le samedi, qu'elles aillent a la recreation ou qu'elles s'en abstiennent; en quoy elles consument beaucoup de tems, et tandis qu'elles s'occupent et embarrassent a vouloir discerner ce qui est meilleur, elles perdent inutilement le loysir de faire plusieurs biens, desquelz l'execution seroit plus a la gloire de Dieu que ne sçauroit estre le discernement du bien et du mieux auquel elles se sont amusees..

  A005000393 

 Mais, Theotime, je vous advertis d'une tentation ennuyeuse qui arrive maintefois aux ames qui ont un grand desir de suivre en toutes choses ce qui est le plus selon la volonté de Dieu.

  A005000394 

 Il y a mesme bien souvent de la superstition a vouloir faire cet examen; car, a quel propos mettra-on en difficulté s'il est mieux d'ouïr la Messe en une eglise qu'en une autre, de filer que de coudre, de donner l'aumosne a un homme qu'a une femme? Ce n'est pas bien servir un maistre, d'employer autant de tems a considerer ce qu'il faut faire comme a faire ce qui est requis.

  A005000395 

 Le choix de la vocation, le dessein de quelque affaire de grande consequence, de quelque œuvre de longue haleyne, ou de quelque despence bien grande, le changement de sejour, l'election des conversations, et telles semblables choses meritent qu'on pense serieusement ce qui est plus selon la volonté divine; mais es menues actions journalieres, esquelles mesme la faute n'est ni de consequence ni irreparable, qu'est il besoin de faire l'embesoigné, l'attentif et l'empesché a faire des importunes consultations? A quel propos me mettray-je en despence pour apprendre si Dieu ayme mieux que je die le Rosaire ou l'Office de Nostre Dame, puisqu'il ne sçauroit y avoir tant de difference entre l'un et l'autre qu'il faille pour cela faire une grande enqueste? que j'aille plustost a l'hospital visiter les malades qu'a Vespres? que j'aille plustost au sermon qu'en une eglise ou il y a indulgence? Il n'y a rien, pour l'ordinaire, de si apparemment remarquable en l'un plus qu'en l'autre, qu'il faille pour cela entrer en grande deliberation.

  A005000396 

 La resolution estant saintement prise, il ne faut jamais douter de la sainteté de l'execution, car s'il ne tient a nous elle ne peut manquer: faire autrement c'est une marque d'un grand amour propre, ou d'enfance, foiblesse et niaiserie d'esprit..

  A005000404 

 Rien ne se fait, hormis le peché, que par la volonté de Dieu qu'on appelle volonté absolue et de bon playsir, que personne ne peut empescher, et laquelle ne nous est point conneüe que par les effectz, qui, estans arrivés, nous manifestent que Dieu les a voulus et desseignés..

  A005000405 

 Considerons en bloc, Theotime, tout ce qui a esté, qui est et qui sera; et, tous ravis d'estonnement, nous serons contrains d'exclamer a l'imitation du Psalmiste: O Seigneur, je vous loueray parce que vous estes excessivement magnifié; vos œuvres sont merveilleuses, et mon ame le reconnoist trop plus; Vostre [109] science est admirable au dessus de moy, elle prevaut, et je ne puis y atteindre.

  A005000405 

 Et de la nous passerons a la tressainte complaysançe, nous res-jouissans dequoy Dieu est si infini en sagesse, puissance et bonté, qui sont les trois proprietés divines desquelles l'univers n'est qu'un petit essay et comme une monstre..

  A005000406 

 Voyons les hommes et les Anges, et toute cette varieté de nature, de qualités, conditions, facultés, affections, passions, graces et privileges que la supreme Providence a establie en la multitude innombrable de ces intelligences celestes et des personnes humaines, esquelles est si admirablement exercee la justice et misericorde divine; et nous ne pourrons nous contenir de chanter avec une joye pleine de respect et de crainte amoureuse:.

  A005000414 

 Bienheureuses sont la pauvreté, la faim, la soif, la tristesse, la maladie, la mort, la persecution; car ce sont voirement des equitables punitions de nos fautes, mais punitions tellement trempees et, comme parlent les medecins, tellement aromatisees de la suavité, debonnaireté et clemence divine, que leur amertume est tres aymable.

  A005000432 

 Combien de fois nous est il arrivé d'avoir a contrecœur les remedes et medicamens tandis que le medecin ou l'apothicaire les presentoit, et que nous estans offertz par quelque main bienaymee, l'amour surmontant l'horreur, nous les recevions avec joye? Certes, ou l'amour oste l'aspreté du travail, ou il en rend le sentiment aymable.

  A005000432 

 Les peynes considerees en elles mesmes ne peuvent certes estre aymees, mais regardees en leur origine, c'est a dire en la providence et volonté divine qui les ordonne, elles sont infiniment aymables.

  A005000432 

 Voyes la verge de Moyse en terre, c'est un serpent effroyable; voyes-la en la main de Moyse, c'est une baguette de merveilles: voyes les tribulations en elles mesmes, elles sont affreuses; voyes-les en la volonté de Dieu, elles sont [112] des amours et des delices.

  A005000433 

 Si le grand Abraham eust veu la necessité de tuer son filz hors la volonté de Dieu, pensés, Theotime, combien de peynes et de convulsions de cœur il eust souffert; mais la voyant clans le bon playsir de Dieu, elle luy est toute d'or, et l'embrasse tendrement.

  A005000433 

 Si les Martyrs eussent veu leurs tourmens hors ce bon playsir, comment eussent ilz peu chanter entre les fers et les flammes? Le cœur vrayement amoureux ayme le bon playsir divin, non seulement es consolations mais aussi es afflictions; ains il l'ayme plus en la croix, es peynes et travaux, parce que c'est la principale vertu de l'amour de faire souffrir l'amant pour la chose aymee..

  A005000434 

 Mais la doctrine chrestienne, qui est la seule vraye philosophie, a trois principes sur lesquelz elle establit tout son exercice: l'abnegation de soy mesme, qui est bien plus que de s'abstenir des playsirs; porter sa croix, qui est bien plus que de la supporter; suivre Nostre Seigneur, non seulement en ce qui est de renoncer a soy mesme et porter sa croix, mais aussi en ce qui est de la prattique de toutes sortes de bonnes œuvres.

  A005000435 

 Aymer la volonté de Dieu es consolations, c'est un bon amour, quand en verité on ayme la volonté de Dieu et non pas la consolation en laquelle elle est; neanmoins, c'est un amour sans contradiction, sans repugnance et sans effort, car, qui n'aymeroit une si digne volonté en un sujet si aggreable? 2.

  A005000435 

 Aymer la volonté divine en ses commandemens, conseilz et inspirations, c'est un second degré d'amour, beaucoup plus parfait; car il nous porte a renoncer et quitter nostre propre volonté, et nous fait abstenir et deporter de plusieurs voluptés, mais non pas de toutes.

  A005000435 

 Aymer les souffrances et afflictions pour l'amour de Dieu, c'est le haut point de la tressainte charité; car en cela il n'y a rien d'aymable que la seule volonté divine, il y a une grande contradiction de la part de nostre nature, et non seulement on quitte toutes les voluptés, mais on embrasse les tourmens et travaux..

  A005000437 

 Or, voyla toutefois le grand Job, comme roy des miserables de la terre, assis sur un fumier comme sur le throsne de la misere, paré de playes, d'ulceres, de pourriture, comme de vestemens royaux assortissans a la qualité de sa royauté, avec une si grande abjection et aneantissement que, s'il n'eust parlé, on ne pouvoit discerner si Job estoit un homme reduit en fumier, ou si le fumier estoit une pourriture en forme d'homme; or, le voyla, dis-je, le grand Job, qui s'escrie: Si nous avons receu des biens de la main de Dieu, pourquoy n'en recevrons nous pas aussi bien les maux? O Dieu, que cette parole est de grand amour! Il pese, Theotime, que c'est de la main de Dieu qu'il a receu les biens, tesmoignant qu'il n'avoit pas tant estimé les biens parce qu'ilz estoyent biens, comme parce qu'ilz provenoyent de la main du Seigneur: ce qu'estant ainsy, il conclud que donques il faut supporter amoureusement les adversités, puisqu'elles procedent de la mesme main du Seigneur, esgalement aymable lhors qu'elle distribue les afflictions comme quand elle donne les consolations.

  A005000438 

 Ainsy, certes, l'amour voulant aller a la volonté de Dieu parmi les consolations, il va tous-jours en [115] crainte, de peur de prendre le change, et qu'en lieu d'aymer le bon playsir de Dieu il n'ayme le playsir propre qui est en la consolation; mais l'amour qui tire chemin devers la volonté de Dieu en l'affliction, il marche en asseurance, car l'affliction n'estant nullement aymable en elle mesme, il est bien aysé de ne l'aymer que pour le respect de là main qui la donne.

  A005000438 

 C'est une marque asseuree de l'amour, dit la bienheureuse Angele de Foligny, «que de vouloir souffrir;» et le grand Apostre s'escrie qu'il ne se glorifie qu'en la croix, en l'infirmité, en la persecution..

  A005000438 

 Le voyageur qui a peur de faillir le droit chemin, marchant en doute, va regardant ça et la le païs ou il est, et s'amuse presqu'a chasque bout de champ a considerer s'il se fourvoye point; mais celuy qui est asseuré de sa route va gayement, hardiment et vistement.

  A005000438 

 Les chiens sont a tous coups en defaut au primtems, et n'ont quasi nul sentiment, parce que les herbes et fleurs poussent alhors si fortement leur senteur qu'elle outrepasse celle du cerf ou du lievre: parmi le primtems des consolations l'amour n'a presque nulle reconnoissance du bon playsir de Dieu, parce que le playsir sensible de la consolation jette tant d'attraitz dedans le cœur, qu'il en est diverti de l'attention qu'il devroit avoir a la volonté de Dieu.

  A005000442 

 L'amour de la croix nous fait entreprendre des afflictions volontaires, comme, par exemple, des jeusnes, veillees, cilices et autres macerations de la chair, et nous fait renoncer aux playsirs, honneurs et richesses; et l'amour en ces exercices est tout aggreable au Bienaymé.

  A005000442 

 Mays l'amour est alhors en son excellence quand nous ne recevons pas seulement avec douceur et patience les afflictions, ains nous les cherissons, nous les aymons et les caressons, a cause du bon playsir divin duquel elles procedent..

  A005000442 

 Toutefois il l'est encor davantage quand nous [116] recevons avec patience, doucement et aggreablement, les peynes, tourmens et tribulations, en consideration de la volonté divine qui nous les envoye.

  A005000443 

 Et c'est l'importance, que l'ame fait cette resignation parmi tant de trouble, entre tant de contradictions et repugnances, qu'elle ne s'apperçoit presque pas de la faire; au moins il luy est advis que c'est si languidement, que ce ne soit pas de bon cœur ni comme il est [117] convenable: puisque ce qui se passe alhors pour le bon playsir divin se fait non seulement sans playsir et contentement, mays contre tout le playsir et contentement de tout le reste du cœur; auquel l'amour permet bien de se plaindre, au moins de ce qu'il ne se peut pas plaindre, et de dire toutes les lamentations de Job et de Hieremie, mais a la charge que tous-jours le sacré acquiescement se fasse dans le fond de l'ame, en la supreme et plus delicate pointe de l'esprit.

  A005000443 

 Et cet acquiescement n'est pas tendre ni doux, ni presque pas sensible, bien qu'il soit veritable, fort, indomptable et tres amoureux; et semble qu'il soit retiré au fin bout de l'esprit, comme dans le dongeon de la forteresse, ou il demeure courageux, quoy que tout le reste soit pris et pressé de tristesse.

  A005000443 

 Et plus l'amour en cet estat est desnué de tout secours, abandonné de toute l'assistence des vertus et facultés de l'ame, plus il en est estimable de garder si constamment sa fidelité..

  A005000443 

 Il est ainsy, Theotime: l'ame est quelquefois tellement pressee d'afflictions interieures, que toutes ses facultés et puissances en sont accablees, par la privation de tout ce qui la peut alleger, et par l'apprehension et impression de tout ce qui la peut attrister; si que, a l'imitation de son Sauveur, elle commence a s'ennuyer, a craindre, a s'espouvanter, puis a s'attrister d'une tristesse pareille a celle des mourans, dont elle peut bien dire: Mon ame est triste jusques a la mort; et du consentement de tout son interieur elle desire, demande et supplie que, s'il est possible, ce calice soit esloigné d'elle, ne luy restant plus que la fine supreme pointe de l'esprit, laquelle, attachee au cœur et bon playsir de Dieu, dit par un tres simple acquiescement: O Pere eternel, mais toutefois ma volonté ne soit pas faite, ains la vostre.

  A005000443 

 Or, entre tous les essays de l'amour parfait, celuy qui se fait par l'acquiescement de l'esprit aux tribulations spirituelles est sans doute le plus fin et le plus relevé.

  A005000444 

 Or, la resignation se prattique par maniere d'effort et de sousmission: on voudroit bien vivre en lieu de mourir; neanmoins, puisque c'est le bon playsir de Dieu qu'on meure, on acquiesce.

  A005000448 

 Certes, le cœur le plus indifferent du monde peut estre touché de quelque affection tandis qu'il ne sçait encor pas ou est la volonté de Dieu: Eliezer, estant arrivé a la fontaine de Haran, vid bien la vierge Rebecca et la treuva sans doute trop plus belle et aggreable; mais pourtant il demeura en indifference jusques a ce que, par le signe que Dieu luy avoit inspiré, il conneut que la volonté divine l'avoit preparee au filz de son maistre, car alhors il luy donna les pendans d'aureilles et les brasseletz d'or.

  A005000448 

 Or l'indifference est au dessus de la resignation, car elle n'ayme rien sinon pour l'amour de la volonté de Dieu; si que aucune chose ne touche le cœur indifferent, en la presence de la volonté de Dieu.

  A005000449 

 Le cœur indifferent n'est pas comme cela, car sachant que la tribulation, quoy qu'elle soit laide, comme une [119] autre Lia, ne laisse pas d'estre fille, et fille bienaymee du bon playsir divin, il l'ayme autant que la consolation, laquelle neanmoins en elle mesme est plus aggreable; ains il ayme encor plus la tribulation, parce qu'il ne void rien d'aymable en elle que la marque de la volonté de Dieu.

  A005000461 

 il vinst par apres a faire cette exclamation: «O Seigneur, neanmoins, si je suis encor requis au service du [120] salut de vostre peuple, je ne refuse point le travail; vostre volonté soit faite.» Admirable indiffErence de l'Apostre, admirable celle de cet homme apostolique! Ilz voyent le Paradis ouvert pour eux, ilz voyent mille travaux en terre; l'un et l'autre leur est indiffErent au choix, et n'y a que la volonté de Dieu qui puisse donner le contrepoids a leurs cœurs: le Paradis n'est point plus aymable que les miseres de ce monde si le bon playsir divin est Egalement la et icy; les travaux leur sont un Paradis si la volonté divine se treuve en iceux, et le Paradis un travail si la volonté de Dieu n'y est pas, car, comme dit David, ilz ne demandent ni au ciel ni en la terre que de voir le bon playsir de Dieu accompli: O Seigneur, qu'y a-il au ciel pour moy, ou que veux-je en terre sinon vous?.

  A005000462 

 La volonté de Dieu est au service du pauvre et du riche, mais un peu plus en celuy du pauvre; le cœur indifferent choysira ce party.

  A005000462 

 La volonté de Dieu est en la modestie exercee entre les consolations, et en la patience prattiquee entre les tribulations; l'indifferent prefere celle-cy, car il y a plus de la volonté de Dieu..

  A005000462 

 Le bon playsir de Dieu est au mariage et en la virginité; mais parce qu'il est plus en la virginité le cœur indifferent choysit la virginité, quand elle luy devroit couster la vie, comme elle fit a la chere fille spirituelle de saint Paul, sainte Tecle, a sainte Cecile, a sainte Agathe, et mille autres.

  A005000462 

 Le cœur indifferent est comme une boule de cire entre les mains de son Dieu, pour recevoir semblablement toutes les impressions du bon playsir eternel; un cœur sans choix, egalement disposé a tout, sans aucun autre object de sa volonté que la volonté de son Dieu; qui ne met point son amour es choses que Dieu veut ains en la volonté de Dieu qui les veut: c'est pourquoy, quand la volonté de Dieu est en plusieurs choses, il choysit, a quel prix que ce soit, celle ou il y en a plus.

  A005000463 

 En somme, le bon playsir de Dieu est le souverain object de l'ame indifferente: par tout ou elle le void elle court a l'odeur de ses parfums, et cherche tous-jours [121] l'endroit ou il y en a plus, sans consideration d'aucune autre chose; il est conduit par sa divine volonté, comme par un lien tres aymable, et par tout ou elle va il la suit.

  A005000469 

 Et parmi tout cela, o Dieu, quelle indifference! leur tristesse est joyeuse, leur pauvreté est riche, leurs mortz sont vitales et leurs deshonneurs honnorables; c'est a dire, ilz sont joyeux d'estre tristes, contens d'estre pauvres, revigorés de vivre entre les perilz de la mort et glorieux d'estre avilis, parce que telle estoit la volonté de Dieu.

  A005000470 

 Car encor que la supreme portion de son ame fut souverainement [123] jouissante de la gloire eternelle, si est-ce que l'amour empeschoit cette gloire de respandre ses delices ni es sentimens, ni en l'imagination, ni en la rayson inferieure, laissant ainsy tout le coeur exposé a la merci de la tristesse et angoisse.

  A005000470 

 Ezechiel vid le simulachre d'une main qui le saisit par un seul flocquet des cheveux de sa teste, l'eslevant entre le ciel et la terre: Nostre Seigneur aussi, eslevé en la croix entre la terre et le ciel, n'estoit, ce semble, tenu de la main de son Pere que par l'extreme pointe de l'esprit, et, par maniere de dire, par un seul cheveu de sa teste, qui, touché de la douce main du Pere eternel, recevoit une souveraine affluence de felicité, tout le reste demeurant abismé dans la tristesse et ennuy; c'est pourquoy il s'escrie: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'as tu delaissé?.

  A005000471 

 O que bienheureux est l'amour qui regne dans la cime de l'esprit des fideles, tandis qu'ilz sont entre les vagues et les flotz des tribulations interieures! [124].

  A005000471 

 On dit que le poisson qu'on appelle lanterne de mer, au plus fort des tempestes tient sa langue hors des ondes, laquelle est si fort luisante, rayonnante et claire, qu'elle sert de phare et flambeau aux nochers; ainsy, emmi la mer des passions dont Nostre Seigneur fut accablé, toutes les facultés de son ame demeurerent comme englouties et ensevelies dans la tourmente de tant de peynes, hormis la pointe de l'esprit, qui, exempte de tout travail, estoit toute claire et resplendissante de gloire et felicité.

  A005000475 

 On ne connoist presque point le bon playsir divin que par les evenemens, et tandis qu'il nous est inconneu il nous faut attacher le plus fort qu'il nous est possible a la volonté de Dieu qui nous est manifestee ou signifiee; mais soudain que le bon playsir de sa divine Majesté comparoit, il faut aussi tost se ranger amoureusement a son obeissance..

  A005000476 

 Ma mere ou moy mesme (car c'est tout un) sommes au lit malade: que sçay-je si Dieu veut que la mort s'en ensuive? Certes, je n'en sçay rien; mays je sçay bien pourtant, qu'en attendant l'evenement que son bon playsir a ordonné, il veut, par la volonté declairee, que j'employe les remedes convenables a la guerison: je le feray donq fidelement, sans rien oublier de ce que bonnement je pourray contribuer a cette intention.

  A005000476 

 Mays si c'est le bon playsir divin que le mal, victorieux des remedes, apporte en fin la mort, soudain que j'en seray certifié par l'evenement j'acquiesceray amoureusement en la pointe de mon esprit, nonobstant toute la repugnance des puissances inferieures de mon ame: Ouy, Seigneur, je le veux bien, ce diray je, parce que tel a esté vostre bon playsir; il vous a ainsy pleu et il me plaist ainsy a moy, qui suis tres humble serviteur de vostre volonté..

  A005000478 

 Quand Dieu luy ordonne de sacrifier cet enfant, il ne s'attriste point; quand il l'en dispense, il ne s'en res-jouit point: tout est pareil a ce grand cœur, pourveu que la volonté de son Dieu soit servie..

  A005000480 

 Jonas fit la volonté de Dieu annonçant la subversion de Ninive, mais il mesla son interest et sa volonté propre avec celle de Dieu; c'est pourquoy, quand il void que Dieu n'execute pas sa prediction selon la rigueur des paroles dont il avoit usé en l'annonçant, il s'en fasche et murmure indignement.

  A005000480 

 Nous voulons que ce que nous entreprenons et manions reuscisse, mais il n'est pas raysonnable que [127] Dieu fasse toutes choses a nostre gré: s'il veut que Ninive soit menassee, et que neanmoins elle ne soit pas renversee, puisque la menasse suffit a la corriger, pourquoy Jonas s'en plaindra-il?.

  A005000480 

 O que bienheureuses sont telles ames, hardies et fortes aux entreprises que Dieu leur inspire, souples et douces a les quitter quand Dieu en dispose ainsy! Ce sont des traitz d'une indifference tres parfaite, de cesser de faire un bien quand il plait a Dieu, et de s'en retourner de moitié chemin quand la volonté de Dieu, qui est nostre guide, l'ordonne.

  A005000481 

 Ayes soin de luy, fut il dit au maistre d'estable, en la parabole du pauvre homme mi mort entre Hierusalem et Hierico; «il n'est pas dit,» remarque saint Bernard, «gueris-le, mais, ayes soin de luy.» Ainsy les Apostres, avec une affection nompareille, prescherent premierement aux Juifz, bien qu'ilz sceussent qu'en fin il les faudroit quitter, comme une terre infructueuse, et se retourner du costé des Gentilz.

  A005000481 

 C'est a nous de bien planter et bien arrouser, mais de donner l'accroissement cela n'appartient qu'a Dieu.

  A005000481 

 Mais si cela est ainsy, il ne faudra donq rien affectionner, ains laisser les affaires a la mercy des evenemens? Pardonnés-moy, Theotime, il ne faut rien oublier de tout ce qui est requis pour faire bien reuscir les entreprises que Dieu nous met en main, mais a la charge que si l'evenement est contraire nous le recevrons doucement et tranquillement; car nous avons commandement d'avoir un grand soin des choses qui regardent la gloire de Dieu et qui sont en nostre charge, mais nous ne sommes pas obligés ni chargés de l'evenement, car il n'est pas en nostre pouvoir.

  A005000482 

 Il est vray, mon enfant, ta faute ne t'est pas advenue par la volonté de Dieu, car Dieu n'est pas autheur du peché; mays c'est bien pourtant la volonté divine que ta faute soit suivie de la defaite et du manquement de ton entreprise, en punition de ta faute: car si sa bonté ne luy peut permettre de vouloir ta faute, sa justice fait qu'il veut la peyne que tu en souffres.

  A005000482 

 Mays derechef, si l'entreprise faite par inspiration perit par la faute de ceux a qui elle estoit confiee, comme peut-on dire alhors qu'il faut acquiescer a la volonté de Dieu? car, me dira quelqu'un, ce n'est pas la volonté de Dieu qui empesche l'evenement, ains ma faute, de laquelle la volonté divine n'est pas la cause.

  A005000483 

 Quand donques il arrive que les desseins sacrés ne reuscissent pas, en punition de nos fautes, il faut egalement detester la faute par une solide repentance, et accepter la peyne que nous en avons; car, comme le peché est contre la volonté de Dieu, aussi la peyne est selon sa volonté..

  A005000487 

 C'est a nous de bien cultiver nos ames, et partant il y faut fidelement vaquer; mais quant a l'abondance de la prise et de la moisson, laissons en le soin a Nostre Seigneur.

  A005000487 

 Dieu nous a ordonné de faire tout ce que nous pourrons pour acquerir les saintes vertus, n'oublions donq rien pour bien reuscir de cette sainte entreprise; mais apres que nous aurons planté et arrousé, sçachons que c'est a Dieu de donner l'accroissement aux arbres de nos bonnes inclinations et habitudes: [129] c'est pourquoy il faut attendre le fruit de nos desirs et travaux de sa divine providence.

  A005000487 

 Ne nous inquietons point pour nous voir tous-jours novices en l'exercice des vertus; car, au monastere de la vie devote, chacun s'estime tous-jours novice, et toute la vie y est destinee a la probation, n'y ayant point de plus evidente marque d'estre non seulement novice, mais digne d'expulsion et reprobation, que de penser et se tenir pour profés: car selon la regle de cet ordre la, non la solemnité, mais l'accomplissement des vœux rend les novices profés; or les vœux ne sont jamais accomplis tandis qu'il y a quelque chose a faire pour l'observance d'iceux, et l'obligation de servir Dieu et faire progres en son amour dure tous-jours jusques a la mort..

  A005000488 

 Connoisses-vous que vostre retardement au chemin des vertus est provenu de vostre coulpe? or sus, humilies-vous devant Dieu, implores sa misericorde, prosternes vous devant la face de sa bonté et demandes-luy en pardon, confesses vostre faute et cries-luy mercy a l'oreille mesme de vostre confesseur pour en recevoir l'absolution: mais cela fait, demeures en paix, et ayant detesté l'offence, embrasses amoureusement [130] l'abjection qui est en vous, pour le retardement de vostre avancement au bien..

  A005000488 

 Voire mais, me dira quelqu'un, si je connois que c'est par ma faute que mon avancement es vertus est retardé, comme pourray-je m'empescher de m'en attrister et inquieter? J'ay dit cecy en l' Introduction a la Vie devote, mais je le redis volontier parce qu'il ne peut jamais asses estre dit: il se faut attrister pour les fautes commises, d'une repentance forte, rassise, constante, tranquille, mais non turbulente, non inquiete, non descouragee.

  A005000490 

 Et cependant, Theotime, ce n'est pas l'amour celeste qui fait ce trouble, car il ne se fasche que pour le peché; c'est nostre amour propre, qui voudroit que [131] nous fussions exemptz de la peyne et du travail que les assautz de l'ire nous donnent: ce n'est pas la coulpe qui nous desplait en ces eslans de la cholere, car il n'y a du tout point de peché; c'est la peyne d'y resister qui nous inquiete..

  A005000490 

 Neanmoins elle est encor sujette aux assautz et premiers mouvemens de cette passion, qui sont certains eslans, esbranlemens et saillies du cœur irrité, que la paraphrase Caldaïque appelle tremoussemens, disant: Tremousses, et ne veuilles point pecher, ou nostre sacree version a dit: Courrouces-vous, et ne veuilles point pecher; qui est en effect une mesme chose, car le Prophete ne veut dire sinon que si le courroux nous surprend, excitant en nos cœurs les premiers tremoussemens de la cholere, nous nous gardions bien de nous laisser emporter plus avant en cette passion, d'autant que nous pecherions.

  A005000490 

 Or, bien que ces premiers eslans et tremoussemens ne soyent aucunement peché, neanmoins la pauvre ame qui en est souvent atteinte se trouble, s'afflige, s'inquiete, et pense bien faire de s'attrister, comme si c'estoit l'amour de Dieu qui la provoquast a cette tristesse.

  A005000491 

 C'est le Philistin que les vrays Israëlistes doivent tous-jours combattre, sans que jamais ilz le puissent abbattre: ilz le peuvent affoiblir, mais non pas aneantir; il ne meurt jamais qu'avec nous, et vit tous-jours avec nous.

  A005000491 

 Il est certes execrable et detestable, d'autant qu'il est issu du peché et tend perpetuellement au peché: c'est pourquoy, comme nous sommes appellés terre parce que nous sommes extraitz de la terre et que nous retournerons en terre, ainsy cette rebellion est appellee par le grand Apostre peché, comme provenue du peché et tendante au peché, quoy qu'elle ne nous rende nullement coulpables sinon quand nous la secondons et luy obeissons; dont le mesme Apostre nous advertit de faire en sorte que ce mal la ne regne point en nostre cors mortel, pour obeir aux convoitises d'iceluy.

  A005000491 

 Il est en nous quand nous sentons la rebellion de l'appetit sensuel, mais il ne regne pas en nous sinon quand nous y consentons.

  A005000491 

 Jamais on ne dira a une femme grosse qu'elle n'ayt pas envie de manger des choses extraordinaires, car cela n'est pas en son pouvoir; mais on luy dira bien qu'elle die ses appetitz, affin que s'ilz sont de chose nuisible on divertisse son imagination, et que telle fantasie ne regne pas en sa cervelle.

  A005000492 

 L'eguillon de la chair, messager de Satan, piquoit rudement le grand saint Paul pour le faire precipiter au peché: le pauvre Apostre souffroit cela comme une injure honteuse et infame, c'est pourquoy il l'appelloit un souffletement et baffoüement, et prioit Dieu qu'il luy pleust de l'en deslivrer; mais Dieu luy respondit: O Paul, ma grace te suffit, car ma force se perfectionne en l'infirmité. A quoy ce grand saint homme acquiesçant: Donques, dit il, volontier je me glorifieray en mes infirmités, affin que la vertu de Jesus Christ habite en moy.

  A005000492 

 Mais remarques, de grace, que la rebellion sensuelle est en cet admirable vaysseau d'election, lequel, recourant au remede de l'orayson, nous monstre qu'il nous faut combattre par ce mesme moyen les tentations que nous sentons.

  A005000492 

 Remarques encores, que si Nostre Seigneur permet ces cruelles revoltes en l'homme, ce n'est pas tous-jours pour le punir de quelque peché, ains pour manifester la force et vertu de l'assistance et grace divine.

  A005000498 

 Mays quand le peché est commis, faysons tout ce qui est en nous affin qu'il soit effacé; comme Nostre Seigneur qui asseura Carpus, ainsy qu'il a ci devant esté noté, que s'il estoit requis, il subiroit derechef la mort pour delivrer une seule ame de peché.

  A005000499 

 Cependant, pour obstinés que les pecheurs puissent estre, ne perdons pas courage de les ayder et servir; car, que sçavons nous si par aventure ilz feront penitence et seront sauvés? Bienheureux est celuy qui peut dire a ses prochains comme saint Paul: Je n'ay cessé ni jour ni nuit en vous admonestant un chacun de vous avec larmes; et partant je suis net du sang de tous, car je ne me suis point espargné que je ne vous aye annoncé tout le bon playsir de Dieu.

  A005000500 

 L'Apostre, certes, dit qu'il a une douleur continuelle pour la perte des Juifz; mais c'est comme nous disons que nous benissons Dieu en tout tems, car cela ne veut dire autre chose, sinon que nous le benissons fort souvent et en toutes occasions: et de mesme, le glorieux [135] saint Paul avoit une continuelle douleur en son cœur a cause de la reprobation des Juifz, parce qu'a toutes occasions il regrettoit leur malheur..

  A005000500 

 Mais, en fin finale, apres que nous avons pleuré sur les obstinés et que nous leur avons rendu le devoir de charité pour essayer de les retirer de perdition, il faut imiter Nostre Seigneur et les Apostres, c'est a dire, divertir nostre esprit de la, et le retourner sur des autres objectz et a d'autres occupations plus utiles a la gloire de Dieu.

  A005000501 

 Au reste, il faut adorer, aymer et louer a jamais la justice vengeresse et punissante de nostre Dieu, comme nous aymons sa misericorde, parce que l'une et l'autre est fille de sa bonté: car par sa grace il nous veut faire bons, comme tres bon, ains souverainement bon qu'il est; par sa justice il veut chastier le peché, parce qu'il le hait; or il le hait, parce qu'estant souverainement bon, il deteste le souverain mal qui est l'iniquité.

  A005000501 

 Et notés, pour conclusion, que jamais Dieu ne retire sa misericorde de nous que par l'equitable vengeance de sa justice punissante, et jamais nous n'eschappons la rigueur de sa justice que par sa misericorde justifiante: et tous-jours, ou punissant ou gratifiant, son bon playsir est adorable, aymable et digne d'eternelle benediction.

  A005000505 

 Mais parce qu'il n'avoit aucun playsir en son chant ni au son de son luth, d'autant qu'estant privé de l'ouïe il n'en pouvoit appercevoir la douceur et beauté, il ne chantoit plus ni ne sonnoit du luth que pour contenter un prince duquel il estoit né sujet, et auquel il avoit une extreme inclination de complaire, accompaignee d'une infinie obligation pour avoir esté nourri des sa jeunesse chez lui: c'est pourquoy il avoit un playsir nompareil de luy plaire, et quand son prince luy tesmoignoit d'aggreer son chant il estoit tout ravi de contentement.

  A005000507 

 Mon cœur est prest, Seigneur, mon cœur est disposé.

  A005000514 

 Ainsy nos cœurs, au commencement de leur devotion, ayment Dieu pour s'unir a luy, luy estre aggreables, et l'imiter en ce qu'il nous a aymés eternellement; mays, petit a petit, estans duitz et exercés au saint amour, ilz prennent imperceptiblement le change, et en lieu d'aymer Dieu pour plaire a Dieu, ilz commencent d'aymer pour le playsir qu'ilz ont eux mesmes es exercices du saint amour, et en lieu qu'ilz estoyent amoureux de Dieu, ilz deviennent amoureux de l'amour qu'ilz luy portent: ilz sont affectionnés a leurs affections, et ne se playsent plus en Dieu, mais au playsir qu'ilz ont en son amour, se contentans en cet amour entant qu'il est a eux, qu'il est dans leur esprit et qu'il en procede; car encor que cet amour sacré s'appelle amour de Dieu parce que Dieu est aymé par iceluy, il ne laisse pas d'estre nostre parce que [138] nous sommes les amans qui aymons par iceluy.

  A005000514 

 Ce chantre donques, qui chantoit au commencement a Dieu et pour Dieu, chante maintenant plus a soy mesme et pour soy mesme que pour Dieu, et s'il prend playsir a chanter, ce n'est plus tant pour contenter l'aureille de son Dieu que pour contenter la sienne; et d'autant que le cantique de l'amour divin est le plus excellent de tous, il l'ayme aussi davantage, non a cause de l'excellence divine qui y est loüee, mais parce que l'air du chant en est plus delicieux et aggreable..

  A005000514 

 Certes, le cœur humain est le vray chantre du cantique de l'amour sacré, et il est luy mesme la harpe et le psalterion: or ce chantre s'escoute soy mesme pour l'ordinaire, et prend un grand playsir d'ouïr la melodie de son cantique; c'est a dire, nostre cœur aymant Dieu savoure les delices de cet amour et prend un contentement nompareil d'aymer un object tant aymable.

  A005000514 

 Et c'est la le sujet du change; car en lieu d'aymer ce saint amour parce qu'il tend a Dieu qui est l'aymé, nous l'aymons parce qu'il procede de nous qui sommes les amans.

  A005000514 

 Or, qui ne void qu'ainsy faisant ce n'est plus Dieu que nous cherchons, ains que nous revenons a nous mesmes, aymant l'amour en lieu d'aymer le Bienaymé; aymant, dis-je, cet amour, non pour le bon playsir et contentement de Dieu, mays pour le playsir et contentement que nous en tirons nous mesmes.

  A005000518 

 De deux cantiques qui seront voirement l'un et l'autre [139] divin, il se peut bien faire que l'un sera chanté parce qu'il est divin, et l'autre parce qu'il est aggreable.

  A005000518 

 Le cantique est divin, mais le motif qui le nous fait chanter c'est la delectation spirituelle que nous en pretendons..

  A005000518 

 Rachel et Lia sont egalement espouses de Jacob; mais l'une est aymee de luy en qualité d'espouse seulement, et l'autre en qualité de belle.

  A005000518 

 Vous connoistres bien cela, Theotime: car si ce rossignol mystique chante pour contenter Dieu, il chantera le cantique qu'il sçaura estre le plus aggreable a la divine Providence; mais s'il chante pour le playsir que luy mesme prend en la melodie de son chant, il ne chantera pas le cantique qui est le plus aggreable a la Bonté celeste, ains celuy qui est plus a son gré de luy mesme, et duquel il pense tirer plus de playsir.

  A005000519 

 Hé, vous vous trompés, mes chers amis, ne dites pas que c'est pour mieux aymer et servir Dieu: o nenni certes! c'est pour mieux servir vostre propre contentement, lequel vous-aymes plus que le contentement de Dieu.

  A005000519 

 La volonté de Dieu est en la maladie aussi bien et presqu'ordinairement mieux qu'en la santé: que si nous aymons mieux la santé, ne disons pas que c'est pour tant mieux servir Dieu; car, qui ne void que c'est la santé que nous cherchons en la volonté de Dieu, et non pas la volonté de Dieu en la santé..

  A005000519 

 Ne vois tu pas, dira-on a cet Evesque, que Dieu veut que tu chantes le cantique pastoral de sa dilection emmi ton troupeau, lequel en vertu de son saint amour il te commande par trois fois de paistre, en la personne du grand saint Pierre qui fut le premier des Pasteurs? Que me respondras-tu? qu'a Rome, qu'a Paris il y a plus de delices spirituelles, et qu'on y peut prattiquer le divin amour avec plus de suavité? O Dieu, ce n'est donq pas pour vous plaire que cet homme veut chanter, c'est pour le playsir qu'il prend a cela; ce n'est pas vous qu'il cherche en l'amour, c'est le contentement qu'il a es exercices du saint amour.

  A005000520 

 Celuy qui est en une fervente orayson ne sçait s'il est en orayson ou non, car il ne pense pas a l'orayson qu'il fait, ains a Dieu auquel il la fait.

  A005000520 

 Celuy qui priant Dieu s'apperçoit qu'il prie, n'est pas parfaittement attentif a prier; car il divertit son attention de Dieu, lequel il prie, pour penser a la priere par laquelle il le prie.

  A005000520 

 Il est aussi sans doute malaysé d'aymer Dieu qu'on n'ayme quant et quant le playsir que l'on prend en son amour; mais neanmoins il y a bien a dire entre le contentement que l'on a d'aymer Dieu parce qu'il est beau, et celuy que l'on a de l'aymer parce que son amour nous est aggreable.

  A005000520 

 Il est malaysé, je le confesse, de regarder longuement et avec playsir la beauté d'un mirouer qu'on [140] ne s'y regarde, ains qu'on ne se playse a s'y regarder soy mesme; mays il y a pourtant de la difference entre le playsir que l'on prend a regarder un mirouer parce qu'il est beau, et l'ayse que l'on a de regarder dans un mirouer parce qu'on s'y void.

  A005000520 

 Le soin mesme que nous avons a n'avoir point de distractions nous sert souvent de fort grande distraction; la simplicité es actions spirituelles est la plus recommandable.

  A005000520 

 Qui est en l'ardeur de l'amour sacré il ne retourne point son cœur sur soy mesme pour regarder ce qu'il fait, ains le tient arresté et occupé en Dieu auquel il applique son amour.

  A005000520 

 Voules vous regarder Dieu? regardes le donq et soyes attentive a cela; car si vous reflechisses et retournes vos yeux dessus vous mesme, pour voir la contenance que vous tenes en le regardant, ce n'est plus luy que vous regardes, c'est vostre maintien, c'est vous mesme.

  A005000521 

 Helas, soudain que la suavité et satisfaction qu'il prenoit en l'amour cessera, et que les secheresses arriveront, il quittera tout la, il ne priera plus qu'en passant: or, si c'estoit Dieu qu'il aymoit, pourquoy eust-il cessé de l'aymer, puisque Dieu est tous-jours Dieu? c'estoit donq la consolation Dieu qu'il aymoit, et non le Dieu de consolation..

  A005000521 

 S'il eust aymé Thamar il n'eust pas fait cela, car Thamar estoit tous-jours Thamar; mais parce que ce n'estoit pas Thamar qu'il aymoit, ains l'infame playsir qu'il pretendoit en elle, soudain qu'il eut ce qu'il cherchoit, il la baffoüa felonnement et la traitta brutalement: son playsir estoit en Thamar, mais son amour estoit au playsir et non pas en Thamar; c'est pourquoy, le playsir passé, il eust volontier fait passer Thamar.

  A005000521 

 Vous verres, Theotime, cet homme qui prie Dieu, ce vous semble, avec tant de devotion et qui est si ardent aux exercices de l'amour celeste; mais attendes un peu, et vous verres si c'est Dieu qu'il ayme.

  A005000522 

 Plusieurs, certes, ne se plaisent point en l'amour divin sinon qu'il soit confit au sucre de quelque suavité sensible, et feroyent volontier comme les petitz enfans, auxquelz quand on donne du miel sur un morceau de pain, ilz lechent et succent le miel et jettent par apres le pain: car si la suavité estoit separable de l'amour ilz quitteroyent l'amour et tireroyent la suavité; c'est pourquoy ilz suivent l'amour a cause de la suavité, laquelle quand ilz n'y rencontrent pas, ilz ne tiennent conte de l'amour.

  A005000526 

 O que bienheureux est le cœur qui ayme Dieu sans aucun autre playsir que celuy qu'il prend de plaire a Dieu! car, quel playsir peut-on jamais avoir plus pur et parfait que celuy que l'on prend dans le playsir de la Divinité? Neanmoins, ce playsir de plaire a Dieu n'est pas a proprement parler l'amour divin, ains seulement un fruit d'iceluy, qui en peut estre separé ainsy qu'un citron de son citronnier.

  A005000527 

 Tandis, o Dieu, que je voy vostre douce face qui tesmoigne d'aggreer le chant de mon amour, helas, que je suis consolé! car, y a-il aucun playsir qui egale le playsir de bien plaire a son Dieu? Mais quand vous retires vos yeux de moy et que je n'apperçois plus la douce faveur de la complaysance que vous prenies en mon cantique, vray Dieu, que mon ame est en grande peyne! mais sans cesser pourtant de vous aymer fidelement et de chanter continuellement l'hymne de sa dilection, non pour aucun playsir qu'elle y treuve, car elle n'en a point, ains chante pour le pur amour de vostre volonté.

  A005000529 

 Ainsy arrive-il quelquefois, que nous n'avons nulle consolation es exercices de l'amour sacré, d'autant que, comme chantres sourds, nous n'oyons pas nostre propre voix ni ne pouvons jouir de la suavité de nostre chant; ains au contraire, outre cela, nous sommes pressés de mille craintes, troublés de mille tintamarres que l'ennemy fait autour de nostre cœur, nous suggerant que peut estre ne sommes-nous point aggreables a nostre Maistre et que nostre amour est inutile, ouy mesme qu'il est faux et vain, puisqu'il ne produit point de consolation.

  A005000530 

 Et bien qu'elle n'ait pas perdu le courage, elle est pourtant si terriblement attaquee, que si elle est sans coulpe elle n'est pas sans peyne: car, pour comble de son ennuy, elle est privee de la generale consolation que l'on a presque tous-jours en tous les autres maux de ce monde, qui est l'esperance qu'ilz ne seront pas perdurables et que l'on en verra la fin; si que le cœur en ces ennuis spirituelz, tumbe en une certaine impuissance de penser a leur fin, et par consequent d'estre allegé par l'esperance.

  A005000530 

 Mays ce qui accroist le mal en cette occurrence, c'est que l'esprit et supreme pointe de la rayson ne nous peut donner aucune sorte d'allegement; car cette pauvre portion superieure de la rayson, estant, toute environnee [144] des suggestions que l'ennemi luy fait, elle est mesme toute alarmee et se treuve asses embesoignee a se garder d'estre surprise d'aucun consentement au mal, de sorte qu'elle ne peut faire aucune sortie pour desengager la portion inferieure de l'esprit.

  A005000531 

 O Dieu, mon cher Theotime, mais c'est alhors qu'il faut tesmoigner une invincible fidelité envers le Sauveur, le servant purement pour l'amour de sa volonté, non seulement sans playsir, mais parmi ce deluge de tristesses, d'horreurs, de frayeurs et d'attaques, comme fit sa glorieuse Mere et saint Jean au jour de sa Passion, qui, entre tant de blasphemes, de douleurs et de detresses mortelles, demeurerent fermes en l'amour, lhors mesme que le Sauveur, ayant retiré toute sa sainte joye dans la cime de son esprit, ne respandoit ni allegresse ni consolation quelcomque en son divin visage, et que ses yeux alangouris et couvertz des tenebres de la mort ne jettoyent plus que des regards de douleur; comme aussi le soleil, des rayons d'horreur et d'affreuses tenebres.

  A005000535 

 Et cela, d'autant que la merveille de sa delivrance fut si grande qu'elle occupoit son esprit en telle sorte, qu'encor qu'il eust asses de sentiment et de connoissance pour faire ce qu'il faisoit, neanmoins il n'en avoit pas asses pour connoistre qu'il le faisoit reellement et tout de bon: il voyoit bien l'Ange, mais il ne s'appercevoit pas que ce fut d'une vraye et naturelle vision; c'est pourquoy il n'avoit nulle consolation de sa delivrance, jusques a ce qu'en revenant a soy: Maintenant, dit-il, je connois en verité que Dieu a envoyé son Ange, et m'a deslivré de la main d'Herodes et de toute l'attente du peuple Juif.

  A005000536 

 C'est pourquoy le sacré Psalmiste exprime la grandeur de la consolation que les Israëlites eurent au retour de la captivité de Babylone, en ces paroles:.

  A005000536 

 Or il en est de mesme, Theotime, d'une ame qui est grandement chargee d'ennuis interieurs; car bien qu'elle ait le pouvoir de croire, d'esperer et d'aymer Dieu, et qu'en verité elle le fasse, toutefois elle n'a pas la force de bien discerner si elle croid, espere et cherit son Dieu, d'autant que la detresse l'occupe et accable si fort qu'elle ne peut faire aucun retour sur soy mesme pour voir ce qu'elle fait: et c'est pourquoy il luy est advis qu'elle n'a ni foy, ni esperance, ni charité, ains seulement des fantosmes et inutiles impressions de ces vertus la, qu'elle sent presque sans les sentir, et comme estrangeres, non comme domestiques de son ame.

  A005000536 

 Que si vous y prenes garde, vous treuveres que nos espritz sont tous-jours en pareil estat quand ilz sont puissamment occupés de quelque violente passion; car ilz font plusieurs actions comme en songe, et desquelles ilz ont si peu de sentiment qu'il ne leur est presque pas advis que ce soit en verité que les choses se passent.

  A005000543 

 et, comme porte la sainte version latine, apres les Septante: Nous fusmes faitz comme consolés; c'est a dire: l'admiration de la grandeur du bien qui nous arriva estoit si excessive qu'elle nous empeschoit de bien sentir la consolation que nous receusmes, et nous estoit advis que nous ne fussions pas veritablement consolés et que nous n'eussions pas une consolation en verité, ains seulement en figure et en songe..

  A005000544 

 Helas, Theotime, que le pauvre cœur est affligé quand, comme abandonné de l'amour, il regarde par tout et ne le treuve point, ce luy semble.

  A005000544 

 Il ne le treuve point es sens exterieurs, car ilz n'en sont pas capables; ni en l'imagination, qui est cruellement tourmentee de diverses impressions; ni en la rayson, troublee de mille obscurités de discours et apprehensions estranges: et bien qu'en fin elle le treuve en la cime et supreme region de l'esprit, ou cette divine dilection reside, si est ce neanmoins qu'elle le mesconnoist, et luy est advis que ce n'est pas luy, parce que la grandeur des ennuis et des tenebres l'empeschent de sentir sa douceur; elle le void sans le voir et le rencontre sans le connoistre, comme si c'estoit en songe et en image.

  A005000544 

 Telz donques sont les sentimens de l'ame laquelle est entre les angoisses spirituelles, qui rendent l'amour extremement pur et net, car estant privé de tout playsir par lequel il puisse estre attaché a son Dieu, il nous joint et unit a Dieu immediatement, volonté a volonté, [147] cœur a cœur, sans aucune entremise de contentement ou pretention.

  A005000545 

 Le Filz recommanda son esprit au Pere en cette [148] derniere et incomparable detresse; et nous, lhors que les convulsions des peynes spirituelles nous ostent toute autre sorte d'allegemens et de moyens de resister, recommandons nostre esprit es mains de ce Filz eternel qui est nostre vray Pere, et baissant la teste de nostre acquiescement a son bon playsir, consignons luy toute nostre volonté..

  A005000545 

 Mais que peut donq faire l'ame qui est en cet estat? Theotime, elle ne sçait plus comme se maintenir entre tant d'ennuis, et n'a plus de force que pour laisser mourir sa volonté entre les mains de la volonté de Dieu, a l'imitation du doux Jesus, qui, estant arrivé au comble des peynes de la croix que le Pere luy avoit prefigees, et ne pouvant plus resister a l'extremité de ses douleurs, fit comme le cerf qui hors d'haleyne et accablé de la mutte, se rendant a l'homme, jette les derniers abboys, la larme à l'œil.

  A005000549 

 Certes, nostre volonté ne peut jamais mourir, non plus que nostre esprit, mais elle outrepasse quelquefois les limites de sa vie ordinaire, pour vivre toute en la volonté divine: c'est lhors qu'elle ne sçait ni ne veut plus rien vouloir, ains elle s'abandonne totalement et sans reserve au bon playsir de la divine Providence, se meslant et detrempant tellement avec ce bon playsir, qu'elle ne paroist plus, mais est toute cachee avec Jesus Christ en Dieu, ou elle vit, non plus elle mesme, ains la volonté de Dieu vit en elle.

  A005000549 

 Et que devient la volonté humaine quand elle est entierement abandonnee au bon playsir divin? Elle [149] ne perit pas tout a fait, mais elle est tellement abismee et meslee avec la volonté de Dieu, qu'elle ne paroist plus et n'a plus aucun vouloir separé de celuy de Dieu..

  A005000549 

 Nous parlons avec une propreté toute particuliere de la mort des hommes, en nostre langage françois, car nous l'appelions trespas, et les mortz, trespassés; signifians que la mort entre les hommes n'est qu'un passage d'une vie a l'autre, et que mourir n'est autre chose sinon outrepasser les confins de cette vie mortelle pour aller a l'immortelle.

  A005000549 

 Que devient la clarté des estoiles quand le soleil paroist sur nostre orizon? elle ne perit certes pas, mais elle est ravie et engloutie dans la souveraine lumiere du soleil avec laquelle elle est heureusement meslee et conjointe.

  A005000550 

 Voire mais, luy eust-on peu dire, il va en Egypte, pour passer en Palestine; il logera a Damiette, dans Acre et plusieurs autres lieux: n'aves vous pas intention, Madame, d'y aller aussi? A cela elle eust respondu: Non vrayement, je n'ay nulle intention sinon d'estre aupres de mon Roy, et les lieux ou il va me sont indifferens et de nulle consideration, sinon entant qu'il y sera; je vay sans desir d'aller, car je n'affectionne rien que la presence du Roy: c'est donq le Roy qui va, et qui veut le voyage, et quant a moy je ne vay pas, je suy; je ne veux pas le voyage, ains la seule presence du Roy; le sejour, le voyage et toute sorte de diversités m'estant tout a fait indifferentes..

  A005000551 

 Certes, si on demande a quelque serviteur qui est a la suite de son maistre, ou il va, il ne doit pas respondre qu'il va en tel ou tel lieu, ains seulement qu'il suit son maistre, car il ne va nulle part par sa volonté, ains seulement par celle de son maistre; ainsy, mon Theotime, une volonté resignee en celle de son Dieu ne doit avoir aucun vouloir, ains suivre simplement celuy de Dieu.

  A005000551 

 De sorte que ce n'est pas proprement comme les serviteurs suivent leurs maistres, car encor que le voyage se fasse par la volonté de leur maistre, leur suite toutefois se fait par leur propre volonté particuliere, bien qu'elle soit une volonté suivante et servante, sousmise et assujettie a celle de leur maistre: si que tout ainsy que le maistre et le serviteur sont deux, aussi la volonté du maistre et celle du serviteur sont deux.

  A005000551 

 Et comme celuy qui est dans un navire ne se remue pas de son mouvement propre, ains se laisse seulement mouvoir selon le mouvement du vaysseau [150] clans lequel il est, de mesme, le cœur qui est embarqué dans le bon playsir divin ne doit avoir aucun autre vouloir que celuy de se laisser porter au vouloir de Dieu.

  A005000551 

 Mais la volonté qui est morte a soy mesme pour vivre en celle de Dieu, elle est sans aucun vouloir particulier, demeurant non seulement conforme et sujette, mais toute aneantie en elle mesme et convertie en celle de Dieu: comme on diroit d'un petit enfant qui n'a encor point l'usage de sa volonté, pour vouloir ni aymer chose quelcomque que le sein et le visage de sa chere mere; car il ne pense nullement a vouloir estre d'un costé ni d'autre, ni a vouloir autre chose quelcomque sinon d'estre entre les bras de sa mere, avec laquelle il pense estre une mesme chose, et n'est nullement en soucy d'accommoder sa volonté a celle de sa mere, car il ne sent point la sienne et ne cuyde pas d'en avoir une, laissant le soin a sa mere d'aller, de faire et de vouloir ce qu'elle treuvera bon pour luy..

  A005000552 

 C'est certes la souveraine perfection de nostre volonté que d'estre ainsy unie a celle de nostre souverain Bien, comme fut celle du Saint qui disoit: O Seigneur, vous m'aves conduit et mené en vostre volonté; car, que vouloit-il dire, sinon qu'il n'avoit nullement employé sa volonté pour se conduire, s'estant simplement laissé guider et mener a celle de son Dieu? [151].

  A005000554 

 Et c'est la façon avec laquelle nous devons tascher de nous comporter en la volonté du bon playsir divin, d'autant que les effectz de cette volonté du bon playsir procedent purement de sa providence, et sans que nous les fassions ilz nous arrivent.

  A005000554 

 Et nous autres, Theotime, comme petitz enfans du Pere celeste, nous pouvons aller avec luy en deux sortes: car nous pouvons aller, premierement, marchans des pas de nostre propre vouloir, lequel nous conformons au sien, tenans tous-jours de la main de nostre obeissance celle de son intention divine et la suivant par tout ou elle nous conduit; qui est ce que Dieu requiert de nous par la signification de sa volonté, car puisqu'il veut que je fasse ce qu'il m'ordonne, il veut que j'aye le vouloir de le faire.

  A005000554 

 Il est croyable que la tressainte Vierge Nostre Dame recevoit tant de contentement de porter son cher petit Jesus entre ses bras, que le contentement empeschoit la lassitude, ou du moins rendoit la lassitude aggreable: car, si de porter une branche d' agnus castus soulage les voyageurs et les delasse, quel allegement ne recevoit pas la glorieuse Mere de porter l'Aigneau de Dieu immaculé? Que si parfois elle le laissoit marcher sur ses pieds avec elle, le tenant par la main, ce n'estoit pas qu'elle n'eust mieux aymé de l'avoir pendant a son col sur sa poitrine, mais elle le faisoit pour l'exercer a former ses pas et a cheminer luy mesme.

  A005000554 

 Il est vray que nous pouvons bien vouloir qu'ilz arrivent selon la volonté de Dieu, et ce vouloir est tres bon; mais nous pouvons bien aussi recevoir les evenemens du bon playsir celeste par une tres simple tranquillité de nostre volonté qui, ne voulant chose quelcomque, acquiesce simplement a tout ce que Dieu veut estre fait en nous, sur nous et de nous..

  A005000555 

 Et affin que vous le sachies, tandis que je suis parmi les delices de ces saintes caresses qui [153] surpassent toute suavité, il m'est advis que ma Mere est un arbre dé vie et que je suis en elle comme son fruit, que je suis son propre cœur au milieu de sa poitrine, ou son ame au milieu de son cœur: c'est pourquoy, comme son marcher suffit pour elle et pour moy, sans que je me mesle de faire aucun pas, aussi sa volonté suffit pour elle et pour moy, sans que je fasse aucun vouloir pour ce qui est d'aller ou de venir.

  A005000555 

 O que bienheureux est le ventre qui vous a porté et les mammelles que vous aves succees!.

  A005000555 

 Si on eust demandé au doux Enfant Jesus, estant porté entre les bras de sa Mere, ou il alloit, n'eust-il pas eu rayson de respondre: Je ne vay pas, c'est ma Mere qui va pour moy.

  A005000556 

 Et notés qu'il dit toute nostre sollicitude, c'est a dire, [154] autant celle que nous avons de recevoir les evenemens comme celle de vouloir ou ne vouloir pas; car il aura soin du succes de nos affaires et de vouloir pour nous ce qui sera le meilleur..

  A005000556 

 Le Sauveur de nos ames eut l'usage de rayson des l'instant de sa conception au ventre de sa Mere, et pouvoit faire tous ces discours; ouy mesme le glorieux saint Jean, son Precurseur, des le jour de la sainte Visitation: et bien que l'un et l'autre, pendant ce tems-la et celuy de l'enfance, jouit de sa propre liberté pour vouloir et ne vouloir pas les choses, si est-ce qu'ilz laisserent le soin, en ce qui estoit de leur conduite exterieure, a leurs meres, de faire et vouloir pour eux ce qui estoit requis.

  A005000557 

 O Theotime, que cette occupation de nostre volonté est excellente, quand elle quitte le soin de vouloir et choisir les effectz du bon playsir divin, pour louer et remercier ce bon playsir de telz effectz..

  A005000561 

 Benir Dieu et le remercier pour tous les evenemens que sa providence ordonne, c'est a la verité une occupation toute sainte; mays si, tandis que nous laissons le soin a Dieu de vouloir et faire ce qu'il luy plait en nous, sur nous et de nous, sans estre attentifs a ce qui se passe quoy que nous le sentions bien, nous pouvions [155] divertir nostre cœur et appliquer nostre attention en la Bonté et Douceur divine, la benissant non en ses effectz ni es evenemens qu'elle ordonne, mais en elle mesme et en sa propre excellence, nous ferions sans doute un exercice beaucoup plus eminent..

  A005000563 

 La fille d'un excellent medecin et chirurgien estant en fievre continue, et sachant que son pere l'aymoit uniquement, disoit a l'une de ses amies: Je sens beaucoup de peine, mais pourtant je ne pense point aux remedes, car je ne sçai pas ce qui pourroit servir a ma guerison; je pourrois desirer une chose et il m'en faudroit une autre: ne gaigne-je donq pas mieux de laisser tout ce soin a mon pere, qui sçait, qui peut et qui veut pour moy tout ce qui est requis a ma santé? J'aurais tort d'y penser, car il y pensera asses pour moy; j'aurois tort de vouloir quelque chose, car il voudra asses tout ce qui me sera proffitable: seulement donq j'attendray qu'il veuille ce qu'il jugera expedient, et ne m'amuseray qu'a le regarder quand il sera pres de moy, a luy tesmoigner mon amour filial et luy faire connoistre ma confiance parfaite.

  A005000563 

 Mon pere, respondit elle, je suis vostre, je ne sçai ce que je dois vouloir pour guerir, c'est a vous de vouloir et faire pour moy tout ce qui vous semblera bon; car, quant a moy, il me suffit de vous aymer et honnorer de tout mon cœur, comme je fay.

  A005000565 

 Pourquoy te mesles tu de vouloir ou ne vouloir pas les evenemens et accidens du monde, puisque tu ne sçais pas ce que tu dois vouloir, et que Dieu voudra tous-jours asses pour toy tout ce que tu pourras vouloir, sans que tu t'en mettes en peine? Attens donq en repos d'esprit les effectz du bon playsir divin, et que son vouloir te suffise puisqu'il est tous-jours tres bon; car ainsy ordonna-il a sa bienaymee sainte Catherine de Sienne: «Pense en moy,» lui dit il, «et je penseray pour toy.».

  A005000566 

 Et si vous y prenes garde, l'attente de l'ame est vrayement volontaire, et toutefois ce n'est pas une action, mais une simple disposition a recevoir ce qui arrivera; et lhors que les evenemens sont arrivés et receuz, l'attente se convertit en consentement ou acquiescement, mais avant la venue d'iceux, en verité l'ame est en une simple attente, indifferente a tout ce qu'il plaira a la volonté divine d'ordonner..

  A005000566 

 Il est fort malaysé de bien exprimer cette extreme indifference de la volonté humaine qui est ainsy reduite et trespassee en la volonté de Dieu: car il ne faut pas dire, ce me semble, qu'elle acquiesce a celle de Dieu, puisque l'acquiescement est un acte de l'ame qui declaire son consentement; il ne faut pas dire non plus qu'elle accepte ni qu'elle reçoit, d'autant que accepter et recevoir sont de certaines actions qu'on peut en certaine façon appeller actions passives, par lesquelles nous embrassons et prenons ce qui nous arrive; il ne faut pas dire aussi qu'elle permet, d'autant que la permission est une action de la volonté, et par consequent un certain vouloir oysif qui ne veut voirement rien faire, mais veut pourtant laisser faire.

  A005000566 

 Il me semble donq plustost, que l'ame qui est en cette indifference et qui ne veut rien, ains laisse vouloir a Dieu ce qu'il luy plaira, doit estre ditte avoir sa volonté en une simple et generale attente; d'autant qu'attendre [158] ce n'est pas faire ou agir, ains demeurer exposé a quelqu'evenement.

  A005000567 

 Nostre Sauveur exprime ainsy l'extreme sous-mission de sa volonté humaine a celle de son Pere eternel: Le Seigneur Dieu, dit il, a ouvert mon aureille, c'est a dire, m'a annoncé son bon playsir touchant la multitude des travaux que je dois souffrir; et moy, dit il par apres, je ne contredis point, je ne me retire point en arriere. Qu'est ce a dire je ne contredis point, je ne me tire point en arriere? sinon: ma volonté est en une simple attente, et demeure disposee a tout ce que celle de Dieu ordonnera; en suite dequoy je baille et abandonne mon cors a la merci de ceux qui le battront, et mes joües a ceux qui les peleront, preparé a tout ce qu'ilz voudront faire de moy.

  A005000571 

 L'amour fit tout cela, Theotime: et c'est l'amour aussi qui, entrant en une ame affin de la faire heureusement mourir a soy et revivre a Dieu, la fait despouiller de tous les desirs humains et de l'estime de soy mesme, qui n'est pas moins attachee a l'esprit que la peau a la chair, et la desnue en fin des affections plus aymables, comme sont celles qu'elle avoit aux [160] consolations spirituelles, aux exercices de pieté et a la perfection des vertus, qui sembloyent estre la propre vie de l'ame devote..

  A005000572 

 Car, comme la belle et chaste Judith avoit voirement dans ses cabinetz ses beaux habitz de feste, et neanmoins ne les affectionnoit point, ni ne s'en para jamais en sa viduité sinon quand, inspiree de Dieu, elle alla ruiner Holophernes, ainsy, quoy que nous ayons appris la prattique des vertus et les exercices de devotion, si est ce que nous ne les devons point affectionner ni en revestir nostre cœur sinon a mesure que nous sçavons que c'est le bon playsir de Dieu; et comme Judith demeura tous-jours en habit de deuil, sinon en cette occasion en laquelle Dieu voulut qu'elle se mist en pompe, aussi devons nous paisiblement demeurer revestus de nostre misere et abjection, parmi nos imperfections et foiblesses, jusques a ce que Dieu nous exalte a la prattique des excellentes actions..

  A005000572 

 Ouy, Theotime, le mesme Seigneur qui nous fait desirer les vertus en nostre commencement et qui nous les fait prattiquer en toutes occurrences, c'est luy mesme qui nous oste l'affection des vertus et de tous les exercices spirituelz, affin qu'avec plus de tranquillité, de pureté et de simplicité, nous n'affectionnions rien que le bon playsir de sa divine Majesté.

  A005000573 

 On ne peut longuement demeurer en cette nudité, despouillé de toute sorte d'affections: c'est pourquoy, selon l'advis du saint Apostre, apres que nous avons osté les vestemens du viel Adam, il se faut revestir des habitz du nouvel homme, c'est a dire de Jesus Christ.

  A005000574 

 Il faut des habitz neufs a l'espouse du Sauveur: si pour l'amour de luy elle s'est despouillee de l'affection ancienne qu'elle avoit a ses parens, au païs, a la mayson, aux amis, il faut qu'elle en prenne une toute nouvelle, affectionnant tout cela en son rang, non plus selon les considerations humaines, mais parce que l'Espoux celeste le veut, le commande et l'entend, et qu' il a mis un tel ordre en la charité.

  A005000574 

 Si on s'est desnué de la vielle affection aux consolations spirituelles, aux exercices de la devotion, a la prattique des vertus, voire mesme a nostre propre avancement en la perfection, il se faut revestir d'une autre affection toute nouvelle, aymant toutes ces graces et faveurs celestes non plus parce qu'elles perfectionnent et ornent nostre esprit, mays parce que le nom de Nostre Seigneur en est sanctifié, que son royaume en est enrichi et son bon playsir glorifié..

  A005000575 

 Et le glorieux saint Paul, despouillé en un moment de toutes affections: Seigneur, dit-il, que voules vous que je face? c'est a dire: Que vous plait-il que j'affectionne, puisque me jettant a terre vous aves fait mourir ma volonté propre? Hé, Seigneur, mettes vostre bon playsir en sa place et m'enseignes de faire vostre volonté, car vous estes mon Dieu.

  A005000576 

 Ainsy se faut il desnuer de toutes affections, petites et grandes, et faut souvent examiner nostre cœur pour voir s'il est bien prest a se devestir, comme fit Isaïe, de tous ses habitz, puis reprendre aussi, quand il en est tems, les affections convenables au service de la charité; affin de mourir en croix tous nuds avec nostre divin Sauveur, et resusciter par apres en un nouvel homme avec luy.

  A005000576 

 L'amour est fort comme la mort pour nous faire tout quitter; il est magnifique comme la resurrection pour nous parer de gloire et d'honneur..

  A005000584 

 Ce commandement est comme un soleil qui donne le lustre et la dignité a toutes les loix sacrees, a toutes les ordonnances divines et a toutes les Saintes Escritures.

  A005000584 

 Grand commandement, duquel la parfaite prattique dure en la vie eternelle, ains n'est autre chose que la vie eternelle!.

  A005000584 

 L'homme est la perfection de l'univers, l'esprit est la perfection de l'homme, l'amour celle de l'esprit, et la charité celle de l'amour: c'est pourquoy l'amour de Dieu est la fin, la perfection et l'excellence de l'univers.

  A005000584 

 Tout est fait pour ce celeste amour et tout se rapporte a iceluy: de l'arbre sacré de ce commandement dependent tous les conseilz, exhortations, inspirations, et les autres commandemens, comme ses fleurs, et [165] la vie eternelle comme son fruit; et tout ce qui ne tend point a l'amour eternel tend a la mort eternelle.

  A005000585 

 Mais voyés, Theotime, combien cette loy d'amour est aymable! Hé, Seigneur Dieu, ne suffisoit il pas qu'il vous pleust de nous permettre ce divin amour, comme Laban permit celuy de Rachel a Jacob, sans qu'il vous pleust encor de nous y semondre par exhortations, de nous y pousser par vos commandemens? Mais non, Bonté divine, affin que ni vostre grandeur, ni nostre bassesse, ni pretexte quelcomque ne nous retardast de vous aymer, vous nous le commandés.

  A005000593 

 O si Dieu avoit defendu a l'homme de l'aymer, que de regretz es ames genereuses! que ne feroyent elles pas pour en obtenir la permission! David entra au hazard d'un combat extremement rude, pour avoir la fille du Roy; et qu'est ce que ne fit pas Jacob pour pouvoir espouser Rachel, et le prince Sichem, pour avoir Dina en mariage? Les damnés s'estimeroyent bienheureux s'ilz pensoyent de pouvoir quelque fois aymer Dieu, et les Bienheureux s'estimeroyent damnés s'ilz croyoient de pouvoir estre une fois privés de cet amour sacré..

  A005000594 

 Hé, vray Dieu, combien est desirable la suavité de ce commandement, Theotime, puisque si la divine volonté le faysoit aux damnés ilz seroyent en un moment delivrés de leur plus grand malheur, et que les Bienheureux ne sont Bienheureux que par la prattique d'iceluy! O amour celeste, que vous estes aymable a nos ames! et que benie soit a jamais la Bonté laquelle nous commande avec tant de soin qu'on l'ayme, quoy que son amour soit si desirable et necessaire a nostre bonheur que sans iceluy nous ne puissions estre que malheureux! [168].

  A005000598 

 Nous sommes donques destinés au contentement qui nous est promis en la vie immortelle, par ce commandement qui nous est fait en cette vie mortelle, en laquelle nous sommes, a la verité, obligés de l'observer tres estroittement, puisque c'est la loy fondamentale que le Roy Jesus a donné aux citoyens de la Hierusalem militante, pour leur faire meriter la bourgeoisie et la joye de la Hierusalem triomphante..

  A005000598 

 Si aucune loy n'est imfosee au juste, parce que, prevenant la loy et sans avoir besoin d'estre sollicité par icelle, il fait la volonté de Dieu par l'instinct de la charité qui regne en son ame, combien devons nous estimer les Bienheureux de Paradis libres et exemptz de toute sorte de commandemens, puisque, de la jouissance en laquelle ilz sont de la souveraine beauté et bonté du Bienaymé, coule et procede une tres douce mais inevitable necessité en leurs espritz, d'aymer eternellement la tressainte Divinité? Nous aymerons Dieu au Ciel, Theotime, non comme liés et obligés par la loy, mais comme attirés et ravis par la joye que cet object si parfaittement aymable donnera a nos cœurs; alhors la force du commandement cessera pour faire place a la force du contentement, qui sera le fruit et le comble de l'observation du commandement.

  A005000599 

 Certes, la haut au Ciel nous aurons un cœur tout libre de passions, une ame toute espuree de distractions, un esprit affranchi de contradictions, et des forces [169] exemptes de repugnances; et partant nous y aymerons Dieu par une perpetuelle et non jamais interrompue dilection, ainsy qu'il est dit de ces quatre animaux sacrés qui, representans les Evangelistes, sans cesser ni jour ni nuit louoyent continuellement la Divinité.

  A005000604 

 Et ne faut pas non plus, Theotime, que pendant l'enfance de nostre vie mortelle, nous laissions de faire ce qui est en nous, selon qu'il nous est commandé; puisque non seulement nous le pouvons, mais il est tres aysé, tout ce commandement estant de l'amour, et de l'amour de Dieu, qui, estant souverainement bon, est souverainement aymable.

  A005000608 

 Or cela est ainsy, d'autant que le devoir par lequel on est tout aux uns n'est pas contraire au devoir par lequel on est tout aux autres..

  A005000609 

 L'homme se donne tout par l'amour, et se donne tout autant qu'il ayme: il est donq souverainement donné a Dieu lhors qu'il ayme souverainement sa divine bonté; et quand il s'est ainsy donné il ne doit rien aymer qui puisse oster son cœur a Dieu.

  A005000609 

 Or, jamais aucun amour n'oste nos cœurs a Dieu, sinon celuy qui luy est contraire.

  A005000609 

 Sara ne se fasche point de voir [171] Ismaël autour du cher Isaac, tandis qu'il ne se joue point a le hurter et piquer; et la divine Bonté ne s'offence point de voir en nous des autres amours aupres du sien, tandis qu'ilz conservent envers luy la reverence et sousmission qui luy est deüe..

  A005000610 

 Certes, Theotime, la haut en Paradis Dieu se donnera tout a nous, et non pas en partie, puysque c'est un tout qui n'a point de parties; mais il se donnera pourtant diversement, et avec autant de differences qu'il y aura de Bienheureux: ce qui se fera ainsy, parce que, se donnant tout a tous et tout a un chacun, il ne se donnera jamais totalement ni a pas un en particulier, ni a tous en general.

  A005000610 

 Le miel de Narbonne est tout doux, si est bien celuy de Paris: tous deux sont pleins de douceur, mais l'un neanmoins est plein d'une meilleure, plus fine et plus forte douceur; et bien que l'un et l'autre soit tout doux, ni l'un ni l'autre n'est pas toutefois totalement doux.

  A005000610 

 Or nous nous donnerons a luy selon la mesure qu'il se donnera a nous, car nous le verrons voirement tous face a face ainsy qu'il est en sa beauté, et l'aymerons de cœur a cœur ainsy qu'il est en sa bonté; mays tous toutefois ne le verront pas avec une egale clarté, ni ne l'aymeront pas avec une egale suavité, ains un chacun le verra et l'aymera selon la particuliere mesure de gloire que la divine providence luy a preparee.

  A005000610 

 Que si au Ciel, ou ces paroles, Tu aymeras le [172] Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, seront si excellemment prattiquees, on aura des si grandes differences en l'amour, ce n'est pas merveille si en cette vie mortelle il y en a beaucoup..

  A005000611 

 Apelles faysoit mieux une fois qu'autre, il se surmontoit aucunefois soy mesme, car bien qu'il mit ordinairement tout son art et toute son attention a peindre Alexandre le Grand, si est ce qu'il ne l'y mettoit pas tous-jours totalement, ni si entierement qu'il ne luy restast des autres effortz; par lesquelz il n'employoit pas ni un plus grand artifice ni une plus grande affection, mais il l'employoit plus vivement et parfaitement: il appliquoit tous-jours tout son esprit a bien faire ces tableaux d'Alexandre, parce qu'il l'appliquoit sans reserve, mais il l'appliquoit aucunefois plus fortement et plus heureusement.

  A005000611 

 Qui ne sçait que l'on proffite en ce saint amour, et que la fin des Saintz est comblee d'un plus parfait amour que le commencement?.

  A005000614 

 Il ayme Dieu de l'amour absolument et souverainement supreme, et Rachel, du supreme amour nuptial; et l'un des amours n'est point contraire a l'autre, puisque celuy de Rachel ne viole point les privileges et advantages souverains de celuy de Dieu..

  A005000614 

 Ouy mesme Jacob, qui est appelle le saint de Dieu, en Daniel, et que Dieu proteste d'avoir aymé, confesse luy mesme qu'il avoit servi Laban de toutes ses forces.

  A005000615 

 De sorte, Theotime, que le prix de l'amour que nous portons a Dieu depend de l'eminence et excellence du motif pour lequel et selon lequel nous l'aymons, en ce que nous l'aymons pour sa souveraine infinie bonté, comme Dieu et selon qu'il est Dieu.

  A005000620 

 Car, qu'est ce quitter les porceaux, sinon se retirer des pechés? et qu'est ce venir tout [177] deschiré, drilleux et puant, sinon avoir encor l'affection embarrassee des habitudes et inclinations qui tendent au peché? Mays cependant il avoit la vie de l'ame, qui est l'amour, et comme un phœnix renaissant de sa cendre il se treuva nouvellement resuscité: il estoit mort, dit son pere, et il est revenu a vie, il est ravivé..

  A005000621 

 Or, ces ames sont nommees jeunes filles, au Cantique, d'autant qu'ayant senti l' odeur du nom de l'Espoux, qui ne respire que salut et pardon, elles l'ayment d'un amour vray, mais amour qui, comme elles, est en sa tendre jeunesse.

  A005000622 

 Et ces ames qui n'ayment rien que ce que Dieu veut qu'elles ayment, mais qui excedent en la façon d'aymer, ayment voirement la divine Bonté sur toutes choses, mais non pas en toutes choses; car les choses mesmes qu'il leur est non seulement permis mais ordonné [179] d'aymer selon Dieu, elles ne les ayment pas seulement selon Dieu, ains pour des causes et motifs qui ne sont pas certes contre Dieu, mais bien hors de Dieu: de sorte qu'elles ressemblent au phœnix qui, ayant ses premieres plumes et commençant a se renforcer, se guinde des-ja en plein air, mais n'a pourtant encor asses de force pour demeurer longuement au vol, dont il descend souvent prendre terre pour s'y reposer.

  A005000622 

 L'amour de nos parens, amis, bienfacteurs, est de soy mesme selon Dieu, mais nous les pouvons aymer excessivement; comme aussi nos vocations, pour spirituelles qu'elles soyent, et nos exercices de pieté (que toutefois nous devons tant affectionner) peuvent estre aymés desreglement, lhors que l'on les prefere a l'obeissance et au bien plus universel, ou que l'on les affectionne en qualité de derniere fin, bien qu'ilz ne soyent que des moyens et acheminemens a nostre finale pretention, qui est le divin amour.

  A005000622 

 Tel fut le pauvre jeune homme qui, ayant observé les commandemens de Dieu des son bas aage, ne desiroit pas les biens d'autruy, mais il affectionnoit trop tendrement ceux qu'il avoit; c'est pourquoy, quand Nostre Seigneur luy conseilla de les donner aux pauvres, il devint tout triste et melancholique: il n'aymoit rien que ce qui luy estoit loysible d'aymer, mais il l'aymoit d'un amour superflu et trop serré..

  A005000623 

 Et pour cela elles jouissent du lit nuptial du Salomon celeste, c'est a dire des unions, des recueillemens et des repos amoureux dont il a esté parlé au Livre V et VI; mais elles n'en jouissent pas en qualité d'espouses, parce que la superfluité avec laquelle elles affectionnent les choses bonnes, fait qu'elles n'entrent pas fort souvent en ces divines unions de l'Espoux, estant occupees et diverties pour aymer hors de luy et sans luy ce qu'elles ne devroyent aymer qu'en luy et pour luy.

  A005000627 

 Car ainsy ces ames n'ayment rien si ce n'est en Dieu, quoy que toutefois elles ayment plusieurs choses avec Dieu, et Dieu avec plusieurs choses.

  A005000627 

 Et ces ames, comme vous voyes, Theotime, ayant si grande union avec l'Espoux, elles meritent bien de participer a son rang, et d'estre reynes comme il est Roy, puisqu'elles luy sont toutes dediees, sans [181] division ni separation quelcomque, n'aymans rien hors de luy et sans luy, ains seulement en luy et pour luy..

  A005000627 

 Or il y a des autres ames qui n'ayment ni les superfluités ni avec superfluité, ains ayment seulement ce que Dieu veut et comme Dieu veut: ames heureuses, puisqu'elles ayment Dieu, et leurs amis en Dieu, et leurs ennemis pour Dieu; elles ayment plusieurs choses avec Dieu, mais pas une sinon en Dieu et pour Dieu; c'est Dieu qu'elles ayment non seulement sur toutes choses mais en toutes choses, et toutes choses en Dieu; semblables au phœnix parfaitement rajeuni et revigoré, que l'on ne void jamais qu'en l'air ou sur les coupeaux des montz qui sont en l'air.

  A005000628 

 Ame toute pure, qui n'ayme pas mesme le Paradis sinon parce que l'Espoux y est aymé; mais Espoux si souverainement aymé en son Paradis, que s'il n'avoit point de Paradis a donner il n'en seroit ni [182] moins aymable ni moins aymé par cette courageuse amante, qui ne sçait pas aymer le Paradis de son Espoux, ains seulement son Espoux de Paradis, et qui ne prise pas moins le Calvaire tandis que son Espoux y est crucifié, que le Ciel ou il est glorifié.

  A005000628 

 Mais en fin, au dessus de toutes ces ames, il y en a une tres uniquement unique, qui est la reyne des reynes, la plus aymante, la plus aymable et la plus aymee de toutes les amies du divin Espoux, qui non seulement ayme Dieu sur toutes choses et en toutes choses, mais n'ayme que Dieu en toutes choses, de sorte qu'elle n'ayme pas plusieurs choses, ains une seule chose, qui est Dieu; et parce que c'est Dieu seul qu'elle ayme en tout ce qu'elle ayme, elle l'ayme egalement par tout, selon que le bon playsir d'iceluy le requiert, hors de toutes choses et sans toutes choses.

  A005000628 

 Or, cette sacree amante n'ayme non plus son Roy avec tout l'univers que s'il estoit tout seul sans univers, parce que tout ce qui est hors de Dieu et n'est pas Dieu ne luy est rien.

  A005000628 

 Si ce n'est qu'Hester qu'Assuerus ayme, pourquoy l'aymera-il plus lhors qu'elle est parfumee et paree que lhors qu'elle est en son habit ordinaire? Si ce n'est que mon Sauveur que j'ayme, pourquoy n'aymeray-je pas autant la montaigne de Calvaire que celle de Tabor, puisqu'il est aussi veritablement en l'une qu'en l'autre? et pourquoy ne diray je pas aussi cordialement en l'une comme en l'autre: Il est bon d'estre icy? J'ayme le Sauveur en Egypte sans aymer l'Egypte; pourquoy ne l'aymeray-je pas au festin de Simon le Lepreux sans aymer le festin? et si je l'ayme entre les blasphemes qu'on respand sur luy sans aymer les blasphemes, pourquoy ne l'aymeray-je pas parfumé de l' unguent pretieux de Magdeleyne sans aymer ni l'unguent ni la senteur? C'est le vray signe que nous n'aymons que Dieu en toutes choses quand nous l'aymons egalement en toutes choses, puisqu'estant tous-jours egal a soy mesme, l'inegalité de nostre amour envers luy ne peut avoir origine que de la consideration de quelque chose qui n'est pas luy.

  A005000629 

 De ces ames si parfaites il y en a si peu, que chacune d'icelles est appellee unique de sa mere, qui est la Providence divine; elle est dite unique colombe, qui pour tout n'ayme que son colombeau; elle est nommee parfaite, parce qu'elle est rendue par amour une mesme chose avec la souveraine perfection; dont elle peut dire avec une tres humble verité: Je ne suis que pour mon Bienaymé, et il est tout tourné devers moy.

  A005000629 

 Or, il n'y a que la tressainte Vierge Nostre Dame qui soit parfaitement parvenue a ce degré d'excellence en l'amour de son cher Bienaymé; car elle est une colombe si uniquement unique en dilection, que toutes les autres estans mises aupres d'elle en parangon meritent plustost le nom de corneilles que de colombes.

  A005000634 

 Ames rares et singulieres, qui n'ont plus aucune ressemblance avec les oyseaux dé ce monde, non pas mesme avec le phœnix, qui est si uniquement rare; ains sont seulement representees par cet oyseau que pour son excellente beauté et noblesse on dit n'estre pas de ce monde, ains du Paradis, dont il porte le nom: car ce bel oyseau desdaignant la terre, ne la touche jamais, vivant tous-jours en l'air; de sorte que lhors mesme qu'il veut se delasser, il ne s'attache aux arbres que par des petitz filetz ausquelz il demeure suspendu en l'air, hors duquel et sans lequel il ne peut ni voler ni reposer.

  A005000634 

 Et celuy qui s'escrioit: J'ay estimé toutes choses boüe et fange affin de m'acquerir Jesus Christ, ne tesmoigna-il pas qu'il n'aymoit rien hors de son Maistre, [183] et qu'il aymoit son Maistre hors de toutes choses? Et quel pouvoit estre le sentiment de ce grand amant qui souspiroit toute la nuit: «Mon Dieu est pour moy toutes choses?» Telz furent saint Augustin, saint Bernard, les deux saintes Catherines, de Sienne et de Gennes, et plusieurs autres, a l'imitation desquelz un chacun peut aspirer a ce divin degré d'amour.

  A005000634 

 Et de mesme, ces grandes ames n'ayment pas, a proprement parler, les creaturès en elles mesmes, ains en leur Createur, et leur Createur en icelles: que si elles s'attachent par la loy de la charité a quelque creature, ce n'est que pour se reposer en Dieu, unique et finale pretention de leur amour; si que, treuvant Dieu es creatures et les creatures en Dieu, elles ayment Dieu et non les creatures, comme ceux peschent aux perles qui, treuvans les perles dans les ouïstres, n'estiment toutefois leur pesche que pour les seules perles..

  A005000635 

 Et lhors il faut confesser que ces arbres sont fructueux, autrement ilz ne seroyent pas bons; mais il ne faut pas nier non plus que quelques uns de leurs fruitz ne soyent infructueux, car qui niera que les chatons et le guy des arbres ne soit un fruit infructueux? Et qui niera que les menues choleres et les petitz exces de joye, de risee, de vanité et autres telles passions, ne soyent des mouvemens inutiles et illegitimes? et toutefois le juste en produit sept fois le jour, c'est a dire bien souvent.

  A005000639 

 Mais quel est donq le degré d'amour auquel le divin commandement nous oblige tous egalement, universellement et tous-jours?.

  A005000639 

 Y ayant tant de divers degrés d'amour entre les vrays amans, il n'y a neanmoins qu'un seul commandement d'amour qui oblige generalement et egalement un chacun d'une toute pareille et totalement egale obligation, quoy qu'il soit observé differemment et avec une infinie varieté de perfections, n'y ayant peut estre point d'ames en terre, non plus que d'Anges au Ciel, qui ayent entr'elles une parfaite egalité de dilection; puisque comme une estoile est differente d'avec l'autre estoile en clarté, ainsy en sera-il parmi les Bienheureux resuscités, ou chacun chante un cantique de gloire, et reçoit un nom que nul ne sçait sinon celuy qui le reçoit.

  A005000640 

 C'est l'amour qui doit prevaloir [186] sur tous nos amours et regner sur toutes nos passions: et c'est ce que Dieu requiert de nous, qu'entre tous nos amours le sien soit le plus cordial, dominant sur tout nostre cœur; le plus affectionné, occupant toute nostre ame; le plus general, employant toutes nos puissances; le plus relevé, remplissant tout nostre esprit, et le plus ferme, exerçant toute nostre force et vigueur.

  A005000640 

 Car, bien que la dilection soit un amour, si est ce qu'elle n'est pas un simple amour, ains un amour accompaigné de choix et d'election, ainsy que la parole mesme le porte, comme remarque le tres glorieux saint Thomas; car ce commandement nous enjoint un amour esleu entre mille, comme le Bienaymé de cet amour est exquis entre mille, ainsy que la bienaymee Sulamite l'a remarqué au Cantique.

  A005000640 

 Et parce que par iceluy nous choisissons et elisons Dieu pour le souverain object de nostre esprit, c'est un amour de souveraine election ou une election de souverain amour..

  A005000640 

 Ç'a esté un trait de la providence du Saint Esprit qu'en nostre version ordinaire, que sa divine Majesté a canonizee et sanctifiee par le Concile de Trente, le celeste commandement d'aymer est exprimé par le mot de dilection, plustost que par celuy d'aymer.

  A005000641 

 C'est cette supreme dilection qui met Dieu en telle estime dedans nos ames, et fait que nous prisons si hautement le bien de luy estre aggreables, que nous le [187] preferons et affectionnons sur toutes choses.

  A005000641 

 Escoute, Israël; ton Dieu il est seul Seigneur, et partant tu l'aymeras de tout ton cœur, de toute ton ame, de tout ton entendement et de toute ta force: parce que Dieu est seul Seigneur et que sa bonté est infiniment eminente au dessus de toute bonté, il le faut aymer d'un amour relevé, excellent et puissant au dessus de toute comparayson.

  A005000641 

 Et c'est en somme l'amour d'excellence ou l'excellence de l'amour qui est commandé a tous les mortelz en general et a un chacun d'iceux en particulier, des lhors qu'ilz ont le franc usage de la rayson: amour suffisant pour un chacun, et necessaire a tous pour estre sauvés..

  A005000641 

 L'amour de Dieu est l'amour sans pair, parce que la bonté de Dieu est la bonté nompareille.

  A005000641 

 L'amour est comme l'honneur: car tout ainsy que les honneurs se diversifient selon la varieté des excellences pour lesquelles on honnore, aussi les amours sont differens selon la diversité des bontés pour lesquelles on ayme.

  A005000645 

 On ne connoist pas tous-jours clairement, ni jamais tout a fait certainement, au moins «d'une certitude de foy,» si on a le vray amour de Dieu requis pour estre sauvé; mais on ne laisse pas pourtant d'en avoir plusieurs marques, entre lesquelles la plus asseuree et presque infallible paroist quand quelque grand amour des creatures s'oppose aux desseins de l'amour de Dieu: car alhors, si l'amour divin est en l'ame, il fait paroistre la grandeur du credit et de l'authorité qu'il a sur la volonté, monstrant par effect que non seulement il n'a point de maistre, mais que mesme il n'a point de compaignon, reprimant et renversant tout ce qui le contrarie, et se faisant obeir en ses intentions.

  A005000645 

 Quand la malheureuse trouppe des espritz diaboliques, s'estant revoltee contre son Createur, voulut attirer a sa faction [188] la sainte compaignie des espritz bienheureux, le glorieux saint Michel, animant ses compaignons a la fidelité qu'ilz devoyent a leur Dieu, crioit a haute voix, mais d'une façon angelique, parmi la celeste Hierusalem: Qui est comme Dieu? Et par ce mot il renversa le felon Lucifer avec sa suite, qui se vouloyent egaler a la divine Majesté; et de la, comme on dit, le nom fut imposé a saint Michel, puisque Michel ne veut dire autre chose sinon: Qui est comme Dieu? Et lhors que les amours des choses creées veulent tirer nos espritz a leur parti pour nous rendre desobeissans a la divine Majesté, si le grand amour divin se treuve en l'ame, il fait teste, comme un autre saint Michel, et asseure les puissances et forces de l'ame au service de Dieu par ce mot de fermeté: Qui est comme Dieu? quelle bonté y a-il es creatures, qui doive attirer le cœur humain a se rebeller contre la souveraine bonté de son Dieu?.

  A005000647 

 La divine dilection veut bien que nous ayons des autres amours, et souvent on ne sçauroit discerner quel est le principal amour de nostre cœur; car ce cœur humain tire maintefois tres affectionnement dans le lit de sa complaysance l'amour des creatures, ains il arrive souvent qu'il multiplie beaucoup plus les actes de son affection envers la creature que ceux de sa dilection envers son Createur.

  A005000647 

 Mais quand ce vint a mettre ces deux amours en comparayson, le bon Abraham fit bien voir lequel estoit le plus fort; car Sarai ne luy eut pas plus tost remonstré qu'Agar la mesprisoit, qu'il luy respondit: Agar ta chambriere est en ta puissance, fais-en comme tu voudras; si que Sarai affligea des lhors tellement cette pauvre Agar qu'elle fut contrainte de se retirer.

  A005000648 

 On demande quelle est la plus excellente gloire d'un prince, ou celle qu'il acquiert en la guerre par les armes, ou celle qu'il merite en la paix par la justice; et il me semble que la gloire militaire est plus grande, et l'autre meilleure: ainsy qu'entre les instrumens, les tambours et trompettes font plus de bruit, mais les luths et les espinettes font plus de melodie; le son des uns est plus fort, et l'autre plus suave et spirituel.

  A005000648 

 Une des perles de Cleopatra valoit mieux que le plus haut de nos rochers, mais celuy ci est bien plus grand: l'un a plus de grandeur, l'autre plus de valeur.

  A005000649 

 Ainsy, quand un cœur ayme Dieu en consideration de son infinie bonté, pour peu qu'il ayt de cette excellente dilection, il preferera la volonté de Dieu a toutes choses, et en toutes les occasions qui se presenteront il quittera tout pour se conserver en la grace de la souveraine Bonté, sans que chose quelconque l'en puisse separer: de sorte qu'encor que ce divin amour ne presse ni n'attendrisse tous-jours pas tant le cœur comme les autres amours, si est ce qu'es occurrences il fait des actions si relevees et excellentes qu'une seule vaut mieux que dix millions d'autres.

  A005000649 

 Il est vray, Theotime, vous verres une mere tellement embesoignee de son enfant qu'il semble qu'elle n'ayt aucun autre amour que celuy la: elle n'a plus d'yeux que pour le voir, plus de bouche que pour le bayser, plus de poitrine que pour l'allaiter, ni plus de soin que pour l'eslever, et semble que le mari ne luy soit plus rien au prix de cet enfant; mais s'il failloit venir au choix de perdre l'un ou l'autre, on verroit bien qu'elle estime plus le mari, et que si bien l'amour de l'enfant estoit le plus tendre, le plus pressant, le plus passionné, l'autre neanmoins estoit le plus excellent, le plus fort et le meilleur.

  A005000655 

 C'est pourquoy Dieu repoussa son present, et retirant sa misericorde de luy, permit que non seulement il perdist le souverain bonheur du martyre, mais qu'encor il se precipitast au malheur de l'idolatrie; tandis que l'humble et doux Nicephore, voyant cette couronne du martyre vacante par l'apostasie de l'endurci Saprice, touché d'une excellente et extraordinaire inspiration, se pousse hardiment pour l'obtenir, disant aux archers et bourreaux: «Je suis, mes amis, je suis en verité Chrestien et crois en Jesus Christ que cestuy cy [194] a renié; mettes moy donq, je vous prie, en sa place, et tranches moy la teste.» Dequoy les archers s'estonnant infiniment, ilz en portent la nouvelle au gouverneur, qui ordonna que Saprice fust mis en liberté et que Nicephore fust supplicié: et cela advint le neufviesme febvrier, environ l'an 260 de nostre salut, ainsy que recitent Metaphraste et Surius..

  A005000655 

 Ce que Nicephore n'eut pas plus tost apperceu, que soudain il accourut, et ayant rencontré son Saprice, se prosternant en terre: Helas, crioit il a haute voix, «o martyr de Jesus Christ, pardonnés moy, car je vous ay offencé!» Dequoy Saprice ne tenant conte, le pauvre Nicephore, gaignant vistement le devant par une autre rue, vint derechef en mesme humilité, le conjurant de luy pardonner, en ces termes: «O martyr de Jesus Christ, pardonnes l'offence que je vous ay faite, comme homme que je suis, sujet a faillir; car voyla que des-ormais une couronne vous est donnee par Nostre Seigneur que vous n'aves point renié, ains aves confessé son saint nom devant plusieurs tesmoins.» Mais Saprice, continuant en sa fierté, ne luy respondit pas un seul mot, ains les bourreaux seulement, admirans la perseverance de Nicephore: «Onques,» luy dirent ilz, «nous ne vismes un si grand fol; cet homme va mourir tout maintenant, qu'as-tu besoin de son pardon?» A quoy respondant Nicephore: «Vous ne sçaves pas,» dit il, «ce que je demande au confesseur de Jesus Christ, mais Dieu le sçait.» [193] Or tandis Saprice arriva au lieu du supplice, ou Nicephore derechef s'estant jette en terre devant luy: «Je vous supplie,» faisoit-il, «o martyr de Jesus Christ, de me vouloir pardonner, car il est escrit: Demandés, et il vous sera octroyé.» Paroles lesquelles ne sceurent onques fleschir le cœur felon et rebelle du miserable Saprice qui, refusant obstinement de faire misericorde a son prochain, fut aussi par le juste jugement de Dieu privé de la tres glorieuse palme du martyre; car les bourreaux luy commandans de se mettre a genoux affin de luy trancher la teste, il commença a perdre courage et de capituler avec eux, jusques a leur faire en fin finale cette deplorable et honteuse sousmission: «Hé, de grace, ne me coupés pas la teste, je m'en vay faire ce que les Empereurs ordonnent, et sacrifier aux idoles.» Ce que oyant le pauvre bon Nicephore, la larme a l'œil, il se print a crier: «Ah, mon cher frere, ne veuilles pas, je vous prie, ne veuilles pas transgresser la loy et renier Jesus Christ; ne le quittes pas, je vous supplie, et ne perdes pas la celeste couronne que vous aves acquise par tant de travaux et de tourmens.» Mais helas! ce lamentable prestre, venant a l'autel du martyre pour y consacrer sa vie a Dieu eternel, ne s'estoit pas souvenu de ce que le Prince des Martyrs avoit dit: Si tu apportes ton offrande a l'autel, et tu te resouviens, y estant, que ton frere a quelque chose contre toy, laisse la ton offrande, et va premierement te reconcilier a ton frere, et alhors revenant, tu presenteras ton oblation.

  A005000656 

 Histoire effroyable et digne d'estre grandement pesee pour le sujet dont nous parlons; car aves vous veu, mon cher Theotime, ce courageux Saprice comme il estoit hardi et ardent a maintenir la foy, comme il souffre mille tourmens, comme il est immobile et ferme en la confession du nom du Sauveur tandis qu'on le roule et fracasse dans cet instrument fait a mode de vis, et comme il est tout prest de recevoir le coup de la mort pour accomplir le point le plus eminent de la loy divine, preferant l'honneur de Dieu a sa propre vie? Et neanmoins, parce que d'ailleurs il prefere a la volonté divine la satisfaction que son cruel courage prend en la hayne de Nicephore, il demeure court en sa course, et lhors qu'il est sur le point d'aconsuivre et gaigner le prix de la gloire par le martyre, il s'abbat malheureusement et se rompt le col, donnant de la teste dans l'idolatrie..

  A005000657 

 Il est donq vray, mon Theotime, que ce ne nous est pas asses d'aymer Dieu plus que nostre propre vie, si nous ne l'aymons generalement, absolument et sans exception quelconque, plus que tout ce que nous affectionnons ou pouvons affectionner.

  A005000657 

 La charité n'est point bigearre, et toutefois elle le seroit extremement si voulant plaire au Bienaymé es choses d'extreme difficulté, elle permettoit qu'on luy despleust es choses plus faciles.

  A005000657 

 Mais, ce me dires vous, Nostre Seigneur a-il pas assigné l'extremité de l'amour qu'on peut avoir pour luy, quand il dit que plus grande charité ne peut-on avoir que d'exposer sa vie pour ses amis? Il est certes vray, Theotime, qu'entre les particuliers actes et tesmoignages de l'amour divin il n'y en a point de si grand que de subir la mort pour la gloire de Dieu; neanmoins il est vray aussi que ce n'est qu'un seul acte et un seul tesmoignage, qui est voirement le chef d'œuvre de la charité, mais outre lequel il y en a aussi plusieurs autres que la charité [195] requiert de nous, et les requiert d'autant plus ardemment et fortement que ce sont des actes plus aysés, plus communs et ordinaires a tous les amans, et plus generalement necessaires a la conservation de l'amour sacré.

  A005000657 

 O miserable Saprice, oseries vous bien dire que vous aymies Dieu comme il faut aymer Dieu, puisque vous ne preferies pas sa volonté a la passion de la hayne et rancune que vous avies contre le pauvre Nicephore? Vouloir mourir pour Dieu c'est le plus grand, mais non pas certes le seul acte de la dilection que nous devons a Dieu; et vouloir ce seul acte en rejettant les autres, ce n'est pas charité, c'est vanité.

  A005000658 

 Mais l'esprit humain est foible, inconstant et bigearre; c'est pourquoy quelquefois les hommes choisissent plustost de mourir que de subir d'autres peynes beaucoup plus legeres, et donnent volontier leur vie pour des satisfactions extremement niaises, pueriles et vaines.

  A005000663 

 Or, apres tout cela, qui suffisoit pour assujettir la plus fiere fille du monde a l'amour d'un amant si fidele, c'est une honte certes de voir la foiblesse que Rachel fit paroistre en l'affection qu'elle avoit pour Jacob.

  A005000664 

 Or Pline raconte que quand les chirurgiens en presentent le jus a boire a ceux sur lesquelz ilz veulent faire quelque incision, affin de leur rendre le coup insensible, il arrive maintefois que la seule odeur fait l'operation et endort suffisamment les patiens: c'est pourquoy la mandragore est une plante charmeresse, qui enchante les yeux, les douleurs, les regretz et toutes les passions par le sommeil.

  A005000665 

 Or, c'est pour de telles mandragores, chimeres et fantosmes de contentemens que nous quittons les amours de l'Espoux celeste: et comment donq pouvons nous dire que nous l'aymons sur toutes choses, puisque nous preferons a sa grace de si chetifves vanités?.

  A005000665 

 Theotime, les pompes, richesses et delectations mondaines peuvent-elles estre mieux representees? Elles ont une apparence attrayante, mais qui mord dans ces pommes, c'est a dire, qui sonde leur nature, n'y treuve ni goust ni contentement; neanmoins elles charment et endorment a la vanité de leur odeur, et la renommee que les enfans du monde leur donne estourdit et assomme ceux qui s'y amusent trop attentivement ou qui les prennent trop abondamment.

  A005000666 

 N'est ce pas une lamentable merveille de voir David, si grand a surmonter la hayne, si courageux a pardonner l'injure, estre neanmoins si furieusement injurieux en l'amour, que non content de posseder justement une grande multitude de femmes, il va iniquement usurper et ravir celle du pauvre Urie, et, par une lascheté insupportable, affin de prendre plus a souhait l'amour de la femme, il donne cruellement la mort au mari? Qui n'admirera le cœur de saint Pierre, si hardi entre les soldatz armés que luy seul de toute la trouppe de son Maistre met le fer au poing et frappe, puis, peu apres, est si couard entre les femmes, qu'a la seule parole d'une servante il renie et deteste son Maistre? Et comme peut on treuver si estrange que Rachel quittast les caresses de son Jacob pour des pommes [199] de mandragore, puisqu'Adam et Eve quitterent bien la grace pour une pomme qu'un serpent leur offre a manger?.

  A005000667 

 Celuy qui a dit: Tu ne tueras point, a dit aussi: Tu ne seras point luxurieux; que si tu ne tues point, mais tu commetz la luxure, ce n'est donq pas pour l'amour de Dieu que tu ne tues pas, ains c'est par quelqu'autre motif qui te fait choisir ce commandement plustost que l'autre: choix qui fait l'heresie en matiere de charité.

  A005000667 

 Or il en est de mesme es articles de la charité: c'est heresie en la dilection sacree de faire choix entre les commandemens de Dieu, pour en vouloir prattiquer les uns et violer les autres.

  A005000667 

 Si quelqu'un me disoit qu'il ne me veut pas couper un bras pour l'amour qu'il me porte, et neanmoins me venoit arracher un œil, ou me rompre la teste, ou me percer le cors de part en part: Hé, ce dirois-je, comme me dites vous que c'est par amour que vous ne me coupes pas un bras, puisque vous m'arraches un œil qui ne m'est pas moins pretieux, ou que vous me donnes de vostre espee a travers le cors, qui m'est encores plus dangereux? C'est une maxime, que «le bien provient d'une cause vrayement entiere, et le mal de chasque defaut.» Pour faire un acte de vraye charité, il faut qu'il procede d'un amour entier, general et universel, qui s'estende a tous les commandemens divins; que si nous manquons d'amour en un seul commandement, nostre amour n'est plus entier ni universel, et le cœur dans lequel il est ne peut estre dit vrayement amant, ni par consequent vrayement bon.

  A005000671 

 Aristote a eu rayson de dire que le bien est voirement aymable, mays a un chacun principalement son bien propre, de sorte que l'amour que nous avons envers autruy provient de celuy que nous avons envers nous mesmes; car comme pouvoit dire autre chose un philosophe qui non seulement n'ayma pas Dieu, mays ne parla mesme presque jamais de l'amour de Dieu? Amour de Dieu neanmoins qui precede tout amour de nous mesmes, voire selon l'inclination naturelle de nostre volonté, ainsy que j'ay declairé au premier Livre..

  A005000672 

 La volonté, certes, est tellement dediee, et, s'il faut ainsy dire, elle est tellement consacree a la bonté, que si une bonté infinie luy est monstree clairement, il est impossible, sans miracle, qu'elle ne l'ayme souverainement.

  A005000673 

 Au Ciel, ou nous le verrons face a face, nous l'aymerons cœur a cœur; c'est a dire, comme nous verrons tous, un chacun selon sa mesure, l'infinité de sa beauté d'une [201] veüe souverainement claire, aussi serons-nous ravis en l'amour de son infinie bonté d'un ravissement souverainement fort, auquel nous ne voudrons ni ne pourrons vouloir faire jamais aucune resistence.

  A005000674 

 Hé, de grace, Theotime, la volonté toute destinee a l'amour du bien, comme en pourroit elle tant soit peu connoistre un souverain, sans estre de mesme tant soit peu inclinee a l'aymer souverainement? Entre tous les biens qui ne sont pas infinis, nostre volonté preferera tous-jours en son amour celuy qui luy est plus proche, et sur tout le sien propre; mais il y a si peu de proportion entre l'infini et le fini, que nostre volonté qui connoist un bien infini est sans doute esbranlee, inclinee et incitee de preferer l'amitié de l'abisme de cette bonté infinie a toute sorte d'autre amour et a celuy la encor de nous mesme..

  A005000674 

 Or il est vray pourtant que, comme la claire veüe de la Divinité produit infalliblement la necessité de l'aymer plus que nous mesmes, aussi l'entreveüe, c'est a dire la connoissance naturelle de la Divinité, produit infalliblement l'inclination et tendance a l'aymer plus que nous mesmes.

  A005000675 

 Mais sur tout cette inclination est forte parce que nous sommes plus en Dieu qu'en nous mesmes, nous vivons plus en luy qu'en nous, et sommes tellement de luy, par luy, pour luy et a luy, que nous ne sçaurions, de sens rassis, penser ce que nous luy sommes et ce qu'il nous est que nous ne soyons forcés de crier: Je suis vostre, Seigneur, et ne dois estre qu'a vous; mon ame est vostre, et ne doit vivre que par vous; ma volonté est vostre, et ne doit aymer que [202] pour vous; mon amour est vostre, et ne doit tendre qu'en vous.

  A005000677 

 Amen, il est vray.

  A005000677 

 Mais quant a nous, Theotime, mon cher ami, nous voyons bien que nous ne pouvons pas estre vrays hommes sans avoir inclination d'aymer Dieu plus que nous mesmes, ni vrays Chrestiens sans prattiquer cette inclination: aymons plus que nous mesmes Celuy qui nous est plus que tout et plus que nous mesmes.

  A005000677 

 Mais si, par imagination de chose impossible, il y avoit une infinie bonté a laquelle nous n'eussions nulle sorte d'appartenance et avec laquelle nous ne peussions avoir aucune union ni communication, nous l'estimerions certes plus que nous mesmes; car nous connoistrions qu'estant infinie, elle seroit plus estimable et aymable que nous, et par consequent nous pourrions faire des simples souhaitz de la pouvoir aymer: mais, a proprement parler, nous ne l'aymerions pas, puisque l'amour regarde l'union; et beaucoup moins pourrions nous avoir la charité envers elle, puisque la charité est une amitié et l'amitié ne peut estre que reciproque, ayant pour fondement la communication et pour fin l'union.

  A005000681 

 Car c'est en cette qualité-la, Theotime, que nous appartenons a Dieu d'une si estroitte alliance et d'une si aymable dependance, qu'il ne fait nulle difficulté de se dire nostre Pere et nous nommer ses enfans; c'est en cette qualité que nous sommes capables d'estre unis a sa divine essence par la jouissance de sa souveraine bonté et felicité; c'est en cette qualité que nous recevons sa grace et que nos espritz sont associés au sien tressaint, rendus, par maniara de dire, participans de sa divine nature: comme dit saint Leon.

  A005000681 

 Comme Dieu crea l'homme a son image et semblance, aussi a-il ordonné un amour pour l'homme a l'image et semblance de l'amour qui est deu a sa Divinité: Tu aymeras, dit il, le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur; c'est le premier et le plus grand commandement.

  A005000681 

 Et c'est donq ainsy, que la mesme charité qui produit les actes de l'amour [204] de Dieu, produit quant et quant ceux de l'amour du prochain: et tout ainsy que Jacob vid qu'une mesme eschelle touchoit le ciel et la terre, servant egalement aux Anges pour descendre comme pour monter, nous sçavons aussi qu'une mesme dilection s'estend a cherir Dieu et le prochain, nous relevant a l'union de nostre esprit avec Dieu et nous ramenant a l'amoureuse societé des prochains; en sorte toutefois, que nous aymons le prochain entant qu'il est a l'image et semblance de Dieu, creé pour communiquer avec la divine Bonté, participer a sa grace et jouir de sa gloire..

  A005000681 

 Et puisque tous les hommes ont cette mesme dignité, nous les aymons aussi comme nous mesmes, c'est a dire en qualité de tressaintes et vivantes images de la Divinité.

  A005000681 

 Or le second est semblable a iceluy: Tu aymeras ton prochain comme toy mesme.

  A005000681 

 Pourquoy aymons nous Dieu, Theotime? «La cause pour laquelle on ayme Dieu,» dit saint Bernard, «c'est Dieu mesme;» comme s'il disoit que nous aymons Dieu parce qu'il est la tres souveraine et tres infinie bonté.

  A005000681 

 Pourquoy nous aymons-nous nous mesmes en charité? Certes, c'est parce que nous sommes l'image et semblance de Dieu.

  A005000682 

 Et Raguel s'estant mis a dire beaucoup de bien d'iceluy, l'Ange luy dit: Tobie duquel vous vous enqueres, il est propre pere de celuy ci.

  A005000682 

 Le jeune Tobie, accompaigné de l'ange Raphaël, ayant abordé Raguel son parent, auquel neanmoins il estoit inconneu, Raguel ne l'eut pas plus tost regardé, dit l'Escriture, que se retournant devers Anne, sa femme: Tenes, dit il, voyes combien ce jeune, homme est semblable a mon cousin.

  A005000682 

 Ne remarques vous pas que Raguel, sans connoistre le petit Tobie, l'embrasse, le caresse, le bayse, pleure d'amour sur luy? D'ou provient cet amour sinon de celuy qu'il portoit au viel Tobie le pere, que cet enfant ressembloit si fort? Beni sois tu, dit il: mays pourquoy? non point, certes, [205] parce que tu es un bon jeune homme, car cela je ne le sçay pas encor, mays parce que tu es filz et ressembles a ton pere, qui est un tres homme de bien..

  A005000682 

 Theotime, aymer le prochain par charité c'est aymer Dieu en l'homme ou l'homme en Dieu; c'est cherir Dieu seul pour l'amour de luy mesme, et la creature pour l'amour d'iceluy.

  A005000683 

 Et c'est pourquoy non seulement le divin amour commande maintefois l'amour du prochain, mais il le produit et respand luy mesme dans le coeur humain comme sa ressemblance et son image; puisque tout ainsy que l'homme est l'image de Dieu, de mesme l'amour sacré de l'homme envers l'homme est la vraye image de l'amour celeste de l'homme envers Dieu..

  A005000683 

 Et pourquoy donq? O Theotime, pour l'amour de Dieu qui l'a formee a son image et semblance, et par consequent rendue capable de participer a sa bonté en la grace et en la gloire; pour l'amour de Dieu, dis-je, de qui elle est, a qui elle est, par qui elle est, en qui elle est, pour qui elle est, et qu'elle ressemble d'une façon toute particuliere.

  A005000683 

 Hé, vray Dieu, Theotime, quand nous voyons un prochain creé a l'image et semblance de Dieu, ne devrions-nous pas dire les uns aux autres: Tenes, voyes cette creature, comme elle ressemble au Createur? ne devrions-nous pas nous jetter sur son visage, la caresser et pleurer d'amour pour elle? ne devrions-nous pas luy donner mille et mille benedictions? Et quoy donq? pour l'amour d'elle? Non certes, car nous ne sçavons pas si elle est digne d'amour ou de hayne en elle mesme.

  A005000688 

 Et partant, quel est l'amour, tel est le zele qui en est l'ardeur: si l'amour est bon, le zele en est bon, si l'amour est mauvais, le zele en est mauvais.

  A005000688 

 Or quand je parle du zele, j'entens encor parler de la jalousie, car la jalousie est une espece de zele; et, si je ne me trompe, il n'y a que cette difference entre l'un et l'autre, que le zele regarde tout le bien de la chose aymee pour en esloigner le mal contraire, et la jalousie regarde le [207] bien particulier de l'amitié pour repousser tout ce qui s'y oppose..

  A005000688 

 Quand donq l'amour est ardent et qu'il est parvenu jusques a vouloir oster, esloigner et divertir ce qui est opposé a la chose aymee, on l'appelle zele; de sorte qu'a proprement parler, le zele n'est autre chose sinon l'amour qui est en ardeur, ou plustost l'ardeur qui est en l'amour.

  A005000689 

 C'est pourquoy l'ardeur ou zele que nous avons d'estre aymés ne peut souffrir que nous ayons des rivaux et compaignons; et si nous nous imaginons d'en avoir, nous entrons soudain en la passion de jalousie, laquelle, certes, a bien quelque ressemblance avec l'envie, mays ne laisse pas pour cela d'estre fort differente d'avec elle..

  A005000689 

 Mais quand en particulier nous aymons ardemment d'estre aymés, le zele, ou bien l'ardeur de cet amour, devient jalousie; d'autant que l'amitié humaine, quoy qu'elle soit vertu, si est ce qu'elle a cette imperfection, a rayson de nostre imbecillité, qu'estant departie a plusieurs, la part d'un chacun en est moindre.

  A005000689 

 Quand donques nous aymons ardemment les choses mondaines et temporelles, la beauté, les honneurs, les richesses, les rangs, ce zele, c'est a dire l'ardeur de cet amour, se termine pour l'ordinaire en envie, parce que ces basses choses sont si petites, particulieres, bornees, finies et imparfaites, que quand l'un les possede, l'autre ne les peut entierement posseder: de sorte qu'estans communiquees a plusieurs, la communication en est moins parfaite pour un chacun.

  A005000690 

 L'envie est tous-jours injuste, mays la jalousie est quelquefois juste, pourveu qu'elle soit moderee; car les mariés, par exemple, n'ont ilz pas rayson d'empescher que leur amitié ne reçoive diminution par le partage? 2.

  A005000690 

 La jalousie n'est jamais qu'en matiere d'amour; mais l'envie s'estend en toutes matieres, de biens, d'honneurs, de faveurs, de beauté.

  A005000690 

 Mays la jalousie n'est nullement marrie que le prochain ayt du bien, pourveu que ce ne soit pas le nostre; car le jaloux ne seroit pas marri que son compaignon fust aymé des autres femmes, pourveu que ce ne fust pas de la sienne, voire mesme, a proprement parler, on n'est pas jaloux d'un rival sinon apres qu'on estime d'avoir acquise l'amitié de la personne aymee: que si avant cela il y a quelque [208] passion, ce n'est pas jalousie, mais envie.

  A005000690 

 Par l'envie nous nous attristons que le prochain ayt un bien plus grand ou pareil au nostre, encor qu'il ne nous oste rien de ce que nous avons; en quoy l'envie est desraysonnable, nous faysant estimer que le bien du prochain soit nostre mal.

  A005000690 

 Que si quelquefois on est envieux de l'amour qui est porté a quelqu'un, ce n'est pas pour l'amour, ains pour les fruitz qui en dependent: un envieux se soucie peu que son compaignon soit aymé du prince, pourveu qu'il ne soit pas favorisé ni gratifié es occurrences..

  A005000694 

 Dieu donques est jaloux, Theotime: mais quelle est sa jalousie? Certes, elle semble d'abord estre une jalousie de convoytise, telle qu'est celle des maris pour leurs femmes; car il veut que nous soyons tellement siens, que nous ne soyons en façon quelconque a personne qu'a luy: Nul, dit-il, ne peut servir a deux maistres.

  A005000694 

 Et si, il a rayson, ce grand Dieu tout uniquement bon, de vouloir tres parfaitement tout nostre cœur, [209] car nous avons un cœur petit, qui ne peut pas asses fournir d'amour pour aymer dignement la divine Bonté: n'est-il pas donques convenable que, ne luy pouvant donner tout l'amour qu'il seroit requis, il luy donne pour le moins tout celuy qu'il peut? Le bien qui est souverainement aymable ne doit-il pas estre souverainement aymé? Or, aymer souverainement, c'est aymer totalement..

  A005000695 

 C'est donq pour l'amour de nous qu'il veut que nous l'aymions, parce que nous ne pouvons cesser de l'aymer sans [210] commencer de nous perdre, et que tout ce que nous luy ostons de nos affections nous le perdons..

  A005000695 

 Cette jalousie neanmoins que Dieu a pour nous, n'est pas en effect une jalousie de convoytise, ains de souveraine amitié; car ce n'est pas son interest que nous l'aymions, c'est le nostre.

  A005000695 

 Nostre amour luy est inutile, mais il nous est de grand proffit, et s'il luy est aggreable c'est parce qu'il nous est profitable; car estant le souverain bien, il se plait a se communiquer par son amour, sans que bien quelcomque luy en puisse revenir; dont il s'escrie, se plaignant des pecheurs, par maniere de jalousie: Ilz m'ont laissé, moy qui suis source d'eau vive, et se sont fouï des cisternes, cistemes dissipees et crevassees, qui ne peuvent retenir les eaux.

  A005000695 

 Que si, par pensee de chose impossible, ilz eussent peu rencontrer quelqu'autre fontaine d'eau vive, je supporterois aysement leur departie d'avec moy, puisque je n'ay nulle pretention en leur amour que celle de leur bonheur; mais me quitter pour perir, m'abandonner pour se precipiter, c'est cela qui me fait estonner et fascher sur leur folie.

  A005000696 

 Et la rayson de cette demande de l'Amant divin est que, comme la mort est si forte qu'elle separe l'ame de toutes choses et de son cors mesme, aussi l'amour sacré, parvenu jusques au degré du zele, divise et esloigne l'ame de toutes autres affections et l'espure de tout meslange; d'autant qu'il n'est pas seulement aussi fort que la mort, ains il est aspre, inexorable, dur et impiteux a chastier le tort qu'on luy fait quand on reçoit avec luy des rivaux, comme l'enfer est violent a punir les damnés: et tout ainsy que l'enfer, plein d'horreur, de rage et de felonnie, ne reçoit aucun meslange d'amour, aussi l'amour jaloux ne reçoit aucun meslange d'autre affection, voulant que tout soit pour le Bienaymé.

  A005000696 

 Rien n'est si doux que le colombeau, mays rien si impiteux que luy envers sa colombelle, quand il a quelque jalousie.

  A005000696 

 Si jamais vous y aves pris garde, vous aures veu, Theotime, que ce debonnaire animal, revenant de l'essor et treuvant sa partie avec ses compaignons, il ne se peut empescher de ressentir un peu de desfiance qui le rend aspre et bigearre; de sorte que d'abord il la vient environner, grommelant, [211] morguant, trepignant et la frappant a trait d'aisles, quoy qu'il sçache bien qu'elle est fidelle et qu'il la voye toute blanche d'innocence..

  A005000696 

 Sulamite, certes, avoit son coeur tout plein de l'amour celeste de son cher Amant, lequel, quoy qu'il ayt tout, ne se contente pas, mais par une sacree desfiance de jalousie veut encor estre sur le cœur qu'il possede, et le cachetter de soy mesme, affin que rien ne sorte de l'amour qui y est pour luy et que rien n'y entre qui puisse y faire du meslange; car il n'est pas assouvi de l'affection dont l'ame de sa Sulamite est comblee, si elle n'est invariable, toute pure, toute unique pour luy.

  A005000698 

 C'est pourquoy elle n'est pas jalouse d'une jalousie interessee, mais d'une jalousie pure, qui ne procede d'aucune convoitise, ains d'une noble et simple amitié: jalousie laquelle par apres s'estend jusques au prochain, avec l'amour duquel elle procede; car, puisque nous aymons le prochain pour Dieu comme nous mesmes, nous sommes aussi jaloux de luy pour Dieu comme nous le sommes de nous mesmes, de sorte que nous voudrions bien mourir pour l'empescher de perir..

  A005000698 

 Celles la craignent, et celles ci aussi, mais differemment, dit saint Augustin: la chaste espouse craint l'absence de son espoux, l'adultere craint la presence du sien; «celle la craint qu'il s'en aille, et celle ci craint qu'il [212] demeure;» celle la est si fort amoureuse qu'elle en est toute jalouse, celle ci n'est point jalouse parce qu'elle n'est pas amoureuse; celle ci craint d'estre chastiee, et celle la craint de n'estre pas asses aymee, ains, en verité, elle ne craint pas a proprement parler de n'estre pas aymee, comme font les autres jalouses qui s'ayment elles mesmes et veulent estre aymees, mais elle craint de n'aymer pas asses Celuy qu'elle void estre tant aymable que nul ne le peut asses dignement aymer selon la grandeur de l'amour qu'il merite, ainsy que j'ay dit n'a guere.

  A005000698 

 Mais, Theotime, qui veut voir cette jalousie delicatement et excellemment exprimee, il faut qu'il lise les enseignemens que la seraphique sainte Catherine de Gennes a faitz pour declarer les proprietés du pur amour, entre lesquelles elle inculque et presse fort celle-ci: que l'amour parfait, c'est a dire l'amour estant parvenu jusques au zele, ne peut souffrir l'entremise ou interposition, ni le meslange d'aucune autre chose, non pas mesme des dons de Dieu, voire jusques a cette rigueur, qu'il ne permet pas qu'on affectionne le Paradis sinon pour y aymer plus parfaitement la bonté de Celuy qui le donne; de sorte que les lampes de ce pur amour n'ont point d'huile, de lumignon ni de fumee, elles sont toutes feu et flamme que rien du monde ne peut esteindre; et ceux qui ont ces lampes ardentes en leurs mains, ont la tressainte crainte des chastes espouses, non pas celle des femmes adulteres.

  A005000699 

 Or, comme le zele est une ardeur enflammee ou une inflammation ardente de l'amour, il a aussi besoin d'estre sagement et prudemment prattiqué; autrement, sous pretexte d'iceluy, on violeroit les termes de la modestie ou discretion, et seroit aysé de passer du zele a la cholere et d'une juste affection a une inique passion: c'est pourquoy, n'estant pas ici le lieu de marquer les conditions du zele, mon Theotime, je vous advertis que pour l'execution d'iceluy vous ayes tous-jours recours a celuy que Dieu vous a donné pour vostre conduite en la vie devote.

  A005000704 

 Imagines vous, Theotime, la comparayson qu'il y a entre ceux qui jouissent de la lumiere du soleil et ceux qui n'ont que la petite clarté d'une lampe: ceux la ne sont point envieux ni jaloux les uns des autres, car ilz sçavent bien que cette lumiere la est tres suffisante pour tous, que la jouissance de l'un n'empesche point la jouissance de l'autre, et que chacun ne la possede pas moins, encor que tous la possedent generalement, que si un chacun luy seul la possedoit en particulier; mays quant a la clarté d'une lampe, parce qu'elle est petite, courte et insuffisante pour plusieurs, chacun la veut avoir en sa chambre, et qui l'a est envié des autres.

  A005000704 

 Le bien des choses mondaines est si chetif et vil, que quand l'un en [214] jouit il faut que l'autre en soit privé; et l'amitié humaine est si courte et infirme, qu'a mesure qu'elle se communique aux uns elle s'affoiblit d'autant pour les autres: c'est pourquoy nous sommes jaloux et faschés quand nous y avons des corrivaux et compaignons.

  A005000704 

 Le cœur de Dieu est si abondant en amour, son bien est si fort infini, que tous le peuvent posseder sans qu'un chacun pour cela le possede moins, cette infinité de bonté ne pouvant estre espuisee, quoy qu'elle remplisse tous les espritz de l'univers; car apres que tout en est comblé, son infinité luy demeure tous-jours toute entiere, sans diminution quelcomque.

  A005000705 

 Mays en quoy donq consiste le zele ou la jalousie que nous devons avoir pour la divine Bonté? Theotime, son office est premierement de haïr, fuir, empescher, detester, rejetter, combattre et abbattre, si l'on peut, tout ce qui est contraire a Dieu, c'est a dire a sa volonté, a sa gloire et a la sanctification de son nom.

  A005000705 

 Voyes, je vous prie, Theotime, ce grand Roy, de quel zele il est animé, et comme il employe les passions de son ame au service de la sainte jalousie: il ne hait pas simplement l'iniquité, mays il l'abomine, il seche de detresse en la voyant, il tumbe en defaillance et definement de cœur, il la persecute, il la renverse et l'extermine.

  A005000706 

 Cette jalousie, Theotime, faisoit mourir et pasmer tous les jours ce saint Apostre: Je meurs, dit-il, tous les jours pour vostre gloire; Qui est infirme, que je ne sois aussi infirme? qui est scandalisé, que je ne brusle? Voyés, disent les Anciens, voyés quel amour, quel soin et quelle jalousie une mere-poule a pour ses poussins (car Nostre Seigneur n'a pas estimé cette comparayson indigne de son Evangile).

  A005000706 

 La poule est une poule, c'est a dire un animal sans courage ni generosité quelcomque, tandis qu'elle n'est pas mere; mais quand elle l'est devenue elle a un cœur de lion, tous-jours la teste levee, [216] tous-jours les yeux hagards, tous-jours elle va roulant sa veüe de toutes pars, pour peu qu'il y ait apparence de peril pour ses petitz; il n'y a ennemi aux yeux duquel elle ne se jette pour la defense de sa chere couvee, pour laquelle elle a un souci continuel qui la fait tous-jours aller glossant et plaignant: que si quelqu'un de ses poussins perit, quelz regretz! quelle cholere! C'est la jalousie des peres et meres pour leurs enfans, des pasteurs pour leurs ouailles, des freres pour leurs freres.

  A005000707 

 C'est pourquoy la sainte Sulamite s'escrioit: O le Bienaymé de mon ame, monstres-moy ou vous reposes au midy, affin que je ne m'esgare et que je n'aille a la suite des trouppeaux de vos compaignons.

  A005000711 

 D'autant que le zele est une ardeur et vehemence d'amour, il a besoin d'estre sagement conduit; autrement il violeroit les termes de la modestie et de la discretion.

  A005000711 

 Non pas certes que le divin amour, pour vehement qu'il soit, puisse estre excessif en soy mesme ni es mouvemens ou inclinations qu'il donne aux espritz; mays parce qu'il employe a l'execution de ses projetz l'entendement, luy ordonnant de chercher les moyens de les faire reuscir, et la hardiesse ou cholere pour surmonter les difficultés qu'il rencontre, il advient tres souvent que l'entendement propose et fait prendre des voyes trop aspres et violentes, et que la cholere ou audace, estant une fois esmeüe et ne se pouvant contenir dedans les limites de la rayson, emporte le cœur dans le desordre: en sorte que le zele est, par ce moyen, exercé indiscrettement et desreglement, qui le rend mauvais et blasmable.

  A005000712 

 C'est un acte de desespoir de mettre dans une place un secours estranger qui se peut rendre le plus fort..

  A005000712 

 Certes, Theotime, la cholere est un serviteur qui, estant puissant, courageux et grand entrepreneur, fait aussi d'abord beaucoup de besoigne; mais il est si ardent, si remuant, si inconsideré et impetueux, qu'il ne fait aucun bien que pour l'ordinaire il ne face quant et quant plusieurs maux.

  A005000712 

 La cholere est un secours donné de la nature a la rayson, et employé par la grace au service du zele pour l'execution de ses desseins, mais secours dangereux et peu desirable: car si elle vient forte elle se rend maistresse, renversant l'authorité de la rayson et les loix amoureuses du zele; que si elle vient foible, elle ne fait rien que le seul zele ne fist luy seul sans elle, et tous-jours elle tient en une juste crainte que, se renforçant, elle ne s'empare du cœur et du zele, les sousmettant a sa tyrannie, tout ainsy qu'un feu artificiel qui, en un moment, embrase un edifice et ne sait-on comme l'esteindre.

  A005000712 

 Or, ce n'est pas bon mesnage, disent nos gens des chams, de tenir des paons en la mayson, car encor qu'ilz chassent aux araignes et en desfont le logis, ilz gastent toutefois tant les couvertz et les toictz que leur utilité n'est pas comparable au grand degast qu'ilz font.

  A005000713 

 L'amour propre nous trompe souvent et nous donne le change, exerçant ses propres passions sous le nom du zele: le zele s'est jadis servi aucunefois de la cholere; et maintenant la cholere se sert en contrechange du nom du zele, pour, sous iceluy, tenir a couvert son ignominieux desreglement.

  A005000713 

 Or je dis qu'elle se sert du nom du zele, parce qu'elle ne sçauroit se servir du zele en [219] luy mesme; d'autant que c'est le propre de toutes les vertus, mais sur tout de la charité, de laquelle le zele est une dependance, d'estre «si bonnes que nul n'en peut abuser.».

  A005000714 

 Or, ayant fait ce bel exploit de zele il ne s'arresta pas la, mais en fit grande feste au grand saint Denis Areopagite par une lettre qu'il luy en escrivit, de laquelle il receut une excellente responce, digne de l'esprit apostolique dont ce grand disciple de saint Paul estoit animé: car il luy fit voir clairement que son zele avoit esté indiscret, imprudent et impudent tout ensemble, d'autant qu'encor que le zele de l'honneur deu aux choses saintes soit bon et louable, si est ce qu'il avoit esté prattiqué contre toute rayson, sans consideration ni jugement quelcomque, puisqu'il avoit employé les coups de pieds, les outrages, injures et reproches, en un lieu, en une occasion et contre des personnes qu'il devoit honnorer, aymer et respecter; si que le zele ne pouvoit estre bon, estant exercé avec un si grand desordre.

  A005000714 

 Un pecheur fameux vint un jour se jetter aux pieds d'un bon et digne prestre, protestant avec beaucoup de sousmission qu'il venoit pour treuver le remede a ses maux, c'est a dire pour recevoir la sainte absolution de ses fautes.

  A005000716 

 Theotime, le saint homme Carpus avoit rayson d'entrer en zele pour ces deux hommes, et son zele avoit justement excitee la cholere contre eux, mays la cholere estant esmeüe avoit laissé la rayson et le zele en derriere; outrepassant toutes les bornes et limites du saint amour, et par consequent du zele qui en est la ferveur, elle avoit converti la hayne du peché en hayne du pecheur, et la tres douce charité en une furieuse cruauté.

  A005000720 

 Il est vray certes, mon ami Theotime, que Moyse, Phinees, Helie, Mathathias et plusieurs grans serviteurs de Dieu se servirent de la cholere pour exercer leur zele en beaucoup d'occasions signalees: mays notes, je vous prie, que c'estoyent aussi des grans personnages, qui sçavoyent bien manier leurs passions et ranger leurs choleres; pareilz a ce brave capitaine de l'Evangile qui disoit a ses soldatz: Alles, et ilz alloyent; venes, et ilz venoyent.

  A005000720 

 Mais nous autres, qui sommes presque tous des certaines petites gens, nous n'avons pas tant de pouvoir sur nos mouvemens; nostre cheval n'est pas si bien dressé que nous le puissions pousser et faire parer a nostre guise.

  A005000721 

 Or un jour que Nostre Seigneur passoit en Samarie, il envoya en une ville pour y faire prendre son logis, mais les habitans, sachans que Nostre Seigneur estoit Juif de nation et qu'il alloit en Hierusalem, ne le volurent pas loger; ce que voyans saint Jean et saint Jaques, ilz dirent a Nostre Seigneur: Voules vous que nous commandions au feu qu'il descende et qu'il les brusle? Et Nostre Seigneur, se retournant devers eux, les tança, disant: Vous ne sçaves de quel esprit vous estes; le Filz de l'homme n'est pas venu pour perdre les ames, mais pour les sauver..

  A005000722 

 C'est cela donq, Theotime, que veut dire saint Denis a Demophile qui alleguoit l'exemple de Phinees et d'Helie; car saint Jean et saint Jaques, qui vouloyent imiter Helie a faire descendre le feu du ciel sur les hommes, furent repris par Nostre Seigneur, qui leur fit entendre que son esprit et son zele estoit doux, [224] debonnaire et gracieux, qui n'employoit l'indignation ou le courroux que tres rarement, lhors qu'il n'y avoit plus esperance de pouvoir profiter autrement.

  A005000722 

 Ce n'est pas le fait de tout le monde de sçavoir se courroucer quand il faut et comme il faut..

  A005000723 

 Une ire qui est inspiree ou excitee par le Saint Esprit n'est plus l'ire de l'homme, et c'est l'ire de l'homme qu'il faut fuir, puisque, comme dit le glorieux saint Jaques, elle n'opere point la justice de Dieu: et d'effect, quand ces grans serviteurs de Dieu employoient la cholere, c'estoit pour des occurrences si solemnelles et des crimes si excessifz, qu'il n'y avoit nul danger d'exceder la coulpe par la peine..

  A005000724 

 Parce qu'une fois le grand saint Paul apelle les Galates insensés, represente aux Candiotz leurs mauvaises inclinations et resiste en face au glorieux saint [225] Pierre son superieur, faut-il prendre licence d'injurier les pecheurs, blasmer les nations, contreroller et censurer nos conducteurs et prelatz? Certes, chacun n'est pas saint Paul pour sçavoir faire ces choses a propos; mays les espritz aigres, chagrins, presumptueux et mesdisans, servans a leurs inclinations, humeurs, aversions et outrecuydances, veulent couvrir leur injustice du manteau du zelef, et chacun, sous le nom de ce feu sacré, se laisse bruler a ses propres passions.

  A005000725 

 Le zele specieux est ambitionné, c'est celuy auquel chacun veut employer son talent; sans prendre garde que ce n'est pas le zele que l'on y cherche, mais la gloire et l'assouvissement de l'outrecuydance, cholere, chagrin et autres passions..

  A005000725 

 Premierement, en faysant des grandes actions de justice pour repousser le mal: et cela n'appartient qu'a ceux qui ont les offices publiqs de corriger, censurer et reprendre en qualité de superieurs, comme les princes, magistratz, prelatz, predicateurs; mays parce que cet office est respectable, chacun l'entreprend, chacun s'en veut mesler.

  A005000726 

 Ainsy l'Espouse celeste confesse que l'amour estant fort comme la mort, laquelle sapara l'ame du cors, le zele, qui est un amour ardent, est encor bien plus fort, car il ressemble a l'enfer qui sapara l'ame de la veue de Nostre Seigneur: mays jamais il n'est dit ni ne se peut dire que l'amour ou le zele soit semblable au paché, qui seul separe de la grace de Dieu.

  A005000726 

 Certes, le zele de Nostre Seigneur parut principalement a mourir sur la croix pour destruire la mort et le peché des hommes: en quoy il fut souverainement imité par cet admirable vaisseau d'election et de dilection, ainsy que le represente le grand saint Gregoire Nazianzene en paroles dorees; car, parlant de ce saint Apostre: «Il combat pour tous,» dit-il, «il respand des prieres pour tous, il est passionné de jalousie envers tous, il est enflammé pour tous, ains mesme il a osé plus que cela pour ses freres selon la chair; en sorte que, pour dire aussi moy mesme ceci fort hardiment, il desire par charité qu'iceux soyent mis en sa place aupres de Jesus Christ.

  A005000726 

 Et comme nostre Sauveur porta de sorte les pechés du monde, et fut fait tellement anatheme, sacrifié pour le peché et delaissé de son Pere qu'il ne laissa pas d'estre perpetuellement le Filz bienaymé, auquel le Pere prenoit son bon playsir, aussi le saint Apostre desira bien d'estre anatheme et separé de son Maistre pour estre abandonné d'iceluy et delaissé a la merci des opprobres et punitions deues aux Juifz, mais il ne desira pas pourtant jamais d'estre privé de la charité et grace de son Seigneur, de laquelle rien aussi ne le pouvoit jamais separer; c'est a dire, il desira d'estre traitté comme un homme separé de Dieu, mais il ne desira pas d'en estre par effect separé, ni privé de sa grace, car cela ne peut estre saintement desiré.

  A005000726 

 Et comme se pourroit il faire que l'ardeur de l'amour peust faire desirer d'estre saparé de la grace, puisque l'amour est la grace mesme, ou du moins ne peut estre sans la grace? Or le zele du grand saint Paul fut prattiqué en quelque sorte, ce me semble, par le petit saint Paul, je veux dire par saint Paulin, qui, pour oster un esclave de son esclavage, [228] se rendit esclave luy mesme, sacrifiant sa liberté pour la rendre a son prochain..

  A005000727 

 L'ardeur du vray zele est pareille a celle du chasseur, qui est diligent, soigneux, actif, laborieux et tres affectionné au pourchas, mais sans cholere, sans ire, sans trouble; car si le travail des chasseurs estoit cholere, ireux, chagrin, il ne seroit pas si aymé ni affectionné: et de mesme, le vray zele a des ardeurs extremes, mais constantes, fermes, douces, laborieuses, egalement amiables et infatigables; tout au contraire, le faux zele est turbulent, brouillon, insolent, fier, cholere, passager, egalement impetueux et inconstant..

  A005000727 

 «O que bienheureux est,» dit saint Ambroyse, celuy qui sçait la discipline du zele!» «Tres facilement,» dit saint Bernard, «le diable se jouera de ton zele si tu negliges la science;» «que donques ton zele soit enflammé de charité, embelli de science, affermi de constance.» Le vray zele est enfant de la charité, car c'en est l'ardeur: c'est pourquoy, comme elle, il est patient, benin, sans trouble, sans contention, sans hayne, sans envie, se res-jouissant de la verité.

  A005000731 

 La charité de Jesus Christ nous presse, dit [229] le grand Apostre: ouy certes, Theotime, elle nous force et violente par son infinie douceur, prattiquee en tout l'ouvrage de nostre redemption, auquel s'est apparue la benignité et amour de Dieu envers les hommes; car, qu'est-ce que ce divin Amant ne fit pas en matiere d'amour?.

  A005000732 

 Et Celuy duquel si souvent il est escrit: Je vis moy mesme, dit le Seigneur, il a peu dire par apres, selon le langage de son Apostre: Je vis moy mesme, non plus moy mesme, mais l'homme vit en moy; Ma vie c'est l'homme, et mourir pour l'homme c'est mon proffit; Ma vie est cachee avec l'homme en Dieu.

  A005000732 

 Il a esté en extase, non seulement en ce que, comme dit saint Denis, a cause de l'exces de son amoureuse bonté il devient en certaine façon hors de soy mesme, estendant sa providence sur toutes choses et se treuvant en toutes choses; mais aussi en ce que, comme dit saint Paul, il s'est en quelque sorte quitté soy mesme, il s'est vuidé de soy mesme, il s'est espuisé de sa grandeur, de sa gloire, il s'est demis du throsne de son incomprehensible majesté, et, s'il faut ainsy parler, il s'est aneanti soy mesme pour venir a nostre humanité nous remplir de sa Divinité, nous combler de sa bonté, nous eslever a sa dignité et nous donner le divin estre d'enfans de Dieu.

  A005000732 

 Il s'escoula tout en nous, et, par maniere de dire, fondit sa grandeur pour la reduire a la forme et figure de nostre petitesse; dont il est appellé source d'eau vive, rosee et pluye du Ciel.

  A005000732 

 Il s'unit a nous par une conjunction incomprehensible, en laquelle il adhera et se serra a nostre nature si fortement, indissolublement et infiniment, que jamais rien ne fut si estroittement joint et pressé a l'humanité qu'est maintenant la tressainte Divinité en la Personne du Filz de Dieu.

  A005000734 

 C'est pourquoy la mort du Sauveur fut un vray sacrifice, et sacrifice d'holocauste, que luy mesme offrit a son Pere pour nostre redemption; car encor que les peynes et douleurs de sa Passion fussent si grandes et fortes que tout autre homme en fust mort, si est ce que, quant a luy, il n'en fust jamais mort s'il n'eust voulu, et que le feu de son infinie [232] charité n'eust consumé sa vie.

  A005000734 

 Car, bien que les cruelz supplices fussent tres suffisans pour faire mourir qui que ce fut, si est ce que la mort ne pouvoit jamais entrer dans la vie de Celuy qui tient les clefs de la vie et de la mort, si le divin amour, qui manie ces clefs, n'eust ouvert les portes a la mort affin qu'elle allast saccager ce divin cors et luy ravir la vie; l'amour ne se contentant pas de l'avoir rendu mortel pour nous, s'il ne le rendoit mort.

  A005000734 

 En fin, Theotime, ce divin Amoureux mourut entre les flammes et ardeurs de la dilection, a cause de l'infinie charité qu'il avoit envers nous et par la force et vertu de l'amour; c'est a dire, il mourut en l'amour, par l'amour, pour l'amour et d'amour.

  A005000734 

 Et partant il n'est pas dit que son esprit s'en alla, le quitta et se separa de luy; mais, au contraire, qu' il mit son esprit dehors, l'expira, le rendit et le remit es mains de son Pere eternel: si que saint Athanase remarque qu'il baissa la teste pour mourir, affin de consentir et pencher a la venue de la mort, laquelle autrement n'eust osé s'approcher de luy; et criant a pleine voix il remet son esprit a son Pere, pour monstrer que comme il avoit asses de force et d'haleyne pour ne point mourir, il avoit aussi tant d'amour qu'il ne pouvoit plus vivre sans faire revivre par sa mort ceux qui sans cela ne pouvoyent jamais eviter la mort, ni pretendre a la vraye vie.

  A005000743 

 Certes, encor que ces vertus eussent beaucoup d'apparence, si est ce qu'en effect elles estoyent de peu de valeur, a cause de la bassesse de l'intention de ceux qui les prattiquoyent, qui ne travailloyent presque que pour l'honneur, ainsy que dit saint Augustin, ou pour quelqu'autre pretention fort legere, comme est celle de l'entretien de la societé civile, ou pour quelque petite [235] inclination qu'ilz avoyent au bien, laquelle ne rencontrant point de grande contrarieté, les portoit a des menues actions de vertu, comme par exemple, a s'entresaluer, a secourir les amis, vivre sobrement, ne point desrobber, servir fidelement les maistres, payer les gages aux ouvriers.

  A005000743 

 La vertu est si aymable de sa nature que Dieu la favorise par tout ou il la void.

  A005000744 

 Excuse qui n'eust pas esté a propos si ces sages femmes eussent esté Hebrieuses, et n'est pas croyable que Pharao eust donné une commission si impiteuse contre les Hebrieuses a des femmes Hebrieuses, de mesme nation et religion; et aussi Josephe tesmoigne qu'en effect elles estoyent Egyptiennes.

  A005000744 

 Or, toutes Egyptiennes et payennes qu'elles estoyent, elles craignirent d'offencer Dieu par une cruauté si barbare et desnaturee, comme eust esté celle du massacre de tant de petitz enfans: dequoy la divine Douceur leur sceut si bon gré, qu'elle leur edifia des maysons, c'est a dire les rendit plantureuses en enfans et en biens temporelz..

  A005000745 

 Donques, adjouste saint Hierosme au Commentaire, «nous apprenons que si les payens mesmes font quelque bien, ilz ne sont point laissés sans salaire par le jugement de Dieu.» Ainsy Daniel exhorta Nabuchodonosor infidele, de racheter [236] ses pechés par aumosnes, c'est a dire de se racheter des peynes temporelles deües a ses pechés, dont il estoit menacé.

  A005000745 

 Voyes-vous donq, Theotime, combien il est vray que Dieu fait estat des vertus, encor qu'elles soyent prattiquees par des personnes qui sont d'ailleurs mauvaises? S'il n'eust aggreé la misericorde des sages femmes et la justice de la guerre des Babyloniens, eust-il pris le soin, je vous prie, de les salarier? et si Daniel n'eust sceu que l'infidelité de Nabuchodonosor n'empescheroit pas que Dieu n'aggreast ses aumosnes, pourquoy les luy eust il conseillees? Certes, l'Apostre nous asseure que les payens, qui n'ont pas la foy, font naturellement ce qui appartient a la loy: et quand ilz le font, qui peut douter qu'ilz ne fassent bien et que Dieu n'en fasse conte? Les payens conneurent que le mariage estoit bon et necessaire, ilz virent qu'il estoit convenable d'eslever les enfans es artz, en l'amour de la patrie, en la vie civile, et ilz le firent: or je vous laisse a penser si Dieu ne treuvoit pas bon cela, puisqu'il avoit donné la lumiere de la rayson et l'instinct naturel a cette intention..

  A005000746 

 La rayson naturelle est un bon arbre que Dieu a planté en nous, les fruitz qui en proviennent ne peuvent estre que bons: fruitz qui en comparayson de ceux qui procedent de la grace sont a la verité de tres petit prix, mais non pas pourtant de nul prix, puisque Dieu les a prisés et pour iceux a donné des recompenses temporelles; ainsy que, selon le grand saint Augustin, il salaria les vertus morales des Romains de la grande estendue et magnifique reputation de leur Empire..

  A005000747 

 L'ame qui est en peché peut faire des biens qui, estans naturelz, sont recompensés de salaires naturelz, estans civilz, sont payés de monnoye civile et humaine, c'est a dire par des commodités temporelles.

  A005000747 

 La naturelle rayson est grandement blessee et comme a moitié morte par le peché: c'est pourquoy, ainsy mal en point, elle ne peut observer tous les commandemens, qu'elle void bien pourtant estre convenables; elle connoist son devoir, mais elle ne peut le rendre, et ses yeux ont plus de clarté pour luy monstrer le chemin que ses jambes de force pour l'entreprendre..

  A005000747 

 Le pecheur n'est pas en la condition des diables, [237] desquelz la volonté est tellement detrempee et incorporee au mal qu'elle ne peut vouloir aucun bien.

  A005000747 

 Non, Theotime, le pecheur en ce monde n'est pas ainsy: il est la, emmi le chemin entre Hierusalem et Hierico, blessé a mort, mais non pas encor mort, car, dit l'Evangile, il est laissé a moitié vivant; et comme il est a moitié vif, il peut aussi faire des actions a moitié vives.

  A005000752 

 Les maistres des choses rustiques admirent la fraiche innocence et pureté des petites fraises, parce qu'encor qu'elles rampent sur la terre et soyent continuellement foulees par les serpens, lezars et autres bestes veneneuses, si est ce qu'elles ne reçoivent aucune impression du venin, ni n'acquierent aucune qualité maligne; signe qu'elles n'ont aucune affinité avec le venin.

  A005000752 

 Telles sont donques les vertus humaines, Theotime, lesquelles, quoy qu'elles soyent en un cœur bas, terrestre et grandement occupé de peché, elles ne sont neanmoins aucunement infectees de la malice d'iceluy, estant d'une nature si franche et innocente qu'elle ne peut estre corrompue par la societé de l'iniquité, selon qu'Aristote mesme a dit «que la vertu estoit une habitude de laquelle aucun ne peut abuser.» Que si les vertus, estant ainsy bonnes en elles mesmes, ne sont pas recompensees d'un loyer eternel lhors qu'elles sont prattiquees par les infideles ou par ceux qui sont en peché, il ne s'en faut nullement estonner: puisque le cœur pecheur duquel elles procedent n'est pas capable du bien [239] eternel, s'estant d'ailleurs destourné de Dieu, et que l'heritage celeste appartenant au Filz de Dieu, nul n'y doit estre associé qui ne soit en luy, et son frere adoptif; laissant a part que la convention par laquelle Dieu promet le Paradis ne regarde que ceux qui sont en sa grace, et que les vertus des pecheurs n'ont aucune dignité ni valeur que celle de leur nature, qui par consequent ne les peut relever au merite des recompenses surnaturelles, lesquelles pour cela mesme sont appellees surnaturelles, d'autant que la nature et tout ce qui en depend ne peut ni les donner ni les meriter..

  A005000753 

 C'est une des proprietés de l'amitié qu'elle rend aggreable l'ami et tout ce qui est en luy de bon et d'honneste; l'amitié respand sa grace et faveur sur toutes les actions de celuy que l'on ayme, pour peu qu'elles en soyent susceptibles; les aigreurs des amis sont des douceurs, les douceurs des ennemis sont des aigreurs.

  A005000753 

 Puisque le juste est planté en la mayson de Dieu, ses feuilles, ses fleurs et ses fruitz y croissent et sont dediés au service de sa Majesté: il est comme l'arbre planté pres le courant des eaux, qui porte son fruit en son tems; ses feuilles mesmes ne tumbent point, tout ce qu'il fait prosperera.

  A005000753 

 Toutes les œuvres vertueuses d'un cœur ami de Dieu sont dediees a Dieu: car, le cœur qui s'est donné soy mesme, comme n'a-il pas donné tout ce qui depend de luy mesme? qui donne l'arbre sans reserve, ne donne-il pas aussi les feuilles, les fleurs et les fruitz? Le juste fleurira comme la palme, il croistra comme le cedre du Liban.

  A005000754 

 O bonté souveraine de ce grand Dieu, laquelle favorise tant ses amans qu'elle cherit leurs moindres petites actions, pour peu qu'elles soyent bonnes, et les anoblit excellemment, leur donnant le tiltre et la qualité de saintes! Hé, c'est en contemplation de son Filz bienaymé duquel il veut honnorer les enfans adoptifs, sanctifiant tout ce qui est de bon en eux: les os, les cheveux, les vestemens, les sepulchres et jusques a l'ombre de leurs cors; la foy, l'esperance, l'amour, la religion, ouy mesme la sobrieté, la courtoisie, l'affabilité de leurs cœurs..

  A005000754 

 Si vous voules rendre sainte la vertu humaine et morale d'Epictete, de Socrates ou de Demades, faites la seulement prattiquer par une ame vrayement chrestienne, c'est a dire qui ait l'amour de Dieu.

  A005000755 

 Car, comme ce grand prophete et prince Job, quoy qu'il fut issu de race payenne et habitant de la terre Hus, ne laissa pas d'appartenir a Dieu, ainsy les vertus morales, quoy que provenues d'un cœur pecheur, ne laissent pas d'appartenir a Dieu; mays quand ces mesmes vertus se treuvent en un cœur vrayement chrestien, c'est a dire doué du saint amour, alhors non seulement elles appartiennent a Dieu, mais elles ne sont point inutiles en Nostre Seigneur, ains sont rendues fructueuses et pretieuses devant les yeux de sa bonté.

  A005000755 

 Et notés, Theotime, que toute œuvre vertueuse doit estre estimee œuvre du Seigneur, voire mesme quand elle seroit prattiquee par un infidele: car sa divine Majesté dit a Ezechiel que Nabuchodonosor et son armee avoyent travaillé pour [241] luy, parce qu'ilz avoyent fait une guerre legitime et juste contre les Tyriens; monstrant asses par la que la justice des injustes est sienne, tend a luy et luy appartient, bien que les injustes qui font la justice ne soyent pas siens, ne tendent pas a luy et ne luy appartiennent pas.

  A005000759 

 Car ces vertus, par leur propre condition, ont un si grand rapport a Dieu et sont si susceptibles des impressions de l'amour celeste, que pour les faire participer a la sainteté d'iceluy il ne faut sinon qu'elles soyent aupres de luy, c'est a dire en un cœur qui ayme Dieu.

  A005000760 

 La charité donques est une vertu nompareille, qui n'embellit pas seulement le cœur auquel elle se treuve, mais benit et sanctifie aussi toutes les vertus qu'elle rencontre en iceluy, par sa seule presence, les embaumant et parfumant de son odeur celeste, par le moyen de laquelle elles sont rendues de grand prix devant Dieu: ce qu'elle fait neanmoins beaucoup plus excellemment en la foy, en l'esperance, et es autres vertus qui d'elles mesmes ont une nature tendante a la pieté..

  A005000761 

 C'est pourquoy, Theotime, entre toutes les actions vertueuses nous devons soigneusement prattiquer celles de la religion et reverence envers les choses divines, celles de la foy, de l'esperance et de la tressainte crainte de Dieu; parlans souvent des choses celestes, pensans et aspirans a l'eternité, hantant les eglises et services sacrés, faysans des lectures devotes, observans les ceremonies de la religion chrestienne: car le saint amour se nourrit a souhait parmi ces exercices, et respand sur iceux plus abondamment ses graces et proprietés qu'il ne fait sur les actions des vertus simplement humaines; ainsy que le bel arc-en-ciel rend odorantes toutes les plantes sur lesquelles il tumbe, mais plus que toutes incomparablement celles de l'aspalatus.

  A005000766 

 Je vous dis maintenant, mon cher Theotime, que la charité et dilection sacree, plus belle cent fois que Rachel, mariee a l'esprit humain, souhaite sans cesse de produire des saintes operations: que si au commencement elle n'en peut enfanter elle mesme de sa propre extraction par l'union sacree qui luy est uniquement propre, elle appelle les autres vertus, comme ses fïdeles servantes, et les associe a son mariage, commandant au cœur de les employer, affin que d'elles il fasse naistre des saintes operations; mais operations qu'elle ne laisse pas d'adopter et estimer siennes, parce qu'elles sont produites par son ordre et commandement et d'un cœur qui luy appartient, d'autant que, comme nous avons declairé ailleurs, l'amour est maistre du cœur, et par consequent de toutes les œuvres des autres vertus faites par son consentement.

  A005000766 

 L'autre est l'amour affectif ou affectueux, qui, comme un petit Benjamin, est grandement delicat, tendre, aggreable et aymable; mais en cela plus heureux que Benjamin, que la charité, sa mere, ne meurt pas en le produisant, ains prend, ce semble, une nouvelle vie par la suavité qu'elle en ressent..

  A005000766 

 Mais, outre cela, cette divine dilection ne laisse pas d'avoir deux actes issus proprement et extraitz d'elle mesme; dont l'un est l'amour effectif, qui, comme un autre Joseph, usant de la plenitude de l'authorité royale, sousmet et range tout le peuple de nos facultés, puissances, passions et affections a la volonté de Dieu, affin qu'il soit aymé, obei et servi sur toutes choses, rendant par ce moyen executé le grand commandement celeste: Tu aymeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton ame, de tout ton esprit, de toutes tes forces.

  A005000768 

 Ainsy, entre toutes les vertus, mon cher Theotime, la gloire de nostre salut et de nostre victoire sur l'enfer est deferee a l'amour divin, qui, comme prince et general de toute l'armee des vertus, fait tous les exploitz par lesquelz nous obtenons le triomphe: car l'amour sacré a ses actions propres, issues et procedees de luy mesme, par lesquelles il fait des miracles d'armes sur nos ennemis; puis, outre cela, il dispose, commande et ordonne les actions des autres vertus, qui pour cette cause sont nommees actes commandés ou ordonnés de l'amour; que si en fin quelques vertus font leurs operations sans son commandement, [247] pourveu qu'elles servent a son intention, qui est l'honneur de Dieu, il ne laisse pas de les advoüer siennes.

  A005000768 

 Mais tous-jours reciproquement aussi, apres qu'on a eslevé ces vertus particulieres, il faut rapporter tout leur honneur a l'amour sacré, qui a toutes donne la sainteté qu'elles ont: car, que veut dire autre chose le glorieux Apostre, inculquant que la charité est benigne, patiente, qu' elle croid tout, espere tout, supporte tout, sinon que la charité ordonne et commande a la patience de patienter, et a l'esperance d'esperer, et a la foy de croire? Il est vray, Theotime, qu'avec cela il signifie encor que l'amour est l'ame et la vie de toutes les vertus; comme s'il vouloit dire, que la patience n'est pas asses patiente, ni la foy asses fidele, ni l'esperance asses confiante, ni la debonnaireté asses douce, si l'amour ne les anime et vivifie: et c'est cela mesme que nous fait entendre ce mesme vaysseau d'election, quand il dit que sans la charité rien ne luy proffite, et qu'il n'est rien; car c'est comme s'il disoit que sans l'amour il n'est ni patient, ni debonnaire, ni constant, ni fidele, ni esperant ainsy qu'il est convenable pour estre serviteur de Dieu, qui est le vray et desirable estre de l'homme.

  A005000768 

 Or, neanmoins, quoy qu'en gros nous disions, apres le divin Apostre, que la charité souffre tout, elle croid tout, elle espere tout, elle supporte tout, et en somme qu'elle fait tout, si est-ce que nous ne laissons pas de distribuer en particulier la louange du salut des Bienheureux aux autres vertus, selon qu'elles ont excellé en un chacun; car nous disons que la foy en a sauvé les uns, l'aumosne quelques autres, la temperance, l'orayson, l'humilité, l'esperance, la chasteté les autres, parce que les actions de ces vertus ont paru avec lustre en ces Saintz.

  A005000768 

 Un grand general d'armee ayant gaigné une signalee bataille aura sans doute tout l'honneur de la victoire, et non sans cause; car il aura combattu luy mesme en teste de l'armee, pratiquant plusieurs beaux faitz d'armes, et pour le reste il aura disposé l'armee, puis ordonné et commandé tout ce qui aura esté executé: si que il est estimé d'avoir tout fait, ou par soy mesme en combattant de ses propres mains, ou par sa conduite, commandant aux autres.

  A005000772 

 «J'ay veu a Tivoli,» dit Pline, «un arbre enté de toutes les façons qu'on peut enter, qui portoit toutes sortes de fruitz; car en une branche on treuvoit des cerises, en une autre des noix, et es autres des raysins, des figues, des grenades, des pommes, et generalement toutes especes de fruitz.» Cela, Theotime, estoit admirable, mais bien plus encor de voir en l'homme chrestien la divine dilection sur laquelle toutes les vertus sont entees: de maniere que, comme l'on pouvoit dire de cet arbre qu'il estoit cerisier, pommier, noyer, grenadier, aussi l'on peut dire de la charité qu'elle est patiente, douce, vaillante, juste, ou plustost, qu'elle est la patience, la douceur et la justice mesme..

  A005000773 

 Et comme le tige communique sa saveur a tous les fruitz que les greffes produisent, en telle sorte que chasque fruit ne laisse pas de garder la proprieté naturelle du greffe duquel il est procedé, ainsy la charité respand tellement son excellence et dignité es actions des autres vertus, que neanmoins elle laisse a une chacune d'icelles la valeur et bonté particuliere qu'elle a de sa condition naturelle..

  A005000773 

 Mais le pauvre arbre de Tivoli ne dura guere, comme le mesme Pline tesmoigne, car cette varieté de productions tarit incontinent son humeur radicale, et le dessecha en sorte qu'il en mourut: ou, au contraire, la dilection se renforce et revigore de faire force fruitz en l'exercice de toutes les vertus; ains, comme ont remarqué nos saintz Peres, elle est insatiable en l'affection qu'elle a de fructifier, et ne cesse de presser le cœur auquel elle se treuve, comme Rachel faisoit son mari, disant: Donne moy des enfans, autrement je mourray.

  A005000773 

 Or, les fruitz des arbres entés sont tous-jours selon le greffe, car si le greffe est de pommier il jettera des pommes, s'il est de cerisier il jettera des cerises, en sorte neanmoins que tous-jours ces fruitz-la tiennent du goust du tronc: et de mesme, Theotime, [249] nos actes prennent leur nom et leur espece des vertus particulieres desquelles ilz sont issus, mais ilz tirent de la sacree charité le goust de leur sainteté; aussi, la charité est la racine et source de toute sainteté en l'homme.

  A005000774 

 Ainsy, mon Theotime, si avec une egale charité l'un souffre la mort du martyre, et l'autre la faim du jeusne, qui ne void que le prix de ce jeusne ne sera pas pour cela egal a celuy du martyre? Non, Theotime; car, qui oseroit dire que le martyre en soy mesme ne soit pas plus excellent que le jeusne? Que s'il est plus excellent, la charité survenante ne luy ostant pas l'excellence qu'il a, ains la perfectionnant, luy laissera par consequent les avantages qu'il avoit naturellement sur le jeusne.

  A005000774 

 Certes, nul homme de bon sens n'egalera la chasteté nuptiale a la virginité, ni le bon usage des richesses a l'entiere abnegation d'icelles: et qui oseroit dire que la [250] charité survenante a ces vertus leur ostast leurs proprietés et privileges? puisqu'elle n'est pas une vertu destruisante et appauvrissante, ains bonifiante, vivifiante et enrichissante tout ce qu'elle treuve de bon es ames qu'elle gouverne.

  A005000775 

 Ainsy, les menues vertus de Nostre Dame, de saint Jean, des autres grans Saintz, estoyent de plus grand prix devant Dieu que les plus relevees de plusieurs Saintz inferieurs, comme beaucoup des petitz eslans amoureux des Seraphins sont plus enflammés que les plus relevés des Anges du dernier ordre; ainsy que le chant des rossignolz apprentifs est plus harmonieux incomparablement que celuy des chardonneretz les mieux appris..

  A005000775 

 Il est vray, toutefois, que si la dilection est ardente, puissante et excellente en un cœur, elle enrichira et perfectionnera aussi davantage toutes les œuvres des vertus qui en procederont.

  A005000775 

 On peut souffrir la mort et le feu pour Dieu sans avoir la charité, ainsy que saint Paul presuppose et que je declaire ailleurs; a plus forte rayson, on la peut souffrir avec une petite charité: or je dis, Theotime, qu'il se peut bien faire qu'une fort petite vertu ait plus de valeur en une ame ou l'amour sacré regne ardemment, que le martyre mesme en une ame ou l'amour est alangouri, foible et lent.

  A005000777 

 L'Espouse sacree blesse son Espoux avec un seul de ses cheveux, desquelz il fait tant d'estat qu'il les compare aux troupeaux des chevres de Galaad, et n'a pas plus tost loué les yeux de sa devote amante, qui sont les parties les plus nobles de tout le visage, que soudain il lotie la cheveleure, qui est la plus fresle, vile et abjecte; affin que l'on sceust qu'en une ame esprise du divin amour, les exercices qui semblent fort chetifs sont neanmoins grandement agreables a sa divine Majesté..

  A005000781 

 Mays, ce me dires vous, quelle est cette valeur, je vous prie, que le saint amour donne a nos actions? O mon Dieu, Theotime! certes, je n'aurois pas l'asseurance de le dire si le Saint Esprit ne l'avoit luy mesme declaré en termes fort expres par le grand apostre saint Paul, qui parle ainsy: Ce qui a present est momentanee [252] et leger de nostre tribulation, opere en nous sans mesure en la sublimité un poids eternel de gloire.

  A005000782 

 Le sarment uni et joint au cep porte du fruit non en sa propre vertu mais en la vertu du cep: or nous sommes unis par la charité a nostre Redempteur, comme les membres au chef; c'est pourquoy nos fruitz et bonnes œuvres, tirans leur valeur d'iceluy, meritent la vie eternelle.

  A005000782 

 Mays qui peut donner tant de vertu a ces momens passagers et a ces tribulations si legeres? L'escarlatte et la pourpre, ou fin cramoysi violet, est un drap grandement pretieux et royal, mais ce n'est pas a rayson de la laine, ains a cause de la teinture: les œuvres des bons Chrestiens sont de si grande valeur que pour icelles on nous donne le Ciel; mays, Theotime, ce n'est pas parce qu'elles procedent de nous et sont la laine de nos cœurs, ains parce qu'elles sont teintes au sang du Filz de Dieu; je veux dire, que c'est d'autant que le Sauveur sanctifie nos œuvres par le merite de son sang.

  A005000782 

 Nos œuvres comme provenantes de nous, ne sont que des chetifs roseaux, mais ces roseaux deviennent d'or par la charité, et avec iceux on arpente la Hierusalem celeste qu'on nous donne a cette mesure: car, tant aux hommes qu'aux Anges, on distribue la gloire selon la charité et les actions d'icelle, de sorte que la mesure de l'Ange est celle-là mesme de l'homme; et Dieu a rendu et rendra a un chacun selon ses œuvres, comme toute l'Escriture divine nous enseigne, laquelle nous assigne la felicité et joye eternelle du Ciel pour recompense des travaux et bonnes actions que nous aurons prattiquees en terre..

  A005000782 

 Nous sommes, quant a nous, branches seches, inutiles, infructueuses, qui ne sommes pas suffisans de penser quelque chose de nous mesme comme de nous mesme, mais toute nostre suffisance est de Dieu, qui nous a rendus officiers idoines et capables [253] de sa volonté; et partant, soudain que par le saint amour le nom du Sauveur, grand Evesque de nos ames, est gravé en nos cœurs, nous commençons a porter des fruitz delicieux pour la vie eternelle.

  A005000783 

 Or, ce n'est pas que nostre service luy soit ni necessaire ni utile; car apres que nous aurons fait tout ce qu'il nous a commandé, nous devons neanmoins advouer, par une tres humble verité ou veritable humilité, qu'en effect nous sommes serviteurs tres inutiles et tres infructueux a nostre Maistre, qui, a cause de son essentielle surabondance de bien, ne peut recevoir aucun proffit de nous; ains, convertissant toutes nos œuvres a nostre propre advantage et commodité, il fait que nous le servons autant inutilement pour luy que tres utilement pour nous, qui par des si petitz travaux gaignons des si grandes recompenses..

  A005000785 

 Ainsy l'huile de benediction versee sur le Sauveur, comme sur le chef de l'Eglise tant militante que triomphante, se respand sur la societé des Bienheureux, qui, comme la barbe sacree de ce divin Maistre, sont tous-jours attachés a sa face glorieuse, et distille encor sur la compaignie des fideles qui, comme vestemens, sont jointz et unis par dilection a sa divine Majesté; l'une et l'autre trouppe, comme composee de freres germains, ayant a cette occasion sujet de s'escrier: O que c'est une chose bonne et agreable de voir les freres bien ensemble, comme l'unguent qui descend en la barbe, la barbe d'Aaron, et jusques au bord de son vestement!.

  A005000785 

 Or le Saint Esprit habite en nous si nous sommes membres vivans de Jesus Christ, qui a rayson de cela disoit a ses Disciples: Qui demeure en moy et moy en luy, iceluy porte beaucoup de fruit; et c'est, [255] Theotime, parce que qui demeure en luy il participe a son divin Esprit, lequel est au milieu du cœur humain comme une vive source qui rejaillit et pousse ses eaux jusques en la vie eternelle.

  A005000786 

 Ainsy donq nos œuvres, comme un petit grain de moustarde, ne sont aucunement comparables en grandeur avec l'arbre de la gloire qu'elles produisent, mais elles ont pourtant la vigueur et vertu de l'operer, parce qu'elles procedent du Saint Esprit, qui, par une admirable infusion de sa grace en nos cœurs, rend nos œuvres siennes, les laissant nostres tout ensemble; d'autant que nous sommes membres d'un Chef duquel il est l'Esprit, et entés sur un arbre duquel il est la divine humeur.

  A005000786 

 Et parce qu'en cette sorte il agit en nos œuvres, et qu'en certaine façon nous operons ou cooperons en son action, il nous laisse pour nostre part tout le merite et proffit de nos services et bonnes œuvres, et nous luy en laissons aussi tout l'honneur et toute la louange, reconnoissans que le commencement, le progres et la fin de tout le bien que nous faysons depend de sa misericorde, par laquelle il est venu a nous et nous a prevenus, il est venu en nous et nous a assistés, il est [256] venu avec nous et nous a conduitz, achevant ce qu'il avoit commencé.

  A005000786 

 Mays, o Dieu, Theotime, que cette bonté est misericordieuse sur nous en ce partage! nous luy donnons la gloire de nos louanges, helas, et luy nous donne la gloire de sa jouissance, et en somme, par ces legers et passagers travaux nous acquerons des biens perdurables a toute eternité.

  A005000789 

 On dit que le cœur est la premiere partie de l'homme qui reçoit la vie par l'union de l'ame, et l'œil la derniere; comme au contraire, quand on meurt naturellement, l'œil commence le premier a mourir et le cœur le dernier.

  A005000789 

 Or, quand le cœur commence a vivre, avant que les autres parties soyent animees, sa vie, certes, est fort debile, tendre et imparfaite; mais a mesure qu'elle s'establit plus entierement dans le reste du cors, elle est aussi plus vigoureuse en chasque partie, et particulierement au cœur: et l'on void que la vie estant interessee en quelque membre, elle s'alangourit en tous les autres.

  A005000789 

 Si un homme est navré au pied ou au bras, tout le reste en est incommodé, esmeu, occupé et alteré; si nous avons mal a l'estomach, les yeux, la voix, tout le visage s'en ressent, tant il y a de convenance entre toutes les parties de l'homme pour la jouissance de la vie naturelle..

  A005000790 

 Encor bien, donques, qu'on puisse avoir quelques vertus separees des autres, si est-ce neanmoins que ce ne peut estre que des vertus languissantes, imparfaites et debiles: d'autant que la rayson, qui est la vie de nostre ame, n'est jamais satisfaite ni a son ayse dans une ame, qu'elle n'occupe et possede toutes les facultés et passions d'icelle; et lhors qu'elle est offencee et blessee en quelqu'une de nos passions ou affections, toutes les autres perdent leur force et vigueur, et s'alangourissent estrangement..

  A005000790 

 Et pour l'ordinaire, cette vie de nostre ame prend son commencement dans le cœur de nos passions, qui est l'amour, et s'estendant sur toutes les autres, elle vivifie en fin l'entendement mesme par la contemplation: comme, au contraire, la mort morale ou spirituelle fait sa premiere entree en l'ame par l'inconsideration ( la mort entre par les fenestres, dit le sacré Texte), et son dernier effect consiste a ruiner le bon amour, lequel perissant, toute la vie morale est morte en nous.

  A005000790 

 Toutes les vertus ne s'acquierent pas ensemblement en un instant, ains les unes apres les autres, a mesure que la rayson, qui est comme l'ame de nostre cœur, s'empare tantost d'une passion, tantost de l'autre, pour [257] la moderer et gouverner.

  A005000791 

 C'est donq un signe evident que ce cœur la n'est pas porté a la liberalité par le motif et la consideration de la rayson: dont il s'ensuit que cette liberalité qui semble estre vertu n'en a que l'apparence, puisqu'elle ne procede pas de la rayson, qui est le vray motif des vertus, ains de quelque autre motif estranger.

  A005000791 

 Il suffit bien vrayement a un enfant d'estre né dans le mariage pour porter parmi le monde le nom, les armes et les qualités du mari de sa mere; mais pour en porter le sang et la nature, il faut que non seulement il soit né dans le mariage, ains aussi du mariage: les actions ont le nom, les armes et marques des vertus, parce que naissant d'un cœur doué de rayson il est advis qu'elles soyent raysonnables; mais pourtant elles n'en ont ni la substance ni la vigueur si elles proviennent d'un motif estranger et adultere, et non de la rayson..

  A005000791 

 Qui ayme la liberalité et n'ayme pas la chasteté, il monstre bien qu'il n'ayme [258] pas la liberalité pour la beauté de la rayson; car cette beauté est encor plus grande en la chasteté, et ou la cause est plus forte, les effectz devroyent estre plus fortz.

  A005000792 

 Je vous prie, Theotime, quelle prudence peut avoir un homme intemperant, injuste et poltron, puisqu'il choisit le vice et laisse la vertu? Et comme peut-on estre juste sans estre prudent, fort et temperant, puisque la justice n'est autre chose qu'une perpetuelle, forte et constante volonté de rendre a un chacun ce qui luy appartient, et que la science par laquelle le droit s'administre est nommee jurisprudence, et que pour rendre a chacun ce qui luy appartient il nous faut vivre sagement et modestement, et empescher les desordres de l'intemperance en nous, affin de nous rendre ce qui nous appartient a nous mesmes? Et le [259] mot de vertu ne signifie-il pas une force et vigueur appartenante a l'ame en proprieté, ainsy que l'on dit les herbes et pierres pretieuses avoir telle et telle vertu ou proprieté? Mais la prudence est-elle pas imprudente en l'homme intemperant? La force sans prudence, justice et temperance n'est pas une force, mais une forcenerie; et la justice est injuste en l'homme poltron, qui ne l'ose pas rendre, en l'intemperant, qui se laisse emporter aux passions, et en l'imprudent, qui ne sçait pas discerner entre le droit et le tort.

  A005000792 

 La justice n'est pas justice, si elle n'est prudente, forte et temperante; ni la prudence n'est pas prudence, si elle n'est temperante, juste et forte; ni la force n'est pas force, si elle n'est juste, prudente et temperante; ni la temperance n'est pas temperance, si elle n'est prudente, forte et juste: et en somme, une vertu n'est pas vertu parfaite si elle n'est accompaignee de toutes les autres..

  A005000793 

 Il est bien vray, Theotime, qu'on ne peut pas exercer toutes les vertus ensemble, parce que les sujetz ne s'en presentent pas tout a coup; ains il y a des vertus que quelques uns des plus saintz n'ont jamais eu occasion de prattiquer: car saint Paul premier hermite, par exemple, quel sujet pouvoit il avoir d'exercer le pardon des injures, l'affabilité, la magnificence, la debonnaireté? Mais toutefois, telles ames ne laissent pas d'estre tellement affectionnees a l'honnesteté de la rayson, qu'encor qu'elles n'ayent pas toutes les vertus quant a l'effect, elles les ont toutes quant a l'affection, estant prestes et disposees de suivre et servir la rayson en toutes occurrences, sans exception ni reserve..

  A005000794 

 Ainsy semble-il a plusieurs d'avoir des vertus, qui n'ont toutefois que des bonnes inclinations; et parce que ces inclinations sont les unes sans les autres, il est advis que les vertus le soyent aussi..

  A005000794 

 Plusieurs pensent avoir les vertus quand ilz n'exercent pas les vices contraires: celuy qui ne fut onques assailli se peut voirement vanter de n'avoir pas esté fuyart, mais non pas d'avoir esté vaillant; celuy qui n'est pas affligé se peut louer de n'estre pas impatient, mais non pas d'estre patient.

  A005000794 

 [260] Ce n'est pas vertu de ne manger guere par nature, mais ouy bien de s'abstenir par election; ce n'est pas vertu d'estre taciturne par inclination, mais ouy bien de se taire par rayson.

  A005000795 

 Certes, le grand saint Augustin, en une epistre qu'il escrit a saint Hierosme, monstre que nous pouvons avoir quelque sorte de vertu sans avoir les autres, et que neanmoins nous n'en pouvons point avoir de parfaites sans les avoir toutes; mais que quant aux vices on peut avoir les uns sans avoir les autres, ains il est impossible de les avoir tous ensemble: de sorte qu'il ne s'ensuit pas que qui a perdu toutes les vertus ait par consequent tous les vices, puisque presque toutes les vertus ont deux vices opposés, non seulement contraires a la vertu, mais aussi contraires entre eux mesmes.

  A005000795 

 «Catilina,» dit saint Augustin, «estoit sobre, vigilant, patient a souffrir le froid, le chaud et la faim; c'est pourquoy il luy estoit advis, et a ses complices, qu'il fut grandement constant: mais cette force n'estoit pas prudente, puisqu'il choisissoit le mal en lieu du bien; elle n'estoit pas temperante, car il se relaschoit a des vilaines ordures; elle n'estoit pas juste, puisqu'il conjuroit contre sa patrie: elle n'estoit donq pas une constance, mais une opiniastreté, laquelle pour tromper les sotz portoit le nom de constance.» [261].

  A005000799 

 Or l'homme est en un lieu de delices, ou Dieu fait sourdre le fleuve de la rayson et lumiere naturelle pour arrouser tout le paradis de nostre cœur; et ce fleuve se divise en quatre chefs, c'est a dire prend quatre courans, selon les quatre regions de l'ame.

  A005000799 

 sur l'entendement qu'on appelle prattique, c'est a dire qui discerne des actions qu'il convient faire ou fuir, la lumiere naturelle respand la prudence, qui incline nostre esprit a sagement juger du mal que nous devons eviter et chasser, et du bien que nous devons faire et pourchasser; 2.

  A005000799 

 sur nostre volonté elle fait jaillir la justice, qui n'est autre chose qu'un perpetuel et ferme vouloir de rendre a chacun ce qui luy est deu; 3.

  A005000803 

 Ainsy saint Thomas, en consideration de ce que saint Paul asseure que la charité est patiente, benigne, forte: «La charité,» dit il, fait et «accomplit les œuvres de toutes les vertus;» et saint Ambroise, escrivant a Demetrias, appelle la patience et les autres vertus, «membres de la charité;» et le grand saint Augustin dit que l'amour de Dieu comprend toutes les vertus et fait toutes leurs operations en nous.

  A005000803 

 Certes, le grand Apostre ne dit pas seulement que la charité nous donne la patience, benignité, constance, simplicité; mais il dit qu'elle mesme elle est patiente, benigne, constante: et c'est le propre des supremes vertus, entre les Anges et les hommes, de pouvoir non seulement ordonner aux inferieures qu'elles operent, mais aussi de pouvoir elles mesmes faire ce qu'elles commandent aux autres.

  A005000803 

 Voyci ses paroles: «Ce qu'on dit que la vertu est divisee en quatre» (il entend les quatre vertus cardinales), «on le dit, ce me semble, a rayson des diverses affections qui proviennent de l'amour: de maniere que je ne ferois nul doute de definir ces quatre vertus en sorte que la temperance soit l'amour qui se donne tout entier a Dieu; la force, un amour qui supporte volontier toutes choses pour Dieu; la justice, un amour servant a Dieu seul, et pour cela commandant droittement a tout ce qui est sujet a l'homme; la prudence, un amour qui choisit ce qui luy est profitable pour s'unir avec Dieu, et rejette ce qui est nuisible.».

  A005000804 

 Celuy donq qui a la charité, a son esprit revestu d'une belle robbe nuptiale, laquelle, comme celle de Joseph, est parsemee de toute la varieté des vertus; ou plustost, il a une perfection qui contient la vertu de toutes les perfections ou la perfection de toutes les vertus.

  A005000804 

 Et par ainsy, la charité est patiente, benigne; elle n'est point envieuse, mais bonteuse; elle ne fait point de legeretés, ains elle est prudente; elle ne s'enfle point d'orgueil, ains est humble; elle n'est point ambitieuse ou desdaigneuse, ains amiable et affable; elle n'est point pointilleuse a vouloir ce qui luy appartient, [265] ains franche et condescendante; elle ne s'irrite point, ains est paisible; elle ne pense aucun mal, ains est debonnaire; elle ne se res-jouit point sur le mal, ains se res-jouit avec la verité et en la verité; elle souffre tout, elle croid aysement tout ce qu'on luy dit de bien, sans aucune opiniastreté, contention ni desfiance; elle espere tout bien du prochain, sans jamais perdre courage de luy procurer son salut; elle soustient tout, attendant sans inquietude ce qui luy est promis.

  A005000804 

 Et pour conclusion, la charité est le fin or, et enflammé, que Nostre Seigneur conseilloit a l'Evesque de Laodicee d'achetter, lequel contient le prix de toutes choses, qui peut tout, qui fait tout..

  A005000808 

 Ce que repetant le Disciple [266] bienaymé: Qui observe les commandemens de Dieu, dit-il, la charité de Dieu est parfaite en iceluy; et: Celle cy est la charité de Dieu, que nous gardions ses commandemens.

  A005000808 

 La charité est donques le lien de perfection, puisqu'en elle et par elle sont contenues et assemblees toutes les perfections de l'ame, et que sans elle non seulement on ne sçauroit avoir l'assemblage entier des vertus, mais on ne peut mesme sans elle avoir la perfection d'aucune vertu.

  A005000808 

 Nostre Seigneur lie tous-jours l'accomplissement des commandemens a la charité: Qui a mes commandemens, dit-il, et les observe, c'est celuy qui m'ayme; Celuy qui ne m'ayme pas ne garde pas mes commandemens; Si quelqu'un m'ayme, il gardera mes paroles.

  A005000810 

 Toutes les vertus separees de la charité sont fort imparfaites, puisqu'elles ne peuvent sans icelle parvenir a leur fin, qui est de rendre l'homme heureux.

  A005000811 

 La charité est entre les vertus comme le soleil entre les estoiles: elle leur distribue a toutes leur clarté et beauté.

  A005000811 

 La foy, l'esperance, la crainte et penitence viennent ordinairement devant elle en l'ame pour luy preparer le logis; et comme elle est arrivee, elles luy obeissent et la servent comme tout le reste des vertus, et elle les anime, les orne et vivifie toutes par sa presence..

  A005000812 

 Car, comme Aristote dit, que celuy qui desrobboit pour pouvoir commettre la fornication estoit plus fornicateur que larron, d'autant que son affection tendoit toute a la fornication, et ne se servoit du larcin que comme d'un passage pour y parvenir; ainsy, qui observe la chasteté pour obeir, il est plus obeissant que chaste, puisqu'il employe la chasteté au service de l'obeissance.

  A005000812 

 Mais pourtant, du meslange de l'obeissance avec la chasteté ne peut reuscir une vertu accomplie et parfaite, puisque la derniere perfection, qui est l'amour, leur manque a toutes deux: de sorte que, si mesmes il se pouvoit faire que toutes les vertus se treuvassent ensemble en un homme et que la seule charité luy manquast, cet assemblage de vertus seroit voirement un cors tres parfaitement accompli de toutes ses parties, tel que fut celuy d'Adam quand Dieu de sa main maistresse le forma du limon de la terre, mais cors neanmoins qui seroit sans mouvement, sans vie et sans grace, [268] jusques a ce que Dieu inspirast en iceluy le spiracle de vie c'est a dire la sacree charité, sans laquelle rien ne nous profite..

  A005000813 

 Au demeurant, la perfection de l'amour divin est si souveraine qu'elle perfectionne toutes les vertus et ne peut estre perfectionnee par icelles, non pas mesme par l'obeissance, qui est celle laquelle peut le plus respandre de perfection sur les autres; car, encor bien que l'amour soit commandé et qu'en aymant nous prattiquions l'obeissance, si est ce neanmoins que l'amour ne tire pas sa perfection de l'obeissance, ains de la bonté de celuy qu'il ayme, d'autant que l'amour n'est pas excellent parce qu'il est obeissant, mais parce qu'il ayme un bien excellent.

  A005000813 

 Certes, en aymant nous obeissons comme en obeissant nous aymons; mais si cette obeissance est si excellemment aymable, c'est parce qu'elle tend a l'excellence de l'amour, et sa perfection depend non de ce qu'en aymant nous obeissons, mais de ce qu'en obeissant nous aymons: de sorte que tout ainsy que Dieu est egalement la derniere fin de tout ce qui est bon comme il en est la premiere source, de mesme l'amour, qui est l'origine de toute bonne affection, en est pareillement la derniere fin et perfection..

  A005000817 

 Ces anciens sages du monde firent jadis des magnifiques discours a l'honneur des vertus morales, ouy mesme en faveur de la religion; mais ce que Plutarque a observé es Stoïciens est encor plus a propos pour tout le reste des payens.

  A005000818 

 «O quelle vie bien heureuse,» dit saint Augustin, «pour laquelle eviter on a mesme recours a la mort! Si elle est bien heureuse, que n'y demeures-vous?».

  A005000819 

 La cruauté qui se prattique sans esmotion et de sang froid est la plus cruelle de toutes, et c'en est de mesme du desespoir; car celuy qui est le plus lent, le plus deliberé, le plus resolu, est aussi le moins excusable et le plus desesperé..

  A005000820 

 Si Lucrece ne fut pas chaste, pourquoy loue-on donq la chasteté de Lucrece? si Lucrece fut chaste et innocente en cet accident la, Lucrece ne fut elle pas meschante de tuer l'innocente Lucrece? «Si elle fut adultere, pourquoy est elle tant loüee? si elle fut pudique, pourquoy fut elle tuee?» Mais elle craignoit l'opprobre et la honte de ceux qui eussent peu croire que la deshonnesteté «qu'elle avoit soufferte violemment, tandis qu'elle estoit en vie, eust aussi esté soufferte volontairement si, apres icelle, elle fust demeuree en vie; elle eut peur qu'on l'estimast complice du peché, si ce qui avoit esté fait en elle vilainement estoit supporté par elle patiemment.» Et donq, faut-il, pour fuir la honte et l'opprobre qui depend de l'opinion des hommes, accabler l'innocent et tuer le juste? faut il maintenir l'honneur aux despens de la vertu, et la reputation au peril de l'equité? Telles furent les vertus des plus vertueux payens, envers Dieu et envers eux mesmes..

  A005000821 

 Ah, quelle horreur qu'un si grand philosophe conseille l'avortement! «C'est devancer l'homicide,» dit Tertulien, «d'empescher un homme conceu de naistre;» et saint Ambroise reprenant les payens de cette mesme barbarie: «On oste,» dit il, «en cette sorte la vie aux enfans avant qu'on la leur ayt donnee.».

  A005000821 

 Et pour les vertus qui regardent le prochain, ilz foulerent aux pieds, et fort effrontement, par leurs lois mesmes, la principale, qui est la pieté; car Aristote, le plus grand cerveau d'entr'eux, prononce cette horrible [271] et tres impiteuse sentence: «Touchant l'exposition,» c'est a dire l'abandonnement «des enfans, ou leur education, la loy soit telle: qu'il ne faut rien nourrir de ce qui est privé de quelque membre; et quant aux autres enfans, si les lois et coustumes de la cité defendent qu'on n'abandonne pas les enfans, et que le nombre des enfans se multiplie a quelqu'un en sorte qu'il en ayt des-ja au double de la portee de ses facultés, il fa.ut prevenir et procurer l'avortement» Seneque, ce sage tant loüé: «Nous tuons,» dit il, «les monstres; et nos enfans, s'ilz sont manques, debiles, imparfaitz ou monstrueux, nous les rejettons et abandonnons.» De sorte que ce n'est pas sans cause que Tertulien reproche aux Romains qu'ilz exposoyent leurs enfans aux ondes, au froid, a la faim et aux chiens; et cela non par force de pauvreté, car, comme il dit, les presidens mesmes et magistratz prattiquoyent cette desnaturee cruauté.

  A005000822 

 Or la vertu n'est pas vraye vertu si elle n'a la vraye intention.

  A005000822 

 «Je foule,» respondit il, «le fast de Platon.» Il est vray, repliqua Platon, «tu le foules, mais par un autre fast.» Si Seneque fut vain, on le peut recueillir de ses derniers propos; car la fin couronne l'œuvre, et la derniere heure les juge toutes.

  A005000824 

 Les escarboucles et rubis sont appellés par les Grecs de deux noms contraires; car ilz les nomment piropes et apirotes, c'est a dire, de feu et sans feu, ou bien, enflammés et sans flamme.

  A005000825 

 Parce neanmoins qu'elles ont quelque chose de bon, elles peuvent estre comparees aux pommes vereuses, car elles ont la couleur, et ce peu de substance qui leur reste, aussi bonne que les vertus entieres; mais le ver de la vanité est au milieu, qui les gaste: c'est pourquoy, qui en veut user doit separer le bon d'avec le [274] mauvais.

  A005000829 

 Le grand ami de Dieu, Abraham, n'eut de Sara, sa femme principale, que son trescher unique Isaac, qui seul aussi fut son heritier universel; et bien qu'il eust encor Ismael d'Agar, et plusieurs autres enfans de [275] Cetura, ses femmes servantes et moins principales, si est ce toutefois qu'il ne leur donna sinon quelques presens et legatz pour les des-jetter et exhereder, d'autant que n'estans pas advoüés de la femme principale ilz ne pouvoyent pas aussi luy succeder.

  A005000829 

 Theotime, il n'y a que les enfans, c'est a dire les actes, de la tressainte charité qui soyent heritiers de Dieu, coheritiers de Jesus Christ, et les enfans ou actes que les autres vertus conçoivent et enfantent sur ses genoux, par son commandement, ou au moins sous les aisles et la faveur de sa presence.

  A005000830 

 Or il y a de plus: quand en la production des actions des vertus morales la volonté se rend desobeissante a sa dame, qui est la charité, comme quand par l'orgueil, la vanité, l'interest temporel, ou par quelqu'autre mauvais motif les vertus sont destournees de leur propre nature, certes alhors ces actions sont chassees et bannies de la mayson d'Abraham et de la societé de Sara, c'est a dire, elles sont privees du fruit [276] et des privileges de la charité, et par consequent demeurent sans valeur ni merite: car ces actions la, ainsy infectees d'une mauvaise intention, sont en effect plus vicieuses que vertueuses, puisqu'elles n'ont de la vertu que le cors exterieur, l'interieur appartenant au vice qui leur sert de motif; tesmoin les jeusnes, offrandes et autres actions du Pharisien..

  A005000831 

 Et ce sont ces œuvres que les theologiens appellent mortifiees, parce qu'estant nees en vie, sous la faveur de la dilection, et comme un Ismael en la famille d'Abraham, elles perdent par apres la vie et le droit d'heriter, par la desobeissance [277] et rebellion suivante, de la volonté humaine qui est leur mere..

  A005000831 

 Mays en fin, outre tout cela, comme les Israëlites vescurent paisiblement en Ægipte durant la vie de Joseph et de Levi, et soudain apres la mort de Levi furent tiranniquement reduitz en servitude, d'ou provint le proverbe des Juifz: «L'un des freres trespassé, les autres sont oppressés» (selon qu'il est rapporté en la Grande Chronologie des Hebrieux, publiee par le sçavant Archevesque d'Aix, Gilbert Genebrard, que je nomme par honneur et avec consolation pour avoir esté son disciple, quoy qu'inutilement, lors qu'il estoit lecteur royal a Paris et qu'il exposoit le Cantique des Cantiques), de mesme les merites et fruitz des vertus, tant morales que chrestiennes, subsistent tres doucement et tranquillement en l'ame tandis que la sacree dilection y vit et regne, mais a mesme que la dilection divine y meurt, tous les merites et fruitz des autres vertus meurent quant et quant.

  A005000832 

 O Dieu, Theotime, quel malheur! Si le juste se destourne de sa justice et qu'il face l'iniquité, on n'aura plus memoire de toutes ses justices, il mourra en son peché, dit Nostre Seigneur en Ezechiel: de sorte que le peché mortel ruine tout le merite des vertus; car, quant a celles qu'on prattique tandis qu'il regne en l'ame, elles naissent tellement mortes qu'elles sont a jamais inutiles pour la pretention de la vie eternelle; et quant a celles que l'on a prattiquees avant qu'il fust commis, c'est a dire tandis que la dilection sacree vivoit en l'ame, leur valeur et merite perit et meurt soudain a son arrivee, ne pouvans conserver leur vie apres la mort de la charité qui la leur avoit donnee..

  A005000833 

 Elles perissent sur leurs arbres, et ne peuvent estre conservees en la main de Dieu, parce qu'elles sont vuides de vraye valeur; comme il est dit en l'Apocalipse a l'Evesque de Sardes, lequel estoit estimé un arbre vivant, a cause de plusieurs vertus qu'il prattiquoit, et neanmoins il estoit mort, parce qu'estant en peché, ses vertus n'estoyent pas des vrays fruitz vivans, mays des escorces mortes, et des amusemens pour les yeux, non des pommes savoureuses, utiles a manger..

  A005000833 

 Le peché donq, comme une mer Morte et mortelle, tue tout ce qui l'aborde: rien n'est vivant de [278] tout ce qui naist en l'ame qu'il occupe, ni de tout ce qui croist autour de luy.

  A005000833 

 O Dieu, nullement, Theotime: car non seulement le peché est une œuvre morte, mays elle est tellement pestilente et veneneuse, que les plus excellentes vertus de l'ame pecheresse ne produisent aucune action vivante; et quoy que quelquefois les actions des pecheurs ayent une grande ressemblance avec les actions des justes, ce ne sont toutefois qu'escorces pleines de vent et de poussiere, regardees voirement et mesme recompensees par la Bonté divine de quelques presens temporelz, qui leur sont donnés comme aux enfans des chambrieres, mais escorces pourtant qui ne sont ni ne peuvent estre savourees ni goustees par la divine justice, pour estre salariees de loyer eternel.

  A005000838 

 Les œuvres donques que le pecheur fait tandis qu'il est privé du saint amour, ne profitent jamais pour la vie eternelle, et pour cela sont appellees œuvres mortes; mais les bonnes œuvres du juste sont au contraire nommees vives, d'autant que le divin amour les anime et vivifie de sa dignité.

  A005000839 

 Certes, le tressaint Concile de Trente veut que l'on anime les penitens retournés en la sacree dilection de Dieu eternel, par ces paroles de l'Apostre: Abondés en tout bon œuvre, sachans que vostre travail n'est point inutile en Nostre Seigneur; car Dieu n'est pas injuste pour oublier vostre œuvre et la dilection que vous aves monstree en son nom.

  A005000839 

 Or Dieu oublie les œuvres [281] quand elles perdent leur merite et leur sainteté par le peché survenant, et il s'en resouvient quand elles retournent en vie et valeur par la presence du saint amour: de sorte mesme que, affin que les fideles soyent recompensés de leurs bonnes œuvres, tant par l'accroissement de la grace et de la gloire future que par l'effectuelle jouissance de la vie eternelle, il n'est pas necessaire que l'on ne retombe point au peché, ains suffit, selon le sacré Concile, que l'on «trespasse en la grace» et charité de Dieu..

  A005000839 

 Telle est la toute puissance du celeste amour, ou l'amour de la celeste toute puissance: Si l'impie se destourne de son impieté et qu'il fasse jugement et justice, il vivifiera son ame; Convertisses vous et faites penitence de vos iniquités, et l'iniquité ne vous sera point a ruine, dit le Seigneur tout puissant; et qu'est-ce a dire, l'iniquité ne vous sera point a ruine, sinon que les ruines qu'elle avoit faites seront reparees? Ainsy, outre mille caresses que l'enfant prodigue receut de son pere, il fut restabli avec avantage en tous ses ornemens et en toutes les graces, faveurs et dignités qu'il avoit perdues; et Job, image innocente du pecheur penitent, reçoit en fin au double de tout ce qu'il avoit eu.

  A005000840 

 Que si neanmoins, par apres, ce pauvre homme tombé en peché se releve et retourne en l'amour divin par penitence, Dieu ne se resouviendra plus de son peché; et s'il ne se resouvient plus du peché, il se resouviendra donques des bonnes œuvres precedentes et de la recompense qu'il leur avoit promise, puisque le peché, qui seul les avoit ostees de la memoire divine, est totalement effacé, aboli, aneanti: si que alhors la justice de Dieu oblige sa misericorde, ou plustost la misericorde de Dieu oblige sa justice, de regarder derechef les bonnes œuvres passees, comme si jamais il ne les avoit oubliees; autrement le sacré penitent n'eust pas osé dire a son Maistre: Rendes moy l'allegresse de vostre salutaire, et me confirmes de vostre esprit principal. Car, comme vous voyes, non seulement il requiert une nouveauté d'esprit et de cœur, mais il pretend qu'on luy rende l'allegresse que le peché luy avoit ravie: or cette allegresse n'est autre chose que le vin du celeste amour, qui res-jouit le cœur de l'homme..

  A005000841 

 Ainsy tous-jours, es guerisons corporelles que Nostre Seigneur donnoit par miracle, non seulement il rendoit la santé, mais il adjoustoit des benedictions nouvelles, faysant exceller la guerison au dessus de la maladie; tant il est bonteux envers les hommes..

  A005000841 

 Et cet oubli des bonnes œuvres des justes, apres qu'ilz ont quitté leur justice et dilection, consiste en ce qu'elles nous sont rendues inutiles tandis que le peché nous rend incapables de la vie eternelle, qui est leur fruit; et partant, si tost que par le retour de la charité nous sommes remis au rang des enfans de Dieu, et par consequent rendus susceptibles de la gloire immortelle, Dieu se resouvient de nos bonnes œuvres anciennes, et elles nous sont derechef rendues fructueuses.

  A005000841 

 Il n'est pas du peché, en cet endroit, comme des [282] œuvres de charité: car les œuvres du juste ne sont pas effacees, abolies ou aneanties par le peché survenant, ains elles sont seulement oubliees, mais le peché du meschant n'est pas seulement oublié, ains il est effacé, nettoyé, aboli, aneanti par la sainte penitence; c'est pourquoy le peché survenant au juste, ne fait pas revivre les pechés autrefois pardonnés, d'autant qu'ilz ont esté tout a fait aneantis, mais l'amour revenant en l'ame du penitent, fait bien revivre les saintes œuvres d'autrefois, parce qu'elles n'estoyent pas abolies, ains seulement oubliees.

  A005000841 

 Il n'est pas raysonnable que le peché ayt autant de force contre la charité comme la charité en a contre le peché, car le peché procede de nostre foiblesse, et la charité de la puissance divine: si le peché abonde en malice pour ruiner, la grace surabonde pour reparer; et la misericorde de Dieu, par laquelle il efface le peché, s'exalte tous-jours et se rend glorieusement triomphante contre la rigueur du jugement, par lequel Dieu avoit oublié les bonnes œuvres qui precedoyent le peché.

  A005000842 

 Quand l'homme juste est rendu esclave du peché, toutes les bonnes œuvres qu'il avoit faites sont miserablement oubliees et reduites en boue; mais au sortir de la captivité, lhors que par la penitence il retourne en la grace de la dilection divine, ses bonnes œuvres precedentes sont tirees du puitz de l'oubli, et, touchees des rayons de la misericorde celeste, elles revivent et se convertissent en flammes aussi claires que jamais elles furent, pour estre remises sur l'autel sacré de la divine approbation, et avoir leur premiere dignité, leur premier prix et leur premiere valeur.

  A005000842 

 Que les iniquités et œuvres malignes puissent revivre apres que par la penitence elles ont esté noyees et abolies, certes, mon Theotime, jamais l'Escriture ni aucun theologien ne l'a dit, que je sache; ains le contraire est authorisé par la sacree Parole et par le commun consentement de tous les docteurs.

  A005000846 

 Les bestes ne pouvant connoistre la fin de leurs actions, tendent voirement a leur fin, mais n'y pretendent pas, car pretendre c'est tendre a une chose par dessein avant que d'y tendre par effect; elles jettent leurs actions a leur fin, mais elles ne projettent point, ains suivent leurs instinctz sans election ni intention.

  A005000846 

 Mais l'homme est tellement maistre de ses actions humaines et raysonnables qu'il les fait toutes pour quelque fin, et les peut destiner a une ou plusieurs fins particulieres, ainsy que bon luy semble: car il peut changer la fin naturelle d'une action, comme quand il jure pour tromper, puisqu'au contraire la fin du serment est d'empescher la tromperie; et peut adjouster a la fin naturelle d'une action quelqu'autre sorte de fin, comme quand, outre l'intention de secourir le pauvre a laquelle l'aumosne tend, il adjouste l'intention d'obliger l'indigent a la pareille..

  A005000847 

 Or, nous adjoustons quelquefois une fin de moindre perfection que n'est celle de nostre action, quelquefois aussi nous adjoustons une fin d'egale ou semblable perfection, et parfois encor une fin plus eminente et relevee.

  A005000847 

 de plaire a Dieu? qui sont trois diverses fins, dont la premiere est moindre, la seconde n'est pas presque plus excellente, et la troisiesme est beaucoup plus eminente [285] que la fin ordinaire de l'aumosne: si que nous pouvons, comme vous voyes, donner diverses perfections a nos actions, selon la varieté des motifs, fins et intentions que nous prenons en les faysant..

  A005000848 

 Or, si je veux, je puis assembler toutes ces intentions et jeusner pour tout cela, mais en ce cas il faut tenir bonne police a ranger ces motifs: car si je jeusnois principalement pour espargner, plus que pour obeir a l'Eglise, plus pour bien estudier que pour plaire a Dieu, qui ne void que je pervertis le droit et l'ordre, preferant mon interest a l'obeissance de l'Eglise et au contentement de mon Dieu? Jeusner pour espargner est [286] bon; jeusner pour obeir a l'Eglise est meilleur; jeusner pour plaire a Dieu est tres bon: mais encores qu'il semble que de trois biens on ne puisse pas composer un mal, si est-ce que qui les colloqueroit en desordre, preferant le moindre au meilleur, il feroit sans doute un desreglement blasmable..

  A005000848 

 Tenes, voyla cet homme qui entre en charge pour servir le public et pour acquerir de l'honneur: s'il a plus de pretention de s'honnorer que de servir la chose publique, ou qu'il soit egalement desireux de l'un et de l'autre, il a tort et ne laisse pas d'estre ambitieux, car il renverse l'ordre de la rayson, egalant ou preferant son interest au bien public; mais si, pretendant pour sa fin principale de servir le public, il est bien ayse aussi parmi cela d'accroistre l'honneur de sa famille, certes, on ne le sçauroit blasmer, parce que non seulement ses deux pretentions sont honnestes, mais elles sont bien rangees.

  A005000849 

 Ainsy, faire une action pour un seul motif raysonnable, pour petit qu'il soit, la rayson n'en est point offencee: mais qui veut avoir plusieurs motifs, il les doit ranger selon leurs qualités; autrement il commet peché, car le desordre est un peché, comme le peché est un desordre.

  A005000850 

 Ilz suivent et prattiquent les vertus, non entant qu'elles sont belles et aymables, mais entant qu'elles sont aggreables a Dieu; ilz ayment leur felicité, non entant qu'elle est a eux, mais entant qu'elle plait a Dieu: ouy mesme ilz ayment l'amour duquel ilz ayment Dieu, non parce qu'il [287] est en eux, mais parce qu'il tend a Dieu; non parce qu'il leur est doux, mais parce qu'il plait à Dièu; non parce qu'ilz l'ont et le possedent, mais parce que Dieu le leur donne et qu'il y prend son bon playsir..

  A005000850 

 Or le souverain motif de nos actions, qui est celuy du celeste amour, a cette souveraine proprieté, qu'estant plus pur il rend l'action qui en provient plus pure: si que les Anges et Saintz de Paradis n'ayment chose aucune pour autre fin quelcomque que pour celle de l'amour de la divine Bonté et par le motif de luy vouloir plaire; ilz s'entr'ayment voirement tous tres ardemment, ilz nous ayment aussi, ilz ayment les vertus, mais tout cela pour plaire a Dieu seulement.

  A005000854 

 Par exemple, si je veux m'exposer vaillamment aux hazards de la guerre, je le puis considerant divers motifs: car le motif naturel de cette action c'est celuy de la force et vaillance, a laquelle il appartient de faire entreprendre par rayson les choses perilleuses; mais, outre celuy cy, j'en puis avoir plusieurs autres, comme celuy d'obeir au prince que je sers, celuy de l'amour envers le public, celuy de la magnanimité, qui me fait plaire en la grandeur de cette action.

  A005000854 

 Purifions donq, Theotime, tant que nous pourrons, toutes nos intentions: et puisque nous pouvons respandre sur toutes les actions des vertus le motif sacré du divin amour, pourquoy ne le ferons nous pas? rejettans es occurrences toutes sortes de motifs vicieux, comme la vayne gloire et l'interest propre, et considerans tous les bons motifs que nous pouvons avoir d'entreprendre l'action qui se presente alhors, affin de choisir celuy du saint amour, qui est le plus excellent de tous, pour en arrouser et detremper tous les autres.

  A005000855 

 Qui desrobbe pour ivroigner, il est plus ivroigne que larron, selon Aristote; et celuy donques qui exerce la vaillance, l'obeissance, l'affection envers sa patrie, la magnanimité, pour plaire a Dieu, il est plus amoureux divin que vaillant, obeissant, bon citoyen et magnanime, parce que toute sa volonté, en cet exercice, aboutit et vient fondre dans l'amour de Dieu, n'employant tous les autres motifs que pour parvenir a cette fin.

  A005000856 

 Que si quelquefois nous sommes touchés de quelque motif particulier, comme, par exemple, s'il nous advenoit d'aymer la chasteté a cause de sa belle et tant aggreable pureté, soudain sur ce motif il faut respandre celuy du divin amour, en cette sorte: O tres honneste et delicieuse blancheur de la chasteté, que vous estes aymable, puisque vous estes tant aymee par la divine Bonté! Puis, se retournant vers le Createur: Hé, Seigneur, je vous requiers une seule chose, c'est celle que je recherche en la chasteté, de voir et prattiquer en icelle vostre bon playsir et les delices que vous y prenes.

  A005000857 

 En cette sorte faut il animer toutes nos actions de ce bon playsir celeste, aymant principalement l'honnesteté et beauté des vertus parce qu'elle est aggreable a Dieu: car, mon cher Theotime, il se treuve des hommes qui ayment esperdument la beauté de quelques vertus, non seulement sans aymer la charité, mais avec mespris de la charité.

  A005000858 

 L'amour, Theotime, est l'estendart en l'armee des vertus, elles se doivent toutes ranger a luy; c'est le seul drapeau sous lequel Nostre Seigneur les fait combattre, luy qui est le vray general de l'armee.

  A005000862 

 Telles sont les qualités par lesquelles l'esprit est rendu doux, obeissant et pliable aux loix de la rayson naturelle qui est en nous..

  A005000862 

 de la justice, pour rendre a Dieu, au prochain et a soy mesme ce qu'il est obligé; 3.

  A005000863 

 l'entendement n'est autre chose que l'amour attentif a considerer et penetrer la beauté des verités de la foy, pour y connoistre Dieu en luy mesme, et puis, de la, en descendant, le considerer es creatures; 3.

  A005000863 

 la force est l'amour qui encourage et anime le cœur pour executer ce que le conseil a determiné devoir estre fait; 6.

  A005000863 

 la pieté est l'amour qui adoucit le travail et nous fait cordialement, aggreablement et d'une affection filiale employer aux œuvres qui plaisent a Dieu nostre Pere; et 7.

  A005000863 

 la sapience n'est autre chose en effect que l'amour qui savoure, gouste et experimente combien Dieu est doux et suave; 2.

  A005000863 

 la science, au contraire, n'est autre chose que le mesme amour qui nous tient attentifs a nous connoistre nous mesmes et les creatures, pour nous faire remonter a une plus parfaite connoissance du service que nous devons a Dieu; 4.

  A005000863 

 le conseil est aussi l'amour entant qu'il nous rend soigneux, attentifs et habiles pour bien choisir les moyens propres a servir Dieu saintement; 5.

  A005000863 

 pour conclusion, la crainte n'est autre chose que l'amour entant qu'il nous fait fuir et eviter ce qui est desaggreable a la divine Majesté..

  A005000866 

 Et je metz ainsy cette double crainte es deux derniers degrés, pour accorder toutes les traductions avec la sainte et sacree edition ordinaire; car si en l'Hebrieu le mot de crainte est repeté par deux fois, ce n'est pas sans mystere, ains pour monstrer qu'il y a un don de crainte filiale, qui n'est autre chose que le don de pieté, et un don de la crainte servile, qui est le commencement de tout nostre acheminement a la souveraine sagesse..

  A005000870 

 Ah, Jonathas, mon frere, disoit David, tu estois aymable sur l'amour des femmes! et c'est comme s'il eut dit: tu meritois un plus grand amour que celuy des femmes envers leurs maris.

  A005000870 

 C'est cette admirable amante qui voudroit ne point aymer les goustz, les delices, les vertus et les consolations spirituelles, de peur d'estre divertie, pour peu que ce soit, de l'unique amour qu'elle porte a son Bienaymé, protestant que c'est luy mesme et non ses biens qu'elle recherche, et criant a cette intention: Hé, monstres moy, mon Bienaymé, ou vous paisses et reposes au midy, affin que je ne me divertisse point apres les playsirs qui sont hors de vous..

  A005000870 

 Il est non seulement chaste, mais pudique; il est fort, mais gracieux; il est violent, mais tendre; il est ardent, mais respectueux; genereux, mais craintif; hardi, mais obeissant: et sa crainte est toute meslee d'une delicieuse confiance.

  A005000870 

 Imagines vous, Theotime, une espouse de cœur colombin, qui ayt la perfection de l'amour nuptial: son amour est incomparable, non seulement en excellence, mais aussi en une grande varieté de belles affections et qualités qui l'accompaignent.

  A005000870 

 Telle, certes, est la crainte de l'ame qui a [294] l'excellente dilection: car elle s'asseure tant de la souveraine bonté de son Espoux, qu'elle ne craint pas de le perdre, mais elle craint bien toutefois de ne jouir pas asses de sa divine presence et que quelqu'occasion ne le fasse absenter pour un seul moment; elle a bien confiance de ne luy desplaire jamais, mais elle craint de ne luy plaire pas autant que l'amour le requiert; son amour est trop courageux pour entrer voire mesme au seul soupçon d'estre jamais en sa disgrace, mais il est aussi si attentif qu'elle craint de ne luy estre pas asses unie: ouy mesme, l'ame arrive quelquefois a tant de perfection qu'elle ne craint plus de n'estre pas asses unie a luy, son amour l'asseurant qu'elle le sera tous-jours, mais elle craint que cette union ne soit pas si pure, simple et attentive comme son amour luy fait pretendre.

  A005000871 

 De cette sacree crainte des divines espouses, furent touchees ces grandes ames de saint Paul, saint François, sainte Catherine de Gennes et autres, qui ne vouloyent aucun meslange en leurs amours, ains taschoyent de le rendre si pur, si simple, si parfait, que ni les consolations ni les vertus mesmes ne tinssent aucune place entre leur cœur et Dieu; en sorte qu'elles pouvoyent dire: Je vis, mais non plus moy mesme, ains Jesus Christ vit en moy; «Mon Dieu m'est toutes choses;» Ce qui n'est point Dieu ne m'est rien; Jesus Christ est ma vie; «Mon amour est crucifié;» et telles autres paroles d'un sentiment extatique..

  A005000872 

 Ainsy la divine Bonté, voulant coucher en l'ame humaine une grande diversité de vertus et les rehausser en fin de son amour sacré, il se sert de l'eguille de la crainte servile et mercenaire, de laquelle, pour l'ordinaire, nos cœurs sont premierement piqués; mais pourtant elle n'y est pas laissee, ains, a mesure que les vertus sont tirees et couchees en l'ame, la crainte servile et mercenaire en sort, selon le dire du bienaymé Disciple, que la charité parfaite pousse la crainte dehors.

  A005000872 

 Cet ouvrage se fait a l'eguille, qu'elle passe par tout ou elle veut coucher la soye, l'or et l'argent; mais neanmoins l'eguille n'est point mise dans le satin pour y estre laissee, ains seulement pour y introduire la soye, l'or et l'argent, et leur faire passage: de façon qu'a mesure que ces choses entrent dans le fonds, l'eguille en est tiree et en sort.

  A005000872 

 Ouy de vray, Theotime, car les craintes d'estre damné et perdre le Paradis sont effroyables et angoisseuses; et comme sçauroyent elles demeurer avec la sacree dilection, qui est toute douce, toute suave? [296].

  A005000876 

 Toutefois, encor que la dame dont nous avons parlé ne veuille pas laisser l'eguille en l'ouvrage quand il sera fait, si est ce que, tandis qu'elle y a quelque chose a faire, si elle est contrainte de se divertir pour quelqu'autre occurrence, elle laissera l'eguille piquee dans l'œillet, la rose ou la pensee qu'elle brode, pour la treuver plus a propos quand elle retournera pour ouvrer.

  A005000883 

 Dieu envoye souvent [à l'âme] la crainte servile, comme un autre Eliezer (Eliezer aussi veut dire ayde de Dieu), pour traitter le mariage entre elle et l'amour sacré; que si l'ame vient sous la conduite de la crainte, ce n'est pas qu'elle la veuille espouser, car en effect, si tost que l'ame rencontre l'amour, elle s'unit a luy et quitte la crainte..

  A005000884 

 Car l'ame, quoy que juste, se void maintefois attaquee par des tentations extremes, et l'amour, tout courageux qu'il est, a fort a faire a se bien maintenir, a rayson de la condition de la place en laquelle il se treuve, qui est le cœur humain, variable et sujet a la mutinerie des passions; alhors donq, Theotime, l'amour employe la crainte au combat, et s'en sert pour repousser l'ennemy.

  A005000885 

 Et comme celuy qui donne une grenade la donne voirement pour les grains et le suc qu'elle a au dedans, mais ne laisse pas pourtant de donner aussi l'escorce, comme une dependance d'icelle, de mesme, bien que le Saint Esprit, entre ses dons sacrés, confere celuy de la crainte amoureuse aux ames des siens, affin qu'elles craignent Dieu en pieté, comme leur Pere et leur Espoux, si est-ce, toutefois, qu'il ne laisse pas de leur donner encor la crainte servile et mercenaire, comme un accessoire de l'autre plus excellente.

  A005000885 

 Outre que, comme la peleure d'une pomme, qui est de peu d'estime en soy mesme, sert toutefois grandement a conserver la pomme qu'elle couvre, aussi la crainte servile, qui est de peu de prix en sa propre condition au regard de l'amour, luy est neanmoins grandement utile a sa conservation pendant les hazards de cette vie mortelle.

  A005000886 

 Or, bien que la crainte servile et mercenaire soit grandement utile pour cette vie mortelle, si est-ce qu'elle est indigne d'avoir place en l'eternelle, en laquelle il y aura une asseurance sans crainte, une paix sans desfiance, un repos sans soucy; mais les services neanmoins que ces craintes servantes et mercenaires auront rendu a l'amour y seront recompensés: de sorte que, si ces craintes, comme des autres Moyse et Aaron, n'entrent pas en la Terre de promission, leur posterité neanmoins et leurs ouvrages y entreront.

  A005000889 

 Est saint, rempli de pureté;.

  A005000890 

 Sa crainte en tout siecle est durable,.

  A005000892 

 Est a jamais tres adorable..

  A005000896 

 Les esclairs, tonnerres, foudres, tempestes, inondations, tremble-terre et autres telz accidens inopinés excitent mesme les plus indevotz a craindre Dieu; et la nature, prevenant le discours en telles occurrences, pousse le cœur, les yeux et les mains mesmes devers le ciel pour reclamer le secours de la tressainte Divinité, selon le sentiment commun du genre humain, qui est, dit Tite Live, que ceux qui servent la Divinité prosperent, et ceux qui la mesprisent sont affligés.

  A005000896 

 Tant l'instinct de craindre la Divinité est gravé profondement en la nature humaine..

  A005000897 

 Mais cette crainte, toutefois, prattiquee par maniere d'eslan ou sentiment naturel, n'est ni louable ni vituperable en nous, puisqu'elle ne procede pas de nostre election: elle est neanmoins un effect d'une tres bonne cause, et cause d'un tres bon effect, car elle provient de la connoissance naturelle que Dieu nous a donné de sa providence, et nous fait reconnoistre combien nous dependons de la toute puissance souveraine, nous incitant a l'implorer; et se treuvant en une ame fidele, elle luy fait beaucoup de biens.

  A005000898 

 Les Ninivites, par les menaces de leur subversion et damnation, firent penitence, et leur penitence fut aggreable a Dieu; et en somme, cette crainte est comprise es dons du Saint Esprit, comme plusieurs anciens Peres ont remarqué..

  A005000898 

 Nous avons conceu de vostre crainte, o Dieu, et enfanté l'esprit de salut, est-il dit en Isaye; c'est a dire: Vostre face courroucee nous a espouvantés, et nous a fait concevoir et enfanter l'esprit de penitence, qui est l'esprit de salut; ainsy que le Psalmiste avoit dit: Mes os n'ont point de paix, ains tremblent devant la face de vostre ire.

  A005000899 

 Certes, celuy qui ayme le peché et le voudroit volontier commettre malgré la volonté de Dieu, encor qu'il ne le veuille commettre craignant seulement d'estre damné, il a une crainte horrible et detestable; car, bien qu'il n'ait pas la volonté de venir a l'execution du peché, il a neanmoins l'execution en sa volonté, puisqu'il la voudroit faire si la crainte ne le tenoit, et c'est comme par force qu'il n'en vient pas aux effectz.

  A005000899 

 Que si la crainte ne forclost pas la volonté de pecher, [302] ni l'affection au peché, certes elle est meschante et pareille a celle des diables, qui cessent souvent de nuire de peur d'estre tormentés par l'exorcisme, sans cesser neanmoins de desirer et vouloir le mal, qu'ilz meditent a jamais; pareille a celle du miserable forçat, qui voudroit manger le cœur du comite, quoy qu'il n'ose quitter la rame de peur d'estre battu; pareille a la crainte de ce grand heresiarque du siecle passé, qui confesse d'avoir haï Dieu, d'autant qu'il punissoit les meschans.

  A005000900 

 La crainte donq de ceux qui, comme esclaves, observent la loy de Dieu pour eviter l'enfer est fort bonne; mais beaucoup plus noble et desirable est la crainte des Chrestiens mercenaires, qui, comme serviteurs a gages, travaillent fidellement, non pas certes principalement pour aucun amour qu'ilz ayent encores envers leurs maistres, mais pour estre salariés de la recompense qui leur est promise.

  A005000901 

 Ceux la donques craignent Dieu d'une affection filiale, qui ont peur de luy desplaire purement et simplement [304] parce qu'il est leur pere tres doux, tres benin et tres aymable..

  A005000901 

 Mais en fin, quand nous craignons d'offencer Dieu, non point pour eviter la peyne de l'enfer ou la perte du Paradis, mais seulement parce que Dieu estant nostre tres bon Pere nous luy devons honneur, respect, obeissance, alhors nostre crainte est filiale, d'autant qu'un enfant bien né n'obeit pas a son pere en consideration du pouvoir qu'il a de punir sa desobeissance, ni aussi parce qu'il le peut exhereder, ains simplement parce qu'il est son pere; en sorte qu'encor que le pere serait viel, impuissant et pauvre, il ne laisserait pas de le servir avec egale diligence, ains, comme la pieuse cigoigne, il l'assisterait avec plus de soin et d'affection: ainsy que Joseph, voyant le bon homme Jacob son pere, vieux, necessiteux et reduit sous son sceptre, il ne laissa pas de l'honnorer, servir et reverer avec une tendreté plus que filiale, et telle, que ses freres l'ayant reconneüe, estimerent qu'elle opereroit encor apres sa mort, et l'employerent pour obtenir pardon de luy, disans: Vostre pere nous a commandé que nous vous dissions de sa part: Je vous prie d'oublier le crime de vos freres, et le peché et malice qu'ilz ont exercé envers vous.

  A005000902 

 Toutefois, quand il arrive que cette crainte filiale est jointe, meslee et detrempee avec la crainte servile de la damnation eternelle, ou bien avec la crainte mercenaire de perdre le Paradis, elle ne laisse pas d'estre fort aggreable a Dieu, et s'appelle crainte initiale, c'est a dire crainte des apprentifs, qui entrent es exercices de l'amour divin.

  A005000906 

 Ainsy, qui diroit: le fruit de la vigne c'est le raysin, le moust, le vin, l'eau de vie, la liqueur res-jouissant le cœur de l'homme, le breuvage confortant l'estomach, il ne voudroit pas dire que ce fussent des fruitz de differente espece, ains seulement qu'encor que ce ne soit qu'un seul fruit, il a neanmoins une quantité de diverses proprietés, selon qu'il est employé diversement..

  A005000906 

 Certes, la charité est l'unique fruit du Saint Esprit, mais parce que ce fruit a une infinité d'excellentes proprietés, l'Apostre, qui en veut representer quelques unes par maniere de monstre, parle de cet unique fruit comme de plusieurs, a cause de la multitude des proprietés qu'il contient en son unité, et parle reciproquement de tous ces fruitz comme d'un seul, a cause de l'unité en laquelle est comprise cette varieté.

  A005000906 

 La charité de Dieu est respandue en, nos coeurs par le Saint Esprit qui nous est donné.

  A005000906 

 Le glorieux saint Paul dit ainsy: Or le fruit de l'Esprit est la charité, la joye, la paix, la patience, la benignité, la bonté, la longanimité, la mansuetude, la, foy, la modestie, la continence, la chasteté.

  A005000906 

 Mays voyes, Theotime, que ce divin Apostre contant ces douze fruitz du Saint Esprit, il ne les met que pour un seul fruit; car il ne dit pas: les fruitz de [305] l'Esprit sont la charité, la joye, mais seulement: le fruit de l'Esprit est la charité, la joye.

  A005000907 

 L'Apostre donq ne veut dire autre chose sinon que le fruit du Saint Esprit est la charité, laquelle est joyeuse, paisible, patiente, benigne, bonteuse, longanime, douce, fidele, modeste, continente, chaste; c'est a dire, que le divin amour nous donne une joye et consolation interieure, avec une grande paix de cœur qui se conserve entre les adversités par la patience, et qui nous rend gracieux et benins a secourir le prochain par une bonté cordiale envers iceluy; bonté qui n'est point variable, ains constante et perseverante, d'autant qu'elle nous donne un courage de longue estendue, au moyen dequoy nous sommes rendus doux, affables et condescendans envers tous, supportans leurs humeurs et imperfections et leur gardant une loyauté parfaite, tesmoignans une simplicité accompaignee de confiance, tant en nos paroles qu'en nos actions, vivans modestement et humblement, retranchans toutes superfluités et tous desordres au boire, manger, vestir, coucher, jeux, passetems et autres telles convoitises voluptueuses [306] par une sainte continence, et reprimant sur tout les inclinations et seditions de la chair par une soigneuse chasteté: affin que toute nostre personne soit occupee en la divine dilection, tant interieurement, par la joye, paix, patience, longanimité, bonté et loyauté; comme aussi exterieurement, par la benignité, mansuetude, modestie, continence et chasteté..

  A005000908 

 Contentement lequel est si fort, que les eaux des tribulations et les fleuves des persecutions ne le peuvent esteindre; ains, non seulement il ne perit pas, mais il s'enrichit parmi les pauvretés, il s'agrandit es abjections et humilités, il se res-jouit entre les larmes, il se renforce d'estre abandonné de la justice et privé de l'assistance d'icelle lhors que, la reclamant, nul ne luy en donne; il se recree emmi la compassion et commiseration lhors qu'il est environné des miserables et souffreteux; il se delecte de renoncer a toutes sortes de delices sensuelles et mondaines pour obtenir la pureté et netteté de cœur; il fait vaillance d'assoupir les guerres, noises et dissensions, et de mespriser les grandeurs et reputations temporelles; il se revigore d'endurer toutes sortes de souffrances, et tient que sa vraye vie consiste a mourir pour le Bienaymé..

  A005000908 

 Mais, quand non seulement nous nous res-jouissons en cette divine dilection et jouissons de sa delicieuse douceur, ains que nous establissons toute nostre gloire en icelle, comme en la couronne de nostre honneur, alhors elle n'est pas seulement un fruit doux a nostre gosier, mais elle est une beatitude et felicité tres desirable; non seulement parce qu'elle nous asseure la felicité de l'autre vie, mais parce qu'en celle ci elle nous donne un contentement d'inestimable valeur.

  A005000908 

 Or, la dilection est appellee fruit entant qu'elle nous delecte et que nous jouissons de sa delicieuse suavité, comme une vraye pomme de Paradis recueillie de l'arbre de vie, qui est le Saint Esprit, enté sur nos espritz humains et habitant en nous par sa misericorde infinie.

  A005000909 

 De sorte, Theotime, qu'en somme la tressainte dilection est une vertu, un don, un fruit et une beatitude [307].

  A005000909 

 En qualité de don, la dilection nous rend souples et maniables aux inspirations interieures, qui sont comme les commandemens et conseilz secretz de Dieu, a l'execution desquelz sont employés les sept dons du Saint Esprit; si que la dilection est le don des dons.

  A005000909 

 En qualité de fruit, elle nous donne un goust et playsir extreme en la prattique de la vie devote, qui se sent es douze fruitz du Saint Esprit; et partant elle est le fruit des fruitz.

  A005000909 

 En qualité de vertu, elle nous rend obeissans aux inspirations exterieures que Dieu nous donne par ses commandemens et conseilz, en l'execution desquelz on prattique toutes vertus; dont la dilection est la vertu de toutes les vertus.

  A005000910 

 Ainsy la dilection est maintefois representee par la grenade, qui, tirant ses proprietés du grenadier, peut estre dite la vertu d'iceluy; comme encor elle semble estre son don, qu'il offre a l'homme par amour; et son fruit, puisqu'elle est mangee pour recreer le goust de l'homme; et en fin elle est, par maniere de dire, sa gloire et beatitude, puisqu'elle porte la couronne et diademe.

  A005000914 

 C'en est de mesme des amateurs des richesses et des ambitieux de l'honneur; car ilz sont rendus esclaves de ce qu'ilz ayment, et n'ont plus de cœur en leur poitrine, ni d'ame en leurs cœurs, ni d'affections en leur ame que pour cela..

  A005000914 

 L'amour est la vie de nostre cœur; et comme le contrepoids donne le mouvement a toutes les pieces mobiles d'un horologe, aussi l'amour donne a l'ame tous les mouvemens qu'elle a. Toutes nos affections suivent nostre amour, et selon iceluy nous desirons, nous nous delectons, nous esperons et desesperons, nous craignons, nous nous encourageons, nous haïssons, nous fuyons, nous nous attristons, nous entrons en cholere, nous triomphons.

  A005000915 

 Car en somme, cette sacree dilection est l'eau salutaire de laquelle Nostre Seigneur disoit: Celuy qui boira de l'eau que je luy donneray, il n'aura jamais soif.

  A005000916 

 L'amour divin et l'amour propre sont dedans nostre cœur comme Jacob et Esaü dans le ventre de Rebecca: ilz ont une antipathie et repugnance fort grande l'un a l'autre, et s'entrechoquent dedans le cœur continuellement; dont la pauvre ame s'escrie: Helas, moy miserable, qui me deslivrera du cors de cette mort, affin que le seul amour de mon Dieu regne paisiblement en moy? Mais il faut pourtant que nous ayons courage, esperans en la parole de Nostre Seigneur, qui promet en commandant, et commande en promettant la victoire a son amour; et semble qu'il dit a l'ame ce qu'il fit dire a Rebecca: Deux nations sont en ton ventre et deux peuples seront separés dans tes entrailles; et l'un des peuples surmontera l'autre, et l'aisné servira au moindre. Car, comme Rebecca n'avoit que deux enfans en son ventre, mais parce que d'iceux devoyent naistre deux peuples il est dit qu'elle avoit deux nations en son ventre, aussi l'ame ayant dedans son cœur deux amours, a par consequent deux grandes peuplades de mouvemens, affections et passions; et comme les deux enfans de Rebecca, par la contrarieté de leurs mouvemens luy donnoyent des grandes convulsions et douleurs de ventre, aussi les deux amours de nostre ame donnent des grans travaux a nostre cœur; et comme il fut dit qu'entre les deux enfans de cette dame le plus grand serviroit le moindre, aussi a-il esté ordonné que des deux amours de nostre cœur, le sensuel servira le spirituel, c'est a dire que l'amour propre servira l'amour de Dieu.

  A005000918 

 Mais qu'est-ce a dire la prendre par le pied? C'est la lier et assujettir au dessein du service de Dieu.

  A005000918 

 Or, la façon avec laquelle l'amour divin doit subjuguer l'appetit sensuel est pareille a celle dont Jacob usa, quand pour bon presage et commencement de ce qui devoit arriver par apres, Esaü sortant du ventre de sa mere, Jacob l'empoigna par le pied, comme pour l'enjamber, supplanter et tenir sujet, ou, comme on dit, l'attacher par le pied, a guise d'un oyseau de proye, tel qu'Esaü fut en qualité de chasseur et terrible homme.

  A005000919 

 Ainsy je puis combattre le desir des richesses et voluptés mortelles, ou par le mespris qu'elles meritent, ou par le desir des immortelles; et par ce moyen l'amour sensuel et terrestre sera ruiné par l'amour celeste, ou comme le feu est esteint par l'eau a cause de ses qualités contraires, ou comme il est esteint par le feu du ciel a cause de ses qualités plus fortes et predominantes..

  A005000919 

 En quoy donq prens-tu cette esperance? Je puis aussi resister a cette esperance luy en opposant une plus solide: Espere en Dieu, o mon ame, car c'est luy qui deslivrera tes pieds du piege; Jamais nul n'espera en luy, qui ait esté confondu; Jette tes pretentions es choses eternelles et perdurables.

  A005000919 

 S'il m'arrive quelque vayne esperance, je puis resister luy opposant ce juste descouragement: O homme insensé, sur quelz fondemens bastis tu cette esperance? Ne vois tu pas que ce grand auquel tu esperes est aussi pres de la mort que toy mesme? Ne connois tu pas l'instabilité, foiblesse et imbecillité des espritz humains? aujourd'huy, ce cœur duquel tu pretens est a toy; demain, un autre l'emportera pour soy.

  A005000921 

 L'appetit de manger est rendu grandement spirituel si, avant que de le prattiquer, on luy donne le motif de l'amour: Hé non, Seigneur, ce n'est pas pour contenter ce chetif ventre, ni pour assouvir cet appetit, que je vay a table, mais pour, selon vostre providence, entretenir ce cors que vous m'aves donné sujet a cette misere; ouy, Seigneur, parce qu'ainsy il vous a pleu.

  A005000921 

 Si la crainte est excessive: Hé, Dieu, Pere eternel, qu'est ce que peuvent craindre vos enfans et les poussins qui vivent sous vos aisles? Or sus, je feray ce qui est convenable pour eviter le mal que je crains; mais apres cela: Seigneur, je suis vostre, sauves moy, s'il vous plait; et ce qui m'arrivera je l'accepteray, parce que telle sera vostre bonne volonté.

  A005000921 

 Y a-il quelque juste sujet de crainte? Vous voules, o Seigneur, que je craigne, affin que je prenne les moyens convenables pour eviter cet inconvenient; je le feray, Seigneur, puisque tel est vostre bon playsir.

  A005000926 

 Et quant a la tristesse, comme peut elle estre utile a la sainte charité, puisque entre les fruitz du Saint Esprit la joye est mise en rang joignant la charité? Neanmoins, le grand Apostre dit ainsy: La tristesse qui est selon Dieu opere la penitence stable en salut; mais la tristesse du monde opere la mort.

  A005000927 

 On dit qu'il y a un poisson nommé pescheteau, et surnommé diable de mer, qui, esmouvant et poussant ça et la le limon, trouble l'eau tout autour de soy pour se tenir en icelle comme dans l'embusche, des laquelle, soudain qu'il apperçoit les pauvres petitz poissons, il se rüe sur eux, les brigande et les devore; d'ou peut estre est venu le mot de pescher en eau trouble, duquel on use communement.

  A005000927 

 Or c'est de mesme du diable d'enfer comme du diable de mer; car il fait ses embusches dans la tristesse, lhors qu'ayant rendu l'ame troublee par une multitude d'ennuyeuses pensees jettees ça et la dans l'entendement, il se rüe par apres sur les affections, les accablant de desfiances, jalousies, aversions, envies, apprehensions superflues des pechés passés, et fournissant une quantité de subtilités vaines, aigres et melancholiques, affin qu'on rejette toutes sortes de raysons et consolations..

  A005000928 

 Car, comme les araignes ne font jamais presque leurs toiles que quand le tems est blafastre et le ciel nubileux, de mesme cet esprit malin n'a jamais tant d'aysance pour tendre les filetz de ses suggestions [315] es espritz doux, benins et gays, comme il en a es espritz mornes, tristes et melancholiques; car il les agite aysement de chagrins, de soupçons, de haynes, de murmurations, censures, envies, paresse et d'engourdissement spirituel..

  A005000928 

 La tristesse procede aussi d'autres fois de la condition naturelle, quand l'humeur melancholique domine en nous; et celle cy n'est pas voirement vicieuse en soy mesme, mais nostre ennemy pourtant s'en sert grandement pour ourdir et tramer mille tentations en nos ames.

  A005000929 

 Au contraire, quant aux mondains, cette tristesse leur est ordinaire, et se change en regretz, desespoirs, et estourdissemens d'esprit: car ilz sont semblables aux guenons et marmotz, lesquelz sont tous-jours mornes, tristes et fascheux au defaut de la lune; comme, au contraire, au renouvellement d'icelle, ilz sautent, dansent et font leurs singeries.

  A005000929 

 Le mondain est harnieux, maussade, amer et melancholique au defaut des prosperités terrestres, et en l'affluence il est presque tous-jours bravache, esbaudy et insolent..

  A005000929 

 Or, cette tristesse est commune aux bons et aux mauvais: mais aux bons elle est moderee par l'acquiescement et resignation en la volonté de Dieu, comme on vid en Tobie, qui de toutes les adversités dont il fut touché rendit graces a la divine Majesté; et en Job, qui en benit le nom du Seigneur; et en Daniel, qui convertit ses douleurs en cantiques.

  A005000930 

 Certes, la tristesse de la vraye penitence ne doit pas tant estre nommee tristesse que desplaysir, ou sentiment et detestation du mal: tristesse qui n'est jamais ni ennuyeuse ni chagrine; tristesse qui n'engourdit point l'esprit, ains qui le rend actif, prompt et diligent; tristesse qui n'abbat point le cœur, ains le releve par la priere et l'esperance, et luy fait faire les eslans de la ferveur de devotion; tristesse laquelle, au fort de ses amertumes, produit tous-jours la douceur d'une incomparable consolation, suivant le precepte du grand saint Augustin: Que le penitent s'attriste tous-jours, mais que tous-jours il se res-jouisse de sa tristesse.

  A005000930 

 [316] «La tristesse,» dit Cassian, qui opere la solide penitence et l'aggreable repentance de laquelle on ne se repent jamais, elle «est obeissante, affable, humble, debonnaire, souëfve, patiente, comme estant issue et descendue de la charité: si que s'estendant a toute douleur de cors et contrition d'esprit, elle est, en certaine façon, joyeuse, animee et revigoree de l'esperance de son proffït; elle retient toute la suavité de l'affabilité et longanimité, ayant en elle mesme les fruitz du Saint Esprit que le saint Apostre raconte: Or les fruitz du Saint Esprit sont, charité, joye, paix, longanimité, bonté, benignité, foy, mansuetude, continence.» Telle est la vraye penitence, et telle la bonne tristesse, qui certes n'est pas proprement triste ni melancholique, ains seulement attentive et affectionnee a detester, rejetter et empescher le mal du peché pour le passé et pour l'advenir.

  A005000931 

 Si elle est accidentelle, nous recourrons a ce qui est marqué au huitiesme Livre, affin de voir combien les tribulations sont aymables aux enfans de Dieu, et que la grandeur de nos esperances en la vie eternelle doit rendre presque [317] inconsiderables tous les evenemens passagers de la temporelle..

  A005000931 

 Si elle est naturelle, nous la devons repousser, contrevenans a ses mouvemens, la divertissans par exercices propres a cela, et usans des remedes et façon de vivre que les medecins mesme jugeront a propos.

  A005000932 

 Certes, il y a des actions qui dependent tellement de la disposition et complexion corporelle, qu'il n'est pas en nostre pouvoir de les faire a nostre gré; car un melancholique ne sçauroit tenir ni ses yeux, ni sa parole, ni son visage en la mesme grace et suavité qu'il auroit s'il estoit deschargé de cette mauvaise humeur; mais il peut bien, quoy que sans grace, dire des paroles gracieuses, honteuses et courtoises, et, malgré son inclination, faire par rayson les choses convenables, en paroles et en oeuvres de charité, douceur et condescendance.

  A005000932 

 On est excusable de n'estre pas tous-jours gay, car on n'est pas maistre de la gayeté pour l'avoir quand on veut; mais on n'est pas excusable de n'estre pas tous-jours bonteux, maniable et condescendant, car cela est tous-jours au pouvoir de nostre volonté, et ne faut sinon se resoudre de surmonter l'humeur et inclination contraire..

  A005000941 

 Pour moy, je parle en ce Traitté, de l'amour surnaturel que Dieu respand en nos cœurs par sa bonté, et duquel la residence est en la supreme pointe de l'esprit; pointe qui est au dessus de tout le reste de nostre ame, et qui est independante le toute complexion naturelle.

  A005000941 

 [319] Et puis, bien que les ames enclines a la dilection ayent d'un costé quelque disposition qui les rend plus propres a vouloir aymer Dieu, d'autre part, toutefois, elles sont si sujettes a s'attacher par affection aux creatures aymables, que leur inclination les met autant en peril de se divertir de la pureté de l'amour sacré par le meslange des autres, comme elles ont de facilité a vouloir aymer Dieu: car le danger de mal aymer est attaché a la facilité d'aymer..

  A005000942 

 Il est pourtant vray que ces ames ainsy faites, estant une fois bien purifiees de l'amour des creatures, font des merveilles en la dilection sainte, l'amour treuvant une grande aysance a se dilater en toutes les facultés du cœur; et de la procede une tres aggreable suavité, laquelle ne paroist pas en ceux qui ont l'ame aigre, aspre, melancholique et revesche..

  A005000943 

 Neanmoins, si deux personnes, dont l'une est aymante et douce, l'autre chagrine et amere, par condition naturelle, ont une charité egal, elles aymeront sans doute egalement Dieu, mais non pas semblablement.

  A005000948 

 Qu'est-ce qui presse si fort les avettes d'accroistre leur miel, sinon l'amour qu'elles ont pour luy? O cœur de mon ame, qui es creé pour aymer le bien infini, quel amour peux tu desirer sinon cet amour qui est le plus desirable de tous les amours? Helas, o ame de mon cœur, quel desir peux-tu aymer sinon le plus aymable de tous les desirs? O amour des desirs sacrés, o desirs du saint amour! o que j'ay convoité de desirer vos perfections!.

  A005000948 

 Un thresor ne suffit pas au gré de ce divin Amant, ains il veut que nous ayons tant de thresors que notre thresor soit composé de plusieurs thresors; c'est a dire, Theotime, qu'il faut avoir un desir insatiable d'aymer Dieu, pour joindre tous-jours dilection a dilection.

  A005000949 

 C'est nostre partie sensuelle et animale qui appete de manger, mais c'est nostre partie raysonnable qui desire cet appetit; et d'autant que la partie sensuelle n'obeit pas tous-jours a la partie raysonnable, il arrive maintefois que nous desirons l'appetit et ne le pouvons pas avoir.

  A005000949 

 Mais le desir d'aymer et l'amour dependent de la mesme volonté: c'est pourquoy, soudain que nous avons formé [321] le vray desir d'aymer, nous commençons d'avoir de l'amour; et a mesure que ce desir va croissant, l'amour aussi va s'augmentant.

  A005000949 

 O Dieu, qui nous fera la grace, Theotime, que nous bruslions de ce desir, qui est le desir des pauvres et la preparation de leur cœur, que Dieu exauce volontier! Qui n'est pas asseuré d'aymer Dieu, il est pauvre; et s'il desire d'aymer, il est mendiant, mais mendiant de l'heureuse mendicité de laquelle le Sauveur a dit: Bienheureux sont les mendians d'esprit, car a eux appartient le Royaume des deux..

  A005000949 

 Theotime, de sçavoir si nous aymons Dieu sur toutes choses il n'est pas en nostre pouvoir, si Dieu mesme ne le nous revele, mais nous pouvons bien sçavoir si nous desirons de l'aymer, et quand nous sentons en nous le desir de l'amour sacré, nous sçavons que nous commençons d'aymer.

  A005000951 

 L'avarice temporelle, par laquelle on desire avidement les thresors terrestres, est la racine de tous maux; mais l'avarice spirituelle, par laquelle on souhaitte incessamment le fin or de l'amour sacré, est la racine de tous biens.

  A005000955 

 Certes, ces ames qui foisonnent continuellement en desirs, desseins et projetz, ne desirent jamais comme il faut le saint amour celeste, ni ne peuvent bien sentir la trace amoureuse et piste du divin Bienaymé, qui est comparé au chevreuil et petit fan de biche..

  A005000955 

 Pourquoy penses-vous, Theotime, que les chiens en la sayson primtaniere perdent plus souvent qu'en autre tems la trace et piste de la beste? C'est parce, disent les chasseurs et les philosophes, que les herbes et fleurs sont alhors en leur vigueur; si que la varieté des odeurs qu'elles respandent estouffe tellement le sentiment des chiens, qu'ilz ne sçavent ni choisir ni suivre la senteur de la proye entre tant de diverses senteurs que la terre exhale.

  A005000956 

 Si le cœur qui pretend a l'amour divin est fort enfoncé dans les affaires terrestres et temporelles il fleurira tard et difficilement; mais s'il n'est dans le monde que justement autant que sa condition le requiert, vous le verres bien tost fleurir en dilection et respandre son odeur aggreable..

  A005000958 

 Un religieux demanda au bienheureux Gilles ce qu'il pourroit faire de plus aggreable a Dieu; et il luy respondit en chantant: «Une a un, une a un;» c'est a dire, «une seule ame a un seul Dieu.» Tant de desirs et d'amours en un cœur sont comme plusieurs enfans sur une mammelle, qui ne pouvans tetter tous ensemble, la pressent tantost l'un, tantost l'autre, a l'envi, et la font en fin tarir et dessecher.

  A005000962 

 La curiosité, l'ambition, l'inquietude, avec l'inadvertence et inconsideration de la fin pour laquelle nous sommes en ce monde, sont cause que nous avons mille fois plus d'empeschemens que d'affaires, plus de tracas que d'oeuvre, plus d'occupation que de besoigne; et ce sont ces embarrassemens, Theotime, c'est a dire les niaises, vaynes et superflues occupations desquelles nous nous chargeons, qui nous divertissent de l'amour de Dieu, et non pas les vrays et legitimes exercices de nos vocations.

  A005000966 

 Qu'est-ce qu'emmi ce bas lieu,.

  A005000984 

 Mais ne voyes vous pas aussi que ces pauvres gens estoyent non seulement parmi les Babiloniens, ains encor captifs des Babiloniens? Quicomque est esclave [326] des faveurs de la cour, du succes du palais, de l'honneur de la guerre, o Dieu, c'en est fait, il ne sçauroit chanter le cantique de l'amour divin; mais celuy qui n'est en cour, en guerre, au palais, que par devoir, Dieu l'assiste, et la douceur celeste luy sert d'epitheme sur le cœur, pour le preserver de la peste qui regne en ces lieux la..

  A005000989 

 Dieu est innocent a l'innocent, bon au bon, cordial au cordial, tendre envers les tendres; et son amour le porte quelquefois a faire des traitz d'une sacree et sainte mignardise pour les ames qui par une amoureuse pureté et simplicité se rendent comme petitz enfans aupres de luy..

  A005000990 

 Un jour sainte Françoise disoit l'Office de Nostre [327] Dame, et comme il advient ordinairement que s'il n'y a qu'une affaire en toute la journee c'est au tems de l'orayson que la presse en arrive, cette sainte dame fut appellee de la part de son mari pour un service domestique, et par quatre diverses fois pensant reprendre le fil de son Office, elle fut rappellee et contrainte de couper un mesme verset; jusques a ce que cette benite affaire, pour laquelle on avoit si empressement diverti sa priere, estant en fin achevee, revenant a son Office, elle treuva ce verset, si souvent laissé par obeissance et si souvent recommencé par devotion, tout escrit en beaux caracteres d'or, que sa devote compaigne madame Vannocie jura d'avoir veu escrire par le cher Ange gardien de la Sainte, a laquelle par apres saint Paul aussi le revela..

  A005000995 

 Il y a des ames qui font des grans projetz de faire des excellens services a Nostre Seigneur, par des actions eminentes et des souffrances extraordinaires, mais actions et souffrances desquelles l'occasion n'est pas presente ni ne se presentera peut estre jamais; et sur cela pensent d'avoir fait un trait de grand amour: en quoy elles se trompent fort souvent, comme il appert en ce que, embrassant par souhait, ce leur semble, des grandes croix futures, elles fuyent ardemment la charge des presentes, qui sont moindres.

  A005000995 

 N'est ce pas une extreme tentation d'estre si vaillant en imagination et si lasche en l'execution?.

  A005000996 

 Hé, Dieu nous garde de ces ardeurs imaginaires, qui nourrissent bien souvent dans le fond de nos cœurs la vayne et secrette estime de nous mesme! Les grandes œuvres ne sont pas tous-jours en nostre chemin; mais nous pouvons a toutes heures en faire des petites excellemment, c'est a dire, avec un grand amour.

  A005000996 

 Voyes ce Saint, je vous prie, qui donne un verre d'eau pour Dieu, au pauvre passager alteré: il fait peu de chose, ce semble; mais l'intention, la douceur, la dilection dont il anime son œuvre est si excellente, qu'elle convertit cette simple eau en eau de vie, et de vie eternelle..

  A005000998 

 Ces condescendances aux humeurs d'autruy, ce support des actions et façons agrestes et ennuyeuses du prochain, ces victoires sur nos propres humeurs et passions, ce renoncement a nos menues inclinations, cet effort contre nos aversions et repugnances, ce cordial et doux aveu de nos imperfections, cette peyne continuelle que nous prenons de tenir nos ames en egalité, cet amour de nostre abjection, ce benin et gracieux accueil que nous faysons au mespris et censure de nostre condition, de nostre vie, de nostre conversation, de nos actions: Theotime, tout cela est plus fructueux a nos ames que nous ne sçaurions penser, pourveu que la celeste dilection le mesnage.

  A005001002 

 Nostre Seigneur, au rapport des Anciens, souloit dire aux siens: «Soyes bons monnoyeurs.» Si l'escu n'est de bon or, s'il n'a son poids, s'il n'est battu au coin legitime, on le rejette comme non recevable; si une œuvre n'est de bonne espece, si elle n'est ornee de charité, si l'intention n'est pieuse, elle ne sera point receüe entre les bonnes œuvres.

  A005001002 

 Si je jeusne, mais pour espargner, mon jeusne n'est pas de bonne espece; si c'est par temperance, mais que j'aye quelque peché [330] mortel en mon ame, le poids manque a cette œuvre, car c'est la charité qui donne le poids a tout ce que nous faysons; si c'est seulement par conversation et pour m'accommoder a mes compaignons, cette œuvre n'est pas marquee au coin d'une intention appreuvee: mais si je jeusne par temperance, et que je sois en la grace de Dieu, et que j'aye intention de plaire a sa divine Majesté par cette temperance, l'œuvre sera une bonne monnoye, propre pour accroistre en moy le thresor de la charité..

  A005001003 

 C'est faire excellemment les actions petites que de les faire avec beaucoup de pureté d'intention et une forte volonté de plaire a Dieu; et lhors elles nous sanctifient grandement.

  A005001006 

 Ce sont les propres paroles du divin Apostre, lesquelles, comme dit le grand saint Thomas en les expliquant, sont suffisamment prattiquees quand nous avons l'habitude de la tressainte charité, par laquelle, bien que nous n'ayons pas une expresse et attentive intention de faire chasque œuvre pour Dieu, cette intention neanmoins est contenue couvertement en l'union et communion que nous avons avec Dieu, par laquelle tout ce que nous pouvons faire de bon est dedié avec nous a sa divine Bonté.

  A005001006 

 Il n'est pas besoin qu'un enfant demeurant en la mayson et puissance de son pere declaire que ce qu'il acquiert est acquis a son pere, car sa personne estant a son pere, tout ce qui en depend luy appartient aussi: il suffit aussi que nous soyons enfans de Dieu par dilection, pour rendre tout ce que nous faisons entierement destiné a sa gloire..

  A005001007 

 Il est donq vray, Theotime, que, comme nous avons dit ailleurs, tout ainsy que l'olivier planté pres de la [332] vigne luy donne sa saveur, de mesme la charité se treuvant aupres des autres vertus, elle leur communique sa perfection.

  A005001007 

 Mais il est vray aussi que, comme si l'on ente la vigne sur l'olivier il ne luy communique pas seulement plus parfaitement son goust, mais la rend encor participante de son suc, ne vous contentes pas aussi d'avoir la charité et avec elle la prattique des vertus, mais faites que ce soit par et pour elle que vous les prattiques, affin qu'elles luy puissent estre justement attribuees..

  A005001008 

 O que les actions des vertus sont excellentes quand le divin amour leur imprime son sacré mouvement, c'est a dire lhors qu'elles se font par le motif de la dilection! Mais cela se fait differemment..

  A005001008 

 Quand un peintre tient et conduit la main de l'apprentif, le trait qui en procede est principalement attribué au peintre; parce qu'encor que l'apprentif ait contribué le mouvement de sa main et l'application du pinceau, si est ce que le maistre a aussi de sa part tellement meslé son mouvement avec celuy de l'apprentif, qu'imprimant en iceluy, l'honneur de ce qui est de bien au trait luy est specialement deferé, encor qu'on ne laisse pas de louer l'apprentif a cause de la souplesse avec laquelle il a accommodé son mouvement a la conduite du maistre.

  A005001011 

 Et pourquoy donq, je vous prie, ne seront-ilz l'un comme l'autre estimés faire la distribution des pieces de leurs sommes en vertu de leurs premiers propos et fondamentales resolutions? et si l'un, distribuant ses escuz sans attention, ne laisse pas de jouir de l'influence de son premier dessein, pourquoy l'autre, distribuant ses actions, ne jouira-il pas du fruit de sa premiere intention? Celuy qui destinement s'est rendu esclave amiable de la divine Bonté, luy a par consequent dedié toutes ses actions..

  A005001013 

 Certes, saint Bonaventure advoüe qu'un homme qui s'est acquis une si grande inclination et coustume de bien faire que souvent il le fait sans speciale attention, ne laisse pas de meriter beaucoup par telles actions, lesquelles sont anoblies par la dilection, de laquelle elles proviennent comme de la racine et source originaire de cette heureuse habitude, facilité et promptitude..

  A005001018 

 Mais, Theotime, il ne se faut pas arrester la: ains, pour faire un excellent progres en la devotion, il faut non seulement au commencement de nostre conversion, et puis tous les ans, destiner nostre vie et toutes nos actions a Dieu, mais aussi il les luy faut offrir tous les jours, selon l'exercice du matin que nous avons enseigné [335] a Philothee; car en ce renouvellement journalier de nostre oblation nous respandons sur nos actions la vigueur et vertu de la dilection, par une nouvelle application de nostre cœur a la gloire divine, au moyen dequoy il est tous-jours plus sanctifié..

  A005001019 

 Et comme se pourroit il faire, je vous prie, qu'une ame laquelle a tous momens s'eslance en la divine Bonté, et souspire incessamment des paroles de dilection pour tenir tous-jours son cœur dans le sein de ce Pere celeste, ne fust pas estimee faire toutes ses bonnes actions en Dieu et pour Dieu? Celle qui dit: Hé, Seigneur, je suis vostre; Mon Bienaymé est tout mien, et moy je suis toute sienne; «Mon Dieu, vous estes mon tout;» O Jesus, vous estes ma vie; hé, qui me fera la grace que je meure a moy mesme, affin que je ne vive qu'a vous! O aymer! o s'acheminer! o mourir a soy mesme! o vivre a Dieu!» O estre en Dieu! O Dieu! ce qui n'est pas vous mesme ne m'est rien: celle la, dis-je, ne dedie-elle pas continuellement ses actions au celeste Espoux? O que bienheureuse est l'ame qui a une fois bien fait le despouillement et la parfaite resignation de soy mesme entre les mains de Dieu, dont nous avons parlé ci dessus; car par apres elle n'a a faire qu'un petit souspir et regard en Dieu pour renouveller et confirmer son despouillement, sa resignation et son oblation, avec la protestation qu'elle ne veut rien que Dieu et pour Dieu, et qu'elle ne s'ayme, ni chose du monde, qu'en Dieu et pour l'amour de Dieu..

  A005001020 

 Or cet exercice des continuelles aspirations est donq fort propre pour appliquer toutes nos œuvres a la dilection, mais principalement il suffit tres abondamment [336] pour les menues et ordinaires actions de nostre vie; car quant aux œuvres relevees et de consequence, il est expedient, pour faire un proffit d'importance, d'user de la methode suivante, ainsy que j'ay des-ja touché ailleurs.

  A005001021 

 C'est pourquoy, se representant la grandeur des peynes, travaux et hazards qu'il luy seroit force de subir pour ce sujet, il s'immola en esprit au bon playsir de Dieu, et baysant tendrement cette croix, il s'escria du fond de son cœur, a l'imitation de saint André: «Je te salue, o croix pretieuse,» je te salue, o tribulation bienheureuse! O affliction sainte, que tu es aymable, puisque tu es issue du sein amiable de ce Pere d'eternelle misericorde, qui t'a voulu de toute eternité et t'a destiné pour ce cher peuple et pour moy! O croix, mon cœur te veut, puisque celuy de mon Dieu t'a voulu; o croix, mon ame te cherit et t'embrasse de toute sa dilection! [337].

  A005001027 

 Et comme il va montant, ce cher enfant luy dit: Mon pere! Et il luy respond: Que veux-tu, mon filz? Voyci, dit l'enfant, voyci le bois et le feu, mais ou est la victime de l'holocauste? A quoy le pere respond: Dieu se prouvoyra de la victime de l'holocauste, mon enfant.

  A005001027 

 Et tandis, ilz arrivent sur le mont destiné, ou soudain Abraham construit un autel, arrange le bois sur iceluy, lie son Isaac et le colloque sur le bucher; il estend sa main droite, empoigne et tire a soy le glaive, il hausse le bras, et comme il est prest de descharger le coup pour immoler cet enfant, l'Ange crie d'en haut: Abraham, Abraham; qui respond: Me voyci. Et l'Ange luy dit: Ne tue pas l'enfant, c'est asses; maintenant je connois que tu crains Dieu, et n'as pas espargné ton filz pour l'amour de moy.

  A005001027 

 Mays cecy n'est rien en comparayson de ce qu'il fit [338] par apres, quand Dieu l'appellant par deux fois et ayant veu sa promptitude a respondre, il luy dit: Prens Isaac ton enfant unique, lequel tu aymes, et va en la terre de vision, ou tu l'offriras en holocauste sur l'un des montz que je te monstreray. Car voyla ce grand homme qui part soudain avec ce tant aymé et tant aymable filz, fait trois journees de chemin, arrive au pied de la montaigne, laisse la ses valetz et l'asne, charge son filz Isaac du bois requis a l'holocauste, se reservant de porter luy mesme le glaive et le feu.

  A005001027 

 Sur cela Isaac est deslié, Abraham prend un belier qu'il void pris par les cornes aux ronces d'un buisson, et l'immole..

  A005001029 

 Car d'un costé c'est voirement une merveille, mais non pas si grande, de voir que Abraham, des-ja viel et consommé en la science d'aymer Dieu, et fortifié de la recente vision et parole divine, face ce dernier effort de loyauté et dilection envers un Maistre duquel il avoit si souvent senti et savouré la suavité et providence; mais de voir Isaac, au primtems de son aage, encor tout novice et apprentif en l'art d'aymer son Dieu, s'offrir, sur la seule parole de son pere, au glaive et au feu pour estre un holocauste d'obeissance a la divine volonté, c'est chose qui surpasse toute admiration..

  A005001030 

 D'autre part, neanmoins, ne voyes vous pas, Theotime, qu'Abraham remasche et roule plus de trois jours dans son ame l'amere pensee et resolution de cet aspre sacrifice? N'aves vous point de pitié de son cœur paternel, quand, montant seul avec son filz, cet enfant plus simple qu'une colombe luy disoit: Mon pere, ou est la victime? et qu'il luy respondoit: Dieu y prouvoyra, mon filz.

  A005001030 

 Ne penses vous point que la douceur de cet enfant, portant son bois sur ses espaules et l'entassant par apres sur l'autel, fit fondre en tendreté les entrailles de ce pere? O cœur que les Anges admirent et que Dieu magnifie! Hé, Seigneur Jesus, quand sera-ce donq que vous ayant sacrifié tout ce que nous avons, nous vous immolerons tout ce que nous sommes? quand vous offrirons nous en holocauste nostre franc arbitre, unique enfant de nostre esprit? quand sera-ce que nous le lierons et estendrons sur le bucher de vostre Croix, de vos espines, de vostre lance, affin que, comme une brebiette, elle soit victime aggreable de vostre bon playsir, pour mourir et brusler du feu et du glaive de vostre saint amour? O franc arbitre de mon cœur, que ce vous sera chose bonne d'estre lié et estendu sur la Croix du divin Sauveur! que ce vous est chose [340] desirable de mourir a vous mesme, pour ardre a jamais en holocauste au Seigneur!.

  A005001031 

 Nous avons la liberté de faire le bien et le mal; mais de choisir le mal ce n'est pas user, ains abuser de cette liberté.

  A005001031 

 Theotime, nostre franc arbitre n'est jamais si franc que quand il est esclave de la volonté de Dieu, comme il n'est jamais si serf que quand il sert a nostre propre volonté: jamais il n'a tant de vie que quand il meurt a soy mesme, et jamais il n'a tant de mort que quand il vit a soy.

  A005001036 

 Comme peut on avoir un cœur et n'aymer pas une si infinie Bonté? Or ce sujet est aucunement proposé au chapitre I et II du II e Livre, et des le chapitre VIII du III e Livre jusques a la fin, et au chapitre IX du Livre X..

  A005001036 

 La Bonté divine consideree en elle mesme n'est pas seulement le premier motif de tous, mais le plus grand, le plus noble et le plus puissant, car c'est celuy qui ravit les Bienheureux et comble leur felicité.

  A005001037 

 motif est celuy de la providence naturelle de Dieu envers nous, de la creation et conservation, selon que nous disons au chapitre III du II e Livre..

  A005001038 

 motif est celuy de la providence surnaturelle de Dieu envers nous, et de la redemption qu'il nous a preparee, ainsy qu'il est expliqué au chapitre IV, V, VI et VII du II e Livre.

  A005001039 

 motif c'est de considerer comme Dieu prattique cette providence et redemption, fournissant a un chacun toutes les graces et assistances requises a nostre salut; dequoy nous traittons au II e Livre, des le chapitre VIII, et au Livre III, des le commencement jusques au chapitre VI..

  A005001040 

 motif est la gloire eternelle que la divine Bonté nous a destinee, qui est le comble des bienfaitz de Dieu envers nous; dont il est aucunement discouru des le chapitre IX jusques a la fin du Livre III..

  A005001045 

 Par exemple: O qu'aymable est ce grand Dieu, qui par son infime bonté a donné son Filz en redemption pour tout le monde! Helas, ouy, pour tous en general, mais en particulier encor pour moy, qui suis le premier des pecheurs! Ah! il m'a aymé; je dis, il m'a aymé moy, mais je dis moy mesme, tel que je suis, et s'est livré a la Passion pour moy!.

  A005001047 

 Il faut considerer les bienfaitz divins en leur seconde source meritoire; car ne sçaves vous pas, Theotime, que le grand Prestre de la Loy portoit sur ses espaules et sur sa poitrine les noms des enfans d'Israël, c'est a dire, des pierres pretieuses esquelles les noms des chefs d'Israël estoyent gravés? Hé, voyes Jesus, nostre grand Evesque, et regardes-le des l'instant de sa conception; consideres qu'il nous portoit sur ses espaules, acceptant la charge de nous racheter par sa mort, et la mort de la croix.

  A005001052 

 O Jesus mon Sauveur, que vostre mort est amiable, puisqu'elle est le souverain effect de vostre amour!.

  A005001052 

 Or en fin, pour conclusion, la Mort et Passion de Nostre Seigneur est le motif le plus doux et le plus violent qui puisse animer nos cœurs en cette vie mortelle: et c'est la verité que les abeilles mistiques font leur plus excellent miel dans les playes de ce Lyon de la tribu de Juda, esgorgé, mis en pieces et deschiré sur le mont de Calvaire; et les enfans de la Croix se glorifient en leur admirable probleme, que le monde n'entend pas: de la mort, qui devore tout, est sortie la viande de nostre consolation; et de la mort, plus forte que tout, est issue la douceur du miel de nostre amour.

  A005001056 

 Monstra combien l'amour est fort!.

  A005001058 

 Malheureuse est la mort sans l'amour du Sauveur; malheureux est l'amour sans la mort du Sauveur.

  A005001058 

 Sur le Calvaire on ne peut avoir la vie sans l'amour, ni l'amour sans la mort du Redempteur: mais hors de la, tout est ou mort eternelle, ou amour eternel, et toute la sagesse chrestienne consiste a bien choisir; et pour vous ayder a cela j'ay dressé cet escrit, mon Theotime..

  A005001058 

 Theotime, le mont Calvaire est le mont des amans.

  A005001058 

 Tout amour qui ne prend son origine de la Passion du Sauveur est frivole et perilleux.

  A005001081 

 Le beau titre de ce Livre, la belle reputation, et la saine doctrine du Reverendissime Prelat, autheur d'iceluy, le grand profit qu'en rapporteront les belles et chrestiennes ames de toutes qualitez de personnes, et le temps qui s'est escoulé depuis qu'on a desiré qu'il veid le jour, font qu'il le doit voir, et il le merite, car ce n'est rien que doctrine Orthodoxe et Catholique qu'il enseigne..

  A005001101 

 Il est permis au Sieur Pierre Rigaud, Marchand Libraire de cette ville, d'imprimer ou faire imprimer le present Livre intitulé le Traicté de l'Amour de Dieu, composé par Monseigneur le Reverendissime Evesque de Geneve, avec defenses à tous autres en tel cas requises.

  A005001105 

 Car, tel est nostre plaisir.

  A005001128 

 Ainsy sçavons-nous bien que c'est l'homme qui void, qui oyt, qui parle, qui entend, qui se resouvient, qui veut et qui ayme; mais pour monstrer que cette varieté [355] d'operations se fait par diverses facultés et differens organes, nous disons que l'œil void, l'oreille oyt, la langue parle, l'entendement entend, la memoyre se resouvient et la volonté veut et ayme.

  A005001128 

 C'est pourquoy, encor que la volonté soit la faculté de nostr'ame qui tend et nous porte au bien, c'est toutefois nous, a proprement parler, qui par icelle nous esmouvons au bien et qui nous y complaysons, et qui avons avec iceluy cette grande convenance laquelle est le fondement de la complaysance et de l'amour..

  A005001128 

 Or je dis ceci, Philothee, affin que vous sachies que la convenance au bien delaquelle la volonté reçoit complaysance, n'est pas une convenance de la seule volonté, mais de l'homme mesme avec le bien, laquelle neanmoins ne peut sentir avec complaysance que par la faculté que nous appelions volonté, car c'est l'homme qui a la convenance.

  A005001133 

 Nostre rayson, ou, pour parler avec lesescholes, nostr'ame entant qu'ell'est raysonnable, est le vray temple du grand Dieu, car c'est la ou plus particulierement il reside.

  A005001133 

 Ou bien, puis que la rayson n'est autre chose que la naturelle et essentielle puissance de discourir, disons quil y a 4 divers degrés en [la puissance de discourir,] qui sont comme quatre portions: la premiere est la puissance de discourir selon les choses experimentees; la 2 e est de discourir selon les sciences humaines; la 3.

  A005001133 

 est de discourir selon les revelations generales; la quatriesme n'est pas a proprement parler une puissance de discourir ou raysonner, ains plus tost une certaine eminente et supreme pointe de la rayson et faculté mentale, qui n'est point conduite par la lumiere du discours ni de la rayson, mays par une simple veüe de l'entendement, lequel acquiesce et se sousmet avec la volonté au secret et bon playsir de Dieu..

  A005001134 

 Au Sanctuaire toute la lumiere entroit par la porte; en ce degré on n'a point de lumiere que celle qui provient du discours que l'on a fait de la souveraine æquité, bonté et infinité de la volonté de Dieu, lequel discours produit, par maniere de consequence, cette simple veüe, quil faut aymer et acquiescer a la volonté de Dieu, et cette simple veue est toute la clarté qui esclaire en ce sanctuaire.

  A005001134 

 Et cette cime, cette supreme pointe de nostr'ame, cet extreme avancement de nostr'esprit est merveilleusement bien representé par la mayson sacree, ou le Sanctuaire.

  A005001134 

 Le grand Prestre, entrant dedans le Sanctuaire, obscurcissoit encor cette lumiere qui entroit par la porte, jettant force parfums dans son encensoir, la fumee desquelz rebouschoit les rayons de clarté que l'ouverture de la porte pouvoit rendre; et cette simple veüe qui se fait en la supreme portion de l'ame est aussi obscurcie par les acquiescemens, renoncemens et resignations que l'ame fait en Dieu, ne voulant pas tant regarder et voir qu'offrir et acquiescer: de sorte que presque elle ferme les yeux, soudain qu'ell'a commencé a voir la volonté de Dieu, affin [que], sans s'amuser a la contempler et considerer, elle puisse tant mieux l'adorer, accepter, s'y complayre et acquiescer amoureusement par l'union de sa volonté propre a celle de son Dieu..

  A005001134 

 Nul n'entre au Sanctuaire que le grand Prestre; en cette pointe de l'ame les discours n'y entrent point, ains [357] seulement cette supreme et universelle et grande veûe, par laquelle nous connoissons que la volonté divine est souverainement bonne et digne d'estr'aymee en tout generalement et non pas seulement particulierement en quelque chose, et non pas seulement en general mais en particulier en chasque chose.

  A005001135 

 Car encor que la foy, l'esperance et la charité respandent leurs actions et divins mouvemens en toutes les facultés de l'ame, non seulement entant qu'ell'est raysonnable mais encor entant qu'ell'est sensitive, les conduysant toutes et gouvernant, et les assujettissant saintement et justement sous leur divin'authorité, si est ce que leur speciale residence, leur vray et naturel sejour est establi [358] en cette supreme cime de l'ame, des-laquelle, comme un'heureuse fontayne et source d'eau vive, elles s'espanchent par divers surgeons et ruysseaux, sur toutes les parties et facultés inferieures..

  A005001136 

 Aussi l'acte de la foy n'est pas un discours, mays un tres simple acquiescement de l'entendement aux choses revelees, et revelees non par une claire lumiere mays par une lumiere obscure, quoy que tres certaine; or l'acte de l'esperance n'est autre chose que le simple mouvement de la volonté a ce que la foy enseigne, entant quil nous est utile et promis, pour l'unir a nous et le rendre nostre; et l'acte de la charité, un mouvement de la volonté au bien que la foy nous monstre, entant quil est bon simplement, pour nous unir a iceluy et nous rendre siens.

  A005001138 

 En ce sanctuaire de nostr'ame Dieu parle a nostre esprit, l'instruisant de ce quil faut croyre, esperer, aymer, non point par maniere de discours, mais par maniere d'inspiration et illustration ou illumination, luy proposant les saintes verités de la foy et, par maniere de dire, les luy faysant aucunement entrevoir parmi des obscurités, tenebres et nuages: en sorte que nostr'entendement en reçoit un'obscure connoissance, laquelle, quoy qu'obscure, est tellement aggreable a la volonté, qu'elle s'y complait grandement, et par sa complaysance porte l'entendement a un parfait acquiescement qu'il fait sans reserve ni exception quelcomque, croyant fermement ces sacrees verités de la foy, qu'il entrevoit aucunement et quil ne void nullement, qu'il entreconnoit et ne connoist pas, [359] c'est a dire qu'il ne sçait que par ouӱ dire, car, comme dit l'Apostre, la foy est par l'ouӱe.

  A005001139 

 C'est bien aynsi, chere Philothee, que la chose passe.

  A005001139 

 Et comme (au 4. livre des Roys, au chap. 9, v. 13.) les chefz de l'armee d'Israël mirent ensemble leurs vestemens et en firent comm'un trosne royal sur lequel ilz assirent Jehu, disans: Jehu est roy, ainsy, a l'arrivee de la foy, l'entendement se despouille de tous discours et raysonnemens, et les sousmettant a la foy, il la fait asseoir sur iceux comme sur un trosne, la reconnoissant comme sa reyne.

  A005001139 

 Les discours theologiques, les argumens, les miracles mesme et autres advantages de la religion Chrestienne la rendent certes extremement croyable; mays pour la rendre creüe et reconneüe en effect il y faut la foy, qui est un don de Dieu par lequel nostr'ame embrasse [360] la certitude des saintes propositions catholiques, ayme leur beauté, acquiesce a leur verité sans voir, sans discourir, sans argumenter, ains par une simple obeissance et seule croyance..

  A005001139 

 Mays faut il pas qu'en effect je sois infiniment belle, puisque [parmi] les noyres obscurités et au travers de tant de tenebres sombres, entre lesquelles je ne puis estre veiie ains seulement entreveüe, neanmoins encor suis-je si aggreable que le roy de l'ame, qui est l'esprit, m'ayme tres uniquement, et fendant la presse de toutes autres connoissances me reçoit et me loge dans sa plus belle chambre, et me fait asseoir comme reyne dans le trosne plus relevé de ses acquiescemens, d'ou je donne la loy et assujettis, comme mon captif, tout discours et tout sentiment humain.

  A005001139 

 Mon Dieu, ma Philothee, pourrois-je bien exprimer ceci? La foy est la grand'amie de nostr'entendement, si que elle peut bien dire aux sciences du monde, qui se veulent presque rendre ses compaignes, comme l'Espouse sacree disoit aux Cantiques: O discours humains, je suis brune, mais je suis belle: je suis brune, car je suis entre les brunes obscurités des simples revelations, qui me font paroistre noyre et me rendent presque mesconnoissable; mais je suis pourtant extremement belle en moy mesme, et qui me verroit icy bas comm'on me void la haut au Ciel, il verroit bien que je suis plus blanche que le lis.

  A005001140 

 Certes, rien n'est si croyable que la s te religion Chrestienne, mais néanmoins chacun ne la croit pas.

  A005001140 

 Or c'est en cet acquiescement que consiste l'acte de la foy, lequel acte est produit par nostr'esprit, mais esprit entant quil est esclairé d'une douce, souaive et aggreable lumiere divine, qui luy fait aggreer, et doucement mais tres puissamment et solidement adhasrer a la verité proposee, par maniere d'asseurance quil prend de sa tres certaine verité sur la revelation qui luy en est faite..

  A005001140 

 Quelle merveille fut ce que tant de merveilles miraculeuses furent faites par N. S r entre les Juifz, et que les Juifz entr'icelles creurent si peu a la sainte verité? Car ces merveilles rendoyent la doctrine de Celuy qui les faysoit infiniment croyable; mais dautant que les cœurs n'estoyent pas disposés a recevoir le don de la foy, et que sans la foy ce qui est le plus croyable n'est pas creu, partant ilz demeurerent en leur infidelité: ilz voyoyent le fond des argumens, et n'acquiesçoyent point a la conclusion.

  A005001141 

 L'austruche produit les œufz sur le rivage sablonneux des ondes, mays le soleil seul en fait esclorre le poussin; et les docteurs, par leurs argumens et discours, jettent dans l'ame la doctrine de verité toute debattue, mays les seulz celestes rayons du Soleil de justice en font esclorre l'acquiescement et certification absolue, qui est le vray effect et acte de foy.

  A005001141 

 Vous aves ouy dire peut estre, ma chere Philothee, qu'es Conciles generaux se font des grandes disputes et enquestes de la verité, par des raysons et argumens de theologie, et tandis que cet examen des raysons se fait il n'y a nul acquiescement ni des uns ni des autres a la verité; mays la chose estant debattue, les Peres du Christianisme, c'est a dire les Evesques, et mesme le primier et souverain Evesque, resoulvent de la difficulté, et la determination estant faite chacun acquiesce, pleynement, non point en vertu des raysons alleguees, mays en vertu de lauthorité du S t Esprit, qui a decerné et jugé par l'entremise de ses serviteurs.

  A005001142 

 Ell'a une couronne d'or au dessus, parce que la charité estant la couronne de l'ame, elle seule est aussi couronnee au Ciel.

  A005001142 

 En ce sanctuaire se practique l'encensement des oraysons plus parfaites, on y reçoit la manne secrette et cachee dans la cruche d'or, c'est a dire les divins Sacremens, et sur tout l'eucharistique.

  A005001142 

 Et la hauteur est de mesme, par ce que la charité regarde Dieu en haut: et quand a l'amour d'obeissance, elle acheve la [362] coudee, accomplissant les œuvres de commandement; mays quant a l'amour affectif elle ne fait qu'en commencer en ce monde, et par maniere de dire, elle n'a sa mesure qu'a demi, attendant de l'accomplir en lautre..

  A005001142 

 La largeur est d'une coudee et demi, parce que la charité s'estend au bien temporel et spirituel du prochain; mais au premier par mesure, et au second sans mesure, c'est pourquoy la coudee n'est qu'a demi.

  A005001142 

 La s te verge qui aboutit en un sommet fleury et affruyté, represente la patience et probation qui engendre l'esperance fleurie, et laquell'esperance ne confond point, par ce qu'ell'est suivie de son fruit.

  A005001142 

 Mays sur tout on y void l'Arche de l'alliance, qui represente la charité, par l'or, le prince des metaux, et qui est le plus pretieux et le prix des autres, parce que par la proportion quilz ont avec iceluy on les estime; et par le boys de Sethim, beau et incorruptible, par ce que la foy et l'esperance cesseront, les Sacremens se descouvriront, mays la charité demeurera parfaite en sa beauté au Ciel; au milieu de laquelle, comm'en ses entrailles, est la loy de Dieu, parce que la plus excellente action de l'amour se fait en obeissance.

  A005001142 

 Or les coudees representent naïfvement les œuvres, par ce que c'est la mesure qui se prend des le coude a la main, qui est la partie du bras qui sert immediatement a l'œuvre.

  A005001142 

 Sa longueur est de deux coudees et demi, pour la perseverance et longanimité entre les œuvres de la vie purgative, illuminative et unitive; et par ce que l'union ne se fait qu'a demi en ce monde, aussi la troysiesme mesure n'est que de demi coudee: ou bien la longanimité es œuvres requises a nostre perfection, au secours du prochain, au service de Dieu, et ce service n'a pas icy sa pleyne mesure.

  A005001146 

 C'est la vraye volonté de Dieu que nous ayons tous les moyens requis a faire nostre salut, aussi les avons nous tous suffisamment, et mesme, pour la plus part, nous les avons abondamment et surabondamment.

  A005001146 

 Et comm'est ce que sa bonté pourroit mieux tesmoigner la volonté qu'ell'a de nous sauver, que faysant pour nous une si riche provision des moyens necessaires a cet effect, les nous offrant si liberalement, et nous pressant si chaudement de les recevoir, de les embrasser et de les employer? Il est vray, [363] Philothee, que Dieu ne nous veut pas porter au salut, d'une volonté absolue et inevitable, sinon Ihors quil void la nostre suivre volontairement les attraitz de la sienne.

  A005001146 

 Il veut que nous y aillions, puisquil nous y exhorte, mais que nous y aillions volontairement et librement, selon la liberté et franchise de nostre volonté, laquelle il veut attirer et allecher affin qu'elle coure a l'odeur de ses parfuns, mays il ne veut pas la violenter ni necessiter; c'est pourquoy, bien quil veuille faire veritablement nostre salut, il ne le veut pas inevitablement faire..

  A005001146 

 O Dieu, mais sil le veut, pourquoy ne nous sauvons pas tous? C'est par ce quil ne le veut pas de sa volonté inevitable, ains de sa volonté attrayante, laquelle exerce suffisamment en nous sa bonté pour nous rendre capables du salut, mays qui n'exerce pas pourtant sa toute puissance pour nous mettre hors du danger et du pouvoir de nous damner si nous voulons.

  A005001147 

 Il conserve soigneusement le privilege [de] nostre liberté entre les graces de sa liberalité: il comble quelquefois la liberté de doux attraitz ou d'attrayantes douceurs, mais il ne l'estouffe jamais, il ne la suffoque point, ains luy laisse tous-jours l'aspiration et respiration libre pour recevoir ou rejetter son inspiration; car en fin ce sont des douceurs, et ce ne seroyent pas des douceurs si c'estoyent des violences: il la tire sans la tiranniser, et cela, ce me semble, ne tesmoigne pas moins la verité de la volonté de Dieu pour nostre salut; ains, au contraire, ceste volonté est dautant plus veritable qu'elle est plus douce et plus suave, dautant plus aymable qu'ell'est plus amiable..

  A005001148 

 En ce que par cette volonté Dieu nous veut donner les moyens et commodités de nous sauver, ell'est tous-jours accomplie; car tous les hommes ont un vray et reel pouvoir d'estre ou de devenir enfans de Dieu, et par consequent ses heritiers, silz veulent.

  A005001148 

 Et par ce que quicomque veut donner les moyens propres et convenables qui conduisent a quelque fin, il veut aussi la fin pour laquelle il les donne, partant il est tout vray que Dieu, qui nous donne en effect toutes les commodités requises a nostre salut, veut aussi veritablement nostre salut que veritablement il nous en veut donner les moyens.

  A005001148 

 Mays avec cette difference toutefois, que quand aux [364] moyens il nous les donne a tous en effect, car, qui est celuy qui peut dire que la grace de Dieu luy soit refusee? mays quant au salut, sa divine Majesté ne le donne en effect qu'a [ceux] qui se prevalent des moyens quilz ont d'y parvenir: cette Bonté souveraine nous donnant les moyens du salut sans nous vouloir pour cela necessiter de les employer; il nous les met en main, mais il laysse en nostre liberté d'en user ou de n'en user point..

  A005001154 

 Ce n'est pas que les payens n'eussent des repentances et pœnitences quand ilz avoyent fait quelques fautes contre leurs amis; car, comme Ciceron dit, 4 Tuscul., quand Alexandre eut tué Clytus, a peine se peut il empescher de se tuer soymesme, tant la force de la penitence fut grande: tanta vis fuit poenitendi.

  A005001154 

 La pœnitence est aussi une vertu toute chrestienne, et nous n'en voyons presque point de marques entre les Philosophes.

  A005001156 

 Au contraire, la tressainte pœnitence est une grande partie de la philosophie chrestienne, en laquelle quicomque dit quil ne peche point, non seulement il n'est pas sage, mais il est forcené; et quicomque croid de remedier son peché sans pœnitence, il est insensé.

  A005001156 

 C'est pourquoy cette vertu est une vertu morale, lhors que pour avoir offencé Dieu nous nous en repentons, demandons pardon, et pour reparation du peché excitons en nostre ame un volontaire desplaysir; mais elle ne laisse pas d'estre un vray don de Dieu, car bien que nous puissions avoir quelque sorte de repentance de nos pechés, entant que par iceux nous avons violé la loy naturelle et le dictamen rationis, l'ordonnance, la conduite et l'advis de la rayson, [si est] ce [que] quand nostre repentir se fait pour Dieu, et forclost [la volonté de pecher,] il ne peut [estre] que de Dieu, et vray don de Dieu..

  A005001158 

 Que si la repentance [que nous avons conçeue] du peché n'est pas si grande qu'elle nous porte a vouloir satisfaire a celuy qui est offencé, et reparer l'injure au mieux quil se peut, ce n'est pas une vraye penitence, ains un foible commencement de pœnitence, une penitence foible, debile et sans vigueur..

  A005001159 

 des Ethiques, c. 7, quand il dit que l'intemperant lequel choysit par deliberation de vaquer aux voluptés ne se peut repentir; dont «il est incorrigible, car qui ne se repend, quem non pœnitet, incurabilis est, il est incurable;» comme sil disoit que le peché sans pœnitence est incurable.

  A005001171 

 Et ce pauvr'homme Epictete parle en sorte de la reprehension, repentance et condemnation que nous devons faire de nos fautes, quil est advis quil ayt eu en cela le sentiment du Christianisme, l. 4.

  A005001172 

 Et ceste repentance morale est attachee a la connoissance et amour de Dieu que la nature peut fournir, et [est] une dependance de la religion morale; et comme la nature peut fournir a l'homme plus de connoissance que d'amour des choses divines, ains en a fourni, ainsy que dit saint Paul des Philosophes, qui ayans conneu Dieu ne l'ont pas glorifié comme Dieu (y ayant plus d'aysance de bien penser que de bien dire, et infiniment plus de bien dire que de bien faire), aussi la nature a fourni plus de connoissance que Dieu estoit offencé par le peché, que de repentance pour reparation de l'offence.

  A005001172 

 Mays il suffit, pour oster quelques uns de nos plus sçavans Theologiens de doute, que non seulement la nature peut çonnoistre que Dieu est offencé par les pechés, mais qu'aussi elle l'a conneu, et a enseigné que pour cela il s'en failloit repentir..

  A005001173 

 Mays en somme, cette pœnitence morale n'est qu'une ombre en comparayson de celle qui est revelee es Escritures, et particulerement en l'Evangile.

  A005001173 

 Nous commençons par une profonde apprehension de cette verité et maxime, que, entant qu'en nous est, nous offençons Dieu par nos pechés, le mesprisons, luy desobeissons et nous rebellons a luy; que du costé de Dieu il s'en tient pour offencé, desagree, reprouve et abomine l'iniquité.

  A005001173 

 Or sachans que nous avons offencé Dieu, plusieurs motifs nous peuvent porter a la repentance, et bien souvent ilz s'entresuivent tous les uns apres les autres; comme quand, sous la conduite de quelque directeur, nous allons excitans la contrition par les meditations qui ont, a cet effect, esté mises en l' Introduction: et en effect, il est bon de faire cette suite pour plus profondement jetter les fondemens d'une parfaite resolution..

  A005001174 

 Et cette pœnitence est salutaire, louable et desirable, car en cent endroitz de l'Escriture cette crainte nous est inculquee pour nous provoquer [368] a pœnitence.

  A005001174 

 Nous pouvons considerer que par le peché nous demeurons forclos et privés du Paradis et gloire eternelle, et pour cela nous nous repentons et detestons le peché; et cette pœnitence est mercenaire..

  A005001175 

 Par exemple, entant que par le peché la ressemblance et image de Dieu que nous avons est souillee, la dignité de nostre esprit deshonnorée, que nous sommes rendus semblables aux bestes insensees, que nous violons le devoir que nous avons d'honnorer Dieu entant quil est nostre Createur, nous perdons lhonneur de la societé des Saintz, nous nous associons et rendons sujetz du Diable, nous nous rendons esclaves de nos passions, renversans l'ordre et la police que Dieu avoit establie en nous, sousmettans la rayson a la passion, nous nous rendons ingratz a nostre bon Ange qui nous ayme tant: car ce sont tous des inconveniens et malheurs que nous sçavons par la foy provenir du peché.

  A005001176 

 Quand donq nous sommes touchés par quelqu'un de ces motifz et qu'en vertu d'iceux nous detestons nos pechés, nous faysons une louable pœnitence (car la crainte de perdre ce que nous devons desirer ne peut estre que louable, et quand le desir d'une chose est louable, la crainte de son contraire est louable aussi: desirer le Paradis est chose louable; donques, craindre l'enfer est chose louable), mays imparfaite encor et laquelle ne suffit pas pour nous mettre en la grace de Dieu.

  A005001177 

 Or, ma chere Philothee, en toutes ces repentances le s t amour de Dieu n'y entre point; car ne voyes vous pas que c'est la crainte de la peyne, le desir du Paradis, l'interest de nostre ame, pour sa beauté interieure, son honneur, sa dignité, son propre bien, et, en un mot, nostre propre amour, quoy qu'amour s t et juste, qui nous porte a repentance, et non l'amour que nous devons a Dieu [369] comme au souverain bien et premiere bonté, alaquelle, comm'au supreme objet de nostre volonté et affection, nous devrions regarder simplement..

  A005001178 

 Et qui seroit le pere qui treuvast bonne la volonté d'un enfant, quand il dirait que si son pere ne luy avoit præparé un bon hæritage il l'offenceroit? Mays je dis que ces repentances que la consideration de nostre propre interest, quoy que spirituel et louable, produit en nous, n'enferment point et ne comprenent point encor l'amour [de] Dieu; elles ne le rejettent pas, mais elles ne le contiennent pas non plus; elles ne sont pas contre luy, mais elles sont encor sans luy; il n'en est pas exclus ou forclos, mais il n'y est enclos non plus.

  A005001178 

 Faire vœu de dire le chapelet un jour c'est bien fait, mais faire vœu de ne le dire qu'un jour [c'est mal fait;] se proposer de donner un'aumosne c'est bien fait, mais se deliberer de n'en faire qu'une c'est mal fait.

  A005001178 

 Il y a, certes, bien de la difference entre dire: je suis dans la nef de l'eglise et ne veux pas entrer dans le chœur, et dire: je ne suis encor que dans la nef de l'eglise; car l'un a fait tout le chemin quil veut faire, et l'autre n'en a voirement pas fait davantage, mais il n'est ni hors de desir ni hors d'esperance d'en faire davantage.

  A005001178 

 Le bien n'est pas bien pour nous quand il forclost le mieux qui est en nostre liberté et qui nous est plus propre..

  A005001179 

 La crainte, donques, qui est le commencement de sagesse et de pœnitence est bonne, car c'est le commencement du bien; mais si elle forclost le mieux ell'est mauvaise, car le commencement est bon tenant lieu de commencement, mais sil tient lieu de fin il est mauvais, car il est en desordre.

  A005001180 

 Cet autre va au vice charnel; la convoytise l'y a porté, ell'est passee, il s'en repent aysement: mays la vangeance, l'envie, la mesdisance il ne la peut laisser.

  A005001180 

 Or cett'attrition imparfaite, et qui n'est que pour certains pechés, elle ne suffit nullement a la vraye pœnitence, car, comme dit le sacré Concile de Trente, elle doit estre de tous les pechés passés et forclorre tous les pechés a venir; et lhors, avec le tressaint Sacrement elle suffit, mais sans iceluy il faut avoir l'absolue contrition..

  A005001180 

 Que si elles ne sont pas si puissantes qu'elles nous desengagent du tout de l'affection du peché, ou elles ne sont pas attritions, ou elles sont attritions des impœnitens: car, par exemple, n'arrive-il pas maintefois qu'un homme se repentira estrangement d'un peché, comme d'avoir battu son pere ou sa mere, par ce que la difformité de ce peché, et lhorreur, et mesme les exaggerations et vehementes reprehensions d'iceluy quil ouira dire a un bon praedicateur, le toucheront, et neanmoins ne se repentira nullement de la fornication quil a commise? Il y a des pechés desquelz la vilenie et le malheur est plus sensible que des autres, et comme souvent ilz sont plus attrayans que les autres avant quilz soyent commis, ilz desplaysent aussi plus fort estans perpetrés.

  A005001180 

 Tel qui a le bien d'autruy et ne le veut nullement rendre ne laissera pas d'avoir des grans remors et extremes repentances d'avoir tué un homme; la cholere l'a transporté, ell'est passee, et par consequent la repentance est aysee.

  A005001181 

 En fin donq, nous pouvons detester le peché, non pour l'endommagement quil fait a nostr'ame delaquelle il souille la beauté, defigure l'image divine, non pour le desir d'avoir le Paradis, non pour la crainte d'estre damnés, mays par ce que le peché offence Dieu qui est souverainement bon, et souverainement bien aymable et souverainement bienaymé.

  A005001186 

 C'est pourquoy, comme le vin theriacal n'est pas appellé theriacal pour avoir la substance de theriaque, mais seulement la vertu et l'operation de la theriaque contre tous venins, aussi la repentance amoureuse n'est pas appellee amoureuse pour avoir tous-jours la substance et propre action de l'amour, mais par ce qu'elle contient, ou l'action propre de l'amour, ou la vertu, le mouvement et l'operation de l'amour, qui est de reunir l'affection et la volonté a Dieu tres estroittement et inseparablement.

  A005001186 

 Car la souveraine bonté de Dieu estant le motif de nostre repentance, elle luy donne le mouvement, car elle ne seroit pas le motif si elle ne donnoit le mouvement: or, le mouvement que la bonté donne c'est le mouvement de l'amour, or le mouvement de l'amour c'est le mouvement d'union; c'est pourquoy la vraye repentance, bien quil ne soit pas advis et qu'on n'y voye pas l'amour, neanmoins ell'a le mouvement d'amour, et unit a Dieu.

  A005001186 

 Et comme nous voyons que le vin theriacal ne s'appelle pas theriacal par ce que la theriaque en elle mesme soit meslee avec ce vin, mais seulement par [ce] que la vertu et proprieté de la theriaque y est, et quil la contient et l'a en soy; de mesme la repentance, quand ell'est excellente, ne contient pas tous-jours l'amour en luy mesme et selon son action, mais bien que quelquefois l'amour ne se treuve pas en la repentance selon son action propre, il y est neanmoins tous-jours en sa vertu et proprieté.

  A005001187 

 Et cet amour qui donne mouvement a la repentance est un vray amour, mais non encor parfait, jusques a ce que son mouvement soit en son plus haut degré; car alhors, soudain l'amour parfait est produit en l'ame, c'est a dire la tresste vertu de charité qui rend l'ame toute chere a son Dieu.

  A005001187 

 Et ne faut pas treuver estrange, Philothee, que la vertu et force de l'amour naisse dedans la repentance avant que l'amour y soit du tout formé, [puisque nous voyons] que par la reflexion des rayons du soleil dardés sur la glace d'un mirouer, la chaleur, qui est la vertu et proprieté du feu, s'augmente petit [a petit] si fort, qu'en fin, avant qu'elle produise le feu elle brusle, en sorte que commençant a brusler elle produit le feu; ainsy l'ame qui considerant la souveraine Bonté reçoit les rayons de ses attraitz, [372] fayt reflection sur soymesme et sur ses pechés [avec une certaine chaleur] affective, qui est la proprieté de l'amour, lequel par apres jette ses flammes et fait son action manifeste et son operation formee.

  A005001187 

 Il est avec elle, quand par la propre action de l'amour nous venons a repentance; il est en elle, quand l'amour ne paroist voirement pas en la propre forme et condition de son action, mais il agit neanmoins en la repentance, ou sa vertu, force et proprieté pour luy.

  A005001187 

 L'amour donques est tous-jours avec la vraye repentance ou en la vraye repentance.

  A005001188 

 C'est moy, Seigneur, qui ay peché, qui ay mesprisé vostre amour, vilipendé vostre bonté et rejetté vostre grace.

  A005001188 

 Int, On considere combien Dieu est bon, et combien il est aymable pour cette bonté: O Seigneur, que vous estes bon! Confesses, confesses, o mon ame, a vostre Dieu quil est bon, qu'eternelle est sa misericorde.

  A005001188 

 On considere combien on est coulpable de cette coulpe: Estonnés vous, o cieux, et que ses portes se desolent extremement, car mon ame a fait deux maux; elle vous a quitté, o Dieu eternel, vous qui estes la source inespuisable des eaux vives de toute bonté, et se retourne du costé de la creature pour fouir et creuser des puis, puis crevassés et dissipés qui ne peuvent contenir aucunes eaux de vray contentement.

  A005001188 

 On considere que par le peché on offence cette divine bonté, on la mesprise, on se separe d'elle pour se joindre a la creature, on la quitte, et autant quil est en nous on la rejette.

  A005001193 

 En somme, les pechés venielz diminuent la charité en son exercice et non en sa substance, c'est a dire ilz ne diminuent pas la charité, mais l'exercice d'icelle, et notamment en ce que la charité requiert que nous rapportions nos actions a Dieu.

  A005001193 

 [Il y a donq un peché qui n'engendre] pas la mort, et partant qui n'est pas mortel; et neanmoins il est peché, et partant il desplait a la charité, non comme chose qui luy soit contraire, mais comme chose qui est contraire a ses actions et a son excellence, a son progres.

  A005001195 

 ...aux actions contraires a la charité......car qui se plait a mentir par joyeuseté, il se dispose a mentir en tous sujetz, et qui se plait au simple courroux, est grandement incliné au courroux desreglé et dommageable.

  A005001195 

 Certes, nous ne changeons pas d'esprit quand, estans assoupis de l'appetit de dormir, nous ne sçavons presque ce que nous faysons, et quand, estans bien esveillés, nous discourons sagement sur nos affaires; mais pourtant il semble que nous en ayons moins quand nous en avons moins l'usage, dautant que d'avoir une chose et n'en point user c'est l'avoir en vain.

  A005001195 

 Et en somme, la charité, qui nous est donnee pour agir selon la volonté de Dieu, n'arreste guere en un cœur qui ne l'employe pas: ou ell'agit ou elle perit; elle veut avoir des enfans, comme Rachel, [374] ou mourir.

  A005001201 

 Mays comme celle qui s'est emperlee et comm'engrossee de sa chere geniture s'en peut voirement donner de la joye et non pas de la louange, ainsy celle qui demeure sterile n'en peut accuser le ciel, qui avoit esté autant liberal envers elle quil estoit requis pour la rendre enceinte de la perle: tout le manquement vient d'elle, et s'en doit donner tout le blasme.

  A005001202 

 Mays l'un, a son reveil, ouvrant les yeu[Le haut de la page est coupé dans l'Autographe.]x, void une gratieuse campaigne et cueille plusieurs beaux fruitz qu'il y void espars sur divers arbres; puis, tirant son chemin, va heureusement en sa mayson.

  A005001203 

 Qui ne void, ma chere Philothee, que si le premier de ces deux voyageurs se vantoit de s'estr'eveillé, d'avoir esté esclairé, d'avoir veu, comme si cela luy estoit arrivé de son industrie, on se mocqueroit de luy et on luy diroit: Miserable, es tu allé querir les rayons du soleil? leur as tu donné la force d'esclairer? est ce de toy quilz tiennent la proprieté quilz ont de rendre les choses visibles, et de donner aux yeux la commodité de voir? Il est vray que tu pouvois t'empescher d'ouvrir tes yeux, mays il n'est pas vray que sans eux tu les eusses ouvertz, ains il est vray que c'est eux qui te les ont fait ouvrir: ilz t'ont rendu voyant, et tu ne les as pas rendu visibles.

  A005001203 

 Tu n'as pas resisté a leur clarté, il est vray, mais ilz t'ont fort aydé a ne point resister: ilz sont venus a toy, ilz se sont fait entrevoir a ta prunelle au travers de ta paupiere, ilz t'ont pressé par leur chaleur a leur faire place, et sont allés, comme par amour, dessiller tes yeux et ouvrir tes paupieres.

  A005001204 

 Mays, au contraire, si le second se plaignoit du soleil et disoit: Hé, qu'ay-je fait au soleil pour quoy il ne m'ayt pas fait voir sa lumiere comm'a mon compagnon, affin que je fisse mon voyage et ne demeurasse pas icy en ces effroyables tenebres? dites-moy, Philothee, ne prendrions nous pas la cause du soleil en main, et ne dirions nous pas a cet insensé: Chetif ingrat que tu es, qu'est ce que le soleil pouvoit faire qu'il n'ayt fait? les faveurs quil t'a faites ont esté de son costé esgales a celles de ton compaignon; que si les mesmes effectz ne s'en sont pas ensuivis, c'est que tu en as empeché la production: le soleil t'a abordé avec une lumiere egale, il t'a touché des mesmes rayons, il t'a jetté une mesme chaleur; et, malheureux que tu es, tu luy as tourné le dos pour dormir ton saoul..

  A005001210 

 Car, puis que le salut depend de la grace, pourquoy blasmera on de leur perte ceux qui n'ont pas eu la grace sans laquelle ilz ne pouvoyent eviter de perir? Mays sil est ainsy, disentles autres, que les repreuvés sont rejettes de la gloire par ce quilz ont rejetté la grace, silz sont abandonnés a la malediction par ce quilz ont abandonné la benediction, donques les esleuz ont une grande part a lhonneur de leur salut par ce quilz ont consenti a la grace, ont cooperé a l'inspiration et secondé le mouvement celeste.

  A005001210 

 Et c'est une excuse vulgaire de l'indevot, quil ne peut aymer Dieu autant quil desireroit, par ce que Dieu ne luy en fait pas la grace; et une tentation asses ordinaire, de penser que les devotz puissent rapporter leur devotion a leur diligence et leur diligence a leur gloire particuliere, comme silz avoyent rendue la grace effective et vigoureuse pour faire son operation en eux..

  A005001212 

 ...et a poussé en elle l'eau cordiale de l'inspiration, laquelle faysant son operation l'a remise en sentiment et revigoree: qu'y a-t-il en tout ceci qu'elle n'ayt receu? Que si elle repliquoit qu'au moins elle a receu les remedes: Ingrate que tu es, luy dirois-je, il est vray, tu as receu [377] les remedes; mais recevoir du bien n'est ce pas a l'indigent et souffreteux? ne suffit il pas pour t'oster tout sujet de vanité que tu n'as rien que tu n'ayes receu? Ouy, chetifve creature, tu as tout receu; et ce que tu ne consideres pas, c'est que tu as receu le pouvoir mesme de recevoir, qui est un bienfait tres particulier de ton Sauveur: car sans luy, non seulement tu n'ouvrois point la bouche, tu ne pensois point a ton salut, mais tu ne pouvois pas y penser, tant les ressortz du mouvement de ton ame estoyent empeschés du catharre de ton iniquité.

  A005001224 

 Ainsy, dit cett'ame sacree: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche, inspirant en moy le spiracle de la vie amoureuse, car ses mammelles sont meilleures que le vin; comme si elle vouloit dire: [Que je vive de ses] mammelles; car comme les meres donnent leur lait...... Sauveur me communique par sa bouche...... admirable? Il est meilleur que le............ revigore comme...............................

  A005001224 

 C'est une des forces de l'amour..... L'amour est fort comme la mort, il........tristesses de la mort.

  A005001224 

 Cette attraction que l'amour [fait] de son Dieu a soy est pareille a celle que fait le petit enfant [des mammelles] de sa mere; sinon que les mammelles des meres tarissent et dessechent petit a petit, la ou la fontayne des perfections divines estant inespuisable et infinie ne diminue point, mais demeure tous-jours autant fœconde comme sil ne s'en tiroit rien.

  A005001226 

 Troysiesmement, la commiseration s'aggrandit beaucoup par la presence de l'object miserable: c'est pourquoy la pauvr'Agar s'esloigne de son Ismael languissant, pour alleger en quelque sorte la douleur de compassion qu'ell'en avoit; et au contraire, N. S r s'approchant de Hierusalem pleure, et voyant le sepulcre ou estoit le Lazare..

  A005001232 

 ...Car le langage de l'amour est commun quant aux paroles, mais quant a la façon il est si particulier que nul ne l'entend que [379] celuy que l'amour mesme instruit; et par une parole les amans signifient cent choses, ou silz ne signifient qu'une chose ilz la signifient si excellemment et avec tant de circonstances que c'est merveilles.

  A005001232 

 Le nom d'ami, estant dit en commun ne veut dire qu'une tres simple amitié, mais dit a l'oreille, en secret, il veult dire merveilles, et a mesure quil se dit plus secretement et particulierement, plus il est doux et aymable..

  A005001233 

 Mes yeux se [sont] presque escoulés, disans: quand me consoleres vous? Bref, le langage d'amour ne consiste pas es paroles, mais es regars, es souspirs, es contenances, voire mesme au silence: c'est pourquoy la theologie mistique ne consiste pas a ouïr parler de Dieu, ni a lire, ni a escrire de Dieu, mais a ouïr parler Dieu, a sentir ses mouvemens, ses inspirations et ses clartés; ni nous ne parlons pas de Dieu seulement, mais a Dieu; c'est a luy a qui on parle de luy, et c'est luy qui parle de soy mesme a nous.

  A005001237 

 Au premier Psalme, l'homme est dit bienheureux, qui a toute son affection en la loy du Seigneur et qui meditera en la loy d'iceluy jour et nuit; c'est a [380] dire, qui desirant observer la loy de Dieu, il la meditera jour et nuit, affin que de la source de la meditation proviennent des ruisseaux continuelz d'affections, et des affections s'en ensuivent les actions.

  A005001237 

 Ce mot est fort usité en l'Escriture Sainte, et ne veut dire autre chose qu'un'attentive, longue ou reiteree pensee, propre a produire des affections en l'ame.

  A005001237 

 Mays au second Psalme, ell'est prise en mauvaise part, pour l'attentive et ordinaire pensee des rebelles contre la fidelité deüe a N. S. le Roy Jesus: P our quoy ont fremi les nations, et les peuples pourquoy ont ilz medité choses vaines? Or neanmoins, par ce qu'en l'Escriture S te ce mot est pris le plus souvent en bonne part, pour l'attentive pensee qu'on a aux choses saintes pour s'exciter a les aymer, il est maintenant ordinairement tenu pour saint, a esté canonizé par le commun consentement des Theologiens, aussi bien que celuy d'ange et de zele, comm'au contraire, celuy de dæmon et de dol a esté diffamé; si que maintenant, quand ceux qui traittent des choses divines parlent de la meditation, ilz entendent celle qui est sainte, et par laquelle on commence la theologie mystique..

  A005001238 

 La pensee est comme les mousches, qui volent ça et la sur les fleurs sans amour ni dessein; l'estude comme les hanetons, qui mangent les feuilles et les fleurs indistinctement pour en vivre; la meditation comme l'abeille, qui de toutes les fleurs n'en retire que le miel qu'ell'emporte..

  A005001238 

 La pensee et l'estude est de tous objectz, mais la meditation, ainsy que nous en parlons maintenant, n'est qu'es objectz la consideration desquelz nous peut rendre meilleurs et plus devotz.

  A005001238 

 Saches donq, Philothee, que toute pensee n'est pas meditation: car, quand nous pensons a quelque chose sans aucun dessein de tirer prouffit de nostre pensee, nous faysons une simple pensee, et pour attentive qu'elle soit, elle n'est autre chose que pensee; que si nous pensons attentivement a quelque chose pour apprendre les causes, les effectz, les circonstances, cette pensee est nommee estude; mays quand nous pensons a quelque chose, non pour apprendre et nous instruire, mais pour nous affectionner en icelle, cela s'appelle mediter.

  A005001239 

 Ainsy le s t Psalmiste: O comme ay-je aymé vostre loy, Seigneur! c'est tout le jour ma méditation: on ne peut discerner sil veut dire quil a aymé la loy par ce quil l'a meditee tout le jour, ou sil veut dire quil l'a meditee par ce quil l'a aymee; car l'un'et l'autre suite est bonne.

  A005001239 

 Ce qu'en l'un des passages est exprimé par le mot de mediter, en l'autre il est proposé par le mot de repenser, par ce que la meditation n'est autre chose qu'une pensee reiteree, attentive et entretenue volontairement; et affin qu'on sache que la meditation tend a esmouvoir les affections et a produire les actions, en l'un et en lautre passage il est dit quil faut mediter et repenser en la loy de Dieu pour l'observer.

  A005001239 

 Et c'est pourquoy celuy qui avoit dit: Je mediteray comme la colombe, pour exprimer d'autte façon sa conception il dit: Je repenseray, o mon Dieu, toutes mes annees en l'amertume de mon ame; car mediter n'est autre chose que repenser souvent en une chose pour quelque dessein qui regarde l'affection.

  A005001239 

 v. 3: Repenses a Celuy qui a souffert un telle contradiction ou persecution des pecheurs, affin que vous ne vous lassies, manquans de courage; quand il dit repenses, c'est autant comme sil disoit medites, consideres diligemment.

  A005001239 

 v. 8, dit a Josué: Tu mediteras au livre de la Loy jour et nuit, affin que tu gardes et faces ce qui est escrit en iceluy; alhors tu dresseras ta voye et l'entendras.

  A005001240 

 La meditation n'est autre chose que le ruminement mystique, requis pour n'estre point immonde, Levit.

  A005001240 

 Or toute la sainte doctrine, dit une des devotes bergeres qui accompagnoyent la celeste Sullamite, ell'est comme un vin prœcieux, digne non seulement d'estre beu par les [382] bergers et docteurs, mais d'estre savouré, et par maniere de dire, masché et ruminé; Cant.

  A005001250 

 Il est vray que le regard ayant excité l'amour, l'amour ne s'arreste pas es bornes jusques auxquelles le regard l'a poussé, car en ce monde nous pouvons avoir plus d'amour que de connoissance; dont S t Thomas asseure que «les plus simples et les femmes abondent en devotion,» et sont ordinairement plus capables de l'amour de Dieu.

  A005001250 

 S t Bonaventure, interrogé si une pauvre simple femme pourroit autant aymer Dieu que luy, respondit qu'oüy; dont S t Gilles fit un'exclamation admirable, quil faut voir, comm'encor ce que l'abbé de S t André de Verceil dit a S t Anthoine, qui est es Chroniques, sur ce sujet..

  A005001251 

 Ainsy donques, l'amour en ce monde ne suit pas tous-jours la connoissance, ains la laisse bien souvent en arriere et s'avance sans [385] mesure ni limite quelcomque devers son object, principalement quand l'object est infiniment aymable..

  A005001251 

 Ammon se meurt pour Thamar: comment est ce que cest amour a pris un tel accroissement? Ce n'est pas par la connoissance, sans doute, car il ne l'avoit point excessivement admiree; que si l'entendement fut allé de pair avec la volonté, a mesme que la volonté estoit transportee a cett'extremité d'amour, l'entendement eut esté transporté en l'extremité de l'admiration.

  A005001251 

 La connoissance est requise a la production de l'amour, car jamais la volonté ne sçauroit aymer une chose qu'elle ne connoist pas, et a mesure que la connoissance croist, nostr'amour s'augmente davantage, sil n'y a rien qui empesche son mouvement naturel.

  A005001251 

 Ne voyons nous pas, Philothee, que la cholere esmeüe par la connoissance de quelqu'injure fort legere, si promptement elle n'est bridee, elle passe tout outre et devient infiniment plus grande que le sujet ne requiert? La connoissance donne la naissance aux passions, mais non pas la mesure.

  A005001251 

 [384] Il est vray, la volonté ne connoit pas le bien que par l'entremise [de] l'entendement; mais apres qu'elle l'a conneu, elle mesme en sent le playsir, et le playsir la porte plus avant en l'amour: si que en mangeant, l'appetit va croissant.

  A005001252 

 O combien est il vray, ainsy que s t Augustin s'escrie, que «les indoctes ravissent les Cieux,» tandis que plusieurs doctes perissent en enfer!.

  A005001252 

 Un bien petit sentiment esmeut et eschauffe la meute a la chasse et poursuite de la beste; ainsi une connoissance obscure et environnee de beaucoup de nuages, comm'est celle de la foy, nous eschauffe infiniment, et un'obscure connoissance nous donne un amour extremement grand.

  A005001253 

 C'est pourquoy, apres que la connoissance de la foy nous a provoqué [386] au commencement de l'amour, la connoissance de l'experience, par laquelle nous goustons, touchons et voyons la bonté de Dieu sous la conduite de l'amour, produit en nous un autr'amour plus grand; puis cet amour un goust plus excellent, et ce goust un amour plus eminent.

  A005001253 

 de Genes ou S te Angele de Foligni, pauvres et simples femmes? Celles ci le connoissoyent par experience, celuy la par science: or la connoissance de l'experience est celle la principalement qui excite l'amour..

  A005001254 

 C'est la doctrine de S t Thomas, 1.

  A005001254 

 ad 2, ou il apporte un'instance inevitable: Nous aymons, dit-il, extremement les sciences avant que de les sçavoir, «pour la connoissance sommaire et confuse que nous en avons;» «il en faut,» dit il, «dire de mesme de l'amour de Dieu.» La connoissance de la bonté applique la volonté a l'amour, mais despuis que l'amour est en train, il va par apres croissant par le playsir quil reçoit et ressent, sans qu'il soit besoin d'autre persuasion ni connoissance.

  A005001255 

 Ce n'est donq pas par nature mays par accident, a cause de nostre vanité, que la science empesche la devotion..

  A005001255 

 Il faut pourtant bien advoüer que quand non seulement la volonté est delectee par son object, mais que l'entendement eh connoist la bonté plus parfaitement, la volonté est bien plus fortement portee et attachee; car ell'est poussee et tiree tout ensemble a son objet, poussee par l'entendement, tiree par la delectation: et partant, «si l'homme» sçavant, dit S t Th., 2.

  A005001255 

 Mays il arrive pourtant fort souvent que la science, par nostre misere, empesche la naissance de la devotion dedans nos cœurs; d'autant que la science emfle et enorgueillit l'homme, et l'orgueil est ennemi capital de toute vertu, mais particulierement de la devotion.

  A005001255 

 ad 3, «sousmet parfaitement son sçavoir a Dieu, par cela mesme la devotion en est augmentee;» tesmoignant [que] la science n'est point contraire de soymesme, ains est utile a la devotion, et quand elles sont jointes ensemble elles s'entr'aydent admirablement.

  A005001259 

 Ou bien il regarde seulement en general la bonté divine qui occupe son cœur, sans penser nullement aux autres attributz, c'est a dire aux autres grandeurs; comme si un homme arrestoit sa veiie sur le beau teint de son espouse sans estre attentif ni aux traitz ni au reste de la grace de son visage, et lhors il regarde tout le visage, car le teint estant respandu sur tout son visage, on ne le peut regarder qu'on ne voye tout, quoy qu'on ne soit pas attentif a tout: ainsy le cœur regarde la bonté divine, et bien qu'il voye en cette bonté la justice, la puissance, la sapience, il n'est neanmoins attentif qu'a la seule bonté..

  A005001260 

 D'autrefois, il regarde plusieurs attributz et est attentif a les regarder, mais comme d'une veüe totalement uniforme et sans distinction; comme celuy qui regardant l'espouse d'un seul trait d'œil quil feroit, passant sa veue des la teste jusques aux pieds, n'auroit rien regardé distinctement, quoy qu'il auroit tout veu attentivement, et ne sçauroit dire autre, ni quel carquant ni quelle robbe elle porte, ni quelles bagues, ni quelz yeux, ni quelle bouche, ni quelles mains, ains sçauroit seulement dire que tout est beau et qu'ell'est toute belle: car ainsy on regarde la toute puissance, la toute justice, la toute sagesse de Dieu, non point distinctement, mays d'une simple veüe qui tire son regard d'un seul trait sur ces attributz, sans nulle interruption; et neanmoins ne sçauroit dire rien en particulier, ains seulement en general que tout est bon, quil [388] est tout beau, quil est tout desiderable, ainsy que Dieu mesme fit au commencement du monde: car il vid la bonté de tout ce quil faysoit separement et qu'un chacun ouvrage estoit bon; puis, d'un seul trait de son regard, il vid que tout estoit tres bon..

  A005001266 

 63, qui a laissé par escrit que l'orayson de recueillement est comme quand un herisson ou une tortue se retire au dedans de soy, l'entendoit bien; hormis que ces bestes ci rentrent dedans soy quand elles veulent, mais le recueillement ne gist pas en nostre volonté, mais seulement quand il plait a Dieu de nous faire cette grace.

  A005001266 

 Car on n'entend pas parler de ce recueillement que tous ceux qui veulent prier doivent faire, rentrant en eux mesme comme l'enfant prodigue, et retirant par maniere de dire l'ame dedans le cœur pour parler a N. S.; mais d'un recueillement qui se fait, non par le commandement de l'amour, mais en vertu de l'amour: c'est l'amour qui le fait luy mesme, et ne le fait pas faire..

  A005001267 

 Nostre Seigneur fait sentir a l'ame quil est dedans elle, par une certaine suavité dont il la touche; il respand un certain bien imperceptible dedans le cœur, lequel en estant touché, les puissances, voire mesme les sens de l'ame, par un certain secret consentement se retournent du costé de cet interieur ou est le doux, suave et bienaymé Espoux.

  A005001268 

 Il n'est rien de si naturel au bien que d'unir et attirer a soy.

  A005001268 

 Les facultés estant donques esparses et dissipees en varieté d'occupations exterieures, ne, retourneroyent jamais d'elles mesmes au dedans de l'ame si elles n'avoyent quelque sentiment que le Bien-aymé y est: elles le cherchent, et ne s'apperçoivent pas quil est au milieu d'elles, mays il leur parle, il leur dit que c'est luy, et soudain elles se retournent a luy.

  A005001268 

 Les fleurs de la flambe ou du glay, tant blanches que bleues, se ferment a la lueur du soleil; c'est, comme je pense, pour posseder et mieux recueillir sa chaleur vitale qu'elles sentent au milieu d'elles: ainsy les ames qui sentent en leur fond la lueur et chaleur du S t Esprit, pour en jouir se ramassent en elles mesmes..

  A005001268 

 Nostre ame va ou est son amour et son tresor; que si elle sent son tresor au dedans de soy, elle se ramasse toute en soymesme et retire a soy toutes ses facultés pour le mieux posseder et savourer.

  A005001269 

 Il ne se peut dire combien alhors l'ame se fasche de sortir hors de soymesme, par ce qu'ell'a au milieu de soy son Bienaymé; c'est pourquoy elle voudroit n'avoir ni des yeux, ni des aureilles, ni les autres sens exterieurs, par lesquels, comme par des portes ouvertes, il semble que les facultés sortent et s'en vont hors de l'ame; elle diroit volontier comme S t Pierre: O qu' il est bon que nous soyons icy; Je tiens Celuy que mon ame ayme, je le tiens et ne le quitteray point..

  A005001269 

 Quel bonheur, Philothee, quelle suavité de sentir Dieu au milieu de son ame! Quand le tressaint Sacrement est dedans nous, et que par la tressainte foy et meditation nous apprehendons vivement la veritable et admirable presence de ce divin Espoux, il nous ramasse fort souvent a soy et retire toutes nos facultés: Revertere, revertere, Sulamitis; il nous attire par le miel de sa sapience comm'un autre Salomon autour de son trosne.

  A005001270 

 Or ce recueillement, comme vous voyes, se fait par la douceur dont nostre cœur est touché, sentant en quelque sorte la presence de son bien au milieu de soy; c'est pourquoy il se fait doucement, par une aggreable inclination, par un doux retour, par une delicieuse retraitte que le playsir interieur fait faire aux facultés, et ne treuve rien qui l'exprime mieux que la retraitte des abelles qui se fait par la douce amorce [de] l'odeur du vin emmiellé.

  A005001271 

 C'est cela que quelques uns appellent introversion, c'est a dire retour de l'ame en soymesme et au dedans de soy mesme, y appercevant le S t Esprit qui l'attire insensiblement par des attraitz secretz mais delicieux, dont il appelle ses puissances et les rameyne en dedans comme les repliant sur elles mesme..

  A005001271 

 L'ame est plus ou ell'ayme qu'ou ell'anime: et ou estoit le Bien Aymé de cette Bienaymee, sinon dedans ses entrailles, dans ses flancz? c'est pourquoy toute son ame estoit ramassee dedans elle mesme, et a mesure que la divine Majesté s'estoit, par maniere de dire, restressie et appetissee dedans son ventre virginal, son ame aggrandissoit et magnifioit son infinie bonté, son esprit tressailloit en Dieu son Sauveur, c'est a dire en ses entrailles, ou Dieu estoit.

  A005001273 

 C'est la ferveur que la rencontre du Bienaymé excite en nous..

  A005001273 

 Et un'autre fois, o Dieu, Philothee, quell'agitation de cœur tesmoigne elle! J'entens, dit elle, la voix de mon Bienaymé; le voicy quil vient cettuy ci, saultant es montaignes, outrepassant les collines; il est semblable au chevreul et au petit cerf.

  A005001273 

 Le voyci quil est derriere nostre paroy, il regarde par les fenestres, il guette par le treillis; hé, le voyla ce Bienaymé quil me parle.

  A005001273 

 Voyes un peu comm'elle bouillonne en varieté d'affections: la voix de mon Bienaymé, il est es montaignes, il passe les collines, il est icy a nos murailles, il est aux fenestres, il regarde; hé, voy le cy quil me parle! Voyla bien des affaires, o [392] S te Sulamite, en un seul moment.

  A005001274 

 Telles sont les ferveurs du grand S t Aug in en ses Confessions; ou vous voyes fort souvent des souspirs, des exclamations et des traitz amoureux dont l'un n'attend pas l'autre, mais semblent a une girandole de feus artificielz qui jettent de toutes pars des flammes: car ainsy, en cette ferveur, l'ame jette un meslange et confusion d'actions et passions amoureuses, sans autre methode que celle que l'empressement lui suggere, qui est de se haster et ne tenir aucune methode.

  A005001275 

 Est elle ivre? sans doute,» ivre d'amour; elle n'use point de ceremonie, elle ne fait point d'artifice, elle ne considere point la majesté de son Amant, elle parle d'abord, qu'il la bayse..

  A005001275 

 Mays ayes compassion a sa passion, ell'est transportee d'amour: c'est pourquoy elle s'excuse en disant que le vin des mammelles, ou les mammelles, c'est a dire les amours, plus fortz que le vin, l'ont enivree.

  A005001276 

 Cette ferveur est representee par celle du moust qui boillonne dedans son tonneau, ainsy qu'Eliu le dit en Job, 32, v. [18,] 19: Je suis tout plein de paroles, dit il, et l'esprit de mes entrailles me presse; voyci que [393] mon ventre est comme du moust qui n'a point de respirait, qui romp les tonneaux pour neufs quilz soyent..

  A005001276 

 La ferveur s'appelle ferveur pour cela, dautant qu'elle pousse ses bouillons sans ordre ni mesure, comme la liqueur que le feu fait bouïllonner, et partant est comparee a l'ivresse: Ilz seront enivrés de l'abondance de vostre mayson, et les abbreuverés du torrent de vostre volupté.

  A005001277 

 Ce qui nous fait ainsy recueillir c'est une certaine reverence sensible qui saysit nostre cœur, comme nous voyons que, pour distraitz que nous soyons, si nous sçavons que le Roy nous regarde, nous rentrons en nous mesme pour nous bien tenir en sa presence avec le respect convenable.

  A005001277 

 Il arrive que quelquefois cette Bonté celeste nous envoye certaine douceur qui nous fait resserrer en nous mesme et ramasser nos puissances au dedans de nous, affin que de toute nostre ame nous adorions nostre Souverain, lequel nous est proposé hors de nous, soit au Ciel, soit en la terre.

  A005001277 

 Le recueillement c'est comme les ouistres et meres perles, qui, ayant receu les goustes du ciel, lafraiche rossee du matin, se resserrent pour la conserver non meslee, et pour l'ayse qu'elles ressentent d'appercevoir cette fraicheur si douce, et ce germe que le ciel leur envoie..

  A005001279 

 C'est ce « sommeil des puissances» dont parle la M. Therese, par lequel les facultés de l'ame sont totalement sans action, hormis la volonté, laquelle pourtant ne fait autre chose que recevoir le contentement de la presence du Bienaymé, demeurant tout'accoisee et satisfaite et assovie: assovissement et satisfaction neanmoins qu'elle n'apperçoit point, mais dont elle jouit en une certaine façon imperceptible; car elle ne pense point a son contentement ni a son bonheur, ains seulement a la presence de son Bienaymé, qui est la source de son contentement: comme il arrive quelquefois qu'un leger sommeil nous surprenant, nous entr'oyons seulement ce que ceux que nous aymons disent aupres de nous, ou ressentons quelque sorte de caresses qu'ilz nous font, ainsy quil arriva a la tressainte Sulamite quand elle disoit: Je dors, mays mon cœur veille; voyla que mon Bienaymé me dit: Sus, leve toy..

  A005001279 

 Et c'est cela, a mon advis, que la B. vierge Therese appelle «orayson de quietude,» et qui ressemble a cet exercice d'amour que mesme les amans humains font, lhors que, ne parlans point a la personne qu'ilz ayment, ilz se contentent d'estre au lieu ou ell'est, proche d'elle, prenans simplement playsir a cette presence, sans discourir ni sur la beauté ni sur les perfections de l'object aymé, assovis, ce semble, et satisfaitz d'estr'aupres d'iceluy, savourans cette seule presence, non par aucun discours, mais par une tres simple attention quilz ont a cette presence, en laquelle ilz ont leur contentement et repos.

  A005001279 

 Quelquefois, l'ame estant ainsy toute ramassee en elle mesme, ou [394] devant Dieu, si elle se represente Dieu hors d'elle mesme, ou autour de Dieu, si elle se le represente et le sent dedans soy mesme, ell'entre en une si grande paix, en un repos si tranquille, et ressent un'attention si delicate, si amiable et si douce, quil semble que son attention ne soit presque pas attention, tant ell'est presqu'imperceptible et exercee delicatement.

  A005001279 

 Voyes comm'elle dit ailleurs; Mon Bienaymé est a moy et moy a luy, qui se paist entre les lys, tandis que le jour aspire et que les ombres s'inclinent; elle le laisse paistre, et se contente de sçavoir quil est la pour elle et elle pour luy.

  A005001279 

 Voys la s te Sulamite es Cantiques, comm'ell'est doucement sommeillante, attentive, avec une suavité nom pareille, a la presence de son Espoux: Mon Bienaymé est un bouquet de mirrhe pour moy, il demeurera entre mes mammelles; elle se contente de [le] sçavoir la ou mesme elle ne le peut voir, ains seulement sentir.

  A005001280 

 Or, l'ame qui est en ce doux sommeil et qui n'a que la seule simple attention delicieuse de son Espoux, ne voudroit jamais partir de la, ni changer ce repos, non pas mesme au plus grand bien de ce monde.

  A005001281 

 Voyes, Philothee, comm'ell'est tranquillement assisse et en quietude: elle ne dit mot, elle ne souspire point, elle ne bouge point, elle ne prie point.

  A005001282 

 Il en est de mesme de l'ame qui est en repos et quietude par la presence de Dieu: elle succe presqu'insensiblement la douceur de cette jouissance, car elle ne discourt point, elle n'opere point par aucune faculté de son ame, sinon par la seule volonté, laquelle estant la bouche par laquelle entre le contentement et la delectation interieure, elle remue doucement et presque sans remuement, sucçant le bien de cette presence.

  A005001284 

 (Ces deux exemples sont admirables et les faut bien faire valoir.) Elle n'a pas besoin de la memoire, car ell'a present son object; elle n'a pas besoin de l'imagination, car qu'est-il besoin de s'imaginer celuy que l'on a en presence reelle? Car imaginer n'est autre chose que se representer une chose en image, quoy qu'image interieure, et celuy qui a le cors n'a pas besoin de regarder l'image, ains l'image luy seroit une diversion.

  A005001284 

 Or cett'orayson de quietude se fait ainsy: l'ame ayant ramassé ses puissances et sentant qu'ell'est unie avec son Espoux, elle n'a [397] plus sujet de s'empresser, car ell'a treuvé Celuy que son cœur ayme, elle n'a plus a faire que de dire: Je le tiens et ne l'abandonneray point.

  A005001284 

 Si que la seule volonté est celle qui doucement et suavement attire, comm'en tettant, le contentement de cette presence..

  A005001285 

 Les abeilles font quelquefois des seditions et mutineries entr'elles, par lesquelles, si leur garde n'y avise, elles s'entretuent et se desfont les unes les autres: le remede a ce desordre c'est de jetter emmi ce petit peuple effarouché, du vin emmiellé, car les abeilles sentant cette douceur s'appaysent, et s'amusant a la jouissance d'icelle demeurent accoysees.

  A005001286 

 Or en cette tranquillité il arrive quelquefois une tentation subtile: car si l'esprit a qui Dieu la donne est grandement actif, fertile et foisonnant en considerations, ou qui ayme grandement sentir ce quil fait et retourner sa veue sur soymesme, pour se voir et reconnoistre son avancement ou savourer son contentement... Car il y a des espritz de cette condition, qui veulent tout voir et sçavoir ce qui se passe en eux, et ne se contentent pas de savourer le bien silz ne savourent encor le contentement; et, [par] maniere de dire, encor quilz soyent contens, il leur est advis quilz ne le sont pas s'ilz ne sentent le contentement d'estre contens, et sont comme ceux qui, se sentans bien vestus contre le froid, ne penseroyent pas l'estre [398] silz ne contoyent combien de robbes ilz portent, ou comme ceux qui, estantz bien rassassiés ou desalterés, ne seroyent pas contens silz ne sçavoyent la quantité et qualité de ce qu'ilz ont beu et mangé..

  A005001288 

 L'ame, donq, qui est si heureuse d'avoir treuvé la paix et quietude amoureuse en Dieu, se doit abstenir tant qu'elle peut de se regarder soymesme ni son contentement, car elle le perdra en l'aymant, et le conservera en le negligeant pour ne point quitter la source d'ou il provient.

  A005001288 

 Mays pourtant il ne faut pas croire qu'il y ait peril de perdre cette sainte quietude par les actions ni du cors ni de l'esprit qui ne se font point par legereté ni par indiscretion; car il faut croire la B. M. Therese, laquelle estime que c'est superstition d'estre si jaloux de cette quietude que de ne vouloir ni tousser, ni cracher, ni respirer, pour la mieux conserver: car, certes, Dieu qui donne cette paix ne l'oste pas pour telz mouvemens exterieurs, non, ni mesme pour les distractions et evagations involontaires de l'esprit; car la volonté estant une fois bien amorcee ne laisse pas de savourer le fruit de cette quietude, quoy que l'entendement ou la memoire s'eschappent..

  A005001289 

 Et alhors, la paix sans doute n'est pas si grande comme si l'entendement et la memoyre conspiroyent, mais elle ne laisse pas d'estre vraye paix, puisqu'ell'est en la volonté, reyne de toutes nos facultés.

  A005001290 

 Neanmoins, l'ame qui est en cette quietude voudrait bien n'estre point distraitte; sa paix serait bien plus douce si on ne luy faysoit point de bruit au tour, si elle n'avoit nul sujet de se remuer ni quant au cors ni quant au cœur: car en fin toute l'ame prend contentement a cette presence, et partant elle y voudrait estre toute; mais ne pouvant quelquefois empescher quelque sorte de divertissement, au moins conserve elle la paix en la faculté par laquelle elle la reçoit, qui est la volonté.

  A005001291 

 Aucunefois mesme l'ame est en cette paix sans avoir aucun'autre satisfaction que de sçavoir qu'ell'est aupres de Dieu, et n'y a nul autre contentement que d'y estre par ce que Dieu a aggreable qu'elle y soit.

  A005001291 

 Autrefois, elle sent parler l'Espoux, mais elle ne sçauroit luy parler, ou par ce que l'ayse de l'ouïr ou la [400] reverence qu'elle luy porte l'en empesche, ou par ce qu'ell'est en secheresse et n'a de force que pour escouter et non pour ouïr..

  A005001291 

 Cette quietude, donq, a divers degrés: car quelquefois ell'est en toutes les puissances, quelquefois seulement en la volonté; puis en la volonté elle y est quelquefois perceptiblement, d'autrefois presqu'imperceptiblement.

  A005001292 

 Car imagines vous quil ne leur eut dit sinon: Demeures icy, ou que, quand il leur dit: Dormes et vous reposes, il leur eut enjoint de dormir, et quil n'eut pas dit cela pour les reprendre, leur permettant de dormir au tems auquel il sçavoit bien quilz ne le pourroyent pas faire: car en ce cas-la, silz fussent demeurés-la dormans, ilz eussent esté en la presence de leur Maistre, qui n'estoit guere loin, sans le sentir en façon quelcomque; et l'enfant qui dort dans le giron de sa mere est certes en sa presence, sans neanmoins s'en appercevoir.

  A005001292 

 D'autrefois, ni elle ne sent aucun signe de la presence, ni elle n'oyt, ni elle ne parle, mays simplement elle sçait qu'ell'est avec Dieu, que Dieu luy est present et quil luy plait qu'elle demeure la en sa presence, comme les Apostres ausquelz N. S r dit au jardin des Olives: Demeures icy, veilles.

  A005001292 

 Et notes, Philothee, qu'il y a difference entre se mettre en la presence de Dieu et se tenir ou estre en la presence de Dieu: car pour s'y mettre il faut appliquer son ame et la rendre actuellement attentive a cette presence, ainsy que je le dis en l' Introduction; mais apres qu'on s'est mis en la presence de Dieu, on s'y tient et on y persevere tous-jours tandis qu'ou par l'entendement ou par la volonté on fait quelque chose en Dieu ou pour Dieu: comme, par exemple, regardant Dieu ou quelque chose pour son amour; ou bien ne le regardant pas ni aucune chose pour son amour, mais luy parlant; ou mesme ne regardant ni ne parlant mais l'escoutant; ou encor ne regardant, ni ne parlant, ni n'escoutant, mais attendant sil nous regardera ou sil nous parlera; ou en fin, ne faysant rien de tout cela, mais simplement demeurant ou il nous a mis, par ce quil nous y a mis.

  A005001292 

 Que si a cette simple demeure se joint quelque sentiment que nous sommes a Dieu et quil est nostre tout, c'est une grace extremement grande que nous recevons..

  A005001294 

 Mon Dieu, chere Philothee, que c'est une bonne façon de se tenir en la presence de Dieu, que d'estre en son bon playsir et y demeurer volontairement! Pour moy, je pense que nous nous tenons en la presence de Dieu mesmement en dormant, car nous nous endormons a sa veue, a son gré et selon sa volonté; et semble qu'il nous jette la sur le lit comme des statues dans leurs niches, et nous nichons dans nos lictz comme les oyseaux dans leurs nids.

  A005001294 

 Nous avons donq tous-jours continué d'estre en sa presence, quoy que les yeux clos et fermés et sans que nous nous en soyons apperceu; et nous dirions volontier comme Jacob: Vrayement Dieu est icy, et je n'en sçavois rien..

  A005001294 

 Quand nous nous esveillons, nous treuvons que nous sommes presens a Dieu, qui ne s'est point esloigné de nous, ni nous de luy.

  A005001295 

 Car en fin, comme dient tous les Saintz qui ont traitté de cette matiere, c'est la vraye et essentielle extase de l'amour de n'avoir pas sa volonté en soy mesme, mais en la volonté de Dieu, ni n'avoir pas son contentement en soymesme, mais au contentement de Dieu.

  A005001295 

 Or cette quietude en laquelle la volonté n'agit que par un simple acquiescement a la volonté de Dieu est souverainement excellente, par ce qu'ell'est pure de tout l'interest des facultés de l'ame, qui ne jouissent d'aucun contentement, ni mesme la volonté, sinon en sa supreme pointe, par laquelle elle se contente de n'avoir aucun contentement que d'estre sans contentement pour l'amour du contentement de Dieu.

  A005001300 

 Alhors l'union est parfaitte, et celle que l'enfant fait procede de celle de la mere; en sorte que cett'union tant serree et pressee n'est qu'une seule, qui procede de la mere et de l'enfant, mais de l'enfant en telle sorte que tout procede pourtant de la mere: car elle l'a attiré a soy, elle l'a embrassé, elle l'a appliqué a cett'union, elle l'a incité; et les forces de l'enfant sont si foibles quil n'eut sceu se serrer si fort a sa mere si elle ne l'eut serré, si que ce quil fait ressemble plustost un essay d'union qu'une union..

  A005001300 

 Imagines vous un enfant (car cette comparayson est toute d'amour pur et doit estre suivie) qui, voyant sa mere assisse, laquelle luy presente son giron et son sein, vient se jetter tout entre ses bras: il se ramasse tout la dans ce sein desirable, dans lequel il plie tout son cors; sa mere, le tenant, le serre et le colle sur sa poitrine, et joint ses levres aux siennes; luy, amorcé de cette caresse par laquelle sa mere l'unit tout a soy, non seulement consent, mays tant quil peut il se serre luy mesme et se presse sur le sein et sur le visage de sa chere mere, et de son costé coopere a cette amoureuse union.

  A005001302 

 Qu'est ç'a dire, tenir collée, tenir attache et ravir, sinon unir fort serré? L'ame se serre donq et se presse sur ses objects quand elle s'y affectionne, et se presser et serrer a l'object n'est autre chose que s'unir de plus fort; car presser et serrer une chose contr'un'autre ou sur un'autre n'est autre chose que la joindre et unir davantage; le serrement et pressement c'est le progres et perfection, accroissement et augmentation de l'union..

  A005001303 

 Car il y a difference entre joindre une chose a un'autre, et serrer ou presser une chose contr'un'autre et sur un'autre: car joindre et unir se fait par une simple application d'une chose, comme nous joignons, en sorte qu'elles se touchent, les vignes ou le jasmin aux arbres; mais presser et serrer se fait par un'application forte qui accroist et augmente l'union et conjunction: si que serrer c'est fortement et intimement joindre, comme le lierre se joint a un arbre; car il le serre et le presse si fort, que mesme il penetre et entre dedans son escorce..

  A005001304 

 Nous usons mesme de ce mot en nostre langage: il me presse de faire telle chose, il me presse de demeurer avec luy; c'est a dire, il n'applique seulement sa persuasion, ou son credit, ou sa priere, mais il l'applique avec contention, effort et vehemence.

  A005001307 

 Quelquefois cett'union se fait de toutes les facultés de l'ame, qui se ramassent autour de la volonté, non pour s'unir elles mesme a Dieu, car elles n'en sont pas toutes capables, mais pour ne point destourner la volonté, ains luy donner toute commodité de s'unir de plus en plus a ce divin objet; c'est pourquoy, de peur de la destourner, elles la suivent, car si les autres puissances estoyent appliquees a leurs particuliers objectz, l'ame qui opere par elles seroit distraitte et divertie par la varieté des actions, et ne pourroit pas si parfaitement s'employer a celle de l'amour.

  A005001311 

 Ainsy mesme l'ame de Jonathas est ditte collee a l'ame de David; et, comme dit S t Aug in, celuy entendoit bien la force de l'amour qui disoit a son ami: a Dieu, «la moytié de mon ame;» car quand l'amitié est parfaite ell'est indissoluble, inseparable et æternelle, ainsy que je l'ay dit ailleurs..

  A005001311 

 En fin, quand cett'union est non seulement tres serree et estroitte, mais que la chose unie peut malaysement estre separee et desprise, [comme une] greffe qui s'attache a l'arbre, elle s'appelle par le grand s t Thomas et les Theologiens inhæsion ou adhæsion, parce que par cett'union non seulement on est fort uni et serré, mais on est attaché, affigé, collé a la chose, on se tient a elle, on est pris l'un a l'autre en sorte quil y a peyne de s'en desprendre; comm'il [arrive] quand la chose qui se prend a un'autre est visqueuse et gluante, ou qu'elle [est] attachee par des cloux ou par plusieurs neuds et liens entrelacés.

  A005001311 

 Or l'union de nostre ame a Dieu est lhors en sa perfection quand nous sommes tellement saysis de sa bonté que non seulement elle nous tire a soy, non seulement elle nous joint a soy, non seulement elle nous serre a soy, mais elle nous attache et se prend tellement a nous que nous ne nous en pouvons desprendre.

  A005001312 

 Eux, quoy qu'endormis, sont en plus grande union en effect, et elle, est en plus grand exercice d'union; puisqu'eux, quoy quilz soyent incomparablement plus unis qu'elle, neanmoins ilz ne font nul exercice de leur union, et celle ci, incomparablement moins unie qu'eux, est neanmoins en l'exercice et en l'actuelle prattique de l'union..

  A005001312 

 Ilz sont plus estroittement unis en effect et en affection encores, car leurs affections, quoy que dormantes, sont toutes engagees indissolublement a l'amour de leur Maistre; mays pourtant cett'ame qui est la en l'orayson, ell'est plus avant en l'exercice de l'union qu'eux.

  A005001312 

 Mays en cet endroit nous ne parlons pas du lien permanent par lequel nostr'ame est attachee a Dieu en vertu des resolutions que la sainte charité nous donne: c'est sans doute, Philothee, que la charité est un lien et lien de perfection; et qui a plus de charité, il est plus attaché a Dieu, plus indissolublement, plus inseparablement, plus estroittement.

  A005001312 

 Nous parlons de l'union de nostre esprit a Dieu qui se fait par l'action de l'amour, c'est a dire de l'union qui est un des exercices de l'amour.

  A005001312 

 Philothee, imagines vous donques que (il importe que vous m'entendies) S t Paul, S t Augustin, S t Denis, S t François, S te Catherine de Sienne ou de Genes sont encor en ce [406] monde, et quilz dorment de lassitude apres plusieurs travaux pris pour l'amour de Dieu; representes vous d'autre part quelque bonn'ame, mais non si s te comm'eux, car il y en a peu qui leur soient comparables, qui est en l'orayson d'union a mesme tems: je vous demande, chere Philothee, qui est plus joint a Dieu, plus uni, plus attaché? O Dieu, vous me confesseres que ce sont ces heureux personnages; car leur charité, qui est, comme l'un d'eux tesmoigne, le lien de perfection, est bien plus grande et plus forte que celle de cett'autre ame qui est en l'orayson d'union.

  A005001313 

 Ainsy un'ame qui est en l'exercice de l'union, et qui est parvenue jusques a l'inhæsion, si on la retire de cet exercice ell'en ressent de la douleur; elle ne se peut oster de la: si on destourne son entendement, elle se tient a la volonté; et si on la fait encor desprendre de la volonté, l'occupant a quelque exercice fort divertissant de celuy la, elle retourne a tous momens du costé de son cher object, faysant des traitz d'union [407] comm'a la desrobbee; experimentant la peyne et le serrement de cœur du grand S t Pol, car ell'est pressee de deux desirs: l'un d'estre delivree de l'occupation alaquelle on l'appelle, et demeurer avec Jesus Christ; l'autre, d'aller neanmoins a l'œuvre de l'obeissance que l'union mesme avec Jesus Christ luy enseigne estre plus requise..

  A005001313 

 Or c'est de cet exercice que nous parlons icy, lequel quand Dieu nous le donne jusques a [ce] signe de perfection que ce nous est une grande peyne et difficulté de nous en retirer, que nous ne pouvons qu'avec douleur nous en desprendre, et quil semble a nostr'ame qu'ell'est attachee et collee a son Dieu, alhors nous disons qu'ell'est en l'union d'adhæsion ou inhæsion.

  A005001313 

 Voyes vous ce petit enfant attaché au tetin et au col de sa mere: si on le veut arracher de la pour le porter en son berceau, par ce quil en est tems, il marchande et dispute tant quil peut pour ne point la quitter, et se serre plus estroittement a elle; si on luy fait desprendre une main il s'acroche de l'autre, et si on l'arrache du tout il se met a pleurer, il regarde devers son giste d'amour quil prefere a tout autre, et ne pouvant plus estre avec elle il la reclame, et va criant tendrement et plaintivement sa mamma, mamma.

  A005001314 

 Ainsy un'ame collee a Dieu n'est plus en soy, mays en Dieu, comme le lierre attaché a la muraille n'est plus en soy, mais en la muraille..

  A005001314 

 Or la Mere Therese dit excellemment que cett'union estant parvenue jusque a cette perfection que nous venons de dire, elle n'est point differente de l'extase, suspension ou pendement; mais que seulement on l'appelle union ou suspension quand ell'est courte, extase et ravissement quand ell'est longue: car en effect, l'ame attachee a son Dieu, si serré que toutes ses puissances sont employees a cela, elle n'est plus en soy mesme, mais en Dieu; comm'un cors crucifié n'est plus en soymesme, mais en la croix.

  A005001315 

 Ah, qui me donnera la grace que je sois un esprit avec vous! En fin, Seigneur, l'unité m'est necessaire; pourquoy me troublerois-je en la multiplicité des choses? Hé, doux Ami de mon ame, que cett'unique soit pour l'Unique! Unisses ma pauvr'uniqu'ame a vostre unique bonté! Hé, vous estes tout mien, quand seray-je toute vostre! O cher aymant, tires ce fer a vous! soyes mon tire cœur comme l'aymant est un tire fer.

  A005001315 

 C'est la recompense du vray amour: Si quelqu'un m'ayme, mon Pere et moy viendrons a luy, et ferons nostre sejour vers luy et en luy.

  A005001319 

 Voyes, je vous prie, Philothee, l'eau, le vin, l'huile et toutes choses liquides: si vous les respandes dans un vaisseau, elles n'auront point de bornes que celles que le vaisseau leur donnera, ni point de figure que la figure du vaisseau; si le vaisseau est quarré elles le seront aussi, sil est rond ou triangulaire elles auront la mesme figure, de sorte qu'on peut dire que ces choses liquides n'ont ni figure ni bornes aucunes que les bornes et figures de ce qui les contient..

  A005001320 

 Ell'a sa figure par ses habitudes et inclinations, et ses bornes en sa propre volonté; et lhors qu'ell'est plus sujette a ses inclinations et volontés, nous disons qu'ell'est dure spirituellement, c'est a dire opiniastre, obstinee: Je vous osteray, dit Dieu, vostre cœur de pierre, et vous en donneray un de chair; c'est a dire, je vous osteray vostre obstination et dureté spirituelle.

  A005001320 

 L'ame n'en est pas de mesme par nature: non certes, Philothee, car ell'a ses figures, ses bornes et limites spirituelles, en sorte que elle n'est pas aysement pliable ni maniable par autruy.

  A005001320 

 Le cœur du Sauveur, vraye perle orientale, uniquement unique en valeur, fut de mesme en la Passion; car, jetté au milieu de tant d'aigreurs, il se fondit en soymesme, et se resolut et desfit emmi les angoisses, c'est a dire, il fut si angoissé quil fut angoisse luy mesme, n'ayant ni figure ni bornes que celles de l'angoisse mesme.

  A005001320 

 On appelle cœur de pierre, ou de fer, ou de bois, un cœur qui ne prend point aysement les figures et resolutions qu'on luy veut imprimer; au contraire, un cœur doux, maniable et traittable, il est appellé un cœur amolly, fondu, liquefié.

  A005001320 

 Que veut il exprimer, ce Sauveur de nos ames, sinon qu'il respandit tant de sang quil ressembloit que ce fut comme un seau d'eau que l'on respand, et que ses os furent tous demis et disloqués de leur place, et que son cœur, c'est a dire l'ame quant a la partie inferieure, parmi tant de tourmens, estoit sans subsistence, fondu et dissoult en tristesse? Cleopatra, cett'infame reyned Ægipte, faisant des festins a l'envi avec Marc Antoyne, voulant encherir sur tous les exces et les dissolutions que Marc Anthoyne avoit fait, fit apporter a la fin de son festin un bocal de fin vinaigre, dedans lequel elle jetta une des perles qu'elle pourtoit a ses oreilles, estimee de valoir 250.000 escus; puis la perle s'estant resolüe et liquefiee, elle l'avala, et en eut fait de mesme de lautre perle qu'ell'avoit en lautre oreille si Lucius Plantius ne l'eut empeschée.

  A005001320 

 v. 14 et 15: Je suis, dit il, respandu comme de l'eau, et tous mes os sont dispersés; mon cœur est fait comme de la cire fondue au [409] milieu de mon ventre.

  A005001321 

 Et affin que vous sachies que cette fonte et cest escoulement est reciproque, voyes, Philothee, ce que l'Espouse dit: Tes mammelles, dit-elle, sont meilleures que le vin, jettant l'odeur des parfums plus parfaitz.

  A005001321 

 Et comme Dieu dit a Moyse quil parlast au rocher et il produiroit des eaux, [et] que le rocher se fut fondu et converti en eau si Moyse luy eut parlé, ainsy le Bienaymé parlant a l'amante, son ame s'est fondue et toute convertie en liqueur.

  A005001321 

 Et comme le s t Espoux respand son amour et son ame en celle de l'Espouse, aussi reciproquement l'Espouse sacree respand la sienne apres l'Espoux: Mon ame s'est fondue, dit elle; c'est a dire: comme l'on void que le vent meridional soufflant sur la neige des montaignes la fait fondre, et se fondant elle quitte sa place, sortant d'elle mesme pour ruisseler es vallees, ainsy la parole de mon Bienaymé, venant comm'un vent en mon ame, la fait fondre d'amour, et ell'est sortie d'elle mesme, s'escoulant apres son amant (par ce qu'en l'Hebrieu et Caldaique et es Sept, il y a: Anima mea egressa est, ut dilectus meus locutus est; vide Sa, Rio, Ghisler, Lyranus.) Ou bien: mon ame a esté comm'un bornai ou cousteau de cire, qui, touché des rays ardens du soleil, sortant de soymesme, de sa forme, de son estre, flue et s'ecoule devers l'endroit dont il est touché; car ainsy mon ame s'est escoulee du costé de la voix de mon bienaymé..

  A005001321 

 Et comme le vin, plus il est fort moins il peut estre retenu dans le tonneau quil ne s'espanche et ne sorte par dessus, ainsy l'amour de l'Espoux ne pouvoit demeurer en son cœur quil ne se respandit; et parce que l'amour ne va pas sans l'ame, l'ame mesme de l'Espoux s'estoit respandue, dont ell'adjouste: Vostre nom est un'huile respandue; vous ne respandes pas seulement vos affections, mais vous estes vous mesme un baume respandu.

  A005001321 

 L'amour avoit rendu fluide et coulant l'Espoux, que pour cela l'amante appelle huile ou baume respandu; maintenant ell'asseure qu'aussi elle est devenue toute liquide et fluide, disant que son ame s'est fondue Ihors que son Bienaymé a parlé.

  A005001321 

 Le baume est une liqueur espaisse et non fluide de soymesme, et plus il est gardé plus il s'espaissit, et mesm'en fin il s'endurcit et devient rouge et transparent; mais la chaleur le dissoult et rend fluide.

  A005001321 

 Les mammelles signifient l'amour, qui a son siege dans [le] cœur et dans la poitrine; or cest amour est plus fort [410] et meilleur que le vin, respandant un odeur admirable en suavité.

  A005001321 

 Mon ame, dit l'amante sacree, s'est fondue a mesme que mon Amant a parlé.

  A005001321 

 Qu'est ce a dire, mon ame s'est fondue? Elle s'est attendrie, elle ne s'est plus tenüe en elle mesme, mais s'est escoulee devers ce Bienaymé, elle s'est toute desfaite en elle mesme.

  A005001322 

 Mays en quoy consiste cette liquefaction? Ceste passion amoureuse, a proprement parler, consiste en trois mouvemens, dont le premier est cause du second et le second du troysiesme.

  A005001323 

 C'est pourquoy les Sept., l'Heb. et le Cald.

  A005001323 

 Car dites moy, Philothee, si une goute d'eau naturelle jettee dedans un ocean de eau naphe ou d'eau imperiale, pouvoit parler et dire ce qu'ell'est devenue, ne dirait elle pas: Je suis, ains je ne suis plus moy mesme, mais cet ocean est en moy et mon estre est caché en cet abisme d'eau imperiale.

  A005001323 

 Il semble que telle fut la passion amoureuse qui fit dire au grand s t Paul: Je vis, mais non plus moy, ains Jesuschrist vit en moy; et quand il disoit ailleurs: Nostre vie est cachee en Dieu avec Jesuschrist.

  A005001323 

 Or la verité est que cette liquefaction, cet escoulement d'un'ame en Dieu, est a proprement parler une grande et veritable extase, par laquelle l'ame est toute hors de ses propres bornes, hors de son propre maintien, et se treuve toute absorbee et engloutie et comme toute meslee en son Dieu, ainsy qu'une goutte d'eau qui tumbe dans un grand vaisseau de vin.

  A005001323 

 portent en leur texte: Mon ame est sortie quand mon Bienaymé a parlé; c'est a dire, elle est tumbee en extase; et nostre version ordinaire latine, disant la mesme chose, l'exprime par cette parole: Mon ame s'est fondue; qui est la mesme chose, car ce qui se fond coule hors de soymesme.

  A005001327 

 Il est «aigu,» dit le grand apostre de la France, et entre tres intimement dans l'esprit.

  A005001327 

 L'amour est la source et racine de toutes les passions de l'ame, comme nous avons dit ailleurs; et par ce que l'amour qu'un esprit donne a l'autre perce puissamment jusques a ce quil ayt treuvé son centre, et que le centre de l'amour ou il establit son siege, ou est sa place, n'est autre chose que le fin fond de la volonté, partant l'amour blesse, et a guise d'une sagette se fourre soymesme dedans l'ame.

  A005001327 

 Les autres passions n'entrent dedans le cœur que par l'entremise de l'amour, mais l'amour entre luy mesme par sa propre force; et par ce que l'amour est la premiere passion du cœur, c'est luy seul qui le blesse: la tristesse, la crainte, la hayne ne piquent le cœur que par l'amour.

  A005001327 

 Pourquoy, je vous prie, Philothee, haissons-nous le mal sinon par ce que nous aymons le bien? pourquoy nous attristons nous des maux apprehendés comme presens sinon par ce quilz nous privent du bien? pourquoy craignons nous le mal futur sinon par ce que nous desirions et esperions le bien? C'est l'amour seul qui nous donne toutes les passions, c'est luy aussi qui nous blesse et navre le cœur..

  A005001328 

 Il est vray que quicomque est amoureux, il est blessé d'amour, et les premiers traitz d'amour que l'on sent au cœur se peuvent appeller blesseures, [413] par ce que l'amour transperce soudainement, et a l'heure que moins l'on y pense.

  A005001328 

 Mays cette blesseure d'amour n'est pas seulement appellee blesseure par ce que, comm'un trait ou dard descoché sur nos cœurs, elle penetre jusques au fons intime de l'esprit, mais aussi parce qu'elle est douloureuse et en verité pique l'ame.

  A005001328 

 Qui le rend triste? c'est quil est blessé.

  A005001329 

 Car tout ainsy que si une abeille avoit piqué le visage d'un enfant, vous auries beau luy dire: ah, mon cher enfant, c'est l'abeille mesme qui a fait le miel que tantost vous avés gousté avec tant de playsir; il vous diroit: il est vray, mais son eguillon m'a percé, et tandis quil est dans ma joue je ne puis vivre en repos; ne voyes vous pas comme ma joue en est emflee? Aussi il est vray que l'amour est un mouvement de complaysance, pourveu quil ne nous laisse point l'eguillon du desir; mais quand il le laisse, sans doute nous avons un'extreme douleur, mais parce que c'est une douleur d'amour ell'est aymable et amiable.

  A005001329 

 Hé, qui me delivrera du cors de cette mort? Voyes cet autre amoureux: Mon ame a soif de son Dieu fort et vivant; hé, quand viendray-je et apparoistray-je devant la face de mon Dieu? Mes larmes ont esté mon pain nuit et jour, tandis qu'on me dit: ou est ton Dieu? Voyes la sacree Sullamite comm'elle parle aux filles de Hierusalem: Helas, dit elle, je vous conjure, si vous rencontres mon Bienaymé, de luy annoncer ma peyne, par ce que je languis et suis blessee d'amour.

  A005001329 

 Mays la douleur comme peut ell'estre causee de l'amour? car l'amour est un mouvement de complaysance, et la complaysance comme peut elle donner la douleur? Ou l'object aymé est present au cœur aymant, Philothee, ou il est absent.

  A005001329 

 S'il est absent, helas, Philothee, l'amour blesse le cœur par le desir violent quil excite, lequel ne pouvant estre assovi tourmente le cœur tres asprement.

  A005001330 

 (Il faut mettre ceci par comparayson. Une ville prise par les Romains, lhors que les soldatz de Rome se sont renduz les plus fortz, ilz arborent l'estendart, et cœt.; ainsy le Roy paysible des cœurs, Jesus Christ, ayant pris le cœur de sa chere Sulamite et l'ayant remply de mille passions amoureuses, il mit l'estendart d'amour sur son cœur.) Or lhors, tout'amoureuse qu'ell'est, il la presse, et descoche de tems en tems mille traitz d'amour, par exces, luy monstrant combien il est encor plus aymable qu'elle ne l'ayme: et elle, qui n'a pas tant de force pour aymer que d'amour pour s'efforcer d'aymer davantage, voyant ses effortz n'estre pas asses fortz pour aymer selon son desir Celuy que nulle force ne peut asses aymer, helas, elle se sent toute blessee; et autant d'eslancemens qu'elle fait, autant elle reçoit de secousses d'amour.

  A005001330 

 C'est lhors quil tesmoigne sa presence a l'ame et la presse d'amour, il la sollicite et luy fait vivement connoistre sa douceur infiniment aymable, car il presse en cette sorte: il luy donne des sentimens admirables de sa souveraine bonté, qui donne des attraitz non pareilz a l'ame, laquelle s'eslançant comme pour voler a son objet, et demeurant courte par [ce] qu'elle ne peut tant l'aymer comm'elle desire, o Dieu! elle sent une douleur qui n'a point d'egale.

  A005001330 

 Ell'est attiree puissamment, et elle se sent impuissante a voler ou est sa proye, par ce qu'ell'est encor attachee aux miseres de cette vie mortelle; la voyla donq terriblement tourmentee: O miserable homme que je suis,qui me delivrera du cors de cette mortalité? Alhors ce n'est pas le desir de chose absente, car elle sent son Espoux present, il l' a menee en son cellier a vin, il a arboré sur son cœur l'estendart de l'amour, comme sur une ville pleyne de passions amoureuses.

  A005001330 

 Quand nous aymons des-ja fort nostre object, si nous en sommes absens, l'amour alhors a un eguillon, a sçavoir, le desir qui nous pique et blesse incessamment; c'est pourquoy nous plaignons alhors et souspirons comme gens affligés et blessés.

  A005001332 

 Et le desir qui ne peut reuscir est comm'un dard dans les flancz d'un courage genereux; mays pourtant la douleur que l'on en reçoit est une douleur aggreable, car quicomque desire d'aymer, il ayme aussi a desirer, et s'estimeroit le plus miserable homme du monde sil ne desiroit pas d'aymer ce quil voyd estre si souverainement aymable: il desire d'aymer, voyla sa douleur; mays il ayme a desirer, voyla sa consolation..

  A005001332 

 O Dieu, quelle peyne a un'ame, mais que cette peyne est aymable! car ce cœur aymant desire d'aymer, et void bien quil ne peut ni asses aymer ni asses desirer.

  A005001333 

 Jamay celuy ne l'ayme asses, qui croid de l'aymer asses: la suffisance en l'amour n'est jamais suffisante.

  A005001333 

 Vray Dieu, Philothee, que vay-je dire! Les Bienheureux qui sont au Ciel n'ont pas tous un egal amour, et voyans tous neanmoins que Dieu est plus aymable qu'ilz ne l'ayment ni l'aymeront jamais, sans doute ilz periroyent et pasmeroyent eternellement d'un desir d'aymer davantage, si la tressainte volonté de Dieu, quilz voyent avoir si misericordieusement et surabondamment recompensé leurs merites par l'amour (je parle des esleuz qui ont esté en usage de franc arbitre), ne leur imposoit l'admirable repos dont ilz jouissent; car ilz ayment si uniquement la volonté de Dieu, que le contentement de Dieu les contente et sa volonté arreste la leur, et acquiescent parfaitement d'estre bornés en leur amour pour l'amour de la volonté divine.

  A005001334 

 Jamais nous ne blessons un cœur d'amour que nous n'en soyons atteintz, et de voir un cœur blessé cela nous sert de blesseure: c'est pourquoy les ames devotes, quand elles considerent que Dieu est touché, ains blessé d'amour pour elles, elles en reçoivent une reciproque blesseure, dautant plus grande qu'elles voyent de ne pouvoir jamais tant aymer que l'amour divin le requiert..

  A005001335 

 Un jour on faysoit des exorcismes sur une personne possedëe, et le malin esprit estant pressé de respondre quel estoit son nom, il dit quil estoit «ce malheureux privé d'amour.» S te Catherine de Genes, qui estoit la presente, se sentit esmouvoir toutes les entrailles entendant le mot de privation d'amour: et comme les demons voyans le seul signe de l'amour de Dieu, oyans le seul nom de son amour, qui est Jesus et la Croix, tremblent, sont tourmentés et fuyent, par ce quilz haissent souverainement l'amour qui fit incarner le Filz de Dieu, ainsy ceux qui aiment Dieu tremoussent aux moindres signes ou paroles qui representent la privation de cet amour, comme sont ces paroles de desfiance: M'aymes-tu? car encor que nous sachions qu'elles ne sont pas de desfiance, neanmoins, par ce qu'elles en ont l'apparence, elles nous affligent..

  A005001335 

 Un'autre blesseure d'amour est quand l'ame sçait qu'ell'ayme Dieu, mais Dieu la traitte comme sil ne sçavoit pas que l'ame est en amour; et bien qu'elle sache bien que Dieu n'est pas en desfiance de son amour, neanmoins il la traitte en sorte quil semble estre en desfiance.

  A005001336 

 Quelque fois cette blesseure d'amour se fait par le seul souvenir du tems que nous avons esté sans aymer Dieu, d'ou, ce semble, procedoit cette voix de S t Augustin: «O que tard je t'ay» reconneu, «Beauté antique!» Car la vie est plus ennuyeuse que la mort a ceux qui connoissent que la vie est sans vie tandis qu'on vit sans aymer la vraye vie..

  A005001337 

 D'autrefois cette blesseure se fait par la seule consideration de la multitude de ceux qui mesprisent l'amour de Dieu qui est tant aymable, si que ilz pasment de douleur, comme celuy qui disoyt: Mon zele me fait secher de douleur par ce que mes ennemis n'ont pas gardé ta loy.

  A005001338 

 Certes, l'amour est ainsy aigredoux, et tandis que nous sommes en ce monde il n'a jamais sa douceur pure, par ce quil n'y est pas parfait ni assovi; neanmoins il ne laisse pas d'estr'aggreable, et son aigreur mesme rend plus aymable sa douceur, comme sa douceur rend son aigreur extremement suave..

  A005001338 

 Les grenades, par leur couleur vermeille, par la multitude de leurs grains rangés et serrés ensemble, et par sa couronne, represente naifvement, selon l'advis de s t Greg., la sainte charité, enflammee de l'amour de son Dieu, contenant toute la varieté des vertus, et qui est la seule vertu couronnee de la gloire; mays son suc, Philothee, comme nous sçavons, qui est si agreable aux sains et aux malades, est tellement meslé de douceur et d'aigreur, qu'on ne sçauroit discerner sil est plus aggreable par ce quil a une douceur aigrette, ou par ce quil a un'aigreur doucette.

  A005001339 

 «Il n'y a point de travail,» dit s t Augustin, «ou il y a de l'amour, ou sil y a du travail c'est un travail bienaymé.» Un Seraphim tenoit un jour une sagette toute d'or, de la pointe de laquelle sortoit une petite flamme: il la darda dedans le cœur de la B. Therese, et la voulant retirer il sembloit a la vierge qu'on luy arrachast les entrailles; et la douleur en fut si grande qu'elle n'avoit de force que pour jetter des foibles et petitz gemissemens, mays douleur si aggreable, que jamais elle n'eut voulu en estre delivree.

  A005001339 

 † Et ce qui est admirable c'est que les cœurs blessés de l'amour, non seulement sentent la douleur, mays y consentent, et ne voudroyent pour chose du monde ne l'avoir pas.

  A005001340 

 Et outre cela, l'amour porte si puissamment l'ame en son objet, que quand il est vehement ell'est tellement occupee par luy qu'elle manque a toutes ses autres operations, tant sensitives qu'intellectuelles; de sorte que pour [419] nourrir mieux cet amour, l'ame semble abandonner tout autre soin, tout'autr'action et soymesme encores: dont Platon a dit que l'amour estoit «pauvre, chetif, deschiré, nud, deschaux, sans mayson, couchant dehors sur la dure, es portes, tous-jours indigent.» Il est « pauvre,» par ce quil quitte tout pour la chose aymee; il est «chetif,» pasle et maigre, par ce quil fait perdre le sommeil, le manger et le boire; il est «nud et deschaux,» par ce quil n'a aucune affection, sinon celles de la chose aymee; il est «sans mayson,» par ce quil n'habite point dedans l'amant, mais suit tous-jours la chose aymee; il couche «dehors sur la dure,» par ce quil ne peut demeurer couvert, ains se manifeste et descouvre par des souspirs, plaintes, afflictions desordonnees, louanges, soupçons, jalousies; il est «es portes» tout estendu comm'un gueux, tant par ce quil est tout occupé a regarder, ouïr et parler a celuy quil ayme (et les yeux, les oreilles et la bouche sont les portes du cœur), comme encor, par ce qu'il est tous-jours aux oreilles de la chose aymee, ou a ses yeux, pour mendier des faveurs nouvelles, sans que jamais il en puisse estr'assovi.

  A005001340 

 Et si, c'est sa vie que d'estre «indigent,» car si une fois il est rassassié il n'est plus en ardeur, et par consequent n'est plus amour..

  A005001340 

 Les cors mesme de ceux qui sont blessés d'amour en demeurent malades, affoiblis et alangouris, comme l'on vid Ammon malade presqu'a mort pour l'amour de Tamar; et c'est chose asses conneüe que l'amour humain a la force non seulement de blesser le cœur, mais de rendre le cors malade jusques a la mort: ce qui se fait par la liayson que l'ame a avec le cors, [d'autant] que comme la passion et le temperament du cors a beaucoup de pouvoir de tirer l'ame a soy, aussi les passions de l'ame ont une grande force pour remuer les humeurs et changer les qualités du cors.

  A005001341 

 Voyes les [Apostres], deschaux, nuds, pauvres, indigens, parmi les ondes de la mer, sur la dure, mendians; et en somme tellement aneantis au monde, [que] si le monde est une mayson ilz en sembloyent les ballieures, sil est une pomme ilz en sembloyent les peleures; comme dit cet Apostre qui pour avoir plus souffert que nul autre le pouvoit aussi mieux dire.

  A005001342 

 Hé, ne prenes pas garde que suis brune, car mon Bienaymé, qui est mon soleil, a dardé ses rayons amoureux sur moy; rayons qui m'esclairent, mais qui me rendent haslee et bruslee, et ce mesme soleil qui me donne sa clarté m'oste ma couleur.

  A005001342 

 L'amour qui me rend si heureuse que de me donner un si excellent ami comm'est mon Salomon, a des autres enfans qui me donnent des assaux et me reduisent a telle langueur, que comme d'un costé je ressemble a une reyne qui est a costé de son roy, d'autre part je ressemble a une vigneronne qui dans une vile cabanne garde les vignes; et si encor ne gardé je pas ma vigne, car toutes mes douleurs amoureuses sont encor dediees a mon Bienaymé..

  A005001342 

 Oyes la tressainte Sullamite comm'elle s'escrie: Quoy qu'a rayson de mille consolations que mon amour me donne, je sois plus belle que ne furent jamais les riches pavillons de Salomon, plus belle certes que le Ciel mesme, car il est la tente inanimee du Roy, et je suis son pavillon animé, je suis neanmoins noyre, deschiree, poudreuse et toute gastee de tant de blesseures et des coups que ce mesm'amour me donne.

  A005001343 

 C'est chose admirable de voir les langueurs amoureuses de s te Catherine de Sienne et de Gennes, de s te Angele de Foligni, de la Bienheureuse Mere Therese; mays qui pourrait jamais exprimer les merveilles des effectz que l'amour celeste fit au cœur et au cors de s t François? Car sa vie n'est presque que de larmes, de souspirs, de plaintes amoureuses: et en fin vous voyes un Seraphin qui le stigmatise et le blesse par des rayons sortans des endroitz de l'ouverture du flanc, et des pertuis des mains et des pieds d'un'image de Jesus Christ crucifié quil portoit; de sorte que cinq playes demeurent imprimees en ce bienaymé serviteur, es mesmes endroitz esquelz son Maistre les avoit receues pour nous rachetter.

  A005001344 

 L'amour est admirable poureguisen l'imagination affin qu'ellepenetre jusques a l'exterieur.

  A005001344 

 Or, si l'amour terrestre a ce pouvoir, qu'est ce que ne pourra pas le celeste? [422].

  A005001345 

 C'est l'amour donq qui fit passer les douleurs interieures de ce grand amant en l'exterieur, et blessa le cors du mesme dard dont il avoit esté blessé.

  A005001345 

 Ou bien, on sait que l'arbrisseau du baume a pour son fruit cette pretieuse liqueur qui est la plus odorante et excellente de toutes, mais ce fruit il ne le peut produire que le maistre ne vienne luy donner l'incision.

  A005001346 

 Or, quand les blesseures et playes de l'amour sont frequentes, elles font en nous la langueur et l'aimable maladie d'amour, ou bien quand la blesseure est fort profonde.

  A005001352 

 Dieu est jaloux de nous, et nous le devons estre de luy; mays sa jalousie et la nostre ne sont pas de mesme espece, a rayson de la difference des objetz: car Dieu a de la jalousie pour nous en deux façons.

  A005001352 

 Et la rayson est par ce que nos ames n'ont pas asses d'amour pour aymer dignement ce s t Amant, et voulant partager leur amour elles le destruysent; joint qu'estant souverainement aymable, rien ne doit tenir rang egal a luy dedans nostre cœur: c'est pourquoy il le veut tout, c'est a dire, que toutes nos autres affections soyent dependentes, ou au moins sujettes, ou, au fin moins, inferieures a celle que nous luy portons..

  A005001352 

 Pour cela il veut tout nostre cœur, toute nostre ame, tout nostre esprit, toutes nos facultés, toute nostre vigueur et toute nostre force; pour cela il s'appelle nostr'Espoux, et nos ames ses espouses; pour cela le peché est appellé adultere, fornication.

  A005001353 

 Ainsy Dieu se plaint: Ilz m'ont laissé, moy qui suis source d'eau vive, et se sont fouï des cisternes, cisternes dissipees qui ne peuvent contenir les eaux. Il nous veut donq tout pour soy, affin que nous vivions, et ne perissions point; qui est un vray amour d'amitié.

  A005001353 

 Or cette jalousie semble estre une jalousie de convoytise, mays elle ne l'est pourtant pas, car Dieu ne desire pas tout nostre amour pour son utilité, mais pour la nostre.

  A005001354 

 Mays quant a nous autres, nous avons de la jalousie pour Dieu en un'autre façon, car nous ne voulons pas quil n'ayme plusieurs choses avec nous, ains toutes les choses; et a mesure que nous l'aymons davantage, nous desirons quil ayme plusieurs autres avec nous, dautant que son cœur infini et son amour immense est plus que suffisant pour aymer toutes les creatures quil luy plait, en sorte que l'amour quil porte a toutes ne soit point diminué par celuy quil porte a une chacune, ni celuy quil porte a une chacune, par celuy quil porte a toutes..

  A005001355 

 Chacun possede la lumiere du soleil tout ainsy que si un seul la possedoit; ils en ont tous abondamment, et partant on n'est point envieux l'un sur lautre pour cela, comme si elle ne suffisoit pas pour tous: mays quant a la lumiere de la lampe, par ce qu'ell'est insuffisante pour plusieurs, chacun la veut avoir toute pour sa chambre ou pour son logis.

  A005001355 

 Le cœur de l'homme est si petit que Dieu le veut tout avoir; mais le cœur de Dieu est si grand que tous le peuvent posseder, egalement ou inegalement, sans que l'un soit contraire a lautre.

  A005001356 

 Ainsy, donq, l'amour fait une s te jalouzie et cree en nous un zele lequel estant vray fait des merveilles: car, procedant de l'amour, il n'agit que pour l'amour et par l'amour; et partant, plus il est excellent, plus il est doux; plus il est fort, plus il est suave et discret.

  A005001356 

 C'est la jalousie pour laquelle David se mouroit, et pour laquelle tant de gens sont mors, affin d'empescher le peché, et non seulement la damnation des ames; comme s t Jean Bape, s t Pierre et s t Paul, et mill'autres, par ce que le peché estoit contraire a la gloire de Dieu et a sa volonté.

  A005001356 

 C'est la jalouzie pour laquelle nous voudrions que toutes choses, mais sur tout nostre ame fut unie inseparablement a Dieu, qui faysoit dire: Ni la mort, ni l'angoisse, ni les choses presentes.

  A005001356 

 L'amour est une passion de complaysance laquelle engendre la hayne du mal contraire a ce que nous aymons; et comme l'amour tend au bien de la chose aymee, ou s'y complaysant si elle l'a, ou le luy desirant et pourchassant si elle ne l'a pas, aussi ce mesm'amour engendre la hayne laquelle fuit le mal contraire a la chose aymee, ou le haissant simplement, ou desirant et pourchassant de l'esloigner et oster si elle a des-ja le mal, ou desirant de l'empescher et divertir si elle ne l'a pas..

  A005001356 

 Le zele est une passion amoureuse que les Philosophes n'ont pas bien conneüe, car ilz ont creu que c'estoit une mesme chose avec l'envie; au moins Aristote le definit: «Une tristesse du bien d'autruy par ce que nous ne l'avons pas,» qui est, en effect, la vraye definition de l'envie.

  A005001356 

 Mays nos sacrés Theologiens ont bien veu que le zele [425] appartenoit a l'amour, ains n'est qu'un'ardeur de l'amour; car, quand l'amour est excellent et quil est parvenu jusques a vouloir oster et esloigner tout ce qui est contraire a la chose aymee, il s'appelle zele.

  A005001357 

 Ainsy, le grand S t Denys dit que les sages Theologiens appellent Dieu jaloux, ou, s'il faut ainsy parler, zelant, par ce quil est excessif en l'amour quil porte a toutes choses, et par ce quil excite le desir amoureux a la jalousie, c'est a dire, par ce quil ayguise si fort le desir d'aymer en ses creatures qu'en fin il les rend saintement jalouses de luy.

  A005001357 

 L'amour, donques, parvenu jusques a ce degré d'ardeur qui le fait hair, fuir, chasser, bannir et esloigner tout ce qui est contraire [a] la chose aymee, il s'appelle zele.

  A005001357 

 Le zele donq, a proprement parler, est l'ardeur de l'amour qui s'oppose a tout ce qui est contraire au bien que nous aymons.

  A005001357 

 Or, Dieu nous ayant donné pour resister au mal et le surmonter, et pour surmonter les difficultés quil y a en la conqueste du bien, l'esperance, la hardiesse et la cholere, quand l'amour est vehement et quil tend ardemment au bien de la chose aymee il espere puissamment, il est hardi et ose fortement, et employe pour l'execution de ce quil espere et quil ose, la cholere et l'ire, par le moyen delaquelle, sil ne peut empescher le mal, il fait au moins vangeance de ceux qui le font et qui en sont les causes.

  A005001358 

 Au contraire, voyes ce pere, qui, comme Job, va transissant de crainte que ses enfans, engagés es conversations du monde, n'offencent Dieu; voyes cette mere, qui n'oste point les yeux de dessus sa fille, de peur qu'elle ne s'egare et s'engage en quelque commerce deshonneste: c'est le zele qui les porte, mais zele qui provient du juste amour que les pere et mere ont pour leurs enfans, qui les fait desirer que tout vice soit esloigné d'eux.

  A005001358 

 Ce qu'estant ainsy, le zele est tel que l'amour duquel il procede ou duquel il est l'ardeur: si l'amour est grand, le zele est grand; si l'amour est bon, le zele est bon; si l'amour est mauvais, le zele est mauvais.

  A005001358 

 Cet homme se meurt sil void cette femme regarder un autr'homme de bon œil: c'est quil craint qu'elle ne partage son cœur et qu'elle ne donne sa place a ce rival.

  A005001358 

 Si c'est un pere fol ou une mere folle, ilz auront un zele folastre de ne vouloir point que leurs enfans soyent devancés en habitz, en pompes, en vanités..

  A005001358 

 Voyes ce courtisan: il ayme demesurement Ihonneur et la gloire de posseder son prince; sil void un autr'autour de luy qui entre en quelque sorte de credit, il se meurt de regret, il le hait, il ne le peut souffrir, il l'esloigne s'il peut, et ne laisse en arriere aucun'occasion de luy nuire: c'est un zele mauvais, qui procede d'un amour mauvais.

  A005001358 

 Voyes cet artisan: il hume le gain avec [426] un'avidité non pareille; si son voysin commence a gaigner, il en seche de regret et le descrie tant quil peut pour l'empescher de s'avancer: c'est quil croid que le gain de son voysin diminue le sien.

  A005001359 

 Mays quant au zele que Dieu a pour nous, c'est quil veut tout nostre cœur pour luy, par ce que c'est nostre souverain bien que nous soyons tout entierement siens; car, quand a luy, il ne tire nulle utilité de nostr'amour, ell'est toute pour nous.

  A005001360 

 (Entant quil nous appartient; contre le zele qui non est secundum scientiam: les corrections indiscretes.).

  A005001360 

 Par ce que nous l'aymons souverainement nous devons aussi hair tout ce qui luy est contraire, entant quil luy est contraire; et non seulement le hair, mais le fuir; et non seulement le fuir, mays l'empescher d'estre si nous pouvons; et non seulement l'empescher d'estre, mais si nous ne pouvons pas l'empescher, estre extremement marris quil soyt; et non seulement estre marris, mays avoir une s te affection d'ire pour vanger, entant quil nous appartient, la contrarieté faite a Dieu.

  A005001361 

 Quels tourmens, Philothee, quelz exces d'amour ont eu les serviteurs de Dieu pour les ames! Qui est infirme que je ne le sois? qui est scandalisé que je n'en brusle? Ce zele ou jalousie des ames est representé, ainsy que nos peres ont dit, par la continuelle peyne que la poule a pour ses poussins.

  A005001361 

 Voyes quel amour de mere, quel souci, quelle jalousie; ell'est tous-jours la teste levee, tous-jours les yeux agards qu'elle roulle de toutes pars pour voir si quelque peril arrive a ses petitz; elle devient courageuse et ne craint aucun ennemi qu'elle ne se jette a ses yeux pour les defendre; elle craint neanmoins tous-jours que mal n'arrive a sa petite trouppe, c'est pourquoy, comme tous-jours en peyne, elle va tous-jours glossant et plegnant.

  A005001361 

 effect du zele que nous avons pour Dieu, c'est un'ardeur que nous avons pour la pureté des ames qui sont ses espouses, comme le grand s t Paul disoit aux Cor. 2. c. II. initio: Je suis jaloux de vous de la jalousie de Dieu, par ce que je vous ay promis a un homme, de vous representer une vierge chaste a Jesuschrist; vide s t Th.

  A005001362 

 C'est pourquoy [la] s te Sulamite s'escrioyt: O celuy que mon ame cherit, monstre moy ou tu reposes au mydi, affin que je ne m'esgare et que j'aille vagabonde apres les trouppeaux de tes compaignons.

  A005001362 

 C'est pourquoy elle s'escrie: Hé Dieu, qu'y a il au ciel pour moy et que desire-je autre que vous sur la terre? [428] Dieu de mon cœur et mon heritage! C'est pourquoy on quitte tout, et sachant que S t Paul a dit que les mariés ont leur cœur partagé par ce quilz doivent plaire a leurs parties, on se resoult a la chasteté sainte, on estime toutes choses comm'un fumier affin de gaigner nostre Seigneur, on quitte tout ce qui peut mettre division en nostre cœur: les honneurs, les richesses, les playsirs..

  A005001362 

 effect du zele envers Dieu est bien contraire a la jalousie humaine, car en lieu que nous craignons que la chose aimee ne soit possedee par quelqu'autre et qu'elle ne soit divisee, le zele envers Dieu nous fait craindre que nous mesme ne l'aymions pas asses purement et uniquement, et que nous ne soyons en quelque sorte divisés ou partagés selon l'esprit.

  A005001363 

 C'est une tressainte reverence que l'amour produit, qui nous fait souverainement desirer d'estr'agreables a Dieu et ne permettre que nous perdions aucun'occasion de luy estre tous-jours plus aggreables.

  A005001363 

 effect c'est une sainte crainte des chastes espouses, la crainte parfaite, la crainte amoureuse, crainte delaquelle parle le Psalmiste disant: La crainte de Dieu est sainte; qui persevere, dure et demeure au siecle des siecles.

  A005001364 

 Au commencement il faut dire que le zele est un effect de l'amour.

  A005001364 

 C'est pourquoy, l'amour d'estr'aymé estant fort grand et estant arrivé jusques au zele, il veut repousser tout ce qui est contraire au bien quil ayme: or, le bien qu'il ayme estant d'estre aymé, il veut repousser tout ce qui l'empesche d'estre pleynement aymé; or, entre les choses qui l'empeschent d'estr'aymé parfaitement, l'un'est d'avoir des compaignons et rivaux; c'est pourquoy, sil s'apperçoit d'en avoir, il entre en la passion de la jalousie..

  A005001364 

 La difference quil y a entre la jalousie et le zele, comme il y en a entre l'amour et l'amitié; car le zele est un exces d'amour qui arrive jusques a ce signe, de vouloir esloigner, etc. La jalousie est un exces [d']amour qui veut esloigner tout ce qui nous empesche de posseder le bien de l'amitié: c'est pourquoy le zele est general, et la jalouzie un'espece particuliere de zele.

  A005001364 

 Qu'il est tel que l'amour dont il procede; sil procede de l'amour propre il est mauvais, turbulent, aigre: comme le feu selon la matiere en laquelle il ard.

  A005001364 

 Quand nous aymons ardemment d'estr'aymés de quelcun le zele devient jalousie; car l'amitié humaine, quoy qu'elle soit ou vertu ou fort semblable a la vertu, si est ce qu'ell'a cette imperfection, qu'estant communiquee a plusieurs elle n'est pas si bien exercee envers un chacun, et estant departie a beaucoup de personnes sa force en devient moindre pour chacune d'icelles.

  A005001364 

 Quand nous aymons ardemment les choses corporelles, le zele qui s'en ensuit se termine pour l'ordinaire en envie, par ce que les choses corporelles et exterieures, comme la beauté, la gloire, les richesses, les honneurs, les rangs, sont si particulieres et bornees, finies et imparfaites, que [429] quand l'un les possede il empesche lautre de les posseder si pleynement, et estant communiquees a plusieurs la communication en est moins parfaite pour un chascun.

  A005001365 

 C'est pourquoy la jalousie n'est pas peché de soy mesme, bien que, procedant d'un amour imparfait et de chose estimee imparfaite, perissable, sujette a changement, maintefois elle trouble, et cause mille pechés.

  A005001365 

 L'envie s'attriste que le prochain ayt un bien pareil ou plus grand que nous, encor quil nous laisse le nostre, nous estant advis que l'avantage quil a, ou la ressemblance au nostre, nous oste la gloire ou le contentement que nous aurions au nostre: en quoy l'envie est desraysonnable, vivant d'imagination, et ne voulant que le prochain jouisse du sien, quoy que justement et saintement.

  A005001365 

 La jalouzie n'est jamais qu'en matiere d'amour; et l'envie est en toutes matieres, d'honneur, de richesse, de beauté, et, comme je pense, elle ne regarde pas l'amour sinon qu'avec l'amour il y ait quelqu'autre consideration, d'estime, d'honneur, de preference: c'est a dire, elle ne regarde pas tant l'amour que les fruitz de l'amour; mais la jalouzie regarde droittement l'amour, et non les fruitz de l'amour..

  A005001365 

 Mays la jalousie n'est nullement marrie que chacun jouisse du sien, ains seulement lhors que la jouissance du compaignon empesche la nostre; car un homme, pour jaloux quil soit, ne sera jamais marri que celuy duquel il est jaloux soit aymé des autres femmes, pourveu que ce ne soit pas de la sienne: non pas mesme nous ne sommes pas jaloux, a proprement parler, de nos corrivaux, tandis que nous n'estimons d'avoir acquise l'amitié de la personne aymee (que si il y a de la passion pour cela, c'est une passion d'envie), mais oüy bien lhors que nous l'avons [430] acquise et que nous nous desfions qu'un autre ne l'emporte.

  A005001365 

 Or la jalousie a beaucoup de ressemblance avec l'envie; c'est pourquoy plusieurs definissent l'une comme lautre, disans que l'envie est une jalousie.

  A005001365 

 l'envie est tous-jours injuste, mays la jalousie est quelquefois juste, pourveu qu'elle soit moderee; car les mariés ont rayson d'empescher que leur amour ne soit point partagé, et par consequent d'estre jaloux l'un de lautre.

  A005001366 

 Et la rayson est parce que, comme la mort est si forte qu'elle separe l'ame de toutes choses et de son cors [431] (mesme, l'amour, aussi puissant qu'elle, separe l'ame de toutes affections et la rend pure de tout meslange: dautant que ce n'est pas un simple amour, mais un amour zelé et jaloux, lequel est aussi aspre, dur et animé a chatier le tort qu'on luy fait, admettant avec luy quelque corrival, comme l'enfer a punir les damnés; et comme l'enfer, plein d'horreur, de hayne, ne reçoit aucun meslange d'amour, aussi l'amour ne reçoit aucun meslange d'autre affection.

  A005001366 

 La difference quil y a entre le zele et jalousie que nous avons pour Dieu, et le zele et jalousie que nous avons pour les hommes; car c'est comme le cheval de Pausô, tout y va a la renverse.

  A005001366 

 Qui vid jamais une plus aspre vengeance que celle dont les enfans de Jacob userent contre Sichem pour le violement de Dina, de l'integrité delaquelle ilz avoyent rayson d'estre jaloux, puisqu'elle estoit leur seur? Certes, lhors que Dieu s'est pleynement donné a un'ame par amour, il en est infiniment jaloux, et chastie asprement les infidelités qu'elle commet.

  A005001366 

 Rien n'est si doux que le colombeau, mays rien n'est si impiteux envers sa colombelle, laquelle, pour la seule desfiance quil en a, quoy que sans sujet, il morgue et frappe de l'aisle, grommelant autour d'elle, lhors quil a demeuré quelque tems absent..

  A005001366 

 Voyes vous, Philothee, Sullamite avoit le cœur tout plein de l'amour de son unique Bienaymé, qui est l' affluence des delices; or, affin que jamais cette divine affection n'en sorte et qu'onques aucun autre amour n'y entre, ains qu'il demeure pur et net de tout autre meslange, ce celeste Bienaymé l'advertit disant: Je suis dedans ton cœur et sur ton cœur, car j'en suis l'habitateur et le maistre; je suis emmi ton cœur comme le cœur de ton cœur; mais je veux encor estre sur ton cœur comme le chef de ton cœur, affin que rien n'y entre que ce que j'y mettray, et que seul je le possede parfaitement.

  A005001368 

 Ainsy, Philothee, l'Apostre, jaloux des ames des Chorinthiens, proteste que ce n'est pas pour luy quil est jaloux, mais pour son Maistre: Je suis jaloux de vous, ou, sil faut ainsy dire, je vous jalouze de la jalousie de Dieu, par ce que je vous ay promis a luy de vous preenter une vierge chaste.

  A005001368 

 C'est pourquoy cette jalousie est une des proprieés du parfait et tre pur amour envers N. S r, laquelle s'estend jusques au prochain, envers lequel nous avons du zele et de la jalousie comme nous avons de l'amour, affin quil soit parfaitement fidele a nostre commun Sauveur, prestz a mourir pour l'empescher de perir, voire mesme d'offencer, comme tant de personnes saintes ont fait; car nous aymons le prochain comme nous mesme et avons de la jalousie pour luy comme pour nous..

  A005001368 

 Celle la n'est point jalouse par ce qu'elle n'est point amoureuse, celle ci est si fort amoureuse qu'elle en est toute jalouse; mais elle n'est pas jalouse de sa propre jalousie, ell'est jalouse de la jalousie de son espoux: elle ne craint pas de n'estre pas aymee, comme font les autres jalouses, qui est la jalousie qui regarde son interest; mais elle craint de n'aymer pas asses, qui est la jalousie qui regarde l'interest de son espoux.

  A005001368 

 Mays voyes cette jalousie delicatement exprimee par S te Catherine de Genes presqu'en tous les enseignemens des proprietés du pur amour qu'elle donne si admirablement; car il ne se peut rien adjouster a ce qu'elle dit pour monstrer que l'amour parfait, c'est a dire parvenu jusques au zele, ne peut souffrir l'interposition ni le meslange d'aucune autre affection dans le cœur quil possede, non pas mesme des dons de Dieu, car il ne veut pas mesme qu'on [432] affectionne le Paradis sinon pour y plus aymer Dieu.

  A005001369 

 Non pas certes que le s t amour, pour vehement quil soit, puisse estre excessif en soymesme ni en ses inclinations; mais par ce quil employe a l'execution de ses ordonnances l'entendement, auquel il commande de chercher les moyens de faire reuscir ses intentions, et la hardiesse et cholere pour les prattiquer, il advient que souvent l'entendement prend des voyes insolentes, trop aspres et violentes, et que l'audace ou cholere estant esmeüe fait plus [433] qu'on ne luy commande, et que par ainsy le zele est exercé indiscrettement et desreglement, dont il devient mauvais..

  A005001369 

 Or, comme le zele est une ferveur, ardeur et vehemence d'amour, il a besoin d'estre sagement et prudemment conduit; autrement il violeroit les termes de la modestie, et passeroit jusques a l'indiscretion.

  A005001370 

 Or, ayant fait ce bel exploit de zele, il ne se peut tenir de s'en vanter au grand s t Denys Areopagite par une lettre quil luy escrivit, de laquelle il receut une admirable responce, digne certes de l'esprit apostolique dont ce grand disciple de s t Paul estoit animé: car il luy fait voir clairement que son zele a esté un zele indiscret, imprudent et impudent tout ensemble; car encor que le zele du respect des choses saintes soit bon et louable, si est ce quil le prattiqua contre toute rayson, sans consideration ni jugement quelcomque, employant des coups de pied, des outrages et des injures, en un lieu, en un'occasion et contre des personnes quil ne devoyt luymesme regarder qu'avec honneur et amour.

  A005001370 

 Par exemple: un pecheur fameux vint se jetter aux pieds d'un bon et digne prestre, suppliant et protestant quil venoit pour trouver le remede de ses maux, c'est a dire pour recevoir la sainte absolution du Sacrement de Pœnitence.

  A005001370 

 Un certain moyne nommé Demophile, voyant ce pœnitent s'approcher trop pres, a son advis, du s t autel, entra en un zele si ardent, quil se rua sur luy et le chassa a grands coups de pieds, injuriant et outrageant cruellement le prestre qui selon son devoir recevoit doucement et amiablement ce pauvre pœnitent; puis, courant a l'autel, en osta les choses tressaintes qui y estoyent, c'est a dire le divin Sacrement de l'Eucharistie, et les emporta, de peur, comm'il cuydoit, que par rapprochement du pecheur le lieu n'eut esté prophané.

  A005001373 

 La cholere est dediee au service du zele, mais quand le zele l'employe, il faut quil ayt de lautre costé l'œil de la discretion perpetuellement ouvert sur ce qu'elle fait; autrement, en lieu de faire le service du zele, elle fera le sien propre et assovira sa propre cruauté et humeur.

  A005001374 

 C'est un acte de desespoir de mettre dedans une citadelle un secours estranger qui se peut aysement rendre le plus fort.

  A005001374 

 Certes, ma chere Philothee, la cholere est un serviteur rude, agreste, barbare, naturellement indiscret, bigearre, obstiné, impetueux.

  A005001374 

 Il est vray qu'estant puissant et courageux, il fait d'abord beaucoup de besoigne; mais il est aussi si ardant, si rude, si remuant, si inconsideré, si indiscret, qu'ordinairement il ne fait point de bien qu'il ne face quant et quand beaucoup de maux Ce n'est pas bon mesnage, disent nos œconomes, de tenir des paons, car si bien ilz chassent aux araignes et en desfont les maysons, ilz gastent tant les couvertz et le toict, que leur besoigne [436] n'est pas comparable a leur degast.

  A005001374 

 La cholere est un secours de la rayson et du zele pour l'assister en l'execution de ses desseins, mais secours dangereux et peu desirable: car si elle vient forte elle se rend maistresse, et viole toutes les loix du zele et de la rayson; et si elle vient foible, elle ne fait rien que le seul zele ne fit sans elle, et tous-jours elle donne de la peine parce qu'on a juste sujet de craindre qu'elle ne croisse et s'empare du cœur et du zele, pour l'assujettir a sa tyrannie, car c'est un feu artificiel qui embrase en un moment et qu'on ne sçait comm'esteindre quand il est allumé.

  A005001375 

 Mays nous autres, qui sommes presque tous des petites gens, nous n'avons pas tant d'authorité; nostre cheval n'est pas si bien dressé que nous le puissions pousser et faire parer quand il nous plait.

  A005001377 

 Si c'est une ire inspiree, ou au moins excitee par le S t Esprit, ce n'est plus l'ire de l'homme; mais si elle n'est pas excitee du S t Esprit, quoy quil semble qu'elle serve au zele ne le croyons pas, au moins ayons beaucoup de desfiance de son service, car le zele doit estre juste, et la cholere n'opere point la justice..

  A005001379 

 Mays l'amour propre nous trompe souvent, et prætent le zele pour exercer ses passions sous un honnorable praetexte; et parce que le zele se sert quelquefois de la cholere, la cholere en contre-change se sert souvent du nom de zele pour s'excuser et couvrir son ignominie: car de se servir du zele mesme, en verité, cela ne se peut; dautant que c'est le propre de toutes les vertus, mais surtout de la charité, d'estre «si bonnes que nul ne peut en abuser.» Et y a des personnes qui ne pensent pas y avoir autre sorte de zele que la cholere, ni autre instrument du zele que l'ire, et qui ne pensent rien accommoder s'ilz ne gastent tout; ou, au contraire, le vray zele n'employe la cholere que fort rarement et es extremes maux, car comm'on n'applique le feu et le fer aux malades que rarement et quand on ne peut moins faire, aussi le zele n'employe la cholere qu'es extremités..

  A005001380 

 C'est un instrument qui est grandement dangereux, peu de gens s'en sçavent bien servir; il n'appartient qu'aux grans Saintz, desquelz Dieu tient la main par une tres speciale providence.

  A005001380 

 Math., «le zele qui refuse le pardon c'est une fureur plustost qu'un zele:» ainsy Lamech tua Cain, pensant que ce fut une beste; Simon le lepreux blasme Magdeleyne comme pecheresse, qui estoit des-ja sainte.

  A005001381 

 NOTA. Fortis ut mors dilectio, dura sicut infernus œmulatio; la mort separe l'ame du cors, et l'enfer separe l'ame de nostre Seig r et de son Paradis (non pas de sa grace, car c'est le peché qui en separe, auquel l'amour n'est pas comparé): [439] ainsy s t Paul, ainsy Moyse, anathema a Christo ut Christus anathema a Pâtre, propter amorem.

  A005001381 

 Nam quo sensu Christus factus est pro nobis peccatum, aut peccatarium, aut maledictum, eodem Paulus vult fieri anathema; quandoquidem anathema etiam sacrificium significat, et qui occidebantur, tanquam damnati, dicebantur anathema; Hier., epist. ad Algasiam, q. 9.

  A005001381 

 Naz., quœ etiam est Hier.,q.

  A005001381 

 O incredibilem animi prœstantiam et spiritus fervorem! Christum, qui nostra causa maledictum factus est, qui infirmitates nostras suscepit et morbos portavit, imitatur; aut, ut parcius dicam, primus ipse post Christum aliquid eorum causa perpeti, et quasi impius, non recusat modo ipsi salutem consequantur.» Quibus verbis indicat genuinum sensum loci Apostoli, quidquid Card. Tolet.

  A005001381 

 Quin etiam majus quiddam pro suis secundum carnem fratribus ausus est, ut ipse quoque (audacius hœc dicam) eos apud Christum in locum suum subrogari prœ charitate optet.

  A005001381 

 Sane aut ea sententia vera est quam posui ex Greg.

  A005001381 

 Sic enim Christus factus est anathema a Patre, unde et se derelictum clamat ac veluti separatum ac devotum pro peccatis populi; unde Paulus ejus imitator cupit fieri anathema ab eo, veluti resectus ac dereclitus.

  A005001381 

 ad Algasiam (licetnon tammortis genus premat ac facit Greg. aut Chrisost.); quam sequitur D. Thom.; Theodor., in magna Glossa; Adamus; (Optabam: « optarem,» inquit Theodor., si liceret, «separari a Christo,» id est, gloria caelesti privari ) [ aut,] et caet.

  A005001381 

 ad hunc locum ait, quid magni diceret Paulus ut opus esset tam solemni asseveratione et juramento: Veritatem dico, non mentior, testimonium perhibente conscientia mea, et cœt.? Neque valet reprehensio Toleti contra Chrisost., quant vide apud eum: nam etsi parum non sit mon pro amico, tamen in modo moriendi magna est latitudo; nam exaggerat ipse Paulus mortem: mortem, inquit, autem crucis.

  A005001381 

 dicunt eum optasse esse anathema a Christo, non postquam factus est Christianus sed ante conversionem suam, cum ignorans in incredulitate zelaret pro Judeis, nolens fieri Christi discipulus ut sectam Judaicam tueretur et Christianos insequeretur, id, ni fallor, nullo prorsus fundamento nititur, etnisitantorum vivorum authoritas contineretpuerile existimarem.

  A005001382 

 Or un jour que nostre Seigneur passoit au pais de Samarie, il envoya en une ville pour y apprester son logis, mais les bourgeois, sachans que N. S. estoit Juif de nation et quil alloit en Hierusalem, ne le voulurent pas loger; ce que [440] voyans S t Jean et S t Jaques, ilz dirent a N. S.: Voules vous que nous commandions au feu quil descende et quil les brusle? Et N. S. se retournant devers eux les tança, disant: Vous ne sçaves de quel esprit vous estes; le Filz de l'homme n'est pas venu pour perdre les ames, mais pour les sauver..

  A005001383 

 C'est cela, Philothee, que S t Denis veut representer a Demophile qui alleguoyt l'exemple de Phinees et d'Helie; car S t Jean et S t Jaques, qui vouloyent imiter Helie, furent repris par N. S., qui leur fit entendre que son esprit et son zele estoit un esprit et un zele doux, debonaire et benin, et qui n'employoit la vengeance et cholere que tres rarement, et lhors qu'il n'y avoit plus esperance de pouvoir prouffiter autrement.

  A005001383 

 Cela n'appartient qu'aux perfaitz, qui ont en main les resnes de leurs passions pour les faire avancer a propos et retirer quand il est tems..

  A005001384 

 5; la discretion de la lumiere y doit estre pour discerner quel moyen est plus [441] propre pour repoulser le mal.

  A005001384 

 En fin, la discretion qui accompaigne le vray zele luy fait non seulement discerner que c'est quil doit entreprendre, mays comment il le doit entreprendre; elle ne fait pas seulement choysir un juste sujet, mays des moyens convenables pour empescher le mal et conserver le bien..

  A005001384 

 Le B. Ignace Loyole se jette en hiver dans un estang, pour attendre un pecheur, affin de le destourner de l'iniquité quil alloit perpetrer: c'est un zele excellent qui le pousse a souffrir.

  A005001384 

 Le zele est un degré de charité enflammee, et par consequent il ard, il esclaire, il consume: Usquequo accendetur velut ignis zelus tuus, Psal. 78.

  A005001384 

 Le zele fait rarement courroucer, mais il fait souvent endurer; il fait travailler, veiller, jeusner, prier, prescher, exhorter, et enfin il nous rend tout a tous affin de sauver [ tous.] S t Paulin, E. de Noie, de nation françois, se vend luy mesme pour racheter l'enfant d'une pauvre vefve: c'est un acte d'extreme douceur, mais d'un extreme zele.

  A005001386 

 C'est chose estrange de la jalouzie des chameaux, qui lhors de leurs amours, non seulement s'irritent de sentir approcher les animaux de leurs especes, mais mesme se rendent furieux contre tout'autre espece d'animaux et contre les hommes silz les apperçoivent venir pres d'eux.

  A005001389 

 Ainsy ce mesme amour entrant dedans un'ame pour la faire heureusement mourir au peché et resusciter a la grace, il la fait despouiller, par le mespris du monde, de toutes sortes d'affections qu'elle portoit aux choses du monde; puis elle luy fait quitter la peau mesme, c'est a dire l'estime et l'amour d'elle mesme; et en fin il la desnue mesme de la vie, de l'affection aux vertus, aux exercices spirituelz, aux consolations interieures, qui sembloyent estre la vie de l'ame: et par ainsy il luy donne la mort, la separant de tout ce qu'ell'avoit, ains de tout ce qu'ell'estoit.

  A005001389 

 C'est pourquoy il accommode et son cors et ses habitz diversement, et les fait paroistre divers selon l'exigence et l'occurrence.

  A005001389 

 Et de cette jalouzie provient la tressainte nudité du cœur et le parfait despouillement de l'amour pur, car la jalouzie est comme la mort qui nous despouille de tout, c'est a dire l'ame de son cors et de tout; et comme l'ame despouillee de son cors ne le reprend jamais que Dieu ne le luy rende par la resurrection, ainsy l'ame despouillee de toutes affections par le saint amour ne les reprend jamais que Dieu ne le luy ordonne.

  A005001389 

 Imagines vous, Philothee, le cher Espoux de nos ames au parvis du prœtoire de Pilate, ou, pour l'amour de nous, les ministres de la mort, c'est a dire les bourreaux, le despouillerent de tous ses vestemens l'un apres lautre; puis, non contens de cela, ilz le despouillerent, par maniere de dire, de sa peau, tant ilz la deschirerent a coups de verges et de fouetz, dont il sembloit un ladre ulceré, dit le Prophete; et enfin la mort mesme venant, despouilla sa s te ame de son cors et de tous les sentimens d'iceluy.

  A005001390 

 O que tell'ame est heureuse d'estre ainsy toute nue devant son Dieu! o comm'elle peut dire en verité avec le s t homme Job: Je fus infuse toute nue dans mon cors, et toute nue je me represente a luy; Dieu m'avoit donné beaucoup de biens et m'avoit permis de me revestir de plusieurs affections, maintenant il me les a ostees; ainsy quil a pleu a Dieu il a esté fait, le nom tress t de Dieu soit beni..

  A005001391 

 Mays par ce que demeurer en l'estat de cette parfaite nudité on ne le peut longuement en ce monde, apres tous ces despouillemens et cett'heureuse mort, il se faut revestir, mais non plus des habitz du viel homme dont on s'est despouillé, ains des habitz d'un homme nouveau; non plus d'un cors mortel, ni d'une peau mortelle, ni d'habitz perissables, mais d'un cors resuscité et d'affections divines, celestes; affections non plus venantes de nostre propre election, mais affections emanees et procedees du pur amour de Dieu.

  A005001398 

 Et comme l'admiration est cause de la philosophie et attentive consideration des choses, ainsy que les Philosophes ont tesmoigné, aussi l'admiration est cause de la theologie mystique et de la contemplation.

  A005001399 

 Et tous-jours vous sçaurés que l'extase de l'amour est la meilleure, car lautre ne nous fait pas meilleurs si ell'est seule, le s t Apostre disant: Si je connoissois tous les misteres et toute science, et je n'ay pas la charité, je ne suis rien. C'est pourquoy le malin esprit peut extasier, pour parler ainsy, et ravir l'entendement, representant des merveilleuses intelligences qui le tiennent suspens, et par le moyen de telles illusions il peut provoquer la volonté a certaine [446] sorte d'amour imparfait, tendre et fort aggreable a la nature; comm'en effect il a souvent abusé plusieurs personnes par de telles amorces et faulses extases..

  A005001399 

 Neanmoins, les deux extases ne sont pas tellement appartenantes l'un'a lautre que l'une ne soit souvent sans lautre: car, comme les Philosophes ont eu plus de connoissance de la Divinité quilz n'ont eu d'amour pour elle, aussi les simples Chrestiens ont souvent plus d'amour que de connoissance; et par consequent l'exces de la connoissance n'est pas tous-jours suivi de l'exces de l'amour, non plus que l'exces de l'amour de celuy de la connoissance.

  A005001401 

 Je ne dis pas quil ne se puisse faire qu'on ayt des ravissemens, des visions, voire qu'on puisse avoir l'esprit de prophetie sans avoir la charité; car c'est chose certaine que comm'on peut avoir la charité sans estre ravi, aussi on peut estre ravi, avoir des visions et prophetiser sans avoir la charité: mays je dis que celuy qui a plus de clarté en l'entendement, par le ravissement, que de chaleur en la volonté pour aymer Dieu, il doit estre en grand peyne [447] et souci, ou que son ravissement ne soit naturel, ou quil soit procuré par le malin, ou quil n'en devienne plus enflé qu'edifié, et quil ne soit, comme Saul, Balaam et Caiphe, entre les prophetes, et non entre les esleuz..

  A005001401 

 Mays pour moy, il me suffira de vous en proposer deux principales marques, de la vraye extase divine: l'un'est que la vraye extase s'attache plus a la volonté qu'a l'entendement, elle l'esmeut et eschauffe, et remplit d'une puissante affection envers Dieu; si que quand l'extase est plus belle que bonne, plus lumineuse que chaleureuse, plus speculative qu'affective, ell'est grandement a soupçonner.

  A005001401 

 Sur le Mag., chap. 16: car si bien ilz ne parlent pas tous de l'extase, neanmoins ce quilz disent du discernement des visions, revelations, instinetz et inspirations est convenable pour le discernement des vrayes et faulses extases.

  A005001402 

 C'est lhors que nous ne vivons pas selon nostre rayson naturelle, mais au dessus; lhors que nous ne nous contentons pas de vivre selon les vertus civiles et morales, mais selon les perfections divines et chrestiennes; lhors que, renonçans mesme aux choses loysibles, nous passons outre a une vie plus relevee que la vie humaine.

  A005001402 

 La 2 e marque des vrayes extases de l'ame est une troysiesme extase, qui [est] l'extase toute desirable, toute aymable et qui couronne les deux autres; qui est l'extase de la vie.

  A005001402 

 Mays, outre les commandemens, il y a des conseilz et des inspirations evangeliques, qui nous eslevent a une vie qui, a la verité, n'est pas contraire, mais qui excede et surpasse toute l'inclination naturelle: et lhors que nous prattiquons ces conseilz et inspirations nous faysons une vie surhumaine, c'est a dire une vie qui est hors et au dessus de nostre condition naturelle..

  A005001402 

 Voyes-vous, Philothee, les commandemens de Dieu sont tous conformes a la rayson mesme naturelle, et bien quilz ne puissent pas estre exactement observés par les seules forces de la nature, si est ce que nostre nature nous incline a les vouloir observer.

  A005001403 

 Non seulement ne desrobber point, mais quitter tous nos biens, nous plaire en la pauvreté, et quand il nous arrive des miseres, des necessités, des afflictions, des persecutions, les tenir pour des beatitudes et felicités, chantans de cœur avec David: Elegi abjectus esse in domo Dei mei, et cæt., Bienheureux sont les pauvres; appeller la pauvreté sa chere maistresse, comme s t François; rejetter les louanges, se plaire au mespris, aymer l'abjection; non seulement observer le commandement: Tu ne paillarderas point, mais quitter mesme les playsirs loysibles du mariage; et en fin, vivre emmi le monde contre les maximes et doctrines du monde, rejetter les playsirs, les honneurs, les richesses, vivre contre le courant du fleuve de cette vie: c'est vivre extatiquement et hors de nous mesme..

  A005001404 

 C'est cela que le grand Apostre enseignoit aux Rhodiens: Vous estes mortz, et vostre vie est cachee en Dieu avec Jesuschrist.

  A005001404 

 C'est pourquoy icy nous n'aymons rien que pour le Ciel et Jesus Christ; et quand Jesus Christ qui est nostre vie, c'est a dire nostr'amour, apparoistra au jour du jugement, alhors nous apparoistrons avec luy en gloire; c'est a dire, nostr'amour nous glorifiera et monstrera sa felicité et splendeur.

  A005001404 

 C'est pourquoy, estans mortz au monde et resuscités a Dieu avec J. C., nous ne devons appeter et chercher sinon le Ciel et les choses celestes, et savourer les amours de ce divin Espoux..

  A005001404 

 Il colloque en Dieu toutes ses consolations, tous ses playsirs, toutes ses richesses, tous ses honneurs, et cependant les couvre, affin qu'on ne les voye pas, d'humilité, d'abjection; si que, avec Jesus Christ, il couvre (comme Jesus Christ qui cacha sa Divinité) sa gloire, sa felicité sous l'ignominie de la croix: ainsy nous cachons nostre vie, c'est a dire nostre esperance, nostre consolation, la grace abondante, sous la croix.

  A005001404 

 Item, tout cela est en Dieu; nos pensees, nostr'amour, qui est la vie de nostr'ame, car c'est le poids ( Amor meus, pondus meum ), c'est le principe de tout mouvement affectif, il est caché en Dieu au Ciel avec Jesus Christ.

  A005001404 

 L'ours estant nay, n'est qu'une masse de chair insensible; apres, il devient animal et vit la vie d'un animal.

  A005001404 

 Le phœnix est phœnix en cela, qu'il aneantit luy mesme sa vie, a la faveur, neanmoins, des rayons du soleil, pour en recevoir une plus belle et plus vigoureuse; les bigatz et vers de soye changent de vie, et de vers deviennent papillons; comme font aussi les abeilles, qui naissent vers, puis deviennent nimphes, marchans sur leurs pieds, puis enfin deviennent mousches.

  A005001404 

 Qu'est ça a dire: Vous estes mortz? C'est a dire: Vous ne vives plus de la vie naturelle, vous ne vives plus de la vie des hommes; et comme par la mort l'ame ne vit plus en son cors, aussi maintenant vous ne [448] vives plus en vous mesme et dedans l'enclos de vostre propre condition, vostre ame vit non seulement au dessus de son cors, mays au dessus de sa propre condition.

  A005001405 

 Et comme Aristote dit que l'ame est «le principe par lequel nous vivons, sentons et entendons,» aussi l'amour [449] est le principe par lequel nous vivons affectivement ou moralement, nous sentons et entendons, et nous sommes telz qu'est nostre amour.

  A005001405 

 Et comme l'ame est le principe de tous les mouvemens animaux ou spontanees, et l'on connoit la diversité des ames par la varieté des mouvemens, aussi l'on connoit qu'une ame est aimante par le mouvement, et la diversité de ses mouvemens affectifz nous fait voir quelle ell'est.

  A005001405 

 Et comme l'on connoist la vie des animaux par leur mouvement, et les animaux qui sont sans vie sont sans mouvement naturel, en sorte que la vie semble consister au mouvement, dont les choses mortes n'ont nul mouvement, aussi un cœur sans amour n'a point de mouvement moral, et on connoit la vie morale du cœur par ses mouvemens affectifs: en sorte quil semble la vie estre le principe de tous les mouvemens naturelz et animaux, comme l'amour, vie morale, est le principe de tous les mouvemens moraux; et comme en l'ame gist la vie naturelle de l'homme, aussi en l'amour gist la vie morale..

  A005001405 

 Or, que l'amour soit la vie morale de l'ame il appert par ce que c'est le principe de tout mouvement affectif et moral, comme l'ame est le premier acte et le premier principe de tous les mouvemens vitaux de l'homme.

  A005001406 

 C., nous avons caché nostre vie morale en luy: quand il se manifestera aussi, luy qui estant nostre amour est nostre vie, nous serons aussi manifestés en cette gloire de nostr'amour et de nostre vie.

  A005001406 

 S t Ignace disoit: Amor meus crucifixus est; c'est a dire: Jesuschrist estant crucifié, j'ay crucifié avec luy mon amour, et par consequent toutes mes affections sont crucifiees avec luy qui est ma vie et mon amour; j'ay crucifié ma chair et tout son amour, avec toutes les passions et convoytises qui en dependent; mon amour naturel est crucifié, attaché a la Croix de mon Sauveur, ou je l'ay fait mourir par ce que c'estoit un amour mortel et une vie mortelle: et comme N. S. fut crucifié et mourut selon sa vie mortelle pour resusciter selon l'immortelle, aussi je suis mort avec luy sur la croix a ma vie morale mortelle de mon ame, et suis resuscité a la vie morale immortelle..

  A005001407 

 Qu'importe-il pour le bien [450] d'un'ame qu'elle soit ravie en Dieu par l'orayson, et que sa vie soit ravie par la terre en sa conversation? En somme, estre au dessus de soymesme en l'orayson et au dessous de soymesme en la vie et en l'action, c'est un meslange de contrarietés trop extremes.

  A005001407 

 Quand donques vous voyes un homme qui a des extases et est hors et dessus soy en l'orayson, et neanmoins il ne l'est pas en sa vie, il vit selon le sens, selon le monde, et n'a point d'exces de pieté, de mortification, de conversation en sa vie: quil ayt tant d'exces quil voudra en l'orayson, telz ravissemens sont grandement perilleux et douteux; ce sont ravissemens qui le peuvent rendre plus admirable, mais non pas plus saint.

  A005001408 

 6, quand il dit que nostre viel homme est crucifié ensemblement avec Nostre Seigneur, et que nous sommes morts au peché avec luy, et que de mesme nous sommes resuscités avec luy pour marcher en nouveauté de vie, affin de ne servir plus au peché.

  A005001408 

 Car manifestement, le grand Apostre represente deux hommes en chacun de nous, et par consequent deux vies: l'une du viel homme, qui est une vielle vie, comme celle d'une viell'aigle, ou d'un cerf qui mue et quitte sa teste dans son buisson; et lautre, une vie nouvelle, de l' homme nouveau..

  A005001408 

 Et c'est la s te extase delaquelle principalement parle S t Paul quand il dit: Je vis, mais nomplus moy, ains J. C. vit en moy; ainsy quil l'explique plus clairement ailleurs, Ro.

  A005001409 

 En la premiere vie le viel homme vit au peché et fait une vie toute mortelle, ains qui est la mort mesme; en la seconde vie il vit a Dieu, et cette vie est la vraye vie vitale et une vie vive.

  A005001411 

 Et J. C. est vrayement mort pour tous, car il n'est point mort pour soy, mais pour nous..

  A005001411 

 Ouy, car la mort de Celuy qui est mort pour tous est estimee estre la mort de tous, elle doit estre imputee a un chacun de ceux pour qui Celluy la est mort; car sil est mort pour nous, nous sommes tous morts en sa personne, la mort quil a soufferte estant une mort qui estoit deüe a tous.

  A005001411 

 Voyes, je vous prie, comm'il va bellement fichant son argument: lhors, dit, que nous estimons ceci; et quoy? que si un est mort pour tous, donques tous sont morts.

  A005001412 

 C. est mort pour nous, nostre vie nous est donnee par sa mort, nous ne vivons que par ce quil est mort, nous luy devons donques toute nostre vie: nostre vie n'est donq plus nostre, mais a Celuy qui est mort pour nous; nostre vie ne doit plus estre qu'en luy, a luy et pour luy, puisqu'il est mort en nous, pour nous et a nous..

  A005001412 

 O Dieu, Philothee, que cette consequence est forte! ell'est inevitable.

  A005001412 

 Que s'ensuit il de la? Il s'ensuit donques, exclame de tout cœur l'Apostre, que ceux qui vivent, ne vivent plus desormais a eux mesme, mais a Celuy qui est mort pour eux.

  A005001419 

 L'amour, qui est aussi fort que la mort, nous divise d'avec le monde, d'avec tout ce qui est au monde, et passe jusques a faire la division entre l'ame et l'esprit, et [453] par maniere [de dire,] nous divise nous mesme de nous mesme, c'est a dire, nostr'homme interieur d'avec l'exterieur.

  A005001419 

 Mays bien que l'amour ordinairement ne face la division qu'en cette maniere, si est ce que quelquefois il fait non seulement la distinction ou division, mais il separe tout affait l'ame d'avec le cors, en sorte quil donne la mort..

  A005001420 

 C'est la robe nuptiale, etc..

  A005001420 

 Tous les esleuz meurent en l'amour de Dieu; car l'amour de Dieu et la grace n'estant non plus differens que le feu entant quil est lumineux et beau, et le feu entant quil est chaud et ardent, qui ne meurt en l'amour de Dieu ne meurt pas en la grace de Dieu, et qui meurt hors de la grace de Dièu il n'est pas esleu, car ceux la seulz sont esleuz desquelz Dieu praevoit quilz mourront en sa grace.

  A005001421 

 Tous les Martirs meurent pour l'amour de Dieu: car si bien on dit quilz meurent pour la foy, c'est a dire pour ne point renoncer la foy ou pour la soustenir, si est ce quilz ne mourroyent pas pour la foy si la charité ne les animoyt et silz n'aymoyent la foy; or ilz n'aymeroyent pas la foy silz n'aymoyent Celuy que la foy annonce.

  A005001422 

 O Dieu, que c'est une mort heureuse que de mourir par l'amour! [Heureux] celuy auquel l'amour cause ainsy la mort! Quelle douce sajette qui nous fait tant perdre de sang qu'en fin nous en mourons!.

  A005001423 

 Il allangourit la vie presente, il eslance l'ame contremont vers le Ciel ou l'amour a son principal regne, il luy donne enfin tant d'assaultz, il l'amollit et fait fondre, il l'attache a son object et la serre en sorte qu'en fin, ou est son tresor, la elle s'en vole.

  A005001423 

 Mays mourir d'amour c'est lhors que l'amour mesme, non seulement comm'un dard nous blesse en quelqu'endroit, que nous perdions le sang et en fin en mourions, mays quand il nous blesse droit dedans le cœur et pousse nostre ame dehors de son cors.

  A005001423 

 O qu'heureuse est cette mort!.

  A005001423 

 Ou bien, comme le feu dans le boys separe les parties ignees et aeriennes, les evaporant en fumee, et laisse la les matieres terrestres et grossieres; ou comme la force du feu separe dans l'allambiq l'eau naphe du cors des fleurs, ainsy l'amour, quand il est enflammé, separe l'ame du cors: ce qui est le plus violent effect que l'amour face en un'ame, et faut que l'ame qui est ainsy tiree hors du cors soit grandement deschargee de toutes sortes d'affections pesantes, terrestres et corporelles, et qu'elle ne tienne plus a rien du monde.

  A005001424 

 Et c'est un jugement temeraire et un esprit populaire qui juge de la varieté des genres de mort la varieté des evenemens apres la mort: si l'homme est craignant Dieu, toutes mortz luy sont bonnes.

  A005001424 

 Il est dedans leur ame, mais alhors, pour l'ordinaire, il n'est pas en exercice et ne fait pas d'action, car estant en un homme dormant, il semble qu'il dorme aussi, comme toutes les autres habitudes, de science, de prudence, de foy, d'esperance; car alhors la science est en un homme dormant, car sil la perdoit en s'endormant, il faudroit quil retournast a l'escole pour l'apprendre: on la treuve en se resveillant, et la foy et l'esperance et toutes les autres vertus, desquelles la condition naturelle est que quand nous les avons nous nous en puissions servir quand nous voulons, et qu'elles ne nous servent pas sinon que nous voulions.

  A005001424 

 Les uns meurent en la s te charité, qui est l'amour habituel, en l'habitude de l'amour, ayans l'amour dedans le cœur, mais non pas en l'action de l'amour; et de cette mort meurent ordinairement les esleuz.

  A005001424 

 Or il arrive maintefois que les gens de bien et les esleuz meurent de mort soudaine, et lhors qu'en effect ilz ne pensoyent pas a Dieu, comme font ceux qui meurent apoplectiques ou letargiques, ou qui meurent de mal de chaud, en resverie et frenesie: car bien que les saintz et esleuz ne meurent jamais de mort improuveue, par ce que toute leur vie n'est presque qu'une meditation de la mort, si est [ce] quilz meurent bien de certains genres de mort esquelz ilz n'ont pas l'usage de rayson, ni par consequent l'usage [456] de la charité et de l'amour.

  A005001424 

 Or, quand nous dormons nous ne voulons rien, c'est pourquoy alhors ces habitudes ne sont pas en usage.

  A005001424 

 Voyes vous, Philothee, la grace de Dieu et la charité n'est qu'une mesme chose.

  A005001424 

 v. 7: Le juste, sil est prevenu de la mort, il sera en repos.

  A005001425 

 Certes, encor faut nommer ce grand bienheureux homme, le venerable Bede, qui ayant sceu l'heure de sa mort, alla a Vespres le jour de l'Ascension, et estant en son siege debout, appuyé sur les accoudoirs, sans aucune maladie, finissant Vespres il finit sa vie perissable, pour commencer celle en laquelle tout est mattin et n'y a plus de Vespres; Marullus.

  A005001425 

 Telle fut la mort de S t Aug in, [qui] mourut en l'exercice de la sainte contrition, lisant les Pseaumes pœnitentielz et pleurant amerement ses pechés; mais la contrition, principalement es hommes parfaitz, est toute fondee, meslee et unie a l'amour de Dieu.

  A005001426 

 S t Jean l'Evangeliste, entrant dedans sa propre sepulture sans avoir aucun sentiment de maladie, et avec ces paroles: Mon Seig r J. C., soyes avec moy, et prenant doucement et amoureusement congé de ceux qui l'avoyent accompaigné, par ces paroles: La paix soit avec vous, mes freres, et se couchant sur son manteau comme pour faire un delicieux sommeil, environné d'une grande lumiere; ou soit quil mourut reellement, ou soit quil mourut de la mort mistique, ou soit que son ame fut separee du cors, ou que tout entier il fut separé du commerce commun des hommes et que son ame ravie et absorbee laissast pour un tems son cors comme mort, si est ce pourtant quil passa en l'amour et d'amour.

  A005001429 

 Mays quant a s t Joseph, il m'est impossible de douter quil ne mourut non seulement en l'amour, mais par l'amour et d'amour; car qui croiroit que le cher Enfant de son cœur, son Sauveur et son Dieu, ne l'assistast pas a l'heure de son trespas, et quil ne mourut pas entre les bras de Celuy quil avoit si souvent porté entre les siens? Beati misericordes: il avoit tant receu de douceurs, de misericorde, de charité, de ce bon Pere nourricier lhors quil vint au monde, quil ne pouvoit quil ne luy rendit la pareille.

  A005001432 

 Il va au dela du torrent de Cedron, au jardin de Getsemani; et la son cœur se fond en une douleur tres aymable, de voir suer le sang a son Sauveur en cett'extreme agonie quil y souffrit; il luy est advis quil le void prendre, lier et garrouter et mener en Hierusalem, ou il le suit d'esprit et de cors; et le void conduire câ et lâ chez les Pontifes, puis fouetter a la colomne, presenter au peuple, charger sa croix, la porter, et en chemin il void le pitoyable rencontre de la Mere affligee et des dames de Hierusalem pleurantes.

  A005001433 

 «Sans doute donques,» dit le medecin, «son cœur s'est esclatté d'exces et de ferveur d'amour et de joye.» Et pour mieux s'asseurer en son jugement il l'ouvrit, et treuva ce brave cœur tout ouvert, et ce sacré mot gravé au dedans: «Jesus mon amour!» L'amour donques fit en ce cœur l'office de la mort, separant l'ame du cors, et, sans autre concurrence de cause, l'amour donna la mort, mays mort d'amour, plus aymable que cent mille vies..

  A005001435 

 Cette tressainte Vierge n'avoit qu'une mesme vie avec son Filz; et si jamais il fut dit avec verité par S t Luc que les premiers Chrestiens n'avoyent qu' un [463] cœur et qu'un'ame, et par S t Pol, quil vivoit voirement luy mesme, mais non plus luymesme, ains Nostre Seig r vivoit en luy, a rayson de l'extreme union d'amour que ce divin Apostre sentoit entre son cœur et celuy de son Maistre, par laquelle son ame estoit morte ou ell'animoit et vive ou ell'aymoit, combien plus veritable est il que la Mere et le Filz n'avoyent qu'une mesme vie, et que la Mere ne vivoit que de la vie de son Filz! Mere la plus aymante et la plus aymee qui pouvoyt jamais estre; mays amour de Filz et de Mere plus eminent, parfait et superexcellent que celuy, non de s t Paul seulement, mais des Cherubins et Seraphins, et encor de tous amours imaginables, dautant que les noms de mere et de filz sont excellens en matiere d'amour au dessus de tout autre nom.

  A005001435 

 En fin, quant a N. D., il m'a tous-jours esté impossible de croire qu'elle mourut d'autre mort que de la mort d'amour; car c'est la plus noble mort de toutes, et qui est deue a la plus noble vie de toutes celles des pures creatures, et les Anges desireroyent de mourir, silz avoyent dequoy pouvoir mourir, de cette s te mort.

  A005001435 

 Mays noms qui conviennent uniquement a cette Mere et a ce Filz, puisque toutes les autres meres partagent avec le pere la production de leurs enfans, et les enfans reciproquement la reconnoissance qu'ilz doivent a rayson de leur production entre le pere et la mere; mays icy toute la production du Filz, en ce qui dependoit de la generation humaine, appartient a la Mere, qui seule a donné le concours a la vertu du S t Esprit pour la conception de ce divin Enfant: si que leur amour et leur union est dautant plus excellente qu'ell'a un nom different de tous les autres amours.

  A005001443 

 Il faut mesurer nostre soin et attention a l'importance de ce que nous entreprenons: c'est une desreglee attention d'estre autant en peyne a deliberer pour un voyage d'une lieue comme pour celuy de cent lieues..

  A005001443 

 [Ce n'est pas bien] servir un maistre, d'employer autant de tems a considerer ce qu'on doit comm'a faire.

  A005001444 

 Et quand il y auroit un peu plus de prieres en l'un qu'en l'autre, neanmoins ce n'est pas chose qui face une difference remarquable pour laquelle la volonté de Dieu soit plus tost en l'une qu'en lautre.

  A005001444 

 Mays es menues actions ordinaires et qui ne sont pas de grande consequence, esquelles mesme la faute seroit aysement reparable quand il y en auroit, il n'est pas besoin de plus grand'attention pour discerner ce que Dieu veut, que celle qui est ordinaire et par laquelle on n'est point arresté; ains il se faut contenter de ce que d'abord l'amour de Dieu et du prochain nous suggere.

  A005001444 

 Si ma profession ne m'oblige pas a l'office des Heures canoniques, qu'est il besoin que je me mette en peyne sil est mieux de dire tous les jours l'Office de N. D. ou le Rosaire? [465] L'un et lautre est bon, et n'y sçauroit avoir tant de difference entre l'un et lautre quil faille pour cela faire un grand examen, lequel tandis que je ferois, j'aurois des-ja dit ou l'un ou l'autre des deux.

  A005001445 

 Car si bien les difficultés et evenemens qui s'en ensuivront sembleront nous donner desfiance d'avoir bien choysi, neanmoins c'est faute de voir ce qui fut arrivé faysant un autre choix, qui eut esté cent fois pis; et encor, c'est que nous ne sçavons pas si Dieu veut que nous soyons exercé en la consolation par le bon succes, ou en la patience et abjection par le mauvais..

  A005001447 

 C'est l'occean de la perfection divine qui fait que Dieu void tout et prouvoit a tout; et comme rien n'est caché a la chaleur du soleil, qui penetre jusques dans les entrailles de la terre pour cooperer a la generation des mineraux, aussi rien n'est hors la providence divine: elle void tout, elle dispose tout; et comme le soleil esclaire tous les yeux de ceux qui le regardent, aussi parfaitement comme sil n'en esclairoit qu'un, ainsy Dieu prouvoit....

  A005001447 

 Voyes les lis des chams, et toutes les fleurs de la varieté et multitude desquelles la terre est diapree au primtems: elles n'ont pas une seule feuille que la providence de [466] Dieu ne la leur ayt ordonnee.

  A005001452 

 C'est un plus grand amour de recevoir aggreablement les maladies, incommodités, pauvretés, injures que Dieu nous envoye.

  A005001452 

 Car c'est le haut point de la philosophie chrestienne, qui surmonte celle des Stoiques, d'aggreer, par un acquiescement de la supreme pointe de l'esprit, que toutes les facultés de l'ame et tout ce qui est en elle soit affligé, ou par la privation des vertus et qualités qui les peuvent res-jouir, ou par des [467] apprehensions et impressions de celles qui les peuvent attrister.

  A005001452 

 Dont l'ame, a l'imitation de celle de son Sauveur, commence a s'ennuyer, puis a craindre, puis a s'espouvanter, puis a s'attrister, en sorte qu'elle peut dire qu'elle est triste jusques a la mort: dont l'ame tout entiere, et du consentement de toutes ses facultés et puissances tant exterieures qu'interieures, raysonnables et intellectuelles, desire, demande et prie qu'on esloigne d'elle ce calice; et ne luy reste plus que la fine supreme pointe de l'esprit, laquelle touchant Dieu et estant tout attachee a luy, dit par un simple acquiescement: Vostre volonté soit faite.

  A005001452 

 Et l'importance est qu'elle dit cela parmi tant de trouble, de contradiction et de repugnances, qu'a peyne s'apperçoit on qu'elle le die; au moins, parmi de si grans tourmens, il semble a l'ame que ce qui se dit, se dit languidement et comm'a demi, qu'on ne le die pas de bon cœur, puisqu'on le dit sans playsir, sans contentement, et contre le consentement de tout le reste du cœur..

  A005001453 

 Or, plus cet amour est simple, desnué de tout secours, abandonné de toute l'assistence des vertus et facultés de l'ame, plus il est fidele et vaillant, plus il est estimable de garder sa fidelité..

  A005001454 

 Bref, l'amour ayme l'amer et le doux a cause de la volonté de Dieu, dont l'un et lautre procede; mais il ayme plus l'amer, par ce quil n'est aymable que pour la volonté de Dieu; si que l'amour, [468] sans crainte de mesprendre, se peut abandonner a la suite de [la] volonté divine en l'amer, ce qu'elle n'oseroit faire entre les douceurs, lesquelles estant aymables et en Dieu et en elles mesmes, il est souvent advis qu'on les ayme pour Dieu, et on les ayme pour elles mesmes.

  A005001456 

 La resignation ayme beaucoup de choses outre la volonté de Dieu, mays elle prefere la volonté de Dieu; mais l'indifference oublie tellement tout autre amour, qu'ou il s'agit de la volonté de Dieu elle n'ayme rien ni ne veut rien que cette volonté, d'autant qu'elle treuve la volonté de Dieu si aymable que le reste en comparayson ne tient point de rang, c'est a dire ne luy est nullement aymable: si que aucune chose ne touche le cœur indifferent, en presence de la volonté de Dieu..

  A005001456 

 Mays l'indiSerence de nostre volonté en la volonté de Dieu passe bien plus avant; car elle ne treuve rien d'aymable que la volonté de Dieu, et par tout ou la volonté de Dieu se treuve egale elle est egalement contente.

  A005001458 

 Le cœur indifferent n'ayant esgard qu'a la volonté de Dieu, reçoit egalement et sans difference ce que Dieu luy envoye, mal ou bien; et bien que la tribulation, comme une autre Lia, soit laide, neanmoins, parce que la volonté du Pere celeste est autant accomplie [469] en elle comme en la consolation, il l'ayme autant comme la consolation, ains d'autant plus qu'il n'y voit rien d'aymable que la seule volonté de Dieu.

  A005001461 

 ...de mesme son desir le fait souspirer pour le Ciel; neanmoins, se doutant que la volonté de Dieu ne fut quil demeurast au travail de ce monde: O que vos tabernacles sont aymables, Seigneur Dieu des armees! a peu qu'a force de les souhaiter, mon ame ne tumbe en defaillance; «neanmoins, si adhuc populo tuo sum necessarius, je ne refuse point le travail; hé, Seigneur, vostre volonté soit faitte.» Comme sil eut voulu dire: Si vostre volonté pour moy est en mes travaux et non encor en Paradis, o Dieu, je prefere mes travaux au Paradis.

  A005001461 

 Grande et souveraine resignation, admirable indifference! car icy la resignation est si excellente qu'elle contient eminemment l'indifference.

  A005001461 

 L'indifference nous porte a l'exclamation de David: O Dieu de mon cœur, et le seul heritage que je prœtens! Qu'y a-il au ciel pour moy, et que veux-je en terre sinon vous? Qui ne cherche que Dieu, ni en terre parmi les miseres, ni au Ciel parmi les fœlicités, qu'est ce qui ne luy est pas indifferent?.

  A005001462 

 Comme, par exemple, la volonté de Dieu est au mariage et en la virginité; mais par ce quil y en a plus en la virginité le cœur indifferent choysira la virginité, quand elle luy devroit couster la vie, comm'a la chere fille de s t Paul, [470] Tecla, a s te Cascile, a s te Agathe.

  A005001462 

 Ell'est en la modestie observee entre les consolations, et en la patience exercee parmi les tribulations: le cœur indifferent choysira le dernier, parce quil y a plus de la volonté de Dieu; parce que n'ayant aucun autre objet que la volonté de Dieu, par tout ou il la void et a mesure quil en void, il s'y porte sans consideration d'aucune autre chose, puysqu'en la presence de Dieu rien ne le touche, il oublie tout et ne tient conte de rien.

  A005001462 

 En somme, le cœur indifferent est comm'un cœur de cire pour Dieu, affin de recevoir avec egale facilité toutes les impressions quil plait a sa divine Providence luy donner; c'est un cœur pliable, sans nulle resistence entre les mains de Dieu; c'est un cœur qui n'a point de choix, egalement disposé a tout ce que la volonté de Dieu veut, n'ayant autre object de sa volonté que celle de Dieu; qui n'a point d'amour aux choses que Dieu veut, ains seulement a la volonté de Dieu: c'est pourquoy, pour peu quil voye la volonté de Dieu inclinée d'une part, encor quil y en ayt de l'autre part, sans avoir nulle sorte d'egard a tout le reste il court ou la volonté de Dieu semble plus grande.

  A005001462 

 La volonté de Dieu est au service du pauvre et du riche; sil y en a plus au service du pauvre le cœur indifferent choysira ce party.

  A005001463 

 Les cœurs mondains sont de diverses humeurs: les uns suivent les honneurs, et ou il y a plus d'honneur ilz y courent plus ardemment, au travers de mille dangers, mille peynes, mille maux; les autres suivent l'utilité, et sans avoir egard a chose quelcomque, ou il y en a plus, ilz y vont plus impetueusement; les autres suivent la volupté, au peril de lhonneur, des biens et de la santé; et «chacun est tiré de ce qui luy plait.» Le cœur indifferent n'a point d'autr'attrait que la volonté de Dieu, si que les tourmens, les travaux luy sont inconsiderables en presence de la volonté de Dieu.

  A005001464 

 Le cœur indifferent applique les remedes a ses maux, qu'il sçait estr'ordonnés de Dieu et selon quilz luy sont ordonnés; mais que le mal vainque les remedes, ou que les remedes vainquent le mal, ce luy est chose indifferente: et parce quil sçait que l'evenement luy fait connoistre la volonté de Dieu, si tost quil void l'evenement, il l'ayme et l'embrasse cherement comm'effect de la Providence divine..

  A005001466 

 ...j'acquiesceray, et non seulement avec patience, ains avec amour; je cheriray cette volonté de Dieu, nonobstant la repugnance de toute la partie inferieure de mon ame: Ouy, Pere eternel, parce que tel est vostre bon playsir..

  A005001468 

 Que bienheureuses sont telles ames, hardies a commencer, souples et douces a cesser pour Dieu! C'est pourtant un point d'indifference tres parfaite, de cesser a bien faire quand il plait a Dieu..

  A005001471 

 Il est vray, mon enfant, ta faute ne t'est pas advenue par la volonté de Dieu, car Dieu n'est pas autheur du peché; mays c'est bien pourtant la volonté de Dieu que de ta faute s'en ensuive la defaite de ton entreprise, car Dieu est autheur de la peyne: sa bonté fait quil ne peut estr'autheur, ni vouloir le peché, et sa justice fait quil veut la peyne.

  A005001471 

 Mays si l'entreprise faite pour la gloire de Dieu et par son inspiration perit par la faute de celuy a qui Dieu l'avoit confiee, il semble qu'alhors il n'y ait point de volonté de Dieu alaquelle on se doive conformer: car, me dira celuy la, ce n'est pas la volonté de Dieu, c'est ma faute.

  A005001472 

 Quand donques il arrive que pour nos pechés les entreprises ne reuscissent pas, il faut detester par vraye penitence nostre peché, et accepter par amour la peyne du peché; dautant que le peché est contre la volonté de Dieu, et la peyne selon sa volonté..

  A005001474 

 En souffrant ce quil plait a Dieu, ou es biens de la vie civile, ou en ceux de la naturelle, ou en ceux de la surnaturelle, ou en tous trois ensemblement: a l'exemple de Job, qui, quant a la vie civile, fut mocqué, baffoüé et tenu pour fol par ses plus chers amis, qui est le haut point de mortification; quant a la vie naturelle, fut ulceré de l'ulcere le plus dur de tous, et de tant de sortes de maladies quil ne s'en peut exprimer davantage; en la spirituelle, souffrant des abandonnemens, des langueurs, des pressures, convulsions, estraintes, angoisses et douleurs spirituelles insupportables, ainsy que ses plaintes et lamentations font foy.

  A005001475 

 Voyes en fin son indifference au combat a droite et a gauche, et sur tout comme leur tristesse est joyeuse, leur pauvreté riche, leur mort vitale, leurs deshonneurs honnorables; c'est a dire, comm'ilz sont joyeux d'estre tristes, contens d'estre pauvres, vivans d'estre revigorés par les perilz de la mort, et glorieux d'estre avilis: qui tesmoigne bien que leurs afflictions et tribulations [473] n'arrivoyent pas jusques a la cime de l'esprit, en laquelle nostre volonté faysant hommage a celle de Dieu, se resjouit de la voir prattiquee, soit en la tribulation, soit en la consolation..

  A005001475 

 Voyes, je vous prie, Philothee, la vie apostolique comm'ell'est affligee selon le monde, selon le cors et selon l'ame; car, comme remarque S t Thomas, toutes les especes d'afflictions sont comprises en ce denombrement, mesmement les angoisses qui travaillent le cœur, les blessures qui travaillent le cors, les prisons qui infament la personne.

  A005001477 

 Faysons de nostre costé tout ce que nous pourrons pour les acquerir, n'oublions rien pour cette entreprise, car cela est de nostre devoir, c'est une volonté signifiee de Dieu que nous fassions cela soigneusement, diligemment et constamment; mais les fruitz de ce soin, de cette diligence, ce ne sont pas des volontés signifiees, ce sont des effectz de la volonté effective de Dieu: c'est pourquoy il faut demeurer en une simple attente de l'evenement de nos diligences, pour le recevoir tel qu'il plaira a Dieu nous le donner, sans nous inquieter pour cela..

  A005001478 

 Voire, dirés vous, mais si c'est par ma faute que mon avancement en la vertu est retardé, comment ne m'inquieteray je pas? Je l'ay souvent dit en l' Introduction, qu'il ne faut pas avoir un repentir inquiet, mays rassis, ferme, constant.

  A005001483 

 ... et ma harpe, car je me leveray au point du jour, c'est comme sil eut dit: Mon cœur, qui est le chantre, est prest; mon cœur, qui est le psalterion et la harpe, est bien accordé, il est praeparé; et donques, je chanteray et psalmodieray magnifiquement et glorieusement.

  A005001483 

 Mays prenes garde, je vous prie, qu'alhors ce cœur est en grand danger de prendre le change, car au commencement il aymoit Dieu, et petit a petit, sans s'en appercevoir, en lieu d'aymer Dieu il ayme l'amour de Dieu; il estoit amoureux de Dieu, mais petit a petit il est amoureux de l'amour quil a envers Dieu..

  A005001483 

 Quand nostre cœur, Philothee, ayme son Dieu et quil s'apperçoit de cet amour, quil escoute et entend son chant, quil a le sentiment de l'amour quil porte a Dieu, et des vertus et saintes passions et [474] affections que cet amour produit, o Dieu, Philothee, que ce cœur est amoureux de son amour, quil est affectionné a ses affections, quil a de playsir a complaire a Dieu, quil a de suavité en son cantique de dilection! C'est lhors quil apperçoit la presence de l'Espoux; et un contentement se respand en toutes ses facultés, plus delicieux que l'odeur du baume et que tous les parfums.

  A005001484 

 Il est certes malaysé d'aymer Dieu qu'on n'ayme quant et quant l'amour qu'on luy porte, non seulement par ce qu'il est amour tendant a Dieu, mays aussi par ce quil est amour [475] procedant de nostre cœur; mays neanmoins cela se peut faire, et se doit procurer pour la plus grande pureté de l'amour..

  A005001484 

 Il est vray que le cantique de Dieu estant plus excellent, il l'ayme davantage, non par ce que Dieu est plus excellent, mais par ce que son cantique est plus excellent.

  A005001484 

 Or cet amour de Dieu peut estre aymé du cœur, ou par ce quil regarde Dieu, ou par ce quil est en nous.

  A005001484 

 Si je n'ayme mon amour que par ce quil tend a Dieu, Philothee, j'ayme Dieu en mon amour et mon amour en Dieu; mais si j'ayme mon amour qui tend en Dieu par ce quil est mien, par ce que c'est moy qui ayme, par ce que cest amour qui va vers Dieu sort de moy, part de mon cœur, par ce quil nayt en moy et qu'en fin c'est mon amour (dautant qu'estant amour de Dieu comme de son object, il est amour de mon cœur comme de son sujet), qui ne void que ce n'est plus Dieu que je regarde, mays que de Dieu je suis revenu a moymesme, et que j'ayme cest amour par ce quil est mien, non par ce quil est a Dieu? L'amour de Dieu m'avoit emporté a Dieu, il m'avoit tiré de moymesme pour me complaire en Dieu, et maintenant, l'amour de moymesme me rapporte a moymesme pour me complaire en ma complaysance, pour aymer non plus Dieu, mays mon amour de Dieu: et dautant que c'est l'amour de Dieu que j'ayme, qui est le plus aggreable amour de tous, l'amour que j'en ay m'amuse plus aggreablement, plus fortement et intimement.

  A005001485 

 Il est malaysé de regarder longuement et avec playsir la beauté d'un mirouer qu'on ne se regarde soymesme dans iceluy; mays il y a pourtant difference a se playre en la veue d'un mirouer par ce quil est beau, et a se plaire a le regarder par ce qu'on s'y void..

  A005001486 

 Car si nostre chantre chante pour Dieu, il chantera plus volontier le cantique que Dieu desirera le plus de luy; mais sil chante pour le playsir quil prend a chanter, il ne chantera pas le cantique qui est plus aggreable a Dieu, ains celuy qui luy est plus aggreable a luy mesme.

  A005001486 

 Ce sont cantiques divins et l'un et lautre, il est vray, mais l'un est chanté en qualité de divin, et lautre en qualité d'aggreable.

  A005001486 

 La maniere de connoistre si c'est l'amour de Dieu en tant quil est nostre, que nous aymons, ou si c'est l'amour de Dieu en tant quil est a Dieu et quil tend a Dieu, c'est de voir si nous sommes en indifference pour les exercices de l'amour de Dieu.

  A005001486 

 Le cantique est divin, mais la fin pour laquelle il est chanté est nostre contentement..

  A005001487 

 Il est vray, mais ce n'est donq pas pour Dieu, c'est pour cette suavité que tu travailles; ce n'est pas Dieu, c'est son amour que tu aymes.

  A005001493 

 C'est alhors une grande fidelité a l'ame de servir Dieu, non seulement sans playsir ni consolation, mays par mille desplaysirs, entre mille amertumes et avec mille horreurs, pour sa simple volonté..

  A005001493 

 Le cœur indifferent ne travaillant plus pour aucun playsir, non pas mesme pour le plus pur playsir qu'on puisse avoir, qui est le playsir de plaire a Dieu, il ne travaille que pour l'amour de la volonté de Dieu: amour pur, desnué et quitte de toute autre sorte d'interest.

  A005001494 

 C'est la parole essentielle de l'amour, c'est l'ame de l'amour, et c'est aussi celle la seule qui luy reste pour tout en ses ennuis mortelz, et apres laquelle s'ensuit la mort amoureuse de l'ame..

  A005001496 

 Autre chose est avoir la volonté conforme et vouloir ce que Dieu veut; autre chose, avoir la volonté aneantie et convertie en celle de Dieu, car on ne veut plus, mays on laisse que Dieu veuille pour nous..

  A005001496 

 Nous ne disons plus: Verumtamen non mea voluntas, sed tua fiat, car nous n'en avons plus; mais nous disons: In manus tuas commendo spiritum meum; ce n'est plus un acquiescement de nostre volonté a la volonté divine, mais c'est un aneantissement.

  A005001497 

 Seigneur, je ne veux rien de tous les evenemens, car je vous les laisse vouloir pour moy a vostre gré; mais au lieu de m'occuper a vouloir ces evenemens, j'occuperay ma volonté a vous benir de ces evenemens, car il est tous-jours [477] meilleur de s'occuper entierement a l'amour filial, puisqu'il est plus cher au Pere que cent mille autres vertus..

  A005001499 

 Mais acquiesces vous pas au sien? Non, je n'acquiesce pas, car je n'y pense pas: ce n'est pas par acquiescement, c'est par union de ma volonté; non, ce n'est pas par union, c'est par unité, mays unité en laquelle ma volonté ne tient point de rang ni de place, ni ne fait point de vouloir ni d'acquiescement, ains est reduite en la volonté de Dieu..

  A005001500 

 C'est la façon en laquelle Nostre Seigneur exprime par Isaïe les sentimens et peynes de sa Passion: Dominus Deus aperuit, etc. Voyla qu'il proteste qu'il les attend avec une sousmission la plus douce, la plus tranquille qu'il est possible: Je ne contredis point, dit-il, ni je ne dis que je les [accepte,] mais je laisse mon esprit entre vos mains; ni je ne vay au devant, ni je ne fuis, mais je les attens, prest a tout ce qu'il vous plaira faire de moy; et comme j'ay laissé mon cors entre les mains des cruelz executeurs de la volonté des Juifz et de Pilate, comme une petite brebis qui est entre les mains et a la mercy de celuy qui la tond, qui se laisse tourner en toutes postures sans resistance, aussi, o Pere eternel, remetz-je et abandonne mon esprit entre vos mains, affin que vous exercies vostre volonté sainte sur iceluy a vostre gré, sans contradiction ni resistance quelconque..

  A005001500 

 Il est fort difficile d'exprimer l'estat d'une ame totalement abandonnee entre les mains de Dieu, qui ne veut rien, ains laisse faire a Dieu selon son saint playsir.

  A005001500 

 Il ne faut pas dire, ce me semble, qu'elle fait un acquiescement, ni qu'elle accepte, ni mesme qu'elle reçoit, car la reception semble estre une action passive ou une passion active: il semble plustost que l'ame, sans rien faire, est en une simple attente, qui n'est qu'une disposition a laisser faire.

  A005001501 

 C'est proprement remettre son esprit entre les mains de Dieu que de demeurer ainsy dans sa volonté, sans attention, sans election, sans vouloir ni resistance, ne se servant de sa volonté ni de son entendement pour chose quelconque que pour voir Dieu, pour jouir de ses delicieux amours et caresses..

  A005001501 

 Et comme un homme embarqué ne se remue point de son mouvement, mais seulement se laisse remuer, ainsy un cœur embarqué sur la volonté et providence de Dieu il n'a plus aucun vouloir par son election, mays en vertu de l'election qu'il a fait de ne rien vouloir de soy mesme, mais suivre le vouloir de Dieu; il ne se [478] porte pas a vouloir, mais se laisse porter a vouloir, sans election ni consideration quelconque, par la seule non resistance; il ne pense pas s'il a une volonté a sousmettre, il n'en sent point, mais se laisse porter et emporter au gré de la volonté divine, avec laquelle il pense estre une mesme chose: c'est la souveraine perfection de l'union.

  A005001506 

 ...gloire d'un monarque, ou celle quil acquiert en la guerre par les armes, ou celle quil merite en la paix par la justice? Sans doute, la gloire militaire est plus grande, mais celle de la paix est meilleure; comme le bruit du tambour et le son des trompettes est bien plus grand que celuy du luth ou de l'espinette, mais celuy ci est aussi meilleur, plus suave et delicieux.

  A005001507 

 Car cet amour par lequel on ayme Dieu en qualitéde Dieu, si bién il ne presse pas tant l'ame, et n'est pas si ardent comme les autres amours pour multiplier les actes d'amour, si est ce qu'es occurrences il fait des actions si relevees qu'une seule vaut mieux que dix millions d'autres.

  A005001507 

 Il est vray, Philothee, vous verres une mere tellement embesoignee de son enfant, qui semble qu'elle n'ayt aucun autre amour que celuy la: elle n'a plus d'yeux que pour le regarder, ni plus de baysers que pour le caresser, ni plus de soin que pour l'eslever, ni plus de poitrine que pour l'alaiter, et semble qu'ell'ayt quitté l'amour du mari pour celuy de l'enfant; mays pourtant, sil failloit venir au choix de perdre ou l'un ou lautre, alhors on verroit bien qu'ell'estime plus son mari que dix enfans, et que si bien l'amour de l'enfant estoit le plus empressé, le plus tendre, le plus passionné, lautre neanmoins estoit le plus excellent, le plus fin et le meilleur.

  A005001507 

 Les chiennes font plusieurs petitz d'une littee, et les lionnes n'en font jamais qu'un; mais aussi c'est un lyon que les lionnes font, qui est plus estimable que cent mille chiens..

  A005001508 

 En quoy donq consiste l'excellence de ce vray amour de Dieu au dessus de tous autres amours? En ce que cet amour, quoy que moins sensible et pressant que les autres, il met Dieu en tell'estime dedans nos ames et fait que nous le prisons si hautement, que nous quitterions plus tost toutes choses que de le quitter, le preferans a tout et le cherissans sur tout, lhors que nous sommes reduitz a la necessité ou de le quitter ou de quitter tout autre chose: et c'est l'amour d'excellence ou l'excellence de l'amour qui nous est commandé.

  A005001509 

 C'est un argument mal composé; l'homme est tout a Dieu, il doit aymer Dieu de tout son cœur, donques il ne doit aymer que Dieu.

  A005001509 

 L'enfant est tout a son pere, et si, il est tout a sa mere; et ne s'ensuit pas que pour estre tout a l'un il ne soit pas tout a lautre, ni ne s'ensuit pas qu'outre cela il ne soit tout a son prince, car l'une de ces totalités ne forclost pas lautre; ains, estant tout a l'un, il peut estre tout a lautre.

  A005001509 

 Mays il est bien vray que qui doit aymer Dieu de tout son cœur ne doit rien aymer qui puisse oster son cœur a Dieu ou qui soit contraire a cet amour; c'est pourquoy entre les amans il y a de la difference, et bien que tous ceux qui ont le vray [480] amour de Dieu Tayment par consequent de tout leur cœur, de toute leur ame, de toute leur force.......

  A005001511 

 En pas un rang neanmoins, ces amours ne sont sans meslange des amours des autres rangs: car au premier, ou l'ame est encor tout'adonnee aux pechés venielz par l'amour qu'ell'a a plusieurs vaines, impertinentes et dangereuses choses, il se peut faire, ains il se fait ordinairement, que quelques petitz rayons de l'amour du second, troysiesme, voyre quatriesme rang, s'y treuvent; mais c'est quelquefois, et foiblement.

  A005001511 

 Et lhors cette production est vaine, mais non pas l'arbre; ces fruitz sont infructueux, mais non pas l'arbre, puis qu'il en a des autres bien assaissonnés.

  A005001511 

 Je ne dis pas que celuy qui fait ces actions ou qui a ces affections soit sans l'amour de Dieu, mais je dis que les affections quil a sont hors et sans l'amour de Dieu; c'est pourquoy elles sont pechés venielz, desquelz personne, que l'on soit asseuré, n'a jamais esté exempt, sinon la très uniquement unique parfaite Mere du Sauveur.

  A005001512 

 Y ayant donques tant de degrés d'amantz, qui tous doivent observer la loy de Dieu et estre sauvés par ce chemin, N. S. a establi un commandement qui les regarde tous et les oblige tous; lequel est aussi observé par un chacun des esleuz, quoy que differemment et avec une infinie varieté de perfections; n'y ayant peut estre point d'ames en terre, non plus que d'Anges ni d'estoiles au ciel, qui ayent un'absolue egalité et parité de perfection et de charité..

  A005001513 

 Et neanmoins, c'est toute nostre ame qui ayme, tout nostre cœur, quoy que non pas totalement, toute nostre force, quoy que non pas totalement, ains selon qu'elle peut tendre a nostre Seigneur, et que nous en sommes les maistres; car nostr'ame entant que vegetante et sensuelle, elle n'est pas nostre par obeissance, ni moralement, ains la seule ame intellectuelle et spirituelle..

  A005001513 

 Mays notes que quand il est dit que nous devons aymer de toutes nos forces, de tout nostre cœur, de toute nostre puissance, cela s'entend [481] de tout le cœur, de toute l' ame, de toute la force qui est capable d'aymer Dieu, et entant qu'ell'en est capable: de sorte que cela regarde, non l'appetit sensuel, non les forces de la partie inferieure, mays seulement la partie spirituelle de l'ame; tant par ce qu'elle seule est en nostre absolue puyssance, lautre estant pour l'ordinaire rebelle contre nostre rayson, qu'aussi par ce qu'ell'est incapable d'aymer Dieu, qui, estant un object spirituel, ne peut estre aussi aymé que par le cœur entant quil est spirituel.

  A005001514 

 Helas! aussi, quel honneur que Dieu ne nous permette pas seulement, mais nous commande de l'aymer! Il doit estre mis au commencement pour la definition de la charité, et monstrer que cet amour n'est pas seulement un'amitié mais une dilection, et non seulement une dilection mais une charité, car c'est un amour d'excellence.

  A005001514 

 S t Denis et S t Aug in dient que plusieurs ont estimé que le nom d'amour panchoit plus tost a signifier l'amour charnel que le spirituel; et que pour cela il est mieux, es choses sacrees, d'user du mot de dilection que de celuy d'amour, mays S t Denis......................................................

  A005001514 

 que ce n'est pas seulement un amour, mais une amitié de dilection; 4.

  A005001514 

 que ce n'est pas seulement un'amitié d'excellence, mais de parfaite excellence et sureminence.

  A005001514 

 que ce n'est pas seulement un'amitié, mais un'amitié d'excellence, et par consequent une charité; 5.

  A005001514 

 que ce n'est pas seulement une dilection, mais un'amitié; 3.

  A005001519 

 Dieu a fait sourdre et jaillir le fleuve de la rayson et lumiere naturelle, delaquelle il est dit: La lumiere de vostre visage est marquee sur nous; et ce fleuve que Dieu fait sourdre pour arrouser tout l'homme en toutes ses facultés et exercices se divise en quatre chefs, selon les quatres parties ou regions de nostre ame, qui produisent les actions humaines et libres.

  A005001519 

 Or l'homme, sans doute, est le paradis du Paradis mesme, puis que le Paradis terrestre n'estoit fait que pour estre le sejour de l'homme, comme l'homme a esté fait pour estre le sejour de Dieu.

  A005001519 

 fleuve est celuy de la temperance, qui gouverne l'appetit de convoitise; le 4.

  A005001519 

 fleuve, de la prudence, qui incline nostre entendement a veritablement discerner le mal qui doit estre evité, d'avec le bien qui doit estre fait; [le 2., de] la justice, qui regne principalement en la volonté, puis qu'elle n'est autre chose qu'une perpetuelle et constante volonté de rendre a chacun ce qui luy est deü; le 3.

  A005001521 

 Que si elles ne trouvent point de vertus naturelles en l'ame ou la charité les produit, elles suppleent a leur defaut; y ayant cette difference entre le meslange du vin et de l'eau et celuy des vertus infuses et acquises, que le vin seul est meilleur que l'eau, ou les vertus infuses estans seules, ne sont pas si bonnes comme quand elles sont meslees avec les acquises, la grace ne destruisant point la nature, ains la perfectionnant sans qu'elle perde rien de sa force.

  A005001527 

 Il est bien raysonnable que l'œuvre de Dieu soit plus excellente que celle de l'homme, et qu'ell'estende sa force plus avant a destruire son contraire.

  A005001527 

 La grace est un œuvre de Dieu, c'est pourquoy la reparation qu'elle fait est bien plus grande que n'est la ruine du peché, lequel est nostre œuvre.

  A005001527 

 Le peché ruine nostr'ame, et les actions bonnes que nous avons faites præcedemment sont par luy non exterminees mais mortifiees; elles ont encor leur estre, mais infructueux pour nous quant a la vie eternelle: que si la grace revient, qui est un œuvre de Dieu, non seulement elle vivifie nostre ame, mais toutes œuvres que le peché avoit mortifiees; et outre cela elle ne mortifie pas seulement la vie mortelle du peché, mais elle l'abolit entierement.

  A005001533 

 Ainsy il est bien mieux que la charité croye, espere, souffre, que de souffrir seulement en charité; un amour souffrant, qu'une souffrance aymante: car quand la souffrance est aymante elle communique sa vertu, qui est moindre, a l'amour; mais quand l'amour est souffrant il communique sa vertu, qui est grande, a la souffrance.

  A005001533 

 Il faut avouer que quand la charité non seulement se treuve en l'ame qui fait les actions des vertus, mays qu'elle mesme les ordonne, elle les rend incroyablement plus nobles, car la vertu alhors est comme un instrument que la charité employe.

  A005001535 

 Ces oraysons jaculatoires peuvent servir a cela: Hé, Seigneur, je suis vostre; Mon Ami est mien, et moy je suis sienne; Ma vie c'est Jesus Christ; O Seigneur, ou que je ne face rien, ou que tout soit a vostre gloire; et, Gloria Patri et Filio; Non nobis, Domine, non nobis.

  A005001535 

 Puis, dire qu'il faut donques faire cet exercice tous les ans, la protestation tous les moys, l'exercice du [486] matin tous les jours, et parmi la journee plusieurs eslancemens de cœur et plusieurs oraysons jaculatoires, par lesquelles le feu de la charité s'enflamme de plus en plus et brusle comm'en holocauste toutes nos actions a la gloire de Dieu; et s'accoustumer a faire toutes choses au nom de Dieu, comme est de travailler pour Dieu, saluer pour Dieu, aymer pour Dieu, servir pour Dieu, estant impossible qu'une personne fort affectionnee a Nostre Seigneur ne puisse dire en verité, que comme sa personne est a Dieu, aussi sont toutes ses actions: les pecheurs le disent aussi, mays ilz mentent, ou les affectionnés disent la verité.


06-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VI-Les vrays entretiens spirituels.html
  A006000013 

 Auquel est declarée l'obligation des Constitutions de la Visitation de Sainte Marie, et les qualités de la devotion que les Religieuses cludit Ordre doivent avoir.

  A006000015 

 Sur la fuite de Nostre Seigneur en Egypte, où il est traitté de la fermeté que nous devons avoir parmi les accidens du monde.

  A006000018 

 Demande II. Que c'est de faire toutes choses en esprit d'humilité, ainsi que les Constitutions l'ordonnent 32.

  A006000023 

 Auquel est traitté de la Modestie de la façon de recevoir les corrections et du moyen d'affermir tellement son esprit en Dieu que rien ne l'en puisse destourner.

  A006000034 

 Auquel il est demandé quelle pretention nous devons avoir entrant en Religion 135.

  A006000073 

 Nous confessons neantmoins (ce que tout le monde croira facilement d'un ouvrage qui est passé par des mains si indignes que les nostres) que quielque diligence et quelque soin que nous y ayons apporté, il ne nous a pas esté possible de faire ce recueil si exactement qu'il ne nous soit eschappé beaucoup de choses excellentes, et que celles que nous avons retenues n'ayent aussi perdu beaucoup de leur force et des advantages qu'elles avoyent en sortant d'une si digne et si venerable bouche.

  A006000073 

 Que si bien ils ne sont pas elabourés à l'égal du reste de ses livres, si les discours n'en sont pas si bien tissus, s'il se rencontre quelque chose qui pourroit sembler a quelqu'un moins digne de son eminente doctrine et de la reputation que ses autres œuvres luy ont acquise, ce n'est pas de merveille, car jamais il ne les a veus ni leus; et vous sçavez que les enfans sevrés de la mammelle de leur mere avant le temps, ne se portent pas si bien que ceux qui en sont entierement nourris: tousjours il y a de la compassion aux enfans qui naissent apres le decés de leur pere..

  A006000074 

 Et mesmes, que ce sont des copies recopiées plusieurs fois par des filles, lesquelles y ont adjousté quantité de petites choses, ramassées par cy par là, qui avoyent esté dites à des particulieres, mais non comme le Bienheureux les a dites, faute de memoire: en suite de quoy, celuy qui les a soustraits a esté contraint de substituer en la place de ce qui luy manquoit beaucoup de choses estrangeres, qu'il a adjoustées pour la liaison du discours, lesquelles ont apporté un si grand changement à l'ouvrage qu'à peine est-il recognoissable, ainsi qu'il sera aysé de remarquer par la conference des deux impressions..

  A006000075 

 C'est le souhait continuel que nous faisons pour vous et pour nous, qui sommes en JESUS CHRIST,.

  A006000075 

 Neantmoins, ayant tousjours esté un des Salutaires conseils et desirs de nostre bien-heureux Pere, Instituteur et Fondateur, et qu'il nous a declaré dans l'un de ses Entretiens, que l'esprit de nos maisons fust communiqué au prochain, pour donc ne pas frustrer du fruict des saintes instructions que nous avons receuës, l'obeissance et la charité veut que nous en fassions part au public: elle ordonne aussi qu'ils nous soyent particulierement dediés, comme à celles à qui ils sont particulierement propres, puisque c'est à nous à qui nostre bien-heureux Pere les a faits.

  A006000075 

 Peut estre y trouverez-vous quelques choses qui sont si particulieres pour nos maisons, que vous jugerez n'estre pas à propos de les publier si librement, l'esprit du monde n'estant pas tousjours disposé à recevoir [3] les escrits de pieté avec la simplicité et la reverence qui leur est dette.

  A006000094 

 Celuy là y tombe qui par mespris viole ou laisse à faire quelque ordonnance, non seulement volontairement, mais de propos deliberé; car s'il la viole par inadvertance, oubli, ou surprise de quelque passion, c'est autre chose: car le mespris enclost en soy une volonté deliberée, et qui se determine destinément à faire ce qu'elle fait.

  A006000094 

 Il est defendu de manger hors du repas: une fille mange des prunes, des abricots, ou autres fruits; elle viole la Regle et fait une desobeissance.

  A006000095 

 Il s'ensuit encor, que celuy qui desobeit par quelque allechement ou surprise de passion voudroit bien pouvoir contenter sa passion sans desobeir, et à mesme temps qu'il prend plaisir, par exemple, à manger, il est marri que ce soit avec desobeissance; [mais celuy qui desobeit par desobeissance et mespris n'est pas marri de desobeir, ains au contraire il prend son plaisir à desobeir: de maniere qu'en l'un] la desobeissance suit ou accompaigne l'œuvre, mais en l'autre, la desobeissance precede l'œuvre et luy sert de cause et de motif, quoy que par friandise.

  A006000095 

 L'un donc desobeit voulant une chose à laquelle la desobeissance est attachée, et l'autre desobeit voulant la mesme chose parce que la desobeissance y est attachée.

  A006000096 

 Or, ceste desobeissance formelle et ce mespris des choses bonnes et saintes n'est jamais sans quelque peché, pour le moins veniel, non pas mesme és choses qui ne sont que conseillées: car bien qu'on puisse ne point suivre les conseils des choses saintes, par l'élection d'autres choses, sans aucunement offenser, si est-ce qu'on ne peut pourtant les laisser par mespris et contemnement, sans offense; d'autant que tout bien ne nous oblige pas à le suivre, mais ouy bien à l'honorer et estimer, et par consequent, à plus forte raison, à ne le point mespriser et vilipender..

  A006000097 

 Davantage, il s'ensuit que celuy qui viole la Regle et Constitutions par mespris, il l'estime vile et inutile, qui est une tres grande presomption et outrecuidance: ou bien, s'il l'estime utile et ne veut pas pourtant se sousmettre à icelle, alors il rompt son dessein avec grand interest du prochain, auquel il donne scandale et [7] mauvais exemple, il contrevient à la societé et promesse faite à la compagnie, et met en desordre une maison devote, qui sont des tres grandes fautes..

  A006000101 

 Quand elle conteste que la Regle ou commandement n'est pas à propos..

  A006000102 

 Quand elle tasche de tirer les autres au mesme violement et leur oster la crainte d'iceluy, leur disant que ce n'est rien, qu'il n'y a point de danger..

  A006000103 

 Neantmoins, il est aisé à juger par les circonstances, quand tout cela se fait par mespris; car, en fin, l'effronterie et manifeste libertinage suit ordinairement le mespris, et ceux qui l'ont au cœur en fin le poussent jusques à la bouche, et ils disent, comme David le remarque: Qui est nostre maistre?.

  A006000104 

 Car lors que l'esprit de l'homme ne se conduit que selon ses inclinations et aversions, qu'arrive-il qu'une perpetuelle inconstance, et varieté de fautes? Hier j'estois joyeux, le silence me desagreoit, et la tentation me suggeroit que j'estois oyseux; aujourd'huy que je seray melancolique, elle me dira que la recreation et entretien est encore plus inutile: hier, que j'estois en consolation, le chanter me plaisoit; aujourd'huy, que je suis en secheresse, il me deplaira, et ainsi des autres..

  A006000104 

 Si faut-il que j'adjouste un mot d'une tentation qui peut arriver sur ce poinct: c'est que quelquefois une [8] personne n'estime pas d'estre desobeissante et libertine quand elle ne mesprise qu'une ou deux regles, lesquelles luy semblent de peu d'importance, pourveu qu'elle observe toutes les autres.

  A006000105 

 De sorte que, qui veut vivre heureusement et parfaitement il faut qu'il s'accoustume à vivre selon la raison, les Regles et l'obeissance, et non selon ses inclinations ou aversions; et qu'il estime toutes les Regles, qu'il les honore et qu'il les cherisse, au moins par la volonté superieure: car s'il en mesprise une maintenant, demain il en mesprisera une autre, et l'autre jour encore une autre, et dés qu'une fois le lien du devoir est rompu, tout ce qui estoit lié, petit à petit s'esparpille et dissipe..

  A006000110 

 Comme, par exemple, si une fille rompt le silence parce qu'elle n'est pas attentive qu'elle soit en silence, et partant elle ne s'en ressouvenoit pas, d'autant qu'elle pensoit à d'autres choses, ou bien elle est surprise de quelque esmotion de parler, laquelle devant qu'elle ayt bien pensé de reprimer elle aura dit quelque chose, sans doute elle ne peche point: car l'observation du silence n'est pas de si grande importance qu'on soit obligé d'avoir une telle attention qu'on ne puisse pas l'oublier; ains au contraire, estant chose tres-bonne pendant le silence de s'occuper en d'autres saintes et pieuses pensées, si estant attentive à icelles on s'oublie d'estre en silence, cet oubli provenant d'une si bonne cause ne peut estre mauvais, ni par consequent le manquement de silence qui provient d'iceluy..

  A006000112 

 Il faut croire qu'à mesure que le divin amour fera progres és ames des Filles de la Congregation, il les rendra tousjours plus exactes et soigneuses à l'observation de leurs Constitutions, quoy que d'elles mesmes elles n'obligent point sous peine de peché mortel ni veniel; car si elles obligeoient sous peine de la mort, combien estroittement les observeroit-on? Or, l'amour est fort comme la mort; donques les attraits de l'amour sont aussi puissans à faire executer une resolution comme les menaces de la mort.

  A006000112 

 Le zele, dit le sacré Cantique, est dur et ferme comme l'enfer; les ames, donques, qui ont le zele, feront autant et plus en vertu d'iceluy, qu'elles ne feroient pour la crainte de l'enfer: si bien que les Filles de la Congregation, par la suave violence de l'amour, observeront autant exactement leurs Regles, Dieu aydant, que si elles y estoient obligées sous peine de damnation eternelle..

  A006000113 

 En somme, elles auront perpetuelle memoire de ce que dit Salomon aux Proverbes, XIX: Qui garde le commandement garde son ame, et qui neglige sa voye il mourra: or vostre voye c'est la sorte de vie en laquelle Dieu vous a mises.

  A006000113 

 Je ne dis rien icy de l'obligation que nous avons à l'observance des vœux; car il est tout evident que qui transgresse absolument la Regle és vœux essentiels de pauvreté, chasteté et obeissance, peche mortellement, et feroit-on le mesme, contrevenant à la closture.

  A006000117 

 Forte à supporter la varieté des esprits qui se trouveront en la Congregation, qui est un essay aussi grand pour les esprits foibles qu'on en puisse rencontrer..

  A006000124 

 C'est pourquoy, comme la devotion genereuse ne cesse jamais de crier à Dieu: Tirez moy, aussi ne cesse elle jamais d'aspirer, d'esperer et de se promettre courageusement de courir, et de dire: Nous courrons apres vous.

  A006000124 

 Il faut en fin qu'elle soit genereuse, pour ne point s'estonner des difficultés, ains au contraire aggrandir son courage par icelles; car, comme dit saint Bernard, celuy là n'est pas bien vaillant, auquel le cœur ne croist pas entre les peines et contradictions.

  A006000125 

 C'est un advertissement que le grand Apostre saint Paul, fait aux Romains, XIV: L'un, dit-il, croid de pouvoir manger de tout; l'autre, qui est infirme, mange des herbes: que celuy qui mange ne mesprise point celuy qui ne mange pas, et que celuy qui ne mange pas ne juge point celuy qui mange.

  A006000125 

 Et ainsi en toutes autres choses qui ne sont ni commandées ni defendues, qu'une chacune abonde en son sens: c'est à dire, qu'une chacune [15] jouïsse et use de sa liberté, sans juger ni contreroller les autres qui ne feront point comme elle, voulant faire trouver sa façon meilleure; puisque mesme il se peut faire qu'une personne mange avec tel renoncement de sa propre volonté qu'une autre jeuneroit, et qu'une personne ne die pas ses coulpes par le mesme renoncement par lequel l'autre les dira..

  A006000126 

 La genereuse devotion ne veut pas avoir des compagnons en tout ce qu'elle fait, ains seulement en sa pretention, qui est la gloire de Dieu et l'avancement du prochain en l'amour divin; et pourveu qu'on s'achemine droitement à ce but là, elle ne se met pas en peine par quel chemin c'est.

  A006000126 

 Pourveu que celuy qui jeune, jeune pour Dieu, et que celuy qui ne jeune pas, ne jeune pas aussi pour Dieu, elle est toute satisfaite tant de l'un que de l'autre.

  A006000126 

 Que si ce point est bien entendu et bien observé, il conservera une merveilleuse tranquillité et suavité en la Congregation.

  A006000128 

 Advoüons franchement que les autres Congregations sont meilleures, plus riches et plus excellentes, mais non pas pourtant plus aymables ni desirables pour nous, puisque Nostre Seigneur a voulu que ce fust nostre patrie et nostre barque, et que nostre cœur fust marié à cest Institut; suivant le dire de celuy auquel quand on demanda quel estoit le plus agreable sejour et le meilleur aliment pour l'enfant: Le sein, dit-il, et le lait de sa mere; car bien qu'il y ait de plus beaux seins et de meilleurs laits, si est ce que pour luy il n'y en a point de plus propre ni de plus aymable.

  A006000132 

 Or, je responds que non seulement l'ame qui a la cognoissance de sa misere peut avoir une grande confiance en Dieu, mais qu'elle ne peut avoir une vraye confiance qu'elle n'ayt la cognoissance de sa misere; car ceste cognoissance et confession de nostre misere nous introduit devant Dieu, Ainsi tous les grands Saints, comme Job, David et les autres, commençoient toutes leurs prieres par la confession de leur misere et indignité; de sorte que c'est une tres-bonne chose de se recognoistre pauvre, vil, abject, et indigne de comparoistre en la presence de Dieu.

  A006000133 

 Ce ne seroit pas grande chose de s'estre aneanti et despouillé de soy-mesme (ce qui se fait par des actes de confusion), si ce n'est oit pour se donner tout à Dieu, ainsi que saint Paul nous l'enseigne quand il dit: Despoüillez-vous du vieil homme, et vous revestez du nouveau; car il ne faut pas demeurer nud, ains se revestir de Dieu.

  A006000133 

 Ce petit reculement ne se fait que pour mieux s'eslancer en Dieu par un acte d'amour et de confiance, car il ne se faut pas confondre tristement et avec inquietude: c'est l'amour propre qui donne ces confusions-là, parce que nous sommes marris de n'estre pas parfaits, non tant pour l'amour de Dieu que pour l'amour de nous-mesmes..

  A006000133 

 Il est bien bon de se deffier de soy-mesme, mais de quoy nous serviroit-il de le faire, sinon pour jetter toute nostre confiance en Dieu et nous attendre à sa misericorde? Les fautes et les infidelités que nous commettons tous les jours nous doivent bien apporter de la honte et confusion lors que nous voulons approcher de Nostre Seigneur: et ainsi lisons-nous qu'il y a des grandes ames, comme sainte Catherine de Sienne et la Mere Therese, qui lors qu'elles estoient tombées en quelque defaut, avoient de ces grandes confusions; [20] aussi est il bien raisonnable qu'ayant offencé Dieu nous nous retirions un peu par humilité, et demeurions confus, car si seulement nous avons offencé un amy, nous avons bien honte de l'aborder: mais il n'en faut pas demeurer là, car ces vertus d'humilité, d'abjection et de confusion, sont des vertus mitoyennes, par lesquelles nous devons monter à l'union de nostre ame avec son Dieu.

  A006000134 

 Et il est tousjours [21] en nostre pouvoir de faire de ces actes, et quoy que nous ayons de la difficulté, il n'y a pourtant pas de l'impossibilité; et c'est en ces occasions là et parmi ces difficultés, que nous devons tesmoigner de la fidelité à Nostre Seigneur; car bien que nous fassions ces actes sans goust et sans aucune satisfaction il ne s'en faut pas mettre en peine, puisque Nostre Seigneur les ayme mieux ainsi.

  A006000134 

 Et ne dites pas que vous le dites voirement, mais que ce n'est que de bouche; car si le cœur ne le vouloit, la bouche n'en diroit pas un mot.

  A006000135 

 J'ay accoustumé de dire que le throsne de la misericorde de Dieu c'est nostre misere: il faut donc, d'autant que nostre misere sera plus grande avoir aussi une plus grande confiance..

  A006000135 

 Voila donc pour la conclusion de ce premier poinct, qu'il est tres-bon d'avoir de la confusion quand nous avons la cognoissance et sentiment de nostre misere et imperfection; mais qu'il ne faut pas s'arrester là, ni pour cela tomber en descouragement, ains relever son cœur en Dieu par une sainte confiance, le fondement de laquelle doit estre en luy et non pas en nous; d'autant que nous changeons et il ne change jamais, et demeure tousjours aussi bon et misericordieux quand nous sommes foibles et imparfaits que quand nous sommes forts et parfaits.

  A006000136 

 Ce n'est donc que pour cela qu'il faut faire cest abandonnement, lequel autrement seroit inutile, et ressembleroit ceux des anciens philosophes, qui ont fait des admirables abandonnemens de toutes choses et d'eux-mesmes, pour une vaine preétention de s'adonner à la philosophie: comme Epictete, tres-renommé philosophe, lequel estant esclave de condition, à cause de sa grande sagesse on le vouloit affranchir; mais luy, par un renoncement le plus extreme de tous, ne voulut point sa liberté et demeura ainsi volontairement en son esclavage, avec une telle pauvreté, qu'apres sa mort on ne luy trouva rien qu'une lampe, qui fut vendue bien cher à cause qu'elle avoit esté à un si grand homme.

  A006000136 

 Il faut donques sçavoir qu'abandonner nostre ame et nous laisser nous mesmes n'est autre chose que quitter et nous deffaire de nostre propre volonté pour la donner à Dieu: car il ne nous serviroit de guere, comme j'ay desja dit, de nous renoncer et [22] delaisser nous-mesmes, si ce n'estoit pour nous unir parfaitement à la divine Bonté.

  A006000136 

 Passons maintenant à l'autre question, qui est de l'abandon de soy-mesme, et quel doit estre l'exercice de l'ame abandonnée.

  A006000137 

 De mesme, je ne sçay pas si l'année qui vient tous les fruits de la terre seront tempestés: s'il arrive qu'ils le soient, ou qu'il y ayt de la peste, ou autres tels evenemens, il est tout evident que c'est le bon plaisir de Dieu, et partant je m'y conforme.

  A006000137 

 Il arrivera que vous n'aurez pas de la consolation en vos exercices: il est certain que c'est le bon plaisir de Dieu, c'est pourquoy il faut demeurer avec une extreme indifference entre la desolation et la consolation; de mesme en faut-il faire en toutes les choses qui nous arrivent, és habits qui nous sont donnés, és viandes qui nous sont presentées.

  A006000137 

 Il y a beaucoup de gens qui disent à Nostre Seigneur: Je me donne tout à vous sans aucune reserve; mais il y en a fort peu qui embrassent la pratique de cest abandonnement, lequel n'est autre chose qu'une parfaite indifference à recevoir toute sorte d'evenemens, selon qu'ils arrivent par l'ordre de la providence de Dieu, aussi bien l'affliction comme la consolation, la maladie comme la santé, la pauvreté comme les richesses, le mespris comme l'honneur et l'opprobre comme la gloire.

  A006000137 

 La volonté de son bon plaisir regarde les evenemens des choses que nous ne pouvons pas prevoir: comme, par exemple, je ne sçay pas si je mourray demain, je voy que c'est le bon plaisir de Dieu, et partant je m'abandonne à son bon plaisir et meurs de bon cœur.

  A006000138 

 Il faut de plus remarquer qu'il y a des choses esquelles il faut joindre la volonté de Dieu signifiée à celle de son bon plaisir: comme si je tombe malade d'une grosse fievre, je voy en cest evenement que le bon plaisir de Dieu est que je demeure en indifference de la santé ou de la maladie; mais la volonté de Dieu signifiée est que moy, qui ne suis pas sous l'obeissance, j'appelle le medecin et que j'applique tous les remedes que je puis (je ne dis pas les plus exquis, mais les communs et ordinaires), et que les Religieux, qui sont sous un Superieur, reçoivent les remedes et traittement qui leur sont presentés, en simplicité et soubmission; car Dieu le nous a signifié en ce qu'il donne la vertu aux remedes, la Sainte Escriture le nous enseigne en plusieurs endroits et l'Eglise l'ordonne.

  A006000138 

 Or cela fait, que la maladie surmonte le remede, ou le remede surmonte le mal, il en faut estre en parfaite indifference, en telle sorte que si la maladie et la santé estoient là devant nous et que Nostre Seigneur nous dist: Si tu choisis la santé je ne t'en osteray pas un grain de ma grace, si tu choisis la maladie je ne te l'augmenteray pas aussi de rien, mais au choix de la maladie il y a un peu plus de mon bon plaisir; alors l'ame qui s'est entierement delaissée et abandonnée entre les mains de Nostre Seigneur choisira sans doute la maladie, pour cela seulement qu'il y a un peu plus du bon plaisir de Dieu; ouy mesme quand ce seroit pour demeurer toute sa vie dans un lict, sans faire autre chose que souffrir, elle ne voudroit pour rien du monde desirer un autre estat que celuy-là.

  A006000139 

 En fin l'abandonnement est la vertu des vertus: c'est la cresme de la charité, l'odeur de l'humilité, le merite, ce semble, de la patience et le fruict de la perseverance; grande est ceste vertu, et seule digne d'estre pratiquée des plus chers enfans de Dieu.

  A006000139 

 Il est vray, vouloit-il dire, que tout est consommé et que j'ay tout accompli ce que vous m'avez commandé; mais pourtant, si telle est vostre volonté que je demeure encore sur ceste croix pour souffrir davantage, j'en suis content; je remets mon esprit entre vos mains, vous en pouvez faire tout ainsi qu'il vous plaira.

  A006000141 

 Elle ne fait rien sinon demeurer aupres de Nostre Seigneur, sans avoir souci d'aucune chose, non pas mesme de son corps ni de son ame; car puisqu'elle s'est embarquée sous la providence de Dieu, qu'a-t'elle affaire de penser ce qu'elle deviendra? Nostre Seigneur, auquel elle s'est toute delaissée, y pensera assez pour elle.

  A006000141 

 Or maintenant, vous me demandez à quoy se doit occuper interieurement ceste ame qui est toute abandonnée entre les mains de Dieu.

  A006000142 

 Ainsi ceste ame qui s'est delaissée n'a autre chose à faire qu'à demeurer entre les bras de Nostre Seigneur comme un enfant dans le sein de sa mere, lequel, quand elle le met en bas pour cheminer, il chemine jusques à tant que sa mere le reprenne, et quand elle le veut porter il luy laisse faire.

  A006000142 

 Il est bien vray qu'il faut avoir une grande confiance pour s'abandonner ainsi sans aucune reserve à la Providence divine; mais aussi, quand nous abandonnons tout, Nostre Seigneur prend soin de tout et conduit tout.

  A006000142 

 Il ne sçait point et ne pense point où il va, mais il se laisse porter ou mener où il plaist à sa mere: tout de mesme ceste ame, aymant la volonté du bon plaisir de Dieu en tout ce qu'il luy arrive, se laisse porter et chemine neantmoins, faisant avec grand soin tout ce qui est de la volonté de Dieu signifiée..

  A006000143 

 Or je dis en premier lieu, qu'il n'arrive jamais, pour abandonnés que nous [28] soyons, que nostre franchise et la liberté de nostre arbitre ne nous demeurent, de sorte qu'il nous vient tousjours quelque desir et quelque volonté; mais ce ne sont pas des volontés absolues et des desirs formés, car si tost qu'une ame qui s'est delaissée au bon plaisir de Dieu apperçoit en soy quelque volonté, elle la fait incontinent mourir en la volonté de Dieu..

  A006000143 

 Vous dites maintenant, s'il est bien possible que nostre volonté soit tellement morte en Nostre Seigneur que nous ne sçachions plus ce que nous voulons ou ce que nous ne voulons pas.

  A006000144 

 Vous voudriez aussi sçavoir si une ame encore bien imparfaite pourroit demeurer utilement devant Dieu avec ceste simple attention à sa sainte presence en l'oraison Et je vous dis que si Dieu vous y met, vous y pouvez bien demeurer, car il arrive assez souvent que Nostre Seigneur donne ces quietudes et tranquillités à des ames qui ne sont pas bien purgées; mais tandis qu'elles ont encore besoin de se purger, elles doivent, hors l'oraison, faire des remarques et des considérations necessaires à leur amendement; car, quand bien Dieu les tiendroit tousjours fort recueillies, il leur reste encor assez de liberté pour discourir avec l'entendement sur plusieurs choses indifferentes: pourquoy donc ne pourront-elles pas considerer et faire des resolutions pour leur amendement et pour la pratique des vertus? Il y a des personnes fort parfaites ausquelles Nostre Seigneur ne donne jamais de telles douceurs ni de ces quietudes, qui font tout avec la partie superieure de leur ame, et font mourir leur volonté dans la volonté de Dieu à vive force et avec la pointe de la raison: et ceste mort icy est la mort de la croix, laquelle est beaucoup plus excellente et plus genereuse que l'autre, que l'on doit plustost appeller un endormissement qu'une mort; car ceste ame qui s'est embarquée dans la nef de la providence de Dieu se laisse aller et vogue doucement, comme une personne qui dormant dans un vaisseau sur [29] une mer tranquille ne laisse pas d'avancer.

  A006000150 

 Cet Evangile est plein d'une quantité de belles conceptions: je me contenteray de quelques unes, qui nous serviront d'un autant agreable que profitable entretien.

  A006000150 

 Nous celebrons l'octave de la feste des saints Innocens, auquel jour la sainte Eglise nous fait lire l'Evangile qui traitte comme l' Ange du Seigneur dit au glorieux saint Joseph en songe, c'est à dire en dormant, qu'il prist l'Enfant et la Mere et qu'il s'enfuist en Egypte; d'autant qu'Herodes, jaloux de sa royauté, cherchoit Nostre Seigneur pour le mettre à mort, de crainte qu'il ne la luy ostast, et estant rempli de colere, dequoy les Roys Mages n'estoient point retournés par devers luy en Jerusalem, il commanda que l'on fist mourir tous les petits enfans au dessous de l'âge de deux ans, croyant que Nostre Seigneur s'y trouveroit, et par ce moyen il s'asseureroit de la possession de son royaume.

  A006000151 

 Ainsi Dieu a voulu diversifier les saisons, et que l'esté fust suivi de l'automne et l'hiver suivi du printemps, pour nous monstrer que rien n'est permanent en ceste vie, que les choses temporelles sont perpetuellement muables, inconstantes et sujettes au changement: et le defaut de la cognoissance de ceste verité est, comme j'ay dit, ce qui nous rend muables et changeans en nos humeurs; d'autant que nous ne nous servons pas de la raison que Dieu nous a donnée, laquelle raison nous rend immuables, fermes et solides, et partant semblables à Dieu..

  A006000151 

 Bref, tout y est meslangé et meslé, le bien avec le mal; c'est une continuelle varieté d'accidens divers.

  A006000151 

 Je commence par la premiere remarque que fait le grand saint Jean Chrysostome, qui est de l'inconstance, varieté et instabilité des accidens de ceste vie mortelle.

  A006000151 

 La pureté ne se trouve qu'en Paradis et en enfer: au Paradis le bien, le repos et la consolation sont en leur pureté, sans aucun meslange du mal, du trouble ni de l'affliction; au contraire, en enfer le mal, [32] le desespoir, le trouble et l'inquietude s'y trouve et est en sa pureté, sans aucun meslange du bien, de l'esperance, de la tranquillité ni de la paix.

  A006000151 

 O que ceste consideration est utile! car le defaut d'icelle est ce qui nous porte au descouragement et bijarrerie d'esprit, inquietude, varieté d'humeurs, inconstance et instabilité en nos resolutions; car nous ne voudrions pas rencontrer en nostre chemin nulle difficulté, nulle contradiction et nulle peine; nous Voudrions avoir tousjours des consolations sans secheresses ni aridités, des biens sans meslange d'aucun mal, la santé sans maladie, le repos sans travail, la paix sans trouble.

  A006000152 

 Il est dit que l'homme sage, c'est à dire l'homme qui se conduit par la raison, se rendra maistre absolu des astres.

  A006000152 

 La raison est ce qui nous rend superieurs et maistres de tous les animaux.

  A006000152 

 Qu'est-ce à dire cela, sinon que par l'usage de la raison il demeurera ferme et constant en la diversité des accidens et evenemens de ceste vie mortelle? Que le temps soit beau ou qu'il pleuve, que l'air soit calme ou que le vent souffle, l'homme sage ne s'en soucie pas, sçachant bien que rien n'est stable et permanent en ceste vie, et que ce n'est pas icy le lieu de repos.

  A006000152 

 Que s'il rencontre la pauvreté il ne s'en afflige pas, car il sçait bien que les richesses ne sont point en ceste vie sans la pauvreté; s'il est mesprisé, il sçait bien que l'honneur icy bas n'a point de permanence, ains est ordinairement suivi du deshonneur ou du mespris.

  A006000153 

 C'est un abus tres-grand que de ne vouloir point souffrir [34] ou sentir de mutations et changemens en nos humeurs, tandis que nous ne nous gouvernerons point par la raison, et que nous ne voudrons pas nous laisser gouverner.

  A006000153 

 L'on dit communement: voyez cest enfant, il est bien jeune, mais il a pourtant desja l'usage de la raison; ainsi plusieurs ont l'usage de la raison, lesquels, comme enfans, ne se conduisent pourtant pas par le commandement de la raison.

  A006000153 

 Mais il ne faut pas seulement considerer ceste varieté, changement, mutation et instabilité és choses transitoires et materielles de ceste vie mortelle; nullement, ains il les faut considerer encor estre aussi dans le succes de nostre vie spirituelle, où la fermeté et constance est d'autant plus necessaire, que la vie spirituelle est relevée au dessus de la vie mortelle et corporelle.

  A006000154 

 Et pourquoy cela? non pour autre chose, sinon d'autant que c'est un mal ordinaire parmi les mondains.

  A006000155 

 En quoy donc peut on exercer la bijarrerie et inconstance? c'est en la diversité des humeurs, des volontés et des desirs.

  A006000155 

 Et que veut dire cela? n'est-elle pas autant capable d'estre aymée aujourd'huy qu'elle estoit hier? Si nous regardions à ce que nous dicte la raison, nous verrions qu'il falloit aymer ceste personne parce que c'est une creature qui porte l'image de la divine Majesté; ainsi nous aurions autant de suavité en sa conversation que nous en avions eu autrefois..

  A006000155 

 Mais ne sçaviez-vous pas que ce n'est point icy le lieu où le plaisir se trouve pur, sans meslange de desplaisir, que ceste vie est meslée de semblables accidens? Aujourd'huy que vous avez de la consolation en l'oraison, vous estes encouragée et bien resolue de servir Dieu; mais demain, que vous serez en secheresse, vous n'aurez point de cœur pour le service de Dieu: Mon Dieu, je suis si alangourie et abattue, dites-vous.

  A006000155 

 Or dites-moy un peu, si vous vous gouverniez par la raison, ne verriez-vous pas que s'il estoit bon de servir Dieu hier, qu'il est encore tres-bon de le servir aujourd'huy, et qu'il sera tres-bon de le servir demain? car c'est tousjours le mesme Dieu, aussi digne d'estre aymé quand vous estes en secheresse que quand vous estes en consolation.

  A006000159 

 Le grand saint Chrysostome dit: O homme, qui te fasches dequoy toutes choses ne te succedent pas comme tu voudrois, n'as-tu point de honte de voir que cela que tu voudrois ne s'est pas mesme trouvé dans la famille de Nostre Seigneur? Considere, je te prie, la vicissitude, le changement et la diversité des succes qui s'y rencontrent.

  A006000159 

 Nostre Dame reçoit la nouvelle qu'elle concevroit du Saint Esprit un fils, qui seroit Nostre Seigneur et Sauveur: quelle joye, quelle jubilation pour elle en ceste heure sacrée de l'Incarnation du Verbe eternel! Peu apres, saint Joseph s'apperçoit qu'elle est enceinte, et sçachant bien que ce n'estoit pas de luy qu'elle l'estoit, ô Dieu, quelle affliction! en quelle detresse ne fut-il pas! Et Nostre Dame, quelle extremité de douleur et affliction ne ressentit-elle pas en son ame, voyant son cher Espoux sur le point de la quitter, sa modestie ne luy permettant de descouvrir à saint Joseph l'honneur et la grace dont Dieu l'avoit gratifiée! Un peu apres ceste bourrasque passée, l'Ange [38] ayant descouvert à saint Joseph le secret de ce mystere, quelle consolation ne receurent-ils pas!.

  A006000160 

 Lors que Nostre Dame produit son Fils, les Anges annoncent sa naissance, les pasteurs et les Roys Mages le viennent adorer: je vous laisse à penser quelle jubilation et quelle consolation d'esprit n'eurent-ils pas parmi tout cela! Mais attendez, car ce n'est pas tout.

  A006000160 

 O que ce fut sans doute un sujet de douleur tres-grand à Nostre Dame et à saint Joseph! O que l'Ange traitte bien saint Joseph en vray Religieux! Prens l'Enfant, dit-il, et la M ere, et fuis en Egypte, et y demeure jusques à ce que je te le die. Qu'est-ce que cecy? Le pauvre saint Joseph n'eust-il pas peu dire: Vous me dites que j'aille, ne sera-t'il pas assez à temps de partir demain au matin? où voulez-vous que j'aille de nuict? Mon equipage n'est pas dressé; comment voulez-vous que je porte l'Enfant? auray-je les bras assez forts pour le porter continuellement en un si long voyage? Quoy? entendez-vous que la Mere le porte à son tour? helas! ne voyez-vous pas bien que c'est une jeune fille, qui est encore si tendre? Je n'ay ni cheval ni argent pour faire le voyage.

  A006000161 

 Et premierement nous sommes enseignés qu'il [39] ne faut nulle remise et delai en ce qui regarde l'obeissance; c'est le fait du paresseux que de retarder, et dire, comme saint Augustin dit de soy-mesme: Tantost, « encor un peu, » et puis je me convertiray.

  A006000161 

 O que nous avons grand tort de permettre que Dieu envoye et renvoye heurter et frapper à la porte de nos cœurs par plusieurs fois, avant que nous luy voulions ouvrir et luy permettre d'y demeurer! car il est à craindre que nous l'irritions et contraignions de nous abandonner..

  A006000161 

 Pourquoy non à ceste heure, qu'il nous inspire et nous pousse? C'est que nous sommes si tendres sur nous-mesmes que nous craignons tout ce qui semble nous oster de nostre repos, qui n'est autre chose que nostre tardiveté et faineantise, desquelles nous ne voulons point estre retirés par la sollicitation d'aucuns objects qui nous attirent à sortir de nous-mesmes; et nous disons quasi comme le paresseux, lequel se plaignant dequoy on le vouloit faire sortir de sa maison: Comment sortiray-je? dit-il, car il y a un lion sur le grand chemin, et les ours sont sur les advenues, qui sans doute me devoreront.

  A006000162 

 Or, voyez si nous avons raison de nous troubler et estonner si nous voyons semblables rencontres en la maison de Dieu, qui est la Religion, puisque cela estoit en la famille mesme de Nostre Seigneur, où la fermeté [40] et la solidité mesme faisoit residence, qui estoit Nostre Seigneur.

  A006000163 

 Il faut premierement sçavoir que quand on dit l'Ange du Seigneur, il ne faut pas entendre que ce soit comme l'on dit de nous autres, l'Ange d'un tel ou d'une telle; car cela veut dire nostre Ange gardien, qui a soin de nous de la part de Dieu; mais Nostre Seigneur, qui est le roy et la guide des Anges mesmes, n'a pas besoin, ou n'avoit pas besoin durant le cours de sa vie mortelle d'un Ange gardien.

  A006000164 

 Car l'homme est un abregé du monde, ou, pour mieux dire, un petit monde, auquel se rencontre tout ce que l'on void au grand monde universel: les passions representent les bestes et les animaux qui sont sans raison; les sens, les inclinations, les affections, les puissances, les facultés de nostre ame, tout cela a sa signification particuliere; mais je ne me veux pas arrester à cela, ains je veux suivre mon discours commencé..

  A006000166 

 Je considere en apres pourquoy Nostre Seigneur, qui est la Sapience eternelle, ne prend pas soin de sa famille, je veux dire d'avertir saint Joseph, ou bien sa tres-douce Mere, de tout ce qui leur devoit arriver.

  A006000166 

 Ne pouvoit-il pas bien dire à l'oreille de son beau-pere saint Joseph: Allons nous en en Egypte, nous y serons tel temps? puisque c'est une chose toute asseurée qu'il avoit l'usage de raison dés l'instant de sa conception aux entrailles de la tres-sainte Vierge; mais il ne vouloit pas faire ce miracle de parler devant que le temps fust venu.

  A006000166 

 Ne pouvoit-il pas bien l'inspirer au cœur de sa tres-sainte Mere ou de son bien-aymé Pere putatif saint Joseph, Espoux de la tres-sacrée Vierge? pourquoy donc ne fit-il pas tout cela plustost que d'en laisser la [43] charge à l'Ange, qui estoit beaucoup inferieur à Nostre Dame? Cecy n'est pas sans mystere.

  A006000166 

 Nostre Seigneur ne voulut rien entreprendre sur la charge de saint Gabriel, lequel ayant esté commis de la part du Pere eternel pour annoncer le mystere de l'Incarnation à la glorieuse Vierge, fut dés lors comme econome general de la maison et famille de Nostre Seigneur, pour en avoir soin dans les succes et accidens divers qui s'y devoient rencontrer, et empescher que rien ne survinst qui peust abreger la vie mortelle de nostre petit Enfant nouveau né: c'est pourquoy il advertit saint Joseph de l'emporter promptement en Egypte pour eviter la tyrannie d'Herodes, qui faisoit dessein de le faire mourir.

  A006000167 

 Estoit-il plus qualifié, et doué de quelque grace speciale ou particuliere? Cela ne se peut, veu que Nostre Seigneur est Dieu et homme tout ensemble, et que Nostre Dame, estant sa Mere, a par consequent plus de grace et de perfection que tous les Anges ensemble: neantmoins l'Ange commande, et il est obei.

  A006000167 

 Ne vous semble-t'il pas que l'Ange commet une grande indiscretion de s'adresser plustost à saint Joseph qu'à Nostre Dame, laquelle est le chef de la maison, portant avec elle le thresor du Pere eternel? n'eust-elle pas eu raison de s'offencer de ceste procedure et façon de traitter? Sans doute elle eust peu dire à son Espoux: Pourquoy iray-je en Egypte, puisque mon Fils ne m'a point revelé que je le deusse faire, ni moins l'Ange ne m'en a parlé? Or Nostre Dame ne dit rien de tout cela, elle ne s'offence point dequoy l'Ange s'adressa à saint Joseph, ains elle obeit tout simplement parce qu'elle sçait que Dieu l'a ainsi ordonné; elle ne s'informe point pourquoy, ains il luy suffit que Dieu le veut ainsi, et qu'il prend plaisir que l'on se sousmette sans consideration.

  A006000167 

 Qui pourroit entrer en doute que Nostre Dame ne valust mieux que saint Joseph, et qu'elle n'eust plus de discretion et de qualités propres pour le gouvernement que son Espoux? Neantmoins, l'Ange ne s'adresse point à elle de tout ce qui est requis de faire, soit pour aller ou pour venir, ni en fin pour quoy que ce soit.

  A006000168 

 Mais qui m'asseurera que c'est la volonté de Dieu? Nous voudrions que Dieu nous revelast toutes choses par des secrettes inspirations.

  A006000168 

 Voudrions nous attendre qu'il nous envoyast des Anges pour nous annoncer ce qui est de sa volonté? Il ne le fit pas à Nostre Dame mesme (au moins en ce subjet), ains voulut la luy faire sçavoir par l'entremise de saint Joseph, auquel elle estoit subjette comme à son superieur.

  A006000168 

 À quelle raison donne-t'on ceste charge? pourquoy a-t'on dit cela? à quelle fin fait-on une telle chose à celle cy plustost qu'à l'autre? Grande pitié, dés qu'une fois on s'est laissé aller à esplucher tout ce que l'on void faire! Que ne faisons nous pas pour perdre la tranquillité de nos cœurs? Il ne nous faut point d'autres raisons sinon que Dieu le veut ainsi, et cela nous doit suffire.

  A006000170 

 Il faut maintenant passer à la troisiesme consideration, qui est une remarque que j'ay fait sur le [46] commandement que l'Ange fit à saint Joseph de prendre l'Enfant et la Mere, et s'en aller en Egypte, et y demeurer jusques à tant qu'il l'advertist de s'en retourner.

  A006000170 

 Le pauvre saint Joseph n'eust-il pas eu raison de faire quelque replique? Vous me dites que je parte; est-ce si promptement? Tout à ceste heure: pour nous monstrer la promptitude que le Saint Esprit requiert de nous lors qu'il nous dit: Leve toy, sors de toy-mesme et de telle imperfection.

  A006000170 

 O que le Saint Esprit est ennemy des remises et delais!.

  A006000171 

 Que dites-vous, Seigneur, que je sorte de la ville? mais dites moy donc si j'iray du costé de l'orient ou de l'occident? Il ne fait nulle replique, ains part de là tout promptement, et s'en va où l'Esprit de Dieu le [47] conduisoit, jusques en une montagne qui a esté appellée depuis Vision de Dieu, d'autant qu'il receut des graces grandes et signalées en ceste montagne, pour monstrer combien la promptitude en l'obeissance luy est agreable.

  A006000172 

 Est-ce si grande merveille de nous voir broncher quelquefois? Mais je suis si miserable, si remplie d'imperfection! Le cognoissez-vous bien? benissez Dieu dequoy il vous a donné ceste cognoissance, et ne vous lamentez pas tant: vous [48] estes bien-heureuse de cognoistre que vous n'estes que la misere mesme.

  A006000172 

 Il n'y? certes que le trop grand soin que nous avons de nous-mesmes qui nous fasse perdre la tranquillité de nostre esprit et qui nous porte à des humeurs bijarres et inegales, car dés que quelques contradictions nous arrivent, voire quand nous appercevons seulement un petit trait de nostre immortification, ou quand nous commettons quelque defaut, pour petit qu'il soit, il nous semble que tout est perdu.

  A006000172 

 Mais je considere qu'il n'est pas seulement requis de nous reposer en la divine Providence pour ce qui regarde les choses temporelles, ains beaucoup plus pour ce qui appartient à nostre vie spirituelle et à nostre perfection.

  A006000173 

 Grande pitié, certes! Mais je suis si souvent en secheresse! cela me fait croire que je ne suis point bien avec Dieu, qui est si plein de consolation.

  A006000173 

 Se peut-il imaginer une affliction plus extreme que celle que saint Joseph ressentit lors qu'il s'apperceut que la glorieuse Vierge estoit enceinte, sçachant bien que ce n'estoit pas de son fait? Son affliction et sa detresse estoit d'autant plus grande que la passion de l'amour est plus vehemente que les autres passions de l'ame; et de plus, en l'amour, la jalousie est l'extremité de la peine, ainsi que le declare l'Espouse au Cantique des Cantiques: L'amour, dit-elle, est fort comme la mort, car l'amour fait les mesmes effets en l'ame qu'au corps la mort; mais la jalousie est dure comme l'enfer.

  A006000173 

 Voire, c'est bien dit: comme si Dieu donnoit tousjours des consolations à ses amis! A-t'il jamais esté pure creature si digne d'estre aymée de Dieu, et qui l'ait esté davantage, que Nostre Dame et saint Joseph? voyez s'ils sont tousjours en consolation.

  A006000174 

 Je le croy, mais est-elle comparable à celle de laquelle nous venons de parler? Il ne se peut; et si cela est, considerez, je vous prie, si nous avons raison de nous en plaindre et lamenter, puisque saint Joseph ne se plaint point, ni n'en tesmoigne rien en son exterieur: il n'en est point plus amer en sa conversation, il n'en fit pas la mine à Nostre Dame, il ne la traitta point mal; ains simplement il souffre sa peine, et ne veut faire autre chose que la quitter: Dieu sçait ce qu'il pouvoit faire en ce sujet.

  A006000174 

 Mon aversion, dira quelqu'un, est si grande envers ceste personne, que je ne luy sçaurois presque parler qu'avec une grande peine, ceste action me desplaist si fort! C'est tout un, il n'en faut point pourtant entrer en bijarrerie contre elle, comme si elle en pouvoit mais; ains il se faut comporter comme Nostre Dame et saint Joseph: il faut estre tranquille en nostre peine, et laisser le soin à Nostre Seigneur de nous l'oster quand il luy plaira Il estoit bien au pouvoir de Nostre Dame d'apaiser ceste bourrasque, mais elle ne le voulut pourtant pas faire, ains laissa pleinement l'issue de ceste affaire à la divine Providence..

  A006000175 

 Dieu veut que nous ayons un soin tranquille et paisible, qui nous fasse faire ce qui est jugé propre par ceux qui nous conduisent, et aller fidellement tousjours avant dans le chemin qui nous est marqué par les Regles et Directoires qui nous sont donnés; et quant au reste, que nous nous en reposions en son soin paternel, taschant tant qu'il nous sera possible de tenir nostre ame en paix, car la demeure de Dieu a esté faite en paix, et au cœur paisible et bien reposé.

  A006000175 

 Il nous faut donc laisser le soin de nous-mesmes à la mercy de la divine Providence, et faire neantmoins tout bonnement et simplement ce qui est en nostre pouvoir pour nous amender et perfectionner, prenant tousjours soigneusement garde de ne point laisser troubler et inquieter nos esprits.

  A006000175 

 Mais quand elle est troublée, inquietée et agitée des diverses bourrasques des passions, et que l'on se laisse gouverner par elles et non par la raison qui nous rend semblables à Dieu, lors nous ne sommes nullement capables de representer la belle et tres-aymable image de Nostre Seigneur crucifié, ni la diversité de ses excellentes vertus, ni nostre ame ne peut pas estre capable de luy servir de lict nuptial.

  A006000175 

 Vous sçavez que quand le lac est bien calme et que les vents n'agitent point ses eaux, le ciel, en une nuict bien sereine, y est si bien representé avec les estoiles, que regardant en bas l'on void aussi bien la beauté du ciel que si on la regardoit en haut: de mesme, quand nostre ame est bien accoisée, et que les vents du soin superflu, inegalité d'esprit et inconstance ne la troublent et inquietent point, elle est fort capable de porter en elle l'image de Nostre Seigneur.

  A006000177 

 Allez tout simplement en Egypte parmi la grande quantité d'ennemis que vous y aurez, car Dieu qui vous y fait aller vous y conservera, et vous n'y mourrez point; où au contraire, si vous [52] demeurez en Israël où est l'ennemy de vostre propre volonté, sans doute il vous y fera mourir.

  A006000177 

 Et ne sçavez-vous pas ce que je vous ay desja dit autrefois et qu'il n'est pas mauvais de redire, que la vertu ne requiert pas que nous soyons privés de l'occasion de trebucher en l'imperfection qui luy est contraire? « Il ne suffit pas, » dit Cassian, « pour estre patient et bien doux en soy-mesme, d'estre privé de la conversation des hommes; car il m'est arrivé, estant en ma cellule tout seul, de me passionner quand mon fusil ne prenoit pas feu, » tellement que je le jettois par colere..

  A006000177 

 Il ne fait point de reflection sur le commandement, c'est pourquoy il s'en alla plein de paix et de confiance en Dieu.

  A006000177 

 Il ne seroit pas bien de prendre des charges et offices par sa propre election, de crainte que nous n'y fissions pas nostre devoir: mais quand c'est par obeissance, n'apportons jamais nulle excuse; car Dieu est pour nous, et nous fera profiter davantage en la perfection que si nous n'avions rien à faire.

  A006000184 

 Pour satisfaire à vostre demande, et faire bien entendre en quoy consiste l'amour cordial duquel les Sœurs se doivent aymer les unes les autres, il faut sçavoir que la cordialité n'est autre chose que l'essence de la vraye et sincere amitié, laquelle ne peut estre qu'entre personnes raisonnables, et qui fomentent et nourrissent leurs amitiés par l'entremise de la raison; car autrement ce ne peut estre amitié, ains seulement amour.

  A006000185 

 Aussi ces amitiés que les mondains contractent par ensemble, ou pour quelque interest particulier ou pour quelque sujet frivole, sont des amitiés grandement sujettes à perir et à se dissoudre; mais celle qui est entre les freres est tout au contraire, car elle est sans artifice, et partant fort recommandable.

  A006000185 

 C'est pourquoy les anciens Chrestiens de la primitive Eglise s'appelloient tous freres; et ceste premiere ferveur s'estant refroidie entre le commun des Chrestiens, l'on a institué les Religions, dans lesquelles on a ordonné que les Religieux s'appelleroient tous freres et sœurs, pour marque de la sincere et vraye amitié cordiale qu'ils se portent ou qu'ils se doivent porter, et comme il n'y a point d'amitié comparable à celle des freres, toutes les autres amitiés estant ou inegales ou faites avec artifice (comme celles que les personnes mariées ont par ensemble, lesquelles ils ont faites par des contracts escrits et prononcés par des notaires, ou bien par des promesses simples).

  A006000185 

 Cela donc estant ainsi, je dis que c'est pour ce sujet que les Religieux s'appellent freres, et partant ont un amour qui merite veritablement le nom d'amitié non commune, ains d'amitié cordiale, c'est à dire d'une amitié qui a son fondement dans le cœur..

  A006000185 

 Il faut de plus, outre l'entremise de la raison, qu'il y ayt une certaine correspondance, ou de vocation ou de pretention ou de qualité, entre ceux qui contractent de l'amitié: ce que l'experience nous enseigne clairement, car n'est-il pas vray qu'il n'y a point de plus vraye amitié ni de plus forte que celle qui est entre les freres? L'on n'appelle pas l'amour que les peres portent à leurs enfans amitié, ni celuy que les enfans ont pour leurs peres, parce qu'il n'y a pas ceste correspondance dont [55] nous parlons, ains sont differens: l'amour des peres estant un amour majestueux et plein d'authorité, et celuy des enfans pour leurs peres, un amour de respect et de sousmission; mais entre les freres, à cause de la ressemblance de leur condition, la correspondance de leur amour fait une amitié ferme, forte et solide.

  A006000186 

 Ce qui est dit de Dieu se doit aussi entendre de l'amour du prochain, pourveu toutesfois que l'amour de Dieu surnage tousjours au dessus et tienne le premier rang: mais apres, nous devons aymer nos Sœurs de toute l'estendue de nostre cœur, et ne nous contenter pas de les aymer comme nous-mesme, ainsi que les commandemens de Dieu nous obligent; mais nous les devons aymer plus que nous-mesme, pour observer les regles de la perfection evangelique, qui requiert cela de nous.

  A006000186 

 Ceci est grandement considerable: Aymez-vous ainsi que je vous ay aymés; car cela veut dire, plus que vous-mesme.

  A006000186 

 Et tout ainsi qu'il a fait tout ce qui se pouvoit pour nous, excepté de se damner (car il ne le pouvoit ni devoit faire, parce qu'il ne pouvoit pecher, qui est cela seul qui nous conduit à la damnation), il veut, et la regle de la perfection le requiert, que nous fassions tout ce que nous pouvons les uns pour les autres, excepté de nous damner; mais hors de là, nostre amitié doit estre si ferme, cordiale et solide, que nous ne [57] refusions jamais de faire ou de souffrir quoy que ce soit pour nostre prochain et pour nos Sœurs..

  A006000186 

 Le glorieux saint Bernard dit que « la mesure d'aymer Dieu est de l'aymer sans mesure, » et qu'en nostre amour il n'y doit avoir aucunes bornes, ains il luy faut laisser estendre ses branches autant loin comme il pourra le faire.

  A006000187 

 L'affabilité est celle qui respand une certaine suavité dans les affaires et communications serieuses que nous avons les uns parmi les autres; la bonne conversation est celle qui nous rend gratieux et agreables dans les recreations et communications moins serieuses que nous avons avec nostre prochain.

  A006000187 

 Toutes les vertus, ainsi que vous sçavez, ont deux vices contraires, qui sont les extremités de la vertu; la vertu donc d'affabilité est au milieu de deux vices: de la gravité ou trop grande seriosité, et d'une trop grande mollesse à caresser et dire des paroles frequentes qui tendent à la flatterie.

  A006000188 

 Ainsi voyons-nous qu'il ne nous faut pas estonner si nous ne sommes pas esgalement doux et suaves, pourveu que nous aymions nostre prochain de l'amour du cœur, selon toute son estendue, et comme Nostre Seigneur nous a aymés: c'est à dire plus que nous-mesmes, le preferant tousjours à nous en toutes choses dans l'ordre de la sainte charité, et ne luy refusant jamais rien que nous puissions contribuer [60] pour son utilité, excepté de nous damner, ainsi que nous avons desja dit.

  A006000188 

 C'est bien la verité, que nous devons tous avoir ceste pretention d'atteindre et donner droit dans le blanc de la vertu, laquelle nous devons desirer ardemment: [59] mais pourtant nous ne devons pas perdre courage quand nous ne rencontrons pas droittement l'essence de la vertu, ni nous estonner, pourveu que nous donnions dans le rond, c'est à dire au plus pres que nous pourrons; car c'est une chose que les Saints mesmes n'ont pas sceu faire en toutes les vertus, n'y ayant que Nostre Seigneur et Nostre Dame qui l'ayent peu faire.

  A006000188 

 La vertu de bonne conversation requiert que l'on contribue à la joye sainte et moderée, et aux entretiens gratieux qui peuvent servir de consolation ou de recreation au prochain, en sorte que nous ne luy causions point d'ennuy par nos contenances refrongnées et melancoliques, ou bien refusant de nous recreer au temps qui est destiné pour ce faire.

  A006000188 

 Nous avons desja traitté de ceste vertu en l'Entretien de la Modestie; voila pourquoy je passe outre, et dis que c'est une chose fort difficile de rencontrer tousjours le blanc auquel on vise.

  A006000189 

 Je dis qu'il faut tesmoigner que nous aymons nos Sœurs (et cecy est la seconde partie de la question) sans user de familiarité indecente: la Regle le dit, mais voyons ce qu'il faut faire de cecy.

  A006000189 

 Le mesme saint Paul qui nous enseigne de faire que nos affections soient tesmoignées saintement, veut et nous enseigne de le faire gratieusement, nous en donnant l'exemple: Saluez, dit-il, un tel, qui [61] sçait bien que je l'ayme de cœur, et un tel, qui doit estre asseuré que je l'ayme comme mon frere, et en particulier sa mere, qui sçait bien qu'elle est aussi la mienne..

  A006000190 

 C'est à ceux qui ont plus besoin de nous auxquels nous devons tesmoigner nostre amour plus particulierement; car c'est là où nous monstrons mieux que nous aymons par charité, que non pas en aymant ceux qui nous donnent plus de consolation que de peine.

  A006000190 

 La premiere est que Nostre Seigneur ne l'a pas fait, ains il semble qu'il ayt plus monstré d'affection aux imparfaits qu'aux parfaits, puisqu'il a dit qu'il n'estoit pas venu pour les justes, ains pour les pecheurs.

  A006000191 

 La seconde raison pour laquelle nous ne devons pas rendre des tesmoignages d'amitié aux uns plus qu'aux autres, et ne devons nous laisser aller à les aymer davantage, est que nous ne pouvons pas juger qui sont [62] les plus parfaits et qui ont le plus de vertu; car les apparences exterieures sont trompeuses, et bien souvent ceux qui vous semblent estre les plus vertueux (comme j'ay dit autre part) ne le sont pas devant Dieu, qui est celuy-là seul qui peut les recognoistre.

  A006000192 

 Et toutes doivent sçavoir que nous les aymons de cest amour du cœur; et partant il n'est pas besoin d'user de tant de paroles, que nous les aymons cherement, que nous avons une certaine inclination à les aymer particulierement, [63] et autres semblables; car pour avoir une inclination pour une plus que pour les autres, l'amour que nous luy portons n'en est pas plus parfait, ains peut estre, plus sujet à changement à la moindre petite chose qu'elle nous fera.

  A006000192 

 Que si tant est qu'il soit vray que nous ayons de l'inclination à en aymer une plustost que l'autre, nous ne devons nous amuser à y penser, et encor moins à le luy dire; car nous ne devons pas aymer par inclination, ains aymer nostre prochain, ou parce qu'il est vertueux, ou pour l'esperance que nous avons qu'il le deviendra, mais principalement parce que telle est la volonté de Dieu..

  A006000193 

 C'est à ce souverain degré de l'amour du prochain que les Religieux et Religieuses, et nous autres qui sommes consacrés au service de Dieu, sommes appellés; car, ce [64] n'est pas assez d'assister le prochain de nos commodités temporelles, ce n'est pas encor assez, dit saint Bernard, d'employer nostre propre personne à souffrir pour cest amour: mais il faut passer plus avant, nous laissant employer pour luy par la tres-sainte obeissance, et par luy tout ainsi que l'on voudra, sans que jamais nous y resistions.

  A006000193 

 Car quand nous nous employons nous-mesmes, et par le choix de nostre propre volonté ou propre election, cela donne tousjours beaucoup de satisfaction à nostre amour propre; mais à nous laisser employer es choses que l'on veut, et que nous ne voulons pas, c'est à dire que nous ne choisissons pas, c'est là où gist le souverain degré de l'abnegation: comme quand nous voudrions prescher, on nous envoye servir les malades; quand nous voudrions prier pour le prochain, on nous envoye servir le prochain.

  A006000193 

 En quoy il nous apprend que de s'employer, voire de donner sa vie pour le prochain, n'est pas tant que de se laisser employer au gré des autres, ou par eux ou pour eux; et ce fut ce qu'il avoit appris de nostre doux Sauveur sur la croix.

  A006000193 

 O mieux vaut tousjours, sans comparaison, ce que l'on nous fait faire (j'entends ce qui n'est pas contraire à Dieu et qui ne l'offense point) que ce que nous faisons ou choisissons à faire nous-mesme..

  A006000193 

 Or pour bien tesmoigner que nous l'aymons, il faut luy procurer tout le bien que nous pouvons, tant pour l'ame que pour le corps, priant pour luy, et le servant cordialement quand l'occasion s'en presente: d'autant que l'amitié qui se termine en belles paroles n'est pas grand'chose, et n'est pas s'aymer comme Nostre Seigneur nous a aymés, lequel ne s'est pas contenté de nous asseurer qu'il nous aymoit, mais a voulu passer plus outre, en faisant tout ce qu'il a fait pour preuve de son amour.

  A006000194 

 Aymons-nous donc bien les uns les autres, et nous servons pour cela de ce motif qui est si preignant pour nous exciter à ceste sainte dilection, que Nostre Seigneur sur la croix respandit jusques à la derniere goutte de son sang sur la terre, comme pour faire un ciment sacré duquel il vouloit cimenter, unir, conjoindre et attacher toutes les pierres de son Eglise, qui sont les fidelles, les uns avec les autres, à fin que ceste union fust tellement forte qu'il ne s'y trouvast jamais aucune division, tant il craignoit que ceste division ne causast la damnation eternelle..

  A006000195 

 Le support des imperfections du prochain est un des principaux points de cest amour: Nostre Seigneur nous l'a monstré sur la croix, lequel avoit un cœur si doux envers nous et nous aymoit si cherement; nous, dis-je, et ceux mesme qui luy causoyent la mort, et qui estoyent en l'acte du peché le plus enorme que jamais homme puisse faire, car le peché que les Juifs commirent fut un monstre de meschanceté.

  A006000196 

 Il faut de plus remarquer que l'amour cordial est attaché à une vertu qui est comme une dependance de cest amour, et c'est une confiance toute enfantine.

  A006000196 

 Vous aurez fait une faute ou une lourdise, il est vray; mais c'est devant vos Sœurs qui vous ayment cherement, et partant qui vous sçauront bien supporter en vostre defaut, et en auront plus de compassion sur vous que de passion contre vous.

  A006000201 

 Dites-vous, ma fille, si vous devez rire au chœur et au refectoire, quand, sur quelque rencontre inopinée, les autres rient? Je vous dis que dans le chœur il ne faut nullement contribuer à la joye des autres; ce n'en est pas le lieu, et ce defaut doit estre vivement corrigé.

  A006000203 

 Ce que j'ay dit que nous devons rendre nostre amour si esgal envers les Sœurs, que nous en ayons autant pour les unes que pour les autres, cela veut dire autant que nous le pouvons; car il n'est pas en nostre pouvoir d'avoir autant de suavité en l'amour que nous avons pour celles à qui nous avons moins d'alliance et correspondance d'humeur, qu'avec les autres, avec lesquelles nous avons de la sympathie.

  A006000203 

 Mais cela n'est rien; l'amour de charité doit estre general, et les signes et [68] tesmoignages de nostre amitié esgaux, si nous voulons estre vrayes servantes de Dieu..

  A006000205 

 Comme aussi, pour dire une chose qui se peut dire en douze paroles, j'en dis vingt de gayeté de cœur et sans nul besoin; cela est inutile, sinon, toutesfois, que cette multiplication se fist par l'ignorance de celle qui parle, qui ne se sçait pas autrement expliquer, alors il n'y a pas peché..

  A006000206 

 Mais quant à la recreation, il ne faut point croire que ce soient paroles inutiles que les petites choses indifferentes [69] que l'on y dit, d'autant que c'est à une fin tres-sainte et tres-utile; les Sœurs ont besoin de se recreer, et sur tout il faut bien faire faire la recreation aux Novices.

  A006000207 

 Les propos saintement joyeux sont ceux où il n'y a point de mal, qui ne taxent point le prochain d'imperfections, car c'est un defaut qu'il ne faut jamais faire, ni parler de choses messeantes et inconvenantes, comme aussi s'affectionner à parler long temps du monde et des choses vaines.

  A006000211 

 L'humilité, c'est de faire quelque acte pour s'humilier; l'habitude est d'en faire à toute rencontre et en toutes occasions qui s'en presentent; mais l'esprit d'humilité est de se plaire en l'humiliation, de rechercher l'abjection et l'humilité parmi toutes choses: c'est à dire, qu'en tout ce que nous faisons, disons ou desirons, nostre but principal soit de nous humilier et avilir, et que nous nous plaisions à rencontrer nostre propre abjection en toutes occasions, en aymant cherement la pensée.

  A006000211 

 Pour mieux entendre cecy il faut sçavoir que comme il y a difference entre l'orgueil, la coustume de l'orgueil, et l'esprit de l'orgueil (car si vous faites un acte d'orgueil, voila l'orgueil; si vous en faites des actes à tout propos et à toute rencontre, c'est la coustume de l'orgueil; si vous vous plaisez en ces actes et les recherchez, c'est l'esprit d'orgueil), de mesme, il y a difference entre l'humilité, l'habitude de l'humilité, et l'esprit d'humilité.

  A006000211 

 Voila que c'est que faire toutes choses en esprit d'humilité, et c'est autant que qui diroit, rechercher l'humilité et l'abjection en toutes choses..

  A006000212 

 C'est une bonne pratique d'humilité de ne regarder [71] les actions d'autruy que pour en remarquer les vertus et non jamais les imperfections; car tandis que nous n'en avons point de charge il ne faut point tourner nos yeux de ce costé là, ni moins nostre consideration.

  A006000212 

 Il faut tousjours interpreter en la meilleure part qu'il se peut ce que nous voyons faire à nostre prochain; et és choses douteuses, il nous faut persuader que ce que nous avons apperceu n'est point mal, ains que c'est nostre imperfection qui nous cause telle pensée, à fin d'eviter les jugemens temeraires sur les actions d'autruy, qui est un mal tres dangereux et lequel nous devons souverainement detester.

  A006000218 

 Pour bien entendre que c'est, et en quoy consiste ceste force et generosité d'esprit que vous me demandez, il faut premierement respondre à une question que vous m'avez fait fort souvent, sçavoir, en quoy consiste la vraye humilité, d'autant qu'en resolvant ce poinct je me feray mieux entendre parlant du second, qui est de la generosité d'esprit de laquelle vous voulez que maintenant je traitte..

  A006000219 

 C'est donc avec grande raison que l'humilité ne fait point d'estat de tous ces biens là.

  A006000219 

 Et ceste estime que l'humilité fait de tous ces biens, à sçavoir de la foy, de l'esperance et de la charité, est le fondement de la generosité de l'esprit..

  A006000219 

 Et qu'il ne soit ainsi, y a-t'il rien de moins asseuré que les richesses, qui dependent du temps et des saisons? que la beauté, qui se ternit en moins de rien? il ne faut qu'une dertre sur le visage pour en oster l'esclat; et pour ce qui est des sciences, un petit trouble de cerveau nous fait perdre et oublier tout ce que nous en sçavions.

  A006000219 

 L'humilité donc n'est autre chose qu'une parfaite recognoissance que nous ne sommes rien qu'un pur neant, et elle nous fait tenir en ceste estime de nous-mesmes.

  A006000219 

 Mais d'autant qu'elle, nous fait plus abaisser et humilier par la cognoissance de ce que nous sommes de nous-mesmes, par le peu d'estime qu'elle fait de tout ce qui est en nous et de nous, d'autant aussi nous fait-elle grandement estimer à cause des biens qui sont en nous, et non pas de nous, qui sont la foy, l'esperance, l'amour de Dieu, pour peu que nous en ayons, comme aussi une certaine capacité que Dieu nous a donnée de nous unir à luy par le moyen de la grace; et quant à nous autres, nostre vocation, qui nous donne asseurance, autant que nous la pouvons avoir en ceste vie, de la possession de la gloire et felicité eternelle.

  A006000220 

 L'humilité croid de ne pouvoir rien, eu esgard à la cognoissance de nostre pauvreté et foiblesse, entant qu'est de nous-mesmes; et au [75] contraire, la generosité nous fait dire avec saint Paul: Je puis tout en Celuy qui me conforte.

  A006000221 

 Et ainsi elle fait ce discours en elle-mesme: si Dieu m'appelle à un estat de perfection si haute qu'il n'y en ayt point en ceste vie de plus relevée, qu'est-ce qui me pourra empescher d'y parvenir, puisque je suis tres-asseurée que Celuy qui a commencé l'œuvre de ma perfection la parfera? Mais prenez garde que tout cecy se fait sans aucune presomption, d'autant que ceste confiance n'empesche pas que nous ne nous tenions tousjours sur nos gardes, de crainte de faillir; ains elle nous rend plus attentifs sur nous-mesmes, plus vigilans et soigneux de faire ce qui nous peut servir pour l'avancement de nostre perfection..

  A006000221 

 L'humilité qui ne produit point la generosité est indubitablement fausse, car apres qu'elle a dit: Je ne puis rien, je ne suis rien qu'un pur neant, elle cede tout incontinent la place à la generosité de l'esprit, laquelle dit: Il n'y a rien et il n'y peut rien avoir que je ne puisse, d'autant que je mets toute ma confiance en Dieu qui peut tout; et dessus ceste confiance, elle entreprend courageusement de faire tout ce qu'on luy commande.

  A006000221 

 Que si elle se met à l'execution du commandement en simplicité de cœur, Dieu fera plustost [76] miracle que de manquer de luy donner le pouvoir d'accomplir son entreprise, parce que ce n'est point sur la confiance qu'elle a en ses propres forces qu'elle l'entreprend, ains elle est fondée sur l'estime qu'elle fait des dons que Dieu luy a faits.

  A006000222 

 Il est vray, vouloit-elle dire, que je ne suis en aucune façon capable de ceste grace, eu esgard à ce que je suis de moy-mesme; ains entant que ce qui est de bon en moy est de Dieu et que ce que vous me dites est sa tres-sainte volonté, je croy qu'il se peut et qu'il se fera; et partant, sans aucun doute, elle dit: Me soit fait ainsi que vous dites..

  A006000222 

 La tres sainte Vierge Nostre Dame nous fournit à ce sujet un exemple tres-remarquable lors qu'elle prononça ces mots: Voicy la servante du Seigneur, me soit fait selon ta parole; car en ce qu'elle dit qu'elle est servante du Seigneur, elle fait un acte d'humilité le plus grand qui se peut faire, d'autant qu'elle oppose aux louanges que l'Ange luy donne, qu'elle sera Mere de Dieu, que l'enfant qui sortira de ses entrailles sera appellé le Fils du Tres-Haut, dignité la plus grande que l'on eust peu jamais imaginer, elle oppose, dis-je, à toutes les louanges et grandeurs sa bassesse [77] et son indignité, disant qu'elle est servante du Seigneur.

  A006000223 

 Il est vray.

  A006000223 

 Si donc il est ainsi, qui m'asseurera que je ne manqueray point à la grace desormais, puisque je luy ay manqué tant de fois par le passé? Je responds que la generosité fait que l'ame dit hardiment et sans rien craindre: Non, je ne seray plus infidelle à Dieu; et parce qu'elle sent en son cœur ceste resolution de ne l'estre jamais, elle entreprend sans rien craindre tout ce qu'elle sçait la pouvoir rendre [78] agreable à Dieu, sans exception d'aucune chose; et entreprenant tout, elle croid de pouvoir tout, non d'elle-mesme, ains en Dieu auquel elle jette toute sa confiance; et pour ce elle fait et entreprend tout ce qu'on luy commande et conseille..

  A006000224 

 Mais vous me demanderez s'il n'est jamais permis de douter de n'estre pas capables de faire les choses qui nous sont commandées.

  A006000224 

 Or, quand je dis que la generosité ne nous permet point de douter, c'est quant à la partie superieure; car il se pourra bien faire que l'inferieure sera toute pleine de ces doutes, et aura beaucoup de peine à recevoir la charge ou l'employ que l'on nous donne; mais de tout cela, l'ame qui est genereuse s'en mocque et n'en fait aucun estat, ains se met simplement en l'exercice de ceste charge, sans dire une seule parole ni faire aucune action pour tesmoigner le sentiment qu'elle a de son incapacité.

  A006000225 

 J'ay mis dans le livre de l' Introduction un exemple qui sert à mon sujet et qui est fort remarquable: c'est du roy Achaz, lequel estant reduit à une tres-grande affliction par la rude guerre que luy faisoyent deux autres roys lesquels avoient assiegé Hierusalem, Dieu commanda au prophete Isaïe de l'aller consoler de sa part, et luy promettre qu'il emporteroit la victoire et [79] demeureroit triomphant de ses ennemis.

  A006000226 

 Nous ne devons donc jamais mettre en doute que nous ne puissions faire ce qui nous est commandé, d'autant que ceux qui nous commandent cognoissent bien nostre capacité.

  A006000227 

 Mais j'entends bien la finesse: c'est que nous craignons de n'en pas sortir à nostre honneur; nous avons nostre reputation en si grande recommandation, que nous ne voulons point estre tenus pour apprentifs en l'exercice de nos charges, ains pour maistres et maistresses qui ne font jamais des fautes..

  A006000228 

 Et par apres, l'on passe au découragement qui nous fait dire: O non, il ne faut plus rien esperer de moy, je ne feray jamais rien qui vaille, c'est perdre le temps que de me parler; et là dessus, nous voudrions quasi que l'on nous laissast là, comme si l'on estoit bien asseuré de ne pouvoir jamais rien gagner avec nous.

  A006000228 

 Les Filles de la Visitation sont toutes appellées à une tres-grande perfection, et leur entreprise est la plus haute et la plus relevée que l'on sçauroit penser; d'autant qu'elles n'ont pas seulement pretention de s'unir à la volonté de Dieu, comme doivent avoir toutes les creatures, mais de plus, elles pretendent de s'unir à ses desirs, voire mesme à ses intentions, je dis avant mesme qu'elles soyent presque signifiées; et s'il se pouvoit penser quelque chose de plus parfait et un degré de plus grande perfection que de se conformer à la volonté de Dieu, à ses désirs et à ses intentions, elles entreprendroyent [82] sans doute d'y monter, puisqu'elles ont une vocation qui les y oblige.

  A006000228 

 Mon Dieu, que toutes ces choses sont esloignées de l'ame qui est genereuse et qui fait une grande estime, comme nous avons dit, des biens que Dieu a mis en elle! Car elle ne s'estonne point, ni de la difficulté du chemin qu'elle a à faire, ni de la grandeur de l'œuvre, ni de la longueur du temps qu'il y faut employer, ni en fin du retardement de l'œuvre qu'elle a entreprise.

  A006000228 

 Vous entendez maintenant assez que c'est que l'esprit de force et de generosité que nous avons tant d'envie de voir ceans, à fin d'en bannir toutes les niaiseries et tendretés, qui ne servent qu'à nous arrester en nostre chemin et nous empescher de faire progres en la perfection.

  A006000229 

 Et cela, parce qu'elle considere que Celuy qui luy a donné les consolations est Celuy-là mesme qui luy envoye les afflictions; lequel luy envoye les unes et les autres poussé du mesme amour, qu'elle recognoist estre tres-grand, parce que par l'affliction interieure de l'esprit il pretend de l'attirer à une tres-grande perfection, qui est l'abnegation de toute sorte de consolations en ceste vie, demeurant tres-asseurée que Celuy qui l'en prive icy bas ne l'en privera point eternellement là haut au Ciel..

  A006000229 

 Mais outre ce que nous avons dit de ceste generosité, il faut encore dire cecy, qui est que l'ame qui la possede reçoit également les secheresses et les tendresses des consolations, les ennuys interieurs, les tristesses, les accablemens d'esprit, comme les ferveurs et les prosperités d'un esprit bien plein de paix et de tranquillité.

  A006000230 

 Certes, vous avez raison de dire qu'il vous semble, d'autant qu'en verité cela n'est pas.

  A006000230 

 Mais remarquez que tout cecy est en la partie supreme de nostre ame; et parce que la partie inferieure n'en apperçoit rien et qu'elle [83] demeure tousjours en sa peine, cela nous trouble et nous fait estimer bien miserables: et sur cela, nous commençons à nous attendrir dessus nous mesmes, comme si c'estoit une chose bien digne de compassion que de nous voir sans consolation.

  A006000231 

 Et qu'importe? Nous sommes certes comme des enfans, lesquels sont bien aises d'aller dire à leur mere qu'ils ont esté piqués d'une abeille, à fin que la mere les plaigne et souffle sur le mal qui est desja gueri; car nous voulons aller dire à [84] nostre Mere que nous avons esté bien affligées, et agrandir nostre affliction, la racontant toute par le menu, sans oublier une petite circonstance qui nous puisse faire un peu plaindre.

  A006000231 

 Qui est mieux en ce temps, dites-vous, de parler à Dieu de nostre peine et de nostre misere, ou bien de luy parler de quelque autre chose? Je vous dis qu'en cecy, comme en toute sorte de tentations, il est mieux de divertir nostre esprit de son trouble et de sa peine, parlant à Dieu de quelque autre chose, que non pas de luy parler de nostre douleur; car indubitablement, si nous le voulons faire, ce ne sera point sans un attendrissement que nous ferons sur nostre cœur, agrandissant tout de nouveau nostre douleur, nostre nature estant telle qu'elle ne peut voir ses douleurs sans en avoir une grande compassion.

  A006000232 

 Il faut regarder meurement si ce doute a quelque fondement; peut estre qu'environ un quart d'heure, durant ces deux jours, vous avez esté un peu negligente à vous divertir de vostre sentiment: si cela est, dites tout simplement que vous avez esté negligente durant un quart d'heure à vous divertir d'un mouvement de colere que vous avez eu, sans adjouster que la tentation a duré deux jours, si ce n'est que vous le vouliez dire, ou pour tirer de l'instruction de vostre confesseur, ou bien pour ce qui est de vos reveuës; car alors il est tres-bon de le dire.

  A006000236 

 O que c'est un vray et solide fondement que la parole de Dieu, car elle est infaillible! Abraham sort donc pour accomplir la volonté de Dieu avec une simplicité nompareille; car il ne fit non plus de consideration ni de replique que lors que Dieu luy avoit dit qu'il sortist de sa terre et de sa parenté, et qu'il allast au lieu qu'il luy monstreroit, sans le luy specifier, à fin qu'il s'embarquast plus simplement dans la barque de sa divine providence.

  A006000237 

 C'est tout un; allez et vous confiez en Dieu, car il a dit: Quand bien la femme viendroit à oublier son enfant, si ne vous oublieray-je jamais, car je vous porte gravés sur mon cœur et sur mes mains.

  A006000237 

 Grande est certes la confiance que Dieu requiert que nous ayons en son soin paternel et en sa divine providence: mais pourquoy ne l'aurions-nous pas, veu que jamais personne n'y a peu estre trompé? Nul ne se confie en Dieu, qui ne retire les fruicts de sa confiance.

  A006000237 

 Je dis cecy entre nous autres; car quant aux gens du monde, bien souvent leur confiance est accompagnée d'apprehension; c'est pourquoy elle n'est de nulle valeur devant Dieu.

  A006000237 

 Pensez-vous que Celuy qui a bien soin de pourvoir de nourriture aux oyseaux du ciel et aux animaux de la terre, qui ne sement ni ne recueillent rien, vienne jamais à s'oublier de pourvoir de tout ce qui sera necessaire à l'homme qui se confiera pleinement en sa providence, puisque l'homme est capable d'estre uni à Dieu nostre souverain bien?.

  A006000238 

 Car, qu'est-ce que Dieu desire de vous sinon ce qu'il ordonna à ses Apostres et ce pourquoy il les envoya par le monde, qui estoit ce que Nostre Seigneur mesme estoit venu faire en ce monde, qui fut pour donner la vie aux hommes? et non seulement cela, dit-il, mais à fin qu'ils vescussent d'une vie plus abondante, qu'ils eussent la vie et une vie meilleure, ce qu'il a fait en leur donnant la grace.

  A006000238 

 Et n'ayez nul souci si vostre travail sera suivi du fruict que vous en pretendez, car ce n'est pas à vous que l'on demandera le fruict, ains seulement si vous vous serez employés fidellement à bien cultiver ces terres steriles et seches; l'on ne vous demandera pas si vous aurez bien recueilli, ains seulement si vous aurez eu soin de bien ensemencer..

  A006000239 

 De mesme, mes cheres filles, estes-vous maintenant commandées d'aller çà et là en divers lieux, pour faire [89] que les araes ayent la vie, et qu'elles vivent d'une meilleure vie: car, qu'est-ce que vous allez faire sinon tascher de donner cognoissance de la perfection de vostre Institut, et par le moyen de ceste cognoissance attirer plusieurs ames à embrasser toutes les observances qui y sont comprises et encloses? Mais sans prescher et conferer les Sacremens et remettre les pechés, ainsi que faisoyent les Apostres, n'allez-vous pas donner la vie aux hommes? mais, pour parler plus proprement, n'allez-vous pas donner la vie aux filles? puisque peut estre cent et cent filles qui se retireront à vostre exemple dans vostre Religion, se fussent perdues demeurant au monde, lesquelles iront jouïr au Ciel, pour toute eternité, de la felicité incomprehensible.

  A006000239 

 Et n'est-ce pas par vostre moyen que la vie leur sera donnée, et qu'elles vivront d'une vie plus abondante, c'est à dire d'une vie plus parfaite et plus agreable à Dieu? vie qui les rendra capables de s'unir plus parfaitement à la divine Bonté, car elles recevront de vous les instructions necessaires pour acquerir le vray et pur amour de Dieu, qui est ceste vie plus abondante que Nostre Seigneur est venu donner aux hommes.

  A006000239 

 J'ay apporté, dit-il, le feu en la terre, qu'est-ce que je demande ou que je pretends, sinon qu'il brusle? Et en un autre endroit, il commande que le feu brusle incessamment sur son autel, et que pour cela il ne soit jamais esteint, pour monstrer avec quelle ardeur il desire que le feu de son amour soit tousjours allumé sur l'autel de nostre cœur.

  A006000239 

 O Dieu, quelle grace est celle que Dieu vous fait! il vous rend apostresses, non en la dignité, ains en l'office et au merite.

  A006000241 

 Il est vray, c'est une chose de grande consequence et de grande importance que celle que vous entreprenez; mais pourtant vous auriez tort si vous n'en esperiez un bon succes, veu que vous ne l'entreprenez pas par vostre choix, ains pour satisfaire à l'obeissance.

  A006000241 

 Sans doute, nous avons grand sujet de craindre quand nous recherchons les charges et les offices, soit en Religion, soit [91] ailleurs, et qu'elles nous sont données sur nostre poursuite; mais quand cela n'est point, ployons humblement le col sous le joug de la sainte obeissance et acceptons de bon cœur le fardeau; humilions-nous, car il le faut tousjours faire, mais ressouvenons-nous tousjours d'establir la generosité sur les actes de l'humilité, car autrement ces actes d'humilité ne vaudroyent rien..

  A006000242 

 J'ay un extreme desir de graver en vos esprits une maxime qui est d'une utilité nompareille: Ne demander rien et ne refuser rien.

  A006000242 

 Je veux dire, en un mot, ne desirez rien, ains laissez-vous vous-mesmes et tous vos affaires pleinement et parfaitement au soin de la divine Providence; laissez-luy faire de vous tout de mesme que les enfans se laissent gouverner à leurs nourrices: qu'elle vous porte sur le bras droit ou sur le gauche tout ainsi qu'il luy plaira, laissez-luy faire, car un enfant ne s'en formaliserait point; qu'elle vous couche ou qu'elle vous leve, laissez-luy faire, car c'est une bonne mere, qui sçait mieux ce qu'il vous faut que vous-mesmes.

  A006000242 

 Si on vous donne des obeissances en la Religion qui vous semblent dangereuses, comme sont les superiorités, ne les refusez point; si l'on ne vous en donne point, ne les desirez point, et ainsi de toutes choses: j'entends des choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons et devons desirer et demander à Dieu; l'amour de Dieu les comprend toutes.

  A006000243 

 C'est un des principaux fruicts de la Religion que ceste sainte union qui se fait par la charité, union qui est telle, que de plusieurs cœurs il n'en est fait qu'un cœur, et de plusieurs membres il n'en est fait qu' un corps; tous sont tellement faits un en Religion, que tous les Religieux d'un Ordre ne sont, ce semble, qu'un seul Religieux.

  A006000243 

 Et pourquoy cela? La raison en est toute evidente, d'autant que si celles qui sont au chœur pour chanter les Offices n'y estoient pas, les autres y seroyent en leur place; s'il n'y avoit point de Sœurs domestiques pour apprester le disner, les Sœurs du chœur y seroyent employées; si une telle Sœur n'estoit pas Superieure, il y en auroit une autre.

  A006000244 

 C'est peu [94] de chose que ceste separation corporelle, aussi bien la faudroit-il faire un jour, veuillons nous ou non; mais la separation des cœurs et desunion des esprits, c'est cela seul qui est à redouter.

  A006000244 

 Le Religieux n'a rien à luy en son particulier, à cause du vœu sacré qu'il a fait de la pauvreté volontaire; et par la profession sainte que les Religieux font de la tres-sainte charité, toutes leurs vertus sont communes, et tous sont participans des bonnes œuvres les uns des autres, et jouiront du fruict d'icelles, pourveu qu'ils se tiennent tousjours en charité et en l'observance des Regles de la Religion en laquelle Dieu les a appellés: si que celuy qui est en quelque office domestique ou en quelque autre exercice quel que ce soit, contemple en la personne de celuy qui est en oraison au chœur; celuy qui repose participe au [95] travail qu'a l'autre, qui est en exercice par le commandement du Superieur..

  A006000244 

 Mais ce qui nous doit faire aller et demeurer de bon cœur, mes cheres filles, c'est la certitude presque infaillible que nous devons avoir que ceste separation ne se fait que quant au corps, car quant à l'esprit vous demeurerez tousjours tres uniquement unies.

  A006000244 

 O Dieu, quelle union est celle qu'il y a entre chaque Religieux d'un mesme Ordre! union telle, que les biens spirituels sont autant pesle-meslés et reduits en commun comme les biens exterieurs.

  A006000244 

 Or quant à nous autres, non seulement nous demeurerons tous jours unis par ensemble, mais bien plus, car nostre union s'ira tous les jours plus perfectionnant, et ce doux et tres-aymable lien de la sainte charité sera tousjours de plus en plus serré et renoué à mesure que nous nous avancerons en la voye de nostre propre perfection; car nous rendant plus capables de nous unir à Dieu, nous nous unirons davantage les uns aux autres, si qu'à chaque Communion que nous ferons nostre union sera rendue plus parfaite, car nous unissant avec Nostre Seigneur nous demeurerons tousjours plus unis ensemble: aussi la reception sacrée de ce Pain celeste et de ce tres-adorable Sacrement s'appelle Communion, c'est à dire comme union.

  A006000245 

 Toutes, sans doute, mes cheres filles, avez besoin de beaucoup de vertus et de soin de les pratiquer tant pour s'en aller que pour demeurer: car comme celles qui s'en vont ont besoin de beaucoup de courage et de confiance en Dieu pour entreprendre amoureusement et avec esprit d'humilité ce que Dieu desire d'elles, vainquant tous les petits ressentimens qui leur pourroyent venir de quitter la maison en laquelle Dieu les a premierement logées, les Sœurs qu'elles ont si cherement aymées et la conversation desquelles leur apportoit tant de consolation en l'ame, la tranquillité de leur retraitte qui est si chere, les parens, les cognoissances, et que sçay-je moy? plusieurs choses auxquelles la nature s'attache tandis que nous vivons en ceste vie; celles qui demeurent ont de mesme besoin et necessité de courage, tant pour perseverer en la pratique de la sainte sousmission, humilité et tranquillité, qu'aussi pour se preparer de sortir quand il leur sera commandé, puisque ainsi que vous voyez, vostre Institut, mes cheres Sœurs, va s'estendant de toutes parts en tant de divers lieux.

  A006000247 

 Quelle grace, je vous prie, d'estre employées au service des ames que Dieu ayme si cherement, et pour lesquelles sauver Nostre Seigneur a tant souffert! Certes, c'est un honneur nompareil et duquel vous devez, mes cheres filles, faire un tres-grand estat: et pour vous y employer fidellement, ne plaignez ni peine, ni soin, ni travail, car tout vous sera cherement recompensé, bien qu'il ne faille pas se servir de ce motif pour vous encourager, ains de celuy de vous rendre plus agreables à Dieu et d'augmenter d'autant plus sa gloire..

  A006000248 

 Allez donc, et demeurez courageusement pour cest exercice, et ne vous amusez point à regarder que vous ne voyez point en vous ce qui est necessaire, je veux dire les talens propres aux charges auxquelles vous serez employées.

  A006000248 

 Il est mieux que nous ne les voyions point en nous, car cela nous tient en humilité et nous donne plus de sujet de nous mesfier de nos forces et de nous-mesmes, et fait que nous jettons plus absolument toute nostre confiance en Dieu.

  A006000248 

 Quand la charge que l'on nous donne est honnorable devant les hommes, tenons-nous humbles devant Dieu; quand elle est plus abjecte devant les hommes, tenons-nous plus honnorés devant la divine Bonté.

  A006000248 

 Quant à moy, j'admire comment il se peut faire que nous ayons plus d'inclination d'estre employés à une chose qu'à une autre, estant en Religion principalement, où une charge et une besogne est autant agreable à Dieu qu'une autre, puisque c'est l'obeissance qui donne le prix à tous les exercices de la Religion.

  A006000248 

 Tant que nous n'avons pas besoin de la pratique d'une vertu, il est mieux que nous ne l'ayons pas; quand nous en aurons besoin, [98] pourveu que nous soyons fidelles en celles dont nous avons presentement la pratique, tenons-nous asseurés que Dieu nous donnera chaque chose en son temps.

  A006000249 

 Et comme les jeunes filles sont amoureuses des bonnes odeurs, ainsi que dit la sacrée amante au Cantique des Cantiques, que le nom de son Bien-Aymé est comme une huile ou un baume qui respand de toutes parts des odeurs infiniment agreables, et c'est pourquoy, [100] adjouste-t'elle, les jeunes filles l'ont suivi, attirées de ses divins parfums, faites, mes cheres Soeurs, que comme parfumeuses de la divine Bonté, vous alliez si bien respandant de toutes parts l'odeur incomparable d'une tres-sincere humilité, douceur et charité, que plusieurs jeunes filles soyent attirées à la suite de vos parfums, et embrassent vostre sorte de vie, par laquelle elles pourront comme vous, jouïr en ceste vie d'une sainte et amoureuse paix et tranquillité de l'ame, pour, par apres, aller jouïr de la felicité eternelle en l'autre..

  A006000249 

 Mais qu'est-ce que je veux dire? Rien autre, sinon qu'il me semble que la divine Majesté vous a choisies, vous autres qui vous en allez, comme des parfumeuses ou parfumieres: ouy certes, car vous estes commises de sa part pour aller respandre les odeurs tres-suaves des vertus de vostre Institut.

  A006000250 

 Apprenez de luy tout ce que vous aurez à faire, ne faites rien sans son conseil; car c'est l'Amy fidelle qui vous conduira et gouvernera et aura soin de vous, ainsi que de tout mon cœur je l'en supplie.

  A006000250 

 Vostre Congregation est comme une ruche d'abeilles, laquelle a desja jetté divers essaims; mais avec ceste difference neantmoins que, les abeilles sortant pour aller se retirer en une autre ruche et là commencer un mesnage nouveau, chaque essaim choisit un roy particulier sous lequel elles militent et font leur retraite: mais quant à vous, mes cheres ames, si bien vous allez dans une ruche nouvelle, c'est à dire que vous allez commencer une nouvelle maison de vostre Ordre, neantmoins vous n'avez tousjours qu'un mesme Roy, qui est Nostre Seigneur crucifié, sous l'authorité duquel vous vivrez en asseurance par tout où vous serez.

  A006000254 

 Ainsi void on que l'Espouse, au Cantique des Cantiques, est souventesfois nommée de ce nom, et à bon droit certes, car il y a une grande correspondance entre les qualités de la colombe et celles de l'amoureuse colombelle de Nostre Seigneur..

  A006000254 

 Et considerant que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils, j'ay pensé que je vous devois donner des loix toutes d'amour, lesquelles j'ay prises des colombes, en consideration de ce que le Saint Esprit avoit bien voulu prendre la forme de colombe, et d'autant plus aussi que toutes les ames qui sont dediées au service de la divine Majesté sont obligées d'estre comme des chastes et amoureuses colombes.

  A006000255 

 Considerez, je vous prie, combien la loy de leur simplicité est agreable, car Nostre Seigneur mesme la loue, disant à ses Apostres: Soyez simples comme colombes, et prudens comme le serpent.

  A006000255 

 Les loix des colombes sont toutes infiniment agreables, et c'est une meditation tres-suave que de les considerer.

  A006000255 

 Mais en troisiesme lieu, mon Dieu, que la loy de la douceur est agreable! car elles sont sans fiel et sans amertume.

  A006000257 

 Et pendant tout ce temps-là la colombe ne va nullement à la cueillette pour se nourrir, ains elle en laisse tout le soin à son cher paron, lequel luy est si fidelle que non seulement il va à la queste des grains pour la nourrir, mais aussi il luy apporte de l'eau dans son bec pour l'abreuver; il a un soin nompareil que rien ne manque de ce qui luy est necessaire, et si grand que jamais il ne s'est veu colombe morte faute [104] de nourriture en ce temps-là.

  A006000257 

 Mais quelles sont-elles donc ces loix? La premiere que j'ay fait dessein de vous donner est celle des colombes qui font tout pour leur colombeau et rien pour elles; il semble qu'elles ne dient autre chose sinon: Mon cher colombeau est tout pour moy, et je suis toute à luy; il est tousjours tourné de mon costé pour penser en moy, et moy je m'y attends et m'y asseure: qu'il aille donc chercher, ce bien-aymé colombeau, où il luy plaira, si n'entreray-je point en défiance de son amour, ains je me confieray pleinement en son soin.

  A006000258 

 Et ne faudroit pas jamais douter que Dieu nous manquast, car son amour est infini pour l'ame qui se repose en luy.

  A006000258 

 Mille fois plus heureuse est l'ame qui, laissant tout le soin d'elle-mesme et de tout ce qui luy est necessaire à son cher et bien-aymé Colombeau, ne pense qu'à couver et fomenter ses petits pour luy plaire et luy donner generation; car elle jouît dés ceste vie d'une tranquillité et d'une paix si grande qu'il n'y en a point de comparable, ni de repos égal au sien en ce.

  A006000258 

 O que la colombe est heureuse d'avoir tant de confiance en son cher paron! c'est ce qui la fait vivre en paix et en une merveilleuse tranquillité.

  A006000258 

 O que nous serions heureux si nous faisions tout pour nostre aymable Colombeau qui est le Saint Esprit! car il prendroit le soin de nous; et à mesure que nostre confiance par laquelle nous nous reposerions en sa providence seroit plus grande, plus aussi son soin s'estendroit sur toutes nos necessités.

  A006000258 

 O quelle agreable et profitable loy est celle-cy, de ne rien faire que pour Dieu et luy laisser tout le soin de nous-mesmes! Je ne dis pas seulement pour ce qui regarde le temporel, car je n'en veux pas parler où il n'y a que nous autres, cela s'entend assez sans le dire; mais je dis pour ce qui regarde le spirituel et l'avancement de nos ames en la perfection.

  A006000259 

 Ce desir est celuy que nous avons apporté venant en Religion, qui est d'embrasser les vertus religieuses, c'est l'une des branches de l'amour de Dieu et l'une des plus hautes qui soit en cest arbre divin; mais ce desir ne se doit pas estendre plus loin que les moyens qui nous sont marqués dans nos Regles et Constitutions pour parvenir à ceste perfection que nous avons pretendu d'acquerir en nous obligeant à la poursuite; ains il le faut couver et fomenter tout le temps de nostre vie, à fin de faire que ce desir devienne un beau petit colombeau qui puisse ressembler à son Pere, qui est la perfection mesme.

  A006000259 

 Et ce pendant, n'ayons autre attention que de nous tenir sur nos œufs, c'est à dire ramassés dans les moyens qui nous sont prescrits pour nostre perfection, laissant tout le soin de nous-mesmes à nostre unique et tres-aymable Colombeau, qui ne permettra pas que rien nous manque de ce qui nous sera necessaire pour luy plaire..

  A006000259 

 Mais qu'est-ce que nos œufs, lesquels il faut que nous couvions jusques à ce qu'ils soyent esclos pour avoir des petits colombeaux? Nos œufs sont nos desirs, lesquels estant bien couvés et fomentés, les colombeaux en proviennent, qui sont les effets de nos desirs; mais entre nos desirs, il y en a un qui est sureminent au dessus de tout autre, et qui merite grandement d'estre bien couvé et fomenté pour plaire à nostre divin paron le Saint Esprit, lequel veut tousjours estre appellé l'Espoux sacré de nos ames, tant sa bonté et son amour est grand envers nous.

  A006000260 

 Bref, elles s'amusent tant à parler de la perfection qu'elles pretendent d'acquerir, qu'elles oublient d'en pratiquer le principal moyen, qui est celuy de se tenir tranquilles et de jetter toute leur confiance en Celuy qui seul peut donner l'accroissement à ce qu'elles ont ensemencé et planté.

  A006000260 

 C'est une grande pitié, certes, de voir des ames, dont le nombre n'est que trop grand, qui pretendant à la perfection s'imaginent que tout consiste à faire une grande multitude de desirs, et s'empressent beaucoup à [106] chercher ores ce moyen et tantost un autre pour y parvenir, et ne sont jamais contentes ni tranquilles en elles-mesmes; car dés qu'elles ont un desir, elles taschent vistement d'en concevoir un autre, et semble qu'elles sont comme les poules, lesquelles n'ont pas si tost fait un œuf qu'elles en chargent aussi tost un autre, laissant là celuy qu'elles ont fait sans le couver, de sorte qu'il n'en reussit point de poussin.

  A006000260 

 Cela est bon, pourveu qu'il fust accompagné de paix et d'un soin amoureux de bien faire ce qu'elles font, et de dépendre tousjours neantmoins de la grace de Dieu et non point de leurs exercices; je veux dire, de n'attendre point aucun fruict de leur travail sans la grace de Dieu..

  A006000260 

 De mesme, il y a des ames lesquelles ne cessent de closser et s'empresser apres leurs petits, c'est à dire apres les desirs qu'elles ont de se perfectionner, et ne trouvent jamais assez de personnes pour en parler et demander des moyens propres et nouveaux.

  A006000261 

 Ces anxietés d'esprit que nous avons pour avancer nostre perfection et pour voir si nous avançons ne sont nullement agreables à Dieu, et ne servent qu'à satisfaire l'amour propre, qui est un grand tracasseur qui ne cesse jamais d'embrasser beaucoup, bien qu'il ne fasse guere.

  A006000261 

 Il est vray, c'est à nous de bien cultiver, mais c'est à Dieu de faire que nostre travail soit suivi d'un bon succes.

  A006000261 

 Il semble que ces ames empressées à la queste de leur perfection ayent mis en oubli, ou qu'elles ne sçachent pas ce que dit Jeremie: O pauvre homme, que fais-tu de te confier en ton travail et en ton industrie? Ne [107] sçais-tu pas que c'est à toy voirement de bien cultiver la terre, de la labourer et ensemencer, mais que c'est à Dieu de donner l'accroissement aux plantes et faire que tu ayes une bonne recolte et la pluye favorable à tes terres ensemencées? Tu peux bien arroser, mais pourtant tout cela ne te serviroit de rien si Dieu ne benissoit ton travail et ne te donnoit, par sa pure grace et non par tes sueurs, une bonne recolte: dépens donc entierement de sa divine bonté.

  A006000262 

 C'est bien dit qu'il faut tousjours s'avancer, respondis-je; mais nostre avancement ne se fait pas comme vous pensez, par la multitude des exercices de pieté, ains par la perfection avec laquelle nous les faisons, nous confiant tousjours plus en nostre cher Colombeau et nous desfiant davantage de nous-mesmes.

  A006000262 

 La colombe s'amuse simplement à sa besogne pour la bien faire, laissant tout autre soin à son cher colombeau: l'ame qui est vrayement colombine, c'est à dire qui ayme cherement Dieu, s'applique tout simplement, sans empressement, aux moyens qui luy sont prescrits pour se perfectionner, sans en rechercher d'autres, pour [108] parfaits qu'ils puissent estre.

  A006000263 

 Lire force livres spirituels, [109] sur tout quand ils sont nouveaux, bien parler de Dieu et de toutes les choses les plus spirituelles pour nous exciter, disons-nous, à devotion, ouïr force predications, faire des conferences à tout propos, communier bien souvent, se confesser encores plus, servir les malades, bien parler de tout ce qui se passe en nous pour manifester la pretention que nous avons de nous perfectionner, et au plus tost qu'il se pourra: ne sont-ce pas là des choses fort propres pour nous perfectionner et parvenir au but de nos desseins? Ouy, pourveu que tout cela se fasse selon qu'il est ordonné, et que ce soit tousjours avec dependance de la grace de Dieu; c'est à dire que nous ne mettions point nostre confiance en tout cela, pour bon qu'il soit, ains en un seul Dieu, qui nous peut seul faire tirer le fruict de tous nos exercices..

  A006000264 

 Un saint Antoine, qui a esté honnoré de Dieu et des hommes à cause de sa tres-grande sainteté, dites-moy, comment est-il parvenu à une si grande sainteté et perfection? est-ce à force de lire, ou par des conferences et frequentes Communions, ou par la multitude des predications qu'il oyoit? Nullement; ains il y parvint en se servant de l'exemple des saints hermites, prenant de l'un l'abstinence, de l'autre l'oraison, et ainsi il alloit comme une soigneuse abeille, picorant et cueillant les vertus des serviteurs de Dieu, pour en composer le miel d'une sainte edification.

  A006000265 

 Mais que veut dire donc que mangeant si peu de ces viandes spirituelles qui nourrissent nos ames à l'immortalité, ils estoyent neantmoins tousjours si en bon point, c'est à dire si forts et courageux pour entreprendre l'acquisition des vertus, et parvenir à la perfection et au but de leur pretention? Et nous autres, qui mangeons beaucoup, sommes tousjours si maigres, c'est à dire si lasches et languissans à la poursuite de nos entreprises, et semble, sinon tant que les consolations spirituelles marchent, que nous n'avons nul courage ni vigueur au service de Nostre Seigneur? Or il faut donc imiter ces saints Religieux, nous appliquant à nostre besogne, c'est à dire à ce que Dieu requiert de nous selon nostre vocation, fervemment et humblement, et ne penser qu'en cela, n'estimant pas de trouver nul moyen de nous perfectionner meilleur que celuy-là.

  A006000266 

 J'adjouste aussi humblement, à fin que l'on n'ayt point de sujet de s'excuser; car ne dites pas: Je n'ay point d'humilité, il n'est pas en mon pouvoir de l'avoir; car le Saint Esprit, qui est la bonté mesme, la donne à qui la luy demande.

  A006000266 

 Non pas ceste humilité, c'est à dire ce sentiment de nostre petitesse qui nous fait si fort humilier en toutes choses si gracieusement; mais je veux dire l'humilité qui nous fait cognoistre nostre propre abjection, et qui nous la fait aymer l'ayant recognuë estre en nous; car cela est la vraye humilité..

  A006000266 

 Non pas de celle que vous entendez, quant au sentiment, laquelle Dieu donne à qui bon luy semble, et qui n'est pas en nostre pouvoir d'acquerir quand il nous plaist.

  A006000267 

 Ces grands Saints, Augustin, Gregoire, Hilaire, duquel nous faisons la feste aujourd'huy, ni beaucoup d'autres n'ont point tant estudié; ils n'eussent sceu le faire, composant tant de livres qu'ils ont fait, preschant et faisant tout le reste qui appartenoit à leurs charges; mais ils avoyent une si grande confiance en Dieu et en sa grâce, et une si grande mesfiance d'eux-mesmes, qu'ils ne s'attendoyent ni confioyent nullement en leur industrie ni en leur travail, si qu'ils firent toutes les grandes œuvres qu'ils ont faites purement par la confiance qu'ils avoyent mise en la grace de Dieu et en sa toute-puissance: C'est vous, disoyent-ils, ô Seigneur, qui nous faites travailler et pour qui nous travaillons; [112] ce sera vous qui benirez nos sueurs et qui nous donnerez une bonne recolte.

  A006000268 

 Qu'est-ce qu'il ne faisoit pas tandis qu'il estoit en sa premiere prosperité? quelles bonnes oeuvres ne faisoit-il pas? Il le dit luy-mesme en ceste façon: J'estois le pied du boiteux, c'est à dire je le faisois porter ou je le mettois sur mon asne ou mon chameau; j'estois l'œil de l'aveugle, en le faisant [113] conduire; j'estois en fin le pourvoyeur du famelique et le refuge de tous les affligés.

  A006000268 

 Qu'est-ce à dire cela? C'est que lors que leurs petits colombeaux sont un peu gros, le maistre du colombier les leur vient oster, et soudain elles se mettent à en couver des autres; mais si on ne les leur oste pas, elles s'amusent aupres de ceux-là longuement, et partant elles en font moins.

  A006000269 

 Il nous en faut donc faire de mesme pour observer ceste aymable loy des colombes, nous laissant despouiller par nostre souverain Maistre de nos petits colombeaux, c'est à dire des moyens d'executer nos desirs, quand il luy plaist de nous en priver, pour bons qu'ils soyent, sans nous plaindre ni lamenter jamais de luy comme s'il nous faisoit grand tort; ains nous devons nous appliquer à doubler, non nos desirs ni nos exercices, mais la perfection avec laquelle nous les faisons, taschant par ce moyen de gagner plus par un seul acte, comme indubitablement nous ferons, que nous ne ferions pas avec cent autres faits selon nostre propension et affection.

  A006000269 

 Mais las! nous n'en faisons rien; car quand sa Bonté nous prive de la consolation qu'il nous souloit donner en nos exercices, il semble que tout est perdu, [114] et qu'il nous oste les moyens de faire ce que nous avons entrepris..

  A006000269 

 Nostre Seigneur ne veut pas que nous portions sa croix sinon par le bout, et il veut estre honnoré comme les grandes dames, lesquelles font porter la queue de leurs robes; il veut pourtant que nous portions la croix qu'il nous met sur les espaules, qui est la nostre mesme.

  A006000270 

 Les mortifications, dit-elle, ne me coustoyent rien durant ce temps-là, ains ce m'estoyent des consolations; les obeissances m'estoyent des allegresses; je n'avois pas si tost ouy le premier son de la cloche, que j'estois levée; je ne laissois point passer de pratique de vertu, et tout cela je le faisois avec une paix et tranquillité tres-grande: mais maintenant que je suis en desgoust et que je suis ordinairement en secheresse en l'oraison, je n'ay nul courage, ce me semble, pour mon amendement, je n'ay point ceste ardeur que je soulois avoir en mes exercices; en fin, la gelée et la froidure est passée chez moy.

  A006000270 

 Mon Dieu! qu'avez-vous? est-on contraint de luy dire.

  A006000270 

 O que ce sont là des œufs bien aymables! et tout cela est bien bon, et les petits colombeaux ne manquent point, qui sont les effects; car, qu'est-ce qu'elle ne fait pas? Ses œuvres de charité sont en si grand nombre! sa modestie paroist devant toutes les Sœurs, elle est d'une edification nompareille, elle se fait admirer de tous ceux qui la voyent ou qui la cognoissent.

  A006000270 

 O que j'ay? je suis si alangourie! rien ne me peut contenter, tout m'est à desgoust, je suis maintenant si confuse! Mais de quelle confusion? car il y en a de deux sortes: l'une qui conduit à l'humilité et à la vie, et l'autre, au desespoir et par consequent à la mort.

  A006000270 

 Plus donc l'on m'en oste et plus j'en fais: c'est la seconde loy que je desire grandement de vous voir observer..

  A006000270 

 Si elle est en l'oraison, quels saints desirs ne fait-elle pas de luy plaire! elle s'attendrit en sa presence, elle s'escoule toute en son Bien-Aymé, elle se laisse entierement entre les bras de sa divine providence.

  A006000271 

 C'est cette tres-sainte egalité d'esprit, mes cheres ames, que je vous souhaitte: je ne dis pas l'egalité d'humeur ni d'inclination, je dis l'egalité d'esprit; car je ne fais, ni desire que vous fassiez nul estat des tracasseries que fait la partie inferieure de nostre ame, qui est celle qui cause les inquietudes et bijarreries, quand la partie superieure ne fait pas son devoir en se rendant maistresse, et ne fait pas bon guet pour découvrir ses ennemis, ainsi que le Combat spirituel dit qu'il faut faire, à fin qu'elle soit promptement advertie des remuemens et assauts que luy fait la partie inferieure, qui naissent de nos sens et de nos inclinations et passions, pour luy faire la guerre et l'assujettir à ses loix.

  A006000271 

 La troisiesme loy des colombes que je vous presente, c'est qu'elles pleurent comme elles se resjouïssent; elles ne chantent tousjours qu'un mesme air, tant pour leurs cantiques de resjouïssance que pour ceux où elles se lamentent, c'est à dire pour se plaindre et manifester leur douleur.

  A006000271 

 Voyez-les perchées sur les branches, où elles pleurent la perte qu'elles ont faite de leurs petits que la belette ou la chouette leur a desrobés (car quand c'est quelqu'autre qui les leur prend que le maistre de la colombiere, elles sont fort affligées); voyez-les aussi quand le paron vient à s'approcher d'elles, qu'elles sont toutes consolées: elles ne changent point d'air, ains [116] font le mesme grommellement pour preuve de leur contentement, qu'elles font pour manifester leur douleur.

  A006000272 

 Mais ne faisons point comme ceux qui pleurent quand la consolation leur manque, et ne font que chanter quand elle est revenue, en quoy ils ressemblent aux singes et magots, qui sont, tousjours mornes et furieux quand il fait un temps pluvieux et sombre, et ne cessent de gambader et sauter quand le temps est beau..

  A006000272 

 Qu'est-ce qu'il disoit lors que Dieu faisoit multiplier ses biens, luy donnoit des enfans, et en fin luy envoyoit à souhait selon qu'il l'eust peu desirer en ceste vie? que disoit-il, sinon: Le nom de Dieu soit beni? C'estoit son cantique d'amour qu'il chantoit en toute occasion; car voyez-le reduit à l'extremité de l'affliction: qu'est-ce qu'il fait? il chante son cantique [117] de lamentation sur le mesme air que celuy qu'il chantoit par resjouïssance: Nous avons receu, dit-il, les biens de la main du Seigneur, pourquoy n'en recevrons-nous les maux? Le Seigneur m' avoit donné des enfans et des biens, le Seigneur me les a ostés, son saint nom soit beni.

  A006000273 

 L'amour donc que nous portons à Nostre Seigneur nous sollicitera de les observer et garder, à fin que nous puissions dire, à l'imitation de la belle colombe du souverain Colombeau, qui est l'Espouse sacrée: Mon Bien-Aymé est tout mien, et moy je suis toute pour luy, ne faisant rien que pour luy plaire; il a tousjours son cœur tourné de mon costé par prevoyance, comme j'ay le mien tourné de son costé par confiance.

  A006000273 

 Le bon-heur aussi de ceux qui auront observé la seconde loy sera grand; car s'estans laissé despouiller par le Maistre, qui est Nostre Seigneur, de tous leurs petits colombeaux, et ne s'estans nullement faschés ni despités, ains ayant eu le courage de dire: Plus l'on m'en oste et plus j'en fais, demeurans sousmis au bon plaisir de Celuy qui les aura despouillés, ils chanteront d'autant plus courageusement là haut au Ciel le cantique tres-aymable: Dieu soit beni, emmi les consolations eternelles, qu'ils l'auront chanté de meilleur cœur parmi les desolations, langueurs et desgousts de ceste vie mortelle et passagere, durant laquelle il nous faut tascher de conserver soigneusement la continuelle et tres-aymable egalité d'esprit.

  A006000276 

 Les petites affections du tien et du mien sont des restes du monde, où il n'y a rien de si pretieux que cela; car c'est la souveraine felicité du monde d'avoir beaucoup de choses propres et de quoy on puisse dire: cecy est mien.

  A006000276 

 Or ces mouvemens arrivent parce que l'on n'a pas mis toutes ses volontés en commun, qui est pourtant une chose qui se doit faire entrant en Religion; car chaque Sœur devroit laisser sa volonté propre hors la porte pour n'avoir que celle de Dieu..

  A006000276 

 Or, ce qui nous rend affectionnés à ce qui est nostre, c'est la grande estime que nous faisons de nous-mesmes; car nous nous tenons pour si excellens que, dés qu'une chose nous appartient nous l'en estimons davantage, et le peu d'estime que nous faisons des autres fait que nous avons à contre-cœur ce qui leur a servi; mais si nous estions bien humbles et despouillés de nous-mesmes, que nous nous tinssions pour un neant devant Dieu, nous ne ferions aucun estat de ce qui nous seroit propre, et nous estimerions extremement honorés d'estre servis de ce qui auroit esté à l'usage d'autruy.

  A006000276 

 Si donques il arrive qu'en changeant la robbe d'une Sœur pour [120] luy en donner une autre moindre, la partie inferieure s'esmeuve un petit, cela n'est pas peché, pourveu qu'avec la raison elle l'accepte de bon cœur pour l'amour de Dieu; et ainsi de tous les autres sentimens qui nous arrivent.

  A006000277 

 C'est ainsi que se doit entendre ceste parole sacrée de Nostre Seigneur: N'ayez point souci du lendemain.

  A006000277 

 Elle ne regarde pas tant ce qui est du vivre ou du vestir comme des exercices spirituels; car qui vous viendroit demander: Que voulez-vous faire demain? vous respondriez: Je ne sçay; aujourd'huy je feray une telle chose qui m'est commandée, demain je ne sçay pas ce que je feray parce que je ne sçay pas ce que l'on me commandera.

  A006000277 

 Qui feroit ainsi, il n'auroit jamais de chagrin ni d'inquietude; car là où est l'indifference vraye, il n'y peut avoir du desplaisir ni de la tristesse..

  A006000278 

 C'est pourquoy il faut faire des considerations et sur sa condition et sur toutes les choses qui en dependent en detail; puis en particulier, renoncer tantost à une de nos volontés propres, tantost à une autre, jusques à tant que nous en soyons entierement despouillés.

  A006000278 

 Et ce vray despouillement se fait par trois degrés: le premier est l'affection du despouillement, qui s'engendre en nous par la consideration de la beauté de ce despouillement; le second degré est la resolution qui suit l'affection, car nous nous resolvons aisément à un bien que nous affectionnons; le troisiesme est la pratique, qui est le plus difficile..

  A006000278 

 Or, il ne faut pas seulement vouloir en general la desappropriation, mais en particulier; car il n'y a rien de si aisé que de dire de gros en gros: Il faut renoncer à nous-mesmes et quitter nostre propre volonté; mais quand il faut venir à la pratique, c'est là où gist la difficulté.

  A006000280 

 Les seconds biens sont ceux du corps: la beauté, la santé et semblables choses qu'il faut renoncer; et puis, il ne faut plus aller au miroir regarder si on est belle, ni se soucier non plus de la santé que de la maladie, au moins quant à la partie superieure; car la nature se ressent tousjours, et crie quelquefois, specialement quand l'on n'est pas bien parfait.

  A006000281 

 Or, il s'en faut despouiller tout à fait, et ne vouloir autre honneur que l'honneur de la Congregation, qui est de chercher en tout la gloire de Dieu, ni autre estime ou reputation que celle de la Communauté, qui est de donner bonne edification en toutes choses.

  A006000282 

 Cela n'est point en nostre pouvoir.

  A006000282 

 De mesme, à la rencontre de ceux que nous aymons, il ne se peut pas faire que nous ne soyons esmeus de joye et de contentement; c'est pourquoy cela n'est point contraire à la vertu.

  A006000282 

 Il faut icy remarquer que le contentement que nous ressentons à la rencontre des personnes que nous aymons, et les tesmoignages d'affection que nous leur rendons en les voyant ne sont point contraires à ceste vertu de despouillement, pourveu qu'ils ne soyent point desreglés, et qu'estans absens, nostre cœur ne coure point apres [123] eux; car, comment se pourroit-il faire que les objets estans presens les puissances ne soyent point esmeuës? C'est comme qui diroit à une personne à la rencontre d'un lion ou d'un ours: n'ayez point peur.

  A006000282 

 Je dis bien plus, que si j'ay envie de voir quelqu'un pour quelque chose utile et qui doit reussir à la gloire de Dieu, si son dessein de venir est traversé et que j'en ressente un peu de peine, voire mesme que je m'empresse un peu pour divertir les 'occasions qui le retiennent, je ne fais rien de contraire à la vertu du despouillement, pourveu que je ne passe point jusques à l'inquietude..

  A006000283 

 Ainsi vous voyez que la vertu n'est pas une chose si terrible qu'on s'imagine.

  A006000283 

 C'est une faute que plusieurs font: ils se forment des chimeres en l'esprit, et pensent que le chemin du Ciel est estrangement difficile; en quoy ils se trompent et ont bien tort, car David disoit à Nostre Seigneur que sa loy estoit trop douce; et à mesure que les meschans la publioyent dure et difficile, ce bon Roy disoit qu'elle estoit plus douce que le miel.

  A006000284 

 Il est vray, mes cheres Sœurs, que l'on ne sçauroit jamais parvenir à la perfection tandis que l'on a de l'affection à quelque imperfection, pour petite qu'elle soit, voire mesme quand ce ne seroit qu'avoir une pensée inutile; et vous ne sçauriez croire combien cela porte de mal à une ame, car dés que vous aurez donné à vostre [124] esprit la liberté de s'arrester à penser à une chose inutile, il pensera par apres à des choses pernicieuses: il faut donc couper court au mal dés que nous le voyons, pour petit qu'il soit.

  A006000284 

 Il faut aussi examiner à bon escient s'il est vray, comme il nous semble quelquefois, que nous n'ayons point nos affections engagées: par exemple, si quand l'on vous loue vous venez à dire quelque parole qui agrandisse la louange que l'on vous donne, ou bien quand vous la recherchez par paroles artificieuses, disant que vous n'avez plus la memoire ou l'esprit si bon que vous souliez avoir pour bien parler, hé! qui ne void que vous pretendez que l'on vous die que vous parlez tousjours extremement bien? Cherchez donc au fond de vostre conscience si vous y pouvez trouver de l'affection à la vanité.

  A006000284 

 Or, nos affections sont si pretieuses, puisqu'elles doivent estre toutes employées à aymer Dieu, qu'il faut bien prendre garde de ne les pas loger en des choses inutiles; et une faute, pour petite qu'elle puisse estre, faite avec affection, est plus contraire à la perfection que cent autres faites par surprinse et sans affection,.

  A006000284 

 Vous pourrez aussi facilement cognoistre si vous estes attachée à quelque chose lors que vous n'aurez pas la commodité de faire ce que vous avez proposé; car si vous n'y avez point d'affection, vous demeurerez autant en repos de ne la pas faire comme si vous l'eussiez faite, et au contraire, si vous vous en troublez, c'est la marque que vous y avez mis vostre affection.

  A006000285 

 Il y a encor une autre raison qui rend ces premieres amitiés dont nous avons parlé moindres que les secondes: c'est qu'elles ne sont pas de durée, parce que la cause en estant fresle, dés qu'il arrive quelque traverse, elles se refroidissent et alterent; ce qui n'arrive pas à celles qui sont fondées en Dieu, parce que la cause en est solide et permanente..

  A006000285 

 Je vous dis briefvement qu'il y a certains amours qui [125] semblent extremement grands et parfaits aux yeux des creatures, qui devant Dieu se trouveront petits et de nulle valeur, parce que ces amitiés ne sont point fondées en la vraye charité, qui est Dieu, ains seulement en certaines alliances et inclinations naturelles, et sur quelques considerations humainement louables et agreables.

  A006000286 

 Ainsi ceux qui n'ont rien d'aymable sont bien-heureux, car ils sont asseurés que l'amour que l'on leur porte est excellent, puisqu'il est tout en Dieu..

  A006000286 

 Ainsi en est-il des amitiés; quand l'on ne les tire point de leur source elles ne tarissent jamais.

  A006000286 

 De maniere que quand ceux auxquels je fais ces caresses sçauroyent que je les leur fais parce que je leur ay de l'aversion, ils ne s'en devroyent point offencer, ains les estimer et cherir davantage que si elles partoyent d'une affection sensible; car les aversions sont naturelles, et d'elles-mesmes ne sont pas mauvaises quand nous ne les suivons pas; au contraire, c'est un moyen de pratiquer mille sortes de bonnes vertus, et Nostre Seigneur mesme nous a plus à gré quand avec une extreme repugnance nous luy allons baiser les pieds, que si nous y allions avec beaucoup de suavité.

  A006000286 

 Et cela ne se doit point appeller duplicité ou simulation, car si bien j'ay un sentiment contraire, il n'est qu'en la partie inferieure, et les actes que je fais, c'est avec la force de la raison, qui est la partie principale de mon ame.

  A006000287 

 Ce n'est donc pas pour Dieu [127] que vous l'aymez, car ceste derniere personne est aussi bien à Dieu que la premiere, et vous la devriez davantage aymer, car il y a davantage à faire pour Dieu.

  A006000287 

 Il est vray que là où il y a davantage de Dieu, c'est à dire plus de vertu, qui est une participation des qualités divines, nous y devons plus d'affection: comme par exemple, s'il se trouve des ames plus parfaites que celle de vostre Superieure, vous les devez aymer davantage pour ceste raison là; neantmoins nous devons aymer beaucoup plus nos Superieurs parce qu'ils sont nos peres et nos directeurs..

  A006000287 

 Souvent nous pensons aymer une personne pour Dieu, et nous l'aymons pour nous-mesmes; nous nous servons de ce pretexte, et disons que c'est pour cela que nous l'aymons, mais en verité nous l'aymons pour la consolation que nous en avons: car n'y a-t'il pas plus de suavité de voir venir à vous une ame pleine de bonne affection, qui suit extremement bien vos conseils et qui va fidelement et tranquillement dans le chemin que vous luy avez marqué, que d'en voir une autre toute inquietée, embarrassée et foible à suivre le bien, et à qui il faut dire mille fois une mesme chose? sans doute vous aurez plus de suavité.

  A006000288 

 Autant en faut-il dire pour ce qui regarde le temporel; car pourveu que la maison soit accommodée, nous ne devons pas nous soucier si c'est par nostre moyen ou par un autre.

  A006000288 

 S'il se trouve des petites affections contraires, c'est signe qu'il y a encor du tien et du mien..

  A006000289 

 Je vous souhaitte sur toute perfection celle de l'humilité, qui est non seulement charitable, mais douce et maniable; car la charité est une humilité montante, et l'humilité est une charité descendante.

  A006000293 

 La premiere, et celle qui le porte par eminence au dessus des autres, c'est la bien-seance de nostre maintien exterieur: et à cette vertu sont opposés deux vices, à sçavoir, la dissolution en nos gestes et contenances, c'est à dire la legereté; l'autre vice qui ne luy est pas moins contraire, est une contenance affectée.

  A006000293 

 La quatriesme est l'honnesteté et bien-seance és habits, et les deux vices contraires sont la saleté et la superfluité..

  A006000293 

 La seconde qui porte le nom de modestie, est l'interieure bien-seance de nostre entendement et de nostre volonté: celle-cy a de mesme deux vices opposés, qui sont la curiosité en l'entendement, la multitude des desirs de sçavoir et d'entendre toutes choses et l'instabilité en nos entreprises, passant d'un exercice à un autre sans nous arrester à rien; l'autre vice, c'est une certaine stupidité et nonchalance d'esprit, qui ne veut pas mesme sçavoir ni apprendre les choses necessaires pour nostre [131] perfection, imperfection qui n'est pas moins dangereuse que l'autre.

  A006000293 

 La troisiesme sorte de modestie consiste en nostre conversation et en nos paroles, c'est à dire en nostre façon de parler et de converser avec le prochain, evitant les deux imperfections qui luy sont opposées, à sçavoir, la rusticité et la babillerie: la rusticité qui nous empesche de contribuer quelque chose pour l'entretien de l'honneste conversation; la babillerie qui nous fait tellement parler que nous ostons le temps aux autres de parler à leur tour.

  A006000293 

 Vous demandez que c'est que la vraye modestie.

  A006000294 

 La premiere est extremement recommandable pour plusieurs raisons, et premierement, parce qu'elle nous assujettit fort; il n'y a point de vertu en laquelle il faille une si particuliere attention; et en ce qu'elle nous assujettit, consiste son grand prix, car tout ce qui nous assujettit pour Dieu est d'un grand merite et merveilleusement agreable à Dieu.

  A006000294 

 La seconde raison est qu'elle ne nous assujettit pas seulement pour un temps, mais tousjours et en tout lieu, aussi bien estans seuls qu'en compagnie, et en tout temps, ouy mesme en dormant.

  A006000294 

 Un grand Saint l'escrivit à un sien disciple, disant qu'il se couchast modestement en la presence de Dieu, ainsi comme feroit celuy à qui Nostre Seigneur, estant encor en vie, commanderoit de dormir et se coucher en sa presence; et bien, dit-il, que tu ne le voyes pas et n'entendes pas le commandement qu'il t'en fait, ne laisse pas de le faire tout de mesme que si tu le voyois, parce qu'en effet il t'est present et te garde pendant que tu dors.

  A006000295 

 Ceste vertu est aussi fort recommandée à cause de l'edification du prochain, et vous asseure que la simple modestie exterieure en a converti plusieurs, ainsi qu'il arriva à saint François, lequel passa une fois par une ville avec une si grande modestie en son maintien que, sans qu'il dist une seule parole, il y eut grand nombre de jeunes gens qui le suivirent, attirés de ce seul exemple, pour estre instruits de luy.

  A006000295 

 La modestie est une predication muette; c'est une vertu que saint Paul recommande fort particulierement aux Philippiens, chapitre quatriesme, leur disant: Faites que vostre modestie paroisse devant tous les hommes.

  A006000296 

 Car dites-moy, celuy qui ne voudroit point rire à la recreation sinon comme l'on rit hors ce temps-là, ne seroit-il pas importun? Il y a des gestes et des contenances qui seroyent immodestie hors de ce temps-là, qui là ne le sont [133] nullement; de mesme, celuy qui voudroit rire lors que l'on est parmi les occupations serieuses, et relascher son esprit comme l'on fait tres-raisonnablement en la recreation, ne seroit-il pas estimé leger et immodeste? L'on doit aussi observer le lieu, les personnes, les conversations esquelles on est, mais tout particulierement la qualité de la personne.

  A006000296 

 Ce qui est modestie à un homme sera immodestie à un autre homme, à cause de sa qualité; la gravité est extremement bien-seante à une personne âgée, qui seroit affectée à une plus jeune, à laquelle convient une modestie plus rabaissée et plus humiliée..

  A006000296 

 La modestie d'une femme du monde est autre que celle d'une Religieuse: une fille qui estant dans le monde voudroit tenir la veuë aussi basse comme nos Sœurs, ne seroit pas estimée, non plus que nos Sœurs si elles ne la tenoyent plus basse que les filles du monde.

  A006000297 

 Il est vray, dit le Pere, je l'ay bien remarqué; mais c'est un bon homme qui a vescu long temps au monde, il a apporté ceste contenance de la cour: que feroit-on là? Il l'excusoit, car il luy faschoit de le fascher en le reprenant d'une chose si legere, où il n'y avoit point de peché; mais d'ailleurs, il avoit envie de l'en faire corriger, car il n'avoit que cela où l'on peust trouver à redire.

  A006000297 

 Or, un jour que tous les Peres estoyent assemblés pour faire une conference spirituelle (car ç'a esté de tout temps qu'il s'en est fait entre les personnes pieuses), il y eut quelqu'un des Peres qui advertit le Superieur qu'Arsenius commettoit ordinairement une immodestie, en ce qu'il croisoit une jambe dessus l'autre.

  A006000298 

 En apres, remarquez que ce n'est pas un mauvais jugement de penser que le Superieur fait la correction à un autre de quelque faute que vous faites comme luy, à fin que sans vous reprendre, vous-mesme vous en amendiez; mais il faut s'humilier profondement, voyant qu'il vous recognoist foible, et sçait bien que vous ressentiriez la correction s'il la vous faisoit.

  A006000298 

 Il faut aussi aymer cherement ceste abjection, et s'humilier comme fit Arsenius, confessant que l'on est coulpable de la mesme faute, pourveu que l'on s'humilie tousjours en esprit de douceur et tranquillité..

  A006000299 

 De mesme, la modestie interieure maintient les puissances de nostre ame en tranquillité et modestie, evitant, comme j'ay dit, la curiosité de l'entendement, sur lequel elle exerce principalement son soin, retranchant aussi à nostre volonté la multitude des desirs, la faisant appliquer saintement à ce seul un que Marie a choisi et qui ne luy sera point osté, qui est la volonté de plaire à Dieu.

  A006000299 

 De mesme, la volonté qui n'est pas retenue par la modestie passe d'un sujet à un autre pour s'esmouvoir à aymer Dieu et à desirer plusieurs moyens de le servir, et cependant il ne faut point tant de choses.

  A006000299 

 Je vous dis donc que la seconde, qui est l'interieure, fait les mesmes effets en l'ame que celle que nous avons dit fait au corps.

  A006000300 

 Elle fuit aussi l'autre extremité du vice qui luy est opposé, qui est la stupidité et nonchalance d'esprit qui ne veut pas sçavoir ce qui est necessaire.

  A006000300 

 J'ay dit que ceste vertu s'occupe principalement à assujettir l'entendement; et cela parce que la curiosité que nous avons naturellement est tres dangereuse, et fait que nous ne sçavons jamais parfaitement une chose, d'autant que nous ne mettons pas assez de temps pour la bien apprendre.

  A006000300 

 Or, ceste subjection de l'entendement est de tres-grande [137] importance pour nostre perfection, car à mesure que la volonté s'affectionne à une chose, si l'entendement luy vient monstrer la beauté d'une autre, il la divertit de la premiere..

  A006000301 

 De mesme, nostre entendement et volonté, nos passions et les facultés de nostre ame, comme abeilles spirituelles, jusques à tant qu'elles ayent un roy, c'est à dire jusques à tant qu'elles ayent choisi Nostre Seigneur pour leur Roy, elles n'ont aucun repos; nos sens ne cessent de s'esgarer curieusement et d'attirer nos facultés interieures apres eux, pour se dissiper tantost apres un sujet, tantost apres un autre, et ainsi ce n'est qu'un continuel travail d'esprit et inquietude, qui nous fait perdre la paix et tranquillité d'esprit qui nous est tant necessaire; et c'est ce qui nous cause l'immodestie de l'entendement et de la volonté.

  A006000301 

 Les abeilles n'ont aucun arrest tandis qu'elles n'ont point de roy, elles ne cessent de voleter par l'air, de se dissiper et esgarer, n'ayant presque nul repos en leur ruche; mais dés aussi tost que leur roy est né, elles se tiennent ramassées toutes autour de luy, et ne sortent que pour la cueillette et par le commandement de leur roy.

  A006000302 

 Je lisois ces jours passés la Regle que saint Augustin a faite pour les Religieuses, où il dit expressement que les Sœurs ne lisent jamais aucuns livres que ceux qui leur seront donnés par la Superieure; et apres il fit le mesme commandement à ses Religieux, tant il avoit de cognoissance du mal qu'apporte la curiosité de vouloir sçavoir autre chose que ce qui nous est necessaire pour mieux servir Dieu, qui est certes fort peu de chose; car si vous marchez en simplicité par l'observance de vos Regles, vous servirez parfaitement Dieu, sans vous espancher ou rechercher de sçavoir autres choses.

  A006000302 

 La science n'est pas necessaire pour aymer Dieu, ainsi que dit saint Bonaventure; car une simple femme est autant capable d'aymer Dieu comme les plus doctes hommes du monde.

  A006000303 

 La modestie interieure tient l'ame entre ces deux estats, en mediocrité de desirs de sçavoir ce qui est necessaire, et rien plus..

  A006000306 

 Souventefois aussi on se rencontre en des occasions où il est necessaire de beaucoup dire en se taisant, par la modestie, égalité, patience et tranquillité.

  A006000307 

 De celle-cy, il n'est pas besoin de dire autre chose, sinon qu'il faut eviter la saleté et messeance en la façon de s'habiller; comme aussi l'autre extremité, qui est un trop grand soin de nous bien habiller, avec curiosité affectée d'estre bien accommodé, cela est vain; mais la netteté a esté fort recommandée par saint Bernard, comme estant un grand indice de la pureté et netteté de l'ame.

  A006000308 

 Mais de garder la secheresse d'esprit, en sorte que nous ne parlions pas apres que le sentiment est passé, avec autant de confiance, de douceur et de tranquillité qu'auparavant, ô cela il faut avoir grand soin de ne le pas faire.

  A006000308 

 Vous rejettez le sentiment que vous avez de la correction qui vous est faite, mais non pas si fortement et soigneusement qu'il ne se cache en quelque petit coin de vostre cœur au moins quelque partie du sentiment.

  A006000309 

 O Dieu! ce n'est pas le temps de sousmettre son jugement, pour luy faire croire et confesser que la correction est bonne et qu'elle a esté faite bien à propos; ô non! c'est apres que vostre ame sera raccoisée et tranquillisée; car pendant le trouble il ne faut dire ni faire aucune chose, sinon demeurer fermes et resolus de ne consentir point à nostre passion, pour raison que [144] nous eussions de le faire; car jamais nous ne manquerions de raisons en ce temps-là, il nous en viendroit à la foule: mais il n'en faut pas escouter une seule, pour bonne qu'elle puisse sembler, ains se tenir proche de Dieu, comme j'ay dit, nous divertissant, apres nous estre humiliés et sousmis devant sa Majesté, luy parlant d'autre chose..

  A006000310 

 Mais remarquez ce mot que je me plais grandement à dire à cause de son utilité: humiliez-vous d'une humilité douce et paisible, et non pas d'une humilité chagrine et troublée; car c'est nostre malheur, nous portons devant Dieu des actes d'humilité despiteux et ennuyeux, et par ce moyen nous ne raccoisons pas nos esprits, et ces actes sont infructueux.

  A006000312 

 Vous ne sçavez peut estre pas qu'il y a en nous-mesmes un certain monastere dont l'amour propre est superieur, et partant il impose des penitences; et ceste peine est la penitence qu'il vous impose pour la faute que vous avez faite d'avoir fasché la Superieure, parce que peut estre elle ne vous estimera pas tant comme elle eust fait si vous n'eussiez pas failli..

  A006000313 

 C'est assez parlé pour celles qui reçoivent la correction; il faut que je die un mot pour celles qui la font.

  A006000313 

 celles à qui elles la font en ont du ressentiment; car c'est une chose bien dure à une personne de se voir corriger.

  A006000314 

 C'est le moyen de bien faire tout ce que nous faisons que d'estre bien attentifs à la presence de Dieu; car aucun de nous ne l'offencera, voyant qu'il nous regarde.

  A006000314 

 Ce n'est pas cela que vous demandez, je le voy bien; mais comment vous pourriez faire pour affermir tellement vostre esprit en Dieu, que rien ne l'en puisse destacher ni retirer.

  A006000314 

 Ma chere fille, vostre proposition m'est fort agreable, d'autant qu'elle porte sa response avec elle: il faut faire ce que vous dites, aller à Dieu sans regarder ni à droite ni à gauche.

  A006000314 

 Vous dites que ce n'est pas encor cela que vous demandez, mais que c'est que vous pourriez faire pour empescher que la moindre mousche ne retirast vostre esprit de Dieu ainsi qu'elle fait; vous voulez dire la moindre distraction.

  A006000315 

 C'en est de mesme de la peine que nous avons le long de la journée d'arrester nostre esprit en Dieu et és choses celestes, pourveu que nous ayons le soin de retirer nostre esprit pour l'empescher de courir apres ces mousches et papillons, comme fait une mere à l'endroit de son enfant.

  A006000315 

 Et que faire là, sinon prendre patience et ne nous lasser point de nostre travail, puisqu'il est pris pour l'amour de Dieu?.

  A006000315 

 Pour ce qui est de l'oraison, elle ne nous est pas moins utile ni moins agreable à Dieu pour y avoir beaucoup de distractions; ains elle nous sera peut estre plus utile que si nous y avions beaucoup de consolations, parce qu'il y a plus de travail, pourveu neantmoins que nous ayons la fidelité de nous retirer de ces distractions et n'y laissions point arrester nostre esprit volontairement.

  A006000316 

 Il leur semble que quand elles ne sentent pas Dieu, qu'elles ne sont pas en sa presence, et cela est une ignorance; car une personne qui va souffrir le martyre pour Dieu, et neantmoins elle ne pensera point en Dieu pendant ce temps-là, sinon en sa peine, quoy qu'elle n'ayt point le sentiment de la foy elle ne laisse pas de meriter en faveur de sa premiere resolution, et faire un acte de grand amour.

  A006000316 

 Il y a bien à dire d'avoir la presence de Dieu (j'entends estre en sa presence), et d'avoir le sentiment de sa presence; il n'y a que Dieu seul qui nous puisse faire ceste grace; car de vous donner les moyens d'acquerir ce sentiment, il ne m'est pas possible..

  A006000316 

 J'ay remarqué que plusieurs ne font point de difference entre Dieu et le sentiment de Dieu, entre la foy et le sentiment de la foy; qui est un tres-grand defaut.

  A006000316 

 Mais si je ne me trompe, quand nous disons que nous [149] ne pouvons trouver Dieu, et qu'il nous semble qu'il est si loin de nous, nous voulons dire, que nous ne pouvons avoir du sentiment de sa presence.

  A006000317 

 Allez tousjours, dit-on à ces ames desireuses de leur perfection, allez en la voye de vostre vocation en simplicité, vous amusant plus à faire qu'à desirer: c'est le plus court chemin..

  A006000317 

 Demandez-vous comment il faut faire pour se tenir tousjours avec un grand respect devant Dieu, comme estans tres-indignes de ceste grace? Il n'y a point d'autre moyen de le faire que comme vous le dites: regarder qu'il est nostre Dieu, et que nous sommes ses foibles creatures, indignes de cest honneur; comme faisoit saint François, qui passa toute une nuict interrogeant Dieu en ces termes: « Qui estes-vous, et qui suis-je? » En fin, si vous me demandez: Comment pourray-je faire pour acquerir l'amour de Dieu? je vous diray: En le voulant aymer; et au lieu de vous appliquer à penser et demander comment vous pourrez faire pour unir vostre esprit à Dieu, que vous vous mettiez en la pratique par une continuelle application de vostre esprit à Dieu, et je vous asseure que vous parviendrez bien plus [150] tost à vostre pretention par ce moyen-là que non pas par aucune autre voye; car à mesure que nous nous dissipons nous sommes moins recueillis, et partant moins capables de nous unir et joindre avec la divine Majesté, qui nous veut tout sans reserve.

  A006000317 

 Il y a certes des ames qui s'occupent tant à penser comment elles feront, qu'elles n'ont pas le temps de faire; et toutesfois, en ce qui regarde nostre perfection, qui consiste en l'union de nostre ame avec la divine Bonté, il n'est question que de peu sçavoir et de beaucoup faire.

  A006000318 

 C'est que vous voudriez que je vous enseignasse une voye de perfection toute faite, en sorte qu'il n'y eust qu'à la mettre sur la teste, comme vous feriez vostre robbe, et que par ce moyen vous vous trouvassiez parfaite sans peine, c'est à dire que je vous donnasse la perfection toute faite; car ce que je dis, qu'il faut faire, n'est pas trouvé agreable à la nature; ce n'est pas ce [151] que nous voudrions.

  A006000318 

 Il vous semble que la perfection est un art, que si l'on pouvoit trouver son secret l'on l'aurait incontinent sans peine.

  A006000319 

 Ces ames qui veulent gouster de toutes les methodes et de tous les moyens qui nous conduisent ou peuvent conduire à la perfection, en font de mesme; car l'estomac de leur volonté n'ayant pas assez de chaleur pour digerer et mettre en pratique tant de moyens, il se fait une certaine crudité et indigestion qui leur oste la paix et tranquillité d'esprit aupres de Nostre Seigneur, qui est cest un necessaire, que Marie a choisi, et ne luy sera point osté.

  A006000320 

 Nous faisons de mesme: nous voudrions, par exemple, bien aymer la correction, mais nous voulons neantmoins estre obstinés; ô c'est une folie, cela ne se peut.

  A006000320 

 Passons maintenant à l'autre demande que vous m'avez fait, sçavoir est, comment vous pourrez faire pour bien affermir vos resolutions et faire qu'elles reussissent en effect.

  A006000320 

 Voulez-vous que je vous die pourquoy nous demeurons si foibles? c'est parce que nous ne voulons pas nous abstenir des viandes mal saines; comme si une personne laquelle voudroit bien n'avoir point de mal d'estomac, demandoit à un medecin comment elle pourroit faire.

  A006000321 

 Au reste, ce n'est pas estre foible de tomber quelquesfois en des pechés veniels, pourveu que nous nous en relevions tout incontinent par un retour de nostre ame en Dieu, nous humiliant tout doucement.

  A006000321 

 Il faut que nous ayons deux égales resolutions: l'une, de voir croistre des mauvaises herbes en nostre jardin, et l'autre, d'avoir le courage de les voir arracher et les arracher nous-mesmes; car nostre amour propre ne mourra point pendant que nous vivrons, lequel est celuy qui fait ces impertinentes productions.

  A006000322 

 En fin il faut sçavoir que nous ne devons jamais cesser de faire des bonnes resolutions, encore que nous voyons bien que selon nostre ordinaire nous ne les pratiquons pas, voire, quand bien nous verrions qu'il est impossible de les pratiquer quand l'occasion s'en presentera; et cela, il le faut faire avec plus de fermeté que si nous sentions en nous assez de courage pour reussir de nostre entreprise, disant à Nostre Seigneur: Il est vray que je n'auray pas la force de faire ou supporter telle chose de moy-mesme, mais je m'en resjouïs, d'autant que ce sera vostre force qui le fera en moy; et sur cest appui, allez à la bataille courageusement, et ne doutez point que vous n'en rapportiez la victoire.

  A006000322 

 Nostre Seigneur fait envers nous tout de mesme comme un bon pere ou une bonne mere, laquelle laisse marcher son enfant tout seul lors qu'il est sur une douce prairie où l'herbe est grande, ou bien dessus la mousse, parce que si bien il vient à tomber, il ne se fera pas grand mal; mais aux mauvais et dangereux chemins elle le porte soigneusement entre ses bras.

  A006000327 

 L'obeissance est une vertu morale qui dépend de la justice.

  A006000327 

 Mais ce second appartient plustost à l'humilité, douceur et charité qu'à l'obeissance; car celuy qui est humble pense que tous les autres le surpassent et sont beaucoup meilleurs que luy, de sorte qu'il se les rend superieurs et croid leur devoir obeir..

  A006000327 

 Or, l'obeissance consiste en deux points: le premier est d'obeir aux Superieurs; le second, d'obeir aux égaux et inferieurs.

  A006000328 

 Mais quant à l'obeissance qui regarde les Superieurs que Dieu a establis sur nous pour nous gouverner, elle est de justice et de necessité, et se doit rendre avec une entiere sousmission de nostre entendement et de nostre volonté.

  A006000328 

 Nostre inclination naturelle nous porte tousjours au desir de commander et nous donne une aversion d'obeir; et neantmoins il est certain que nous avons beaucoup de capacité pour obeir, et peut estre n'en avons-nous point pour commander..

  A006000328 

 Quand on est parvenu là, alors on ayme tellement à obeir, que l'on desire insatiablement d'estre commandé, à fin que tout ce que l'on fait soit fait par obeissance; et cecy est l'obeissance des parfaits, et celle que je vous desire, laquelle procede d'un pur don de Dieu, ou bien est acquise avec beaucoup de temps et de travail par une quantité d'actes souvent reiterés et produits à vive force, par le moyen desquels nous acquerons l'habitude.

  A006000329 

 En termes theologiques, la paresse s'appelle tristesse spirituelle, et c'est cela qui empesche de faire l'obeissance courageusement et promptement La troisiesme est la perseverance; car il ne suffit pas que l'on agrée le commandement et que pour quelque espace de temps l'on l'execute, si l'on n'y persevere, puisque c'est ceste perseverance qui obtient la couronne..

  A006000329 

 L'obeissance plus ordinaire a trois conditions: la premiere c'est d'agréer la chose que l'on nous commande et y plier doucement nostre volonté, aymant à estre commandés; car ce n'est pas le moyen de nous rendre vrays obeissans de n'avoir personne qui nous commande, comme de mesme ce n'est pas le moyen d'estre doux que de demeurer seul dans un desert.

  A006000329 

 La seconde condition [158] de l'obeissance est la promptitude, à laquelle est opposée la paresse ou tristesse spirituelle; car il arrive rarement qu'une ame triste fasse quelque chose promptement et diligemment.

  A006000329 

 La vertu est un bien de soy qui ne dépend pas de la privation de son contraire.

  A006000330 

 C'est un acte de grande humilité de faire toute sa vie par obeissance un mesme exercice qui soit abject, car il peut arriver force tentations que l'on seroit bien capable de quelque chose de plus grand.

  A006000330 

 Or, ceste troisiesme condition est la plus difficile de toutes, à cause de la legereté et inconstance de l'esprit humain; car à ceste heure nous aymons faire une chose, et tantost nous ne la voudrions pas regarder.

  A006000330 

 Si nous voulions suivre tous les mouvemens de nostre esprit, ou qu'il nous fust possible de le faire sans qu'il y eust du scandale ou du deshonneur, nous ne verrions autre chose que des changemens: ores nous voudrions estre en [159] une condition, et peu apres nous en chercherions une autre, tant ceste inconstance de l'esprit humain est extravagante; mais il la faut arrester avec les forces de nos premieres resolutions, à fin de vivre également parmi les inégalités de nos sentimens et des evenemens..

  A006000331 

 Or, pour mieux nous affectionner à l'obeissance, lors que nous nous trouverons tentés, il faut faire des considerations de son excellence, de sa beauté et de son merite, voire de son utilité, pour nous encourager à passer outre: cela s'entend pour les ames qui ne sont pas encore bien establies en l'obeissance; mais quand il n'est question que d'une simple aversion ou dégoust dela chose commandée, il faut faire un acte d'amour et se mettre à la besogne.

  A006000332 

 Car encore que nous obeissions avec repugnance et quasi comme forcés par l'obligation de nostre condition, nostre obeissance ne laisse pas d'estre bonne en vertu de nostre premiere resolution; mais elle est d'une valeur et d'un merite infiniment grand quand elle est faite avec les conditions que nous avons dites; car une chose, pour petite qu'elle soit, estant faite avec une telle obeissance, est de tres-grande valeur..

  A006000332 

 Cela procede de ce qu'il nous fasche d'assujettir nostre entendement, car c'est la derniere piece que nous sousmettons, et neantmoins il est entierement necessaire que nous assujettissions nostre pensée à certains objets; de maniere que quand on nous marque des exercices ou pratiques de vertu, il faut que nous demeurions en ces exercices et que nous y assujettissions nostre esprit.

  A006000332 

 Je n'appelle pas manquer à la perseverance quand nous faisons quelques petites interruptions, pourveu que nous ne quittions pas tout à fait; comme ce n'est pas manquer à l'obeissance de manquer à quelques unes de ses conditions, attendu que nous ne sommes pas obligés sinon à la substance des vertus et non pas aux conditions.

  A006000332 

 La perseverance plus difficile est és choses interieures, car pour les materielles et exterieures, elles sont assez faciles.

  A006000333 

 L'obeissance est une vertu si excellente que Nostre Seigneur a voulu conduire tout le cours de sa vie par obeissance, ainsi qu'il a dit tant de fois qu'il n'estoit pas venu pour faire sa volonté, ains celle de son Pere; et l'Apostre dit qu'il s'est fait obeissant jusques à la mort, et la mort de la croix, et a voulu joindre au merite infini de sa charité parfaite l'infini merite d'une parfaite obeissance.

  A006000333 

 La charité cede à l'obeissance, parce que l'obeissance depend de la justice: aussi est-il meilleur de payer ce que l'on doit que de faire l'aumosne; cela veut dire qu'il est mieux de faire [161] l'obeissance qu'un acte de charité par nostre propre mouvement..

  A006000334 

 Car, par exemple, si allant en un lieu je trouve une Sœur et qu'elle me die que j'aille ailleurs, la volonté de Dieu en moy est que je fasse ce qu'elle veut, plustost que ce que je veux; que si j'oppose mon opinion à la sienne, la volonté de Dieu en elle est qu'elle me cede, et ainsi de toutes choses qui sont indifferentes.

  A006000334 

 Le second poinct auquel consiste l'obeissance est plustost humilité qu'obeissance; car ceste sorte d'obeissance est une certaine souplesse de nostre volonté à suivre la volonté d'autruy, et c'est une vertu extremement aymable, qui fait tourner nostre esprit à toutes mains et nous dispose à faire tousjours la volonté de Dieu.

  A006000335 

 Non, c'est l'amour propre qui ne voudroit pas que j'eusse seulement une moindre pensée qu'elle est importune; je l'auray bien pourtant, encore que je ne m'y arreste pas.

  A006000335 

 Que s'il arrive qu'une Sœur nous requiere de faire quelque chose, et que par surprise nous tesmoignions d'y * avoir de la repugnance, il ne faut pas que la Sœur s'en ombrage ni fasse semblant de le cognoistre, ni qu'elle prie de ne le faire pas; car il n'est pas en nostre puissance d'empescher que nostre couleur, nos yeux et nostre contenance ne tesmoignent le combat que nous avons au dedans, encore que la raison veuille bien faire la chose; car ce sont des messagers qui viennent sans que l'on les demande, et qui, encore qu'on leur die retournez, n'en font rien pour l'ordinaire.

  A006000335 

 Vous me direz: c'est qu'elle craint de vous avoir faschée.

  A006000337 

 Ceste attente et resignation est tres-necessaire, car le defaut d'icelle trouble fort l'ame.

  A006000337 

 Il faut que nous nous accoustumions à rechercher [164] l'evenement de nostre perfection selon les voyes ordinaires, en tranquillité de cœur, faisant tout ce que nous pouvons pour acquerir les vertus par la fidelité que nous aurons à les pratiquer une chacune selon nostre condition et vocation; et demeurons en attente pour ce qui regarde de parvenir tost ou tard au but de nostre pretention, laissant cela a la divine Providence, laquelle aura soin de nous consoler au temps qu'elle a destiné de le faire; et quand mesme ce ne seroit qu'à l'heure de nostre mort, il nous doit suffire, pourveu que nous rendions nostre devoir en faisant tousjours ce qui est en nous et à nostre pouvoir.

  A006000338 

 Or, le moyen d'acquerir ceste souplesse à la volonté d'autruy est de faire souvent en l'oraison des actes d'indifference, et puis les venir mettre en pratique lors que l'occasion s'en presentera; car ce n'est pas assez de se despouiller devant Dieu, d'autant que cela se faisant seulement avec l'imagination, il n'y a pas grand affaire; mais quand il le faut faire en effet, et que venans de nous donner tout à Dieu nous trouvons une creature qui nous commande, il y a bien de la difference, et c'est là où il faut monstrer son courage..

  A006000339 

 Car comme ceste oraison n'est autre chose qu'un renoncement de nous-mesmes en Dieu, quand l'ame dit avec verité: Je n'ay plus de volonté sinon la vostre, Seigneur, alors elle est toute unie à Dieu; de mesme, renonçans nostre volonté pour faire tousjours celle du prochain, c'est la vraye union avec le prochain: et faut faire tout cela pour l'amour de Dieu..

  A006000339 

 Ceste douceur et condescendance à la volonté du [165] prochain est une vertu de grand prix; elle est le symbole de l'oraison d'union.

  A006000340 

 Bref, il faut avoir bon courage et ne dependre que de Dieu; car le caractere des Filles de la Visitation est de regarder en toutes choses la volonté de Dieu et la suivre..

  A006000340 

 Si neantmoins une grande œuvre est faite avec autant de charité que la petite, sans doute celuy qui la fait a beaucoup plus de merite et de recompense.

  A006000342 

 Mais si vous voulez communier particulierement pour quelque chose, il faut demander congé, si ce n'est pour vos propres necessités, comme pour obtenir force contre quelque tentation, ou bien pour demander quelque vertu à Nostre Seigneur.

  A006000342 

 Or, si vous pensez que ce soit le Saint Esprit qui vous inspire de faire ces petites pratiques, il vous sçaura bon gré que vous en demandiez congé, voire mesme que vous ne les fassiez pas si l'on ne le vous permet, d'autant [167] que rien ne luy est tant agreable que l'obeissance religieuse.

  A006000342 

 Tout de mesme en est-il de la tres-sainte Communion, car vous ne pouvez point communier pour personne sans congé.

  A006000346 

 Il y a trois sortes d'obeissance pieuse, dont la premiere est generale à tous les Chrestiens, qui est l'obeissance deuë à Dieu et à la sainte Eglise en l'observance de leurs commandemens.

  A006000346 

 Il y a une troisiesme obeissance qui est celle de laquelle je veux parler, comme estant la [169] plus parfaite, qui se nomme amoureuse; et c'est de ceste-cy de laquelle Nostre Seigneur nous a monstre exemple tout le temps de sa vie..

  A006000346 

 La seconde est l'obeissance religieuse, qui est desja d'un grand prix au dessus de l'autre, parce qu'elle s'attache non seulement aux commandemens de Dieu, ains elle s'assujettit à l'observance de ses conseils.

  A006000347 

 L'obeissance aveugle a trois proprietés ou conditions, dont la premiere est qu'elle ne regarde jamais le visage des Superieurs, ains seulement leur authorité; la seconde, qu'elle ne s'informe point des raisons ni des motifs que les Superieurs ont de commander telle ou telle chose, luy suffisant de sçavoir qu'ils l'ont commandée, et la troisiesme, qu'elle ne s'enquiert point des moyens qu'il faut qu'elle tienne pour faire ce qui est commandé, s'asseurant que Dieu, par l'inspiration duquel on luy a fait ce commandement, luy donnera bien le pouvoir de l'accomplir; mais au lieu de s'enquerir comment elle fera, elle se met à faire..

  A006000347 

 Les Peres ont donné à ceste sorte d'obeissance plusieurs proprietés et conditions, mais entre toutes j'en choisiray seulement trois; dont la premiere est qu'elle est, comme ils la nomment, aveugle, la seconde qu'elle est prompte, et la troisiesme qu'elle est perseverante.

  A006000348 

 Donques l'obeissance religieuse, qui doit estre aveugle, se sousmet amoureusement à faire tout ce qui luy est commandé, tout simplement, sans regarder jamais si le commandement est bien ou mal fait, pourveu que celuy qui commande ait le pouvoir de commander, et que le commandement serve à la conjonction de nostre esprit avec Dieu; car hors de là, jamais le vray obeissant ne fait aucune chose.

  A006000348 

 Plusieurs se sont grandement trompés sur cette condition de l'obeissance, lesquels ont [170] creu qu'elle consistoit à faire à tort et à travers tout ce qui nous pourroit estre commandé, fust-ce mesme contre les commandemens de Dieu et de la sainte Eglise; en quoy ils ont grandement erré, s'imaginans une folie en cest aveuglement, qui n'y est nullement; car en tout ce qui est des commandemens de Dieu, comme les Superieurs n'ont point de pouvoir de faire jamais aucun commandement contraire, les inferieurs n'ont de mesme jamais aucune obligation d'obeir en tel cas, ains s'ils y obeissoient ils pecheroient..

  A006000349 

 Il est porté dans le second Livre des Machabées, d'un nommé Rasias, lequel, poussé d'un zele ardent de la gloire de Dieu, s'en alla exposer aux coups, dont il sçavoit ne pouvoir eviter les blesseures et la mort; et se sentant blessé en la poitrine, il tira toutes ses entrailles par ceste blesseure, puis les jetta en l'air en presence de ses ennemis.

  A006000350 

 On dit que ceste obeissance est aveugle parce qu'elle obeit également à tous les Superieurs.

  A006000350 

 Tous les anciens Peres ont grandement blasmé ceux lesquels ne se vouloyent pas sousmettre à l'obeissance de ceux qui estoyent de moindre qualité qu'eux; ils leur demandoyent: Quand vous obeissiez à vos Superieurs, pourquoy le faisiez-vous? estoit-ce pour l'amour de Dieu? Nullement, car cestui-cy ne tient-il pas la mesme place de Dieu parmi nous que faisoit l'autre? Sans doute, il est vicaire de Dieu, et Dieu nous commande par sa bouche, et nous fait entendre ses volontés par ses ordonnances, comme il faisoit par la bouche de l'autre.

  A006000351 

 Abraham s'est rendu fort recommandable en ceste obeissance.

  A006000351 

 Apres donc qu'elle a gaigné ce poinct de ne pas regarder ceux qui commandent, ains de se sousmettre également à toutes sortes de Superieurs, elle passe outre et vient au second, qui est d'obeir sans considerer l'intention ni la fin pour laquelle le commandement est fait, se contentant de sçavoir qu'il est fait, sans s'amuser à considerer s'il est bien ou mal [173] fait, si l'on a raison ou non de faire tel ou tel commandement.

  A006000351 

 Dieu l'appelle et luy dit: Abraham, sors de ta terre et de ta parenté, c'est à dire hors de ta ville, et t'en va au lieu que je te monstreray.

  A006000355 

 Elle sçait que le chemin par lequel elle doit aller est la Regle de la Religion et les commandemens des Superieurs; elle prend ce chemin en simplicité [176] de cœur, sans pointiller si ce seroit mieux de faire ainsi ou ainsi: pourveu qu'elle obeisse, tout luy est égal, car elle sçait bien que cela suffit pour estre agreable à Dieu, pour l'amour duquel elle obeit purement et simplement..

  A006000355 

 La troisiesme proprieté de l'obeissance aveugle est qu'elle ne considere point et ne s'enquiert point tant par quel moyen elle pourra faire ce qui luy est commandé.

  A006000356 

 Il y en a qui obeissent, mais c'est avec tant de langueur et avec une si mauvaise mine, qu'ils diminuent beaucoup le merite de ceste vertu.

  A006000356 

 La seconde condition de l'obeissance amoureuse est qu'elle est prompte.

  A006000357 

 Ce grand Saint, qui ne desiroit pas moins de dresser ses Religieux à une totale mortification des sens comme à la mortification interieure des passions et inclinations, appella Jonas et luy commanda que le lendemain il ne manquast à couper le figuier; à quoy le pauvre Jonas repliqua: Hé, mon Pere, encor faut-il un peu supporter ces jeunes gens; il les faut bien recréer en quelque chose; ce n'est pas pour moy que je le veux conserver.

  A006000358 

 Nous sommes obligés de secourir nostre prochain quand il est en extreme necessité; neantmoins, parce que l'aumosne est un conseil de Nostre Seigneur, plusieurs font volontiers l'aumosne autant que leur moyen le leur permet.

  A006000358 

 Or, dessus ceste obeissance aux conseils, l'obeissance amoureuse est entée, qui nous fait entreprendre de suivre ric à ric les desirs et les intentions de Dieu et de nos Superieurs..

  A006000359 

 De mesme, quand je m'apperçois que le Superieur desire quelque chose de moy, il faut que je me rende prompt à le faire, sans aller espluchant si je pourray cognoistre qu'il ayt quelque inclination que je fasse [180] quelque autre chose; car cela osteroit la paix et tranquillité de cœur, qui est le principal fruict de l'obeissance amoureuse..

  A006000359 

 Mais il faut que je vous advertisse icy d'une tromperie en laquelle on pourroit tomber: car si ceux qui voudroyent entreprendre la pratique de ceste vertu fort exactement, vouloyent tousjours se tenir en attention pour pouvoir cognoistre les desirs et les inclinations de leurs Superieurs ou de Dieu, ils perdroyent le temps infailliblement; car par exemple, tandis que je m'enquerrois quel est le desir de Dieu, je ne m'occuperais pas à me tenir en repos et tranquillité aupres de luy, qui est le desir qu'il a maintenant, puisqu'il ne me donne rien autre chose à faire.

  A006000360 

 En ces paroles, jusques à la mort, est presupposé qu'il a esté obeissant tout le temps de sa vie, pendant lequel on ne void autre chose que des traits d'obeissance rendue par luy, tant à ses parents qu'à plusieurs autres, voire mesme à des impies et meschans; et comme il commença par ceste vertu, de mesme il paracheva par elle le cours de ceste vie mortelle..

  A006000360 

 La troisiesme condition de l'obeissance c'est, la perseverance.

  A006000361 

 C'est une tres-grande vertu de perseverer si longuement en un tel exercice; car de faire joyeusement une chose que l'on commande pour une fois, tant que l'on voudra, cela ne couste rien; mais quand on vous dit: vous ferez tousjours cela, et tout le temps de vostre vie, c'est là où il y a de la vertu et où gist la difficulté.

  A006000361 

 Voila donc ce que j'avois à vous dire touchant l'obeissance, sinon encore ce mot, que l'obeissance est d'un si grand prix qu'elle est compagne de la charité; et ces deux vertus sont celles qui donnent le prix et la valeur à toutes les autres, de sorte que sans elles toutes les autres ne sont rien.

  A006000362 

 Assez meurt martyr qui bien se mortifie; c'est un plus grand martyre de perseverer toute sa vie en obeissance, que non pas de mourir tout d'un coup par un glaive.

  A006000362 

 Ayez mesme le desir du martyre pour l'amour de Dieu, cela n'est rien si vous n'avez l'obeissance.

  A006000362 

 De là à quelque temps, l'on eut nouvelles propres à sa consolation, car un certain Sarrasin, chef de voleurs, vint en une montagne proche du monastere; sur quoy saint Pachome l'appella à soy [183] et luy dit: Or sus, mon fils, l'heure est venue que vous avez tant desirée; allez à la bonne heure couper du bois en la montagne.

  A006000362 

 En fin il adora leur idole, et ces meschans se mocquans de luy le battirent tres-bien, et puis le laisserent revenir en son monastere, où estant arrivé plus mort que vif, tout pâle et transi, saint Pachome qui luy estoit allé au devant luy dit: Eh bien, mon fils, [184] comme va? qu'y a-t'il que vous estes si défait? Lors, le pauvre Religieux, tout honteux et confus parce qu'il avoit de l'orgueil, ne pouvant supporter de se voir avoir fait une si grande faute, se jetta en terre et confessa sa faute; à quoy le Pere remediant promptement, faisant prier les Freres pour luy et luy faisant demander pardon à Dieu, le remit en bon estat, et puis luy donna de bons advertissemens, disant: Mon fils, souviens-toy qu'il vaut mieux avoir de petits desirs de vivre selon la Communauté, et ne vouloir que la fidelité à l'observance des Regles sans entreprendre ni desirer autre chose que ce qui y est compris, que non pas avoir de grands desirs de faire des merveilles imaginaires, qui ne sont bons qu'à enfler nos cœurs d'orgueil et nous faire mesestimer les autres, pensant bien estre quelque chose plus qu'eux.

  A006000362 

 Mais passant plus outre, et laissant à part l'obeissance generale aux commandemens de Dieu et parlant de l'obeissance religieuse, je dis que si le Religieux n'obeit, il ne sçauroit avoir aucune vertu, parce que c'est l'obeissance qui le rend principalement Religieux, comme estant la vertu propre et particuliere de la Religion.

  A006000363 

 Je dis encor cecy, que l'obeissance n'est point de moindre merite que la charité; car donner un verre d'eau par charité, cela vaut le Ciel, Nostre Seigneur mesme le dit: faites-en autant par obeissance, vous gaignerez le mesme.

  A006000363 

 La moindre petite chose faite par obeissance est tres-agreable à Dieu: mangez par obeissance, vostre manger est plus agreable à Dieu que les jeusnes des anachoretes s'ils sont faits sans obeissance; reposez-vous par obeissance, vostre repos est plus meritoire et plus agreable à Dieu que non pas le travail volontaire.

  A006000364 

 De mesme le vray obeissant, que l'on luy commande cecy ou cela, il ne s'en met point en peine; pourveu que l'on luy commande, et qu'il soit tousjours entre les bras de l'obeissance, je veux dire en l'exercice de l'obeissance, il est content.

  A006000364 

 Le vray obeissant vivra doucement et paisiblement comme un enfant qui est entre les bras de sa chere mere, lequel ne se met point en soin de ce qui luy pourra survenir; que la mere le porte sur le bras droit ou sur le gauche, il ne s'en soucie pas.

  A006000364 

 Mais, me direz-vous, qu'est-ce qu'il m'arrivera de pratiquer si exactement ceste obeissance amoureuse avec les conditions susdites: en aveugle, promptement et perseveramment? O mes cheres lilles, celuy qui le fera jouira en son ame d'une tranquillité continuelle et de la tres-sainte paix de Nostre Seigneur qui surpasse tout sentiment; il n'aura aucun compte à rendre de ses actions, puisqu'elles auront esté toutes faites par obeissance, tant aux Regles comme aux Superieurs.

  A006000365 

 Celles qui ne voudroyent pas s'assujettir aux conseils et à la direction contreviendroyent à l'obeissance amoureuse; et ce seroit tesmoigner une grande lascheté de coeur et avoir bien peu d'amour pour Dieu, [189] que de ne vouloir faire que ce qui nous est commandé et rien davantage.

  A006000365 

 Dans les Constitutions et Regles [188] c'en est tout de mesme, car il y a des articles qui disent: Les Sœurs pourront faire telle chose, et d'autres qui disent: Elles feront, ou bien, se garderont de faire.

  A006000365 

 Et, bien qu'elles ne contreviennent pas à l'obeissance qu'elles ont vouée, qui est celle des commandemens et conseils, quand elles ne s'assujettissent pas à la suite de la direction, elles contreviennent neantmoins à l'obeissance amoureuse à laquelle toutes les Filles de la Visitation doivent pretendre..

  A006000365 

 Vous demandez maintenant si vous estes obligées sur peine de peché, de faire tout ce que les Superieurs vous disent que vous fassiez; comme quand vous rendez compte, s'il faut que vous teniez pour commandement tout ce que la Superieure vous dit, qui est propre à vostre avancement.

  A006000366 

 Bien que les Superieurs fussent ignorans et conduisissent leurs inferieurs selon leur ignorance, voire [190] par des voyes scabreuses et dangereuses, les inferieurs se sousmettans à tout ce qui n'est point manifestement peché, ni contre les commandemens de Dieu et de sa sainte Eglise, je vous peux asseurer qu'ils ne peuvent jamais errer.

  A006000366 

 Le vray obeissant, dit l'Escriture Sainte, parlera de ses victoires; c'est à dire il demeurera vainqueur en toutes les difficultés esquelles il sera porté par obeissance, et sortira à son honneur des chemins esquels il entrera par obeissance, pour dangereux qu'ils puissent estre.

  A006000366 

 O certes, nous ne pouvons pas empescher que la pensée ne nous en vienne, mais de s'y arrester, c'est ce qu'il ne faut point faire; car si Balaam fut bien instruit par une asnesse, à plus forte raison devons-nous croire que Dieu qui nous a donné ceste Superieure, fera bien qu'elle nous enseignera selon sa volonté, bien que peut estre ce ne sera pas selon la nostre.

  A006000366 

 Vous me demandez si l'on ne pourroit pas bien penser lors qu'on vous change de Superieure, qu'elle n'est pas si capable que celle que vous aviez et qu'elle n'a pas tant de cognoissance du chemin par lequel il vous faut conduire.

  A006000367 

 C'est sans doute que j'auray plus de satisfaction, quant à la partie inferieure de mon ame, de faire ce qu'une Superieure me commande à laquelle j'ay de l'inclination, que non pas à faire ce que l'autre [191] me dit à laquelle je n'en ay du tout point; mais pourveu que j'obeisse également quant à la partie superieure il suffit, et mon obeissance vaut mieux quand j'ay moins de plaisir à la faire, parce que c'est là où nous monstrons que c'est pour Dieu et non pour nostre plaisir que nous obeissons.

  A006000367 

 Il n'y a rien de plus commun clans le monde que ceste façon d'obeir à ceux que l'on ayme; mais pour l'autre, elle est extremement rare et ne se pratique qu'és Religions..

  A006000367 

 J'ay accoustumé de dire souvent une chose que tous-jours il est bon de dire parce qu'il le faut tousjours observer, qui est que toutes nos actions se doivent pratiquer selon la partie superieure; car c'est ainsi qu'il faut vivre en ceste maison, et non jamais selon nos sens et nos inclinations.

  A006000368 

 Bien que l'on voye pour l'ordinaire en toutes les Religions les Novices fort exacts et mortifiés, ce n'est pas qu'ils soyent plus obligés que les Profés: ô non, car ils ne le sont encore nullement, ains ils perseverent en obeissance pour parvenir à la grace de la profession; mais les Profés y sont obligés en vertu des vœux qu'ils ont faits, lesquels il ne suffit pas d'avoir faits pour estre Religieux, si on ne les observe.

  A006000368 

 Et c'est assez dit de l'obeissance pour nous y affectionner..

  A006000368 

 Mais, pourriez-vous dire, n'est-il pas permis de desapprouver ce que ceste Superieure icy fait, ni de dire ou penser pourquoy elle fait des ordonnances que l'autre ne faisoit pas? O certes, non jamais, mes cheres filles; ains il faut approuver tout ce que les Superieures font ou disent, permettent ou defendent, pourveu qu'il ne soit manifestement contre les commandemens de Dieu, car alors il ne faut ni obeir ni approuver cela.

  A006000369 

 La premiere est qu'une Sœur peut aller dire: Bon Dieu, ma Sœur, que nostre Mere vient de me bien mortifier! toute joyeuse dequoy elle a esté digne de ceste mortification, et dequoy la Superieure luy a fait faire ce petit gain pour son ame, luy disant bien son fait sans l'espargner; et partant elle en donne la joye à sa Sœur à fin qu'elle luy aide à en benir Dieu.

  A006000369 

 La seconde façon en laquelle l'on le peut dire est pour se soulager: elle trouve la mortification ou correction bien pesante, elle s'en va un peu descharger sur sa Sœur à qui elle le dit, laquelle la plaignant luy ostera une partie de sa charge; et ceste façon n'est desja pas tant supportable que la premiere, parce que l'on commet une imperfection en se plaignant.

  A006000369 

 Mais la troisiesme seroit tout à fait mauvaise, qui est de le dire par forme de murmure et de despit, et pour faire cognoistre que la Superieure a eu tort; or de ceste façon, je sçay bien que l'on ne le fait pas en ceste maison, par la grace de Dieu..

  A006000369 

 Reste seulement de dire un petit mot sur la question [193] qui me fut faite hier au soir, sçavoir, s'il est loisible aux Sœurs de se dire l'une à l'autre qu'elles ont esté mortifiées par la Superieure ou la Maistresse des Novices sur quelque occasion.

  A006000370 

 D'aller aussi dire: Je viens de parler à nostre Mere, je suis aussi seche que j'estois auparavant, il n'y a que s'attacher à Dieu; pour moy je ne retire aucune consolation [194] des creatures, j'ay esté moins consolée que je n'estois; cela n'est pas à propos.

  A006000370 

 Sçavez-vous ce qu'il faut faire quand nous sommes corrigés et mortifiés? il nous faut prendre ceste mortification comme une pomme d'amour et la cacher en nostre cœur, la baisant et caressant le plus tendrement qu'il nous est possible.

  A006000371 

 Bien-heureux est celuy qui peut garder une égalité de cœur parmi toute ceste inégalité de succes.

  A006000371 

 Il vous semble que les Superieurs ont la consolation sur le bord des levres et qu'ils la respandent facilement dans le cœur de ceux qu'ils veulent, ce qui n'est pas neantmoins; car ils ne peuvent pas tousjours estre de mesme humeur non plus que les autres.

  A006000371 

 Mais il y a une chose à remarquer sur ce sujet, qui est que quelquefois l'on porte un cœur sec et dur lors que l'on va parler à la Superieure, lequel ne peut estre capable d'estre arrousé ni humecté de l'eau de la consolation, d'autant qu'il n'est nullement susceptible de ce que la Superieure dit; et encore qu'elle parle fort bien selon vostre necessité, neantmoins il ne le vous semble pas.

  A006000372 

 Donques, quand il vous vient envie de juger si une chose est bien ou mal ordonnée, tranchez ce discours à vostre propre jugement; et quand peu apres on vous dira qu'il faut faire une telle chose de telle façon, ne vous amusez point à discourir ou discerner si elle ne seroit point mieux autrement, faisant accroire à vostre jugement que la chose ne pourroit jamais estre mieux faite, que de la façon que l'on vous a dit.

  A006000372 

 Parce que l'entendement et le jugement representent à la volonté que cela ne se doit pas, ou qu'il faut user d'autres moyens pour faire ce que l'on dit, que ceux qui nous sont marqués, elle ne peut se sousmettre, d'autant qu'elle fait tousjours plus d'estat des raisons que le propre jugement luy monstre que non pas d'aucune autre, car chacun croid que son propre jugement est le meilleur.

  A006000372 

 Si l'on vous donne quelque exercice, ne permettez pas à vostre jugement de discerner s'il vous sera propre ou non; et prenez garde que, si bien vous faites la chose ainsi qu'elle est commandée, bien souvent [196] le propre jugement n'obeit pas, je veux dire ne se sousmet pas, car il n'approuve pas le commandement: ce qui est pour l'ordinaire cause de la repugnance que nous avons de nous sousmettre à faire ce que l'on veut de nous.

  A006000372 

 Vous me demandiez encor que j'eusse à vous dire quel estoit l'exercice propre à faire mourir le propre jugement; à quoy je responds que c'est de luy retrancher fidelement toutes sortes de discours és occasions où il se veut rendre maistre, luy faisant connoistre qu'il n'est que valet; car, mes cheres filles, ce n'est que par les actes reiterés que nous acquerons les vertus, bien qu'il y ayt eu quelques ames auxquelles Dieu les a données toutes en un moment.

  A006000373 

 C'est d'un grand docteur, et grandement renommé, lequel composa un livre qu'il intitula: Des Dispensations et des Commandemens, lequel tombant un jour entre les mains du Pape, il jugea qu'il contenoit quelques propositions erronées; il l'escrivit à ce docteur à fin qu'il eust à les rayer de dessus son livre.

  A006000373 

 Il n'estoit nullement obligé de faire cecy, parce que le Pape ne le commandoit pas, ains seulement qu'il eust à rayer de dessus son livre certaine chose qui n'avoit pas semblé bonne; car, ce qui est bien remarquable, elle n'estoit pas heretique, ni si manifestement erronée qu'elle ne peust estre defendue.

  A006000374 

 David sçachant cecy: Vive Dieu! dit-il, il me la payera, le mescognoissant qu'il est du bien que je luy ay fait de sauver ses troupeaux et empescher qu'aucune chose ne luy fust faite.

  A006000374 

 Faire avouer que ce qui est commandé est bon, l'aimer et l'estimer comme une chose qui nous est bonne et utile au dessus de toute autre, ô c'est à cela que le jugement se trouve retif; car il y en a plusieurs qui disent: je feray bien cela ainsi que vous dites, mais je voy bien qu'il seroit mieux autrement.

  A006000374 

 Helas! que faites-vous? si vous nourrissez ainsi le jugement, sans doute il vous enyvrera; car il n'y a point de difference entre une personne enyvrée et celuy qui est plein de son propre jugement.

  A006000374 

 Il faut faire les mesmes excuses d'une personne ivre et de nostre propre jugement; car l'un n'est pas guere plus capable de raison que l'autre.

  A006000375 

 C'est sans doute, ma fille, qu'il le faut faire; car à quel propos verrez-vous une tache en vostre Sœur, sans vous essayer de la luy oster par le moyen d'un advertissement? Il faut neantmoins estre discrette en ceste besogne; car il ne seroit pas temps d'advertir une Sœur tandis que vous la verrez indisposée ou pressée de melancholie, car il seroit dangereux qu'elle ne rejettast d'abord l'advertissement si vous le luy faisiez.

  A006000375 

 Si une Sœur vous dit des paroles qui ressentent le murmure, et que d'ailleurs ceste Sœur ayt le cœur en douceur, sans doute il faut que tout confidemment vous luy disiez: Ma Sœur, cela n'est pas bien fait; mais si vous vous appercevez qu'il y ayt quelque passion esmeuë dans son cœur, alors il faut destourner le propos le plus [200] dextrement que l'on peut.

  A006000378 

 La simplicité donc n'est autre chose qu'un acte de charité pur et simple qui n'a qu'une seule fin, qui est d'acquerir l'amour de Dieu, et nostre ame est simple lors que nous n'avons point d'autre pretention en tout ce que nous faisons.

  A006000378 

 La vertu de laquelle nous avons à traitter est si necessaire que, bien que j'en aye souventesfois parlé, vous avez neantmoins desiré que j'en fisse un Entretien tout entier.

  A006000378 

 Or, il faut en premier lieu sçavoir que c'est que ceste vertu de simplicité.

  A006000378 

 Vous sçavez que nous appelions communément une chose simple quand elle n'est point brodée, doublée ou bigarrée; par exemple nous disons: voila une personne qui est habillée bien simplement, parce qu'elle ne porte point de façon ou de doublure en son habit, je dis de doublure façonnée ou qui se voye, ains sa robbe et son habit n'est que d'une estoffe; et cela est une robbe simple.

  A006000379 

 Et ainsi elle doubloit ceste premiere fin de l'amour de Dieu en son exercice, de plusieurs autres petites pretentions, desquelles elle fut reprise de Nostre Seigneur: Marthe, Marthe, tu te troubles de plusieurs choses, bien qu' une seule soit necessaire, qui est celle que Magdelaine a choisie et qui ne luy sera point ostée. Cest acte donc de charité simple qui fait que nous ne regardons et n'avons autre visée en toutes nos actions que le seul desir de plaire à Dieu est la part de Marie, qui est seule necessaire, et c'est la simplicité, vertu laquelle est inseparable de la charité, d'autant qu'elle regarde droit à Dieu, sans que jamais elle puisse souffrir aucun meslange de propre interest, autrement ce ne seroit plus simplicité; car elle ne peut souffrir aucune doublure des creatures ni aucune consideration d'icelles, Dieu seul y trouve place..

  A006000379 

 L'histoire tant commune des hostesses de Nostre Seigneur, Marthe et Magdelaine, est grandement remarquable pour ce sujet; car ne voyez-vous pas que Marthe, bien que sa fin fust louable de vouloir bien traitter Nostre Seigneur, ne laissa pas d'estre reprise par ce divin Maistre? d'autant qu'outre la fin tres-bonne qu'elle avoit en son empressement, elle regardoit encor Nostre Seigneur entant qu'homme; et pour cela elle croyoit qu'il fust comme les autres, auxquels un seul mets ou une sorte d'apprest ne suffit pas, et c'estoit cela qui faisoit qu'elle s'esmouvoit grandement à fin d'apprester plusieurs mets.

  A006000380 

 Ceste vertu est purement chrestienne.

  A006000380 

 Nostre Seigneur mesme est descendu du Ciel pour donner cognoissance aux hommes tant de l'une que de l'autre vertu, autrement ils eussent tousjours ignoré ceste doctrine si necessaire.

  A006000381 

 La fin d'aller à l'Office pour louer Dieu est tres-bonne, mais ce motif n'est pas simple, car la simplicité requiert qu'on y aille attiré du desir de plaire à Dieu, sans aucun autre regard; et ainsi de toutes autres choses..

  A006000381 

 La simplicité embrasse voirement les moyens que l'on prescrit à un chacun selon sa vocation pour acquerir l'amour de Dieu, de sorte qu'elle ne veut point d'autre motif pour acquerir ou estre incitée à la recherche de cest amour que sa fin mesme, autrement elle ne seroit pas parfaitement simple; car elle ne peut souffrir autre regard, pour parfait qu'il puisse estre, que le pur amour de Dieu qui est sa seule pretention.

  A006000381 

 Mais pourquoy plustost à ceste heure qu'à une autre? C'est parce que la cloche ayant sonné, si je n'y vay pas je seray remarquée.

  A006000381 

 Or, ce que nous [204] disons qu'il n'y a point d'art, n'est pas pour mespriser certains livres qui sont intitulés: L'Art d'aymer Dieu; car ces livres enseignent qu'il n'y a point d'autre art que de se mettre à l'aymer, c'est à dire se mettre en la pratique des choses qui luy sont agreables, ce qui est le seul moyen de trouver et acquerir cest amour sacré, pourveu que ceste pratique s'entreprenne en simplicité, sans trouble et sans sollicitude.

  A006000382 

 L'astuce est un amas d'artifices, de tromperies, de malices, et c'est par le [205] moyen de l'astuce que nous trouvons des inventions pour tromper l'esprit du prochain et de ceux avec lesquels nous avons à faire, pour les conduire au poinct que nous pretendons, qui est de leur faire entendre que nous n'avons autre sentiment au coeur que celuy que nous leur manifestons par nos paroles, ni autre cognoissance sur le sujet dont il s'agit; chose qui est infiniment contraire à la simplicité, qui requiert que nous ayons l'interieur entierement conforme à l'exterieur..

  A006000382 

 La vertu de simplicité est opposée et contraire au vice de l'astuce, vice qui est la source d'où procedent les finesses, artifices et duplicités.

  A006000382 

 Or, avant que passer outre, il faut descouvrir une tromperie qui est en l'esprit de plusieurs touchant ceste vertu; car ils pensent que la simplicité soit contraire à la prudence, et qu'elles soyent opposées l'une à l'autre, ce qui n'est pas; car jamais les vertus ne se contrarient l'une l'autre, ains ont une union tres-grande par ensemble.

  A006000383 

 Apres que l'ame simple a fait une action qu'elle juge se devoir faire, elle n'y pense plus; et s'il luy vient à la pensée ce que l'on dira ou que l'on pensera d'elle, elle retranche promptement tout cela, parce qu'elle ne peut souffrir aucun divertissement en sa pretention, qui est de se tenir attentive à son Dieu pour accroistre en elle son amour.

  A006000383 

 Ce n'est donc pas manquer de simplicité de faire bonne mine quand nous sommes esmeus en l'interieur.

  A006000383 

 Il est vray que par fois nous avons des grandes émotions en nostre interieur sur la rencontre d'une correction ou de quelqu'autre contradiction; mais ceste émotion ne provient pas de nostre volonté, ains tout ce ressentiment se passe en la partie inferieure; la partie superieure ne consent point à tout cela, ains elle aggrée, accepte et trouve bonne ceste rencontre.

  A006000383 

 Je n'entends pas pourtant de dire qu'il faille tesmoigner en nos émotions, des passions à l'exterieur ainsi que nous les avons en l'interieur; car ce n'est pas contre la simplicité de faire bonne mine en ce temps-là, ainsi que l'on pourroit penser.

  A006000383 

 Mais ne seroit-ce point tromper ceux qui nous verroyent, dites-vous, d'autant que, quoy que nous fussions fort immortifiées, ils croiroyent que nous serions fort vertueuses? Ceste reflexion, ma chere Sœur, sur ce que l'on dira ou [206] que l'on pensera de vous, est contraire à la simplicité; car nous avons dit qu'elle ne vise qu'à contenter Dieu et nullement les creatures, sinon entant que l'amour de Dieu le requiert.

  A006000383 

 Nous avons dit que la simplicité a son regard continuel en l'acquisition de l'amour de Dieu; or l'amour de Dieu requiert de nous que nous retenions nos sentimens, et que nous les mortifions et aneantissions, c'est pourquoy il ne requiert pas que nous les manifestions et fassions voir au dehors.

  A006000384 

 De mesme en est-il de ce que l'on pourroit dire, s'il n'est pas permis de se servir de la prudence pour ne pas descouvrir aux Superieurs ce que l'on penseroit les pouvoir troubler, ou nous-mesmes en le disant; car la simplicité ne regarde sinon s'il est expedient de dire ou de faire telle chose, et puis là dessus elle se met à la faire, sans perdre le temps à considerer si le Superieur se trouble, ou bien encor moy, si je luy dis quelque pensée que j'ay eu de luy, ou qu'il ne se trouble pas, ni moy aussi.

  A006000384 

 S'il est expedient pour moy de le dire, je ne laisseray pas de le dire tout simplement, en arrive apres ce que Dieu voudra.

  A006000385 

 Ce trouble ne se fait qu'en la partie inferieure de nostre ame; c'est pourquoy il ne s'en faut nullement estonner, quand il n'est pas suivi, je veux dire quand nous ne consentons point à ce qu'il nous suggere; car en ce cas là il ne le faudroit pas faire.

  A006000385 

 Il ne faut pas tousjours tant craindre le trouble, soit pour soy-mesme, soit pour autruy; car le trouble de [207] soy-mesme n'est pas peché.

  A006000386 

 Et si vous en demeurez en peine, ce n'est que l'immortification qui fait cela; car à quel propos diray-je ce qui n'est pas necessaire pour mon [208] utilité, en laissant ce qui me peut plus mortifier? La simplicité, comme nous avons desja dit, ne cherche que le pur amour de Dieu, lequel ne se trouve jamais si bien qu'en la mortification de nous-mesmes; et à mesure que la mortification croist, nous nous approchons d'autant plus du lieu où nous devons trouver son divin amour.

  A006000386 

 Mais de plus, je pense, quant à moy, qu'il est meilleur et plus expedient de dire à la Superieure les pensées qui nous mortifient le plus, que non pas plusieurs autres qui ne servent de rien, sinon pour accroistre l'entretien que vous faites avec elle.

  A006000387 

 Elle ne se trouble de rien; elle se tient coye et tranquille en la confiance qu'elle a que Dieu sçait son desir, qui est de luy plaire, et cela luy suffît..

  A006000387 

 Mais bien qu'il vous arrivast de dire quelque petite chose qui semblast n'estre pas si bien receüe de toutes comme vous voudriez, il ne faudroit pas pour cela s'amuser à faire des reflexions et examens sur toutes vos paroles; ô non, car c'est l'amour propre sans doute qui nous fait faire ces enquestes, si ce que nous avons dit et fait est bien receu; mais la sainte simplicité ne court pas apres ses paroles ni ses actions, ains elle en laisse l'evenement à la divine Providence, à laquelle elle s'attache souverainement.

  A006000387 

 Que si elle y rencontre quelque occasion de pratiquer quelque vertu, elle s'en sert soigneusement comme d'un moyen propre pour parvenir à sa perfection qui est l'amour de Dieu, mais elle ne s'empresse point pour les rechercher; elle ne les mesprise point aussi.

  A006000389 

 C'est aussi manquer de simplicité de faire tant de considerations quand nous nous voyons faire des defauts les uns aux autres, pour sçavoir si ce sont des choses necessaires à dire à la Superieure; car dites-moy, la Superieure n'est-elle pas capable de cela, et de juger s'il est requis d'en faire la correction ou non? Mais que sçay-je moy à quelle intention ceste Sœur aura fait telle chose? dites-vous.

  A006000389 

 Car bien que peut estre ceste personne se passionne et se trouble apres l'advertissement que vous luy aurez fait, vous n'en estes pas cause, ce n'est que son immortification.

  A006000389 

 Il faut voirement observer et attendre le temps convenable pour faire la correction, car la faire sur le champ est un peu dangereux; mais hors de là il faut faire en simplicité ce que nous sommes obligés de faire selon Dieu, et cela sans scrupule.

  A006000389 

 La Superieure ne doit pas laisser de corriger les Sœurs parce qu'elles ont de l'aversion à la correction; car peut estre tant que nous vivrons nous en aurons tousjours, d'autant que c'est une chose totalement contraire à la nature de l'homme d'aymer d'estre avili et corrigé; mais ceste aversion ne doit pas estre favorisée de nostre volonté laquelle doit aymer l'humiliation.

  A006000389 

 Ne dites pas aussi que la chose est de peu de consequence, et qu'elle ne vaut pas d'aller mettre ceste pauvre Sœur en peine, car tout cela est contraire à la simplicité.

  A006000390 

 La conduite de Dieu pour nous autres, mes tres-cheres filles, n'est autre que l'obeissance, car hors de là il n'y a que tromperie..

  A006000391 

 C'est bien une chose certaine que tous ne sont pas conduits par un mesme chemin; mais aussi n'est-ce pas à un chacun de nous de cognoistre par quel chemin Dieu nous appelle.

  A006000391 

 Il ne faut pas dire qu'ils ne nous cognoissent pas bien, car nous devons croire que l'obeissance et la sousmission sont tousjours les vrayes marques de la bonne inspiration; et quoy qu'il puisse arriver que nous n'ayons point de consolation és exercices que l'on nous fait faire, et que nous en ayons beaucoup aux autres, ce n'est pas par la consolation que l'on juge de la bonté de nos actions.

  A006000392 

 C'est bien la vraye verité que vostre bien dépend de vous laisser conduire et gouverner par l'Esprit de Dieu [215] sans reserve, et c'est cela que pretend la vraye simplicité que Nostre Seigneur a tant recommandée: Soyez simples comme des colombes, dit-il à ses Apostres; mais il ne s'arreste pas là, leur disant de plus: Si vous n'estes faits simples comme un petit enfant, vous n'entrerez point au Royaume de mon Pere.

  A006000392 

 L'ame qui a la parfaite simplicité n'a qu'un amour, qui est pour Dieu; et en cest amour elle n'a qu'une seule pretention, qui est celle de reposer sur la poitrine du Pere celeste, et là, comme un enfant d'amour, faire sa demeure, laissant entierement tout le soin de soy-mesme à son bon Pere, sans que jamais plus elle se mette en peine de rien, sinon de se tenir en ceste sainte confiance; non pas mesme les desirs des vertus et des graces qui luy sembloyent estre necessaires ne l'inquietent point.

  A006000392 

 Mais à quoy servent aussi les desirs si pressans et inquietans des vertus dont la pratique ne nous est pas necessaire? La douceur, l'amour de nostre abjection, l'humilité, la douce charité et cordialité envers le prochain, l'obeissance, sont des vertus dont la pratique nous doit estre commune, d'autant qu'elle nous est necessaire, parce que la rencontre des occasions nous en est frequente; mais quant à la constance, à la magnificence, et telles autres vertus que peut estre nous n'aurons jamais occasion de pratiquer, ne nous en mettons point en peine; nous n'en serons pas pour cela moins magnanimes ni genereux.

  A006000392 

 Un enfant, pendant qu'il est bien petit, est reduit en une grande simplicité qui fait qu'il n'a autre cognoissance que de sa mere; il n'a qu'un seul amour, qui est pour sa mere, et en cest amour une seule pretention, qui est le sein de sa mere: estant couché dessus ce sein bien-aymé, il ne veut autre chose.

  A006000393 

 Qui est bien attentif à plaire amoureusement à l'Amant celeste n'a ni le cœur ni le loisir de retourner sur soy-mesme, son esprit tendant continuellement du costé où l'amour le porte..

  A006000394 

 Mais n'est-ce pas un amour bien pur, bien net et bien simple, puisqu'elles ne se purifient pas pour estre pures, elles ne se parent pas pour estre belles, ains seulement pour plaire à leur Amant, auquel si la laideur estoit aussi agreable, elles l'aymeroient autant que la beauté? Et si, ces simples colombes n'employent pas un soin ni fort long ni aucunement empressé à se laver et parer, car la confiance que leur amour leur donne d'estre grandement aymées, quoy qu'indignes (je dis la confiance que leur amour leur donne en l'amour et en la bonté de leur Amant), leur oste tout empressement et desfiance de ne pas estre assez belles; outre que le desir d'aymer, plustost que de se parer et preparer à l'amour, leur retranche toute curieuse sollicitude et les fait contenter d'une douce et fidelle preparation, faite amoureusement et de bon cœur..

  A006000396 

 Alors tous les evenemens et varietés d'accidens qui surviennent sont receus doucement et suavement; car qui est entre les mains de Dieu et qui repose dans son sein, qui s'est abandonné à son amour et qui s'est, remis à son bon plaisir, qu'est ce qui le peut esbranler et mouvoir? Certes, en toutes occurrences, sans s'amuser à philosopher sur les causes, raisons et motifs des evenemens, il prononce de cœur ce saint acquiescement du Sauveur: Ouy, mon Pere, car ainsi il a esté agreé devant vous..

  A006000397 

 Helas! qui regarde le prochain hors de là, il court fortune de ne l'aymer ni purement, ni constamment, ni esgalement; mais là, qui ne 1'aymeroit, qui ne le supporteroit, qui ne souffriroit ses imperfections, qui le trouverait de mauvaise grace, qui le trouverait ennuyeux? Or, il y est ce prochain, mes tres-cheres filles, dans la poitrine du Sauveur; il est là comme tres-aymé et tant aymable que l'Amant meurt d'amour pour luy.

  A006000398 

 De mesme devons-nous faire, exposant tout au peril quand il est requis, pour conserver en nous sain et entier Nostre Seigneur et son amour; car il est nostre chef, et nous sommes ses membres: et cela est la prudence que nous devons avoir en nostre simplicité..

  A006000398 

 Laissant toutes autres responses qui se peuvent faire à ceste demande, nous prenons [220] maintenant les paroles de Nostre Seigneur: Soyez prudens comme le serpen t lequel, lors qu'il est attaqué, il expose tout son corps pour conserver sa teste.

  A006000400 

 La vraye vertu de prudence doit estre veritablement pratiquée, d'autant qu'elle est comme un sel spirituel qui [221] donne goust et saveur à toutes les autres vertus; mais elle doit estre tellement pratiquée des Filles de la Visitation, que la vertu d'une simple confiance surpasse tout; car elles doivent avoir une confiance toute simple, qui les fasse demeurer en repos entre les bras de leur Pere celeste et de leur tres-chere Mere Nostre Dame, devant estre asseurées qu'ils les protegeront tousjours de leur soin tres-aymable, puisqu'elles sont assemblées pour la gloire de Dieu et l'honneur de la tres-sainte Vierge.

  A006000404 

 C'est une chose tres-difficile que celle que vous me demandez: quel est l'esprit de vos Regles et comme vous le pourrez prendre.

  A006000405 

 Il est dit que saint Jean Baptiste estoit venu en l'esprit et vertu d'Helie, et pour cela, qu'il reprenoit hardiment et rigoureusement les pecheurs, les appellant engeance de viperes et telles autres paroles.

  A006000405 

 L'autre exemple que nous trouvons en l'Evangile, qui sert à [223] nostre propos, est que Nostre Seigneur voulant aller en Hierusalem, ses disciples l'en dissuadoyent, parce que les uns avoyent affection d'aller en Capharnaum, les autres en Bethanie, et ainsi taschoyent de conduire Nostre Seigneur au lieu où ils vouloyent aller; car ce n'est pas d'aujourd'huy que les inferieurs veulent conduire leurs maistres selon leur volonté.

  A006000406 

 Le general est la pretention qu'elles ont toutes d'aspirer à la perfection de la charité; mais l'esprit particulier c'est le moyen de parvenir à ceste perfection de la charité, c'est à dire à l'union de nostre ame avec Dieu, et avec le prochain pour l'amour de Dieu; ce qui se fait, avec Dieu par l'union de nostre volonté à la sienne, et avec le prochain par la douceur, qui est une vertu dependante immediatement de la charité..

  A006000406 

 Or, voyons maintenant quel est l'esprit particulier d'une Regle.

  A006000406 

 Toutes les Religions et toutes les assemblées de devotion ont un esprit qui leur est general, et chacune en a un qui luy est particulier.

  A006000407 

 Au contraire, l'esprit particulier des autres est voirement de s'unir à Dieu et au prochain, mais c'est par le moyen de l'action, quoy que spirituelle.

  A006000407 

 D'autres ont un autre esprit, et c'est une chose fort necessaire de sçavoir quel est l'esprit particulier de chaque Religion et assemblée pieuse; ce que pour bien cognoistre, il faut considerer la fin pour laquelle elle a esté commencée et les divers moyens de parvenir à ceste fin.

  A006000407 

 Il y a la generale en toutes les Religions, comme nous avons dit; mais c'est de la particuliere de laquelle je parle, et à laquelle il faut avoir un si grand amour qu'il n'y ayt chose aucune que nous puissions cognoistre qui soit conforme à ceste fin, que nous ne l'embrassions de tout nostre cœur..

  A006000407 

 Ils s'unissent bien encor à Dieu par l'oraison; mais neantmoins leur fin principale est celle que nous venons de dire, de tascher de convertir les ames et les unir à Dieu.

  A006000407 

 Ils s'unissent à Dieu, mais c'est en luy reunissant le prochain par l'estude, predications, confessions, conferences et autres actions de pieté; et pour mieux faire ceste union avec le prochain, ils [225] conversent avec le monde.

  A006000407 

 Les uns s'unissent à Dieu et au prochain par la contemplation, et pour cela ont une tres-grande solitude et ne conversent que le moins qu'ils peuvent parmi le monde, non pas mesmes les uns avec les autres, si ce n'est en certain temps; ils s'unissent aussi avec le prochain par le moyen de l'oraison, en priant Dieu pour luy.

  A006000407 

 Venons à cest esprit particulier: il est certes tres-different en divers Ordres.

  A006000408 

 Avoir l'amour de la fin de nostre Institut, sçavez-vous [226] que c'est? C'est estre exactes à l'observance des moyens de parvenir à ceste fin, qui sont nos Regles et Constitutions, et estre fort diligentes à faire tout ce qui en dépend et qui sert à les observer plus parfaitement: cela, c'est avoir l'esprit de nostre Religion.

  A006000408 

 Il faut donc regarder quelle est la fin de vostre Institut et l'intention de vostre Instituteur, et vous arrester aux moyens qui vous sont marqués pour y parvenir.

  A006000408 

 Mais Dieu, à qui seul appartient de faire ces assemblées de pieté, les a fait reussir en la façon que nous voyons qu'elles sont; car il ne faut jamais croire que ce soyent les hommes qui, par leur invention, ayent commencé ceste façon de vie si parfaite comme est celle de la Religion: c'est Dieu par l'inspiration duquel ont esté composées les Regles, qui sont les moyens propres pour parvenir à ceste fin generale à tous les Religieux, de s'unir à Dieu, et au prochain pour l'amour de Dieu..

  A006000408 

 Mais il faut que ceste exacte et ponctuelle observance soit entreprise en simplicité de cœur, je veux dire qu'il ne nous faut pas vouloir aller au delà, par des pretentions de faire plus qu'il ne nous est marqué dans nos Regles; car ce n'est pas par la multiplicité des choses que nous faisons que nous acquerons la perfection, mais c'est par la perfection et pureté d'intention avec laquelle nous les faisons.

  A006000409 

 Il en fait tout de mesme à la chair et à toutes ses sensualités et plaisirs, tant licites qu'illicites, par le vœu de chasteté, qui est un tres-grand moyen de s'unir à Dieu tres-particulierement; d'autant que ces plaisirs sensuels allentissent et affoiblissent grandement les forces de l'esprit, dissipent le cœur et l'amour que nous devons à Dieu, et que nous luy donnons entierement par ce moyen, ne nous contentant pas de sortir de la terre de ce monde, mais sortans encore de la terre de nous-mesme, c'est à dire renonçans aux plaisirs terrestres de nostre chair.

  A006000409 

 Mais beaucoup plus parfaitement nous unissons-nous à Dieu par le vœu d'obeissance, d'autant que nous renonçons à toute nostre ame, à toutes ses puissances, ses volontés et toutes ses affections, pour nous sousmettre et assujettir non seulement à la volonté de Dieu, mais à celle de nos Superieurs, laquelle nous devons tousjours regarder comme estant celle de Dieu mesme; et cecy est un tres-grand renoncement, à cause des continuelles productions des petites volontés que fait nostre amour propre.

  A006000409 

 Mais comme chaque Religion a sa fin particuliere, comme aussi les moyens particuliers pour parvenir à ceste [227] fin et union generale, tous ont aussi un moyen general pour y parvenir, qui est par les trois vœux essentiels de la Religion.

  A006000410 

 Or, pour venir en particulier à la fin pour laquelle nostre Congregation de la Visitation a esté erigée, et [228] par icelle comprendre plus aisement quel est l'esprit particulier de la Visitation, j'ay tousjours jugé que c'estoit un esprit d'une profonde humilité envers Dieu et d'une grande douceur envers le prochain; d'autant qu'ayant moins de rigueur pour le corps, il faut qu'il y avt tant plus de douceur de cœur.

  A006000411 

 L'esprit de douceur est tellement l'esprit de la Visitation, que quiconque y voudroit introduire plus d'austerités qu'il n'y a pas maintenant, destruiroit incontinent la Visitation; d'autant que ce seroit faire contre la fin pour laquelle elle a esté dressée, qui est pour y pouvoir recevoir les filles et femmes infirmes, qui n'ont pas des corps assez forts pour entreprendre, ou qui ne sont pas inspirées et attirées de servir et s'unir à Dieu par la voye des austerités que l'on fait és autres Religions.

  A006000411 

 La bien-heureuse Mere sainte Therese dit admirablement bien le mal qu'apportent ces petites entreprises de vouloir faire plus que la Regle n'ordonne et que la Communauté ne fait; et particulierement si c'est la Superieure, le mal en sera plus grand; car tout aussi tost que ses filles s'en appercevront, elles voudront incontinent faire le mesme, et elles ne manqueront pas de raison pour se persuader qu'elles le feront bien, les unes poussées de zele, les autres pour luy complaire, et tout cela servira de tentation à celles qui ne pourront ou ne voudront pas faire de mesme..

  A006000413 

 Voicy un exemple en Jacob, qui est tres-admirable et fort propre pour monstrer comment il se faut accommoder aux foibles, et arrester nostre force pour nous assujettir à aller de pair avec eux, principalement quand nous y avons de l'obligation, comme ont les Religieux à suivre la Communauté en tout ce qui est de la parfaite observance.

  A006000414 

 Et c'est en quoy nos œuvres sont plus agreables à Dieu, d'autant qu'il n'a pas esgard à la multiplicité des choses que nous faisons pour son amour, comme nous avons tantost dit, ains seulement à la ferveur de la charité avec laquelle nous les faisons.

  A006000414 

 Je trouve, si je ne me trompe, que si nous nous determinons à vouloir parfaittement observer nos Regles, nous aurons assez de besogne sans nous charger davantage, d'autant que tout ce qui concerne la perfection de nostre estat y est compris..

  A006000416 

 De mesme nous autres, il ne faut pas que nous tenions pour un bon vent, c'est à dire pour inspiration, tant de petites volontés qui nous viennent, ores de demander à communier, tantost de faire oraison, tantost une autre chose; car nostre amour propre, qui recherche tousjours sa satisfaction, demeurerait entierement content de tout cela, et principalement de ces petites inventions, et ne cesseroit de nous en fournir tousjours de nouvelles.

  A006000416 

 Il ne faut point tenir pour inspiration les choses qui sont hors de la Regle, si ce n'est en [234] cas si extraordinaires, que la perseverance nous fasse cognoistre que c'est la volonté de Dieu, comme il s'est trouvé, pour ce qui est de la Communion, en deux ou trois grandes Saintes, les directeurs desquelles vouloyent qu'elles communiassent tous les jours.

  A006000416 

 Je ne puis assez dire de quelle importance est ce poinct, d'estre ponctuel à la moindre chose qui sert à plus parfaitement observer la Regle, comme aussi de ne vouloir rien entreprendre davantage, sous quelque pretexte que ce soit, parce que c'est le moyen de conserver la Religion en son entier et en sa premiere ferveur; et le contraire de cela est ce qui la destruit et fait décheoir de sa premiere perfection.

  A006000416 

 Je trouve que c'est un tres-grand acte de perfection de se conformer en toutes choses à la Communauté et de ne s'en départir jamais par nostre propre choix; car outre, que c'est un tres-bon moyen pour nous unir avec le prochain, c'est encore cacher à nous-mesmes nostre propre perfection..

  A006000416 

 Mais quant à certaines petites ferveurs que nous avons aucunes fois, qui sont passageres et qui pour l'ordinaire sont des effets de nostre nature, lesquelles nous font desirer la Communion, il ne faut point avoir esgard à cela, non plus que les mariniers n'en ont point à un certain vent qui se leve à la pointe du jour, lequel est produit des vapeurs qui s'eslevent de la terre et n'est pas de durée, ains cesse tout aussi tost que lesdites vapeurs sont un peu surlevées et dissipées; et partant, le patron du navire qui le cognoist, ne crie point au vent et ne desploye point les voiles pour voguer à la faveur d'iceluy.

  A006000416 

 Vous me [233] demandez s'il y auroit plus de perfection à se conformer tellement à la Communauté, que mesme l'on ne demandast point à faire de Communion extraordinaire? Qui en doute, mes cheres filles? si ce n'est en certains cas, comme seroit és festes de nostre Patron ou du Saint auquel nous avons eu devotion toute nostre vie, ou quelque necessité fort pressante.

  A006000417 

 Elle ne veut point faire des choses excellentes et extraordinaires qui la pourroyent faire estimer des creatures; et par ainsi elle se tient fort basse en elle-mesme et n'a pas des grandes satisfactions, car elle ne fait rien de sa propre volonté, ni rien de plus que les autres, et ainsi toute sa sainteté est cachée à ses yeux: Dieu seul la void, qui se delecte en sa simplicité, par laquelle elle ravit son cœur et s'unit à luy.

  A006000417 

 Il y a une certaine simplicité de cœur en laquelle consiste la perfection de toutes les perfections, et c'est ceste simplicité qui fait que nostre ame ne regarde qu'à Dieu, et qu'elle se tient toute ramassée et resserrée en elle-mesme pour s'appliquer avec toute la fidelité qui luy est possible à l'observance de ses Regles, sans s'espancher à desirer ni vouloir entreprendre de faire plus que cela.

  A006000419 

 A cela je vous responds que ce n'est pas une regle generale qu'il faille faire tout ce à quoy on a de la repugnance, non plus que de s'abstenir des choses auxquelles on a de l'inclination; car si une Sœur a de l'inclination à dire l'Office divin, il ne faut pas qu'elle laisse d'y assister sous pretexte de se vouloir mortifier.

  A006000419 

 Au demeurant, le temps des festes qui est laissé en liberté pour faire ce que l'on veut, chacune le peut employer selon sa devotion; mais il est vray pourtant, qu'ayant demeuré trois heures, vcire plus dans le chœur avec la Communauté, il est beaucoup à craindre que le quart d'heure que vous y demeurez davantage ne soit un petit morceau que vous donnerez à vostre amour propre..

  A006000419 

 Mais, dites-vous, c'est par mortification que vous demeurez un peu plus dans le chœur aux jours de feste que les autres, parce que le temps vous y a desja bien [236] duré durant deux ou trois heures de suitte que toutes y ont demeuré.

  A006000420 

 En fin, mes cheres filles, il faut beaucoup aymer nos Regles, puisqu'elles sont les moyens par lesquels nous parvenons à leur fin, qui est de nous conduire facilement à la perfection de la charité, qui est l'union de nos ames avec Dieu et avec le prochain.

  A006000420 

 Et non seulement cela, mais aussi de reunir le prochain avec Dieu, ce que nous faisons par la voye que nous luy presentons, laquelle est toute douce et facile, aucune fille n'estant rejettée faute de force corporelle, pourveu qu'elle ayt volonté de vivre selon l'esprit de la Visitation, qui est, comme j'ay dit, un esprit d'humilité envers Dieu et de douceur de cœur envers le prochain: et c'est cest esprit qui fait nostre union tant avec Dieu qu'avec le prochain.

  A006000420 

 Par la douceur de cœur nous nous unissons avec le prochain par une exacte et ponctuelle conformité de vie, de mœurs et d'exercices, ne faisant ni plus ni moins que ceux avec lesquels nous vivons et que ce qui nous est marqué en la voye en laquelle Dieu nous a mis ensemble, employant et arrestant toutes les forces de nostre ame à les faire avec toute la perfection qui nous sera possible.

  A006000421 

 Elle pouvoit bien dire: La loy n'est pas faite pour mon tres-cher Fils ni pour moy, elle ne nous oblige aucunement; mais puisque le reste des hommes y est obligé et l'observe, nous nous y sousmettons tres-volontiers pour nous conformer à un chacun d'eux, et n'estre singuliers en aucune chose.

  A006000421 

 Il sera fort à propos que je vous propose quelque exemple remarquable pour vous faire comprendre combien est agreable à Dieu de se conformer à la Communauté en toutes choses: escoutez donc ce que je vay vous dire.

  A006000421 

 Mais dites-moy, est-ce la crainte de la prevarication qui rendoit ceste Mere et son Fils si exacts à l'observance de la loy? Non certes, ce n'estoit pas cela, car il n'y avoit point de prevarication pour eux; ains ils estoyent attirés par l'amour qu'ils portoyent à leur Pere eternel..

  A006000422 

 De mesme, veut dire le sacré Espoux, est ma bien-aymée; car tandis qu'elle eschappe de devant l'ombre de la prevarication de mes commandemens, elle ne craint point de tomber entre les mains de la desobeissance.

  A006000422 

 Les uns sont attachés à la loy par des chaisnes de fer et les autres par des chaisnes d'or: je veux dire, les seculiers qui observent les commandemens de Dieu pour la crainte qu'ils ont d'estre damnés, les observent par force et non par amour; mais les Religieux et ceux qui ont soin de la perfection de leur ame y sont attachés par des chaisnes d'or, c'est à dire par amour; ils ayment les commandemens et les observent amoureusement, et pour les mieux observer ils embrassent l'observance des conseils.

  A006000422 

 Voyez-vous comme il veut que l'on soit ponctuel à l'observance d'iceux? Ainsi certes le font tous les vrays amans, car ils n'evitent pas seulement la prevarication de la loy, mais ils evitent aussi l'ombre de la prevarication; et c'est pourquoy l'Espoux dit que son Espouse ressemble à une colombe qui se tient le long des fleuves qui coulent doucement, et dont les eaux sont cristallines.

  A006000423 

 Il faut donc estre extrêmement ponctuelles en l'observance des loix et des regles qui nous sont données par Nostre Seigneur, mais sur tout en ce poinct de suivre en toutes choses la Communauté; et se faut bien garder de dire que nous ne sommes pas tenues d'observer ceste Regle, ou commandement particulier de la Superieure, d'autant qu'il est fait pour les foibles, et que nous sommes fortes et robustes; ni, au contraire, que le commandement est fait pour les fortes, et que nous [240] sommes foibles et infirmes.

  A006000423 

 Le grand Apostre saint Paul dit qu'il s'est fait tout à tous pour les gaigner tous.

  A006000423 

 Qui est infirme, avec lequel je ne le sois? qui est malade, avec lequel je ne sois aussi malade? avec les forts je suis fort.

  A006000423 

 Voyez-vous comme saint Paul quand il est avec les infirmes, il est infirme et prend volontiers les commodités necessaires à leurs infirmités pour leur bailler confiance d'en faire de mesme? Mais quand il se trouve avec les forts, il est comme un geant pour leur donner du courage; et s'il se peut appercevoir que son prochain soit scandalisé de quelque chose qu'il fasse, si bien il luy est licite de la faire, neantmoins il a un tel zele de la paix et tranquillité de son cœur, qu'il s'abstient volontiers de la faire..

  A006000424 

 Mais, me direz-vous, maintenant que c'est l'heure de la recreation, j'ay un tres-grand desir d'aller faire oraison pour m'unir plus immediatement avec la souveraine Bonté.

  A006000424 

 Par exemple, le jeusne du Caresme est commandé pour un chacun; ne vous semble-t'il pas que ceste loy soit injuste, puisque l'on modere ceste injuste justice donnant des dispenses à ceux qui ne la peuvent pas observer? De mesme en est-il és Religions: le commandement est également pour tous, et nul de soy-mesme ne s'en peut dispenser; mais les Superieurs moderent la rigueur selon la necessité d'un chacun..

  A006000428 

 Chacun a des propres opinions; mais cela ne nous empesche pas de parvenir à la perfection, pourveu que nous ne nous y attachions pas ou que nous ne les aymions pas, car c'est seulement l'amour de nos propres opinions qui est infiniment contraire à la perfection; et c'est ce que j'ay tant de fois dit, que l'amour de nostre propre jugement est l'estime que l'on en fait, est la cause qu'il y a si peu de parfaits.

  A006000428 

 La premiere question est si d'estre sujette à sa propre opinion est une chose bien contraire à la perfection.

  A006000428 

 Sur quoy je responds qu'estre sujet à avoir des propres opinions ou n'y estre pas, est une chose qui n'est ni bonne ni mauvaise, d'autant que cela est tout naturel.

  A006000431 

 C'est une chose admirable que Nostre Seigneur ayt permis que plusieurs choses clignes veritablement d'estre escrites, que les saints Apostres ont faites, soyent demeurées cachées sous un profond silence, et que ceste imperfection que le grand saint Paul et saint Barnabe commirent ensemble ayt esté escrite; c'est sans doute une speciale providence de Nostre Seigneur, qui l'a voulu ainsi pour nostre instruction particuliere.

  A006000431 

 Si donc les Superieurs vouloyent changer d'opinion à tous rencontres, ils seroyent estimés legers et imprudens en leur gouvernement; mais aussi, si ceux qui n'ont point de charges vouloyent estre attachés à leurs opinions, les voulant maintenir et faire recevoir, ils seroyent tenus pour opiniastres; car c'est une chose toute asseurée que l'amour de la propre opinion degenere en opiniastreté, s'il n'est fidelement mortifié et retranché: nous en voyons l'exemple mesme entre les Apostres.

  A006000432 

 Il y a certes des grands esprits qui sont fort bons, mais qui sont tellement sujets à leurs opinions et les estiment si bonnes que jamais ils n'en veulent démordre; et il faut bien prendre garde de ne les leur demander à l'impourveüe, car apres il est presque impossible de leur faire cognoistre et confesser qu'ils ont failli, d'autant qu'ils se vont enfonçant si avant en la recherche des raisons propres à soustenir ce qu'ils ont une fois dit estre bon, qu'il n'y a plus de moyen, s'ils ne s'adonnent à une excellente perfection, de les pouvoir faire dédire.

  A006000432 

 Par ainsi, nous voyons que c'est une chose naturelle que d'estre sujet à ses opinions..

  A006000433 

 D'estre donc sujets à faire estime de nostre propre jugement, et pour cela de s'enfoncer à la recherche des raisons propres à soustenir ce que nous avons une fois compris et trouvé bon, est une chose toute naturelle; mais de s'y laisser aller et s'y attacher, seroit une imperfection notable.

  A006000433 

 Dites-moy, n'est-ce pas perdre le temps inutilement, specialement ceux qui n'ont point de charge, de s'amuser à cela?.

  A006000433 

 Quant à nous autres, il ne faut jamais que nous laissions tellement former nos opinions, que nous n'en desprenions volontiers quand il est de besoin, soit que nous soyons obligés ou non de les former.

  A006000434 

 Il est bien vray que nous ne pouvons pas empescher ce premier mouvement de complaisance qui nous vient quand nostre opinion est approuvée et suivie, car cela ne se peut éviter, mais il ne se faut pas amuser à ceste complaisance; il faut benir Dieu, puis passer outre sans se mettre en peine de la complaisance, non plus que d'un petit ressentiment de douleur qui vous viendroit si vostre opinion n'estoit pas suivie ou trouvée bonne.

  A006000434 

 Il est tousjours plus utile de la mespriser sans la vouloir regarder, et la chasser si promptement quand on l'apperçoit, qu'on ne sçache pas ce qu'elle vouloit dire.

  A006000434 

 Il faut quand on est requis, ou par la charité ou par l'obeissance, de proposer nostre advis sur le sujet dont il est question, le faire simplement; mais au demeurant, il se faut rendre indifferent s'il sera receu ou non.

  A006000434 

 Vous vient-il en pensée qu'on a tort de faire faire cela de la sorte, qu'il seroit mieux ainsi que vous l'avez conceu? détournez-vous de ceste pensée, en disant en vous-mesme: Helas! qu'ay-je à faire de telle chose, puisqu'elle ne m'est pas commise? Il est tousjours beaucoup [248] mieux fait de s'en détourner ainsi tout simplement, que non pas rechercher des raisons en nostre esprit pour nous faire croire que nous avons tort; car au lieu de le faire, nostre entendement, qui est preoccupé de son jugement particulier, nous donneroit le change; de sorte qu'au lieu d'aneantir nostre opinion, il nous donneroit des raisons pour la maintenir et faire recognoistre pour bonne.

  A006000435 

 Sans doute que ce seroit là nourrir et maintenir nostre inclination, et par conséquent commettre de l'imperfection; car c'est [249] la vraye marque que l'on ne s'est pas sousmis à l'advis des autres et que l'on prefere tousjours le sien particulier.

  A006000435 

 Vous demanderez peut estre si ce n'est pas nourrir ceste imperfection de rechercher d'en parler par apres avec celles qui ont esté de nostre advis, lors qu'il n'est plus question d'en prendre resolution, estant desja determiné ce qui s'en doit faire.

  A006000436 

 Car l'oraison n'est autre chose qu'une application totale de nostre esprit avec toutes ses facultés en Dieu: or, estant lassé à la poursuite des choses inutiles, il se rend d'autant moins habile et apte à la consideration des mysteres sur lesquels on veut faire l'oraison..

  A006000436 

 Le seul et unique remede de guerir le propre jugement c'est de negliger ce qui nous vient en la pensée, nous appliquant à quelque chose de meilleur; car si nous nous voulons laisser aller à faire attention sur toutes les opinions qu'il nous suggerera és diverses rencontres et occasions, qu'arrivera-t'il sinon une continuelle distraction et empeschement des choses plus utiles et qui sont propres à nostre perfection, nous rendans incapables et invalides pour faire la sainte oraison? Car ayant donné la liberté à nostre esprit de s'amuser à la consideration de telles tricheries, il s'enfoncera tousjours plus avant, et nous produira pensées sur pensées, opinions sur opinions et raisons sur raisons, qui nous importuneront merveilleusement en l'oraison.

  A006000437 

 C'est, comme j'ay dit plusieurs fois, la derniere chose que nous quittons, et toutesfois c'est une des choses la plus necessaire à quitter et renoncer pour l'acquisition de la vraye perfection; car autrement nous n'acquerrons pas la sainte humilité, qui nous empesche et nous defend de faire aucune estime de nous ni de tout ce qui en dépend; et partant, si nous n'avons la pratique de ceste vertu en grande recommandation, nous penserons tousjours estre quelque chose de meilleur que nous ne sommes, et que les autres nous en doivent de reste.

  A006000437 

 Or, c'est assez dit sur ce sujet..

  A006000437 

 Voila donc ce que j'avois à vous dire sur le sujet de la premiere question, par laquelle nous avons esté enseignés que d'avoir des opinions n'est pas une chose [250] contraire à la perfection, mais ouy bien d'avoir l'amour de nos propres opinions et l'estime par consequent.

  A006000438 

 Ce que pour mieux entendre, il faut que je vous ressouvienne de ce que vous sçavez tres-bien, que nous avons deux amours en nous, l'amour affectif et l'amour effectif; et cela est tant en l'amour que nous avons pour Dieu qu'en celuy que nous avons pour le prochain et pour nous-mesmes encore; mais nous ne parlerons que de celuy du prochain, et puis nous retournerons à nous-mesmes..

  A006000438 

 Si vous ne me demandez rien davantage, nous passerons à la seconde question, qui est si la tendreté que nous avons sur nous-mesmes nous empesche beaucoup au chemin de la perfection.

  A006000439 

 Cestuy-cy donc est aymé de l'amour effectif, et l'autre petit, de l'amour affectif; l'un et l'autre sont aymés, mais differemment..

  A006000439 

 Les theologiens ont accoustumé pour faire bien comprendre la difference de ces deux amours, de se servir [251] de la comparaison d'un pere lequel a deux fils, dont l'un est un petit mignon encor tout enfant, de bonne grace, et l'autre est un homme fait, brave et genereux soldat, ou bien a quelque autre condition telle que l'on voudra.

  A006000439 

 Regardez, je vous prie, qu'est-ce qu'il ne permet pas à ce petit poupon de faire autour de luy: il le dorlotte, il le baise, il le tient sur ses genoux et entre ses bras avec une suavité nompareille, tant pour l'enfant que pour luy.

  A006000440 

 Et apres cela, ne pouvoir souffrir que l'on nous estime tendres, n'est-ce pas l'estre grandement?.

  A006000440 

 L'amour effectif est celuy qui gouverne les grands, ambitieux d'honneurs et de richesses, car ils se procurent tant de biens qu'ils peuvent et ne se rassasient jamais d'en acquerir: ceux-là s'ayment grandement de cest amour effectif.

  A006000440 

 L'amour que nous avons pour nous-mesmes est de ceste sorte, affectif et effectif.

  A006000440 

 Mais il y en a d'autres qui s'ayment plus de l'amour affectif, et ce sont ceux qui sont fort tendres d'eux-mesmes, et qui [252] ne font jamais que se plaindre, dorloter, mignarder et conserver, et lesquels craignent tant tout ce qui leur peut nuire que c'est grande pitié.

  A006000440 

 S'ils sont malades, quand ils n'auroyent mal qu'au bout du doigt, il n'y a rien de plus mal qu'ils sont, disent-ils; ils sont si miserables! Nul mal, pour grand qu'il soit, n'est jamais comparable à celuy qu'ils souffrent, et on ne peut trouver assez de medecins pour les guerir; ils ne cessent de se medeciner, et en pensant conserver leur santé, ils la perdent et ruinent tout à fait; si les autres sont malades, ce n'est rien.

  A006000441 

 Or, quand je fus là, le differend me fut remis pour ceste pauvre bonne fille, qui est de bonne maison; elle fut amenée devant moy, où estant, elle se mit à genoux: Il est vray, Monsieur, dit-elle, que j'ay une telle imperfection, qui est certes assez honteuse (la nommant tout haut avec une simplicité grande).

  A006000442 

 Et pourquoy, s'il est vray, ne voulez-vous pas qu'elle le pense? Mais quand je luy dis mon besoin, elle me fait un visage si froid qu'il semble qu'elle ne l'agrée pas.

  A006000442 

 Il se peut bien faire, ma chere fille, que la Superieure ayant assez d'autres choses en l'esprit, n'a pas tousjours attention à rire ou parler fort gracieusement quand vous luy dites vostre mal; et c'est ce qui vous fasche, et vous oste, dites-vous, la confiance de luy aller dire vos incommodités.

  A006000443 

 Ce n'est donc à autre dessein ni intention, bien que l'on n'y pense pas expressément, sinon à fin d'estre un peu plainte par ceste Sœur, et cela fait grand bien à l'amour propre.

  A006000443 

 Il ne faut pas estre aussi si tendres, que de vouloir tousjours dire toutes les incommodités que nous avons, quand elles ne sont pas d'importance: un petit mal de teste ou un petit mal de dens, qui sera peut estre bien tost passé, si vous le voulez porter pour l'amour de Dieu, il n'est pas besoin de l'aller dire pour vous faire un peu plaindre.

  A006000443 

 Or, si c'est par rencontre que vous le dites, les Sœurs vous demandant peut estre comment vous vous portez à ceste heure là, il n'y a point de mal, pourveu que vous le disiez tout simplement, sans l'agrandir ou vous lamenter; mais hors de là, il ne faut le dire qu'à la Superieure ou à la Maistresse.

  A006000444 

 Je croy bien que vous prenez plus de plaisir et de confiance de dire vostre mal à celle qui n'est point chargée de vous faire prendre du soulagement qu'à celle qui a ce soin et ce pouvoir; car tandis que vous faites ainsi, chacun plaint ma Sœur telle, et se met-on en besogne pour pourvoir de remedes, au lieu que si vous le disiez à la Sœur qui a charge de vous, il faudroit entrer en sujetion de faire ce qu'elle ordonneroit: et cependant, c'est ceste benite sujetion que nous evitons tousjours de tout nostre cœur, l'amour propre recherchant d'estre gouvernante de nous-mesme et maistresse de nostre propre volonté.

  A006000444 

 Marcher simplement, c'est la vraye voye des Filles de la Visitation, qui est grandement agreable à Dieu et tres-asseurée..

  A006000446 

 Ceste tendreté est beaucoup plus insupportable és choses de l'esprit que non pas és corporelles; et si, elle est par malheur plus pratiquée et nourrie par les personnes spirituelles, lesquelles voudroyent estre saintes du premier coup, sans vouloir neantmoins qu'il leur couste rien, non pas mesme les souffrances des combats que leur cause la partie inferieure, par les ressentimens qu'elle a és choses contraires à la nature; et cependant, veuillons ou non, il faudra que nous ayons le courage de souffrir, et par consequent de resister à ces efforts tout le temps de nostre vie en plusieurs rencontres, si nous ne voulons faire banqueroute à la perfection que nous avons entreprise.

  A006000446 

 Je desire grandement [257] que l'on distingue tousjours les effets de la partie superieure de nostre ame d'avec les effets de la partie inferieure, et que nous ne nous estonnions jamais des productions de l'inferieure, pour mauvaises qu'elles puissent estre; car cela n'est nullement capable de nous arrester en chemin, pourveu que nous nous tenions fermes en la partie superieure, pour aller tousjours avant au chemin de la perfection, sans nous amuser et perdre le temps à nous plaindre que nous sommes imparfaits et dignes de compassion, comme si on ne devoit faire autre chose que de plaindre nostre misere et infortune d'estre si tardifs à venir à chef de nostre entreprise..

  A006000448 

 Il faut dire cela ainsi, [258] tout simplement: J'ay plusieurs choses en l'esprit, mais je ne sçay que c'est.

  A006000448 

 Or, que vous doit-il soucier qu'elle le pense ou qu'elle ne le pense pas? pourveu que vous fassiez vostre devoir, dequoy vous mettez-vous en peine? Ce que dira-t'on si je fais cecy ou cela? ou qu'est-ce que la Superieure pensera? est grandement contraire à la perfection quand on s'y arreste; car il faut tousjours se souvenir en tout ce que je dis, que je n'entens point parler de ce que fait la partie inferieure, car je n'en fais nul estat; c'est donc à la partie superieure que je dis qu'il faut mespriser ces que dira-t'on ou que pensera-t'on?.

  A006000448 

 Vous demandez en apres, si la Superieure vous voyant plus triste que d'ordinaire, vous demande que vous avez, et vous voyant prou de choses en l'esprit qui vous faschent, vous ne pouvez pourtant dire ce que c'est, comment il faut que vous fassiez.

  A006000449 

 C'en est de mesme des redditions de compte comme de la confession; il faut avoir une égale simplicité en l'un comme en l'autre.

  A006000449 

 Et comme apres la confession il n'est pas temps de s'examiner pour voir si on a bien dit tout ce que l'on a fait, ains c'est le temps de se tenir attentif aupres de Nostre Seigneur en tranquillité, avec lequel nous nous sommes reconciliés, et luy rendre graces de ses bien-faits, n'estant nullement necessaire de faire la recherche de ce que nous pourrions avoir oublié, de mesme en est-il apres avoir rendu compte: il faut dire tout simplement ce qui nous vient; apres, il n'y faut plus penser.

  A006000450 

 Or, si ce n'est que cela, si vous avez bien le courage et la volonté, ainsi que vous dites, de la souffrir sans rechercher du soulagement, je vous dis que vous ferez tres-bien de le faire, quoy qu'elle vous apportast un peu d'inquietude, pourveu qu'elle ne fust pas trop grande; mais si elle vous ostoit le moyen de vous tenir proche de Dieu, à ceste heure-là il la faudroit aller dire à la Superieure, non pas pour vous soulager, mais pour gagner chemin en la presence de Dieu, bien qu'il n'y auroit pas grand mal de le faire pour vous soulager..

  A006000451 

 Au reste, il ne faut pas que nos Sœurs soyent tellement attachées aux caresses de la Superieure, que dés qu'elle [260] ne leur parle pas à leur gré elles tirent viste consequence que c'est qu'elles ne sont pas aymées.

  A006000451 

 L'on ne dit point: Helas! j'ay offencé Dieu, il faut recourir à sa bonté et esperer qu'il me fortifiera; on dit: O je sçay bien que Dieu est bon; il n'aura pas égard à mon infidelité, il recognoist trop bien nostre infirmité; mais nostre Mere... Nous revenons tousjours là pour continuer nos plaintes..

  A006000451 

 Mes cheres Sœurs, tout ce marrissement se fait par le commandement d'un certain pere spirituel qui s'appelle l'amour propre, qui commence à dire: Comment, avoir ainsi failli! qu'est-ce que dira ou pensera nostre Mere de moy? ô il ne faut rien esperer de bon de moy! je suis une pauvre miserable, je ne pourray jamais rien faire qui puisse contenter nostre Mere; et semblables belles doleances.

  A006000451 

 O non, nos Sœurs ayment trop l'humilité et la mortification pour estre doresnavant melancoliques sur un leger soupçon, qui est peut estre sans fondement, qu'elles ne sont pas tant aymées comme leur amour propre leur fait desirer d'estre.

  A006000452 

 Humiliez-vous soudain devant Dieu en recognoissant vostre fragilité et foiblesse, et puis reparez vostre faute, si elle le merite, par un acte d'humilité à l'endroit de la personne que vous avez peu fascher; et cela fait, ne vous troublez jamais, car nostre pere spirituel qui est l'amour de Dieu, nous le defend, en nous enseignant qu'apres que nous avons fait, l'acte d'humilité, ainsi que je dis, nous rentrions en nous-mesmes pour caresser tendrement et cherement ceste abjection bien-heureuse qui nous revient d'avoir failli, et ceste bien-aymée reprehension que la Superieure nous fera..

  A006000452 

 Mais aussi il dit par apres: Ne servez point vos maistres à l'œil, voulant dire qu'ils se gardent bien de rien faire de plus estant à la veuë des maistres, qu'ils feroyent estant absens, parce que l'œil de Dieu les void tousjours, auquel on doit avoir un grand respect pour ne rien faire qui luy puisse déplaire; et en ce faisant ne nous mettre pas en grande peine ni souci de vouloir tousjours contenter les hommes, car il n'est pas en nostre pouvoir.

  A006000453 

 Nous avons deux amours, deux jugemens et deux volontés; et partant il ne faut faire nul estat de tout ce que l'amour propre, le jugement particulier ou la propre volonté nous suggerent, pourveu que nous fassions regner l'amour de Dieu au dessus de l'amour propre, le jugement des Superieurs, voire des inferieurs et egaux, au dessus du nostre, le reduisant au petit pied; ne se contentant pas de faire assujettir nostre volonté, en faisant tout ce que l'on veut de nous, mais assujettissant le jugement à croire que nous n'aurions nulle raison [262] de ne pas estimer que cela soit justement et raisonnablement fait, dementant ainsi absolument les raisons qu'il voudroit apporter, pour nous faire accroire que la chose qui nous est commandée seroit mieux faite autrement qu'ainsi que l'on nous dit.

  A006000454 

 Aydez-les donc bien en leur entreprise: mortifiez-les bien et hardiment sans les espargner, car c'est ce qu'elles demandent.

  A006000454 

 C'est la marque d'un cœur tendre et d'une devotion molle, de se laisser aller à tous les petits rencontres de contradiction: n'ayez pas peur que ces niaiseries d'humeur melancolique et despiteuse soyent jamais parmi nous; nous avons trop bon courage, graces à Dieu; nous nous appliquerons tant à faire desormais, qu'il y aura grand plaisir de nous voir.

  A006000454 

 Elles ne seront plus attachées aux caresses, puisque cela est contraire à la generosité de leur devotion, laquelle fera desormais qu'elles s'attacheront si absolument au desir de plaire à Dieu qu'elles ne regarderont plus autre chose, si elle n'est propre pour les avancer en l'accomplissement de ce desir.

  A006000458 

 Il faut sçavoir que la determination de suivre la volonté de Dieu en toutes choses sans exception est contenue dans l'Oraison dominicale, en ces paroles que nous disons tous les jours: Vostre volonté soit faite en la terre comme au Ciel.

  A006000458 

 Il n'y a aucune resistance à la volonté de Dieu au Ciel, tout luy est sujet et obeissant; ainsi disons-nous qu'il nous puisse arriver et ainsi demandons-nous à Nostre Seigneur de faire, n'y apportant jamais aucune resistance, mais demeurans tous jours tres-sujets et obeissans en toutes occurrences à ceste divine volonté.

  A006000459 

 Aux commandemens de Dieu et de l'Eglise il faut necessairement que chacun obeisse, parce que c'est la volonté de Dieu absolue, qui veut qu'en cela nous obeissions si nous voulons estre sauvés.

  A006000459 

 C'est un conseil de quitter tout pour suivre Nostre Seigneur desnué de toutes choses; c'est un conseil de prester et de donner l'aumosne: dites-moy, celuy qui a quitté tout d'un coup ce qu'il avoit, dequoy peut-il faire l'aumosne puisqu'il n'a rien? Il faut doncques suivre les conseils que Dieu veut, que nous suivions, et ne pas croire qu il les ayt tous donnés à fin que nous les [265] embrassions tous.

  A006000459 

 La volonté signifiée est distinguée en quatre parties, qui sont les commandemens de Dieu et de l'Eglise, les conseils, les inspirations, les Regles et Constitutions.

  A006000459 

 Ses conseils, il veut bien que nous les observions, mais non pas d'une volonté absolue, ains seulement par maniere de desir; c'est pourquoy nous ne perdons pas la charité et ne nous separons pas de Dieu pour n'avoir pas le courage d'entreprendre l'obeissance des conseils.

  A006000460 

 Il ne veut pas aussi que nous attendions que luy-mesme nous manifeste ses volontés ou qu'il nous envoye des Anges pour les nous enseigner; mais sa volonté est que nous recourions, és choses douteuses et d'importance, à ceux qu'il a establis sur nous pour nous conduire, et que nous demeurions totalement sousmis à leur conseil et à leur opinion en ce qui regarde la perfection de nos ames.

  A006000460 

 Nous avons dit de plus que Dieu nous signifie sa volonté par ses inspirations; il est vray, mais pourtant il ne veut pas que nous discernions de nous-mesmes si ce qui nous est inspiré est sa volonté, ni moins qu'à tort et à travers nous suivions ses inspirations.

  A006000461 

 Ce que pour vous mieux faire entendre, il faut que je vous die ce que j'ay leu ces jours passés dans la Vie du grand saint Anselme, où il est dit que durant tout le temps qu'il fut Prieur et Abbé de son Monastere, il fut extremement aymé d'un chacun, parce qu'il estoit fort [266] condescendant, se laissant plier à la volonté de tous, non seulement des Religieux, mais aussi des estrangers.

  A006000461 

 Et à ceste volonté de Dieu, nous devons tousjours estre prests de nous sousmettre en toutes occurrences, és choses desagreables comme és agreables, en la mort comme en la vie, en fin en tout ce qui n'est point manifestement contre la volonté de Dieu signifiée, car celle-cy va devant; et c'est en cecy que nous respondons à la seconde partie de la demande.

  A006000462 

 De plus, j'ay une autre consideration, qui est, qu'apres ce qui est de la volonté de Dieu qu'il a signifiée, je ne puis mieux cognoistre la volonté de son bon plaisir, ni plus asseurement, que par la voix de mon prochain; car Dieu ne me parle point, moins m'envoye-t'il des Anges pour me declarer ce qui est de son bon plaisir.

  A006000462 

 Dieu me commande la charité envers le prochain; c'est une grande charité de se conserver en union les uns avec les autres, et pour cela je ne trouve point de meilleur moyen que d'estre doux et condescendant.

  A006000462 

 Mais ma principale consideration est de croire que Dieu me manifeste ses volontés par celles de mes Freres, et partant j'obeis à Dieu toutes et quantes fois que je leur condescens en quelque chose.

  A006000463 

 Voyez-vous, mes cheres Sœurs, le grand saint Anselme se sousmet à tout ce qui n'est point contre les commandemens de Dieu ou de la sainte Eglise ou contre les Regles; car ceste obeissance marche tous-jours devant.

  A006000464 

 O que c'est un grand bien, mes Sœurs, d'estre ainsi pliables et faciles à estre tournés à toute main!.

  A006000464 

 Saint Pachome faisant un jour des nattes, il y eut un enfant lequel regardant ce que faisoit le Saint, luy dit: O mon Pere, vous ne faites pas bien; ce n'est pas ainsi qu'il faut faire.

  A006000465 

 Mais comment par parole? Le conseil de l'abnegation de soy-mesme, qu'est-ce autre chose sinon renoncer en toute occasion à sa propre volonté et à son jugement particulier, pour suivre la volonté d'autruy et se sousmettre à tous, excepté tousjours ce en quoy l'on offenceroit Dieu? Mais, pourriez-vous dire, je vois clairement que ce que l'on veut que je fasse procede d'une volonté humaine et d'une inclination naturelle; et partant, Dieu n'a pas inspiré ma Mere ou ma Sœur de me faire faire une telle chose.

  A006000466 

 Car pourquoy feray-je plustost la volonté de ma Sœur que la mienne? la mienne n'est-elle pas aussi conforme à celle de Dieu en ceste legere occurrence que la sienne? Pour quelle raison dois-je croire que ce qu'elle me dit que je fasse soit plustost une inspiration de Dieu que la volonté qui m'est venue de faire une autre chose?.

  A006000466 

 Ce n'est pas aussi de ceste sorte de volonté que l'on demande s'il s'y faut sousmettre, car on n'en doute nullement; mais de celles qui sont hors de propos et desquelles nous ne cognoissons pas la raison pourquoy l'on veut cela de nous, c'est où il va du bon.

  A006000466 

 Par maniere de complaisance, il n'est pas besoin d'exhortation pour les nous faire suivre; car tres-volontiers nous obeissons aux choses agreables, ains nous allons au devant de ces volontés-là pour leur offrir nos sousmissions.

  A006000467 

 O Dieu! mes cheres Sœurs, c'est icy où la divine Majesté nous veut faire gaigner le prix de la sousmission; car si nous voyions bien tousjours que l'on a raison de nous commander ou de nous prier de faire une telle chose, nous n'aurions pas grand merite en la faisant, ni grande repugnance, parce que sans doute toute nostre ame aquiesceroit volontiers à cela; mais quand les raisons nous sont cachées, c'est lors que nostre volonté repugne, que nostre jugement regimbe, et ressentons la contradiction.

  A006000467 

 Or, c'est en ces occasions qu'il se faut surmonter, et avec une simplicité toute enfantine se mettre en besogne sans discours ni raison, et dire: Je sçay bien que la volonté de Dieu est que je fasse plustost la [271] volonté de mon prochain que la mienne, et partant je me mets à la pratique, sans regarder si c'est la volonté de Dieu que je me sousmette à faire ce qui procede de passion et inclination, ou bien vrayement par une inspiration ou mouvement de la raison; car pour toutes ces petites choses il faut marcher en simplicité.

  A006000467 

 Quelle apparence, je vous prie, y auroit-il de faire une heure de meditation pour cognoistre si c'est la volonté de Dieu que je boive quand l'on m'en prie, ou que je m'en abstienne par penitence ou sobrieté, et semblables petites choses lesquelles ne sont dignes de consideration, et principalement si je voy que je contenteray tant soit peu le prochain en les faisant?.

  A006000468 

 C'est pourquoy, encore que nous cognussions qu'ils eussent des inclinations naturelles, voire mesme des passions, par les mouvemens desquelles ils commanderoyent quelquefois ou reprendroyent les defauts de leurs inferieurs, il ne s'en faudroit nullement estonner, car ils sont hommes comme les autres, et par consequent sujets à avoir des inclinations et des passions; mais il ne nous est pas permis de faire jugement que ce qu'ils nous commandent [272] parte de leur passion et inclination, et c'est chose qu'il se faut garder de faire.

  A006000469 

 C'est voirement une chose bien dure à l'amour propre que d'estre sujet à toutes ces rencontres, Il est vray; mais ce n'est pas aussi cest amour là que nous devons contenter ni escouter, ains seulement le tres-saint amour de nos ames, Jesus, qui demande de ses cheres espouses une sainte imitation de la parfaite obeissance qu'il rendit, non seulement à la tres-juste et bonne volonté de son Pere, mais aussi à celle de ses parens, et qui plus est, de ses ennemis lesquels sans doute suivirent leurs passions aux travaux qu'ils luy imposerent; et cependant le bon Jesus ne laisse de s'y sousmettre doucement, humblement, amoureusement.

  A006000470 

 En fin l'obeissance est le sel qui donne goust et saveur à toutes nos actions et les rend meritoires de la vie eternelle..

  A006000470 

 Il ne s'en faut pas estonner, puisque l'Espoux dit au Cantique des Cantiques que le lieu où il se repose est au midy.

  A006000470 

 Je m'en vay vous donner encor un exemple admirable pour vous faire comprendre la valeur de ces petites croix, c'est à dire de l'obeissance, condescendance et souplesse à suivre la volonté d'un chacun, mais specialement des Superieurs.

  A006000470 

 Sainte Gertrude fut faite Religieuse en un monastere où il y avoit une Superieure laquelle recognoissoit fort bien que la bien-heureuse Sainte estoit d'une complexion foible et delicate; c'est pourquoy elle la faisoit traitter plus delicatement que les autres Religieuses, ne luy laissant pas faire les austerités que l'on avoit de coustume de faire en ceste Religion.

  A006000471 

 Et non seulement cela, mais encores il les faut regarder comme lieutenans de Dieu en terre; et partant, encor qu'il leur arrivast quelquesfois de se monstrer hommes, commettant quelques imperfections, comme demandant quelque chose curieuse qui ne seroit pas de la confession, comme seroit vos noms, si vous faites des penitences, pratiquez des vertus et quelles elles sont, si vous avez quelques tentations et choses semblables, je voudrois respondre selon qu'ils [274] le demandent, bien qu'on n'y soit pas obligé; car il ne faut pas leur dire qu'il ne vous est pas permis de leur dire autre chose que ce dont vous vous estes accusées.

  A006000471 

 O non, jamais il ne faut user de ceste défaitte, car cela n'est pas vray; vous pouvez dire tout ce que voudrez en confession, pourveu que vous ne parliez que de ce qui regarde vostre particulier, et non pas ce qui concerne, le general de vos Sœurs.

  A006000472 

 Il faut eviter les extremités; car, comme il n'est pas bon de supporter des notables defauts en la confession, aussi ne faut-il pas estre si delicates qu'on n'en puisse supporter quelques petits..

  A006000473 

 Je veux dire que celles qui n'auront rien remarqué qui fust digne de l'absolution, dissent quelque peché particulier; car de dire qu'on s'accuse d'avoir eu plusieurs mouvemens de colere, de tristesse et ainsi des autres, cela n'est pas à propos; car la colere et la tristesse sont des passions, et leurs [276] mouvemens ne sont pas pechés, d'autant qu'il n'est pas en nostre pouvoir de les empescher.

  A006000474 

 Dites seulement le mal que vous avez fait, et non pas la cause et ce qui vous y a poussée; et jamais, ni directement ni indirectement, ne descouvrez le mal des autres en accusant le vostre, et ne donnez jamais sujet au confesseur de soupçonner qui c'est qui a contribué à vostre peché.

  A006000474 

 Je voudrois bien, de plus, que l'on eust un grand soin d'estre bien veritables, simples et charitables en la confession (veritable et simple est une mesme chose): dire bien clairement ses fautes, sans fard, sans artifice, faisant attention que c'est à Dieu que nous parlons, auquel rien ne peut estre celé; fort charitables, ne meslant aucunement le prochain en vostre confession.

  A006000475 

 De mesme faut-il faire de la parole de Dieu: ne point regarder qui est-ce qui la nous apporte ou qui est-ce qui la nous declare; il nous doit suffire que Dieu se sert de ce predicateur pour la nous enseigner.

  A006000475 

 Et puisque nous voyons que Dieu l'honnore tant que de parler par sa bouche, comment est-ce que nous autres pourrions manquer d'honnorer et de respecter sa personne?.

  A006000475 

 Il les faut regarder comme tels, et non pas comme des simples hommes; car, quoy qu'ils ne parlent pas si bien que les hommes celestes, il ne faut pourtant rien rabattre de l'humilité et reverence avec laquelle nous devons recevoir la parole de Dieu, qui est tousjours la mesme, aussi pure, aussi sainte que si elle estoit dite et proferée par les Anges.

  A006000475 

 Pourquoy cela, sinon parce qu'elle ne fait pas attention ni sur le papier qui n'est pas si bon, ni sur le caractere qui est mauvais, ains seulement sur moy qui luy escris.

  A006000479 

 Aussi feroit-on un tres-grand mal d'aller dire à un confesseur: J'ay bien encore quelque faute, mais ma Superieure m'a defendu de m'en confesser; car outre que cela n'est nullement vray, vous obligez le confesseur à vous faire dire ceste faute, à laquelle peut estre, ne cognoissant [279] ni le fond ni l'estat de vostre ame, ni la rondeur de vostre maniere de vie, il y croira trouver du peché, et se mettra à blasmer la Superieure d'imprudence, d'ignorance et d'un mauvais gouvernement, murmurant contre vostre Institut, lequel en verité vous donne autant ou plus de liberté pour la conscience qu'en puissent avoir aucunes Religieuses.

  A006000479 

 Et premierement je vous dis que c'est une liberté toute sainte et de la sacrée enfance spirituelle enseignée en l'Evangile, que celle que vous avez d'aller demander en simplicité de cœur à la Superieure, ou Directrice quant aux Novices, en quelle façon vous vous confesserez de certaines choses où quelquefois vous vous trouvez embrouillées.

  A006000480 

 Mais les fantasies de l'esprit humain sont estranges, pour peu que l'on les escoute! Je vous ay dit maintesfois, mes tres-cheres filles, que c'est la voye du Ciel que la simplicité, que les Superieures sont les lieutenantes de Dieu; celles qui vont à cœur ouvert, franchement et confidemment avec elles, ont trouvé le grand secret pour maintenir la tranquillité et la paix de l'esprit, et elles n'en trouveront gueres ailleurs.

  A006000481 

 Il est vray, mes tres-cheres filles, qu'il se trouve des confesseurs fort doctes, qui ont confessé long temps et tres-dignement les seculiers, lesquels toutesfois n'entendront pas les Filles de la Visitation ni les personnes qui font profession d'une grande spiritualité, parce que les fautes sont si minces, et d'une certaine couleur assez difficile à discerner, qu'ils prendront des petites aversions pour des grosses malveillances, des petits destours d'amour propre pour des grands mensonges, des petites inclinations pour des attaches fort mauvaises.

  A006000481 

 Les Sœurs qui s'apperçoivent par la correction que le confesseur leur fait qu'il ne les entend pas, feront bien de luy dire avec humilité: Mon Pere, je n'ay pas sceu me faire entendre; ce n'est pas ce que vostre Reverence comprend que je veux dire, c'est en telle et telle façon qu'il se doit entendre.

  A006000483 

 L'on peut commettre en confession quatre grands manquemens: le premier, quand l'on y va plustost pour [281] se descharger que pour plaire à Dieu; l'on est si satisfait quand on a bien dit ses raisons, meslant le defaut des autres pour nous mieux faire entendre! Et c'est par ceste voye que les pechés se commettent bien souvent en confession.

  A006000483 

 Le deuxiesme, c'est quand on va dire au confesseur de beaux discours ageancés de belles paroles, raconter une grande histoire pour se faire estimer et croire que l'on est bien esclairé, faisant semblant d'exagerer les fautes; et par ce moyen, d'une bien grosse, l'on fait tant qu'elle est bien petite et qui ne donne pas cognoissance au confesseur de l'estat de l'ame.

  A006000483 

 Le quatriesme est qu'il y en a qui se satisfont à exagerer leur faute, en faisant une grande d'une petite: tout cela est tres-mal.

  A006000483 

 Le troisiesme manquement est que l'on y va avec tant de finesse et couverture, qu'au lieu de s'accuser l'on s'excuse par une grande recherche de soy-mesme, craignant que l'on ne voye la totalité du defaut; cela est tres-dangereux, qui le feroit volontairement.

  A006000484 

 Si l'obeissance où vous avez manqué est d'importance, dites quelle elle est tout simplement, et faites de mesme pour les autres manquemens.

  A006000485 

 Mais il faut considerer le mouvement et les circonstances qui interviennent en nos fautes, et s'en accuser franchement, car la Regle ni les Constitutions n'obligent point à peché: ce n'est donc point, elles qui causent le peché, mais les mouvemens de nostre volonté.

  A006000485 

 Mais qui ne void que ce n'est ni les Regles ni les Constitutions qui font le peché, ains le mouvement de paresse par lequel vous desobeissez? Dites donc franchement vos mouvemens et vos fautes, particularisant quelles elles sont, quand elles sont un peu grosses et tirent consequence..

  A006000485 

 Par exemple, la cloche vous appelle à quelques exercices, et par paresse ou autre mauvais sujet vous n'y allez [282] pas: cela est un peché veniel.

  A006000486 

 La difference qu'il y a entre le peché veniel et l'imperfection, c'est que l'imperfection est une surprise et inadvertance, et au peché, nostre volonté y concourt..

  A006000487 

 Quant à l'acte de contrition, il faut avoir un vray regret du mal passé et une bonne resolution de ne le plus commettre; et à cest effect, le Confiteor, qui est la confession generale des Chrestiens, se doit dire bien devotement devant Dieu.

  A006000487 

 Si l'amendement ne suit pas tousjours, ne laissons pas de tousjours travailler à cela; c'est nostre vraye besogne..

  A006000488 

 Elle s'estonna fort que je luy dis ne trouver pas peché veniel, et me remercia grandement de luy avoir donné ceste lumiere, m'asseurant qu'elle n'avoit jamais pensé à ceste distinction; par où vous voyez que cela est difficile, puisque ceste ame si sainte et si esclairée estoit neantmoins dans ceste ignorance..

  A006000488 

 En voicy un exemple: je viens vous dire qu'une telle personne vous salue, se recommande à vous, m'a parlé de vous avec estime, et de tout cela il n'en est rien: voilà un peché veniel tres-volontaire; mais je raconte quelque chose, et dans mon discours il se glisse quelques paroles qui ne sont pas du tout veritables, dont je ne m'apperçois qu'apres les avoir dites: voila une imperfection dont je ne suis pas obligé de me confesser, sinon que je n'eusse rien autre.

  A006000488 

 L'on demande si en l'examen il est bon de discerner [283] le peché veniel d'avec les imperfections.

  A006000490 

 Ce qui fait que la benediction [284] des Evesques efface les pechés veniels, c'est à cause de l'humilité et acte de sousmission que font ceux qui la demandent.

  A006000490 

 Certes, cela est louable, mais la confiance filiale plaist beaucoup à Dieu.

  A006000490 

 Si neantmoins le scrupule est grand et la faute grosse, la Superieure trouvant bon que vous vous retiriez de la Communion, faites-le doucement, par reverence envers la grandeur et pureté de Dieu.

  A006000493 

 Mais icy entre nous autres, mes cheres filles, nous sçavons bien que cela est impossible; c'est pourquoy nous ne craignons point de nous scandaliser en disant franchement nos petites infirmités.

  A006000494 

 La premiere demande est: Qu'est-ce qu'aversion? Les aversions sont certaines inclinations qui sont aucunefois naturelles, lesquelles font que nous avons un certain petit contre-cœur à l'abord de ceux envers qui nous les avons, qui empesche que nous n'aymons pas leur conversation, s'entend que nous n'y prenons pas du plaisir, comme nous ferions en celle de ceux envers lesquels nous avons une inclination douce, qui nous les fait aymer d'un amour sensible, parce qu'il y a une certaine alliance et correspondance entre nostre esprit et le leur..

  A006000495 

 Faites en l'experience en un petit agnelet qui ne fait que naistre: monstrez-luy la peau d'un loup; quoy qu'il soit mort, il se mettra à fuir, il beelera, il se cachera sous les flancs de sa mere; mais monstrez-luy un cheval, qui est bien une plus grosse beste, il ne s'en espouvantera nullement, ains il se jouera avec luy.

  A006000495 

 Il faut donc confesser que ceste inclination d'aymer les uns plus que les autres est naturelle; et l'on le void mesmes aux bestes, lesquelles n'ayant point de raison, ont toutesfois de l'aversion et de l'inclination naturellement.

  A006000495 

 La raison de cela n'est autre, sinon que le naturel luy donne de l'alliance avec l'un et de l'aversion à l'autre..

  A006000495 

 Or, pour monstrer que cecy est naturel, d'aymer les [288] uns par inclination et non pas les autres, ne void-on pas que si deux hommes entrent dans un tripot où deux autres jouent à la paume, d'abord ceux qui entrent auront de l'inclination que l'un gaigne plustost que l'autre? Et d'où vient cela, puisqu'ils ne les ont jamais veus ni l'un ni l'autre, ni n'en avoyent jamais ouy parler, ne sçachant point si l'un est plus vertueux que l'autre? c'est pourquoy ils n'ont point de raison d'en affectionner plus l'un que l'autre.

  A006000497 

 L'unique remede à ce mal, comme à toute autre sorte de tentation, c'est une simple diversion; je veux dire, n'y point penser.

  A006000497 

 Mais le malheur est que nous voulons trop bien cognoistre si nous avons raison ou non d'avoir aversion à quelque personne.

  A006000497 

 O jamais il ne faut s'amuser à ceste recherche; car nostre amour propre, qui ne dort jamais, nous dorera si bien la pillule qu'il nous fera accroire qu'elle est bonne; je veux dire qu'il nous fera voir qu'il est vray que nous avons certaines raisons lesquelles nous sembleront bonnes, et puis, celles-là estans approuvées de nostre propre jugement et de l'amour propre, il n'y aura plus de moyen de nous empescher de les trouver justes et raisonnables.

  A006000498 

 O certes, il faut bien prendre garde à cecy; je m'estens un peu à en parler parce qu'il est d'importance.

  A006000498 

 Or, quand nous ne faisons autre chose en faveur de nos aversions que de parler un peu moins agreablement que nous ne ferions à une personne pour laquelle nous aurions de grands sentimens d'affection, ce n'est pas grande chose; ains il n'est presque pas en nostre pouvoir de faire autrement, quand nous sommes en l'émotion de ceste passion; l'on auroit tort de requerir cela de nous..

  A006000499 

 De vouloir lire pour contenter la curiosité, est une marque que nous avons encore un peu l'esprit leger, et qu'il ne s'amuse pas assez à faire le bien qu'il a apprins en ces petits livres de la pratique des vertus; car ils parlent fort bien de l'humilité et de la mortification, que l'on ne pratique pourtant pas lors que l'on ne les accepte pas de bon cœur..

  A006000499 

 La seconde demande est: Comment on se doit comporter en la reception des livres que l'on nous donne à lire? La Superieure donnera à une des Sœurs un livre qui traitte fort bien des vertus; mais parce qu'elle ne l'ayme pas, elle ne fera point de profit de sa lecture, ains elle le lira avec une negligence d'esprit; et la raison est, qu'elle sçait desja sur le doigt ce qui est comprins dans [291] ce livre, et qu elle auroit plus de desir que l'on luy en fist lire un autre.

  A006000499 

 Or je dis que c'est une imperfection de vouloir choisir ou desirer un autre livre que celuy que l'on nous donne, et.

  A006000499 

 c'est une marque que nous lisons plustost pour satisfaire à la curiosité de l'esprit, que non pas pour profiter de nostre lecture.

  A006000500 

 Mais le mal d'où procede tout cecy est que nous cherchons tousjours nostre propre satisfaction, et non pas nostre plus grande perfection.

  A006000500 

 Or de dire: Parce que je ne l'ayme pas, je n'en feray point de profit, ce n'est pas une bonne consequence, non plus que de dire: Je le sçay desja tout par cœur, je ne sçaurois prendre plaisir à le lire.

  A006000500 

 Si on vous en donne un que vous avez desja leu plusieurs fois, humiliez-vous, et vous asseurez [292] que c'est Dieu qui le veut ainsi à fin que vous vous amusiez plus à faire qu'à apprendre, et que sa Bonté vous le donne pour la seconde et troisiesme fois parce que vous n'avez pas fait vostre profit de la premiere lecture.

  A006000501 

 Ce n'est pas grande chose de voir une fille laquelle n'a rien qui la fasche ou qui l'exerce, estre bien douce et faire peu de fautes.

  A006000501 

 La troisiesme demande est si nous nous devons estonner de voir des imperfections entre nous autres, ou mesmes aux Superieures.

  A006000501 

 Quant au premier poinct, c'est sans doute que vous ne vous devez nullement estonner de voir quelques imperfections ceans, de mesme qu'aux autres maisons religieuses pour parfaites qu'elles soyent; car vous ne le serez jamais tant que vous n'en fassiez tousjours quelques-unes par cy par là, selon que vous serez exercées.

  A006000502 

 Certes, il y a beaucoup de gens qui se trompent grandement en ce qu'ils croyent [294] que les personnes qui font profession de la perfection ne devroyent point broncher en des imperfections, et particulierement les Religieux, parce qu'il leur semble qu'il ne faille qu'entrer en la Religion pour estre parfaits, ce qui n'est pas; car les Religions ne sont pas pour amasser des personnes parfaites, mais des personnes qui ayent le courage de pretendre à la perfection..

  A006000502 

 Il y a bien difference entre avoir la cessation d'un vice et avoir la vertu qui luy est contraire.

  A006000503 

 Bien est-il vray que Nostre Seigneur tira du bien de leur dispute; car au lieu qu'ils n'eussent presché qu'en un endroit de la terre, ils jetterent la semence de l'Evangile en divers lieux..

  A006000504 

 Ce n'est pas une bonne consequence de dire: Un tel est Superieur, donc il n'est point colere et n'a point d'autre imperfection.

  A006000505 

 Et, bien que l'on retranche l'acte exterieur d'humilité, de crainte de fascher la pauvre Sœur qui l'est desja assez, il ne faut pas laisser de faire l'interieur.

  A006000505 

 Or, je dis que ce qu'elle [297] doit faire en ceste occasion c'est de s'humilier et recourir à l'amour de son abjection.

  A006000505 

 Que si au contraire la Sœur n'estoit point troublée en s'accusant, je trouverois bien bon que la Superieure advoüast librement qu'elle a failli, s'il est vray; car si le jugement est faux, il est bon qu'elle le die avec humilité, reservant tousjours neantmoins precieusement l'abjection qui luy revient de ce qu'on la juge defaillante..

  A006000505 

 Vous me demandez de plus, touchant ce poinct, si la Superieure ou la Directrice ne doit point tesmoigner de repugnance que les Sœurs voyent ses defauts, et que c'est qu'elle doit dire quand une fille se vient accuser tout simplement à elle de quelque jugement ou pensée qu'elle a fait, qui la marque d'imperfection; comme seroit si quelqu'une avoit pensé que la Superieure auroit fait une correction avec passion.

  A006000508 

 L'on ne sçait ce qui est plus considerable, ou la force du courage de saint Paul à reprendre saint Pierre, ou l'humilité avec laquelle saint Pierre se sousmit à la correction qui luy estoit faite, voire pour une chose en laquelle il pensoit bien faire et avoit une fort bonne intention.

  A006000509 

 La Religion est une ruche mystique toute pleine d'abeilles celestes, lesquelles sont assemblées pour mesnager le miel des celestes vertus; et pour cela il faut que la Superieure, qui est entre elles [300] comme leur roy, soit soigneuse de les tenir de pres pour leur apprendre la façon de les acquerir et conserver.

  A006000509 

 Les abeilles sortent bien voirement de leur ruche, mais ce n'est que par necessité ou utilité, et demeurent peu sans y retourner; et principalement le roy des abeilles ne sort que rarement, comme quand il se fait un essaim d'abeilles, qu'il est tout environné de son petit peuple.

  A006000509 

 O certes, il n'est pas besoin de cela, car s'ils se tiennent dedans pour bien faire ce qui est de leur charge, ils ne doivent point douter que Nostre Seigneur ne pourvoye assez leur Congregation des amis qui leur sont necessaires..

  A006000509 

 Vous demandez en quatriesme lieu, s'il arrivoit un jour qu'une Superieure eust tant d'inclination de complaire aux personnes seculieres, sous pretexte de leur profiter, qu'elle en laissast le soin particulier qu'elle doit avoir des filles qui sont en sa charge, ou bien qu'elle n'eust pas assez de temps pour faire ce qui est des affaires de la maison, à cause qu'elle demeureroit trop longuement au parloir, si elle ne seroit pas obligée de retrancher ceste inclination, encore que son intention fust bonne.

  A006000511 

 Mesmes il ne faut pas qu'elle ayt une chaire particuliere si ce n'est au chœur et au chapitre; et en ceste chaire jamais l'Assistante ne s'y doit mettre, bien qu'en toute autre chose on luy doive porter le mesme respect qu'à la Superieure (s'entend en son absence); au refectoire mesme il ne luy en faut point, ains seulement un siege comme aux autres.

  A006000511 

 Or, pour le regard de la derniere question, qui est si l'on ne doit pas tousjours faire quelque petite particularité à la Superieure de plus qu'au reste des Sœurs, tant au vestir qu'au manger, elle sera tantost resolue; car en un mot, je vous dis que non, en façon quelconque, si ce n'est de necessité, ainsi comme l'on fait à chacune des Sœurs.

  A006000512 

 Il y a de la superfluité en ceste jalousie, laquelle il faut retrancher; car à quel propos, je vous prie, vouloir celer au prochain ce qui luy peut profiter? Je ne suis pas de ceste opinion, car je voudrois que tout le bien qui est en la Visitation fust recognu et sceu d'un chacun, Et pour cela, j'ay tousjours esté de cest advis, qu'il seroit bon de faire imprimer les Regles et Constitutions, à fin que plusieurs les voyant en puissent tirer quelque utilité.

  A006000512 

 Qu'y a-t'il plus à dire? Comment il faut faire pour bien conserver l'esprit de la Visitation et empescher qu'il ne se dissipe? L'unique moyen est de le tenir enfermé et enclos dans l'observance des Regles.

  A006000516 

 Mais sur tout, de se plaindre au dehors de la Superieure, ô vrayement il ne faut nullement le faire, cela est trop important.

  A006000516 

 O Dieu, ma fille, se plaindre! n'ay-je pas dit à Philothée, que « pour l'ordinaire, qui se plaint peche »? Or, de se plaindre à la Superieure quand une Sœur nous a mortifiée, cela est tolerable à une fille imparfaite; mais se plaindre à une Sœur de ce que la Superieure nous a mortifiée, je n'ay rien à dire là-dessus, parce que sans marchander il s'en faut amender, si quelqu'une y estoit inclinée.

  A006000517 

 D'aller dire à une Sœur que la Superieure a dit cecy et cela d'elle, c'est une faute plus griefve que l'on ne pense, et la Superieure la doit fortement reprendre, faisant voir à sa Communauté la grandeur de ce manquement et la beauté de la vertu contraire; mais tousjours, que la defaillante ne soit point nommée.

  A006000517 

 L'on demande s'il est loisible de nommer à la Superieure la Sœur qui nous a rapporté quelque chose qu'elle auroit dit à nostre desavantage.

  A006000518 

 Certes, nous devrions avoir une si cordiale jalousie de la paix et tranquillité de nos cheres Sœurs, que nous ne devrions jamais rien faire ni dire qui les puisse fascher; or, rien ne peut tant affliger une pauvre fille que de croire que la Superieure est faschée d'elle [306] ou contre elle.

  A006000519 

 Vous dites, si une Sœur n'avoit pas la confiance de parler à la Superieure, ou à l'Assistante en son absence, pour declarer le secret de son cœur, où neantmoins elle auroit besoin d'estre éclaircie, qu'est-ce qu'elle doit faire? Mes tres-cheres filles, il faut que la Superieure, ou l'Assistante en son absence, luy donne tres-facilement et cordialement permission de parler à qui elle voudra d'entre les Sœurs, sans en tesmoigner ni aversion ni secheresse de cœur, bien qu'il soit vray que si la Sœur continue, elle seroit imparfaite; car elle est obligée à regarder Dieu en ses Superieures et en ce qu'elles luy disent, et des particulieres ne la pourront servir si utilement.

  A006000521 

 Il faut que je vous die encore, mes cheres filles, que la sainte Eglise n'est point si rigoureuse que l'on pourroit penser.

  A006000525 

 Car Dieu qui desire de donner à tous la vie eternelle, leur donne à tous les moyens d'y pouvoir arriver, et partant les appelle au Christianisme, et les a esleus, correspondans à ceste vocation suivant les attraits de Dieu; toutesfois, le nombre de ceux qui y viennent est bien petit en comparaison de ceux qui sont appelles..

  A006000525 

 Quant au premier poinct, qu'il faut qu'une fille soit bien appellée de Dieu pour estre receuë en Religion, il faut sçavoir que quand je parle de cest [310] appel et vocation, je n'entens pas parler de la vocation generale, telle qu'est celle par laquelle Nostre Seigneur appelle tous les hommes au Christianisme, ni encor de celle de laquelle il est dit en l'Evangile que plusieurs sont appelles, mais peu sont esleus.

  A006000527 

 Or, de ceste grande varieté de vocations, s'ensuit que c'est une chose bien difficile que de recognoistre les vrayes vocations; et neantmoins c'est la premiere chose qui est requise pour donner sa voix, de sçavoir si la fille proposée est bien appellée et si sa vocation est bonne..

  A006000528 

 Comment donc, parmi une si grande varieté de vocations et par de si differens motifs, pourra-t'on recognoistre la bonne d'avec la mauvaise, pour n'estre point trompés? C'est une chose voirement de grande importance que ceste-cy, et laquelle est bien difficile; neantmoins elle ne l'est point tant que nous soyons entierement destitués de moyens pour recognoistre la bonté d'une vocation.

  A006000528 

 Doncques la bonne vocation n'est autre chose qu'une volonté ferme et constante qu'a la personne appellée de vouloir servir Dieu en la maniere et au lieu auquel sa divine Majesté l'appelle; et cela est la meilleure marque que l'on puisse avoir pour cognoistre quand une vocation est bonne..

  A006000529 

 Ce n'est pas donques par ces divers mouvemens et sentimens qu'il faut juger de la fermeté et constance de la volonté au bien que l'on a une fois embrassé; mais ouy bien si parmi ceste varieté de divers mouvemens la volonté demeure ferme à ne point quitter le bien qu'elle a embrassé, encor qu'elle sente le dégoust ou le refroidissement en l'amour de quelque vertu, et qu'elle ne laisse pour cela de se servir des moyens qui luy sont marqués pour l'acquerir.

  A006000529 

 O non certes, ce n'est pas ce que je veux dire; car tout homme est sujet à telle passion, changement et vicissitude, et tel aymera aujourd'huy une chose qui en aymera demain une autre; un jour ne ressemble jamais l'autre.

  A006000530 

 Doncques, pour sçavoir si Dieu veut que l'on soit Religieux, il ne faut pas attendre qu'il nous parle sensiblement, ou qu'il nous envoye quelque Ange du Ciel pour nous signifier sa volonté; ni moins est-il besoin d'avoir des revelations sur ce sujet.

  A006000530 

 Il est bien vray que je l'ay eue beaucoup plus forte que je n'ay à ceste heure; mais comme elle n'est pas de durée, cela me fait croire qu'elle n'est pas bonne..

  A006000530 

 Il ne faut non plus [313] un examen de dix ou douze docteurs pour voir si l'inspiration est bonne ou mauvaise, s'il la faut suivre ou non; mais il faut bien correspondre et cultiver le premier mouvement, et puis ne se pas mettre en peine s'il vient des dégousts et des refroidissemens touchant cela; car si l'on tasche tousjours de tenir sa volonté bien ferme à vouloir rechercher le bien qui nous est monstré, Dieu ne manquera pas de faire reussir le tout à sa gloire.

  A006000530 

 Je voudrois bien, dit une de ces filles, mais je ne sçay pas si c'est la volonté de Dieu que je sois Religieuse, d'autant que l'inspiration que je sens à ceste heure n'est pas, ce me semble, assez forte.

  A006000530 

 Quand elles ont les premiers mouvemens un peu forts, rien ne leur est difficile, il leur semble qu'elles franchiront toutes les difficultés; mais quand elles sentent ces vicissitudes, et que ces sentimens ne sont plus si sensibles en la partie inferieure, il leur semble que tout est perdu et qu'il faille tout quitter: l'on veut et l'on ne veut pas; ce que l'on sent alors n'est pas suffisant pour faire quitter le monde.

  A006000531 

 Et bien, leur dis-je, cela n'est rien; dites-moy, n'avez-vous pas senti le mouvement ou l'inspiration dans vostre cœur pour la recherche d'un si grand bien? Ouy, disent-elles, il est bien vray, mais cela s'est aussi tost passé.

  A006000531 

 O non, dit-elle, car je sens tous jours je ne sçay quoy qui me fait tendre de ce costé-là; mais ce qui me met en peine c'est que je ne sens pas ce mouvement si fort qu'il faudroit pour une telle resolution.

  A006000532 

 Car, combien que Dieu soit tout-puissant et peut tout ce qu'il veut, si est-ce qu'il ne veut point nous oster la liberté qu'il nous a une fois donnée; et quand il nous appelle à son service, il veut que ce soit de nostre bon gré que nous y allions, et non par force ni par contrainte.

  A006000532 

 Nostre Seigneur s'est souvent servi d'un tel moyen pour appeller plusieurs personnes à son service, lesquelles il [316] n'eust peu avoir en autre façon.

  A006000534 

 Il fait ainsi son complot, il poursuit fort et ferme, il est en fin receu.

  A006000535 

 Il y en a encor d'autres de qui la vocation n'est de soy pas meilleure que ceste-cy: c'est de ceux qui vont en Religion à cause de quelque defaut naturel, comme pour estre boiteux, borgnes, ou pour estre laids, ou pour avoir quelque autre pareil defaut; et, ce qui semble encor le pire, c'est qu'ils y sont portés par leurs peres et meres, lesquels bien souvent, lors qu'ils ont des enfans borgnes, boiteux, ou autrement defectueux, les laissent au coin du feu et disent: Cecy ne vaut rien pour le monde, il le faut envoyer en Religion; il luy faut procurer quelque benefice, ce sera autant de descharge pour nostre maison.

  A006000536 

 Ainsi ce divin Artisan se plaist à faire des beaux edifices avec du bois qui est fort tortu, et qui n'a aucune apparence d'estre propre à chose du monde.

  A006000536 

 Et tout ainsi qu'une personne qui ne sçait que c'est de la menuyserie, voyant quelque bois tortu en la boutique d'un menuysier, s'estonneroit de luy entendre dire que c'est pour faire quelque beau chef-d'œuvre (car, diroit-il, si cela est comme vous dites, combien de fois faudra-t'il passer le rabot par dessus, avant que d'en pouvoir faire un tel ouvrage?) ainsi, pour l'ordinaire, la divine Providence fait des beaux chefs-d'œuvre avec ces intentions tortues et sinistres, comme il fait entrer [319] en son festin les boiteux et les aveugles, pour nous faire voir qu'il ne sert de rien d'avoir deux yeux ou deux pieds pour aller en Paradis; qu'il vaut mieux aller en Paradis avec une jambe, un œil, un bras que d'en avoir deux et se perdre.

  A006000537 

 Car c'est chose certaine que, quand Dieu appelle quelqu'un à une vocation, il s'oblige par consequent, par sa providence divine, de luy fournir toutes les aydes requises pour se rendre parfait en sa vocation..

  A006000537 

 D'où vient donc, qu'estant si bien appellé, il ne persevera pas en sa vocation? O c'est qu'il abusa de sa liberté, et ne voulut pas se servir des moyens que Dieu luy donnoit pour ce sujet; mais au lieu de les embrasser et d'en user à son profit, il s'en servit pour en abuser et pour les rejetter, et, en ce faisant, il se perdit.

  A006000538 

 Et, pour ce faire, il est necessaire d'avoir ceste volonté ferme et constante de laquelle nous avons parlé, d'embrasser tous les moyens propres de se perfectionner en la vocation en laquelle on est appellé.

  A006000538 

 O non, il ne faut penser qu'en entrant en Religion on soit parfait tout promptement; c'est assez qu'ils viennent pour tendre à la perfection et pour embrasser les moyens de se perfectionner.

  A006000538 

 Or, quand je dis que Nostre Seigneur s'oblige, il ne [320] faudroit pas penser que ce soit nous qui l'ayons obligé à ce faire en suivant sa vocation, car on ne sçauroit l'obliger; mais Dieu s'oblige soy-mesme par soy-mesme, poussé et provoqué à ce faire par les entrailles de son infinie bonté et misericorde; tellement que, me faisant Religieux, Nostre Seigneur s'est obligé de me fournir tout ce qui est necessaire pour estre bon Religieux, non point par devoir, mais par sa misericorde et providence infinie; tout ainsi qu'un grand roy, levant des soldats pour faire la guerre, sa prevoyance et prudence requiert qu'il prepare des armes pour les armer; car, quelle apparence y auroit-il de les envoyer combattre sans armes? Que s'il ne le fait pas, il est taxé d'une grande imprudence, Or, la divine Majesté ne manque jamais de soin ni de prevoyance touchant cecy; et pour le nous mieux faire croire, elle s'y est obligée, en sorte qu'il ne faut jamais entrer en opinion qu'il y ayt de sa faute quand nous ne faisons pas bien: voire, sa.

  A006000538 

 Remarquez aussi que quand je dis que Dieu s'est obligé de donner à ceux qu'il appelle toutes les conditions requises pour estre parfaits en leur vocation, je ne dis pas qu'il les leur donne tout à coup et à l'instant qu'ils entrent en Religion.

  A006000538 

 liberalité est si grande, qu'il donne ces moyens à ceux auxquels il ne les a pas promis et auxquels il ne s'est pas obligé [321] pour ne les avoir pas appellés.

  A006000539 

 C'est donc une chose bien difficile de sçavoir si une fille est bien appellée de Dieu, pour luy donner sa voix; car bien qu'on la voye fervente, peut estre ne perseverera-t'elle pas; mais tant pis pour elle.

  A006000540 

 Ces filles en font ainsi: elles font tant de prieres, tant de reverences, elles tesmoignent tant de bonne volonté, que l'on ne peut bonnement les esconduire; et en effet, l'on n'y doit pas faire trop grande consideration, ce me semble, Je dis cecy pour l'interieur, car certes, il est bien difficile en ce temps-là de le pouvoir cognoistre, principalement des filles qui viennent icy de loin; tout ce que l'on peut faire à celles-cy, c'est de sçavoir qui elles sont, et telles choses qui regardent le temporel et l'exterieur, puis leur ouvrir la porte et les mettre à leur premier essay.

  A006000540 

 Quant à la seconde, qui est de sçavoir les conditions que doivent avoir les filles, premierement, que l'on reçoit ceans, en second lieu, celles que l'on reçoit au Novitiat, et en troisiesme lieu, celles que l'on reçoit à la Profession, je n'ay guere à dire dessus la premiere reception, car l'on ne peut pas beaucoup cognoistre ces filles qui viennent avec une si bonne mine.

  A006000540 

 Si c'est des filles qui soyent du lieu, l'on peut observer leur façon, et par la conversation que l'on a avec elles, recognoistre quelque chose de leur interieur; mais je trouve qu'il est encor bien malaisé, car elles viennent tousjours en la meilleure mine et posture qui se peut..

  A006000541 

 Or, il me semble que pour ce qui est de la santé [324] corporelle et infirmités du corps, l'on n'y doit point faire ou fort peu de consideration, d'autant qu'en ces maisons l'on y peut recevoir les foibles et imbecilles aussi bien que les fortes et robustes, puisqu'elles ont esté faites en partie pour elles; pourveu que ce ne soyent des infirmités si pressantes qu'elles les rendent tout à fait incapables d'observer la Regle et inhabiles à faire ce qui est de ceste vocation.

  A006000542 

 Et, bien qu'elles ayent de la repugnance à ces remedes et les prennent avec grande difficulté, cela ne veut rien dire, pourveu qu'elles ne laissent pas d'en user; car les medecines sont tousjours ameres au goust, et n'est pas possible qu'on les reçoive avec la suavité que l'on feroit si elles estoyent bien appetissantes; mais avec tout cela elles ne laissent pas de faire leur operation, et quand elles la font meilleure, c'est lors qu'elles font le plus de travail et de peine.

  A006000542 

 Quant à la seconde, qui est de recevoir une fille au [325] Novitiat, je ne trouve pas encor qu'il y ayt des grandes difficultés.

  A006000542 

 Tout de mesme, voila une fille qui a ses passions fortes; elle est colere, elle fait plusieurs manquemens: si avec cela elle veut bien estre guerie, et veut qu'on la corrige, mortifie et qu'on luy donne des remedes propres à sa guerison, combien qu'en les prenant cela la fasche et la, travaille, il ne faut point pour cela luy refuser sa voix; car elle n'a pas seulement la volonté de guerir, mais encor elle prend les remedes qui luy sont donnés pour ce sujet, combien qu'avec peine et difficulté..

  A006000543 

 En somme, pour recevoir une fille au Novitiat, il ne faut sinon sçavoir si elle a une bonne volonté, et si elle est deliberée et resolue de recevoir le traittement qui luy sera fait pour sa guerison, et de vivre en une grande sousmission: ayant cela, je luy donnerois ma voix.

  A006000544 

 Ils s'appliquent à faire et s'adonnent aux vertus solides; ils sont traittables, et on n'a pas beaucoup de peine à les conduire, car facilement ils comprennent combien c'est une chose bonne de se laisser gouverner..

  A006000544 

 Or c'est à celles-cy qu'il faut bien prendre garde.

  A006000544 

 Pour la troisiesme, c'est une chose de grande importance de recevoir une fille à la Profession; et en cecy il me semble qu'on doit observer trois choses.

  A006000545 

 Car bien que nonobstant cela elle ne laisse pas de faire des fautes, et mesmes assez grandes, il ne faut pas pourtant luv refuser sa voix; car bien qu'en l'année de son Novitiat elle doive travailler en la reformation de ses mœurs et habitudes, ce n'est pas à dire pour cela qu'elle ne doive point faire de cheute, ni qu'elle doive à la fin de son Novitiat estre parfaite.

  A006000545 

 Et sur cecy je finiray mon discours, si ce n'est que l'on me demande encore quelque chose..

  A006000545 

 La troisiesme chose qu'il faut observer c'est si la fille a bien travaillé en son année de Novitiat, si elle a bien souffert et profité des medecines que l'on luy a donné, si elle a bien fait valoir les resolutions qu'elle fit entrant en son Novitiat de changer ses mauvaises humeurs et inclinations; car l'année du Novitiat luy a esté donnée pour cela.

  A006000545 

 Que si l'on void qu'elle ayt perseveré fidelement en sa resolution, et que sa volonté demeure ferme et constante pour continuer, et qu'elle se soit appliquée à se reformer et former selon les Regles et Constitutions, et que ceste volonté luy dure, voire de vouloir tousjours mieux faire, c'est un bon [328] signe et bonne condition pour luy donner sa voix.

  A006000546 

 L'on demande donc en premier lieu, s'il se trouvoit une fille qui fust fort sujette à se troubler pour des petites choses, et que son esprit fust souvent plein de chagrin et d'inquietude, et qu'elle ne tesmoignast parmi cela guere d'amour pour sa vocation, et que neantmoins, cela estant passé, elle promist de faire des merveilles, qu'est-ce qu'il faudroit faire? Il est tout certain qu'une telle fille estant ainsi changeante n'est pas propre pour la Religion; mais parmi tout cela ne veut-elle point estre guerie? car si cela n'est, il la faut congedier.

  A006000546 

 Or, si apres luy avoir fait bien entendre ce qu'il faut qu'elle fasse pour son amendement, elle ne le fait pas ains se rend incorrigible, il la faut rejetter; sur tout parce que ses fautes, ainsi que vous dites, ne procedent pas faute de jugement ni de pouvoir comprendre en quoy consiste la vraye vertu, ni moins encore ce qu'il faut qu'elle fasse pour son amendement; mais que c'est par le defaut de la volonté, qui n'a point de perseverance ni de constance à faire et à se servir de ce qu'elle sçait estre requis pour son amendement; encore qu'elle dise quelquefois qu'elle fera mieux, neantmoins ne le fait pas, ains persevere [330] en ceste inconstance de volonté, je ne luy donnerois pas ma voix..

  A006000547 

 Or, si cela est, il leur faut ouvrir la porte; car puisqu'elles sont malades, et qu'elles ne veulent point qu'on les traitte ni qu'on leur applique les remedes propres à leur donner la guerison, l'on void clairement que, faisant ainsi, elles se rendent incorrigibles et ne donnent point d'espoir de pouvoir estre gueries.

  A006000547 

 Pour ce qui est de la tendreté, tant sur l'esprit que sur le corps, c'est l'un des grands empeschemens qui soyent en la vie religieuse; et partant il faut avoir un tres-grand soin de ne pas recevoir celles qui en sont démesurément atteintes, parce qu'elles ne veulent point estre gueries, refusans de se servir de ce qui leur peut donner la santé..

  A006000548 

 L'on demande en second lieu, qu'est-ce que l'on doit juger d'une fille qui tesmoigne par ses paroles qu'elle se repent d'estre entrée en Religion? Certes, si elle persevere en ces dégousts de sa vocation et à se repentir, et que l'on voye que cela la rende lasche et negligente à se former selon l'esprit de sa vocation, il la faut mettre dehors.

  A006000548 

 Mais quand l'on void que ceste fille use de son propre jugement, et que sa volonté est seduite et gastée, perseverant à son dégoust, alors la chose est en mauvais estat et quasi sans remede; il la faut renvoyer..

  A006000548 

 Neantmoins, il faut considerer que cela peut arriver ou par une simple tentation ou pour exercice: et cela se peut cognoistre par le profit qu'elle fera de telle pensée, dégoust ou repentir, quand avec [331] simplicité elle se descouvrira de telle chose et qu'elle sera fidelle à se servir des remedes que l'on luy donnera là dessus; car Dieu ne permet jamais rien pour nostre exercice, qu'il ne veuille que nous en tirions profit, ce qui se fait tousjours quand l'on est fidelle à se descouvrir et, comme j'ay dit, simple à croire et à faire ce que l'on nous dit: et cecy est la marque que l'exercice est de Dieu.

  A006000549 

 L'on demande en troisiesme lieu, s'il ne faut pas [332] faire consideration de donner sa voix à une fille qui n'est pas cordiale, ou qui n'est pas égale à l'endroit de toutes les Sœurs, et qui a fait voir qu'elle a plus d'inclination à l'une qu'à l'autre.

  A006000549 

 Voyez-vous, ceste inclination est la derniere piece de nostre renoncement; car avant que l'on puisse arriver à ce point de n'avoir aucune inclination à l'une plus qu'à l'autre, et que ces affections soyent tellement mortifiées qu'elles ne paroissent point, il y faut du temps.

  A006000550 

 En fin, direz-vous, si le sentiment des autres Sœurs estoit tout contraire à ce que l'on sçait, et qu'il nous vinst inspiration de dire quelque chose que nous avons recognu qui est à l'advantage de la Sœur, faudroit-il laisser de le dire? Non, quoy que le sentiment des autres soit tout contraire au vostre et que vous soyez seule en ceste opinion; car cela pourra servir encor aux autres pour se resoudre à ce qu'elles doivent faire.

  A006000555 

 Avant que sçavoir comment il nous faut preparer pour recevoir les Sacremens et quel fruict nous en devons tirer, il est necessaire de sçavoir que c'est que Sacremens et leurs effects.

  A006000555 

 Les Sacremens doncques sont des canaux par lesquels, pour ainsi parler, Dieu descend à nous, comme par l'oraison nous montons à luy, puisque l'oraison n'est autre chose qu'une elevation de nostre esprit en Dieu.

  A006000555 

 Les effects des Sacremens sont divers, quoy qu'ils n'ayent tous qu'une mesme fin et pretention, qui est de nous unir à Dieu.

  A006000556 

 Doncques, la premiere preparation c'est la pureté de l'intention; la seconde, c'est l'attention; et la troisiesme, c'est l'humilité..

  A006000556 

 Et premierement, il est tres-necessaire que nous sçachions pourquoy c'est que, recevant si souvent ces deux Sacremens, nous ne recevons pas aussi les graces qu'ils ont accoustumé d'apporter aux ames qui sont bien preparées, puisque ces graces sont jointes aux Sacremens.

  A006000556 

 Je le diray en un mot: c'est faute de deuë preparation; et partant il faut sçavoir comment il nous faut bien preparer pour recevoir ces deux Sacremens, et tous les autres encor.

  A006000557 

 Or, l'intention est pure lors que nous recevons les Sacremens, ou faisons quelque autre chose quelle qu'elle soit, pour nous unir à Dieu et pour luy estre plus agreables, sans aucun meslange de propre interest.

  A006000557 

 Quant à la pureté d'intention, c'est une chose totalement necessaire, non seulement en la reception des Sacremens, mais encor en tout ce que nous faisons.

  A006000557 

 [338] Mais si, au contraire, vous consentez à l'inquietude dequoy l'on vous a refusé de communier, ou dequoy vous n'avez pas eu de la consolation, qui ne void que vostre intention estoit impure, et que vous ne cherchiez de vous unir à Dieu, ains aux consolations, puisque vostre union avec Dieu se doit faire sous la sainte vertu d'obeissance? Et tout de mesme, si vous desirez la perfection d'un desir plein d'inquietude, qui ne void que c'est l'amour propre, qui ne voudroit pas que l'on vist de l'imperfection en nous? S'il estoit possible que nous peussions estre autant agreables à Dieu estans imparfaits comme estans parfaits, nous devrions desirer d'estre sans perfection, à fin de nourrir en nous par ce moyen la tres-sainte humilité..

  A006000558 

 Je ne dis pas, par ceste grande attention, qu'il ne faille point avoir de distraction, car il n'est pas en nostre pouvoir; mais j'entends de dire qu'il faut avoir un soin tout particulier à ne s'y point arrester volontairement..

  A006000558 

 La seconde preparation, c'est l'attention.

  A006000559 

 La troisiesme preparation c'est l'humilité, qui est une vertu fort necessaire pour recevoir abondamment les graces qui découlent par les canaux des Sacremens; parce que les eaux ont bien accoustumé de couler plus vistement et plus fortement quand les canaux sont posés en des lieux panchans et tendans en bas..

  A006000560 

 Donnez-moy, dira un autre, ceste humilité qui est si propre pour donner bon exemple; mais d'humilité de cœur, qui nous fait aymer nostre propre abjection, ils n'en ont point de besoin, ce leur semble.

  A006000560 

 Je dis sans reserve, d'autant que nostre misere est si grande que nous nous reservons tousjours quelque chose.

  A006000560 

 Mais, outre ces trois preparations, je vous veux dire en un mot que la principale est l'abandonnement total de nous-mesmes à la mercy de Dieu, sousmettans sans [339] reserve quelconque nostre volonté et toutes nos affections à sa domination.

  A006000560 

 O ce n'est pas là le moyen de faire ceste union, que de se reserver toutes ses volontés, pour belle apparence qu'elles ayent; car Nostre Seigneur se voulant donner tout à nous, veut que reciproquement nous nous donnions entierement à luy, à fin que l'union de nostre ame avec sa divine Majesté soit plus parfaite, et que nous puissions dire veritablement, apres ce grand parfait entre les Chrestiens: Je ne vis plus moy, ains c'est Jesus Christ qui vit en moy..

  A006000560 

 Voire, c'est bien ce qu'il nous faut pour estre unis à Dieu, qui est la pretention que nous avons! et jamais ils ne demandent des tribulations ou mortifications.

  A006000561 

 Certes, la cause pourquoy nous ne recevons pas la grace de la sanctification (puisqu'une seule Communion bien faite [340] est capable et suffisante pour nous rendre saints et parfaits) ne provient sinon de ce que nous ne laissons pas regner Nostre Seigneur en nous comme sa bonté le desire.

  A006000561 

 Faisons donc de nostre costé ce qui est de nostre pouvoir pour nous bien preparer à recevoir ce Pain supersubstantiel, nous abandonnant totalement à la divine Providence, non seulement pour ce qui regarde les biens temporels, mais principalement les spirituels, respandant en la presence de la divine Bonté toutes nos affections, desirs et inclinations, pour luy estre entierement sousmis; et nous asseurons que Nostre Seigneur accomplira de son costé la promesse qu'il nous a faite de nous transformer en luy, eslevant nostre bassesse jusques à estre unie avec sa grandeur..

  A006000561 

 Il vient en nous, ce Bien-Aymé de nos ames, et il trouve nos cœurs tout pleins de desirs, d'affections et de petites volontés: ce n'est pas ce qu'il cherche, car il les veut trouver vuides pour s'en rendre le maistre et le gouverneur.

  A006000561 

 Or, je sçay bien que le milieu de vos cœurs est vuide, autrement ce seroit une trop grande infidelité: je veux dire que nous avons non seulement rejetté et detesté le peché mortel, ains toute sorte d'affection mauvaise; mais las! tous les coins et recoins de nos cœurs sont pleins de mille choses indignes de paroistre en la presence de ce Roy souverain, lesquelles ce semble, luy lient les mains à fin de l'empescher de nous départir les biens et les graces que sa bonté avoit desire de nous faire, s'il nous eust trouvés preparés.

  A006000562 

 Et pour ce qui est des vertus, aucune fois il est plus à propos et meilleur pour nous de ne les pas avoir en habitude que si nous les avions, pourveu toutesfois que nous en fassions les actes à mesure que les occasions s'en presentent; car la repugnance que nous sentons à pratiquer quelque vertu nous doit servir pour nous humilier, et l'humilité vaut tousjours mieux que tout cela..

  A006000562 

 L'on peut bien communier pour diverses fins: comme pour demander à Dieu d'estre delivrés de quelque tentation ou affliction, soit pour nous ou pour nos amis, [341] ou pour demander quelque vertu, pourveu que ce soit sous ceste condition de nous unir par ce moyen plus parfaitement à Dieu, ce qui n'arrive pourtant pas bien souvent; car au temps de l'affliction l'on est ordinairement plus uni à Dieu, parce que l'on se ressouvient plus souvent de luy.

  A006000563 

 Cela s'entend, que vous ayez l'intention de prier Dieu qu'il donne la vertu ou la grace que vous luy demandez pour vous, à tous ceux qui en ont la mesme necessité, et que ce soit tousjours pour vous unir davantage avec luy; car autrement nous ne devons demander ni desirer aucune chose ni pour nous ni pour le prochain, puisque c'est la fin pour laquelle les Sacremens sont institués.

  A006000564 

 Et si une personne ne faisoit pas attention de faire quelque chose pour la satisfaction de ses pechés, la seule attention qu'elle auroit de faire tout ce qu'elle fait pour le pur amour de Dieu suffiroit pour y satisfaire, puisque c'est une chose asseurée que qui pourroit faire un acte excellent de charité, ou un acte d'une parfaite contrition, satisferoit pleinement pour tous ses pechés..

  A006000565 

 Ne voyez-vous pas qu'il est dit que quiconque s'humiliera sera exalté? estre exalté c'est estre advancé.

  A006000565 

 Si vous devenez par le moyen de la tres-sainte Communion, fort douce (puisque c'est la vertu qui est propre à ce Sacrement, [343] qui est tout doux, tout suave, tout miel), vous retirerez le fruict qui luy est propre, et ainsi vous vous advancerez; mais si, au contraire, vous ne devenez point plus humble ni plus douce, vous meritez que l'on vous leve le pain, puisque vous ne voulez pas travailler..

  A006000565 

 Vous le cognoistrez si vous vous advancez par les vertus qui leur sont propres: comme si vous tirez de la Confession l'amour de vostre propre abjection et l'humilité, car ce sont les vertus qui luy sont propres; et c'est tousjours par la mesure de l'humilité que l'on recognoist nostre advancement.

  A006000567 

 Il faut avoir des esprits genereux qui ne s'attachent qu'à Dieu seul, sans s'arrester aucunement à ce que nostre partie inferieure veut, faisant regner la partie superieure de nostre ame, puisqu'il est entierement en nostre pouvoir, avec la grace de Dieu, de ne jamais consentir à l'inferieure.

  A006000567 

 Les consolations et tendretés ne doivent pas estre desirées, puisque cela ne nous est pas necessaire pour aymer davantage Nostre Seigneur.

  A006000568 

 Il ne faut pas non plus se tourmenter quand l'on ne se souvient pas de ses fautes pour s'en confesser; car il n'est pas croyable qu'une ame qui fait souvent son examen, ne remarque bien pour s'en ressouvenir les fautes qui sont d'importance.

  A006000570 

 Et non seulement en ceste occasion, mais aussi entrant à tous nos exercices, à fin que nous apportions à chacun d'iceux l'esprit qui luy est propre; car il ne seroit pas à propos d'aller à l'Office comme à la recreation: à la recreation il faut porter un esprit amoureusement joyeux, et en l'Office, un esprit serieusement amoureux.

  A006000570 

 Je le veux bien; et je vous dis premierement qu'il faut se preparer pour le dire, dés l'instant que l'on entend la cloche qui nous y appelle, et faut, à l'imitation de saint Bernard, demander à nostre cœur que c'est qu'il va faire.

  A006000571 

 Il est encor requis d'avoir attention de bien prononcer et dire selon qu'il est ordonné, sur tout au commencement.

  A006000571 

 Mais s'il nous arrive d'en faire plusieurs, et que cela continue, il y a de l'apparence que nous n'avons pas conceu un vray desplaisir de nostre premiere faute; et c'est ceste negligence qui nous devroit apporter beaucoup de confusion, non pas à cause de la presence de la Superieure, mais pour le respect de celle de Dieu qui nous est present, et de ses Anges.

  A006000571 

 Or, c'est presque une regle generale, que quand nous faisons si souvent une mesme faute, c'est signe qu'on manque d'affection de s'en amender; et si c'est une chose de laquelle on nous ayt souventefois adverties, il y a de l'apparence que l'on neglige l'advertissement..

  A006000571 

 Que s'il nous arrive d'y faire quelque manquement, il faut s'en humilier sans s'en estonner, puisque ce n'est pas chose estrange, et que nous en faisons bien ailleurs.

  A006000572 

 Que si vous dormez [346] le long d'une bonne partie de l'Office, encor que vous disiez les versets de vostre chœur, vous estes obligée de le redire; mais quand l'on fait des choses qui sont necessaires d'estre faites en l'Office, comme de tousser ou cracher, ou bien que la maistresse des ceremonies parle pour ce qui est de l'Office, alors on n'est point obligé de le redire..

  A006000573 

 Quand l'on entre au chœur, l'Office estant un peu commencé, il faut se mettre en son rang avec les autres et suivre l'Office avec elles; et apres qu'il est dit, il faut reprendre ce que le chœur avoit desja dit devant que vous y fussiez, finissant où vous l'avez pris; sinon, il faut dire bas ce que le chœur a dit, puis, l'ayant atteint, continuer avec luy en cas que vostre assistance y soit vrayement necessaire..

  A006000575 

 Je ne dis pas qu'il ne faille se servir des methodes qui sont remarquées; mais l'on ne s'y doit pas attacher, comme font ceux qui pensent n'avoir jamais bien fait leurs oraisons s'ils ne font leurs considerations devant les affections que Nostre Seigneur leur donne, qui est pourtant la fin pour laquelle nous faisons les considerations.

  A006000576 

 Il est neantmoins requis de se tenir en grande reverence parlant à la divine Majesté, puisque les Anges, qui sont si purs, tremblent en sa presence.

  A006000576 

 Or, ce n'est pas aussi de celle-là que j'entens parler, ains de celle qui fait que la partie supreme et la pointe de nostre esprit se tient basse et en humilité devant Dieu, en recognoissance de son infinie grandeur et de nostre profonde petitesse et indignité..

  A006000577 

 Il faut aussi avoir une grande determina.ti.on de n'abandonner jamais l'oraison, pour aucune difficulté qui s'y puisse rencontrer, et n'y aller avec aucune preoccupation de desirs d'y estre consolée et satisfaite; car cela ne seroit pas rendre nostre volonté unie et ajustée à celle de Nostre Seigneur, qui veut qu'entrant à l'oraison nous soyons resolus de souffrir la peine des continuelles distractions, secheresse et dégoust qui nous y [348] surviendront, demeurans aussi constantes que si nous y avions eu beaucoup de consolation et de tranquillité; puisque c'est une chose certaine que nostre oraison ne sera pas moins agreable à Dieu, ni à nous moins utile pour estre faite avec plus de difficulté.

  A006000578 

 C'est le Maistre souverain que le Pere eternel a envoyé au monde pour nous enseigner ce que nous devions faire; et partant, outre l'obligation que nous avons de nous former sur ce divin Modelle, nous devons grandement estre exactes à considerer ses actions pour les imiter, parce que c'est l'une des plus excellentes intentions que nous puissions avoir pour tout ce que nous faisons que de les faire parce que Nostre Seigneur les a faites; c'est à dire, pratiquer les vertus parce que nostre Pere les a pratiquées et comme il les a pratiquées.

  A006000578 

 La premiere methode doncques pour s'entretenir à l'oraison, c'est de porter quelque poinct, comme les mysteres de la Mort, Vie et Passion de Nostre Seigneur, lesquels sont les plus utiles; et.

  A006000578 

 c'est une chose fort rare que l'on ne puisse profiter sur la consideration de ce que Nostre Seigneur a fait.

  A006000579 

 Elles peuvent demeurer ainsi utilement, cela est bon; mais generalement parlant, il faut faire que toutes les filles commencent par la methode d'oraison qui est la plus seure, et qui porte à la reformation de vie et changement de mœurs, qui est celle que nous disons qui se fait autour des mysteres de la Vie et de la Mort de Nostre Seigneur: on y marche en asseurance.

  A006000579 

 Il est vray ce que vous dites, qu'il y a des ames lesquelles ne peuvent s'arrester ni occuper leurs esprits sur aucun mystere, estant attirées à certaine simplicité toute douce qui les tient en grande tranquillité devant [349] Dieu, sans autre consideration que de sçavoir qu'elles sont devant luy et qu'il est tout leur bien.

  A006000579 

 Mais l'on ne s'est pas contenté de ce qu'ils ont laissé, ains plusieurs personnes ont fait quantité d'autres imaginations; et c'est de celles-là dont il ne se faut pas servir à la meditation, d'autant que cela peut prejudicier..

  A006000580 

 Voila quant à la premiere façon de mediter, que plusieurs grands Saints ont pratiquée comme tres-bonne, quand elle est faite comme il faut.

  A006000581 

 La seconde maniere de mediter est de ne point faire d'imagination, mais de se tenir au pied de la lettre, c'est à dire mediter purement et simplement l'Evangile et les mysteres de nostre foy, s'entretenant familierement et tout simplement avec Nostre Seigneur de ce qu'il a fait et souffert pour nous, sans aucune representation.

  A006000581 

 Or ceste façon icy est bien plus haute et meilleure que la premiere, et si, elle est plus sainte et plus asseurée; c'est pourquoy il s'y faut porter facilement, pour peu d'attrait que l'on y ayt, observant en tout degré d'oraison de tenir son esprit dans une sainte liberté pour suivre les lumieres et mouvemens que Dieu nous y donnera.

  A006000585 

 Chaque juste a la robe de la justice qui luy bat jusques aux talons, c'est à dire, toutes les facultés et puissances de l'ame sont couvertes de justice, et l'interieur et l'exterieur ne representent que la justice mesme, estant justes en tous leurs mouvemens et actions tant interieures qu'exterieures.

  A006000585 

 Le juste est fait semblable à la palme, ainsi que la sainte Eglise nous fait chanter en chaque feste des saints Confesseurs; mais comme le palmier a une tres-grande varieté de proprietés particulieres au dessus de tous les autres arbres, comme estant le prince et le roy des arbres tant pour la beauté que pour la bonté de son fruict, de mesme il y a une tres-grande varieté de justice.

  A006000585 

 Mais pourtant, si faut-il confesser que chaque robe est recamée de diverses belles varietés de fleurs, dont l'inégalité ne les rend pas moins agreables ni moins recommandables.

  A006000586 

 C'est donc à juste raison qu'il est accomparé à la palme, qui est le roy des arbres, et lequel a la proprieté de la virginité, celle de l'humilité et celle de la constance et vaillance, trois vertus esquelles le glorieux saint Joseph a grandement excellé; et si l'on osoit faire des comparaisons, il y en auroit plusieurs qui maintiendroyent qu'il surpasse tous les autres Saints en ces trois vertus..

  A006000586 

 Cela estant donc ainsi presupposé, je remarque trois proprietés particulieres qu'a la palme, entre toutes les autres qui sont en tres-grand nombre, lesquelles proprietés conviennent mieux au Saint dont nous celebrons la feste, qui est, ainsi que la sainte Eglise nous fait dire, semblable à la palme.

  A006000586 

 O quel Saint est le glorieux saint Joseph! Il n'est pas seulement Patriarche, ains le coryphée de tous les Patriarches; il n'est pas simplement Confesseur, mais plus que Confesseur, car dans sa confession sont encloses les dignités des Evesques, la generosité des Martyrs et de tous les autres Saints.

  A006000587 

 Elle produit, mais pourtant elle produit virginalement, car elle n'est nullement touchée du palmier: si bien elle en est regardée, il ne se fait nulle union entre eux deux, si qu'elle produit son fruict à l'ombre et à l'aspect de son palmier, mais c'est tout purement et virginalement.

  A006000587 

 Le palmier, qui est le masle, ne porte point de fruict, et si neantmoins il n'est pas infructueux, car la palme femelle ne porteroit point de fruict sans luy et sans son aspect; [353] de sorte que si la palme femelle n'est plantée aupres du palmier masle, et qu'elle ne soit regardée de luy, elle demeure infructueuse et ne porte point de dattes, qui est son fruict; et si, au contraire, elle est regardée du palmier et est à son aspect, elle porte quantité de fruicts.

  A006000588 

 Saint Joseph donc fut comme un palmier, lequel ne portant peint de fruict n'est pas toutefois infructueux, ains a beaucoup de part au fruict de la palme femelle; non que saint Joseph eust contribué aucune chose pour ceste sainte et glorieuse production, sinon la seule ombre du mariage, qui empeschoit Nostre [354] Dame et glorieuse Maistresse de toutes sortes de calomnies et des censures que sa grossesse luy eust apportées.

  A006000589 

 Et tout ainsi comme l'on void un miroir opposé aux rayons du soleil recevoir ses rayons tres-parfaitement, et un autre miroir estant mis vis à vis de celuy qui les reçoit, bien que le dernier miroir ne prenne ou reçoive les rayons du soleil que par reverberation, les represente pourtant si naïfvement que l'on ne pourroit presque pas juger lequel c'est qui [355] les reçoit immediatement du soleil, ou celuy qui est opposé au soleil, ou celuy qui ne les reçoit que par reverberation; de mesme en estoit-il de Nostre Dame, laquelle [était] comme un tres-pur miroir opposé aux rayons du Soleil de justice, rayons qui apportoyent en son ame toutes les vertus en leur perfection, perfections et vertus qui faisoyent une reverberation si parfaite en saint Joseph, qu'il sembloit presque qu'il fust aussi parfait ou qu'il eust les vertus en un si haut degré comme les avoit la glorieuse Vierge nostre Maistresse..

  A006000589 

 O quelle divine union entre Nostre Dame et le glorieux saint Joseph! union qui faisoit que ce Bien des biens eternels, qui est Nostre Seigneur, fust et appartinst à saint Joseph ainsi qu'il appartenoit à Nostre Dame; non selon la nature qu'il avoit pris dans les entrailles de nostre glorieuse Maistresse, nature qui avoit esté formée par le Saint Esprit du tres-pur sang de Nostre Dame, ains selon la grace, laquelle le rendoit participant de tous les biens de sa chere Espouse, et laquelle faisoit qu'il alloit merveilleusement croissant en perfection; et c'est par la communication continuelle qu'il avoit avec Nostre Dame, qui possedoit toutes les vertus en un si haut degré que nulle autre pure creature n'y sçauroit parvenir; neantmoins le glorieux saint Joseph estoit celuy qui en approchoit davantage.

  A006000590 

 Mais en particulier, pour nous tenir en nostre propos commencé, en quel degré pensons-nous qu'il eust la virginité, qui est une vertu qui nous rend semblables aux Anges? Si la tres-sainte Vierge ne fut pas seulement Vierge toute pure et toute blanche, ains (comme chante la sainte Eglise aux respons des leçons des Matines, « Sainte et immaculée virginité, » etc.) elle estoit la virginité mesme, combien pensons-nous que celuy qui fut commis de la part du Pere eternel pour gardien de sa virginité, ou pour mieux dire, pour compagnon, puisqu'elle n'avoit pas besoin d'estre gardée d'autre que d'elle-mesme, combien, dis-je, devoit-il estre grand en ceste vertu? Ils avoyent fait vœu tous deux de garder virginité tout le temps de leur vie, et voila que Dieu veut qu'ils soyent unis par le lien d'un saint mariage, non pas pour les faire dédire ni se repentir de leur vœu, ains pour les reconfirmer et se fortifier l'un l'autre de perseverer en leur sainte entreprise; c'est pourquoy ils le firent encores de vivre virginalement ensemble tout le reste de leur vie..

  A006000591 

 Il dit donc ainsi: Nostre sœur, ceste petite fillette, helas, qu'elle est petite! [356] elle n'a point de mammelles: que luy ferons-nous au jour qu'il luy faudra parler? Que si c'est un mur faisons-luy des boulevars d'argent, et si c'est une porte, il la nous faut renforcer et doubler d'ais de cedre ou de quelque bois incorruptible.

  A006000591 

 Nostre sœur elle est petite, elle n'a point de mammelles, c'est à dire, elle ne pense point au mariage, car elle n'a ni sein ni soin pour cela: que luy ferons-nous au jour qu'il luy faudra parler? Qu'est-ce à dire cela: au jour qu'il luy faudra parler? le divin Espoux ne luy parle-t'il pas tousjours quand il luy plaist? Au jour qu'il luy faudra parler, cela veut dire, de la parole principale, qui est quand on parle aux filles de les marier; d'autant que c'est une parole d'importance, puisqu'il y va du choix et de l'élection d'une vocation et d'un estat auquel il faut par apres demeurer.

  A006000591 

 Que si c'est, dit le sacré Espoux, un mur, faisons-luy des boulevars d'argent; si c'est une porte, au contraire que nous la veuillions enfoncer, nous la doublerons ou renforcerons d'ais de cedre, qui est un bois incorruptible..

  A006000592 

 Qu'est-ce que le glorieux saint Joseph, sinon un fort boulevard qui a esté establi au dessus de Nostre Dame, puisqu'estant son Espouse, elle luy estoit sujette et il avoit soin d'elle? Au contraire donques que saint Joseph fust establi au dessus de Nostre Dame pour luy faire rompre son vœu de virginité, il luy a esté donné pour compagnon d'icelle, et à fin que la pureté de Nostre Dame peust plus admirablement perseverer en son integrité sous le voile et l'ombrage du saint mariage et de la sainte union qu'ils avoyent par ensemble.

  A006000592 

 Si c'est une tour ou une muraille, establissons au dessus des boulevars d'argent, qui, au lieu d'abattre la tour, la renforceront davantage.

  A006000592 

 Si la tres-sainte Vierge est une porte, dit le Pere eternel, nous ne voulons pas qu'elle soit ouverte, car c'est une porte orientale par laquelle nul ne peut entrer ni sortir; au contraire, il la faut doubler et renforcer de bois incorruptible, c'est à dire, luy donner un compagnon en sa pureté, qui est le grand saint Joseph, lequel devoit pour cest effet surpasser tous les Saints, voire les Anges et les Cherubins mesmes en ceste vertu tant recommandable de la virginité, vertu qui le rendit semblable au palmier, ainsi que nous avons dit..

  A006000593 

 Car encor que la palme soit le prince des arbres, elle est neantmoins le plus humble, ce qu'elle tesmoigne en ce qu'elle cache ses fleurs au printemps où tous les autres arbres les font voir, et ne les laisse paroistre qu'au gros des chaleurs.

  A006000593 

 Je dis, selon mon propos, qu'il se fait une juste ressemblance et conformité entre saint Joseph et la palme en leur vertu, vertu qui n'est autre que la tres-sainte humilité.

  A006000594 

 De mesme en fait l'ame juste, car elle tient cachées ses fleurs, c'est à dire ses vertus, sous le voile de la tres-sainte humilité jusques à la mort, en laquelle Nostre Seigneur les fait esclorre et les laisse paroistre au dehors, d'autant que les fruicts ne doivent pas tarder à paroistre..

  A006000596 

 Non qu'il y ayt de la [360] comparaison, sinon en ce qui regarde Nostre Seigneur, qui est l'une des Personnes de la tres-sainte Trinité, car quant aux autres ce sont des creatures; mais pourtant nous pouvons dire ainsi, que c'est une trinité en terre qui represente en quelque façon la tres-sainte Trinité.

  A006000597 

 Ce seul exemple suffit pour le bien entendre: il s'en va en son païs et en sa ville de Bethlehem, et nul n'est rejetté de tous les logis que luy, au moins que l'on sçache; si qu'il fut contraint de se retirer et conduire sa chaste Espouse dans un estable, parmi les bœufs et les asnes.

  A006000597 

 Je sçay bien, vouloit-il dire, que si je me jette en la mer, je periray; mais toy, qui es tout-puissant, marcheras sur les eaux sans danger; c'est pourquoy je te supplie de te retirer de moy, et non pas que je me retire de toy..

  A006000597 

 O en quelle extremité estoit reduite son abjection et son humilité! Son humilité fut la cause, ainsi que l'explique saint Bernard, qu'il voulut quitter Nostre Dame quand il la vid enceinte; car saint Bernard dit qu'il fit ce discours en soy-mesme: Et qu'est cecy? Je sçay qu'elle est vierge, car nous avons fait, un vœu par ensemble de garder nostre virginité et pureté, à quoy elle ne voudroit aucunement manquer; d'ailleurs je voy qu'elle est enceinte et qu'elle est mere: comment se peut faire que la maternité se trouve en la virginité, et que la virginité n'empesche point la maternité? O Dieu! dit-il en soy-mesme, ne seroit-ce point peut estre ceste glorieuse Vierge dont les Prophetes asseurent qu'elle concevra et sera Mere du Messie? O si cela est, à Dieu ne plaise que je demeure avec elle, moy qui en suis si indigne.

  A006000598 

 En quoy nous voyons combien l'humilité est necessaire pour la conservation de la virginité, puisqu'indubitablement aucun ne sera du celeste banquet et du festin nuptial que Dieu prepare aux vierges en la celeste demeure, sinon entant qu'il sera accompagné de ceste vertu.

  A006000598 

 Mais si saint Joseph estoit soigneux de tenir resserrées ses vertus sous l'abri de la tres-sainte humilité, il avoit un soin tres-particulier de cacher la pretieuse perle de sa virginité; c'est pourquoy il consentit d'estre marié, à fin que personne ne la peust cognoistre, et que dessous le saint voile du mariage il peust vivre plus à couvert.

  A006000599 

 Cette boite d'albastre est donques l'humilité, dans laquelle nous devons, à l'imitation de Nostre Dame et de saint Joseph, resserrer nos vertus et tout ce qui nous peut faire estimer des hommes, nous contentans de plaire à Dieu et demeurans sous le voile sacré de l'abjection de nous-mesmes, attendans, ainsi que nous avons dit, que Dieu venant pour nous retirer au lieu de seureté, qui est la gloire, fasse luy-mesme paroistre nos vertus pour son honneur et gloire..

  A006000599 

 De mesme, les ames justes craignant de perdre le prix et la valeur de leurs bonnes œuvres, les resserrent ordinairement dans une boite; mais non dans une boite commune, non plus que les onguens pretieux, ains dans une boite d'albastre, telle que celle que sainte Magdelaine respandit ou vuida sur le chef sacré de Nostre Seigneur lors qu'il la restablit en la virginité non essentielle mais reparée, laquelle est quelquefois plus excellente, estant acquise et restablie par la penitence, que non pas celle qui n'ayant point receu de tare est accompagnée de moins d'humilité.

  A006000600 

 Il a une tres-grande part en ce thresor divin qu'il avoit chez luy, qui est Nostre Seigneur et nostre Maistre, et cependant il se tient si rabaissé et humilié qu'il ne semble point qu'il y ayt de part; et toutefois il luy appartient plus qu'à nul autre apres la tres-sainte Vierge, et nul n'en peut douter, puisqu'il estoit de sa famille et le Fils de son Espouse [363] qui luy appartenoit.

  A006000600 

 J'ay accoustumé de dire, que si une colombe (pour rendre la comparaison plus conforme à la pureté des Saints dont je parle) portoit en son bec une datte laquelle elle laissast tomber dans un jardin, diroit-on pas que le palmier qui en viendroit appartient à celuy à qui est le jardin? Or, si cela est ainsi, qui pourra douter que le Saint Esprit ayant laissé tomber ceste divine datte, comme un divin Colombeau, dans le jardin clos et fermé de la tres-sainte Vierge, jardin seellé, et environné de toutes parts des hayes du saint vœu de virginité et chasteté toute immaculée, lequel appartenoit au glorieux saint Joseph comme la femme ou l'espouse à l'espoux, qui doutera, dis-je, ou qui pourra dire que ce divin palmier qui porte des fruicts qui nourrissent à l'immortalité, n'appartienne quant et quant à ce grand saint Joseph, lequel pourtant ne s'en esleve point davantage, n'en devient point plus superbe, ains en devient tousjours plus humble?.

  A006000601 

 O Dieu, qu'il faisoit bon voir la reverence et le respect avec lequel il traittoit tant avec la Mere qu'avec le Fils! S'il avoit bien voulu quitter la Mere, ne sçachant encor tout à fait la grandeur de sa dignité, en quelle admiration et profond aneantissement estoit-il par apres, quand il se voyoit estre tant honnoré que Nostre Seigneur et Nostre Dame se rendissent obeissans à ses volontés et ne fissent rien que par son commandement! Cecy est une chose qui ne se peut comprendre; c'est pourquoy il nous faut passer à la troisiesme proprieté que je remarque estre en la palme, qui est [364] la vaillance, constance et force, vertus qui se sont trouvées en un degré fort eminent en nostre Saint..

  A006000602 

 La palme monstre sa force et sa constance en ce que, plus elle est chargée, et plus elle monte en haut et devient plus haute; ce qui est tout contraire non seulement aux autres arbres mais à toutes autres choses, car plus l'on est chargé, et plus l'on s'abaisse contre terre.

  A006000602 

 La palme, elle a une force et une vaillance et mesme une constance tres-grande au dessus de tous les autres arbres; aussi est-elle le premier de tous.

  A006000602 

 Mais la palme monstre sa force et sa constance en ne se sousmettant ni abaissant jamais pour aucune charge que l'on mette sur elle; car c'est son instinct de monter en haut, et partant elle le fait sans que l'on l'en puisse empescher.

  A006000603 

 C'est certes à tres-juste raison que saint Joseph est dit ressembler à la palme; car il fut tousjours fort, vaillant, constant et perseverant.

  A006000603 

 La force, c'est ce qui fait que l'homme resiste puissamment aux attaques de ses ennemis; mais la vaillance est une vertu qui fait que l'on ne se tient pas seulement prest pour combattre ni pour resister quand l'occasion s'en presente, mais que l'on attaque l'ennemy à l'heure mesme qu'il ne dit mot.

  A006000603 

 Nous appelions un homme constant, lequel se tient ferme et preparé à souffrir les assauts de ses ennemis, sans s'estonner ni perdre courage durant le combat; mais la perseverance regarde principalement un certain ennuy interieur qui nous arrive en la longueur de nos peines, qui est un ennemy aussi puissant que l'on en puisse rencontrer.

  A006000604 

 Le diable est tellement ennemy de l'humilité, parce que, manque de l'avoir, il fut dechassé du Ciel et precipité aux enfers (comme si l'humilité pouvoit mais dequoy il ne l'a pas voulu choisir pour compagne inseparable), qu'il n'y a invention ni artifice duquel il ne se serve pour faire decheoir l'homme de ceste vertu, et d'autant plus qu'il sçait que c'est une vertu qui le rend infiniment agreable à Dieu; si que nous pouvons bien dire: Vaillant et fort est l'homme qui, comme saint Joseph, persevere en icelle, parce qu'il demeure tout ensemble vainqueur du diable et du monde, qui est rempli d'ambition, de vanité et d'orgueil..

  A006000604 

 Pour ce qui est de sa constance, combien je vous prie, la fit-il paroistre lors que voyant Nostre Dame enceinte, et ne sçachant point comment cela se pouvoit faire, mon Dieu, quelle detresse, quel ennuy, quelle peine d'esprit n'avoit-il pas? Neantmoins il ne se plaint point, il n'en est point plus rude ni plus mal gratieux envers son Espouse, il ne la maltraitte point pour cela, demeurant aussi doux et aussi respectueux en son endroit qu'il souloit estre.

  A006000605 

 Quant à la perseverance, contraire à cest ennemy interieur qui est l'ennuy qui nous survient en la continuation des choses abjectes, humiliantes, penibles, des mauvaises fortunes, s il faut ainsi dire, ou bien és divers accidens qui nous arrivent, ô combien ce Saint fut [366] esprouvé de Dieu et des hommes mesmes en son voyage! L'Ange luy commande de partir promptement et de mener Nostre Dame et son Fils tres-cher en Egypte, le voila que soudain il part sans dire mot; il ne s'enquiert pas: Où iray-je? quel chemin tiendray-je? de quoy nous nourrirons-nous? qui nous y recevra? Il part d'aventure avec ses outils sur son dos, à fin de gaigner sa pauvre vie et celle de sa famille à la sueur de son visage.

  A006000606 

 Si saint Paul a tant admiré l'obeissance d'Abraham lors que Dieu luy commanda de sortir de sa terre, d'autant que Dieu ne luy dit pas de quel costé il iroit, ni moins Abraham ne luy demanda pas: Seigneur, vous me dites que je sorte, mais dites-moy donc si ce sera par la porte du midy ou du costé de la bise, ains il se mit en chemin, et alloit selon que l'Esprit de Dieu le conduisoit, combien est admirable ceste parfaite obeissance de saint Joseph! L'Ange ne luy dit point jusques à quand il demeureroit en Egypte, et il ne s'en enquiert pas.

  A006000607 

 Dieu veut qu'il soit tousjours pauvre, qui est une des plus puissantes espreuves qu'il nous puisse faire, et il s'y sousmet amoureusement, et non pas pour un temps, car ce fut toute sa vie.

  A006000607 

 Estre juste n'est autre chose qu'estre parfaitement uni à la volonté de Dieu, et y estre tousjours conforme en toutes sortes d'evenemens, soit prosperes ou adverses.

  A006000608 

 Apres quoy il se sousmettoit tres-humblement à la volonté de Dieu en la continuation de sa pauvreté et de son abjection, sans se laisser aucunement vaincre ni terrasser par l'ennuy interieur, lequel sans doute luy faisoit maintes attaques; mais il demeuroit tousjours constant en la soumission laquelle, comme toutes ses autres vertus, alloit continuellement croissant et se perfectionnant; ainsi que de Nostre Dame, laquelle gaignoit chaque jour un surcroist de vertus et de perfections qu'elle prenoit en son Fils tres-saint, lequel ne pouvant croistre en aucune chose, d'autant qu'il fut dés l'instant de sa conception tel qu'il est et sera eternellement, faisoit que la sainte famille en laquelle il estoit alloit tousjours croissant et avançant en perfection, Nostre Dame tirant sa perfection de sa divine Bonté, et saint Joseph la recevant, comme nous avons desja dit, par l'entremise de Nostre Dame..

  A006000608 

 La pauvreté volontaire dont les Religieux font profession est fort aymable, d'autant qu'elle n'empesche pas qu'ils ne reçoivent et prennent les choses qui leur sont necessaires, defendant et les privant seulement des superfluités; mais la pauvreté de saint Joseph, de Nostre Seigneur et de Nostre Dame n'estoit pas telle, car encor qu'elle fust volontaire, d'autant qu'ils l'aymoyent cherement, elle ne laissoit pas pourtant d'estre abjecte, rejettée, mesprisée et necessiteuse grandement; car [368] chacun tenoit ce grand Saint comme un pauvre charpentier, lequel sans doute ne pouvoit pas tant faire, qu'il ne leur manquast plusieurs choses necessaires, bien qu'il se peinast avec une affection nompareille pour l'entretien de toute sa petite famille.

  A006000609 

 Et s'il est vray, ce que nous devons croire, qu'en vertu du tres-saint Sacrement que nous recevons, nos corps ressusciteront au jour du jugement, comment pourrions-nous douter que Nostre Seigneur ne fist monter quant et luy au Ciel, en corps et en ame, le glorieux saint Joseph qui avoit eu l'honneur et la grace de le porter si souvent entre ses benits bras, bras auxquels Nostre Seigneur se plaisoit tant? O combien de baisers luy donnoit-il fort tendrement de sa benite bouche pour recompenser en quelque façon son travail!.

  A006000609 

 Que nous reste-t'il plus à dire maintenant, sinon que nous ne devons nullement douter que ce glorieux Saint n'ayt beaucoup de credit dans le Ciel aupres de Celuy qui l'a tant favorisé que de l'y eslever en corps et en ame; ce qui est d'autant plus probable que nous n'en avons nulle relique ça bas en terre, et il me semble que nul ne peut douter de ceste verité; car, comme eust peu refuser ceste grace à saint Joseph Celuy qui luy avoit esté si obeissant tout le temps de sa vie? Sans doute que Nostre Seigneur descendant au Limbe, fut arraisonné par saint Joseph en ceste sorte: Mon Seigneur, ressouvenez-vous, s'il vous plaist, que quand vous vinstes du Ciel en terre je vous receus en ma maison, en ma famille, et que dés que vous fustes né je [369] vous receus entre mes bras.

  A006000610 

 Saint Joseph donc est au Ciel en corps et en ame, c'est sans doute.

  A006000614 

 La question que nostre Mere me fait, de vous declarer, mes cheres filles, la pretention que l'on doit avoir pour entrer en Religion, est bien la plus importante, la plus necessaire et la plus utile qui se puisse faire.

  A006000614 

 Une autre dira: Mon Dieu, que l'on chante bien là dedans! Les autres y viennent pour y rencontrer la paix, les consolations et toutes sortes de douceurs, disant en leur pensée: Mon Dieu, que les Religieuses [371] sont heureuses! elles sont hors du bruit de pere, de mere, qui ne font autre chose que crier; on ne sçauroit rien faire qui les contente, c'est tousjours à recommencer.

  A006000615 

 Posez le cas qu'un architecte veuille bastir une maison; il fait deux choses: premierement, il considere si son bastiment doit servir pour quelque particulier, pour un prince, ou bien pour un roy, à cause qu'il faut qu'il y procede de differente maniere; puis il calcule à loisir si ses moyens sont bastans pour cela, car qui se voudroit mesler de bastir une haute tour, et qu'il n'eust pas de quoy fournir son bastiment, on se mocqueroit de luy, d'avoir commencé une chose de laquelle il ne pourrait sortir à son honneur; puis il faut qu'il se resolve de ruiner le vieil bastiment qui est en la place où il en veut edifier un nouveau..

  A006000616 

 Je dis donc, mes cheres filles, que nostre unique pretention doit estre de nous unir à Dieu comme Jesus Christ s'est uni à Dieu son Pere, qui a esté en mourant sur la croix; car je n'entens point vous parler de ceste union generale qui se fait par le Baptesme, où les Chrestiens s'unissent à Dieu en prenant ce divin Sacrement et caractere du Christianisme, et s'obligent à garder ses commandemens, ceux de la sainte Eglise, s'exercer aux bonnes œuvres, pratiquer les vertus de la foy, esperance et charité; et partant leur union est valable, et peuvent justement pretendre au Paradis, S'unissant par ce moyen à Dieu comme à leur Dieu, ils ne sont point obligés à davantage; ils ont atteint leur but par la voye generale et spacieuse des commandemens.

  A006000616 

 Nous voulons faire un grand bastiment, mes cheres filles, qui est d'edifier chez nous la demeure de Dieu.

  A006000617 

 C'est estre reliées à Dieu par la continuelle mortification de nous-mesmes, et ne vivre que pour Dieu, nostre propre cœur servant tousjours à sa divine Majesté, nos yeux, nostre langue, nos mains et tout le reste le servant continuellement.

  A006000617 

 C'est pourquoy vous voyez que la Religion vous fournit de moyens tous propres à cest effet, qui sont l'oraison, les lectures, silence, retraitte du propre cœur pour se reposer en Dieu seul, elancemens continuels à Nostre Seigneur.

  A006000617 

 Il faut sçavoir comment, et que c'est d'estre Religieuses.

  A006000617 

 Pesez bien le tout; le temps est encore long pour y penser, avant que vos voiles soyent teints en noir; car je vous declare, mes cheres filles, et je ne vous veux point flatter, quiconque desire vivre selon la nature, qu'il demeure au monde; et ceux qui sont determinés de vivre selon la grace, viennent en la Religion, laquelle n'est autre chose qu'une escole de l'abnegation et mortification de soy-mesme: c'est pourquoy vous voyez qu'elle vous fournit de plusieurs outils de mortification, tant interieurs qu'exterieurs..

  A006000617 

 Sçachez, mes cheres filles, que si le grain de froment tombant en terre ne meurt, il demeurera tout seul; mais s'il pourrit, il rapportera au centuple: la parole de Nostre Seigneur y est toute claire, sa tres-sainte bouche l'ayant elle-mesme prononcée.

  A006000618 

 Mais, mou Dieu! me direz-vous, ce n'est pas cela que je cherchois; je pensois qu'il suffisoit pour estre bonne Religieuse, d'avoir desir de bien faire l'oraison, avoir des visions et revelations, voir des Anges en forme d'homme, estre ravie en extase, aymer bien la lecture des bons livres.

  A006000618 

 N'estoit-ce pas estre bien humble de parler si doucement à ses compagnes des choses de devotion, raconter les sermons estant chez soy, traiter doucement avec ceux du logis, sur tout quand ils ne contredisoyent point? Certes, mes cheres filles, cela estoit bon pour le monde; mais la Religion veut que l'on fasse des œuvres dignes de sa vocation, c'est à dire, mourir à soy-mesme en toutes choses, tant à ce qui est bon à nostre gré [374] qu'aux choses mauvaises et mutiles.

  A006000619 

 Et comme il ne faut pas que le laboureur se fasche, puisqu'il ne merite pas d'estre blasmé pour n'avoir point recueilli une bonne prise, pourveu neantmoins qu'il ayt eu soin de cultiver bien la terre et de la bien ensemencer, de mesme le Religieux ne doit point se fascher s'il ne recueille pas si tost les fruicts de la perfection et des vertus, pourveu qu'il ayt une grande fidelité de bien cultiver la terre de son cœur, en retranchant ce qu'il apperçoit estre contraire à la [375] perfection à laquelle il s'est obligé de pretendre, puisque nous ne serons jamais parfaitement gueris que nous ne soyons en Paradis..

  A006000619 

 Il est bien vray, certes, que les ames religieuses reçoivent mille suavités et contentemens parmi les mortifications et les exercices de la sainte Religion, car c'est principalement à elles que le Saint Esprit départ ses pretieux dons.

  A006000620 

 C'est une mauvaise nouvelle pour une fille qui est bien devote.

  A006000620 

 Ces paroles sont dures: Il faut mourir; mais elles sont suivies d'une grande douceur: c'est à fin d'estre unies à Dieu par ceste mort.

  A006000620 

 Elle nous donne des Regles pour servir à nos cœurs de pressoirs, et en faire sortir tout ce qui est contraire à Dieu: vivez donc courageusement selon icelles..

  A006000620 

 Je dis donc qu'il faut mourir à fin que Dieu vive en nous, car il est impossible d'acquerir l'union de nostre ame avec Dieu par un autre moyen que par la mortification.

  A006000620 

 Je vous asseure de la part de Dieu, que si vous estes fidelles à faire ce qu'elles vous enseignent, vous parviendrez sans doute au but que vous devez pretendre, qui est de vous unir à Dieu.

  A006000620 

 Quand vostre Regle vous dit « que l'on demande les livres à l'heure assignée, » pensez-vous que ce soit pour l'ordinaire ceux qui vous contentent le plus que l'on vous donne? Nullement, ce n'est pas là l'intention de la Regle; et ainsi des autres exercices.

  A006000621 

 Bien-heureux serons-nous si un quart d'heure devant que mourir nous nous trouvons revestus de ceste robbe! Toute nostre vie sera bien employée si nous l'occupons à y coudre tantost une piece, tantost une autre; car ce saint habit ne se fait pas avec une piece seulement, il est requis qu'il y en ayt plusieurs.

  A006000621 

 Certes, ma chere fille, facilement je vous croy; c'est chose qui ne s'apporte point du monde à la Religion.

  A006000622 

 Je vous ay dit plusieurs fois que la Religion est une escole où l'on apprend sa leçon: le maistre ne requiert pas tousjours que les escoliers sçachent sans faillir leur leçon, il suffit qu'ils ayent attention de faire leur possible pour l'apprendre.

  A006000622 

 Voyez-vous pas tous les jours les personnes qui apprennent à tirer des armes? ils tombent souvent; de mesme en font ceux qui apprennent à monter à cheval: mais ils ne se tiennent pas pourtant vaincus, car autre chose est d'estre quelquefois abbatus, et autre chose absolument vaincus.

  A006000623 

 On ne requiert pas de vous que vous n'ayez point de passions; il n'est pas en vostre pouvoir, et Dieu veut que vous les ressentiez jusques à la mort pour vostre plus grand merite; ni mesme qu'elles soyent peu fortes, car ce seroit dire qu'une ame mal habituée ne peut estre propre à servir Dieu.

  A006000624 

 A ce propos, il me vient en pensée de vous raconter une histoire qui vous est propre.

  A006000624 

 Ces deux jeunes ames que voicy, dont l'une passe un peu seize ans, l'autre n'en a que quinze, elles ont peu à tuer; aussi leur [379] esprit n'est pas quasi né: mais ces grandes ames qui ont experimenté plusieurs choses et ont gousté les douceurs du Paradis, c'est à elles à qui appartient de bien tuer et aneantir leurs passions..

  A006000625 

 Cela est du devoir des nautonniers, qui voyant tousjours la belle estoille, ceste boussole du navire, sçavent qu'ils sont en bonne voye et disent aux autres qui sont en la barque: Courage, vous estes en bon chemin..

  A006000625 

 Pour celles que vous dites, ma Mere, qui ont de si grands desirs de leur perfection qu'elles veulent passer toutes les autres en vertu, elles font bien de consoler un peu leur amour propre; mais elles feront prou de suivre la Communauté en bien gardant leurs Regles, car c'est la droite voye pour arriver à Dieu.

  A006000625 

 Vous estes bien heureuses, mes cheres filles, au prix de nous autres dans le monde; lors que nous demandons le chemin, l'un dit: C'est à droite, l'autre: C'est à gauche, et en fin le plus souvent on nous trompe; mais vous autres, vous n'avez qu'à vous laisser porter.

  A006000626 

 Suivez sans crainte ceste boussole divine, c'est Nostre Seigneur; la barque ce sont vos Regles; ceux qui la conduisent sont les Superieures, qui pour l'ordinaire vous disent: Marchez, nos Soeurs, par l'observance ponctuelle de vos Regles; vous arriverez heureusement à Dieu, il vous conduira seurement.

  A006000627 

 Elles ont raison de le dire et il est veritable; mais il est vray aussi que si cest attrait vient de Dieu, il les conduira à l'obeissance sans doute.

  A006000627 

 Il n'appartient pas à nous autres, qui sommes inferieurs, de juger de nos attraits particuliers; cela est du devoir des Superieurs, et pour cela la direction particuliere est ordonnée.

  A006000627 

 Mais prenez garde que s'il vous vient quelque goust interieur et caresse de Nostre Seigneur, de ne vous y attacher pas; c'est comme un peu d'anis confit que l'apothicaire met sur la potion amere du malade: il faut que le malade avale la medecine bien amere, pour sa santé, et bien qu'il prenne de la main de l'apothicaire ces grains sucrés, il faut par necessité qu'il ressente par apres les amertumes de la purgation..

  A006000627 

 Si vous faites ce qui vous est enseigné, mes cheres filles, vous serez tres-heureuses, vous vivrez contentes et experimenterez dés ce monde les faveurs du Paradis, au moins par petits eschantillons.

  A006000627 

 Vous dites, ma Mere, que nos Soeurs disent: Cela est bon de marcher par les Regles, mais c'est la voye generale.

  A006000628 

 Vous voyez donc clairement quelle est la pretention que vous devez avoir pour estre dignes espouses de Nostre Seigneur, et pour vous rendre capables de l'espouser sur le mont de Calvaire.

  A006000634 

 O ma fille, quand je dis qu'il ne faut rien demander ni rien desirer, j'entens pour les choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons demander; et demandant l'amour de Dieu, nous les y comprenons, car il les contient toutes.

  A006000635 

 Il est tousjours meilleur de ne rien desirer, mais se tenir preste pour recevoir celles que l'obeissance nous imposera; et fussent-elles honnorables ou abjectes, je les prendrois et recevrois humblement sans en dire un seul mot, sinon que l'on m'interrogeast, et lors je respondrois simplement la verité comme je la penserais..

  A006000635 

 Mais pour l'employ exterieur, ne pourroit-on pas, dites-vous, desirer les charges basses parce qu'elles sont plus penibles et qu'il y a plus à faire et à s'humilier pour Dieu? Ma fille, David disoit qu'il aymoit mieux estre abject en la maison du Seigneur, que d'estre grand parmi les pecheurs; et: Il est bon, Seigneur, dit-il, que vous m'ayez humilié, à fin d'apprendre vos justifications. Or neantmoins, ce desir est fort suspect et peut estre une cogitation humaine.

  A006000636 

 Ceste bonne femme, estant dans le lict avec une grosse fievre, pratiqua plusieurs vertus; mais celle que j'admire le plus est ceste grande remise qu'elle fit d'elle-mesme à la providence de Dieu et au soin de ses superieurs, demeurant en sa fievre, tranquille, paisible et sans aucune inquietude, ni sans en donner à ceux qui estoyent aupres d'elle.

  A006000636 

 Heureux seront les Religieux et Religieuses qui feront ceste grande et absolue remise entre les mains de leurs Superieurs, lesquels, par le motif de la charité, les serviront et pourvoiront soigneusement à tous leurs besoins et necessités, car la charité est plus forte et presse de plus pres que la nature..

  A006000637 

 Je veux pas dire pourtant qu'on ne la puisse bien demander à Nostre Seigneur, comme à Celuy qui nous Peut donner, avec ceste condition, si telle est sa volonté; car nous devons tousjours dire: Fiat voluntas tua..

  A006000637 

 Mais ce qui est encore plus admirable, c'est qu'elle le voit dans sa maison, où il la regarde et elle le regarde aussi; et si, elle ne luy dit pas un seul mot de son mal pour l'exciter à avoir pitié d'elle, ni ne s'empresse à le toucher pour estre guerie.

  A006000638 

 Au reste, elle n'est pas comme ces personnes du monde qui ayant une maladie de quelques jours, il leur faut les semaines et les mois pour les refaire..

  A006000639 

 En fin, c'est grande compassion combien nous sommes peu imitateurs de la patience de nostre Sauveur, lequel s'oublioit de ses douleurs et ne taschoit point de les faire remarquer par les hommes, se contentant que son Pere celeste, par l'obeissance duquel il les souffroit, les considerast, et appaisast son courroux envers la nature humaine pour laquelle il patissoit..

  A006000639 

 Nostre mal, quel qu'il soit, est incomparable, et celuy que les autres souffrent n'est rien au prix; nous sommes plus chagrins et impatiens qu'il ne se peut dire; nous ne trouvons rien qui aille comme il faut pour nous contenter.

  A006000640 

 Il n'est pas escrit qu'il estendist jamais ses mains pour avoir les mammelles de sa Mere, il se laissoit tout à fait à son soin et prevoyance; aussi ne refusoit-il pas tous les petits soulagemens qu'elle luy donnoit.

  A006000667 

 Mandons en outre au premier nostre Huissier, ou Sergent, sur ce requis, faire pour l'execution des presentes tous exploits requis et necessaires, sans pour ce demander congé, placet, Visa, ne pareatis: Car tel est nostre plaisir.

  A006000681 

 A ces causes, apres qu'il nous est apparu, par l'acte d'Approbation des Docteurs en Theologie, cy attaché soubs le contre-seel de nostre Chancellerie, qu'il n'y a rien audict Livre de contraire à la Religion Catholique, Apostolique et Romaine; Avons au susdict Exposant permis et octroyé, permettons et octroyons par ces presentes de faire imprimer en nostre Royaume ledict Livre, sans qu'aucuns autres Imprimeurs que celuy qui sera par luy nommé, puissent imprimer, vendre, ny distribuer ledict Livre, durant le temps de six ans; Faisant pareillement defence à tous Imprimeurs, d'imprimer à l'advenir aucunes des Œuvres dudict feu sieur Evesque, cy devant imprimées, et à imprimer, sans l'expies consentement dudict Exposant, sur peine d'amende arbitraire, confiscations desdicts Livres, et de tous despens, dommages, et interests.

  A006000681 

 Voulons et nous plaist qu'en faisant mettre au commencement, ou à la fin dudict Livre un bref, ou sommaire extraict des presentes, ensemble le consentement et permission dudict sieur Evesque de Geneve, elles soyent tenuës pour suffisamment signifiées, et venuës à la cognoissance de tous, comme si plus particulierement elles estoyent exprimées: Car tel est nostre plaisir.

  A006000695 

 A quelles fins, et en conformité dudit pouvoir et Privilege, donné comme dict est par le Roy à mondict Seigneur le Reverendissime Evesque, il a transporté, comme il cede, et transporte purement au sieur Vincent de Cœursilly Libraire de la ville de Lyon, absent, moy Notaire pour luy stipulant; à sçavoir le mesme Privilege, et pouvoir d'imprimer, ou faire imprimer Les vrays Entretiens du bien heureux FRANÇOIS DE SALES Evesque et Prince de Geneve, son Frere et predecesseur, et de directement y proceder tout ainsi, et à la mesme forme que feroit mondit Seigneur, si present y estoit, sans permettre aucun abus; ains que le tout soit faict vrayement, et nettement, le mettant en son vray lieu et place, en conformité dudit Privilege: le faisant et constituant en cest endroit son vray Procureur special, et irrevocable, pour faire les informations requises et necessaires, avec eslection de domicile, informer, soubs et avec toutes provisions, sermens, obligations, renonciations, et clauses requises.

  A006000695 

 L'an mil six cens vingt-neuf, et le vingt-uniesme jour du mois de Juin; par devant moy Notaire soubsigné, et presens les tesmoins sousnommez: S'est estably et constitué en personne, Monseigneur l'Illustrissime, et Reverendissime JEAN FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve, lequel de son gré, et en suitte du Privilege par luy obtenu du Roy, par patentes de sa Majesté, données au Camp de la Rochelle, en l'année mil six cens vingt-huict, et le vingtiesme jour du mois de Juillet, aux fins de faire imprimer Les vrays Entretiens du bien heureux FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve.

  A006000698 

 Nous Michel Favre, Official deputé en l'Evesché de Geneve, certifions à tous qu'il appartiendra, que maistre Claude Decrouz, Notaire, bourgeois d'Annessy, qui a receu et stipulé l'acte de transport, et remission de Privilege sus escrit, est Notaire Ducal en Genevois, et qu'aux Actes, et Contrats par luy receus, et stipulez, foy y est adjoustée en jugement, et dehors, vivant ledit Notaire en bonne fame, vie, et reputation, ainsi que tout notoire.

  A006000731 

 O ma chere fille Simplicienne, il le faut bien faire le mieux que nous pourrons: [398] n'est-il pas vray que nous nous sommes faites Religieuses pour cela nous deux? Je suis certes bien aise qu'il y ayt une Sœur ceans qui veuille tenir ma place et estre Religieuse pour moy, mais j'ayme bien que ce soit ma Sœur Claude Simplicienne, car je l'ayme bien ma Sœur Claude Simplicienne..

  A006000732 

 Or sus, faisons donc le mieux que nous pourrons; rien ne nous doit empescher de bien faire tout ce qui est marqué dans nos Constitutions, car nous le pouvons avec la grace de Nostre Seigneur.

  A006000732 

 Voulez-vous que je vous die encore, ma tres-chere fille? Il m'est advis que je serois bien joyeux, et que je ne m'empresserais jamais; cela, Dieu mercy, je le fais desja, car jamais je ne m'empresse, mais je le ferois encore mieux..

  A006000733 

 Et qu'avons-nous [399] en ce monde autre chose à faire que cela? Rien du tout, nous sçavons tout ce qui est requis que nous sçachions pour cela, et à ceste heure il nous faut quitter nous-mesmes.

  A006000738 

 Et que c'est que je ferois? Je n'en sçay rien: qu'en peux-je sçavoir? Je ne ferois pas si bien que vous, car je suis un poltron, je ne vaux rien moy; [397] mais il m'est advis qu'avec la grace de Dieu, je me rendrois si attentif à la pratique des vertus et menues observances qui sont introduites là dedans, que par ce moyen je tascherois de gaigner le cœur de Nostre Seigneur.

  A006000738 

 O de cela il m'est advis que je le ferois.

  A006000739 

 Il m'est advis que si je m'estois donné une bonne fois à Nostre Seigneur en ceste sorte, comme on fait lors qu'on fait Profession, que je luy laisserais bien tout le soin de moy-mesme et de tout ce qui me regarde; je le laisserois faire de moy tout ce que l'on voudroit, au moins ce me semble.

  A006000739 

 O cela il nous le faut bien faire le [398] mieux que nous pourrons, car à ceste heure, nous deux nous nous faisons Religieux pour cela: n'est-il pas bien vray? Je suis bien aise qu'il y ayt une Sœur Claude Simplicienne, car je l'ayme de tout mon cœur ma Sœur Claude Simplicienne.

  A006000739 

 Si on m'employoit à quelque chose, ou que l'on me donnast une charge, je l'aymerois bien et tascherois de bien faire tout ce à quoy je serais employé; et si on ne m'en donnoit point, qu'on me laissast là, à ceste heure je ne [me] meslerois de rien que de bien faire l'obeissance et bien aymer Nostre Seigneur; il m'est advis que je l'aymerois bien de tout mon cœur.

  A006000740 

 Il m'est advis que si j'estois là dedans je serois bien joyeux; je serois si content d'avoir tous mes exercices marqués! Mais je ne m'empresserois jamais, ô non; cela je le ferois encore bien, ce me semble, car dés à ceste heure je ne m'empresse jamais, je fais desja cela..

  A006000740 

 Rien ne nous doit empescher de bien faire tout ce qui est marqué en nos Constitutions; avec la grace de Dieu, nous le pouvons et devons faire.

  A006000741 

 A ceste heure nous n'avons rien à faire que ce qui est escrit pour nous.

  A006000741 

 C'est bien peu ce que nous laissons au monde, mais puisque c'est tout ce que nous pouvions avoir, c'est tout quitter.

  A006000741 

 Et tousjours je tascherois le mieux que je pourrois de faire toutes mes actions en la presence de Dieu, avec le plus d'humilité et d'amour qu'il me seroit possible, car on apprend ceans à faire ainsi, n'est-il pas vray? Et qu'avons-nous à faire nous autres que cela? [399] rien du tout.

  A006000741 

 Il m'est advis que je me tiendrois bien bas et petit au prix des autres.

  A006000748 

 C'est pourquoy il ne faut pas s'arrester là, ains passer au second degré, qui est la [400] recognoissance; car il y a difference entre cognoistre une chose et la recognoistre..

  A006000748 

 Ceste humilité icy, si elle ne passe pas plus avant, elle n'est pas grande chose, et en effect elle est fort commune; car il se trouve peu de personnes qui vivent avec tant d'aveuglement qu'ils ne cognoissent assez clairement leur vileté, pour peu de consideration qu'ils fassent; mais neantmoins, si bien ils sont contrains de se voir pour ce qu'ils sont, ils seroyent extremement marris si quelqu'autre les tenoit pour tels.

  A006000748 

 Le premier degré de l'humilité c'est la cognoissance de soy-mesme, c'est à dire lors que par le tesmoignage de nostre propre conscience et par la lumiere que Dieu respand dans nostre esprit, nous cognoissons que nous ne sommes rien que pauvreté, que misere et abjection.

  A006000749 

 La recognoissance donques c'est de dire et publier quand il en est besoin, ce que nous cognoissons de nous; mais cela s'entend de le dire avec un vray sentiment de nostre neant, car il s'en trouve une infinité qui ne font autre chose que s'humilier en paroles.

  A006000750 

 Et ce degré icy est desja fort bon..

  A006000750 

 Le troisiesme degré est d'avouer et confesser nostre vileté et abjection quand les autres la descouvrent: car souventesfois nous disons bien nous-mesmes, voire avec sentiment, que nous sommes pervers et miserables, mais nous ne voudrions pas qu'un autre nous devançast en ceste declaration; et si l'on le fait, non seulement nous n'y prenons pas plaisir, mais de plus nous nous en piquons, qui est une vraye marque que nostre humilité n'est pas parfaite ni de la fine.

  A006000751 

 Le quatriesme c'est d'aymer le mespris et se resjouïr quand on nous deprime et avilit; car, quelle apparence de tromper l'esprit d'autruy? il n'est pas raisonnable.

  A006000752 

 Le cinquiesme, qui est le dernier et le plus parfait de tous les degrés d'humilité, c'est non seulement d'aymer le mespris, mais de le desirer, de le rechercher et s'y complaire pour l'amour de Dieu: et ceux qui parviennent icy sont bien heureux, mais le nombre en est fort petit.

  A006000761 

 Je mediteray comme la colombe et mes yeux seront fatigués en contemplant le ciel, parce que la colombe mangeant les grains qu'elle amasse, elle esleve souvent ses yeux au ciel: c'est pourquoy les yeux de l'Espouse sont comparés aux yeux de la colombe, pour signifier que les espouses de Jesus Christ, meditant, mangeant et travaillant, doivent souvent eslever les yeux au Ciel où est leur Bien-Aymé..

  A006000763 

 Celuy qui assemble et fait amas de vertus sans humilité, est semblable à celuy qui porte en ses mains de la poussiere au vent..

  A006000763 

 La rose a encor une autre proprieté, c'est qu'elle tue tous les limaçons qui viennent à l'entour de son rosier, par sa suave odeur: ainsy l'ame devote, qui doit estre une rose devant Dieu, doit chasser et tuer tous les limaçons qui viennent à l'entour de son cœur, c'est à dire le rafroidissement et tiedeur qui l'empeschent de courir en la voye de Dieu.

  A006000763 

 La rose represente l'amour et charité; elle a ses feuilles incarnates, toutes faites en façon de cœurs: telles doivent estre toutes les actions des espouses de Jesus Christ, ayant autant de cœurs que de feuilles et autant de feuilles que de cœurs; c'est à dire des cœurs pleins d'amour; et de feuilles, pour le peu d'estime qu'elles doivent avoir de tout ce qu'elles font.

  A006000763 

 Tout homme, dit David, qui pense estre quelque chose, est menteur, car en verité il n'est rien.

  A006000764 

 Bien-heureuse sera l'ame qui pourra dire en verité à l'heure de la mort, à l'imitation de Nostre Seigneur: Tout est consommé, j'ay fait tout ce que j'ay peu pour m'avancer au service de Dieu..

  A006000765 

 Il ne faut pas desirer d'estre delivré de ses imperfections, sinon parce qu'elles desplaisent à Dieu; car il est bon, pour nous tenir en humilité et resignation, que sa volonté soit faite ou nous les ostant ou nous les laissant, pourveu qu'il soit glorifié en icelles..

  A006000766 

 Il ne se faut pas humilier pour estreexalté, mais il se faut humilier parce que Dieu s'est humilié.

  A006000766 

 L'on n'est en Religion que pour conserver en nous l'image et semblance de Dieu sans intermission, et le moyen de le faire, c'est d'estre continuellement en sa presence et former toutes nos actions au modele des siennes.

  A006000767 

 Il y a trois conditions requises pour la bien faire: la premiere c'est l'intention, la seconde, l'attention et la troisiesme, la reverence.

  A006000770 

 La femme vertueuse est d'autant plus excellente dans sa vertu, que son sexe semble estre fresle et fragile..

  A006000772 

 C'est une des plus grandes graces que nous puissions recevoir de Nostre Seigneur que la cognoissance de ce que nous sommes, par quelque voye que ce soit..

  A006000773 

 La meilleure preparation que nous pouvons faire pour bien celebrer les festes, c'est de bien faire ce que nous faisons..

  A006000774 

 Celuy qui s'est voué au service de Dieu doit faire beaucoup d'estime de sa vocation; et qu'il se prepare pour combattre et endurer tous les rencontres et toutes les difficultés qui se presenteront en son chemin..

  A006000775 

 Ce n'est pas humilité de se recognoistre miserable, c'est seulement n'estre pas beste; mais c'est humilité de vouloir et desirer que l'on nous tienne et que l'on nous traitte pour tels..

  A006000776 

 Il ne faut pas desirer d'arriver à la perfection tout à coup; il faut aller le chemin commun et ordinaire, qui est le plus seur..

  A006000777 

 Il est meilleur pour nous d'estre sur le mont de Calvaire avec Nostre Seigneur crucifié, que sur celuy de Thabor où il fut transfiguré.

  A006000777 

 Quand nous avons ouy la voix du Pere qui dit: Cestuy-cy est mon Fils bien-aymé, escoutez-le, il faut mettre en pratique ce qu'il nous a dit.

  A006000779 

 Il ne faut jamais penser qu'on aye bien fait une action, encor que nous l'ayons faite avec toute la perfection qu'il nous a esté possible, parce que nous ne sçavons pas ce qu'elle est devant Dieu; la propre volonté ne vaut rien devant luy.

  A006000779 

 Snr qui regarderay-je, dit Dieu, sinon sur celuy qui est humble et craintif?.

  A006000781 

 Il est meilleur et plus seur d'establir le royaume des vertus en guerre qu'en paix, bien qu'il ne faille desirer ni la paix ni la guerre; mais si cela estoit remis à nostre choix, il faudroit choisir la guerre, parce qu'il y auroit plus de tesmoignage de nostre fidelité..

  A006000782 

 La parole de Dieu est une charge; les predicateurs en sont chargés avant que de l'avoir annoncée, et les auditeurs en demeurent, chargés apres qu'ils l'ont ouÿe..

  A006000783 

 Il faut jetter nos vestemens, c'est à dire nos habitudes, sous les pieds de Nostre Seigneur, à fin de dire: Vive le Roy!.

  A006000784 

 Nostre Seigneur est si amoureux de l'humilité qu'il met au hazard que nous perdions toutes les autres vertus pour conserver celle-cy..

  A006000785 

 Le sommaire de toutes vertus c'est d'estre fondé en une profonde crainte de Dieu, laquelle au seul nom du peché nous fasse trembler.

  A006000787 

 Il faut avoir continuellement et en tout temps douleur de nos pechés, parce qu'ils ont offencé Dieu qui est eternellement bon.

  A006000789 

 La cause pourquoy nous ne faisons pas nostre profit de l'usage frequent des Sacremens c'est parce que nous n'y portons pas un esprit vuide et despouillé, et qu'apres les avoir receus nous nous retournons endormir en nos miseres..

  A006000790 

 Il nous faut bien recognoistre nostre neant, mais il n'y faut pas demeurer, car nous ne nous aneantissons que pour nous unir à nostre tout qui est Dieu.

  A006000791 

 Celuy qui prie sans attention, son oraison est infructueuse.

  A006000794 

 Il n'y a rien que Dieu ayt tant à contre-cœur que la negligence, c'est pourquoy il dit qu'il vomira les tiedes.

  A006000800 

 Les Filles de la Visitation doivent estre fort fermes en la foy, humbles dans la conversation, honnestes de paroles, justes és jugemens sur les deportemens du prochain, equitables és actions, [406] misericordieuses és œuvres, reglées és mœurs, patientes et courageuses és tribulations, maladies et infirmités, souples à tous les desseins et volontés de Dieu en toutes choses, douces et condescendantes au prochain, zelées pour la gloire de Dieu, ne cherchant qu'à luy plaire, unies inseparablement à son amour par une fidelité inviolable à ne s'attacher qu'à luy seul, à se tenir en sa presence, à le preferer à tout par un amour de surestime: c'est là l'esprit de vostre Congregation, mes cheres filles, et l'heritage que je vous laisse en vous disant le dernier adieu, avec ce souhait que vous soyez à jamais unies..

  A006000809 

 » Et nous [407] dit avec une façon si pleine d'humilité et de douceur: « Je voy bien que vous avez envie de vous defaire de moy; mais, je vous prie, permettez que je loge là, et ne vous mettez nullement en peine que je ne sois pas bien; car en verité je couche à Neci dans une chambre qui est dix fois plus froide que celle-là.

  A006000810 

 Il est tres vray que ces pleurs et larmes sont fort suspectes.

  A006000810 

 Il faut avoir un amour solide qui ne depende point de ces tendretés; le vray amour ayme autant loin que pres, et ne s'attache pas à ce qui est d'humain; en fin la grace ne produit point tout cela.

  A006000810 

 Si bien il est dit que sainte Therese pleuroit beaucoup à la mort de quelque serviteur de Dieu, elle ne doit pas estre imitée en cela, car il faut seulement imiter les vertus des Saints.

  A006000810 

 « Je le veux bien, » dit-il, « mais il faut attendre que nostre Mere y soit.» Il s'estendit fort à parler du desnuement qu'il faut avoir en ces changemens-là: « Bien des larmes, » dit-il, « qui se jettent en ce temps-là, ne proviennent que d'amour propre, de flatterie et de la crainte que l'on a qu'on ne pense que l'on n'est pas de bon naturel et que l'on n'ayme pas assez; et tout cela ne sont que des petites dissimulations, où il y peut avoir du mensonge aussi bien qu'en nos paroles.

  A006000811 

 » Et nous luy dismes: Quelle est donc vostre intention, Monseigneur? « C'est qu'on laisse tout à la Providence divine.

  A006000812 

 « Il est vray, ma fille, que le monde craint la pauvreté; mais que faire à cela? Il faut tesmoigner simplement que nous ne voulons point nous y attacher, ni perdre la tranquillité de l'esprit pour les biens de ce monde.

  A006000813 

 L'exclusion des malades est tout à fait contre mon esprit et sentiment: qui laissera gouverner la prudence humaine et naturelle gastera la charité.

  A006000813 

 Le soin des Superieures, leur devotion et leur esprit doit suppleer à tout ce qui n'est pas escrit.

  A006000814 

 Que s'ils donnoyent, il falloit recevoir humblement, et ne rien demander, non pas mesme desirer, si ce n'est en quelque occasion rare et particuliere; il est tousjours mieux de se tenir en la pauvreté..

  A006000816 

 Le Fils de Dieu a dit: Ne plaidez point; si je ne le fais, tout le monde est contre moy.

  A006000817 

 » Mais si l'on n'est pas asseuré si ceux à qui on la fait sont de vrays pauvres? « Il est tousjours bon toutesfois de donner l'aumosne.

  A006000818 

 Et qu'ont à faire les servantes de Dieu d'estre importunées de mes infirmités? n'est-il pas mieux cent fois qu'elles demeurent en leur quietude et repos, que d'estre employées dans le tracas? Voyez-vous, ma fille, il est grandement important de ne point donner ceste ouverture aux confesseurs.

  A006000818 

 Je ne voudrais pas pourtant que vous commençassiez par celuy que vous avez maintenant; il est si bon et facile, qu'à mon advis il n'y a point de difficulté avec luy.

  A006000818 

 Luy parlant s'il trouvoit bon qu'en nos maisons on nourrist les confesseurs, il respondit: « Pour moy, si j'estois confesseur de Sainte Marie, ce que je ne merite pas (il est vray que je ne le merite pas; ce bien seroit le plus grand bonheur pour moy que je peusse jamais esperer, que de me voir confesseur de la Visitation et deschargé de toute autre chose), mais si cela estoit, j'aymerois mieux me nourrir comme je pourrois, que de donner l'incommodité aux Religieuses de m'apprester mes repas, et leur donner cognoissance de mes imperfections quand je serais ennuyé, degousté et un peu difficile aux viandes.

  A006000819 

 Il est vray, ma fille, que je ne trouve jamais à redire aux viandes, tant que je puis, sinon quelquefois qu'elles sont trop bonnes: ne faut-il pas faire ainsi, ma fille? Vous craignez qu'il ne fasse mal au cœur de nos Sœurs, de manger des entrées de table [411] faites des restes; il me fait mal à moy d'en entendre parler, mais d'en manger, jamais..

  A006000820 

 Ce que je dis aux Constitutions de ne point mettre de poupées sur l'autel, est parce que pour l'ordinaire elles sont mal faites et c'est une grande perte de temps, et que les filles naturellement se plaisent à cela; mais pour des anges et cherubins vous en pouvez mettre sans scrupule.

  A006000820 

 La premiere, c'est que vostre cingule est trop beau, il n'est pas assez simple; il suffit qu'il y ayt deux rubans avec le grand cordon, les autres sont superflus.

  A006000820 

 O Dieu, est-il possible qu'on prenne si mal les choses, et qu'on suive si fort ses inclinations! N'ont-elles point remarqué en tant d'endroits des Constitutions, la tranquillité qui leur est tant recom mandée, laquelle ne se doit jamais perdre pour chose que ce soit? J'ay remarqué ces affections à nos Sœurs d'Annessy: quand elles ont des charges, elles ne voudroyent pas que rien leur manquast, et quand elles ne les ont plus, elles ne s'en soucient pas.

  A006000820 

 Vostre aube est trop passementée; il ne faut point [de passementerie] dessus ni dessous les manches; suffit que ce soit aux coutures, et encor, qu'elle soit bien petite.

  A006000821 

 Il n'est nullement necessaire pour leur charge; il leur faut donner une bonne Econome pour les soulager.

  A006000821 

 Il respondit: « Il est vray, vous avez raison; quand les Superieures se tiennent bien unies avec Dieu, il ne manque pas de les enseigner.

  A006000821 

 » Nous luy dismes: Monseigneur, il me semble qu'ayant confiance en Dieu il ne manque pas de donner la lumiere pour les charges, et que la charité est toute chose.

  A006000824 

 Il respondit: « Nos paroles ne font pas des miracles; il faut s'adonner à la pratique que les Constitutions nous enseignent: elles disent prou comme il faut faire, mais les filles ont tant de petites volontés, qu'elles ayment mieux suivre qu'obeir! Et que faire là? Il faut laisser pleurer les filles et tesmoigner les affections qu'elles ont, car elles penseroyent qu'on croiroit qu'elles n'ont point d'amour, si elles ne tesmoignoyent tout cela, qui n'est que foiblesse de filles..

  A006000825 

 Et puis, dequoy nous mettons-nous tant en peine d'estre aymés des creatures, pourveu que l'on le soit du Createur? Comme cela nous est tres asseuré, cela nous doit suffire..

  A006000826 

 Quand on vous demande si vous direz tousjours le petit Office, dites que ouy, parce que vous esperez d'en obtenir la permission du Pape, et que vous l'avez desja pour dix ou douze ans; et c'est mon intention et mon desir que vous le disiez tousjours; mais si on me contrarioit je laisserois faire.

  A006000827 

 Il dit qu'il apprenoit en la theologie, qu'il ne le falloit pas faire, mais que nous le pouvons sans qu'il y eust de mal; que la methode qu'on nous avoit donnée nous le permet parce que nous ne sçavons pas discerner quand il y a du peché, c'est pourquoy nous donnons une generalité.

  A006000827 

 « Cela est bon d'en dire és confessions extraordinaires et annuelles; et quand nous n'avons rien à dire pour nous confesser, il faut dire un peché du monde..

  A006000829 

 Ce n'est pas chose contraire à la bonne volonté de retourner tousjours aux mesmes fautes, pourveu que ce ne soit pas volontairement.

  A006000830 

 Il la faut bien faire faire aux Novices, et il est de tres-grande importance que les filles la fassent bien..

  A006000830 

 Pour les paroles inutiles, à la recreation il ne s'en dit pas; tout ce qui se dit par recreation n'est pas inutile.

  A006000832 

 Il n'est pas mal de revenir quelquefois sur soy-mesme, pourveu que ce soit pour nous humilier, comme de penser en nostre ingratitude, mais il faut tousjours se tourner à Dieu; car, comme je dis en quelque lieu, ce n'est pas proprement faire oraison, que de tousjours reflechir sur soy, puisque l'oraison est une eslevation de nostre esprit en Dieu pour s'unir à luy.

  A006000832 

 Ma chere fille, le desir des choses eternelles doit accoiser vostre esprit, [415] sans vous soucier d'avoir du sentiment; et mesme l'on doit croire qu'on n'est pas digne de l'avoir..

  A006000832 

 On est bien heureux d'avoir ceste sainte affection de servir à Dieu, et ne faut point faire d'estat de n'avoir pas le sentiment que nous desirerions en son service.

  A006000832 

 Quand nous faisons quelque chose pour Dieu, c'est estre en sa presence; le desir que nous avons de nous tenir en sa presence nous sert [d'attention à la] presence de sa Bonté.

  A006000833 

 Allez tout simplement, sans croire que vous vous servez du pretexte de l'obeissance pour vous satisfaire; quand vostre volonté n'y est pas il n'y a nul danger, c'est trop subtiliser..

  A006000833 

 Encore qu'il semble qu'on aye de la sensualité à manger, il n'est pas mal de le faire.

  A006000834 

 Et ne dites jamais que vous ne pouvez pas faire quelque chose, car nous pouvons tousjours quand nous voulons: ce seroit dire que Nostre Seigneur eust mis quelque impossibilité, ce qui n'est pas.

  A006000835 

 Pour nous disposer à la sainte Communion, il nous faut bien tenir proches de Nostre Seigneur, et luy dire des paroles selon nostre affection, et qu'il nous suggerera, considerant ou regardant qu'il se fait chair de nostre chair à fin de s'unir à nous; et luy faut dire comme l'Espouse au Cantique, qu'il nous baise d'un baiser de sa bouche; et il le fait quand il vient dedans nous, et alors l'ame peut dire: Mon Bien-Aymé est à moy, et je suis toute sienne..

  A006000837 

 Ce n'est rien du sentiment qui nous vient d'estre accusée, pourveu que nostre volonté soit ferme à aymer son abjection.

  A006000837 

 Il est tousjours mieux de tenir nostre ame en confiance en Dieu qu'en crainte, quoy que nous le fassions pour nous humilier.

  A006000837 

 L'accusation de nous-mesme ne nous sert de rien quand nous ne pouvons pas supporter d'estre reprise; et si volontairement nous n'aymons pas qu'on voye nos defauts, ce n'est qu'amour propre.

  A006000839 

 La fidelité de l'ame envers Dieu consiste à estre parfaitement resignée à sa sainte volonté, à endurer patiemment tout ce que sa [416] Bonté permet nous arriver, faire tous nos exercices en l'amour et pour l'amour, et sur tout l'oraison, en laquelle il se faut entretenir avec Nostre Seigneur fort familierement de nos petites necessités, les luy representer et luy demeurer sousmise en tout ce qui luy plaira faire de nous; estre bien obeissante, faire tout ce que l'on nous commande, de bon cœur, encor que nous y sentions de la repugnance; estre fidelle à partir si tost que la cloche nous appelle, et rejetter les distractions qui nous arrivent en l'oraison et à l'Office; conserver une grande pureté de cœur, car c'est là où Dieu habite, et non pas dans les cœurs pleins de vanité et de presomption d'eux-mesmes, au contraire il les chastie et punit rigoureusement.

  A006000840 

 Quand nous regardons à escient les imperfections des autres, ô Dieu, ma chere fille, cela est bien mal, il ne le faut pas faire; mais quand quelquefois nous les voyons, il s'en faut destourner, et penser tout doucement au Paradis et aux perfections de Dieu et de Nostre Seigneur, de Nostre Dame et des Saints et Saintes et des Anges, et quelquefois nous regarder nous-mesme, nostre indignité et nostre bassesse; et quand ces pensées nous viennent, nous nous devons humilier et aneantir jusques au centre de la terre, voyant que nous ne sommes que des petits vermisseaux, et nous voulons esplucher les actions des autres qui sont les espouses de Nostre Seigneur! Nous devons bien faire voir à nostre cœur sa foiblesse, nous faisant à nous-mesme une petite reprimande à fin d'estre sur nos gardes à l'advenir.

  A006000841 

 Quand on a de la peine de ne pas parler assez à la Superieure ou à la Maistresse, je conseille de le dire, et voudrois qu'on m'en donnast une bonne penitence; mais le vray moyen d'empescher tout cela est de s'attacher au Createur et non pas à la creature..

  A006000842 

 L'oraison est une pure attention de nostre esprit en Dieu; tant plus elle est simple et desnuée de sentiment, et plus elle est oraison.

  A006000842 

 Peu de personnes [417] entendent ceste verité, principalement les femmes, auxquelles le discours est grandement nuisible à cause de leur ignorance.

  A006000842 

 Pour nous bien preparer pour l'oraison il faut y aller avec une grande humilité et recognoissance de nostre neant, invoquant l'assistance du Saint Esprit et celle de nostre bon Ange, et se tenir bien coye durant ce temps-là, en la presence de Dieu, croyant qu'il est plus en nous que nous-mesme; et, bien que nostre oraison soit privée de discours et consideration, il n'y a nul danger, car elle ne depend point du discours ni de la consideration.

  A006000843 

 Il n'est pas en nostre pouvoir de l'avoir actuellement, si ce n'est par une grace particuliere.

  A006000843 

 Mangez, dormez, travaillez pour luy; c'est estre en sa presence.

  A006000846 

 O qu'il est bien raisonnable que nous nous privions des contentemens du monde pour Dieu, puisqu'il se prive de sa gloire pour nous.

  A006000847 

 L'on peut tousjours porter son visage gay parmi les Sœurs; le mal qu'on sent ne l'empesche pas, si ce n'est quelquefois que l'on a les yeux abattus..

  A006000848 

 O ma chere fille, gardez-vous de ces reflexions, car il est impossible que l'Esprit de Dieu demeure en un esprit qui veut sçavoir tout ce qui se passe en luy.

  A006000850 

 Quand on fait ses vœux selon les Regles, on les fait en sorte qu'elles n'obligent point à peché; c'est pour quoy la Regle ni les Constitutions ne sont point la cause de nos pechés..

  A006000854 

 Quant au bon et vray gouvernement, il ne depend point des talens naturels, mais de la grace surnaturelle, laquelle donne beaucoup plus parfaitement l'experience qui est necessaire, que ne fait toute la sagesse et prudence humaine, quoy qu'avec moins d'esclat, en quoy consiste son excellence..

  A006000855 

 Cela est bon pour des filles foibles; [419] les filles de Dieu ne doivent point s'amuser à ces tendretés.

  A006000855 

 Les Constitutions vous enseignent ce que vous devez faire: demandez tout simplement, sans scrupule, ce qui vous est necessaire..

  A006000856 

 Il faut croire que tout ce que nous souffrons est peu devant Dieu; il faut penser le moins que nous pouvons à ce que nous souffrons..

  A006000858 

 Escoutez-les doucement sans les interrompre, car ce n'est pas mon intention, sinon à des personnes qui apportent beaucoup de nouvelles du monde, desquelles vous ne vous devez pas enquerir.

  A006000858 

 Il est vray qu'il est bon de couper court à toute sorte de devis, si ce n'est en ceux qui regardent le bien spirituel; si est-ce qu'il ne faut pas interrompre le pere ni la mere quand ils commencent un discours, mais lors qu'ils l'ont parachevé, il leur faut parler de choses bonnes pour leur consolation, sans toutesfois faire la suffisante.

  A006000859 

 Ainsi devez-vous faire en toutes vos actions et œuvres, à fin d'imiter Nostre Seigneur qui s'est humilié jusques à la mort de la croix..

  A006000859 

 L'humilité est une vertu si excellente qu'il faut estre bien saint pour l'avoir parfaitement; c'est elle qui amene toutes les autres.

  A006000859 

 Or, faire ses actions avec esprit d'humilité, c'est les faire avec intention de les faire avec humilité.

  A006000860 

 Et puis cela est si peu de chose, qu'il ne faut pas y amuser son esprit, mais l'occuper à la vie eternelle..

  A006000861 

 Il est vray que la charité donne le prix à nos œuvres, et n'y a que Dieu qui la puisse donner; attendez-la plus de luy que de vous-mesme.

  A006000862 

 Il est bon que vous n'aymiez guere à parler de vous-mesme; le moins qu'on le peut faire, soit en bien soit en mal, c'est le meilleur..

  A006000864 

 Il importe peu que la parole de Dieu soit dite d'un style haut ou bas; ce n'est qu'une recherche humaine, qui ne veut en tout que l'excellence..

  A006000866 

 Beaucoup parler ne sert de rien, l'importance c'est qu'il faut faire..

  A006000867 

 Vostre entrée en Religion est pour l'amour de Dieu; soyez indifferente par quelles voyes il plaira à sa Bonté vous conduire, soit par la consolation, affliction ou abjection; vous meritez autant d'un costé que de l'autre.

  A006000868 

 L'humiliation n'est pas si mauvaise que nous pensons, elle ne nous fera pas tant de mal que nous pensons et qu'il nous semble; ne la craignons pas tant.

  A006000868 

 Voyez Nostre Seigneur qui s'est tant humilié, jusques à la mort, et tous les Saints qui ont recherché avec tant d'affection les occasions de pratiquer ceste vertu.

  A006000869 

 C'est de faire toutes nos actions pour sa plus grande gloire, et avoir son cœur attentif à luy; et ne pensez pas pour cela qu'il faille estre tousjours à genoux.

  A006000870 

 Je suis si ayse, quand on me demande où je suis logé, de dire que c'est chez le jardinier de nos Filles de Sainte Marie..

  A006000871 

 Il se trouve peu de filles qui ne soyent opiniastres; quand on fait rencontre d'une qui ne l'est pas, il la faut tenir bien chere.

  A006000872 

 Or, pour le froid, sçavez-vous quand il le faut souffrir? c'est quand la Superieure vous envoye au jardin cueillir des herbes et que vous fussiez en danger que les mains vous gelassent sur la plante; il ne faudrait pas laisser de le faire, parce que c'est l'obeissance..

  A006000873 

 Il faut avoir un grand support de nos Sœurs et les ayder et soulager [en] tout ce que nous pouvons, et ne pas croire qu'elles ayent peu de mal, car ce n'est pas à nous à faire ce discernement..

  A006000876 

 Il est vray que j'ayme grandement tout le monde, notamment les ames simples.

  A006000876 

 Pour ce qui est de l'honneur qu'il vous semble que je porte à un chacun, la civilité nous apprend cela, et puis j'y suis porté naturellement; je n'ay jamais sceu faire comme plusieurs personnes font, auxquelles il semble, quand elles sont eslevées en [422] quelque dignité, qu'elles se doivent faire honnorer de tout le monde; et quand elles escrivent elles ne veulent mettre, sinon aux personnes de grand respect, « tres-humble » et « bien humble.

  A006000878 

 Il me dit: « Cela c'est une vraye condescendance, ma fille, comme à ceste heure vous en faites une d'estre avec moy.

  A006000881 

 Quand elles rendent compte il est bon de leur retrancher les discours tant qu'il se peut.

  A006000885 

 Saint Bernard dit qu'il y a peu de personnes qui se rencontrent semblables à la conduite, mais pourtant, que celle de la douceur et suavité est la plus utile; qu'on avoit beau faire et regarder de quel costé que l'on voudrait, il faut tousjours venir là..

  A006000886 

 Je vois que toutes les Superieures desirent de voir les filles maussades et fantasques esloignées de leurs monasteres: car c'est la condition de l'esprit humain de ne se delecter qu'aux choses plaisantes.

  A006000887 

 Recevez les infirmes; croyez-moy, la prudence humaine est ennemie de la bonté du Crucifix.

  A006000895 

 Il est mieux de parler à Dieu qu'aux hommes.

  A006000895 

 Il est vray que les filles ont tousjours beaucoup de repliques.

  A006000896 

 C'est une bonne chose de regarder et se representer les exemples des Saints à fin de les imiter, et sur tout du Roy des Saints, nostre Seigneur et Redempteur.

  A006000896 

 Il est escrit que saint Antoine passa toute l'année de son novitiat à considerer les vertus de ses Freres et, comme une soigneuse abeille, cueilloit sur chaque fleur d'icelles le miel qui luy estoit necessaire.

  A006000896 

 L'amour de Dieu est inseparable d'avec l'amour du prochain, et il est tous-jours mieux de regarder les vertus de Nostre Seigneur.

  A006000896 

 Les vertus de Dieu, entant que Dieu, sont si excellentes, que pour satisfaire à nostre foiblesse il s'est voulu faire homme pour nous monstrer l'exemple de ce que nous devons faire, à fin que nous le puissions imiter.

  A006000896 

 « De les regarder à fin de les imiter et en tirer de l'edification, or cela est autre chose; si vous regardez leurs vertus avec une grande charité, pour les imiter, vous ferez bien.

  A006000897 

 Quand les inferieures cognoissent que la Superieure est un peu vaine et qu'elle se plaist à estre louée et aymée, elles la louent plustost à fin que la Superieure les ayme que non pas pour autre fin; mais si elles voyoient que la Superieure rechignast et fist mauvaise mine quand elles la louent, elles ne seroyent pas si promptes à le faire.

  A006000897 

 » Que faut-il donc faire, Monseigneur, quand on nous loüe? « Il s'en faut aller à Dieu et les laisser là; mais pour les inferieures, quand la Superieure loüe quelques bonnes actions qu'elles ont faites, il ne faut pas qu'elles s'en aillent; il est quelquefois necessaire de le faire, mais pour les Superieures elles ne doivent pas permettre cela en façon quelconque.

  A006000898 

 Ce n'est pas en Religion que l'on doit chercher et desirer les charges honnorables; les mondains et ceux qui sont à la Cour ne font autre chose que de courir apres les dignités et preeminences, aussi la Cour n'est faite que pour cela; mais quand cela arrive en Religion, c'est signe que l'on n'est pas bien desnué ni mortifié..

  A006000898 

 De les desirer, cela est bien mal, comme aussi de s'en mettre en peine; c'est une foiblesse que d'amuser son esprit en cela, sur tout quand elles sont honnorables.

  A006000898 

 Le desir des charges est fort commun, mais il n'y a point de mal quand il est hors de nostre volonté: il se faut mocquer de tout cela.

  A006000898 

 Ouy, ma Sœur, nostre amour propre ayme tant que l'on voye la beauté de nostre esprit: ma Sœur est si douce quand elle est eslevée par dessus les autres et que personne ne luy dit rien; tout le monde remarque sa vertu.

  A006000898 

 « Vous demandez si ce n'est pas une grande foiblesse de desirer [426] des charges et se mettre en peine quand on ne nous en donne point.

  A006000900 

 De desirer les basses, cela est encor passable; neantmoins, ce desir est suspect, car saint Paul escrivant à un sien disciple, luy defend entre autres choses de ne point occuper son cœur à aucun vain desir, tant il avoit de cognoissance de ce defaut, et que cela retarde nostre avancement.

  A006000900 

 Il faut tenir le desir des charges, tant des unes que des autres, honnorables et abjectes, pour tentation; car il est tousjours mieux de ne rien desirer, mais de se tenir preste pour faire l'obeissance.

  A006000900 

 Il vaut mieux estre en sa cellule par obeissance, faisant un petit ouvrage, ou lisant, ou faisant que sçay-je moy quoy; et si on le fait avec plus d'amour que ne fait celle qui est à la cuisine, qui a beaucoup de peine et se brusle les yeux, si elle le fait avec moins d'amour, l'autre a plus de merite: car ce n'est pas par la multiplicité de nos œuvres que nous plaisons à Dieu, mais par l'amour avec lequel nous les faisons..

  A006000900 

 Or neantmoins, ce desir est fort suspect, comme pouvant estre une cogitation humaine.

  A006000900 

 Ouy, ma fille, car David disoit qu'il aymoit mieux estre abject en la maison du Seigneur que d'estre grand parmi les pecheurs, et disoit: Il est bon, Seigneur, que vous m'ayez humilié, à fin d'apprendre vos justifications.

  A006000900 

 » Monseigneur, ce n'est pas seulement des charges honnorables, mais de toutes autres.

  A006000901 

 C'est une façon de parler des chasseurs, que quand les chiens ont le sentiment diverti et rempli de divers gousts, ils perdent facilement la mutte.

  A006000901 

 Il est à craindre qu'en voulant [428] choisir où il y a plus de merite, nous ne donnions le change à nostre esprit.

  A006000902 

 C'est l'amour qui donne la perfection et le prix à nos œuvres.

  A006000902 

 Ce n'est pas cela que je veux dire, Monseigneur, de regarder où il y a plus de merite; mais seulement parce qu'aux charges penibles il semble qu'il y ayt plus à faire pour Dieu que d'estre en sa cellule.

  A006000902 

 Il arrive assez souvent qu'on est aussi uni à Dieu par l'action que dans la solitude; mais en fin, je reviens tousjours: où il y a plus d'amour il y a plus de perfection..

  A006000902 

 Je vous dis bien plus: voila une personne qui souffre le martyre pour Dieu avec une once d'amour, elle merite beaucoup, car on ne sçauroit donner davantage que sa vie; mais une autre personne qui ne souffrira qu'une chiquenaude avec deux onces d'amour aura beaucoup plus de merite, parce que c'est la charité et l'amour qui donne le prix à tout.

  A006000902 

 Vous sçavez que la contemplation est meilleure que l'action et vie active; mais si en la vie active il s'y trouve plus d'union, elle est meilleure.

  A006000902 

 « Ce n'est pas par la grandeur de nos actions que nous plaisons à Dieu, comme j'ay desja dit, mais par l'amour avec lequel nous les faisons; car une Sœur qui sera en sa cellule, ne faisant qu'un petit ouvrage, meritera plus qu'une autre qui aura bien de la peine, si elle le fait avec moins d'amour.

  A006000903 

 C'est le meilleur de ne rien desirer et ne rien refuser.

  A006000903 

 O mon Dieu, quand sera-ce que nos Sœurs n'auront plus tant de desirs, et qu'elles s'amuseront à faire et à ne rien vouloir que ce que Dieu veut, la volonté duquel nous est signifiée par nos Regles et Superieurs!.

  A006000904 

 Il est dangereux que l'amour propre nous le fasse dire, de crainte que nous avons de ne la pas bien faire, pour nous excuser quand nous viendrons à y manquer, à fin que l'on en soit adverti; cela est bien dangereux et suspect.

  A006000904 

 Je ne dis pas qu'absolument l'on [429] n'en parle point, mais qu'il est plus parfait de n'en rien dire, et se mettre en l'exercice.

  A006000904 

 [Bien] que nous le fassions sous pretexte d'humilité, il ne l'est nullement; au contraire, cela est contre l'humilité.

  A006000905 

 Mais si cela s'arreste en l'esprit et qu'il nous face faire quelque faute, c'est cela qu'il faut dire.

  A006000905 

 Or, la reddition de compte c'est autre chose.

  A006000905 

 Ouy, il les faut dire tout simplement; mais pour toutes ces petites choses qui passent par l'esprit sans s'y arrester, je trouverois meilleur que l'on passast tout cela entre Dieu et soy, parce qu'il n'est pas digne d'attention.

  A006000905 

 Si chacun vouloit choisir en Religion les charges à sa phantasie, que seroit-ce sinon faire chacun sa volonté? Que nous doit-il importer d'avoir de la peine aux charges, puisqu'elles nous sont imposées par nos Superieurs qui nous representent Dieu? David disoit: J'ay esté fait comme une beste de charge pour porter les commandemens du Seigneur; en quoy il nous fait bien voir la sousmission que nous devons tousjours avoir en tout ce qui nous est ordonné de Dieu et de nos Superieurs..

  A006000907 

 Par exemple: si le desir me venoit d'estre Pape et que la papauté m'occupast l'esprit, je ne ferois que m'en rire, et me divertirois en pensant qu'il fait bon en la vie eternelle, que Dieu est aymable, que ceux qui sont au Ciel sont heureux de jouïr de luy; et ainsi faisant, je me divertirois genereusement et noblement, car lors que le diable me mettroit dans l'esprit le desir de la papauté je parlerais à Dieu de sa bonté, et choses semblables..

  A006000907 

 Qui en doute, ma chere fille, qu'il ne vaut mieux parler à Nostre Seigneur en se divertissant simplement, que de disputer et s'opiniastrer avec le diable? La simplicité est tousjours preferable en tout.

  A006000909 

 « O ma fille, quand je dis qu'il ne faut rien desirer ni demander, j'entens pour les choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons demander.

  A006000910 

 « O non, ma chere fille, si elle estoit conduite par ce chemin il n'y auroit rien à craindre, car ne desirant que l'amour de Dieu elle pratiquerait toutes les vertus et tout ce qui est necessaire pour [431] plaire à Dieu; car l'amour de Dieu surpasse toutes les vertus.

  A006000911 

 L'on demande si ce n'est pas une marque que nous suivons nostre sentiment de laisser de se mettre proche d'une Sœur à la recreation quand elle nous a advertie.

  A006000911 

 Pour les larmes, il y a des naturels qui ne s'en peuvent pas empescher, et nous sommes quelquesfois si ayses de pleurer, sur tout quand on nous change de Superieure, pour monstrer que ma Sœur une telle n'est pas desnaturée et qu'elle le ressent bien.

  A006000912 

 La Confession est une chose grandement importante; trois choses y sont necessaires.

  A006000913 

 C'est [432] icy où il est dangereux de faillir, et où les pechés se commettent pour l'ordinaire en confession.

  A006000913 

 En ces descharges qui tirent à la longue devant le confesseur, il est dangereux que nous ne meslions les defauts des autres avec les nostres, ce qu'il ne faut point faire.

  A006000913 

 Il se commet en confession quatre grands manquemens: le premier, c'est d'y aller pour se descharger et soulager, plustost que pour plaire à Dieu et s'unir à luy.

  A006000913 

 L'un et l'autre de ces manquemens est tres-grand.

  A006000913 

 La seconde et troisiesme condition c'est d'y aller purement et charitablement; et au lieu de faire cela, l'on y porte bien souvent des ames toutes embrouillées et embarrassées, qui fait qu'elles ne sçavent pas bonnement ce qu'elles veulent dire: ce qui est de grande importance, car elles mettent en peine les confesseurs, parce qu'ils ne les peuvent pas entendre, ni comprendre ce qu'elles veulent dire, et au lieu de se confesser de leurs pechés elles pechent pour l'ordinaire en se confessant.

  A006000913 

 Le deuxiesme manquement c'est qu'ils vont dire de beaux discours et ageancemens de belles paroles racontent de grandes histoires pour se faire estimer, faisant semblantd'exagerer leurs fautes par leurs beaux discours, et d'une grosse faute ou d'un gros peché ils le diront en telle sorte qu'il semblera bien petit; et faisant ainsi, ils ne donnent pas cognoissance au confesseur de l'estat de leur ame.

  A006000913 

 Le quatriesme manquement c'est qu'il y en a qui se satisfont à exagerer leurs fautes et d'une petite faute ils en font une tres-grande.

  A006000913 

 Le troisiesme manquement c'est qu'ils y vont avec tant de finesse et de couverture, qu'au lieu de s'accuser ils y vont pour s'excuser par une grande recherche d'eux-mesmes, craignant que l'on ne voye leurs fautes: or, cela est tres-pernicieux, qui le voudroit faire volontairement.

  A006000914 

 L'on demande si les Sœurs doivent discerner les petites obeissances d'avec les grandes, et si on doit s'accuser en ces termes: Mon Pere, je m'accuse dequoy j'ay fait une desobeissance en chose d'importance, ou en chose legere, ou s'il faut dire la chose tout simplement comme elle est; et si l'on doit discerner les obeissances de la Regle et des Constitutions, parce qu'il y en a qui nous sont conseillées seulement, et d'autres qui nous sont commandées absolument.

  A006000914 

 Pour ce qui regarde les petits manquemens, c'est autre chose, car disant au confesseur: Je m'accuse dequoy j'ay manqué à deux obeissances legeres et de peu d'importance, cela le tient en repos, sçachant que ce n'est pas grande chose..

  A006000914 

 Si vostre desobeissance est grande en elle-mesme, dites-la comme elle est tout simplement.

  A006000914 

 « Ma fille, vostre demande est de tres-grande importance; les confessions doivent estre tellement nettes et entieres que rien plus.

  A006000915 

 Comme par exemple: la [433] cloche nous appelle le matin, qui est la voix de Dieu, et je demeure un quart d'heure apres qu'elle aura sonné; qui ne void qu'en cela ce n'est pas la Regle ni les Constitutions qui nous font faire le peché (car c'est un peché veniel cela), mais le mouvement de paresse par lequel nous desobeissons? Et pour la Regle, ma fille, il n'y a nul doute que les fautes que l'on fait contre ne soyent plus grandes que celles que l'on fait contre les Constitutions; car les Regles sont les fondemens de la Religion, et les Constitutions ne sont que des marques et des traces pour nous faire mieux observer la Regle.

  A006000915 

 Et pour les choses qui nous sont conseillées és Regles et Constitutions il n'est point besoin de s'en confesser, car il n'y a point de peché; mais pourtant, la circonstance pourroit estre telle en chose de conseil qu'elle seroit peché, comme le mespris et autre chose.

  A006000915 

 Il faut bien considerer les circonstances de tant de petits manquemens, car la Regle et les Constitutions n'obligent nullement à peché d'elles-mesmes: ce n'est donc pas la Regle ni les Constitutions qui font le peché, mais les circonstances et les mouvemens qui en toute autre occurrence le causeroyent.

  A006000916 

 Dites-vous, ma fille, si à la recreation on a suivi quelque passion et fait quelque chose en suite d'icelle, comme de contester en quelque chose legere et de recreation, sans s'en appercevoir qu'apres que cela est fait, s'il y a matiere de confession? O non, ma fille, il n'y en a point en ce qui se fait par surprise et simple recreation; mais si vous ne vous sousmettez pas interieurement, il s'en faut confesser.

  A006000917 

 Il est toutes-fois bon de le faire quand on le peut..

  A006000917 

 Il n'est pas neantmoins necessaire de faire ce discernement quand on ne le sçait pas faire, puisque ceste grande servante de Dieu ne laissoit pas d'estre sainte.

  A006000917 

 Mais de deux cens il n'y en a pas deux qui le sçachent faire, les plus saints mesme y sont bien empeschés; ce qui est cause qu'on apporte de grands embarras et un amas d'imperfections en la confession, sans distinguer nullement le peché d'avec l'imperfection; et cela met bien souvent les confesseurs en peine, car il faut qu'ils distinguent pour voir s'il y a peché, et par consequent matiere d'absolution.

  A006000917 

 Vous voyez donc combien cela est difficile, car bien que ceste ame fust fort esclairée, elle avoit neantmoins demeuré si long temps en ceste ignorance.

  A006000918 

 Et l'imperfection est quand nous faisons quelque faute par surprise sans volonté deliberée, comme par exemple, si je fais un conte à la recreation et que dans mon discours il s'y glisse quelques paroles qui ne soyent pas tout à fait veritables, ne m'en appercevant point qu'apres qu'il seroit fait, cela n'est point peché mais imperfection, et n'est nullement besoin de m'en confesser.

  A006000918 

 Par exemple: si je venois ceans demander la Superieure et que je luy dise que je la viens voir de la part de la Princesse qui la salue, et chose semblable, et que de tout cela il n'en fust rien et que seulement j'eusse fait cest ageancement en mon esprit, cela n'est pas de grande importance; mais je l'aurois fait volontairement, c'est cela qui fait le peché veniel.

  A006000918 

 Vous demandez que c'est que peché veniel et imperfection.

  A006000919 

 » Ne pourroit-on pas demander de se confesser hors de la Communauté? « Si c'est un jour que la Communauté se doive confesser, vous le pouvez demander; si on ne le vous permet pas, demeurez en paix, sinon que vostre conscience vous remorde trop: alors vous vous en pouvez priver avec congé.

  A006000920 

 Il me souvient à ce propos d'Arsenius, lequel commettoit ceste petite immodestie que vous sçavez; et de vray, la douceur avec laquelle ces saints Peres le reprirent est admirable, et fait bien voir comme l'on doit faire la correction doucement, particulierement aux vieilles personnes..

  A006000920 

 Nous devons ayder à nostre prochain en tout ce qui nous est possible, et mesme [435] les advertissemens sont ordonnés pour cela ceans.

  A006000924 

 « J'ay remarqué en toutes nos Maisons que nos filles ne font point de difference entre Dieu et le sentiment de Dieu, entre la foy et le sentiment de la foy; qui est un tres-grand defaut et une ignorance.

  A006000934 

 Mais il faut au commencement examiner la source de nostre aversion, qui souvent se trouve proceder de nostre imperfection; parce que quand le mal est cogneu il est plus facile à guerir, et l'ayant recogneu il faut mortifier la passion d'où il procede..

  A006000935 

 Or, ayant appliqué ces remedes, ne vous mettez point en peine mais souffrez de bon cœur sans desirer d'estre delivrée de vostre affliction, demeurant sousmise au bon plaisir de Dieu, qui est que vous soyez ainsi exercée..

  A006000935 

 Or, en toutes aversions, il faut observer de ne diminuer point les actes de charité envers la personne à laquelle nous avons aversion; il la faut servir, luy parler, la caresser, non seulement comme si nous ne luy en avions point, mais davantage, et en cela nous tesmoignerons nostre fidelité à Dieu et obeirons à sa volonté signifiée, qui est que, contre toute nostre repugnance, nous nous surmontions, ainsi que j'ay dit, à la caresser.

  A006000936 

 Celles-cy sont les moins mauvaises, quoy que tousjours il y ayt de l'imperfection, car si quelqu'un fait quelque chose qui n'est pas bien, il faut le regarder avec compassion et non pas en concevoir de l'aversion.

  A006000936 

 Un exemple: il y en a qui [438] ont une grande inclination à la propreté, et concevront de l'aversion contre une personne malpropre, et feront une correction plus aspre pour ceste messeance que non pas pour quelque grand peché; or, cela est une grande imperfection.

  A006000937 

 C'en est de mesme comme d'une personne melancolique; car il est en son pouvoir de chanter, de se promener, de dire des paroles de recreation, mais elle ne peut pas faire tout cela de l'air ni de la grace qu'elle feroit si elle n'estoit melancolique: aussi ne faut-il pas requerir cela ni de l'une ni de l'autre, car il ne seroit pas à propos.

  A006000937 

 De mesme, si je suis obligé de reprendre et advertir ceste personne de quelque defaut, et qu'ayant dressé mon intention de le faire avec charité il m'arrive neantmoins en parlant un peu de sentiment, cela n'est point peché et est presque inevitable à tout le monde; un simple abaissement devant Dieu suffit pour reparer ceste faute.

  A006000937 

 Mais si nostre aversion continue et que nous fassions quelque action ou disions des paroles par ce motif, alors il y a du mal, car despuis que le cœur le pousse jusques à la bouche, c'est signe que la volonté est coulpable et qu'elle n'a pas reprimé le premier mouvement..

  A006000937 

 Or, ce n'est pas à dire que quand l'aversion est un peu forte nous puissions tousjours parler avec la mesme allegresse que si nous avions une amitié suave; car si bien il est en nostre pouvoir de parler et faire toutes autres actions, il ne nous est pas pourtant possible de les faire avec un visage aussi gracieux que si nous n'avions point ceste difficulté.

  A006000937 

 Or, quand il ne s'ensuit point autre chose de nos aversions sinon qu'en parlant à ceste personne nous ne sommes pas du tout si gays ou que nous destournons un peu nos yeux de dessus elle, cela n'est pas grand cas; il y a seulement matiere d'abaissement et d'humiliation, mais non pas de confession.

  A006000939 

 Il y a tousjours un petit mot à dire sur le sujet des aversions, bien que non pas pour nous arrester beaucoup, car nous l'avons desja dit d'autres fois qu'il ne se faut pas estonner si l'on ne rit pas de si bonne grace que si l'on n'en avoit point, non plus que quand on se trouve mal; car en ces deux occasions, pourveu que l'on se sousrie un peu et que l'on ne tienne pas sa contenance refrognée quand on nous parle, nous nous devons contenter; car quand la [439] passion est fort esmeue il est bien difficile de faire meilleure mine, au moins avec ceux auxquels nous avons de l'aversion ou quand le mal nous presse.

  A006000939 

 Or bien, nous avons souventesfois dit cecy, c'est pourquoy il suffit que nous sçachions qu'il faut marcher selon la partie superieure en la voye de nostre perfection, et ne nous pas soucier des esmotions de la partie inferieure; autrement nous serions en perpetuel chagrin et inquietude d'esprit, et ne ferions pas grand avancement.

  A006000947 

 Il faut bien prendre garde quand nous sommes esmeus de quelque passion, de ne faire point d'action qui parte de nostre mouvement; quand neantmoins il arrive en des choses de peu, comme seroit de jetter une plume ou chose semblable avec un peu de sentiment, ce n'est pas matiere de confession.

  A006000948 

 La nonchalance fait que nous n'avons pas le courage de faire les mortifications, ni de desirer que l'on nous y [440] exerce, c'est pourquoy nous avons aversion à les voir faire aux autres; et le descouragement nous fait ennuyer et dire: Mon Dieu, la grande peine! ce n'est jamais fait, je ne vis jamais tant de choses, c'est tousjours à recommencer.

  A006000948 

 Mais ce defaut est en toutes les personnes spirituelles que j'ay jamais cogneuës, par la nonchalance et descouragement.

  A006000949 

 Et pour ce qui est de quel esprit l'on doit recevoir les mortifications, si l'on nous y preparoit en nous advertissant deux heures devant, il seroit aysé de n'en estre point esmeus; mais quand elles arrivent par surprise il est bien difficile.

  A006000949 

 Les mortifications que nous choisissons, encores qu'elles soyent repugnantes à nostre nature, depuis que nous en avons fait l'election, il n'y a plus de difficulté parce que nostre nature en tire de la vanité; mais celle qui est faite par nos Superieurs, il la faut recevoir comme de la main de Dieu, avec honneur et humilité.

  A006000950 

 Car si vous battez des portes ou marchez fort, vous troublez la tranquillité d'une Sœur qui est peut estre en oraison; si vous estes habillée de travers ou avec quelque indecence, vous donnez occasion à une autre de rire ou de se distraire de la presence de Dieu, et luy faites ce dommage; et ainsi en d'autres occasions.

  A006000950 

 Et cela est mal, car nous devons toutes estre en ce continuel exercice de charité, de contribuer tout ce qui nous est possible pour le bien les unes des autres; car tout doit estre en commun, voire Nostre Seigneur mesme: il ne veut pas que nous l'ayons en particulier, il veut tellement estre en particulier qu'il soit à tous en commun, et tellement en commun qu'il soit à tous en particulier..

  A006000951 

 Cela tient l'esprit en repos et nous oste le doute et la crainte d'avoir consenti; car à l'examen, trouvant que l'on a fait ces choses-là, l'on est en asseurance autant que l'on y peut estre en ceste vie..

  A006000951 

 Quand l'on est tenté de quelque tentation où il y a danger de [441] pecher, et qu'elle dure, pour s'empescher d'offencer Dieu il faut souventefois faire quelque acte qui tesmoigne que l'on n'y consent pas: comme seroit de baiser terre, lever les mains jointes contre le ciel avec ceste intention, et dire quelques paroles à Nostre Seigneur, et choses semblables.

  A006000960 

 Et estant demandé à nostre bien-heureux Pere s'il estoit mieux pour nous autres qui entendons ce que nous disons aux Offices, d'appliquer simplement nostre attention à Dieu, ou bien de suivre le sens des paroles que nous prononçons, il respondit qu'il aymoit mieux qu'on s'appliquast à suivre le sens de ce que l'on dit, d'autant que c'est se conformer à l'intention de celuy lequel, par inspiration de la divine Majesté, les a composées.

  A006000968 

 C'est une grande pitié, certes, que la Superieure dise: Faites ce qu'il vous plaira, quand on luy demande pour luy parler.

  A006000968 

 Si elle vous remet à vostre volonté, il faut considerer lequel est mieux, de le faire ou de ne le faire pas, et puis se resoudre, car il ne faut pas perdre le temps..

  A006000969 

 C'est tout un, il ne faut pas laisser pourtant de luy demander ce qui vous semblera estre bon de faire; et quant à ceste consideration qu'elle est peut estre importunée de vous, elle est vaine, il la faut retrancher.

  A006000969 

 Mais dites-vous, ma chere fille, si les Sœurs ont une Superieure qui ne les reçoive point avec l'esprit de suavité quand elles viennent à elle, soit quand elles ont besoin de luy parler ou qu'elles demandent quelque congé, et par ce moyen leur oste la confiance de recourir à elle en leurs necessités, s'il leur seroit point permis de s'adresser à celle qui tient sa place et son authorité quand elle n'y est pas, sous le pretexte de ne pas tant importuner la Superieure, et de plus, à fin d'avoir le congé que peut estre elle ne leur donneroit pas? O non certes, ma chere Sœur, l'on ne doit pas faire cela, sinon que la Superieure fust tellement empeschée que l'on l'incommodast bien de luy parler.

  A006000969 

 O c'est là que je vous attendois, car c'est tousjours nostre rendez-vous general que de revenir à nous-mesme; nous ne sommes jamais assez aymées ou estimées de la Superieure, qui est une chose tres-importante pour nostre consolation.

  A006000970 

 C'est icy où il y va du bon; car un acte de mortification fait avec une grande repugnance, est infiniment propre pour nous mettre fort avant en la perfection.

  A006000970 

 C'est un grand cas! mais j'ay une si puissante repugnance d'aller parler à ceste heure à la Superieure pour la croyance que j'ay qu'elle me mortifiera.

  A006000970 

 Mais ce qu'elle me dit ne me sert de rien pour ma consolation, à ceste heure que j'ay le cœur en amertume; et c'est peut estre parce qu'elle ne me parle pas assez gracieusement selon que je desirerois.

  A006000970 

 O sans doute, c'est cela; mais que faut-il faire? il se faut mocquer de tout cela comme estant des enfances.

  A006000971 

 Mon Dieu, que les Sœurs qui auroyent une Superieure qui ne les aymeroit pas seroyent heureuses! bien que cela ne se puisse, car la Superieure ayme tousjours les Sœurs de cest amour effectif dont nous avons parlé, leur procurant tout le bien qu'elle peut par l'exercice de sa charge, selon qu'elle y est obligée; mais de cest amour effectif, tendre et mignard que nous desirons si cherement, c'est de celuy-là que je veux dire; car moins la Superieure nous aymera de ceste sorte, et moins d'amusement nous aurons autour [444] de cest amour, si que nous aurons plus de temps pour nous occuper de Nostre Seigneur et pour nous tenir retirées aupres de Dieu qui doit estre nostre soin particulier..

  A006000973 

 Repugner à nos repugnances, decliner de nos inclinations, mortifier nos affections, mortifier le propre jugement et renoncer à la propre volonté, ce sont choses que l'amour affectif et mignard que nous nous portons à nous-mesme ne nous peut permettre sans crier: holà, que cela fait de la peine! Et cela est cause que nous ne faisons rien..

  A006000974 

 C'est estre pauvre bien agreablement, ou plustost ce n'est pas estre pauvre quand rien ne nous manque.

  A006000974 

 C'est sans doute qu'il ne se faut pas plaindre de tels petits rencontres, car si nous nous en plaignons c'est une marque que nous ne les aymons pas, et partant nous ne rendons pas nostre devoir à la sainte pauvreté.

  A006000974 

 Ce n'est pas estre pauvre de n'avoir point d'argent quand nous n'en avons pas besoin et que rien ne nous manque.

  A006000974 

 Il y a certes des personnes qui sont tousjours en necessité, parce qu'ils ont besoin de tant de choses pour les contenter que c'est grande pitié; et c'est ceux-cy qui sont pauvres, pourveu qu'ils ne se procurent pas tant de choses, parce qu'ils ont de la disette de ce qu'ils n'ont pas et qu'il semble qu'ils devroyent avoir..

  A006000974 

 Nostre glorieux Pere saint Augustin dit dans vos Regles que celuy-là est plus heureux lequel n'a pas besoin de beaucoup, que celuy qui a besoin de beaucoup de choses de quoy les autres se passent bien.

  A006000975 

 Ce que j'ay dit à Philothée est bon pour estre pratiqué par les Religieux, excepté certains chapitres, comme sont ceux qui regardent le mariage, les danses, les jeux, et semblables; mais tout le reste est tres-bon.

  A006000975 

 Quant à moy, je ne voudrois pas demander ce de quoy je me pourrais bien passer, pourveu qu'il n'apportast un notable detriment à la santé; car pour avoir un peu de froid, pour porter une robe un peu trop courte ou qui n'est pas bien faite assez juste pour moy, je ne ferais nul estat de cela.

  A006000976 

 Il est vray que c'est estre bien pauvre d'observer cecy; mais je vous asseure que c'est un grand secret pour acquerir la perfection, et si caché neantmoins, qu'il y a peu de personnes qui le sçachent, ou, s'ils le sçavent, qui en fassent leur proffit.

  A006000976 

 J'ay dit en deux ou trois lieux de la France, une chose que je m'en vay vous dire maintenant: c'est que pour parvenir à la perfection il faut vouloir peu et ne demander rien.

  A006000976 

 Je ne demanderais pas mesme de communier, excepté en certains jours que la coustume semble nous obliger de le demander, comme celuy de la reception à l'habit, de la Profession, de la feste du Patron; et je demanderais aussi une aiguille et du filet quand on me commanderait de faire quelque ouvrage, car le commandement qui m'est fait de faire l'ouvrage m'oblige à demander ce qui est requis pour le faire.

  A006000977 

 En fin j'aymerois mieux porter une petite croix de paille que l'on me mettrait sur les espaules sans mon choix, que non pas d'en aller couper une bien grande dans un bois avec beaucoup de travail, et la porter par apres avec une grande peine; et je croirois, comme il seroit veritable, estre plus agreable à Dieu avec la croix de paille que non pas avec celle que je me serais fabriquée avec plus de peine et de sueur, parce que je la porterais avec plus de satisfaction pour [447] l'amour propre qui se plaist tant à ses inventions et si peu à se laisser conduire et gouverner en simplicité, qui est ce que je vous desire le plus.

  A006000977 

 Faire tout simplement tout ce qui nous est commandé, ou par les Regles, ou par les Constitutions, ou bien par nos Superieurs, et puis nous tenir en repos pour tout le reste, tant pres de Dieu que nous pourrons..

  A006000979 

 Celles qui ne le voudront faire peuvent demander ce qu'elles auront besoin, d'autant que les Regles le permettent, et cela n'est pas contre la pauvreté ainsi que vous dites; mais aussi n'est-il pas selon icelle ni selon la perfection à laquelle vous estes obligées de pretendre.

  A006000979 

 Sur le sujet de la pauvreté, j'ay dit qu'il est bon de souffrir quelque petite necessité sans se plaindre ni desirer, encor moins demander, ce qui nous manque.

  A006000980 

 A cela, ma chere fille, je vous responds que ce qui a esté fait pour ce regard jusques à present n'a pas esté mal; mais si est-ce pourtant que desormais il ne le faut plus faire.

  A006000980 

 La Superieure a ses honneurs et singularités à part: elle est appellée ma Mere, elle a le pouvoir et l'authorité de commander et d'ordonner, et les Sœurs luy obeissent; hors de cela, il ne faut point de singularités, ainsi qu'il est dit dans les Constitutions, sinon de la necessité, comme les autres Sœurs..

  A006000980 

 Vous demandez si c'est manquer à l'observance et faire mal que de choisir une serviette plus deliée pour la Superieure, et ne luy donner pas celle qui se rencontre, sans choix, comme l'on fait aux [448] autres Sœurs.

  A006000988 

 Saint Pachome luy repliqua: Mon amy, le temps de souffrir la mort pour Jesus Christ n'est pas commun maintenant, la religion Catholique, par la grace de Dieu, a le dessus sur ses ennemis; d'ailleurs, vous n'estes point venu en ce lieu pour la mort, mais pour la mortification; mortifiez donc vos desirs inutiles qui vous font quitter les exercices presens, sous pretexte de faire merveille à l'advenir.

  A006000994 

 La premiere qu'il m'a donnée a esté de bastir une sainte retraitte pour des filles infirmes de corps et saines d'esprit; c'est pourquoy je ne veux pas qu'on introduise d'autres austerités que celles qui sont marquées.

  A006000998 

 Je desire fort qu'on ne parle point de la mangeaille parmi nous; mangeons à la bonne foy ce qui nous sera presenté, qu'il soit à nostre goust ou non; pourveu que nostre sac à vers se soustienne, c'est assez.

  A006001001 

 C'est pourquoy, à fin qu'il n'y ayt point de ces preeminences parmi nous qui sommes petites, on tirera les rangs, mettant dans les billets des Saints, i à l'un, à l'autre 2, ainsi de suite, selon le nombre que vous serez.

  A006001001 

 « Il a passé icy un Pere Feuillant, » reprit le Saint, « qui m'a dit qu'il y avoit des Religieuses en Italie tellement attachées à leurs chapelets, images et estuis ou choses semblables, qu'il s'en est trouvé qui auroyent mieux aymé sortir de leur couvent que de les quitter, C'est pourquoy j'ay pensé qu'il faudrait changer toutes ces [452] choses entre vous, à fin de ne s'attacher qu'à Dieu; et pour cela il faut choisir le dernier jour de l'an, quand on tire les Saints.

  A006001003 

 Nostre venerable Fondatrice luy demanda: Monseigneur, qu'est-ce qu'affabilité et sobrieté?.

  A006001005 

 Il en est de mesme du manger.

  A006001005 

 Voila, par exemple, deux personnes: l'une est fort alterée et boira deux verres de vin; l'autre qui l'est moins, si elle en boit autant elle manque à la sobrieté et temperance.

  A006001005 

 « La sobrieté est de manger selon sa necessité, rien de plus, chacune selon sa portée; les melancoliques pour l'ordinaire mangent plus que les autres.

  A006001013 

 Il faut donc vivre en mourant et mourir en vivant, et sur tout vous ne devez user de tout ce qui est en vous à autre fin qu'au service et à la gloire de Celuy qui vous a particulierement choisies pour luy estre entierement dediées et consacrées.

  A006001027 

 Honorez-les, admirez-les, et d'ailleurs contentez vous de ce peu que Dieu vous donne; c'est assez pour vous.

  A006001027 

 Il y a bien difference entre le nid de l'arondelle et celuy du cinnamologue, oyseau d'Arabie, d'autant que l'un n'est plastré que de bouë, que de pailletes, que de festus; là où l'autre est charpenté sur les hautes branches des arbres, de bois de canelle, de cinnamome et autres materiaux aromatiques.

  A006001027 

 Vostre Congregation, mes filles bien-aimées, est un nid d'arondelles, elle est bastie de faciles constitutions selon vostre portee; laissez les autres Congregations, establies sur des hauts statuts, ardus et sublimes, pour les cinnamologues, c'est à dire pour les esprits plus parfaits.

  A006001030 

 Faites vous resolution d'estre chaste? Ouy; ô bien, je le seray, et quoy qu'il en puisse arriver, je mourray plustost que de consentir à la moindre impureté du monde: que le diable arme ses puissances, je ne le craindray point; je suis plus forte que luy, Dieu est mon Pere et il combatra pour moy.

  A006001030 

 O qu'il se trouvera de vertus comme cela, quand Dieu manifestera les secrets des cœurs! Telle personne croit d'en avoir maintenant bonne provision, qui à cette heure-là ne verra que du vent, je veux dire en trois mots, qu'il faut avoir la perfection, mais celle qui est vraye et solide.


07-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VII-Vol.1-Sermons.html
  A007000044 

 L'extraordinaire n'est bonne sans l'adveu de l'ordinaire.

  A007000126 

 Au reste, c'est aujourd'huy que non seulement les vieux mais aussi les jeunes doivent prescher, puysqu'il a esté prophetizé de ce jour que prophetabunt filii vestri et filiæ vestræ, et juvenes vestri visiones videbunt.

  A007000126 

 Je viens et me presente icy avec l'esprit de sousmission et obeissance selon lequel je desire marcher tout le tems de ma vie, lequel, encores qu'il soit favorable a toutes sortes d'entreprises, si est ce neantmoins que j'ay sujet de craindre que quelqu'un ne dise de moy ce qu'aujourd'huy a grand tort les Juifz ont dict des [1] Apostres a sçavoir, Musto plenus est iste: il faut bien dire que celuy cy soit enyvré de quelque temerité, qui, en tel tems, en tel lieu, et en son novitiat ecclesiastique, ose monter en ceste chaire apres de si grans peres.

  A007000126 

 Mays je dis au contraire que le tems m'invite a prescher, puysque je vois que omnes cœperunt loqui magnalia Dei, et que ce jourd'huy est le commencement de toute prædication.

  A007000128 

 Si que ce Filz est vrayement « Dieu de Dieu, lumiere de lumiere: » il est Dieu, puysqu'il a l'infinie divinité pour son essence et substance; il est « Dieu de Dieu, » pour ce que ceste divinité ou essence divine, il l'a receüe par la feconde communication que son Pere eternel luy en faict eternellement, comme il luy en fit eternellement, l'engendrant et enfantant de son ventre, devant qu'il y eust aucun lucifer entre les Anges au Ciel spirituel et invisible, ny aucune belle estoille ou diane entre les estoilles au ciel corporel et visible: Ex utero ante luciferum genui te; Ps.

  A007000129 

 Adam, ainsy qu'il est escrit au commencement de la Genese, fut doué d'une telle sagesse, que donnant les noms a chaque chose il exprimoit fort vivement sa proprieté.

  A007000130 

 O saint amour, o amour eternel et infini! Doriques, mes Freres, des lhors, c'est a dire des l'eternité, avant les siecles, en l'infinité, en l'abisme de la perpetuité, ce Pere et ce Filz eternelz, jettans a force d'une mesme et seule volonté, d'une mesme et seule amitié, d'un mesme et seul courage, jettans dis je, par une mesme et seule bouche, un souspir, une respiration, un esprit d'amour, ilz produirent, ilz expirerent un souffle d'ou proceda le Saint Esprit, tierce Personne de la Trinité, « Dieu de Dieu, lumiere de lumiere, Dieu vray de Dieu vray.

  A007000131 

 Dequoy si je voulois parler davantage, on pourroit bien dire a bon droit de moy ce qu'aujourd'huy les Juifz disoyent sans rayson des Apostres: Musto plenus est iste, c'est a dire: il faut bien que cestuy ci soit enyvré d'une grande presomption de vouloir expliquer les interieures operations de Dieu, qui sont voylëes de leur infinité en telle façon que l'œil de l'homme n'y peut approcher que de bien loin.

  A007000131 

 Grand a la verité, et parfaict fut l'amour que l'Espouse portoit a l'Espoux au Cantique des Cantiques (chap. 5 ), puysqu'a sa parolle son ame sembloit se fondre et dissoudre comme faict la cire aux rayons du soleil: Anima mea liquefacta est, cum dilectus meus loquutus est.

  A007000131 

 Je m'arreste donques, mes Freres, et ce que j'en ay voulu dire ç'a esté pour monstrer en quelque façon qui est Celuy duquel nous celebrons la feste, qui est le Saint Esprit et Amour, procedant eternellement du Pere et du Filz, vray Dieu avec le Pere et le Filz; et encores pour vous donner a entendre que de toute eternité ce Saint Esprit venoit, par ceste incomprehensible procession et respiration, du cœur du Pere et du Filz, combien qu'il ne soit pas venu, ou par maniere de dire arrivé, et que ceste mission n'aye esté bien accomplie qu'a tel jour qu'aujourd'huy, il y a environ 1559 ans.

  A007000131 

 Mays tout autre est cest amour infini par lequel le Pere et le Filz s'entr'ayment, car en cest amour ilz ne se fondent pas, ilz ne se dissolvent pas, ce qui seroit imperfection; mays sans alteration de leur nature, ilz produisent un Saint Esprit, Dieu parfaict de Dieu parfaict, possedant pleinierement une mesme divine essence [4] avec eux; et sans se desfaire de l'essence divine, ilz la communiquent toute entierement et parfaittement a ce Saint Esprit et Amour.

  A007000132 

 Neantmoins, par une certaine appropriation et commodité de langage, les œuvres qui ressentent plus le pouvoir ont accoustumé d'estre accommodëes au Pere, comme la creation et semblables, parce qu'il est source et origine de toute puyssance et divinité; les œuvres qui ont plus d'apparence de sagesse, au Filz, digne generation de l'entendement paternel; celles de bonté, au Saint Esprit, amour et charité unique du Pere et du Filz..

  A007000133 

 Donq, encores que l'operation merveilleuse et puyssante qui a esté faitte es cœurs de l'Eglise naissante a tel jour qu'aujourd'huy, aye esté faitte egalement par le Pere, le Filz et le Saint Esprit, neantmoins, parce qu'en icelle reluit une principale bonté, misericorde et magnifique liberalité, on ne dict pas que toute la Trinité soit venue sur les Apostres, mays on dict et on celebre la descente du glorieux Saint Esprit: a la charge que vous ne vous imagineres pas que pour cela il aye changé de lieu pour descendre; car estant Dieu, il est tellement par tout par « essence, presence et puyssance, » que est in mundo non inclusus, extra mundum non exclusus.

  A007000137 

 Tout de mesme donques, Dieu est par tout le monde, vivifiant tout; et comme nous disons l'ame estre en la teste pour les principales operations qu'elle y faict, aussi disons nous que nostre Dieu est au Ciel pour les principales operations qu'il y faict, monstrant sa gloire ouvertement.

  A007000137 

 Vous sçaves bien que nostre ame est par tout le cors et toute en toutes les parties d'iceluy; autrement elle ne seroit pas spirituelle, ou nostre cors seroit mort en la partie en laquelle l'ame ne seroit pas.

  A007000138 

 Or, ces operations sont de deux sortes: les unes exterieures, comme les signes qui apparurent ce saint jour, le feu et le son vehement; les autres interieures, a sçavoir, l'onction de la grace et l'illumination invisible es cœurs et espritz apostoliques: et celles cy estans signifiëes, figurëes et representëes par celles la, en considerant les premieres nous apprendrons aysement les secondes; c'est a dire, par les signes exterieurs nous apprendrons les effectz interieurs qui sont comme le principal de ce mistere, le reste n'estant qu'accessoire, puysque omnis gloria filiæ regis ab intus.

  A007000138 

 Vous sçaves maintenant ce que c'est a dire quand on dict que le Saint Esprit est descendu sur les Apostres, et que cela n'est autre sinon qu'il y a faict quelques signalëes et grandes operations.

  A007000139 

 C'est la coustume de Dieu d'imprimer sa sainte crainte es courages de ceux esquelz il veut communiquer ses graces, affin qu'apres la crainte vienne l'amour.

  A007000139 

 Ceste cy est le commencement de sagesse, ceste cy est comme l'esguille par le moyen de laquelle on couvre avec la soye cramoysie de charité le vil reseuil de nos consciences.

  A007000139 

 Ne sçaves vous pas que le plus souvent, l'esté principalement, avant que pleuvoir il tonne et fait vent? Ainsy aujourd'huy il tonne et fait vent, pour monstrer qu'il veut pleuvoir les douces pluyes des consolations du Saint Esprit, ainsy qu'il est escrit: Flabit spiritus ejus, et fluent aquæ.

  A007000139 

 Quand nostre miserable premier pere eut peché, il est escrit: Cum audissent vocem Domini deambulantis in paradiso ad auram post meridiem, abscondit se Adam et uxor ejus.

  A007000140 

 Hé ne vous est il jamais advenu en une seche et alterëe sayson d'esté de voir vos jardins a gueule bëe, ouvrant par maniere de dire la gorge pour recevoir la pluÿe, et ne venant point de secours du ciel a leur soif, en fin les herbes paslir et secher, les fleurs se ternir et faner, et les arbrisseaux sembler plustost un bois mort qu'une plante? Les païsans alhors s'assemblent, font des prieres et processions pour impetrer ramollissement du ciel et la desiree liqueur pour les champs.

  A007000141 

 Le jardin de l'Eglise naissante estoit demeuré desja quelque tems privé de l'eau vive, quæ est veluti fontis salientis in vitam æternam, c'est a dire de la douce præsence de son bon et aymable Seigneur; la peur et la crainte de la persecution judaïque avoit terni les saintes fleurs, fané et mis en friche toutes ces pauvres plantes, et pouvoit bien dire: Expandi manus meas ad te; anima mea sicut terra sine aqua tibi; excepté le lys beny de la sacrëe Vierge, sur laquelle, par une particuliere influence du divin amour, la rosëe celeste tomboit [9] tousjours surabondamment.

  A007000141 

 Mais ce bruit, ce vent, ceste impetuosité, au lieu de frayeur se changea en une douce pluye des graces celestes, qui abbreuva si a souhait leurs courages, que des lhors il ne se parla plus de secheresse, ni d'aridité, ni de fletrisseure; car il leur arriva ce qui est dict de l'homme de bien par le saint roy David, lequel dict: Tanquam lignum quod plantatum est secus decursus aquarum, quod fructum suum dabit in tempore suo; et folium ejus non defluet, et omnia quæcumque faciet prosperabuntur..

  A007000142 

 Mais c'est asses parlé de ce premier signe pour le peu de tems que nous avons; venons a parler du second, qui fut des langues de feu ou comme de feu.

  A007000143 

 Ainsy ce mesme Esprit aujourd'huy est porté par dessus le feu, non ja pour creer et former le monde, mais pour le recreer et reformer: Et apparuerunt illis dispertitæ linguæ tanquam ignis, seditque supra singulos eorum.

  A007000143 

 C'est a dire le chaos ou monde elementaire, ou bien le globe des eaux qui couvroit toute la face de la terre, estant creé, le saint Esprit de Dieu estoit porté par dessus, pour donner a ce chaos informe, a cest element infecond telle fecondité que, sans l'eau desormais, ni plante ni animal ne peust estre engendré: de maniere qu'il veut quasi dire qu'il couvoit et fecondoit les eaux, affin qu'elles produisent les animaux aquatiques [10] et servent a la production de toute chose animëe.

  A007000143 

 Et d'autant que le feu est plus noble que l'eau, d'autant est ceste reformation plus grande que la formation; et d'autant que le feu est plus actif que l'eau et plus puyssant, reduisant en feu quasi tout ce qui luy est præsenté en un moment, ce que l'eau ne fait pas, aussi y a il plus de puyssance et de majesté a reformer le monde qu'a le former, a le renouveller qu'a le creer.

  A007000143 

 Et devant que l'œuvre de la reparation aye esté faitte, combien a il cousté de sang a Jesus Christ mesme, vray Dieu et vray homme? Devant qu'oser dire et s'asseurer de ceste grande parolle: Consummatum est, combien de peynes a il enduré? ains quelles peynes n'a il pas enduré et souffert?.

  A007000143 

 Pour le former, vous trouveres par tout simplement: Fiat lux, appareat arida, faciamus; mais a le reformer, Mot caro factum est.

  A007000144 

 Et quoy que le rien fust infiniment ennemy de Dieu, estant tout a fait de party contraire le neant et le sauverain Estre, si est ce neantmoins que n'ayant aucune puyssance, et le rien ne pouvant rien faire avec sa nulle puyssance, le tout qui estoit Dieu, au simple projet de sa volonté, mettoit en fuite le rien, changeant sa neantise en un bon estre, lhors qu'il faisoit les creatures..

  A007000144 

 Or les theologiens, non contens de sçavoir resolument que plus admirable a esté la Majesté divine en la reformation qu'en la formation du monde, ains que plus est admirable la justification du simple et seul pecheur, laquelle neantmoins se faict tous les jours en cent mille lieux du Christianisme, non contens, dis je, de le sçavoir, ilz demandent entr'eux le pourquoy, affin par apres de pouvoir rendre conte aux curieux de leur dire, et de faire mieux connoistre aux hommes la grace que Dieu leur [11] faict quand il les appelle a pœnitence.

  A007000145 

 O combien de resistance trouve Dieu en ceste besoigne! Que si vous me demandes: Hé, qui est si osé et si temeraire que de faire resistance a Dieu, et qui le peut faire? Saint Pol ne dict il pas en ce chapitre scabreux et qui ne devroit estre leu que des doctes (c'est aux Rom., 9 ): Voluntati ejus quis resistit? et au Psalm.

  A007000146 

 Des choses que Dieu veut estre faites, il veut les unes [12] estre faites sans nostre consentement, et en celles cy tousjours il est obei: telle est la production des choses, la pluye, neige, tempeste, les maladies et afflictions.

  A007000146 

 Et quant a celles cy, il est tousjours obei au Ciel, et partant Deus autem noster in cœlo; omnia quæcumque voluit fecit. Mays en terre, il n'y est pas tousjours obei; autrement, dites moy, qu'aurions nous besoin de demander Fiat voluntas tua sicut in cœlo et in terra? Et d'ou vient, me dires vous, ceste difference entre les volontés qui sont au Ciel et celles qui sont en la terre? En peu de parolles je vous le diray: c'est que les volontés celestes et heureuses sont tellement appuyëes sur la volonté de Dieu, que l'une ne se peut mouvoir sans l'autre, et n'ont pas la liberté de contrarieté, c'est a dire de mal faire, ains seulement de bien faire: grace et gloire tout ensemble..

  A007000147 

 C'est la perfection du franc arbitre que, ne pouvant mal faire, il aille et suive volontairement le bien, et d'estre tellement appuyé qu'il ne puisse jamais descheoir.

  A007000148 

 » C'est icy ou je respondray a vostre demande: Qui peut resister, qui veut resister a Dieu? Je le veux demander a mon ame, luy proposant les doutes que j'ay en cecy, et si vous faites mes demandes chacun a la vostre, vous ouyres de belles responses en vous mesme..

  A007000149 

 Ce n'est donq pas merveille si le Saint Esprit ayant fecondé les eaux pour l'institution du monde, il a voulu feconder le feu pour la restitution d'iceluy; car besoin estoit de plus d'efficace pour le r'habiller que pour le faire..

  A007000150 

 J'eusse peu aller recherchant ce que ce son faict au ciel, porté par le vent, et ce feu signifie par tous les coins de l'Escriture; mais je l'ay trouvé tout en un Psalme si gravement descrit, que ce seroit peyne de le chercher ailleurs: c'est le Psalme 28..

  A007000151 

 Et premierement, le tiltre d'iceluy est: Psalmus David in consummatione Tabernaculi.

  A007000151 

 Il appelle icy les nuëes eaux, a cause que des nuëes se faict la pluÿe et les eaux, comme s'il vouloit dire: Factus est repente de cœlo sonus tanquam advenientis spiritus vehementis; car le tonnerre ne se faict pas sans nuages.

  A007000151 

 Qu'est ce que la consommation du Tabernacle, sinon la mission du Saint Esprit qui consomma et perfectionna le tabernacle de l'Eglise Chrestienne? Donques est il dict en ce Psalme: Vox Domini super aquas; Deus majestatis intonuit; vox Domini super aquas multas.

  A007000152 

 Et spiritu oris ejus; et par le Saint Esprit, qui est respiré par la bouche et sapience du Pere comme un souspir d'amour, toute leur vertu a esté perfectionnëe et tellement establie, que des lhors, selon la plus probable opinion, non seulement quant a la foy, qui est chose certaine, mais mesme quant aux mœurs, les Apostres ne firent onques faute.

  A007000153 

 Il va poursuyvant, que les Apostres fortifiés par cest Esprit desracineront la gloire et vanité mondaine: Et comminuet eas tanquam vitulum Libani; c'est a [16] dire, le Seigneur ayant consolé, conforté, corroboré avec ce son, ce vent et ce feu les cœurs des Apostres, par leur ministere il fracassera, il fera sauter, il dissipera cedros Libani, c'est a dire les plus haut eslevés mescreans et infidelles: et ainsy est il advenu, mes Freres.

  A007000153 

 O quelle est la memoire du glorieux Apostre saint Pierre, pauvre pescheur, deschaussé, desnué et simple! Grand est le palais, la basilique, le monument de saint Pierre; celle de Neron n'est plus rien.

  A007000153 

 Ou sont ces glorieux Cesars, ou sont tant de grans personnages en guerre qui estoyent du tems des Apostres? Ou eux, ou leur posterité ne se sont ilz pas mis a genoux aux piedz des Apostres ou de leurs successeurs? Dites moy un peu, ou est la memoire de Neron? il ne s'en parle plus qu'en mal.

  A007000154 

 Il s'ensuit au mesme Psalme: Vox Domini intercidentis flammam ignis; c'est a dire, ce son qui replevit totam domum Dei, est intercidentis flammam ignis; ce son, dis je, dispersa une flamme de feu en plusieurs parties, selon qu'il est dict: Sedit supra singulos eorum, pour demonstrer que la parolle evangelique portëe par les Apostres, devoit faire part a chacun du saint feu duquel Nostre Seigneur disoit: Ignem [17] veni mittere in terram, c'est a dire de charité ou de foy vive.

  A007000154 

 O que ce n'est pas sans cause que le Prophete royal dict: Ignitum eloquium tuum, Domine, et servus tuus dilexit illud; car par la parole de Dieu nos ames sont du tout enflammees en son amour et a l'extirpation de toutes nos imperfections.

  A007000156 

 « Sine tuo Numine, nihil est in homine, nihil est innoxium; ».

  A007000160 

 Ce n'est pas sans cause que vous voyes les Apostres comparés aux biches, car les biches ne sont point armees de branches et cornes comme les cerfz; aussi les Apostres estoyent nudz d'armes corporelles, ne combattant le monde qu'avec la faim, soif et tribulation.

  A007000160 

 Et d'ailleurs, ces animaux sont d'une extreme vistesse; et telz sont les Apostres desquelz la voix a couru tout le monde: In omnem terram exivit sonus eorum, et in fines orbis terræ verba eorum; et a rayson d'eux fut dict: Spiritus Domini replevit orbem terrarum, et hoc quod continet omnia scientiam habet vocis. Aussi estoyent ilz ambassadeurs vers tout le monde, et portoyent la parolle pour un Monarque qui est extremement viste et courant, duquel l'Eglise chante: « Nescit tarda molimina Spiritus Sancti gratia.

  A007000162 

 Et quelle gloire, quelle louange pourront ilz dire? Ilz diront: Deus diluvium inhabitare facit, et sedebit Dominus rex in æternum; c'est a dire: autrefois il fit un deluge pour repurger le monde avec l'eau, mays maintenant il se faict un deluge qui durera tousjours, avec la parolle de Dieu laquelle purifie et illumine les ames: Mot Dei manet in æternum.

  A007000162 

 Si que, comme ce premier deluge nettoya, reforma et renouvella la terre, aussi cestuy [cy] la remet, la reforme et la renouvelle, dont nous chantons: Emitte Spiritum tuum et creabuntur, et renovabis faciem terræ; et desormais sedebit rex Dominus in æternum, c'est a dire Jesus Christ, qui regnabit in domo Jacob, et regni ejus non erit finis..

  A007000164 

 Mes Freres, ores que vous aves ouy quelque chose de l'infinité des graces que le Saint Esprit communiqua a sa venue, et quoy que ce que j'ay dict soit peu en comparayson de ce qui en est, si est ce que je ne crois pas que vous ne desirassies extremement une venue du Saint Esprit sur vous autres; ou si vous estes si durs que de ne la pas desirer, je vous oseray bien dire a l'imitation de saint Pol, pour la premiere fois que j'ay eu cest honneur que de vous parler de la part de Dieu: O insensati Allobroges, usquequo gravi corde? Mais je ne le dis pas, ne pouvant croire tant de mal de [20] ceux auxquelz je desire tant de bien.

  A007000166 

 Ainsy voulons nous dire que le juste vit selon la foy, selon qu'elle enseigne, ex præscripto fidei; et aussi, qu'il vit du gain qu'il faict en la foy, c'est a dire des œuvres bonnes et qui sont selon la foy..

  A007000166 

 C'est un mistere, mes Freres: douze estoyent les Apostres au commencement, et maintenant ce nombre de douze a esté multiplié par dix.

  A007000166 

 Justus ex fide vivit, c'est a dire le juste vit a forme de sa foy, il vit a la regle de sa foy.

  A007000166 

 Revenons: Ilz estoyent cent et vingt, c'est a dire six vingtz.

  A007000167 

 Jamais Dieu ne cessera de nous chastier, jusques a ce que nous cessions de pecher, dict l'Apostre saint Pol: Tu autem secundum impænitens cor tuum, etc. Et ceste impcenitence vient d'une certaine courtoysie que chacun a envers soy mesme; que chacun se flatte, chacun est prest ad excusandas excusationes in peccatis, chacun rejette la cause de nos maux sur le peché d'autruy, et non sur les siens, comme l'on devroit; et me semble, a ouÿr les discours que l'on va faisant en Savoye, que je vois jouer au change..

  A007000167 

 Je vous diray seulement: le peché fondamental qui nous entretient en guerre, c'est l'impœnitence.

  A007000167 

 Pendant que la guerre dure, il ne faut pas attendre le Saint Esprit, car pendant que la guerre dure c'est signe que nos pechés durent: Et factus est in pace locus ejus.

  A007000167 

 Que ferons nous, mes Freres, nous qui sommes, comme j'avois commencé a vous dire, en guerre? Mes Freres, la guerre est un fleau de Dieu, et pendant que nous en sommes chastiés, il nous faut croire que c'est pour nos pechés; car si in terra pax est hominibus bonæ voluntatis, donques, bellum hominibus malæ voluntatis; car, comme inter bonæ voluntatis et malæ voluntatis, il n'y a point d'entre-deux, il n'y en a point aussi entre bellum et pax.

  A007000168 

 Chacune prend sa couleur, et est obligëe de la garder du change, si que, si le jeu estant commencé on dict que le vert change, celle qui a pris le vert, dira: ce n'est pas le vert qui change, c'est le gris; celle qui a le gris: ce n'est pas le gris qui change, c'est le bleu; celle qui a le bleu semblablement s'en descharge et dict: ce n'est pas le bleu qui change, c'est le blanc; et passent ainsy le tems a rejetter l'une sur l'autre le change, tant qu'il se faut retirer et que la conversation est rompue..

  A007000169 

 Ceux cy sont les plus advisés, car il n'est permis de mesdire sans danger, en ce tems ou nous sommes, de personne sinon de l'Eglise, de laquelle chacun est censeur, chacun la sindique.

  A007000170 

 Confessons nos fautes propres, et laissons les autres confesser les leurs; sçachons qu'il n'est pas tems de dire: Patres nostri comederunt uvam acerbam, et dentes nostri obstupuerunt, car Nostre Seigneur nous respondra: Anima quæ peccaverit, ipsa morietur.

  A007000170 

 O mon ame, n'est ce pas toy qui es cause de ce mal, qui as faict tant de pechés sur pechés, tant d'offenses, tant de laschetés que justement l'ire de Dieu est tombëe sur tout un peuple? Ne sçais tu pas qu'autrefois, s'ilz se fussent trouvé dix hommes de bien, le bon Dieu, pour leur respect, eust gardé toute une ville de ruine (au Gen., 18 )? Ah, que peut estre manquoit il le dixiesme en ce païs; que si tu te fusses reformé, peut estre eusses tu accompli le nombre: o quel grand bien! Et ne me respons pas: Pourquoy les autres n'y ont ilz advisé? car ilz en ont plus affaire que toy.

  A007000171 

 Jonas estant commandé d'aller a Ninive prescher, fut desobeyssant et s'en alloit ailleurs par mer; la tempeste s'esleva tellement, que le maistre et patron du navire resolut d'en jetter un en mer: le sort tomba sur Jonas, et quoy que ce fust sort, si est ce qu'il fut a propos; car apres, stetit mare a fervore suo.

  A007000171 

 La tempeste, la bourrasque de ce tems calamiteux est grande, et semble qu'il faille jetter quelqu'un dans la mer: Domine, si propter me tempestas orta est, projicite me in mare.

  A007000171 

 O grand Patron de la navire ecclesiastique, Jesus Christ, si c'est faute de ma pœnitence que cest orage s'est eslevé, que la nef se va rompant, jettes moy, Seigneur, dans la mer; la mer est la pœnitence amere, dans laquelle estant jetté, faites que je sois receu dans le ventre de la baleyne, c'est a dire de l'esperance, sans laquelle [25] le repentir n'est qu'une bourrasque de desespoir; en ceste esperance j'y demeureray trois jours, de contrition, confession et satisfaction, et alhors, Seigneur, cessabit m are a fervore suo.

  A007000171 

 Que si non seulement propter me tempestas hæc orta est, sed propter hunc totum populum, changes nos volontés mauvayses en bonnes, et nos courages mauvais en bons: Cor mundum crea in me, Deus.

  A007000172 

 C'est le vray tems de demander, maintenant que tout le monde est a la besace; car il est escrit au Psalme 9: Desiderium pauperum exaudivit Dominus..

  A007000172 

 Il faut se rendre devot et prier Dieu, et c'est la troisiesme disposition; car les Apostres estoyent perseverans en orayson.

  A007000173 

 Gardes, mes Freres, car c'est offencer Dieu de demander la paix pour faire des superfluités, pour des passetems; il la faut demander pour plus commodement le servir, comme faysoit ce Prophete: Ut sine timore, de manu inimicorum nostrorum liberati, serviamus illi; et comme fait l'Eglise: « Ut et corda nostra mandatis tuis dedita, et, hostium sublata formidine, tempora sint tua protectione tranquilla.

  A007000173 

 Que devons nous demander a Dieu, mes Freres? Tout ce qui est pour son honneur et le salut de nos ames, et en un mot l'assistance du Saint [26] Esprit: Emitte Spiritum tuum et creabuntur; et en ce tems icy, la paix et la tranquillité: Fiat pax in virtute tua; Rogate quæ ad pacem sunt Hierusalem.

  A007000173 

 l'obsecration, et par maniere de dire l'adjuration, qui est comme la rayson de nostre demande; la 3.

  A007000174 

 Et de fait, ce sont les prieres que Nostre Seigneur fit en croix desquelles parle saint Pol, aux Heb., 5: In diebus carnis suæ, preces supplicationesque cum clamore valido et lacrymis offerens, exauditus est pro sua reverentia.

  A007000174 

 Sans luy, jamais nous ne pourrions le recevoir; car Dieu voyant devant le deluge les grans pechés qui se [27] commettoyent, ne dict il pas: Non permanebit spiritus meus in homine, quoniam caro est? O sentence terrible, o decret effroyable! Mais Nostre Seigneur, lhors qu'on rompoit sa beniste peau sur l'arbre de la croix et en la colomne, il rompoit avec son merite decretum chirographi, le decret et cedule qui nous tenoit obligés au pouvoir des enfers.

  A007000175 

 A l'oraison, il faut y adjouster l'obsecration, c'est a dire l'adjurer en vertu de quelque chose qui luy plaise: et premierement, par sa mesme bonté, motif esgal a luy mesme; secondement, par son Filz Nostre Seigneur, vray mediateur entre Dieu et les hommes, et unique quant a la mediation principale, essentielle et naturelle, ainsy que faict tousjours l'Eglise, quoy que les hæretiques la calomnient; troysiesmement, par ses Saintz qui sont mediateurs par intercession et dependance: Memento, Domine, David, etc. (vous autres particulierement par le glorieux saint Pierre, saint François, saint Dominique, saint Jacques, saint Maurice), et sur tout par le merite et par l'amour qu'il porte a sa sainte Mere, la glorieuse Vierge Marie; et cecy ce sera accomplir la quatriesme condition pour recevoir le Saint Esprit, car ce sera estre cum Maria Matre Jesu.

  A007000176 

 Donques, quand il dict cum mulieribus et Maria Matre Jesu, c'est autant a dire comme qui diroit: Il est avec le roy, a la suite du roy; car il ne nomme particulierement ceste Dame sinon honoris causa..

  A007000176 

 Et ce n'est pas merveilles, car elle est Espouse du Saint Esprit, Fille du Pere eternel, Mere du Filz eternel.

  A007000176 

 Regardes un peu sainte Elizabeth incontinent qu'elle fut en conversation avec la Vierge Marie; l'Evangeliste saint Luc, au I, dict: Ut audivit salutationem Mariæ Elizabeth, exultavit infans in utero, et repleta est Spiritu Sancto Elizabeth.

  A007000176 

 Vous ne sçauries dire combien ceste condition est preignante.

  A007000177 

 Que ces suffisans donques se retirent, qui ont peur que nous ne faisions trop d'honneur a la Vierge; car elle est digne de tout l'honneur qui appartient a la pure creature, tant spirituelle que corporelle.

  A007000178 

 Et qu'est ce qu'elle receut icy, puysqu'elle l'avoit desja receu en l'Annonciation? Mensuram confertam, et coagitatam, et supereffluentem.

  A007000178 

 O qu'il faut bien croire qu'elle [29] meditoit en la Passion et es angoisses d'icelle, attendant fermement le Saint Esprit, et en prioit son Filz, duquel si l'absence de troys jours la rendit si triste autrefois, qu'est ce qu'aura faict l'absence de dix jours? En fin je crois qu'elle disoit devotement a son Filz: Fili, quid fecisti nobis sic? Tu præcepisti nobis ab Hierosolymis ne discederemus: quant a mon cors, o mon Filz, ce qu'il te plaira; mais quant a mon cœur, ubi thesaurus meus, ibi et cor meum.

  A007000178 

 Qui justus est, justificetur adhuc.

  A007000179 

 C'est Jesus Christ, beny, tres glorieux, qui vit et regne avec le Pere et le Saint Esprit, duquel la benediction tombe sur nous.

  A007000188 

 Il pourroit sembler estrange a quelqu'un, mes chers auditeurs, que vous ayant apporté du pain la semaine passëe en ceste chaire, vous disant: Hic est panis qui de cœlo descendit (Joan., 6 ), maintenant je ne vous y apporte qu' une pierre, disant: Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam; et neantmoins, quand je vous invitay a ceste exhortation, je vous promis une semblable refection spirituelle que celle que je vous presentay alhors.

  A007000192 

 Omnia tempus habent: tempus nascendi, et tempus moriendi, dict l'Escriture Sainte: dont je prens occasion d'admirer que l'Eglise Catholique nostre Mere, aye commandé, et non sans rayson, que dedans l'octave d'une si grande resjouyssance comme est celle de la nativité de saint Jan, on celebrast la glorieuse memoyre du martire de saint Pierre, grand gouverneur de l'Eglise militante; car si, comme dict l'Escriture, musica in luctu importuna narratio est, s'il y a tems de mourir et tems de naistre, pourquoy donques a on meslé eh une mesme octave la mort de saint Pierre avec la naissance de saint Jan? Certes, mes chers auditeurs, il sera bien aysé de trouver responce a ce doute et satisfaire a ceste admiration.

  A007000193 

 Mais si la nativité des Saintz est miserable, et leur [32] mort glorieuse, pourquoy, a une chose glorieuse comme est la mort, donne on le nom miserable de nativité? Je trouve qu'il y a tant de similitude entre la nativité de saint Jan et la mort de saint Pierre, que toutes deux se doivent appeller mort ou toutes deux nativité; car il n'y a nulle apparence que deux choses si semblables doivent avoir diversité de noms.

  A007000194 

 Quand je considere que l'Eglise nostre Mere nous propose en la joyeuse octave de la nativité de saint Jan la solemnité de la mort douloureuse de saint Pierre, sçachant qu'elle est conduitte du Saint Esprit, je crois qu'elle le faict pour quelque similitude et rapport qu'il y a entre la mort de l'un et la nativité de l'autre; pensëe en laquelle je suys d'autant plus confirmé, que je vois que la mesme Eglise appelle aussi bien naissance la mort de saint Pierre que la nativité de saint Jan, voyant que non seulement en la mort, mays encores en leur vie mesme, j'y trouve certaine alliance et grande ressemblance, quoy qu'en certains pointz il y aye de la dissimilitude, comme il y en a tousjours entre les choses du Viel et du Nouveau Testament..

  A007000195 

 Et vous semble il pas que saint Pierre soit Evangelii luminare majus, puysque c'est luy qui præest diei Evangelii? lesquelz deux luminaires ont esté mis au ciel ecclesiastique par Celuy qui l'a faict et formé, qui est Jesus Christ Nostre Seigneur..

  A007000196 

 Hé, penses vous pas qu'ilz s'entreregardoyent quand l'un disoit: Ecce agnus Dei, et que l'autre disoit: Tu es Christus Filius Dei vivi? Il est vray que la confession de saint Jan ressent encores quelque chose de la nuict de l'ancienne Loy, quand il appelle Nostre Seigneur aigneau, car il parle de la figure; mais celle de saint Pierre ne ressent rien que le jour, quia Joannes præerat nocti, et Petrus diei.

  A007000196 

 Le propitiatoire, mes chers auditeurs, c'est Nostre Seigneur, lequel le Pere eternel nous a donné pour estre propitiatio pro peccatis nostris: et ipsum proposuit Deus propitiationem.

  A007000198 

 Et de vray, Simon, l'un des noms de saint Pierre, veut quasi signifier cela, car Simon veut dire obediens, et Moyse signifie extractus, c'est a dire retiré simplement, d'autant qu'il n'avoit pas encores [35] l'usage de rayson quand on le retira.

  A007000198 

 Pharao avoit commandé aux sages-femmes des Hebrieux qu'elles tuassent tous les enfans masles d'Israël; la mere de Moyse, l'ayant enfanté et gardé troys moys, en fin ne le pouvant plus cacher, elle le mit en un panier de joncs qu'elle accommoda le mieux qu'elle peut, puys l'exposa parmi certaines herbes aquatiques au bord de l'eau; et la fille de Pharao y venant pour se baigner, l'appercevant, le fit prendre, et voyant que ce petit enfant estoit fort beau, par bonheur elle le fit nourrir par sa mere propre; et parce qu'elle l'avoit retiré des eaux, elle l'appella Moyse, c'est a dire retiré; Exod., 1 et 2.

  A007000198 

 Saint Pierre est appellé obeyssant, pource qu'ayant esté retiré dans l'usage de rayson, il fut retiré par obeyssance: Venite post me; et continuo secuti sunt eum.

  A007000199 

 Mais considerons maintenant la ressemblance de ces deux nativités de saint Jan et de saint Pierre, a condition toutesfois que nous ne ferons que toucher ce qui sera de saint Jan, pour nous arrester davantage en ce qui est de saint Pierre, puysque c'est en ce jour que nous celebrons sa feste.

  A007000200 

 Ainsy Nostre Seigneur, se bruslant au feu de sa tres grande charité et puys se jettant dans les eaux de la mer Rouge de sa Passion, renouvella sa jeunesse, et comparut, sortant d'icelle en resuscitant, glorieux, renouvelle comme l'aigle, [36] suivant ce qui est es Psalmes: Renovabitur ut aquilæ juventus tua; Psalm.

  A007000200 

 Saint Jan nasquit pour finir la Loy mosaïque, saint Pierre mourut pour commencer l'Eglise Catholique; non que saint Pierre fust le commencement fondamental de l'Eglise, ny saint Jan la fin de la Synagogue, car c'est Nostre Seigneur, lequel mit fin a la Loy de Moyse, disant sur la croix: Consummatum est (Joan., 19 ), et resuscitant, il commença l'Eglise nouvelle; car comme il se renouvella luy mesme, aussi renouvella il son Eglise: il se renouvella, dis je, resuscitant revestu d'immortalité, luy qui s'estoit auparavant revestu de nostre mortalité: Et habitu inventus ut homo, etc.; Philip., 2.

  A007000201 

 La nativité de saint Jan fut prædicte a Zacharie, comme il offroit de l'encens au Seigneur, ainsy qu'il est dict en saint Luc: Cum Zacharias poneret incensum Domino.

  A007000201 

 Mais quel encens penses vous que saint Pierre offroit au Seigneur quand il luy respondit: Domine, tu scis quia amo te? odeur qui seule est aggreable a sa divine Majesté..

  A007000203 

 Ainsy furent sanctifiés les Apostres au jour de la Pentecoste; de quoy nous avons tesmoignage en saint Pol, qui dict qu'il est asseuré qu'aucune chose, non pas mesme la mort, ne le pourra separer de la charité de Jesus Christ: Scio quia neque mors nos separabit a charitate Christi; Rom., 8..

  A007000203 

 est de ceux qui ne sont pas saintz sinon contingemment, et sans aucune necessité que par la volonté de Dieu; neantmoins ilz le sont tousjours.

  A007000203 

 par necessité de consequence: c'est ainsy que fut sanctifié Nostre Seigneur, lequel estant Filz naturel de Dieu, ne pouvoit qu'il ne fust saint; et parce qu'il estoit saint par nature, il s'appelle saint par excellence: Sanctus vocabitur Filius Dei (Luc., I ); estant l'un des trois Sanctus, Sanctus, Sanctus (Isa., 6 ), que les Seraphins que vit Isaye repetent sans cesse dans le Ciel en l'honneur de la tressainte Trinité.

  A007000203 

 sorte de sanctification est de ceux qui ne sont pas tous-jours saintz, mais seulement sont sanctifiés au ventre de leur mere: telz furent saint Jan, Hieremie, et, selon l'opinion de quelques uns, saint Joseph, auxquelz on attribue ces parolles: Antequam progredereris ex utero, sanctificavi te.

  A007000203 

 sorte est de ceux qui sont sanctifiés d'une sanctification commune a tous les [37] justes avant que de mourir, desquelz il est dict, Sap., 3: Justorum animæ in manu Dei sunt.

  A007000204 

 Quant a celle de saint Jan, il est dict (Luc., 1 ) qu'a son arrivee chez sainte Elizabeth exultavit infans in gaudio.

  A007000206 

 C'est une chose a quoy je ne puys bonnement respondre; seulement je vous diray que vous imities la sainteté de l'un et de l'autre, et puys vous le sçaures quand vous seres dans le Ciel.

  A007000206 

 Maintenant vous voudries peut estre sçavoir quis major est in Regno cœlorum.

  A007000207 

 Mais je ferois tort au passage de la Sainte Escriture que j'ay cité au commencement de ce sermon, si je m'arrestois davantage a poursuyvre les ressemblances qui sont entre la nativité de saint Jan et la mort de saint Pierre, puysque j'ay tant d'occasion de faire une comparayson plus haute, c'est a sçavoir entre la mort de saint Pierre et celle de nostre divin Sauveur..

  A007000208 

 C'est que Dieu nous attribue ces noms pour nous humilier et nous monstrer sa charité; le diable nous les attribue pour nous faire tomber dans la superbe, et par ce moyen nous separer de la charité.

  A007000208 

 Il s'appelle nostre frere, il nous appelle ses amis et ses coheritiers; et d'abondant, il nous communique un nom duquel la chose est proprement incommunicable: Ego dixi: Dii estis, et filii Excelsi omnes.

  A007000209 

 Car il y a plusieurs noms qu'elle n'a pas seulement en apparence et similitude mays en verité, comme Mere de grace, Mere de Dieu, et par consequent Reyne des Anges et Imperatrice du Ciel et de la terre, Advocate des pecheurs, Mere de misericorde; car celle qui est vrayement Mere de Dieu a tous ces tiltres avec plus de rayson, ce semble, qu'un roy ne porte le nom de son royaume.

  A007000209 

 Les autres noms de ceste sainte Vierge s'entendent par proportion et participation, comme quand nous l'appelions nostre refuge, nostre esperance, parce qu'elle l'est en effect, bien que ce ne soit que par participation et par le moyen de son credit.

  A007000210 

 L'une et l'autre exposition est bonne, car Nostre Seigneur luy dict: Sequere me, en suite de ce qu'il luy avoit dict auparavant.

  A007000210 

 Saint Augustin demande pourquoy Nostre Seigneur dict a saint Pierre: Sequere me; il respond que c'est comme s'il luy eust voulu dire: Quant a toy, Pierre, tu me suyvras non seulement a la mort, mais encor quant a la façon de la mort; en quoy Euthymius s'accorde, quoy que Theophylacte entende par ces parolles, que Nostre Seigneur luy vouloit dire: Sis vicarius meus.

  A007000211 

 Et neantmoins Papias (au recit d'Eusebe), disciple des Apostres, nous en asseure, apportant pour tesmoignage que saint [41] Pierre date sa premiere Epistre de Babylone, c'est a dire de Rome, interpretation laquelle est suyvie du grand saint Hierosme, au traitté qu'il a faict Des hommes illustres.

  A007000211 

 Le lieu ou saint Pierre a esté crucifié, c'est Rome sans doute, car ainsy le rapporte toute l'antiquité; de quoy nos adversaires sont bien marris, et veulent non seulement nier qu'il soit mort a Rome, mais encores qu'il y aye reside, avec des raysons les plus impertinentes et frivoles qu'on se puisse imaginer.

  A007000212 

 C'est saint Ambroyse en son oraison Contre Auxence, saint Athanase en son Apologie pour sa fuitte, saint Hierosme sur saint Pierre, outre les memoyres qui sont encores a present a Rome.

  A007000212 

 Or, tout ce que je vous ay dict est rapporté par des autheurs irreprochables, a l'opinion desquelz il n'y a homme de bon jugement qui ose s'opposer.

  A007000213 

 Ainsy me semble-il qu'il aye fait en sa reformation; car voulant que saint Pierre fust le president et gouverneur universel de son Eglise, qu'il commandast tant a ceux qui sont dans les eaux de ce monde comme a ceux qui se retirent en la Religion pour voler en l'air de la perfection, il le voulut rendre semblable a luy, et me semble qu'il dict: Faciamus eum ad imaginem nostram, c'est a dire, semblable a Jesus crucifié; c'est pourquoy il luy dict: Sequere me..

  A007000214 

 Et si Narcisse qui n'ayma jamais aucune personne, fut si espris voyant sa propre ressemblance, combien plus Nostre Seigneur qui ne fit jamais qu'aymer? Aussi son cher Disciple disoit de luy: Cum dilexisset suos, in finem dilexit eos, Joan., 13; et en un autre lieu, il est dit: In charitate perpetua dilexi te; Hierem., 31.

  A007000215 

 Simon porte la croix apres Nostre Seigneur; [44] la Croix est le sceptre royal de Nostre Seigneur: Et principatus ejus super humerum ejus (Is., 9 ), comme saint Hierosme l'interprete.

  A007000216 

 D'icy je vous puys conduire a l'intelligence d'une autre difficulté, que je vous veux esclaircir: c'est que Nostre Seigneur voulant donner le gouvernement de sa bergerie a saint Pierre, il l'appelle tousjours Simon Joannis, non pas Pierre, encores que luy mesme luy eust changé de nom.

  A007000216 

 Quand Nostre Seigneur voulut monstrer a saint Pierre qu'il le vouloit faire chef de l'Eglise, il luy dict: Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam; en quoy, comme il luy communiquoit la charge de son troupeau, aussi luy donnoit il l'un de ses noms qui signifie puyssance; car le nom de Pierre est un des noms que l'Escriture attribue a Nostre Seigneur: Petra autem erat Christus, I Cor., 10; Lapis quem reprobaverunt ædificantes, hic factus est in caput anguli Epist.

  A007000217 

 Et quel nom de martyre, de passion et de souffrance avoit Nostre Seigneur? Le nom que nous devrions tous avoir au cœur pour nous encourager a l'observation des commandemens divins: c'est le nom d'obeyssant.

  A007000217 

 Le nom de Simon en hebrieu veut dire obeyssant; donques Nostre Seigneur qui luy communiqua le nom de puyssance quand il luy promit la puyssance, luy communique maintenant son nom de passion et de souffrance quand il luy prædit sa mort: si bien que l'on peut dire que Petrus factus est Simon usque ad mortem..

  A007000219 

 Ainsy Nostre Seigneur est tousjours chef de l'Eglise, mays non pas saint Pierre; Nostre Seigneur a son vicaire, et saint Pierre a son successeur..

  A007000220 

 C'est la pierre de touche avec laquelle l'on connoist tousjours le faux or de l'hæresie; c'est la pierre quarrëe du temple de Salomon.

  A007000220 

 Il est dict que ce [47] Roy fit chercher des pierres pour fonder son temple, et qu'on les fit esquarrer; Nostre Seigneur ayant choysi nostre saint Apostre pour estre apres luy la premiere pierre du fondement de son Eglise, il la fit esquarrer en croix.

  A007000220 

 Saint Pierre en outre renversa la teste contre terre pour monstrer que, s'en allant au Ciel, il laissoit neantmoins sa succession en terre, de laquelle Nostre Seigneur luy dict: Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam. Imagines vous que saint Pierre est le premier fondement apres Jesus Christ; puys ses successeurs se sont fondés successivement sur luy, comme pierres angulaires qui tiennent ensemble le bastiment de l'Eglise.

  A007000220 

 Si vous estes en doute comme il faut entendre ceste loy evangelique, alles a ceste pierre pour apprendre comme il faut croyre: sur quoy je ne m'arresteray pas beaucoup, pour le prouver amplement, ne m'estant proposé pour sujet de ceste exhortation que la mort de saint Pierre, me contentant de vous apporter pour le present une seule rayson, mais qui est fondamentale..

  A007000221 

 L'Eglise est une monarchie, et partant il luy faut un chef visible qui la gouverne comme le sauverain lieutenant de Nostre Seigneur; car autrement, quand Nostre Seigneur dict: Die Ecclesiæ, a qui parlerions nous, ou comment conserverions nous l'unité de la foy? Et quand une personne se voudroit emanciper, qui la pourroit reduire au bercail? Comment pourroit on empescher qu'il n'y eust de la division dans l'Eglise? Autrement, lhors que, comme dict saint Hierosme, « totus orbis se Arianum esse miratus est, » comment se fust il converty? Omne regnum in se divisum desolabitur; Luc., 11..

  A007000222 

 C'est donq chose certaine que l'Eglise doit avoir un lieutenant general; or voyons maintenant quel il peut estre.

  A007000222 

 C'est luy duquel parle saint Hierosme en l'Epistre a saint Damase, ou il dict: « Non novi Vitalem, Meletium respuo, ignoro Paulinum.

  A007000222 

 Que dirons nous donq? Il n'y en a point qui ayent jamais pretendu de l'estre que les successeurs de saint Pierre; il n'y en a point qui le pretendent, il n'y en a point de qui on aye jamais eu ceste pensëe que du Pape; c'est une des verités que l'Eglise a tousjours creu: et d'autre part il faut qu'il y en aye un; donques c'est luy sans doute.

  A007000222 

 Quicumque tecum non colligit, spargit; hoc est, qui Christi non est, antichristi est.

  A007000223 

 A Romme donques est mort saint Pierre, vraye pierre, non pas fondamentale premiere, mais deuxiesme; car Nostre Seigneur est ceste grande premiere et angulaire pierre fondamentale, non seulement de l'Eglise militante, mays encores de la triomphante.

  A007000223 

 La rayson en est bien aysëe a donner: c'est que Dieu avoit dessein de prendre les Gentilz pour son peuple, abandonnant l'ingrate nation des Juifz, non en la destituant des secours necessaires pour son salut, mays luy ostant les privileges qu'il luy avoit concedés, desquelz elle s'estoit rendue indigne.

  A007000223 

 Ne sçaves vous pas ce que les Apostres saint Pol et saint Barnabé disent es Actes, parlant aux Juifz: Vobis primum oportebat loqui Mot Dei, sed quia repellitis illud, ecce convertimur ad Gentes? Et ne sçaves vous pas ce que disoit [49] Osee en son second chapitre: Et dicam non populo meo: Populus meus es tu; et ipse dicet: Deus meus es tu? C'est dequoy parle saint Pol en son 9.

  A007000223 

 Saint Pierre est pierre fondamentale fondëe sur la premiere, et seulement pour l'Eglise militante; pierre ferme, rocher asseuré au milieu de la mer de ce monde, et lequel, plus il est battu, moins change-il de place..

  A007000224 

 C'est asses parlé sur la mort de saint Pierre; que vous laisseray je pour prattique? La premiere chose a quoy je vous exhorte est de remercier Dieu de ce qu'il nous a donné une telle pierre, sur laquelle nous appuyant, nous ne tomberons jamais.

  A007000224 

 C'est le chef de l' Eglise qui est la colomne [50] et le firmament de verité, comme dict saint Pol a son Timothee.

  A007000224 

 Et la seconde, pour la reformation de nostre entendement, je desirerois que nous fussions simples et fermes en la foy que la sainte Eglise nous enseigne, croyant fermement tout ce qui est escrit en ceste pierre, car je vous ay dict que la lo.y evangelique y estoit escritte.

  A007000224 

 Quand il survient quelquefois des fantasies es choses de la foy, certaynes petites suffisances, imaginations et pensëes d'infidelité, que feres vous? Si vous les laisses entrer dans vostre esprit, elles vous troubleront et osteront la paix; rompes et venes fracasser ces pensëes et imaginations contre ceste pierre de l'Eglise, et dites a vostre entendement: Ah, mon entendement, Dieu ne vous a pas commandé de vous repaistre vous mesme; c'est a ceste pierre et a ses successeurs a qui cela appartient, donq: Beatus vir qui allidet parvulos suos ad petram..

  A007000225 

 Ainsy me semble il que font plusieurs, lesquelz n'ayans que trop de vivacité en l'entendement, et pas asses de jugement, veulent neantmoins tout sçavoir, tout contreroller, et sur tout les matieres theologiques; car la seule theologie, dict saint Hierosme, est celle dont un chacun se veut mesler.

  A007000225 

 Ne regardons jamais les cogitations de la foy qui ne sont pas de Dieu ny fondëes sur la pierre de l'Eglise Catholique; mays brisons les, et rompons leurs pointes contre ceste pierre, c'est a dire avec l'authorité apostolique de l'Eglise..

  A007000225 

 Pourquoy? parce que les pensëes d'infidelité sont nostres, et les pensëes de fidelité sont de Dieu: Non sumus sufficientes cogitare aliquid ex nobis tanquam ex nobis, sed omnis sufficientia nostra ex Deo est; 2.

  A007000226 

 Et quand on vient aux pieds du prestre pour les confesser, qu'est ce autre chose sinon apporter les petitz de sa volonté a la pierre? Et notes encores, mes chers auditeurs, qu'il dict parvulos suos, pour nous monstrer qu'il ne faut pas attendre que nos pechés soyent inveterés pour les confesser; car quand ilz sont inveterés, il est tres difficile de les bien declairer et encores plus de s'en amender: Quoniam tacui, dict David, inveteraverunt ossa mea.

  A007000227 

 Aymes le de tout vostre cœur, serves le [52] fidellement, evites soigneusement tout ce qui le peut offenser, et par ce moyen vous obtiendres la paix, car il dict: Pax multa diligentibus legem Dei, et non est illis scandalum.

  A007000227 

 Je sçay que vous desires tous extremement la paix, c'est pourquoy je vous diray avec le Prophete royal: Si vous la voules obtenir, addresses vous a Dieu par prieres et oraysons: Rogate quæ ad pacem sunt Hierusalem.

  A007000228 

 Ha, saint Pierre est crucifié de la Croix de Jesus Christ.

  A007000228 

 La guerre, la pauvreté et les autres miseres nous crucifient, il est vray, mais elles nous crucifient comme le mauvais larron et non comme saint Pierre; c'est a dire qu'au lieu de prouffiter de ces maux, nous en empirons.

  A007000229 

 Mays ne penses vous pas qu'il dict alhors comme l'Espouse du Cantique: Sub umbra illius quem desideraveram, sedi, et fructus ejus dulcis? Et quel est ce fruict? C'est la vie æternelle.

  A007000229 

 Quand Helie fuyant la persecution de Jezabel, eut fait une journëe de chemin, se trouvant sous un genevrier, il est dict que petivit animæ suæ ut moreretur, et ait: Sufficit mihi, Domine; toile animam meam.

  A007000230 

 O glorieux Apostre, impetres nous la grace d'appuyer tousjours nostre foy sur l'Eglise, laquelle estant fondëe sur vous apres Nostre Seigneur, comme sur une pierre ferme, est la vraye colomne et le firmament de verité.

  A007000248 

 Et puisque entre toutes les festes qu'on celebre de cest arch'Apostre, nos peres ont choisy pour leur particuliere celebrité ceste journëe neomenie et calende, je vous veux dire et vous diray ce qu'en cas pareil dict le Psalmiste roial: Buccinate in neomenia tuba, in insigni die solemnitatis vestræ; Sonnes en ce premier jour du mois, de la trompe en grand liesse, puisque c'est le jour signalé que vous aves choisi pour honnorer vostre Patron solemnellement.

  A007000249 

 Je suys tout prest, mais fournisses moy de souffle et d'haleyne, car ce n'est pas l'office de la trombe mays du sonneur.

  A007000249 

 [56] Buccinate in neomenia tuba, car pour cest'heure icy je suys commandé de cela, et vous aussy, quia præceptum in Israel est.

  A007000251 

 Je sçay bien que cela se peut entendre de la jeunesse et premieres annees de saint Pierre, esquelles il se ceignoit et se promenoit ou il vouloit; si est ce neantmoins que les dernieres paroles estant misterieuses et s'entendant de la mort de saint Pierre, je crois encores que ces praecedentes couvrent quelque mistere.

  A007000251 

 Ni vous ne deves pas vous arrester pour voir quil parle de cecy comme de chose passëe, car cela est coustumier en l'Escriture, notamment en paroles prophetiques, d'exprimer le futur par le præsent, a cause de l'egalité de la certitude, comme: Et super vestem meam miserunt sortem; In omnem terram exivit; Puer natus est; Tu es sacerdos in æternum, et infinis autres.

  A007000254 

 Ce n'est pas peu de consolation quand on endure [58] quelque chose, de se resouvenir que celuy pour lequel on endure en sçait gré.

  A007000257 

 Car n'est ce pas une grande consolation de sçavoir qu'on doit estre si grand aupres de son Maistre que de boire dedans sa couppe mesme? La couppe de Nostre Seigneur c'est la tribulation: Potestis bibere calicem quem ego bibiturus sum? Calice qui est si praetieux que le Pere æternel ne voulut jamais le changer pour son Filz, lequel, comme sil eut esté trop puyssant et fumeux pour la bouche de la partie inferieure de son humanité, il s'excusoit de le boire, se sousmettant neantmoins a la volonté du Pere.

  A007000257 

 Mays outre tout cela, qui est pour monstrer que la praediction de Nostre Seigneur apportoit grande consolation a l'heure de la tribulation, ell'apportoit encores consolation tout le tems de la vie.

  A007000258 

 Ce n'est donq pas peu de faveur que Nostre Seigneur faict a saint Pierre de luy praedire ainsy particulierement et sa mort et sa prison.

  A007000258 

 N'est ce pas ce que Nostre Seigneur luy avoit prædict: Cum esses junior, cingebas te? Et, ambulabas ubi volebas, lhors que les liens de saint Pierre estans rompus par l'Ange, exiens sequebatur; et pouvoit bien dire partant de la prison: Dirupisti vincula, etc..

  A007000259 

 Vous sçaves bien que Nostre Seigneur fut envoyé lié et garrouté par devant Herodes, et puys fut renvoyé a Pilate; ainsy, affin que saint Pierre verifiast le sequere me de Nostre Seigneur, il fut prisonnier par devant Herodes, et puis de la, renvoyé a Pilate, c'est a dire au maistre de Pilate, l'Empereur romain..

  A007000260 

 Ceste cy est l'occasion pour laquelle Nostre Seigneur delivra saint Pierre des liens, par un si grand miracle, affin quil ne mourut pas en Judëe mais a Romme, pour y fonder l'Eglise.

  A007000260 

 Et c'est ce qu'a la fin de l'histoire, note saint Luc: Et egressus abiit in alium locum..

  A007000260 

 Saint Jaques meurt en Judëe, mays saint Pierre est delivré; pour ce que saint Jaques n'est pas la pierre sur laquelle Nostre Seigneur a fondé son Eglise.

  A007000261 

 Saint Pierre suit, ne sachant [61] bonnement si c'estoit un songe; et passans jusques a la porte de fer, elle s'ouvrit d'elle mesme, et ayant faict quelque chemin, l'Ange disparut, et saint Pierre, retourné a soy mesme, il dict: C'est maintenant que je sçay que Nostre Seigneur a envoyé son Ange, et m'a delivré de la main d'Herodes et de toute l'attente du peuple des Juifz..

  A007000263 

 C'est ce qui la faict encor persecuter maintenant: certaine rayson d'Estat.

  A007000263 

 Croyes que si en quelques uns est verifié: Erunt reges nutritii tui, en plusieurs il est verifié: Principes persecuti sunt me gratis.

  A007000263 

 Saint Pierre est tousjours persecuté en ses successeurs..

  A007000264 

 C'est ce vir qui doit confirmer et corroborer ses freres; c'est ce beatus, car on l'appelle saint.

  A007000264 

 C'est celuy qui non abiit in consilio impiorum, quia rogavit pro te ut non deficiat fides sua.

  A007000264 

 C'est luy qui in cathedra pestilentiæ non sedit, puysque in cathedra seniorum laudant eum. C'est luy qui est planté secus decursus aquarum, puysquil a la perpetuelle influence de la foy.

  A007000264 

 C'est luy qui in via peccatorum non stetit, car il demeure en sa bergerie: Pasce oves meas.

  A007000264 

 C'est luy qui ne seche jamais et rend bon fruict en son tems, puysque de son fruict se repaissent les ouailles du Seigneur, et a l'abril de ses feuilles, elles sont gardees et du chaud et du froid; car c'est d'elles que parle le Psalmiste: Sol non uret te per diem, neque luna per noctem..

  A007000265 

 Abel fut le premier pasteur et agreable sacrificateur, et Cain maistre de la terre, qui le tue, et puis respond: Nunquid custos sum fratris mei? David incontinent est persecuté de Saul; Joseph de ses freres, et Jacob d'Esau.

  A007000277 

 C'est de ces quattre fleuves que je voudrois bien vous faire boire maintenant; mais ni je ne le puis faire, ni il ne vous prouffiteroit de rien, si Nostre Seigneur n'y apporte sa benediction, pour laquelle impetrer employons la faveur de la glorieuse Vierge, disant Ave Maria..

  A007000277 

 Les quattre bras esquelz il se separe, sont quattre principaux documens qu'il contient: de bien croire: Beati oculi qui vident, etc.; de bien esperer et desirer: Domine, quid faciendo? etc.; de bien aymer, et garder les commandemens: In lege quid scriptum est? Diliges Dominum Deum tuum et finalement, de l'usage des Sacremens: Samaritanus [66] misericordia motus, alligavit vulnera ejus, infundens oleum et vinum.

  A007000279 

 C'est ce que le grand Docteur de nostre Gentilisme, aux Romains, 5, proteste, disant: Ubi abundavit delictum, superabundavit et gratia.

  A007000279 

 C'est une chose bien certaine et qui nous devroit bien consoler, que Jesus Christ Nostre Seigneur et Maistre, en toute rigueur de justice, avec un juste prix, a payé et satisfait a Dieu son Pere ce que nous avions merité de peyne pour tous nos pechés, et non seulement pour tous les nostres, mays pour tous ceux de tout le monde.

  A007000280 

 Le gentilhomme saysi de l'amour d'une damoyselle, voyant qu'elle desire extremement une bague rare, ou seule en toute la province, surpris d'affection, ne demandera pas de quel prix est ceste bague, mais de prime abord en presentera prodiguement plus qu'elle vaut, ne regardant aucunement au prix, pourveu qu'il aye ce dont il pense contenter sa chere dame.

  A007000280 

 Le prix certes est grand, au respect de la valeur de la chose..

  A007000281 

 Mays en ceste similitude se rencontre une grande dissimilitude: c'est qu'encores que la tablette ne vaille pas les cent escuz, l'espouse neantmoins vaut cent mille fois et infiniment plus, au lieu que la nature humaine, laquelle doit estre guerie, ne vaut rien au prix du sang de Nostre Seigneur..

  A007000282 

 Ainsy, Nostre Seigneur avoit un cheval, qui estoit l'homme: Comparatus est jumentis insipientibus; et ailleurs: Ut jumentum factus sum apud te, et ego semper tecum.

  A007000282 

 Ce cheval estoit affollé par son [68] peché: que faict nostre Sauveur? Sans regarder a la valeur de ce cheval, il donne un prix qui vaut infiniment plus, et pour nourrir ce chien caignardier, il tue l' aigneau qui est luy mesme..

  A007000283 

 Ce n'est pas donques merveille si Nostre Seigneur ayant fait un tel payement, il a rompu le decret par lequel nous estions livrés es mains du diable: Delens, dict le grand vase d'élection, Col., 2, quod adversus nos erat chirographum decreti..

  A007000283 

 Ou bien plustost disons que le cavalier voit son cheval saysi par les mains de justice; c'est son bon cheval, c'est son sauve-l'amy: il va, il consigne tout incontinent trois et quatre foys autant que le cheval vaut, affin qu'il n'amaigrisse.

  A007000284 

 Et de vray, qu'est ce faire satisfaction d'honneur, sinon faire et exhiber honneur? Or est-il que l'honneur est plus grand a proportion de celuy qui le rend; car le moindre honneur que faict un prince vaut plus sans comparayson que tous les honneurs que sçauroit rendre un homme de basse condition, d'autant que « honor est in honorante » (I Ethic., chap. 3), l'honneur est dans celuy qui le rend..

  A007000284 

 Exemple: si j'ay receu une injure d'un prince, et il m'envoye un laquais pour se reconcilier a moy et me faire satisfaction, ce n'est pas un grand honneur.

  A007000284 

 La satisfaction est d'autant plus grande et plus valable que la personne qui la faict est grande, signalëe et de plus de merite.

  A007000284 

 Mays s'il m'envoye son filz propre, lequel me faict satisfaction et me prie ne me plus tenir pour offencé, c'est un grand honneur; ceste satisfaction est plus grande que l'injure ne pouvoit estre.

  A007000284 

 » Pourquoy? d'autant qu'injurier [69] un grand est plus de peché qu'injurier un petit, et la moindre satisfaction que faict un grand vaut mieux que toutes les injures qu'il peut faire: ainsy quand on auroit receu un soufflet d'un grand, s'il monstre d'en estre fasché, c'est asses.

  A007000285 

 Disons donques: si l'honneur est d'autant plus grand que celuy qui le faict est grand, si la satisfaction est d'autant plus grande que celuy qui la faict est grand, quelle devra estre la satisfaction, quel l'honneur de celuy qui est infiniment grand? L'honneur rendu, la satisfaction faitte par un personnage infini ne peut estre sinon infinie.

  A007000285 

 Je sçay bien que l'offence avoit quelque infinité a rayson de la personne offencëe, qui estoit infinie; mais c'est une infinité qui n'est pas tant aprincipio intrinseco comme celle qui se prend de l'agent..

  A007000285 

 Nostre Seigneur estoit une personne infinie, il a satisfait pour nous; sa satisfaction donques estoit et est infinie.

  A007000285 

 » Ce n'est pas la nature qui a enduré, ç'a esté la personne en la nature; ce n'est pas l'ame qui discourt, c'est la personne par l'ame.

  A007000286 

 Dieu, bien infiny, avoit esté offensé; Jesus Christ, bien infiny, a satisfait: l'homme s'estoit eslevé par superbe contre Dieu mesme; Nostre Seigneur s'est humilié sous toute creature.

  A007000286 

 Entendes bien ceci: estant esgal a son Pere, il s'abbaissa et aneantit jusques a la mort, qui est la moindre de toutes les creatures, n'estant que privation; et partant, Dieu son Pere luy donne un nom qui est au dessus de tout nom, a sçavoir le nom de Jesus, qui signifie Sauveur, comme s'il disoit: Il est justement Sauveur, puysqu'estant infini, avec son infinie satisfaction, il a payé en toute rigueur..

  A007000286 

 Et puys: Humiliavit semetipsum, factus obediens usque ad mortem, mortem autem crucis; propter quod et Deus exaltavit illum, et dedit illi nomen quod est super omne nomen, ut in nomine Jesu omne genu flectatur.

  A007000286 

 Philip., 2: Non rapinam arbitratus est, esse se æqualem Deo; sed semetipsum exinanivit, formam servi accipiens.

  A007000287 

 C'est ce qui faict dire a Hieremie que Nostre Seigneur sera appellé Dominus justus noster: il l'est bien justement, puysqu'il a payé si cherement nostre rançon.

  A007000287 

 L'un est au chap. 6, ou il dict: Utinam appenderentur peccata mea quibus iram merui, et calamitas quam patior, in statera; quasi arena maris hæc gravior appareret.

  A007000287 

 Mais au dernier chapitre c'est bien chose plus admirable de voir que Nostre Seigneur dict que Job a [71] parlé droittement et justement devant luy, et commande a ses amis qu'ilz le prennent pour intercesseur.

  A007000287 

 Quelle hardiesse! L'autre passage est au 9.

  A007000287 

 Voicy la belle et preignante rayson pour laquelle Nostre Seigneur dict: Beati oculi qui vident quæ vos videtis; comme s'il disoit: Quel bonheur est ce a vous de voir le tresor duquel on doit prendre la rançon de tout le monde..

  A007000288 

 C'est ainsy que parlent les deux luminaires de la theologie, saint Thomas, Docteur angelique, et mon fervent et seraphique Pere saint Bonaventure, desquelz le premier dict que la redemption de Nostre Seigneur « a esté mesme surabondante et plus que suffisante.

  A007000289 

 Mais sur tout, c'est de la foy que se doit entendre Beati oculi, comme s'il vouloit dire: Bienheureux estes vous, car vous aves en presence le desiré et attendu Redempteur; bienheureux de ce que vous aves l'object de vostre beatitude ou vous commences de regarder; mais vous n'aures pas ceste beatitude si vous ne croyes ce que vous voyes.

  A007000289 

 Qui void et ne croid n'est bienheureux que comme les Juifz; qui croid et ne void est bienheureux comme il fut dit a saint Thomas: Beati qui non viderunt et crediderunt; qui void et croid est bienheureux encores comme saint Thomas, qui vid premierement, et puys creut; mais qui croid et void: Beati oculi, etc. Donq le fondement de toute beatitude c'est la satisfaction de Nostre Seigneur surabondante; la veuë du cors de Nostre Seigneur est la beatitude de nos yeux corporelz praeparëe; mais ny l'un ny l'autre ne nous profitera de rien, si nous ne l'appliquons a nous mesmes par la foy, esperance, charité et par les Sacremens..

  A007000289 

 rayson pour laquelle Nostre Seigneur a dict: Beati oculi, etc., est prise encores de ce mesme Docteur seraphique: pource que la gloire principale des yeux corporelz sera de voir Jesus Christ, et de l'ouye, de l'ouyr; en l'autre monde sera parfaitte pour lhors ceste gloire qui n'a esté ici que commencëe, dont Job a dict: Credo quod Redemptor meus vivit, et in carne mea videbo Deum Salvatorem meum: quem oculi mei [72] conspecturi sunt.

  A007000290 

 Comparayson du bain pour le ladre, etc. Il y faut nostre cooperation, de laquelle le premier fondement est la foy, suivant le dire apostolique: Accedentem ad Deum oportet credere quia est.

  A007000290 

 Donques, quoy que le sang immaculé soit prest, nous ne serons jamais heureux si nous ne croyons: c'est le commencement de nostre bonheur.

  A007000290 

 Il ne faut donques pas dire: Ah, Nostre Seigneur est mort, il suffit.

  A007000291 

 Abraham exultavit ut videret diem meum, vidit et gavisus est.

  A007000292 

 Je vous en diray tout autant, Messieurs: Beati oculi qui vident. Combien penses vous qu'il y a de peuples qui voudroyent voir ce que vous voyes? Combien de Catholiques es [74] Allemaignes et en Angleterre, qui voudroyent avoir les commodités de leur salut, voir et ouÿr ce que vous oyes les Caresmes? Combien es Indes y a il de peuples lesquelz, ayans seulement senti quelque petite fumëe de l'Evangile, par le bon exemple des Chrestiens qui trafiquent avec eux, se sont convertis? Ilz n'ont pas encores eu ce bien d'avoir ceste bonne nouvelle que Jesus Christ est nay et mort pour nostre salut et resuscité pour nostre glorification; ilz n'ont point de Prælat qui aye soin d'eux, ilz n'ont personne qui les conduise au bien croire ni au bien faire, monstrant bien leur affection en ce qu'ilz se convertissent a milliers avec grande pœnitence..

  A007000292 

 O que c'est une grande benediction que de bien croire.

  A007000294 

 Je diray encores que c'est une grande honte d'avoir veu les Indiens si catholiques qu'ilz croyent tout sans douter a la simple parole des prestres, et nous, qui sommes nourris et nays en l'Eglise, voulons tout contreroller.

  A007000294 

 Nous sommes d'accord, dires vous; aussi suis je, car en l'Evangile tout y est radicalement.

  A007000294 

 Quant aux traditions ecclesiastiques, n'y a il pas en l'Evangile: [75] Qui vos audit me audit? Si quis Ecclesiam non audierit, etc.? Ut scias quomodo oporteat te conversari in domo Dei, quce est columna et firmamentum veritatis? Rogavi pro te, Petre? Jamais je ne cesseray de vous prier, Messieurs, pour l'affection que j'ay au service de vos ames, que vous taschies a vous acquerir une grande simplicité en la foy, croyant et voulant inviolablement croire ce que l'Eglise croit; ce sera vostre consolation en la mort..

  A007000295 

 Or, ce pendant que Nostre Seigneur dict ces paroles, tout a propos arriva un docteur de la loy, qui, pour le tenter, demanda: Maistre, qu'est ce qu'il faut faire pour avoir la vie eternelle? Je dis tout a propos, non pour l'intention de cestuy cy, qui estoit mauvaise, mays pour les paroles qu'il dict: Domine, quid faciendo? etc., lesquelles de soy estoyent tres bonnes et a propos; car Nostre Seigneur ayant loué le bien croire des Apostres, cestuy cy l'interroge du bien faire: Domine, quid faciendo? Laissons a part l'intention; ces paroles sont pleines d'esperance.

  A007000295 

 Si Caïn, quand il eut offencé, eust dict: Domine, quid faciendo? au lieu de dire: Major est iniquitas mea quam ut veniam merear, il eust mieux fait.

  A007000296 

 C'est le deuxiesme grade de la justification, de bien esperer, apres le bien croire.

  A007000297 

 Ceste esperance est mere du desir, troisiesme grade de la justification, car ce qu'on espere, on le desire.

  A007000298 

 C'est ceste vie eternelle de laquelle Nostre Seigneur [77] en la Genese vouloit esmouvoir Caïn quand il luy dict: Nonne, si bene egeris, recipies? C'est ceste vie eternelle, pour le desir de laquelle le bon homme Jacob s'appelle pelerin en la Genese, 47: Les jours, respond-il au Roy, du pelerinage de ma vie, que bons que mauvais, sont de cent trente ans, qui n'approchent encores pas de ceux de mes prædecesseurs, esquelz ilz ont vescu sur la terre; dont David dict: Memor fui dierum antiquorum, et annos æternos in mente habui.

  A007000298 

 La vie eternelle, qui la considere bien, est suffisante pour esmouvoir les cœurs les plus endurcis..

  A007000300 

 C'est avec ceste vie eternelle que je voudrois incliner vos courages, pour l'affection que j'ay et le service que je dois a vos ames, de vous ranger a une devote et vertueuse Confraternité, dressëe par plusieurs ecclesiastiques et personnes d'honneur, pour vostre edification et [78] reformation de vos consciences.

  A007000300 

 C'est une Confraternité ou il n'y a rien a redire, car tous les articles d'icelle sont tressaintz, veuz et reveuz par Monseigneur nostre Reverendissime Pasteur; il n'y a rien qui soit malaysé a faire.

  A007000301 

 Ceste invention n'est pas nouvelle, mais ancienne; ce n'est pas une fantasie de quelques cerveaux bigearres, c'est une devotion de tout un Christianisme.

  A007000301 

 Que si d'adventure quelqu'un de ces sçavans rafroidis au vent de la bise venoit en vostre ville, et en murmuroit ou la vouloit calomnier, gardes de luy prester consentement, Messieurs d'Annessy; car nul n'en peut mesdire, personne n'en peut murmurer qu'il ne peche, pour ce que, quand bien ce seroit invention nouvelle, si est-ce qu'apres que vostre Prælat l'a authorizëe, vous la deves honnorer, non pas la mespriser pour cela.

  A007000301 

 Respondes, âmes devotes et courageuses, a ceux qui en gausseront: Patres nostri annuntiaverunt nobis, non seulement parce que Monseigneur le Reverendissime et ceux qui l'ont dressëe sont peres qui ayment autant vos ames que vous le pouves souhaitter, mays pour ce que l'institution est ancienne, et y en a de toutes semblables a Paris, Lyon, Tholose, Avignon, par toute la France et l'Italie.

  A007000307 

 quem mundus mihi crucifixus est,.

  A007000312 

 C'est pourquoy, comme l'ancien [peuple] fit feste en commemoration de ce benefice, aussy l'Eglise la faict en commemoration de cestuy ci, ayant bien plus d'occasion de priser l'abjection de ceste Croix, que l'ancien, la magnificence de son Temple.

  A007000317 

 Ici est le point: estre de vrays Simons..

  A007000317 

 Mays avises bien la condition comme on se peut glorifier: per quam mihi mundus crucifixus; hoc est, mundus mihi mortuus est, et ego mundo; ou bien, per quam mundus mihi ignominia est, et ego mundo.

  A007000317 

 Qui autem Dei sunt, carnem suam crucifixerunt cum vitiis et concupiscentiis; hoc est, ad normam crucis aptarunt.

  A007000318 

 Faysons, de grace, pœnitence et remettons a nos peres spirituelz le fardeau de nos pechés, affin qu'on les ensevelisse subter therebinthum, quæ est post Sichem, id est, humerum, Christi.

  A007000328 

 Or, ce discours de la paralysie spirituelle est bien l'un des plus necessaires que vous puissies ouÿr.

  A007000328 

 Puysque par l'absence juste, comme je crois, de celuy qui vous devoit presenter la collation spirituelle de la part du maistre de ceans qui est Jesus Christ, j'ay encores eu ceste charge de vous entretenir de quelque discours spirituel, j'ay choysi celuy que l'Evangile me met en main de prime face, c'est a dire de la paralysie spirituelle et de la guerison d'icelle.

  A007000328 

 [85] Plaise a Dieu que je le puysse aussi bien faire comme il est utile et prouffitable, quoy que peut estre il ne soit pas des plus aggreables qu'on puysse faire; car il y a en cest aage une infinite de paralytiques spirituelz lesquelz ne pensent pas l'estre, et ne cherchent point la guerison d'une si estrange maladie, auxquelz je puys bien dire ce qui est porte par un Prophete: Ossa arida, audite Mot Domini; oyes un peu que c'est de vostre mal..

  A007000330 

 Et de fait, nos theologiens disent que le peche est contre nature et contre rayson..

  A007000330 

 J'ay dict le mouvement naturel, parce que comme la paralysie corporelle n'empesche pas le mouvement exterieur du cors, mays seulement l'interieur et propre, ainsy la spirituelle n'empesche pas le mouvement de nostre ame a la creature; mays il ne luy est pas naturel, car son mouvement est a Dieu: Ibunt de virtute in virtutem, donec videatur Deus deorum in Sion.

  A007000330 

 La paralysie corporelle est une maladie causee d'une humeur peccante qui saysit les nerfz et muscles, empeschant la communication des espritz vitaux et animaux, et par consequent privant les parties occupees, de mouvement et sentiment; et ceste humeur est ordinairement froide.

  A007000330 

 Or, la paralysie spirituelle, parlant avec proportion, est une maladie causee par la saysie et occupation que le peche faict des nerfz spirituelz, c'est a dire des desirs de nostre ame, empeschant la communication et influence des inspirations divines en nos consciences, et par consequent le mouvement naturel de nostre ame et le sentiment des choses celestes.

  A007000331 

 C'est le propre effect de ceste paralysie d'empescher de travailler ceux qu'elle a saysis, pour la sayson a venir; dont tous nos maux arrivent, si que nous pouvons bien dire avec le Prophete: Ab aquilone omne malum panditur; car ne nous pouvans mouvoir, nous ne pouvons chercher le bien ny fuir le mal.

  A007000331 

 Le peche qui cause ceste paralysie est une certaine froidure et nonchalance spirituelle.

  A007000332 

 Et puys, ceste maladie a une tres mauvaise condition, c'est qu'elle est presque incurable, aussi bien que la paralysie corporelle; non pas que le sauverain Medecin ne le sçache et ne le puisse faire, mais parce que ceux qui en sont atteintz ne sentant pas leur mal, pour la pluspart, ilz n'ont point de recours au medecin si quelqu'un ne les y porte, comme vous voyes aujourd'huy; car, comme dict le Prov., 26, v. 16: Sapientior sibi videtur piger, septem viris loquentibus sententias.

  A007000332 

 Ilz ont les yeux ouvertz pour voir des vanités mondaynes, ilz ont la langue bien desployëe, mais c'est pour se repaistre d'un grand parler sans vouloir rien faire; ilz [87] ne veulent recevoir correction de personne, ains c'est eux qui censurent tout le monde..

  A007000333 

 Maintenant, pour nous garder de ceste maladie et purger ceste humeur, si elle estoit par adventure en nous, il faut un peu voir ses causes particulieres; et combien qu'elles soyent en grand nombre, si est-ce que celles qui sont mieux assaysonnëes au lieu et a l'aage ou nous sommes, sont ces deux icy: une flatteuse et trompeuse excuse qu'on se forge en ses pechés, et une grande lascheté de courage.

  A007000334 

 Et le chicaneur qui sur un pied de mouche entretient un proces qui ruine l'ame, le cors et la mayson de deux miserables parties, il se flatte et s'excuse sur une petite et malotruë loy toute escorchëe, et par des tergiversations, faict perdre le droit a son prochain; et neantmoins c'est bien a luy auquel Nostre Seigneur a faict dire: Si utique justitiam loquimini, recta judicate, filii hominum.

  A007000334 

 Que penses vous que faict l'artisan qui survend sa marchandise, et lequel a tout propos jure, se maudit, etc., affin de vendre troys foys autant, et dict que c'est un gain honneste qu'il faict en homme de bien? Il cherche des excuses ad excusandas excusationes in peccatis, et c'est pour luy que David a adjousté: Qui jurat proximo suo, etc.; et Dieu: Non furtum facies.

  A007000335 

 Ce juge qui la fait si longue, s'excuse sur dix mille raysons de coustume, de stile, de theorie, de prattique et de cautele; c'est a luy auquel s'addresse la loy « Properandum, » De Judiciis.

  A007000335 

 Væ vobis qui dicitis bonum malum, et malum bonum, et convertitis in absynthium judicium, car ce qui est establi pour le soulagement, il le rend la [88] ruine du païs.

  A007000336 

 C'est pour cela que David a laissé par escrit: Exitus aquarum deduxerunt oculi mei, quia non custodierunt legem tuam.

  A007000336 

 L'usurier va il pas se trompant luy mesme, avec dix mille excuses pour faire mentir l'Escriture qui dict que telles sortes de gens n'iront point in tabernaculum Domini? Les prestres se flattent ilz pas avec des dispenses, quoy que le nemo potest duobus dominis inservire soit escrit en grosse lettre? Les dames se flattent elles pas, n'aymant point leurs maris, se playsant d'estre courtisees, s'excusant qu'elles ne font point d'actes contraires a leur honneur? Se plaisent elles point de passionner cestuy ci et celuy la, s'excusant que nonobstant, elles ne voudroyent pour rien violer la loy de leur mariage? C'est pour cela que Nostre Seigneur dict: Non concupisces.

  A007000337 

 C'est le vice auquel vous voyes tant de gens qui ne se veulent mouvoir au bien ny retirer du mal, pource que cela leur semble malaysé.

  A007000337 

 Mays mon intention est de vous descouvrir principalement l'autre cause de ceste paralysie, sçavoir la couardise et lascheté de courage.

  A007000337 

 Prov. 22: Dicit piger: Leo est foras, in medio [89] platearum occidendus sum.

  A007000337 

 S'il faut se confesser: O que cela est fascheux, o que c'est une chose mal savoureuse! et ne considerent pas qu'il n'est pas des pechés comme des fruictz qui meurissent sur l'arbre et puys tombent d'eux mesmes, mais qu'au contraire, plus ilz demeurent en l'ame, tant plus malaysé est il de les arracher.

  A007000337 

 » Tempus est nos de somno surgere.

  A007000338 

 C'est faire comme l'enfant prodigue, ire in regionem longinquam.

  A007000338 

 II faut beaucoup pour en revenir, quand une foys on est allé jusques la.

  A007000339 

 Cela te semble il chose si difficile qu'il ne la faille faire pour un si grand bien? C'est chose toute arrestëe que nisi manducaveritis carnem Filii hominis, non habebitis vitam in vobis.

  A007000339 

 Certainement la peyne est legere; mais si tu ne veux prendre peyne aucune, je te diray: Si quis non vult operari, non manducet, ny le pain du cors ny le pain de l'ame, comme indigne de vivre; mais asseure toy que anima effeminata esuriet; ainsy que dict David: Et aruit cor meum, quia oblitus sum comedere panem meum.

  A007000339 

 Hé, mon frere, je te diray ce qu'il faut: il faut purger l'habitation du cœur, oster ce qui deplaist a Dieu, qui est le peché mortel, puys se preparer avec bonnes intentions et avoir ferme propos de s'amender.

  A007000339 

 Que diray je? Si on parle de frequenter les Sacremens, ilz confessent que cela est bon; mays je ne sçaurois prendre la peyne, il faut cecy, il faut cela.

  A007000340 

 Le feu de genevre est sain au catharre, non pas celuy de chesne.

  A007000340 

 Le feu des tribulations guerit, mays il n'est pas propre a tout le monde.

  A007000340 

 Le feu excité par la meditation de la Mort et Passion guerit, mays guerit ceux qui sont d'une nature souple; c'est une medecine lenitive.

  A007000340 

 Ne sçaves vous pas que le froid est gueri et chassé par le chaud? Or, toute sorte de chaleur ne guerit pas ce mal.

  A007000340 

 Voyes vous les maux que faict ceste paralysie, qui nous garde de cheminer a Dieu? vous aves veu ce que c'est.

  A007000349 

 Quo loco subibat illud Bernardi mellitissimi Clarevallensis Præpositi: Væ juveni qui antea fit peritus quam novitius; illudque simile, sed majoris momenti regis Davidis: Vanum est vobis ante lucem surgere; surgite postquam sederitis, qui manducatis panem doloris.

  A007000351 

 Cum interim ea mihi hodie illuxit dies in qua et terrori multum detrahit et recte in Deum fiduciæ multum addit mihi vestra omnium, Patres Venerandi, tam jucunda ac suavis præsentia, quæ me adeo reficit ac recreat ut si terrorem (sic) jam antea perceptum cum ea voluptate quam sentio conferatur, quid me magis afficiat difficile sit ad judicandum, ut in me etiam illud sentiam: Servias Domino cum timore, exultes ei cum tremore; sic enim exultatio est ad lætitiam, timor autem ad anxietatem..

  A007000352 

 Mihi vero qui iis sum præpositus qui ea pollent modestia, fortitudine, prudentia ac charitate quæ in quolibet Prælato desiderari potest, ut eorum quilibet Præpositus esse mereatur; quid in hac causa metuendum est? Quid enim me moretur infantia, imperitia ac mentis [96] imbecillitas, cum nec monitis, nec disciplina, nec correctione ullo in hoc munere mihi futurum sit opus? Nisi quis velit, quod dixerunt veteres, « Minervam docere, » aut, ut more nostrorum dicam, « Sanctum Bernardum hortari, » vel inter Cordigeros, ut jam sumus, conceptum tegere latinitate.

  A007000352 

 Non opus est præceptore cui nihil addiscendum est; facile, flantibus ventis secundis, gubernacula a quolibet nauclero tenentur..

  A007000352 

 Timendum enim erat illi Præposito qui iis præpositus est qui difficile intra caulas honestatis et in officio contineri possunt.

  A007000353 

 Illud quidem satis adverto, vos, Præpositis doctissimis, gravissimis, fœlicissimis hactenus assuetos, in tanta ejus quæ hujus consessus prima est dignitatis mutatione ac declinatione, non posse quin aliquod sentiatis fastidium; illudque animo subibit quod dixit quispiam:.

  A007000358 

 Totique sodalitati illud merito quispiam objiciet: Pro patribus tuis nati sunt tibi filii; id est: pro [97] amplissimis ac cumulatissimis hominibus quos habuisti patres ac Præpositos, jam iis orbata, juvenes ac pueros propemodum infausta vicissitudine suscepisti..

  A007000364 

 Ce mot de saint Bernard, le melliflueux Prévôt de Clairvaux, me venait à l'esprit: Malheur au jeune homme qui devient profès avant d'être novice, et cette parole encore plus grave du roi David: C'est en vain que vous vous levez avant le jour; levez-vous après vous être reposés, vous qui mangez le pain de la douleur.

  A007000365 

 Ce n'est donc pas sans raison que je m'adressais ce reproche: Est-ce ainsi, ô François, que toi, le dernier de tous, par le mérite, le talent et la vertu tu prétends être préposé aux premiers? Ne sais-tu pas que les honneurs sont extrêmement périlleux et onéreux? Longtemps j'ai été effrayé par ces voix [95] intérieures, je méditais ces mots du Prophète: O Dieu, j'ai entendu vos paroles et j'ai craint..

  A007000366 

 C'est ainsi que mes transports proviennent de ma joie comme mes craintes venaient de mon anxiété..

  A007000366 

 Cependant, ce jour a lui; ma terreur s'est presque dissipée, et ma confiance en Dieu s'est grandement accrue.

  A007000371 

 Et on serait en droit d'appliquer à toute notre société ce texte: Pour vos pères, des enfants vous sont nés; c'est-à-dire: par une malheureuse vicissitude, [97] les hommes de premier ordre que vous avez eus pour pères et Prévôts ont été remplacés par des jeunes gens, presque des enfants..

  A007000372 

 C'est ainsi que nous lui rapportons plus facilement « ces biens qui procèdent tous de lui.

  A007000372 

 Tout cela, mes Pères, n'est que trop vrai; mais je vous supplie de répéter avec moi pour notre consolation: Dieu a coutume de choisir ce qu'il y a de plus infime en ce monde pour confondre ce qui est fort, et généralement, c'est de la bouche des enfants et de ceux qui sont encore à la mamelle qu'il tire sa plus parfaite louange.

  A007000378 

 Ab hac præcatione, Patres Venerandi, quam pridem identidem repetitam deinceps sæpius repetendam propono, et ex jucundissimo hoc ac suavissimo conspectu vestro (ac tuo præsertim eo jucundiore quo inopinatior fuit adventu, Rev. Antistes), Patres Venerandi, amantissimi simul et amatissimi auditores, propinqui ac amici quos dilexi, etc., ea sedata est animi mei perturbatio, quæ si hodierna luce perseverasset, vel ad suscipiendam Præfecturam hanc vestram vel ad quicquam dicendum mens [99] nulla aut ingenium superfuissent, animumque quem etiam integrum erectumque sustineo, nullum profecto retinuissem.

  A007000378 

 Quæ animi mei [perturbatio] passio, quoniam ab iis causis profecta est a quibus, ut temerarius non essem, proficisci debuerat, ea qualis sit si placet explicabo, ne aliqua de me hoc initio sinistra suspicio suboriatur..

  A007000379 

 De Geneva enim recipienda, quod antea tantopere desideratum est consilium cujuscumque illud fuerit, quanta unquam in nobis fuit maxima alacritate excipi par est et excipiendum existimo.

  A007000379 

 Quod ne aliqua [100] de me sinistra minuatur ac debilitetur suspicione, quanta mentis trepidatione ac animi reverentis demissione hunc ad supremum vestri Capituli locum accesserim vobis prius patienter audiendum est..

  A007000381 

 Illud enim subibat Davidicum: Vanum est vobis ante lucem surgere; surgite postquam sederitis; quod licet ex littera alio spectet, ex spiritu tamen qui vivificat, ad eos facile traduci potest qui quærunt antea præsidere quam sedere, quique, fructus vernalis et præcocis instar, non diu asservari possunt quin putrescant.

  A007000384 

 Mihi vero cum vos intueor, Patres, quid in hac causa metuendum est? [102] qui ea charitate ac prudentia præstatis quæ in quolibet Præposito desiderari possunt.

  A007000390 

 Merito, Patres, hæc omnia faustane sint an infausta vicissitudo nihil est quod dicam.

  A007000391 

 Ille est qui si fructus hosce nostros vernales, præcoces ac immaturos saccaro ac melle charitatis suæ condiverit, nihil verendum erit ne putrescant..

  A007000391 

 Ille est, Patres, qui lætificabit juventutem meam cum introibo ad altare ejus.

  A007000392 

 Dicam ergo et fatebor in dissita longeque inferiori conditione quod olim sapientissimus hominum dixit: Stultissimus sum virorum et sapientia hominum non est mecum; non didici sapientiam et non novi scientiam sanctorum. Sed idem subinde cum Davide animum solabor: Quoniam non cognovi litteraturam, introibo in potentias Domini.

  A007000392 

 Quoniam scilicet debilis sum ingenio et doctrina, omnem meam spem in eum conjiciam qui potens est ut linguas infantium faciat esse disertas et qui « facienti quod in se est nunquam denegat auxilium, » ut suavissime et verissime omnes boni theologi pronunciaverunt..

  A007000393 

 Sed ne quis dicat nihil esse quod tam magnifice de [104] Dei bonitate sperandum mihi sit, qui ipse ultro gradum conscendi ex quo tam facilis est casus et præcipitatio; Deum quippe eos juvare in arduis qui sibi pericula non concitaverunt, qui vero periculum amant in eo perituros, tollam, si placet, hujusmodi de me sperandi impedimentum..

  A007000394 

 Ii, me inscio (vere dico et ingenue, Patres, nec est quod illis presentibus falso dicam), amicis per litteras commendarunt, ut si quo possint modo Præfecturam hanc vestram (quandoquidem vacabat) meo nomine impetrarent.

  A007000394 

 Meum de clericali vita suscipienda consilium nonnullis aperueram, quorum authoritas apud me ubique præcipua est.

  A007000397 

 Charitate quatiendi sunt muri Gebenenses, charitate irruptio facienda est, charitate Geneva recuperanda.

  A007000397 

 Divus quidem Augustinus ad Hieronimum (duo Ecclesiæ luminaria magna commemoro) pro mutua consuetudine scripsit: « Quamquam secundum honoris vocabula episcopatus præsbyterio major sit, tamen in multis rebus Augustinus Hieronimo minor est.

  A007000397 

 Quo fiet ut et qui major est sit sicut minor, et sint novissimi primi, et primi novissimi, in charitate non ficta.

  A007000397 

 » Quod ego ita vobiscum usurpabo ut Præfecturam canonicatui semper præferam, Franciscum autem de Sales, sive quod idem est hunc vestrum Præpositum, cuilibet Canonico demississime postponam, memor opificis Antigoni qui quamlibet dignitatem, vel etiam regiam, honoratam appellavit servitutem.

  A007000399 

 Fame, siti, non tam aliorum quam nostri, pellendi sunt hostes; oratione sunt abigendi, quandoquidem genus est dæmoniorum quod non nisi oratione et jejunio ejici potest.

  A007000400 

 Aquæductus est qui universam propemodum hæreticorum gentem reficit ac recreat, pessima scilicet sacerdotum exempla, facta, dicta, iniquitas denique omnium, præcipue tamen ecclesiastici ordinis, ut propter nos blasphemari quotidie inter gentes nomen suum meritissime simul et amarissime conquæratur Dominus per Prophetas.

  A007000400 

 Hæc est aqua contradictionis quæ hereticos æstus refrigerare videtur, dignus sane bibentibus potus; iniquitas nostra iniquis hominibus pro potu est, sicut scriptum est: Bibunt sicut aquam iniquitatem..

  A007000402 

 Orationum strepitu excutiendi sunt muri Gebennenses; mutua charitate impetus faciendus est, hac, hac capita nostra ferenda sunt.

  A007000403 

 [110] Super flumina ergo Babilonis, id est, confusionis, peccatorum sedearaus, et fleamus dum recordamur Sionis Gebennensis, quæ olim tot nobilitata Christi insigniis, nunc, tum majorum tum hujus tempestatis peccatis, sub fœdissima hæreticorum tirannide consternata perseverat..

  A007000405 

 Bona signa, Socii, bona signa; divinum istud est consilium, quo inimici recordentur se alienas tenere sedes, nos vero ad proprias fœlici postliminio repetendas excitemur, ibique sepeliri cupiamus ubi sepulti sunt majores nostri.

  A007000405 

 Quod ut consequamur pœnitentia propitiandum est Numen; et ut uno verbo dicam (modus enim orationi aliquis faciendus est), sic nobis ex regula Christiana vivendum est, ut Canonici, id est, regulares, et filii Dei vere nominemur et simus..

  A007000410 

 In quam deliberationem cum vos, Socii optimi, videam sponte satis incitatos... tum enim sperandum erit; est utique in solatium miserrimi temporis, quod boni plerique et prudentes viri præsagiunt nostro tempore futurum illud quod antea tantopere desideratum est, ut scilicet, receptis antiquis sedibus, in sanctitate et justitia, de manibus inimicorum nostrorum liberati, serviamus illi qui est Deus superexaltatus in sæcula..

  A007000411 

 At tu (sic) Illustrissime ac Reverendissime Antistes, quod me universumque hunc conventum majorum amicorum meorum quos dilexi super mel et favum, super aurum et topazion clarissima præsentiæ tuæ luce illustraveris, gratias ago immortales, ac eam tuam in me beneficentiam ut cumulatiorem reddas, pro ea quæ tibi desuper data est potestate, tua benedictione nos omnes sancitos munitosque facias, enixe præcor et obtestor.

  A007000417 

 Ce projet de recouvrer Genève, dont l'accomplissement est si vivement désiré depuis longtemps, doit, quel qu'en soit l'auteur, être adopté par nous avec enthousiasme, et il le sera, je l'espère.

  A007000417 

 Voici l'entreprise que je propose à vos délibérations; elle est aussi grande que difficile, elle n'est pourtant pas plus impossible qu'elle n'est indigne de nous: il s'agirait de recouvrer Genève, ce siège antique de votre assemblée.

  A007000419 

 Ignorant, inexpérimenté, simple soldat, me voir à l'entrée même du noviciat ecclésiastique, honoré d'une telle dignité, être préposé avant d'avoir été posé, parfait avant d'être fait! Et je me rappelai cette parole de David: C'est en vain que vous vous levez avant le jour; levez-vous après vous être reposés.

  A007000420 

 A sa tête, siégeait l'Apôtre qui tient les clefs du Ciel, et il m'adressait ce grave reproche: Quel est donc, pauvre François, l'esprit qui t'anime? Eh quoi, le dernier de tous par la science, les vertus et le talent, tu prétends être préposé aux premiers! Ne sais-tu pas que les honneurs sont extrêmement onéreux? Ne crains-tu pas cette sommation dont l'époque est incertaine, il est vrai, mais assurément prochaine: Rends compte de ton administration? Ces paroles m'émurent à tel point dans l'intime de mon être, que, serait-il même utile de me remémorer cette émotion, je n'aurais pas de termes assez forts pour l'exprimer.

  A007000421 

 Cependant, ce jour a lui; ma terreur s'est presque évanouie, et ma confiance en Dieu s'est grandement accrue.

  A007000427 

 En réalité, mes Pères, cette conjoncture est-elle heureuse ou non, ce n'est pas à moi de le dire.

  A007000428 

 C'est ainsi que nous lui rapportons plus facilement « ces biens qui procèdent tous de lui.

  A007000428 

 C'est lui, mes Pères, qui réjouira ma jeunesse quand je monterai à son autel.

  A007000428 

 Rappelez-vous, je vous prie, et considérez que Dieu choisit ordinairement ce qu'il y a de plus infime et de plus infirme en ce monde pour confondre ce qui est fort, et que, généralement, c'est de la bouche des [103] enfants et de ceux qui sont à la mamelle qu'il tire sa plus parfaite louange.

  A007000429 

 C'est-à-dire: par mes talents et mes connaissances, je suis bien faible, mais je fonderai toutes mes espérances en Celui qui est puissant pour rendre éloquentes les langues des enfants, et qui ne « refuse jamais son secours à celui qui fait ce qui est en son pouvoir, » comme nous l'enseignent avec tant de charme et de vérité tous les bons théologiens..

  A007000430 

 Dieu, il est vrai, porte secours au besoin à ceux qui ne se sont pas jetés dans le danger; quant à ceux qui aiment le péril, ils y périront.

  A007000430 

 On me dira peut-être: rien ne vous autorise à présumer si grandement de [104] la bonté de Dieu, vous qui avez volontairement gravi un degré d'où il est si facile de déchoir et de se précipiter.

  A007000433 

 Si vous voulez vous libérer de toute responsabilité, il ne vous reste qu'à aider et soutenir ma faiblesse par vos conseils et votre exemple, à suppléer par votre charité aux qualités qui me manquent, et je sens trop combien nombreuses elles sont! Soyez persuadés que Dieu vous a ordonné, comme à ses Anges, de me garder en toutes mes voies, de me porter dans vos mains, afin que je ne me heurte pas à cette table de pierre [sur laquelle sont gravés les dix commandements du Seigneur] sur laquelle il est écrit: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et le serviras lui seul; et portant ainsi les fardeaux les uns des autres, nous accomplirons la loi du Christ.

  A007000434 

 C'est par la charité qu'il faut ébranler les murs de Genève, par la charité qu'il faut l'envahir, par la charité qu'il faut la recouvrer.

  A007000434 

 Dans une de leurs fréquentes communications épistolaires, le grand Augustin écrivait à Jérôme (je cite deux brillantes lumières de l'Eglise): « Bien que, comme titre honorifique, l'épiscopat soit supérieur au simple sacerdoce, cependant, sous bien des rapports, Augustin est inférieur à Jérôme.

  A007000435 

 C'est sur ce camp, vaillants Compagnons d'armes, que vous devez fixer vos regards; et ce que votre fidélité doit à Dieu, à l'Eglise, à la Patrie, à vos autels et à vos foyers, lorsque l'occasion s'en offrira, faites-le, montrez-le, accomplissez-le.

  A007000435 

 Que notre camp soit le camp du Dieu dont les [107] trompettes font entendre, avec des accents pleins de douceur, ce chant: Saint, Saint, Saint est le Seigneur Dieu des armées.

  A007000436 

 C'est par la faim et la soif, endurées non par nos adversaires mais par nous-mêmes, que nous devons repousser l'ennemi.

  A007000436 

 C'est par la prière que nous le chasserons; car ce genre de démons, vous le savez, ne peut être chassé que par la prière et le jeûne.

  A007000436 

 [Que l'exemple d'Holopherne nous apprenne, je vous prie, la meilleure manière d'emporter une ville d'assaut...] Voulez-vous une méthode facile pour emporter rapidement une ville d'assaut? Je vous prie de l'apprendre de l'exemple d'Holopherne: il est bien permis, en effet, de retourner contre l'ennemi ses propres armes et d'en tirer profit, comme l'a si bien démontré Plutarque.

  A007000437 

 C'est à cause de nous que le nom de Dieu est blasphémé chaque jour parmi les nations, et c'est avec pleine raison que le Seigneur s'en plaint si amèrement par ses Prophètes.

  A007000437 

 Il est un aqueduc qui alimente et ranime pour ainsi dire toute la race des hérétiques: ce sont les exemples des prêtres pervers, les actions, les paroles, en un mot, l'iniquité de tous, mais surtout des ecclésiastiques.

  A007000437 

 Voilà l'eau de contradiction qui me paraît étancher la soif brûlante des hérétiques, boisson vraiment digne de ceux qui la prennent; c'est notre iniquité que boivent ces hommes iniques, ainsi qu'il est écrit: Ils boivent l'iniquité comme l'eau..

  A007000438 

 Mais puisqu'il en est ainsi, mes Compagnons d'armes, puisqu'ils regardent les actions d'autrui et non les leurs, arrêtons le cours de cette eau, je vous prie; que chacun veille à ce que sa source privée ne coule pas jusqu'à l'ennemi.

  A007000439 

 C'est par cette charité que doivent frapper nos têtes de ligne.

  A007000439 

 Il est une éternelle cité dont on a dit tant de choses glorieuses, qui est défendue par une position si haute et si avantageuse, que la vue elle-même ne la peut découvrir; or, nous savons que l'on peut s'emparer de cette cité céleste par la prière et les bonnes œuvres.

  A007000439 

 S'il en est ainsi, et c'est la vérité, combien sera-t-il plus facile d'enlever par les engins de la prière et des bonnes œuvres, une ville au modeste circuit, humble et méprisée! En avant donc et courage, excellents Frères, tout cède à la charité; l'amour est fort comme la mort, et à celui qui aime, rien n'est difficile..

  A007000440 

 Que ferons-nous donc, Chanoines de Genève? Ne sommes-nous pas exilés et pèlerins sur une terre étrangère, celle que nous habitons et foulons aux pieds? Asseyons-nous [110] donc sur ces rivages des fleuves de Babylone, c'est-à-dire de la confusion, des péchés; pleurons au souvenir de cette Sion genevoise, jadis si glorieuse des trophées du Christ, et aujourd'hui, pour les crimes de notre époque et de nos ancêtres, gisant accablée sous la plus honteuse servitude de l'hérésie..

  A007000442 

 En un mot, car il faut terminer ce discours, nous devons vivre d'après la règle chrétienne, de telle sorte que nous soyons Chanoines, c'est-à-dire réguliers, et enfants de Dieu, non seulement de nom mais encore d'effet..

  A007000447 

 Nous avons en effet une consolation à notre époque si malheureuse: la plupart des hommes de bien et de jugement pensent qu'à cette époque est réservée la réalisation d'un vœu formé depuis si longtemps.

  A007000459 

 En ceste 2 e façon tout est de misericorde, car toutes ses bonnes œuvres sont de Dieu.

  A007000460 

 Dedit illi nomen quod est super omne nomen; ut in nomine Jesu omne genu, etc..

  A007000460 

 Gaudete et exultate, quoniam merces vestra copiosa est in cælis; Mat.

  A007000461 

 C'est le mot du guet pour entrer en Paradis..

  A007000469 

 Je prie Dieu de tout mon cœur, auditoire devot, que comm'il luy a pleu de vous « fair'arriver au beau commencement de ce jour, » de ceste semayne, de ce mois et de cest'annëe, qu'il vous veuille « garder sain et sauve; » affin que le servans et honorans tousjours renouvellés en vos consciences, vos « œuvres et pensëes commencent par » iceluy, qui est Dieu benit es siecles.

  A007000470 

 Consideres comm'il commence de bonn'heure: In capite libri scriptum est de me; Psal. 39.

  A007000471 

 Il estoit sans necessité, neantmoins tousjours il s'est monstré prompt; il devoit changer l'Eglise, neantmoins il ne la mesprise point mays observe, affin d'ensevelir honnorablement.

  A007000473 

 In matutinis meditabor in te; Bonum est viro, cum portaverit jugum ab adolescentia.

  A007000474 

 C'est la communication et application du sang de Nostre Seigneur: Lavit nos in sanguine suo; Dealbaverunt stolas suas in sanguine Agni.

  A007000475 

 La boutique est ouverte.

  A007000475 

 Si on est fasché, le nom de Jesus resjouit; si on est tenté, il ayde; si on est blessé, il guerit.

  A007000481 

 hanc: Simile est Regnum cœlorum.

  A007000490 

 Ainsy une grande partie du mal qui est maintenant entre les Chrestiens vient de ce qu'ilz croyent ceux qu'ilz ne devroyent pas croire, et qu'ilz ne croyent pas ceux qu'ilz devroyent croire: Et dilexerunt homines magis tenebras quam lucem.

  A007000490 

 C'est pourquoy voyant en l'Evangile une infallible marque de ceux auxquelz nous devons croire, et par mesme moyen de ceux auxquelz nous ne devons pas croire, de ceux qui sont vrays ouvriers et de ceux qui sont plustost dissipateurs, je me suis deliberé, estant envoyé pour ceste journëe au milieu de vous autres, comme ouvrier en la vigne de Dieu, de vous monstrer comme il faut fuir quelques uns de ceux qui font profession d'avoir espié la terre de l'Escriture, et faut se rendre obeyssant a la voix de ceux lesquelz sont marqués a bonnes enseignes..

  A007000491 

 Seigneur, arrouses de la douce pluÿe de vostre grace ceste vostre vigne, affin que la houë et la pesle y puyssent bien entrer; rendes la traittable, et donnes a cest indigne vigneron la force et l'addresse d'oster les espines et superfluités des mauvaises opinions que le tems y pourroit avoir apporté, a celle fin qu' en son tems elle vous rende le fruict, et le vigneron en puysse avoir le denier promis, qui est ce jour perpetuel.

  A007000495 

 Il demande le nom de Celuy qui l'envoye: Si dixerint mihi: Quod est nomen ejus? quid dicam eis?.

  A007000499 

 C'est icy, mes Freres, la pierre de touche a laquelle vous connoistres si ceux qui se vantent de la parole de Dieu sont vrays ou faux prophetes; car il n'y a jamais eu secte qui n'aye tousjours dict qu'elle parloit de la part de Dieu, et que ses preschementeries estoyent les [121] vrayes paroles de Dieu, et ne se soit vantëe de l'Escriture: [ainsi] Luther, Calvin et tous les autres, a l'imitation du diable, lequel voulant tenter Jesus Christ luy allegue l'Escriture: Angelis suis mandavit de te.

  A007000499 

 Les Catholiques, envoyés par legitime succession, pouvans dire: Sicut locutus est ad patres nostros, monstrent l'origine de leur mission: Jesus misit Petrum; Petrus, etc. Nous pouvons dire: Deus, auribus nostris audivimus; patres nostri annuntiaverunt nobis..

  A007000499 

 Si c'est Dieu, ou c'est mediatement ou immediatement: si mediatement, qu'ilz monstrent la succession; si immediatement et extraordinairement, qu'ilz en produisent les preuves, qu'ilz fassent des miracles.

  A007000500 

 Qui dixerunt: Linguam nostram magnificabimus, labia nostra a nobis sunt, quis noster dominus est? Et [122] en Hieremie, 14: Vaticinantur; non misi eos; au 23: Ecce ego ad prophetas, ait Dominus, qui assumunt linguas suas..

  A007000501 

 : Omnis potestas data est mihi in cœlo et in terra, subjungit: Euntes docete omnes gentes; Matth., 28..

  A007000503 

 Mays nonobstant tout cela, non content de se dire estre envoyé, non content de prouver sa mission par l'Escriture, il veut un tesmoignage perceptible et clair de son Pere, au Baptesme, en sa Transfiguration: Hic est Filius meus dilectus, in quo mihi bene complacui; ipsum audite; et de rechef en saint Jan, 12: Et clarificavi, et iterum clarificabo.

  A007000503 

 Que diray je? Nostre Seigneur, apres avoir esté prædict avec tant de circonstances, encores veut il monstrer sa mission, et se targue tousjours d'icelle, disant tantost: Sicut misit me Pater (20. Jo. ), Doctrina mea non est mea, sed ejus qui misit me (7. Jo. ); et puys [123] il s'escrie: Et me scitis, et unde sim scitis, et a meipso non veni.

  A007000504 

 Tirons donques ceste conclusion tres certaine, [1.] que la mission est necessaire, comme dict saint Pol, Ro., 10: Quomodo invocabunt in quem non crediderunt? quomodo credent quem non audiverunt? quomodo audient sine prædicante? Quomodo prædicabunt nisi mittantur? [124].

  A007000505 

 Qu'il ne suffit de dire qu'on est envoyé, car il faut justifier comment: si mediatement, comme Timothee par saint Pol, auquel il escrivit, 2 Timot., 1: Admoneo te ut resuscites gratiam quæ est in te, quæ data est tibi per impositionem manuum mearum; si immediatement, comme saint Pol et Barnabas, Act., 13: Segregate, dict le Saint Esprit, mihi Saulum et Barnabam in opus ad quod assumpsi eos.

  A007000507 

 Ecclesia est firmamentum et columna veritatis.

  A007000507 

 Mais despuys Jesus Christ et la fondation de l'Eglise, quicomque n'est approuvé de l'Eglise, sit tibi tanquam ethnicus et publicanus.

  A007000510 

 En somme, comme c'est grand peché de suivre la voix des faux pasteurs, aussi est-il péché de n'ouÿr la voix des vrays et ne leur obeir.

  A007000510 

 Mays cela s'entend quant a la vocation des prædicateurs, docteurs et pasteurs de l'Eglise, laquelle n'est commune a tous, car si chacun est pasteur, ou sont les brebis? mays seulement de quelques uns qui sont envoyés, comme Moyse, Aaron, saint Jan, Isaye, Hieremie, Helie et David, etc. Or, il y a une autre vocation qui est commune, et comme chacun ne doit penser estre appellé a la premiere, aussi chacun se doit tenir pour appellé a la seconde.

  A007000511 

 Usquequo, piger, dormies? Paululum dormies, paululum dormitabis, et veniet tibi pauperies quasi vir armatus; c'est a dire, laquelle tu ne pourras eviter.

  A007000515 

 Il est juste que ceux qui estans appelles l'ont suivi en ce monde, le suivent en l'autre: Ut ubi ego sum, illic sit et minister meus, et accipiat mercedem; Ego sum merces tua magna nimis.

  A007000515 

 La nous te loüerons a toute eternité, si nous te servons en ceste briefve journëe de ce monde: c'est, o Seigneur, dequoy nous vous prions nous faire la grace, puysque vous estes le Dieu de misericorde, Pere, Filz et Saint Esprit.

  A007000524 

 La prise de la ville de Hiericho par le vaillant capitaine general des Israëlites Josué, est bien l'une des remarquables qui furent onques faites, pour le stratageme avec lequel les murailles d'icelle furent du tout renversëes, et Hiericho demeura toute nue et demantelee devant l'armëe des Israëlites..

  A007000525 

 Qui ouÿt jamais raconter un tel siege? Qui conneut jamais un ingenieur si subtil, qui, au son des trompettes, fit renverser des murailles entieres? Qui vid jamais, semblable batterie? Josué leve les yeux en haut; d'en haut vient l'Ange, il l'adore; l'Ange luy enseigne de la part de Dieu le stratageme, Josué croid et se fie en Dieu, il faict ce qui luy est commandé; parmy son armëe l'Arche de Dieu y est, les prestres sonnent, les murailles tombent..

  A007000528 

 L'ame de l'homme, mes Freres, est une belle ville, par nature sujette a Dieu; mays bien souvent, par revolte et rebellion, et par les factions des affections et parties superieure et inferieure, elle est rendue sous l'obeyssance du peché; car qui facit peccatum, servus est peccati.

  A007000529 

 C'est ceste ville laquelle, plus que toute autre, se peut vanter que le sçavoir de son bastisseur a esté rendu admirable en son edification, selon le dire du Psalmiste: Mirabilis facta est scientia tua ex me; c'est d'elle qu'on peut dire: Gloriosa dicta sunt de te, civitas Dei..

  A007000529 

 Qui trouvera mauvais que j'appelle l'ame de l'homme une ville, puysque les philosophes l'ont bien appellëe un petit monde, puysqu'elle est « l'abbregé » de toutes les perfections « du monde, » recueillant en soy tous les grades plus parfaitz d'iceluy, comme tout le plus beau d'une province se retrouve en la ville principale d'icelle? En ceste ame encores, vous semble il pas qu'il y ayt un magazin qui vaut plus que tous ceux d'Anvers ou de Venise, puysque la memoyre retire toutes les idees de tant de varietés de choses? Vous semble il pas qu'il y ayt un brave ouvrier, puysqu'en l'entendement possible, toutes choses s'y font en des especes incomparables? Vous semble il pas qu'il y ayt un ouvrier, lequel avec cent millions d'yeux et de mains, comme un autre Argus, faict plus d'ouvrage que tous les ouvriers du monde, puysqu'il n'y a rien au monde qu'il ne represente? qui est l'occasion qui a faict dire aux philosophes que l'ame estoit tout en puyssance.

  A007000530 

 C'est le peché qui empesche que Dieu ne se rende maistre de nos ames, et ne peut entrer en nous, ains demeure a la porte: Ego st o ad ostium et [132] pulso.

  A007000531 

 C'est de ces murailles que nous pouvons dire: Ascendite muros ejus, et dissipate, comme dict Nostre Seigneur de Hierusalem; Hier., 5..

  A007000532 

 Mais a cest effect, je trouve troys conditions requises: la premiere, c'est la bonne intention; la seconde, l'attention; la troysiesme, l'humilité.

  A007000533 

 Ah non; mays comme il faut desirer la viande pour [se] nourrir, ainsy faut il user de la parole de Dieu, qui est l'aliment de nos ames: Non in solo pane vivit homo, sed in omni verbo quod procedit de ore Dei.

  A007000533 

 Je voudrois qu'elle fust comme celle des bons prædicateurs, qui est, comme dict saint Pol: Prædicamus autem Jesum Christum crucifixum; Judæis quidem scandalum, etc.; et aussi que l'intention fust de recevoir en son cœur Jesus Christ.

  A007000534 

 C'est escouter la prædication comme un mottet de musique; Ezech., 33: Es eis quasi carmen musicum; et audiunt [134] verba tua, et non faciunt ea.

  A007000534 

 Quand l'homme entend la parole de Dieu sans ceste intention, elle est en luy comme ceste semence qui tombe dans le chemin: Aliud cecidit secus viam; la vayne gloire et la curiosité la perdent.

  A007000535 

 La seconde disposition qu'il faut avoir pour bien ouyr la parole de Dieu, c'est l'attention; car il y en a plusieurs qui viennent au sermon pour faire leur proffit, mais y estant, ou en dormant ou en causant ou en pensant ailleurs, ilz ne sont pas attentifz; auxquelz, quand ilz sont de retour, si l'on demande que c'est qu'ilz ont rapporté du sermon, ilz peuvent bien respondre qu'ilz en sont revenuz gens de bien, pour en avoir rapporté les oreilles ou leur chapeau.

  A007000536 

 L'attention est si requise, que souvent l'intention defaillant, l'attention proffite.

  A007000536 

 Or, cecy n'est pas une petite incivilité, que Dieu parlant a nous, nous ne voulions l'escouter, ne plus ne moins que si nous parlions a Dieu sans y penser; de maniere que de ceux la Nostre Seigneur dict: Populus hic auribus me honorat, cor autem eorum longe est a me.

  A007000537 

 La troisiesme condition est l'humble obeyssance a la parole ouÿe; car ceux qui oyent, et pour cela ne s'amendent pas, non habent aures audiendi: Ego tanquam surdus non audiebam, et sicut mutus non aperiens os suum.

  A007000538 

 L'autre cause, c'est qu'ilz rejettent tousjours sur autruy ce qui est dict par le praedicateur: O on a bien parlé contre cestuy-ci, etc. Quand on est invité au banquet on prend pour soy; mays icy on est extremement courtois, car on ne cesse de donner aux autres.

  A007000539 

 Ezech., 3: Aperui os meum, et cibavit me volumine illo, et factum est sicut mel in ore meo; in ore, mais non in stomacho, quand il est question de faire operation.

  A007000539 

 La parole de Dieu est une medecine, une manne: Beati qui audiunt Mot Dei, en mangeant, et custodiunt illud, en digerant, etc. C'est pourquoy on voit si peu de fruict des prædications, et on rebat tant de fois une chose: Manda, remanda, etc..

  A007000539 

 La troisiesme [cause] d'ou il vient, c'est que la parolle de Dieu chasse le peché de l'ame, et l'homme qui se plaist au peché la trouve amere lhors qu'elle le sollicite: Ad tempus credunt, et in tempore tentationis recedunt.

  A007000540 

 Les autres, avec tant de vices et mauvaises inclinations, si peu d'humilité et tant de superbe: Et simul exortæ spinæ suffocaverunt illud, si qu'elle n'est pas venue a son effect.

  A007000540 

 Les uns oyent par mauvaise intention de coustume, de curiosité: Et volucres cœli comedunt illud; apres qu'ilz ont dict leur opinion du prescheur, c'est tout.

  A007000541 

 Estote factores (Jac., I ); qui enim verbi auditor est, et non factor, hic comparabitur viro consideranti vultum nativitatis suæ in speculo: consideravit enim se et abiit, et statim oblitus est qualis fuerit.

  A007000541 

 Mes Freres, soyes fervens a ouyr la parole, car Evangelium Dei virtus est in salutem omni credenti.

  A007000555 

 Et c'est de ce voyage, c'est de ce pelerinage duquel je veux discourir, et quasi vous conduire de logis en logis, par la main de la consideration, jusques au lieu que vous deves desirer..

  A007000555 

 Et pour nous en approcher, estans en la mer de ce monde, entre les flotz et les bourrasques de nos propres pechés, esquelz nous sommes tumbés par le miserable naufrage que nous avons faict par nostre faute, de l'innocence baptismale, il faut que nous [empoignons] nous jettions dedans l'esquif de pœnitence, seul refuge, seule consolation en ces dangers; sur lequel, quoy que [nous] ne soyons sans crainte, regret, souspirs, faim et autres telles peynes, si est que nous sommes seurs d'arriver, si nous [140] avons bon courage, au port desiré de la Croix, et par apres de la gloire.

  A007000555 

 Nous sommes advisés que, si nous voulons, le Royaulme des cieux, vraÿe terre de promission, est pour nous; il ne faut que sortir d'Egipte et fayre pœnitence, que bien tost nous y arriverons.

  A007000555 

 Qui est la rayson pour laquelle, devant choysir quelque proufitable discours avec lequel je peusse conduyre pas a pas, a journëes rompues, vos ames au pied de la Croix au mont Calvaire par affection, et au saint Cors et Sang de Nostre Seigneur par realité, et vous y faire aborder heureusement, j'ay choysi ces saintes paroles, par lesquelles nous sommes advisés que le Royaume de Dieu s'approchant, si nous voulons [y] avoyr part, il faut que de nostre costé nous nous approchions de luy.

  A007000556 

 Mays pour ce que le chemin par lequel nous devons passer est un grand desert de pœnitence, avant toutes choses je vous veux dire un peu des conditions et qualités d'iceluy, affin que vous ne soyes pas si nouveaus par apres des choses que nous y verrons par le menu; et puys, nous regarderons de nous acheminer.

  A007000565 

 Puys, regardant en haut, et voyant le Ciel ouvert avec la clef de la Croix, il monte sur la colline d'esperance, toute fleurie et pleyne de l'odeur des olives de grace et des lauriers de gloire; et c'est alors que l'ame souspire, c'est alors que les espris se resveillent pour aller en Paradis, pour sortir du peché.

  A007000566 

 C'est alors quil se debat, voulant fuir l'enfer d'un costé et prendre la proye de l'autre; c'est alhors quil entre es saints et justes courroux d'attrition.

  A007000566 

 Mays comme l'espervier affamé regardant contre la belle proye, se voulant jetter au vol pour s'en saysir et assovir son estomac et avidité, au premier elancement quil faict se trouvant attaché, tout colere, bat tant des aisles et des pieds quil romp son lien, ainsy l'ame qui est arrivëe sur ceste verdoyante et gaÿe colline d'esperance, regardant le Paradis qui luy est donné en proÿe, tasche de s'y eslancer; et c'est lhors quil se sent estre lié par le peché, non pas au paravant.

  A007000566 

 Mays imagines vous que l'espervier sceust parler et quil eust rayson, ou plustost que quelqu'un parlast pour luy; ne diroit il pas au maistre: Laschez moy, je vous prie, je ne m'iray point esgarant, je retourneray tousjours a vous? O l'ame devote ayant rayson, se sentant lier, n'est pas comme l'oyseau qui ne faict que battre, mays regardant son Maistre, elle s'addresse a luy: Seigneur, deslie moy; Seigneur, filia mea male a demonio vexatur; Ad te, Domine, levavi animam meam, Deus meus in te confido, non erubescam..

  A007000567 

 O quil est bon: Confitemini Domino [143] quoniam bonus.

  A007000568 

 Et pourquoy? Sic Deus, etc. Mays sil vouloit venir, pourquoy n'est il venu triomphant, non pas passible? Ut iniquitates omnium nostrum ipse portaret.

  A007000568 

 Que si peut estre tu ne peux pas monter au Ciel pour aller contempler la bonté de Dieu, regarde la en son miroir: Miroir de la bonté de Dieu est la Passion du Sauveur Jesus.

  A007000568 

 Regarde ce beau jeune gentilhomme, la beauté du monde, la bonté parfaitte, la douceur des Anges, venu en terre, et demande: Pourquoy est venu le Roy du Ciel en terre? Et les Anges te respondront: Sic Deus dilexit mundum.

  A007000568 

 Y est il venu volontairement? Tres: Exultavit ut gigas ad currendam viam.

  A007000569 

 O mes Freres, si vous aves cest'affection vous estes bien arrivés au mont d'Olivet, c'est a dire de paix et de grace.

  A007000569 

 Si vous n'y estes encores, chemines toute cest'huitayne en ceste desplaysance de vos pechés, et je suys asseuré que, aydant Dieu, vous y arriveres, et entendres la douce voix du Sauveur: O anima, magna est fides tua; fiat tibi sicut vis.

  A007000577 

 Venit hora et nunc est, quando veri.

  A007000581 

 Spiritus est Deus, et eos qui adorant.

  A007000585 

 Au reste, elle est tres difficile, et tirassëe ça et la par les adversaires de l'Eglise Catholique, pour renverser la foy des Anciens; et neantmoins en icelle sont cachés plusieurs admirables secretz en confirmation [146] de la creance de l'Eglise et de la vérité d'icelle; secretz et mysteres lesquelz jamais nous ne descouvrirons, si Celuy qui les y a mis pour nostre salut ne les nous faict voir par sa grace.

  A007000585 

 Ceste ci est l'une des plus notables et signalëes sentences de l'Evangile, en laquelle la maniere de bien et deüement servir Dieu est exprimee et declairee par Dieu mesme.

  A007000587 

 Comme le chasseur ayant donné la chasse et le cours au cerf et a la biche, la va attendre aupres de quelque fontayne ou elle a accoustumé de s'abbreuver (car ceste sorte d'animal est sujette a la soif estrangement), pour la prendre apres que la froideur de l'eau l'aura engourdie, suivant le dire du Psalmiste: Comme le cerf crie vers la fontayne, ainsy mon ame vous souhaite, o mon Dieu, tout de mesme Nostre Seigneur, en l'histoire de l'Evangile du jourdhuy, s'en va aupres d'une fontayne attendre une pauvre pecheresse alterëe par son iniquité, affin de la prendre d'une tres glorieuse chasse, apres qu'avec ses saintz discours il l'a engourdie aux mouvemens de son peché et de sa concupiscence.

  A007000588 

 Les disciples de Nostre Seigneur baptizoyent une grande multitude de personnes en Judee, et beaucoup plus que saint Jan Baptiste n'avoit fait; dequoy Nostre Seigneur s'appercevant les Scribes et Pharisiens estre irrités, pour l'envie qu'ilz avoyent sur luy, et n'estant encores venu le tems de sa Passion, voyant le peu de proffit qu'il faisoit en Judee, et pour donner commencement a sa sainte prædication, il s'en alla en Galilee et s'arresta en Capharnaum, qui estoit sur les limites de Zabulon et Nephtali, suivant la prophetie d'Isaye: Primo tempore alleviata est terra Zabulon, et terra Nephtali.

  A007000590 

 Consideres vous point la bonté de ce Seigneur, l'affection de ce Chasseur qui court pour prendre la proye de l'ame, tant qu'il est las et contraint, par maniere de dire, de se reposer? Consideres vous point nostre lascheté, qui nous faschons de la moindre peyne du monde qu'il faut prendre pour nous sauver nous mesmes? Or, Nostre Seigneur n'estoit pas las sans cause, car il avoit cheminé bien tard, et a pied sans doute, dont l'Evangeliste dict: Hora autem erat quasi sexta, il estoit ja quasi midy; car les Juifz partagent le jour en douze heures et la nuict en douze..

  A007000592 

 Ceste femme donques luy reproche cela, comme disant: Vous autres Juifz, tenes les Samaritains pour excommuniés; et comme donques me demandes vous a boire? Elle sçait bien que ce n'est pas commerce que de demander un peu d'eau, mais elle luy dict cela par reproche.

  A007000593 

 Et qui est Celuy qui te demande a boire; car c'est Celuy qui est venu abbreuver toutes les ames, c'est Celuy qui est venu respandre son sang pour arrouser l'Eglise, c'est Celuy qui est venu non vocare justos, sed peccatores ad pœnitentiam.

  A007000593 

 Respondit Jesus, et dixit ei: Si scires donum Dei, et quis est qui dicit tibi, da mihi bibere, tu forsitan petiisses ab eo, et dedisset tibi aquam vivam.

  A007000593 

 Si tu eusses conneu et l'un et l'autre, le don du Pere, et que c'est moy qui suis ce don la..

  A007000595 

 Dicit ei mulier: Domine, neque in quo haurias habes, et puteus altus est; unde ergo habes aquam vivam? Comme elle va desvoyer l'intelligence de Nostre Seigneur, parlant d'un don de Dieu; et elle va parler de la terre.

  A007000595 

 Nostre Seigneur parle de l' eau vive et elle, de la morte: Unde ergo? Quomodo hic carnem suam? etc. Numquid tu major es patre nostro Jacob, qui dedit nobis puteum, et ipse ex eo [150] bibit, et filii ejus, et pecora ejus? Voyes la ruse, elle est desja esclairëe du Sauveur, elle n'ose dire: Non, tu n'es pas; mais interroge: Numquid tu? Ce pendant elle monstre qu'il y a bien de la peyne a croire.

  A007000596 

 Consideres un peu la difference qu'il y a entre les deux eaux: l'une apaise la soif, mais ce n'est pas pour long tems; l'autre, in æternum, etc. Il y a icy a considerer deux soifs, l'une du cors, l'autre de l'ame; car les desirs sont une soif a l'ame, dont Nostre Seigneur dict: Non sitiet, et le Psalmiste: Sitivit anima mea ad Deum fontem vivum.

  A007000597 

 Elle croid que Nostre Seigneur est plus grand que Jacob et donne une meilleure eau, mais elle la demande pour le temporel, encores non esclairëe..

  A007000598 

 Dicit ei Jesus: Bene dixisti, quia virum non habeo; quinque enim viros habuisti, et nunc quem habes non est tuus vir: hoc vere dixisti.

  A007000606 

 Spiritus est Deus, et eos qui adorant eum,.

  A007000610 

 Apres qu'Helie eut faict ceste grande vengeance et tuerie des prophetes de Baal vers le torrent de Cison, comme il est escrit 3.

  A007000611 

 Comme il est escrit 4 dés Rois, 4, Helisee avoit logé chez elle; en contreschange, il luy obtint un enfant, mais il mourut jeune.

  A007000612 

 L'origine des Samaritains est, qu'apres la division du royaume d'Israël faite par Hieroboam (3. Reg., 12), comme Achias Silonite avoit prædict 3.

  A007000612 

 Or, il est croyable que tous n'abandonnerent pas, mays en demeura quelques uns, et autres retournerent, dont les Samaritains demeurerent ainsy.

  A007000613 

 11, c. 8; [7.] mais sur tout, c'est parce qu'ilz estoyent schismatiques, et avoyent dressé autel contre autel, ayant faict un temple au mont de Garisin, et des prestres autres que de la succession ordinaire, dont vint la dispute devant le roy d'Egypte, qui adjugea pour les Hebreux (Josephe, l. 11 et 13); et qu'ilz ne recevoyent que les cinq Livres de Moyse, le Pentateuche, du reste ilz s'en mocquoyent.

  A007000614 

 Mais parce qu'il luy faschoit de s'arrester sur ce discours, elle le destourne sur une dispute de la religion; car c'est l'ordinaire des religions vicieuses que de mettre force disputes en avant, et que les peuples s'en veulent aussi bien mesler que les autres.

  A007000614 

 Voicy donques ceste femme qui faict de [155] la theologienne, et veut chercher son salut, et dict: Patres nostri in monte hoc adoraverunt, et vos dicitis quia Hierosolymis est locus ubi adorare oportet; Jacob a adoré, retournant de Mesopotamie, en ce mont (Genes., 33 ), et Abraham (Genes., 12 ); si donques nos peres y ont adoré, pourquoy dites vous, etc..

  A007000615 

 Mais sçaches qu'adorer est pris ici pour sacrifier; car quant a l'adoration privee, elle se pouvoit faire par tout, mays sacrifier, non, sinon au lieu choisi par le Seigneur; Deuter., 12.

  A007000628 

 Mes Freres, c'est ce que je desire faire aujourd'huy, et que toutesfois je ne puys, si Nostre Seigneur mesme ne monte sur ma langue, comme sur l'asnesse, pour l'addresser et conduire dans la Hierusalem de vos consciences.

  A007000628 

 Qui me donnera maintenant la grace de vous dire en si bonne façon la douce nouvelle de la venue que Nostre Seigneur doit bien tost faire en vos consciences par la sainte Communion, que vous luy allies au devant par desir et devotion, jettant les robbes de vos ames et les rameaux de vos affections, par mortification? O que ce seroit bien faire la memoyre de ce glorieux triomphe, puysque nous triompherions nous mesmes de nostre plus grand ennemy, qui est nostre chair, comme vrays enfans et hæritiers de ceste auguste et triomphante Majesté du Sauveur.

  A007000630 

 Cest incomparable miroir de patience, que Dieu appelle par honneur son serviteur, Job, en son septiesme chapitre, dict une sentence digne d'æternelle memoire: Militia est hominis vita super terram.

  A007000630 

 Elle est guerre pour les malheurs qui l'accompaignent; elle est guerre pour le peu ou point de repos qu'il y a; elle est guerre pour l'incertitude de l'evenement d'icelle..

  A007000631 

 C'est bien nous oster toute esperance de paix: Militia est vita hominis super terram..

  A007000631 

 Ce seroit quelque chose de plus doux s'il eust dict: Vita hominis est in militia super terram, car encores se trouve-il des gens qui ont le repos et leur ayse en guerre; dequoy font foy ceux qui s'y enrichissent [158] et engraissent, butinans paisiblement ores sur celuy cy, ores sur cestuy la.

  A007000631 

 Ilz ne pensent pas autre chose, sinon que ceste horrible et affreuse Megere, la guerre, ceste ruine commune des republiques, ceste perte de l'Estat, soit une favorable occasion de s'accommoder, volant, pillant, saccageant, assassinant impunement, s'y jouant aux despens du pauvre homme, comme l'on feroit au roy despouillé, avec toute sorte de liberté, sans crainte de la justice, laquelle se ressentant fort de sa viellesse en nostre miserable aage, est fort foible en tout tems, mays principalement en tout tems de guerre.

  A007000631 

 Si donques Job eust dict: In militia est vita hominis super terram, encores eust-on pensé d'y avoir quelque repos; mays non, il dict que la mesme vie est une guerre.

  A007000632 

 Et vrayement, c'est pitié que de ceste guerre; car estant entre de si grans amis comme l'esprit et la chair, y a il rien de plus deplorable? Saint Pol, Rom., 7, se lamentant de ceste guerre, apres avoir au long descrit les assaultz qu'il sentoit en soy mesme, il s'ecrie: Infelix ego homo, quis me liberabit de corpore mortis hujus? Qui me delivrera? car je ne m'en peux deffaire.

  A007000632 

 Mais quand il dict: Militia est vita hominis, il veut dire non seulement que nous sommes en guerre, mays que nous mesmes nous sommes guerre: Militia, etc. Et de vray, qui regardera bien les diversités de mouvement, et les assaultz que faict l'esprit contre la chair, je suys asseuré qu'il dira que Militia, etc.

  A007000632 

 Quis me liberabit? etc. Michëe, parlant de ce combat, chap. 7, il dict: Ab ea quæ dormit in sinu tuo, custodi claustra oris tui; c'est a dire, ne te fie en elle.

  A007000632 

 Si je ne l'ayme, je suis mal; si je l'ayme, c'est pis.

  A007000632 

 [159] Ceste chair est ma chere moitié, c'est ma seur, c'est ma chere compaigne, nëe avec moy, nourrie avec moy, et toutefois elle me faict une si cruelle guerre.

  A007000633 

 C'est pour vray indubitablement que si l'esprit n'avoit affaire qu'avec la chair seulement, il en seroit bien tost le vainqueur; car il est beaucoup plus fort et adroit: Spiritus quidem promptus est, caro autem infirma; Marc., 14.

  A007000633 

 L'un de ces troys au Deut., est fort et puyssant; que sera ce des troys ensemble? Dict le divin Prescheur, Eccl., IV: Funiculus triplex difficile rumpitur..

  A007000633 

 Mays quoy? ceste chair est confederëe avec deux autres puyssans princes, le monde et le diable: Mundus, caro, dæmon diversa movent prælia.

  A007000634 

 Debilis est hostis qui non vincit nisi volentem, dict un de nos Peres.

  A007000634 

 Mais encores seroit ce peu si ceste chair n'avoit point d'intelligence dans nostre ame; car c'est chose certaine que jamais nous ne serions vaincuz.

  A007000634 

 Mays quoy? Toute place, disoit un grand prince, ou le soleil peut aller, n'est pas imprenable; et maintenant, par tout la ou quelqu'un peut aller a double, on y peut aller armé.

  A007000635 

 15, se tenant a la porte du palais de son trop bon pere, la il flattoit et corrompoit le peuple; et en fin fit si bien par ses secrettes menëes, qu'il fit la guerre et chassa son pere de son siege: ainsy le cors demeure tousjours a la porte, car « nihil est in intellectu quod prius non fuerit in sensu, » et la, corrompt les objectz, prattique ores en ceste façon, ores en l'autre, et ainsy se rend le plus fort.

  A007000636 

 O mes Freres, caro concupiscit adversus spiritum, etc. L'esprit engendre tant de bons desirs, la chair tant de mauvais, et les uns combattent si asprement les autres, que bien souvent, comme celuy qui a [161] la colique, on crie: Quis me liberabit a corpore mortis hujus? Comme il est dict de Rebecca, Genes., 25 chap. Voyes vous la guerre dangereuse de nostre vie? Militia est vita hominis super terram..

  A007000637 

 Que si ainsy est, que ferons nous, mes Freres? D'apaiser l'ennemy, il n'est pas possible, il est inexorable; car qui plus le flatte, plus l'aigrit: Qui amat animam suam, perdet eam; Cum loquebar illis, impugnabant me gratis; Ps.

  A007000640 

 Tiercement, une grande confiance en Nostre Seigneur: Sed omnis sufficientia nostra ex Deo est; 2.

  A007000642 

 Ah, la frequentation de ce Sacrement chasse les ennemis externes et internes; c'est honte de voir le peu d'estat qu'on en faict.

  A007000643 

 En ceste façon, nous pourrons porter les palmes comme eux en signe de victoire, vainqueurs de nostre chair, que nous porterons comme trophëes aux pieds de l'Aigneau qui y regne, comme a Celuy pour qui et en qui nous aurons triomphé, qui est Jesus Christ qui vit et regne es siecles, et vous benie.

  A007000643 

 Le mot du guet et la devise de la banniere monstrent le peuple de Hierusalem; la cognëe avec les cousteaux monstrent qu'on est en guerre.

  A007000643 

 Nostre vie n'est pas seulement en guerre, ni n'a pas seulement la guerre, mais est une guerre propre: Militia, etc., puisque la chair, moitié de nostre vie, nous guerroie par tant de menëes, excitant sedition en nostre ame ainsy qu'Absalon, trompe comme Dalila.

  A007000651 

 C'est le discours que j'ay entrepris, mays que je ne puys bien faire, ny vous, bien escouter, si le Saint Esprit ne nous assiste.

  A007000653 

 La foy honnore le Pere, car elle s'appuye sur la toute puyssance; l'esperance honnore le Filz, car elle est fondëe sur sa redemption; la charité honnore le Saint Esprit, car elle embrasse et cherit la bonté.

  A007000653 

 Nunc autem manent fides, spes, charitas, tria hæc; major autem horum est charitas: Maintenant demeurent ces troys choses, foy, esperance et charité; mais la plus grande d'icelles est la charité; I.Cor., 13.

  A007000654 

 Helas, que leur foy estoit esbranlëe! La pauvre Magdeleine le va cherchant parmi les mortz pour l'embaumer, et croit qu'on l'aye desrobbé; les Apostres sont telz, que visa sunt illis deliramenta, et non crediderunt illis, c'est a dire aux dames qui l'avoyent appris des Anges; les deux pelerins disent: Sperabamus; le grand saint Thomas crie: Non credam.

  A007000655 

 Le bon David ne savoit se remuer dans [168] les armes de Saül; pendant que nostre ame est chargëe du cors mondain, elle ne se peut bien mouvoir.

  A007000655 

 Pourquoy in prima tuba ne comparoistra le mesme cors? Si Christus non resurrexit, inanis est fides nostra.

  A007000655 

 Tantost il est veu, tantost il entre les portes fermëes.

  A007000656 

 Aves vous besoin de force, voicy mes mains; aves vous besoin de cœur, voicy le mien; estes vous colombelle, voicy des trous; estes vous des malades, voicy la medecine: Et absorpta est mors in victoria.

  A007000656 

 C'est grand cas que d'estre separé de Dieu; on est timide, on perd la force: telz estoyent les Apostres, telle la Magdeleine.

  A007000656 

 Comme un navire emmi l'orage et la tempeste, sans nocher ni pilote, s'en va au bris ou le vent le porte, telle estoit ceste pauvre barque sans esperance: Factus est Ephraim velut columba seducta non habens cor.

  A007000656 

 Ilz craignoyent; l'esperance est contraire a la crainte: Lugentibus et flentibus, dict saint Marc.

  A007000665 

 quem mihi mundus crticifixus est,.

  A007000669 

 Si le prophete Jonas se consola tant au lierre que Nostre Seigneur luy avoit præparé, que l'Escriture dict: Et lætatus est Jonas super hedera lætitia magna, quelle doit estre l'allegresse des Chrestiens en la tressainte Croix de Nostre Seigneur, sous laquelle ilz sont bien plus a l'ombre que Jonas n'estoit sous le lierre; ilz sont mieux defendus et contregardés que Jonas ne fut par le lierre: Absit mihi, etc. Or, disons donques: Que Jonas se resjouisse au lierre; qu'Abraham fasse festin aux Anges sous l'arbre (Gen., 18 ); qu'Ismaël soit exaucé sous l'arbre au desert (Gen., 21 ); qu'Helie soit nourry sous le genevre en la solitude (3. Reg., 19 ): quant a nous, nous ne voulons autre ombre que celle de la Croix, autre festin que celuy qui nous y est praeparé.

  A007000670 

 Et de vray, qu'est ce se glorifier en une chose? C'est se priser, estimer, tenir heureux et grand en icelle: In iis, dict doctement le docteur angelique saint Thomas, unusquisque gloriatur, in quibus se magnum existimat.

  A007000670 

 Mais en la Croix de Nostre Seigneur, o quelle gloire! Si Celuy la qui estoit si grand qu'il estoit Dieu, y constitue son exaltation, sa clarification, s'il l'appelle la porte de sa gloire, que vous reste il a faire et que me reste il a dire, sinon: Hoc sentite in vobis quod et in Christo Jesu, qui cum in forma Dei esset, non rapinam arbitratus est se esse æqualem Deo, sed semetipsum exinanivit; propter quod, etc.?.

  A007000670 

 Quant au sçavoir, comparatus est jumentis insipientibus; quant au cors, pulvis est; quant aux richesses et aux biens de fortune, mundus transit, et concupiscentia ejus.

  A007000671 

 Et c'est ceste leçon dont parle Tapostre saint Pol aux Hebrieux, 5: Didicit ex iis quæ passus est, obedientiam.

  A007000671 

 Et ne trouves pas estrange que je vous renvoye a ce livre pour y apprendre vostre leçon, car c'est le plus excellent livre de tous ceux qui jamais furent composés: et partant, qui desire la gloire de la [173] science, qu'il s'approche avec la sainte pensëe et qu'il lise ce saint livre; il y apprendra la plus profonde doctrine qui fut onques.

  A007000672 

 Saint Pol, racontant aux Hebrieux, 9, comme l'Ancien Testament fut dedié, il dict que Moyse ayant leu tous les commandemens de la Loy, prenant le sang des veaux et boucs, avec l'eau et la laine pourprine, et l'hyssope, ipsum quoque librum et omnem populum aspersit. Mais omnia in figura contingebant illis; et ou est le livre que Nostre Seigneur a aspersé de son sang, au Nouveau Testament, sinon la Croix, en laquelle Nostre Seigneur ayant leu tous les commandemens de la Loy, qui n'est autre sinon: Diliges Dominum, etc., Mandatum novum do vobis, ut diligatis vos invicem, crie a haute voix: Pater, ignosce illis; In manus tuas, etc.? Il asperse tout le monde de son sang par l'institution des saintz Sacremens, particulierement de celuy de l'Autel..

  A007000673 

 La Croix est le vray livre du Chrestien, et je vous prens a tesmoin, o Bernard, tres doux et devot Docteur; car ou aves vous repeu vostre entendement de la tres douce et tres souëfve doctrine dont vous nous aves laissé les saintes instructions, sinon en ce livre, quand vous disies: Fasciculus myrrhæ dilectus meus mihi? [174] Je vous appelle a garant, o grand saint Augustin, qui, constitué entre les deux misteres de la Nativité et de la Passion, pouves dire: Hinc lactor ab ubere, hinc pascor a vulnere.

  A007000673 

 O quel trait est le vostre quand vous vous escries: « O qu'il faict bon avec le Crucifix! J'y veux faire troys tabernacles: l'un en ses mains, l'autre en ses piedz, et le troysiesme en la playe de son costé; la je veux reposer, je veux veiller, je veux lire, je veux parler.

  A007000675 

 C'est la le premier sujet que nous avons de nous glorifier en la Croix..

  A007000675 

 Lises donques ce livre divin qui vous enseigne la science de salut, et ou Jesus Christ luy mesme a appris l'obeyssance qui est deuë a Dieu.

  A007000676 

 Voicy maintenant la seconde glorification: c'est que nostre salut y est, c'est la ou Nostre Seigneur nous a sauvés; car combien que toutes les actions de sa vie, jusques aux plus petites, ayent esté infiniment suffisantes pour operer nostre salut, neantmoins la volonté de Dieu son Pere et la sienne a esté de ne l'accomplir qu'en la Croix.

  A007000677 

 Absit mihi, etc.; car si on se peut glorifier en beauté, o quelle beauté m'est acquise par la Croix! O comme j'ay trouvé une eau qui me rend non seulement blanc et net, mais encores qui m'esclaire: « In quo est vita, salus et resurrectio nostra.» [176].

  A007000677 

 C'est la ou Nostre Seigneur s'est rendu rose de martire, violette de mortification, lys de pureté; estant non seulement pur luy mesme, mays encores purifiant: Lectulus noster floridus.

  A007000677 

 Continues a y lire, et vous y trouveres Nazarenus, qui signifie floridus, qui est encores un autre tres grand sujet de glorification; car par la Croix, nostre ame a esté parëe des belles et saintes fleurs de tant de vertuz, de tant d'aureoles si odoriferantes.

  A007000678 

 Or, ce royaume luy est acquis naturellement et par merite sur l'arbre de la Croix: Propter quod et Deus exaltavit illum, etc.; ut in nomine Jesu omne genu flectatur, etc. A cause de quoy, a sa mort tout l'univers se revest de deuil et proteste que son Roy est mort, etc. Qui fut prædict par David, Psal. 95: Commoveatur a facie ejus universa terra; dicite in gentibus quia Dominus regnavit a ligno.

  A007000679 

 Luy est le Christ, mays nous sommes les Chrestiens: Hæredes quidem Dei, cohæredes autem Christi.

  A007000681 

 Disons donques que ce saint bois de la Croix est singulierement venerable; car s'il est escrit, Psal. 131: Adorabo in loco ubi steterunt pedes ejus, comme n'honnorerons nous pas ubi stetit totum corpus? Et partant, il s'ensuit: Surge, Domine, in requiem, etc. Et si on faysoit, dict saint Hierosme, tant d'honneur au tabernacle, etc., combien plus au bois de la Croix, sur lequel a esté estendu le cors de Dieu incarné, qui a esté arrousé, teint et penetré de son sang [178] prætieux.

  A007000681 

 Sainte donq est la coustume des Chrestiens: « Tanta veneratione lignum illud habetur, » dict saint Chrysostome, Homil.

  A007000682 

 Regardons si en nostre mont Calvaire, c'est a dire en nostre cerveau et entendement, nous y avons laissé la foy fervente de la Croix qui nous y fut mise au Baptesme, ou si nous n'avons point eslevé une idole de Venus en nostre imagination; si en nostre memoyre, ou la sainte esperance fut mise, nous n'y avons point remis Adonis; en nostre volonté, ou Dieu avoit mis la charité, etc. Et a l'imitation d'Helene, ostons, ostons ces figures maudites du monde, ces impressions vaines, et y relevons la Croix, disant: Absit mihi gloriari, etc., car c'est la nostre secours.

  A007000694 

 Le Saint Esprit ne vient pas es delices et consolations mondaines ou charnelles: Non permanebit Spiritus meus in homine, quia caro est.

  A007000695 

 Le Saint Esprit est amour; il ne se trouve qu'en lieu de concorde, il fuit les noyses et se plaict es ames simples et debonnaires; et c'est pourquoy il comparut une foys en forme de colombelle.

  A007000705 

 Mays outre ce, le banquet est excellent; car la viande est la plus praetieuse: Caro mea vere est cibus.

  A007000707 

 Le man tumbe au desert, non en la terre de promission; mais ce pain est par tout, et repaist par tout: in æternum..

  A007000708 

 Ce pain icy, donques, donne la vie, conserve la vie de l'aine, laquelle perdant peu a peu sa chaleur vitale qui est la charité, et l'humide radical de sa vie qui est la grace, a besoin de restauration, qui se faict par ce celeste banquet..

  A007000712 

 C'est ce que dict saint Chrisostome, au rapport de saint Thomas, que « nous sommes terribles au diable, sortans de ceste cæleste Table.

  A007000712 

 Dont il est dict au paravant: Virga tua et baculus tuus, ipsa me consolata sunt.

  A007000712 

 Il apelle virgam et baculum l'appuy, scipionem; c'est a dire, ce celeste pain: ainsy au Levit.

  A007000712 

 Mays cestuyci nous renforce et eschauffe, car c'est le Sacrement d'union.

  A007000725 

 Concluons donques pertinemment par tout son discours, que son playsir est de ramener les pecheurs a sa misericorde..

  A007000725 

 Hé, qui voudries vous donques qui les receust? N'est ce pas l'honneur au medecin d'estre recherché des malades, et d'autant plus que leurs maladies sont incurables? Nostre Seigneur, non tant pour repousser la temerité de ces Pharisiens, que pour nous donner courage de nous approcher de luy, rejette bien loin par similitudes ceste consideration pharisaïque.

  A007000728 

 C'est vrayement la proprieté des pecheurs que de s'esloigner de Dieu tant qu'il est possible.

  A007000728 

 Longe est Dominus ab impiis; Proverb., 15..

  A007000729 

 C'est en cest esloignement que consiste le mal principal du peché, c'est a dire qu'il nous separe de Dieu; de maniere qu'en l'escole l'on est d'accord que Ite, est le mot principal de la sentence de Nostre Seigneur: Ite.

  A007000730 

 Mais voicy le gros de la difficulté: comme se peut il faire que nous soyons esloignés de Dieu luy mesme qui est par tout, et ne sçaurions trouver un recoin, pour caché qu'il soit, que sa Majesté n'y soit? Saint Pol aux Atheniens, Act., 17: Non longe abest ab unoquoque nostrum; in ipso enim vivimus, movemur et sumus..

  A007000731 

 La ou, remarques la façon, l'immobilité est propre a Dieu et la mobilité aux pecheurs, et ilz la veulent renverser: Recede a nobis, etc. Secondement, l'ame s'esloigne de Dieu fuyant ses graces et les moyens qu'il nous propose pour nostre salut; comme l'on dict qu'un tel fuit les medecins, non pas pource qu'il laisse la personne des medecins, mays les remedes: Scientiam viarum tuarum nolumus..

  A007000731 

 Psal. 13: Dixit insipiens in corde suo: Non est Deus; et si cela n'est, il ne tient pas a eux.

  A007000732 

 Isa., 55: Derelinquat impius viam suam et vir iniquus cogitationes suas, et revertatur ad Dominum, et miserebitur ejus, et ad Deum nostrum, quoniam multus est ad ignoscendum.

  A007000732 

 Quelles douleurs, quelz regretz! Car ce que dict le grand saint Augustin est tres vray: « Fecisti nos, Domine, ad te, et inquietum est cor nostrum donec requiescat in te.

  A007000732 

 » O quelle division de l'homme, au regard de son Dieu, au regard de luy mesme! Mays il y a ceste seule consolation parmy ceste grande desolation; c'est qu'encores que le pecheur soit loin de Dieu, il peut revenir a luy et estre bien receu.

  A007000733 

 Il est raconté de David, au chap. 22 du I. des Roys, qu'estant dans la caverne de Odolla, les souffreteux et affligés s'en vindrent a luy, et il se rendit leur roy.

  A007000734 

 Et saint Pol: Non sumus sufficientes cogitare aliquid ex nobis tanquam ex nobis, sed sufficientia nostra ex Deo est.

  A007000734 

 Les Pharisiens murmurent quia hic peccatores recipit; mais voyons un peu le progres, comme il les reçoit, et nous verrons grandes choses, Le pecheur se peut bien esloigner de Dieu, et de soy mesme, c'est chose certaine.

  A007000737 

 Puysqu'ainsy est, donq, o Sauveur, o Redempteur, o bon Dieu, je peux bien dire a ce peuple, de vostre part: Accedite ad Dominum, et illuminamini, et faciès vestræ non confundentur; quia hic peccatores recipit..

  A007000738 

 Is., 48: Egredimini a Babylone, fugite a Chaldæis; non est pax impiis, dicit Dominus.

  A007000739 

 Nostre Seigneur est comme le soleil qui va par tout: A summo cælo egressio ejus.

  A007000740 

 « Hic locus est partes ubi se via findit in ambas.

  A007000741 

 N'attendons plus: Hora est jam nos de somno surgere, puysque nous sçavons que peccatores recipit.

  A007000741 

 Quid est, Israel, quod in terra inimicorum inveterasti, in terra aliena? Voulons nous estre ensevelis en Egypte? Egredere, egredere in fortitudine tua, Sion.

  A007000752 

 C'est ainsy que vivent les manouvriers, et que les peres et meres demandent obeissance a leurs enfans et les appellent leurs; et neantmoins, le pere et la mere ne font pas du tout les enfans, car l'ame n'est pas de leur facture, ni les ouvriers ne font entierement ce qu'ilz font, car si le drapier faict le drap, il ne faict pas la laine.

  A007000752 

 Ipsius est mare, et ipse fecit illud; comme s'il vouloit dire: La mer est a luy pource qu' il l'a faite..

  A007000752 

 Mays Dieu est Celuy la qui a faict nostre ame et nostre cors; car tout ce qui est, est œuvre de ses mains.

  A007000752 

 O comme nous sommes donques a Dieu, comme il est nostre Seigneur et nostre Maistre, puysque tout ce qui est en nous, il l'a faict: c'est luy qui en est l'ouvrier.

  A007000752 

 Souvenes vous donques, mes Freres, devant toutes choses, que Celuy en la præsence duquel vous estes est vostre naturel, absolu et sauverain Seigneur; car c'est a luy a qui est la terre et tout ce qui est en la terre.

  A007000752 

 [194] Il est vostre Seigneur et Maistre, parce que c'est luy qui vous a faict et formé; il n'y a point de plus juste tiltre pour posseder quelque chose que de l'avoir faite.

  A007000753 

 Et non seulement nous sommes a luy et il est nostre Seigneur pource qu'il nous a produitz, mays encores pource qu'il nous a achetés bien cherement et cent mille fois davantage que nous ne valons.

  A007000753 

 Le diable nous avoit osté a nostre naturel Seigneur, et encores qu'il n'eust nul droit, si est ce que Nostre Seigneur nous acheta, et acheta ce qui estoit sien affin de nous faire plus siens, si plus siens nous pouvions estre.

  A007000757 

 Et de vray, comme dict saint Pol: Quis plantat vineam et de fructu ejus non edit? Si Jesus Christ nous a planté, n'est ce pas la rayson que nous luy rapportions tout le service que nous pourrons?.

  A007000757 

 L'autre conclusion qu'il faut tirer, c'est qu'estant descendus au rien, remontant a l'estre que Dieu nous a baillé, et considerant de poinct en poinct combien nous sommes dependans de Dieu et combien nous sommes obligés a le servir, il nous faut faire une exclamation a nostre ame: Nonne Deo subjecta erit anima mea? [196] Comment, si Dieu m'a creëe, et non seulement creëe, mays rachetëe d'entre les mains d'un si cruel et barbare tyran, avec tant de sang, si je luy ay voué et presté fidelité, qui me levera jamais de son service? Escoutes comme David estoit en ceste resolution: Quasi jumentum factus sum apud te, et ego semper tecum.

  A007000758 

 De maniere qu'encores a rayson de cecy, nous sommes obligés a servir Dieu, et ceux qui ne le serviront pas en recevront un terrible reproche au jour du jugement; car c'est pour cela qu'il est dict que totus orbis pugnabit contra insensatos.

  A007000758 

 Mays outre, tout cela, il y a une autre rayson: c'est que nous nous servons de toutes les creatures, et icelles nous servent volontier, en intention que nous servions Dieu pour elles; car elles, ne pouvant pas servir Dieu, lequel estant esprit ne peut estre servi que par esprit, elles nous servent a celle fin que nous servions Dieu tant en leur nom qu'au nostre.

  A007000760 

 Alleluia est le langage de ce païs la, car on n'y dict autre; et avec une seule parole, ilz disent tout ce qu'ilz veulent dire.

  A007000760 

 De ceste resolution, il nous faut passer a l'execution d'icelle, c'est a dire de servir Dieu le mieux qu'il nous sera possible.

  A007000760 

 O sainte parole, laquelle seule exprime tant de grandes conceptions! C'est ce service auquel le Prophete vous invite maintenant: Ecce nunc benedicite Dominum..

  A007000760 

 Or est-il qu'entre toutes les façons de servir Dieu, [la meilleure] c'est de le servir en la façon qu'il est servi en Paradis; car c'est luy qui nous enseigne a demander que son service soit fait en la terre comme au Ciel; car il n'y a pas difference entre servir Dieu et faire sa volonté.

  A007000760 

 Que si nous voulons sçavoir comme [197] Dieu est servi au Ciel, escoutes David: Beati qui habitant in domo tua, Domine; in sæcula sæculorum laudabunt te.

  A007000761 

 Dequoy j'entre en admiration comme il se peut faire que l'homme ou l'Ange ayment Dieu, et comme Dieu s'ayme soy mesme; car si aymer est desirer du bien a une personne, comme voules vous qu'on ayme Dieu a qui on ne sçauroit desirer aucun bien? Car, puysque Dieu est toute sorte de bien, on ne luy sçauroit desirer aucun bien qu'il ne l'aye plus parfaittement qu'on ne sçauroit desirer; et si il l'a, pourquoy le desirera-on? Et puys, au bout de tout cela, le bien en Dieu est essentiel; de maniere que comme ce seroit chose hors de propos de s'amuser a desirer qu'un Ange soit Ange, puysque c'est sa nature d'estre Ange, et de desirer que les Maures soyent noirs, puysque c'est leur nature, aussi semble il hors de propos de desirer que Dieu ayt quelque bien, puysqu'il a tout bien par nature..

  A007000761 

 Mais oyes comme cela va, car vous me pourries dire: Hé quoy, n'ayment-ilz pas Dieu? Aymer, mes Freres, c'est vouloir et desirer du bien, et ne sçauroit-on dire quelle difference il y a entre la bienveuillance et l'amitié, ne plus ne moins qu'on ne sçauroit dire quelle difference il y a entre haïr et vouloir du mal a une personne.

  A007000762 

 Comment donq est ce qu'on peut aymer Dieu?.

  A007000762 

 La consequence n'en vaut rien; la rayson est pource que la continuation de l'estre a l'Ange n'est pas naturelle et essentielle, et partant on la luy peut desirer, non celle qu'il a, ains celle qui est a venir; mays a Dieu, son æternité luy est autant essentielle que sa bonté.

  A007000762 

 Quelqu'un me dira qu'on peut bien desirer a un Ange [198] qu'il soit Ange, c'est a dire la continuation en son estre: ainsy en Dieu, dites vous.

  A007000763 

 Ainsy, au lieu de desirer du bien a Dieu, on se complaist et on se resjouyt au bien qu'il possede et qu'il est luy mesme.

  A007000763 

 De cest amour parle David: Quam magna multitudo dulcedinis tuæ; Omnia ossa mea dicent: Domine, quis similis tibi? Isaye: Lætificabo eos in monte orationis meæ? C'est a quoy nous invite David: Ecce nunc benedicite Dominum, etc. Il dict nunc; comme vous voudries estre de ces beati qui habitant, commences donques maintenant, nunc..

  A007000763 

 L'ame regardant en Dieu l'infiny merite de sa bonté, et que d'ailleurs en ce sauverain Estre rien ne manque, mays y est plus parfaittement quod factum est ( in ipso vita erat ), elle ne desire pas qu'autre bien luy arrive, pource qu'il est impossible.

  A007000763 

 Quand il l'est, encores qu'il cesse de desirer, il n'est pas moins amy; mais au lieu du desir, il faict un acte de contentement, d'ayse et de resjouyssance du grade que l'amy possede.

  A007000764 

 Iceluy seul rend de condigno l'honneur qui est deu a Dieu, et partant ne peut estre esconduit, ains impetre de Dieu tout ce qu'il veut: Quæcumque petieritis Patrem in nomine meo dabit vobis; Exauditus est pro sua reverentia..

  A007000764 

 L'homme qui est arrivé a ce signe, voyant que sa louange est petite, il va cherchant par tout: Benedicite omnia opera Domini; et ne trouvant asses, Renuntiate quia amore langueo.

  A007000764 

 Peut estre encores que ce cœur n'estant asses brisé et contrit, il en offre un qui est si noble et si affligé, qu'on ne le sçauroit refuser.

  A007000766 

 Desormais nous vous benirons; mays affin de ce faire, assistes le magistrat ecclesiastique et seculier, delivres nous d'ennemis, donnes nous la paix, affin que vous demeuries avec nous, quia factus est in pace locus tuus, a fin que de manu inimicorum nostrorum liberati, serviamus tibi.

  A007000773 

 Quod est nomen ejus? quid dicam eis?.

  A007000778 

 Ce n'est asses pour estre tesmoin de verité d'alleguer l'Escriture; car qui allegua jamais plus que les Arriens? Les Libertins mesmes, pour monstrer qu'il ne faut point d'Escriture, alleguent l'Escriture, contre lesquelz mesme Calvin escrit; le diable mesme..

  A007000781 

 Nostre Seigneur ne s'exempte de ceste condition, Jo. 20: Sicut misit me Pater. Calvin, sicut misit te quis? Jo. 7: Doctrina mea non est mea, sed ejus qui misit me.

  A007000781 

 Voyons la volonté de Nostre Seigneur, Jo. 20: Sicut misit me Pater, et ego mitto vos; Accipite Spiritum Sanctum. Ante Ascensionem, Matt., 28: Omnis potestas data est mihi in cælo et in terra; euntes docete omnes gentes.

  A007000786 

 3: Vide quomodo oporteat te conversari in Ecclesia Dei, quæ est columna et firmamentum veritatis.

  A007000789 

 Par miracles: Hic est Filius meus dilectus.

  A007000795 

 Sa mission qui semble avoir de l'extraordinaire est advoüee par l'ordinaire.

  A007000804 

 Quoy que vielle, elle faict paroistre qu'elle est aussi pleine de force, de fermeté et de vistesse que jamais, resistant vaillamment a tous ses ennemis, ne s'esbranlant pour aucun assaut pour impetueux qu'il soit, courant par tout le monde annoncer l'Evangile de son Espoux..

  A007000805 

 Or, ce qu'elle mesme faict voir par experience, je m'efforceray a vous le faire voir par discours, produisant les bons et indubitables tiltres qu'elle a pour sa visibilité et incorruption, qui est le gros du proces que nous avons avec nos adversaires.

  A007000807 

 L'Eglise donques, auditoire chrestien, faict asses paroistre par effect qu'elle est visible, incorruptible et immortelle, se faysant voir par tout, toute telle qu'elle avoit esté prædicte par Nostre Seigneur, ses Apostres et les Prophetes: et me semble bien que ceste preuve la seule pouvoit suffire a qui ne voudroit pas estre contentieux et opiniastre.

  A007000807 

 Mays pour ne laisser aucune occasion en arriere pour faire reconnoistre l'Eglise, je vous apporteray maintenant des preuves tres certaines et tres claires comme elle est visible..

  A007000808 

 Et pour le premier point, je demande a nos adversaires ou ilz trouveront jamais en l'Escriture que l'Eglise soit invisible; ou trouveront ilz que quand il est parlé d'Eglise, il s'entende une assemblëe ou convocation invisible? Jamais cela ne fut, jamais ilz ne le trouveront..

  A007000809 

 18, passant en Cesaree, il est dict que salutavit Ecclesiam.

  A007000809 

 Episcopos, id est, presbyteros.

  A007000809 

 N'est ce pas par tout une assemblëe visible?.

  A007000810 

 Je demande donques, mes Freres, si nos adversaires ne trouvent point de passage ou l'Eglise soit prise pour un cors invisible, n'est ce pas vouloir l'emporter sans l'Escriture? Que si au contraire, il se trouve plusieurs passages ou il est parlé de l'Eglise, et que tous s'entendent d'une assemblëe visible, vouloir contester au contraire n'est ce pas aller contre l'Escriture? Quand donq ilz vous allegueront ce fantosme, niant l'Eglise estre visible, demandes leur un passage de l'Escriture ou l'Eglise veuille dire chose invisible.

  A007000811 

 C'est donques chose certaine que l'Eglise est visible, par les tesmoignages de l'Escriture, d'autant que par tout ou l'Escriture nomme l'Eglise, elle entend une assemblëe visible..

  A007000811 

 Mais dites moy, de grace, si l'Eglise est invisible, pourquoy sera ce que Nostre Seigneur nous dira, Matt., 18: Dic Ecclesiæ; si Ecclesiam non audierit, sit [208] tibi tanquam ethnicus et publicanus? Quelle sorte d'addresse seroit celle cy: Dis le a l'Eglise? Comme voules vous qu'on s'addresse a l'Eglise si on ne la voit, si on ne la connoist? 1.

  A007000811 

 Timoth., 3: Hæc tibi scribo, ut scias quomodo oporteat te conversari in domo Dei, quæ est Ecclesia Dei vivi, columna et firmamentum veritatis.

  A007000812 

 Comme va elle vestue d'or [209] si elle n'est visible? comme peut on aller devant sa face, si elle ne se faict voir? Isa., 61: Et scietur in gentibus semen eorum, et germen eorum in medio populorum; omnes qui viderint eos, cognoscent illos, quia isti sunt semen cui benedixit Dominus.

  A007000813 

 Daniel, au 2 chap., la pierre qui roule de la montagne et gaste ceste grande statue, replevit terrain, et factus est mons magnus.

  A007000813 

 In Sancto meo, id est, meipso, qui sum Sanctus sanctorum; David mentiar? non, si sim Deus.

  A007000814 

 Secondement, despuis ce verset jusques a la fin, le Psalmiste se lamente que Dieu differe tant ceste execution, et ce pendant son peuple est tourmenté..

  A007000815 

 En troysiesme lieu, a l'arc en ciel, qu'il appelle testem in cœlo fidelem, parce qu'en la Genese, g, vers. 13, Dieu le donna pour tesmoignage a Noë de sa reconciliation faite avec le monde: ainsy l'Eglise est le vray tesmoin de la reconciliation nouvelle.

  A007000815 

 Premierement, au soleil: Et thronus ejus sicut sol, qui ecclipse bien quelquefois, mays non jamais tout a fait, ains seulement en quelque partie du monde; ainsy en est il de l'Eglise.

  A007000815 

 Que comme l'arc en ciel, quoy qu'il ne soit qu'une nuë, si est ce que recevant les rayons du soleil il est rendu tres beau et apparent, ainsy l'Eglise, quoy que ce ne soit qu'une assemblëe d'hommes, si est ce que recevant l'assistance du Saint Esprit, elle est tres belle et tres remarquable, etc., en son unité, en sa pureté, en sa stabilité et perpetuité..

  A007000816 

 21, comme disant: A te proficiscitur, de vous depend, la louange que je reçoy en la grande Eglise, ou la loüange qui vous est rendue par mon incarnation.

  A007000816 

 In Ecclesia magna, id est, Catholica, ait August.

  A007000816 

 Mays ou est ce que nos adversaires ont leur esprit en cest endroit? Ne voyent ilz pas qu'ilz mesprisent le merite de la Passion de Nostre Seigneur? Isa., 53: Pro eo quod laboravit anima ejus, ideo dispertiam ei plurimos, et fortium dividet spolia; pro eo quod tradidit in mortem animam suam, et cum sceleratis reputatus est.

  A007000817 

 : « Si sic pro voluntate vestra in angustum coarctatis Ecclesiam, ubi erit quod Filius Dei meruit? ubi erit quod libenter largitus est ei Pater, dicens: Dabo tibi gentes hæreditatem tuam? Quare in carcere latitudo est regnorum? Permittite Filium possidere concessa, permittite Patri promissa complere.

  A007000817 

 Alloquutio Patris impleta est: Dabo tibi gentes.

  A007000817 

 adversus Luciferianos: « Gratulor tibi quod animo bono a falsitatis ardore ad totius orbis te saporem contulisti, nec dicis more quorumdam: Domine, salvum me fac, quoniam defecit sanctus; quorum vox impia Crucem Christi evacuat, Dei Filium subjugat diabolo, et illam complorationem quæ a Deo de peccatoribus prolata est, de universis hominibus dictam intelligit.

  A007000818 

 Dites moy ou est la vraye prædication sinon en l'Eglise? et ou la chercheray je si je ne sçay ou est l'Eglise? Ou est la vraye administration des Sacremens sinon en l'Eglise? et ou voules vous que je les cherche si ceste Eglise est invisible et cachëe? Le jour de Pentecoste, le Saint Esprit vint il pas en l'Eglise, et toute ceste assemblëe estoit ce pas un cors visible? Mesme le Saint Esprit tient l'Eglise visible a tel poinct que, pour s'accommoder a sa visibilité, luy mesme qui est invisible, s'apparut a elle en forme visible.

  A007000818 

 Mais quoy, qu'appelles vous Eglise? est ce pas une assemblëe de gens? Ouy certes, non d'Anges.

  A007000818 

 Si elle est invisible, ou est ce qu'on la peut chercher? ou l'ont ilz trouvee? qui la leur a enseignee?.

  A007000819 

 Ah, mes Freres, c'est le dessein du diable de la rendre invisible, affin de nous soustraire de son obeyssance, affin de nous oster la liberté de nous refugier vers elle, et a elle le pouvoir de nous parler, nous instruire, nous monstrer nos fautes, de nous corriger et nous mettre dans nostre devoir..

  A007000820 

 Anciennement, la loy estoit escrite en pierre; maintenant, au cœur: Charitas Dei diffusa est in cordibus nostris.

  A007000820 

 Saint Pierre, 1, c. 2, appelle il pas l'Eglise domum spiritalem? Aussi l'est elle, car elle n'est pas une mayson materielle, ains [213] ordonnëe a l'esprit; comme les gens qui servent Dieu sont appellés spirituelz, mais ne laissent ilz pour cela d'estre visibles?.

  A007000821 

 Ilz objectent encores: « Credo sanctam Ecclesiam Catholicam; » on croit sa sainteté qui est invisible, on croit qu'elle est l'Eglise de Nostre Seigneur lequel on ne void pas.

  A007000821 

 Mays combien que la sainteté et les esleuz ne soyent conneuz que de Dieu, combien qu'elle soit l'Eglise du Sauveur qu'on ne void pas, n'est il pas vray que l'Eglise est ce champ qui comprend la bonne semence et la zizanie; qu'elle est ceste grange laquelle enferme le grain et la paille; qu'elle est ceste grande mayson dont parle saint Pol, ou il y a des vaysseaux prætieux et des vaysseaux vilz et abjectz, et que la separation ne sera faite qu'a la fin du monde, lhors que de militante elle deviendra triomphante?.

  A007000822 

 Ilz ressemblent a ceux dont est parlé en saint Math., 25, qui diront a Nostre Seigneur: Domine, quando te vidimus esurientem? etc..

  A007000823 

 Or sus, mes Freres, que retirerons nous de tout ce discours? Premierement, une asseurance en la doctrine de l'Eglise, qu'elle est visible; 2.

  A007000833 

 C'est sans doute que Dieu qui a basti ceste Eglise, l'a bastie si bien et si fermement qu'elle doit estre perdurable; ce que je prouveray maintenant avec de tres preignantes raysons, pour les occasions que je vous diray tost apres.

  A007000833 

 Elle doit estre toute belle, elle doit estre toute sage, mays sur tout elle doit estre de tres longue durëe, comme c'est [215] l'ordinaire de souhaitter es alliances qu'elles soyent de longue durëe.

  A007000833 

 Le glorieux secretaire de Dieu dict en ce lieu que l'Eglise est une cité nouvelle, paree et ornee de Dieu comme une espouse pour son espoux.

  A007000833 

 O quelle seroit ceste espouse accompaignëe d'autant de perfections que luy desireroit son espoux! Penses donques, je vous prie, quelle doit estre ceste sainte cité que Dieu s'est præparëe luy mesme comme une espouse.

  A007000833 

 Si son espoux la façonnoit a sa volonté, je crois qu'il la feroit la plus belle, la plus vertueuse, la plus saine et de la plus longue vie qu'on se pourrait imaginer; car il n'est telle affection que de l'espoux vers l'espouse, quoy que souvent au progres du mariage, on change de volonté par le malheur de nostre mauvaise nature.

  A007000835 

 Et qui diroit autrement, il feroit tort au sang de Jesus Christ, lequel n'a pas eu moins d'efficace pour fonder son Eglise a perpetuité, que le sang d'Adam a entretenir les generations des hommes; car ne sçaves vous pas que comme Adam a laissé une generation perpetuelle en son sang, aussi Jesus Christ a laissé une generation au sien? Que si le monde dure encores au sang d'Adam, pourquoy ne [216] durera aussi l'Eglise au sang de Jesus Christ? C'est ce que vouloit dire le grand David: Deus fundavit eam in æternum (Pseau. 47); Magnus Dominus et laudabilis nimis, in civitate Dei nostri..

  A007000835 

 Or, en cas pareil, mes Freres, quand il pleut a Dieu recreer le monde et fonder son Eglise, il la benit tellement que jamais ceste generation sienne ne devoit manquer ou faillir en aucune façon: de maniere que la vraÿe Eglise qui est maintenant, doit estre descendue de pere en filz par ceste generation spirituelle de ce second Adam, Nostre Seigneur et Maistre.

  A007000837 

 A quoy est conforme ce qu'il dict I. Cor., 15: Primitiæ Christus, deinde ii qui sunt Christi, deinde finis.

  A007000837 

 C'est ce que veut dire saint Pol, Ephes., 4: Et ipse dedit quosdam quidem apostolos, alios prophetas, alios evangelistas, alios pastores et doctores; ad consummationem sanctorum, in opus ministerii, in ædificationem corporis Christi, donec occurramus omnes in unitatem fidei et agnitionis Filii Dei.

  A007000837 

 Non, non, il ne faut pas dire que l'Eglise soit jamais morte; son Espoux est mort pour elle affin qu'elle ne mourust point.

  A007000838 

 Ce qui est davantage [218] confirmé par l'Ange, lhors qu'il annonçoit l'Incarnation a Nostre Dame, disant que Nostre Seigneur seroit grand, et seroit appellé Filz du Tres Haut; et le Seigneur Dieu luy donnera le throsne de David son pere, et il regnera sur la mayson de Jacob æternellement, et son regne sera sans fin; Luc., 1.

  A007000838 

 Ceste verge, c'est la Loy evangelique, de laquelle il est dict au Ps.

  A007000838 

 Donq, avec ceste verge de la sainte Loy, domine au milieu de tes ennemis, qu'est ce a dire sinon que tousjours ceste Eglise seroit stable et visible, en laquelle Nostre Seigneur regneroit et domineroit, voire parmi les plus grandes bourrasques et tempestes des afflictions? Il n'y aura donq jamais tempeste qui empesche Nostre Seigneur de regner en l'Eglise; car autrement il ne domineroit pas parmi ses ennemis, mays demeureroit sans seigneurie et domination en ce monde.

  A007000838 

 Qui est le siege de David et la mayson de Jacob, sinon ceste Eglise militante? car sans doute ce n'est pas un siege temporel.

  A007000839 

 Quelle fermeté d'assistance! Spiritum veritatis; comme souffriroit il le mensonge? Et en saint Matthieu, 28: Ego vobiscum sum usque ad consummationem sæculi, ou ouvertement il promet son assistance particuliere a l'Eglise, passage lequel a esté entendu anciennement pour la presence de Nostre Seigneur au Saint Sacrement; mais comme que ce soit, Nostre Seigneur monstre qu'il y aura tousjours une vraÿe Eglise, en laquelle il sera; et s'il est avec elle, qui sera contre elle?.

  A007000840 

 Hoc fœdus meum cum eis, id est, Christianis, car auparavant il dict: Et ceux qui sont en l'occident craindront le nom du Seigneur, et ceux [219] qui sont au soleil levant, sa gloire.

  A007000840 

 Mays Isaye faict une solemnelle attestation a ceste verité, c. 59: Cum venerit Redemptor Sion, hoc fœdus meum cum eis, dicit Dominus: Spiritus meus qui est in te, et verba mea quæ posui in ore tuo, non recedent de ore tuo, et de ore seminis tui, et de ore seminis seminis tui, dicit Dominus, amodo et usque in sempiternum.

  A007000840 

 Un seul passage suffira pour tous; c'est en saint Matthieu, 16: Tu es Petrus, etc. Il dict ædificabo; quel architecte! Il dict supra petram; quel fondement! Et portæ inferi, etc.; quelle promesse! L'enfer avec tous ses alliés n'y peuvent rien.

  A007000841 

 Ceste verité est si claire et si puyssante, que Calvin mesme s'en est laissé eschapper la confession, Inst., liv. 4, sur les parolles desja alleguëes, ou il confesse l'assistance perpetuelle avoir esté promise a l'Eglise, y adjoustant une bonne rayson: car, dict il, ce seroit peu que l'Evangile et le Saint Esprit nous eust esté une fois donné, s'il ne demeuroit tousjours avec nous.

  A007000841 

 Il confesse ceste verité icy sans y penser, mays il s'en oublie ailleurs grandement; et la rayson pourquoy il faict l'Eglise invisible, mortelle et errante, c'est celle cy:.

  A007000841 

 Voyes vous la force de la verité, comme il la confesse? Mais voicy que vous me dires: Si Calvin confesse ceste verité, pourquoy la prouves vous si exactement? Je vous respons que le mensonge est inconstant et la doctrine de Calvin aussi.

  A007000842 

 Les autres donques voyant qu'il n'y avoit point d'honneur de dire, ou qu'il n'y avoit point d'Eglise, ou qu'elle estoit invisible, ont dict qu'au tems qu'ilz s'esleverent il n'y avoit plus aucune Eglise, mais que tout estoit apostasie, idolatrie et superstition; qu'elle estoit morte et esteinte, pleine d'erreurs, et que par eux elle a esté resuscitëe: et contre ceux cy, j'ay monstré maintenant que ce feu est inextinguible, car voyes vous pas la consequence?.

  A007000843 

 L'Eglise donq est visible et perpetuelle; mais celle de Calvin n'a point esté veuë ni conneuë devant Calvin; donq l'eglise de Calvin n'est pas la vraye Eglise.

  A007000843 

 Voyci qui les presse de pres, voyci qui ruine tout leur bastiment, voyci qui faict sauter, ruine et sappe la tour de Babel: c'est pourquoy ilz cherchent de tous costés ouverture pour s'eschapper, disant tantost que leur eglise a tousjours esté, et quand on demande ou elle estoit il y a cent ans, ilz disent qu'elle estoit invisible; tantost ilz disent qu'elle n'estoit pas.

  A007000844 

 Davantage, je n'ay pas seulement prouvé que la leur n'est pas la vraye Eglise, mays aussi que c'est la nostre; car il ne se trouve point d'Eglise, de toutes celles qui confessent Jesus Christ, qui aye continué sans interruption, sinon la nostre Catholique Romaine..

  A007000844 

 Voyla qui me faict arrester a prouver contre eux ces [221] verités, lesquelles estant bien certaynes et asseurees, il est bien certain et asseuré aussi que l'eglise des adversaires, qui n'a pas esté visible avant cinquante ou soixante ans, et qui n'a point esté tousjours, n'est pas la vraye Eglise et par consequent que tous ceux qui sont en icelle sont hors de leur salut æternel, s'ilz ne s'amendent.

  A007000845 

 Donques de la consideration de la durëe de ceste Eglise nous devons nous eslever a la durëe de la triomphante, et penser que le Royaume du ciel est eternel; puys, penser combien jusques a present nous avons esté mal advisés d'avoir quitté ce Royaume la auquel nous avons part, pour un rien, pour un petit peché, et qui sommes si lasches de ne point prendre peyne pour avoir ce Paradis qui dure eternellement.

  A007000845 

 Et partant, comme celle-cy est perpetuelle selon la perpetuité de ce monde, l'autre l'est selon la perpetuité de l'autre, c'est a dire, eternelle.

  A007000851 

 A sçavoir mon, si en icelle est le vray et naturel cors de Nostre Seigneur reellement.

  A007000854 

 Comment donques surget spiritale? si c'est un cors, comme spiritale? C'est a dire non plus grossier, corruptible, pesant, sujet aux dimensions.

  A007000855 

 Cecy estant proposé, voicy le gros de nostre difficulté; car nos adversaires veulent dire que nous prenons en la Cene le prætieux Cors de Nostre Seigneur, spirituel, c'est a dire par foy, et en apprehension ou volonté ou intelligence; comme qui diroit: j'ay tousjours mon espoux en mon cœur, l'y auroit spirituellement mays non reellement.

  A007000855 

 Et quand a l'Eglise Catholique, elle tient que Nostre Seigneur est receu reellement et spirituellement, et que comme reellement il entra en la salle les portes fermëes, ainsy entre il dans nostre cors; mays comme il entra en la salle en façon d'esprit, sans ouverture des portes, sans estre veu ni apperceu jusques a tant qu'il fut au milieu des Apostres, ainsy il entre en nous en façon d'esprit sans occuper place, estre veu ni apperceu..

  A007000857 

 Quatriesmement, je vous advise qu'encores que j'use de ce mot de Cene, ce n'est pas pourtant que j'approuve ceste appellation; non pas parce qu'elle n'est pas en l'Escriture, car on se sert de plusieurs motz qui ne sont pas en l'Escriture, mays parce qu'elle est presque contraire, ou præsupposant chose contraire a l'Escriture.

  A007000859 

 Premierement, les tres expresses, tres pures et tres claires parolles de Nostre Seigneur, en saint Jan, 6, ou sont les promesses: Ego sum panis vivus; Qui manducat me; Panis quem ego dabo, caro mea est; Caro mea vere est cibus; Nisi manducaveritis.

  A007000861 

 Caro Christi in sepulchro quid proderat in triduo? et tamen erat; et puys la matiere en est fause, si on l'entend de la chair de Nostre Seigneur: car, si sa robbe guerissoit, que devoit faire sa chair? En fin, il n'y a pas Caro mea non prodest, comme en l'affirmative: Caro mea est pro mundi vita..

  A007000862 

 16; Panis iste, et il est vrayement viande.

  A007000862 

 7: Sed devoravit virga Aaron [226] virgas eorum, id est, serpens qui fuerat virga.

  A007000862 

 Estant homme, la chair: Mot caro factum est.

  A007000862 

 L'esprit de la Divinité: Spiritus est Deus; Joannis, 4.

  A007000862 

 La vie, pour l'ame: Factus est in animam viventem.

  A007000862 

 Mais notés qu'il dict: Ego sum panis vivus; qui manducat me; or, en Nostre Seigneur y est l'esprit, la vie, la chair.

  A007000862 

 Quatriesmement, ilz n'ont pas un seul passage affirmatif, car Spiritus est qui vivificat, donq la chair n'y est pas; comme qui diroit: c'est mon entendement qui discourt ce sermon, donq mon cors n'y est pas.

  A007000862 

 Saint Pol l'apelle pain, mais c'est a dire viande; Ex.

  A007000862 

 « Ascendit ad cœlos » n'est point contraire, car supposé la toute puissance, il ne laisse pas d'estre au Ciel: Dominus noster est in cœlo; omnia quæcumque voluit fecit.

  A007000863 

 Il praefere ceste viande a la manne: or, la manne de soy estoit eccellente et signifioit; que si ce pain n'a autre que signifier il est moins que la manne, car de soy il n'est si excellent.

  A007000864 

 (Col. I. v. 15: Qui est imago Dei. Philip.

  A007000865 

 Si Adam par la communication reale de sa chair nous faict mourir, etc. Et c'est la plus grande gloire de Dieu..

  A007000871 

 Et p nt, le mot est hebreu, Deut.

  A007000873 

 Et c'est cela que je maintiens:.

  A007000875 

 C'est un memorial de sacrifice, et comme les anciens qui figuroyent estoyent vrais sacrifices..

  A007000877 

 5: De quo grandis nobis est sermo..

  A007000879 

 Ratione; nam in omni lege est sacrificium, etiam in simplicissima lege naturæ..

  A007000880 

 Parce que cela est plus a la gloire de Dieu.

  A007000884 

 N'est contrair'a la Croix, ains son application; ni les prestres au sacerdoce de Nostre Seigneur, ains ministres, serviteurs, applicateurs..

  A007000885 

 Malachiae, 1: Non est mihi voluntas in vobis, dicit Dominus exercituum, et munus non suscipiam de manu vestra; ab ortu enim solis usque ad occasum magnum est nomen meum in gentibus, et in omni loco sacrificatur, et offertur nomini meo oblatio munda, quia magnum est nomen meum, etc. Heb.

  A007000886 

 15: Melior est obedientia quam victimæ.

  A007000900 

 Quand un prince tient la prise de quelque ville ou quelque notable victoire asseurëe, vous le voyes a tous propos parler de la bataille, et ne cessons jamais de parler de ce que nous attendons et desirons; ce que sçauroyent bien dire les voyageurs qui, desirans leur arrivëe en quelque ville, ne trouvent personne a qui ilz ne demandent combien le chemin est loin.

  A007000902 

 Ceste Espouse, ames chrestiennes, ou c'est l'Eglise, ou c'est l'ame devote qui est en l'Eglise; et comment que ce soit, par ces paroles qu'elle dict par le sage Salomon, elle monstre que Nostre Seigneur, vray Espoux et de l'ame et de l'Eglise, luy estoit perpetuellement en memoyre, comme le plus aymé de tous les aymés et le plus aymable de tous les aymables.

  A007000902 

 Vous sçaves que l'amitié est ennemie mortelle de l'oubly, dont les Anciens quand ilz la peignoyent, luy mettoyent pour devise sur ses habitz: « Æstas et hyems, procul et prope, mors et vita; » comme si elle n'oublioit ni en prosperité ni en adversité, ni près ni loin, ni en la vie ni en la mort..

  A007000903 

 La chere Espouse donques dict que son Amy luy sera comme un faisceau de myrrhe sur son cœur, pour monstrer qu'elle se resouviendroit [232] a jamais des amertumes de sa Passion douloureuse: Fasciculus myrrhæ, etc. Ce qui est encores dict avec extreme elegance par le prophete royal David, Psal. 44: Myrrha et gutta, et cassia a vestimentis tuis; ex quibus delectaverunt te filiæ regum in honore tuo; car le Prophete parlant au Messie, il luy dict: La myrrhe et la goutte d'icelle, et la casse, c'est a dire l'odeur de ces prætieuses liqueurs, vient de tes vestemens.

  A007000903 

 La myrrhe est tres soüefve a l'odeur, mais son suc est tres amer.

  A007000903 

 Qui sont vestemens du Sauveur, sinon son cors et son ame, comme dict l'Apostre, Philipp., 2: Formam servi accipiens, in similitudinem hominum factus, et habitu inventus ut homo? Et ce cors icy et l'ame mesme ne respirent que l'odeur de myrrhe, c'est a dire de grandes consolations provenantes d'un fondement douloureux, qui est la Passion, lesquelz vestemens viennent des maysons d'ivoire tres pures du Ciel et de la glorieuse Vierge..

  A007000904 

 C'est donq la continuelle odeur que sentent les Saintz et l'Eglise, que la consolation de la Passion.

  A007000904 

 Et c'est ce qu'enseigne saint Pol, Heb., 12: Recogitate eum qui talem sustinuit a peccatoribus adversus semetipsum contradictionem, ut ne fatigemini, animis vestris deficientes; et a quoy luy mesme nous excite: O vos omnes qui transitis per viam, attendite et videte si est dolor sicut dolor meus; ce qui a esmeu l'Eglise, vraye Espouse de Nostre Seigneur, a tascher par tous moyens de maintenir en la memoyre de ses enfans et disciples la Passion de nostre Sauveur et Maistre; et partant, entr'autres, aujourd'huy elle met cest Evangile en avant.

  A007000906 

 La premiere est que l'adversaire soustient qu'il n'en faut point faire, et s'il y en a de faites, les rompre et les gaster.

  A007000907 

 Dites moy, au nom de Dieu, pourquoy ne sera elle aussi utile en signe comme en parole? Et qui ne voit que s'il est utile aux fidelles de leur ramentevoir la Passion de Jesus Christ par paroles, il le sera aussi de la leur representer par signes?.

  A007000907 

 La memoyre de la Passion est utile, comme j'ay dict et diray.

  A007000908 

 Je sçay bien que Calvin et les autres cités chez Marlorat [234] interpretent: « Signum, id est, Filius ipse hominis, » qui tam manifeste parebit ac si edito signo omnium in se oculos convertisset.

  A007000908 

 Nostre Seigneur mesme honnorera sa Croix; pourquoy non nous? Or, qu'il soit vray, en saint Matthieu, 24, il est dict entre les autres signes et prodiges qui arriveront au jour du jugement, que signum apparebit Filii hominis in cœlo.

  A007000912 

 La croix n'avoit point de mal en soy, et fut embrassëe volontairement de Nostre Seigneur, et par icelle il est arrivé a sa gloire et exaltation, comme dict saint Pol, aux Philipp., 2: Humiliavit semetipsum; propter quod, etc..

  A007000912 

 Mais si le signe et l'instrument de la douleur que Nostre Seigneur souffrit est detestable, la douleur mesme et la Passion de Nostre Seigneur le seroit bien davantage.

  A007000912 

 Que la Croix fut dommageable a Nostre Seigneur, donques elle est detestable.

  A007000913 

 Response: Mays si la Passion de Jesus Christ n'est pas seulement un supplice mays un sacrifice, certainement la Croix est non seulement un gibet, mays un autel sur lequel a esté consommé l'œuvre de nostre redemption; et en ceste qualité elle doit estre en veneration a tous les fidelles, sa memoyre leur doit estre recommandable et son signe prætieux.

  A007000915 

 Or, ceste sainte figure est dediëe a Dieu, donques, etc..

  A007000915 

 Premierement, tout ce qui est consacré a Dieu est digne d'estre honnoré.

  A007000916 

 Cest escabeau est le Temple, comme disent les Chaldeens; c'est l'Arche de l'alliance, comme disent les Hebrieux: et comme que ce soit, c'est tousjours pour nous, et on infere de la efficacement, que ceste sainte figure est digne d'estre honnorëe, puysqu'elle est consacrëe a Dieu..

  A007000916 

 Le Psalmiste: In noctibus extollite manus vestras in sancta, id est, Deo dicata; et au Psalme 98: Adorate scabellum pedum ejus, quoniam sanctum est.

  A007000916 

 Pourquoy appelle on le Dimanche saint? Pourquoy l'escabeau des pieds? Exod., 3: Solve calceamenta pedum, locus enim in quo stas, terra sancta est.

  A007000916 

 [2.] Que tout ce qui est dedié a Dieu soit digne d'estre honnoré, on le prouve parce que l'Escriture l'appelle quasi par tout saint.

  A007000917 

 A rayson de tout ce qui est dict cy devant; car si Nostre Seigneur l'a colloquee au ciel, s'il l'a monstree avec de si signalés effectz, n'est ce pas nous la rendre honnorable?.

  A007000918 

 Si donq la Croix est le signe du pouvoir et royaume de Nostre Seigneur, pourquoy, etc. Que si le buysson ou Dieu comparut meritoit ce respect, etc. Si l'Arche d'alliance, comme il est dict Psalm.

  A007000921 

 Parce que ceste veneration est tres ancienne en l'Eglise.

  A007000932 

 En fin, toute leur reprehension contient trois poinctz: premierement, que c'est un attentat du ministere des Anges de dire la Salutation angelique, puysque nous n'en avons pas charge; secondement, que c'est superstition de saluer une absente; tiercement, que c'est une lourdise de penser prier avec ceste sainte Salutation.

  A007000932 

 O les terribles gens que voyla! ilz gaigneroyent mieux de dire tout en un mot que c'est mal faict pource que l'Eglise le commande, laquelle ne faict rien a leur gré..

  A007000933 

 Je laisse a part Aman qui prit a mespris ce que Mardochee ne le saluoit pas; car encores qu'au commencement il voulut estre adoré, si est ce qu'apres il ne se plaint que de ce qu'il ne le saluoit.

  A007000933 

 Je ne m'amuseray pas a vous dire que c'est que salutation, ni moins a vous dire que c'est un office chrestien que de s'entresaluer l'un l'autre.

  A007000933 

 Mays je vous diray bien que ne pas saluer une personne quand on la connoist, est une protestation de mespris, d'indignation et abomination.

  A007000933 

 Or, je dis avec l'Eglise que c'est saintement faict d'honnorer et saluer ceste sainte Vierge, de la saluer du Salut angelique, et que le Salut angelique contient une tres belle et devote orayson.

  A007000933 

 Toute l'Escriture est pleyne de beaux exemples et salutations des Patriarches aux Anges et entr'eux; et par tout, a tous rencontres, la salutation y est cottëe.

  A007000934 

 Si donques Marie n'apporte point que de bonne doctrine, n'ayant jamais rien dict en l'Evangile que saintement, pourquoy nous defendra on de la saluer? Si elle est sainte et la plus sainte, pourquoy ne la saluerons nous? Est ce la doctrine que Nostre Seigneur nous a appris, disant tant de fois: Pax vobis, pax vobis? Et en saint Matthieu, 28, rencontrant les Maries: Avete, leur dict il..

  A007000935 

 : Salutat vos Ecclesia in Babylone coelecta? Ilz diront qu'ilz estoyent præsens par lettre et par messager; mays Nostre Dame est præsente aux Chrestiens, principalement par l'attention.

  A007000935 

 Reg., 5, Giezi dixit Heliseus: Nonne cor meum in præsenti erat quando reversus est homo de curru suo in occursum tui? [242] Et y a du playsir au chap. suivant, de voir comme Helisee dict au roy d'Israël tout ce que le roy de Syrie arrestoit en son cabinet secret.

  A007000936 

 Or, estant ainsy arresté que c'est chose sainte de saluer la Vierge, je vous demande quelle salutation pourroit on trouver plus sainte que celle cy? l'Autheur saint, les parolles saintes.

  A007000952 

 C'est ce grand desir qui apprivoisa l'homme avec son ennemy capital par les [244] artz divinatoires, et qui baille credit a tant de pronostiqueurs Ce fut ce desir qui fit sortir d'Athenes et tant courir ce grand Platon, comme dict saint Hierosme, Epist.

  A007000952 

 C'est un viel axiome entre les philosophes que tout homme desire de sçavoir: « Omnis homo natura scire desiderat, » dict Aristote; en quoy l'esprit humain est si ardent, que l'ennemy ne sceut trouver tentation plus grande pour decevoir nostre premier pere que de luy proposer: Eritis sicut dii, scientes bonum et malum, Vous seres comme des dieux, sçachans le bien et le mal; Genes., 3.

  A007000952 

 Ce fut ce desir qui fit renoncer ces anciens philosophes a leurs commodités corporelles, etc. Et c'est a ce desir naturel de l'homme auquel Nostre Seigneur a esgard aujourd'huy, quand pour consoler ses Apostres de son absence, il leur promet le tressaint Esprit pour leur apprendre toute verité.

  A007000954 

 Ainsy le second peuple ou la seconde mayson, qui est l'Eglise evangelique, n'a qu'une entrëe en son oracle; mays ceste [245] entrëe a deux portes non moins riches que ces anciennes.

  A007000954 

 Mais l'unique entrëe de cest oracle c'est la parolle de Dieu; car nous ne pouvons pas entrer en cest auditoire de Dieu, que ce ne soit per Mot Dei..

  A007000955 

 C'est signe qu'il avoit beaucoup dict de choses quand il dict qu'il en a encor beaucoup a leur dire; et puisque nous n'avons point ces choses-la en escrit, c'est signe qu'il y a beaucoup plus de paroles dites que d'escrites.

  A007000955 

 Cor., 13: Si linguis hominum loquar, etc., charitatem autem non habuero, nihil sum, etc. Voyla donq le moyen d'entrer en l'oracle de la foy chrestienne, c'est d'entendre la parole escrite et la Tradition; et c'est ce que Nostre Seigneur vouloit dire en ces paroles que j'ay prises a interpreter, car il dict: Adhuc habeo.

  A007000955 

 En icelles sont les cherubins, c'est a dire la plenitude de sçavoir; les palmes, la victoire et la force contre les tentations: Virtus enim Dei est ad salutem omni credenti, Rom., 1; Assumite gladium spiritus, quodest Mot Dei, Ephes.

  A007000955 

 Tout y est couvert d'or; ceste couverture sont les œuvres de charité, parce que la foy sans la charité est morte, 1.

  A007000958 

 On me dira qu'il n'est pas necessaire; il suffit qu'il soit utile, comme l'Epistre ad Philemonem.

  A007000958 

 Puys, ou Nostre Seigneur le leur devoit dire pour eux ou pour l'Eglise: si pour l'Eglise, donq nous l'avons encores; si pour eux seulement, donq en l'Evangile tout ce qui est necessaire a un chacun n'y est pas..

  A007000959 

 Cap. 2: Tu ergo, fili mi, confortare in gratia quæ est in Christo Jesu; et quæ audisti a me per multos testes, hæc commenda fidelibus hominibus qui idonei erunt et alios docere.

  A007000961 

 Entre autres choses, il dict qu'en « l'Eglise, comme en un riche depositaire, les Apostres ont conferé tout ce qui est de la verité, ut omnis quicumque velit, sumat ex ea aquam vitæ.

  A007000961 

 Hœc est vitœ introitus; omnes autem reliqui fures sunt et latrones: [oportet devitare illos,] quæ autem sunt Ecclesiæ cum magna diligentia diligere.

  A007000965 

 Quant au II e, je dis les Traditions estre necessaires: [1.] pour authentiquer l'Escriture; car qui nous a dict qu'il y a des Livres canoniques? L'Alcoran dict bien qu'il a esté envoyé du ciel, mais qui le croit? Qui nous a dict l'Evangile de saint Marc, etc., plustost que celuy de [249] saint Thomas et de saint Bartholomé? Pourquoy ne reçoit on l'Epistre qui porte le tiltre ad Laodicenses puysque saint Pol aux Coloss., c. ult., atteste leur avoir escrit, plustost que celle aux Hebrieux? Pourquoy croiray je que l'Evangile de saint Marc est celuy de saint Marc qu'on monstre maintenant?.

  A007000966 

 Calvin, livre premier de son Institution, chap. septiesme, dict que « le Saint Esprit [rend un témoignage secret; »] mais quelle folie! C'est pourquoy saint Basile a eu rayson de dire, lib. De Spiritu Sancto, cap.

  A007000969 

 Nous avons plusieurs articles de foy par la, comme: [1.] que le Baptesme des hæretiques est bon; 2.

  A007000970 

 Ce n'est donques pas merveille si Irenee a dict: « Qui successionem habent ab Apostolis, cum Episcopatus successione charisma veritatis certum secundum placitum Patris acceperunt », [lib.] 4, c. 43; et Nostre Seigneur: Cum autem venerit Spiritus Sanctus, docebit vos omnem veritatem, dequoy l'Eglise a besoin, contra novas hæreses exorientes.

  A007000972 

 IV. Modus cognoscendi petendus est ab Ecclesia generaliter; quae quoniam decrevit aliqua quae in Scripturis explicite non sunt, signum, est esse tradita: 2 ad Tim., 3; Matt., 16.

  A007000973 

 118: Non recte fieri quod universa Ecclesia facit, « insolentissimæ est insaniæ [disputare].

  A007000977 

 Ce qui est explicite est suffisant pour sauver les particuliers, mays non pour l'instruction de tout le cors; ainsy est refuté ce passage qu'on objecte: Hæc scripta sunt ut credatis, etc., et ut credentes vitam habeatis..

  A007000977 

 Que tout ce qui est necessaire a l'Eglise, est contenu en l'Escriture, non explicite, mays bien radicaliter.

  A007000978 

 Ainsy est refuté ce passage, Isa., 29: In vanum colunt me, docentes mandata et doctrinas [252] hominum, et tous les livres qu'on a faict adversus humanas Traditiones..

  A007000979 

 Ainsy: Scriptura est fundamentum et columna fidei; donques, etc..

  A007000980 

 La 2, c'est de les lire.

  A007000989 

 Ce fut le Saint des saintz, ce fut Dieu mesme qui luy apparut, mays en quelle forme? Cumque levasset oculos, apparuerunt ei tres viri; sous l'apparence de troys, Celuy qui est unique Seigneur vint visiter son serviteur.

  A007000989 

 Il est bien dict au commencement du Genese, que Dieu dict: Faciamus hominem ad imaginem et [254] similitudinem nostram, par lesquelles paroles la Trinité de ce Facteur estoit monstrëe; mays jamais l'apparition n'en avoit esté faitte devant Abraham, dont avec merite on a appellé justement Abraham pere des croyans, comme ayant eu une si signalëe revelation de ce mistere fondamental de nostre foy: Apparuit Dominus; « tres vidit, et unum adoravit.

  A007000990 

 C'est ainsy que va et l'histoire et le mystere.

  A007000992 

 C'est l'article fondamental de toute nostre foy chrestienne, que celuy pour la celebration duquel l'Eglise solemnise ceste journëe, a sçavoir la sainte Trinité des Personnes divines.

  A007000992 

 Car encores qu'il semble que ceste sainte Trinité se doive reduire a l'unité de l'essence, d'autant que selon nostre façon d'entendre l'un soit premier que l'autre, si est ce que l'article de l'unité d'un Dieu n'est pas si propre aux Chrestiens que celuy de la Trinité, d'autant que plusieurs ont conneu Dieu et son unité, qui n'estoyent pas Chrestiens.

  A007000992 

 Mays quant a l'article de la tressainte Trinité, il est tellement particulier aux Chrestiens, que mesme le peuple Hebrieu n'en avoit pas pour la pluspart connoissance expresse, [et] que jamais les payens n'y estoyent arrivés: qui occasionne saint Hierosme a s'escrier en l'epistre ad Paulinum « Hoc doctus Plato nescivit, [256] hoc eloquens Demosthenes ignoravit.

  A007000992 

 Voicy donques l'article des articles: « Fides ergo Catholica hæc est, ut unum Deum, » etc..

  A007000992 

 » Sur cest rticle de la Trinité est fondee l'Incarnation, et sur l'Incarnation toute nostre salvation; sur cest article est fondee la mission du Saint Esprit, et sur icelle toute nostre justification.

  A007000993 

 A ceste occasion, Nostre Seigneur premierement, puys son Eglise, en l'administration du Sacrement fondamental qui est le Baptesme, nous met en avant ce saint mystere: In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti.

  A007000993 

 C'est pourquoy l'Eglise, sous le Pape Damase, par l'exhortation de saint Hierosme, institua qu'a la fin de chaque Pseaume on chantast: Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, etc. C'est pourquoy du tems de Charlemagne, s'eslevant plusieurs hæresies contre la sainte Trinité, on dressa ceste sainte feste particuliere pour la protestation de nostre foy.

  A007000994 

 : Numquid ego, qui facio parere alios, non pariam? et qui generationem cæteris tribuo, sterilis ero? Ce Filz est la gloire du Pere, dont il est appellé par saint Pol splendor gloriæ et figura substantiæ ejus..

  A007000994 

 Desja de soy il estoit glorieux, c'estoit toute la perfection divine; mais quoy? Voyci sa gloire: c'est qu'il se voit, il prend connoissance de soy mesme, et s'entendant, engendre son Filz tout esgal a luy mesme: Ex utero ante luciferum genui te (Psalm. 109 ); Hebraice: Ex utero ante auroram tibi ros adolescentiæ tuæ. Isa., ult.

  A007000994 

 Gloria Patri, etc. Je trouve que nous pouvons souhaitter la gloire au Pere, au Filz et au Saint Esprit en deux façons: ou la gloire qui leur est naturelle et essentielle, ou l'exterieure et denominative.

  A007000995 

 Et cest amour supreme qui les lie ainsy l'un a l'autre, procedant du regard qu'ilz ont l'un a l'autre, est une troysiesme Personne divine esgale a eux, consubstantielle a eux, infinie, æternelle et independante comme eux, qui est le Saint Esprit, l'amour et l'unité du Pere et du Filz, et le terme sans terme de leur mutuelle complaysance et des emanations æternelles..

  A007000995 

 Penses quelle gloire a un tres bon pere d'avoir un filz qui luy ressemble parfaittement; mais s'il le ressembloit tant que ce fust un autre luy mesme, ah quelle consolation! J'ay veu des peres qui avoyent quelque vertu, o combien ilz estoyent consolés d'avoir des enfans vertueux, etc. C'est ceste gloire qui [258] merite d'estre celebrëe a jamais: Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, etc.

  A007000996 

 Chantons donques: Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, etc. Je sçay bien que vous n'entendes pas ce mistere, ni moy aussi, mays il me suffit que nous le croyions tant mieux; et ce que j'en ay dict n'est pour autre fin que pour vous le representer davantage, et vous ayder a le croire plus distinctement.

  A007000996 

 Il y a certains exemples qui nous pourroyent ayder a en concevoir quelque chose; mais il y a tant a redire, que, sans nous amuser a autre, nous nous contenterons de sçavoir que c'est la foy catholique « ut unum Deum in Trinitate, et Trinitatem in unitate veneremur.

  A007000997 

 Nous chanterons tousjours Gloria Patri, d'autant plus encores que Calvin et Beze et leurs hæresies, veulent que toutes les trois Personnes ayent leur divinité de soy et non par communication; qui est un blaspheme estrange, car ainsy il n'y auroit ni Filz ni Saint Esprit.

  A007000998 

 L'autre blaspheme, c'est qu'ilz ne veulent recevoir le nom de Trinité; et leur rayson est, d'autant que Trinité ne veut dire que les Personnes; la personne ne veut dire que residence et proprieté; residence et proprieté n'est pas Dieu.

  A007000998 

 O malheur de nostre aage, o vanité, o arrogance de l'esprit humain, qui entreprend de disputer des verités si eslevees par de si foibles raysons! Ce mot de personne, o Calvinistes, signifie bien plus que vous ne dites, et les docteurs sçavent que personne est le suppost d'une nature intelligente, que c'en est le proprietaire et le possesseur; tellement qu'une Personne divine, c'est celuy qui possede et a en propre la nature divine..

  A007000998 

 Outre plus, disent ilz, ce n'est pas bien parler latin.

  A007000999 

 C'est chose digne de deploration de voir leurs blasphemes: Vana loquuti sunt unusquisque ad proximum suum; Linguis suis dolose agebant, judica illos Deus..

  A007000999 

 Et quant a ceste belle objection que ce mot n'est pas latin, ignores vous encores que quand il a pleu a Dieu, en l'exces de son amour, nous descouvrir de nouvelles verités, il a fallu chercher de nouveaux motz pour les exprimer? Ignores vous que les motz sont faictz pour les choses, et non les choses pour les motz, et qu'il se faut bien garder d'assujettir les choses aux parolles, et beaucoup plus de renoncer aux choses les plus saintes et les plus divines pour ne pas rencontrer dans le langage usité parmi les Romains des dictions qui les signifient? Suyvant ceste maxime de vostre eschole, il faudroit encores rejetter le mistere fondamental de nostre salut, [260] l'Incarnation du Verbe æternel, pource que ce mot d'incarnation ne se trouve point dans la pure latinité.

  A007000999 

 O malheureux et infortunés docteurs, qui ayment mieux estre latins que chrestiens! C'est une des ruses du diable, qui, sous couleur de quelque plus grande pureté de latin, tend a nous enlever la creance des premiers et plus importans misteres de nostre sainte religion.

  A007001001 

 C'est lhors que nous procurons que Dieu soit glorifié: Ut videant opera vestra bona et glorificent Patrem vestrum..

  A007001002 

 Et c'est principalement de ceste gloire que nous entendons Gloria Patri, etc., non la luy desirans comme chose absente, mays nous resjouyssans en icelle.

  A007001002 

 Helas, il y en a plusieurs parmi les Chrestiens, qui ressemblent a ces philosophes, sont froidz, [262] lasches, n'affectionnent l'honneur deu a Dieu et a ses amis Or, qui est ainsy disposé ne peut dire Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, etc..

  A007001002 

 Saint Pol se plaint des philosophes gentilz, Rom., I, quia cum Deum cognovissent, non tanquam Deum glorificaverunt, aut gratias egerunt; sed evanuerunt in cogitationibus suis, et obscuratum est insipiens cor eorum.

  A007001003 

 Ceste gloire est exterieure et se peut entendre de deux sortes; car pour tous les biens nous devons rendre gloire au Pere, au Filz et au Saint Esprit, mays particulierement pour la mort de Nostre Seigneur et le benefice de la Redemption, pource que Deus sic dilexit mundum, ut Filium suum unigenitum daret.

  A007001003 

 Donques Gloria Patri qui dedit, et Filio qui datus est, et Spiritui Sancto per quem datus est..

  A007001004 

 9, la ou il monstre pourquoy il l'appelle sa glorification, et en fin conclud: « Gloria Salvatoris est patibulum triumphantis.

  A007001005 

 La memoire morte est le saint signe de la Croix; ce sont les prætieuses reliques des Saintz qui ont souffert en leurs cors, comme dict l'Apostre saint Pol, ce qui reste des souffrances de Jesus Christ.

  A007001005 

 La memoire vivante de la Passion de Jesus Christ est l'Eucharistie: Glorificate, et portate Deum in corpore vestro; Manducaverunt et adoraverunt.

  A007001005 

 Nous devons glorifier Dieu par la Passion de son Filz; or, ceste Passion n'est plus præsente pour rendre gloire a Dieu par icelle, il faut donq [263] recourir a sa memoire.

  A007001012 

 Applica ad montem ex quo excisus est lapis: mons enim Christus est, caput Ecclesiæ; lapis, Petrus..

  A007001012 

 Danielis lapis, deprimens statuant, Christus est et Petrus.

  A007001012 

 Gamaliel: Si ex hominibus est hoc opus, dissolvetu r.

  A007001018 

 Rupella imitatio est diaboli, rupis nimirum Petrinæ; Sanderus..

  A007001020 

 Confirma fratres tuos (non est merum præceptum, sed institutio confirmatoris; ut, Crescite et multiplicamini piscibus, etc.); ne diffiderent et pastor et oves, rogavi ut non deficeret..

  A007001021 

 Proprium hæreticorum est quæ Sedes Romana acquisivit perdere, quæ congregavit dissipare: exempla in Germania..

  A007001022 

 Pro Petro enim rogavit Dominus propter Ecclesiam, cujus virum eum constituebat; vir enim caput mulieris est.

  A007001024 

 Item postea, tempore Mosis; domum David, imo Bethleem, etc. Sic domum Petri tempore Evangelii, in qua expectandus est Christus glorificator, in qua Christus percipiendus.

  A007001029 

 Gamaliel: Si cette œuvre est des hommes, elle se dissipera.

  A007001029 

 L'appliquer à la montagne d'où fut détachée la pierre: la montagne est le Christ, chef de l'Eglise; la pierre, saint Pierre..

  A007001029 

 La pierre de Daniel qui renverse la statue, c'est le Christ et Pierre.

  A007001029 

 Ta tête est comme le Carmel.

  A007001035 

 La Rochelle est une contrefaçon faite par le diable, du rocher de Pierre; Sanders..

  A007001036 

 Les portes de l'enfer ne prévaudront point; c'est pourquoi, malgré la porte fermée, Pierre sortit et se sauva..

  A007001037 

 Confirme tes frères (ce n'est pas un simple précepte, c'est l'institution d'un confirmateur, comme le: Croissez et multipliez-vous dit aux poissons, etc.); pour enlever toute défiance aux pasteurs et aux brebis, j'ai prié afin que ta foi ne défaille pas..

  A007001038 

 Le propre des hérétiques est de perdre ce que le Siège Romain avait acquis, de dissiper ce qu'il avait amassé: exemples en Allemagne..

  A007001039 

 C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme.

  A007001039 

 L'Eglise doit se retourner vers Pierre, comme l'épouse vers l'époux; car le Seigneur a prié pour Pierre en faveur de l'Eglise dont il le constituait l'époux; or, l'époux est le chef de l'épouse.

  A007001041 

 De même plus tard, au temps de Moïse; la maison de David, Bethléem même, etc. Ainsi, au tems de l'Evangile, c'est de la maison de Pierre que l'on doit attendre le Christ glorificateur; c'est en elle qu'on recevra le Christ.

  A007001042 

 [ Mon âme ] s'est assoupie.

  A007001053 

 communicatio sanguinis Christi est? et.

  A007001055 

 participatio corporis Domini est?.

  A007001058 

 Car si on demande: Panis quem frangimus? les separés respondent: Non est, sed figura.

  A007001058 

 Et l'Eglise Catholique, par advis tout contraire, respond: Est; Ego enim accepi a Domino.

  A007001058 

 Mays en tout on trouve deux responses generales, toutes contrayres l'un'a l'autre, en la contrarieté desquelles consiste le principal point du different qui est entre l'Eglise Catholique et ceux qui s'en sont separés.

  A007001058 

 Pendant que tantost l'un tantost l'autre a respondu selon son propre sens et advis, quoy [268] que saint Pol aÿe faict ceste quæstion comm'un'exclamation d'une verité indubitable, bonté de Dieu! quelle dissipation s'est ensuyvie, quelle grande confusion de langages s'est faite parmi le monde.

  A007001058 

 Sur ceste quæstion prise et faite en tout autre sens et façon qu'elle ne fut faicte par ce bienheureux Apostre, s'est fondëe ceste grande Babilone que nous voyons en ce miserable siecle.

  A007001059 

 Cinquiesmement, je monstreray que ce Sacrement est non seulement Sacrement, mays Sacrifice; sixiesmement, je monstreray la convenance, et respondray aux raysons contrayres, et iray poursuyvant selon que Dieu me donnera les moyens..

  A007001063 

 13, belle et tres elegante sur toutes les autres, quand ayant dict que la perfection et plenitude de la loy est la dilection, il rend ceste rayson de son [dire]: Et hoc scientes tempus, quia hora est jam nos de somno surgere; propior est enim nunc salus, quam cum credidimus.

  A007001064 

 il compare les Juifz a des hommes dormans et les autres aux veillans: Il est tems, dict il, que nous levions du sommeil.

  A007001065 

 Considerons donques maintenant qu'est ce que doit estre le Sacrement de l'Eucharistie, la Cene, en l'Eglise de Jesuchrist.

  A007001065 

 De tout cecy je tire consequence que les figures de l'Ancien Testament ne doyvent rien approcher de l'excellence de ce qui nous est donné en leur lieu au Nouveau, nomplus que l'homme dormant au pris du veillant, croire et jouir, la nuict et le jour, l'ombre et le cors, la figure et la chose figurëe.

  A007001066 

 Et saint Jan l'apelle Agnus Dei. Maintenant voyons son excellence avec celle du pain, si le pain seul y est.

  A007001066 

 Paul, I. Cor. 5: Etenim Pascha nostrum immolatus est Christus. Paschalis non modo immolabatur, sed etiam manducabatur; Ex.

  A007001066 

 Substantia; ut clarum est.

  A007001066 

 c'est l'aigneau paschal; Mat.

  A007001067 

 Et quoy donq, feres vous les misteres plus grans de l'Ancien que du Nouveau? Si la Cene n'est qu'une signification, ell'est beaucoup moindre que ceste figure.

  A007001068 

 Ell'est figure de l'Eucharistie; Jo. 6: Patres vestri manducaverunt manna.

  A007001068 

 Or, monstres moy quand ce pain a esté sur la croix sil n'est que figure..

  A007001068 

 Ou [272] l'Eucharistie donq est plus qu'une repræsentation, etc. Mays regardons un peu de plus pres.

  A007001068 

 figure est celle du man ou de la manne; Ex.

  A007001069 

 8; ou il est dict que Dieu ordonna deux sortes de sacrifices: l'un, veau, se bruloit hors la ville, hors les tentes, et cestuy ci est accompli en la Passion; l'autre, aigneau, se mangeoit en la ville.

  A007001069 

 Ou est il accompli sinon en l'Eucharistie? Il se mangeoit avec le pain sans levain..

  A007001087 

 Aux Rom. 15, est cité une partie de ce passage, comme appartenant a Nostre Seigneur.

  A007001115 

 La fin vient, elle vient la fin; elle s'est avancée contre toi; voici qu'elle vient; je te châtierai selon l'iniquité de tes voies, et tu sauras que je suis le Seigneur qui frappe.

  A007001120 

 Nunc ergo, filii, audite me: Beati qui vigilant ad fores meas; Sapientia, de Maria, quæ est porta clausa.

  A007001124 

 Ce n'est l'exhibition, Mat.

  A007001125 

 Mays, soli Petro dictum est: Pasce oves meas. 1.

  A007001125 

 Simon Joannis, amas me? Contristatus est Petrus quia dixit ei tertio: Amas me? Et dixit et: Domine, tu omnia scis, tu scis quia amo te.

  A007001126 

 Contristatus est Petrus, ex Chrysostomo, quia metuebat ne id accideret quod accidit cum dixit: Etiamsi opportuerit, etc.

  A007001127 

 Pasce, id est, rege; patet.

  A007001128 

 Agnos meos bis dictum est, ob duplicem [282] populum; oves meas ob pastores, vel, ut Bern., l. 2 de Consid., ob cæteros Apostolos.

  A007001130 

 5: Pascite gregem qui in vobis est; ergo transtulit authoritatem.

  A007001130 

 Unum est; pascendi sub se et peculiares populi..

  A007001142 

 2: Gratias agimus Deo sine intermissione, quoniam cum accepissetis a nobis Mot auditus Dei, accepistis illud, non ut Mot hominum, sed sicuti est vere, Mot Dei qui operatur in vobis qui credidistis.

  A007001143 

 Eph 6: Gladium spiritus, quod est Mot Dei.

  A007001146 

 53: Sicut ovis ad occisionem ductus est.

  A007001146 

 Labia sacerdotis custodient scientiam, et legem requirent de ore ejus; quia angelus Domini exercituum est; Mal.

  A007001146 

 « Sola Scripturarum ars est, quam sibi passim omnes vendicant:.

  A007001162 

 Calix befiedictionis eut benedicimus, nonne communicatio sanguinis Christi est? et panis quem frangimus, nonne participatio corporis Christi est? 1.

  A007001163 

 Huic quæstioni ex adverso respondent Ubiquiditæ et Calvinitæ; unus enim esurit, alius autem ebrius est.

  A007001163 

 Illius ratio una est, quia Christus ita dixit..

  A007001164 

 Ubiquiditæ similes sunt rebelli populo Israel, qui dicebat: Anima nostra arida est, nihil aliud respiciunt oculi nostri nisi man; Nu.

  A007001166 

 Ergo caro est in Eucharistia; sed non sola, sed cum sanguine, cum anima viva et vivifica, et cum Divinitate.

  A007001173 

 Le calice de bénédiction que nous bénissons, n'est-il pas la communication du sang du Christ? et le pain que nous rompons, n'est-il pas la participation au corps du Christ? Saint Paul ne parle pas de participation par la foi, car en soi le pain n'est rien, mais il dit que le pain est la participation..

  A007001174 

 A cette question les Ubiquitaires et les Calvinistes répondent d'une manière opposée; car l'un a faim, et l'autre est ivre.

  A007001175 

 Les Ubiquitaires ressemblent au peuple d'Israël révolté qui disait: Notre âme est languissante, nos yeux ne voient plus que la manne.

  A007001176 

 Et d'abord, il est réellement présent dans l'Eucharistie, mais d'une manière spirituelle.

  A007001176 

 Pour les Catholiques, le Christ comme homme est réellement présent, non pas partout, mais dans son Sacrement, dans le Ciel et où il lui plaît.

  A007001177 

 Le corps de Jésus-Christ est donc dans l'Eucharistie, et non seulement son corps, mais encore son sang, son âme vivante et vivifiante et sa divinité.

  A007001180 

 La chair ne sert de rien, c'est vrai; le fer non plus ne brûle pas, néanmoins quand il est incandescent, il brûle.

  A007001189 

 Addit Rupertus notabile dictum: « Voluit dæmon similis esse Deo, » id ei non successit; « nunc vult Deum sibi similem fieri, id est, mendacem.

  A007001189 

 De Trinit., c. 7 et 8: « Derisor est serpens et dubia respondet, ut cum Dei veritas impleta fuerit nihilominus ipse veracem se esse confirmet.

  A007001189 

 Expeto sententiam clare proponi; mos enim diaboli est uti ambagibus.

  A007001189 

 Qui autem [289] sophistice loquitur, odibilis est Deo.

  A007001190 

 Est præsens per fidem, per figuram, etc.: et cum urgeas præsentem esse, illorum opinione non præsentem esse comperies.

  A007001191 

 Caro mea vere est cibus.

  A007001191 

 Hæc autem, Spiritus est qui vivificat, verba quæ ego [290] loquor, etc,, non repugnant; nam non sunt contradictoria nec contraria.

  A007001191 

 Sed spiritus, spirituale, vita, vitale, Sacramentum, sacramentale realitati corporum non repugnant, imo cohærent: ex quo vita erat lux hominum, et spiritus, qui est Deus Mot, caro factum est.

  A007001191 

 disertis Scripturæ verbis: Hoc est corpus meum quod pro vobis traditur.

  A007001192 

 16: Cavete a fermento Pharisæorum, quod est hipochrisis.

  A007001192 

 1: Adimpleo quæ desunt passionum Christi pro corpore ejus, quod est Ecclesia: quod est Ecclesia determinat hic; non aliter determinat quam quod pro vobis datur.

  A007001193 

 Confirmatur 2°, quia ter Christus hac de re locutus legitur: promittendo disertis verbis (sed ea verba expendemus die Dominico); dando in ultima Cæna; cathechizando Paulum: Novissime autem et mihi tanquam abortivo; non tamen id temporis eum Dominus docuit, sed cum raptus est usque ad tertium cœlum.

  A007001193 

 Unde et emphatica est illa propositio Pauli: Ego enim accepi a Domino..

  A007001198 

 Ex comparatione quam facit inter manna et carnem suam: Patres vestri manducaverunt manna in deserto, et mortui sunt; hic est panis de cœlo descendens, ut si quis ex ipso manducaverit, non moriatur.

  A007001198 

 Quis est hic panis? Ego sum panis vivus, qui de cœlo descendi.

  A007001198 

 Si quis, etc. Sed, quis hic panis? Panis quem ego dabo, caro mea est, etc. Bis hanc comparationem repetit..

  A007001199 

 Quia Hic panis est de cœlo descendens; non autem Moises dedit vobis panem de cœlo verum: panem cœli dedit eis, sed non de cœlo verum, apparenter tantum de cœlo; hic de cœlo verum. 2°.

  A007001201 

 Ego vivo propter Patrem quia ejus substantiam habeo; ergo, eodem modo, etc. Comparatio est inter misterium Trinitatis, et Incarnationis et Eucharistiæ..

  A007001202 

 Omnis controversiæ finis est juramentum; Heb.

  A007001203 

 Caro mea vere est cibus, et sanguis meus vere [294] est potus.

  A007001203 

 Hic est vere propheta.

  A007001205 

 Sed objiciunt: Spiritus, etc. Huic objectioni ut respondeamus, breviter declarandus modus quo Christus est in Eucharistia et sumitur.

  A007001206 

 : Dilectus meus inter ubera mea commorabitur; et id per actionem intellectus et memoriam; nam amor facit extasim et egreditur, fertur; anima magis est ubi amat, etc.; et hoc modo Christus adest omnibus credentibus, ubicumque credant et quicquid comedant.

  A007001209 

 Optabam enim, etc., pro fratribus meis, qui sunt cognati secundum carnem; qui sunt Israelitæ, quorum adoptio est filiorum, et gloria, [et] testamentum.

  A007001209 

 Veritatem dico in Christo Jesu, non mentior, testimonium mihi perhibente conscientia mea in Spiritu Sancto, quoniam tristitia mihi magna est, et continuus dolor cordi meo.

  A007001213 

 Je réclame [de nos adversaires] un exposé net de leur opinion; c'est la coutume du démon de se servir d'ambages.

  A007001213 

 Rupert ajoute ces remarquables paroles: « Le démon a voulu être semblable à Dieu, » il n'y a pas réussi; « maintenant, il veut rendre Dieu semblable à lui, c'est-à-dire menteur.

  A007001213 

 Rupert dit très bien (liv. III de la Trinité, chap. VII et VIII): « Le serpent est moqueur: ses réponses sont vagues, ce qui lui permet de soutenir qu'il a dit vrai alors même que la parole de Dieu s'est accomplie.

  A007001213 

 Vos yeux seront ouverts, c'est-à-dire: vous connaîtrez toutes choses, ou simplement votre honte et la pudeur.

  A007001214 

 Il est présent par la foi, en figure, etc.: et pendant que vous insistez sur sa présence, vous vous apercevez qu'ils nient positivement cette présence.

  A007001214 

 Or, c'est toujours par de purs sophismes que nos adversaires traitent de ce mystère.

  A007001215 

 Ainsi: La vie était la lumière des hommes, et cet esprit, qui est Dieu le Verbe, s'est fait chair.

  A007001215 

 Ce passage: La chair ne sert de rien, ne prouve rien, pas plus que cet autre: Ni la chair, ni le sang ne posséderont le royaume de Dieu. Quant à ces mots: C'est l'esprit qui vivifie, les paroles que je dis, etc., ils ne répugnent pas au [290] sens des textes cités, car ils ne leur sont ni contradictoires ni contraires.

  A007001215 

 Il est étrange de voir des hommes qui en appellent constamment aux Ecritures se tromper parce qu'ils ne connaissent ni les Ecritures ni la puissance de Dieu..

  A007001215 

 Ma chair est vraiment nourriture.

  A007001215 

 par les paroles expresses de l'Ecriture: Ceci est mon corps qui est livré pour vous.

  A007001216 

 Gardez-vous du levain des Pharisiens, qui est l'hypocrisie.

  A007001216 

 Je suis la vraie vigne; comme le sarment, etc. J'accomplis ce qui manque aux souffrances du Christ pour son corps qui est l'Eglise; qui est l'Eglise est une incidente déterminative employée dans un sens identique à: qui est donné pour vous.

  A007001216 

 Notre interprétation est confirmée: [1.] par le fait que les quatre Evangélistes exposent ce dogme de la même manière, sans rien ajouter qui nous oblige à le comprendre autrement, ce qu'ils ne manquent pas de faire lorsqu'il y a lieu: Détruisez ce temple; mais il disait cela du temple de son corps.

  A007001221 

 Jésus-Christ marche habituellement pas à pas, Pour montrer à la Vierge que rien n'est impossible à Dieu, il lai donne l'exemple de la femme stérile; pour prouver son pouvoir de remettre les péchés, il guérit les maladies du corps; et ainsi des autres.

  A007001222 

 Quel est ce pain? Je suis le pain vivant qui suis descendu du ciel.

  A007001222 

 Si quelqu'un, etc. Mais quel est ce pain? Le pain que je donnerai c'est ma chair, etc.

  A007001223 

 La manne était une nourriture sans vie, elle ne la donnait donc pas; aussi mouraient-ils; cette nourriture-ci est vivante et donne la vie..

  A007001224 

 Or la forme est bien inférieure; quant à la substance, elle n'est en rien supérieure si elle n'est pas le vrai corps de Jésus-Christ; car le corps du Christ en figure, par la foi et dans ses effets, les anciens le recevaient autant qu'il était nécessaire pour obtenir la vie éternelle: Tous mangeaient la même nourriture spirituelle, etc. Or, ils buvaient l'eau [de la pierre] qui les suivait, etc..

  A007001225 

 Je vis par mon Père, parce que j'ai sa substance; donc, de la même manière, etc. C'est une comparaison entre les mystères de la Trinité, de l'Incarnation et de l'Eucharistie..

  A007001226 

 Le serment est la conclusion de toute la discussion. C'est le même Dieu qui fit serment à Abraham, à David, etc. Or, les paroles que l'on confirme par un serment doivent être claires et conformes au sens qu'y attachent ceux qui interrogent, s'ils ont le droit d'interroger; et les disciples avaient ce droit.

  A007001227 

 Celui-ci est vraiment prophète.

  A007001227 

 Ma chair est vraiment nourriture et mon sang est vraiment breuvage. [294] Le Seigneur est vraiment ressuscité.

  A007001229 

 Mais on objecte: L'esprit, etc. Pour répondre à cette objection nous devons, en peu de mots, déclarer de quelle manière le Christ est présent dans l'Eucharistie et se donne à nous.

  A007001230 

 Cette présence est produite par l'action de l'intellect et de la mémoire; car l'amour fait l'extase, il sort de soi-même, il est transporté: l'âme est plutôt où elle aime, etc. Et c'est le mode de présence de Jésus-Christ chez tous les croyants, en quelque lieu qu'ils croient, quelle que soit leur nourriture.

  A007001231 

 Dans l'Incarnation, quelques-uns prétendaient que le Verbe s'était changé en chair; Athanase les condamna par ces mots: « [Le Christ] est un, non par une confusion de substances, mais par une unité de personne.

  A007001232 

 De là, une mesure [est nécessaire]..

  A007001246 

 Anima neque flet, neque net, tamen anima, etc. Spiritus est qui vivificat, sed non vivificat nisi carne.

  A007001247 

 Hebreis vero nomen generale est, ut: Non in solo pane vivit homo, etc.

  A007001247 

 Itaque omnibus de causis verissime panis est..

  A007001247 

 Qua ergo ratione appellaverat panem? Respondeo panem significare res specie differentes et substantia omnino, itaque nomen est genericum apud omnes; et potius significare res convenientes forma et fine, quam materia.

  A007001247 

 Unde: hic vere est panis, quia in pane duo sunt, materia et forma; materia nihil est necesse esse eadem, ut qui dicit sirop, collire, potage, [299] medecine.

  A007001252 

 On est invité à la Cène chrétienne parce que tout est prêt et que la nourriture est exquise.

  A007001253 

 Nous ne pouvons rien apprendre au sujet du Sacrement de l'Eucharistie, si ce n'est de la parole de Dieu.

  A007001255 

 Il est étonnant que de toutes les interprétations, ils n'aient trouvé que celle qui est un tissu de blasphèmes.

  A007001255 

 Jésus confirme son assertion lorsqu'il dit: Mais il y en a parmi vous qui ne croient point, c'est-à-dire qui ne croient pas que cette chair est pleine d'esprit..

  A007001255 

 L'âme ne pleure pas, ne file pas, c'est pourtant l'âme, etc. C'est l'esprit qui vivifie, mais il ne vivifie que par la chair.

  A007001255 

 [1.] N'est-ce pas d'une manière toute spéciale que, dans l'Eucharistie, nous mangeons le corps du Christ, la chair du Christ? Tous l'avouent.

  A007001256 

 C'est donc, d'après l'usage universel, un mot générique; il indique des choses qui se ressemblent par leur forme et leur destination plutôt que par la matière.

  A007001256 

 Chez les Hébreux, d'ailleurs, pain est un terme générique; ainsi: L'homme ne vit pas seulement de pain, etc. De même, la manne est appelée pain.

  A007001256 

 Dans le pain, en effet, il y a deux éléments: la matière et la forme; il n'est nullement nécessaire que la matière soit toujours la même; c'est comme [299] si on disait: sirop, collyre, potage, médecine.

  A007001256 

 De là: ceci est vraiment du pain.

  A007001256 

 Donc, pour toutes ces causes, le mot pain est très exact..

  A007001256 

 Nos adversaires objectent que l'Eucharistie est appelée pain, et surtout par saint Paul, etc. Je réponds, 1.

  A007001257 

 Les Chrétiens sont, semblables aux cerfs, quand leur nourriture n'est pas fraîche.

  A007001269 

 Bis Christus docuit institutionis ritum, ut ego observare soleo: primo, instituendo, quod Evangelistæ narrant; 2°, instruendo Paulum postquam assumptus est in Coelum: Ego enim accepi a Domino.

  A007001276 

 Tirer l'exorde de la réception faite à Dieu en la personne des Anges, par Abraham qui lui dit dans la vallée de Mambré: Seigneur, si j'ai trouvé grâce, etc. ne poursuis pas ta route sans t'arrêter auprès de ton serviteur; j'apporterai un peu d'eau pour laver vos pieds, et vous vous reposerez sous l'arbre; je vous servirai aussi un peu de pain, et vous reprendrez vos forces, puis vous poursuivrez votre route; car c'est pour cela que vous êtes venus vers votre serviteur.

  A007001277 

 Cette scène est une admirable figure du banquet Eucharistique.

  A007001277 

 Ici, les rôles sont changés, et c'est le Seigneur qui sert les hommes, etc. Mais comment nous exprimerons-nous? [301].

  A007001278 

 Mais la figure la plus exacte est.

  A007001278 

 l'agneau pascal: immolé à Dieu, il est mangé par le père de famille et les autres convives.

  A007001279 

 Et pour procéder avec ordre, nous établirons de nouveau que Jésus-Christ est bien réellement présent sous les espèces du pain et du vin.

  A007001287 

 Exempli gratia: agnus est phase, petra est Christus, septem boves sunt septem anni; non autem dicitur: Panis est corpus meum, sed: Hoc est corpus meum.

  A007001287 

 Hoc est.

  A007001287 

 Illa autem propositio: Panis quem ego dabo, caro mea est, resolvitur in hanc: Caro mea est panis ille quem ego dabo; id enim exigit Mot est, præsentis temporis, collatum cum verbo dabo, futuri..

  A007001288 

 Hoc est corpus; hoc demonstrat corpus.

  A007001288 

 Hoc quid significabat? Non corpus, nondum enim erat in Sacramento; ergo panem, ergo panis est corpus Christi.

  A007001291 

 Frangite panem qui est medicamentum immortalitatis, antidotum non moriendi sed vivendi per Jesum Christum in Deo.

  A007001302 

 Ceci est. Par exemple: l'agneau est le passage; la pierre est le Christ; les sept bœufs ce sont les sept années; il n'est pas dit: le pain est mon corps, mais: Ceci est mon corps.

  A007001302 

 Or, cette proposition: Le pain que je donnerai c'est ma chair, peut se retourner en celle-ci: Ma chair est ce pain que je donnerai, le présent est, rapproché du futur je donnerai, réclame ce sens..

  A007001303 

 Ceci est le corps; ceci indique le corps.

  A007001303 

 De même que Jésus-Christ en parlant, ne s'est pas arrêté au mot ceci, ainsi, pour comprendre, nous ne devons pas nous arrêter à ce mot..

  A007001303 

 Les termes n'ont un sens que lorsque la proposition est achevée, surtout s'ils sont vagues et indéterminés; de même, lorsqu'ils sont généraux, si on leur attribue une signification particulière.

  A007001303 

 Que signifiait ceci? Non pas le corps, il n'était pas encore dans le Sacrement, il indiquait donc le pain; donc, le pain est le corps du Christ.

  A007001311 

 Saint Cyprien: C'est un aliment pour la foi.

  A007001317 

 Semen est Mot Dei..

  A007001320 

 Combien donques est il important que la terre soit bien disposëe a recevoir ceste sainte semence..

  A007001320 

 O rare et admirable semence, semence tirëe du Ciel, jettëe en terre, montant au Ciel; semence laquelle d'elle mesme produit le fruict æternel, mays semence delicate, laquelle si elle n'est receuë en une bonne terre, ne fructifie en aucune façon, mays [laisse] d'autant plus abominable le terroir, qu'elle est admirable et prætieuse.

  A007001320 

 Semen est Mot Dei.

  A007001321 

 Il verroit que c'est Nostre Seigneur: [306] Exit qui seminat seminare semen suum.

  A007001321 

 Je m'efforceray de traitter de cecy; mays il faut que ce soit Dieu, parce que c'est semen suum, etc..

  A007001321 

 La semence est la parole de Dieu; le fruict c'est la foy, l'esperance, la charité et le salut; la terre c'est nostre cœur.

  A007001321 

 O comment est ce que se disposeroit ce cœur, ceste terre, s'il consideroit qui est celuy qui seme, exit qui seminat.

  A007001321 

 S'il consideroit a quelle intention, il verroit que c'est affin que fructum afferamus in patientia.

  A007001321 

 S'il consideroit qui est celuy qui reçoit ceste semence, il verroit que c'est un cœur qui n'est que terra, pulvis, cinis; le semeur le mettroit en attention, la terre en humilité l'intention du semeur en action.

  A007001323 

 Ainsy vous diray-je au commencement, que semen est Mot Dei.

  A007001323 

 Ce n'estoit donques pas de l'Escriture de laquelle il dict Semen est Mot Dei.

  A007001323 

 Outre ce, ne confesseront ilz pas que le semeur en ceste parabole est Nostre Seigneur? Mays ou trouveront ilz que Nostre Seigneur aÿe jamais escrit [307] l'Evangile? Quand donques il dict Semen est Mot Dei, il entend de la parole non escritte, mais preschëe..

  A007001323 

 Que si elle est escritte, ce n'a pas esté pour abolir la prædication, mais plustost pour l'accommoder et enrichir; contre ceste sotte façon de parler de plusieurs qui disent qu'il ne faut rien croire qui ne soit escrit, et que l'Escriture suffit sans autre parole de Dieu; que chacun la peut entendre et y doit chercher la resolution de sa foy.

  A007001323 

 Semen est Mot Dei.

  A007001328 

 Que si on ne peut entendre sans ouyr, et que cest ouyr soit necessaire au salut, avec combien d'attention [308] faut il escouter la parole qui n'est pas parole humaine, mais parole de Dieu.

  A007001329 

 Semen est Mot Dei; et comme la semence entre en la terre et ne demeure pas sur terre, ainsy faut il que la parole de Dieu, etc. Audiam quid loquatur in me Dominus Deus; Ps.

  A007001332 

 Multifariam multisque modis olim Deus loquens patribus in Prophetis, novissime diebus istis loquutus est nobis hominibus peccatoribus in Filio..

  A007001332 

 Quid est homo quia reputas eum? etc. Et cum hominibus conversatus est.

  A007001333 

 La semence fructifie plus es vallëes qu'es montaignes; ainsy est elle comparëe a la pluÿe, laquelle se ramasse et descend es vallëes.

  A007001333 

 Luc., 10: Maria etiam sedens secus pedes Domini audiebat Mot illius, parce que semen est Mot Dei.

  A007001334 

 Eccl., 1: Fons sapientiæ Mot Dei; at qui de fonte vult haurire, inclinet se necesse est.

  A007001346 

 Encores que tant au ciel qu'en la terre Dieu soit tousjours par une parfaitte præsence en tous lieux comme il dict par Hierem., 23: Cœlum et terrain ego impleo, et ce que saint Pol dict, Act., 17: Non longe abest ab unoquoque nostrum; in ipso enim vivimus movemur et sumus, si est-ce neantmoins qu'il y a certains lieux lesquelz luy estant consacrés, sont appellés mayson de Dieu, habitation, lieu, temple, tabernacle, non pas pour ce qu'il soit plus la qu'ailleurs (parlant de Dieu en sa divinité), mays pour ce que la il confere particulierement ses graces et benedictions, et la il faict plus de demonstration de sa gloire..

  A007001347 

 C'est l'Eglise qui chante tous les jours: « Pleni sunt cœli et terra majestatis gloriæ tuæ.

  A007001347 

 Mays ce sont pures impostures, et en cest endroit comme par tout, ilz voudroyent faire accroire que leur Mere est folle, affin de se soustraire de son obeyssance.

  A007001347 

 Nous sçavons bien que Dieu est par tout, et que prope est invocantibus eum ou que ce soit; neantmoins nous sçavons bien aussi qu'il assiste particulierement aux lieux qui luy sont dediés, y respandant plus liberalement ses graces, estant de son bon playsir que la il soit adoré..

  A007001347 

 [312] C'est de l'Eglise que vous aves appris, huguenotz, ce que vous sçaves, si vous en sçaves quelque chose, de l'incomprehensibilité et immensité de Dieu.

  A007001347 

 » C'est elle qui chante: Si ascendero in cœlum, tu illic es; si descendero in infernum, actes; Ps.

  A007001347 

 » C'est l'Eglise qui nous faict dire: « Deus qui invisibiliter omnia contines.

  A007001348 

 C'est pourquoy il l'appelle sa mayson: Domus mea, domus orationis, etc.; Matt., 21.

  A007001348 

 Voyes-vous comme le lieu est determiné; car si c'estoit tout un, pourquoy diroit on in loco isto? Et en Exode, 25: Loquar inde tecum in medio cherubim.

  A007001349 

 Aussi en certains lieux nous faict il des benefices plus qu'es autres, Dieu est en tous lieux, Dieu est en tous tems; il y a certains tems qui luy sont sacrés et esquelz il veut estre particulierement honnoré; pourquoy n'y aura il aussi certains lieux? C'est comme nostre ame, qui estant par tout le cors, neantmoins est dite estre au cœur ou au cerveau; ainsy Nostre Seigneur est particulierement aux cieux pour ce qu'il y descouvre sa gloire, et es eglises pour ce qu'il y communique particulierement ses graces.

  A007001349 

 Et pourquoy donques y a il des jours qui sont appellés saintz, consacrés, dediés, et qui s'appellent jours de Dieu, jours du Seigneur? Dieu est il plus en ces jours la qu'es autres? Non [313] veritablement.

  A007001349 

 Pourquoy donques sont ilz plustost appelés jours de Dieu que les autres? Ah, me dires vous, parce que Dieu se les est reservés.

  A007001349 

 Si pour ce que Dieu est en tous lieux il n'a point de lieu qui luy soit plus sacré l'un que l'autre, dites moy, pourquoy ferons nous aucunes festes? car s'il est en tous lieux, aussi est il en tous tems.

  A007001349 

 Vere locus iste sanctus est, et ego nesciebam; terra sancta est.

  A007001350 

 D'icy est venue la reverence grande que de tout tems les fidelles ont porté aux eglises, et que Nostre Seigneur a enseignëe, disant: Domus mea, etc. David: Dilexi decorem domus tuæ.

  A007001350 

 Mais c'est une regle generale que voyant l'Escriture affermer une chose d'un costé et la nier de l'autre, on ne doit pas entendre la negation absolument, mays seulement avec quelque condition; ainsy quand il nie estre au temple, cela s'entend y estre comme des choses creëes, lesquelles sont tellement en un lieu qu'elles ne sont pas en l'autre.

  A007001350 

 Mays sur tout les Chrestiens y doivent avoir une plus grande reverence que les autres; car si les Juifz portoyent tant d'honneur a leur Temple dans lequel on ne sacrifioit que des animaux, quelle reverence doivent avoir les Chrestiens lesquelz sçavent que l'eglise est le lieu auquel est sacrifié Jesus Christ, ou le cors de Nostre Seigneur est reservé, si que nous pouvons bien dire ce que le bon homme Jacob disoit quand Dieu luy eut faict part de ses merveilles: Vere Dominus est in loco isto; Gen., 28..

  A007001350 

 Quand il afferme qu'il est en certains lieux, cela s'entend par communication de ses graces.

  A007001350 

 [314] En fin, est in templo non inclusus, extra templum non exclusus.

  A007001351 

 Et c'est ce de quoy il me semble que nostre Mere l'Eglise nous veuille principalement donner advis, lhors qu'en l'Evangile elle nous propose un grand effect de la præsence de Nostre Seigneur en quelque lieu, par l'exemple de ce qui se fit en la personne de Zachee.

  A007001352 

 Zachee donques s'appercevant que Nostre Seigneur estoit entré en la ville, a cause du grand peuple qu'il voyoit se presser pour rapprocher, voyant qu'il ne le pouvoit voir parmi la presse, estant petit homme, il s'encourt devant, et monte sur un arbre de figue folle. Il n'est pas comme plusieurs qui pour les choses de Dieu ne remueroyent pas les pieds; mays il est ardent de ne pas laisser perdre ceste commodité.

  A007001353 

 C'est icy ou il nous faut apprendre nostre leçon; car il y en a plusieurs qui voudroyent bien se ranger a servir Dieu, mays ilz y vont si laschement, que pour cela seul ilz sont reprehensibles.

  A007001353 

 Ilz font comme ces gens des Proverbes, 1: Pedes eorum ad malum currunt; mais a bien faire, ilz font comme ces invités, avec un monde d'excuses; ilz font comme ces vierges folles: Date nobis de oleo vestro, quand ilz sentent venir l'Espoux; mays, helas, c'est trop tard..

  A007001353 

 Qui est ce qui ne juge devoir servir Dieu, et qui est ce d'entre les Chrestiens qui, [316] sçachant les grandes recompenses que Dieu donne a ses serviteurs, ne desire le servir? Mais quoy, ilz perdent tout le merite en ce qu'ilz retardent trop, et font comme l'Espouse es Cantiques, laquelle sentant son Espoux a la porte, fit difficulté de se lever pour luy ouvrir; apres, elle voulut luy ouvrir, mays il ne s'y trouva plus; elle le chercha, et ne le trouva plus.

  A007001354 

 Advisé donques est Zachee qui tout inconti nent vient pour recevoir Nostre Seigneur, qui luy donne une si grande contrition, qu'il rend quattre fois autant qu'il a desrobbé et donne la moitié de ses biens aux pauvres; dont Nostre Seigneur l'appelle filz d'Abraham pour sa foy et pour sa salvation future, et prononce qu'il a faict la salvation de ceste mayson..

  A007001354 

 Ainsy trop tard est il de penser bien faire quand le tems de la mort est venu, quand le soleil est couché pour nous sans jamais se relever.

  A007001354 

 C'est bien ce que dict le Sage aux Proverbes, 28: Viri mali non cogitant judicium.

  A007001354 

 Trop tard va on au medecin quand on est mort.

  A007001356 

 Et comme Is., 28: Erit eis Mot Dei: Manda et remanda, etc. Psal. 75: Dormierunt somnum suum omnes viri divitiarum, et nihil invenerunt in manibus suis, si 'est peut estre (Thren., 1 ) sordes ejus in pedibus ejus, nec recordata est finis sui.

  A007001356 

 Ne soyes pas comme ceux ci desquelz il est dict: Furor eorum secundum similitudinem serpentis, sicut aspidis surdæ et obturantis aures suas; Psal.

  A007001361 

 Caro mea vere est cibus..

  A007001364 

 C'est son object, disent les peripateticiens; c'est sa viande, disent les platoniciens; c'est sa perfection, disent ilz tous ensemble, avec nos sacrés theologiens.

  A007001364 

 Elle est plus desirable que l'or et le topaze, plus douce que le sucre et le miel, elle resjouït l'esprit et esclaire les yeux, comme chante David..

  A007001364 

 La verité est si belle et si excellente en elle mesme, qu'estant clairement et naïfvement mise a la veuë de nostre entendement, il n'est pas possible qu'il ne l'embrasse avec un amour et playsir extreme.

  A007001364 

 Que si cela se peut dire de toute sorte de verité, combien plus, je vous supplie, mes chers Freres, de la verité qui est la premiere et la plus excellente de toutes, je dis de la verité chrestienne, au prix de laquelle toutes les autres verités ne sont presque pas tant verités que vanités; « verité plus belle que ne fut onques ceste fameuse Helene, » pour la beauté de laquelle moururent tant de Grecz et de Troyens, dict saint Augustin, puysque pour l'amour d'icelle sont mortz infiniment plus de gens d'honneur et de Martirs tressaintz.

  A007001365 

 C'est en somme ce que je pretens faire en ce premier sermon: proposer la verité fort clairement, et pour la mieux faire paroistre, poser aupres d'elle les mensonges qui luy sont opposés.

  A007001365 

 C'est pour ceste rayson que desirant, en ces sermons suivans, prouver la verité du tressaint Sacrement de l'autel, j'ay creu que je ne pouvois mieux commencer, o mes tres chers Freres, que vous faisant voir clairement et distinctement la veritable doctrine de l'Eglise; doctrine si claire et si souëfve, que vos entendemens, au premier regard de sa beauté, la recevront, je m'en asseure, avec un amour et playsir incroyable, et la reconnoistront asses a son propre maintien et a sa grace pour estre fille de Dieu, sortie d e sa bouche et conceuë au sein de son infinie sagesse.

  A007001365 

 Tenes vos yeux ouvertz, o Chrestiens; voyes ceste belle verité autant desirable que nulle autre qui soit en l'Evangile, mays si grande et relevëe que ni vous ni moy n'en sçaurions soustenir l'esclat si Celuy qui l'a revelëe ne nous est propice.

  A007001366 

 Considerons cecy plus particulierement, et voyons quelle des troys façons est plus convenable a la presence et manducation du cors de Nostre Seigneur au tressaint Sacrement..

  A007001366 

 La premiere sorte est reelle, mays grossiere, naturelle et charnelle; la seconde est spirituelle, metaphorique et peu veritable; la troisiesme est autant reelle que la premiere, autant spirituelle que la seconde, elle est plus admirable que la premiere et plus admirable que la seconde.

  A007001366 

 Nul, comme je pense, ne peut nier ceste verité, puysque la manducation est une application et union de la viande a celuy qui la mange, extremement intime et tres estroitte, jusques a faire qu'en fin la viande se convertit en celuy qui la mange ou le convertit en soy.

  A007001366 

 Un cors ne peut estre mangé s'il n'est en quelque façon present a celuy qui le mange, et ne peut estre mangé sinon en la façon de laquelle il est present a celuy qui le mange.

  A007001367 

 C'est bien asses pour ce point; je crois que vous m'aves entendu, puysque je ne vous parle que d'une façon de presence et de manducation ordinaire, naturelle et charnelle..

  A007001367 

 Cecy est sans difficulté: ainsy mon cors est præsent a ceste chaire, et les vostres a vos sieges.

  A007001367 

 O mes Freres, c'est reellement, car c'est la propre essence et substance de nos cors qui y est; mays c'est charnellement, car c'est avec toutes les qualités naturelles de nostre chair, la pesanteur, espaisseur, mortalité, obscurité, et semblables marques de nostre misere et propre nature: c'est la façon ordinaire et naturelle de la presence de nos cors et de tous les cors de ce bas monde, selon laquelle aussi peuvent ilz estre mangés.

  A007001368 

 Et partant, tout estonnés de ceste promesse, ilz disoyent entre eux: Comme peut celuy cy nous donner sa chair a manger? Et voyans qu'il persistoit [323] a les en asseurer, mesme avec son plus grand serment ilz adjousterent: Ce propos est bien dur, et qui le peut ouÿr?.

  A007001368 

 Maintenant, mes Freres, il faut que je vous dise que les Capharnaïtes ayans ouÿ que nostre Redempteur avoit si souvent inculqué et repliqué en un sermon qu'il leur faisoit, qu'il failloit manger sa chair et boire son sang, que sa chair estoit vrayement viande, que le pain qu'il donneroit estoit sa chair pour la vie du monde, ilz creurent qu'il voulust donner sa chair en ceste premiere sorte, c'est a dire reellement (car ses parolles estoyent si preignantes qu'ilz n'en pouvoyent douter), mays charnellement; car ilz pensoyent qu'il la voulust donner morte, par pieces et morceaux, grossiere, obscure, espaisse, corruptible, pesante, palpable, visible, et que par consequent il failloit qu'ilz la deschirassent et maschassent comme les antropophages ou mangegens, cannibales et margajas, qui s'entremangent les uns les autres comme l'on mange la chair des moutons et brebis.

  A007001369 

 Et a qui est ce que les cheveux ne dresseroyent d'horreur et que la chair ne frissonneroit s'il luy failloit manger un cors humain et boire le sang d'un homme? Mais d'autant plus cela pouvoit sembler fort cruel aux auditeurs de Nostre Seigneur, que et luy et eux aussi estoyent Juifz de nation et de religion.

  A007001369 

 Ilz appellent les parolles de Nostre Seigneur dures, c'est a dire aspres, rudes, estranges, cruës, par ce qu'entendans que Nostre Seigneur leur voulust faire manger sa chair et boire son sang charnellement et selon l'estre naturel et ordinaire de la chair et du sang, a la verité cela leur sembloit fort crud, barbare et extravagant.

  A007001370 

 La primitive Eglise esparse sur toute la face de la terre, faisoit une profession si ouverte parmy ses enfans de manger reellement le cors du Filz de Dieu et de boire son sang, que les parolles avec lesquelles elle le declairoit estans venues aux oreilles des payens et autres ennemis du Sauveur, ilz en prenoyent occasion de calomnier les Chrestiens et les accuser de l'antropophagie, c'est a dire de manger les petitz enfans, les esgorger et deschirer a belles dens, et [324] disoyent qu'en leur Sacrement et mistere ilz faisoyent leur festin de chair humaine a la cyclopique: « Dicimur, » dict Tertullien en son Apologet., « sceleratissimi de sacramento infanticidii, et pabulo inde; On nous appelle tres criminelz, » dict il, « du sacrement de l'homicide des enfans et du repas qui s'en faict.

  A007001370 

 » Et de fait, Pline second en l'epistre qu'il escrit a Trajan et qui est citëe par Tertullien, monstre bien que les Chrestiens avoyent esté accusés de ce crime; car il les en descharge, s'il est bien consideré..

  A007001371 

 Ceste calomnie dura jusques au tems de Minutius Fœlix, qui recite les paroles d'un certain Cecilius, lequel en accusoit encor les Chrestiens: accusation fort vilaine a la verité, mays de laquelle la fauseté est aucunement excusable en ces anciens ennemis de l'Eglise; car nos anciens peres confessoyent ouvertement qu'ilz mangeoyent le cors de Nostre Seigneur, et les sacrëes Escritures le declairent si ouvertement, que les payens, ou entr'escoutans les Chrestiens parler, ou entrevoyans les Escritures, ne pouvoyent ignorer que l'Eglise n'eust ceste croyance.

  A007001371 

 Mais d'ailleurs, d'atteindre a la connoissance de ceste manducation reelle, cela estoit hors de leur pouvoir, car c'est la seule foy qui l'enseigne.

  A007001372 

 Combien de fois nous objectent ilz que si nous mangeons reellement le cors de Nostre Seigneur, donques il faut que nous le deschirions, maschions et rongions; et de la, ilz passent a des argumens si insolens et extravagans, qu'il n'est pas possible de plus.

  A007001373 

 Il dict: Ma chair est vrayement viande, mays qui mange ma chair il a la vie eternelle; que s'il n'avoit dict que cela, l'interpretation des Capharnaïtes eust eu quelque apparence, puysqu'il ne parloit que de la chair simplement.

  A007001373 

 Or en fin, tout cela n'est que calomnie, vous le sçaves bien, mes tres chers Freres.

  A007001374 

 Mays sur tout Nostre Seigneur avoit rejetté disertement ceste intelligence grossiere et toute charnelle par ces parolles: Spiritus est qui vivificat, caro non prodest quidquam; verba quæ locutus sum vobis spiritus et vita sunt; C'est l'esprit qui vivifie, la chair ne prouffite de rien; les paroles que je vous [326] ay dites sont esprit et vie. Paroles saintes, paroles divines, paroles infiniment excellentes et propres a desraciner ceste lourde et grossiere intelligence de la manducation charnelle du cors de Nostre Seigneur, et ce, par deux beaux moyens que nos anciens Peres en ont doctement tiré et deduit.

  A007001379 

 L'un estoit: Quomodo potest hic nobis carnem suam dare ad manducandum? L'autre estoit: Durus est hic sermo, et quis potest eum audire? Car toutes les oppositions qu'on nous faict tendent la, ou que ceste realité n'a peu estre instituëe et faitte, ou qu'il n'a pas esté convenable; et semble que tous les lieux qu'ilz sont allés recherchans en l'Escriture ne leur servent que d'une confirmation pour ces deux doutes.

  A007001380 

 que [328] la transsubstantiation n'est aucunement impossible, ains tres veritable en ce Sacrement; 3.

  A007001381 

 O Seigneur, je loüeray de tout mon cœur vostre toute puyssance pourveu que vous ouvries mes levres a vos loüanges; j'adoreray vostre Majesté au saint Sacrement, pourveu que vous ternes tousjours vos paroles en mon cœur: car vos paroles m'instruiront que vous y estes Homme Dieu, reellement et veritablement, et que ceste vostre praesence n'est non plus impossible a vostre volonté, quoy qu'incomprehensible a nos foibles entendemens, que le reste de vos œuvres admirables.

  A007001384 

 L'autre qualité que nous concevons estre en la chose qui est en quelque lieu, c'est qu'elle y occupe une place, c'est a dire qu'elle y soit tellement, que la ou elle est nulle autre chose y puisse estre avec elle; elle remplit tellement le lieu ou elle est, qu'autre chose n'y puisse avoir lieu..

  A007001384 

 L'une c'est la præsence, que la chose estant en un lieu y soit præsente, et ceste qualité n'est autre qu'estre en un lieu: de façon qu'estre praesent en un lieu n'est autre sinon y estre; estre absent, c'est n'y estre pas.

  A007001384 

 Quand une chose est en un lieu nous avons accoustumé de concevoir en icelle deux choses, deux qualités, deux appartenances.

  A007001385 

 Ces deux conditions, a nostre grossiere façon de penser, nous semblent estre tellement liëes l'une avec l'autre, qu'elles ne peuvent estre aucunement separëes; et nous [329] est bien advis que quand une chose est en un lieu, elle y occupe place, et partant qu'une autre chose n'y peut estre avec elle.

  A007001385 

 Or neantmoins la chose n'est pas ainsy, car il y a grande difference entre estre præsent et occuper de façon que l'un peut bien estre sans l'autre.

  A007001386 

 La majesté de Dieu est tellement par tout, que saint Pol a dict: Non longe est ab unoquoque nostrum; in ipso enim vivimus, movemur et sumus; Act., 17.

  A007001386 

 La præsence donques peut estre sans l'occupation de lieu, et l'est ordinairement es espritz; mays es choses corporelles, ordinairement la præsence d'une chose n'est pas sans occupation de place..

  A007001386 

 Or, quoy qu'il soit praesent a toutes choses, si est ce qu'il n'occupe aucun lieu ou place: ainsy les Anges n'occupent aucune place en eux [mêmes], de façon que des legions entieres de diables se sont trouvëes en un cors.

  A007001387 

 Et voicy maintenant la difficulté ouverte entre nous et nos adversaires; car nous disons que comme la præsence est ordinairement separëe de l'occupation de lieu es choses spirituelles, aussi le peut elle estre es choses corporelles par la toute puyssance de Dieu.

  A007001388 

 Comment se pourroit il faire qu' un chameau entrast par le trou d'une eguille, sinon qu'il n'y occupast point de place? Un si grand animal, estre compris en un si petit lieu, n'est ce pas un bel exemple a nostre propos? Je sçay bien qu'il y en a eu qui l'ont entendu d'une corde de chanvre, qu'on appelle cable; mays tous les Peres l'entendent de cest animal.

  A007001388 

 Et s'il n'est impossible de mettre un si grand cors en un si petit lieu, pourquoy sera il impossible qu'il mette un cors humain glorifié en l'hostie et en la moindre partie d'icelle?.

  A007001388 

 His auditis, discipuli mirabantur valde, dicentes: Quis ergo poterit salvus esse? Et eos respiciens Jesus, dixit eis: Hoc apud homines impossibile est, apud Deum omnia possibilia sunt.

  A007001388 

 Matt. 19; Marc., 10; Lucæ, 18: Facilius est camelum per foramen acus transire, quam divitem intrare in Regnum cœlorum.

  A007001388 

 Voyes vous, il dict que tout cela est impossible aux hommes; mays ni cela ni autre chose n'est impossible a Dieu.

  A007001389 

 Ah mon Dieu, que ce que l'esprit humain hait est bien haï! qu'est ce qu'il ne va rechercher pour s'excuser? Voyes en saint Luc, 24, comme ses disciples s'esmerveillerent de ceste soudaine apparition, et voyant les portes bien fermëes, ilz pensoyent voir un esprit; comme nos adversaires, lesquelz quand on leur dict que Nostre Seigneur n'occupe point de lieu, ilz pensent que ce ne soit pas son cors.

  A007001389 

 Non, non, c'est son cors; ce n'est pas une contenance spirituelle, c'est son vray cors mais spiritualisé..

  A007001391 

 Voyes vous, mes Freres, Nostre Seigneur avec son vray cors sort hors du ventre de sa Mere sans aucune fraction ni ruption de sa virginité; ne failloit il pas donques que ce fut sans occuper [332] place, et qu'il passast par ce cors virginal par penetration de dimension? A Dieu ne playse que je die ce que nos adversaires respondent en cest endroit; c'est chose hors de respect.

  A007001393 

 Voudries vous bien, Messieurs, que je me servisse du tesmoignage de saint Augustin au 22. livre de la Cité de Dieu, chap. 8? La il est dict que Petronie eut un anneau d'un certain Juif, ou il y avoit une pierre pour la guerir de certaine maladie qu'elle avoit; l'anneau estoit tres bien lié et attaché a un lien, bien fort et ferme; elle s'en va au sepulchre de saint Estienne.

  A007001394 

 Mais puysque vous voules laisser l'Escriture pour la philosophie, je vous prie, dites moy comme vous pouves voir; car, ou c'est par mission ou par immission.

  A007001394 

 Nostre Seigneur respond asses a tous ces argumens quand il dict en saint Matthieu, 19: Hoc apud homines impossibile est; apud Deum omnia possibilia sunt. Vous n'entendes pas? O, il ne faut pas laisser de croire pour cela.

  A007001394 

 Si c'est le premier, comme vostre œil peut il contenir tant de choses, estant si petit? comme peut il avoir tant de rayons qu'il en faut pour couvrir toute une montaigne qu'il voit tout a coup, et occuper l'espace de cinquante lieuës de loin? le fil le plus deslié du monde, en si grand espace, feroit un tres gros peloton.

  A007001394 

 Si c'est le second, comme peut recevoir vostre œil, qui est si petit, une repræsentation de si grandes choses et si diverses? Qu'ilz me disent comme la lumiere corporelle penetre ainsy en un instant les deux, l'air et l'eau; car encores qu'elle n'aÿe pas de substance, si est ce qu'elle est corporelle..

  A007001395 

 Il y est les parties bien proportionnëes ensemble, mays sans aucune proportion de place parce qu'elles n'en occupent point.

  A007001395 

 On me dira: Comme se peut il faire qu'il y soit invisible et impalpable? Cela est aysé; car quand on voulut jetter Nostre Seigneur du sommet de la montaigne, il passa a travers d'eux sans y estre ni veu ni apperceu; quand, apres la resurrection, il laissa ses disciples en Emails, il disparut devant eux et ne le virent plus, encor qu'auparavant ilz le vissent et que leurs yeux fussent ouvertz..

  A007001395 

 Voyla, mes Freres, la verité du fait: Nostre Seigneur est en l'Eucharistie sans y occuper place.

  A007001397 

 Ceux qui ont suivi le parti de Luther pour combattre l'Eglise ont opinion qu'en ce Sacrement il n'y aye point de changement au pain, ains que le pain y demeure; et neantmoins confessent que le vray cors de Nostre Seigneur y est.

  A007001398 

 Et en Exod., 7, la verge d'Aaron n'est [335] elle pas veritablement convertie en couleuvre? car l'Escriture dict que ce que les autres firent fut par sorcellerie, mays que ce que fit Aaron fut veritable.

  A007001398 

 Or, je prouve maintenant qu'elle s'est faite en l'institution du tressaint Sacrement..

  A007001399 

 Ainsy qui dirait d'un tonneau plein d'eau et d'huyle: Cecy est huyle, on le tiendroit pour menteur.

  A007001399 

 Auparavant c'estoit pain, maintenant c'est son cors; donques il est changé de pain en cors.

  A007001399 

 Donq ce n'est plus pain si c'est le cors de Nostre Seigneur; car si ce qu'il prit en ses benistes mains n'estoit pas changé, il ne failloit pas dire que ce fut autre chose que ce qui estoit auparavant.

  A007001399 

 Il ne faut pas dire que son cors y soit et le pain aussi; car qui vendroit un sac, moitié froment, moitié avoine, et dirait: Achetes cecy, car c'est froment, sans doute qu'il tromperoit le monde et seroit reputé pour avoir dict mensonge.

  A007001399 

 Il ne faut pas donq dire que Nostre Seigneur disant: Cecy est mon cors, le pain y soit encores.

  A007001399 

 Nostre Seigneur prit du pain et dict: Cecy est mon cors.

  A007001399 

 Quand donques il dict: Hoc est corpus meum, il monstre clairement que le pain avoit esté changé..

  A007001400 

 Secondement, en saint Jan, 6, quand Nostre Seigneur dict: Panis quem ego dabo, caro mea est pro mundi vita, si ce qu'il disoit n'eust deu estre faict par changement, il eust esté faux; car le pain, s'il demeure pain, ne peut estre chair.

  A007001401 

 Et quant a l'Escriture, tout ce qu'ilz nous sçavent objecter, c'est premierement que ce nom de transsubstantiation n'est point en l'Escriture; a quoy je respons que ni le mot de Trinité, ni Omoousios, ni Theotocos.

  A007001401 

 Il suffit que la chose est en l'Escriture, encores que le mot n'y soit pas..

  A007001402 

 Secondement, ilz disent que ce Sacrement est appellé pain; mais je respons que ce n'est pas parce qu'il y ayt du pain, mais parce qu'il y a apparence de pain exterieure, ou bien parce qu'il a esté faict du pain, ou parce qu'il a les effectz et proprietés du pain, ou parce que, selon la coustume des Hebrieux, toute sorte de viande a esté appellëe pain (comme on voit de la manne qui a esté appellëe pain, Exode, 16, dont Nostre Seigneur n'a pas dict: Caro mea vere est panis, mays vere est cibus, qui est le mesme que quand il dict: Ego sum panis vivus), et que l'Escriture ayt accoustumé d'appeller les choses du nom de celles la desquelles elles ont esté faites, ainsy qu'il est aysé a voir Exod., 7, ou la verge d'Aaron estant convertie en serpent ne laisse d'estre appellëe verge; au Genes., 3, ou l'homme faict et tiré de poudre, ne laisse d'estre appellé poudre..

  A007001403 

 Saint Cyprien, qui vivoit il y a plus de treize cens ans, in sermone De Cæna Domini: « Panis iste quem Dominus Discipulis porrigebat, non effigie sed natura mutatus, omnipotentia Verbi factus est caro.

  A007001403 

 Tiercement, ilz disent que ceste opinion de transsubstantiation est nouvelle, mais ilz ont tres grand tort; car, a la verité, elle a de tout tems esté en l'Eglise.

  A007001403 

 Voulons nous aban donner toute l'antiquité si bien fondëe en l'Escriture pour esviter un peu de difficulté et flatter les consequences de nostre entendement propre? Concluons donques qu'apres la consecration, le vray cors de Nostre Seigneur y est, et n'y a point d'autre substance quelle qu'elle soit; il y est, dis je, reellement et tres veritablement..

  A007001404 

 Car a la verité, puysque c'est Jesus Christ et que Jesus Christ est Dieu, qui ne l'adorera je vous prie, aussi bien la qu'au Ciel, puysqu'il est escrit en saint Matthieu, 4: Dominum Deum tuum adorabis, et illi soit servies? car Nostre Seigneur, ou qu'il soit, il y veut estre [338] adoré.

  A007001404 

 Il est voylé en l'Eucharistie, mays cela ne doit pas empescher qu il n'y soit adoré; car ainsy fut il adoré des Roys, voylé des langes et emmailloté..

  A007001404 

 [3.] D'ou s'ensuit la troysiesme proposition que j'avois avancëe: que ce Sacrement, entant qu'il contient Nostre Seigneur, est adorable, que l'on le doit adorer.

  A007001405 

 Or affin que tout d'un coup je prouve que Nostre Seigneur est reellement selon sa chair en ce tressaint Sacrement, et tout ensemble qu'il l'y faut adorer, l'un ne pouvant estre sans l'autre, ni qu'il y soit adoré s'il n'y est pas, ni qu'il y soit sans y estre adoré par l'Eglise, qui est jalouse de rendre a son Espoux tout honneur, je vous prie de regarder combien ceste affaire est convenable, puysque ceste adoration ayant esté preveüe par David, il en tressaute de consolation au Pseaume 21, et chante: Manducaverunt et adoraverunt omnes pingues terræ.

  A007001405 

 Sic explicatur locus Psal. 98: Adorate scabellum pedum ejus, quoniam sanctum est, ab Augustino. Mays saint Pol, 1.

  A007001405 

 aux Cor., 11, qu'est ce qu'il dict? Qui manducat et bibit indigne, judicium sibi manducat et bibit, non dijudicans corpus Domini..

  A007001406 

 Et affin qu'il ne semble pas que ce soit une nouveauté, ains qu'on connoisse que l'adoration de l'Eucharistie a tousjours esté en l'Eglise, et par consequent qu'on a tousjours creu fermement qu'en icelle est le vray cors de Nostre Seigneur, oyes un peu le tesmoignage de quelques grans Peres..

  A007001406 

 Ponenda est ergo differentia quam par est adhibere, [339] et venerari corpus Domini.

  A007001407 

 C'est chose belle de voir ce qu'il dict, homil. 3 et 4 contra Anomæos..

  A007001407 

 Et premierement, je produiray saint Chrisostome qui vivoit il y a plus de douze cens ans, et lequel pour son excellence a esté loué et appellé « Bouche d'or », homil 61 ad Populum Antiochenum: « Considera, quæso, mensa regalis est, Angeli ministrantes, ipse Rex adest et tu adstas oscitans? Igitur adora, et communica.

  A007001409 

 Saint Gregoire Nazianzene, oratione in laudem sororis suæ Gorgoniæ, raconte que sa seur « estant malade d'une maladie prodigieuse, vint de nuict a l'autel [340] se prosternant, et priant Celuy qui est adoré sur iceluy; omnibusque nominibus appellans, atque omnium rerum quas fecerat commonefaciens, » quid fecerit audite: « caput cum clamore et lacrymis [altari] admovens, se non nisi reddita sanitate discessuram minitans, » etc. Ainsy elle fut guerie..

  A007001411 

 Cyprian., sermone De Lapsis: « Mulier quædam cum arcam suam in qua sanctum Domini corpus posuerat indignis manibus tentasset aperire, igne inde surgente deterrita est.

  A007001417 

 participatio corporis Domini est?.

  A007001418 

 Le pain que nous rompons, n'est-ce pas.

  A007001422 

 Les Catholiques respondent qu'ouy, parce, disent ilz, que accepimus a Domino, quoniam Dominus Jesus, in qua nocte tradebatur, accepit panem, et gratias agens, fregit et dixit: Accipite et manducate, hoc est corpus meum; Nous avons appris du Seigneur que le Seigneur Jesus, la nuict en laquelle il fut livré, prit du pain, et rendant graces, il le rompit et dict: Prenes et manges, cecy est mon cors. C'est en cest article, auditeurs, ou je vous desire attentifz, si jamais vous le fustes, pour entendre nos raysons, vous conjurant de laisser toute passion pour bien juger en une cause si importante; et je suis asseuré que, le tout meurement consideré, vous feres jugement en faveur des Catholiques, tant leurs raysons devancent en fermeté, en sainteté, en solidité et en bonté celles des adversaires..

  A007001425 

 De peur que par un praejugé et supposition fause vos entendemens ne soyent atteintz de quelque passion contre nous, chers auditeurs, pendant qu'on vous pourrait avoir faict accroire que le differend qui est entre nous et nos adversaires ne gist en autre, sinon en ce qu'ilz ne veulent rien croire que ce qui est es Escritures, et [que] nous voulions fonder nostre doctrine ailleurs que sur icelles, je vous supplie de croire qu'en ce particulier differend (ni en pas un autre aussi, non plus qu'eux) nous ne voulons ceder a eux en l'honneur que nous avons juré aux Saintes Escritures; mays que tout au contraire nous protestons ne vouloir le demesler que par la seule, pure et expresse parolle de Dieu, ainsy que nous fismes Dimanche.

  A007001426 

 Nous sommes donq desja d'accord en ce poinct, quj est que ce differend ne se decide que par l'Escriture; mais c'est en l'interpretation que gist nostre controverse et dispute; car nous apportons de beaux et bons passages de l'Escriture, et eux en apportent de ceux qu'ilz peuvent penser estre telz.

  A007001426 

 Tout est de l'Escriture; mays quoy? ilz veulent interpreter les nostres et les leurs contre nous; et nous, quasi comme estans sur la defensive, sans interpreter les nostres, car ilz sont clairs voulons seulement rejetter leurs interpretations affin qu'elles ne nous offencent.

  A007001428 

 Cor., 11; en tous lesquelz lieux Nostre Seigneur parlant de la viande qu'il donnoit instituant la manducation de la Cene, ilz rapportent qu'il dict que c'estoit son cors, par des paroles si expresses qu'elles ne le sçauroyent estre davantage, dont elle tire ceste claire rayson: Dieu l'a dict, Dieu ne peut mentir, donques il y est.

  A007001431 

 Or, les Sacremens doivent estre institués en arolles claires; donques, etc. La mineure se prouve par rayson: parce que l'usage du Sacrement nous doit estre aysé et commun a tous; donq chacun doit entendre ce qui en est.

  A007001432 

 C'est un testament.

  A007001432 

 Heb., 9: Lecto omni mandato Legis a Moyse universo populo, accipiens sanguinem vitulorum et hircorum, cum aqua et lana coccinea et hissopo, ipsum quoque librum et omnem populum aspersit, dicens: Hic est sanguis testamenti quod mandavit ad vos Deus. Ad Gal., 3: Hominis confirmatum testamentum nemo spernit, aut superordinat.

  A007001432 

 Matthieu, 26: Hic est sanguis novi testamenti; Luc, 22: Hic est calix novum testamentum in sanguine meo, qui pro vobis fundetur.

  A007001434 

 Christ., cap. 6 et 9: Nihil est dictum obscure nec scriptum quod spectet ad fidem et mores, quod non planissime dictum sit in aliis locis..

  A007001434 

 Est lex et dogma; atqui leges et dogmata numquam tradi debent obscure, ainsy que dict saint Augustin, lib. 2, de Doct.

  A007001442 

 J'ay veu une Bible imprimëe en françois, despuys que je suis en ce pais, ou il y a: C'est cy mon cors.

  A007001442 

 Mays le grec y repugne tout ouvertement, τοῦτο, et le sens: car, quelle rayson? Manges, car c'est cy mon cors..

  A007001442 

 Premiere interpretation, d'André Carlostade: « Hoc, id est, hic, » et dict que le Pere cæleste le luy a revelé; dont Luther a intitulé un livre: Contra cælestes Prophetas.

  A007001443 

 Une autre est de Zuingle, qui allegue une vision d'un je ne sçay qui, blanc ou noir, qui luy dict que est vouloit dire significat.

  A007001443 

 Œcolampade dict: Corpus, id est, signum corporis.

  A007001458 

 Sap. 14: Odio est Deo impius et impietas ejus.

  A007001460 

 Jo. 3: Qui facit peccatum ex diabolo est.

  A007001461 

 Deus est summum bonum; ergo est contrarium summo malo.

  A007001461 

 Est communicativum; non communicat quod non [349] habet.

  A007001462 

 1: Sordes ejus in pedibus ejus, nec est recordata finis sui.

  A007001463 

 18: Quid clamas? quid tibi vis? Qui respondit: Deos meos quos mihi feci tulistis, et dicitis quid est mihi? Mulier, quid ploras? Tulerunt Dominum meum, et nescio ubi posuerunt eum; Jo. 20.

  A007001463 

 Scissis vestibus, indutus est cilicio, lugens filium suum multo tempore; [Ibid.,] 37.

  A007001469 

 Anima Jonathæ conglutinata est animæ David, et dilexit eum Jonathas quasi animam suam; 1 Reg.

  A007001469 

 Dederunt ergo ei omnes deos alienos, et inaures quæ erant in auribus eorum; at ille infodit ea subter therebintum, quæ est post urbem Sichem, id est, humerum.

  A007001469 

 Interea, [Gen.,] c. 35, c'est a dire apres le sac de Sichem, ascendit in Bethel: Abjicite deos alienos qui in medio vestri sunt.

  A007001469 

 Quia fortis est ut mors dilectio; [Cant.,] 8..

  A007001473 

 Ils lui donnèrent donc tous les dieux étrangers qu'ils avaient, et les pendants qui étaient à leurs oreilles; et il les enfouit sous le thérébinthe qui est derrière la ville de Sichem, c'est-à-dire, épaule.

  A007001473 

 Mon bien-aimé m'est un faisceau de myrrhe, il demeurera entre mes mamelles.

  A007001473 

 Mon âme s'est attachée à vous.

  A007001473 

 Parce que l'amour est fort comme la mort..

  A007001477 

 Cum dixerit: Quod est opus vestrum? respondebitis: Viri pastores sumus, et nos et patres nostri.

  A007001477 

 Facta est rixa inter pastor es Abram et Lot; Genes.

  A007001477 

 Jurgium pastorum Geraræ dicentium: Nostra est aqua; [Ibid.,] 26.

  A007001487 

 Mihi autem nimis honorificati sunt amici tui Deus; nimis confortatus est principatus eorum.

  A007001495 

 2: Fides sine operibus mortua est.

  A007001496 

 5: Quid est quod ultra debui facere vineæ meæ et non feci? Hier.

  A007001504 

 Je t'ai aimé d'une charité éternelle; c'est pourquoi, ému de pitié, je t'ai attiré.

  A007001505 

 » La foi sans les œuvres est morte.

  A007001520 

 » De Vera Rel., c. 14: « Peccatum voluntarium est malum.

  A007001526 

 » De la Vraie Religion, chap. XIV: « Le péché est un mal volontaire.

  A007001533 

 18: Si Dominus est Deus, etc. Manna non descendit donec farina Ægipti, etc.; Ex.

  A007001540 

 Elie: Si le Seigneur est Dieu, etc.

  A007001540 

 Touché de douleur jusqu'au fond du cœur. L'œil ne peut être divisé; le cœur est un..

  A007001541 

 Le sacrifice que Dieu désire est un esprit affligé; vous ne dédaignerez pas, ô Dieu, un cœur contrit et humilié.

  A007001545 

 Universæ viæ Domini. Psal. 7: Exurge Domine in ira tua, et exaltare in finibus inimicorum tuorum; et exurge Domine Deus meus in præcepto quod mandasti. Jo. 12: Nunc judicium est mundi..

  A007001547 

 15: Hoc est preceptum meum, ut diligatis. Hier.

  A007001551 

 La bénignité et l'humanité de notre Sauveur est apparue, etc. Levez-vous, Seigneur mon Dieu, selon le précepte que vous avez établi, etc..

  A007001552 

 C'est maintenant le jugement du monde..

  A007001552 

 Le Seigneur est doux et juste; c'est pour cela qu'il donnera aux pécheurs la loi à suivre dans la voie.

  A007001554 

 Je t'ai aimé d'une charité éternelle, c'est pourquoi je t'ai attiré.

  A007001554 

 Mon cœur s'est échauffé au dedans de moi, et dans ma méditation un feu s'embrase..

  A007001554 

 Voici mon commandement, c'est que vous vous aimiez.

  A007001557 

 4: Dixit Dominus: Quid est quod tenes in manu tua? Virga.

  A007001557 

 Projecit, et versa est in colubrum, ita ut fugeret Moises, etc. Extende manum tuam et apprehende caudam ejus.

  A007001557 

 Versaque est in virgam..

  A007001558 

 14, apres avoir monstré la betise de qui navige porté sur le bois et neantmoins la adore l'idole, parce que navem artifex fabricat, tua, Pater providentia gubernat, puis: Ab initio cum perirent superbi gigantes, spes orbis terrarum ad ratem confugiens, remisit sæculo semen nativitatis Benedictum enim est lignum illud per quod fit justitia..

  A007001558 

 Coloss. 1: Pacificans per sanguinem crucis ejus, etc. Esther, 5 et 7: Suspensus est [360] itaque Aman in patibulo quod paraverat Mardochæo, et regis ira quievit.

  A007001564 

 Choisis des hommes, et étant sorti, combats contre Amalec; demain je me tiendrai sur le sommet de la colline, ayant la verge de Dieu en ma main. Moïse frappe la mer de sa verge et elle est divisée; il frappe de nouveau, et elle se rejoint.

  A007001566 

 Car ce bois par lequel la justice est faite est béni..

  A007001567 

 Courons par la patience au combat qui nous est proposé, contemplant l'Auteur de la foi, auquel la joie étant proposée, il a souffert la croix en méprisant la confusion.

  A007001568 

 C'est Jésus de Nazareth le crucifié que vous cherchez.

  A007001568 

 Pose-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras, parce que l'amour est fort comme la mort et le zèle de l'amour inflexible comme l'enfer; ses lampes, etc. Si la mère oubliait, etc. Voici que je t'ai écrit dans mes mains. [361].

  A007001575 

 Et c'est ce que Nostre Seigneur enseigne: Pater noster..

  A007001575 

 Lex Christi est, Jo. 13: Mandatum novum do vobis; ut diligatis invicem. Jo. 17, rogat Patrem ut omnes credentes unum sint.

  A007001577 

 37: Quid nobis prodest si occiderimus fratrem nostrum? Manus nostræ non polluantur; frater enim et sanguis noster est..

  A007001578 

 5: Nolite jurare per cœlum, quia thronus Dei est. Psal. 122: Ad te levavi oculos meos, qui habitas in cœlis.

  A007001578 

 66: Cœlum mihi sedes est, terra autem scabellum, etc. Math.

  A007001578 

 Dieu est par tout: Cœlum et terram ego impleo; et David: Si ascendero in cœlum, etc.; et saint Pol, Act.

  A007001578 

 par ce que le ciel est le plus admirable de ses ouvrages: Cœli enarrant; [Ps.] 18..

  A007001586 

 5, populus ait: Quid est omnis caro, ut audiat vocem Dei viventis? 1.

  A007001586 

 Et aperui os meum, et cibavit me volumine illo, et factum est sicut mel in ore meo. Apoc.

  A007001587 

 5, postquam Deus de peccatis Hierusalem conquestus est: Ascendite muros ejus, et dissipate.

  A007001587 

 59: Peccata vestra diviserunt inter vos et Deum. Circumdabit, quia sicut muri conservant urbem ab extraneis, sic peccatum conservat a Deo, in pressibus ut pulset ad ostium, et conservat diabolo cujus est peccator.

  A007001587 

 Meretrix, quia non fecit liberos fidei, id est, bona opera, sed adulterinos, id est, mala.

  A007001587 

 Omnia interficiuntur, malæ habitudines; salva Raab, fide, quæ excepit exploratores, id est, verba.

  A007001588 

 13: Qui illusor est, non audit cum arguitur.

  A007001592 

 Le peuple dit: Qu'est toute chair pour qu'elle entende la voix du Dieu vivant?... Tu diras: Parlez, Seigneur, parce que votre serviteur [364] écoute.

  A007001592 

 N'était-il pas tout brûlant? etc. Est-ce que vous voulez éprouver celui qui [ parle ] en moi? Quoi que tu trouves, mange-le.

  A007001593 

 Après que Dieu s'est plaint amèrement des péchés de Jérusalem: Montez sur ses murs et renversez-les.

  A007001593 

 Courtisane, parce qu'elle n'enfante pas des fils de la foi, c'est-à-dire des bonnes œuvres, mais des fils illégitimes, c'est-à-dire des œuvres mauvaises.

  A007001593 

 Jour et nuit l'iniquité l'environnera sur ses murs, et le travail est au milieu d'elle ainsi que l'injustice.

  A007001593 

 Jéricho, c'est l'âme du pécheur; les murs, sont le péché: Les péchés ont établi une séparation entre Dieu et vous.

  A007001593 

 L'environnera, parce que comme les murs garantissent la ville des étrangers, ainsi le péché sépare de Dieu qui est pressé de frapper à la porte, et maintient sous la puissance du diable, à qui le pécheur appartient.

  A007001593 

 Les murs de Jéricho tombent au son des trompettes; l'armée de Josué entre, tout est tué, Rahab la courtisane est sauvée.

  A007001593 

 Tout est tué, les mauvaises habitudes; Rahab, la foi, est sauvée, qui reçut les explorateurs, c'est-à-dire les paroles.

  A007001599 

 Ductus est Jesus in desertum a Spiritu,.

  A007001603 

 C'est le sujet de l'Evangile que je traitteray maintenant; mays que l'Esprit Saint qui assista a Nostre Seigneur pour ce combat, m'assiste pour vous bien instruire, et vous pour me bien escouter, ce que nous luy devons demander par les intercessions de Nostre Dame.

  A007001603 

 Description que l'Eglise nous fait aujourd'huy pour nous donner courage a semblable execution, car nous devons suivre ce nostre Cappitaine qui se bat aujourd'huy, et nostre vie n'est qu' un perpetuel combat sur la terre.

  A007001603 

 Il faut se battre a bon escient: l'exemple de Nostre Seigneur est devant nos yeux, l'ennemy n'est pas invincible; si nous taschons de suivre nostre Maistre, sans doute que la victoire nous en demeurera.

  A007001603 

 Les parties sont Dieu et le diable, les armes sont la parolle de Dieu, l'inimitié est fondee sur une rebellion.

  A007001603 

 Voicy le tems de nostre recolte spirituelle; c'est ce qui fera mettre les forces ennemies [367] en campaigne pour nous l'empescher.

  A007001605 

 C'est a dire, nous nous devons garder de trois choses: luxure, avarice, superbe; car nous pouvons trop exceder en desirant trop de moyens exterieurs, de commodités au cors, et trop d'honneur a l'esprit.

  A007001605 

 Le desir de l'utilité, s'il est trop grand, se tourne en avarice; mays le desir du playsir se peut trouver en l'esprit et au cors, et le corporel s'appelle luxure, le spirituel s'appelle gloire et superbe, qui sont les trois grans maux de ce monde; car, comme dict saint Jan, en sa 1.

  A007001605 

 can., 2, omne quod est in mundo, aut est concupiscentia carnis, aut concupiscentia oculorum, aut superbia vitæ.

  A007001606 

 Tunc ductus est Jesus in desertum a Spiritu, ut tentaretur a diabolo..

  A007001613 

 Ductus est Jesus a Spiritu.

  A007001632 

 Après le baptême, pour montrer que tout Chrétien est appelé à la lutte..

  A007001633 

 Avant la prédication, pour montrer que la vie du prédicateur est sujette aux tentations..

  A007001649 

 Pour nous apprendre que nul n'est exempt de combat.

  A007001673 

 Si Filius Dei es, ut sciat an sit; si non est, ut superbiam ingerat..

  A007001689 

 Si vous êtes le Fils de Dieu, pour savoir s'il l'est; s'il ne l'est pas, pour lui inspirer de l'orgueil..

  A007001694 

 Qui respondens dixit: Scriptum est: Non in solo pane.

  A007001695 

 Tunc assumpsit eum in sanctam civitatem et statuit eum super pinnaculum templi, et dixit ei; Mitte te deorsum; scriptum est, etc. Quomodo Christus dæmoni portandum committit? Quid ergo mirum, si tam variis mirisque modis vexamur a diabolo? [372].

  A007001705 

 L'orayson est briefve, mays tres-belle et bien dressee.

  A007001706 

 L'effect fut premierement la plus grande gloire de Dieu: Infirmitas hæc non est ad mortem, sed pro gloria Dei..

  A007001706 

 Le motif ou rayson qu'elles employent c'est l'amour: Ecce quem amas.

  A007001708 

 Derechef, l'effect deuxiesme de ceste priere est que ces femmes receurent une plus grande faveur qu'elles ne demandoyent; elles ne demandoyent que la guerison du Lazare leur frere, et Nostre Seigneur le resuscita..

  A007001709 

 La cause donq pour laquelle ces deux seurs envoyent a Nostre Seigneur, c'est la maladie et langueur du Lazare: Erat quidam languens Lazarus a Bethania de castello Mariæ et Marthæ.

  A007001711 

 Et de luy mesme, [374] Ps: Quoniam gravata est super me manus tua; conversus sum in ærumna mea, dum configitur spina.

  A007001711 

 Psal. 82: Imple facies eorum ignorninia, et quærent nomen tuum, Domine, est il dict de impiis Ecclesiæ hostibus.

  A007001713 

 Nostre Seigneur est loin; elles envoyent seulement dire: Ecce quem amas infirmatur; Celuy que vous aymes est malade..

  A007001721 

 Bonum est confidere in Domino, quam confidere in homme; Ps.

  A007001721 

 C'est pourquoy il nous enseigne de dire: Pater noster.

  A007001725 

 8: Quid est homo, quod memor es ejus? etc. In humilitate nostra memor fuit nostri; Psalm.

  A007001733 

 Ave Maria, etc. Est oratio per modum insinuantis: Domine, ecce quem amas infirmatur.

  A007001734 

 5: Nonne cor meum in præsenti erat quando reversus est homo de curru suo in occursum tui? Heb.

  A007001736 

 Propter hoc lætatum est cor meum, insuper et caro mea..

  A007001736 

 Providebam Dominum in conspectu meo semper, quoniam a dextris est mihi, ne commovear.

  A007001737 

 « Æger est charus, » etc. Amb., De excel.

  A007001744 

 Toutes les nations espéreront en lui, et son sépulcre sera glorieux: ce qui est entendu du Christ dans l'Epître aux Romains, chap. XV. Je vous salue, Marie, etc. Il y a une prière par manière d'insinuation: Seigneur, voilà que celui que vous aimez est malade.

  A007001745 

 (Quiconque s'humilie sera exalté. Mon esprit n'était-il pas présent lorsque l'homme est revenu de son char à ta rencontre? Ayant été fait d'autant supérieur aux Anges, que le nom qu'il a reçu en partage est bien différent du leur. Car auquel des [377] Anges a-t-il jamais dit? etc. Et encore: Je serai son Père, et il sera mon Fils? Voici le jour que le Seigneur a fait..

  A007001746 

 C'est lui qui remplit de biens ton désir.

  A007001747 

 C'est pourquoi mon cœur s'est réjoui et ma chair même..

  A007001747 

 Je voyais toujours le Seigneur en ma présence, parce qu'il est à ma droite afin que je ne sois pas ébranlé.

  A007001748 

 « Le malade est cher, » etc. Saint Paul: Comme vous êtes associés aux souffrances, vous le serez aussi à la consolation..

  A007001749 

 Joseph ton fils vit encore, et c'est lui qui commande dans toute la terre d'Egypte.

  A007001750 

 Nul n'est couronné sinon celui qui, etc. Entends ce que je dis; Nul ne sera couronné sinon celui qui aura légitimement combattu..

  A007001757 

 37: Scissisque vestibus, indutus est cilicio, lugens filium suum multo tempore.

  A007001757 

 Quid tibi vis? quid clamas? Qui respondit: Deos meos, quos mihi feci, tulistis, et dicitis: Quid tibi est? Gen.

  A007001776 

 Icy la substance sans ses accidens; car n'est ce pas le propre des cors de diminuer, et qu'en levant il en reste moins? Et icy au contraire.

  A007001776 

 Mais, o comme ces deux induisent, etc.; car qu'est ce quil y a de plus difficile? Que la substance soit sans ses accidens? Pourquoy plus tost? etc. Que les accidens sans substance? Et en la manne, gustus erat quasi similæ cum melle; bien plus: tout goust; Sap. 16.

  A007001778 

 Amb., De iis qui initiantur, c. 9: « Major est vis benedictionis quam naturæ; nam benedictione etiam natura mutatur.

  A007001792 

 nomina Boanerges, quod est, filii tonitrui..

  A007001794 

 C'est pourquoy, sur ce nom, etc..

  A007001797 

 Ex generatione; nam nubes est vapor vi solis attractus.

  A007001797 

 Jacobi, 4: Quæ est vita vestra? vapor ad modicum apparens.

  A007001800 

 Et factus est repente, etc. Sed præcipue a Domino Joannes et Jacobus dicuntur filii tonitrui; quod intelligi debet ex altero duorum hebraismorum.

  A007001800 

 In Apostolico collegio facta sunt tonitrua, et quidem de omnibus verum est; quia exivit sonus eorum.

  A007001800 

 Primus est: filius perditionis dicitur filius perditus; filius iniquitatis, filius pacis; ita filii tonantes.

  A007001800 

 Secundus: filius tonitrui, hoc est, qui a tonitru procedit.

  A007001810 

 En ce quil croit a la premiere denonciation qui luy est faite: Jam enim non poteris amplius villicare.

  A007001811 

 1, v. 9: Sordes ejus in pedibus ejus, nec recordata est finis sui; deposita est vehementer, non habens consolatorem.

  A007001811 

 Vide, Domine, afflictionem meam, quoniam erectus est inimicus.

  A007001824 

 Psal. 14: Domine, quis habitabit in tabernaculo tuo? Marie: Tota pulchra es amica mea, et macula non est in te; Cant. c. 4.

  A007001829 

 [1.] Il s'est humilié lui-même, etc.; c'est pourquoi... et il lui a donné un nom, etc. Elle s'est humiliée elle-même, s'étant faite obéissante jusqu'à la mort. Il a regardé l'humilité.

  A007001832 

 : Conversus est Dominus ad pœnitentiam Job cum oraret pro amicis suis..

  A007001833 

 In Virgine pars est corporalis, pars spiritalis.

  A007001833 

 Sed notatur Martha agens circa ministerium exterius, quia Christus receptus est in corpore Beatæ Virginis, quod ministravit illi corpus beatissimum.

  A007001833 

 Sicut enim exceptus est in domum Marthæ et Mariæ sororum, sic exceptus in domum Mariæ Virginis.

  A007001834 

 Eadem die reddes ei prætium laboris sui ante [392] solis occasum, quia pauper est, et ex eo sustentat animam suam; Deut.

  A007001835 

 Fallax gratia, et vana est pulchritudo; mulier timens Dominum, ipsa laudabitur.

  A007001835 

 Luc. 15: Majus est gaudium in Cœlo super uno peccatore pœnitentiam agente, quam super nonaginta novem justis qui non indigent pœnitentia. Quale gaudium super omnes habebit Maria, non secus expectans ac Anna! Tob.

  A007001836 

 « Suscipe sancte Pater, omnipotens æterne Deus, hanc immaculatam hostiam quam ego indignus famulus tuus offero tibi, Deo meo vivo et vero, pro innumerabilibus peccatis et offensionibus meis, et pro omnibus circumstantibus, quorum tibi nota est fides et devotio, ut mihi et illis proficiat in salutem et vitam æternam.

  A007001839 

 Notabilis similitudo: les bales pesantes du plomb descendent, mays le feu les faict monter es artilleries; ainsy nos œuvres ne monteroyent, sans l'assistence de ce feu de charité que Nostre Seigneur est venu mettre au monde..

  A007001841 

 Vidit Oniam orantem pro populo, et Onias ostendebat Hieremiam, dicens: Hic est fratrum amator..

  A007001852 

 Scitote quoniam Dominus ipse est Deus; ipse fecit nos, et non ipsi nos.

  A007001857 

 Sachez que le Seigneur est Dieu; c'est lui qui nous a faits, et non pas nous-mêmes. Donc, tout ce que nous sommes, nous le tenons de lui.

  A007001861 

 Sed quænam est ista vestis? Verus amor.

  A007001867 

 Dans un vêtement d'or, couverte d'ornements variés. Mais quel est ce vêtement? Le véritable amour.

  A007001867 

 Mais quel est le véritable amour? L'amour pur par lequel Dieu est aimé pour lui-même, le cœur lui étant totalement donné.

  A007001876 

 J'attendois de voir imprimee l'orayson funebre prononcee aux superbes funerailles faittes en Lorraine avec tant de magnificence pour honnorer la sepulture de Monseigneur vostre pere, esperant que par ce moyen je serois facilement excusé de mettre celle cy sous la presse; mais cest espoir ne m'estant reusci, et ne pouvant plus differer d'obeyr a qui a pouvoir de me commander, au moins esperé-je d'estre beaucoup plus aysement excusé si je laisse sortir ceste orayson si mal polie et avec tant de defautz, quand on considerera que c'est par une humble obeyssance.

  A007001876 

 Je sçay bien que ce bonheur m'arriva pour le sujet que je traittois, auquel je ne pouvois contribuer que de l'affection, de laquelle aussi je ne pouvois pas manquer puisqu'elle m'est hereditaire, mon pere, mon ayeul et mon bisayeul ayans eu l'honneur d'avoir esté nourris [398] pages et presque le reste de leur vie, en la mayson des tres illustres princes de Martigues, les pere, ayeul et bisayeul de Madame vostre mere, au service desquels leur fidelité a tous-jours rencontré beaucoup de faveur..

  A007001877 

 Comme donq je fis ce discours pour obeyr a Madame vostre mere, aussi le laisse-je maintenant sortir en public pour satisfaire a vostre desir, vous suppliant tres humblement de vous en servir pour respondre a toutes les raysons que vostre perte vous pourroit suggerer contre la consolation, car il est dressé a ceste intention.

  A007001886 

 Je ne le pourrais pas, parce que la perte que nous avons faitte avec toute l'Eglise est si grande, qu'estant extremement sensible elle en est d'autant plus indicible; aussi est il tres difficile de trouver asses de passion pour exprimer un grand dueil.

  A007001887 

 Il n'est, ce me semble, besoin de vous attendrir le cœur, puisque vous en ressentes la plus grande passion.

  A007001887 

 Il ne m'est donques pas necessaire de vous esmouvoir a regretter ce prince, puisque c'est vous qui y aves le principal interest, et qui, plus sensibles aux affections du public, connoisses trop bien la perte que nous avons faite.

  A007001887 

 Ne vaut il pas beaucoup mieux cesser d'affliger ceux qui sont affligés * et mettre peyne d'essuyer vos pleurs, que de les exciter? Aussi, quand je vois devant et tout autour de moy le feu de tant de flambeaux allumés, signe ordinaire de l'immortalité, et que je me trouve revestu de blanc, couleur et marque de gloire, je connois bien que mon office n'est pas maintenant (et je vous supplie, Messieurs, de ne le pas desirer de moy), de vous representer les raysons que nous avons eu de regretter et plaindre, mays plustost celles que nous avons de finir nos regretz par le commencement de la consideration du bien dont jouyt ce grand prince par son trespas, affin que le sujet que nous avons de nous resjouyr attrempe et modere la violence du ressentiment que nous avons de ceste grande perte, quoy que je sçache que l'on doit permettre quelque chose a la pieté, mesme contre le devoir, et qu'en une douleur extreme c'est une partie du mal que d'ouÿr des consolations..

  A007001888 

 N'est ce pas l'excellente bonté, la valeur, la vertu du prince trespassé qui rend nostre perte incomparable? Et n'est ce pas la mesme bonté, valeur et vertu qui nous obligent de recevoir la consolation?.

  A007001889 

 En ceste occasion, que j'estime aussi digne d'une grande eloquence qu'aucune autre qui se soit presentee en ce siecle; en ceste assemblee, qui est presque toute la fleur de ce grand royaume; et en ce lieu, auquel mille beaux espritz eussent ambitieusement recherché de faire paroistre tout leur art et science de bien dire, et de respandre mille belles fleurs d'eloquence sur l'estoffe d'un si riche sujet..

  A007001889 

 Soit donq que je jette les yeux sur son bien pour nous consoler ou sur nostre mal pour nous affliger, je ne puys eschapper de l'abisme de ses vertus infinies, dont la grandeur et l'esclat est insupportable a la foiblesse de mes yeux.

  A007001890 

 Mais que sçay je si a l'adventure j'auray rencontré la rayson de ce choix? Les couleurs de l'eloquence, les fleurs des paroles, l'esmail des sentences n'est peut estre pas convenable ni au dueil ni aux funerailles:.

  A007001892 

 « Non est conveniens luctibus iste color.

  A007001894 

 Que si ce discours est pauvrement paré, c'est pour rendre plus d'honneur et de reverence au prince qu'il celebre, comme quelques peuples du Nouveau Monde envoyent leurs deputés a leur roy au moindre equipage qu'il leur est possible, pour rendre de tant plus remarquable leur bassesse et humilité en comparayson de la gloire et majesté de leur roy..

  A007001894 

 [402] Que s'il est ainsy, me voicy riche d'affection, de simplicité et de fidelité pour entreprendre le discours des vertus du prince decedé, lequel j'envoye de bon cœur a son ame, c'est a dire a cest esprit que j'espere, mays que je crois estre au Ciel, et a celuy lequel estant en terre n'est pourtant qu'une mesme ame avec luy, non plus que par le mariage ilz ne furent qu'un mesme cors icy bas.

  A007001895 

 Prendre playsir a ouÿr les louanges des bons, c'est participer a leur gloire..

  A007001896 

 Nous ressemblons a ceux qui vont sur mer le long de la rade et terre a terre: il leur est advis que les arbres les laissent et se reculent d'eux, et que le navire dans lequel ilz sont portés est du tout immobile et sans changer de place; car il nous semble que ceux qui sont [403] decedés de ce monde sont tous-jours en la mort et que nous sommes en la vie.

  A007001898 

 Et certes, comme les ratz du Nil se forment petit a petit, et ne reçoivent la vie en tous leurs membres ensemblement, aussi les philosophes sont bien d'accord que nous ne vivons pas tout a coup ni ne mourons pas en un moment, puysqu'ilz disent que le cœur est le premier membre qui vit en nous et le dernier qui meurt.

  A007001898 

 Mais, je vous supplie, nostre Dieu ne dit-il pas au premier homme qu'au jour qu'il mangeroit du fruit defendu il mourroit de mort? Et neanmoins, si nous parlons selon le vulgaire, il ne mourut qu'apres plusieurs centaines d'annees despuis qu'il eut prevariqué; toutefois la verité est qu'il commença a mourir des le jour qu'il eut offencé, et continua jusques a son dernier jour..

  A007001899 

 Mais si nous les voyions maintenant qu'ilz en sont delivrés, mon Dieu, que nous serions honteux de les avoir appellés mortz, et que nous serions en peyne de trouver des belles parolles pour exprimer l'excellence de la vie en laquelle ilz sont arrivés! Aussi nostre langue françoise ne les appelle pas mortz, mais trespassés, protestant asses que la mort n'est qu'un passage et trait, au dela duquel est le sejour de la gloire..

  A007001900 

 Ce grand duc de Mercœur n'est donques pas mort, il est seulement trespassé.

  A007001900 

 Il n'est pas si loin de nous que nous pensons; il y est allé, selon le vulgaire des hommes, en un moment, car la mort, a leur advis, ne dure pas davantage; mais selon les sages, il a mis quarante trois ans en ce voyage..

  A007001901 

 Helas, que ce terme est court! La pluspart de nous a desja beaucoup plus employé d'annees; les uns n'y vont pas si viste que les autres, mais presque tous neanmoins y vont tousjours plus viste qu'ilz ne voudroyent.

  A007001901 

 Nous avons mille peynes et travaux pour parvenir ou il est; pourquoy serons nous faschés qu'il y soit arrivé? Pourquoy pleurerons nous tant le trespas de ce prince, lequel pleureroit, s'il estoit en lieu de larmes, avec beaucoup plus de rayson le retardement du nostre, que nous n'avons pas pleuré l'avancement du sien? Nolo vos ignorare de dormientibus, ut non contristemini, sicut et cæteri qui spem non habent.

  A007001902 

 Mays par ce que ceste consolation que je vous presente est fondee sur la certayne esperance que nous avons que nostre trespassé est receu en la main droitte de son Dieu avec tous les justes, Justorum animæ in manu Dei sunt, voyons je vous supplie, le sujet que nous avons d'une confiance tant asseuree.

  A007001903 

 Mays ne penses pas, je vous supplie, que je veuille entreprendre de vous representer fleur a fleur et piece a piece, l'esmail d'une si belle vie: les perfections de ce prince se peuvent plustost admirer qu'imiter, desirer qu'esperer, envier qu'acquerir; c'est pourquoy j'ay peur d'offencer sa memoire, disant trop peu de ce qui ne se peut asses louer.

  A007001903 

 Que si je raconte quelques unes de ses vertus, ce ne sera pas pour donner lumiere [407] au soleil, comme l'on dit, ni que je presume de le pouvoir dignement louer, mais seulement pour faire reconnoistre a tout le monde que ce n'est pas sans grande rayson que l'on l'a regretté avec des pleurs si extraordinaires, que l'on honnore tant sa memoire, et que l'on a une si grande esperance qu'il est maintenant en la gloire de son Dieu.

  A007001903 

 Si donques nous sçavons quelles ont esté les actions de l'ame de ce grand prince pendant qu'elle estoit en ce monde, et que, jointe a son cors, elle nous donnoit le bonheur de sa conversation, nous aurons asseurance par ceste inspection de ce qu'elle est au Ciel; que s'il nous reste aucun desir d'aspirer a ce siege de gloire, nous aurons un riche exemplaire et beau sujet d'imitation.

  A007001904 

 Mais sur tout je vous supplie de croire qu'en ceste chaire et en cest habit je parle tous-jours avec beaucoup de sincerité et de religion; aussi, puisque la verité est nue et simple, je penserois faire tort a ma veritable narration si je la desguisois avec des artifices..

  A007001907 

 C'est beaucoup d'estre fruit d'un bon arbre, metail d'une bonne miniere, ruisseau d'une bonne source..

  A007001907 

 C'est tous-jours Dieu qui fait en nous tout nostre salut, il en est le grand architecte; mays il procede differemment en ses misericordes, car il nous donne certains biens sans nous, et d'autres avec l'entremise de nos desirs, travaux et volontés.

  A007001908 

 Du costé paternel, qui tient le premier lieu en la consideration civile, il estoit de ceste royale mayson de Lorraine, dont l'origine est si tres ancienne, que, comme [409] estant de tems immemorable, les escrivains n'ont pas encor sceu demeurer d'accord de son commencement, comme les habitans d'Ægipte ne sçavent se resoudre de l'origine du Nil.

  A007001909 

 Je ne vous diray rien de ce qu'elle a fait en France et en Allemagne; aussi vous est-ce chose trop connue.

  A007001909 

 Mays si nous passons en Espagne, vous y verres Henri, frere de Guillaume duc de Lorraine, lequel ayant fidellement et vaillamment combattu pour la religion sous Alphonse roy de Castille, en la guerre qu'il avoit lhors contre les Maures et Sarrasins, espousa en recompense sa fille, qui luy porta en dote la province laquelle despuis erigee en royaume est appellee Portugal, ou la race de ce premier Henri a fort chrestiennement et genereusement regné jusques au dernier Henri, Cardinal, trespassé de nostre tems..

  A007001910 

 C'est un roy d'or couronné de bois, beaucoup meilleur que les rois de bois couronnés d'or, lequel regne comme un autre David sur la montaigne de Sion, preschant et annonçant la foy de son Dieu.

  A007001911 

 D'elle sont sortis plusieurs Amés, Louys, Humbertz, Pierres, Philibertz et autres grans princes, entre lesquelz l'un des Amés, par sa force et valeur, delivra l'isle de Rhodes de la servitude des infidelles, et l'asseura pour le Christianisme entre les mains des chevaliers de saint Jean de Hierusalem, lesquelz desirans que la posterité de leur protecteur receust des lhors quelques marques de l'obligation qu'ilz luy avoyent, communiquerent les armes [411] de leur milice, qui sont de gueules en une croix d'argent, a toute la mayson de Savoye, laquelle les a cherement retenues, non tant en memoire de la valeur de ce grand ancestre, que comme un signe sacré qui peust servir de protestation perpetuelle que ceste race est toute dediee a la defense de l'honneur de la Croix, comme elle a fait voir en la Moree, en Cypre et en plusieurs autres lieux ou elle a porté les armes avec non moins de pieté que de valeur..

  A007001914 

 Mais a la verité, je ne me fusse pas arresté a vous ramentevoir la gloire de ses predecesseurs, laquelle a mon advis est la moindre partie de la sienne, si luy mesme n'en eust fait un grand cas pour s'animer a la vertu; car en la resolution qu'il print d'aller en Hongrie, il alleguoit entre ses autres raysons, que ses predecesseurs paternelz et maternelz luy avoyent laissé comme en heritage ceste sainte volonté, et qu'ilz le conduisoyent par leur exemple, comme par la main, au chemin de ce saint voyage.

  A007001917 

 Pour moy, je tiens qu'il n'est pas plus difficile qu'un fleuve passe par la mer sans se saler, que de demeurer en la cour sans y apprendre et prattiquer des mœurs corrompues.

  A007001917 

 Quant a la temperance, qui n'est autre chose qu'un retranchement des playsirs et delices de ce monde, elle se trouve en ce prince au plus haut degré.

  A007001918 

 Ce prince s'est tous-jours monstré sobre en la possession des grandeurs et faveurs immenses dont le Ciel l'avoit comblé et n'en abusa jamais; car sa grande reputation, ni l'estre beau-frere de roy, ni la rareté des graces qui estoyent en luy, ni les heureux succes de ses armes et desseins ne le firent jamais sortir des bornes de la modestie ni abandonner la bien-seance d'une humble gravité, par laquelle il donnoit un acces esgalement facile et gratieux aux petitz et aux grans.

  A007001920 

 Or, que pouvoit-on attendre d'une telle moderation et temperance qui luy estoit naturelle, sinon « une perpetuelle volonté de n'offencer personne et de rendre a chacun ce qui luy appartient, » qui est ce que nous [415] appelions justice? Quand l'a-on jamais veu maltraitter ou offencer personne? Ses domestiques tesmoignent que c'estoit la douceur et patience mesme.

  A007001920 

 Quicomque est doux a l'endroit de ses domestiques, l'est beaucoup plus envers les autres.

  A007001923 

 Quant a la pieté envers nostre bon Dieu, qui est le souverain bien de nostre ame, c'estoit le rendes-vous de toutes ses pensees et le centre de toutes ses imaginations.

  A007001924 

 La loüange d'avoir esté des lhors tres chrestiennement eslevé ne luy est point particuliere, mais commune a tous les princes et princesses ses freres et seurs: tesmoins les annees de virginité, de mariage et viduité de Louise de Lorraine, tres chrestienne et tres pieuse reyne de France et de Pologne, d'heureuse memoire, miroüer de la pieté et idee des princesses de nostre aàge, de laquelle je vous ay veu, o Paris, unanimement admirer la religion, humilité et charité.

  A007001930 

 Je dis donq que, quelque jeune qu'il ait esté, estant accompaigné et doué des vertus susdites, il a tous-jours fait reconnoistre et remarquer en luy de grandes arrhes de sa pieté et prudence a venir: prudence tant requise en un chef de guerre que chacun sçait, attendu qu'elle est la memoire des choses passees, le jugement des futures et la disposition des presentes..

  A007001931 

 Despuis lequel tems jusques a ce qu'il alla chercher des nouveaux lauriers jusques a l'un des coins du septentrion, il s'est trouvé, selon la diversité des occurrences, en plusieurs sieges, assaillant et defendant en diverses armees, rencontres et batailles, ou Dieu l'a tellement favorisé que jamais il n'a eu conduitte qu'elle n'ayt esté suivie d'une heureuse victoire; dont j'aurois a dire de luy beaucoup plus de choses que le tems qui m'est prefix, voire que la vie d'un homme ne pourroit suffire a reciter; mais je ne puis sinon esbaucher et desseigner grossierement l'idee d'un genereux prince chrestien, que le grand duc de Mercœur a exprimé en soy mesme par tant de vertus et de braves exploitz d'armes qu'il a produit..

  A007001944 

 C'est ainsy, Messieurs, que ce grand guerrier, autant digne d'estre surnommé Mars que Mercure, n'entreprenoit pas ce qui estoit facile, mays facilitoit ce qu'il entreprenoit.

  A007001944 

 Ce que je dis pour l'importance et force d'Albe-Royale, en laquelle autrefois les rois d'Hongrie estoyent couronnés et ensepulturés; place si forte, que le grand Soliman amena en personne deux cent mille hommes pour la prendre, et si, ne s'en peut rendre maistre qu'apres un siege de trois mois, et par composition, il y a environ soixante ans, durant lesquelz elle a tellement esté fortifiee, que trois divers sieges d'armees chrestiennes y ayant esté long tems n'en ont rapporté que de la perte et du dommage, jusques a ce que nostre trespassé, qui estoit de la race de ceux par lesquels si souvent salus facta est in Israel, comme il est dict des Machabees, y porta son espee, son courage et sa prudence pour s'en rendre heureusement le maistre en moins de douze jours, Dieu luy ayant reservé ceste conqueste et la delivrance des os et sepultures des anciens rois de Hongrie, avec lesquelz il avoit l'extraction commune de la grande mayson de Saxe..

  A007001947 

 Il sçavoit que le fruit des belles et saintes actions c'est de les avoir faittes, et que hors de la vertu il n'y a point de loyer digne d'elle; c'est pourquoy il n'en desiroit point d'autre que la gloire de nostre Dieu.

  A007001947 

 Mais apres la victoire de tant d'ennemis, ce grand prince ne fut pas pourtant vaincu de la vanité, laquelle bien souvent est victorieuse des autres vainqueurs.

  A007001955 

 C'est grand cas que la presence de ce cappitaine françois ayt peu arrester la course des armees turquesques, et qu'a son aspect leur lune se soit eclipsee.

  A007001955 

 Je m'en resjouys avec vous, o belle France, et loué soit nostre Dieu que de vostre arsenal soit sortie une espee si vaillante, et que l'Empire soit venu a la queste d'un lieutenant general a la cour de vostre grand Roy, auquel c'est une grande gloire d'estre le plus grand guerrier d'un royaume duquel sortent des princes qui au reste du monde sont estimés et tenuz les premiers.

  A007001956 

 Mais parce que la vie doit estre comme une image dont toutes les parties doivent estre belles, et que la conclusion est la plus remarquable partie de l'œuvre, voyons un peu, je vous supplie, quelle fin eut une si belle vie.

  A007001957 

 A la verité, c'est une tromperie par trop affectee qu'une oubliance volontaire de ce passage, puysque la nature ne fait grace a personne de sa necessité.

  A007001957 

 C'est pourquoy l'homme prudent ordonne chaque journee comme devant estre la derniere de sa vie, laquelle ne doit estre qu'une continuelle disposition a faciliter ce passage, duquel ce grand prince se voyant proche, apres l'avoir tant et tant attendu, il n'eut pas beaucoup de peyne a s'y resoudre et a se resigner entierement; car ne sçachant ou ceste heure l'attendoit, il l'attendoit par tout.

  A007001958 

 Et comme l'on void que le mouvement naturel est tous-jours plus fort en la fin qu'au commencement, aussi sa devotion et pieté en ceste derniere action fit tout l'effort de ses saintz mouvemens.

  A007001959 

 Quand je dis que le duc de Mercœur est decedé, je dis aussi un grand duc et grand prince; mais ce qui est plus que tout cela et ou le monde ne peut atteindre, je dis ensemble un grand selon Dieu, grand en foy et religion, grand en vertu et preudhommie, grand en douceur et debonnaireté, grand en merites et bienfaitz, grand en prudence et en conseil, grand en reputation et honneur devant Dieu et devant les hommes, grand en toutes sortes et manieres.

  A007001960 

 Et comme il advient en un grand fleuve dont l'embouchure est estroitte, qu'avec plus d'impetuosité il se desgorge en la mer, ou [à] l'arbre qui veut mourir, que pour la derniere fois il porte du fruit plus que l'ordinaire, les vertus qui auparavant faisoyent en luy leurs fonctions a part, tant qu'il a vescu en ce monde, se sont icy jointes ensemble pour luy faire dire avec saint Paul: Cum infirmor, tunc potens sum, pour marcher au devant de luy, servir de fanal dans les tenebres du trespas, et pour faire que cest arbre, sur les rameaux duquel tant d' oyseaux ont reposé et a l'abri duquel tant d'animaux ont repeu, tombant du costé du midy, c'est a dire en estat de grace et de gloire, y demeure eternellement.

  A007001961 

 Laisses pleurer David sur la mort de son Absalon lequel est mort reprouvé; mais consoles vous sur le trespas de ce prince qui n'est pas mort, mais sauvé de la mort.

  A007001961 

 Que vous semble il maintenant, Messieurs, de la vie et du deces de ce prince? Sa vie merite elle pas d'estre celebree par des louanges immortelles? Vous est il advis qu'il faille regretter le trespas de celuy qui a si bien vescu? Il a receu la mort de bon cœur, et vous en voules detester la nouvelle? Non, non; quicomque vous a [432] dict qu'il estoit mort vous a trompés, ceux qui ont si bien vescu ne meurent jamais.

  A007001962 

 Mays il nous a laissé ceste sainte devise qu'il a tant cheri en ce monde, montant en l'autre; car le mot est bon pour avoir le passage au Ciel, mais il ne se peut dire des qu'on y est entré.

  A007001962 

 Quicomque est entré dans les saintz domiciles de la felicité, ne peut avoir le manteau de la foy, car tout y est descouvert: la clarté y est si grande qu'on n'y peut rien croire, d'autant qu'on y voit tout.

  A007001963 

 Si l'esprit de ce prince a quelque soin de nous, comme il n'en faut pas douter, je crois que c'est principalement pour le desir qu'il a que quelqu'un luy succede [433] qui puisse comme luy porter pour sa devise: « Plus de foy que de vie.

  A007001963 

 » Car au reste, quel soin peut-il avoir pour ce qui est au monde? De Madame sa femme? Hé quoy, ne sçait-il pas qu'estant vertueuse et devote, elle se sçaura bien consoler en Dieu? De Mademoyselle sa fille? Hé quoy, ignore il qu'elle a une dame et mere qui suppleera le manquement du pere? De l'honneur de sa mayson? Mais il a laissé tant de grans princes qui le sçauront bien maintenir, voire accroistre mesme, a la faveur de ce grand Roy qui luy a rendu tant de tesmoignages de ses merites pendant sa vie, et tant d'honneur a sa memoire apres sa mort.

  A007001966 

 Pour moy, je le considere en cest estat; car encor que je m'imagine que ce grand prince a esté pecheur, au moins comme le sont ceux qui tombent sept fois le jour, et qu'a l'adventure il a eu besoin de quelque purgation selon la severité du juste jugement divin, si est ce que d'ailleurs, considerant sa belle vie: helas, dis je, est il possible que celuy duquel Dieu s'est servi pour delivrer tant d'ames de la captivité des infidelles, soit encor privé de la jouissance de la pleine et triomphante liberté?.

  A007002001 

 Ad merendum: Qui justus est, justificetur adhuc..

  A007002007 

 Hinc lucerna marina effecta est [vita ejus].

  A007002014 

 Pour mériter: Que celui qui est juste, se justifie encore..

  A007002020 

 De là, [sa vie] est devenue une lanterne de mer.

  A007002020 

 Le coq blanc est plus redoutable au lion..

  A007002027 

 Quæ est ista quæ ascendit de deserto, deliciis.

  A007002029 

 Qui est celle cy qui monte du desert, abondante.

  A007002034 

 C'est presque le sujet que j'ay a traitter devant vous, o peuple, mays que je ne puis bien traitter si je n'obtiens l'assistance du Saint Esprit.

  A007002034 

 Et ceux cy sont pleins de consolation: c'est qu'elle est montee pour l'honneur de son Filz et pour exciter en nous une grande devotion.

  A007002034 

 Mais, mon Dieu, si la reception de ceste ancienne Arche fut si solemnelle, quelle devons nous penser avoir esté celle de la nouvelle Arche, je dis de la tres glorieuse Vierge Mere du Filz de Dieu, au jour de son Assumption? O joye incomprehensible! o feste pleine de merveilles, et qui fait que les ames devotes, les vrayes filles de Sion, s'escrient par admiration: Quæ est ista quæ ascendit? Qui est celle cy laquelle monte du desert? Et pour vray, ces pointz sont admirables: la Mere de la vie est morte, la morte est resuscitee et montee au lieu de la vie.

  A007002036 

 Dieu mit au ciel deux luminaires au commencement, l'un desquelz fut appellé par grand excellence le grand luminaire, et l'autre fut nommé le moindre; le grand pour esclairer et præsider au jour, et le moindre pour esclairer et præsider a la nuict; car encores que nostre Createur voulust qu'il y eust vicissitude de jour et de nuict, et que les tenebres succedassent a la lumiere, si est ce qu'estant lumiere luy mesme, il ne voulut pas que les tenebres et la nuict demeurassent du tout privees de lumiere; dont ayant creé le grand luminaire pour le jour, il en crea un moindre pour la nuict, affin que l'obscurité des tenebres fust encores meslee et attrempee par le moyen de sa clarté..

  A007002037 

 Le plus grand c'est son Filz Jesus Christ nostre Sauveur et Maistre, abisme de lumiere, source de splendeur, vray Soleil de justice; le moindre, c'est la tressainte Mere de ce grand Filz, Mere toute glorieuse, toute resplendissante et vrayement plus belle que la lune.

  A007002037 

 Mais en fin, quand l'heure fut venue en laquelle ce pretieux soleil devoit se coucher et porter ses rayons a l'autre hemisphere de l'Eglise qui est le Ciel et la trouppe angelique, que pouvoit-on attendre sinon les obscurités d'une nuict tenebreuse? La nuict aussi arriva tout aussi tost et succeda au jour; car tant d'afflictions et persecutions qui survindrent aux Apostres, qu'estoit ce qu'une nuict? Mais ceste nuict eut encor son luminaire qui l'esclaira, affin que ses tenebres fussent plus tolerables; car la bienheureuse Vierge demeura en terre parmi les disciples et fidelles.

  A007002038 

 C'est le moins, dis je, d'autant que les autres, avec beaucoup de probabilité, la font passer jusques a 72, mais cela importe bien peu.

  A007002038 

 » Elle vesquit donques apres la mort de sa vie, c'est a dire de son Filz, et apres son Ascension, et vesquit asses longuement, bien que le nombre des annees ne soit pas bien asseuré; mais le moins ne peut estre que de quinze ans, qui auroit fait arriver son aage a 63 ans.

  A007002039 

 Il est vray que l'Escriture nous enseigne en termes generaux que tous les hommes meurent, et n'y en a pas un qui soit exempt du trespas, mais elle ne dit pas que tous les hommes sont mortz, ni que tous ceux qui ont vescu soyent des-ja trespassés; au contraire elle en excepte quelques uns, comme Helie qui sans mourir fut transporté sur le chariot de feu, et Enoch qui fut ravi par Nostre Seigneur avant qu'il aye senti la mort; et encores saint Jean Evangeliste, comme je pense estre le plus probable selon la parole de Dieu, ainsy que je vous ay remonstré cy devant, le jour de sa feste en may.

  A007002039 

 Mais la verité est qu'elle est morte et trespassee aussi bien que son Filz et Sauveur, car encor que cela ne se peut prouver par l'Escriture, si est ce que la tradition et l'Eglise, qui sont d'infallibles tesmoins, nous en asseurent..

  A007002039 

 Pourquoy ne pourroit on pas dire de mesme de la Mere de Dieu, a sçavoir qu'elle n'est pas morte encor, mais qu'elle mourra cy apres? Certes, si quelqu'un vouloit maintenir ceste opinion, on ne sçauroit le convaincre [442] par l'Escriture, et selon vos principes, o adversaires de l'Eglise Catholique, il seroit bien fondé.

  A007002039 

 Que si cela est certain comme il l'est, il est aussi tres certain qu'en fin ceste sainte Dame mourut; non que l'Escriture le tesmoigne, car je ne trouve aucune parole en l'Escriture ou il soit dit que la Vierge soit morte; la seule tradition ecclesiastique est celle-la qui nous en asseure, et la sainte Eglise, laquelle le confirme en l'orayson secrette qu'elle dit au saint office de la Messe de ceste feste.

  A007002040 

 Asseurés donques qu'elle est morte, meditons, je vous supplie, de quelle sorte de mort elle mourut.

  A007002040 

 Quelle mort fut tant hardie que d'oser attaquer la Mere de la vie, et celle de laquelle le Filz avoit vaincu et la mort et sa force qui est le peché? Soyes attentifz, mes tres chers auditeurs, car ce point est digne de consideration.

  A007002041 

 La rayson fondamentale est parce que Nostre Dame n'avoit qu'une mesme vie avec son Filz, elle ne pouvoit donq avoir qu'une mesme mort; elle ne vivoit que de la vie de son Filz, comme pouvoit-elle mourir d'autre mort que de la sienne? C'estoyent a la verité deux personnes, Nostre Seigneur et Nostre Dame, mais en un cœur, en une ame, en un esprit, en une vie; car si le lien de charité lioit et unissoit tellement les Chrestiens de la primitive Eglise, que saint Luc asseure qu'ilz n'avoyent qu' un cœur et une ame (aux Actes, 4 ), combien avons nous plus de rayson de dire et croire que le Filz et la Mere, Nostre Seigneur et Nostre Dame, n'estoyent qu' une ame et qu'une vie?.

  A007002041 

 Ma response est en un mot que Nostre Dame Mere de Dieu est morte de la mort de son Filz.

  A007002042 

 C'est pourquoy, si saint Paul ne vivoit que de la vie de Nostre Seigneur, Nostre Dame aussi ne vivoit que de la mesme vie, mais plus parfaitement, mais plus excellemment, mais plus entierement..

  A007002043 

 Que si elle vivoit de sa vie, aussi est-elle morte de sa mort.

  A007002044 

 Le glaive de la parolle de Dieu, lequel, comme parle l'Apostre, est plus penetrant qu'aucune espee a deux taillans.

  A007002050 

 Le glaive d'amour, duquel Nostre Seigneur parle: Non veni mittere pacem, sed gladium; Je ne suis [444] pas venu mettre la paix, mais le glaive, qui est le mesme que quand il dit: Ignem veni mittere; Je suis venu mettre le feu. Et au Cantique des Cantiques, l'Espoux estime que l'amour soit une espee par laquelle il a esté blessé, disant: Tu as blessé mon cœur, ma seur, mon espouse. De ces trois glaives fut transpercee l'ame de Nostre Dame en la mort de son Filz, et principalement du dernier qui comprend les deux autres..

  A007002051 

 Ce n'est donques pas merveille si je dis que les douleurs du Filz furent les espees qui transpercerent l'ame de la Mere..

  A007002051 

 L'amour a accoustumé de faire recevoir les contre coups des afflictions de ceux que l'on cherit: Quis infirmatur, et ego non infirmor? Qui est malade, que je ne le sois? qui reçoit un coup de douleur, que je n'en reçoive le contre coup? dit le saint Apostre; et neanmoins l'ame de saint Paul ne touchoit pas de si pres au reste des fidelles, comme l'ame de Nostre Dame touchoit et attouchoit de fort pres, et de si pres que rien plus, a Nostre Seigneur, a son ame et a son cors, duquel elle estoit la source, la racine, la Mere.

  A007002051 

 Quand on donne quelque grand et puissant coup sur une chose, tout ce qui la touche de plus pres en est participant et en reçoit le contre coup.

  A007002052 

 L'ame de Nostre Dame estoit jointe en parfaitte union a la personne de son Filz, elle estoit collee sur elle: Anima Jonathæ conglutinata est ad animam David, dit l'Escriture, I Reg., 18; L'ame de Jonathas fut liee ou collee a celle de David, tant leur [445] amitié estoit estroitte; et partant, les espines, les clouz, la lance qui percerent la teste, les mains, les piedz, le costé de Nostre Seigneur, passerent encores outre et outrepercerent l'ame de la Mere.

  A007002053 

 C'est la verité, o peuple, plus les paroles de Nostre Seigneur furent douces, plus furent elles cuisantes a la Vierge sa Mere, et le seroyent a nous si nous aymions son Filz.

  A007002054 

 Et quoy, me dires-vous, mourut elle alhors? J'ay des-ja dit que quelques uns qui l'ont ainsy voulu dire ont fort [446] erré, et que l'Escriture tesmoigne qu'elle estoit encor vivante au jour de la Pentecoste, et qu'elle persevera avec les Apostres aux exercices de l'orayson et communion, et de plus que la tradition est qu'elle vescut plusieurs annees despuis.

  A007002054 

 Mais oyes, je vous prie: n'arrive il pas souvent qu'une biche est blessee par le veneur, et que neanmoins elle s'eschappe avec son coup et sa playe, et va mourir bien loin du lieu ou elle a esté blessee et plusieurs jours apres? Ainsy certes Nostre Dame fut blessee et atteinte du dard de douleur en la Passion de son Filz sur le mont de Calvaire, et ne mourut toutefois pas a l'heure, mays porta longuement sa playe de laquelle en fin elle mourut.

  A007002055 

 Aristote raconte que les chevres sauvages de Candie (Pline en dit de mesme des cerfz) ont une malice et ruse, ou plustost un instinct admirable; car estant transpercees d'une flesche elles recourent au dictamon, par le moyen duquel la flesche est expulsee et rejettee du cors.

  A007002055 

 Mays qui est le Chrestien qui n'ayt esté quelquefois blessé du dard de la Passion du Sauveur? Qui est le cœur qui ne soit atteint, considerant son Sauveur fouetté, tourmenté, garrouté, cloué, couronné d'espines, crucifié? Mays je ne sçay si je le dois dire, que la pluspart des Chrestiens ressemblent aux hommes de Candie desquelz parlant l'Apostre, il dit: Cretenses mendaces, ventres pigri, malæ bestiæ; Les Candiotz sont menteurs, ventres coüars, mauvaises bestes. Au moins puis je bien dire que plusieurs ressemblent aux chevres sauvages de Candie; car ayant esté blessés et atteins en leur ame de la Passion du Sauveur, ilz recourent incontinent au dictamon des consolations mondaines, par lequel les dars de l'amour divin sont rejettés et repoussés de leur memoire.

  A007002056 

 Or, si ne faut-il pas s'arrester ici; ce sujet est aggreable a mon advis.

  A007002057 

 Il est mort d'amour, ce Sauveur de mon ame; la mort n'y pouvoit rien que par le moyen de l'amour: Oblatus est quia ipse voluit..

  A007002057 

 O Chrestiens, l'amour est aussi fort que la mort: Fortis ut mors dilectio.

  A007002058 

 C'est cela qui le fait crier a pleine voix en mourant, pour monstrer qu'il avoit asses de force pour ne mourir pas, s'il luy eust pleu.

  A007002058 

 C'est la resolution qu'il donne luy mesme: Majorem charitatem nemo habet, quam ut animam suam ponat quis pro amicis suis..

  A007002058 

 Mais non, il ne voulut pas; l'amour qu'il nous portoit comme une Dalila luy osta toute sa force, et se laissa volontairement mourir; et partant il n'est pas dit que son esprit sortit de luy, mais qu'il le rendit: Emisit spiritum.

  A007002059 

 Il est donq mort d'amour, et c'est ce qui fait que son sacrifice de la croix fut un holocauste, parce qu'il y fut consumé par ce feu, invisible mais d'autant plus ardent, de sa divine charité qui le rend sacrificateur en ce sacrifice, et non les Juifz ou Gentilz qui le crucifierent, d'autant qu'ilz n'eussent sceu luy donner la mort par leurs actions, si son amour, par le plus excellent acte de charité qui fut onques, n'en eust permis et commandé le dernier effect, puysque tous les tourmens qu'ilz luy firent fussent demeurés sans effect, s'il n'eust voulu leur permettre la prise sur sa vie et leur donner force sur luy: Non haberes potestatem adversum me, nisi datum tibi esset desuper..

  A007002060 

 O que l'amour divin est bien plus actif et puyssant! Son object, son principe est bien plus grand; c'est pourquoy ce n'est pas chose estrange si je dis que Nostre Dame en mourut.

  A007002060 

 Or, puysqu'il est certain que le Filz est mort d'amour et que la Mere est morte de la mort du Filz, il ne faut pas douter que la Mere ne soit morte d'amour.

  A007002061 

 Helas, son thresor estoit au Ciel, c'est a dire son Filz, son cœur n'estoit donq plus en elle; la estoit le cors qu'elle aymoit tant, os de ses os, chair de sa chair; la voloit ceste sainte aigle: Ubicumque fuerit corpus, ibi congregabuntur et aquilæ.

  A007002062 

 Ah, si tant de vierges, comme sainte Catherine de Sienne, sainte Claire de Montefalco, ont bien eu ceste grace, pourquoy non Nostre Dame, laquelle ayma son Filz et sa mort et sa croix incomparablement plus que ne firent onques tous les Saintz et les Saintes? Aussi n'estoit elle plus qu'amour, et en nostre langage, l'anagramme de Marie n'est autre chose que aimer: aimer c'est Marie, Marie c'est aimer.

  A007002063 

 Ah, cela se croit des cors d'Helie et Enoch lesquelz, comme il est dit en l'Apocalypse, mourront, mais pour trois jours seulement et sans corruption; combien plus de la Vierge, de laquelle la chair immaculee a une si estroitte alliance avec celle du Sauveur, qu'on ne sçauroit imaginer aucune imperfection en l'une que le deshonneur ne rejaillisse [451] sur l'autre.

  A007002063 

 Tu es poudre et tu retourneras en poudre; cela fut dit au premier Adam et a la premiere Eve, le second et la seconde n'y ont point eu de part: et c'est une regle certes bien generale, mais non pas sans exception, comme j'ay monstré d'Helie et d'Enoch.

  A007002064 

 N'est il pas vray que nonobstant ces regles, plusieurs resusciterent au jour de la resurrection, Multa corpora sanctorum qui dormierant resurrexerunt? Et pourquoy non la Vierge, a laquelle, dit le grand Anselme, nous ne devons refuser aucun privilege ni honneur qui soit accordé a aucune creature simple?.

  A007002065 

 L'Escriture, laquelle ne contredit ni a l'une de [452] ces deux verités ni a l'autre, n'en establit aussi ni l'une ni l'autre par paroles bien expresses; mays la sainte tradition qui nous enseigne qu'elle est decedee, nous apprend avec esgale asseurance qu'elle est resuscitee, et si quelqu'un refuse credit a la tradition pour la resurrection, il ne sçauroit convaincre celuy qui en fera de mesme pour la mort et trespas.

  A007002065 

 Mays nous qui sommes Chrestiens, croyons, asseurons et preschons qu'elle est morte, et bien tost resuscitee, parce que la tradition le porte, parce que l'Eglise le tesmoigne.

  A007002066 

 C'est ce que tesmoigne l'Eglise, appellant ceste feste Assumption, fondee sur la mesme tradition par laquelle elle est asseuree de la mort et resurrection..

  A007002066 

 Or, ce n'est pas asses de croire qu'elle est resuscitee, car il faut encor establir en nostre ame qu'elle n'est pas resuscitee pour mourir lautre fois comme fit le Lazare, mais pour suivre son Filz au Ciel, comme firent ceux qui resusciterent au jour que Nostre Seigneur resuscita; Math., 27.

  A007002067 

 Mays qui est l'enfant qui ne resuscitast sa bonne mere, s'il pouvoit, et ne la mist en Paradis apres qu'elle seroit decedee? Ceste Mere de Dieu mourut d'amour, et l'amour de son Filz la resuscita; et en ceste consideration laquelle, comme vous voyes, est toute raysonnable, nous disons aujourd'huy: Quæ est ista quæ ascendit de deserto, deliciis affluens, innixa super Dilectum suum? C'est le sujet de nostre feste, c'est l'occasion de ceste grande allegresse que tous les saintz celebrent en l'Eglise militante et triomphante..

  A007002068 

 Et comme douterons nous qu'a l'Assumption de la tressainte Mere du Sauveur tous les Anges n'ayent fait feste et celebré sa venue par toutes sortes de cantiques de joye, auxquelz joignans nos vœux et affections, nous devons faire une solemnelle feste avec des voix et chans de triomphe: Qui est celle ci qui monte du desert, abondante en delices?.

  A007002069 

 Elle monte sicut virgula fumi ex aromatibus myrrhæ et thuris: Qui est celle, est il dit au Cantique des Cantiques, qui monte du desert comme une colomne de fumee, parfumee de mirrhe et d'encens, et de toutes les poudres d'un parfumeur? La reyne de Saba vint, comme vous sçaves, visiter le roy Salomon pour considerer sa sagesse et le bel ordre de sa cour, et a son arrivee elle luy donna une grande quantité d'or, de parfums et de pierres pretieuses: Non sunt allata ultra tam multa aromata, quam ea quæ dedit regina Saba regi Salomoni.

  A007002070 

 Voules vous voir clair en ceste doctrine? Sçaches qu'en matiere de bonnes œuvres, il n'y a personne qui commence si tost a en faire ni qui continue si diligemment comme fit Nostre Dame; car quant a nous autres, nous commençons bien tard a en faire, et si nous en faysons, bien souvent nous les perdons par le peché et ne continuons pas; si que l'amas ne s'en trouve pas fort grand, car bien qu'a l'adventure nous assemblons quelques deniers de merite, ce n'est que quelquefois, et bien souvent nous jouons et dissipons nostre argent en un coup de peché.

  A007002071 

 Mays en ceste sainte journee en laquelle Nostre Dame arriva au royaume de son Filz, penses comme le Pere eternel luy aura dit: Toute ma gloire est tienne, o mon bienaymé Filz; ta Mere est venue vers toy, fais la habiter au plus haut grade, en la meilleure et eminente place de ce royaume.

  A007002071 

 Pharao defera tant a Joseph, que son pere estant arrivé en Egipte, il luy dit: Ton pere et tes freres sont venus vers toy; le païs d'Egipte est a ton commandement, fais habiter ton pere et tes freres en la meilleure terre; Gen., 47.

  A007002072 

 Aves-vous pas remarqué que la reyne de Saba portant tant de [456] choses pretieuses en Hierusalem, les offrit toutes a Salomon? Ah, tous les Saintz en font de mesme, et particulierement la Vierge; toutes ses perfections, toutes ses vertus, toutes ses felicités sont rapportees, consacrees et dediees a la gloire de son Filz qui en est la source, l'autheur et le consommateur: Soli Deo honor et gloria; tout revient a ce point.

  A007002072 

 Bref, en tout et par tout elle est appuyee sur son Bienaymé.

  A007002072 

 C'est ainsy, o Chrestiens, qu'il faut estre jaloux de l'honneur de Jesus Christ, non pas comme les adversaires de l'Eglise, qui pensent bien honnorer le Filz refusant l'honneur deu a la Mere; ou au contraire, l'honneur porté a la Mere estant rapporté au Filz, rend magnifique et illustre la gloire de sa misericorde..

  A007002072 

 C'est la conclusion de toutes les louanges que l'Eglise donne saintement aux Saintz, et sur tout a la Vierge; car nous les rapportons tous-jours a l'honneur de son Filz, par la force et vertu duquel elle monte et a receu la plenitude des delices.

  A007002072 

 Elle dit en fin que ceste sainte Dame montant du desert, abondante en delices, est appuyee sur son Bienaymé.

  A007002072 

 Si elle est sainte, qui l'a sanctifiee sinon son Filz? Si elle est sauvee, qui en est Sauveur sinon son Filz? Innixa super Dilectum suum.

  A007002072 

 Si vous dites qu'elle est une colomne de fumee souëfve et gratieuse, dites tout aussi tost que le feu de ceste fumee c'est la charité de son Filz; le bois c'est la Croix d'iceluy.

  A007002072 

 Tout son bonheur est fondé sur la misericorde de son Filz.

  A007002072 

 Voules-vous que Nostre Dame soit un lys de pureté et d'innocence? Ouy, elle l'est a la verité; mais ce lys a sa blancheur du sang de l'Aigneau auquel elle a esté blanchie, comme les estolles de ceux qui dealbaverunt eas in sanguine Agni, qui les ont lavees au sang de l'Aigneau.

  A007002073 

 Aux uns elle remonstre que la Vierge est creature, mais si sainte, mais si parfaitte, mais si parfaittement alliee, jointe et unie a son Filz, mais tant aymee et cherie de Dieu, qu'on ne peut bien aymer le Filz que pour l'amour de luy on n'ayme extremement la Mere, et que pour l'honneur du Filz on n'honnore excellemment la Mere.

  A007002073 

 Mais aux autres elle dit: le sacrifice est le supreme honneur de latrie qui ne doit estre porté qu'au Createur; et ne voyes-vous pas que la Vierge n'est pas la creatrice, mais une pure creature, quoy que tres excellente?.

  A007002074 

 Et pour moy, j'ay accoustumé de dire qu'en certaine façon la Vierge est plus creature de Dieu et de son Filz que le reste du monde; pour autant que Dieu a creé en elle beaucoup plus de perfections qu'en tout le reste des creatures, qu'elle est plus rachetee que tout le reste des hommes, parce qu'elle a esté rachetee non seulement du peché, mays du pouvoir et de l'inclination mesme du peché, et que racheter la liberté d'une personne qui devroit estre esclave, avant qu'elle le soit, est une grace plus grande que de la racheter apres qu'elle est captive.

  A007002075 

 Et certes, de soy elle n'estoit pas digne d'aucun honneur, elle estoit sans odeur; mais puysque ce grand arc du ciel, ce grand signe de la reconciliation de Dieu avec les hommes, vint petit a petit a fondre sur ceste sainte espine, premierement par grace des sa conception, puys par filiation, se rendant entierement son Filz et reposant en son pretieux ventre, la suavité en a esté si grande que nulle autre plante n'en a jamais tant eu, suavité qui est tant aggreable a Dieu, que les prieres qui en sont parfumees ne sont jamais debouttees ni inutiles; mais tous-jours l'honneur en revient a son Filz duquel elle a receu son odeur..

  A007002075 

 L'espine appellee aspalatus, dit [458] Pline, n'est pas de soy odoriferante; mais si l'arc en ciel vient fondre sur elle, il luy laisse une odeur de suavité incomparable.

  A007002076 

 Le Sauveur est advocat de justice, car il plaide pour nous, alleguant le droit et rayson de nostre cause; il produit nos pieces justificatives, qui ne sont autres que sa redemption, que son sang, que sa croix; il confesse a son Pere que nous sommes debiteurs, mais il fait voir qu'il a payé pour nous.

  A007002076 

 Son Filz est nostre advocat; elle, nostre advocate, mais bien diversement, je l'ay dit cent fois.

  A007002077 

 C'est pourquoy toute l'antiquité, pour honnorer Nostre Seigneur, a tant honnoré sa Mere.

  A007002078 

 En ces deux actes est comprins l'exercice de la charité et volonté de la Vierge a l'endroit des hommes; c'est de prier pour eux, et partant nous la devons invoquer avec grande confiance.

  A007002078 

 Je trouve que Nostre Dame ne parla que deux fois aux hommes pour ce qui en est recité en l'Evangile: l'une, quand elle salua Elisabeth, et lhors c'est sans doute qu'elle pria pour elle, car le salut des fidelles se fait par prieres.

  A007002079 

 Faites le, o peuple, pour vostre devoir, pour vostre salut et pour l'amour de Nostre Dame, laquelle, comme vous aves veu, apres l'Ascension de son Filz, demeura encores pour quelques annees en terre, et mourut neanmoins apres quelque tems, et de la mort de son Filz, c'est a dire d'amour.

  A007002079 

 Mais elle ne demeura gueres morte, mais fut resuscitee, et monta du desert de ce monde la haut en Paradis, ou elle est au supreme degré de toutes les creatures; et tout cela pour la plus grande gloire de son Filz, pour laquelle elle prie pour nous et nous demande que nous luy soyons fidelles serviteurs..

  A007002081 

 Soyes propice au Roy: vostre grand père [461] David fit du bien au filz de Jonathas pour la memoire des services et offices receuz de Jonathas, et ce Roy est petit filz d'un de vos plus fidelles et devotz serviteurs, le bienheureux saint Louys; nous vous prions de luy donner vostre protection au nom de ce saint Roy.

  A007002095 

 Pharao quidam Joseph cognoscit, tempore justitiæ originalis; sed alius non cognoscit Joseph, id est, rationem.

  A007002096 

 4: Melior est puer pauper et sapiens, rege sene et stulto qui nescit prævidere in posterum. Regnans Saul duobus annis; id est, innocenter vivit; 1 Reg.

  A007002097 

 Exi post vestigia gregum tuorum: exi ad sensus, quasi in regni limitibus; Pasce hædos tuos; id est, motus pravos, et in servitutem redige, juxta tabernacula pastorum, id est, leges Ecclesise..

  A007002100 

 Haire, discipline: Ego autem cum mihi molesti essent, induebar cilicio; humiliabam in jejunio animant meam, et factum est in opprobrium mihi.

  A007002102 

 O quam magnus Rex! Bonum est viro cum portaverit jugum ab adolescentia.

  A007002104 

 Et verum est reges malos moribus et perditissimos, reges esse, quos Deus dat in furore suo, sed longe beatior respublica cujus rex [465] sapiens.

  A007002104 

 O Gallia, adeptus est regnum anno 12, unctus Remis ab Episcopo Suessionensi.

  A007002105 

 Ac ubi res militaris peracta est, tanquam Melchisedech, rex Salem (justitiæ et pacis): suscipiant montes pacem populo, et colles justitiam; Justitia et pax osculatæ sunt.

  A007002108 

 In blasphemos quam maxime; nam blasphemia est læsæ majestatis Divinæ, non tamen omnia peccata.

  A007002123 

 La terre est troublée par trois choses: par l'esclave lorsqu'il commence à régner.

  A007002123 

 Un [463] Pharaon connaît Joseph, temps de la justice originelle; mais un autre ne connaît pas Joseph, c'est-à-dire la raison.

  A007002124 

 Un enfant pauvre et sage vaut mieux qu'un roi vieux et insensé qui ne sait pas prévoir pour l'avenir. Saül qui règne deux ans, c'est-à-dire, qui vit dans l'innocence..

  A007002125 

 Pais tes chevreaux, c'est-à-dire les mouvements dépravés, réduis-les en servitude, près des tentes des pasteurs, c'est-à-dire, selon les lois de l'Eglise..

  A007002126 

 L'homme est un petit monde; au temps de la justice originelle la raison en était le roi, toutes les passions lui étaient soumises: le désir, l'espérance du bien futur; la joie, l'allégresse pour le bien obtenu; l'amour des choses indifférentes de leur nature; la crainte du mal à venir; la tristesse, la douleur pour le mal présent..

  A007002127 

 Ce n'est pas moi qui le fais, mais le péché qui habite en moi.

  A007002130 

 Oh! quel grand Roi! Il est bon à l'homme d'avoir porté le joug dès sa jeunesse. Nul ne sera couronné sinon celui qui aura légitimement combattu; comme Louis qui lutta contre ses ennemis jusqu'à l'extermination.

  A007002131 

 Il est vrai que les rois aux mœurs dépravées et corrompues sont des rois, que Dieu donne dans sa fureur; mais combien plus [465] heureux est l'état gouverné par un roi sage! Vos lis parleront par analogie, ces lis qui, d'après saint Ambroise, fleurissent et conservent leur éclat même quand la tige et les feuilles sont desséchées; leur épanouissement toutefois est bien plus beau quand ils sont entourés de feuilles printanières..

  A007002132 

 Or la justice est triple: commutative, distributive, punitive..

  A007002133 

 Craignant que ses sujets pauvres fussent délaissés, il entendait leurs causes en personne deux fois la semaine, en un lieu convenable, quelquefois sous un arbre, pour se rendre plus accessible aux paysans: il s'est fait tout à tous..

  A007002135 

 Il la pratiqua avant tout à l'égard des blasphémateurs, car le blasphème est un crime de lèse-majesté divine; il n'en va pas de même de tout péché.

  A007002139 

 O heureuse France, combien longtemps l'Epoux s'est nourri parmi tes lis! [467] Combien de royaumes, de provinces, etc. Dieu fasse que tes lis ne se flétrissent jamais, mais toi veille à ne les jamais perdre..

  A007002154 

 Caïus se figurait qu'il deviendrait Dieu en revêtant les insignes de la divinité; toutefois, ce n'est pas ainsi qu'on le devient, mais par les vertus.

  A007002156 

 Le seigneur Louis est entré dans le royaume en passant au milieu des lions.

  A007002157 

 C'est lui qui te couronne dans sa miséricorde et dans sa bonté. Dans l'Ecclésiastique, il est dit d'Aaron: Il l'a couronné d'ornements de majesté, La crainte du Seigneur est une couronne de joie..

  A007002159 

 Grecz tiennent que la pasture du fresne est poison aux bestes qui ne ruminent.

  A007002167 

 Turon., De Gloria Confess., c. 32: « Sile, vir Dei, quia non est necesse proloqui virum nemine interrogante secretum.

  A007002168 

 Esther omnia observabat ac eo tempore solita erat cum nutriebat eam parvulam in domo sua; Est.

  A007002168 

 Sagitta Saul non est reversa inanis.

  A007002168 

 Sarai castissima in matrimonio: Postquam consenui et dominus meus vetulus est, voluptati operam dabo? Gen.

  A007002172 

 Saint Grégoire de Tours, De la gloire des Confesseurs: « Garde le silence, ô homme de Dieu; c'est inutile de publier le nom d'un inconnu quand personne ne le demande.

  A007002173 

 L'amour est fort comme la mort.

  A007002173 

 La flèche de Saül n'est pas retournée sans effet... Esther observait toutes choses comme elle avait coutume lorsqu'il l'élevait petite enfant dans sa maison.

  A007002173 

 Saraï très chaste dans le mariage: Après que je suis devenue vieille et que mon seigneur est aussi vieux, penserai-je au plaisir? Et cependant, elle était encore très belle: Abimélech.

  A007002183 

 Apoc. 20: Vidi thronum candidum, et sedentem super eum, a cujus conspectu fugit terra et cœlum, et locus non est inventus eis; et vidi mortuos, etc., et libri aperti sunt, et alius liber qui est vitæ; et judicati sunt mortui ex iis quæ scripta erant in libris secundum opera eorum.

  A007002183 

 [XXV,] 12: Amen dico vobis. 1 Cor. 4: Mihi autem pro minimo est, etc.; itaque nolite ante tempus judicare.

  A007002186 

 9: Statutum est, etc. [Ps.] 88: Quis est homo qui vivet et non videbit mortem? Ro.

  A007002195 

 Je vis un trône blanc, et quelqu'un assis dessus, en présence duquel la terre et le ciel s'enfuirent, et leur place ne se trouva plus; et je vis les morts, etc.; et les livres furent ouverts, et un autre livre qui est le livre de vie; et les morts furent jugés sur ce qui était écrit dans les livres selon leurs œuvres.

  A007002195 

 Le livre de vie, c'est-à-dire des prédestinés; d'après Anselme, c'est la vie du Christ..

  A007002195 

 Pour moi, je me mets fort peu en peine, etc.; c'est pourquoi ne jugez pas avant le temps.

  A007002196 

 C'est grâce aux miséricordes du Seigneur que nous n'avons pas été consumés.

  A007002198 

 Il est statué, etc. Quel est l'homme qui vivra et qui ne verra pas la mort? La mort a passé dans tous les hommes..


08-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VIII-Vol.2-Sermons.html
  A008000123 

 Articulus est sapientise.

  A008000123 

 Credendum Ecclesiæ, et nimia sollicitudo ex pertinacia est.

  A008000124 

 I a, multorum: id est, Christi resurrectio, etc. Verum multæ hic sunt difficultates; quia non eis magis resurrectio quam ascensio, aut mortuorum, etc. 2 a.

  A008000124 

 Id est, nullum: minae, ruinae; adhuc quadraginta dies, etc. Adhuc quadraginta anni.

  A008000124 

 Nisi signum Jonae Prophaetae: id est, nisi signum condemnationis, quia viri Ninivitœ surgent; Hilarius et Maldonatus.

  A008000124 

 Verum difficillima est interpretatio.

  A008000131 

 Il en est de même du Christ, qui déclare ses miracles si nécessaires que si je n'avais pas fait, [dit-il,] parmi eux des œuvres que nul autre n'a faites, ils n'auraient point de peché.

  A008000131 

 Pour faire saisir cette vérité, je considère la sainteté de l'Eglise sous deux aspects: Toute la gloire de la fille du roi est au dedans, avec des franges d'or, etc.; mais le parfum des vêtements, etc. De même Isaac, au parfum de son fils, etc. Voir le Manuscrit.

  A008000132 

 C'est une maxime de la sagesse.

  A008000133 

 C'est-à-dire, aucun: menaces, ruines; encore quarante jours, etc. Encore quarante ans.

  A008000133 

 Mais l'interprétation est très difficile, Et il ne lui sera donné d'autre signe que celui du Prophète Jonas. 1 re interprétation, celle d'un grand nombre: c'est-à-dire la résurrection du Christ, etc. Mais il y a là de nombreuses difficultés; car la résurrection [du Christ] n'était pas plus un signe pour eux que Son ascension ou [la résurrection] des morts, etc. 2 me.

  A008000133 

 Si ce n'est le signe du Prophète Jonas, c'est-à-dire, si ce n'est le signe de la condamnation, car les hommes de Ninive se lèveront.

  A008000166 

 18: Nunquid voluntatis meœ est mors impii, et non ut convertatur et vivat? Convertimini, et agite pœnitentiam ab omnibus iniquitatibus vestris, et non erit in ruinam iniquitas.

  A008000168 

 1 a ratio: Quia Deus offensus est.

  A008000171 

 Peccatum meum contra me est semper; Amplius lava me.

  A008000171 

 Similis est falsa verse; cigue et persil.

  A008000171 

 [1 a causa est] falsitas pœnitentiæ.

  A008000172 

 2 a causa est falsus timor de pœnitentise asperitate; falsus, nam peccator gaudet et dolet, ut simia nucem.

  A008000178 

 Je crois que le sens littéral est celui-ci: vous laissez de côté le vrai Messie, vous me chercherez dans d'autres, etc. Mais comme on entend aussi ce passage de leur mort dans le péché, voyons:.

  A008000180 

 Est-ce que je veux la mort de l'impie, et non qu'il se convertisse et qu'il vive? Convertissez-vous et faites pénitence de toutes vos iniquités, et l'iniquité ne causera pas votre ruine.

  A008000182 

 1 re raison: Parce que c'est Dieu qui a été offensé.

  A008000182 

 3 me: Parce que le pécheur a une volonté éternelle de pécher; car s'il pèche sachant qu'il est mortel, que ne ferait-il pas s'il se savait immortel? Il les a abandonnés aux désirs de leur cœur, etc..

  A008000184 

 Mon péché est toujours devant moi.

  A008000184 

 [La première cause est] que la pénitence est fausse.

  A008000185 

 La deuxième cause est une fausse crainte des rigueurs de la pénitence; fausse, car le pécheur se réjouit et s'attriste, comme le singe qui mange une noix.

  A008000185 

 Le Seigneur est doux et juste.

  A008000185 

 Que Dieu est bon à Israël! Que vos paroles sont douces à mon palais! [8].

  A008000195 

 16: Filius hominis venturus est in gloria Patris, et tune reddet unicuique.

  A008000195 

 2: Thesaurisas tibi iram in [9] die irae, et... justi... qui reddet, etc. Apoc. ult.: Ecce venio cito, et merces mea mecum est, reddere unicuique.

  A008000195 

 Non est meum dare vobis, ut hominis, nam id Dei est; Aug. Nunc nam veni invitare ad pugnam; Ambros.

  A008000195 

 Vobis, cognatis, petentibus qui nondum meruistis (Remigius; «superbis»), sed quibus paratum, id est, bene meritis.

  A008000196 

 Et qui loquebatur mecum, habebat mensuram arundineam auream; mensura hominis, quae est mensura Angeli; [Apoc.,] 21.

  A008000196 

 Nostro nam quicquid habemus ex Deo est; utilitas ergo ex Deo.

  A008000204 

 Un récit inopportun est comme une musique pendant le deuil..

  A008000205 

 A vous, parents, qui demandez et n'avez pas encore mérité (Remi, «orgueilleux»), mais à ceux pour qui il a été préparé, c'est-à-dire, qui ont bien mérité.

  A008000205 

 Ce n'est pas à moi, comme homme, de vous l'accorder, car ceci relève de Dieu; saint Augustin.

  A008000205 

 Le Fils de l'homme viendra dans la gloire de son Père, et alors il rendra à chacun. [9] Tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la colère, et... du juste... qui rendra, etc. Voil'a que je viens bientôt, et ma récompense est avec moi, pour rendre à chacun.

  A008000206 

 Car tout ce que nous avons vient de notre Dieu; c'est donc par Dieu que nous sommes utiles.

  A008000206 

 Et celui qui me parlait avait un roseau d'or pour mesurer; mesure d'homme, qui est la mesure de l'Ange.

  A008000209 

 L'ambition est le singe de l'humilité.

  A008000226 

 Cecidit in deserto raanna, et idem manna servatum est in vase aureo; Heb.

  A008000236 

 C'est pourquoi la béatitude est comparée à un souper et à une manducation.

  A008000236 

 Qui nous donnera de nous [12] rassasier de sa chair? L'Epouse: Mon Bien-Aimé m'est un faisceau de myrrhe, il demeurera entre mes mamelles.

  A008000237 

 C'est pour cela que nous sommes tous frères, parce que par le même corps et le même sang nous sommes nourris pour la vie éternelle..

  A008000240 

 Pour cela, il est ordonné dans l'Exode, XII: S'ils vous demandent, etc; Agneau pascal.

  A008000243 

 Pose-moi comme un sceau, etc. Mon Bien-Aime est a moi, etc..

  A008000251 

 creditis mihi? Qui ex Deo est, verba.

  A008000256 

 Arcam fœderis portare est legem implere, juxta illud: Jugum enim meum suave et onus meum lev e.

  A008000256 

 Buccina est Mot Dei.

  A008000257 

 Later est cor hominis, nam terra est; Hierusalem est decor et dignitas animæ et imaginis Dei, fidei et donorum Dei; cognitio Christi, esse Christianum.

  A008000258 

 Qui ex Deo est, verba Dei audit.

  A008000258 

 Signum prsedestinationis et quod sumus filii Dei est audire ejus verba.

  A008000259 

 11; ut non [17] audiat, id est, intelligat.

  A008000261 

 Dixerunt ergo Judaei: Nunc cognovimus quia daemonium habes; Abraham mortuus est, et Prophetae mortui sunt, quem teipsum facis? Respondit [18] Jesus: Si ego glorifico meipsum, gloria mea nihil est; est Pater meus, etc..

  A008000261 

 Ego non quaero gloriam meam; est qui quaerat et judicet.

  A008000262 

 Denigrata est super carbones.

  A008000262 

 Egressus est a facie Domini.

  A008000262 

 Peccatum meum contra me est semper.

  A008000266 

 Qui d'entre voits me convaincra de pichi? Si je vous dis la viriti, pourquoi ne me croyez-vous point? Celui qui est (le Dieu, icoute les paroles dc Dieu; et si vous ne les icontez point, c'est parce quc vous n'êtes point de Dieu..

  A008000267 

 Mais ils ne veulent pas les remuer du doigt. La trompette est la parole de Dieu.

  A008000267 

 Porter l'Arche d'alliance, c'est accomplir la loi, d'apres ce texte: Car mon joug est doux et mon fardeau léger.

  A008000269 

 Eh! Seigneur, c'est parce que vous dites la vérité qu'on ne peut accepter votre doctrine.

  A008000269 

 Et toi, fils de l'homme, prends une brique, mets-la devant toi et tu y décriras la cité de Jérusalem; et tu disposeras contre elle un siège, et tu bâtiras des fortifications, tu formeras un rempart, tu établiras contre elle des camps, et tu mettras des béliers autour. La brique, c'est le cœur de l'homme, car il est terre; Jérusalem, c'est l'ornement et la dignité de l'âme et de l'image de Dieu, de la foi et des dons de Dieu; connaître le Christ, être Chrétien.

  A008000269 

 Et tu disposeras un siège; ce qui a lieu lorsqu'on montre à l'homme par combien de vices, de péchés, de crimes il est assiégé.

  A008000270 

 Celui qui est de Dieu, écoute les paroles de Dieu.

  A008000270 

 Entendre la parole de Dieu est un signe de prédestination et de filiation divine.

  A008000271 

 Comment connaissez-vous que quelqu'un est sourd, sinon quand les paroles ne l'atteignent pas? Près de la fontaine, Eliézer donne à Rébecca des pendants d'oreilles du poids de deux sicles, et des bracelets du poids de dix sicles..

  A008000271 

 Pratiquez la parole et ne l'écoutez pas seulement, vous trompant vous-mêmes, etc. Venez, descendons et confondons leur langue, afin que l'un n'entende pas la parole de l'autre; afin [17] qu'il n'entende pas, c'est-à-dire, qu'il ne comprenne pas.

  A008000272 

 Leur fureur est semblable a celle d'un aspic sourd.

  A008000272 

 Mais la cause principale pour laquelle ils n'entendent pas est la haine, la malveillance dont nous les voyons animés.

  A008000273 

 Je ne cherche point ma gloire; il est quelqu'un qui la cherchera et qui jugera.

  A008000273 

 Jésus répondit: Je n'ai pas de démon en moi (il ne parle pas de Samaritain; il est évident qu'il ne l'était pas), mais j'honore mon Père, et vous, vous me déshonorez.

  A008000273 

 Les Juifs dirent donc; Maintenant nous connaissons qu'il y a un démon en [18] vous; Abraham est mort, et les Prophètes aussi, qui prétendez-vous être? Jésus répondit: Si je me glorifie moi-même, ma gloire n'est rien; c'est mon Père, etc..

  A008000273 

 Les Juifs répondirent et lui dirent: Ne disons-nous pas avec raison que vous êtes un Samaritain et qu'un démon est en vous? Ces paroles-ci sont bien les propos du diable, c'est-à-dire, des blasphèmes, des paroles infernales.

  A008000274 

 Il se retira de devant la face du Seigneur. [ Leur face ] est devenue plus noire que le charbon.

  A008000274 

 Le sacrifice que Dieu désire est un esprit affligé, un cœur contrit, etc. Excitez-vous à la componction dans vos lits.

  A008000274 

 Mon péché est toujours devant moi.

  A008000279 

 locutus est eis, assumptus est in.

  A008000283 

 Eia ergo, oculis mentis intueamur ascendentem; ac ne oculi caligent, s'esblouissent, petamus a Deo gratiam ut se permittat videri, per eam per quam nobis visibilis factus est.

  A008000284 

 Jam olim, cum Christus suam carnem, se ipsum, panem vivum et celestem, suis daturum discipulis promitteret, durum illud discipulis visum est.

  A008000284 

 Quare et dixerunt: Quomodo potest? et: Durus est hic sermo.

  A008000285 

 In omnibus Ecclesia, inquit Tertullianus, ut et Christus, in medio latronum semper crucifixa est.

  A008000286 

 Et sic propemodum semper, ut hic: articulus est fidei «ascendit ad cælos,» ergo non est in Eucharistia; at Ecclesia: et est hic et est in Eucharistia.

  A008000286 

 Tota ratio facti est omnipotentia facientis..

  A008000287 

 Abraham, cum audiret senex se filium hæredem habiturum, interpretatus est de Eliezer.

  A008000287 

 Major est Deus corde nostro.

  A008000288 

 At Christus nunc ait: Hoc est corpus meum; quid hæsitas? Corpus Christi est sine dubio.

  A008000288 

 Manhu? quid est hoc? Iste est [23] panis quem dedit Dominus ad vescendum.

  A008000291 

 C'est icy le dernier et le complement des misteres de la Redemption.

  A008000291 

 Mais puisque c'en est la feste, meditons un peu le second, l'Ascension.

  A008000291 

 Or sus, c'est chose extremement douce que de bien croire et l'un et l'autre.

  A008000295 

 Et le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut élevé dans le Ciel, et il est assis à la droite de Dieu..

  A008000296 

 Courage donc! Des yeux de l'âme, contemplons son Ascension; et, de crainte que nos yeux soient éblouis, demandons à Dieu la grâce qui nous permettra de le voir, par l'entremise de Celle dont il s'est servi pour se rendre visible aux hommes.

  A008000297 

 C'est ce que font tous les Sacramentaires de notre époque.

  A008000297 

 Ils dirent donc: Comment peut-il? et: Cette parole est dure... Or, le Christ sachant, etc.: Cela vous scandalise? Et si vous voyiez le Fils de l'homme montant où il était auparavant? Il prévoyait sans doute qu'un grand nombre tireraient de l'Ascension du Christ un argument pour s'efforcer d'anéantir le Sacrement de l'Eucharistie.

  A008000298 

 En tout et toujours, l'Eglise, dit Tertullien, est comme le Christ, crucifiée entre deux larrons.

  A008000298 

 Et pour en venir à notre sujet, de notre temps, relativement au mystère de l'Eucharistie, les Ubiquitaires déclarent que Jésus est partout, d'autres, qu'il n'est nulle part en ce monde, mais seulement hors de ce monde, au Ciel; ceux-là nient qu'il soit monté, ceux-ci qu'il soit demeuré..

  A008000298 

 S'agit-il [21] de la pénitence, Novat enseigne qu'aucune n'est suffisante, Pélage, que la plus légère suffit.

  A008000299 

 Et il en est ainsi presque toujours, comme dans ce cas: c'est un article de foi que Jésus «est monté aux cieux,» il n'est donc pas dans l'Eucharistie; mais l'Eglise dit: oui, il est là-haut, et il est dans l'Eucharistie.

  A008000299 

 Mais l'Eglise Catholique, passant au milieu d'eux, s'en allait, et dit: Le Christ n'est ni partout, ni nulle part en ce monde, mais il est où il a voulu, dans le Sacrement de l'Eucharistie.

  A008000299 

 Toute la raison de l'acte est dans la toute-puissance de Celui qui agit..

  A008000300 

 Dieu est plus grand que notre cœur.

  A008000301 

 La manne tombait la nuit, pour que les Israélites ne vissent pas son mode de production, mais qu'une fois produite ils y crussent: crois au fait sans rechercher comment il s'est produit..

  A008000301 

 Manhu? qu'est ceci? C'est le [23] p ain que le Seigneur a donné a manger.

  A008000301 

 Or, le Christ dit maintenant: Ceci est mon corps; pourquoi hésites-tu? Assurément, c'est le corps du Christ.

  A008000311 

 Arescentibus hominibus, interiore et exteriore, prœ timore eorum quœ supervenient universo orbi, id est, homini integro.

  A008000311 

 Et stellis, id est, affectionibus: heu, invertentur omnia; affectus pravi cadent, amor temporalium, etc. Et in terris pressura gentium; in carne pressura sensuum.

  A008000311 

 Prœ altitudine sonitus maris; maris, id est, mortis, mare enim dolorum est.

  A008000312 

 Herodii domus dux est eorum, id est, herodius primum nidificabit, alios ad nidificandum ducendo et inducendo.

  A008000317 

 A cause du mugissement retentissant de la mer; de la mer, c'est-à-dire de la mort, car la mort est une mer de douleurs.

  A008000317 

 Et dans les étoiles, c'est-à-dire dans les affections: ô Dieu! tout changera; les affections dépravées tomberont, ainsi que l'amour des biens passagers, etc. Et sur la terre la détresse des nations: dans la chair, détresse des sens.

  A008000317 

 Les hommes séchant, l'homme intérieur et l'homme extérieur, de frayeur, épouvantés qu'ils seront par ce qui surviendra dans tout l'univers, c'est-à-dire, dans l'homme tout entier.

  A008000318 

 Je m'élève vers vous, car c'est vous qui arrosez d'eau les montagnes, afin que les arbres de la campagne et les cèdres du Liban soient rassasiés; les passereaux y feront leurs nids.

  A008000318 

 La demeure du liéron est leur chef, c'est-à-dire, le héron est le premier à faire son nid, afin de conduire et d'induire les autres à faire les leurs.

  A008000331 

 Le grand amour que Nostre Seigneur porte a Nostre Dame et par lequel il se rend tout sien, est cause que Nostre Dame reciproquement est toute sienne, et par consequent qu'elle n'a peu contracter aucun peché.

  A008000332 

 Neque in hoc est difficultas; amor quidem Sponsi ad Sponsam: Dilectus meus mihi; Sponsæ ad Sponsum: et ego illi.

  A008000332 

 Quia autem Christus est Sponsus, quamquam nihil sit dubium de ejus amore, consolationis ergo videamus signa amoris Christi erga Matrem..

  A008000333 

 Confess., c. 6, laudat dicentem de amico «dimidium animæ meæ,» quia amicus affective est alter ego.

  A008000333 

 Primum signum amoris est unio affectiva sive voluntatis; unde Christus: Si quis diligit me, sermonem meum servabit; Qui dicit se diligere Deum et mandata ejus non servat, mendax est; Erat illis cor unum et anima una; Anima Jonatœ conglutinata est cum anima David.

  A008000333 

 Sed non possum continere quin dicam duo: et historiam illam de amicitia Augustini, et retractationem quam fecit illorum verborum quæ sunt in fine cap. 6: «Ille autem qui dixit dimidium,» etc. Horatius est, de Virgilio navigante:.

  A008000335 

 Hugo de anima Christi, quae anima est Mariæ, interpretatur; unde ad Crucem stat vincta canalibus, sicut lilium inter spinas..

  A008000336 

 Agglutinata est anima Jonathœ; Adhœsit anima mea post te; Mihi autem adhœrere Deo bonum est.

  A008000336 

 I: Eo quod habeam vos in corde meo, est adhæsio intima.

  A008000337 

 At Virgo vicissim extra se fuit: Mihi [30] vivere Christus est et mori lucrum; Vivo ego, jam non ego.

  A008000338 

 Quartum est zelus, qui duplex: concupiscentiæ, ut prætendentium dignitates, quia ad bonum limitatum, et hic est invidia; amicitiæ, et avertit mala ab amico.

  A008000344 

 Mon Bien-Aimé est à moi et moi je suis à lui; il se repaît parmi les lis, jusqu'à ce que le jour paraisse et que les ombres s'inclinent.

  A008000345 

 Comme le Christ est l'Epoux, bien que nous ne puissions douter de son amour, cependant, pour notre consolation, voyons les témoignages d'amour de Jésus envers sa Mère..

  A008000345 

 En effet, amour de l'Epoux pour l'Epouse: Mon Bien-Aime est à moi; et de l'Epouse pour l'Epoux: Et moi je suis à lui.

  A008000346 

 Celui qui dit qu'il aime Dieu et ne garde pas ses commandements est un menteur.

  A008000346 

 L'âme de Jonathas s'était collée a l'âme de David. Voilà pourquoi saint Augustin, liv. IV de ses Confessions, chap. VI, loue celui qui nommait son ami «la moitié de mon âme,» car par l'union mutuelle qui naît de l'affection, un ami est un autre soi-même.

  A008000346 

 Le premier signe de l'amour est une union affective, soit de volonté; c'est pourquoi le Christ dit: Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole.

  A008000346 

 Mais je ne puis m'empècher de citer deux faits: cette histoire de l'amitié de saint Augustin et la rétractation qu'il fit de ces mots qui se trouvent à la fin du chap. VI: «Mais celui qui a appelé la moitié,» etc. C'est Horace parlant de Virgile qui voyageait sur mer:.

  A008000348 

 Et celui-ci: Un glaive de douleur transpercera ton âme, Hugues l'interprète de l'âme du Christ qui est l'âme de Marie; aussi, près de la Croix, elle se tient debout liée dans des canaux, comme le lis entre les épines..

  A008000349 

 Deuxième signe d'amour; aux Philippiens, I: Parce que je vous ai dans mon cœur; c'est l'union intime.

  A008000349 

 Mon âme s'est attachée a vous.

  A008000349 

 Partant, l'union du Christ à la Vierge fut très grande partout, de même aussi celle de la Vierge au Christ: Mon Bien-Aimé est à moi.

  A008000349 

 Pour moi, il m'est bon d'adhérer à Dieu.

  A008000350 

 A son tour, la Vierge fut hors d'elle-même; [30] Pour moi, vivre, c'est le Christ, et mourir m'est un gain; Je vis, non plus moi.

  A008000350 

 Denis l'Aréopagite, liv. IV des Noms Divins, dit que le Christ subit une extase en entrant dans le sein de la Vierge: C'est moi qui suis sortie de la bouche du Très-Haut, engendrée la première avant toute créature.

  A008000351 

 Celui d'amitié est le zèle qui protège l'ami contre les maux.

  A008000351 

 Il est double: celui de concupiscence, comme le zèle de qui prétend aux dignités; parce que ce bien est limité, ce zèle s'appelle envie.

  A008000351 

 Le quatrième est le zèle.

  A008000351 

 Mon Bien-Aimé est à moi. [31].

  A008000351 

 Pour la maison de Dieu: Qui est scandalisé sans que je brûle? Zèle du Christ pour la Vierge: Pose-moi comme un sceau sur ton cœur.

  A008000358 

 Porro sententia contraria est Hyppolyti et D. Amb.

  A008000363 

 Verum si mortuus est, qua morte? Morte amoris.

  A008000368 

 J'ajoute que l'opinion contraire est soutenue par saint Hyppolite, et par saint Ambroise [dans son Commentaire] sur saint Luc, et qu'elle se prouve par quatre arguments..

  A008000373 

 Mais si vraiment il est mort, de quelle mort? De la mort d'amour.

  A008000382 

 Quare idem retractare animus est, addito tamen reditu ex Ægipto.

  A008000384 

 D.Hyeronimi luculentum est testimonium, epistola ad Sabinianum, sigillatim de Angelo custode præsepis et cubiculi Virginis.

  A008000385 

 Alius confessus est se blasphemasse, [34] et suscepit Puerum; immittit Hærodes: Lude, etc. Videte, dum Christus adhuc tener est; cavete, sitis astuti..

  A008000385 

 Luxuriosus ille confessus est et Christum suscepit, et ecce Hærodes immittit cogitationem turpem vel blanditias; ecce Angelus: Fuge, fuge.

  A008000385 

 Quis est iste Herodes qui quærit Puerum ut perdat eum? Satan est, qui dum videt Christum adhuc puerum vult eum perdere, immissis suis satellitibus variis.

  A008000388 

 Futurum est enim ut Hærodes quærat Puerum ad perdendum eum. Aliqui quærunt Jesum sicut Sponsa: Inveni quem diligit anima mea, tenui, nec dimittam.

  A008000388 

 Quis nos separabit? Mihi autem adhærere Deo bonum est.

  A008000400 

 Dans les tableaux et peintures qui représentent un grand nombre de personnages en petit volume, il reste toujours quelque chose à voir et à noter, ombres, profils, raccourcissements, entorses; il en est de même pour l'Evangile des saints Innocents, qui représente tant de petits personnages, et surtout ce petit Enfant qu'on cherche sans le trouver.

  A008000401 

 Quel est cet Ange? Ce ne fut pas certes celui clu Christ si nous l'entendons du génitif d'intérêt, mais ce fut bien celui du Christ s'il s'agit du génitif de possession; car il lui fallait un Ange, non comme gardien mais comme Berviteur.

  A008000403 

 Jésus est né récemment dans une âme; si elle veut le garder, elle doit fuir Hérode.

  A008000403 

 Quel est cet Hérode qui cherche l'Enfant pour le perdre? C'est Satan; quand il voit Jésus encore enfant, il veut le perdre et envoie ses divers satellites.

  A008000403 

 Tel luxurieux s'est confessé et a reçu le Christ, et voici qu'Hérode lui envoie une pensée honteuse ou des séductions; et voilà que l'Ange accourt et dit: Fuis, fuis.

  A008000403 

 Un autre s'est accusé d'avoir blasphémé, et il a reçu l'Enfant; Hérode lui fait [34] dire! Joue, etc. Veillez pendant que le Christ est encore faible; prenez garde, soyez prudents..

  A008000406 

 Qui nous séparera? Pour moi, il m'est bon d'adhérer a Dieu.

  A008000409 

 Eh! misérable, ton péché demeure et ton règne ne demeure pas: ainsi en est-il pour un grand nombre d'hommes.

  A008000409 

 Les enfants caracolent sur des chevaux de bois, ils les appellent chevaux, hennissent pour eux, courent, sautent, et se délectent dans ce puéril divertissement; de même, les hommes disent qu'ils regnent quand ils se font craindre; régner pourtant c'est être aimé.

  A008000419 

 Magna festivitas, in qua Ecclesia Gentilium recepta est a Christo et Christum recepit.

  A008000419 

 Si Abraham convivium fecit in die quando ablactatus est Isaac, hodie magnum festum quando ablactati sunt Gentiles ab idololatria, et venerunt ad Christum et ad Domum panis.

  A008000420 

 Hodie dies est donorum, nec unquam Christo donum tam magnificum factum est.

  A008000421 

 Id autem ex muneribus Magorum cognoscemus; nam primum in unoquoque genere est mensura cæterorum.

  A008000422 

 Quicquid id est,.

  A008000422 

 Quis? Donum enim ab iniquo profectum, ipsum propemodum iniquum est.

  A008000424 

 Tum vero sapientes erant; sapiens autem non est nisi bonus.

  A008000425 

 Deus omnibus est contentus: Abel dat pecora, et qui nisi ( sic ) pilos caprarum habebat dare poterat.

  A008000426 

 Vides Christum famelicum, tu das illi preces; vides Christum infamatum, das illi pecuniam; vides Christum afflictum, quid tibi est? Antigonus, Cynico petenti talentum, mox denarium.

  A008000431 

 Condendis laudibus tabernaculi Beatæ Virginis non est timendum ne Ecclesia plus accipiat; ita Collyridianos repressit.

  A008000437 

 Grande fête que celle où l'Eglise des Gentils est acceptée par le Christ et reçoit le Christ.

  A008000437 

 Si Abraham fit un festin le jour où Isaac fut sevré, c'est aujourd'hui une grande fête parce que les Gentils sont sevrés de l'idolâtrie et viennent au Christ et à la Maison de pain.

  A008000438 

 C'est aujourd'hui le jour des dons.

  A008000439 

 «Par les dons, croyez-m'en, hommes et dieux s'apaisent.» (Aussi lit-on dans l'Exode, XXIII: Tu ne paraîtras pas devant moi les mains [38] vides; Deut., XVI: Personne ne paraîtra devant moi les mains vides.) C'est pourquoi il nous est nécessaire de connaître la manière d'offrir à Dieu nos présents.

  A008000440 

 Qui? Car le don fait par une main inique est, pour ainsi dire, inique.

  A008000442 

 Leur dévotion est démontrée en ce qu'ils quittent leurs royaumes, accourent et se présentent avec intrépidité au roi Hérode, et lui confessent ingénument leur foi.

  A008000442 

 Puis, ils étaient sages; mais l'homme sage n'est pas sans être bon.

  A008000448 

 C'est pourquoi je veux te donner le seul bien que je possède, moi-même; je te prie d'agréer ce don et de croire que les autres, quoiqu'ils donnent beaucoup, se réservent encore davantage.

  A008000448 

 Eschine, pauvre auditeur, lui dit: Pour moi, je ne trouve rien qui soit digne de toi, et c'est en cela que je me reconnais pauvre.

  A008000448 

 Socrate répondit: Ton présent n'est petit que dans ta propre estime.

  A008000463 

 De ambobus nobis futurus est hic primus sermo; de mediis reliqui.

  A008000464 

 Quomodo ergo accedet homo, id est, miseria mea, ad cor altum, id est, ad divitias et thesauros tuos? Quomodo a pulvere et cinere ad Cælum pergam? Eia ergo Advocata mea, scala Cæli, mons Dei, chorda per quam Deus venit ad miseriam meam, fac ut per te miseria mea accedat ad Deum.

  A008000468 

 Holophernem, id est, diabolum, cum omnibus militibus suis, mundum, carnem, illecebras, debellaturi, Fratres, duo item nobis facienda sunt: 1 o.

  A008000469 

 Thesaurus est «vetus depositio pecuniæ cujus non extat memoria, ita ut dominum non habeat.» Lex unica, Codicis lib. 10.

  A008000470 

 Beati pauperes spiritu (Grece est mendici, apud Sa, quem vide, et Maldon.: πτωχοί).

  A008000470 

 Beati qui esuriunt et sitiunt justitiam, id est, Sancti, qui semper appetunt.

  A008000470 

 Debent congregari multa; nam nemo unum aurum thesaurum appellet, et hoc ostendit dicens: Thesaurizate vobis thesauros; nam quamvis sit hebraismus, tamen iste hebraismus denotat quantitatem et magnitudinem: expectans expectare, flendo flere, clamando clamare, id est, multum; sic thesaurisare thesauros, id est, thesauros ingentes facere.

  A008000470 

 Jam quid hic signat Dominus? Clarum est eum loqui de jejunio, oratione et eleemosina, de quibus toto illo c. 6, quorum opera veros thesauros appellat si recte fiant.

  A008000470 

 Sancta hæc est avaritia filiorum Dei quia nunquam satiantur bonis operibus; unde in Scriptura pii vocantur pauperes et mendici, quia etsi abundent bonis operibus tamen semper mendicant: Desiderium pauperum; Edent pauperes et saturabuntur.

  A008000472 

 Amen dico vobis, receperunt mercedem suam, id est, vanitatem.

  A008000472 

 Hoc jejunium simulacrum famis est et nihil amplius.

  A008000472 

 Jejunium hoc jejunium est, sed falsum, ignobile et vanum: 1°.

  A008000472 

 Mot Domini est: «Estote probati trapezitee,» nummularii, apud Cassianum, Coll.

  A008000472 

 quia hipocrita ( sic ) est, 20.

  A008000473 

 Chrisostomus: Caput Christus, quem ungimus misericordia in pauperes, etc.; faciem lava, id est, conscientiam.

  A008000473 

 [51] Aug.: Caput, id est, mentem, partem animæ superiorem, unge lætitia spirituali, et faciem, id est, animam inferiorem quæ per sensus operatur, lava.

  A008000474 

 6: Non est injustus Deus ut obliviscatur operis vestri..

  A008000474 

 Intentio formanda, nam rectificat opus, et si, quod plerique existimant, ut inter alios Suaresius, non sit necessaria formalis et actualis, at certe certius et tutius est eam habere actualem et oculos in Deum intendere: Ad te levavi oculos meos, qui habitas in cœlis; ecce sicut oculi servorum in manibus dominorum suorum, etc. In manibus sunt, quia quidquid manus [52] domini indicat, id facere manus servi tentat; oculus autem admonet faciendum: Vulnerasti me in uno oculorum tuorum.

  A008000476 

 Item, la despouille du serpent c'est la pœnitence..

  A008000476 

 La despouille du premier serpent c'est la mort, car il nous la donna.

  A008000476 

 Pour garder les artres et tignes de gaster les draps il faut mettre sur les draps de 1'aluyne, herbe amere comme 1'absinthe, si elle n'est espece d'absinthe.

  A008000477 

 Peccatores omnes Christus rostro occidit dum eos mortificat et deducit ad inferos, ostendendo eos obnoxios morti æternæ, nam contritio mors animæ peccatricis est.

  A008000477 

 Sic Paulus pater fuit: Nam etsi multa millia pedagogorum [54] habeatis, sed non multos patres, etc.; et mater fuit: Filioli, quos iterum parturio.» Sed quomodo Christus vivificet sanguine suo clarum est, quomodo occidat rostro suo non ita.

  A008000478 

 Nebula est Dei cognitio obscura, quam spargit sicut cinerem, id est, sicut ad mensuram cognitionis nostri; cognitio Dei [55] nebula, cognitio nostri cinis conspersus.

  A008000478 

 Nix est aqua quæ coagulata cadit, id est, homines qui frigidi et propemodum congelati ad terrena cadunt.

  A008000479 

 Christus cilicio induebatur in Passione, quia carnem mortalem, imo ipsam mortalitatem veluti pilos hædorum induebat; quæ mortalitas similitudo carnis peccati est, imo et aliquo modo peccatum dici posset, nam mors effectus peccati.

  A008000479 

 Unde dicitur ut de peccato damnaret peccatum, id est, de mortalitate, per mortalitatem, et cætera.

  A008000479 

 Ut dicimus lingua Greca; non linguam sed effectum linguas, id est, Mot Grecum; sic, agnovi manum, id est, opus manus alicujus.

  A008000481 

 7: Verte impios et non erunt: si quæ sursum habet peccator deorsum et quae deorsum sursum vertas, id est, carnem subjicias quæ imperabat, spiritum eleves qui jacebat, si ita vertas, non erit amplius peccator; ferebatur grabato et nunc fert grabatum.

  A008000483 

 Est tamen aliquod fundamentum in ipsis, quia est aliquis valor, sed non sequivalens citra pactum.

  A008000483 

 Ut sapphirus quo utuntur prælati ad castitatem provocat, cælum representat; [57] annulus aureus est, id est, caritas; lapis, id est, opus ipsum a caritate vel elicitum vel imperatum, simile ( sic ) est cælo, id est, illi correspondet Cælum, id est, merces in Cælo.

  A008000490 

 Voici que d éjà l'hiver est passé, la pluie a cessé et s'est retirée; cet hiver qui porte à la chair et décharné les âmes, qui avait terni toute cette beauté spirituelle de la terre et des âmes, qui avait alangui les cœurs, qui avait produit cette malheureuse averse de plaisirs indignes.

  A008000491 

 Comment donc l'homme, c'est-à-dire ma misère, approchera -t-il de votre cœur sublime, c'est-à-dire de vos richesses et de vos trésors? Comment irai-je de la poussière et de la cendre jusqu'au Ciel? Ah! mon Avocate, échelle du Ciel, montagne de Dieu, lien par lequel la grandeur de Dieu s'unit à ma misère, faites donc que par vous ma misère s'approche de Dieu.

  A008000491 

 Dites-moi, ô très chère Mère et ma très douce Souveraine, ces trésors resplendissants de la sagesse et de la science n'étaient-ils pas dans le Verbe, dans le Fils de Dieu, avant qu'il fût conçu dans votre sein? Mais vous, très vénérable Souveraine, ces trésors vous les avez voilés et comme cachés dans votre chair, car c'est en ce Verbe qu'ils sont cachés.

  A008000491 

 Mais mes trésors de misère sont enfouis dans cette terre; vos trésors à vous sont au Ciel, et autant le ciel est distant de la terre, autant vos pensées sont éloignées de mes pensées.

  A008000491 

 Qui donc les y a recélés? N'est-ce pas vous, ô Vierge? Mais dites-moi, ô Mère très aimante, [45] pour qui les mères cachent-elles des trésors, si ce n'est pour leurs enfants? C'est donc pour nous que vous les avez cachés.

  A008000494 

 Mais comme l'âme est supérieure au corps et [47] que le traitement de celui-ci n'est qu'en vue de la grâce qui en revient à l'âme, parlons d'abord des trésors qu'il faut amasser..

  A008000494 

 Pour terrasser Holopherne, c'est-à-dire le démon avec tous ses suppôts, le monde, la chair, leurs séductions, nous avons aussi, mes Frères, un double devoir; il faut: 1.

  A008000495 

 C'est lui qui produit les vents de ses trésors.

  A008000495 

 Leur [48] vin est un fiel de dragon et un venin d'aspic incurable.

  A008000495 

 Quelques-uns, comme l'Empereur Léon cité par Hilaret, le définissent: «des objets meubles, cachés par des maîtres inconnus, à une époque très éloignée.» Saint Augustin, d'après saint Thomas, en donne une définition analogue, si ce n'est qu'il ne parle pas du temps éloigné.

  A008000495 

 Tout cela n'est-il pas renfermé en moi et scellé dans mes trésors?.

  A008000495 

 Un assemblage de peines terribles est aussi appelé trésor.

  A008000496 

 Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, c'est-à-dire les Saints, qui sont toujours affamés.

  A008000496 

 Bienheureux les pauvres d'esprit (en grec c'est mendiants, d'après Sa, qu'il faut voir, et Maldonat).

  A008000496 

 C'est une sainte avarice des enfants de Dieu que de ne jamais se rassasier de bonnes œuvres.

  A008000496 

 Il faut qu'elles soient nombreuses; nul n'appelle trésor une seule pièce d'or; c'est ce que Notre-Seigneur montre en disant: Thésaurisez des trésors, car, quoiqu'il y ait là un hébraïsme, cet hébraïsme marque bien la quantité, la grandeur.

  A008000496 

 Il se trouve des Chrétiens dont la faim spirituelle est rassasiée par la moindre bonne œuvre, dire un Pater, donner une miette de pain, pardonner une légère injure; ceux-là ne thésauriseront jamais..

  A008000496 

 L'avarice corporelle est la racine de tous les maux, l'avarice spirituelle, la source de tous les biens.

  A008000496 

 Maintenant, que veut signifier le Seigneur par les paroles de notre texte? II est clair qu'il parle du jeûne, de la prière et de l'aumône, dont il est question dans tout ce chap. vi.

  A008000496 

 [49] Le corps et l'âme sont contraires l'un à l'autre, et il en est de même, à peu près, de tout ce qui se rapporte à l'un et à l'autre.

  A008000497 

 Vous verrez bien les abeilles se poser sur les roses, les lis et les plus grandes fleurs; mais elles ne récoltent pas moins sur le thym, le romarin et les autres moindres fleurettes, et leur travail y est plus fructueux, à cause de la multitude de ces fleurs, et parce que le miel, dans ces petits vases, se conserve mieux et s'évapore moins.

  A008000498 

 Ce jeûne est vraiment un jeûne, mais faux, ignoble, inutile: 1.

  A008000498 

 En vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense, c'est-à-dire la [satisfaction de leur] vanité.

  A008000498 

 Le mot du Seigneur est: «Soyez bons changeurs,» bons banquiers, d'après Cassien, Conférence I, chap. XX, qui développe admirablement ce point.

  A008000498 

 parce qu'il est hypocrite; 2.

  A008000499 

 Mon désir est donc que vous soyez tous joyeux de ce temps de jeûne quadragésimal, et que vous vous confessiez dès le début, afin que vos œuvres soient d'or et capables de vous former des trésors..

  A008000499 

 Montrez-vous joyeux; prenez votre visage des bonnes fêtes, Saint Chrysostôme: Le Christ est la tête que [51] nous oignons par notre pitié pour les pauvres, etc.; lave ton visage, c'est-à-dire ta conscience.

  A008000499 

 Saint Augustin: La tête, c'est-à-dire l'âme; oins de joie spirituelle la partie supérieure de ton âme, et lave ton visage, c'est-à-dire la partie inférieure de l'âme, celle qui agit par les sens.

  A008000500 

 Aussi est-il dit, aux Hébreux, VI: Dieu n' est pas injuste pour oublier vos œuvres..

  A008000500 

 Et si, comme plusieurs le pensent, entre autres Suarez, l'intention formelle et actuelle n'est pas nécessaire, du moins est-il mieux et plus assuré de l'avoir telle et de fixer les yeux sur Dieu.

  A008000500 

 J'ai levé mes yeux vers vous qui habitez dans les cieux; comme les yeux des esclaves sont fixés sur les mains de leurs maîtres, etc. [52] Les yeux sont fixés sur les mains parce que tout ce que la main du maître indique, la main de l'esclave l'entreprend; et l'œil avertit de ce qui est à faire.

  A008000501 

 Voici que déjà l'hiver est passé, comme au début..

  A008000503 

 Ainsi [54] saint Paul fut père: Car eussiez-vous plusieurs milliers de précepteurs, vous n'avez cependant pas plusieurs pères, etc.; il fut mère: Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement. » Or, comment le Christ nous vivifie de son sang, nous le comprenons; comment de sa bouche il nous donne la mort, la chose est moins claire.

  A008000503 

 Le Christ, de sa bouche, immole les pécheurs lorsqu'il les mortifie et les conduit aux enfers, en les montrant condamnés à la mort éternelle; la contrition, en effet, est comme la mort de l'âme pécheresse.

  A008000504 

 C'est à peu près l'explication de saint Augustin..

  A008000504 

 La [55] connaissance de Dieu est le brouillard, la connaissance de nous-mêmes, la cendre répandue.

  A008000504 

 La neige est une eau qui tombe congelée, symbole de ces cœurs froids et comme glacés qui tombent dans les biens de la terre.

  A008000504 

 Le brouillard est la connaissance confuse de Dieu, qu'il répand comme la cendre, c'est-à-dire, selon la connaissance que nous avons de nous-mêmes.

  A008000504 

 Sur le Psaume CXLVII: C'est lui qui donne de la neige comme de la laine.

  A008000505 

 Ainsi nous disons la langue grecque, pour désigner non pas l'organe, la langue, mais son action, c'est-à-dire, la parole grecque; ou, j'ai reconnu la main, pour dire, l'œuvre d'une telle main.

  A008000505 

 Dans sa Passion, le Christ était revêtu d'un cilice, c'est-à-dire d'une chair mortelle, ou plutôt, cette mortalité même était pour lui comme une tunique en poils de chèvres.

  A008000505 

 Il est donc dit que le Christ condamnerait le péché par le péché, c'est-à-dire l'œuvre du péché qui est la mortalité, par la mort elle-même, etc. Sous ce cilice il cachait la vie immortelle et la divinité.

  A008000505 

 La mortalité est la ressemblance de la chair de péché; bien plus, on peut même l'appeler péché, car la mort est l'effet du péché.

  A008000506 

 Lui-meme est à la fois l'archer et le dictame.

  A008000506 

 Renversez les impies et ils ne seront plus: tournez sens dessus dessous le pécheur, c'est-à-dire, soumettez la chair qui commandait, elevez l'esprit qui gisait a terre; ainsi retourné il ne sera plus pécheur; son grabat le portait, il porte maintenant son grabat.

  A008000506 

 Si un chasseur voulait attirer A lui les cerfs de Créte, il se fixerait dans un lieu où abonderait le dictame; de cette embuscade il tirerait ses fléches, et les cerfs blesses accourraient au baume dont il est environne pour y trouver leur guérison.

  A008000507 

 Elle ressemble au ciel, c'est-à-dire qu'à cette œuvre correspond le Ciel; c'est-à-dire qu'elle sera récompensée dans le Ciel.

  A008000507 

 Il est étonnant que de si petites pierres soient vendues si cher, comme la perle de Cléopâtre; mais c'est une convention parmi les hommes qui attribue à ces pierreries une valeur relative de plusieurs milliers de pièces d'argent.

  A008000507 

 Sans doute, elles ont en elles un principe de valeur: le saphir dont usent les prélats, par exemple, [57] porte à la chasteté et représente le ciel; l'or de l'anneau est le symbole de la charité; la pierre signifie l'œuvre même produite ou commandée par la charité.

  A008000515 

 24, Rebecca, videns Isaac venientem in occursum sibi: Quis est, inquit, ille homo qui venit per agrum in occursum nobis? Dixitque Eliezer: Ipse est dominus meus. Illa descendit et operuit pallio.

  A008000515 

 Id autem ut faciant filii ejus: Fratres, hora est, etc. Enthymema est Beati Pauli: Propior est nostra salus quam cum [59] credidimus; nox præcessit, dies autem appropinquavit; ergo hora est nos a somno surgere.

  A008000515 

 Venientem Christum ( sic ) in occursum Ecclesiæ, ipsa descendit per humilitatem et operit se pallio pœnitentiæ; sic enim Christo occurrere par est.

  A008000516 

 Quæ salus? nam eadem est ac dies quæ appropinquavit; eadem vero est dies quæ contraria est nocti quæ præcessit.

  A008000517 

 I Jo. 2: Filioli, novissima hora est.

  A008000517 

 Monach.: Sive comedam, etc. Hora est..

  A008000518 

 Apostolus, ad Corinthios: Tempus breve est, etc. Quid conferat memoria judicii particularis, vide apud Canis., De Morte.

  A008000518 

 Joannes Eleemosinarius solebat de morte frequenter [disserere], ut [60] immutaret venientes ad se; et referebat quid Simeon Stilites dicebat sibi revelatum de diabolis infestantibus [moribundos], etc. Hora est.

  A008000519 

 [3.] Greg.: Nox, tempus Mosaicum, aurora, Evangelicum, dies, resurrectio; medium tempus umbra sine re, in Cælo res sine umbra, etc. Hora est; surge qui dormis, Eph.

  A008000520 

 Hora est..

  A008000521 

 Quoniam iniquitatem meam ego cognosco, et peccatum meum contra me est semper.

  A008000527 

 Et afin que ses enfants observent cette règle: Mes Frères [dit-elle,] l'heure est venue, etc. C'est l'enthymème de saint Paul: Notre salut est maintenant plus proche que lorsque nous avons cru; la nuit passe et le jour [59] approche; donc l'heure est venue de nous lever de notre sommeil.

  A008000527 

 Lorsque le Christ vient au-devant de l'Eglise, celle-ci descend par l'humilité et se couvre du manteau de la pénitence; c'est ainsi, en effet, que l'on doit aller au-devant du Christ.

  A008000527 

 Rébecca voyant Isaac qui venait au-devant d'elle: Quel est cet homme, dit-elle, qui vient a travers le champ, a notre rencontre? Eliézer répondit: C'est mon seigneur.

  A008000528 

 Quel est ce salut? Le jour qui approche; or ce jour est l'opposé de la nuit qui passe.

  A008000529 

 Ainsi saint Paul: Or ces choses ont été écrites pour notre instruction, pour nous qui nous trouvons à la fin des temps... Mes petits enfants,cette heure est la dernière... Ses voies sont souillées en tout temps; vos jugements sont otés de devant sa face.

  A008000529 

 Saint Jérôme, dans les Règles des Moines: Soit que je mange, etc. L'heure est venue..

  A008000530 

 Anselme et Origène: La nuit est la vie présente; le jour, le temps qui suit la mort de chacun, non pas après le jugement général, mais après le particulier.

  A008000530 

 L'Apôtre dit aux Corinthiens: Le temps est court, etc. Pour les avantages que procure la pensée du jugement particulier, voir dans Canisius: De la Mort.

  A008000530 

 Le salut, pour l'âme, est appelé jour..

  A008000530 

 Saint Jean l'Aumônier avait la coutume de discourir [60] fréquemment sur la mort, pour convertir ceux qui venaient à lui, et rapportait les paroles de saint Siméon Stylite au sujet d'une révélation que celui-ci avait eue sur les assauts que les démons livrent aux mourants, etc. L'heure est venue.

  A008000531 

 [3.] Saint Grégoire: La nuit est le temps de la Loi mosaïque; l'aurore, celui de la Loi évangélique; le jour, la résurrection; le temps intermédiaire nous offre l'ombre sans la réalité, au Ciel nous aurons la réalité sans ombre, etc. L'heure est venue; lève-toi, toi qui dors.

  A008000532 

 L'heure est venue..

  A008000533 

 Parce que je connais mon iniquité, et mon péché est toujours devant moi.

  A008000543 

 12: Deum time etmandata ejus observa, hoc est enim omnis homo.

  A008000543 

 Quia, inquit, timor omnibus necessarius est, et debebat fonte pleno esse in eo qui omnibus eum communicare debebat; nam timor præparat animam caritati, et, ut inquit Augustinus, timor est servus caritatis qui illi cubile præparat.

  A008000544 

 Augustinus, explicans ea verba: Ad alligandos reges eorum in compedibus et nobiles eorum in manicis ferreis, distinguit inter eos qui clavis aureis, id est, charitatis.

  A008000550 

 Or, voici que le Christ vient à notre recherche et l'Eglise nous invite à bien le recevoir: Il y aura des signes, etc. Combien est utile la crainte de Dieu; combien juste la crainte du jugement..

  A008000551 

 Bienheureux l'homme qui craint le Seigneur; dans [ ses ] commandements, etc. Bienheureux tous ceux qui craignent le Seigneur, qui marchent, etc. Ceux qui craignent le Seigneur ont espéré dans le Seigneur; [ il est leur ] secours.

  A008000551 

 Crains Dieu et observe ses commandements, car c'est la tout l'homme.

  A008000551 

 La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse.

  A008000551 

 La crainte, en effet, dispose l'âme à la charité; elle est, comme dit saint Augustin, la servante de la charité, à qui elle prépare la chambre.

  A008000551 

 Saint Jérôme demande pour quelle cause il est dit de la crainte seule que le Seigneur l'en remplira, et il répond: Parce que la crainte est nécessaire à tous, et que sa pleine source devait être en Celui qui devait la dispenser à tous.

  A008000552 

 La crainte divine est quadruple: celle des esclaves.

  A008000552 

 La mondaine est celle de Pilate, d'Hérode, de saint Pierre; les Martyrs, Suzanne, Joseph avaient une crainte tout opposée.

  A008000552 

 Saint Augustin expliquant ces mots: Pour mettre aux pieds de leurs rois des chaînes, et a leurs princes des menottes de fer, distingue parmi eux ceux qui sont liés avec des nœuds d'or, c'est-à-dire avec les liens de la charité.

  A008000560 

 Ah, quæso, quare ventus est vita tua? Chrisost., pulcherrime: «Aliqui sunt iracundi natura, alii per infirmitatem longam, ilz deviennent chagrins; ita alii natura sunt mobiles, alii lasciviæ serviendo mobiles fiunt.» Ut pleraque omnia injecta in aquam tepidam mollescunt, ita anima si lasciviæ dedita sit, etc. Peccatum peccavit Hierusalem, propterea instabilis.

  A008000560 

 Christiana, apud D. Thom.: «Quisquis rebus utitur restrictius quam mores bonorum inter quos versatur se habent, aut intemperans aut superstitiosus est; si excedat, aut aliquid significat (more histrionum scilicet, qui vestibus regum utuntur cum ipsi sunt miselli), aut flagitiosus est.».

  A008000563 

 Ite, dilectissimi auditores, ite, popule meus, [65] ad Christum, et dicite illi meo nomine: Tu es qui venturus es, an alium expectamus? Videtis eum venientem, utero Matris inclusum, ipse tamen est qui venturus est judicare vivos et mortuos, nec alium expectare debemus.

  A008000566 

 Quomodo autem fidem amisisset, quæ nunquam est primum peccatum?.

  A008000577 

 Nous, nous remettons les péchés, nous déclarons que ce même Christ est venu, nous ne le montrons pas seulement du doigt comme l'Agneau du sacrifice, mais nos mains le présentent comme victime consommée et comme nourriture, et personne ne vient! Cette nation se lèvera..

  A008000578 

 Ah! de grâce, pourquoi ta vie est-elle du vent? Saint Chrysostôme dit très bien: «Il en est qui sont irascibles par tempérament, d'autres par suite d'une longue infirmité deviennent chagrins; de même, quelques-uns sont changeants par nature, d'autres le deviennent en suivant leurs mauvais penchants.» Presque tout ce que vous jetez dans l'eau tiède s'amollit, ainsi l'âme qui s'abandonne à la mollesse, etc. Jérusalem a excessivement péché, c'est pourquoi elle a perdu sa stabilité.

  A008000578 

 Cela est vrai surtout des prédicateurs.

  A008000578 

 Saint Augustin, dans son livre De la Doctrine Chrétienne, cité par saint Thomas, dit: «User des choses de cette vie avec plus de rigueur que les honnêtes gens qui vous entourent dénote la crainte de l'intempérance ou la tendance au scrupule; en user avec excès est preuve de prétention (comme ces histrions qui, tout misérables qu'ils sont, se couvrent d'habits royaux) ou de corruption.».

  A008000580 

 Allez, bien-aimés auditeurs, allez, mon peuple, au Christ, et demandez-lui en [65] mon nom: Etes-vous Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? Vous le voyez venir enfermé dans le sein de sa Mère, et c'est lui-même cependant qui viendra juger les vivants et les morts; nous ne devons pas en attendre un autre.

  A008000581 

 En ce temps-ci, le diacre et le sous-diacre portent à la Messe des planètes ou chasubles dont la partie antérieure est repliée, pour signifier qu'avant la venue [du Messie] les mystères [66] n'avaient pas encore été révélés et que les anciens n'avaient qu'un sacerdoce incomplet; mais lorsqu'ils exercent leurs fonctions, ils dépouillent ce vêtement, parce que le voile fut ôté des yeux de Jean et des membres de la Synagogue, contemporains du Christ qui annoncèrent sa venue..

  A008000581 

 Il dit que Jean dans sa prison, c'est la Synagogue dans les ténèbres de l'ignorance et les yeux voilés; aussi envoie-t-il un message au Christ pour en recevoir la lumière.

  A008000582 

 Or, comment aurait-il perdu la foi, quand cette perte n'est jamais le premier péché qu'on commet?.

  A008000595 

 26: A facie tua (70 apud Sa, a timore tuo, propter timorem tuum ) concepimus et quasi peperimus spiritum, id est, amorem.

  A008000595 

 A facie tua, id est, a facie iræ indignationis tuæ.

  A008000595 

 Sed quare vult nos timere? Ut amemus, quia initium sapientice est timor.

  A008000595 

 Sic Concilium Tridentinum definivit contra Lutherum et a [69] timore incipere interdum nostram justificationem, id est, dispositionem nostræ justificationis..

  A008000597 

 Imo iste timor est peccatum; quia existimat pœnam esse magis timendam quam culpam et Deum, et amat suum commodum super omnia et super Deum.

  A008000597 

 Ut qui desiderans servire Deo et vitare offensam Dei, excitatur et movetur a timore, etc. Hic est actus spei, nam eadem virtus quæ inclinat ad prosequendum bonum inclinat etiam ad fugiendum malum.

  A008000597 

 Ut qui dicit: Si Deus præciperet rem talem et præcepto non adhiberet pœnæ comminationem, etc., ego peccarem; verum quia, etc., est peccator affectu.

  A008000597 

 Verum iste duplex est, bonus et malus.

  A008000604 

 C'est cela que dit l'Evangile: Erunt signa, etc., et in terris pressura gentium.

  A008000604 

 Comm'en un'assemblee publique et solemnelle, apres que chacun s'est retire, tous les serviteurs qui portoyent les flambeaux les esteignent, et par tout l'hostel on va commandant qu'on ammortisse les torches, ainsy, lhors que le moncle finira et que les habitans seront mors, [68] Dieu fera esteindre les flambeaux du ciel: Sol obscurabitur et luna non dabit lumen suum.

  A008000604 

 O Dieu, que le commencement du monde est admirable, et comme Dieu prent la peyne de ranger toutes choses! Mays, o Dieu, que sa fin est espouventable, lhors que Dieu troublera et renversera tout! Comme quand un roy veut habiter un palais, on tend les tapisseries, on estale les meubles, ainsy quand Dieu mit l'homme au monde.

  A008000605 

 Ainsi le Concile de Trente a-t-il défini contre [69] Luther que notre justification même, c'est-à-dire notre disposition à être justifiés, commence quelquefois par la crainte..

  A008000605 

 Devant votre face (version des Septante, d'après Sa, dans votre crainte, parce que nous vous craignons ) nous avons conçu et comme enfanté l'esprit, c'est-à-dire l'amour.

  A008000605 

 Devant votre face, c'est-à-dire, devant votre colère et votre indignation.

  A008000605 

 Mais pourquoi Jésus-Christ parle-t-il si souvent du jugement et de la fin du monde? C'est pour nous remplir de crainte.

  A008000605 

 Mais pourquoi veut-il que nous craignions? Afin que nous aimions, parce que la crainte est le commencement de la sagesse.

  A008000606 

 La crainte est double, la divine et l'humaine.

  A008000606 

 La crainte humaine à son tour est double: naturelle ou morale et mondaine; la crainte de Dieu, quadruple: servile, mercenaire, filiale, crainte des épouses..

  A008000607 

 Cette crainte est inculquée par Jésus-Christ, les Apôtres.

  A008000607 

 Elle est mauvaise lorsqu'elle n'exclut pas la volonté de pécher et qu'elle en contient même le désir.

  A008000607 

 Il est permis de porter son cœur au bien en vue de la récompense, donc de l'éloigner du péché par crainte du châtiment, 2.

  A008000607 

 Quand la crainte excite et entraîne au [70] désir de servir Dieu et d'éviter le péché, etc. Cette crainte est un acte d'espérance, car la même vertu qui pousse au bien détourne aussi du mal.

  A008000619 

 ( Veniat notandum.) Veniat mittendus, id est, venturus.

  A008000619 

 49: Non auferetur sceptrum de Juda et dux de femore ejus, donec veniat qui mittendus est, Siloh.

  A008000619 

 Abacuc, 2: Adhuc visus procul, id est, visio, et apparebit in finem et non mentietur; si moram fecerit, expecta eum, quia veniens veniet et non tardabit..

  A008000619 

 Quod Mot significat varia pro varietate radicum, Filius ejus, pacificum, missum; Sept.: Donec veniat cui repositum est, scilicet sceptrum.

  A008000619 

 Venturus est Christi solemne nomen et elogium.

  A008000621 

 Quia bonitas diffusiva est sui, unde illud: Beatius est magis dare quam accipere.

  A008000626 

 (Qu'il vienne est à noter.) Que Celui qui doit être envoyé vienne, c'est-à-dire, Celui qui doit venir.

  A008000626 

 Celui qui doit venir est un nom célèbre et un éloge du Christ, 1.

  A008000626 

 En attendant j'ai attendu le Seigneur, et il m'a écouté; ensuite: Vous n'avez pas voulu de sacrifice [72] ni d'offrande, mais vous m'avez rendu parfaitement attentif à vos paroles; vous n'avez pas demandé d'holocauste pour le péché, alors j'ai dit: Me voici... La vue est encore éloignée, c'est-à-dire la vision, mais il apparaîtra à la fin et il ne trompera pas; s'il tarde, attends-le, car il viendra et il ne tardera pas..

  A008000626 

 Le sceptre ne sera pas ôté de Juda ni le chef de sa postérité, jusqu'à ce que vienne Celui qui doit être envoyé, Siloh. Ce mot a différentes significations, selon la diversité des racines: son fils, pacifique, envoyé; les Septante: jusqu'à ce que vienne Celui pour lequel il a été gardé, c'est-à-dire le sceptre.

  A008000628 

 Parce que la bonté est de soi communicative; de là cette maxime: Il est plus heureux de donner que de recevoir.

  A008000639 

 Quand Gedeon entreprit la celebre bataille qui est descritte au Livre des Juges, chap. 7, il commanda aux troys cens soldatz d'eslite qu'il avoit pris pour compaignons d'une si dign'entreprise, de ne point employer d'autres armes que le son des trompettes et de la clarte des lampes ardantes qu'un chacun d'eux portoit en sa main.

  A008000640 

 Et dixi: Quid clamabo? Oüy, Seigneur, je veux crier; mays que crieray-je? Clama, clama, ne cesses; Crie, crie, ne cesse point: Omnis caro fænum («Memento homo;» confringite lagenas ), et omnis gloria ejus sicut flos agri; exsiccatum est fænum, etc., et cecidit flos ( et in pulverem reverteris ).

  A008000640 

 Or sus, mes chers auditeurs, si vous ne le sçaves pas, les Madianites representent les mondains, Gedeon est la figure de Jesuschrist, et les troys cens soldatz sont un portrait des prædicateurs.

  A008000641 

 C'est le sujet general des prædicateurs, la mort et la vie; mais c'est le sujet particulier que je doys traitter en cette journee.

  A008000641 

 Mes auditeurs, escoutes avec reverence les paroles que je vous porte; car c'est en qualite d'ambassadeur extraordinaire de Dieu que je vous parle.

  A008000647 

 C'est pourquoy, ecce Heliseus noster: Affer, inquit, mihi, farinam; produc Evangelium, quod nihil aliud est quam granum frumenti (id est, Christus ipse, [78] comminutum et in varias doctrinas declaratum); et misit in ollam, junxit Evangelium Prophetiæ, et dixit: Infunde turbæ.

  A008000647 

 Colochintes est in jejunio, sed farinam infunde: Pater tuus cælestis reddit tibi.

  A008000647 

 Colochintes est in terram reverteris; sed farinam immitte: Thezaurizate vobis, etc. En ergo, dilectissimi Fratres, ex colochintide et farina admixtum vobis hodierna die cibum præbeo, de quo dici potest quod, etsi ex amaris constat, tamen admixta farina præmii non est amplius quicquam amaritudinis in eo.

  A008000647 

 Et egressus est unus, etc. En mihi videtur Christus sicut uni de pueris et indignis servis suis dixisse: Pone ollam grandem, præpare beaucoup de viandes spirituelles pour le peuple de Chamberi.

  A008000647 

 Et je suis sorti au champ de l'Escriture qui est proposee en 1'Evangile d'aujourdhuy, et avois cueilly a la bonne foy des collochintes: «Memento homo;» Convertimini in jejunio, fletu et planctu, etc. Mays si vous en goustes de la sorte, o Dieu, dires vous, cette prædication est toute de mort: Mors in olla, vir Dei.

  A008000649 

 Indica mihi, quem diligit anima mea, ubi pascas, ubi cubes in meridie; id est, quænam sit anima quam amas, cum qua deliciæ tuæ, in qua delectaris, pascendo affectus tuos, illosque velut in lectulo collocando; ne, ignara in quo tibi hoc modo tibi placeam, ne vagari incipiam post affectus mundi mundanorum.

  A008000649 

 Sodales Domini volunt esse quicumque hominis cor possidere contendunt; mundus demon, hic amicus qui vult se [79] præferri Dei mandatis, illa amica, etc. Vox est naturæ humanæ inquirentis suam beatitudinem..

  A008000650 

 Quasi dicat: Vis secura esse? ne declines post amatores multos; incipe a cognitione tui, et habe pro certo quod si ignoras te, o pulcherrima inter mulieres, abibis post vestigia gregum tuorum, id est, affectuum variorum, et pasces hædos, id est, motus pravos, juxta tabernacula aliorum, qui se sodales meos esse gloriantur, corrivaux, et pascunt animas, sed ventis..

  A008000651 

 (Ut: Deus meus, pone illos ut rotam, id est, pones; Fiat habitatio eorum, id est, fiet; Appone iniquitatem super iniquitatem eorum, et non intrent, id est, non intrabunt, appones.) Sed jam duplex est nostri ignorantia; ut dupliciter apud philosophos illa sententia; «Nosce teipsum.» Nam Socrates, apud Platonem, in Alcibiade, cognitionem sui in cognitione excellentiæ animæ nostræ consistere ait; alii in cognitione vilitatis suae secundum corpus; pusillanimitas et superbia..

  A008000651 

 Duplex est interprætatio: prima est Honorii, et Ruperti, et recentiorum; et maxime Theodoreti: dicentium hæc verba debere capi in bonam partem, in hunc sensum: Si ignoras, o anima, ubi cubem in meridie, abipost vestigia gregum Patrum antiquorum, sectare doctrinam tritam et communem, et pasce hædos, cogitationes tuas, quæ sub naturali lumine sunt hædi et per supernaturale in oves mutandi, juxta tabernacula pastorum, Episcoporum in Concilio Conciliorum Sedis Apostolicæ præfectorum.

  A008000651 

 Si ignoras te, egredere, id est, egredieris.

  A008000652 

 Et quidem, quoad secundum; Deus ab initio nobis nomen Adæ imposuit: Masculum et fæminam creavit eos, et vocavit nomen eorum, Adam, id est, terrestres, luteos; ut ait Gregorius Niss., De Creat.

  A008000653 

 Ah! Proditor [82] generis humani, non hoc dicimus, sed: De omni gaudio comede, sed de gaudio peccatorum ne comedas, etc. De fructu, ait, lignorum... præcepit nobis Deus ne comederemus et ne tangeremus illud, id est, lignum..

  A008000653 

 Jam ergo, creata fæmina, venit, dicens: Quare præcepit vobis Deus ut non comederetis de omni ligno paradisi? Videte astutiam: Cur præcepit? Quia Dominus est; ipse fecit nos, et non ipsi nos.

  A008000653 

 Præcepitque ei, dicens: De omni ligno paradisi comede, id est, comedere potes; de ligno autem scientiæ boni et mali ne comedas; in quacumque enim hora, etc. Adam mansit aliquamdiu solus sub præcepto; nam dedit nomina rebus et animantibus: sed non eum tentare tunc voluit serpens; expectavit donec haberet instrumentum tentationis suæ idoneum, fæminam.

  A008000653 

 Ut non comederetis de omni ligno, id est, de ullo; videte fraudem.

  A008000654 

 Dæmon est instar serpentis cujus figuram præferebat; ubi caput inserit totum corpus infert.

  A008000657 

 [1.] Quam nobilis est anima, quæ est Dei imago et similitudo.

  A008000662 

 Mais dit-il, que crierai-je? Je suis prêt à crier, mais quoi? Crie: Toute chair est de l'herbe.

  A008000662 

 Mais que crierai-je? Dis aux cités de Juda: Voici votre Dieu, et sa récompense est avec lui, etc..

  A008000665 

 C'est pourquoi voici que notre Elisée dit: Apporte -moi de la farine; sers-nous l'Evangile, qui n'est autre qu'un grain de froment (c'est-à-dire le Christ lui-même broyé et [78] manifesté par divers enseignements); et il la mit dans la marmite, joignit l'Evangile à la Prophétie, et dit: Verses-en pour tout le monde.

  A008000665 

 La coloquinte est dans le jeûne, mais verse de la farine: Ton Pire céleste te le rend.

  A008000665 

 La mort est dans la marmite, homme de Dieu.

  A008000665 

 Tu retourneras en terre est de la coloquinte; mêles-y la farine: Thésaurisez, etc. Or donc, très chers Frères, je vous présente aujourd'hui un mets fait de farine et de coloquinte.

  A008000665 

 Voici l'amertume: «Souviens-toi, ô homme;» dans le jeûne, les pleurs et les gémissements; mais voilà que la mort qui suit n'est plus amère: c'est la possession d'un trésor au Ciel.

  A008000666 

 Indiquez-moi, ô vous que chérit mon âme, où vous paissez, oit vous reposez au midi; c'est-à-dire, quelle est l'âme que vous aimez, qui fait vos délices, en qui vous vous délectez, en qui vous nourrissez vos affections que vous placez en elle comme dans un lit, de crainte que, ignorant la manière de vous plaire, je ne commence à m'égarer dans les affections mondaines des mondains.

  A008000666 

 Veulent être rivaux du Seigneur tous ceux qui cherchent à gagner le cœur de l'homme; le monde, le démon, cet ami qui veut être préféré aux commandements de [79] Dieu, cette amie, etc. C'est la voix de la nature humaine à la recherche de sa béatitude..

  A008000667 

 Comme s'il disait: Veux-tu être en sûreté, ne te détourne pas après de nombreux amants; commence par la connaissance de toi-même, et tiens pour certain que si tu t'ignores, ô la plus belle d'entre les femmes, tu suivras les traces de tes troupeaux, c'est-à-dire de tes diverses affections, tu paîtras tes chevreaux, c'est-à-dire les affections mauvaises, près des tentes d'hommes étrangers qui se glorifient d'être mes rivaux, et paissent les âmes, mais de vent..

  A008000668 

 (Ainsi: Mon Dieu, rendez-les comme une roue, c'est-à-dire, vous les rendrez.

  A008000668 

 Ajoutez iniquité sur iniquité, et qu'ils n'entrent point; c'est-à-dire, ils n'entreront point, vous ajouterez.) Or, nous vivons à l'égard de nous-même dans une double ignorance, ainsi que les philosophes ont donné une double signification à cet axiome: «Connais-toi toi-même.» Socrate, en effet, dans l'Alcibiade de Platon, dit que la connaissance de nous-même consiste dans la connaissance de l'excellence de notre âme; d'autres disent que c'est la connaissance de notre bassesse quant au corps; pusillanimité et orgueil..

  A008000668 

 C'est [80] l'interprétation de saint Ambroise, de saint Grégoire, de saint Bernard.

  A008000668 

 Il y a deux interprétations: la première est celle d'Honorius, de Rupert et des modernes, et surtout de Théodoret.

  A008000668 

 Leur sens serait: Si tu ignores, ô âme, ou je repose au midi, suis les traces des troupeaux des anciens Pères, suis la doctrine reconnue et commune, et pais tes chevreaux, c'est-à-dire tes pensées, qui, sous la lumière naturelle, sont des chevreaux, mais qui deviendront des brebis à la lumière surnaturelle, près des tentes des pasteurs, c'est-à-dire des Evêques préposés aux fidèles par le Concile des Conciles, le Siège apostolique.

  A008000668 

 Que leur habitation devienne diserte, c'est-à-dire, deviendra.

  A008000668 

 Si tu l'ignores, sors, c'est-à-dire, tu sortiras.

  A008000670 

 De ne pas manger du fruit de tous les arbres, c'est-à-dire, de n'en manger aucun; voyez la tromperie.

  A008000670 

 Donc, dès que la femme est créée, il vient et dit: Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger du fruit de tous les arbres du paradis? Voyez la ruse: Pourquoi a-t-il commandé? Parce qu'il est le Seigneur; c'est lui qui nous a faits, et nous ne nous sommes pas faits nous-mêmes.

  A008000670 

 Et il lui commanda, disant: Mange du fruit de tous les arbres du paradis, c'est-à-dire, tu peux manger; mais quant aux fruits de l'arbre de la science du bien et du mal, n'en mange pas; car, a quelque heure, etc. Durant le peu de temps qu'Adam demeura seul, il obéit; il donna des noms aux choses et aux animaux: le serpent ne voulait pas le tenter alors; il attendit pour cela d'avoir un puissant instrument de tentation, la femme.

  A008000670 

 Ses suggestions d'aujourd'hui sont semblables: Oh ces prédicateurs! ils vous interdisent toute joie, toute nourriture, tout sourire, tout soin des biens temporels; ils vous veulent tout le jour à l'église, toujours dans le jeûne, [82] Ah! traître à l'humanité! nous ne disons pas cela, mais: Nourris-toi de toute joie, mais de la joie du péché n'en use pas, etc. La femme dit: [ Nous mangeons ] du fruit des arbres... Dieu nous a commandé de n'en point manger et de n'y point toucher, c'est-à-dire, à l'arbre..

  A008000671 

 Le démon est comme le serpent dont il avait pris la figure: où il passe la tête, il passe tout le corps.

  A008000671 

 O Dieu! c'est la première porte ouverte au mal: Eve doute de la mort.

  A008000672 

 «Fuyez d'ici, jeunes gens, un froid serpent est caché sous l'herbe.».

  A008000674 

 Pour revenir à notre sujet Si tu t'ignores, ô la plus belle d'entre les créatures; [84] mais cela brièvement, [1.] Qu'elle est noble l'âme, puisqu'elle est l'image et la ressemblance de Dieu! Comme Phidias, représentant Minerve, au centre du bouclier, [etc.]: Faisons l'homme à notre image (littéralement, avec notre image et notre ressemblance ).

  A008000686 

 Ouid faciemus sorori nostræ, in die quando alloquenda est? etc. Pascitur inter lilia.

  A008000695 

 Que Joseph ait été préposé à cette maison, c'est de toute évidence; c'est à lui seul, en effet, que l'Ange [86] apporte le message de la fuite et du retour.

  A008000695 

 Tu seras préposé à ma maison, et quand tu ouvriras la bouche pour commander, tout le peuple obéira; c'est par le trône royal seulement que j'aurai sur toi la préséance.

  A008000696 

 La maison et les richesses sont données par les parents, mais c'est proprement le Seigneur qui donne une femme prudente.

  A008000699 

 Le premier chariot du Christ c'est la Vierge; celui-ci lui est réservé.

  A008000699 

 Le second c'est le corps de Joseph: il lui a donné tout pouvoir sur son corps, etc. Ce privilège doit être ajouté à la virginité.

  A008000708 

 V. 13, respondens Baldad Suhites, de Dei potentia et providentia, inter alia summopere laudat Deum, ex eo quod: Spiritus ejus ornavit cælos, et obstetricante manu ejus eductus est coluber tortuosus.

  A008000709 

 Et quidem ornat cælos spiritu, quia dixit semel et factum est semper, neque ulla ibi est alteratio vel vicissitudo generationis et productionis..

  A008000709 

 Non majora tantum, qualia sunt cælorum ornamenta, id est, sphærarum dispositio, cursuum motuumque varietas, stellarum ac planetarum collocatio, etc., [89] sed etiam minima, ut generatio serpentis et colubri, quod omnium animalium quæ per se et non per accidens nascuntur infimum et minimi prætii est, curat.

  A008000711 

 Factum est cælum unico Dei verbo, et inspirante spiritu ornavit cælos, ex nihilo; sufflavit et fecit solem, lunam, Orionas, Mercurium, etc., cinxit zona zodiaci, etc. At cum terrestribus utitur velut manu, quia successive, succedentibus generationibus, corruptionibus et incrementis, omnia facit, ut mulier obstetrix, quæ infantem excipit pedetentim, educit, lavat, fovet, complicat, etc. Manus ergo providentiæ Dei obstetrix est totius mundi..

  A008000713 

 Secundus sensus est isagogicus, secundum versionem Septuaginta, apud Sa: Præcepto ejus interfectus est draco apostata.

  A008000713 

 Spiritus Domini ornavit cælos Angelorum turmis; verum cum unus, et per unum plures ex illis, id est, antiquus draco, rebelles essent, eos extra cælum præcepto suo duxit, ejecit et præcipitavit.

  A008000714 

 Vel etiam planius, eductus ex nihilo: Ornavit cælos Angelis, et ipsemet cacodæmon ejus obstetricatione creatus est et eductus ex nihilo, ut sit repetitio emphatica; etiam ipse dsemon ejus creatura est, et fuit conditus ad ornamentum ut alii, quamvis sua malitia perierit.

  A008000714 

 Vis autem est in verbo obstetricandi, quasi diceret: sedulo, sollicite, creavit; et rectum creavit, non distortum, quamvis nunc distortus et tortuosus sit..

  A008000715 

 Ex hoc sensu fiat egregia comparatio Cæli et templi, templum enim imago est Cæli: hinc Majores imaginibus Cælitum templa ornaverunt, ut Deus cherubinis; ut imagines Cælitum essent in imagine Cæli.

  A008000715 

 In templo, ut in Cælo, est curia Dei; et utrumque locus orationis, teste Apocalypsi, ubi aromata sunt orationes Sanctorum et viginti quatuor citharis aureis canunt orantes.

  A008000716 

 Fecitque flagellum de funiculis; nam ob excellentiam suæ naturæ elatus est, et per istam excellentiam maxime cruciatur.

  A008000716 

 Quare immobilis in sua malitia? Quia excellentissimæ est naturse.

  A008000716 

 Quo majus est desiderium dominandi, eo major [93] est dolor serviendi; at ille maxima urgebatur ambitione, quam ambitionem illi reliquit Deus, et eamet ambitione veluti flagello torquetur; nam remanet ambitio, imo superbia eorum ascendit semper, et quo magis ascendunt voluntate per ambitionem, eo magis descendunt re per abjectionem..

  A008000718 

 Sed jam o expergiscimini, Fratres! Qui Angelis non pepercit propter unam malam cogitationem factam in [94] templo, quomodo vobis parcet, facientes cachinnos? Ego quidem vellem etiam dato sanguine, ut omnia peccata in æternum relinqueretis, verum ego specialiter adjuro vos, ut templis reverentiam habeatis; vos nobiles civitate, vos mulieres, etc. Camberium est exemplar totius Sabaudiæ.

  A008000718 

 Vos sæpe Dagon infertis in templum Domini; et idem peccatum est, sive inferre Dagon in templum Domini, sive Arcam Domini in templo Dagon.

  A008000719 

 Exemplum Sanctæ Mariæ Ægiptiacæ non potentis intrare templum Hierosolymse in quo Crux asservabatur, quia perditissima meretrix, donec compuncta est aspectu imaginis Virginis.

  A008000727 

 Et c'est, en effet, par son esprit qu'il orne les cieux, car il a parlé une fois et le monde est fait pour toujours; aucune altération, nul changement ne survient dans la génération ou la production..

  A008000727 

 La Providence ne s'occupe pas seulement des plus grandes choses, comme du décor des cieux, c'est-à-dire de la disposition des sphères célestes, de la variété de leur cours et de leurs mouvements, de la place et de l'ordre des étoiles et des planètes, etc.; mais aussi des moindres, comme [89] de la génération du serpent, de celle de la couleuvre, animal bien petit et le moindre de tous ceux qui se communiquent la vie sans génération spontanée.

  A008000728 

 Avez-vous vu comment les verriers font les verres? Ils prennent à l'extrémité d'un bâton percé la matière préparée, soufflent ensuite dans ce tube, et le verre étant fait de la sorte n'est pas sujet à la dissolution.

  A008000728 

 C'est ainsi que le Ciel est appelé mer de verre, et plus explicitement: Mais la cité elle-même était en or pur, semblable au verre très clair.

  A008000728 

 Et la place de la cité est en or pur, comme le verre transparent..

  A008000730 

 O Dieu! que cette providence est admirable à l'égard des serpents! Ils se [90] purifient les yeux avec du fenouil, renouvellent leur jeunesse en se dépouillant de leur vieille peau, guérissent leurs blessures, comme plusieurs le croient, avec du serpolet.

  A008000731 

 D'après la version des Septante, dans Sa, c'est par l'ordre de Dieu que fut tué le dragon apostat.

  A008000731 

 Ici, en effet, il est fait allusion à l'enfantement, à raison non de son fruit, mais de la douleur; c'est comme s'il était dit: Il a orné d'Anges les cieux, mais quelques-uns d'entre eux ayant apostasié, les cieux ont ressenti comme les douleurs de l'enfantement.

  A008000731 

 Le deuxième est le sens isagogique.

  A008000731 

 Mis au jour, c'est-à-dire tiré du néant, ou mis dehors, c'est-à-dire hors du monde.

  A008000731 

 Voilà pourquoi l'expulsion du démon est présentée sous la figure d'un enfantement..

  A008000732 

 La force de la pensée est tout entière dans la figure employée par l'Ecrivain sacré; c'est comme s'il était dit: Dieu le créa attentivement, avec soin; et il le créa esprit droit, non pervers, quoique maintenant il soit déformé et tortueux..

  A008000732 

 Le démon lui-même est créature de Dieu; il fut formé comme les autres pour orner les cieux, bien que sa malice ait causé sa perte.

  A008000732 

 Ou plus simplement encore, il fut tiré du néant: Dieu a orné les cieux d'Anges, et par sa main toute-puissante le mauvais esprit lui-même fut créé et tiré du néant, ce qui est une répétition emphatique.

  A008000733 

 Là, le démon voulait acheter et dérober l'indépendance, et, prince de l'orgueil, se faire valoir au-dessus des autres; ici, c'est une caverne de voleurs.

  A008000733 

 Un temple est l'image du Ciel: aussi nos ancêtres ornèrent-ils les temples des images des Saints, comme Dieu avait orné l'ancien temple de chérubins, afin que l'image des habitants du Ciel fût dans l'image du Ciel.

  A008000734 

 Plus le désir de dominer est puissant, plus douloureuse est la servitude.

  A008000735 

 La calomnie ne blessa pas les Apôtres ni les autres amants de l'humilité; ce n'est pas elle non plus qui te blesse, c'est ton orgueil, ton arrogance qui te fait plus vivement sentir l'injure qui t'est faite..

  A008000735 

 Voyez les pères et les mères; ils pèchent s'ils rient en voyant leurs enfants s'abandonner à de mauvais propos, aux pires débuts de la vanité; le Seigneur tressera des cordes, et ces mêmes enfants accableront leurs parents d'autant de douleurs, etc. «On n'est blessé que par soi-même.» La pauvreté ne blessa pas Job, ne blessa pas saint François; ce n'est pas elle non plus qui te blesse, c'est ton impatience.

  A008000736 

 Que dis-je, mes Frères? Soyez dans l'épouvante! Celui qui n'épargna pas les Anges pour une seule mauvaise pensée conçue dans le temple, comment vous pardonnera-t-il, à vous qui y poussez des éclats de rire? Pour moi, je [94] voudrais donner jusqu'à mon sang pour que vous abandonnassiez tout péché, mais je vous conjure surtout de respecter les temples; vous, nobles de la cité, vous, femmes, etc. Chambéry est le modèle de toute la Savoie.

  A008000736 

 Vous introduisez souvent Dagon dans le temple du Seigneur; et c'est le même péché d'introduire Dagon dans le temple du Seigneur ou l'Arche du Seigneur dans le temple de Dagon.

  A008000737 

 Aussi, le Christ, l'image du Crucifix, est-elle offerte aux regards de ceux qui entrent, pour leur inspirer aussitôt le respect; telle est la remarque faite par Lactance.

  A008000747 

 Optimus modus orandi est orare paucis, sed non parum.

  A008000747 

 Si non es exauditus, vel id est quia pauper non es, vel quia præparationem cordis non habes.

  A008000748 

 Insignis est historia, 4.

  A008000748 

 Patres afferunt exemplum de Anna: Factum est cum illa multiplicaret preces coram Domino, ut Heli observaret os ejus; 1.

  A008000750 

 Mays, Beatius est dare magis quam accipere.

  A008000750 

 Sane Deus indiget nostra miseria: Miserere mei quoniam infirmus sum; et nostra miseria indiget Dei misericordia: Beatus vir cujus est auxilium abs te; ascensiones in corde suo disposuit.

  A008000750 

 de Sac. c. 2: lutum imponi super oculos cæci ut recordetur se pulverem esse; cæcitas enim mentis plerumque superbia est.

  A008000751 

 Christus venit, et lachrimatus est cum lachrimantibus.

  A008000751 

 Sunt in porta, id est, in Christo porta filiæ multitudinis, id est, Ecclesiæ.

  A008000751 

 Ut qui videt stillantem rosarium (stillans rosaceum?), ignis est, dicimus.

  A008000756 

 Seigneur, voila que celui que vous aimez est malade..

  A008000758 

 La meilleure manière de prier c'est de le faire en peu de mots, mais avec ardeur.

  A008000758 

 Si tu n'es pas exaucé, c'est ou que tu n'es pas pauvre, ou que tu n'as pas préparé ton cœur.

  A008000760 

 Avant-hier, il est vrai, notre aveugle disait: Nous savons que Dieu n'exauce pas les pêcheurs.

  A008000761 

 De même, Apoc., III, il est dit à l'Ange de Laodicée: Applique du collyre sur tes yeux..

  A008000761 

 Mais voyez cette admirable prière: Voilà que celui que vous aimez est malade.

  A008000761 

 Mais, il est plus heureux de donner que de recevoir.

  A008000761 

 Saint Ambroise, Des Sacrements, liv. III, chap. II: Jésus applique de la boue sur les yeux de l'aveugle, pour lui rappeler qu'il est poussière; car l'aveuglement de l'esprit provient ordinairement de l'orgueil.

  A008000761 

 «Que je vous connaisse et que je me connaisse.» «Qui êtes-vous, et qui suis-je?» Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, parce que mon âme s'est confiée en vous.

  A008000762 

 Qui sont à la porte, c'est-à-dire, dans le Christ, la porte de la fille du peuple, c'est-à-dire, de l'Eglise.

  A008000771 

 Et ego quidem vellem quod contigit Macrinæ; nam Vestiana eam ornans ut moris est virgines, «Ecce,» aiebat, «quale a collo Sanctæ monilis ornamentum dependet,» etc.; [Gretserus, De Cruce,] lib. 1.

  A008000776 

 Cujus est hæc imago et superscriptio? Estne tunica Domini nostri an non? O Domine, si teipsum intueremur, etc. Quare ergo rubrum est vestimentum tuum? Torcular, etc. In signum cui contradicetur..

  A008000777 

 Post autem ultimum Mot, reginæ Saba comparanda est, quæ ultra non habebat spiritum, id est flatum, spiritum, vim intelligendi, præ admiratione; non habebat spiritum, sed totum in Filio habebat.

  A008000780 

 Charitas enim Christi urget nos, cestimantes hoc, quoniam si unus pro omnibus mortuus est, ergo et omnes mortui sunt.

  A008000780 

 Et pro omnibus mortuus est Christus, ut et qui vivunt jam non sibi vivant, sed ei qui pro ipsis mortuus est; 2.

  A008000787 

 Après avoir parlé du poisson callionyme et du fiel conservé en souvenir: O Dieu! Chrétiens, ici est conservé le mémorial de la foi; le plus auguste sacrement de la foi est exposé à vos yeux.

  A008000787 

 Comme Vestiana parait sa dépouille mortelle des ornements que la coutume a réservés aux vierges: «Voilà quel joyau,» dit-elle, «est suspendu au collier qui entoure le cou de la Sainte,» etc. [Gretser, De la Croix,] liv. I, [100] folio 198.

  A008000789 

 De qui est cette image et cette inscription? Est-ce la tunique de Notre-Seigneur, ou non? O Seigneur, si nous vous voyions vous-même, etc. Pourquoi donc votre vêtement est-il rouge? Le pressoir, etc. Comme un signe auquel ou contredira..

  A008000790 

 Pour la Vierge au pied de la Croix: Et ton âme. Et après la dernière parole, la comparer à la reine de Saba qui n'avait plus son esprit, c'est-à-dire la respiration, son esprit, la force de comprendre, tant elle était saisie d'admiration; elle n'avait pas son esprit, mais il était tout en son Fils.

  A008000791 

 Si le Seigneur Dieu est avec moi et s'il me gardé dans la voie par laquelle je marche, le Seigneur sera mon Dieu..

  A008000793 

 Car la charité du Christ nous presse, considérant ceci, que si un seul est mort pour tous, donc tous sont morts.

  A008000793 

 Et le Christ est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qui est mort pour eux.

  A008000800 

 Quæ est ista quæ ascendit per desertum, sicut virgula fumi ex aromatibus.

  A008000805 

 Et quemadmodum mirati sunt Sponsum ( Egredimini, filiæ Sion, et videte regem Salomonem cum diademate, et apud Is.: Quis est iste qui venit de Edom, tinctis vestibus de Bosra? iste formosus in stola sua ), sic nunc mirantur Sponsam.

  A008000806 

 Jam vero, ecce mirantur homines in Ecclesia triumphante mortificationem Virginis, quæ est veluti virgula fumi ex aromatibus mirrhæ, en mortificatio, et thuris, en oratio, et omnis pulveris pigmentarii..

  A008000808 

 Et propterea mortua est ex amore.

  A008000808 

 Hei mihi, quia incolatus meus prolongatus est; habitavi cum habitantibus Cedar.

  A008000808 

 Plerisque Sanctorum concessum est: Mariæ Magdalenæ, Sanctæ [105] Catharinæ Senensi et Genuensi, Sancto Francisco, et nostro tempore Beato Philippo.

  A008000813 

 Charitas immensa quæ illi est gloria essentialis; ibi fumus est sine obscuritate, nubes lucida.

  A008000813 

 Et omnis pulveris pigmentarii; id est, habet gloriam omnibus virtutibus respondentem.

  A008000813 

 Sed est 6.

  A008000817 

 Quelle est celle-ci qui monte du désert, comme une colonne de fumée de parfums de myrrhe et d'encens et de toutes les poudres du parfumeur?.

  A008000819 

 Ainsi dans le Psaume: La myrrhe, l'aloès et la cannelle s'exhalent de vos vêtements; puis: La reine s'est tenue debout a votre droite.

  A008000819 

 Et comme ils ont admiré l'Epoux ( Sortez, filles de Sion, et voyez le roi Salomon avec le diadème, et en Isaïe: Quel est celui-ci qui vient d'Edom, de Bosra, avec les vêtements teints? il est beau dans sa robe ), de même admirent-ils maintenant l'Epouse.

  A008000820 

 L'âme est cultivée par la mortification, ensemencée des vertus et arrosée par la prière.

  A008000820 

 Mortifiez vos membres qui sont sur la terre. Eh bien! voici que l'humanité admire dans l'Eglise triomphante la mortification de cette Vierge, qui est comme une colonne de fumée de parfums de myrrhe d'abord, et c'est la mortification, d'encens, et c'est la prière, et enfin de toutes les poudres du parfumeur..

  A008000820 

 Un jardin est d'abord labouré avec le soc, puis ensemencé, et en troisième lieu, fertilisé par la rosée ou la pluie.

  A008000821 

 Quelques-uns ne descendent pas, il est vrai, mais du moins ralentissent-ils leur marche, comme saint Jean-Baptiste, et les Apôtres, même après la Pentecôte.

  A008000822 

 C'est pourquoi elle mourut d'amour, [1.] La meilleure vie appelait la meilleure mort; elle a vécu d'amour, elle meurt d'amour.

  A008000822 

 La mort des saints est précieuse. Plusieurs meurent pour la foi, par amour; d'autres par amour, pour l'amour; mais la mort la plus précieuse est celle qui vient de l'amour, pour l'amour et par amour.

  A008000823 

 Oh quelle mortification est celle qui provenait de sa pauvreté, de sa virginité, de la Passion du Christ!.

  A008000823 

 «Abstiens-toi,» c'est la mortification de la partie concupiscible; «soutiens,» c'est la mortification de la partie irascible.

  A008000827 

 Enfin elle est une fumée.

  A008000827 

 Et de toutes les poudres du parfumeur; c'est-à-dire, elle jouit d'une gloire proportionnée à toutes ses vertus.

  A008000827 

 Sa charité immense qui constitue sa gloire essentielle; au Ciel, la fumée n'est pas obscure, c'est une nuée lumineuse.

  A008000838 

 Hæc autem parabola mira est.

  A008000840 

 Et impletæ sunt nuptiæ: facta est Ecclesia Catholica.

  A008000840 

 Inventum est unus.

  A008000841 

 4: Renovamini spiritu mentis vestræ: id est, Spiritu Sancto qui est in mente vestra; vel spiritu qui est mens vestra, quia interdum non possumus renovare animæ partem inferiorem, in qua rebellio urget.

  A008000841 

 Et induimini novum [109] hominem; id est, Christum.

  A008000841 

 Qui secundum Deum creatus est, id est, ad perfectissimam imaginem Dei; sanctitate veritatis, id est, sanctitate vera..

  A008000841 

 Sed quaenam est ista vestis nuptialis? Indubie charitas, ut omnes, apud Maldonatum et D. Thomam, fatentur.

  A008000843 

 2 a Jacob, qui vestibus Esau valde bonis vestitus est: communis omnium Sanctorum.

  A008000843 

 3 a Hester, quæ caudam [110] habebat, et est Sanctorum communicantium.

  A008000843 

 Jam vero triplex est charitatis vestis.

  A008000843 

 Talaris est ut cæterorum; nam quid proderit vestem habere et non talarem, quando insidiatur maxime calcaneo nostro diabolus, serpens? Sed non modo talarem, sed etiam plus quam talarem, ita ut ad posteros quoque perveniat, ut Hesteris vestimentum.

  A008000850 

 Mais cette parabole-ci est admirable.

  A008000851 

 Si on en eût trouvé plusieurs, quoi d'étonnant qu'on les eût chassés? mais on en trouve seulement un et il est expulsé, et il est jeté dans les ténèbres extérieures.

  A008000852 

 Avant tout, ayez les uns pour les autres, etc. De même dans l'Epitre aux Ephésiens: Renouvelez-vous dans l'esprit de votre âme; c'est-à-dire dans l'Esprit-Saint qui est en votre âme, ou bien dans l'esprit qui est votre âme; parfois, en effet, nous ne pouvons renouveler la partie inférieure de notre âme dans laquelle s'élève la révolte.

  A008000852 

 Celui-là [109] revêt l'homme nouveau, qui, dans ses mœurs, est trouvé conforme au Christ.

  A008000852 

 Et revêtez-vous de l'homme nouveau, c'est-à-dire du Christ.

  A008000852 

 Mais quel est ce vêtement nuptial? C'est évidemment la charité, tous en conviennent, d'après Maldonat et saint Thomas.

  A008000852 

 Qui a été créé selon Dieu, c'est-à-dire à la plus parfaite image de Dieu; dans la sainteté de la vérité, c'est-à-dire dans la vraie sainteté..

  A008000853 

 Selon le bienheureux Ambroise, dans son livre Du Paradis, c'est une excuse dans le péché.

  A008000854 

 C'est la grâce suffisante des enfants baptisés; aussi leur donnons-nous le chrémeau: «Reçois ce vêtement blanc.» Il est beau à voir, car nous savons par la foi qu'avec la charité, ces enfants reçoivent toutes les vertus.

  A008000854 

 C'était une robe longue qui descendait jusqu'à terre pour préserver son talon, [la fin de sa vie,] auquel le démon tendait des embûches: «Sors, mon âme, que crains-tu?» Elle était parfumée, c'est-à-dire que les exemples du Saint en attirèrent un grand nombre à la vie monastique.

  A008000854 

 Celui d'Esther, à queue, et qui [110] appartient aux Saints en tant que [par leurs exemples] ils communiquent leurs vertus [à ceux qui viennent après eux.] Il descend jusqu'aux pieds, comme les deux autres; car à quoi bon porter une robe qui ne descendrait pas jusqu'au talon, quand c'est surtout à notre talon que le démon, vrai serpent, tend ses embûches? Mais cette robe fait plus que de couvrir les pieds, elle se prolonge encore vers ceux qui suivent, comme celle d'Esther.

  A008000854 

 Celui-ci est commun à tous les Saints.

  A008000862 

 Venit veluti vulgaris mulier purificanda, venit tanquam mater oblatura munus omnium gratissimum Altissimo, et in Symeone timor versus est in lætitiam summam..

  A008000864 

 Aggressusque mulierem tanquam infirmiorem: Cur præcepit, inquit, vobis Deus ut non comederetis ex omni ligno paradisi? De omni, id est, præcepit ut de nullo, est communis opinio; vel non comederetis ex omni, id est, non de omnibus et singulis, sed excepit lignum scientiæ boni et mali? Egregie Rupertus, 1.

  A008000864 

 Cap. II. ad Cor. 2: Timeo ne sicut serpens seduxit Evam astutia sua, ita corrumpantur sensus vestri, et excidatis a simplicitate quæ est in Christo..

  A008000864 

 Idem est Chrisostomi, hom.

  A008000864 

 Quod Eva cum diabolo colloqui cæperit, nunquam colloquendam est cum hoste reipublicæ, aut cum hæretico, aut cum impudicis.

  A008000864 

 Sic hæretici: Cur præcipit [113] Ecclesia ut de omni Scriptura non legatis? cur prohibet nubere? cur vesci cibis creatis a Deo? etc. Cui respondit mulier: De fructu lignorum quæ sunt in paradiso vescimur; de fructu vero ligni quod est in medio paradisi, præcepit nobis Deus ne comederemus et ne tangeremus illud, ne forte moriamur.

  A008000871 

 Admirable est cet art de la nature qui, par une sorte d'opposition, fait ressortir les contraires par les contraires.

  A008000871 

 Merveilleuse est dans cet Evangile l'humilité de la Bienheureuse Vierge; merveilleuse aussi est sa dignité.

  A008000872 

 [112] L'orgueil est le commencement de tout péché. Tobie à son fils: Ne laisse jamais l'orgueil dominer dans ton esprit ou dans ta parole, car c'est par lui que toute perdition a pris commencement.

  A008000873 

 Ainsi les hérétiques: Pourquoi l'Eglise vous ordonne-t-elle de ne pas lire toute l'Ecriture? Pourquoi [113] défend-elle de se marier? Pourquoi, de manger des aliments créés par Dieu? etc. La femme lui répondit: Nous mangeons du fruit des arbres qui sont dans le paradis; mais pour le fruit de l'arbre qui est au milieu du paradis, Dieu nous a commandé de n'en point manger et de n'y point toucher, de peur que nous ne mourions.

  A008000873 

 Je crains que de même que le serpent séduisit Eve par ses artifices, ainsi vos esprits se corrompent et que vous dégénériez de la simplicité qui est dans le Christ..

  A008000873 

 Le commandement déplaît à la femme, dit saint Ambroise, dans son livre d'Adam et Eve, c'est pourquoi elle en exagère la rigueur.

  A008000873 

 Ou bien, de ne pas manger de tous, c'est-à-dire non pas de tous et de chacun; mais en a-t-il excepté les fruits de l'arbre d e la science du bien et du mal? Rupert dit excellemment, liv. II de la Trinité, chap. IV: Le diable, «feignant d'ignorer la vérité,» dit de tous.

  A008000873 

 S'attaquant donc à la femme, comme étant la plus faible: Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé, dit-il, de ne pas manger du fruit de tous les arbres du paradis? De tous, c'est-à-dire, pourquoi vous a-t-il commandé de n'en manger aucun; c'est l'opinion commune.

  A008000887 

 Interdum interrogare nolumus, ne sciamus quod scire nobis triste est.

  A008000889 

 Hieronymus, in Prologo Galeato: «Sola Scripturarum ars est quam sibi passim omnes vendicant.» Difficilem esse Dominus indicat in fine Evangelii nostri: Multa alia habeo vobis dicere, sed non potestis portare modo.

  A008000889 

 Lex antiqua in monte data est, et nova quoque, abrege, anacephaleosis, in Cruce; inter clavos et spinas, ut Leges inter tonitrua et lampades.

  A008000890 

 5, de Melchisedech: de quo, inquit, grandis (hoc est, multus) nobis est sermo, ininterpretabilis ad dicendum, quia imbecilles facti estis ad audiendum.

  A008000902 

 Saint Jérôme, dans son Prologue casqué, dit: «La science de l'Ecriture est la seule dont, en tous lieux, chacun se fait fort.» Le Seigneur à la fin de notre Evangile la déclare difficile: J'ai beaucoup d'autres choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter maintenant.

  A008000903 

 Dans l'Epître aux Hébreux, au sujet de Melchisédech: de qui, dit-il, nous avons de grandes choses à dire (c'est-à-dire en grand nombre), et difficiles à expliquer, parce que vous êtes devenus incapables de les entendre.

  A008000903 

 De ces grandes choses et de ce règlement, où, je vous prie, en est-il fait mention? Vous ne pouvez les porter maintenant.

  A008000903 

 Pour le même sujet, il est dit dans le Psaume: Dessillez mes yeux et je considérerai les merveilles de votre loi.

  A008000904 

 De même, tout ce qu'il est nécessaire de croire n'est pas explicitement écrit, en particulier le nombre et le vrai sens des Livres canoniques, et les mots: «est descendu aux enfers.».

  A008000904 

 Il n'est pas nécessaire, par exemple, de savoir que le chien de Tobie avait une queue, ou que saint Paul avait un manteau qu'il laissa à Troade, chez [117] Carpus.

  A008000904 

 Toute l'Ecriture n'est pas nécessaire pour la foi, bien qu'elle soit toute de foi.

  A008000915 

 Il fault dire vray, mirus est amor filiorum, et quidem spiritualium major quam carnalium.

  A008000915 

 Un pere qui a des enfans, va, vient, court, mais son cceur ne bouge, il est tous-jours avec son tresor: Gaudium meum, corona mea vos estis.

  A008000917 

 Canticum Canticorum epitalamium est Ecclesiæ et Christi.

  A008000917 

 Orditur autem Salomon instinctu Spiritus Sancti ab unione: Osculetur me (quid est osculetur, nisi veniat et mecum jungatur per Incarnationem, in qua quæ ex ore Altissimi prodit Sapientia unitur carni nostræ? Unde: Veni, Domine, et noli tardare; Veniat Dilectus meus in hortum suum; Descendat sicut pluvia in vellus, etc.), et finit Ascensione: Fuge, inquit, Dilecte mi, et assimilare capreæ hinnuloque cervorum super montes aromatum.

  A008000917 

 Quæ verba Beatus Bernardus et communior [sententia] explicant de Ascensione Domini: Veni, fuge; unum Mot est in principio, aliud in fine; Bernardus, ser.

  A008000919 

 Vere locus iste sanctus est, etc. [121].

  A008000930 

 Il faut dire vrai, l'amour [du père] pour les enfant» est admirable, encore plus pour les fils selon la grâce que pour les fils selon la nature.

  A008000930 

 Lorsque les oiseaux n'ont pas de petits dans leur nid, ils voltigent d'arbre en arbre, s'y arrêtent et chantent merveilleusement tantôt ici, tantôt là; mais ont-ils nid et couvée, c'est à peine s'ils chantent ailleurs que sur l'arbre où reposent ce nid et cette couvée.

  A008000930 

 Si parfois ils s'en éloignent, c'est pour revenir aussitôt, le souvenir des petits qu'ils ont quittés leur permettant à peine de chanter ailleurs.

  A008000931 

 Nul ne peut dire Seigneur Jésus, si ce n'est par l'Esprit-Saint; nul ne peut dire Esprit-Saint, si ce n'est par l'Esprit.

  A008000932 

 Le Cantique des Cantiques est l'épithalame de l'Eglise et du Christ.

  A008000932 

 Sous l'inspiration de l'Esprit-Saint, Salomon débute par un souhait d'union: Qu'il me baise (qu'est-ce à dire: qu'il me baise, sinon qu'il vienne et s'unisse à moi par l'Incarnation, ce mystère où la Sagesse sortant de la bouche du Très-Haut, s'unit à notre chair? De là ces mots: Venez, Seigneur, et ne tardez plus.

  A008000934 

 Vraiment ce lieu est saint, etc. [121].

  A008000944 

 Et ego dico, ad istorum Patrum imitationem, corrigiam calceamenti solvere est sensum Scripturæ reserare.

  A008000944 

 Pro exordio dicatur Evangelium; cum autem perveneris ad locum: Non sum dignus corrigiam calceamenti solvere, affer interpretationem Cyrilli et Hylarii, folio sequenti, pagina versa, positam: Corrigiam calceamenti solvere est Evangelium Lege contentum enucleare.

  A008000951 

 Comme exorde, faire le récit de l'Evangile; puis, arrivé au passage: Je ne suis pas digne de délier la courroie de sa chaussure, donner l'interprétation de saint Cyrille et de saint Hilaire, insérée au verso de la page suivante: Délier la courroie de la chaussure, c'est éclaircir le sens de l'Evangile contenu dans la Loi.

  A008000951 

 Et moi, à l'imitation de ces Pères, je dis: Délier la courroie de la chaussure, c'est ouvrir le sens de l'Ecriture.

  A008000951 

 Je ne suis donc pas digne, je ne sais parler; mais vous, Mère du Verbe, par laquelle le Verbe nous est apparu, par vos prières, ouvrez ce sens, ou faites-le moi ouvrir.

  A008000961 

 Ouibus verbis Ecclesia significat Christum similem esse mannæ; et ita est: 1°.

  A008000961 

 «Hodie,» inquit, « scietis quia veniet Dominus, et mane videbitis gloriam ejus.» Dic historiam usque ad verba Moysi (et nota obiter murmur filiorum Israel, qui libenter egressi sunt de Ægipto, ut plerique religiosi ex mundo, sed ubi tantisper sunt in deserto, id est, deseruntur, murmurant et recordantur carnium mundi): Vespere scietis quia Dominus eduxit vos de [124] terra Ægipti, et mane videbitis gloriam Domini.

  A008000963 

 Istudque misterium ut manna lumini solis liquefit, ignis obduratur: qui lumine cælesti vult penetrari, liquidus est, qui naturali curiositate, obdurescit..

  A008000963 

 Sic Christus hodie nascetur nocte, invisibiliter, modo humanis mentibus incomprehensibili; totus e Cælo, etiam corpus, nam etsi materia ex Virgine sumpta est, tamen virtute Altissimi obumbrante et Spiritu Sancto superveniente formata est, et modo cælesti nascitur, eo modo quo lux de cælo, quo etiam Mot a Patre.

  A008000965 

 Cibus est in Eucharistia, et cibus etiam mysticus cordis omnium hominum.

  A008000970 

 « Parvoque lacte pastus est, per quem nec ales esurit;».

  A008000971 

 Urge diligentissime hanc meditationem: en nudus super terram natus est, ut ait Beata Brigitta..

  A008000973 

 Silentium mirum; nam alii infantes non loquuntur quia nesciunt, iste quia non est tempus loquendi sed silentii..

  A008000974 

 Cæterum sunt animalia quæ amat; quia unum jugale est, aliud onerosum; unum laboriosum, aliud oneratum.

  A008000974 

 Est inter animalia, et ipse suavissime excipit eorum flatum et etiam stupiditatem.

  A008000977 

 Cur pueri plorent, naturalis ratio est quia primo sentiunt frigus, lumen, et inusitatum aerem post teporem et somnum in utero materno; mystica, quia veniunt morituri et multa passuri.

  A008000977 

 Cæterum, apud Aristotelem, infantes ante 40 diem non rident; nisi portentose, ut Zoroaster, «infœlix homo qui nascens risit.» Sic religiosi incipiunt a purgatione per pœnitentiam; 40 autem numerus completæ pœnitentiæ est, quo exacto rident, id est, consolantur..

  A008000977 

 Unde observatum est a plerisque, masculos a, fœminas he primas voces edere, quæ litteræ sunt initiales Adami et Evæ, per quos tot miseriis afficimur.

  A008000978 

 Ergo Sponsa apicula est quæ mel ore facit, [128] et ita est.

  A008000985 

 (Signaler, en passant, les murmures des enfants d'Israël: librement sortis de l'Egypte, comme sortent du monde la plupart des religieux, ils sont à peine au désert, c'est-à-dire dans l'abandon, qu'ils murmurent et se ressouviennent des plaisirs du monde.) Ce soir vous saurez que le Seigneur vous a conduits hors de la terre d'Egypte, et, au [124] matin, vous verrez la gloire du Seigneur.

  A008000985 

 L'Eglise, par ces paroles, nous donne à entendre que le Christ est semblable à la manne; et il en est ainsi au double point de vue, 1.

  A008000986 

 Ainsi le Christ naîtra aujourd'hui, pendant la nuit, d'une manière incompréhensible aux esprits humains; il descendra du Ciel tout entier, y compris son corps, car, s'il en a pris la substance dans le sein de la Vierge, c'est par la vertu du Très-Haut couvrant Marie de son ombre, et par l'intervention du Saint-Esprit que cette substance a été formée et qu'elle paraît au jour d'une manière toute céleste, comme la lumière vient du ciel et le Verbe émane du Père.

  A008000986 

 Il en est de même de ce mystère: il devient transparent pour qui veut l'approfondir à la lumière céleste, mais il est impénétrable à qui veut l'étudier avec une curiosité toute naturelle..

  A008000987 

 Composé de divinité et d'humanité, le Christ est un, comme une est la manne..

  A008000988 

 Aussi il est appelé Agneau, il est appelé miel..

  A008000988 

 Il est nourriture dans l'Eucharistie, il est de plus l'aliment mystique des cœurs de tous les hommes.

  A008000988 

 La manne devait servir de nourriture aux hommes; ainsi en est-il du Christ, c'est pourquoi il naît à Bethléem, la Maison de pain.

  A008000989 

 Aussi, parmi les Pères les plus pieux, trois surtout professèrent envers ce mystère un culte spécial: saint Augustin: «Ce mystère est le sein qui m'allaite;» saint Bernard, qui dans une vision contempla cette naissance; saint François, comme chacun le sait..

  A008000989 

 La naissance de Jésus-Christ, ou plutôt le tout petit Jésus a une saveur spéciale pour tous ceux qui le veulent goûter: pour les pasteurs, parce qu'il est Pasteur; pour les rois, parce qu'il est Roi; pour Siméon, parce qu'il est Prêtre; pour Anne la prophétesse, parce qu'il est Prophète; pour tous enfin, mais surtout pour les âmes dévotes, pour les religieux et pour les oblats, parce que lui-même est excellemment dévot, religieux et oblat.

  A008000990 

 Sa chasteté est évidente: Il se repaît parmi les lis; et bien qu'il n'ait pas émis de vœu, il a néanmoins fait ses oblations.

  A008000991 

 Mais voyez, je vous prie, comme il est pauvre! Pauvreté d'asile, pauvreté de langes, pauvreté de nourriture:.

  A008000992 

 « Celui qui donne aux oiseaux leur pâture, est nourri d'un peu de lait;».

  A008000995 

 Son silence est admirable; car les autres enfants se taisent parce qu'ils ne savent pas parler; lui, parce que ce n'est pas le temps de parler mais de se taire..

  A008000996 

 Du reste, ce sont des animaux qu'il aime, parcs que l'un porte le joug, l'autre le fardeau; l'un est laborieux, l'autre chargé; et Jésus dira: Venez à moi vous tous qui travaillez et êtes chargés, et je vous soulagerai..

  A008000997 

 Il me semble le voir fixer son doux regard sur sa très chère Mère, son Père, les bergers; donner à sa Mère de suaves baisers, selon qu'il est écrit: Qu'il me baise, et puis, se nourrir de son lait..

  A008000999 

 Aussi bien, d'après Aristote, les enfants ne rient-ils avant le quarantième jour que par prodige, comme il est arrivé pour Zoroastre, «le malheureux qui rit en naissant.» De même les religieux commencent à se purifier par la pénitence; or, quarante est le nombre de la pénitence parfaite; cette durée atteinte, ils rient, c'est-à-dire sont consolés..

  A008000999 

 La cause des pleurs des enfants, c'est premièrement une raison naturelle: ils sentent pour la première fois le froid, la lumière, un air nouveau après l'air tiède et le sommeil dans le sein maternel.

  A008000999 

 La raison mystique est qu'ils naissent pour mourir et pour souffrir beaucoup; aussi plusieurs ont observé que le premier vagissement des garçons est a, celui des filles hé, premières lettres des noms d'Adam et d'Eve, auteurs de tant de misères qui nous accablent.

  A008001000 

 L'Epouse est donc une petite abeille qui de sa bouche fait le [128] miel, et il en est ainsi.

  A008001010 

 memoria in benedictione est..

  A008001018 

 [3.] Justus; id est, omni virtutum genere illustris, ut antiquus Joseph.

  A008001019 

 Quare? Quia peccatum est in rempublicam, et Deus peccata carnis, etc. Gen.

  A008001019 

 Thales Milesius juveni sciscitanti an abjuraturus esset adulterium: «Non est,» inquit, «perjurium adulterio pejus.» [133].

  A008001019 

 Una virtus fuit summus Dei timor, quod videre est Mat.

  A008001025 

 Il fut chéri de Dieu et des hommes, et sa mémoire est en bénédiction..

  A008001028 

 Trois noms sont donnés à saint Joseph dans l'Evangile, car il est appelé Epoux de Marie, Père du Christ (c'est le nom que lui donne la Bienheureuse Vierge: Votre père et moi vous cherchions tout affligés ), et homme [130] juste.

  A008001030 

 La femme n'a pas puissance sur son corps, c'est le mari; de même, le mari n'a pas puissance sur son corps, c'est la femme.

  A008001031 

 [3.] Juste, c'est-à-dire, orné de toutes sortes de vertus, comme l'ancien Joseph.

  A008001032 

 Mais c'est par tradition qu'on les lapidait, comme on fit les vieillards.

  A008001040 

 Quæ est ista quæ ascendit de deserto,.

  A008001044 

 Et tout cela fut monstré premierement en songe au bon Mardochee, car il vid parvus fons, qui crevit in fluvium, et in lucem solemque conversus est, et in aquas plurimas redundavit; Esth.

  A008001045 

 Ce fut un songe, mais, o mon cher peuple, ce n'est pas en songe, c'est en la sainte veille de ma consideration, [134] que contemplant l'histoire de la vie et de l'Assomption de la Vierge, video fontem parvum, Virginem humilem, qui crevit in fluvium ( Fluminis impetus lætificat civitatem Dei; Aquæ multæ; Si quis sitit, veniat ad me et bibat ), in fluvium passionum et afflictionum, et in lucem solemque conversus est, hodie in Assumptione: Quæ est ista quæ progreditur quasi aurora consurgens, pulcra ut luna, electa ut sol? Et quod mirabilius, lux ista et iste sol in aquas plurimas redundavit; quia ubi Virgo ascendit, plurimæ per ejus præces gratiæ nobis factæ sunt..

  A008001046 

 Crevit tamen in fluvium; quia gratiam gratiarum protulit «Maria, Mater gratiæ.» Mox in lucem et solem conversus est, hodie quando lucidissima in Cælo constituta: Fulgebunt justi sicut sol.

  A008001046 

 Deinde versa est in aquas plurimas..

  A008001048 

 Cynamologue entre les hæretiques, c'est la tressainte Vierge..

  A008001049 

 Ergo mortua est, sed quo tempore non constat omnino ut nec certo de Christi morte.

  A008001049 

 Hebraice: Non fugit vigor ejus; Septuaginta: Non sunt corrupta labia ejus; Chaldaica: Nec mutatus est splendor vultus ejus.

  A008001049 

 Nom., c. 3; nam ipse conversus est anno tantum 52 Domini, ut notat Baronius.

  A008001049 

 Sed quo genere mortis? Amore sane mortuam esse nemo negaverit; nobilissima vita vixit et nobilissima morte mortua est.

  A008001050 

 Aymant tire le fer, sil n'est point rouille, sil n'est point gras, sil ny a point de diamant entre deux, sil n'est frotte d'aux..

  A008001050 

 Et quidem statutum est hominibus semel mori.

  A008001051 

 (Jacob videns filium: Jam lætus moriar, quia vidi faciem tuam et superstitem te relinquo.) Et osculatus est.

  A008001051 

 Et il est vray.

  A008001051 

 Terra Ægipti in conspectu tuo est, in optimo loco fac eos habitare; Gen.

  A008001052 

 Nam [137] sentiens omnes Angelos cantantes Ave Maria (nam cum Gabriele facta est multitudo militiæ cælestis ), ipsa: Ecce, inquit, ancilla Domini, et adoravit Regem Filium, ut Jacob (nam somnia Joseph hoc asseverant: Vidi solem adorare me ).

  A008001052 

 Nec hæc de Angelis fictio est, nam et Christus animam Lazari comitatam Angelis ait; quanto magis anima corpusque Virginis? Deinde cantavit suum Magnificat..

  A008001053 

 Et ita constituta est ad intercedendum pro nobis, ut omnes omnino Sancti aiunt (non sane eo modo que Filius, qui intercedit seipso); et multa in ejus favorem conceduntur, ut testatur universa Ecclesia.

  A008001054 

 Amabat Sara Ismaelem ut suum donec vidit ludentem, id est, irridentem, ait Sa, cum filio suo; tunc noluit eum amplius amare.

  A008001054 

 Ita est; sed refugium est ad eam confugientium, non confugit autem peccator obstinatus et pervicax.

  A008001054 

 Sed dicunt quidam: Ipsa est refugium peccatorum.

  A008001055 

 Et ita est, sed audite eam: Et misericordia, inquit, ejus a progenie in progenies.

  A008001055 

 O, est Mater misericordiæ, id est, Salvatoris, a quo misericordia omnis promanat.

  A008001061 

 Quelle est celle-ci qui monte du désert comblée de délices, appuyée sur son Bien-Aimé?.

  A008001064 

 Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive ), comme un fleuve de souffrances et d'afflictions, puis se changea en lumière et en soleil au jour de son Assomption: Quelle est celle-ci qui s'avance comme l'aurore lorsqu'elle se lève, belle comme la lune, choisie comme le soleil? Et, chose plus admirable encore, cette lumière, ce soleil se répandit en eaux très abondantes; c'est-à-dire que depuis son Assomption, la Vierge, par ses prières, nous a obtenu de très nombreuses grâces..

  A008001065 

 Et c'est précisément le sujet de ce sermon.

  A008001066 

 Mais je parlerai d'abord de son trépas, c'est-à-dire de son sommeil ou Assomption.

  A008001067 

 Elle est donc morte; mais à quel âge? on ne le sait pas au juste; il en est ainsi de la mort du Christ.

  A008001068 

 Et il est vrai qu'il est statué que les hommes doivent mourir une fois.

  A008001068 

 Son corps est aussi au Ciel: Vous ne permettrez point que votre Saint voie [136] la corruption... David: Que lui sera-t-il donné? Le roi Venrichira de grandes richesses, il lui donnera sa fille et il rendra la maison de son père exempte du tribut en Israël.

  A008001069 

 Pharaon: Ton père et tes frères sont venus a toi; la terre d'Egypte est devant toi, fais-les habiter dans la meilleure région.

  A008001070 

 Et ce cortège d'Anges n'est point une fiction, car le Christ dit lui-même que l'âme de Lazare fut escortée par les Anges; à combien plus forte raison l'âme et le corps de la Vierge! Ensuite elle chanta son Magnificat..

  A008001071 

 C'est ainsi qu'elle fut établie pour intercéder en notre faveur; tous les Saints, sans exception, l'affirment (non pas assurément qu'elle demande de la même manière que son Fils qui intercède par lui-même); et beaucoup de grâces nous sont accordées par sa faveur, comme l'atteste l'Eglise entière.

  A008001072 

 C'est la vérité; mais elle est refuge pour ceux qui se réfugient en elle; or le pécheur obstiné, opiniâtre, ne cherche pas ce refuge.

  A008001072 

 Quelques-uns disent: Elle est le refuge des pécheurs.

  A008001072 

 Sara aima Ismaël comme son enfant, jusqu'au jour où elle le vit jouer avec son fils, c'est-à-dire, d'après Sa, se moquer de lui; dès lors, elle ne voulut plus l'aimer.

  A008001074 

 C'est vrai; mais écoutez-la: Sa miséricorde, dit-elle, s'étend de génération en génération. Assurément, mais voyez ce qui suit: Sur ceux qui le craignent.

  A008001074 

 Oh, elle est Mère de la miséricorde, c'est-à-dire du Sauveur, dont émane toute miséricorde.

  A008001084 

 de qua natus est Jesus, qui vocatur.

  A008001088 

 7: Melior est dies mortis die nativitatis.

  A008001088 

 Et ipse: Pereat, inquit, dies in qua natus sum, et nox in qua dictum est: Natus est homo; c. 3.

  A008001088 

 Exprimit miserias hujus vitæ ex hipothesi; ut Christus: Si possibile est, transeat a me calix iste.

  A008001088 

 Maledixit, id est, malum diem et miserum esse dixit; Sa.

  A008001091 

 20: Hieremias maudit le jour de sa naissance, id est, il dit mal, il blasme le jour de sa naissance pour la multitude des maux quil devoit voir..

  A008001092 

 At Antipater, poeta Sidonius, apud eumdem Plinium, quotannis anniversario nativitatis die febre laborabat, et tandem eodem die, eadem febre, mortuus est.

  A008001092 

 Hinc nomen imponitur in Baptismate, quia antea homo nihil et nullus est..

  A008001092 

 Risusque ille fuit portentum, et presagium malitiæ hominis et infortunii; ipse enim Zoroastres Bactrianorum rex post multas clades a rege Assiriorum, Nino, fractus, captus et occisus est, quamvis ab astrologia judiciaria et magia præsidium habere se existimaret.

  A008001093 

 At tres nativitates celebrat: Christi, cujus nativitas æterna gaudium est æternum Beatorum, et temporalis, gaudium hominum et Angelorum; Joannis Baptistæ, et Beatæ Virginis Mariæ.

  A008001093 

 Sane, infirma est collectio ex verbis Pauli: Jacob dilexi, etc.; nam ibi Jacob patronimice, et etiam de temporali benedictione, non de spiritali.

  A008001093 

 Verum de Beatissima Deipara æquum omnino est ita sentire; itaque sentit Ecclesia, ex regula Augustini: Quicquid de aliis Sanctis honorificum, etc. Sed et ista est ratio.

  A008001094 

 Et vide: Ab initio et ante secula creata sum (id est, destinata ad assumendam humanam naturam creatam: Dominus possedit me in initio viarum suarum ); et apres plusieurs paroles: Et sic in Syon firmata sum, et in civitate sancta similiter requievi, et in Hierusalem potestas mea; et in parte Dei mei hæreditas illius, et in plenitudine sanctorum detentio mea.

  A008001094 

 Ista est scala Jacob inversa; nam ille vidit Deum in summitate scalæ, nos in imo.

  A008001094 

 Media, id est, partes medias reclinatorii (est enim plurale substantivum), charitate, seipso, qui amor et deliciæ Sponsæ et animarum, constravit propter filias Hierusalem..

  A008001095 

 Hic est Beata Virgo.

  A008001095 

 Tout est saint en cette Vierge, et ni a rien que d'admirable, de pur, de net, de blanc, que Libanus, id est, albus; et etiam tota hæc genealogia in populo honorificato.

  A008001097 

 Ascensum, animam, purpureum, omnino tinctam amore Crucis; nam purpura ex sanguine piscis, at Christus piscis, icthus, est.

  A008001097 

 Reclinatorium aureum, id est, corpus, ob miram et amore dignam virginitatem.

  A008001099 

 Et omnes simul, afferte ou des oeilletz, ou plus tost des oeillades interieures de la meditation; afferte des pensees sans nombre, et voyes que cette fille est nee pour nostre bonheur, voyes qu'ell'est l'amante de nos coeurs, nostre chere Dame, les delices des Anges, et la dilection du Pere, du Filz et du Saint Esprit.

  A008001099 

 Et representent le prince ou prælat, auquel tous les coeurs doivent estre attaches; et un prince ou prælat sans les coeurs des sujetz n'est autre chose qu'un bouton de rose despouille, qui n'a rien qu'un peu d'odeur de dignite, mais non pas la grace.

  A008001099 

 Sic et nos qui præsumus afferamus rosas, quæ simbolum sunt authoritatis et dignitatis, quæ nunquam est sine spinis curarum; et rosse quae nihil aliud sunt quam multitudo foliorum rubicundorum quæ cordis figuram habent, in uno caule unitorum eique affixorum, et præterea quæ excelsiores sunt cæteris floribus, mere floribus, quæ in arbusto crescunt; car qui void une rose, void une multitude de feuilles rouges atachees a un bouton, toutes faites en guise de cœur, et cet un arbre fait pour la plus belle fleur, la ou les autres simples fleurs croissent en des tiges herbeux.

  A008001103 

 Et Jacob engendra Joseph, époux de Marie, de laquelle est né Jésus qui est appelé Christ..

  A008001105 

 Il exprime les misères de cette vie d'après une certaine hypothèse; comme le Christ: S'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi... Le jour de la mort est préférable au jour de la naissance.

  A008001105 

 Misère de la naissance des hommes: L'homme né de la femme vit peu de temps, etc.; Job, chap. XIV. Job dit de lui-même chap. III: Périssent le jour où je suis né et la nuit où l'on a dit: Un homme est né. Il maudit, c'est-à-dire il affirme que ce jour a été mauvais et plein de misères; Sa.

  A008001109 

 On impose un nom au Baptême, parce qu'auparavant l'homme n'est rien; il est comme s'il n'était pas..

  A008001110 

 Assurément, la conclusion tirée de ces mots de saint Paul: J'ai aimé Jacob, etc., est faible, car ici Jacob est un nom patronymique, et de plus il est question de la bénédiction temporelle, non de la spirituelle.

  A008001110 

 Aussi l'Eglise y croit-elle, d'après la règle posée par saint Augustin: Quelque privilège qui puisse s'attribuer aux autres Saints, etc. Et c'est la vraie raison [de célébrer sa Nativité.] [142].

  A008001110 

 Néanmoins, dès qu'il s'agit de la Bienheureuse Mère de Dieu, il est absolument juste de croire à ce privilège.

  A008001110 

 Toutefois, l'Eglise célèbre trois naissances: celle du Christ, dont la naissance éternelle est l'éternelle joie des Bienheureux et dont la naissance temporelle fait la joie des hommes et des Anges; celle de Jean-Baptiste et celle de la Bienheureuse Vierge Marie.

  A008001111 

 Cette généalogie est l'inverse de l'échelle de Jacob.

  A008001111 

 Comme les abeilles, etc. Et ce passage du Cantique! Le roi Salomon s'est fait une litière en bois du Liban; il en a fait les colonnes d'argent, le dossier d'or, le dôme de pourpre.

  A008001111 

 Et remarquez: Dès le commencement et avant les siècles je fus créée (c'est-à-dire de stinée à prendre la naturehumaine créée: Le Seigneur m'a possédée au commencement de ses voies ); et après plusieurs paroles: Et j'ai été ainsi affermie dans Sion, et je me suis reposée dans la cité sainte, et ma puissance a été dans Jérusalem, part de l'héritage de mon Dieu, et j'ai demeuré dans l'assemblée des Saints.

  A008001111 

 Le milieu, c'est-à-dire les parties moyennes du dossier (car c'est un substantif pluriel), il l'a orné de la charité, de lui-même, qui est l'amour et les délices de l'Epouse et des âmes, et cela en faveur des filles de Jérusalem..

  A008001112 

 C'est la Bienheureuse Vierge.

  A008001113 

 Liban, c'est-à-dire blanc; et même tonte cette généalogie est dans un peuple honorable.

  A008001115 

 Au milieu est le Christ, parce qu'elle le porte en corps et en âme: Heureuses les entrailles [ qui vous ont porté ]; heureux plutôt ceux qui entendent, [etc.] [144].

  A008001115 

 Le dossier d'or, c'est-à-dire son corps, à cause de son admirable virginité si digne d'amour.

  A008001115 

 Le dôme, son âme, de pourpre, toute teinte de l'amour de la Croix; la pourpre, en effet, est le sang du poisson; or, le Christ est appelé poisson, icthus.

  A008001116 

 Ainsi cette litière est digne de porter Salomon.

  A008001116 

 Ou, si vous voulez, ce char est la Bienheureuse Vierge; il est composé du bois de la blancheur et de l'incorruptibilité; virginité insigne, virginité des virginités.

  A008001116 

 Quel est le conducteur? Eh! n'est-ce pas notre Joseph?.

  A008001116 

 Tous ces dons reposent sur l'or d'une humilité amoureuse (l'or est de tous les métaux le plus lourd et le plus précieux), et sur eux est fondée la vraie charité, pourpre du roi et robe nuptiale.

  A008001126 

 Centum denarios c'est environ huit escus; car le denier valoit environ cinq solz françois.

  A008001126 

 Decem millia c'est six millions, car le talent valoit six cens escus.

  A008001126 

 Quamvis Calepinus et Maldonatus tantisper invicem dissentiant, et alii etiam authores aliter; parum tamen refert, quia utraque summa pro maxima et minima posita est.

  A008001128 

 C'est merveilles de treuver deux amours jumeaux, l'un regardant le Createur et l'autre la creature.

  A008001128 

 Homo creatus est ad similitudinem Dei; eo ergo dilectio proximi tendit ut diligamus in eo similitudinem et imaginem Dei, ut ista scilicet imago et similitudo magis ac magis perficiatur.

  A008001128 

 II faut user de cet'histoire tout au rebours: car ces deux commandemens sont jumeaux, ce n'est pas merveille silz se ressemblent.

  A008001129 

 Mandatum appellavit novum, Jo. 13: Mandatum novum; novum, id est, egregium, redintegratum ( novi cæli, nova terra ); nam exemplo suo Christus mirum in modum urget.

  A008001129 

 Plerique omnes interpretes novum et suum, quia in antiqua Lege dictum: Diliges proximum tuum sicut teipsum, at in nova: sicut dilexi vos, id est, supra seipsum.

  A008001129 

 Sic suum; ut Jacob filium suum Joseph appellabat, id est, Tunica filii mei est.

  A008001129 

 Toletus, suum, id est, amorem precipuum inter Christianos qua Christiani.

  A008001130 

 Maximum autem impedimentum est injuria et odium.

  A008001130 

 Quia ergo tanti momenti est haec dilectio, nihil non facit ut eam urgeat et omnia impedimenta tollat.

  A008001141 

 Et le second est semblable à celui-ci.

  A008001141 

 L'homme a été créé à la ressemblance de Dieu; donc, l'amour du prochain tend à ce que nous aimions en lui la ressemblance et l'image de Dieu, c'est-à-dire [que nous contribuions] à rendre cette image et cette ressemblance de plus en plus parfaite.

  A008001142 

 C'est ainsi qu'il le nomme sien, comme Jacob appelait Joseph son fils, disant: C'est la tunique de mon fils.

  A008001142 

 Jésus l'appela commandement nouveau, en saint Jean, XIII: Un commandement nouveau; nouveau, c'est-à-dire excellent, réintégré ( nouveaux cieux, nouvelle terre ); car par son exemple, le Christ nous presse d'une manière admirable.

  A008001142 

 La [148] plupart des interprètes unissent les deux mots nouveau et sien, parce qu'il était dit dans l'ancienne Loi: Tu aimeras ton prochain comme toi-même, mais dans la nouvelle: comme je vous ai aimés, c'est-à-dire, plus que soi-même.

  A008001143 

 Or, le principal obstacle c'est le défaut d'équité et la haine.

  A008001144 

 A cause de nos péchés, notre dette envers Dieu est immense.

  A008001145 

 «On n'est blessé que par soi-même.» Si un cheval t'avait donné un coup de pied, serais-tu raisonnable de vouloir le lui rendre? En fait, cependant, il t'a plus nui que l'homme qui t'aurait donné un soufflet.

  A008001156 

 O quam bona est afflictio; nam ad Christum adducit et divites et pauperes.

  A008001157 

 Sed via ordinaria multum orandum est.

  A008001158 

 Matheus: Modo defuncta est.

  A008001158 

 Quoniam, Domine, filia mea in extremis est; [152] Marcus.

  A008001167 

 Oh! que l'affliction est bonne, puisqu'elle amène au Christ et les riches et les pauvres! Si ce chef de la synagogue avait eu sa fille en pleine santé, comme c'était sa fille unique, il l'eût dorlottée avec sa mère.

  A008001168 

 C'est comme si l'on disait: le travail enrichit, donc une heure de travail enrichit; le pain rassasie, donc une miette rassasie; le vin réjouit, donc une goutte réjouit.

  A008001168 

 Il y a, je sais, des quintessences desquelles fort peu fait grande opération; mais elles sont rares, précieuses: c'est le cas du larron en croix.

  A008001169 

 Parce que, Seigneur, ma fille est a l'extrémité; saint Marc.

  A008001186 

 Episcopus ergo factus est et Cardinalis.

  A008001204 

 C'est pourquoi l'ancien Pontife revêtait de si magnifiques ornements; les clochettes jointes aux grenades.

  A008001206 

 Martyre continuel des prélats; c'est pourquoi Anselme les appelle chouettes: J'ai été fait comme le hibou.

  A008001215 

 Et Ecclesia: «O Emmanuel, Rex et Legifer noster, expectatio gentium et desideratus earum, veni ad salvandum, Domine Deus noster.» Et Jacob iterum, in benedictione Joseph: Benedictiones patris tui confortatæ sunt benedictionibus patrum suorum, donec veniret desiderium collium æternorum; id est, [157] Christus.

  A008001217 

 Multa hactenus dixi, nunc etiam occurrit mirra; nam et Maria mirra maris est dicta, at mirra virginaliter parit stactem et mirram primam ( Fasciculus mirrhæ Dilectus meus mihi ), nam intacta, sudoris instar, stillat.

  A008001220 

 Religio oblatorum est hæc spelunca Bethleem; unde et Beata Paula ibi religionem fundavit.

  A008001225 

 Nam est sicut rex apum, nascitur alatus; et tamen mira simplicitate observat silentium.

  A008001225 

 Recte loqui norat, et infans est, etc. [160].

  A008001232 

 De même l'Eglise: «O Emmanuel, notre Roi et Législateur, attente des nations et objet de leur désir, venez nous sauver, Seigneur notre Dieu.» De même encore Jacob, en bénissant Joseph: Les bénédictions de ton père ont été corroborées par celles de ses ancêtres, jusqu'à ce que vienne le désir des collines éternelles, c'est-à-dire le Christ.

  A008001234 

 Le beurre vient de la terre, il en est la graisse; le miel, du ciel dont il est le chrême.

  A008001234 

 Le premier est celui de l'Incarnation.

  A008001234 

 Nous avons déjà donné bien des comparaisons à ce sujet, et voici maintenant celle de la myrrhe; car Marie est aussi appelée myrrhe de la mer; or la myrrhe produit comme virginalement sa goutte et la myrrhe première ( Mon Bien-Aimé m'est un faisceau de myrrhe ), car elle perle comme une sueur sans qu'on la presse.

  A008001235 

 D'autres enfin comme les Anges, qui en s'éloignant ne s'éloignent pas, semblables aux excellents prédicateurs (car ils adorèrent le Seigneur, d'après ce qui est dit: Et que tous ses Anges l'adorent ), ils se retirent pour prêcher à d'autres, sans toutefois s'éloigner parce qu'ils demeurent en esprit..

  A008001236 

 Cette grotte de Bethléem est une congrégation d'oblats; c'est pourquoi la bienheureuse Paule y fonda aussi une communauté.

  A008001237 

 Et en même temps une grande fécondité: Ton sein est comme un monceau de froment entouré de lis.

  A008001238 

 Le supérieur dans cette religion est le moindre de tous, Joseph; l'Ange cependant s'adresse toujours à lui.

  A008001241 

 Il est comme le roi des abeilles, il naît avec des ailes; et pourtant il observe le silence dans une merveilleuse simplicité.

  A008001250 

 De Christi adoratione antiquissimum omnium est præceptum, et de non adorando Christo antiquissima hæresis.

  A008001251 

 Hæc autem celeberrima est adoratio.

  A008001251 

 Virga Aaronis florida est, et magnum miraculum videre e silice aquam.

  A008001252 

 Rex noster Rex est in nativitate, Rex in morte et moriens.

  A008001262 

 Adorer le Christ est le plus ancien des preceptes; lui refuser l'adoration, la plus ancienne des heresies.

  A008001262 

 Maintenant, c'est le tour des payens.

  A008001263 

 La verge d'Aaron a fleuri, et c'est un grand miracle que de voir l'eau jaillir du rocher....

  A008001264 

 C'est merveilleux qu'ils adorent un enfant.

  A008001264 

 Notre Roi est roi dans sa naissance, roi dans sa mort et en mourant.

  A008001276 

 Toute la ville de Hierico est anatheme; Achan retient une langue ou verge d'or, une [163] manteline babilonienne et deux cens sicles.

  A008001277 

 Minime: Libera me de sanguinibus, Deus, Deus, etc. Moses, manum suam in sinum, et facta est leprosa; mitte manum tuam in cor tuum, in sinum tuum; et fiat commotio.

  A008001287 

 C'est pourquoi cette langue, ce vêtement, cet argent ne sont pas offerts, mais ravis au Seigneur, car tout cela devrait servir à la vérité, non à la vanité..

  A008001289 

 L'effet du péché est la mort; la délectation produit une peine éternelle.

  A008001300 

 Philo Judæus, ut scribit Eusebius, scripsit librum de Vita contemplativa seu de Vita supplicum, quos et therapeutas (id est, medicos, curatores) seu cultores interprætatur.

  A008001302 

 Bernardus: «Mot, exemplum, oratio; major autem horum est oratio.» Ista oratio est theologia mystica..

  A008001302 

 Communiter: unde Sanctus Bonaventura: «Oratio comprehendit omnes actus contemplativæ.» Et sic Gregorius [Nyssenus]: «Est conversatio cum Deo.» Sanctus Chrisostomus: «Est colloquium cum Deo.» Damascenus: «Ascensio mentis in Deum.» Augustinus: Ascensio mentis de terrestribus ad cælestia.

  A008001302 

 Quid est oratio? Dupliciter accipitur: [1.] stricte pro petitione, et est petitio facta Deo eorum quæ ab ipso cupimus; et petimus tripliciter, ut in Inventario virtutum.

  A008001303 

 Duo primi nihil ad nos, tertius et quartus ad orationem spectant, sed medium est inter hos duos, petitio..

  A008001304 

 Finis orationis est unio cum Deo, nam alioqui Deus non eget oratione; transfiguratio, nam est ea quæ remanet in Cælo.

  A008001311 

 Le juif Philon, au rapport d'Eusèbe, écrivit un livre sur la Vie contemplative ou Vie des suppliants, qu'il appelle thérapeutes (c'est-à-dire médecins, guérisseurs), ou adorateurs.

  A008001312 

 Deux sortes d'hérétiques: les [166] Euchites et Messaliens qui prétendaient que la prière est tout, et qu'elle seule est nécessaire, et les Pélagiens qui, au contraire, en niaient la nécessité.

  A008001313 

 On l'emploie dans un sens général, et c'est l'acception que lui attribue saint Bonaventure quand il dit: «L'oraison comprend tous les actes de la vie contemplative.» D'après saint Grégoire de Nysse, «c'est une conversation avec Dieu.» D'après saint Chrysostôme, «c'est un colloque avec Dieu.» Saint Damascène: «Une ascension de l'âme en Dieu.» Saint Augustin: Une ascension de l'âme qui monte des choses terrestres aux choses célestes.

  A008001313 

 Qu'est-ce que la prière? Ce mot a deux acceptions: [1.] il est employé dans le sens strict et signifie alors demande; c'est la demande faite à Dieu de tout ce que nous désirons de lui; or, nous demandons de trois manières (voir l'Inventaire des vertus).

  A008001313 

 Saint Jérôme à Eustochium: «Quand tu pries, tu parles à l'Epoux; quand tu lis, c'est lui qui te parle.» ( De la garde de la Virginité.) Saint Bernard: «La parole, l'exemple, la prière, mais la plus grande de ces trois choses c'est la prière.» Cette prière est la théologie mystique..

  A008001314 

 La pensée [167] est une opération de l'intelligence qui ressemble aux évolutions des mouches; l'étude aux travail des hannetons; la méditation à celui des abeilles; la contemplation au vol du roi des abeilles.

  A008001315 

 La fin de l'oraison est l'union avec Dieu, car du reste, Dieu n'a pas besoin de nos prières; c'est la transfiguration de l'âme, car cet acte persévérera au Ciel.

  A008001324 

 Ea tribus casibus necessaria: cum nulla fuit ex defectu contritionis, ex defectu confessionis, ex defectu satisfactionis, id est, voluntatis satisfaciendi.

  A008001325 

 Satisfactio est punitio criminum sponte suscepta.

  A008001327 

 Unicum certissimum est emendatio vitæ.

  A008001336 

 Elle est nécessaire dans trois cas: quand les confessions précédentes ont été nulles par défaut de contrition, par défaut [d'intégrité] dans l'accusation, par défaut de satisfaction, c'est-à-dire de volonté de satisfaire.

  A008001336 

 Elle est nécessaire en deux circonstances: à l'article de la mort, et quand nous voulons renouveler notre vie.

  A008001337 

 La satisfaction est le châtiment du péché, volontairement accepté.

  A008001338 

 Le cœur pervers ne s'est pas attaché a moi.

  A008001338 

 Qui est infirme sans que je sois infirme? Saint Bernard.

  A008001338 

 Un premier signe, d'après saint Basile, Règles abrégées, est si nous pouvons de tout notre cœur dire avec le Roi pénitent: J'ai haï l'iniquité et je l'ai eue en abomination, et j'ai aimé votre loi.

  A008001339 

 Mais le signe le meilleur et le plus certain, c'est l'amendement de la vie.

  A008001339 

 Mais remarquez que je ne dis pas que le vrai [170] pénitent ne puisse pas retomber; je dis seulement que ne pas retomber est un signe excellent de conversion..

  A008001340 

 Par vos commandements j'ai acquis l'intelligence; c'est pourquoi j'ai haï toute voie d'iniquité.

  A008001364 

 Quare si Angeli essent capaces tristitiæ, imo ipse Deus, morerentur, ut cum esset mortalis ipse sane mortuus est..

  A008001365 

 Sed si ita est, quomodo Christus cum peccatoribus et publicanis? Ut medicus; non amore morborum, sed odio potius morborum et amore infirmorum.

  A008001366 

 1: In omni loco sacrificatur, et offertur nomini meo oblatio munda, quia magnum est nomen meum in gentibus, dicit Dominus.

  A008001370 

 Dans cette prédication générale, de quoi parlerai-je avec plus de convenance que de la pénitence, sujet par lequel commence, duquel traite et auquel aboutit tout l'Evangile? Saint Jean, dans l'église duquel je suis, m'y invite, ainsi que l'Evangile [qui se lit aujourd'hui,] selon le rite lyonnais et selon le romain; on y trouve ces mots: Désormais tu prendras les hommes; et j'y suis encore invité par la consécration de ce maître-autel, car l'autel lui-même, au sens mystique, représente le cœur: Or, le vrai sacrifice est un esprit affligé.

  A008001371 

 C'est pourquoi si les Anges, si Dieu lui-même pouvait s'attrister, il mourrait; Dieu, du reste, quand il était mortel, en mourut..

  A008001371 

 Par le péché, tout meurt ou est près de mourir.

  A008001372 

 C'est ainsi que chante le Psalmiste: Ceignez votre glaive; vos flèches sont acérées, les peuples tomberont a vos pieds.

  A008001372 

 Le Christ est comme le lion sur la route, il ne craint personne; comme les Marses et les Psylliens.

  A008001372 

 Mais s'il en est ainsi, comment le Christ fréquentait-il les pêcheurs et les publicains? Comme médecin; non par amour du mal, mais plutôt par haine du mal et par amour pour les malades.

  A008001373 

 En tout lieu on sacrifie, et une oblation pure est offerte a mon nom, parce que mon nom est grand parmi les nations, dit le Seigneur.

  A008001373 

 La sentence est irrévocable: ou se repentir ou brûler.

  A008001381 

 11: Fide plurimam hostiam obtulit Abel quam Cain Deo, id est, de primogenitis et adipibus.

  A008001382 

 Laventur pedes vestri; lavate etiam Angeli si in carne vivant; unde Christus: Qui lotus est, non indiget nisi ut pedes lavet.

  A008001389 

 C'est pourquoi, comme les parents de l'Enfant le portaient [au Temple]: C'est maintenant, Seigneur, que vous laisserez aller votre serviteur..

  A008001389 

 Et d'Abel il est écrit dans l'Epître aux Hébreux: C'est par la foi qu'Abel offrit a Dieu une hostie meilleure que celle de Caïn, c'est-à-dire des premiers-nés et de ce qu'il y avait de plus gras [ dans son troupeau ].

  A008001389 

 Il est hors de doute que Caïn offrit au Seigneur les fruits de la terre; mais l'Ecriture ne dit pas que ce fussent les prémices.

  A008001389 

 Si nous portons ainsi le Christ avec nous, il n'est rien que nous n'obtenions par un tel holocauste.

  A008001390 

 C'est pourquoi le Christ dit: Celui qui est pur n'a besoin que de se laver les pieds.

  A008001390 

 Siméon est semblable au cygne: il s'était tu par crainte jusqu'à l'âge de cent trois ans, maintenant son cœur étant doucement touché, il fait entendre sa voix.

  A008001390 

 Siméon obéit et porte le Christ par lequel il est éternellement porté.

  A008001398 

 Virga peccatorum, id est, virga qua peccatores affliguntur; juxta illud: Multa flagella peccatoris, [179] sperantem autem in Domino misericordia circumdabit.

  A008001398 

 Virga, id est, persecutio, flagellum quo peccator aflicit justum..

  A008001398 

 Virga, id est, sceptrum, dominatio; ita communiter.

  A008001399 

 Ideo tenuit eos superbia; operti sunt iniquitate et impietate sua, et dixerunt: Quomodo scit Deus, et si est scientia in excelso? Ecce ipsi peccatores et abundantes in seculo obtinuerunt divitias.

  A008001400 

 1 a responsio est Augustini in hunc locum, expendentis non relinquet.

  A008001402 

 3 a responsio est.

  A008001402 

 Interdum existimamus esse virgam peccatorum et est virga Dei Patris.

  A008001402 

 Itaque non est virga peccatorum, sed justorum, quia coluber vertitur in virgam..

  A008001404 

 Existimavi ut cognoscerem hoc; labor est ante me, donec intrem in sanctuarium Dei et intelligam in novissimis eorum; Psal. 72.

  A008001404 

 Ideo tenuit eos superbia; operti sunt iniquitate et impietate sua, et dixerunt: Quomodo scit Deus, et si est scientia in excelso? Ecce ipsi abundantes in seculo, obtinuerunt divitias.

  A008001407 

 Rectum cor est quod concordat cum Deo qui ipse rectitudo est et sequitas; itaque quEecumque Deus vult illi grata sunt, etiam tribulationes et afflictiones, et loco beneficii ea accipit.

  A008001409 

 Augustinus solvit: Existimabam ut cognoscerem hoc; labor est ante me, donec intrem in sanctuarium Dei.

  A008001410 

 Ideo Psaltes recte ait: Benefac, Domine, bonis et rectis corde; non eo modo quo judicamus nos, sed fac bene secundum tuam voluntatem et secundum ea quæ apud te bona sunt etiam in hoc seculo, ut cruces, tribulationes, etc., et in futuro in quo vere est bonum: Ingredere in requiem tuam, quia Dominus benefecit tibi [184].

  A008001410 

 Nunc autem non est cur quæramus cur bonis mala.

  A008001411 

 Nemo bonus nisi solus Deus, quia scilicet bonitas est proprietas enti intrinseca et absoluta.

  A008001411 

 Neque memini me legisse in Scripturis quemquam hominum bonum vocari ea bonitate quæ supernaturalis est, quamvis bonæ voluntatis invenerim.

  A008001411 

 Sed nonne idem est bonus et rectus corde? Sane bonitas est quædam naturalis: Sortitus sum animam bonam, Sap. 8, d, et cum magis essem bonus, veni ad corpus incoinquinatum.

  A008001413 

 Idem est.

  A008001413 

 Non declinabitis ad dextram et sinistram, claudicare in utramque partem; ad dextram operando, nam dextra est operatoria, ad sinistram omittendo, nam ipsa est iners et inefficax.

  A008001414 

 Diabolus enim artifex est et operarius architectonicus iniquitatis..

  A008001414 

 cum diabolis ( qui paratus est diabolo ).

  A008001415 

 XXXII: luctatur cum Deo, inde nomen accepit prævalentis ad Deum, vel principis cum Deo; quod idem est, nam qui cum Deo agit ut princeps, ipse pugnat faciendo Deum sibi [186] subditum.

  A008001421 

 Cette interprétation est celle de Titelmann.

  A008001421 

 Verge des pécheurs, c'est-à-dire verge qui les châtie, d'après cette parole: Des [179] fléaux nombreux attendent le pêcheur, mais la miséricorde environne celui qui espère dans le Seigneur.

  A008001421 

 Verge, c'est-à-dire persécution, mauvais traitement infligé au juste par le pécheur..

  A008001421 

 Verge, c'est-à-dire sceptre, domination; et c'est l'interprétation commune.

  A008001422 

 C'est pourquoi ils sont devenus superbes; ils se sont couverts de leur iniquité et de leur impiété, et ils ont dit: Comment Dieu le sait-il, et le Très-Haut en a-t-il connaissance? Voilà que ces pêcheurs eux-mêmes vivant dans l'abondance, ont acquis des richesses.

  A008001422 

 Et j'ai dit: C'est donc inutilement que j'ai purifié mon cœur... Pourquoi la voie des impies est-elle prospère?.

  A008001422 

 Par exemple, Joseph est soumis à Putiphar, Jacob à Laban, et, pendant quatre cents ans, les Israélites sont opprimés par Pharaon; Achab s'empare de la vigne de Naboth.

  A008001423 

 Au jugement, dit-il, ceux dont la domination est injuste seront déchus, et le Seigneur changera de main (il distinguera les brebis des boucs ), il préférera Ephraïm à Manassès, bien que celui-ci soit l'aîné.

  A008001423 

 La première réponse est de saint Augustin qui, traitant de ce passage, [180] explique les mots: ne laissera pas.

  A008001424 

 Ne laissera pas: il permet, il est vrai, que les impies régnent, mais en attendant j'ai attendu, et il m'a écouté.

  A008001425 

 Elle n'est donc pas la verge des pécheurs, mais celle des justes, car le serpent s'est changé en verge..

  A008001425 

 Nous appelons quelquefois verge des pécheurs ce qui est la verge de Dieu notre Père.

  A008001427 

 C'est pourquoi ils sont devenus superbes; ils se couvrent de leur iniquité et de leur impiété, et ils ont dit: Comment Dieu le sait-il, et le Très-Haut en a-t-il connaissance? Voila que [ ces pécheurs ] eux-mêmes vivant dans l'abondance, ont obtenu des richesses.

  A008001427 

 Celui-là, juste, est tué, celui-ci vit et prévaut.

  A008001427 

 Et j'ai dit: C'est donc inutilement que j'ai purifié mon cœur et que j'ai lavé mes mains parmi les innocents, puisque j'ai été affligé tout le jour et châtié dès le matin.

  A008001429 

 Bienheureux l'homme qui craint le Seigneur, etc.; [ sa postérité sera ] puissante; la gloire et les richesses, etc. Vous serez bon avec celui qui est [182] bon, vous serez saint avec le saint, vous serez innocent avec l'innocent.

  A008001430 

 Le coeur droit est celui qui est en harmonie avec Dieu, droiture et justice même; c'est pourquoi tout ce que Dieu veut est agréable à ce cœur, seraient-ce des tribulations et des afflictions, et il les reçoit comme des bienfaits.

  A008001430 

 Vous êtes juste, Seigneur, dit-il, et votre jugement est droit.

  A008001431 

 Dites au juste que tout est bien.

  A008001431 

 Les tribulations sont vraiment un bien, et c'est pour cela que le Seigneur les a aimées.

  A008001431 

 Mon Bien-Aimé m'est un faisceau de myrrhe.

  A008001433 

 Aussi c'est avec raison que le Psalmiste dit: Faites du bien, Seigneur, aux bons et à ceux qui ont le cœur droit; faites ce bien non pas de la manière que nous jugeons, mais selon votre volonté et selon qu'il sera trouvé bon à vos yeux, même en ce monde, fût-ce en nous donnant des croix, des tribulations, etc., et dans la vie future où se trouve le bien absolu: Entre dans ton repos, parce que le Seigneur t'a comblé de bienfaits.

  A008001433 

 Il est donc désormais inutile de demander pourquoi des malheurs arrivent aux bons.

  A008001434 

 Mais n'est-ce pas une même chose être bon et avoir le cœur droit? Il existe certes une bonté naturelle: J'avais reçu en partage une bonne âme, et devenant bon de plus en plus, je suis parvenu a conserver un corps sans souillure. Et je ne me souviens pas d'avoir lu dans l'Ecriture qu'un homme soit appelé bon de la bonté surnaturelle, bien que j'aie trouvé le mot de bonne volonté.

  A008001434 

 Nul n'est bon si ce n'est Dieu seul, c'est-à-dire que la bonté est une propriété absolue et intrinsèque à l'être.

  A008001436 

 Vous ne vous détournerez pas à droite et à gauche; boiter de part et d'autre; à droite, par l'action, car c'est la droite qui agit; à gauche par l'omission, car la gauche est inerte et ne fait rien.

  A008001437 

 Le diable est l'artisan, l'architecte de l'iniquité..

  A008001437 

 avec les démons ( qui est préparé pour le diable ).

  A008001438 

 C'est pour cela que Pereira, Viegas, Corneille disent avec saint Jerome qu' Israël signifie prince avec Dieu ou de Dieu.

  A008001446 

 Accessit, et osculatus est eum.

  A008001447 

 Explicatum est in aliis lectionibus, [1.] cur venationem expetiverit Isaac, nempe quia non inerti filio danda benedictio sed servienti.

  A008001449 

 ( Coram Domino in bonis, id est, de la part de Dieu et in ejus nomine; in malam partem, id est, contra Dominum.

  A008001449 

 6: Corrupta est terra coram Domino.

  A008001449 

 Benedicens, id est, benedicere volens.

  A008001449 

 Rebecca referens eam sententiam ait: ut benedicam tibi coram Domino; Pereira: id est, annuente et favente Domino.

  A008001449 

 Sic [189] namque dicendum in iis quae contraria sunt ut in iis quæ consona: coram esse, id est, excipere.).

  A008001449 

 Ut Num., coram sole esse est illuminari; et si peccaverit in te (id est, coram te ), contra vos; id est, in aspectum, et vicissim in aspectu, id est, contra.

  A008001450 

 Oleaster: videre ad omnes sensus spectat, ut: Quia vidisti me, cætera itaque vide, id est, olfac.

  A008001450 

 Sic Gallice: II faut voir sil est chaud..

  A008001451 

 Divus vero Thomas, 2 a 2 æ, id clarissime ostendit; dicens in lege naturæ fuisse primogenitos sacerdotes, illisque ob id duplo majorem portionem datam, ut videre est in Joseph et Jacob..

  A008001451 

 Id tam apertum est ut in lege naturæ observatum sit.

  A008001452 

 In Lege veteri clarum est: Decimas do omnium quæ possideo.

  A008001453 

 Exaggerandum furtum decimarum, nam valde est frequens in Sabaudia..

  A008001453 

 Quota quidem sumptuum non est juris divini, sed propemodum est, ut videtur ex iis qui in lege naturali jam dabant.

  A008001453 

 Ratio est quia, ut ait Sanctus Thomas, decimus numerus perfectio numeri est, sin velis progredi iterum incipiendum.

  A008001453 

 Sic enim plerique vellent dare sacerdotibus Evangelium ( Non in solo pane vivit homo ), at non, sed paleas, sed fenum, id est, temporalia.

  A008001461 

 C'est pourquoi le bénissant, il dit: Es-tu mon fils Esaü? Il répondit: Je le suis.

  A008001461 

 Dès qu'Isaac eut senti le parfum de ses vêtements, [188] il dit en le bénissant: Voici que l'odeur de mon fils est comme l'odeur d'un champ fertile que le Seigneur a béni..

  A008001462 

 Ce que signifient cette nourriture et ce breuvage, c'est-à-dire l'Eucharistie et les bonnes œuvres, surtout l'aumône.

  A008001462 

 Il a été expliqué dans les autres leçons, [1.] pourquoi Isaac demanda de la venaison; c'est qu'il voulait donner sa bénédiction à un fils dévoué et non à un paresseux.

  A008001463 

 Bénissant, c'est-à-dire, voulant bénir.

  A008001463 

 Car on peut employer cette locution pour les choses contraires comme pour les choses favorables: être devant, c'est-à-dire [être prêt] à recevoir.).

  A008001463 

 D'après Péreira ce serait un hébraïsme qui signifie de tout cœur, ou bien l'âme est prise pour l'homme: afin que je te bénisse.

  A008001463 

 De même, être devant le soleil, c'est être éclairé; et s'il pèche envers toi, devant toi, a le même sens que contre vous; en votre présence équivaut à devant [189] vous, et pareillement signifie [quelquefois] contre vous.

  A008001463 

 Rébecca rapportant cette parole dit: afin que je te bénisse devant le Seigneur; c'est-à-dire, selon Péreira, du consentement et par la grâce du Seigneur.

  A008001464 

 C'est ainsi qu'on dit en français: Il faut voir s'il est chaud..

  A008001464 

 Oleaster dit que voir se rapporte à tous les sens, comme: Tu m'as vu, vois aussi le reste, c'est-à-dire, sens-le.

  A008001465 

 Ce devoir est si évident qu'il a été observé dans la loi naturelle: Abraham, Gen., XIV: Il lui donna (à Melchisédech) la dîme de tout.

  A008001466 

 L'existence de ce précepte dans l'ancienne Loi est évidente: Je donne la dîme de tout ce que je possède.

  A008001467 

 Ainsi plusieurs veulent bien abandonner au prêtre l'Evangile ( L'homme ne vit pas seulement de pain ), mais cela ne suffit pas, il faut lui donner aussi la paille et le foin, c'est-à-dire les ressources matérielles.

  A008001467 

 Exagérer le vol des dîmes, car il est très commun en Savoie..

  A008001467 

 Il est vrai que le droit divin n'indique pas dans quelle proportion on doit subvenir aux besoins du prêtre, mais l'exemple de ceux qui suivaient la loi naturelle le détermine à peu près.

  A008001467 

 La raison en est, comme dit saint Thomas, que le nombre dix est un nombre parfait, et qu'aller au-delà c'est recommencer.

  A008001468 

 Le baiser est le signe de la bienveillance et de l'amour parfait.

  A008001480 

 Consideremus Rachelem esse cum ovibus patris; debemus et nos esse cum ovibus, amore, benevolentia, animo et corde: Anima est ubi amat.

  A008001480 

 Ecce quam [192] bonum habitare in unum, id est, concorditer.

  A008001480 

 Non satis est presentem esse ovibus ni pascas; nam gregem ipsa ipsa pascebat.

  A008001480 

 Ovis est Rachel Hebraice: qui recte vult pascere ovis esse debet, non lupus, non hæreticus, non capra; non debet dissimilis esse ovibus; nec sibi sapere, sed Christo.

  A008001481 

 Hæc hic transferri possunt; nam credendum cum ex puteo [193] adaquarentur greges, etiam haustu id factitatum, cum maxime non modo in eadem regione, in eodem solo, et forsan in eodem puteo in quo Rebecca desponsata est hoc factum sit.

  A008001482 

 At Christus, qui est Dominus ipse, dat antequam petamus, non enim peteremus nisi petere doceret interius: Prævenisti eum in benedictionibus dulcedinis.

  A008001483 

 Scioli, id est, doctores hujus temporis et prelati, dixissent eum male tempus trivisse et non servasse decorum.

  A008001484 

 At vero, ut dicam libere quid mihi videatur, et quando ibi [195] datur occasio nec tempus est dissonum, facio duas differentias osculorum; nam osculum aliud malum est, aliud bonum.

  A008001484 

 Duplex similitudo: trahis funem alligatum portæ monasterii exterius, et campana pulsat interius; tangis os exterius, concupiscentia pulsat interius; nam est quædam colligatio inter sensus internos et externos.

  A008001485 

 Amicitiæ autem ideo est simbolum quia os est aquæductus totius animæ et cordis..

  A008001485 

 Urbanitatis; ut est mos etiam inter gnotos in Gallia, et fuit olim inter Romanos, et Hebræos teste Domino: Osculum mihi non dedisti.

  A008001486 

 At jam dices: Si inter antiquos Christianos oscula erant adeo crebra, cur nunc non sunt? Peto a vobis: Cur tempore sanitatis omnes tangant invicem, halitum alterius, sive vestes, nemo fugiat; tempore pestis omnes invicem fugiant? Quia, inquies, tempore pestis periculum est ex contactu.

  A008001498 

 Puteus est doctrina Christiana, quæ inter hæc duo Sacramenta nos conducit ad vitam æternam; nam semper pœnitendum baptisatis.

  A008001502 

 Osculari contemplativam est meditari; meditamur autem adaquato grege Rachelis, ob desiderium virtutum quæ comitantur contemplationem.

  A008001506 

 Et caro renunciat matri, id est, misericordiæ Dei, vel Hierusalem cælesti.

  A008001506 

 Non est luctus, sed fletus gaudentium; ut Joseph, cum vidit suum Benjamin; nam tunc corpus videt suum fratrem uterinum Christum.

  A008001514 

 Remarquons que Rachel est avec les brebis de son père; nous aussi nous devons être avec les brebis, par amour et bienveillance, d'esprit et de cœur: L'âme est là où elle aime.

  A008001514 

 Voyez combien il est bon [192] d'habiter ensemble, c'est-à-dire, en toute concorde.

  A008001515 

 Origène dit dans sa X e homélie sur la Genèse, citée par la Glose sur le chap. XXIV du même livre: «Rébecca venait chaque jour au puits, chaque jour elle en tirait de l'eau,» etc., et c'est là qu'Eliézer la choisit.

  A008001515 

 Rachel donc paît chaque jour ses brebis, elle tire de l'eau du puits chaque jour, ét auprès de ce puits, elle est promise en mariage par le Seigneur.

  A008001516 

 Mais le Christ, qui est le Seigneur lui-même, donne avant que nous ne demandions, car nous ne demanderions pas s'il ne nous enseignait intérieurement à demander: Vous l'avez prévenu des bénédictions de douceur.

  A008001516 

 Rébecca abreuve les chameaux du serviteur, et c'est Jacob au contraire qui abreuve les brebis de Rachel.

  A008001517 

 Noter en quatrième lieu l'intérêt et le dévouement que Jacob témoigne aussitôt pour le troupeau; c'est que, dit l'Ecriture, il savait que ces brebis étaient celles de son oncle Laban.

  A008001517 

 Un si grand homme, si célèbre dans le monde, avancé en âge! Les demi-savants, c'est-à-dire les docteurs et les prélats de notre époque, eussent dit qu'il employait mal son temps, qu'il ne conservait pas sa dignité.

  A008001518 

 ( Le venin de l'aspic est sous leurs lèvres.) Par ses conséquences: tels sont les baisers fréquents entre jeunes gens; parce que, bien qu'au début ils se donnent sans dessein tout à fait mauvais, toutefois, par suite de la fragilité humaine, ils tournent au détriment de la pudeur; car il est étonnant combien ce feu s'allume vite.

  A008001518 

 Par la fin qu'on se propose, comme celui de Judas et celui de cette pécheresse dont il est parlé dans les Proverbes.

  A008001518 

 Toutefois, pour dire librement mon opinion, et puisque l'occasion et le temps [195] le permettent, je distinguerai deux sortes de baisers: l'un est mauvais, l'autre bon.

  A008001519 

 Le baiser est un symbole d'amitié parce que la bouche est le canal par lequel se déversent toute l'âme et tout le cœur..

  A008001519 

 Quand c'est un signe de respect; mais ce baiser se donnait aussi sur les pieds comme sur les joues ou sur la bouche.

  A008001519 

 Quand c'est un témoignage d'amitié ou sainte ou purement morale, comme dans le cas dont nous traitons et comme [196] on en usait entre les premiers Chrétiens.

  A008001519 

 Quand il est donné par politesse, et c'est en France la coutume, même entre de simples connaissances, comme autrefois chez les Romains, et pareillement chez les Hébreux, témoin le Seigneur: Tu ne m'as pas donné de baiser.

  A008001520 

 Mais vous direz peut-être: Si les baisers étaient si fréquents entre les anciens Chrétiens, pourquoi ne le sont-ils plus aujourd'hui? Je vous demande moi: Pourquoi en temps de salubrité, tous se touchent-ils réciproquement, personne ne fuit l'haleine ou le vêtement d'autrui; et en temps de peste, pourquoi tous se fuient-ils les uns les autres? Vous me direz: C'est qu'en temps de peste tout contact est dangereux.

  A008001521 

 «Fuyez d'ici, jeunes gens, un froid serpent est caché sous l'herbe.«.

  A008001522 

 Il n'y avait alors que des brebis, il y a aujourd'hui des boucs à l'haleine fétide: Leur gorge est un sépulcre ouvert.

  A008001525 

 Mais c'est assez sur ce point.

  A008001527 

 Mais il est peu probable que ce fût pour cette raison, quoique le récit de Lyranus soit probable.

  A008001527 

 Noter en sixième Heu: Pourquoi Jacob pleura-t-il? Les Hébreux, d'après Lyranus, disent que ce fut à cause de sa pauvreté et de son mauvais équipage, comme il est dit plus haut dans l'histoire d'Eliphaz.

  A008001528 

 S'il en était ainsi, pour parler franchement, il n'y aurait pas tant de filles trompées; mais voilà, elles ne parlent que lorsqu'il n'en est plus temps.

  A008001532 

 L'Eglise est entre deux fleuves, le Tigre et l'Euphrate: la Pénitence pour les péchés actuels, le Baptême pour le péché originel.

  A008001532 

 Le puits est la doctrine chrétienne qui, entre ces deux Sacrements, nous conduit à la vie éternelle; car un baptisé doit toujours faire pénitence.

  A008001532 

 Mais où donc le Christ donne-t-il le baiser de paix à l'âme fidèle? En pleurant sur la croix, car là est le puits des eaux de ses mérites.

  A008001532 

 Saint Ambroise dit admirablement: La Mésopotamie, c'est l'Eglise, et Rachel, le Chrétien.

  A008001536 

 Embrasser la vie contemplative, c'est méditer; or nous méditons en abreuvant le troupeau de Rachel, c'est-à-dire en désirant les vertus qui accompagnent la contemplation.

  A008001540 

 Jacob, c'est l'esprit dans la gloire, qui baise la chair au jour de la résurrection, abreuve le troupeau de ses sens d'une souveraine volupté et pleure de joie.

  A008001540 

 Tel Joseph lorsqu'il vit son Benjamin; car alors le corps verra son propre frère, le Christ, et notre chair l'annoncera à sa mère, c'est-à-dire à la miséricorde divine ou à la Jérusalem céleste.

  A008001567 

 Et Zacharias repletus est Spiritu Sancto, et prophetavit, dicens: Benedictus.

  A008001569 

 15; hoc tantum addito, quod, quamvis unicuique granato suum tintinnabulum additum est, [202] tamen interdum cum ob motum gressus, complicaretur ora vestis vel fimbriæ, tintinnabulum adjacens uni granato aliud tangebat, et juxta illud sonabat.

  A008001569 

 Et charitas, quæ motus est summi nostri Pontificis, interdum complicat nos, et nunc me, tintinnabulum alterius granati, vobis applicat pro tempore, quamvis aliud excellentius habeatis; et ecce tinnitus et sonus vocis meæ in auribus vestris, etc..

  A008001572 

 v. 4: Omnia propter semetipsum fecit Dominus; impium quoque ad diem malam; id est, adeo omnia fecit Deus propter gloriam suam ut impium quoque, de quo minime videbatur, quia ad [203] diem malam, id est, calamitosam et perditionis, ruit, ad gloriam suam trahat.

  A008001573 

 Dixi Domino, Deus meus es tu, quoniam bonorum meorum non eges; non ex indigentia creavit, ut homo generat, sed ex abundantia bonitatis suæ quæ communicabilis est.

  A008001573 

 Ergo gloria alia est extrinseca; et propter hanc omnia fecit: Ut ostenderet divitias gloriæ regni sui, ac magnitudinem potentiæ suæ, ut dicitur de convivio Assueri, Est.

  A008001573 

 Omnia in Deum referenda, id est, in [204] gloriam Dei, quem universus mundus laudat per hominem tanquam per procuratorem, homo per Christum tanquam per mediatorem, Christus autem per Deum laudat Deum, tanquam per supremum motorem et inspiratorem..

  A008001573 

 Verum gloria Dei duplex est: essentialis una, et propter hanc nihil fecit; sed tantum Pater genuit Filium et cum eo spiravit Spiritum Sanctum, ut suam perfectionem unico illo Verbo exprimeret et unico illo suspirio amaret.

  A008001574 

 10. c. 29, dit qu'un rossignol blanc fut achete 6 sesterces, c'est a dire 600 escus, pour estre presente a Aggripina, femme de l'empereur Claudius..

  A008001574 

 Deus, ex Valentiano, in primam Partem Sancti Thomæ, non est finis sui ipsius, unde non fecit universa propter semetipsum quasi ipse sibi ipsi sit finis agendi, sed fecit universa propter semetipsum quia finis est universorum; universa ergo propter laudem Dei facta sunt, ergo laus Dei finis est totius universi.

  A008001574 

 Homo est in mundo ut philomela in domo quæ alitur, ut cantu suo recreet Dominum mundi.

  A008001575 

 Sulamitis, pacifica, [205] habet castra, et ista castra pugnant choris; chorus autem multitudo est canentium: Facta est multitudo militiæ cælestis cantantium et dicentium: Gloria in excelsis, etc. Sic David vincebat et vinciebat dæmonem cantu.

  A008001577 

 Canticum novum est quod pro Redemptione.

  A008001577 

 Sic nomen [206] novum quod os Domini locutum est; Isa.

  A008001577 

 Ut Testamentum Antiquum quo terra promissionis dabatur, et virtute cujus possidebatur; Novum Testamentum quo gratia et Ecclesia possidetur, et corpus ipsum Christi quod terra est promissionis.

  A008001577 

 Vetus est illud Mosaicum pro liberatione temporali: Cantemus Domino, gloriose enim magnificatus est, et omnia cantica eo tendentia, ut Deboræ, Annæ, matris Samuelis.

  A008001578 

 Hymnus est pro rebus gestis prolixior laudatio, cantata tamen, unde species est cantici.

  A008001581 

 Nam præparatio necessaria est; et quia nos Ecclesia vult paratos esse agit tripliciter.

  A008001581 

 Propter hæc ego illud selegi, sed maxime quia de adventu, id est, Christi, ad quem ut paremus viam nos adhortatur.

  A008001591 

 Or la charité, qui est le mouvement de notre souverain Pontife, replie parfois notre vie, et présentement m'applique à vous pour un temps, moi sonnette d'une autre grenade, quoique vous ayez une sonnette bien supérieure; et voici donc que retentit à vos oreilles ma sonnerie et le son de ma voix, etc..

  A008001591 

 Tirer l'exorde des grenades et des sonnettes, comme il est dit folio 15, en ajoutant simplement ceci: quoique chaque grenade fût accompagnée de sa sonnette, toutefois, de temps à autre, par suite du mouvement imprimé par la [202] marche, le bord du vêtement ou de la frange se repliait, et une sonnette voisine d'une grenade en touchait une autre et sonnait près d'elle.

  A008001593 

 C'est-à-dire: Dieu a tellement tout fait pour sa gloire, qu'il fait servir à cette gloire l'impie [203] lui-même, ce qu'on n'aurait pas même soupponne, car celui-ci se precipite vers le jour mauvais, le jour de calamite et de perdition.

  A008001594 

 Dieu a donc une autre gloire qui lui est extrinseque; et c'est pour celle-ci qu'il a tout créé: Afin de montrer les richesses de la gloire de son royaume et la grandeur de sa puissance, comme il est dit du festin d'Assuerus.

  A008001594 

 Il faut tout rapporter à Dieu, c'est-à-dire à la gloire de Dieu: le monde entier le loue par l'organe de l'homme qui lui sert de procureur; l'homme, par le Christ qui lui sert de médiateur, et le Christ loue Dieu par Dieu lui-même comme par Celui qui donne le mouvement et l'inspiration suprêmes..

  A008001594 

 Immole à Dieu un sacrifice de louange, etc. Le sacrifice de louange m'honorera, et c'est là, dans cette louange, que se trouve le chemin qui conduit à la vue du salut de Dieu.

  A008001594 

 J'ai dit au Seigneur, vous etes mon Dieu, parce que vous n'avez pas besoin de mes biens; l'homme engendre par indigence, Dieu n'a pas créé par ce motif, mais par l'abondance de sa bonte qui est communicative.

  A008001594 

 Tout est à vous, soit Paul, soit Céphas; voir ce merveilleux passage, et enfin: Mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ à [204] Dieu.

  A008001595 

 C'est pourquoi, invitant toute créature à la louange de Dieu, David dit: Louez le Seigneur du haut des cieux, etc., et les trois Enfants [dans la fournaise]: Bénissez-le, rendez-lui grâces.

  A008001595 

 Comme une philomèle qui serait nourrie dans une maison, ainsi l'homme est dans le monde pour récréer par son chant le Maître du monde....

  A008001595 

 Dieu, d'après de Valentia, sur la première Partie de saint Thomas, n'est pas sa propre fin.

  A008001595 

 Il n'a donc pas tout fait pour lui-même en ce sens qu'il soit la fin de son action, mais il a fait toutes choses pour lui-même parce qu'il est la fin de tout ce qui existe; tout donc a été fait pour la louange de Dieu, la louange de Dieu est donc la fin de tout l'univers.

  A008001596 

 Et au Cantique: Que verrez-vous dans la Sulamite, sinon les chœurs des camps? Mais cette guerre est pacifique, la paix triomphe: c'est dans la paix de l'âme qu'on remporte la victoire sur le démon, et dans le trouble de l'âme [205] le démon triomphe.

  A008001596 

 La Sulamite, la pacifique, possède des camps, et ces camps combattent rangés en chœurs; or le chœur est composé d'une multitude de chanteurs: Une multitude de la milice céleste se réunit, chantant et disant: Gloire au plus haut des cieux, etc. Ainsi David triomphait du démon et l'enchaînait par son chant.

  A008001596 

 Qu'il est donc délicieux de chanter et d'entonner des cantiques au nom du Dieu Très-Haut!.

  A008001597 

 Ainsi en est-il de ce nom nouveau prononce par la bouche du Seigneur.

  A008001597 

 Ancien est ce cantique qu'entonnait Moïse pour une délivrance temporelle: Chantons le Seigneur, car il s'est glorieusement signalé.

  A008001597 

 Il en est ainsi de tous les cantiques qui ont le même but, comme ceux de Débora et d'Anne, mère de Samuel.

  A008001597 

 L'Ancien Testament était celui qui donnait la terre promise, et en vertu duquel on la possédait; le Nouveau est celui en vertu duquel nous possédons la grâce, l'Eglise et le corps même [206] du Christ qui est la [veritable] terre de promission.

  A008001597 

 Le cantique nouveau est celui qui a pour objet la Rédemption.

  A008001598 

 Le premier est celui de la Sainte Vierge, Magnificat; le deuxieme, celui des Anges, Gloria in excelsis; le troisieme, Nunc dimittis; le quatrieme, Benedictus; le cinquieme, l'hymne dite (au grec, l'hymne chantée ).

  A008001598 

 On appelle hymne l'eloge prolonge des hauts faits accomplis; comme elle est chantee, c'est une espece de cantique.

  A008001598 

 Quelques-uns pensent qu'il a dit: Confitebor tibi in toto corde meo, in concilio justorum, etc., car c'est le Psaume de l'Eucharistie et de la Redemption; d'autres: Laudate Dominum omnes gentes; d'autres enfin, un cantique nouveau.

  A008001599 

 Le Dorien, dont le but est de captiver, de concilier, de persuader les esprits; tels sont les Psaumes moraux, comme ceux-ci: Beatus vir qui timct Dominum, Beati immaculati, etc., Nisi Dominas œdificaverit domum; tels furent le Magnificat et le Gloria in excelsis. 4.

  A008001599 

 Le Myssolydien, au ton lugubre; c'est le genre de Jérémie dans les Thrènes, et peut-être aussi du Christ quand il disait: O Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné? Or le cantique de Zacharie comprend tous ces genres.

  A008001599 

 Le [207] Lydien, pour apaiser les esprits (voir à la page suivante); tel est le Psaume: Lætatus sum in his quæ dicta sunt milii; le Nunc dimittis, chanté par Siméon pour reposer son esprit, fatigué par une longue attente; le cantique que les Enfants chantaient dans la fournaise pour se réconforter, et celui d'Anne, mère de Samuel.

  A008001601 

 C'est ce motif qui me l'a fait choisir, surtout parce qu'il parle de la venue du Christ dont il nous exhorte à préparer les voies.

  A008001601 

 Premièrement, à l'Introït de la Messe: C'est vers vous que j'ai élevé mon âme, mon Dieu, je me confie en vous, c'est le cantique Lydien; bientôt après: La nuit passe, cantique Phrygien; ensuite: Il y aura des signes, chant Myssolydien.

  A008001601 

 Une préparation est en effet nécessaire; et comme l'Eglise veut que nous soyons prêts, elle exerce sur nous une triple action.

  A008001611 

 At quare hic fecisse redemptionem plebis suæ? An quia Deus est plebis, an quia plebs Israel est Dei?.

  A008001612 

 Israel est plebs peculiaris Dei, quia Deus selegerat et redemerat ex Ægipto Israelem; sed secundo, ob causam fol.

  A008001620 

 Mais pourquoi est-il dit ici qu'il a opéré la rédemption de son peuple? Est-ce parce qu'il était Dieu du peuple d'Israël, ou parce qu'Israël était le peuple de Dieu?.

  A008001631 

 (Est quidem alia fabula, de cornu capræ quæ nutrivit Jovem; sed fabula.) At hoc cornu de quo Propheta, erexit cornu, si recte eo utamur, inveniemus ingentes thesauros documentorum..

  A008001631 

 Non est dubium cornu istud salutis esse potentiam regiam, salutarem, Christi Domini, de qua Psal. 131: Illuc producam cornu David, paravi lucernam Christo meo.

  A008001633 

 Deinde subjungendum: ita cornu in malam et in bonam partem accipi, ut est bona et mala gloria.

  A008001633 

 Quod perinde est ac dicat: Quid gloriaris in malitia, qui potens es in iniquitate? Tota die injustitiam cogitavit lingua tua, sicut novacula acuta fecisti dolum.

  A008001634 

 Neque obstat quod dicatur de David: Inveni David servum meum, oleo sancto meo unxi eum, [Ps.] 88; nam et forsan oleum sanctum de tabernaculo sumpsit Samuel pro Davide, ut Sadoc pro Salomone, tamen non in cornu aliquo tabernaculi, sed in cornu suo, quod habebat penes se; et forsan etiam, non tulit de tabernaculo, sed sanctificatum et sanctum factum dicitur oleum quod Dei jussu fusum est, vel ab ipso Propheta benedictum.

  A008001634 

 Neque vero aspernanda est observatio Rabani, Hugonis, Comestoris, Ruperti: Saul unctum ex lenticula, vase fragili, David autem cornu, vase firmissimo, quod regnum Saul fragile, David stabile, futurum; nam quamquam Abulensis et Pineda existiment lenticulam fuisse ex auro, tamen Sa, et si adducere licet pessimos authores, Gebennenses, phialam esse existimant, et [213] Lyra, quadratæ figuræ.

  A008001635 

 Pastoritium autem est vas quo unguntur reges, ut ipsi pastores sint non vellicatores..

  A008001636 

 19, precipitur Heliæ ut ungat Hazael roy de Syrie et Jehu sur Israel, mais il n'est point dit qu'accipiat cornu.

  A008001637 

 Et erexit cornu salutis nobis, id est, regnum salutis; nam quia rex David unctus oleo cornu, rite regnum per cornu exprimitur, regnum salutis: quod vero ad id alludat Propheta, facile est existimare, cum addit: in domo David pueri sui.

  A008001637 

 Hinc illic producam cornu David; et forsan idem est sensus..

  A008001638 

 Et sensu prophetico, Ecclesia vinea Dei facta est in regno Christi, vel in Christo, qui per cornu quod continebat oleum representabatur.

  A008001638 

 Illic producam cornu David; filio olei, unguento pleno: Oleum effusum nomen; et, Unxit te Deus præ participibus tuis, ut a te tanquam a cornu primario omnes reges ungerentur, ut dicereris Rex regum et Dominus dominantium, et de tua plenitudine omnes reges acciperent, ut [216] prædixeras: Per me reges regnant, etc. Cornu autem dicitur Christus filius olei, id est repletus oleo, ut filius iniquitatis, filius peccati, id est, plenus iniquitate.

  A008001638 

 Maldonatus hic ait regem dici cornu, quia gloria et protectio est reipublicæ, sicut cornu vis, robur ac gloria animalium cornutorum; vide eum in Psalm.

  A008001638 

 v. 1 et 2: Vinea facta est dilecto meo in cornu filio olei, id est, regnum Israel stabilitum est in cornu oleo pleno: Imple cornu tuum oleo.

  A008001640 

 Jubileum autem ab obel derivari, id est, cornu arietino.

  A008001641 

 Clangimus autem tuba cornea, et arietina, id est, in virtute Christi nunc cantamus, ut Psalm.

  A008001641 

 Quid enim est erigere cornu salutis, quam tubam, id est, prædicationem, salutis extollere; juxta illud: Quasi tuba exalta vocem [218] tuam? Ecce enim verus jubileus, tempus remissionis, per redemptionem omnium: Ecce nunc tempus acceptabile, ecce nunc dies salutis.

  A008001642 

 At ante omnes tubas ecce Joannes præcurrit omnes, missus a Patre ante Filium, vel coram Filio, et vox clamantis in deserto, etc. Jam veniendum est ad Evangelium Dominicæ, hoc modo: Verum ut [219] etiam aliquid de Evangelio, et hac insigni tuba, dicamus, mirum est eum ignorare videri Christum esse cornu illud quod erexit, etc..

  A008001646 

 Cornu est gloria ac potentia.

  A008001647 

 Similis est Dilectus meus capreæ hinnuloque cervorum; en ipse stat post parietem nostrum, respiciens per cancellos, prospiciens per fenestras.

  A008001649 

 Ante faciem ejus ibit mors, id est, abibit, et egredietur diabolus ante pedes ejus.

  A008001649 

 Ibi abscondita est [223] fortitudo ejus.

  A008001649 

 Id est: Dominus qui in monte Seir et Pharan affuit, veniet; operuit caelos gloria ejus et laudis ejus plena est terra.

  A008001649 

 Stetit et mensus est terram..

  A008001650 

 6: Mihi autem absit gloriari nisi in Cruce Domini nostri Jesu Christi, per quem mihi mundus crucifixus est, et ego mundo.

  A008001659 

 (Il existe bien un autre récit sur la corne de la chèvre qui nourrit Jupiter, mais c'est une fable.) Si nous usons bien de cette corne dont parle le Prophète lorsqu'il dit: Il a suscité une corne, nous y trouverons une mine inépuisable d'enseignements..

  A008001659 

 Mais pourquoi le royaume du Christ ou sa majesté royale ou son empire [211] est-il appelé corne? Les auteurs anciens et modernes en donnent diverses raisons dont plusieurs sont utiles à considérer.

  A008001659 

 Nul doute que cette corne de salut ne soit la puissance royale et rédemptrice du Christ Notre-Seigneur, dont il est parlé au Psaume CXXXI: C'est là que je ferai paraître la corne de David, j'ai préparé une lampe à mon Christ.

  A008001660 

 De là: J'ai dit aux hommes iniques: Ne commettes plus l'iniquité, et aux pécheurs: N'exaltez pas votre corne, n'élevez pas votre corne, ne parlez pas iniquement contre Dieu. C'est comme s'il disait: Pourquoi te glorifies-tu dans ta malice, toi qui es puissant en iniquité? Tout le jour ta langue a médité l'injustice, tu as fait ton œuvre de séduction comme un rasoir affilé.

  A008001660 

 Prendre pour le commencement, en y introduisant les variantes nécessaires, ce qui est dit dans l'exorde du sermon sur le Rosaire, folio 12.

  A008001661 

 Et rien n'y contredit dans ce [213] qui est dit de David: J'ai trouvé David, mon serviteur, je l'ai oint de mon huile sainte; il se peut en effet que Samuel, pour sacrer David, ait pris l'huile sainte du Tabernacle, comme Sadoc le fit pour Salomon, sans cependant qu'il ait employé une corne du tabernacle, car il a pu se servir d'une corne qui était à son usage.

  A008001661 

 Ici, le mot corne est pris en très bonne part.

  A008001661 

 Il est certain toutefois que Salomon et Joas ont été oints de l'huile sainte du tabernacle..

  A008001661 

 Néanmoins, la remarque faite par Raban, Hugues, Rupert, Comestor, n'est pas à dédaigner: Saül a été oint de l'huile conservée dans un petit vase fragile, et David, de l'huile conservée dans une corne, vase très solide, ce qui augurait pour Saül un règne éphémère et pour David un règne durable.

  A008001661 

 Quoique Abulensis et Pinéda pensent que le petit vase était d'or, Sa toutefois, et, s'il m'est permis d'alléguer les pires auteurs, les pasteurs de Genève, déclarent qu'il s'agit d'une fiole, que Lyranus prétend avoir été carrée.

  A008001662 

 Oints de la même huile, rois et prêtres doivent marcher de concert, de telle sorte néanmoins que les prêtres gardent toujours le premier rang, [214] car l'huile leur a été d'abord immédiatement destinée, et que les rois soient leurs auxiliaires, puisque l'huile ne leur est appliquée que par dispense et par extension.

  A008001663 

 Elie reçoit l'ordre d'oindre Hazaël roi de Syrie et Jéhu sur Israël, mais il n'est point dit qu'il doive se servir de la corne.

  A008001663 

 Jéhu est oint, mais avec l'huile du petit vase.

  A008001664 

 Comme dans l'onction de David et de Salomon, c'est par la corne que le royaume a été fondé dans la maison de David, ainsi, par le mot corne de salut, le Prophète indique que c'est dans la maison de David qu'a été fondé le royaume du salut.

  A008001664 

 De là viennent ces mots: C'est là que je ferai paraître la corne de David, mots qui ont peut-être le même sens..

  A008001664 

 Et nous a suscité une corne de salut, c'est-à-dire, le royaume du salut; car puisque le roi David a été oint de l'huile de la corne, c'est avec raison que le royaume est désigné par la corne, royaume de salut.

  A008001664 

 Et que le Prophète fasse allusion à ce règne, il est facile de le conclure de ce qu'il ajoute: dans la maison de David son serviteur.

  A008001665 

 A ce passage, Maldonat dit que le roi est appelé corne parce qu'il est la gloire et le défenseur de l'Etat, comme la corne est la force, la puissance, l'ornement des animaux qui la portent.

  A008001665 

 C'est là que je ferai paraître la corne de David; fils de l'huile ou riche en parfums: Votre nom est une huile répandue; et Dieu vous a oint d'une manière plus excellente que ceux qui participeront à votre gloire, afin que tous les rois puisent l'huile de leur onction en vous, comme en une corne première, que vous soyez appelé Roi des rois et Seigneur des seigneurs, et que tous les rois reçoivent de votre plénitude, selon votre [216] prophétie: Par moi régnent les rois, etc. Mais cette corne qui est le Christ, est appelée fils de l'huile, c'est-à-dire qu'elle est remplie d'huile; comme fils d'iniquité, fils de péché, signifie plein d'iniquité.

  A008001665 

 Isaïe: Mon bien-aime a acquis une vigne dans la corne du fils de l'huile; c'est-à-dire, le royaume d'Israël a été fond' sur une corne pleine d'huile: Remplis d'huile ta corne.

  A008001665 

 Origène (voir son témoignage dans la Chaîne d'or ), Rupert, Haimon, Théophylacte, Eusèbe (liv. IV des Démonstrations, chap. XV), d'après Rio (Adage DCXCI de la I re Partie), appliquent au Christ ce passage d'Isaïe, et disent que le Christ est à la fois la corne et le fils de l'huile, parce que Dieu l'a oint de l'huile de la joie, que le Christ est oint et que son nom est un parfum répandu..

  A008001666 

 Cette fête se célébrait le premier jour du [217] septième mois, comme il est dit Num., X, Levit., XXIII, et Num., XXIX. La solennité des trompettes se célébrait en mémoire de la délivrance d'Isaac, sauvé de la mort à l'apparition du bélier qui, embarrassé par les cornes dans un buisson, fut immolé à la place d'Isaac.

  A008001666 

 Il faut remarquer que les trompettes au son desquelles on annonçait le jubilé étaient de cornes de bélier; c'est l'opinion de la plupart des hommes savants, bien que Ribéra (liv. V sur le Temple, chap. XXIV, n° 9 et suivants) pense qu'elles étaient de cornes de taureau.

  A008001667 

 Maintenant nous faisons résonner notre trompette de corne et de corne de bélier, c'est-à-dire, nous chantons maintenant dans la puissance du Christ, comme il est dit au Psaume XCVII: Chantez sur la harpe des cantiques au Seigneur, sur la harpe et sur l'instrument à dix cordes, au son des trompettes de métal battu au marteau, et des trompettes d'argent, au son de la trompette de corne.

  A008001667 

 On pourrait dire que la harpe est la foi; le psaltérion, l'espérance; la trompette battue au marteau, la pénitence; celle de corne, la charité, qui contient la jubilation, et aussi parce que la corne est la force, la défense, la gloire de l'animal..

  A008001667 

 Qu'est-ce que susciter la corne du salut, sinon faire retentir la trompette ou la prédication du salut, suivant cette parole: Elève ta [218] voix comme la trompette? Voici, en effet, le vrai jubilé, le temps de la rémission par la rédemption universelle: Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant les jours de salut.

  A008001668 

 C'est ainsi que les trompettes évangéliques, les Apôtres, renversent les murs de Jéricho: Leur bruit s'est répandu dans toute la terre.

  A008001668 

 Cependant, avant toutes les trompettes, voici Jean qui devance tous les autres, envoyé par le Père au-devant du Fils ou en face du Fils: c'est la voix de celui qui crie dans le désert, etc. Arriver par cette parole à l'Evangile du Dimanche et [219] commencer de cette manière: Pour dire aussi un mot de l'Evangile et de cette illustre trompette, il est étonnant que Jean ne semble pas reconnaître dans le Christ cette corne que Dieu a suscitée, etc..

  A008001669 

 Au Psaume où nous avons: C'est là que je ferai paraître la corne de David, l'hébreu porte: Je ferai pousser.

  A008001669 

 En hébreu: J'ai humilié ma corne dans la poussière; voir la grande Bible, en marge, à l'astérisque, et l'hébreu: En ce jour-la, je ferai repousser la corne de la maison d'Israël, et je t'ouvrirai la bouche au milieu d'eux, et ils sauront que c'est moi qui suis le Seigneur.

  A008001670 

 C'est uue comparaison tirée du cerf qui chaque année, au mois de février ou de mars, dépose les bois qui lui avaient poussé [l'année précédente]; à la fin de mars et au commencement d'avril, ils commencent à jeter leurs bosses.

  A008001671 

 La corne est gloire et puissance.

  A008001672 

 (La biche et le chevreuil ont la vue très perçante, comme le remarque saint Grégoire de Nysse, d'après Rio, et le cerf a l'ouïe très fine.) Et clans le même chapitre: Mon Bien-Aimé est à moi et moi je suis à lui.

  A008001672 

 Mon Bien-Aimé est semblable au chevreuil et au faon des biches; le voici qui se tient derrière notre muraille, regardant a travers les barreaux, observant par les fenêtres.

  A008001673 

 Au sens mystique, [la première représente] la foi catholique, [222] qui est le plein jour, si on la compare à la foi des Patriarches: La nuit passe, et le jour approche.

  A008001673 

 Il est dit de Job au dernier chapitre de son livre qu'il eut sept fils, qui représentent les sept dons du Saint-Esprit, et trois filles: il nomma la première Jour, la seconde, Cassie, la troisième, Cornustibie (selon les Septante: Corne d'Amalthée ).

  A008001674 

 C'est avec beaucoup d'unanimité que les commentateurs appliquent ce passage à la Croix.

  A008001674 

 C'est-à-dire: Le Seigneur qui a été présent sur la montagne de Séïr et de Pharan, viendra; sa gloire a couvert les cieux et la terre est remplie de sa louange.

  A008001674 

 Il s'est arrêté, et il a mesuré la terre..

  A008001674 

 La mort ira devant sa face, c'est-à-dire s'en ira, et le diable sortira devant ses pieds.

  A008001674 

 Seigneur, c'est votre œuvre, vivifiez-la au milieu des années.

  A008001675 

 Pour moi, a Dieu ne plaise que je me glorifie si ce n'est dans la Croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde m'est crucifié, et moi, au monde.

  A008001684 

 Quæstio est cur potius domus David quam Salomonis, vel Roboam, vel Ezechiæ, vel Josaphat, vel Josiæ.

  A008001685 

 Diffusa est gratia; allusio ad Beati Ambrosii examen apum mellificium..

  A008001685 

 Oleum effusum; Diffusa est gratia in labiis tuis, propterea benedixit te Deus in æternum; oleum effusum doctrinæ.

  A008001685 

 Prima unctio David facta est in domo patris; sic prima Christi in utero Matris.

  A008001685 

 Sic humanitas Christi accepit cor mundum et rectum in unione, gratia unionis; Spiritum Sanctum, ob gratiam [225] sacerdotalem et propheticam (in baptismo Spiritus Sanctus visus est: Hic est Filius meus dilectus ); et spiritum principalem, seu regium.

  A008001686 

 David abstulit opprobrium ex Israel et vicit Goliath; ut Christus: Nunc judicium est mundi, nunc princeps hujus mundi ejicietur foras.

  A008001686 

 Venit cum baculo, ut cum cane; sic Christus, «ut qui in ligno vincebat.» Solet Deus per infirma confundere fortia; ibi abscondita est fortitudo ejus.

  A008001695 

 La question est: pourquoi plutôt la maison de David que celle de Salomon, ou de Roboam, d'Ezéchias, de Josaphat, de Josias? Nous répondons que le règne de David fut le plus illustre..

  A008001696 

 De là ces textes: Votre nom est un parfum répandu.

  A008001696 

 L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a oint.

  A008001696 

 La grâce a été répandue sur vos lèvres, c'est pourquoi Dieu vous a béni pour l'éternité; l'huile répandue de la doctrine.

  A008001697 

 David effaça l'opprobre d'Israël en terrassant Goliath; il en fut de même du Christ: C'est maintenant le jugement du monde, maintenant le prince de ce monde sera jeté dehors.

  A008001697 

 » Dieu a coutume de confondre ce qui est fort par ce qu'il y a de plus faible; la, sa force a été cachée.

  A008001698 

 Car lorsque nous étions ennemis, [etc.] Saint Bernard: [Le Christ a eu] une charité plus grande, puisqu'il est mort même pour ses ennemis..

  A008001699 

 C'est une vérité certaine et digne d'être entièrement reçue, qu'il est venu, [etc.].

  A008001700 

 Droit, pur: Vous avez aimé la justice et haï l'iniquité, c'est pourquoi Dieu, votre Dieu, vous a oint d'une huile d'allégresse.

  A008001710 

 9, Rom. 3: Ideo novi testamenti mediator est, in redemptionem [228] earum prævaricationum quæ erant in precedenti testamento.

  A008001710 

 Redemptio enim operata est antequam facta esset per prævisionem.

  A008001711 

 Attamen nobis Christianis salus ista ex inimicis nostris amplior est; nam non frustra Ecclesia dicitur Sponsa Agni, et plenitudo temporis, tempus Evangelicum.

  A008001714 

 Resuscita gratiam quæ data est tibi per impositionem manum mearum..

  A008001715 

 8: Nunquid non est resina in Galaad, aut medicus non est ibi? Quare ergo non est obducta cicatrix populi mei? [231].

  A008001723 

 Aussi est-il écrit que l'Agneau a été immolé dès l'origine du monde.

  A008001723 

 Et saint Paul: C'est pourquoi il est le médiateur du nouveau testament, pour la rédemption des prévarications qui existaient sous le testament [228] précédent.

  A008001723 

 Voir plus haut, sermon IV. Notre Prophète dit au contraire: Il est venu, il a visité, racheté, etc., pour accomplir ses miséricordes envers nos pères.

  A008001724 

 Ce n'est pas en vain que l'Eglise est appelée Epouse de l'Agneau, et le temps évangélique, la plénitude des temps.

  A008001724 

 Ce n'est pas en vain que saint Paul s'écrie: Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant les jours de salut; et encore: La bonté et l'humanité de Dieu notre Sauveur est apparue; et aux Hébreux: Nous avons un autel dont ceux qui servent dans le tabernacle n'ont pas le droit de manger..

  A008001724 

 Toutefois, pour nous Chrétiens, c'est d'une manière beaucoup plus absolue que nous sommes délivrés de nos ennemis.

  A008001725 

 Mais ce trône-ci est comme le soleil, comme la pleine lune; sous la pleine lune, en effet, les arbres et les testacés sont pleins, pleins de suc et de moelle.

  A008001726 

 Hélas! quelle n'est pas la misère des hommes! Les Messaliens et les Euchites contestaient toute efficacité aux Sacrements afin d'en attribuer davantage à la prière.

  A008001727 

 Le Baptême: Je vous baptise dans l'eau, il vous baptisera dans l'eau et l'Esprit-Saint; et [saint Paul] aux Ephésiens: Le Christ a aimé l'Eglise et s'est livré lui-même pour elle, la purifiant par le baptême d'eau dans la parole de vie. Expliquer ces textes: dans l'eau et l'Esprit-Saint et parole de vie.

  A008001738 

 Et Paulus: Omnes eamdem escam spiritalem et potum; sed non in pluribus eorum beneplacitum est Deo, nam prostrati sunt in deserto.

  A008001738 

 Pactum est quia sub conditione non fore ingratos; testamentum est quia post mortem vim habet.

  A008001738 

 Testamentum vox est quam interpres noster Latinus et Septuaginta dilexerunt, quamvis vox Hebraica berith, proprie, fœdus significet.

  A008001739 

 1: Apud quem non est transmutatio nec vicissitudinis obumbratio.

  A008001740 

 Commutationem, id est, quod mutaveris sententiam de Christo tuo.

  A008001741 

 Id est, misericordiam promissam implevit, mittens Christum; nam misericordia est in flore cum est in promissis, est in fructu cum est in effectu.

  A008001742 

 Tu autem in sanguine testamenti tui emisisti vinctos de lacu in quo non est aqua.

  A008001748 

 Quel est ce testament de Dieu? comment s'en souvient-il? que signifie: accomplir ses miséricordes envers nos pères?.

  A008001749 

 Ce mot testament est un mot aimé de notre interprète latin et des Septante, bien que le mot hébreu berith signifie proprement alliance.

  A008001749 

 Ce testament est un contrat parce qu'il est fait sous la condition que nous ne serons pas ingrats; ce contrat est un testament parce qu'il n'a sa force qu'après la mort.

  A008001749 

 Dans les Nombres il est dit vingt-quatre mille, mais les Hébreux ne tiennent pas compte des quantités intermédiaires.

  A008001749 

 Or toute l'Ecriture est remplie de ce pacte, et c'est pour cela qu'on l'appelle l'Ancien et le Nouveau Testament.

  A008001750 

 Le souverain bien ne peut changer, parce que tout changement est en mieux ou en mal.

  A008001751 

 Le changement, c'est-à-dire que vous paraissez avoir changé de dessein sur votre Christ.

  A008001752 

 C'est-à-dire qu'il a tenu sa promesse de faire miséricorde, en envoyant le Christ; car la miséricorde est dans les promesses comme dans sa fleur, et dans son accomplissement comme dans son fruit.

  A008001752 

 La grâce de Dieu noire Sauveur est apparue à tous les hommes, nous enseignant, etc. [ Lorsque ] la bénignité et l'humanité de Dieu notre Sauveur est apparue, ce n'est point par les œuvres de justice que nous avons faites, qu'il nous a sauvés, mais selon sa miséricorde.

  A008001752 

 La grâce du Sauveur notre Dieu est apparue..

  A008001753 

 Je rattache la fin au début: Dieu nous a fait miséricorde, car il s'est lui-même donné à nous, comme un gage plus précieux que tout.

  A008001753 

 Vous aussi, par le sang de votre alliance, vous avez fait sortir les prisonniers du lac qui est sans eau.

  A008001762 

 Domine, non sum dignus; aliud est non esse dignum, et aliud esse indignum.

  A008001762 

 Duplex vero est dignitas: nimirum, qua tollitur obex et peccatum mortale, et qui istam dignitatem non habent, non solum non sunt digni sed sunt indigni; alia dignitas est comparationis ad tantum misterium, et hanc neque [236] Angeli neque homines habere possunt, quia in conspectu Domini nemo justificatur; et de hac diceret etiam Virgo Beatissima: Domine, non sum dignus..

  A008001763 

 Dicunt seniores: Domine, dignus est cui illud prestes, nam et sinagogam ipse nobis ædificavit; dignus est dignitate congrui, secundum tuam misericordiam, dignitate quadam proportionis, disquiparantiæ ( sic ) non æqualitatis.

  A008001763 

 Domina est Maria proprio nomine, at ipsa se ancillam.

  A008001763 

 Non sum dignus, dignus est..

  A008001764 

 Maldonatus ait seniores non secutos mentem centurionis et contra fidem legationis, adjecisse dignus est cui hoc prestes, cum ipse diceret se non esse dignum.

  A008001765 

 En ego ipse centurio sum, vel saltem vestri centurionis, id est, Episcopi, locumtenens; et pro vobis et ad vos, in hoc campo pœnitentiæ, clamabo: Domine, puer meus, populus meus non dominio sed affectu, jacet in domo tua paraliticus, et male torquetur, sed veni et cura eum.

  A008001765 

 Hinc ad Gratianopolitanos sumam exordium (nam in templo Sancti Andreæ incipiunt sermones feria quinta): Ecce me in Capharnaum, id est, campo pœnitentiæ, et video peccatores paraliticos; et video Christum, peccatoribus misericordem et medicum; et video centurionem.

  A008001766 

 Aymo, apud Sanctum Thomam, ait Capharnaum significare villam pinguedinis, vel agrum consolationis; sed credendum est peritioribus..

  A008001766 

 Ista vera causa est, sed misterium est eum frequenter habitasse in agro pœnitentiæ.

  A008001766 

 NOTA. Christi civitatem sæpe dictam Capharnaum: Transfretavit et venit in civitatem suam, id est, Capharnaum, quia ager pœnitentiæ; ut mons Moria erat domus antiqua Dei.

  A008001766 

 «Augustinus quidem, Strabus, Lyranus, Hugo, Beda existimant Capharnaum dici civitatem Christi quia erat metropolis Galileæ; ut Romanus dicitur, qui ditioni Romanæ subditus est, vel ibi natus.» Chrisostomus, Euthymius, Theophilactus, quia ibi frequentissime habitaret; et consentiunt Gebennenses.

  A008001767 

 Hæc est vera sententia.

  A008001768 

 Vos cogitastis et non successit, Deus cogitavit et factum est.

  A008001768 

 v. 12: Quia cogitavit Dominus, et fecit quæcumque locutus est.

  A008001768 

 v. 20: Vos cogitastis de me malum, sed Deus vertit illud in bonum; Hebraice, apud Rio, est antithesis: sed Deus cogitavit ut verteret in bonum.

  A008001769 

 Quicquid sit, fugiens Romam venit, et a Paulo captivo susceptus est et Philemoni commendatus, et postea factus est Episcopus Ephesinus, succedens Thimoteo, et deinde lapidibus obrutus Romæ, ubi se eum vidisse Ignatius ad Ephesios scribit.

  A008001771 

 Servus pars est domini, sed sejuncta, Arist., Polit., id est, quasi instrumento disjuncto utitur..

  A008001775 

 Bernardus, epistola 292, ad quemdam qui ausus est novitium dehortari a proposito Religionis: «O utinam saperes et intelligeres et novissima provideres: saperes quæ Dei, intelligeres quæ mundi sunt, provideres quæ inferni sunt; inferna horreres, superna appeteres, quæ sunt ad malum (mundi) contemneres.» Ex Deut.

  A008001779 

 Chrisostomus: Odium est dæmon voluntarius, insania optata, ludibrium diaboli..

  A008001780 

 Audistis quia dictum est antiquis.

  A008001780 

 Error iste affectatus in intellectu periculosior est errore voluntatis.

  A008001780 

 Non parcere hominis est, dicere autem parcere esse vilis animi hæreticum est.

  A008001780 

 Tertullianus: «Ovis illa, Luc. 15, non moriendo, sed errando, dragma non pereundo, sed latendo perierunt.» Intellectus errando, voluntas latendo perit; non entium et non apparentium eadem est ratio..

  A008001781 

 Tertullianus, Apol., c. 37: [243] «Christianus nullius est hostis.» Ut sitis filii Patris.

  A008001781 

 Verumtamen Deo subjecta esto anima mea, quoniam ab ipso patientia mea; vult te pati injuriam, et tibi ad patiendum paratus est dare patientiam..

  A008001790 

 Mais il y a deux sortes de dignités: l'une qui enlève l'obstacle ou le péché mortel, et ceux qui n'ont pas cette dignité, non seulement ne sont pas dignes, mais sont indignes; l'autre dignité résulterait d'une sorte de proportion entre le mérite du communiant et un si grand [236] mystère; et cette dignité, ni les Anges ni les hommes ne la peuvent avoir, parce que devant le Seigneur personne n'est justifié, et en parlant de cette dignité, la Bienheureuse Vierge elle-même dirait: Seigneur, je ne suis pas digne..

  A008001790 

 Saint Paul écarte de l'Eucharistie les indignes, et néanmoins, personne ne s'en approche sans avouer qu'il n'en est pas digne.

  A008001790 

 Seigneur, je ne suis pas digne; autre chose est de n'être pas digne, autre chose d'être indigne.

  A008001791 

 Je ne suis pas digne, et il est digne..

  A008001791 

 Les anciens disent: Seigneur, il est digne que vous lui accordiez cette grâce, car il nous a même construit une synagogue; cette dignité est de convenance, elle est selon votre miséricorde, dignité relative et non pas équivalente.

  A008001791 

 Par son nom même, Marie est souveraine, elle s'appelle pourtant servante.

  A008001792 

 D'après Maldonat, les anciens ne suivirent pas les intentions du centurion, et contre la fidélité aux termes de l'ambassade, ils ajoutèrent: Il est digne que vous lui accordiez cette grâce, tandis qu'il affirmait n'en être pas digne.

  A008001792 

 David dit bien: Jugez-moi, Seigneur, selon ma justice et selon l'innocence qui est en moi; mais il parle de la justice de sa cause en face de ses ennemis, et non de la justice de son âme par rapport à [237] Dieu.

  A008001793 

 C'est de ce mot que je tirerai mon exorde pour les Grenoblois (dans l'église de Saint-André, les sermons commencent le jeudi après les Cendres): Me voici dans Capharnaüm, c'est-à-dire dans le champ de pénitence.

  A008001793 

 C'est moi qui suis votre centurion, ou du moins, le lieutenant de votre centurion, c'est-à-dire de votre Evêque.

  A008001793 

 Je ne sais où il a pris cette étymologie, car dans les interprétations ajoutées aux Bibles corrigées, Capharnaüm signifie champ de pénitence; il en est de même dans les Bibles hérétiques.

  A008001794 

 C'est la vraie raison, mais le mystère est que le Christ ait fréquemment habité le champ de pénitence.

  A008001794 

 Il est vrai que «saint Augustin, Strabus, Lyranus, Hugues, Bède estiment que Capharnaum est appelée cité du Christ parce qu'elle était la capitale de la Galilée, comme on appelle romain celui qui est soumis au pouvoir de Rome ou qui est né dans cette ville.» Saint Chrysostome, Euthymius, Théophylacte disent qu'elle est ainsi appelée parce que le Christ y habitait fréquemment; c'est aussi l'opinion des pasteurs de Genève.

  A008001794 

 NOTA. Capharnaum est souvent appelée cité du Christ: Il traversa la mer et vint dans sa ville, c'est-à-dire à Capharnaum, le champ de pénitence, comme le mont Moria, [dont le nom signifie amertume,] était l'antique demeure de Dieu.

  A008001795 

 Le commentaire intitulé L'Œuvre Imparfaite explique ainsi ce texte: Dites aux Anges, c'est-à-dire à vos serviteurs et aux soldats; c'est aussi la version de Bède.

  A008001796 

 Vous avez pensé et vous n'avez pas réussi, Dieu a pensé et sa pensée est devenue acte.

  A008001798 

 Constantin le Grand défendit de marquer le front d'un stigmate, parce que le visage de l'homme est considéré comme représentant l'image de Dieu.

  A008001799 

 L'esclave fait en quelque sorte partie du maître, bien qu'il ne lui soit pas uni (Aristote, Politiques ), c'est-à-dire que le maître s'en sert comme d'un instrument distinct de sa personne..

  A008001804 

 Saint Chrysostôme: La haine est un démon volontaire, une manie voulue, un jouet du diable..

  A008001805 

 Cette erreur affectée de l'intelligence est plus dangereuse que celle de la volonté.

  A008001805 

 Ne pas pardonner c'est faiblesse humaine; mais dire que le pardon est pusillanimité, c'est être heretique.

  A008001807 

 Cependant, ô mon âme, sois soumise à Dieu, puisque c'est de lui que vient ma patience; il veut que tu souffres l'injure, mais, pour la supporter, il est prêt à te donner la patience..

  A008001807 

 [243] Tertullien, Apologétique: «Le Chrétien n'est l'ennemi de personne.» Afin que vous soyez les fils de votre Père.

  A008001819 

 Ductus est Jesus in desertum a Spiritu..

  A008001822 

 Zeuxis fit une luite ou il print grand playsir, et escrivit dessous «qu'elle seroit plus tost enviee qu'imitee.» Et ecce Evangelistæ nobis pugnam tanquam in tabula pingunt, quæ ne doit point estre enviee ains aymee, parce que son issue est heureuse pour nous; et non seulement elle doit estre aymee, mais imitee..

  A008001823 

 Nemo cum tentatur dicat quia a Domino tentatur: Deus enim intentator malorum est, ipse autem neminem tentat; unusquisque vero tentatur a propria concupiscentia abstractus et illectus.

  A008001824 

 Vet. et Novi Testamenti afferenda est, tomo 4; et citatur a D. Thoma, in illa verba: Tuam ipsius animam gladius pertransibit, ubi per gladium intelligit tentationem et dubitationem de Christi Divinitate tempore Passionis; quam dubitationem ait fuisse transeuntem, non inhaerentem: «Sicut,» inquit, «gladius pertransiens juxta hominem timorem facit, non percutit, sic dubitatio non sedit in animo Virginis, sed pertransiit velut per umbram.» Exornanda similitudo: si homo impenetrabili chalibe vel adamante armatus impetatur ense, ictus in cassum fertur, non enim penetrat sed elabitur circa thoracem, il coule, il glisse.

  A008001825 

 Mixta, quæ partim extrinseca est partim intrinseca.

  A008001825 

 Ut Pauli: Datus est mihi stimulus carnis meæ, angelus Satanæ, qui me colaphizet; et scio varie intelligi, sed assentior Patribus.

  A008001829 

 Postquam baptizatus est; nam per Baptisma non quidem Christus, sed nos, vires roburque acquirimus et per Sacramenta.

  A008001830 

 Et operui in jejunio animam meam et factum est in opprobrium mihi; et posui vestimentum meum cilicium et factus sum illis in parabolam.

  A008001833 

 Tirannis est, ait Calvinus: Ne confitearis peccata, ne obedias pastoribus, ne ineas pœnitentiam.

  A008001836 

 At imitatio puerorum non est irridenda: alioqui, si quod non possint assequi matrum linguam, nunquam incipiant loqui; si quia non possunt passus æquales patri facere, nunquam gradiantur.

  A008001846 

 Or, il ne tente lui-même personne; mais chacun est tenté par sa propre concupiscence qui l'entraîne et le séduit.

  A008001846 

 Que nul, lorsqu'il est tenté, ne dise que c'est le Seigneur qui le tente, car Dieu ne tente point pour le mal.

  A008001848 

 C'est ainsi que saint Jérôme déclare avoir ressenti les révoltes de la chair au milieu du désert.

  A008001850 

 Au paradis terrestre, Eve fut sa collaboratrice; ici le Christ est seul, au milieu des bêtes sauvages.

  A008001850 

 Dans les villes, en effet, le diable a beaucoup d'auxiliaires; au désert, il est seul.

  A008001850 

 Il choisit le lieu le plus convenable, c'est-à-dire le désert.

  A008001850 

 Pourtant, il y est tenté pour nous apprendre qu'on peut l'être partout..

  A008001851 

 C'est pour cela [248] que Madeleine, forte entre toutes, recherche le Christ sépulture; et saint Pierre après sa pénitence, et saint Paul, et saint Augustin.

  A008001851 

 C'est pourquoi nous sommes oints comme des athlètes et on fait sur nous des exorcismes contre le démon; nous sortons de la sainte Table forts «comme des lions au souffle enflammé;» ce sont les expressions de saint Chrysostôme; aussi disons-nous avec le Psalmiste: Vous avez préparé une table devant moi.

  A008001851 

 La belette ne craint rien auprès du serpolet; il en est ainsi de nous en présence des Sacrements..

  A008001853 

 L'ennemi s'approcha sous une forme visible, sous l'extérieur d'un homme grave, d'un ermite; car il n'est pas impossible qu'il se soit présenté sous la figure d'Elie.

  A008001854 

 C'est une tyrannie, dit Calvin: Ne confesse pas tes péchés, n'obéis pas à tes pasteurs, n'entreprends pas de faire pénitence.

  A008001856 

 Tous les Pères observent que c'est le propre des hérétiques de citer les bonnes paroles dans un mauvais sens.

  A008001856 

 «La science des Ecritures consiste non pas à les lire mais à les comprendre.» «La faute est dans l'intention [de celui qui entend mal], non dans le texte.» « Dans toutes tes voies, non dans les précipices;» Satan en outre tronque le texte: Sur l'aspic (voir saint Bernard).

  A008001868 

 Quis credit auditui nostro, et brachium Domini cui revelatum est? Quis novit potentias Domini? Silete, auditores, attendite; et ante omnia, mecum orate..

  A008001870 

 At in extremo die, in fine temporum, tunc, ait Isaias, 34, tabescet omnis militia cæli et complicabuntur sicut liber cæli et desinet omnis militia eorum; et Apoc. 6: Cælum recedet quasi liber involutus; sol factus est niger sicut saccus cilicinus, et luna versa est in sanguinem.

  A008001870 

 Et en fin tous ces signes seront suivis de l'embrasement general, duquel il est dit, [Pss.] 96, 49: Ignis ante ipsum præcedet; Ignis in conspectu ejus exardescet.

  A008001870 

 «Venturus est judicare vivos et mortuos, et seculum per ignem.».

  A008001871 

 9: Statutum est hominibus semel mori.

  A008001871 

 Quis est homo qui vivet et non videbit mortem? [Ps.] 88.

  A008001872 

 Erunt enim plures, erunt sane: Angelos mittet cum tuba, id est, singulos cum tuba; at novissima tuba est quam sequitur vox Archangeli.

  A008001874 

 Articulus iste resurrectionis omnium visus est difficillimus philosophis: a privatione ad habitum; at Patres pro eo strenue dimicarunt.

  A008001874 

 Et conformis est lumini naturæ; nam anima sola non est operata, et desiderat formam.

  A008001874 

 Supererat ut inveniretur quis hoc faceret; et ecce, Deus est..

  A008001887 

 C'est l'opinion de Barradas que je préfère suivre parce que c'est la plus commune.

  A008001887 

 Il est statué que les hommes doivent mourir une fois.

  A008001887 

 Quel est l'homme qui vivra et qui ne verra pas la mort? La mort a passé dans tous les hommes.

  A008001888 

 En un moment, en un clin d'œil, au son de la dernière trompette; car la trompette sonnera, etc. Et ce sera juste; dans l'ancienne Loi, en effet, on faisait un usage fréquent de la trompette: pour la guerre, comme à Jéricho, pour convoquer le peuple, pour les fêtes; c'est au son de la trompette que furent promulgués les commandements.

  A008001888 

 Les trompettes seront nombreuses assurément: Il enverra ses Anges avec une trompette, c'est-à-dire, chacun avec la sienne; et la dernière trompette sera suivie de la voix de l'Archange.

  A008001888 

 Quelle est cette voix?.

  A008001889 

 C'est d'une manière mystérieuse [254] qu'on entendra ces paroles: «Levez-vous, morts,» parce que les corps ressusciteront sur-le-champ; mais ces autres: «Venez au jugement,» seront entendues réellement, parce que déjà la résurrection aura eu lieu.

  A008001890 

 Déjà, dans la loi de nature, Job disait: Je crois que mon Rédempteur est vivant, et que dans ma chair, etc. Marthe affirme la même foi, conforme d'ailleurs aux lumières naturelles, car l'âme, n'ayant pas travaillé seule, a droit de réclamer son complément.

  A008001890 

 Restait à trouver qui le lui donnerait, et voici que c'est Dieu..

  A008001904 

 Angeli: Quid hic statis? etc.; hic Jesus qui assumptus est a vobis in cælum, etc. Ubi Redemptionem, ibijudicium.

  A008001904 

 Magister Sententiarum irridet, quia Josaphat judicium Domini [257] significat; at certa est sententia.

  A008001904 

 Vallis Josaphat, ex communi sententia, est inter Olivetum et Hierusalem.

  A008001905 

 Apoc. 20: Et vidi thronum magnum candidum, et sedentem super eum, a cujus conspectu fugit terra et cælum, et locus non est inventus eis; et vidi mortuos, magnos et pusillos, stantes in conspectu throni; et libri aperti sunt, et alius liber apertus est qui est [258] vitæ (id est, vita); et judicati sunt mortui ex iis quæ scripta erant in libris, secundum opera ipsorum. ( Liber vitæ, in Apoc. 20, est vita Christi.) Danielis, 7: Aspiciebam donec throni positi sunt, et Antiquus dierum sedit, etc.; judicium sedit et libri aperti sunt: «Liber scriptus proferetur.».

  A008001905 

 Et Apostolus, I. Cor. 4: Mihi autem pro minimo est ut a vobis judicer, etc.; itaque nolite ante tempus judicare, quoadusque veniat Dominus, qui et illuminabit abscondita tenebrarum et manifestabit consilia cordium.

  A008001915 

 Le Maître des Sentences se moque de cette interprétation parce que le nom même de Josaphat signifie jugement de Dieu; mais l'opinion [257] énoncée ci-dessus n'en est pas moins certaine.

  A008001915 

 Les Anges dirent [aux disciples]: Pourquoi vous arrêtez-vous ici? etc.; ce Jésus qui du milieu de vous s'est élevé au ciel, etc. Où s'est opérée la Rédemption, là se fera le jugement.

  A008001916 

 (Le livre de vie, dans l'Apocalypse, XX, c'est la vie du Christ.) Je regardais jusqu'à ce que des trônes fussent placés, et l'Ancien des jours s'assit, etc.; le jugement se tint et les livres furent ouverts: «Le livre écrit sera présenté.».

  A008001916 

 Et l'Apôtre: Pour moi, je me mets fort peu en peine d'être jugé par vous, etc.; c'est pourquoi ne jugez pas avant le temps, jusqu'à ce que vienne le Seigneur qui éclairera ce qui est caché dans les ténèbres et qui manifestera les secrètes pensées des cœurs... Et je vis un grand trône blanc, et quelqu'un assis dessus, en présence duquel la terre et le ciel s'enfuirent, et leur place ne se trouva plus; et je vis les morts, grands et petits, debout devant le trône; et les livres furent ouverts, et un autre livre fut encore ouvert, qui est le livre de vie (c'est-à-dire, qui est [258] la vie); et les morts furent jugés sur ce qui était écrit dans les livres selon leurs œuvres.

  A008001917 

 En ce jour-là je scruterai Jérusalem avec des lampes (Saint Bernard: S'il en est ainsi pour Jérusalem, quelle sera la fin de Babylone! Jérusalem, c'est-à-dire les Saints: les péchés mêmes des Saints seront découverts, mais à leur grande consolation; et ils diront: C'est grâce aux miséricordes du Seigneur que nous n'avons pas été consumés); et je visiterai les hommes enfoncés dans leur lie, qui disent en leurs cœurs: Le Seigneur ne fera pas de bien, il ne fera pas de mal.

  A008001917 

 Trois interprétations (voir Ribéra et notre folio 78): La première est littérale, et s'entend de la captivité de Chaldée; la seconde, celle de Josèphe qui l'applique [à la destruction de Jérusalem]; la troisième a trait au jour du jugement.

  A008001917 

 Votre parole est une lampe qui éclaire mes pieds; texte qui amène une quatrième interprétation: des hommes saints.

  A008001918 

 Histoire de Joseph: [ Ils se dirent ] les uns aux autres: C'est justement que [259] nous souffrons tout ceci, parce que nous avons péché contre notre frère; voyant les angoisses de son âme quand il nous suppliait, nous ne l'avons pas écouté; c'est pour cela que cette tribulation a fondu sur nous. Et Ruben de répondre: Ne vous ai-je pas dit: Ne péchez pas contre cet enfant? et vous ne m'avez pas écouté; voilà que son sang nous est redemandé..

  A008001930 

 Nihil magis incredibile quam quod credere nolumus; judicii rigor omnibus perversis odio est.

  A008001931 

 Maldonatus, post Hilarium, nisi fallor, interpretatur signum Jonæ, id est, nullum; nam Jonas nullum dedit, sed tantum dixit: Adhuc 40 dies et Ninive subvertetur.

  A008001931 

 Trium dierum prædicatione conversi sunt, et nos, etc.; quorum tamen prædicatio major est ob Christi authoritatem, qui loquitur in nobis.

  A008001933 

 3: intumescebant aquæ superiores instar montis (unde in Psal.: Montes exultastis sicut arietes, nimirum montes undarum et fluctuum videbantur saltare): inferiores aquæ descendebant in Mare Solitudinis, id est, Mortuum, Asphaltites (et belle, nam Jordanis est fluvius judicii), et id in conspectu Arcæ: A facie Domini mota est terra.

  A008001933 

 Vel potius, videre mihi videor in hoc judicio quod visum est in Jordane cum exiret Israel de Ægipto, Jos.

  A008001934 

 Oculi flamma ignis, penetrant tout: Probasti cor meum et visitasti nocte, igne me examinasti et non est inventa in me iniquitas.

  A008001935 

 Anima mea lique facta ut Dilectus meus locutus est per amorem gratiæ, quanto magis per amorem gloriæ..

  A008001945 

 Quel est ce signe? La plupart pensent que le signe de Jonas est la résurrection.

  A008001945 

 Trois jours de prédication les ont convertis, et nous, etc.; notre prédication pourtant est bien supérieure à cause de l'autorité du Christ qui parle en nous.

  A008001946 

 C'est donc à bon droit que seront condamnés les méchants, et ils n'auront rien à objecter à une aussi juste sentence; mais avant que nous l'entendions [je veux vous confier une pensée qui m'est familière].

  A008001947 

 Ou plutôt je me figure voir à ce jugement ce qu'on vit au Jourdain quand Israël sortait de l'Egypte: Les eaux supérieures grossissaient et s'élevaient semblables à une montagne (d'où le mot du Psaume: Montagnes, vous avez bondi comme des béliers; ce qui signifie que des montagnes de flots s'agitaient et semblaient danser), tandis que les eaux inférieures descendaient à la mer du Désert, c'est-à-dire à la mer Morte, au lac Asphaltite (belle comparaison, car le Jourdain est précisément le fleuve du jugement).

  A008001948 

 La voix des eaux de la vie et de la mort, mer Morte... Ses yeux comme une flamme de feu, pénétrant tout: Vous avez sondé mon cœur et vous l'avez visité pendant la nuit, vous m'avez éprouvé par le feu et il ne s'est point trouvé d'iniquité en moi.

  A008001948 

 Le temps de tailler est venu, circoncision mystique qui doit se faire le huitième jour.

  A008001948 

 Le temps de tailler est venu; déjà l'hiver est passé, la pluie a cessé et s'est retirée; la voix de la tourterelle.

  A008001949 

 Mon âme s'est liquéfiée par l'amour de grâce, quand mon Bien-Aimé a parlé; combien plus se liquéfiera-t-elle par l'amour de gloire!.

  A008001963 

 Et Cant.: Quæ est ista quæ ascendit de deserto, sicut virgula fumi, ex aromatibus mirræ et thuris? Ista tamen elevatio est mentalis, non localis, ratione objecti non loci; unde: «Sursum corda.» Mira vel stupiditas, vel malignitas Calvinistarum objicientium «Sursum corda,» quasi «sursum» localiter intelligatur.

  A008001963 

 Oratio quidam egressus est a finibus nostris, nam est «elevatio mentis in Deum,» ut ait Damascenus.

  A008001964 

 Bene aliquando a dæmonio vexamur ( male, tamen, ad litteram, id est, vehementer), ut Job, Sanctus Anthonius, Sancta Catharina Senensis, Sanctus [268] Paulus, quia faciunt cum tentatione proventum; at alii male vexantur.

  A008001966 

 Hæc autem facta sunt in domo in qua latebat: «et fugit ad salices.» Latere volebat et nolebat; latere volebat, id est, facere quod latentes faciunt.

  A008001967 

 (Clamant pauperes post nos: «Nostrum est quod consumitis, nobis crudeliter eripitur quicquid inaniter expenditur.») At mulier audiens: Etiam, nam et catelli.

  A008001967 

 At ille, saltu se proripiens: Non est, inquit, bonum sumere panem filiorum et [269] mittere canibus.

  A008001967 

 Deinde ubi cervum e suo loco, de son fort, de son buisson, emisit: Clamat post nos; id est, invocat nos; id est, te per nos.

  A008001967 

 O dura benignitas, o misericors duritia, amans severitas! Est un horvaris.

  A008001968 

 Ecce ex Cananea filia Israel facta est, et Christus factus est præda ejus.

  A008001968 

 Ecce victus est Angelus.

  A008001974 

 Mais puisque c'est par la prière qu'elle nous montre sa foi, son espérance et sa charité, nous choisirons pour sujet de notre discours la toute-puissance de la prière..

  A008001975 

 Ici, en effet, le Christ est vraiment enchaîné par la prière de la Chananéenne, comme le navire est retenu par le rémora, comme Samson fut lié par Dalila..

  A008001975 

 Quand nous avons interprété le premier verset du cantique de Zacharie, nous avons dit pourquoi Dieu est appelé le Dieu d'Israël; c'est à cause de la [266] religion de ce peuple.

  A008001976 

 L'Eglise nous enseigne que la prière est nécessaire et que, seule, elle ne suffit pas.

  A008001977 

 Ayez pitié de moi, Seigneur, parce que j'ai crié tout le jour vers vous; réjouissez l'âme de votre serviteur, parce que c'est vers vous, Seigneur, que j'ai élevé mon âme. De même: C'est vers vous que j'ai élevé mon âme; mon Dieu, je me confie en vous, je ne [267] rougirai point.

  A008001977 

 Et dans le Cantique: Quelle est celle-ci qui monte du désert comme une colonne de fumée de parfums de myrrhe et d'encens? Toutefois, cette élévation est mentale, non matérielle, elle est relative à son objet, non au lieu; c'est également ce que signifient ces mots: «En haut les cœurs,» Quelle étonnante sottise ou méchanceté de la part des Calvinistes quand ils nous objectent ces paroles: «En haut les cœurs,» comme si «en haut» s'entendait au sens littéral! Ils ne veulent pas distinguer entre prier matériellement devant une image et prier moralement devant cette image.

  A008001977 

 La prière est en quelque sorte une sortie de nos confins, car elle est «une élévation de l'âme vers Dieu,» comme la définit saint Jean Damascène.

  A008001978 

 Elle s'écria, disant ( De tout mon cœur ): Ayez pitié de moi, Seigneur, fils de David; ma fille est misérablement tourmentée par le démon.

  A008001978 

 Ma fille est misérablement tourmentée par le démon.

  A008001978 

 Nous sommes parfois utilement tentés par le démon ( misérablement est pris ici à la lettre, pour violemment), comme Job, saint Antoine, sainte Catherine de Sienne, [268] saint Paul, car ces Saints tiraient profit de la tentation; mais d'autres sont tentés pour leur malheur.

  A008001978 

 Vous serez utilement tourmenté, si c'est le repentir qui vous tourmente..

  A008001980 

 Or ceci se passait dans la maison où se cachait Jésus, qui ci s'enfuit aux saules.» Il voulait et ne voulait pas se cacher; il voulait se cacher, c'est-à-dire [se faire chercher, comme] font ceux qui se cachent.

  A008001981 

 Dès que [la Chananéenne] a levé le cerf de son fort, de son buisson: Elle crie après nous, [disent les Apôtres]; elle nous invoque, c'est-à-dire, elle vous prie par notre entremise.

  A008001981 

 Et Jésus, s'avançant semblable au cerf qui bondit: Ce n'est pas bien, dit-il, de prendre le pain des enfants pour le jeter aux chiens.

  A008001981 

 O dure bénignité, ô miséricordieuse dureté, aimante sévérité! C'est un hourvari.

  A008001982 

 De Chananéenne la voici fille d'Israël, et le Christ est sa proie.

  A008001982 

 O femme! Voici que l'Ange est vaincu.

  A008001992 

 Communis sententia est antiquorum, quia ibi oves offerendae in Templo lavarentur, saltem intestina; et propterea Hieronimus, in libro De Locis Hebr., ait suo etiam tempore piscinam illam rubentem quasi sanguine tinctam.

  A008001992 

 Piscina hæc probatica est, pecualis, ovilis: probaton, ovis; probatichi, ovilis, pecuaria; cur autem ita dicatur varie censent.

  A008001993 

 Hinc Baptismus puerorum; nam traditio illa de puerorum Baptismate in hac necessitate fundata est, neque ad Ecclesiam aliter spectare possunt, qui natura nascuntur filii iræ; ad Eph.

  A008001993 

 [1.] Piscina autem ovium, id est, omnium Christianorum, est Baptismus, propter necessitatem; nam pueris est necessaria necessitate medii: Nisi quis renatus fuerit ex aqua et Spiritus Sancto; Jo. 3.

  A008001994 

 Erat aqua; est materia necessaria.

  A008001995 

 Angelus Christus est.

  A008001995 

 Unde Joannes: Ipse baptizat «Baptizet Petrus, baptizet Paulus, ipse est qui baptizat;» Joan.

  A008001996 

 Et est mera traditio.

  A008001996 

 Sacerdos est ordinarius minister; ut autem fatentur hæretici (nam nos idololatras existimant et antichristianos, et tamen a nobis baptizatos non rebaptizant), extraordinarius est quicumque homo, etiam infidelis, ut contra Cyprianum et Cecilianum dixit Ecclesia in Concilio Florentino.

  A008002000 

 Llinc Spiritus Sanctus velut columba et Christus declaratus Filius Dei: Hic est Filius meus.

  A008002011 

 Cette piscine est probatique, destinée aux troupeaux, aux brebis: le sens du grec probaton est brebis; probatichi, qui concerne les brebis, les troupeaux; mais pourquoi cette appellation? Les réponses varient.

  A008002012 

 C'est pour cela qu'on baptise les enfants.

  A008002012 

 Le Baptême est encore nécessaire aux adultes: en désir, il l'est de nécessité de moyen; en fait, de nécessité de précepte.

  A008002012 

 [1.] Or la piscine commune aux brebis, c'est-à-dire à tous les Chrétiens, est le Baptême à cause de sa nécessité; car il est nécessaire aux enfants de nécessité de moyen: Si quelqu'un ne renaît de l'eau et de l'Esprit-Saint.

  A008002013 

 Il y avait l'eau; c'est la matière nécessaire.

  A008002014 

 Aussi saint Jean dit-il: C'est lui qui baptise.

  A008002014 

 L'Ange, c'est le Christ.

  A008002014 

 «Que Pierre baptise, que Paul baptise, c'est le Christ lui-même qui baptise.» Et [saint Paul] aux Ephésiens: Le Christ a aimé l'Eglise et s'est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier, la purifiant par le baptême d'eau dans la parole de vie..

  A008002015 

 C'est la pure tradition.

  A008002015 

 Le serviteur qui plonge [dans l'eau régénératrice], c'est le prêtre, ministre ordinaire du Baptême; mais, ainsi que les hérétiques eux-mêmes le reconnaissent (car tout en nous regardant comme idolâtres et antichrétiens, ils ne rebaptisent cependant pas ceux que nous avons baptisés), tout homme, fùt-il infidèle, peut en être le ministre extraordinaire, comme l'Eglise l'a défini au Concile de Florence, contre saint Cyprien et Cécilien.

  A008002018 

 Celui qui descendait le premier était guéri; d'après le Concile de Nicée, [le Baptême est] «pour la rémission des péchés.» Le Christ n'en guérit qu'un, il ne sauve que le seul Chrétien Catholique..

  A008002019 

 C'est pourquoi l'Esprit-Saiut apparaît sous forme de colombe et le Christ est déclaré Fils de Dieu: Celui-ci est mon Fils.

  A008002019 

 Là, nous sommes enfants de Dieu... Le Christ est appelé icthys, poisson, d'après les vers de la Sybille.

  A008002020 

 Plusieurs des commentateurs pensent que le Christ interrogea le malade sur lès causes et la durée de son infirmité, et que le malade confessa ses péchés; c'est pour cela que Jésus lui dit: Ne pèche plus désormais..

  A008002022 

 D'après saint Bernard, ces paroles expriment les trois degrés de la vie et de la santé spirituelle: Lève-toi, regarder vers le Ciel ( ceux qui ne goûtent plus les choses de la terre ); prends ton grabat, c'est asservir le corps; marcher dans la loi du Seigneur..

  A008002023 

 C'est pourquoi il sortit du sang et de l'eau du côté du Christ.

  A008002023 

 L'eau de la piscine est mêlée avec le sang du Christ.

  A008002023 

 Voir un excellent passage dans les notes sur la vie de Jacob, où il est question du baiser que Jacob donna à Rachel, auprès du puits.

  A008002032 

 O si possem graphice de hac gloriosa Transfiguratione loqui! Sane, vos cum Petro velletis semper hic manere; at vero delibabimus paucula quædam, eo maxime fine ut Filium audiatis, id est, illius præcepta servetis..

  A008002034 

 Gloria nobis præparata inenarrabilis est.

  A008002034 

 Sed sicut scriptum est: Quod oculus non vidit, nec auris audivit, nec in cor hominis ascendit, quæ præparavit Deus iis qui diligunt eum.

  A008002035 

 Et Evangelium nostrum est veluti mappamundi, in qua punctis et lineis quibusdam ostenditur Regnum cælorum, vel alter mundus.

  A008002036 

 Augustinus autem: «Beatus est qui habet quicquid vult et nihil mali vult.» Essentialis beatitudo est in intellectu qui fruitur pulchro et voluntate quæ fruitur bono..

  A008002036 

 Beatitudo est «status omnium bonorum aggregatione perfectus,» ex Boetio.

  A008002036 

 Faciem Dei videre fundamentum totius beatitudinis est.

  A008002037 

 Vel dicendum est: status quo possidemus Deum, in quo est «omnium bonorum aggregatio.».

  A008002037 

 Verum nobis secundum modum nostrum competit; est enim «status omnium bonorum» nobis competentium «aggregatione perfectus;» unde terminatur ista beatitudo nostra per terminos capacitatis subjecti.

  A008002038 

 16: Satiabor cum apparuerit gloria tua; Hebr., apud Genebr., in evigilare similitudinem tuam, id est, cum emerserit gloria tua, quæ hodie sopita est et obscura; similitudinem autem dixit, quia non plene comprehenditur gloria ob ejus infinitatem.

  A008002038 

 Animam Deo capacem quicquid minus Deo est implere non potest..

  A008002038 

 Hominis dormientis faciem non videmus; nam faciei [278] faciem, id est, oculos, non videmus.

  A008002038 

 I. Cor. 13: Facie ad faciem; videmus nunc per speculum, etc.; videbimus eum sicuti est; 1.

  A008002039 

 Unde factum est dum oraret, in contemplatione complacentiæ et benevolentiæ, de quibus in libro de Amore Dei..

  A008002047 

 Oh! que ne puis-je vous dépeindre au vif par mes paroles cette glorieuse Transfiguration! Assurément, vous voudriez avec Pierre, établir votre demeure [sur le Thabor]; mais du moins nous en esquisserons quelque chose, afin surtout que vous entendiez le Fils, c'est-à-dire, afin que vous observiez ses préceptes..

  A008002048 

 La gloire qui nous est préparée est ineffable.

  A008002048 

 Mais comme il est écrit: Que l'œil n'a point vu, que l'oreille n'a point entendu, que le cœur de l'homme n'a point conçu ce que Dieu a préparé a ceux qui l'aiment.

  A008002049 

 Notre Evangile est comme une mappemonde où le Royaume des cieux ou l'autre monde nous est indiqué par certains points et certaines lignes.

  A008002050 

 Selon Boèce, la béatitude «est cet état que rend parfait la réunion de tous les biens.» Mais d'après saint Augustin, «l'homme heureux est celui qui possède tout ce qu'il veut et qui ne veut rien de mauvais.» La béatitude essentielle est dans l'intelligence qui jouit du beau et dans la volonté qui jouit du bien..

  A008002050 

 Voir la face de Dieu est le fondement de toute béatitude.

  A008002051 

 Cette béatitude est donc bornée par les limites de la capacité de celui qui en jouit.

  A008002051 

 Mais, prise d'une manière relative, elle s'applique aussi à nous; la béatitude est alors «l'état que rend parfait la réunion de tous les biens» qui nous conviennent.

  A008002052 

 Cette gloire est appelée image, parce qu'elle ne peut être pleinement comprise à cause de son infinité.

  A008002052 

 Face à face; nous voyons maintenant comme par un miroir, etc.; nous le verrons tel qu'il est.

  A008002052 

 Je serai rassasié lorsque votre gloire m'aura apparu; l'hébreu, d'après Génébrard, porte: à l'éveil de votre image, c'est-à-dire, lorsque brillera votre gloire qui aujourd'hui est assoupie, cachée.

  A008002052 

 Nous ne voyons pas le visage de l'homme qui dort, parce que nous ne voyons pas le visage de ce [278] visage, c'est-à-dire les yeux.

  A008002052 

 Rien de ce qui est moins que Dieu ne peut remplir une âme capable de posséder Dieu..

  A008002053 

 C'est pourquoi Jésus fut transfiguré pendant qu'il priait, en cette contemplation de complaisance et de bienveillance dont nous avons parlé dans le livre de l'Amour de Dieu..

  A008002068 

 Ad verba illa, Principium qui et loquor vobis, [280] Grece principium est in accusativo: τήν άρχήν, tin archin; Ego sum qui loquor vobis principium, id est, Deum et Creatorem vestrum.

  A008002068 

 Sensus litteralis Evangelii est: me, verum Messiam, negligitis; ego vado ad Patrem per mortem, et tunc, id est, post mortem, quæretis alium Messiam et non invenietis me; et ideo, in peccato vestro moriemini.

  A008002069 

 Nunquid voluntatis meæ est mors impii, dicit Dominus, et non magis ut convertatur et vivat? Convertimini, et agite pœnitentiam ab omnibus iniquitatibus vestris, et non erit vobis in ruinam iniquitas.

  A008002070 

 Baruch, 3: Quid est, Israel, quod in terra inimicorum es? Inveterasti in terra aliena, coinquinatus es cum mortuis, id est, [281] inter mortuos vixisti; deputatus es cum descendentibus in infernum.

  A008002070 

 Super omnia opera ejus, non tua; at peccatum opus est tuum, non suum, propterea illud irremissibiliter vult deleri.

  A008002070 

 Super, id est, in omnibus; etiam in inferno, ubi punit citra condignum.

  A008002070 

 Tripliciter intelligitur: [1.] superexcellunt omnia opera; nam opus misericordiæ Incarnatio, quæ cum omnibus inde sequentibus est superexcellens omnibus operibus ejus.

  A008002071 

 Quo ego vado vos non potestis venire, id est: Ego vado ad Patrem per viam asperam et pœnitentiam redemptivam ( quæ non rapui tunc exolvebam ); et vos non potestis venire, id est, vos non vultis, quia de deorsum estis et de mundo.

  A008002072 

 1 a est falsa pœnitentia, similis enim est falsa veræ: Melas et Cyphissus; Stix undas habet similes reliquis; cometa et planeta; cigue et persil; miel d'Hæraclee et autre miel, l'aconit.

  A008002072 

 Non est ex toto corde: Convertimini ad me in toto corde.

  A008002083 

 Dans ce texte: Le principe, c'est moi qui vous l'annonce, la version grecque met le mot principe à l'accusatif: [280] τήν άρχήν tin archin: C'est moi qui vous annonce le principe, c'est-à-dire Dieu votre Créateur.

  A008002083 

 Le sens littéral de l'Evangile est celui-ci: vous me laissez de côté, moi qui suis le vrai Messie.

  A008002083 

 Par la mort, je vais à mon Père; et alors, c'est-à-dire après ma mort, vous chercherez un autre Messie et vous ne me trouverez pas; et partant, vous mourrez dans votre péché.

  A008002084 

 Dieu oubliera-t-il d'avoir pitié, ou contiendra-t-il dans sa colère ses miséricordes? L'olivier est toujours verdoyant au milieu du déluge..

  A008002084 

 Est-ce que je veux la mort de l'impie, dit le Seigneur, et non plutôt qu'il se convertisse et qu'il vive? Convertissez-vous et faites pénitence de toutes vos iniquités, et l'iniquité ne causera pas votre ruine.

  A008002085 

 D'où vient, Israël, que tu habites dans la terre de tes ennemis? Tu as vieilli dans une terre étrangère, tu t'es souillé avec les morts, c'est-à-dire tu [281] as vécu parmi les morts; tu es devenu semblable a ceux qui descendent en enfer.

  A008002085 

 Elles sont sur, c'est-à-dire en toutes ses œuvres, même dans les tourments de l'enfer qui n'égalent pas la malice du péché.

  A008002085 

 On peut entendre ces paroles de trois manières: [1.] elles surpassent en excellence toutes ses œuvres; car l'Incarnation est une œuvre de cette miséricorde, or ce mystère et ses résultats surpassent toutes les autres oeuvres de Dieu.

  A008002085 

 Sur toutes ses œuvres, non sur les vôtres; et comme le péché est votre œuvre et non la sienne, Dieu en réclame sans merci l'expiation.

  A008002086 

 Là où je vais, vous ne pouvez venir, c'est-à-dire: Je vais a mon Père par une voie dure et par une pénitence rédemptrice ( ce que je n'ai pas pris, je l'ai pourtant payé ); et vous ne pouvez venir, c'est-à-dire vous ne voulez pas, parce que vous êtes d'en-bas et du monde.

  A008002087 

 La première est la fausse pénitence, car la fausse pénitence ressemble à la vraie: Mêlas et Céphisse; les eaux du Styx sont semblables à celles des autres fleuves; comète et planète... Cette pénitence n'est pas de tout cœur: Convertissez-vous a moi de tout votre cœur.

  A008002088 

 La deuxième cause est une fausse crainte des rigueurs de la pénitence.

  A008002088 

 Qu'en savez-vous? Pourquoi parler mal d'un lieu qui vous est inconnu?.

  A008002089 

 La troisième cause est une trompeuse espérance de vivre et de faire pénitence à la fin de sa vie... «Vivez bien, afin de ne pas mourir mal;» saint Augustin, sermon XXIV sur les Paroles du Seigneur.

  A008002101 

 Cathedram hic authoritatem docendi significare clarum est, et super cathedram sedere est munus docendi habere.

  A008002101 

 Ut super cathedram aut thronum David sedere est authoritatem regiam habere; in cathedra pestilentiæ, id est, irrisionis, est hæresim et falsam [284] doctrinam promulgandi sibi munus arrogare.

  A008002102 

 At nunc cathedra est Apostolica; in qua quoad munus docendi ordinarium sedent Episcopi, quoad munus extraordinarium omnes concionatores.

  A008002102 

 Et hæc cathedra dicitur Apostolica quia doctrina et authoritas Apostolis data est in Monte Syon die Pentecostes.

  A008002102 

 Moysi autem dicitur cathedra, quia doctrina Legis, sive potius Lex ipsa, data est in manu Moysi, in Monte Sinai, et ipse sacerdos sacerdotium in Aarone instituit jussu Domini.

  A008002103 

 Et ita est, quicquid aliter interpretetur doctissimus et utilissimus Barradas..

  A008002104 

 Quando autem ex cathedra docere dicatur, utrum in Concilio tantum Generali an vero etiam aliter, quæstionis est quam enodare neque possum ob temporis brevitatem, neque volo quia inutilis est; cum et nos Catholici satis audiamus Papam, etiam sine Concilio, et hæretici neque Papam neque Concilium audire velint..

  A008002105 

 Hoc autem a seipso non dixit, sed cum esset Pontifex anni illius, prophetavit; Jo. II. Unde Scribæ et Pharisei in cathedra Moysi, id est, authoritate Moysis cathedras, docentes, non errant.

  A008002106 

 Nota antea dixisse: Episcopum domui suæ bene præpositum, at hic domum Dei Ecclesiam dicit; ergo illi bene præpositus est Deus, ut eam recte regat.

  A008002106 

 Videlocum: Hæc tibi scribo, sperans me ad te venire cito; si autem tardavero, ut scias quomodo opporteat te in clomo Dei conversari, quæ est Ecclesia Dei vivi, columna et firmamentum veritatis.

  A008002106 

 [Cap.] 16: Portæ inferi non prævalebunt adversus eam; portarum porro inferi pessima est apostasia.

  A008002109 

 2: Angelus enim Domini exercituum est.

  A008002120 

 De même, être assis sur le siège ou le trône de David, c'est exercer le pouvoir royal; s'asseoir dans la chaire de pestilence, c'est-à-dire de moquerie, c'est s'arroger la mission de [284] promulguer une hérésie et une fausse doctrine.

  A008002120 

 Il est évident que le mot chaire signifie ici l'autorité d'enseigner, et s'asseoir dans la chaire, avoir mission d'enseigner.

  A008002121 

 Cette chaire est appelée chaire de Moïse, parce que la doctrine contenue dans la Loi ou plutôt la Loi elle-même a été donnée à Moïse sur le Sinaï, et, prêtre lui-même, il a, par l'ordre du Seigneur, institué le sacerdoce lévitique dans la personne d'Aaron.

  A008002121 

 Elle est nommée aussi Chaire de Pierre, parce que Pierre était chef des Apôtres, comme ses successeurs le sont des Evêques, «afin qu'un chef étant établi, toute occasion de schisme fût ôtée.» Ainsi la Loi ancienne n'avait qu'un seul grand Prêtre, et aux Israélites, toutes choses arrivaient en figures..

  A008002121 

 Et cette chaire est appelée Apostolique parce que la doctrine et l'autorité ont été conférées aux Apôtres sur le mont Sion, au jour de la Pentecôte.

  A008002121 

 Mais aujourd'hui cette chaire est la chaire Apostolique, dans laquelle les Evêques ont mission ordinaire de s'asseoir, et les prédicateurs, mission extraordinaire.

  A008002122 

 Et c'est le vrai sens, quelqu'autre interprétation qu'en donne le très docte Barradas, si utile à consulter..

  A008002122 

 Le mot donc désigne par conséquent une cause, c'est comme si le Christ avait dit, parce qu'ils siègent dans cette chaire.

  A008002123 

 Mais quand peut-on dire qu'il enseigne ex cathedra? Est-ce lorsqu'il parle dans un Concile général seulement, ou encore en d'autres cas? C'est une question que je ne puis résoudre faute de temps, et que je ne veux pas résoudre parce qu'elle est hors de propos.

  A008002123 

 Telle est la cause de l'infaillibilité de l'Eglise: le Pape, lorsqu'il enseigne ex cathedra, ne peut pas se tromper.

  A008002124 

 Ainsi donc les Scribes et les Pharisiens ne se trompent pas quand ils enseignent dans la chaire de Moïse, c'est-à-dire par son autorité.

  A008002124 

 Caïphe, en effet, [286] le plus méchant des hommes, porta un jugement très sacré: Il est avantageux, qu'un seul homme meure pour le peuple, afin que toute la nation ne périsse pas.

  A008002125 

 Aussi est-il dit dans les Actes: Il a paru bon à l'Esprit-Saint et à nous; ce qui indique que l'Esprit-Saint était le Chef invisible de tout le Concile.

  A008002125 

 Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle; or, par les portes de l'enfer est signifiée la pire des apostasies.

  A008002125 

 Notons que saint Paul avait dit auparavant: Que l'Evêque gouverne bien sa maison; or ici, il appelle l'Eglise, maison de Dieu; Dieu est donc préposé sur sa propre maison qui est l'Eglise, afin de la bien gouverner.

  A008002125 

 Voir ce passage: Je t'écris ces choses, quoique j'espère aller bientôt te voir, afin que si je tarde, tu saches comment tu dois te conduire dans la maison de Dieu, qui est l'Eglise du Dieu vivant, la colonne et le firmament de la vérité.

  A008002126 

 L'infaillibilité est nécessaire; car quel est le royaume où les procès n'aient jamais de fin, où il n'y ait aucun parlement, où nul jugement ne se rende?.

  A008002127 

 Grande donc est la dignité du sacerdoce! Que disent les hommes du Fils de l'homme («Vous qui n'êtes pas des hommes, mais des dieux»)? Qui vous écoute m'écoute.

  A008002127 

 Si quelqu'un s'enorgueillit, ne voulant pas obéir, etc. Car c'est l'Ange du Seigneur des armées.

  A008002144 

 17: Conversantibus in Galilea dixit illis Jesus: Filius hominis tradendus est in manus hominum, etc.; et contristati sunt vehementer.

  A008002146 

 Importune sane, at ambitio cæca est..

  A008002147 

 Semper quod petimus nihil est..

  A008002147 

 Simia humilitatis est ambitio; at simia semper simia, l'humilite est sans prætention.

  A008002148 

 Vide verbo superbia: chamæleon, semper hianti est ore, quia vento pascitur.

  A008002149 

 Calicem quidem, etc. Non est meum dare vobis.

  A008002149 

 Est meum dare sed non vobis: 1.

  A008002149 

 Est meum, sed non nunc cum pugnandum potius [294] est; Ambrosius.

  A008002149 

 Non est meum ut homo, est meum ut Deus; Augustinus.

  A008002149 

 ambitiosis; sed quibus paratum est.

  A008002157 

 Etrange rusticité et importunité de l'ambition! Le Seigneur méditait sa croix et sa mort, et voici que cette femme accourt, préoccupée de l'idée de la gloire et des honneurs: Un récit inopportun est comme une musique pendant le deuil..

  A008002158 

 Et comme nous parlons sans cesse de ce que nous désirons le plus, car la main indique la partie qui souffre, la langue indique l'amour [dont on est animé], ainsi le Christ parle continuellement de sa Passion.

  A008002159 

 Aussi, d'une part, le Christ est-il toujours appelé crucifié, et de l'autre, nous, prédicateurs, répétons constamment: J'ai estimé ne rien savoir que Jésus.

  A008002159 

 C'est Jésus de Nazareth que vous cherchez.

  A008002159 

 Convaincue de ces vérités, l'Eglise réveille très fréquemment chaque jour le souvenir de la Passion du Seigneur, dans les temples, sur les routes, partout; et c'est pour cela que nous portons des croix au cou (Macrine et Vestiane), que nous honorons chaque vendredi.

  A008002159 

 Mais nous ne comprenons rien a ces choses, ou si nous en avons quelque intelligence, c'est seulement à la surface et non pas dans l'intime du cœur: nous sommes comme ceux qui comprennent sans comprendre.

  A008002159 

 Tes lèvres sont comme une bandelette [292] d'écarlate, et ta parole est douce.

  A008002160 

 Le moment était certainement inopportun, mais l'ambition est aveugle..

  A008002161 

 L'ambition est le singe de l'humilité; mais le singe est toujours singe, l'humilité est sans prétention... L'adorant et lui demandant.

  A008002162 

 Le crocodile est un animal à la fois terrestre et aquatique, il pond sur la terre et chasse dans les eaux; tels sont les courtisans d'Eglise.

  A008002163 

 Ce n'est pas à moi comme homme, c'est à moi comme Dieu; saint Augustin.

  A008002163 

 Je le puis, mais il n'en est pas temps maintenant où il s'agit plutôt de combattre; [294] saint Ambroise.

  A008002163 

 [ Vous boirez ] en effet mon calice, etc. Ce n'est pas à moi de vous l'accorder.

  A008002174 

 10 (omnino videnda est historia), circumspiciens Jesus, ait discipulis suis: Quam difficile qui pecunias habent in Regnum Dei introibunt! Discipuli autem obstupescebant in verbis ejus; at Jesus rursus respondens, ait illis: Filioli, quam difficile est confidentes in [296] pecuniis in Regnum Dei introire! Facilius est per foramen, etc. Qui magis admirabantur, dicentes ad semetipsos: Quis potest salvus fieri? Et intuens illos Tesus, ait: Apud homines, etc. Sic ego hodie videns Evangelium: O quam difficile est, etc. Verum ut ordine procedam, quatuor sunt genera divitum bonorum et malorum.

  A008002174 

 Et hæresis est Pauperum de Lugduno, Apostolicorum, Manicheorum et Juliani Apostatæ..

  A008002182 

 Beatus vir dives qui inventus est sine macula et qui post aurum non abiit, nec speravit in pecuniæ thesauris.

  A008002182 

 Quis est hic et laudabimus eum? Avaro tam deest quod habet quam quod non habet..

  A008002192 

 Lorsque la terre est couverte de brouillards, il est difficile de distinguer les agréments ou la laideur d'un site, de dire: là est le jardin, là est le fumier.

  A008002193 

 Le Seigneur voyant un jeune homme triste (il faut revoir toute cette histoire), Jésus regardant autour de lui, dit à ses disciples: Qu'il est difficile a ceux qui ont des richesses d'entrer dans le Royaume de Dieu! Or, ses disciples étaient tout étonnés de ses paroles; mais Jésus répondant de nouveau leur dit: Mes petits enfants, qu'il est difficile à ceux qui se confient dans les richesses [296] d'entrer dans le Royaume de Dieu! Il est plus facile [à un chameau de passer] par le trou d'une aiguille, etc. Ils demeuraient encore plus étonnés, se disant l'un a l'autre: Qui donc peut être sauvé? Et Jésus les regardant, dit: Aux hommes, etc. De même, aujourd'hui en lisant l'Evangile [je m'écrie]: Oh! qu'il est difficile, etc. Mais procédons par ordre: il y a quatre sortes de bons et de mauvais riches.

  A008002195 

 Ainsi en est-il de bon nombre de pères qui vont au feu de l'enfer par suite d un amour mal entendu envers leurs fils, pour lesquels néanmoins ils ne voudraient pas toucher à l'eau de la pauvreté ou des dépenses; ils ne [297] dépenseraient rien pour les élever dans les lettres et les bonnes mœurs.

  A008002196 

 Ainsi ces hommes de richesses ont dormi leur sommeil; ils dépouillent celui-ci de ses biens, ils dévorent celui-là, etc... Et: Malheur a vous qui joignez maison à maison et qui ajoutez champ à champ jusqu'à ce que le lieu vous manque; est-ce que vous habiterez seuls au milieu de la terre?.

  A008002197 

 C'est pourquoi Isaac bénissant Jacob lui dit: Que le Seigneur te donne la rosée du ciel et la graisse de la terre, l'abondance de froment et de vin, etc. Ainsi Job: Le Seigneur m'a donné, etc..

  A008002199 

 Ceux qui acquièrent justement, il est vrai, mais avec trop de cupidité.

  A008002201 

 Qui est celui-ci et nous le louerons? L'avare est aussi pauvre de ce qu'il a que de ce qu'il n'a pas..

  A008002217 

 Isaiæ, 5: Vinea facta est dilecto in cornu filio olei; sepivit eam et ædificavit turrim in medio ejus, et torcular extruxit in ea..

  A008002217 

 Psal. 79: Vineam de Ægipto transtulisti; ejecisti gentes et plantasti eam. Nimirum, [301] more vinitorum, vepres spinasque abstulit, id est, Madianitas, Jebusæos, Phæreseos, Cananæos, ut in terra promissionis populum suum collocaret et tanquam vineam plantaret.

  A008002218 

 Ergo tandem, sepes [302] professio, vinculum, publica authoritas et communis regula fidei est; quam dissipare conantur hæretici.

  A008002218 

 Protectio Dei etiam est sepes, vel potius, sepis ligatura et robur.

  A008002218 

 Sepes fides est, et robur sive fortitudo invincibilis fidei, de qua Apostolus: Sancti per fidem vicerunt regna, fortes facti sunt in bello, castra verterunt exterorum.

  A008002218 

 Ubi non est sepes diripietur possessio; Ecclesiastici, 36, v. 27.

  A008002219 

 Statura tua assimilata est palmæ et ubera tua botris.

  A008002219 

 Torcular fidelium est charitas, ad quam spectant sacrificia, oblationes, devotio; nam, charitas Christi urget nos.

  A008002221 

 Vinitores Sinagogæ occiderunt Prophetas quos Dominus mittebat [303] (ut videre est apud Baradam, [ Comment.

  A008002223 

 En perit Iscariotes, ex tribu Isachar (vel a sechar, quod est, Syriace, marsupium), et ecce Petrus exurgens in medio fratrum: Episcopatum.

  A008002223 

 [2 o.] Notate agricolas quibus locata est vinea non mutari, sed eosdem usque ad finem perseverare; nimirum, non sunt iidem persona, sed successione: successio Ecclesiastica.

  A008002234 

 Dans cette parabole, le Seigneur montre qu'il est Fils de Dieu, héritier de toutes choses, que les Scribes, les Pharisiens et les Prêtres le crucifieront et que le Royaume de Dieu leur sera enlevé.

  A008002235 

 C'est-à-dire que, semblable aux vignerons, le Seigneur a arraché les ronces et les épines, les Madianites, les Jébuséens, les Phéréséens, les Chananéens, afin d'établir son peuple dans la terre promise et de l'y implanter comme une vigne.

  A008002236 

 C'est la foi, en effet, qui distingue le peuple fidèle de tous les autres (les hérétiques, les catéchumènes, les schismatiques sont hors de l'Eglise), tant que la foi règne, les hommes sont considérés comme faisant partie de la vigne; et bien que les excommuniés et les schismatiques soient rejetés, on ne les rejette que pour les engager à rentrer, mais les hérétiques se sont jugés eux-mêmes.

  A008002236 

 Ce lien, cette règle ce n'est pas tant la foi en elle-même que les dogmes de foi..

  A008002236 

 La haie, c'est aussi la protection de Dieu, ou plutôt cette protection est le lien qui fait la force de la haie.

  A008002237 

 Le pressoir des fidèles est la charité, à laquelle se rapportent les sacrifices, les oblations, la dévotion, car la charité du Christ nous presse.

  A008002237 

 Ta taille est semblable a un palmier et tes mamelles a des grappes de raisin.

  A008002238 

 Cette tour est l'espérance qui du haut des prophéties voit venir le Christ, et alors, comme du sommet d'une montagne, nous respirons l'odeur des parfums et nous sentons notre proie, le Christ.

  A008002238 

 Ton nez est comme la tour du Liban, qui regarde contre Damas..

  A008002239 

 Les vignerons ou les agriculteurs sont, dans la Synagogue, les prêtres, et, dans l'Eglise, les prélats; et ceci est évident.

  A008002241 

 Iscariote périt: il est de la tribu d'Issachar (ou bien son nom dériverait de sechar, mot qui signifie en syriaque, bourse), et voilà que Pierre se levant au [304] milieu des frères: [ Qu'un autre reçoive ] son épiscopat.

  A008002241 

 [2.] Remarquez que les agriculteurs auxquels est louée la vigne ne changent pas, mais demeurent les mêmes jusqu'à la fin; ils sont les mêmes, non en personne sans doute, mais par la succession: succession ecclésiastique.

  A008002259 

 Charitas et bonitas, quæ exprimitur per modum amoris, attribuitur Spiritui Sancto; et propterea peccatum malitiæ est contra Spiritum Sanctum..

  A008002261 

 2: Vir non est seductus; mulier seducta in prævaricatione fuit.

  A008002261 

 Adam non est seductus.

  A008002261 

 Cor. II. v. 3: Timeo autem, ne sicut serpens seduxit Evam astutia sua, ita corrumpantur sensus vestri, et excidant a simplicitate quæ est in Christo.

  A008002261 

 Eva seducta est; I. ad Tim.

  A008002263 

 invidens fraternæ gratiæ, et cum Dominus quæreret: [308] Ubi est frater tuus? 3 o.

  A008002266 

 Dicuntur autem peccata alia ex infirmitate, alia ex malitia, alia ex ignorantia, non quia in omnibus peccatis non intercedat ignorantia aliqua, id est, inconsideratio (juxta illud Aristotelis: «Omnis peccator ignorans»), et etiam malitia, alioquin non esset peccatum (nam est de essentia [309] peccati ut intercedat aliqua malitia, saltem in causa, et debet esse culpa in ignorantia, seu ignorantia culpabilis), et etiam infirmitas passionis alicujus, vel præteritæ vel præsentis.

  A008002267 

 Sed inter omnia peccata in Spiritum Sanctum illud est de quo Salvator in Evangelio, quo videlicet opera Spiritus Sancti per blasphemiam tribuuntur diabolo.

  A008002268 

 Conversio peccatoris est semper opus magnum, sed non dicitur miraculum nisi quando fit modo raro et exquisito.

  A008002268 

 Hinc, dicere possumus: impossibile est inter homines, etiam ratione gratiæ ordinariæ, non apud Deum.

  A008002278 

 La charité et la bonté, qui s'expriment par voie d'amour, sont attribuées à l'Esprit-Saint, et pour ce motif le péché de malice est un péché contre le Saint-Esprit..

  A008002278 

 La sagesse, dont la parole est l'expression, est attribuée au Fils; aussi nomme-t-on le péché d'ignorance péché contre le Fils.

  A008002278 

 Par ressemblance.] La puissance, en tant que vertu de principe, s'attribue au Père; c'est pour cela qu'un péché de faiblesse est appelé péché contre le Père.

  A008002279 

 Aussi, pour démontrer qu'il n'en est pas de même en Dieu, les théologiens attribuent au Père la puissance, au Fils la sagesse, à l'Esprit-Saint la bonté.

  A008002280 

 C'est précisément ce qui arrive à la plupart des hérétiques..

  A008002280 

 Saint Paul aux Corinthiens: Mais je crains que de même que le serpent séduisit Eve par ses artifices, ainsi vos esprits se corrompent, et dégénèrent de la simplicité qui est dans le Christ... Le serpent m'a trompée, et j'ai mangé.

  A008002282 

 fut jaloux de la bienveillance dont jouissait son frère, et quand le Seigneur lui demanda: Où est ton [308] frère? 3.

  A008002284 

 Saint Paul pécha par ignorance: C'est pourquoi j'ai obtenu miséricorde parce que j'ai agi par ignorance; saint Pierre pécha par faiblesse; Judas, par malice.

  A008002285 

 Quoiqu'on distingue les péchés de faiblesse de ceux de malice ou d ignorance, ce n'est pas qu'il n'y ait en tout péché quelque ignorance, c est-à-dire quelque inconsidération (d'après ce mot d'Aristote: «Tout pécheur est ignorant»), et aussi quelque malice, sinon il n'y aurait pas de péché (car [309] il est de l'essence même du péché que la malice intervienne au moins dans la cause, et il doit y avoir quelque culpabilité dans l'ignorance pour qu'elle soit imputée à péché).

  A008002286 

 Tel est celui des hérétiques de notre temps.

  A008002287 

 C'est ainsi que nous pouvons la déclarer impossible aux hommes, même au moyen de la grâce ordinaire, mais non pas impossible à Dieu.

  A008002287 

 La conversion du pécheur est toujours une grande œuvre, mais on ne l'appelle miracle que si elle est opérée d'une manière merveilleuse et non commune.

  A008002299 

 Christus cum esset in Nazareth, intravit in sinagogam, et lecto Libro Isaiæ docebat eos, ita ut omnes mirarentur et darent illi testimonium; sed tamen sine utilitate, dicebant enim: Nonne hic est filius fabri? nonne hic est faber? Unde huic sapientia? etc. Et ipse videns eos colloquentes, sciensque quid dicerent, ait: Utique dicetis mihi, etc. Et concludit Marcus: Et non poterat ibi virtutem ullam facere, nisi quod [311] paucos infirmos impositis manibus curavit; et mirabatur propter incredulitatem eorum.

  A008002301 

 Ac quidem auxilium suum Deus semper Israeli porrexit; at Israel neglexit, et illud est quod ait: Perditio tua ex te, Israel; nam ideo perditio tua ex te, quia neglexisti auxilium quod est ex me..

  A008002301 

 Duo maxime in Scriptura inculcat Deus, et semper docuit in Ecclesia: primum est, perditionem nostram ex nobis esse; secundum, salutem nostram ex Deo tantum esse.

  A008002302 

 Baruc, 3: Quid est tibi, Israel, quia in terra inimicorum es? Hierem.

  A008002302 

 v. 22: Nunquid non est resina [312] in Galaad, aut medicus non est ibi? Quare ergo non est obducta cicatrix populi mei? Ezech.

  A008002303 

 V. 12, [13.] Mirabatur porro Dominus, id est, mirandam rem nobis ostendebat: homines tot virtutibus visis, qui ei maxime benigni esse deberent, quos ipse multis auxiliis cumulasset, non converti.

  A008002313 

 Un jour que le Christ était à Nazareth, il entra dans la synagogue et, après la lecture du Livre d'Isaïe, il instruisit le peuple, de sorte que tous étaient dans l'admiration et lui rendaient témoignage; inutilement toutefois, car ils disaient: N'est-ce pas là le fils du charpentier? n'est-ce pas la le charpentier? D'où lui vient cette sagesse? etc. Lui, qui les voyait s'entretenir ensemble, savait ce qu'ils disaient et leur répondit: Vous m'appliquerez sans doute, etc. Et saint Marc conclut: Il ne pouvait faire la aucun miracle, si ce n'est qu'il guérit quelques [311] malades en leur imposant les mains; et il s'étonnait de leur incrédulité.

  A008002314 

 En effet, Dieu offrit toujours son secours à Israël, mais Israël ne s'en prévalut pas, et c'est pourquoi Dieu dit: Ta perte vient de toi, Israël, tu es cause de ta perte parce que tu négliges le secours que je te présente..

  A008002314 

 Il est dans l'Ecriture deux vérités que Dieu veut surtout nous inculquer et qu'il nous enseigna toujours dans l'Eglise: la première est que si nous nous perdons, c'est par notre faute; la seconde, que nous ne devons notre salut qu'à Dieu.

  A008002314 

 Osée expose cette double vérité en ces termes mêmes: Ta perte vient de toi, Israël, c'est en moi seul qu'est ton secours.

  A008002315 

 C'est à vous qu'il a fallu premièrement annoncer la parole de Dieu, il est vrai; mais puisque vous la rejetez et que vous vous jugez indignes de la vie éternelle, voilà que nous nous tournons vers les Gentils..

  A008002315 

 Ne dis pas: C'est lui qui m'a trompé; car les hommes impies ne lui sont pas nécessaires.

  A008002315 

 Ne dis pas: Dieu est cause que [ la sagesse ] est loin de moi, car il dépend de toi de ne pas faire ce qu'il hait.

  A008002316 

 Dieu donc ne repousse personne s'il n'en est repoussé, il n'abandonne personne s'il n'en est abandonné, il ne rejette personne s'il n'en est rejeté.

  A008002317 

 Saint Marc dit cependant: Il ne pouvait faire aucun miracle à cause de leur incrédulité, c'est-à-dire qu' il ne le pouvait pas parce que leur incrédulité y [313] mettait obstacle; ce n'eût été ni équitable, ni juste, dans les conditions ordinaires.

  A008002330 

 Tibi et coram te idem, et unum explicatio est alterius.

  A008002332 

 C'est la maistresse roüe de cet horologe, le gouvernail de ce vaisseau, le nord de cette navigation; [315] quia causa finalis est correctionis, a fine autem artifex omnes sumit mensuras..

  A008002333 

 Etsi enim Petrus vix etiam venialiter in eo peccavit, tamen reprehensus fuit a Paulo, propter gravitatem consequentiæ; «ut qui primus erat in dignitate, primus esset in humilitate.» «Non sentire bonos eadem de rebus iisdem incolumi licuit semper amicitia.» Qui autem corrigit debet esse justus, id est, irreprehensibilis; ne dicatur illi: Medice, cura teipsum.

  A008002334 

 Neque vero satis est esse peccata mortalia, sed debent esse corrigibilia, [316] id est, sperare debemus ea posse per reprehensionem corrigi; nam, si frater adeo perditus est ut nolit corrigi, relinquendus est.

  A008002335 

 Cum autem peccata venialia sunt valde periculosa vel nimis frequentia, illisque nimis addictus est frater, possumus eum corripere, non tamen tenemur.

  A008002336 

 Formalis, id est, forma corrigendi, est: 1°.

  A008002337 

 Oleum peccatoris, [317] semen, ros, id est, oleum veneni, Hebraice.

  A008002338 

 Qui hominem corripit dum est iratus, c'est vouloir mettre un'escluse a un torrent deborde; il faut attendre que les eaux soyent basses.

  A008002340 

 O mira charitatis ars! Benigna est, patiens est.

  A008002349 

 Le précepte de toute correction fraternelle est résumé dans ces derniers mots: S'il t'écoute, tu auras gagné ton frère.

  A008002350 

 Car la cause finale de la correction est de gagner son frère; or, c'est d'après la fin qu'il se propose que l'ouvrier prend toutes ses mesures..

  A008002351 

 C'est ainsi que saint Paul a repris saint Pierre: Céphas étant venu à Antioche, je lui résistai en face, parce qu'il était répréhensible; car bien que saint Pierre eût à peine commis un péché véniel en cette occasion, néanmoins saint Paul le reprit à cause des graves conséquences que pouvait avoir sa faute, «et pour que le premier en dignité fût aussi le premier en humilité,» «La différence d'opinions sur une même chose n'a jamais nui à l'amitié entre honnêtes gens.» Mais celui qui corrige doit être juste, c'est-à-dire irrépréhensible; sinon, on pourrait lui répondre: Médecin, guéris-toi toi-même.

  A008002351 

 De cette cause finale dérive la cause efficiente: tout homme sans exception est tenu à faire la correction, même l'inférieur à l'égard de son supérieur.

  A008002352 

 Et il ne suffit pas que les péchés soient mortels, il faut qu'il soit possible de les corriger, c'est-à-dire que nous puissions espérer que notre correction produira l'amendement [de celui que nous reprenons].

  A008002352 

 La cause matérielle, [ou la matière de la correction fraternelle,] c'est le péché mortel, car c'est par ce péché seulement que notre frère se perd: le médecin ne donne pas de remède pour le moindre malaise, pour la piqûre d'un moucheron.

  A008002352 

 Si, en effet, ce frère est tellement corrompu qu'il ne veuille se corriger, il mérite d'être abandonné, comme le Christ Notre-Seigneur abandonna hier les habitants de Nazareth, comme il abandonne les aveugles et les conducteurs d'aveugles, et Judas..

  A008002354 

 Quant à la cause formelle, c'est-à-dire la correction en elle-même, 1.

  A008002355 

 Dans l'Arche se trouvaient les tables de la Loi, la verge, la manne; en reprenant le prochain on doit avoir la Loi, c'est-à-dire être juste, la manne douce comme le miel, et la verge de la correction.

  A008002355 

 Faire la réprimande avec compassion: Qui est infirme sans que je sois infirme? qui est scandalisé sans que je brûle? Je me suis fait tout à tous, avec une affection maternelle.

  A008002355 

 L'huile du [317] pécheur, semence, rosée, c'est-à-dire huile empoisonnée, selon l'hébreu... Il faut verser de l'huile et du vin sur la plaie.

  A008002355 

 Mes frères, si un homme est tombé par surprise en quelque faute, vous qui êtes spirituels, instruisez-le en esprit de douceur, chacun de vous se considérant soi-même, de peur qu'il ne soit aussi tenté.

  A008002355 

 Recevez celui qui est faible dans la foi.

  A008002356 

 Corriger un homme en colère, c'est vouloir mettre une écluse à un torrent débordé; il faut attendre que les eaux soient basses... Toutes choses ont leur temps..

  A008002358 

 Industrie admirable de la charité! Elle est douce, elle est patiente.

  A008002372 

 Tota doctrina Christiana primo et per se Traditio est.

  A008002374 

 3: mulier cujus est infans, id est, doctrina Christiana, non vult dividi.

  A008002374 

 Nam pars revera optima et maxime necessaria doctrinæ pars scripta tandem esse, nemini dubium; pars autem non scripta, sed tantum per manus tradita est.

  A008002375 

 Ecclesia est veluti columba, habens duas alas: Scripturam et Traditionem..

  A008002375 

 Ergo Traditiones necessariæ sunt; nam velle jam Spiritu dictante haurire doctrinam, omnino insanum est et «tot sensus quot capita» haberemus.

  A008002375 

 Ergo depositum videndum, semel tradita sanctis fides sequenda, Ecclesia quæ est depositaria audienda.

  A008002377 

 Deinde, in Epistola Judas fit mentio prophetiæ Enoch, ubi Gebennenses notant: «Cette prophetie d'Henoc n'est point en la Bible, ains a este baillee de main a main par les peres aux enfans, comme plusieurs autres choses.».

  A008002378 

 5: De quo grandis nobis est sermo, ininterprætabilis ad dicendum, quia imbecilles facti estis ad audiendum.

  A008002387 

 Il montre donc par là qu'il est des traditions qui sont bonnes et ne sont nullement contraires à la Parole de Dieu.

  A008002388 

 Bien plus, il n'a pas ordonné d'écrire, si ce n'est ce qu'il voulait apprendre aux Evèques d'Asie.

  A008002388 

 C'est pour cela qu'il a appelé sa doctrine non Eugraphie mais Evangile, et qu'il a commandé de la transmettre surtout par la prédication; car il n'a jamais dit; Ecrivez l'Evangile à toute créature, mais il a dit: Prêchez..

  A008002388 

 C'est, en effet, le Christ Notre-Seigneur qui est l'auteur de la doctrine chrétienne: or, [1.] lui-même n'a rien écrit, si ce n'est quelques caractères lorsqu'il absolvait [320] la femme adultère; caractères qu'il n'a pas même voulu que nous connussions, et que, pour ce motif, il traça sur la terre.

  A008002388 

 D'abord et en elle-même toute la doctrine chrétienne est Tradition.

  A008002389 

 Leur bruit s'est répandu dans toute la terre.

  A008002390 

 Ainsi donc, d'après les paroles de saint Paul, toute la doctrine se divise en deux parties: Soit par nos discours, soit par notre Epître; car la partie de la doctrine la meilleure et la plus nécessaire, est après tout la partie écrite, personne n'en doute.

  A008002390 

 L'histoire racontée au III e Livre des Rois, chap. III, me vient présentement en mémoire: la femme à qui appartient l'enfant, c'est-à-dire la doctrine chrétienne, ne veut pas de partage.

  A008002390 

 Les sectes, au contraire, veulent toujours diviser; il en est ainsi de notre temps: Gaspard Swenfeld et les Libertins ne voulaient pas des Ecritures; les Calvinistes ne veulent pas de la Tradition.

  A008002390 

 Néanmoins [nous devons ajouter foi] à l'autre partie, qui n'est pas écrite, mais qui seulement a été transmise comme de main en main.

  A008002391 

 L'Eglise est comme la colombe: elle a deux ailes, l'Ecriture et la Tradition..

  A008002391 

 La Tradition est donc nécessaire; et l'idée de vouloir puiser la doctrine au souffle de l'Esprit-Saint est tout-à-fait insensée; on attribuerait [aux Ecritures] «autant de significations qu'il y a de têtes.» Il faut donc étudier ce dépôt, suivre les enseignements de la foi transmise une fois pour toutes aux saints, écouter l'Eglise qui en est la dépositaire.

  A008002391 

 Mais, disent-ils, les Ecritures ne suffisent-elles pas? ne sont-elles pas suffisantes et surabondantes? Assurément, je ne voudrais pas dire avec de très illustres et très doctes personnages qu'elles ne suffisent pas, Oui, elles suffisent; c'est nous qui ne suffisons pas à puiser la doctrine catholique dans les seules Ecritures, prises isolément.

  A008002395 

 Pour expliquer le sens des Ecritures; car ce qui fait les hérétiques c'est «la mauvaise interprétation des bonnes Ecritures.» [324].

  A008002407 

 Heri relicta de Traditionibus nunc breviter tradenda sunt; neque extra propositum erunt, nam inter Traditiones Ecclesiasticas illustrissima est illa de cælibatu sacerdotum, de qua omnino in introitu Evangelii tractandum etiam fuerat.

  A008002410 

 5: De quo grandis nobis est sermo, ininterprætabilis ad dicendum.

  A008002410 

 Qu'est devenue cette grande parole, ce propos si long? Nos Catholici satis scimus; nimirum de figura Christi in Sacramento altaris, de qua figura tota pene antiquitas loquitur..

  A008002414 

 At viguit etiam tempore Tertulliani, ut videre est apud eum in Apologetico (ubi pulcra observatio de infanticidio).

  A008002416 

 Habent Moysem et Prophetas, ipsos audiant: audire est quidem obedire, sed obedire loquenti; audire Moysen est audire doctores Moysis Libros interpretantes..

  A008002418 

 Est calor extraneus et contra naturam.

  A008002419 

 Sic de fide est canem Tobiæ habuisse caudam.

  A008002427 

 Nous traiterons brièvement aujourd'hui les points que nous avons omis hier concernant la Tradition, et nous ne sortirons pas de notre plan, car le célibat des prêtres est l'une des plus importantes Traditions de l'Eglise, et il nous fallait nécessairement en parler au début de notre Evangile.

  A008002429 

 Qu'est devenue cette grande parole, ce propos si long? Nous Catholiques, en sommes suffisamment instruits: Melchisédech était la figure du Christ instituant le Sacrement de l'autel, figure dont parle toute l'antiquité..

  A008002430 

 [La Tradition est encore nécessaire] pour éclaircir le sens des Ecritures.

  A008002435 

 Ils ont Moïse et les Prophètes, qu'ils les écoutent: écouter, c'est en réalité obéir, mais obéir à une personne qui parle; écouter Moïse, c'est écouter les docteurs qui interprètent les Livres de Moïse..

  A008002437 

 Ainsi, c'est de foi que le chien de Tobie avait une queue.

  A008002437 

 L'Ecriture l'emporte en ce que tout en elle est canonique, même la ponctuation.

  A008002437 

 L'erreur des Ariens en est la preuve; ils voulaient changer de place le point en ce texte: Au commencement était le [328] Verbe, et le Verbe était en Dieu, et Dieu était.

  A008002449 

 Et percussit illico Dominus Ozam super temeritate, et mortuus est ibi juxta Arcam.

  A008002449 

 Sed nimirum peccata sunt in religionem, quæ est regina omnium virtutum [331] moralium; et est constans et perpetua voluntas Deo honorem debitum, quoad fieri potest, reddendi..

  A008002451 

 Un tel porte le benefice, et l'autre l'emporte; l'un est caresme, et l'autre prenant.

  A008002453 

 Hinc: Quomodo obscuratum est aurum, mutatus est color ejus optimus, dispersi sunt lapides sanctuarii in capite omnium platearum? Filii Syon incliti, amicti auro primo, quomodo reputati sunt inter vasa testea, opus manuum figuli? Heu, quam irreverenter et vos in templis affertis boves, et oves, et columbas: cogitationes immundissimas, terrestres, ut boves et oves; et volages, ut columbas..

  A008002454 

 Zelus domus Domini ubi est? Moritur nunc fame, quia comederunt Jacob, et locum ejus desolaverunt.

  A008002462 

 Il est raconté dans le Livre des Nombres qu' un homme ramassait du bois le jour du Sabbat; sur l'ordre du Seigneur, il fut lapidé.

  A008002462 

 Le plus terrible de tout est ce qui arriva à Ananie et à Saphire.

  A008002462 

 Mais il faut se rappeler que tous ces péchés étaient opposés à la vertu de religion, cette [331] reine de toutes les vertus morales, qui consiste dans la constante et perpétuelle volonté de rendre à Dieu, autant qu'il se peut, l'honneur qui lui est dû..

  A008002462 

 Plus terrible encore est le châtiment relaté au chap. n° du IV e Livre des Rois: Elisée se rendait de Jéricho à Béthel; quarante-deux enfants furent dévorés par les ours, en punition de ce qu'ils s'étaient moqués du Prophète en l'appelant chauve.

  A008002466 

 Nous ne cherchons [332] point ce qui est à vous, mais vous-mêmes.

  A008002467 

 [On ne s'étonne plus des plaintes de Jérémie:] Comment l'or s'est-il obscurci et sa couleur éclatante a-t-elle été ternie? comment les pierres du sanctuaire ont-elles été dispersées aux coins de toutes les places? Comment les fils de Sion, qui étaient si illustres et revêtus de l'or le plus pur, ont-ils été traités comme des vases d'argile, ouvrage des mains du potier? Hélas! avec quelle irrévérence vous-mêmes apportez dans les temples des bœufs, des brebis, des colombes: des pensées immondes, terrestres, comme les bœufs et les brebis; et volages, comme les colombes..

  A008002468 

 Où est le zèle pour la maison du Seigneur? Voici qu'il meurt de faim, parce qu'ils ont dévoré Jacob et désolé sa demeure.

  A008002478 

 Ob peccata nostra propria: Peccatum peccavit [334] Hierusalem, propterea instabilis facta est.

  A008002484 

 Sed cum alii percutiuntur non judicandum est id ob peccatum evenire; ut amici Job, et uxor Tobiæ, et barbari, Act.

  A008002486 

 Deinde, de obedientia coeci et coeca, nam Christianorum obedientia debet esse coeca, quia fides non videt sed credit, et quo res est obscurior eo illis ( sic ) gratior, difficilibus delectatur.

  A008002486 

 Imo Christus, si non [336] fuisset cœcus, eum suis remediis ad tempus coecum fecisset; car la salive est mordicante et la boiie aussi, et mettes un brin de boüe dans un ceil sain, on ne le peut souffrir..

  A008002488 

 Notavi obiter illum paraliticum qui ad probaticam sanatus est, propter peccata contraxisse infirmitatem suam; unde Christus eum sanavit eo modo quo sanantur peccatores, petens scilicet ejus consensum: Vis sanus fieri? At huic minime ita loquitur, quia non ob peccata infirmus erat..

  A008002489 

 Notavi item Christum hunc progressum fecisse: scilicet vidisse, ut sol videt terram, operando; lutum obduxisse, id est, cognitionem suæ miseriæ ingessisse; Vade ad natatoriam Siloë, id est, ad natatoriam missionis.

  A008002498 

 Nos propres péchés en sont une: Jérusalem a excessivement péché, c'est [334] pourquoi elle a perdu sa stabilité.

  A008002500 

 D'autres fois, pour l'épreuve et l'exercice de la vertu, comme il est arrivé à Job et à Tobie; voir Tobie, II. Dieu frappe parfois nos moissons d'une grêle de perles.

  A008002503 

 Il faut donc alors faire pénitence; [335] ensuite imiter David: Je me suis tu et n'ai pas ouvert la bouche, parce que c'est vous qui l'avez fait; détournez de moi vos coups.

  A008002503 

 Lorsque nous sommes frappés, nous devons faire ce que firent les matelots dont il est parlé au Livre de Jonas: Venez, dirent-ils, jetons le sort, pour savoir d'où ce malheur a pu nous venir.

  A008002504 

 Mais quand les autres sont frappés, il ne faut pas juger qu'ils le sont pour leurs péchés, comme le faisaient les amis de Job, la femme de Tobie et les barbares [dont il est question] dans les Actes, chap. XXVIII. Un esclave éthiopien portait un objet recouvert d'un voile; interrogé sur ce qu'il portait: «Je ne l'aurais pas voilé,» dit-il, «si j'avais voulu vous le faire connaître.» Euclide, questionné sur la nature de Dieu et sur ce qui lui est le plus agréable, répondit: «J'ignore le reste, mais ce que je n'ignore pas, c'est qu'il hait les curieux.».

  A008002505 

 L'obéissance des Chrétiens doit être aveugle parce que la foi ne voit pas, mais elle croit, et plus son objet est obscur, plus elle s'y complaît; elle se délecte dans les vérités difficiles à comprendre.

  A008002507 

 J'ai noté en passant, que le paralytique guéri à la piscine probatique avait contracté son infirmité en punition de ses péchés; aussi le Christ le guérit-il comme il guérit les pécheurs, c'est-à-dire en lui demandant son consentement: Veux-tu être guéri? Mais il ne parle pas de la même manière à celui-ci, parce que son infirmité n'était pas la suite de ses péchés..

  A008002508 

 J'ai noté de plus la gradation suivie par le Christ: il vit d'abord l'aveugle, comme le soleil voit la terre en agissant sur elle; lui couvrit les yeux de boue, c'est-à-dire, lui fit connaître sa misère; [puis lui adressa ces paroles:] Va à la piscine de Siloé, nom qui signifie mission.

  A008002508 

 Or, quelle est la piscine de la mission sinon le Sacrement de Pénitence? En l'instituant, le Christ ne dit-il pas: Comme mon Père m'a envoyé, ainsi je vous envoie; ceux à qui vous remettrez les péchés, etc. [337].

  A008002509 

 Ce mendiant est guéri par le médecin, parce que le médecin aime les mendiants; pour nous, bien que nous soyons aveugles, comme nous ne mendions pas, nous ne sommes pas guéris par le Médecin céleste qui comble de biens les affamés et renvoie les riches les mains vides.

  A008002521 

 Naim autem, lingua Hebrea, idem est ac pulcra..

  A008002522 

 Audistis heri discipulos quærentes: Rabbi, quis peccavit, hic, aut parentes ejus? Rustica sane, et insipiens quæstio; nam quomodo infans antequam [339] nascatur potest peccare, ut coecus nascatur? At de hoc puero poterat moveri quæstio: Quis peccavit, hic, an mater ejus, ut tam cito moreretur? Et hæc est communis opinio liominum: ut mulieris Tobiæ, et Job, qui tamen dixit: Non peccavi; et Marthæ: Domine, si fuisses hic.

  A008002522 

 Raptus est ne malitia mutaret intellectum ejus, aut ne fictio deciperet animam illius.

  A008002522 

 v. [10,] 11: Placens Deo factus est dilectus, et vivens inter peccatores translatus est.

  A008002523 

 De Aman qui suspendere volebat Mardocheum, etc. Ratio est, quia plerumque fallimur; ut barbari, Act.

  A008002524 

 Nam non est temere in malam partem judicandum: Charitas non cogitat malum.

  A008002526 

 bonos malosque; ut falx bonas malasque herbas: justa est..

  A008002529 

 Sordes ejus in pedibus ejus, nec est recordata finis sui.

  A008002538 

 Naïm est une ville sise, d'après Borchard, au pied de l'Hermon, à deux lieues de Nazareth et à plus d'une lieue du mont Thabor.

  A008002539 

 Vous avez entendu hier les disciples demander: Maître, qui a péché, celui-ci ou ses parents? Question qui est évidemment grossière et impertinente, car comment un enfant aurait-il pu, avant de naître, commettre un [340] péché en punition duquel il naîtrait aveugle? Mais au sujet du jeune homme de Naïm, on pouvait soulever la question: Qui a péché, celui-ci ou sa mère, pour qu'il soit mort si prématurément? C'est une opinion commune parmi les hommes [que la mort prématurée est une punition du péché]: ainsi le croyaient, par exemple, la femme de Tobie; Job, qui dit pourtant: Je n'ai point péché; Marthe: Seigneur, si vous eussiez été ici, [etc.] Néanmoins, c'est quelquefois même par bonté que Dieu retire les hommes de ce monde: Ayant plu à Dieu, il est devenu son bien-aimé, et Dieu l'a transféré d'entre les pécheurs parmi lesquels il vivait.

  A008002540 

 Quand notre prochain est frappé, s'il s'agit d'un homme fidèle et craignant Dieu, nous ne devons jamais dire qu'il est puni pour ses péchés.

  A008002540 

 Quand nous sommes frappés, nous devons agir comme les matelots dont il est parlé dans le Livre de Jonas, I..

  A008002540 

 Rappeler l'histoire d'Aman, qui voulait faire pendre Mardochée, etc. Ce qui nous oblige à cette réserve c'est que très souvent nous nous trompons; il en fut ainsi des barbares, Actes, XXVIII. [340] 3.

  A008002541 

 Et bien que plusieurs prétendent qu'elle était coupable, néanmoins cela est peu croyable; car il arrive assez souvent que les mères perdent leur fils unique.

  A008002543 

 chez les bons et chez les méchants, comme la faulx tranche les bonnes et les mauvaises herbes: la mort est impartiale..

  A008002544 

 A cette occasion, je vous rappelle que le souvenir de la mort vous est tout-à-fait nécessaire.

  A008002546 

 C'est pourquoi le démon répète toujours: Vous ne mourrez point.

  A008002546 

 Ses souillures ont paru sur ses pieds, et elle ne s'est pas souvenue de sa fin.

  A008002555 

 Quid dicent? Quomodo cecidisti, Lucifer, qui mane oriebaris? cui dictum erat: In cælum Ecclesiæ ascendes, super astra Dei exaltabo solium tuum, sedebis in monte testamenti, ascendes super altitudinem nubium, similis eris Altissimo, id est, ejus vicarius.

  A008002555 

 Quomodo obscuratum est aurum, mutatus est color ejus optimus?.

  A008002557 

 Sane, Fratres, hoc mirabile est; sed ut rem sciatis, [344] notate dupliciter homines in peccata labi, ut et in segritudines.

  A008002557 

 Sic plerumque repentina commotione passionum fit peccatum; id autem peccatum vix durat, sanabilius est..

  A008002558 

 Stultus inconstans est: Arundinem vento agitatam; unde in Hebraica, pro stultus, inconstans est (vide Pined., 1. 7, [345] c. I. Salomonis Prævii ); modo vult modo non vult: Vult et non vult piger.

  A008002561 

 Caim pedetentim in teterrimum peccatum lapsus est.

  A008002561 

 iratus est vehementer et contabuit vultu, unde: Quare concidit vultus tuus? 4.

  A008002562 

 Otium: Factum est, vertente anno, eo tempore quo solent reges ad bella procedere (Chrisost., in Psal. II); 2.

  A008002563 

 En fin, il fit tant par ses journees, quil se perclit, si Dieu n'eut pitie de luy; dequoy on est incertain..

  A008002563 

 II: Iratus est Dominus Salomoni, quod aversa esset mens ejus a Domino Deo Israel.

  A008002568 

 54 in Cant.: « Beatus homo qui semper est pavidus.

  A008002568 

 Beatus vir qui semper est pavidus.

  A008002568 

 Timor est custos gratiæ.

  A008002569 

 Perseverantia non est unius diei.

  A008002569 

 Secundus gradus est negligentia orandi.

  A008002570 

 Tertius est vana strenuitas, quæ consistit in commotione iræ.

  A008002572 

 Post horam alius affirmabat: Vere et hic cum illo erat, nam et Galilaeus est; et accesserunt qui astabant et dixerunt Petro: Vere et tu ex illis es, nam et Galilaeus es; nam loquela tua manifestum te facit.

  A008002580 

 Comment l'or s'est-il obscurci et sa couleur éclatante a-t-elle été ternie?.

  A008002580 

 Que diront-ils? Comment es-tu tombé, Lucifer, toi qui te levais dès le matin? Celui auquel il avait été dit: Tu monteras au ciel de l'Église, j'élèverai ton trône sur les astres de Dieu, tu t'assiéras sur la montagne du testament, tu monteras sur la hauteur des nues, tu seras semblable au Très-Haut, c'est-à-dire tu seras son vicaire.

  A008002581 

 C'est ainsi que, en bien des circonstances, le péché provient du choc subit des passions; mais ce péché dure peu et se guérit plus facilement..

  A008002581 

 Ou bien par un mouvement soudain de concupiscence; c'est le cas de Judas à l'égard de Thamar, car saint Augustin, liv. XXII contre Fauste, chap. LXIV, croit que Judas et Thamar ont péché, aussi bien que Moïse (voir chap. LXX).

  A008002581 

 Par une chute subite: sous le coup de la colère, par exemple, comme il est arrivé peut-être à Moïse lorsqu'il tua l'Egyptien (si toutefois il a péché).

  A008002582 

 C'est ce que dit [le fils de] Sirach: L'homme saint demeure dans la sagesse, comme le soleil; mais l'insensé est changeant comme la lune; ce qui peut s'expliquer de deux manières.

  A008002582 

 L'insensé est inconstant: Un roseau agité par le vent; aussi dans l'hébreu, au lieu d' insensé on trouve inconstant (voir Pinéda, liv.VII, chap. I des [345] Préliminaires de l'Histoire de Salomon ); tantôt il veut, tantôt il ne veut pas: Le paresseux veut et ne veut pas. Ou bien, l'insensé change peu à peu comme la lune; il descend graduellement, et non par une chute soudaine; il en est ainsi souvent de la santé lorsqu'on méprise les moindres périls..

  A008002583 

 Il en fut de même, dans une cause moindre, d'Adam au Paradis: c'est l'opinion de saint Thomas, de saint Bonaventure et d'Alexandre de Halès..

  A008002585 

 il fut violemment irrité et son visage fut abattu, de là vient la question que Dieu lui adressa: Pourquoi ton visage est-il abattu? 4.

  A008002587 

 A l'extérieur, ils sont très ornés, mais dans leur sanctuaire, c'est un chat ou un crocodile qui est proposé à l'adoration.

  A008002591 

 Bienheureux l'homme qui est toujours craintif.

  A008002591 

 Crains lorsque la grâce te sourit, crains lorsqu'elle s'éloigne, crains lorsqu'elle revient; lorsqu'elle est présente, crains de ne pas l'employer dignement et de la recevoir en vain.» Ne cherche pas a t'élever, mais crains..

  A008002591 

 La crainte est la gardienne de la grâce.

  A008002591 

 Saint Bernard, sermon LIV sur le Cantique: « Bienheureux l'homme qui est toujours craintif.

  A008002592 

 La persévérance n'est pas l'affaire d'un seul jour.

  A008002592 

 Le deuxième degré c'est de négliger la prière.

  A008002593 

 Le troisième degré c'est une bravoure factice, produite par un mouvement de colère.

  A008002595 

 Une heure après, un autre affirmait: Vraiment, celui-ci aussi était avec lui, car il est également Galiléen; et ceux qui se trouvaient là s'approchèrent et dirent à Pierre: Certainement, tu es aussi de ces gens, car ta es Galiléen et ton langage te fait assez connaître.

  A008002606 

 Fuit extrema audacia Petri percutientis auriculam; ab ista tam ingenti audacia facile lapsus est in contrariam passionem timiditatis: ut unda quæ orientem versus elevatur facillime in occidentem relabitur; ut noctes Romæ, tempore sestivo frigidissimæ sunt..

  A008002607 

 18, sed dilectio in iram et invidiam summam versa est ex cantu puellarum Solimitarum.

  A008002608 

 Ergo temere ingressus est armis destitutus atrium et curiam, nam loca hujusmodi periculosa sunt et pestifera.

  A008002610 

 Mira humani ingenii ubi turbatus est ignavia.

  A008002610 

 v. 14: generi Loth audientes, visus est eis quasi ludens loqui.

  A008002612 

 Talis ergo progressus peccatorum est..

  A008002616 

 Quia gloria Dei magis elucet ex peccatoribus poenitentibus: Majus est gaudium; atqui, non gaudent Sancti nisi de majori gloria Dei.

  A008002617 

 34: Quod confractum est non alligastis.

  A008002624 

 Pierre, en frappant l'oreille, montra une extrême audace; de cette audace extraordinaire, il est facile de tomber dans la passion contraire, la timidité.

  A008002625 

 L'éléphant qui est le plus doux des animaux est aussi le plus cruel.

  A008002625 

 Nous nous étonnerions de voir un éléphant qui résisterait à un rhinocéros et aussitôt après redouterait un rat; il en est de même du crocodile qui fuit l'ichneumon.

  A008002627 

 Ne craignez pas ceux, [etc.] C'est la crainte de Pilate et celle de tous les méchants.

  A008002628 

 [Pierre est] enlacé: Les liens des pécheurs m'ont enlacé.

  A008002629 

 Ce qui étonne c'est que la crainte ait été assez forte pour pousser Pierre à un double ou à un triple reniement avec serment et anathème: c'est l'effet de la convoitise et du dérèglement des passions.

  A008002629 

 Pourquoi Naboth dit-il: Que Dieu me soit propice? C'est parce qu'il n'était permis aux Juifs de vendre leurs biens que jusqu'au temps du [354] jubilé.

  A008002630 

 Tel est donc le progrès du péché..

  A008002631 

 Ce n'est donc pas dans l'absence mais dans le règlement des passions que consiste la perfection; les passions sont au cœur ce que les cordes sont à une harpe: il faut qu elles soient ajustées afin que nous puissions dire: Je vous louerai sur la harpe..

  A008002631 

 Néanmoins il n'a pas eu des passions, mais seulement des propassions; il est donc plus convenable de les réfuter par l'exemple des hommes les plus saints, de Pierre surtout qui était juste, et qui cependant, après la Communion, le lavement des pieds, etc., est troublé par la crainte.

  A008002632 

 Que celui qui est debout prenne garde de tomber.

  A008002633 

 Parce que la gloire de Dieu éclate davantage par le repentir des pécheurs: Plus grande est la joie, etc.; or, les Saints ne se réjouissent que de la plus grande gloire de Dieu.

  A008002634 

 Ainsi Pierre est désormais le plus humble: ne dominant point sur le clergé; il supporte les répréhensions de saint Paul.

  A008002634 

 Avant d'être humilié j'ai péché; c'est pour cela que j'ai gardé votre parole.

  A008002634 

 Grande est la vertu d'humilité qui naît parfois du souvenir de nos péchés.

  A008002634 

 Mes frères, si un homme est tombé par surprise dans quelque faute, vous qui êtes spirituels, instruisez-le en esprit de douceur, chacun de vous se considérant soi-même, de peur qu'il ne soit aussi tenté.

  A008002634 

 Saint Paul aussi s'humilie: C'est une vérité certaine et digne d'être entièrement reçue, que le Christ est venu pour sauver les pécheurs, entre lesquels je suis le premier.

  A008002634 

 Vous êtes bon, et dans votre bonté enseignez-moi vos justifications: David avait les autres vertus, mais non pas l'humilité, c'est pourquoi il pèche.

  A008002644 

 Ad illa verba: Et statim adhuc illo loquente gallus cantavit iterum, et conversus Dominus respexit Petrum; et recordatus est Petrus verbi Domini Jesu quod dixerat..

  A008002646 

 18: Nunquid voluntatis meæ est mors impii? dicit Dominus.

  A008002646 

 Hinc: Adam, ubi es? Et Caim irato: Nonne si bene feceris, etc. Baruch, 3: Quid est, Israel, quod in terra alienorum es? Inveterasti in terra aliena, coinquinatus es cum mortuis, deputatus es cum descendentibus in infernum; dereliquisti fontem sapientiæ. Hinc: Duo mala fecit populus meus: dereliquerunt me, etc..

  A008002649 

 Cette grace est prævenante, [elle] est de trois especes: la grace prævenante pour la conversion, prævenante a l'action et prævenante au genre de vie.

  A008002657 

 Dieu vit toutes les choses qu'il avait faites, et elles étaient très bonnes... Est-ce que je veux la mort de l'impie? dit le Seigneur... Dieu ne veut pas que personne périsse... Que nul lorsqu'il est tenté, ne dise, etc. Ta perte vient de toi, Israël; c'est seulement en moi qu'est ton bien.

  A008002658 

 C'est la cause de la misère des pécheurs et de leur juste condamnation.

  A008002658 

 Comme un homme qui est tombé en défaillance.

  A008002658 

 Ta perte vient de toi, Israël; c'est seulement en moi qu'est ton secours... Nul ne peut venir à moi si mon Père ne l'attire... Tirez-moi, nous courrons après vous.

  A008002658 

 Voilà la grâce prévenante: Dieu n'est aimé que s'il aime [le premier].

  A008002659 

 Dieu envoie sa grâce suffisante: Ne dis pas: Dieu est cause que [la grâce] est loin de moi..

  A008002670 

 49: Dominus ab utero vocavit me, de ventre matris meæ recordatus est nominis mei.

  A008002672 

 Vocatur inspiratio: Inspiravit in faciem ejus spiraculum vitæ; nam peccator mortuus est, vivit autem gratia illum præveniente..

  A008002673 

 Franciscus Borgia videns mortuam Imperatricem, etc. Sed modus communis est Mot Dei..

  A008002673 

 Jam mirum est quam multis modis et viis [361] vulneret et sagittet corda.

  A008002674 

 En Helias tribus vicibus expansus est super puerum; 3.

  A008002674 

 Nam, velle converti in genere satis magnum est; velle converti cito, majus; velle converti nunc, maximum.

  A008002675 

 confiteri: nam Petrus non est confessus, quia vidente Summo Sacerdote.

  A008002683 

 C'est un coup: Je me tiens à la porte et je frappe..

  A008002683 

 Cette grâce prévenante est désignée par d'innombrables noms dans les Ecritures.

  A008002683 

 Elle est appelée attraction: Tirez-moi après vous; vocation: Beaucoup sont appelés; voix: La voix de mon Bien-Aimé; prévenance: Sa miséricorde me préviendra; illumination: Lève-toi, toi qui dors, et le Christ t'illuminera.

  A008002684 

 La grâce est appelée flèche: Dans votre dignité et votre beauté; pour la vérité et la mansuétude, etc., vos flèches sont acérées, etc. Le Seigneur m'a appelé dès le sein [360] de ma mère, et dès les entrailles maternelles, il s'est souvenu de mon nom. Adamus place ces paroles sur les lèvres du Christ: Et il a rendu ma bouche semblable a un glaive perçant, et il m'a mis en réserve comme une flèche choisie; il m'a caché dans son carquois.

  A008002684 

 Longtemps il cacha le Christ; mais quel est le carquois? La poitrine du Père, le sein du Père.

  A008002684 

 Quelle est la flèche? Le Christ lui-même, lorsqu'il entre dans le cœur par l'amour..

  A008002685 

 C'est ainsi que, dans un but opposé, agissent les méchants: Je me confie au Seigneur, car voici que les pécheurs ont tendu l'arc, ils ont disposé leurs flèches dans le carquois, pour frapper dans l'obscurité ceux qui ont le cœur droit. 2.

  A008002686 

 Elle est appelée inspiration: Il inspira sur son visage un souffle de vie; car le pécheur est mort, mais il revit par la grâce qui le prévient..

  A008002687 

 Elle est appelée invitation, semonce, pour montrer la liberté laissée au franc-arbitre.

  A008002687 

 François de Borgia, voyant l'Impératrice défunte, etc. Toutefois, le moyen ordinaire est la parole de Dieu..

  A008002687 

 Il est admirable de voir combien sont multipliés les moyens par lesquels [Dieu] blesse les cœurs, combien sont nombreux les sentiers dans lesquels il décoche ses flèches! Marie Egyptienne vit l'image de la Vierge, et [361] cette image la frappa comme une prédication muette.

  A008002688 

 Par cette grâce prévenante, la volonté est donc mise en action: Il donnera le vouloir et le faire; il opère en nous le vouloir.

  A008002688 

 Vouloir en général se convertir est une bien grande chose, vouloir se convertir au plus tôt est plus grand encore, mais le vouloir à l'heure même est ce qu'il y a de plus grand.

  A008002699 

 Parvi, 39: «Triplex nobis necessaria est benedictio: preveniens, adjuvans, consummans.

  A008002701 

 Est similitudo peccatorum, hispidorum, brutalium hominum ut Nabuchodonozor.

  A008002701 

 Populus ergo Seir clamat: Custos, quid de nocte? quota est hora noctis? Dixit custos: Venit mane; ecce aurora est, et nox tamen sequitur.

  A008002701 

 Seir regio est Idumææ; ab Esau, qui et Edom, rufus, et Seir, id est, hispidus.

  A008002701 

 [1°.] Præveniens misericordia operatur in nobis velle converti; at hoc satis non est, quoties enim dicimus: Volo converti, et tamen non convertimur! Sic enim increpat Idumæos Isaias, c. 21: Onus Duma, id est, [364] regionis Idumeorum, quae vergit ad austrum; clamat ad me ex Seir.

  A008002702 

 Deinde ingressa gratia, petit consensum; quo habito dat vasa argentea, id est, timorem, et aurea, id est, amorem; mox vestit firmissimo proposito, id est, ab amore inchoato perducit ad amorem fortem, qui proponit etiam usque ad mortem perseverare.

  A008002702 

 Nihil cogitante Rebecca, ecce Eliezer ad fontem, petit ab ea, etc. Ecce prima [365] introductio, audit nuntium, audit Mot; deinde dat inaures aureas, dat suavitatem et dulcedinem audiendi, et armillas ( brasseletz ), facultatem aggrediendi, et invite la grace a demeurer, ce bon mouvement; nam est opus gratiæ prevenientis, ita mulcere auditum, id est, intellectum, et voluntatem movens ( sic ), ut velint gratiam hanc manere et istam delectationem.

  A008002703 

 Gratia autem hæc cooperans, in tribus consistit, quæ Raphael prestitit Tobiæ: in directione vel mediata vel immediata, interiori et exteriori (et nota, si negligas exteriorem, id est, hominem dirigentem, vix habebis [366] interiorem; audi gallum et respiciet te Dominus); in protectione et defensione adversus mala, contra piscem; et in juvamine, ut Raphael qui etiam victum præstitit.

  A008002704 

 Alia propria, per quam diu perseveramus; et tunc donum perseverantiæ nihil aliud est quam series quædam gratiarum dirigentium, protegentium et adjuvantium..

  A008002704 

 Ergo necessaria est ad salutem peccatorum perseverantia: Qui perseveraverit usque in finem, hic salvus erit.

  A008002704 

 Qui convertuntur in morte ut latro, et paucissimi alii, habent sequivalentem perseverantiam; nam proprie non perseverant, sed eorum conversio æquivalet [367] perseverantiæ, et nihil est aliud quam conversio.

  A008002706 

 Primus est: Si ex nobis nihil possumus, qui damnatur damnatur quia Deus illum non adjuvit; en siti morior.

  A008002706 

 Verum hoc argumentum adeo est futile ut nihil supra.

  A008002707 

 Filiæ Hierusalem flebant a parte inferiori, unde Dominus: Nolite flere super me, a parte inferiori; et hinc bonus fletus, [368] est enim effectus contritionis; verum quia sensus non obedit rationi semper, non est opus fletu exteriori, sed interiori tantum..

  A008002715 

 La première est celle de la miséricorde, la seconde celle de la grâce, la troisième celle de la gloire.» Je modifierai quelque peu cette division, car je comprends la grâce qui couronne dans celle qui perfectionne..

  A008002715 

 Saint Bernard, dit dans le XXXIX e de ses Petits Sermons: «Une triple bénédiction nous est nécessaire: celle qui prévient l'acte, celle qui y coopère, celle qui le couronne.

  A008002716 

 C'est la grâce prévenante qui a brillé, mais la nuit retombe; il est semblable aux paresseux qui ouvrent les yeux ( Jusqu'à quand, paresseux, dormiras-tu et sommeilleras-tu?) puis les referment, et au milieu du jour se font une nuit.

  A008002716 

 C'est une figure du pécheur, tout velu, homme animal comme Nabuchodonosor.

  A008002716 

 Le peuple de Séir crie donc: Sentinelle, qu'annonces-tu de la nuit? quelle heure est-il de la nuit? La sentinelle dit: Le matin est venu, voici l'aurore, et cependant la nuit succède.

  A008002716 

 Que de fois, en effet, nous disons: Je veux me convertir, et cependant nous ne nous convertissons pas! C'est le reproche qu'adresse Isaïe aux Iduméens: Malheur accablant de Duma, c'est-à-dire, de [364] la partie de l'Idumée qui est située au sud; il me crie de Séir.

  A008002716 

 Séir est une région de l'Idumée; ce nom vient d'Esaü, appelé aussi Edom, rouge, et Séir, c'est-à-dire velu.

  A008002717 

 Ainsi Lazare est délié.

  A008002717 

 Beaux exemples cités dans la Genèse, chap. XXIV. Rébecca ne soupçonnait rien, et voici qu'Eliézer, auprès [365] de la fontaine, lui demande, etc. C'est la première ouverture, elle entend le messager, écoute sa proposition; Eliézer lui donne ensuite des pendants d'oreilles en or, qui signifient la suavité et la douceur à l'audition de ses paroles, et des bracelets, c'est-à-dire le moyen de les mettre en exécution.

  A008002717 

 C'est cette grâce qui nous fait rechercher de tout cœur tous les moyens d'une vraie pénitence.

  A008002717 

 Donc, pour le salut du pécheur, cette grâce qui aide et dont nous avons parlé précédemment est nécessaire.

  A008002717 

 Une fois entrée, la grâce appelle le consentement, et dès qu'il s'est présenté, elle offre à son hôte des vases d'argent, c'est-à-dire la crainte, et d'or, c'est-à-dire l'amour; bientôt elle le revêt d'un très ferme propos, c'est-à-dire que, de l'amour ébauché, elle le conduit à cet amour puissant qui se propose de persévérer même jusqu'à la mort.

  A008002717 

 [L'âme] invite la grâce, ce bon mouvement, à demeurer; car c'est le rôle de la grâce prévenante de charmer l'oreille, c'est-à-dire l'esprit et la volonté de celui qu'elle touche, de telle sorte qu'il veuille conserver la jouissance de cette grâce.

  A008002718 

 Ainsi Eliézer raconte qu'il est envoyé pour ramener une épouse à son maître, c'est la direction; ensuite, pour la protéger, il lui donne des vêtements qui la défendent contre l'intempérie de l'air; troisièmement, pour la soutenir, il lui amène des chameaux.

  A008002718 

 Cette grâce coopérante comprend les trois services rendus à Tobie par Raphaël: elle dirige directement ou indirectement, au dedans et au dehors (et remarquez, si vous négligez la direction extérieure, c'est-à-dire celle qui provient de l'homme, vous obtiendrez difficilement l'intérieure; écoutez le [366] coq et le Seigneur vous regardera); elle protège et défend contre le mal, contre le poisson; elle soutient, comme Raphaël qui fournit encore des aliments.

  A008002718 

 De même pour saint Paul: Va trouver Ananie, c'est la direction; celui-ci lui donne l'esprit qui le dirige et fait tomber les écailles de ses yeux; ensuite, il chasse le péché par le Baptême; troisièmement, Paul mange..

  A008002719 

 Ceux qui se convertissent à la mort, comme le larron et d'autres fort peu nombreux, ont eu la persévérance équivalente; car, à parler exactement, ils ne persévèrent [367] pas, mais leur conversion équivaut à la persévérance qui n'est rien autre que la conversion.

  A008002719 

 La persévérance est donc nécessaire au salut des pécheurs: Celui qui aura persévéré jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé.

  A008002719 

 La persévérance proprement dite est celle par laquelle nous persévérons longtemps, et dans ce cas, le don de la persévérance n'est autre chose qu'une série de grâces qui dirigent, protègent et portent secours..

  A008002719 

 Que celui qui est debout prenne garde de tomber.

  A008002719 

 Vous couriez si bien; qui vous a arrêtés? Le Concile de Trente dit: Le don mystérieux de la persévérance est très haut et très profond.

  A008002720 

 Il est vrai que la grâce de Dieu nous est nécessaire, mais aussi jamais elle ne nous manque: Ils ont été rebelles à la lumière.

  A008002720 

 Rien n'est plus futile que ce raisonnement.

  A008002720 

 Voici la première: Si par nous-mêmes nous ne pouvons rien, celui qui est condamné l'est parce que Dieu ne l'a pas aidé? Voici que je meurs de soif.

  A008002721 

 C'est la partie inférieure de l'âme qui faisait pleurer les filles de Jérusalem, aussi le Seigneur leur dit-il: Ne pleurez pas sur moi, par la partie inférieure.

  A008002721 

 Les larmes sont donc bonnes, car elles sont [368] un effet de la contrition; mais parce que ce sentiment n'obéit pas toujours à la raison, la tristesse extérieure n'est pas nécessaire, l'intérieure suffit..

  A008002722 

 Il s'étendit à toutes les passions ou affections de son âme; c'est ainsi qu'il est dit: L'Esprit du Seigneur s'emparera de toi, et tu seras changé en un autre homme.

  A008002736 

 Ergo, hac mea debili voce vocem istam laudabo, et vocem quæ data est ad dirigendos pedes nostros in viam pacis..

  A008002736 

 Ultimo meo sermone, hic habito, feria secunda Pentecostes, dicebam tempus mihi loquendi esse, quia linguæ igneæ nobis Apostolorum successoribus datæ erant; sed et nunc quoque tempus clamandi, nam tunc [370] festum linguarum, at nunc tempus vocis est, eum enim celebramus qui vox est clamantis.

  A008002736 

 Vocalem ergo esse opportet hodie, cum Zacharias, vocis paralisi mutus, loquitur, ad laudandum vocem quæ Domini voce laudata est; sed vereor ne quemadmodum Alexander non alio penicillo pingi volebat quam Apellis, ita et Joannes alia se voce laudari nolit quam Christi.

  A008002739 

 Joanne nato, omnes mirabantur ob miraculum nativitatis ejus, ob matris sterilitatem et ætatem effcetam, ob patris interclusam vocem et iterum restitutam, dicentes invicem: Quis putas puer iste erit? At Zacharias prophetans: Et tu, inquit, Propheta Altissimi vocaberis, etc.; præibis enim, id est, Propheta, Præcursor.

  A008002740 

 Hic est Propheta, et plus quam Propheta.

  A008002741 

 Sed quae est ista scientia salutis? Fides et poenitentia.

  A008002741 

 Visitavit oriens; illuminare, id est, ut illuminaret, ad illuminandum, his, etc., ad dirigendos pedes nostros in viam pacis..

  A008002742 

 2: Et veniens evangelizavit vobis pacem; ipse enim est pax nostra.

  A008002742 

 Et Christus Evangelium illaturis: In quamcumque domum intraveritis, etc., dicite: Pax huic domui; id est, pax Evangelii, Evangelium pacificum.

  A008002742 

 Quo loco scientia salutis omnis ordinatur in viam [373] pacis, id est, in viam et vitam Christianam cujus pax est proprietas, quadruplici modo.

  A008002746 

 15. c. 3: «Oleam ne stringito neve verberato.» Pax multa diligentibus legem tuam, et non est illis scandalum.

  A008002760 

 Cependant, entre tous ses mérites, celui-ci est principalement remarquable: jamais il ne fut agité par le vent de l'orgueil.

  A008002760 

 Dans mon dernier sermon que je fis ici le lundi de la Pentecôte, c'était pour moi, disais-je, le temps de parler, parce que des langues de feu nous avaient été données, à nous, successeurs des Apôtres; mais c'est [370] aujourd'hui le temps de parler bien plus haut, car si c'était alors la fête des langues, c'est maintenant le temps de la voix, parce que nous célébrons le Saint qui est la voix de Celui qui crie.

  A008002760 

 Il faut donc parler aujourd'hui, puisque, tout muet qu'il est, Zacharie parle, de sa langue paralysée, pour louer cette voix que la voix du Seigneur a louée.

  A008002761 

 Comment me tairais-je en présence d'une si grande cause de joie? La circonstance d'ailleurs est opportune, car c'est l'anniversaire du premier sermon que je vous adressai, il y a vingt-cinq ans complets.

  A008002762 

 Comme s'il disait: Le Christ est le soleil qui paraît d'en haut à l'orient, le soleil qui se lève dans les hauteurs d'où il est venu nous visiter; quant à toi, tu es l'aurore, l'agréable étoile, tu es le paranymphe et le héraut qui prépare ses voies..

  A008002762 

 Jean étant né, tous s'émerveillaient de cette miraculeuse naissance: la mère était stérile et n'était plus en âge d'avoir des enfants, le père avait perdu la voix et l'avait recouvrée, et tous se disaient les uns aux autres: Que pensez-vous que sera cet enfant? Et Zacharie prophétisant: Et toi, dit-il, tu seras appelé le Prophète du Très-Haut, etc., car tu précéderas, c'est-à-dire, tu seras le Prophète, le Précurseur.

  A008002763 

 Celui-ci est Prophète, et plus que Prophète.

  A008002764 

 Et quelle est cette science du salut? La foi et la pénitence.

  A008002764 

 Il ne boit ni vin ni cervoise; voilà comment il évite tout ce qui est dangereux.

  A008002764 

 L'objet de la mission de saint Jean est donc la rémission des péchés: Par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, avec lesquelles le soleil levant nous a visités d'en haut.

  A008002764 

 Le soleil levant nous a visités; illuminare, éclairer, c'est-à-dire, afin d'éclairer, pour éclairer, ceux, etc., pour diriger nos pas dans la voie de la paix..

  A008002765 

 C'est pourquoi le Temple [de Jérusalem] fut bâti par Salomon; Salomon et Sulamite signifient pacifique.

  A008002765 

 Et le Christ [donna cet ordre] à ceux qui devaient prêcher l'Evangile: En quelque maison que vous entriez, etc., dites: Paix à cette maison; c'est-à-dire, la paix de l'Evangile, l'Evangile de paix.

  A008002765 

 On voit que d'après ce passage toute la science du salut tend à la voie de l a [373] paix, c'est-à-dire à la voie et à la vie chrétienne dont la paix est le caractère, en quatre manières.

  A008002765 

 [ Le Christ ] en venant vous a annoncé la paix; car il est notre paix.

  A008002766 

 Bien que cette paix soit surtout spirituelle, cependant elle est aussi temporelle; car la loi évangélique exclut toute guerre: Ils transformeront leurs glaives en socs et leurs lances en faulx.

  A008002766 

 Et c'est [374] pourquoi notre Jean [reçoit les soldats]; le centurion et tant de rois sont saints.

  A008002766 

 La guerre est un effet de la justice divine..

  A008002766 

 Toutefois, la guerre est permise à cause de la malice des hommes: on peut repousser la force par la force.

  A008002767 

 Puisse-t-elle durer! C'est mon désir, il se réalisera, 1.

  A008002779 

 Quae est ista quae progreditur quasi aurora consurgens, pulchra ut luna, electa ut sol, terribilis ut castrorum acies ordinata?.

  A008002783 

 Sanctus Bernardus, serm. 2 in Vigilia Nativitatis Domini: «Proficere est quoddam proficisci.» Psal. 83: Beatus vir cujus est auxilium abs te; ascensiones in corde suo disposuit, in valle lacrymarum, [376] in loco quem posuit.

  A008002790 

 Quelle est celle-ci qui s'avance comme l'aurore lorsqu'elle se lève, belle comme la lune, éclatante comme le soleil, terrible comme une armée rangée en bataille?.

  A008002793 

 Saint Bernard, dans son sermon n° pour la veille de la Nativité du Seigneur, dit que «l'avancement dans la vie spirituelle est semblable à un voyage.» Bienheureux l'homme dont le secours vient de vous; il a disposé des ascensions [376] dans son cœur, dans la vallée de larmes, dans le lieu qu'il a fixé.

  A008002794 

 Donc notre bienheureuse Souveraine grandit comme l'aurore depuis sa conception jusqu'à sa maternité; c'est pourquoi l'Ange la trouva pleine de grâce, et l'Esprit-Saint qui était déjà venu, vint en elle avec plénitude.

  A008002800 

 Pacifica est ista amaritudo..

  A008002800 

 Salutes non fecimus, id est, spem [378] salutis nostrae non posuimus, in terra; quasi parturivimus, quia peccator dolet et de dolore gaudet.

  A008002802 

 v. 4: Non est qui invocet justitiam neque est qui judicet vere, sed confidunt in nihilo et loquuntur vanitates; conceperunt dolorem et pepererunt iniquitatem.

  A008002803 

 O insensati Galatae, quis vos fascinavit non obedire veritati, ante quorum oculos Christus praescriptus est in vobis crucifixus? Gal.

  A008002807 

 12: Qui fecerit voluntatem Patris mei, ille meus frater, et soror, et mater est: frater, quia ego facio; et soror similiter, ut includat utrumque sexum; et mater, quia me in corde suo concepit et deinde parit.

  A008002807 

 v. 21: Mulier cum parit, etc. Parvulum Christum esse est Ruperti sententia, et plerique Graeci; vide Maldonatum.

  A008002808 

 Job eductus est de vulva ut caeteri; at Christus de ventre..

  A008002814 

 Cette amertume est paisible..

  A008002814 

 Nous avons conçu, nous avons été comme en travail, et nous avons enfanté l'esprit; nous n'avons pas mis notre salut dans la terre, c'est pour cela que les habitants de la terre ne sont pas tombés.

  A008002814 

 Nous n'avons pas mis notre salut, c'est-à-dire, nous n'avons pas mis l'espérance [378] de notre salut dans la terre; nous avons été comme en travail, parce que le péchèur s'attriste et se réjouit de sa douleur.

  A008002816 

 Il n'est personne qui invoque la justice ni qui juge dans la vérité, mais ils se confient dans le néant et parlent de vanités; ils ont conçu la douleur et ils ont enfanté l'iniquité.

  A008002816 

 Voir le remarquable passage: Nous avons conçu et proféré de notre cœur des paroles de mensonge... Lorsque la concupiscence a conçu, elle enfante le péché... Voila qu'il a enfanté l'injustice, il a conçu la douleur et mis au monde l'iniquité; il a ouvert un abîme et il Va creusé, il est tombé dans la fosse qu'il avait faite..

  A008002820 

 Mais je voudrais être maintenant près de vous, et changer mon langage; c'est-à-dire, varier les inflexions de ma voix, tantôt caressant, tantôt me courrouçant, tantôt pleurant.

  A008002822 

 Celui qui fait la volonté de mon Père, celui-là est mon frère et ma sœur et ma mère: mon frère, parce que moi-même je le rends tel; et également ma sœur, pour comprendre les deux sexes; et ma mère, parce qu'il m'a conçu dans son cœur et ensuite il m'enfante.

  A008002823 

 Parce que c'est vous qui m'avez tiré du sein de ma mère....

  A008002832 

 6: De caetero, fratres, confortamini in Domino et in potentia virtutis ejus; induite vos armaturam Dei, ut possitis stare adversus insidias diaboli; non enim est, [etc.,] sed adversus principes et potestates, adversus mundi rectores tenebrarum harum, contra spiritualia nequitiae in celestibus.

  A008002835 

 Tu quis es? scilicet: Esne Christus? Confessus est et non negavit.

  A008002836 

 Confessus est et non negavit. (Nos saepe confitemur et negamus, etiam in confessione.) Nam in ea: Tu quis es? confitentur et negant.

  A008002842 

 Du reste, mes frères, fortifiez-vous dans le Seigneur et dans la puissance de sa vertu; revêtez-vous de l'armure de Dieu, afin de pouvoir tenir contre les embûches du diable; car ce n'est pas, etc., mais c'est contre les princes et les puissances, contre les dominateurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits de malice répandus dans l'air.

  A008002842 

 Le diable est le chef des ennemis, car il met en action tous les autres; de là ces expressions: ange de Satan, aiguillon de la chair; je vous donnerai toutes ces choses.

  A008002843 

 Jean est un exemple célèbre [de la résistance aux tentations].

  A008002844 

 Grande tentation [de Jean]; comme celle de l'ange, elle éveille une correspondance dans l'intime de l'amour-propre; c'est pourquoi l'ange, sans être attaqué extérieurement par la tentation, etc. Celle qu'il soutient est plus forte que la tentation de nos premiers parents... Oh! si elle nous était offerte, que ferions-nous? [Les envoyés de la Synagogue] étaient pjêts à croire tout ce qu'il dirait..

  A008002845 

 Qui es-tu? c'est-à-dire: Es-tu le Christ? Il confessa et il ne le nia point.

  A008002861 

 Or, certum est Beatam Genovefam (multasque Sanctas) hujusmodi specula non dedisse, quae nunquam habuit, sed dedit mysticum speculum: exemplum mirabile quod nobis dedit qui lavari ac mundari volumus; nostros repraesentat vultus conservandos.

  A008002862 

 2 Cor. 12: Ne magnitudo revelationum extollat me, datus est mihi stimulus, etc. Et dixit mihi: Sufficit tibi gratia mea. De Angelis: Ut non glorietur omnis caro in conspectu ejus.

  A008002862 

 Scriptum est enim: Perdam sapientiam sapientium, et prudentium prudentiam reprobabo.

  A008002862 

 Mot enim crucis pereuntibus quidem stultitia est, iis autem qui salvi fiunt, id est, nobis, virtus Dei est.

  A008002862 

 [386] Ubi sapiens? ubi scriba? ubi conquisitor hujus saeculi? Nonne stultam fecit Dominus sapientiam hujus mundi? Quod stultum est Dei sapientius est hominibus, et quod infirmum est Dei fortius est hominibus.

  A008002867 

 «Celui qui dans sa conduite garde la charité, observe tout ce qui est insinué ou explicitement ordonné dans la Sainte Ecriture;» saint Augustin, sermon sur les Louanges de la Charité.

  A008002873 

 Or, il est certain que la bienheureuse Geneviève, ainsi que beaucoup d'autres Saintes, n'a pas donné de ces miroirs, puisqu'elle n'en avait pas; mais elle a donné un miroir mystique dans l'admirable exemple qu'elle nous a laissé, à nous qui voulons nous laver et nous purifier; miroir dans lequel nous voyons notre visage intérieur dont nous devons prendre soin.

  A008002874 

 C'est pourquoi il est [386] écrit: Je détruirai la sagesse des sages et je réprouverai la prudence des prudents.

  A008002874 

 Car la parole de la croix est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, c'est-à-dire pour nous, elle est vertu de Dieu.

  A008002874 

 Dieu a choisi ce qui est insensé selon le monde pour confondre les sages; Dieu a choisi ce qui est infirme selon le monde pour confondre ce qui est fort; Dieu a choisi ce qui est vil et méprisable selon le monde, et les choses qui ne sont pas pour détruire celles qui sont, afin que nulle chair ne se glorifie en sa présence... De peur que la grandeur des révélations ne m'élevât, il m'a été donné un aiguillon, etc. Et il m'a dit: Ma grâce te suffit.

  A008002874 

 Où est le sage? où est le scribe? où est l'investigateur de ce siècle? Dieu n'a-t-il pas convaincu de folie la sagesse de ce monde? Ce qui paraît folie en Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse en Dieu est plus fort que les hommes.

  A008002888 

 Ad Rom. I: Qui praedestinatus est Filius Dei, v. 4.

  A008002888 

 Omnia creavit propter electos, electos autem propter Christum, Christus autem propter Deum est.

  A008002888 

 Ut patres omnia faciunt in gratiam filiorum, thesaurisant enim filiis, ut ait Paulus, sic Deus Pater omnia fecit propter Filium; nam, ut notat Cornelius, Filius Dei ut Deus haeres est naturalis; at ut homo constitutus est haeres..

  A008002889 

 In capite libri scriptum est de me ( libri praedestinationis, ut aliqui aiunt apud Cornelium); Heb.

  A008002890 

 Favet pro reverentia passiva quod sequitur: Et quidem cum esset Filius Dei, didicit ex iis quae passus est obedientiam.

  A008002890 

 v. 7: Qui in diebus carnis suae, praeces supplicationesque ad eum qui possit illum salvum facere a morte, cum clamore valido et lachrymis offerens, exauditus est pro sua reverentia.

  A008002892 

 Prosper, sententia 30: Quid futurus est homo, propter quem Deus factus est homo! [390].

  A008002898 

 Jésus levant les yeux au ciel dit: Mon Père, l'heure est venue; glorifiez votre Fils, afin que votre Fils vous glorifie..

  A008002900 

 Ayant été fait d'autant supérieur aux Anges, que le nom qu'il a repu en partage est bien différent du leur; car auquel des Anges a-t-il jamais dit? [etc.] Qu'il a constitué héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles.

  A008002900 

 Comme les pères font tout en vue de leurs enfants, car ils thésaurisent pour eux, ainsi que dit saint Paul, de même Dieu le Père a tout fait pour son Fils, parce que, selon la remarque de Corneille, le Fils de Dieu, en tant que Dieu, est héritier naturel, et en tant qu'homme il a été constitué héritier..

  A008002900 

 Tout est à nous: à notre usage et pour nous; vous êtes au Christ, comme les esclaves sont au maître qui les a achetés, et les membres, au chef.

  A008002900 

 Tout est à vous, mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est a Dieu.

  A008002901 

 Il est écrit de moi en tête du livre ( du livre de la prédestination, comme disent quelques-uns, d'après Corneille).

  A008002901 

 Jésus-Christ était hier, il est aujourd'hui, et il sera dans tous les siècles..

  A008002904 

 Prosper, sentence 30: A quelle élévation doit arriver l'homme, pour lequel un Dieu s'est fait homme! [390].

  A008002918 

 Mulier fortis, Prov. 31, operata est consilio manuum suarum.

  A008002918 

 Unde lex Domini jugum est, aratrum; Ecclesia, vinea..

  A008002920 

 Bernard., ad Garinum: « Exultavit ut gigas ad currendam viam; currentem non apprehendit qui et ipse pariter non currit.» Bonum certamen certavi, cursum consummavi, fidem servavi; in reliquo reposita est mihi corona justitiae..

  A008002923 

 XI. v. 6, impossibile est placere Deo; credere enim opportet accedentem ad Deum quia est, et quia inquirentibus se remunerator sit.

  A008002923 

 ad Cor. c. 4: Id enim quod momentaneum est et leve tribulationis nostrae, supra modum in sublimitate aeternum gloriae pondus operatur in nobis; non contemplantibus nobis quae videntur, sed quae non videntur.

  A008002934 

 Cette vigne est chargée d'une copieuse vendange, toutefois il est écrit: Etant entré dans la vigne de ton prochain, mange des raisins autant qu'il te plaira, mais n'en emporte point avec toi.

  A008002934 

 Donc, pendant une heure, puisque c'est l'espace de temps destiné à cette manducation spirituelle, nous [391] mangerons autant que nous pourrons, et nous dirons: premièrement, que Dieu nous a destiné un certain travail à accomplir; secondement, qu'à ce travail il a préparé une récompense; et en troisième lieu, que la récompense sera proportionnée au travail accompli..

  A008002935 

 C'est pourquoi la loi du Seigneur est un joug, une charrue; l'Eglise, une vigne..

  A008002935 

 «Antoine, cherches-tu à plaire à Dieu? prie et travaille.» Le Seigneur Dieu prit donc l'homme et le plaça dans le paradis pour le cultiver et le garder; d'après [une des interprétations proposées par] saint Augustin, c'était pour «garder l'homme.» La paresse est la source de tous les péchés.

  A008002936 

 Ne savez-vous pas que ceux qui courent [392] dans la lice? etc.; courez de telle sorte que vous remportiez le prix. Saint Bernard à Guérin: « Il a exulté comme un géant pour parcourir sa carrière; on ne saisit pas celui qui court si l'on ne court aussi vite que lui.» J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi; reste [à recevoir] la couronne de justice qui m'est réservée..

  A008002938 

 C'est par la foi que Moïse devenu grand, nia d'être fils de la fille de Pharaon, préférant être affligé avec le peuple de Dieu plutôt que de goûter pour un temps le plaisir du péché, estimant l'opprobre du Christ une richesse plus grande que le trésor des Egyptiens, parce qu'il envisageait la récompense.

  A008002938 

 Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu, car il faut que celui qui s'approche de Dieu croie qu'il est, et qu'il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent.

  A008002939 

 Saint François au Frère: «Et à cause des biens que j'attends,» etc. Saint Bernard, Aux Ecclésiastiques, sur la Conversion: «Elles ne sont pas dignes d'être comparées à la faute passée qui est remise, à la consolation qui est communiquée, à la gloire qui est promise.» [Nous souffrons pour notre] Rédempteur, pour notre Créateur, pour notre Glorifîcateur..

  A008002951 

 Hieron. et Chrisost.: [ impossibile,] id est, valde difficile, per hiperbolem: Si potest AEthiops mutare pellem suam, etc.; Hierem.

  A008002953 

 Beatus dives qui inventus est sine macula..

  A008002959 

 Saint Chrysostôme, sur saint Matthieu: Les chameaux difformes figurent les âmes des Gentils; le Fils de Dieu est l' aiguille dont la pointe est la Divinité, la partie plus épaisse, l'humanité; et c'est par l'ouverture de sa Passion que nous entrons.

  A008002960 

 Certaine explication au sujet d'une porte de Jérusalem est fabuleuse..

  A008002960 

 Saint Augustin, d'après Jansénius [de Gand], et saint Grégoire, d'après saint Thomas: L' aiguille perçante est la Passion; le chameau qui entre, le Christ, chargé de nos péchés; le chameau entre plus facilement, car, s'il n'était entré, [395] jamais riche ou orgueilleux ne serait entré.

  A008002962 

 Saint Jérôme et saint Chrysostôme pensent que le mot impossible est employé hyperboliquement et signifie seulement très difficile: Si l'Ethiopien peut changer de peau, etc..

  A008002963 

 Théophylacte explique la difficulté de deux manières: il distingue entre celui qui a été riche et celui qui l'est encore (ainsi saint Augustin contre les Pélagiens, épître LXXXIX e ), entre celui qui est riche de fait et celui qui l'est d'affection..

  A008002980 

 Quod ideo elegi tractandum [397] quia primum est, quia ab avo Sancti Joseph est, sed maxime quia uberem mihi profert materiam loquendi de sacratissimo matrimonio Josephi et Beatae Virginis, et de sacratissima humilitate qua excellentissima sua privilegia et virtutes celavit.

  A008002990 

 Je le choisis pour mon sujet [397] parce qu'il est le premier, parce qu'il a été prononcé par l'aïeul de saint Joseph, mais surtout parce qu'il fournit matière abondante pour un discours sur le mariage très sacré de Joseph avec la Bienheureuse Vierge et la très sainte humilité sous laquelle il a caché ses vertus et ses magnifiques privilèges: tels seront les deux points de ce sermon.

  A008002993 

 En l'Arabie que, pour la benigne influence du ciel qui la rend fertile en toutes sortes d'arbres aromatiques, on appelle Heureuse, il y a, ce disoyent les Anciens, cet oyseau tout a fait admirable, et si rare quil est unique, qu'on appelle phoenix.

  A008002993 

 Or, on dit, apres la revolution de plusieurs siecles il devient si charge des infirmites de sa viellesse en sorte qu'a peine peut il voler, et sa vie alhors luy semble tellement mortelle qu'il ne peut pas mesme esperer de vivre que par la mort; de sorte quil assemble et, etc., et se fait un bucher, etc. Or, apres il vole, il vit gay et joyeux, et avec une jeunesse toute vitale il passe un'autre nouvelle suite de siecles, etc. Telle est la narration des Anciens, non seulement prophanes mais aussi chrestiens; de saint Basile, saint Ambroyse et cent autres.

  A008002994 

 Certes, il est vray, mes treschers auditeurs, que le pecheur envielli en son iniquite, etc., il se doit faire un bucher, et exciter un feu qui le reduise en cendre et le face devenir vermisseau de poenitence; puis de cet estat la il passe a la justice, et comme un autre phoenix il vole, il est gay, et se peut dire quil sacrifie le sacrifice de justice: Sacrificabo sacrificium justitiae; Introibo ad altare Dei, ad Deum qui laetificat juventutem meam..

  A008002995 

 carnis, a ainsy entendu nostre verset et la comparayson qui y est: Justus ut palma fiorebit; car ayant treuve le mot de phoenix en la version des 72: Justus ut phoenix florebit, il y a dit que le poenitent parvenu a la parfaite resipiscence et poenitence, il se treuve tout rajeuni et comme resuscite a la grace..

  A008002996 

 Et de fait, bien que phoenix en grec signifie ce rare et admirable oyseau duquel nous avons parle, si est ce quil signifie aussi la palme: la palme estant le phoenix des arbres comme le phoenix est la palme des oyseaux, avec beaucoup de similitude de l'un a l'autre, hormis que la palme n'est pas si rare que le phcenix, ni le phoenix si fertile que la palme..

  A008002996 

 Mais, bien que 1'authorite de ce grand personnage merite beaucoup d'honneur en ce quil a dit de bon sens, si est ce neanmoins quil nous faut attacher a la version ordinaire canonizee par la sainte Eglise, laquelle est justificata in semetipsa.

  A008002997 

 Disons donques que David a dit: Justus ut palma florebit, parlant de la vraye palme; car qui ne void que sa comparayson est des arbres de la palme et du cedre? Sicut cedrus; et puis, florebit, et plantatus, etc. [399].

  A008002998 

 C'est pourquoy j'ay jette les yeux sur des merveilleuses et rares conditions de cet arbre, qui conviennent, par rapport et similitude, tres singulierement a saint Joseph..

  A008002998 

 Ell'est tous-jours verdoyante, elle prend ses accroissemens en haut, demeurant petite et mince du coste de la terre, ell'est toute armee, elle resiste au poids, elle porte des fruitz si excellens.

  A008002998 

 La palme est le prince des arbres, lejuste, des hommes.

  A008002998 

 Mays il me semble que tout cela est commun a tous les justes, bien qu'il appartient tres particulierement et avantageusement au glorieux saint Joseph.

  A008002999 

 C'est le Saint Esprit qui feconde la tressainte Vierge: Spiritus Sanctus superveniet in te, et virtus Altissimi, etc.; Quod in ea natum est, de Spiritu Sancto est.

  A008002999 

 Cum esset desponsata Mater Jesu Maria Joseph, antequam convenirent, etc. Non, le palmier ne faeconde pas la palme, c'est le soleil qui la faeconde; mais la nature a volu observer cette ceremonie, peut estre seulement pour nous acheminer par cette similitude a ce que nous disons maintenant.

  A008002999 

 Ergo, u t palma florebit: floret palmier in palma, id est, fructificat..

  A008002999 

 Ex hoc autem matrimonio consurgit aliud privilegium Sancti Joseph, quia etsi pater naturalis Christi Domini non sit, est tamen plus quam pater putativus, plus quam socer, et Christus licet non sit filius Joseph est tamen filius suus; il n'est pas son filz, mais un filz sien.

  A008002999 

 O Dieu! vous voyes des-ja la plus part ce que je veux dire, mays il est expedient que je l'explique pour les simples.

  A008002999 

 On marie les palmes pour les rendre fertiles, et leur mariage est tout virginal, pur, saint et incontamine.

  A008002999 

 Soror nostra parva est, et ubera non habet: quid faciemus sorori nostrae in die quando alloquenda est? (Cant. 8, circa finem.) Si murus est, aedificemus super eum propugnacula argentea; si ostium est, compingamus illud tabulis cedrinis.

  A008002999 

 Ut columba ferens dactilum et relinquens eum in horto, palma quae oriretur est possessoris horti.

  A008002999 

 [400] Mays le Saint Esprit a voulu observer cette ceremonie, que la tressainte Vierge ne conceut pas qu'a l'aspect et a l'ombre du sacre mariage, mariage totalement virginal et qui «virginitatem Matris non minuit sed sacravit;» et c'est ce qui exalte merveilleusement saint Joseph, destre le vray mari d'une si sainte Espouse.

  A008003000 

 Homo tunc temporis incognitus: Mortui estis, et vita vestra abscondita est cum Christo in Deo.

  A008003013 

 lntravit Jesus in quoddam castellum, etc. Dic Evangelium, deinde addes: hac comparatione Ecclesia utitur; domus haec in qua Christus venit, etc., Maria est Mater.

  A008003013 

 v. 16: Sed licet qui foris est noster homo corrumpatur, tamen is qui intus est renovatur de die in diem..

  A008003023 

 Jésus entra dans un village, etc. Raconter l'Evangile et ajouter ensuite: l'Eglise emploie cette comparaison; la maison dans laquelle vient le Christ, c'est Marie sa Mère.

  A008003024 

 Marie, par un parfait renoncement aux choses temporelles et à la prudence de la chair, laisse Marthe servir; car elle est tout absorbée par la contemplation et la confiance en Dieu.

  A008003033 

 Itaque omnino de oratione habendus est sermo, et ita tempus Rogationum expetit.

  A008003033 

 Verum de oratione dicere non possumus nisi Deus docuerit, et cum Apostolis dicendum est: Domine, doce nos orare; Luc. XI, v. 1..

  A008003039 

 Cassiodor., in Psal. 16: «Oratio est perfecta cujus et causa clamat et lingua, et vita et cogitatio.».

  A008003039 

 Quomodo dilexi legem tuam, Domine! tota die meditatio mea est; [Ps.] 118.

  A008003039 

 v. 15: Quid clamas ad me? Bernardus, sermo 16 in Psal. 90: «Clamor in Dei auribus est vehemens desiderium.» Apud Deum, non tam valet clamor quam amor.

  A008003042 

 Nescitis quia ego in Patre et Pater in me est? Petimus quidem a Sanctis, sed non absolute, sed petimus praeces nostras eorum praecibus adjuvari.

  A008003043 

 Omnipotens oratio, nam «vere dignum et justum est» exaudiri Filium a Patre.

  A008003054 

 Beau passage, dans l'Exode: Pourquoi cries-tu vers moi? Saint Bernard, sermon XVI e sur le Psaume XC, dit: «C'est une clameur aux oreilles de Dieu, qu'un ardent désir.» Auprès de Dieu le cri ne vaut pas autant que l'amour.

  A008003054 

 Cassiodore, sur le Psaume XVI, déclare que «la prière est parfaite quand l'objet de cette prière, la langue, la vie, la pensée crient à la fois.».

  A008003054 

 Combien ai-je aimé votre loi, Seigneur! Elle est tout le jour le sujet de ma méditation.

  A008003055 

 C'est ainsi que les anciens princes fondaient, que les hommes pieux fondent encore des monastères où toujours on prie, et où, avec ceux qui prient, eux-mêmes prient toujours; de même Saul agissait par les mains de ceux qui lapidaient, etc. [407].

  A008003057 

 Et quand nous disons Père, nous comprenons toute la sainte Trinité; c'est ce qui explique le chapitre XIV: Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai.

  A008003057 

 Ne savez-vous pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi? Nous demandons bien aux Saints, mais non d'une manière absolue, nous demandons qu'ils appuient nos prières par les leurs.

  A008003058 

 En mon nom, comme Médiateur (déjà les anciens priaient de la sorte, mais implicitement; nous, nous prions ainsi plus explicitement, plus formellement, comme notre foi aussi est plus explicite); sans cela nous ne serions pas dignes d'être regardés.

  A008003058 

 La prière est toute-puissante, car «il est vraiment digne et juste» que le Fils soit exaucé du Père.

  A008003064 

 Vel brevi, id est, statim; est enim phrasis antiquae Scripturase ut dicat Incarnationem statim futuram, et non tardabit etc. Quod ideo dicitur quia breve est spatium, non absolute quidem, sed habito respectu ad id quod merebamur, cum enim meremur ut nunquam veniret qui mittendus erat.

  A008003066 

 Accommodat enim se per similitudines et parabolas nobis, at quod reliquum est in sublimia et ardua misteria fertur.

  A008003070 

 Prima verba quae dicta sunt in deformatione generis humani dicta sunt ad mulierem; prima quae dicta sunt in reformatione dicta sunt ad Mariam, quod ad ea attinet quae relata sunt ab Evangelistis; quoad alia vero idem dicendum est, cum credendum sit experimentaliter vel exercitative ab ipsa Matre didicisse.

  A008003072 

 Ave Maria autem est invocatio separata.

  A008003072 

 Sacerdos concionabundus, ut se non verba mundana habiturum sed ccelestia et Christi crucifixi, initio pingit Crucem, quae principium est et pars concionis.

  A008003073 

 Ex hoc rosario qui sine lumine temere rosas, id est, sensus, vult capere, saepe pungitur.

  A008003073 

 Sermo Christi est ut rosarium: folia, spem virescentem; spinae, fidem repugnantem sensui et mundo; rosae, charitatem.

  A008003074 

 Quae vero dicuntur in Osaea, in Genesi, ad Ro. et alibi, constat apertissime, si omnia inter se conferantur ut par est, intelligi de populis Israeliticis et Idumaeis, non de personis.

  A008003080 

 C'est le style de l'Ancien Testament d'annoncer que l'Incarnation aura lieu aussitôt, et qu'elle ne tardera pas.

  A008003080 

 Ht, bien qu'il soit venu dans le troisième âge, on dit qu'il est venu promptement et aussitôt, peut-être par comparaison avec la durée de l'éternité, pendant laquelle aurait pu se prolonger notre attente..

  A008003080 

 L'entendre peut-être du courroux qui a sévi au jour de la Passion, contre le Verbe presque anéanti (abbreviato) sur la terre; ou encore, bientôt, en peu de temps, c'est-à-dire, aussitôt.

  A008003083 

 C'est lorsque les Apôtres persévéraient avec Marie qu'ils reçurent l'Esprit-Saint.

  A008003083 

 Noter cela pour comprendre soit le grand avantage qu'il y a d'être avec Marie, soit la préséance d'honneur qui place Marie au-dessus de tous, comme étant la plus digne; car nous ne disons pas que le prince voyage ou est avec son courtisan, nous disons que celui-ci est avec son prince..

  A008003085 

 Ce signe est le début et fait partie du discours.

  A008003086 

 L'imprudent qui, sans discernement, veut y cueillir des roses, c'est-à-dire des interprétations arbitraires, se pique souvent.

  A008003086 

 La parole du Christ est comme un jardin planté de rosiers: les feuilles sont la verdeur de l'espérance; les épines, la lutte de la foi contre les sens et le monde; les roses, la charité.

  A008003090 

 Dans ceste pensee je dis: O mon Dieu, quelle [414] consolation et jubilation de cœur doivent avoir les Chrestiens, considerant l'exaltation de la sainte Croix, laquelle ayant esté terrassee et abbatue par les infidelles, fut relevee et redressee par ce genereux cappitaine Heradius! Certes, nostre joye doit estre d'autant plus grande, qu'en cest ancien Temple il n'y fut jamais offert que des veaux, des boucs, des aigneaux, etc.; mays sur la Croix et en la Croix, le Filz eternel de Dieu s'est offert et immolé..

  A008003093 

 Bienheureuse est l'ame qui void ainsy par tout Jesus Christ crucifié..

  A008003093 

 Ja n'advienne que je me glorifie en quelque autre chose qu'en la croix de mon Jesus: et ne croyes pas, mes chers Galates, que j'aye d'autre vie que celle de la croix; [415] car je vous asseure que je voy et sens tellement par tout la croix de mon Sauveur, que par sa grace je suis du tout crucifié au monde, et le monde m'est crucifié.

  A008003095 

 Je conseille volontier a mes devotz et devotes, pour se rafraischir plus souvent la memoire de la tressainte Croix, qu'ilz en portent tousjours une ou a leur col ou a leurs chapeletz, et qu'ilz ne soyent jamais sans avoir une croix sur eux pour la voir et bayser souvent, car le bayser est un signe d'amitié: et c'est pourquoy Jesus Christ, le parfait Amant de nos ames, baysoit ses Apostres quand ilz revenoyent a luy; et saint Paul enseignoit a ses disciples: Salues vous l'un l'autre de ma part, en vous donnant le saint bayser..

  A008003096 

 D'où le Chrestien doit inferer que ce n'est pas asses d'honnorer la Croix, s'il ne l'ayme; de la bayser, s'il ne l'embrasse par une cordiale et ferme resolution, non seulement d'aymer le Crucifix, mais encores la crucifixion de cœur..

  A008003096 

 Or, pour la preuve de nostre foy, il ne se faut pas contenter de bayser la Croix, mais il faut aymer la Croix; car la bayser sans l'aymer, c'est augmenter le crime de nostre infidelité, et attirer sur nous les punitions de ce peuple duquel Jesus Christ disoit: Ces gens icy m'honnorent des levres, ilz me donnent des baysers hypocritiques et des feintes louanges; mais leur cœur est fort esloignè de moy, et par consequent leurs œuvres sont fort esloignees de mes intentions.

  A008003097 

 Ceste croix de pasteur est la premiere que Jesus a portee; je le prouverais facilement par sa creche, par ses courses, par ses lassitudes et sueurs proche du puitz de la Samaritaine, et par son charitable soin pour ceux mesme qui le tourmentoyent..

  A008003099 

 Et pour troysiesme branche de ceste croix, qu'ilz ayent l'amour du vray honneur, qui est la seule vertu de pieté et crainte de Dieu, et la fuite de ce fantosme d'honneur imaginaire qui les poursuit, et qui s'estant emparé d'eux les jette dans la vanité, dans l'estime de soy mesme, et de la, dans les duelz, et des duelz dans la damnation eternelle..

  A008003101 

 Ceste croix du travail est tres salutaire pour ayder les hommes au salut eternel, parce que l'oysiveté estant la mere des vices, une necessaire et bonne occupation delivré l'ame de mille fantasies qui sont la source des pechés, et la tient dans une aymable innocence et bonne foy..

  A008003103 

 Aux viellars, je presente la croix de la patience, de la douceur et du sage conseil, croix qui requiert un cœur armé de courage, car ilz ne trouveront dans cest aage avancé et refroidy que labeur et douleur sur la terre: c'est le dire de David..

  A008003104 

 Il y a si grand nombre de croix pour les personnes mariees et chargées de famille qu'il n'est pas besoin de leur en destiner de particulieres; neanmoins, celle que je leur presente plus volontier c'est le support mutuel, l'amitié fidelle et non interrompue par des amours estrangers, et le soin de l'eslevation des enfans; en donnant bon exemple a toute la famille, ne se pas rendre criminel des crimes d'autruy..

  A008003105 

 Si elles sont vrayes vefves leur cœur, leur amour et leur playsir doivent estre attachés a la Croix de Jesus Christ, par l'abnegation des passetems du monde et par la meditation de la mort, puisque leur chere moitié est des-ja pourrissante au tombeau..

  A008003107 

 Le grand roy Salomon dit, que tout ce qui se passe sous le soleil est vanité et affliction d'esprit; cela presupposé, il n'y a point d'homme sous le soleil qui puisse eviter la croix et la souffrance.

  A008003109 

 Regardant donq la sainte Croix de Jesus avec un cœur plein d'amour et de reverence, je feray ces eternelles et inviolables resolutions: O mon Jesus, Bien Aymé de mon ame, permettes-moy que, comme un bouquet de myrrhe, je vous serre sur mon sein, et que je bayse le pied de ceste sainte Croix, teinte de vostre pretieux sang, et que je vous dise que ma bouche, qui est si [419] heureuse que de bayser vostre sainte Croix, s'abstiendra desormais de mesdisance, de murmure et de lasciveté.

  A008003110 

 Ma volonté, qui s'est sousmise aux loix de la sainte Croix et a l'amour de Jesus Christ crucifié, ne haïra jamais personne, parce que Jesus son Bien Aymé est mort d'amour pour tous..

  A008003120 

 C'est ainsi que Jésus-Christ voulant employer les Apôtres comme une terre où le grain de l'Evangile porterait du fruit au centuple, comme des pierres qui serviraient de fondement à l'édifice de [421] son Eglise, comme des clefs qui ouvriraient le Royaume des cieux, comme des coupes bien ciselées dans lesquelles le vin de la divine parole devait être bu, commença par leur reprocher leur incrédulité..

  A008003122 

 Les enfants d'Israël murmurent dans le désert parce qu'ils manquaient de pain; ils doutent que Dieu puisse leur préparer une table dans le désert; et le Seigneur s'irrite de leur défiance, le courroux du ciel s'allume contre eux: Male locuti sunt de Deo, dixerunt: Nunquid poterit Deus parare mensam in deserto? Ignis accensus est in Jacob, et ira ascendit in Israel.

  A008003122 

 Mais qu'est-ce que Jésus-Christ reproche à ses Apôtres? C'est leur incrédulité.

  A008003122 

 Qu'est-ce que l'homme, pour qu'il entreprenne de mesurer sur sa faible intelligence le pouvoir et les mystères de Dieu? Aussi, voyez comment le Seigneur punit ce péché.

  A008003123 

 C'est ainsi que dans une autre occasion il reprit saint Thomas de n'avoir pas cru au témoignage des autres Apôtres: Noli esse incredulus; Ne soyez pas incrédule, lui dit-il.

  A008003123 

 De quoi Jésus reprend-il ses Apôtres? C'est de n'avoir pas cru au témoignage des personnes qui avaient vu qu'il était ressuscité: Quia iis qui viderant eum resurrexisse, non crediderunt.

  A008003124 

 C'est en entendant la prédication que la foi s'est établie dans le monde: Quis credidit auditui nostro? Fides ex auditu.

  A008003128 

 C'est le cantique des Bienheureux, ainsi que nous l'apprenons de saint Jean.

  A008003128 

 D'où vient-il cet admirable cantique? Ah! c'est le Ciel qui l'a enseigné à la terre.

  A008003129 

 Alleluia! oh! que cette courte prière est excellente! qu'elle est énergique! Car elle ne signifie pas simplement: Louez Dieu, mais elle exprime les louanges divines d'une manière ineffable, avec l'accent de l'amour, avec l'enthousiasme du cœur; c'est un langage céleste qu'on ne peut traduire en aucune langue; c'est un cri d'allégresse, un ravissement d'admiration, l'élan de la plus vive reconnaissance..

  A008003130 

 Il y a l'amour qui jouit, c'est celui des Bienheureux; et il y a aussi l'amour qui désire, c'est notre partage; et l'un et l'autre chantent Alleluia, parce que l'un et l'autre ne peuvent retenir les transports de leur joie à la vue de l'Agneau debout devant le trône comme immolé: Vidi Agnum stantem tanquam occisum..

  A008003130 

 Mais pourquoi l'Eglise nous fait-elle, dès maintenant, entonner les célestes concerts de la vie bienheureuse? Quoi! l'hymne de la fortunée patrie peut-il être sur les lèvres des tristes exilés qui gémissent dans la vallée de larmes! Assis sur les bords des fleuves de Babylone, pouvons-nous chanter le cantique du Seigneur dans une terre étrangère? Oui, sans doute, puisque par la foi nous habitons déjà les Cieux: Conversatio nostra in Cœlis est.

  A008003131 

 Qu'est-ce à dire, l'Agneau debout comme immolé? Vous le savez, Messieurs, c'est Jésus-Christ qui dans le Ciel conserve ses plaies, marques touchantes de son immolation.

  A008003132 

 Et nous, habitants de la terre, nous sommes appelés à partager ces divins transports; c'est aussi à nous de considérer, avec les yeux du cœur, les plaies adorables de notre bon Maître.

  A008003138 

 Et si elle célèbre maintenant l'auguste sacrifice de la Messe au milieu d'un concert harmonieux d' Alleluia, ce n'est pas pour que ses enfants oublient que l'oblation de la céleste Victime est la plus vive représentation du sacrifice de la Croix.

  A008003138 

 Quand l'Eglise nous fait chanter des cantiques d'allégresse en l'honneur de Jésus ressuscité, ce n'est pas pour que nous bannissions de notre esprit l'attendrissant souvenir de ses tourments et de ses supplices, ni pour que nous cessions de verser des larmes sur ses cruelles souffrances.

  A008003141 

 Que sera-ce donc, ajoute le saint Docteur, si nous réfléchissons que nos péchés sont les bourreaux de Jésus-Christ, que c'est pour nos crimes qu'il a été cloué à la croix, que ce sont nos iniquités qui lui ont fait ces plaies si humiliantes et si douloureuses! Quelle profonde tristesse, quelle vive componction, quelle contrition amère ne doit pas s'emparer de notre cœur! «In dolore enim Domini nostri Jesu Christi, debemus intime sibi condolere et compati.

  A008003143 

 «Ce n'est pas que nous nous réjouissions de ses ignominies et de ses douleurs;» non, non, elles feront toujours la matière de nos gémissements et de nos larmes, mais nous sommes saisis de joie à la vue des admirables effets qu'a produits le sang précieux qui coule de ses plaies; nous bénissons mille et mille fois la tendre affection, l'amour ardent qu'il nous a témoigné en mourant sur la croix pour notre salut: «Non quod gaudeat de ejus vilitate et Passione, sed de ejus effectu affectuque, et amoris manifestatione.».

  A008003144 

 «Quel est le grand de la terre qui n'éprouverait pas la joie la plus vive, s'il était aimé du roi à un tel point que ce monarque fût prêt à donner sa vie pour lui! A combien plus forte raison, nous qui sommes des hommes si méprisables, de si infâmes esclaves, des pécheurs si abominables, devons-nous tressaillir de joie en voyant le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, notre Créateur et notre Dieu, Jésus, nous aimer jusqu'à s'immoler lui-même pour nous par la mort la plus ignominieuse et la plus cruelle! Quis princeps in regno cernens se tantum a rege diligi ut paratus esset mori pro ipso, non gauderet et exsultaret! Quanto magis nos vilissimi homines, et nefandissimi peccatores et servi, gaudere debemus et exsultare, cum videmus Regem regum et [428] Dominum dominantium et Creatorem nostrum Jesum nos ita continue diligere, ut immolaverit seipsum pro nobis in tam turpi et vilissima morte!».

  A008003148 

 Qu'elle est donc grande, Messieurs, la joie dont un cœur chrétien est pénétré en puisant aux sources du Sauveur! Qui pourrait encore exprimer l'abondance des grâces qui sont renfermées pour nous dans ces fontaines de salut et de miséricorde! Faisons-en le sujet de notre méditation dans le second point.

  A008003154 

 Or, qu'est-ce qu'habiter dans les plaies de Jésus? C'est, dit saint Bernard, avoir une dévotion tendre pour les plaies sacrées du Sauveur, s'élancer vers elles par les affections d'un cœur brûlant d'amour, y tenir l'âme comme collée par une méditation continuelle: « Columba mea in foraminibus petrœ, quod in Christi vulneribus tota devotione versetur, et jugi meditatione demoretur in illis.».

  A008003156 

 Avec quelle allégresse il contemple son sang qui coule à gros bouillons! Il triomphe, il ne peut contenir les transports de sa joie: Stat martyr tripudians et triumphans, toto licet lacero corpore et rimante latera ferro; non modo fortiter, secl et alacriter sacrum e carne sua circumspicit ebullire cruorem.» «Est-ce donc qu'il ne sent pas la douleur? il la sent, et vivement; mais il la surmonte, mais il la méprise: Nec deest dolor, secl superatur, sed contemnitur.» «Où est donc alors son âme? Ah! elle est dans le lieu sûr, elle est dans la pierre, elle est dans les entrailles de Jésus, elle habite dans ses plaies sacrées: Ubi ergo tune anima martyris? nempe in tuto, nempe in petra, nempe in visceribus Jesu, vulneribus nimirum patentibus ad introeundum.» Là elle s'anime par l'exemple de son Bien-Aimé; là elle renouvelle continuellement sa vigueur; là elle puise la force de boire le calice du Seigneur; là elle s'enivre des délices qui sont cachées dans les souffrances: «Ergo ex petra martyris fortitudo, inde plane potens ad bibendum calicem Domini; et calix hic inebrians quam prœclarus est!».

  A008003156 

 Ce n'est plus une créature faible et timide que le moindre péril épouvante; c'est un héros intrépide qui ne respire que le bonheur de souffrir et de mourir pour Jésus.

  A008003157 

 Et où, dans ma faiblesse, puis-je,» dit toujours saint Bernard, «trouver la sûreté et le repos, si ce n'est dans les plaies de mon Sauveur? J'y habite avec une sécurité proportionnée à sa puissance.» Je ne puis rien de moi-même, mais je puis tout dans Celui qui me fortifie.

  A008003157 

 Mais la pierre n'est-elle à servir d'habitation qu'à ces âmes généreuses? Ah! l'Esprit-Saint m'apprend encore que les hérissons, c'est-à-dire les âmes infirmes, y trouvent un refuge et un asile: « Petra refugium [431] herinaciis.

  A008003157 

 «Et revera ubi tuta firmaque infirmis securitas et requies, nisi in vulneribus Salvatoris? Tanto illic securior habito, quanto ille potentior est ad salvandum.» En vain le monde frémissant de rage m'attaque avec fureur; en vain la chair rebelle me livre de violents assauts; en vain le démon artificieux me dresse des embûches perfides, je ne tomberai jamais, pourvu que, caché dans les plaies de Jésus, je m'appuie sur cette pierre ferme.

  A008003158 

 Quelquefois la pensée des jugements de Dieu jette l'alarme dans ma conscience; je me sens effrayé par la multitude et l'énormité de tant de péchés que j'ai autrefois commis; mais aussitôt, pour me rassurer, je me jette dans les blessures du Seigneur, car je sais qu' il a été blessé pour nos iniquités: «Peccavi peccatum grande, turbatur conscientia, sed non perturbabitur, quoniam vulnerum Domini recordabor; nempe vulneratus est propter iniquitates nostras.» Là je lis écrit de son sang le mystère de son amour, j'adore le témoignage précieux de son immense miséricorde.

  A008003160 

 Ah! puisque je trouve tant de biens dans les plaies de mon Jésus, je veux suivre le conseil de saint Bonaventure, et je prends pour résolution d'établir trois tentes, non sur le Thabor, car Pierre ne savait ce qu'il disait lorsqu'il faisait cette proposition à Jésus, mais sur le Calvaire où le Sauveur lui-même nous a préparé ces trois demeures dans ses divines plaies: « Bonum est cum Christo esse; et in ipso volo tria tabernacula facere, unum in manibus, unum in pedibus, sed aliud continuum in latere ubi volo quiescere.».

  A008003162 

 J'y considérerai ces mains ouvertes pour me recevoir, ces bras étendus pour me soutenir, ce sang qui coule en abondance pour me sanctifier; j'y puiserai la force et la puissance qui réside dans ces mains adorables: In manibus ejus, ibi abscondita est fortitudo ejus..

  A008003163 

 Ah! Seigneur, votre cœur est la véritable Jérusalem; permettez-moi de le choisir à jamais pour le lieu de mon repos: [433] Haec requies mea in saeculum saeculi, hic habitabo quoniam elegi eam..

  A008003165 

 Nous prendrons pour bouquet spirituel les paroles de saint Pierre; Bonum est nos hic esse, faciamus tria tabernacula.


09-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IX-Vol.3-Sermons.html
  A009000067 

 Et non seulement cela s'est fait en l'Eglise, ains encores en l'ancienne Loy, le jour du Sabbat estant tousjours precedé de plusieurs preparations que l'on faisoit le jour devant..

  A009000068 

 C'est pourquoy il prit soin de faire que les Israëlites se preparassent par la consideration d'un si grand benefice, pour se rendre plus dignes de le recevoir.

  A009000068 

 Il parle ainsy comme si le Seigneur devoit venir en sa propre gloire, bien que nous sçachions tous que Dieu ne va et ne vient pas comme s'il avoit un corps, car il est immuable, ferme et solide, sans mouvement aucun; neanmoins Moyse use de ces termes pour monstrer que le benefice de la manne estoit si grand qu'il sembloit que Dieu deust venir luy mesme pour la porter et distribuer aux enfans d'Israël.

  A009000068 

 La tres sainte Eglise nous voulant donques faire preparer en la vigile du saint jour de Noël, et, comme une mere tres aymable, ne nous voulant laisser surprendre d'un si grand mystere, nous dit ces paroles: « Vous sçaurez aujourd'huy que Nostre Seigneur viendra» demain; qui est autant à dire: Il naistra demain, et vous le verrez tout petit enfant couché dans une creche.

  A009000068 

 Les ayant fait assembler il leur parla donques ainsy: Vous sçaurez au soir que le Seigneur vous a retirés de la terre d'Egypte, et au matin vous verrez la gloire du Seigneur; qui est autant que s'il eust dit: Il viendra demain au matin.

  A009000069 

 Car ils pensoyent que si bien il y avoit un Dieu supreme qui est le premier principe de toutes choses, il pouvoit neanmoins y avoir plusieurs dieux, ou du moins des hommes qui, participant en quelque façon aux qualités divines, se pouvoyent appeller dieux.

  A009000069 

 Ce que pour mieux faire, nous humilierons premierement nos entendemens, reconnoissans qu'ils ne sont nullement capables de pouvoir penetrer dans le fond de la grandeur de ce mystere, qui est un mystere vrayement chrestien.

  A009000070 

 Et nostre entendement, qui est l'œil de nostre ame, ne le peut regarder longuement sans s'obscurcir, et confesser en s'humiliant qu'il ne peut penetrer dans le fond de ce mystere, pour comprendre comme Dieu s'est incarné dans le ventre virginal de la tres sainte Vierge, et s'est fait homme semblable à nous pour nous rendre semblables à Dieu..

  A009000070 

 Les Chrestiens ont esté plus esclairés, et ont eu l'honneur de sçavoir que l'homme a esté fait Dieu et que Dieu s'est fait homme, bien qu'ils ne soyent pas capables de comprendre la grandeur du mystere de l'Incarnation et de la tres sainte Nativité de Nostre Seigneur, car c'est un mystere caché dans l'obscurité des tenebres de [3] la nuit; non pas que le mystere soit tenebreux en soy mesme, car Dieu n'est que lumiere.

  A009000070 

 Mais comme l'on voit que nos yeux ne sont pas capables de regarder la lumiere ou la clarté du soleil sans s'obscurcir (de sorte qu'apres s'estre voulu appliquer à regarder cette lumiere nous sommes contrains de les fermer, n'estant pas capables de rien voir pour quelque temps), de mesme, ce qui nous empesche de comprendre le mystere de la tres sainte Nativité de Nostre Seigneur n'est pas qu'il soit tenebreux en soy mesme, ains parce qu'il n'est que lumiere et clarté.

  A009000071 

 C'est donques en l'obscurité de la nuit que Nostre Seigneur naquit et se fit voir a nous comme un petit enfant couché dans une creche, ainsy que nous le verrons demain..

  A009000071 

 Ce benefice n'est autre que la grace qui nous sert pour acquerir la jouissance de la gloire et felicité, de laquelle [4] nous estions privés pour jamais sans ce don qu'il nous a fait de sa grace.

  A009000071 

 Dieu voulant de mesme faire un benefice signalé et incomparablement aymable aux hommes qui vivent sur la terre comme en un desert, où ils ne font que souspirer et aspirer pour la jouissance de la terre promise qui est nostre patrie celeste, vient luy mesme en personne nous l'apporter, et ce au plus fort de la nuit.

  A009000072 

 L'estoille de mer c'est l'estoille du pole vers laquelle tend tousjours l'aiguille marine; c'est par elle que les nochers sont conduits sur mer et qu'ils peuvent connoistre où tendent leurs navigations.

  A009000073 

 La tres sacrée Vierge est aussi cette estoille matiniere qui nous apporte les gracieuses nouvelles de la venue du vray Soleil.

  A009000073 

 Quelle apparence, je vous prie, y a-t-il que Nostre Seigneur deust violer l'integrité de sa Mere, luy qui ne l'avoit choisie sinon parce qu'elle estoit vierge? Luy qui estoit la pureté mesme eust-il peu diminuer ou entacher la pureté de sa tres sainte Mere? Nostre Seigneur est engendré et produit virginalement de toute eternité du sein de son Pere celeste; car si bien il prend la mesme divinité de son Pere eternel, il ne la divise pourtant pas, ains demeure un mesme Dieu avec luy.

  A009000074 

 C'est donc à juste rayson que la tres sainte Vierge a un nom qui signifie estoille, car tout ainsy que les estoilles produisent leur lumiere virginalement et sans en recevoir aucun detriment en elles mesmes, ains en paroissent plus belles à nos yeux, de mesme Nostre Dame produisit cette lumiere inaccessible, son Fils tres beni, sans en recevoir aucun detriment ni souiller aucunement sa pureté virginale; mais avec cette difference neanmoins, qu'elle le produit sans effort ni secousse et violence quelconque, ce que ne font pas les estoilles, ainsy que l'on voit, car elles produisent leur lumiere par secousses et, ce semble, avec violence et forcement..

  A009000074 

 Cecy ne doit pas estre espluché ni consideré curieusement, et ne faut pas alambiquer nos entendemens apres la recherche de cette divine production, qui est un peu trop haute pour eux.

  A009000074 

 Il est bon pourtant de s'en servir pour fondement des meditations que nous faisons sur le mystere de la Nativité de Nostre Seigneur.

  A009000075 

 Et comme ces trois gousts ou saveurs se trouvoyent en une seule viande qui estoit la manne, de mesme en la personne de Nostre Seigneur il y a trois substances, lesquelles toutes trois ne font qu'une mesme Personne, qui est Dieu et homme tout ensemble.

  A009000076 

 En la manne estoit le goust du miel, qui est une liqueur celeste; car si bien les abeilles cueillent le miel de sur les fleurs, elles ne tirent pourtant pas le suc des fleurs, ains cueillent et ramassent avec leur petite bouchette le miel qui descend du ciel avec la rosée, et seulement en un certain temps de l'année.

  A009000077 

 Qu'est-ce autre chose sa tres benite ame qu'une huile, un baume, une odeur respandue qui console infiniment l'odorat de tous ceux qui s'en approchent par la consideration de son excellence? O quelle odeur respandit-elle en presence de la divine Majesté à laquelle elle se voyoit unie sans l'avoir merité ni peu meriter d'elle-mesme! O quels actes de parfaite charité, de profonde humilité ne produisit-elle pas en ce mesme instant de cette sacrée et incomparable union qu'elle eut avec le Verbe eternel à l'heure mesme de l'Incarnation! Et pour nous autres, quel parfum, quelle odeur, quelle senteur d'une suavité incomparable n'a-t-elle pas respandu pour nous inciter à la suite et à l'imitation de ses perfections!.

  A009000078 

 O que ce pain a un goust incomparablement delectable pour les [7] ames qui le mangent dignement! Quelle delectation, je vous prie, de se nourrir du pain descendu du ciel, du pain des Anges! Toutefois, ce qui le rend plus delectable est l'amour avec lequel il nous est donné par Celuy mesme qui est le don et le donateur tout ensemble.

  A009000079 

 Mais ils disent: Vostre Sauveur est né à ces enseignes: vous le trouverez dans une creche, entre des animaux et emmaillotté dans des langes..

  A009000080 

 Mais qu'est-ce que representent ces bergers? Les uns disent qu'ils representent les pasteurs de l'Eglise, comme sont les Evesques, les Superieurs des Religions, les curés et tous ceux qui ont charge d'ames; c'est l'opinion d'une [8] partie des saints Peres que Nostre Seigneur revele plus particulierement ses mysteres à ceux-là, d'autant qu'ils sont commis de la part de Dieu pour les faire puis apres entendre à leur troupeau, aux ames qui leur sont commises.

  A009000080 

 Mais remarquez qu'il n'y eut que les bergers qui veilloyent sur leur troupeau qui eurent l'honneur et la grace d'ouïr cette gracieuse nouvelle de la naissance de Nostre Seigneur, pour nous monstrer que si nous ne veillons sur le troupeau que Dieu nous a donné en charge, qui est comme j'ay dit, nos passions, nos inclinations, les facultés de nostre ame, pour les faire repaistre dans quelque saint pasturage et les tenir rangées et en leur devoir, nous ne meriterons point d'ouïr cette nouvelle tant aymable de la naissance du Sauveur, et ne serons pas capables de l'aller visiter dans la creche où sa tres benite Mere le posera demain..

  A009000080 

 Or, si un chacun de nous est berger et pasteur, quel est, peut-on dire, nostre troupeau et quelles sont nos brebis? Ce sont nos passions, nos inclinations, nos affections, les facultés de nostre ame.

  A009000081 

 Il pleure vrayement, mais ce n'est point de tendreté sur luy mesme, ce n'est point par amertume de cœur, ains tout simplement pour se conformer aux autres enfans..

  A009000081 

 Mais Nostre Seigneur, qu'y avoit-il à craindre pour son regard, veu qu'il avoit l'usage de rayson dès l'instant de sa conception? Il ne pouvoit prendre nul destour, luy qui est la droiture mesme.

  A009000081 

 Mais qu'est-ce qu'il fait, ce tres doux Enfant? Regardez-le couché dedans la creche: Vous le trouverez, disent les Anges, emmaillotté dans des langes.

  A009000081 

 O Dieu, quelle bonté de cet aymable Sauveur! Il s'est sousmis à faire tout ce que font les autres enfans, pour ne paroistre autre chose qu'un pauvre petit poupon, sujet à la necessité et loy de l'enfance.

  A009000081 

 O que c'est un mystere grandement suave que celuy de la tres sainte Nativité de Nostre Seigneur! Tous et un chacun y peut rencontrer un grand sujet de consolation; mais plus ceux qui seront mieux preparés et qui auront, à l'imitation de ces bergers, bien veillé sur leur troupeau.

  A009000082 

 Je considere que, outre cette rayson pour laquelle Nostre Seigneur voulut estre bandé et emmaillotté et sujet à sa tres sainte Mere, de telle sorte qu'il se laisse manier, porter et emmaillotter tout ainsy qu'il luy plaist, sans tesmoigner nulle repugnance, il y a encores un autre sujet qui l'a meu à ce faire: c'est pour nous apprendre à gouverner et regir nostre troupeau spirituel, c'est à dire nos passions, nos affections et les facultés de nostre ame.

  A009000082 

 La concupiscible est celle qui nous fait aymer et desirer ce qui nous semble estre bon et profitable; c'est elle qui nous fait resjouir en la prosperité et qui nous fait attrister en l'adversité, en la mortification et en tout ce qui repugne à la propre volonté.

  A009000083 

 Voyez de grace ce tres doux Enfant lequel se laisse tellement gouverner et conduire par sa tres benite Mere qu'il semble veritablement qu'il ne puisse en façon quelconque faire autrement; ce n'est pour autre sujet, mes cheres ames, sinon pour nous monstrer ce que nous devons faire, principalement les Religieuses qui ont voué leur obeissance.

  A009000084 

 Qu'avons nous de plus à dire sinon que le mystere de la Nativité de Nostre Seigneur est un mystere de la Visitation? Comme la tres sainte Vierge fut visiter sa cousine sainte Elizabeth, de mesme il nous faut aller fort souvent le long de cette octave visiter le divin Poupon couché dans la creche, et là nous apprendrons de ce souverain Pasteur des bergers à conduire, gouverner et ranger nos troupeaux, de sorte qu'ils soyent aggreables à sa Bonté.

  A009000084 

 Qu'est-ce, je vous prie, que nous pourrions porter à ce divin Berger qui luy fust plus aggreable que le petit agnelet de nostre amour, qui est la principale partie de nostre troupeau spirituel, car l'amour est la premiere passion de l'ame.

  A009000087 

 De mesme nos sens, nos puissances interieures, les facultés de nostre ame, comme des abeilles spirituelles, jusques à tant qu'elles ayent un roy, c'est à dire jusqu'à ce qu'elles ayent choisi Nostre Seigneur nouveau né pour leur Roy, elles n'ont aucun repos.

  A009000087 

 Les abeilles n'ont aucun arrest tandis qu'elles n'ont point de roy: elles ne cessent de voleter par l'air, de se dissiper et esgarer, n'ayans presque nul repos dans leur ruche; mais dès aussi tost que leur roy est né, elles se tiennent ramassées tout autour de luy et ne sortent que pour la cueillette et, ce semble, par le commandement ou congé de leur roy.

  A009000087 

 Nos sens ne cessent de s'esgarer et d'attirer nos facultés interieures apres eux pour se dissiper tantost apres ce sujet qu'elles rencontrent, puis tantost sur un autre, et ainsy ce n'est qu'une continuelle perte de temps, travail d'esprit, inquietude, qui nous fait perdre la paix et tranquillité tant necessaire à nos ames.

  A009000088 

 C'est la grace que je vous desire, mes cheres ames, que de vous tenir bien proches de ce sacré Sauveur qui vient pour nous ramasser tout autour de luy, à fin de nous tenir tousjours sous l'estendart de sa tres sainte protection, soit comme le pasteur a soin de ses brebis et de son troupeau, soit comme le roy des abeilles, qui en a un tel soin que l'on dit qu'il ne sort jamais de sa ruche sans estre entouré de tout son petit peuple.

  A009000093 

 Cela est autant à dire que se purifier ou purger soy mesme.

  A009000094 

 C'est un abus de croire pouvoir arriver à ce point de perfection de n'avoir plus rien à faire, car nostre amour propre va tousjours produisant quelques rejetons d'imperfection qu'il faut retrancher.

  A009000094 

 Elle n'eut non plus besoin de purification dès cette heure là; mais nous autres, il est tres necessaire que nous sçachions cette verité, qui est que tant que nous serons en cette miserable vie nous aurons tousjours besoin de nous purifier et de renoncer à nous mesme, et cette vie ne nous est donnée pour autre fin.

  A009000094 

 Il se sert de nos sens, et il est si malicieux que dès que nous luy ostons le pouvoir de faire ses operations en celuy de la veüe, il se saisit de celuy de l'ouÿe, et ainsy des autres; bref, nous sommes au temps qu'il faut travailler..

  A009000095 

 Mais nous avons un autre nous mesme, et c'est celuy auquel il faut renoncer; ce sont nos passions, nos mauvaises inclinations, nos affections depravées, et pour dire en un mot, cet amour propre duquel nous avons desja parlé..

  A009000095 

 Nous avons deux nous mesmes, et avons desja veu que renoncer à soy mesme c'est se purifier soy mesme.

  A009000095 

 Or, quel est ce nous mesme qu'il faut purifier, puisque nous en avons deux, lesquels neanmoins ne font qu'une seule personne? Nous avons un nous mesme qui est tout celeste, lequel nous fait faire les bonnes œuvres; c'est cet instinct que Dieu nous [16] a donné pour l'aymer et pour aspirer à la jouissance de la Divinité en la gloire eternelle.

  A009000096 

 Il faut renoncer à l'homme terrestre pour fortifier le celeste, et c'est une chose asseurée qu'à mesure que l'un s'affoiblira, l'autre sera renforcé..

  A009000096 

 Il ne se faut point tromper, pensant pouvoir aller apres Nostre Seigneur sans renoncer tout à fait et sans reserve à ce nous mesme, car non seulement Nostre Dame nous a baillé exemple de le faire, mais le Sauveur mesme nous l'a enseigné en sa Mort et Passion, renonçant à l'inclination qu'il avoit de vivre, pour s'assujettir à la volonté de son Pere, en se rendant obeissant jusques à la mort et à la mort de la croix; et c'est ainsy qu'il faut que nous fassions.

  A009000096 

 Je veux dire qu'il faut renoncer à ce mauvais nous mesme pour l'assujettir à l'autre, qui est la rayson et partie superieure de l'ame, qui tend tousjours au vray bien par l'instinct que Dieu luy a donné; car il ne serviroit de rien de renoncer à soy mesme pour en demeurer là; les philosophes d'autrefois l'ont fait admirablement, mais cela ne leur a de rien servi.

  A009000097 

 C'est assez parler sur ce premier point, puisque nous sommes enseignés que renoncer à soy mesme n'est autre chose que se purifier et se purger de tout ce qui se fait par l'instinct de nostre amour propre, lequel, nous le sçavons, produira tousjours, tandis que nous serons en cette vie, des rejetons qu'il faudra couper et retrancher, tout ainsy qu'il faut faire à la vigne; car il ne se faut pas contenter d'y mettre une fois la main, mais il faut la couper en un temps, puis apres la despouiller de ses feuilles, et ainsy plusieurs fois l'année il faut avoir la main à la serpe pour retrancher les superfluités.

  A009000097 

 Il ne reste rien à adjouster sur ce sujet sinon qu'il faut avoir bon courage pour ne se laisser jamais abattre ni estonner de nos imperfections, puisque tout le temps de nostre vie nous est donné pour nous en desfaire et purger.

  A009000098 

 Au renoncement de nous mesme nous faisons encor quelque chose qui nous contente, parce que c'est nous mesmes qui agissons, mais icy il faut prendre la croix telle qu'on nous l'impose; et en cecy il y a desja moins de nostre choix, c'est pourquoy c'est un point de perfection de beaucoup plus grand que le precedent.

  A009000098 

 Nostre Seigneur et tres cher Maistre nous a tres bien monstré comme il ne faut pas que nous choisissions la croix, ains qu'il faut que nous la prenions et portions telle qu'elle nous est presentée.

  A009000098 

 Passons au second point, qui est qu'il faut prendre sa croix apres que l'on a renoncé à soy mesme.

  A009000098 

 Voulez-vous sçavoir en un mot que cela signifie? C'est autant à dire que: Prenez et recevez de bon cœur toutes les peines, contradictions, afflictions et mortifications qui vous arriveront en cette vie.

  A009000099 

 Escoutons un peu son grand Apostre saint Paul, lequel nous asseure que rien ne le separera de son Maistre parce qu'il est marqué de sa marque, et qu'en quelle part qu'il aille il sera tousjours reconneu pour estre des siens.

  A009000099 

 Mais quelle est cette marque, sinon la souffrance? Il dit de luy mesme qu'il estoit comme un homme à qui l'on donne l'estrapade, car il souffroit en son interieur une peine insupportable, le vehement amour qu'il portoit à son Maistre le tirant puissamment du costé du Ciel par le desir de jouir de luy.

  A009000100 

 Je veux dire qu'il peut y avoir plus de vertu à retenir une parolle qui nous a esté defendue par nos Superieurs, ou bien à ne pas lever la veùe pour regarder quelque chose que l'on a bien envie de voir, que non pas de porter la haire, parce que dès qu'on l'a sur le dos il n'est plus besoin d'y penser; mais en ces menues obeissances il faut avoir une grande attention pour n'y pas faillir..

  A009000100 

 Mais disons un peu, je vous supplie, un abus qui est en l'esprit de plusieurs, à sçavoir, qu'ils n'estiment et [18] ne veulent porter les croix qu'on leur presente si elles ne sont grosses et pesantes.

  A009000100 

 Vous vous trompez si vous croyez qu'il y ait moins de vertu à vous sousmettre en cela, car le merite de la croix n'est pas en sa pesanteur, ains en la façon avec laquelle on la porte.

  A009000101 

 Il ne s'en faut pas estonner, puisque l'Espoux, au Cantique des Cantiques, dit que le lieu où il se repose est au midy.

  A009000101 

 Je m'en vay vous donner un exemple admirable pour vous faire comprendre la valeur de ces petites croix, c'est à dire d'obeissance, condescendance et souplesse à suivre la volonté d'un chacun, mais specialement des Superieures.

  A009000101 

 Sainte Gertrude fut faite Religieuse en un monastere où il y avoit une Abbesse ou Superieure laquelle reconnoissoit fort bien que la bienheureuse [19] Sainte estoit d'une complexion foible et fort delicate; c'est pourquoy elle la faisoit traitter plus delicatement que non pas les autres Religieuses, tant pour le vestir que pour la nourriture, et ne luy laissoit pas faire les austerités qu'on avoit accoustumé de faire en cette Religion.

  A009000102 

 Ceux qui navigent sur la mer, approchant du lieu où sont les sirenes, courent tousjours grande fortune de se perdre à cause qu'elles chantent si delicieusement qu'elles endorment ceux qui rament; mais il y en a qui ont usé de cet expedient, de se faire attacher à l'arbre qui est planté [20] au milieu du navire, à fin de n'estre pas attirés au bord par cette melodie.

  A009000102 

 Il est vray, mais voicy le remede.

  A009000102 

 Il faut que nous en fassions de mesme lors que ces sirenes de propre volonté, de repugnances et raysons de l'amour propre nous viendront chanter aux oreilles pour nous conjurer de leur obeir; il faut, dis je, nous attacher fortement à l'arbre du navire, qui n'est autre chose que la croix, nous resouvenant que Nostre Seigneur, pour le second point de la perfection, nous ordonne de prendre nostre croix.

  A009000103 

 Au premier, qui est de renoncer à nous mesme, doivent estre mises, comme nous l'avons dit, ces deux esgales et invariables resolutions, à sçavoir mon, de se resoudre à avoir tous-jours quelque chose à purger et mortifier pendant que nous serons en ce monde, puisque nostre purgation ne se doit finir qu'avec nostre vie; et l'autre, d'avoir bon courage pour ne point nous estonner d'avoir beaucoup à faire, ains de travailler tousjours le plus fidellement que nous pourrons.

  A009000103 

 C'est que, si vous perseverez le long de vostre vie, à la fin il vous mettra devant luy; là vous jouirez de la claire veüe de sa face, il s'entretiendra familierement avec vous comme l'amy avec son amy, et cet entretien durera eternellement.

  A009000103 

 Tous les Chrestiens qui aspirent au Ciel vont apres le Sauveur, car c'est par ses merites qu'on en espere la possession, en observant neanmoins ses commandemens; mais suivre Nostre Seigneur c'est marcher sur ses pas, imiter ses vertus, faire ses volontés et n'avoir qu'une mesme pretention avec luy.

  A009000104 

 Bienheureuses sont les ames qui sçavent bien cette pratique de s'offrir à Dieu, et toutes leurs actions, en l'union de ce Sauveur! Mais considerons aussi un peu cette autre prattique d'union que fit la Sainte Vierge avec saint Simeon et Anne la prophetesse; car si bien les Evangelistes ne parlent point de cette derniere, il est pourtant probable qu'elle eut l'honneur de tenir le Sauveur de nos ames entre ses bras, puisqu'elle avoit excellemment bien renoncé à soy mesme, bien porté sa croix et avoit esperé et aspiré tant de temps apres la venue du Seigneur qu'elle voyoit de ses yeux.

  A009000105 

 Mais ces deux façons de le porter ne sont pas grand chose si l'on n'y adjouste la troisiesme, qui est de le porter dessus ses bras, je veux dire l'imiter en ses œuvres, car les bras representent les œuvres..................................................................................................

  A009000112 

 Ductus est Jesus in desertum a Spiritu,.

  A009000118 

 Et Nostre Seigneur luy respondit: Je ne le feray pas, car il [23] est escrit que l'homme ne vit pas seulement du pain, mais de toute parole qui part de la bouche de Dieu..

  A009000119 

 Il faut que nous sçachions que le diable donne souvent cette tentation aux ames les plus pieuses, plus retirées et plus adonnées au service de Dieu; aussi est-ce celles-là particulierement qu'il cherche, car il sçait bien qu'il aura plus d'honneur, c'est à dire d'honneur infernal, pour l'acquisition d'une de ces ames, que non pas de beaucoup d'autres moins pieuses; et il fait cela aussi pour la haine perpetuelle qu'il porte à Dieu.

  A009000119 

 Il faut vrayement faire ce qui t'est commandé, mais fais le tant plus laschement, et quand l'on ne te verra pas, hé, ne le fais pas.

  A009000120 

 Et pourquoy, sinon pour nous gendarmer, fortifier et rendre vaillans et courageux en son service pour la conqueste des vrayes et solides vertus? C'est un abus de croire de les pouvoir acquerir et parvenir à la [24] perfection sans estre tenté des vices contraires.

  A009000120 

 Il faut regarder l'intention de la divine Majesté au temps de la tentation; non pas que nous puissions penser ni dire que c'est Dieu qui nous tente; oh non, car il ne le peut, ains il permet que nous soyons tentés et exercés.

  A009000120 

 O Dieu, que faites-vous, cheres ames? Ne changez pas la pierre en pain, convertissez-la plustost en eau, car vostre Pere, qui est Dieu, l'a bien fait pour desalterer les enfans d'Israël; mais il n'en a jamais tiré du pain, ains a plustost fait descendre la manne du ciel.

  A009000121 

 Jesus luy dit donques: Je ne le feray pas, car il est escrit: Tu ne tenteras point le Seigneur.

  A009000121 

 Or, le diable estant rejetté par nostre Maistre ne perdit pas courage, ains le prit et le porta sur le pinacle du Temple, et luy dit: Si tu es Fils de Dieu, jette toy en bas, car il est escrit que les Anges te porteront entre leurs bras, de peur que tu ne heurtes de ton pied à la pierre. Et Nostre Seigneur ne le voulut pas pour plusieurs raysons, dont en voicy une: ce fut pour nous monstrer que si bien nous sommes portés par le diable en un lieu haut et sureminent comme est la Religion, par quelques intentions perverses, voire mesme de despit, que nous n'en devons pas descendre, ains y devons demeurer, car Dieu sçaura bien convertir nostre mauvaise intention en une bonne.

  A009000122 

 Il faut que chacun marche en sa voye: la voye des Saints estoit de faire ce qu'ils faisoyent, mais la vostre c'est de parvenir, ou tascher de parvenir à la perfection peu à peu, et non pas tout d'un coup comme vous voudriez.

  A009000131 

 C'est vrayement par le moyen de l'oraison que l'on parvient à la perfection, et saint Bernard, apres en avoir marqué d'autres, dit que celuy ci les surpasse tous.

  A009000131 

 Plusieurs ames devotes demanderont peut estre comment est-ce que nous connoistrons que nous nous avançons à l'oraison, et par le moyen de l'oraison, à la perfection.

  A009000132 

 La charité est la pureté de l'ame, car elle ne peut supporter en nos cœurs aucune affection impure ou qui soit contraire à Celuy qu'elle ayme (la charité et l'amour n'est qu'une mesme chose); et la chasteté est la charité du corps, d'autant qu'elle rejette toutes sortes d'impuretés.

  A009000132 

 La premiere consideration est celle cy: Jesus estant monté sur la montagne se mit à prier, et estant en priere il fut transfiguré, et sa face devint plus reluisante que le soleil et ses vestemens blancs comme la neige.

  A009000132 

 Or, nous connoissons que nostre oraison est bonne et que nous nous avançons en icelle, si, lors que nous en sortons, nous avons, à l'imitation de Nostre Seigneur, la face reluisante comme le soleil et nos habits blancs comme la neige; je veux dire, si nostre face reluit de charité et nostre corps de chasteté.

  A009000133 

 Et pour quoy faire? Pour prendre nostre humanité et se rendre sujet aux hommes, voire mesme à toutes les miseres humaines, jusques là qu'estant immortel il s'est rendu sujet à la mort et à la mort de la croix.

  A009000133 

 La seconde consideration est sur ce que les Apostres virent Moyse et Elie qui parloyent à Nostre Seigneur de l'exces qu'il devoit faire en Hierusalem.

  A009000133 

 Non certes, il ne faut pas dire comme saint Pierre: Il est bon que nous soyons icy, mais: Il est bon que nous passions par icy pour aller à la montagne de Calvaire..

  A009000133 

 Nostre Seigneur parle donques de sa Passion et de sa Mort parce que c'est le souverain acte de son amour; aussi les Bienheureux, en la gloire eternelle, ne parleront ni ne se resjouiront de rien tant que de cette mort.

  A009000134 

 L'on est veritablement fort en crainte emmy la consolation, car on ne sçait si on ayme les consolations de Dieu, ou bien le Dieu des consolations; mais en l'affliction il n'y a rien à craindre, pourveu qu'on soit fidelle, d'autant qu'il n'y a rien de delectable.

  A009000134 

 On descend de la montagne de Thabor pecheur, mais au contraire on descend de celle de Calvaire justifié; cela s'entend quand on s'y tient ferme au pied de la Croix comme Nostre Dame, qui est le parangon de tout ce qui est de beau et d'excellent au Ciel et en la terre.

  A009000135 

 Apres, il est veu entre Moyse et Elie, parlant de l'exces qu'il devoit faire en Hierusalem; et celle cy est la seconde.

  A009000135 

 Aujourd'huy il se veut transfigurer et faire voir un eschantillon de sa gloire à ses trois Apostres, il se met en oraison et en extase, et y estant, il fut veu la face plus reluisante que le soleil et ses vestemens plus blancs que neige; et c'est nostre premiere consideration.

  A009000135 

 Ensuite l'on entend la voix du Pere eternel qui dit: Celuy ci est mon Fils bien aymé, escoutez le; le troisiesme degré de l'oraison, voire mesme de la perfection, est donc d'obeir au Pere en escoutant son Fils..

  A009000135 

 Et voyci comme nous sommes enseignés que tous, de quelle condition qu'ils soyent, doivent prier et faire oraison, car c'est là où principalement ce divin Maistre nous parle.

  A009000135 

 Je dis bien neanmoins que si vous voulez bien faire vostre devoir, il faut que vous priiez Dieu, et c'est en l'oraison que nous apprenons à bien faire ce que nous faisons.

  A009000135 

 Je fais la troisiesme sur ce que l'on entendit la voix du Pere eternel qui dit: Celuy ci est mon Fils bien aymé, escoutez-le.

  A009000135 

 Quand Nostre Seigneur a voulu accomplir quelque grande chose il s'est mis en oraison, mais non pas en une simple oraison faite sans preparation, ains il se retiroit en la montagne et entrait en la solitude.

  A009000136 

 L'une est neanmoins plus profitable que l'autre; comme de mesme il y a plus de profit à accomplir la volonté de Dieu, ou bien à l'aymer en quelque evenement qui nous contrarie, que non pas à [30] escouter parler Nostre Seigneur emmy la consolation que l'on reçoit aucunefois en l'oraison..

  A009000137 

 Cecy est le souverain degré de la perfection, de ne voir plus que Nostre Seigneur en quoy que nous fassions.

  A009000137 

 Plusieurs s'empescheront bien de regarder les hommes et les choses de ce monde, mais il en est extremement peu qui ne se regardent point eux mesmes; ains les plus spirituels recherchent et choisissent entre les exercices de devotion ceux qui sont plus à leur goust et plus conformes à leurs inclinations.

  A009000144 

 Digne d'admiration et plein de merveilles est le mystere d'aujourd'huy, à cause de sa grande simplicité exterieure.

  A009000144 

 Et pour ce faire, je considere premierement pourquoy il choisit cet animal pour faire sa parade et s'en servir en cet appareil royal, veu que l'asnesse est un animal immonde et grandement desplaisant à cause de sa tardiveté et paresse, vice que Nostre Seigneur a tellement en horreur, que s'addressant à un Evesque il luy mande: Mieux vaudroit pour toy que tu fusses froid ou chaud; mais parce que tu es tiede je te vomiray.

  A009000145 

 Mais d'autant qu'il n'y a creature si malheureuse qui n'ait quelque chose de bon, l'asnesse a une grande simplicité: elle est sans artifice, sans destour et sans fiel; c'est pour cela que Nostre Seigneur l'a choisie, car il n'y a point de vertu que Dieu ayme tant et qui l'attire davantage dans une ame que la simplicité.

  A009000146 

 Aller à l'eglise pour prier Dieu, et avoir encores intention d'y parler à quelqu'un avec qui l'on a affaire, c'est une intention impure, car elle est meslée.

  A009000146 

 La pureté est une vertu qui ne peut souffrir aucune souilleure de peché en nos cœurs.

  A009000146 

 La verité n'est autre chose sinon nous monstrer tels en l'exterieur que nous sommes en l'interieur; car le mensonge gist à dire ou à faire quelque chose contraire à nostre sentiment interieur.

  A009000146 

 Pour entendre que c'est que simplicité, nous devons premierement sçavoir qu'il y a trois vertus qui ont un tel cousinage et ressemblance qu'il semble n'y avoir point de difference entre elles: la verité, la pureté et la simplicité.

  A009000146 

 Un autre exemple: aller à l'oraison pour adorer Dieu, et y joindre l'intention d'obtenir des consolations, qui ne voit que cela est impur? La pureté donques n'a qu'une seule intention, ou au moins n'en conserve point d'impure et qui ne tende à la gloire de Dieu..

  A009000147 

 Cecy est la parfaite simplicité, de n'avoir en tout ce que l'on fait qu'une seule et unique pretention de plaire à Dieu, et c'est ce que Nostre Seigneur voulut enseigner à ses Apostres quand il leur recommanda d'estre prudens comme le serpent et simples comme la colombe.

  A009000147 

 Je sçay bien, vouloit-il dire, que conversant parmi les hommes il faut que vous ayez de la prudence pour assembler diverses sortes de pretentions, mais aussi je veux que vous soyez simples, en les reduisant toutes en une, qui est ma plus grande gloire..

  A009000147 

 L'Espoux, au Cantique des Cantiques, nous le fait bien voir quand il asseure que son Espouse luy a ravi le cœur par un de ses yeux et par un de ses cheveux; voulant dire: Ma mie, ma toute chere, ma colombe, tu m'as regardé de tes deux yeux, mais maintenant tu as fermé l'œil gauche avec lequel tu voyois les recompenses eternelles, parce que [33] tu en es toute asseurée en perseverant en mon amour; tu ne regardes donques plus que moy, ni ne penses plus qu'en moy, car tes cheveux, à sçavoir tes pensées, tu les as toutes reduites en une qui est pour moy, c'est pourquoy tu m'as ravi le cœur.

  A009000148 

 C'est pourquoy il la reprend, car si elle eust eu simplement soin de le bien servir, elle n'eust pas assemblé tant de pretentions pour que tout fust en bon ordre, et n'eust pas esté reprise.

  A009000148 

 Le trouble et l'inquietude que l'on a, voire mesme pour ce qui est de l'avancement de nos ames en la perfection, est contraire à la parfaite simplicité, puisque cette vertu consiste en une certaine tranquillité de cœur et paix interieure de l'ame qui se tient comme Magdeleine aux pieds de Nostre Seigneur, tandis que Marthe s'empresse.

  A009000149 

 Les Religieux de ce temps cy eussent bien esté plus discrets, car ils eussent au moins respondu: [34] O Maistre, si nous faisons cela, qu'est ce qu'on dira? On le trouvera mauvais, cela nuira à vostre reputation.

  A009000149 

 Nostre Sauveur donques, voulant estre monté sur une asnesse pour entrer en Hierusalem, dit à deux de ses Apostres: Allez vous-en au village qui est proche, entrez en une telle maison, desliez l'asnesse et l'asnon, et me les amenez; et si l'on vous dit quelque chose, dites que le Seigneur en a besoin.

  A009000150 

 C'est l'amour affectif qui nous cause tant de grans desirs de travailler pour la gloire de Dieu et de nous rendre parfaits; mais il veut principalement l'amour effectif, car il ne nous servira de gueres d'affectionner fort sa sainte volonté si nous n'aymons qu'elle soit accomplie en nous en l'affliction comme en la prosperité.

  A009000150 

 Desliez l'asnesse et l'asnon; et c'est ce que je considere secondement.

  A009000150 

 Nul ne peut comprendre le bonheur d'une ame qui est desliée et conduite à Nostre Seigneur par le moyen de la grace; mais, o Dieu, combien plus grand est le bonheur de celle de qui l'on deslie encores l'amour! Et pourquoy deslier l'ame et l'amour? Parce que le Seigneur en a besoin: de l'ame pour la sauver, et de l'amour pour luy estre reservé.

  A009000150 

 Qu'est-ce que deslier l'ame? C'est la deslier et destacher du peché par le moyen d'une bonne confession; car chacun sçait que l'ame qui est en estat de peché est attachée et engagée dans les liens et filets du diable.

  A009000150 

 Qu'est-ce que deslier l'asnesse et l'asnon? C'est deslier l'ame et l'amour qui est son asnon.

  A009000151 

 L'heresie n'est autre chose sinon le choix que l'on fait d'accorder creance à quelques uns des articles de la foy, ne voulant pas croire les autres.

  A009000151 

 Tout de mesme en est-il de la charité: choisir un des commandemens de Dieu sans les vouloir observer et honnorer tous, c'est estre heretique en la charité.

  A009000152 

 Chacun sçait que la palme est donnée aux martyrs en signe de la victoire qu'ils ont remportée sur tous leurs ennemis; mais l'olive represente les confesseurs qui ont beaucoup fait pour la gloire de Dieu en temps de paix, car aussi l'olive est le hieroglifique de la paix.

  A009000152 

 Ils sont en un continuel combat contre leurs ennemis, qui sont leurs propres passions et inclinations, desquelles en fin ils demeurent [36] maistres, les assujettissant toutes à la rayson, qui n'est pas une petite victoire, ains est plus grande que de conquerir et gagner plusieurs villes..

  A009000152 

 Mais si bien la palme appartient et represente particulierement les martyrs, elle appartient aussi aux confesseurs, car la vie des justes est un continuel martyre.

  A009000153 

 Que representent, je vous supplie, ces habits jettés sous les pieds du Sauveur? En latin, habit et habitude c'est la mesme chose; or ces bonnes gens nous apprennent que si nous voulons bien honnorer nostre divin Maistre entant que nous le pouvons, il faut que nous jettions devant luy et sousmettions à ses pieds toutes nos habitudes, tant bonnes que mauvaises.

  A009000155 

 Ce que je veux dire est qu'apres que ce fils de Prophete eut fait sa charge en la façon qu'on luy avoit commandée, il se retira, sans craindre qu'on le jugeast ni fol ni incivil, et sans faire aucune chose pour eviter l'abjection qui luy devoit venir en obeissant simplement, preferant ainsy la simplicité de l'obeissance à sa reputation..

  A009000155 

 [37] Mays cecy n'est pas tout ce que je veux dire.

  A009000156 

 Cecy n'est pas encores tout ce que je pretens de remarquer en cette histoire; le voicy.

  A009000156 

 Celuy qui avoit esté creé roy, s'en retourna à l'assemblée et dit aux autres princes: Cet enfant que vous avez veu qui m'a parlé, n'est point fol comme vous croyez; et leur raconta tout ce qui s'estoit passé entre eux deux.

  A009000161 

 A l'amour rien n'est impossible; il destruira tout ce qui est en nous qui est desaggreable à la divine Majesté..

  A009000161 

 Chose admirable que Dieu nous ayt tant aymés que de laisser mourir son Fils pour nous, qui avions merité la mort! Nostre Maistre ne s'est pas contenté de mourir pour nous d'une mort commune, mais a choisi la plus pleine d'abjection et d'ignominie qui se pouvoit jamais penser.

  A009000161 

 Le Fils de Dieu est reduit sur une croix; et qui l'y a mis? Certes, ç'a esté l'amour.

  A009000161 

 Or, puisqu'il est certain qu'il est mort d'amour pour nous, le moins que nous devions faire pour luy c'est de vivre d'amour.

  A009000162 

 Encor ne sera-ce pas grand chose, puisque nostre misere est si grande que cela seul luy appartient..

  A009000162 

 L'autre rayson pour laquelle Nostre Seigneur et nostre Maistre a choisi la mort de la croix est pour nous enseigner la prattique de l'humilité, estant bien convenable que nostre orgueil fust confondu par la vertu contraire.

  A009000162 

 Mais pour voir l'humilité de Nostre Seigneur, escoutons ce qu'en escrit saint Paul: Quand il estoit le Fils de Dieu, il s'est vuidé de luy mesme; c'est à dire qu'il a pour un temps resserré toute sa gloire en la partie superieure de son ame, laissant sa partie inferieure exposée à la mercy de toutes les souffrances, abjections et repugnances qui luy devoyent arriver en sa Passion.

  A009000162 

 O Dieu, que cecy est admirable, que le Verbe eternel s'aneantisse et se demette de sa propre gloire pour des creatures qui correspondent si peu à son amour! Il s'est rendu obeissant jusques à la mort, et jusques à la mort de la croix; il est bien raysonnable que nous luy soyons obeissans jusques à la mort, voire jusques à la mort de la croix, pour luy tesmoigner nostre amour.

  A009000163 

 C'est pourquoy, voulant mourir, il ne choisit pas d'estre estouffé ni estranglé, qui est une mort bien plus courte que celle de la croix; nous monstrant par ce choix que nous ne nous devons point ennuyer de la longueur ni de la quantité de nos souffrances, voire durassent-elles jusques à la fin de nostre vie, puisqu'elles ne sçauroyent jamais approcher ni entrer en comparaison avec celles qu'il a endurées pour nous.

  A009000163 

 Nous aurions voirement rayson d'en demeurer surpris si nous nous appuyions en nos forces, mais il faut se confier en la vertu de Dieu qui est pour nous si nous combattons pour son amour, et dire à l'imitation de son Apostre: Je suis plus fort lors que je me sens plus foible.

  A009000164 

 C'est le second fruit de la meditation de la Passion que ce despouillement, car le premier c'est l'amour.

  A009000164 

 Et moy je vous asseure que rien n'est si propre pour nous conduire à une entiere resolution de nous despouiller, que la consideration de l'incomparable despouillement et nudité du Sauveur crucifié..

  A009000164 

 Un jour le grand abbé Serapion fut trouvé tout nud emmi une rue par quelques uns de ses amis; ceux-cy, meus de compassion, luy dirent: Qui vous a mis en tel estat et qui vous a osté vos habits, mon cher ami? Oh, dit-il, «c'est ce livre qui m'a ainsy despouillé,» parlant du livre des Evangiles qu'il tenoit.

  A009000165 

 Mais nostre Maistre voulut qu'on luy laissast cette couronne pour nous monstrer qu'il faut que nous ayons nos testes couronnées d'espines par une entiere mortification de nostre propre jugement, opinions, passions, humeurs et propre volonté; car c'est en la teste que l'ame fait ses principales fonctions.

  A009000166 

 C'est l'amour effectif que Nostre Seigneur demande, et c'est celuy-là, avec l'amour affectif, qu'il nous a monstré sur la croix, joignant fort bien l'un de ces amours à l'autre..

  A009000166 

 Que me reste-t-il plus à adjouster, sinon à vous convier d'escouter ce que saint Paul nous recommande aujourd'huy, qui est que nous taschions de ressentir en nous ce que nostre Maistre a ressenti en ce jour pour nous? Qu'est-ce que ce grand Saint veut dire? Veut-il que nous ressentions un amour purement affectif pour Nostre Seigneur sur la croix? veut-il que nous pleurions de compassion? O non, ce n'est pas ce que le Sauveur demande de nous que l'amour affectif qui nous fait jetter des larmes ou nous cause tant de desirs sans effects; l'enfer est plein de ces desirs.

  A009000167 

 Il avoit bien rayson, ce grand Saint, d'asseurer qu'il ne vivoit plus, car oster l'amour de nos ames c'est leur oster la vie.

  A009000167 

 Il s'est vuidé de luy mesme; il faut que nous le fassions aussi, nous aneantissant jusques à nostre rien, et nous vuidant tant qu'il nous sera possible de toutes nos passions, inclinations, aversions, repugnances au bien.

  A009000167 

 Mais voulez-vous sçavoir ce qu'il a ressenti et ce que saint Paul veut que nous ressentions avec luy? C'est cet aneantissement.

  A009000168 

 Allez donques, et aymez tellement Celuy qui est mort pour nous unir à luy et pour nous tesmoigner son amour, que rien ne puisse vivre en vous que luy, à fin que vous puissiez dire avec saint Paul: Je vis, mais non pas moy, ains Jesus Christ vit en moy.

  A009000168 

 Et comment ce divin Sauveur ne seroit-il l'amour de nos ames, veu qu'il est leur Espoux, et tout particuliement celuy des Religieuses? car les anciens Peres disent tout clair et hardiment qu'elles ont esté espousées par le Fils de Dieu, et fondent sur cette alliance les relations speciales que Dieu le Pere et Nostre Dame contractent avec elles.

  A009000168 

 Les mariages du monde se rompent et se desfont par la mort; mais celuy cy est bien au contraire, car il se fait en la mort et par la mort de nostre Sauveur et unique Maistre.

  A009000168 

 Ne trouvez donques pas estrange si je dis qu'il faut que nos esprits soyent en continuel regret de la mort de nostre Maistre, puisque c'est la mort de nostre amour.

  A009000174 

 Et nous, addressant cecy à tous les Chrestiens, nous arresterons au troisiesme point qui est l'oraison..

  A009000174 

 Saint Bernard, duquel la memoire est douce à ceux qui ont à parler de l'oraison, escrivant à un Evesque luy mandoit que tout ce qui luy estoit necessaire estoit de bien dire (s'entend d'enseigner, de parler), puis de bien faire en donnant bon exemple, en fin de vacquer à l'oraison.

  A009000175 

 Nous disons seulement qu'elle est tellement utile et necessaire que sans icelle nous ne sçaurions parvenir à aucun bien, d'autant qu'au moyen de l'oraison nous sommes enseignés à bien faire toutes nos actions..

  A009000175 

 Remarquons d'abord en passant que, si bien nous condamnons certains heretiques de nostre temps qui tiennent que l'oraison est inutile, nous ne pretendons pas neanmoins, avec d'autres heretiques, qu'elle est seule suffisante pour nostre justification.

  A009000176 

 Aussi importe-t-il peu d'en sçavoir les noms, et je voudrois que jamais l'on ne demandast ni le nom ni quelle oraison l'on a; car s'il est vray, comme le dit saint Anthoine, que l'oraison en laquelle on s'apperçoit que l'on prie est imparfaite, aussi celle que l'on fait sans sçavoir comment on la fait et sans refleschir sur ce que l'on demande, monstre assez que l'ame est fort occupée en Dieu, et par consequent cette oraison est fort bonne.

  A009000176 

 Pour maintenant je ne parleray que de la cause finale; mais avant que d'entrer dans le sujet de l'oraison, il faut que je dise trois ou quatre petites choses qu'il est bon de sçavoir..

  A009000177 

 La simple pensée est lors que nous allons courant sur une grande diversité de choses, sans aucune fin, comme font les mouches qui se vont posant sur les fleurs sans en pretendre tirer aucun suc, ains s'y posent seulement parce qu'elles s'y rencontrent.

  A009000178 

 Une autre action de nostre entendement est l'estude, et celle cy se fait lors que nous considerons les choses seulement pour les sçavoir, pour les bien entendre et pour en pouvoir bien parler, sans avoir autre fin que de remplir nostre memoire; et en cela nous ressemblons aux hannetons qui se vont posant sur les roses, non pour autre fin que pour se saouler et se remplir le ventre.

  A009000179 

 Ainsy moy, ayant perdu ma mere qui est la grace, et ne voyant venir personne à mon secours, je crieray.

  A009000179 

 Il vouloit dire: Lors que le petit de l'arondelle est tout seul et que sa mere est allée querir l'Herbe chelidoine pour luy faire recouvrer la veuë, il crie, il piole, d'autant qu'il ne sent plus sa mere proche de luy et qu'il ne voit goutte.

  A009000179 

 La meditation se fait donques pour esmouvoir les affections, et particulierement celle de l'amour; aussi la meditation est elle mere de l'amour de Dieu, et la contemplation, fille de l'amour de Dieu..

  A009000179 

 Pour sçavoir que c'est que meditation il faut entendre les paroles du roy Ezechias lors que la sentence de mort luy fut prononcée, laquelle fut despuis revoquée par sa penitence: Je crieray, dit-il, comme le poussin de l'arondelle, et mediteray comme la colombe au plus fort de ma douleur.

  A009000180 

 La demande qui se fait par justice ne se peut pas appeller priere, bien que nous usions de ce mot, parce que nous demandons une chose qui nous est deüe.

  A009000180 

 Mais la vraye priere est celle qui se fait par grace, lors que nous demandons une chose qui ne nous est point deüe, et que nous la demandons à quelqu'un de fort sureminent par dessus nous, comme est Dieu..

  A009000181 

 La quatriesme action de nostre entendement est la contemplation, laquelle n'est autre chose que se complaire au bien de Celuy que nous avons conneu en la meditation et que nous avons aymé par le moyen de cette connoissance.

  A009000182 

 Mais Dieu qui n'est point carnassier, ne tient pas de ces oyseaux de proye, ains seulement des petits oyselets qui sont enfermés dans la voliere pour luy donner du playsir.

  A009000182 

 Nous devons sçavoir premierement que toutes choses sont creées pour l'oraison, et que lors que Dieu crea l'Ange et l'homme il le fit à fin qu'ils le louassent eternellement là haut au Ciel, bien que ce soit la derniere chose que nous ferons, si derniere se peut appeller ce qui est eternel.

  A009000182 

 Par exemple, si nous faisons bastir une eglise et que l'on nous demande pourquoy nous la faisons faire, nous respondrons que c'est pour nous y retirer, et là dedans chanter les louanges de Dieu; neanmoins ce sera la derniere chose que nous ferons.

  A009000182 

 Une autre similitude: si vous entrez en la chambre d'un prince, vous y verrez une voliere de divers petits oyseaux qui sont dans une cage bien colorée et bien accommodée; et si vous voulez sçavoir la fin pour laquelle on les y a mis, c'est pour donner du playsir à leur maistre.

  A009000183 

 Les philosophes payens disoyent que l'homme est un arbre renversé, d'où nous pouvons conclure combien l'oraison est necessaire à l'homme, puisque l'arbre n'ayant suffisamment de terre pour couvrir ses racines, ne peut subsister; aussi l'homme qui n'a une particuliere attention aux choses celestes, ne sçauroit non plus subsister.

  A009000183 

 Or l'oraison, suivant la pluspart des Peres, n'est autre chose qu'une «eslevation d'esprit aux choses celestes;» d'autres disent que c'est une demande; mais les deux opinions ne se contrarient point, car en eslevant nostre esprit à Dieu, nous luy pouvons demander ce qui nous semble estre necessaire..

  A009000184 

 Aussi toute la perfection y est-elle enclose, comme dit le Pere Gilles, compaignon de saint François, lors qu'un certain personnage luy demanda comme il pourrait faire pour estre bien tost parfait: «Donne,» respondit il, «l'une à l'un;» c'est à dire: Tu n'as qu'une ame et il n'est qu'un Dieu; donne luy ton ame et il se donnera à toy.

  A009000184 

 La principale demande que nous devons faire à Dieu c'est l'union de nos volontés à la sienne, et la cause finale de l'oraison consiste à ne vouloir que Dieu.

  A009000190 

 Or, Dieu ne peut rien demander par grace, ains tout par authorité; de plus, il ne peut avoir besoin de rien, d'autant qu'il possede toutes choses: c'est donques tout asseuré que Dieu ne peut ni ne doit prier.

  A009000190 

 Premierement, il faut que nous sçachions que Dieu ne peut point prier, puisque la priere est une demande qui se fait par grace et qu'elle exige de nous une connoissance que nous avons besoin de quelque chose, car l'on n'a pas accoustumé de demander ce qu'on possede desja.

  A009000191 

 Plusieurs des anciens Peres, et mesme saint Gregoire Nazianzene, enseignent que Nostre Seigneur Jesus Christ ne peut non plus prier (entant que Dieu il est tout evident, puisqu'il est un mesme Dieu avec son Pere; nous en avons desja parlé).

  A009000191 

 Pourtant, c'est une verité toute asseurée que si bien Nostre Seigneur demande ce qu'il veut par justice, il ne laisse pas, entant qu'homme, de s'humilier devant son Pere, luy parlant avec une si grande reverence et faisant de plus profonds actes d'humilité que jamais creature n'a sceu ni n'a peu faire; si que sa demande se peut appeller priere..

  A009000191 

 [51] Neanmoins les uns et les autres ne se contrarient pas, bien qu'il le semble, en la diversité de leurs opinions; car il est certain que Nostre Seigneur Jesus Christ ne doit point prier, mais peut, par justice, demander à son Pere ce qu'il veut.

  A009000193 

 C'est pourtant une chose toute claire que les Saints et les hommes qui sont en Paradis prient, puisque les Anges avec lesquels ils sont prient..

  A009000193 

 Les Anges prient, et cela nous est monstré en plusieurs endroits de la Sainte Escriture.

  A009000194 

 Il est vray que les grans pecheurs ont beaucoup de difficulté à faire [52] l'oraison.

  A009000195 

 La premiere est qu'il faut estre petit en humilité; la seconde, grand en esperance, et la troisiesme, qu'il faut estre enté sur Jesus Christ crucifié..

  A009000195 

 Mais puisque ce nombre est si grand, je me restreins et n'en diray que trois.

  A009000196 

 Parlons d'abord de la premiere qui n'est autre que cette mendicité spirituelle de laquelle Nostre Seigneur dit: B ienheureux sont les mendians d'esprit, car à eux appartient le Royaume des cieux.

  A009000197 

 L'Espouse au Cantique des Cantiques fait esmerveiller les Anges et leur fait dire: Qui est celle cy qui vient du desert, et qui monte comme une verge de fumée odoriferante, composée de myrrhe et d'encens et de toutes les bonnes odeurs du parfumeur, et qui est appuyée sur son Bien-Aymé? L'humilité en son commencement est un desert, bien qu'à la fin elle soit fort fructueuse, et l'ame qui est humble pense estre un desert où n'habitent ni oyseaux, ni mesmes les bestes sauvages, et où il n'y a aucun arbre fruitier..

  A009000197 

 Tout de mesme en est-il de l'oraison; car si on demande comme est-ce qu'elle peut monter au Ciel, on vous respondra qu'elle y monte par la descente de l'humilité.

  A009000198 

 Cecy represente l'esperance, car si bien la myrrhe jette une odeur suave, elle est pourtant amere à gouster; aussi l'esperance est-elle suave entant qu'elle nous promet de jouir un jour de ce que nous desirons, mais elle est amere parce que nous ne sommes pas en la jouissance de ce que nous aymons.

  A009000198 

 L'encens est bien plus proprement le symbole de l'esperance, parce qu'estant mis dessus le feu il jette tousjours sa fumée en haut; aussi faut il que l'esperance soit posée dessus la charité, [54] autrement ce ne seroit plus esperance, ains presomption.

  A009000198 

 L'esperance se guinde comme une sagette jusques à la porte du Ciel, mais elle n'y peut pas entrer parce qu'elle est une vertu toute de la terre; si nous voulons que nostre oraison penetre le Ciel il faut aiguiser la fleche avec la meule de l'amour..

  A009000198 

 Passons maintenant à l'esperance, qui est la seconde condition necessaire pour bien faire l'oraison.

  A009000199 

 L'Espoux ayant une fois loué son Espouse disant qu'elle estoit comme un lis entre les espines, elle par contreschange respond: Mon Bien-Aymé est comme un pommier entre les halliers; cet arbre est tout chargé de feuilles, de fleurs et de fruits, je me reposeray à son ombre et recevray les fruits qui tomberont sur mon giron et les mangeray, et les ayant maschés je les gousteray en mon gosier, où je les trouveray doux et suaves.

  A009000199 

 Les Anges disent que l'Espouse est appuyée sur son Bien-Aymé; aussi avons-nous veu que pour derniere condition, il faut estre enté sur Jesus Christ crucifié.

  A009000199 

 Mais cet arbre où est-il planté? en quel verger le trouverons-nous? Sans cloute il est planté sur le mont de Calvaire, et il se faut tenir à son ombre.

  A009000199 

 Mais quelles sont ses feuilles? Ce n'est autre chose que l'esperance que nous avons de nostre salut par le moyen de la Mort du Sauveur.

  A009000200 

 Cet habit est fait de laine, mais il est teint au sang du poisson.

  A009000200 

 Mais qu'est-ce estre revestu de ce sang? Ne sçavez-vous pas que l'on dit: Voyla un homme qui [55] est revestu d'escarlatte; et l'escarlatte est un poisson.

  A009000200 

 Saint Paul escrivant à ses chers enfans leur mandoit qu'ils se revestissent de Nostre Seigneur, c'est à dire de son sang.

  A009000201 

 Ainsy, nous autres, ayant appresté cet Aigneau sans macule et l'ayant presenté au Pere eternel pour rassasier son goust, lors que nous luy demanderons sa benediction, il dira, si nous sommes revestus du sang de Jesus Christ: La voix que j'entens est de Jacob, mais les mains, qui sont nos mauvaises œuvres, sont d'Esaü; neanmoins, à cause de la suavité que j'ay à sentir l'odeur de sa robe, je luy donne ma benediction.

  A009000201 

 Jacob demandant la benediction, Isaac se print à luy toucher les mains, puis s'escria tout haut: Ha, que je suis en grand peine! la voix que j'entens est de mon fils Jacob, mais les mains que je touche sont d'Esaü.

  A009000206 

 Nous avons monstré que la fin de l'oraison est nostre union avec Dieu et que tous les hommes qui sont en la voye de salut peuvent et doivent prier; mais il nous demeura un scrupule en nostre derniere exhortation, à sçavoir mon, si les pecheurs peuvent estre exaucés, car ne voyez-vous pas que l'aveugle-né duquel il est parlé en l'Evangile, et que Nostre Seigneur illumina, dit à ceux qui l'interrogeoyent que Dieu n'exauçoit point les pecheurs? Mais laissons-le dire, car il parloit encores comme aveugle..

  A009000207 

 Or, c'est une chose asseurée que les pecheurs impenitens ne sont point exaucés, d'autant qu'ils veulent croupir en leurs pechés; aussi leurs oraisons sont-elles en abomination devant Dieu.

  A009000208 

 Qui est-ce à vostre advis qui luy donne ce repentir d'avoir offensé Dieu, sinon le Saint Esprit, puisque nous ne sçaurions avoir une bonne pensée pour nostre salut s'il ne nous la donne? Mais ce pauvre homme n'a-t-il rien fait de son costé? Si a, certes; escoutez les paroles de David: Seigneur, dit-il, vous m'avez regardé lors que j'estois en la fondriere de mon peché, vous m'avez ouvert le cœur et je ne l'ay pas refermé, vous m'avez tiré et je me suis laissé aller, vous m'avez poussé et je n'ay pas reculé.

  A009000208 

 Sans doute on luy fait tort de l'appeller pecheur, car il ne l'est plus, puisqu'il deteste desja son peché; et si bien le Saint Esprit n'est pas encores en son cœur par residence, il y est neanmoins par assistance.

  A009000209 

 La matiere de l'oraison est de demander à Dieu tout ce qui est bien; mais il faut que nous sçachions qu'il y a deux sortes de biens, les biens spirituels et les biens corporels ou temporels.

  A009000210 

 Je sçay bien qu'on interprete ces paroles en cette façon, sçavoir est, que les predicateurs preschant au peuple ont le miel dessous la langue, et parlant à Dieu par la priere qu'ils font pour le peuple, ils ont le lait [58] dessous la langue.

  A009000210 

 Le miel est une liqueur qui descend du ciel parmi la rosée, et tombant dessus les fleurs elle prend le goust d'icelles, comme font toutes les liqueurs que l'on met dans des vaisseaux qui ont quelque sorte de goust.

  A009000211 

 Entre les biens spirituels il y en a de deux sortes: les uns nous sont necessaires pour nostre salut, et ceux cy nous les devons demander à Dieu simplement et sans condition, car il nous les veut donner; les autres biens, quoy que spirituels, nous les devons demander sous les mesmes conditions que les biens corporels, sçavoir, si c'est la volonté de Dieu et si c'est pour sa plus grande gloire; et sous ces conditions nous pouvons tout demander.

  A009000212 

 Il y en a qui pensent que s'ils estoyent doués de sapience ils seroyent bien plus capables pour aymer Dieu, et cela n'est pas.

  A009000213 

 C'est ce que nous pouvons et devons demander à la divine Majesté sans condition..

  A009000213 

 Mais qui ne voit la tromperie de ceux qui sont tous-jours apres leur pere spirituel pour se plaindre dequoy ils n'ont point de ces tendretés et consolations en leurs oraisons? Ne voyez-vous pas que si vous en aviez vous ne pourriez eschapper à la vaine gloire, et ne sçauriez empescher que vostre amour propre ne s'y compleust, en sorte que vous vous amuseriez plus aux dons qu'au Donateur? C'est donques une grande misericorde que Dieu vous fait de ne vous en point donner; et ne faut pas perdre courage pour cela, puisque la perfection ne consiste pas à avoir de ces gousts et tendretés, ains à avoir nostre volonté unie à celle de Dieu.

  A009000214 

 Ainsy faut-il que nous fassions quand nous voudrons demander au Pere eternel son Paradis, l'aggrandissement de nostre foy, son amour, toutes lesquelles choses il nous veut donner, pourveu que nous portions la police de la part de son Fils, c'est à dire que nous luy demandions tousjours au nom et par les merites de Nostre Seigneur..

  A009000215 

 C'est pourquoy ceux qui prient avec perfection demandent fort peu de ces biens, ains demeurent devant Dieu comme des enfans devant leur pere, remettant en luy toute leur confiance; ou bien comme un valet qui sert bien son maistre, car il ne va pas requerant tous les jours sa nourriture, mais ses services demandent assez pour luy.

  A009000215 

 Nous devons donc demander premierement que son nom soit sanctifié, c'est à dire qu'il soit reconneu et adoré par tous les hommes; en suite de quoy nous demandons ce qui nous est le plus necessaire, à sçavoir que son Royaume nous advienne, que nous puissions estre des habitans du Ciel; et puis, que sa volonté soit faite.

  A009000216 

 Il est dit que saint Jean estant au desert ne se nourrissoit que de locustes, ou sauterelles et cigales, qu'il ne mangeoit point de raisin, ni ne beuvoit cervoise ou chose qui peust enivrer.

  A009000217 

 L'on ne sçait si les cigales sont celestes ou terrestres, car elles se jettent continuellement du costé du ciel, mais aussi elles retombent parfois sur terre; elles se nourrissent de la rosée qui tombe du ciel et vont tous-jours chantant, et ce que l'on entend n'est autre chose qu'un retentissement ou gazouillement qui se fait dans leurs intestins.

  A009000218 

 Ce n'est pas faire oraison que de marmotter quelque chose entre ses levres si l'attention du cœur n'y est jointe; car pour parler il faut avoir premierement conceu en son interieur ce qu'on veut dire.

  A009000218 

 Ce n'est pas que Nostre Seigneur exauçast la priere du perroquet; non, car c'est un oyseau immonde, aussi n'estoit-il pas bon pour les sacrifices; neanmoins il permit cela pour monstrer combien cette oraison luy est aggreable.

  A009000218 

 La priere n'est autre chose que parler à Dieu; or il est certain que parler à Dieu sans estre attentif à luy et à ce qu'on luy dit, est une chose qui luy est fort desaggreable.

  A009000220 

 C'est comme si nous disions: Vous desirez, ma bonne mere l'Eglise, que je fasse cela; et encores que vous ne me le commandiez pas, je suis bien ayse de le faire pour vous contenter.

  A009000220 

 Mais les prieres qui sont de commandement ont un prix tout autre, à cause de l'obeissance qui y est attachée, et c'est sans doute qu'il y a aussi plus de charité..

  A009000222 

 C'est une chose que j'ay souventefois pesée, que saint Pierre, saint Jacques et saint Jean, apres avoir veu Nostre Seigneur en sa Transfiguration, ne laisserent pas de le quitter en sa Mort et Passion..

  A009000228 

 Quand nous allons immediatement à Dieu nous protestons de sa bonté et de sa misericorde en laquelle nous mettons toute nostre confiance; mais quand nous prions mediatement et que nous implorons l'assistance de Nostre Dame, des Saints et Esprits bienheureux, c'est à fin d'estre mieux receus de la divine Majesté, et alors nous protestons de sa grandeur et toute puissance, et de la reverence que nous luy devons..

  A009000228 

 Quand nous prions immediatement nous exerçons la confiance filiale qui est fondée sur la foy, l'esperance et la charité; quand nous prions mediatement et par l'entremise de quelqu'autre, nous pratiquons la sainte humilité qui provient de la connoissance de nous mesme.

  A009000230 

 Quand nous sommes aux Offices il faut que nous observions de nous tenir en la posture qui nous est marquée dans nos messels; mais en nos oraisons particulieres, quelle reverence y devons-nous garder? Nous sommes devant Dieu comme aux communes, bien qu'aux communes nous devons avoir un soin particulier à cause de l'edification du prochain; la reverence exterieure ayde beaucoup à l'interieure.

  A009000231 

 Mais en tout cas, la posture qui nous apporte le plus d'attention est la meilleure.

  A009000231 

 Ouy mesme la posture d'estre gisant est bonne, et semble que d'elle mesme elle prie; car ne voyez-vous pas le saint homme Job couché sur son fumier, faire une priere si excellente qu'elle merite que Dieu l'escoute? Or, cela soit dit ainsy..

  A009000232 

 C'est en quoy ce Temple estoit plus aggreable à la divine Majesté, d'autant qu'il n'y avoit nulle sorte de nation qui ne peust venir luy rendre ses hommages en ce lieu.

  A009000233 

 En nos ames il y a le premier estage, lequel est une certaine connoissance que nous avons par le moyen des sens, comme par nos yeux nous connoissons que tel objet est vert, rouge ou jaune.

  A009000233 

 Le quatriesme et le Sancta Sanctorum, c'est la fine pointe de nostre ame, que nous appelions esprit; [67] et pourveu que cette fine pointe regarde tousjours à Dieu, nous ne nous devons point troubler..

  A009000233 

 Le troisiesme estage est la connoissance que nous avons par la foy.

  A009000233 

 Mais apres, il y a un degré ou estage qui est desja un peu plus haut, à sçavoir, une connoissance que nous avons par le moyen de la consideration; par exemple, un homme qui aura esté maltraitté en un lieu cherchera, par le moyen de la consideration, comme il pourra faire pour n'y pas retourner.

  A009000234 

 Ainsy il semble aucunefois quel'ame s'en aille toute du costé du midy, tant elle est agitée de distractions; que neanmoins la fine pointe de l'esprit regarde tousjours à son Dieu, qui est son nord.

  A009000234 

 Les personnes les plus avancées ont aucunefois de si grandes tentations, mesme de la foy, qu'il leur semble que toute l'ame consent, tellement elle est troublée; elles n'ont que cette fine pointe qui resiste, et c'est cette partie de nous-mesme qui fait l'oraison mentale, car bien que toutes ses autres facultés et puissances soyent remplies de distractions, l'esprit, sa fine pointe, fait l'oraison..

  A009000235 

 Or, en l'oraison mentale il y a quatre parties, dont la premiere est la meditation, la seconde la contemplation, la troisiesme les eslancemens et la quatriesme une simple presence de Dieu.

  A009000237 

 L'Espouse, au Cantique des Cantiques, apres avoir loué son Bien-Aymé pour la beauté de ses yeux, de ses levres, bref de tous ses membres l'un apres l'autre, elle conclut en cette sorte: O que mon Bien-Aymé est beau, o que je l'ayme, il est mon tres cher! C'est icy la contemplation, car à force de considerer mystere apres mystere combien Dieu est bon, nous venons à faire comme les cordons de nos bateaux.

  A009000238 

 L'Espoux conclut par apres: Enivrez-vous, mes tres chers; et qu'est-ce qu'il veut dire? Vous sçavez bien que l'on n'a pas accoustumé de mascher le vin, ains on ne fait que l'avaler; ce qui nous represente la contemplation en laquelle on ne masche plus, ains on ne fait qu'avaler.

  A009000240 

 Celle que repetoit saint François est excellente, bien que ce fust une parole de contemplation, parce qu'elle continuoit comme un fleuve qui va tousjours coulant.

  A009000240 

 Il est vray que de dire à Dieu: Vous estes «mon tout,» et vouloir quelque autre chose que luy, ce ne seroit pas bien, parce qu'il faut que les paroles soyent conformes aux sentimens du cœur.

  A009000241 

 Un bon moyen pour nous accoustumer à faire ces eslancemens est de prendre le Pater de suite, choisissant une sentence pour chacun jour.

  A009000242 

 Ainsy cet Espoux veut-il dire: Quoy que ma bien-aymée soit fort occupée, si ne laisse-t-elle pas de me regarder d'un œil, me protestant par ce regard qu'elle est toute mienne.

  A009000242 

 Ces parolles sont un carquoy qui est plein de tres aggreables et tres douces interpretations; en voicy une bien aymable.

  A009000242 

 Elle m'a ravi le cœur par un de ses cheveux qui pend sur son col, c'est à dire par une pensée qui descend du costé de son cœur..

  A009000242 

 Quand un mari et une femme ont des affaires en leur mesnage qui les contraignent de se separer, s'il arrive [71] par hasard qu'ils se rencontrent, ils se regardent un peu en passant, mais ce n'est que d'un œil, parce que, se rencontrant de costé, l'on ne peut pas bonnement le faire des deux.

  A009000243 

 C'est là où je vous desire.

  A009000248 

 Je remarque que l'Evangile raconte les imperfections et pechés de ce bienheureux Saint, et l'une de ses plus grandes tares, qui est, comme l'on tient, son ambition et presomption, au lieu de raconter ses perfections, vertus et excellences; au lieu de le louer et exalter, il semble qu'il le blasme et vitupere.

  A009000250 

 Et il dit encores, [74] ce glorieux Saint: Qui est malade avec lequel je ne sois malade? qui est triste avec lequel je ne sois triste? qui est joyeux avec lequel je ne me resjouisse? qui est scandalisé avec lequel je ne sois bruslé? Certes, les anciens qui escrivoyent les vies des Saints estoyent tres exacts à rechercher leurs defauts et pechés, les racontant et declarant à fin d'exalter et magnifier Nostre Seigneur qui estoit glorifié en eux, les ayant relevés de leurs miseres, convertis et faits des grans Saints..

  A009000250 

 Le grand saint Chrysostome parlant de saint Paul le loue le plus pertinemment qu'il se peut, et avec tant d'honneur et d'estime que c'est chose admirable de voir comme il raconte ses vertus, perfections, excellences, les prerogatives et graces desquelles Dieu l'a orné et enrichi.

  A009000250 

 Mais apres tout cecy, ce mesme Saint, pour faire voir que ces dons ne venoyent pas de luy, mais de la bonté infinie de la divine Majesté qui l'avoit fait ce qu'il estoit, il parle de ses defauts et raconte exactement ses pechés et imperfections, disant: Voyez-vous ce petit bossu et contrefait (car il estoit petit de stature comme de mauvaise mine), comme Dieu en a fait un vaisseau d'election; ce grand pecheur et grand persecuteur des Chrestiens, comme il l'a rendu de loup aigneau; ce chagrin, cet opiniastre, cet orgueilleux et ambitieux, comme il l'a comblé et rempli de tant de graces et benedictions, le rendant si humble et charitable qu'il dit de soy qu'il est le moindre et le plus petit des Apostres et le plus grand des pecheurs, et qu'il se fait tout à tous pour les gagner tous.

  A009000251 

 Il est vray qu'il les aymoit grandement, specialement saint Jean, son bien-aymé Disciple, qui estoit le cœur le plus aymable que l'on peust s'imaginer.

  A009000251 

 Il est à croire qu'ils concerterent eux deux comme ils feroyent pour parvenir en cette dignité; ils ne vouloyent pas la demander, o non, car les ambitieux, de peur d'estre estimés tels, n'ont garde de demander eux mesmes l'honneur.

  A009000251 

 Ils trouvent donques un expedient entre eux, disant: Nostre mere est une bonne femme qui nous affectionne grandement, elle fera bien cela pour nous; et nostre Maistre nous ayme bien, il nous accordera sans doute cette faveur.

  A009000252 

 C'est une mauvaise beste qui nous porte beaucoup de dommage, nous empeschant d'aller simplement et rondement en toutes nos actions, nous faisant chercher nostre propre interest et satisfaction en toutes choses.

  A009000252 

 Or, c'est l'amour propre qui faisoit cela; [75] elle n'avoit garde de luy dire: Je veux une telle chose, octroyez-moy cette grace; o non, car l'amour propre est plus sage et discret que cela, il fait faire des preambules et harangues bien composées, avec une humilité feinte et fausse, à fin que l'on pense que nous sommes bien braves et prudens.

  A009000253 

 Voyez-vous que nostre misere est grande! Nous voulons que Dieu fasse nostre volonté, et nous ne voulons pas faire la sienne sinon lors qu'elle se trouve conforme à la nostre.

  A009000254 

 Nostre ame a deux enfans, l'un desquels est le propre jugement et l'autre la propre volonté, et veulent tous deux estre assis, le jugement à la dextre et la volonté à la senestre.

  A009000255 

 En fin, cette propre volonté est celle, comme dit saint Bernard, qui bruslera en enfer.

  A009000255 

 Lors que nous trouvons quelque chose en nous qui n'est pas conforme à la volonté de nostre cher Sauveur, nous nous devons prosterner devant luy, et luy dire que nous detestons et desavouons cela et tout ce qui est en nous qui luy peut desplaire et qui est contraire à son amour, luy promettant de ne vouloir rien que ce qui sera conforme à son bon playsir et vouloir divin..

  A009000255 

 Rien ne nous porte tant de prejudice en la vie spirituelle, et nous empesche autant d'avancer en la voye de Dieu; car si sa sainte volonté regnoit en nous, nous ne commettrions jamais aucun peché, nous n'aurions garde de vivre selon nos inclinations et humeurs; non certes, car elle est la regle de toute bonté.

  A009000255 

 Si elle est au Ciel on l'en met dehors, car les Anges en furent chassés parce qu'ils avoyent une propre volonté et vouloyent estre semblables à Dieu; pour cela ils tresbucherent aux enfers.

  A009000255 

 Si elle est au monde, elle ruine et gaste tout.

  A009000256 

 Ils ne sçavoyent ce qu'ils demandoyent, de vray, puisqu'au Ciel il n'y a point de gauche, car c'est là où sont les damnés qui sont privés de la presence de Dieu; il n'y a que la dextre où sont les Bienheureux qui jouissent et jouiront eternellement de l'Essence divine qui les comblera de toute sorte de contentement et felicité.

  A009000258 

 Il y a un amour affectif et l'autre effectif, comme il y a deux manieres de souffrir le martyre: l'un est affectif et l'autre effectif.

  A009000259 

 Et il adjousta: Sçavez-vous que c'est que boire mon calice? Ne pensez pas que ce soit avoir des dignités, des faveurs et consolations, o non certes; mais boire mon calice c'est participer à ma Passion, endurer des peines et souffrances, des clous, des espines, boire le fiel et le vinaigre..

  A009000259 

 Nostre divin Maistre dit donques à ces deux Saints: Pouvez-vous boire avec moy le calice qui m'est [78] preparé? car je suis descendu du Ciel pour faire la volonté de mon Pere qui m'a envoyé et pour parachever son ouvrage.

  A009000260 

 N'est-ce pas un grand martyre de ne faire jamais sa propre volonté, sousmettre son jugement, escorcher son cœur, le vuider de toutes ses affections impures et de tout ce qui n'est point Dieu, ne point vivre selon ses inclinations et humeurs ains selon la volonté divine et la rayson? C'est un martyre qui est fort long et ennuyeux et qui doit durer toute nostre vie, mais nous obtiendrons à la fin d'icelle une grande couronne pour nostre recompense si nous sommes fidelles à cela..

  A009000261 

 Lors que quelque grande princesse ou seigneur meurt d'une mort inopinée, on ouvre son corps pour voir de quelle maladie il est mort, et quand on a trouvé la cause de son trespas l'on est content et ne passe-t-on pas plus outre.

  A009000262 

 La premiere est à fin qu'on vist les pensées de son cœur, qui estoyent des pensées d'amour et de dilection pour nous, ses bien aymés enfans et cheres creatures, qu'il a creées a son image et semblance, à fin que nous vissions combien il desire de nous donner de graces et benedictions, et son cœur mesme, comme il fit à sainte Catherine de Sienne.

  A009000263 

 La seconde rayson est à fin que nous allions à luy avec toute confiance, pour nous retirer et cacher dedans son costé, pour nous reposer en luy, voyant qu'il l'a ouvert pour nous y recevoir avec une benignité et amour nom-pareil, si nous nous donnons à luy et que nous nous abandonnions entierement et sans reserve à sa bonté et providence..

  A009000264 

 L'autre rayson est parce qu'il n'est pas expedient que l'on voye le cœur des bons, de peur qu'ils ne tombent en vanité ou que cela ne donne de la jalousie aux autres.

  A009000264 

 Pour deux raysons il est expedient qu'il soit ainsy.

  A009000267 

 La monnoye avec laquelle il nous faut acheter cette perfection, c'est nostre propre volonté, laquelle il nous faut vendre et nous en desfaire, la quittant entierement.

  A009000268 

 Certes, c'est une tres grande impertinence, car nous ne devons en façon quelconque nous enquerir de cela.

  A009000268 

 En somme c'est un bon Maistre, il nous faut seulement estre serviteurs et servantes bien fideles, et asseurement il nous sera fidele Remunerateur..

  A009000268 

 Je le sçay qu'il y en a plusieurs qui le desirent, et demandent à Dieu les peines et afflictions, le priant qu'il les fasse souffrir; mais c'est avec cette condition qu'il les visite et console souvent en leur souffrance, qu'il leur tesmoigne qu'il l'a aggreable, qu'il se plaist de les voir souffrir, et [82] qu'il les en recompensera bien d'une gloire immortelle.

  A009000268 

 Vous me direz neanmoins qu'il y en a tant qui desirent de souffrir et porter la croix; et c'est la verité.

  A009000269 

 C'est un bonheur incomparable de servir ce divin Sauveur de nos ames et boire avec luy son calice.

  A009000269 

 Voyez-vous cette grande sainte Catherine de Sienne, laquelle prefera la couronne d'espines à celle d'or? Nous en devons faire le mesme, car en fin le chemin de la croix, des souffrances et afflictions est un chemin asseuré qui nous conduit à Dieu et à la perfection de son amour, si nous sommes fideles.

  A009000274 

 L'on a tousjours fait de grandes solemnités à la reception des ames qui se sont consacrées à Dieu pour le servir en Religion; mais je remarque que l'on en a tousjours fait davantage pour celle des filles que non pas pour celle des hommes; et pour moy je crois que c'est parce qu'estant d'un sexe plus fragile, l'on doit d'autant plus admirer et solemniser la force qu'elles ont à se desprendre de toutes les choses de la terre.

  A009000275 

 C'est au Saint Esprit à qui nous en devons rendre la gloire, d'autant qu'il se plaist à choisir les choses les plus foibles et viles pour manifester sa grandeur et son incomprehensible bonté..

  A009000275 

 Mais pourquoy donques, s'il est vray que vous l'estimez tant, ne vous retirez-vous en Religion pour appartenir plus entierement à Nostre Seigneur et le servir plus parfaitement, puisque vous n'avez point de legitime occasion de demeurer dans le monde? O Dieu, je ne me puis destacher de telles et telles choses que j'ayme tant; je le desirerois bien, mais je ne puis.

  A009000276 

 Chose fort admirable que la diversité des attraits du Saint Esprit! L'Espouse, au Cantique des Cantiques, dit à son divin Espoux: Ton nom, o mon Bien-Aymé, est comme un huile et un baume respandu; il donne une si bonne odeur par toute la terre, que les jeunes filles t'ont desiré.

  A009000276 

 O Dieu, quelle merveille est celle-cy, que Nostre Seigneur se fasse desirer et attire les ames à sa suite par le moyen de tout ce qui est si rude et si affreux au sens humain!.

  A009000276 

 O que grand est le bonheur des jeunes filles qui desirans Nostre Seigneur se viennent toutes consacrer à son amour! Je n'entens pas, par ce mot de jeunes, parler de celles qui le sont d'aage, bien que le bonheur de celles cy soit tres grand de pouvoir dedier leurs premieres et meilleures années au service de la divine Majesté; ains je veux dire celles qui sont encores tendres et jeunes à la devotion.

  A009000278 

 Et pour monstrer que ce n'est pas par mon choix, il faut que vous sçachiez que si la volonté de mon Pere eust esté que je fusse mort d'une autre mort que celle de la croix, ou bien que j'eusse vescu en delices, je me serois trouvé tout aussi prompt que j'ay fait, parce que je n'estois pas venu en ce monde pour faire ma volonté, mais celle de mon Pere qui m'a envoyé.

  A009000278 

 Et pourquoy tout cela? C'est peut estre pour patir, et par ce moyen sauver les hommes; ou, par adventure, l'ay-je fait par mon choix? O non, pardonnez-moy, la seule cause pour laquelle j'ay fait tout ce que j'ay fait, ç'a esté pour me sousmettre à la volonté de mon Pere qui estoit telle.

  A009000278 

 Mourir à la volonté, o que ce point est necessaire! l'on ne sçauroit assez peser sa necessité.

  A009000278 

 O Dieu, si nostre cher Sauveur, dont la volonté ne pouvoit estre que tousjours absolument parfaitte, et partant ne pouvoit choisir aucune chose qui ne fust tres aggreable à son Pere, n'a point voulu vivre selon icelle, comme est-ce donques que nous autres [86] aurons bien la hardiesse de laisser vivre la nostre, le choix de laquelle, pour l'ordinaire, gaste toutes nos œuvres?.

  A009000279 

 C'est orgueil de rechercher les charges, les preeminences, et au contraire ce serait temerité de les refuser lors qu'elles nous sont presentées par ceux qui ont du pouvoir sur nous..

  A009000280 

 Mais ce n'est pas tout, car nous disons à ces filles qui veulent entrer en Religion qu'il faut mourir à tous leurs sens, à sçavoir, qu'il ne faut plus avoir d'yeux pour voir ni d'oreilles pour ouïr, et ainsy des autres; on leur devra donques retrancher leurs fonctions.

  A009000281 

 Escoutez saint Paul qui parle de luy mesme: Je vis, dit-il, mais ce n'est pas moy, ains c'est mon Seigneur qui vit en moy; non pas mon Seigneur glorifié, ains mon Seigneur crucifié.

  A009000281 

 O sans doute, il y a une vertu secrette qui opere en cecy; c'est la force des attraits du Saint Esprit qui le fait ainsy pour sa plus grande gloire..

  A009000282 

 C'est un grand talent que celuy de vivre chrestiennement et en l'observance des commandemens de Dieu; neanmoins celuy qui en a receu deux, c'est à dire qui avec celuy cy a receu celuy de vouloir pretendre à la perfection de la vie chrestienne, est desja beaucoup plus favorisé; mais, o Dieu, combien grand est le bonheur de celuy qui a receu en outre les trois talens auxquels sont encloses toutes les perfections chrestiennes! Ce sont ces trois principaux conseils de Nostre Seigneur: l'obeissance, [88] la chasteté et la pauvreté; ce sont ces trois vœux effectuels qui nous unissent à Dieu (je dis effectuels, et non pas seulement voués).

  A009000282 

 Ce pendant, je considere qu'en l'Evangile d'aujourd'huy, qui est celuy des talens que le seigneur bailla à ses serviteurs lors qu'il alla faire son voyage, il est rapporté qu'il en donna un, puis deux, puis cinq.

  A009000287 

 Hé certes, ce n'est pas sans rayson, d'autant que de la devotion de Nostre Seigneur naist tout incontinent celle de sa tres sacrée Mere, et nul ne peut aymer l'un sans l'autre.

  A009000287 

 Nostre Seigneur parlant les paroles de la vie eternelle, une femme s'esleva d'entre le peuple, disant: Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succèes.

  A009000288 

 Les trois revelations estans confrontées, on visita le lieu, on remarqua la place, et lors on y bastit l'eglise qui y est encores aujourd'huy et que l'on nomme Sainte Marie Majeure..

  A009000289 

 Cette bonne femme s'estant escriée: Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées, Nostre Seigneur respondant dit: Il est vray; comme qui diroit: Voire! mais bienheureux sont ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent, c'est à sçavoir, qui la mettent en effect.

  A009000290 

 De mesme quand nostre divin Maistre dit, parlant des Superieurs: Qui vous escoute m'escoute et celuy qui vous mesprise me mesprise, c'est comme s'il disoit: Je tiens que [91] ceux qui vous obeissent c'est à moy qu'ils obeissent; et ceux qui mesprisent vos paroles ne s'en voulant pas servir, je tiens que ce sont mes paroles mesme qu'ils mesprisent..

  A009000290 

 Ne voyez-vous pas qu'il ne dit pas seulement estre bienheureux ceux qui escoutent sa parole, ains adjouste ceux qui l'observent? Dieu monstre assez qu'il ne juge pas qu'on l'escoute si on ne l'effectue avec affection de sousmission et d'obeissance; aussi se plaint-il de son peuple parce que luy ayant parlé, il n'en a pas esté ouy; c'est à dire qu'ils n'ont pas mis en effect ses paroles, d'autant qu'ils l'avoyent bien ouy de leurs oreilles.

  A009000292 

 O que c'est une bonne chose que la priere! Mais le bonheur de ce saint homme ne consistoit pas à sçavoir la volonté de Dieu, s'il ne l'eust incontinent suivie comme il fit.

  A009000293 

 Mais qui est-ce, je vous prie, qui ne luy en auroit, veu qu'elle est nostre tres aymable Mere? Et qu'il ne soit vray, escoutez l'Espoux au Cantique des Cantiques lors qu'il luy dit: Ton ventre, o ma Bien-Aymée, est comme un monceau de grains de froment qui est tout entouré de lys de la pudeur de sa virginité.

  A009000293 

 Que veut-il signifier ce divin Amant, sinon que Nostre Dame a porté tous les Chrestiens en son sein? Et si bien elle ne produit que ce grain duquel il est escrit que s'il n'est jettè en la terre il demeurera seul, et s'il y est jetté et couvert il germera et en produira plusieurs, à qui est ce, je vous prie, doit-on attribuer la production de ces autres grains, sinon à celle qui a produit le premier, Nostre Seigneur estant Fils naturel de Nostre Dame? Bien qu'elle n'ait porté que luy en effect clans son sein, elle a pourtant porté tous les Chrestiens en la personne de son divin Fils, car ce beni grain nous a tous produits par sa mort; de mesme la datte estant plantée produit la palme de laquelle viennent par apres quantité d'autres dattes; et pourquoy ne dira-t-on pas que ces dattes appartiennent à la premiere dont la palme est sortie?.

  A009000294 

 Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succèes.

  A009000294 

 O Dieu, que nous devons d'honneur, d'amour et d'affection à Nostre Dame, tant parce qu'elle est Mere de nostre Sauveur que parce qu'elle est encores la nostre!.

  A009000295 

 Dieu est jaloux de nostre amour, c'est pourquoy il va jettant ses inspirations sur des ames qu'il separe d'entre les autres, lesquelles par une puissante resolution se viennent consacrer et dedier leur cœur avec toutes ses affections, leur corps et leurs biens à son honneur et gloire, choisissant l'estat de la Religion pour y vivre avec plus de perfection et moins de danger de se perdre et divertir de leur sainte resolution..

  A009000295 

 Mais il est vray aussi qu'elles veulent se reserver la disposition de leurs biens, et quoy qu'elles soyent resolues de vivre en l'observance des commandemens de Dieu, elles veulent neanmoins retenir la volonté de faire tout plein de petites choses qui ne sont pas contre la charité, mais qui vont biaisant; ce sont des choses perilleuses, lesquelles si bien elles ne nous font pas perdre la charité, ne laissent pas de desplaire à la divine Majesté.

  A009000296 

 Ces ames donques qui sont si genereuses que de se venir toutes abandonner à Dieu sans aucune reserve, se jettant sous les loys de la Religion et se liant si estroittement que jamais plus elles ne s'en peuvent desprendre, font non seulement comme toutes les fleurs jaunes qui se vont tousjours tournant du costé du soleil, mais aussi comme celle qu'on appelle tourne-soleil, laquelle ne se contente pas de tourner sa fleur, ses feuilles et sa tige contre iceluy, ains encores, par une secrette merveille, tourne aussi sa racine qui est dessous terre.

  A009000296 

 Cet estat est certes le plus parfait apres celuy de ceux qui sont sous le caractere de la consecration episcopale, d'autant que l'on ne s'en peut plus departir.

  A009000296 

 Le martyre n'est pas un estat à cause de sa briefveté, ains se doit plustost appeller une voye courte et passagere, que non pas un estat.

  A009000297 

 Elles disent à Nostre Seigneur, à l'imitation du grand saint Paul: Seigneur, que vous plaist-il que je fasse? Et ayant dit cela, elles se sousmettent à la conduite de leurs Superieurs, pour ne jamais plus estre maistresses d'elles mesmes ni de leur volonté, evitant par ce moyen la sentence du grand saint Bernard qui asseure que «celuy qui se gouverne soy mesme est gouverné par un grand sot.» Hé, pourquoy voudrions-nous estre maistres de nous mesme pour ce qui regarde l'esprit, puisque nous ne le sommes pour ce qui est du corps? Ne sçavons-nous pas que les medecins lors qu'ils sont malades appellent d'autres medecins pour juger des remedes qui leur sont propres? De mesme les advocats ne plaident pas leur cause, d'autant que l'amour propre a accoustumé de troubler la rayson..

  A009000298 

 Je sçay bien qu'il s'en est trouvé, comme [95] sainte Magdeleine, saint Matthieu et les autres; de mesme un saint Louys, une sainte Elizabeth; mais tous ceux-là sont rares, et partant nous pouvons bien dire que si cette bienheureuse inspiration y tombe, c'est tres rarement..

  A009000299 

 Nous faisons comparaison de la blancheur de la neige à la blancheur d'une ame pure parce qu'elle surpasse toute autre blancheur; et qu'il ne soit vray, vous le verrez demain en l'Evangile où il est dit que Nostre Seigneur estant transfiguré, ses vestemens devinrent blancs comme neige.

  A009000300 

 C'est en effect une certaine liqueur de misericorde qui retire le pecheur de son iniquité et la luy pardonne; mais l'autre de ses mammelles dont il nourrit les parfaits et les perfectionne tousjours davantage, jette une liqueur plus douce que le miel et plus suave que le nectar et l'ambroisie; elle est toute sucrée.

  A009000300 

 Il est pourtant veritable que le Sauveur ayant deux mammelles, nourrit tous ses enfans de la misericorcle qui en distille.

  A009000300 

 Le saint Prophete disoit au Seigneur: Une chose vous ay-je demandée, c'est celle que je requiers encores, que vous me meniez en vostre saint temple, à fin que là je jouisse de vostre volupté.

  A009000301 

 C'est le divin Psalmiste qui le declare, asseurant qu'elle fait la volonté de Dieu, qu'elle obeit à sa parole.

  A009000301 

 Je dis qu'elle est obeissante.

  A009000301 

 O qu'elle est obeissante la neige! Telles sont les ames qui se dedient au Seigneur, car elles sont souples et se sousmettent absolument sous la discretion et conduite de ceux qui commandent, sans se laisser plus maistriser par leur propre volonté ni jugement.

  A009000302 

 En troisiesme lieu, la neige est feconde.

  A009000302 

 Faire toutes ces choses ainsy, c'est obeir; au grand Apostre qui dit: Soit que vous mangiez, soit que vous beuviez, faites tout au nom de Dieu.

  A009000302 

 La vocation religieuse est une vocation feconde, d'autant qu'elle rend les actions les plus indifferentes, fertiles et tres meritoires.

  A009000303 

 De mesme, ils ne vont point dormir parce qu'ils ont sommeil ni parce qu'il faut dormir pour rendre le corps plus vigoureux, car si le temps n'en est venu et la cloche, qui est le signe de l'obeissance, ne les y fait aller, ils n'iront point.

  A009000303 

 O que le bonheur de pouvoir obeir en tout ce que nous faisons est grand!.

  A009000304 

 Mais dites nous, o saint Prophete, qu'en reussira-t-il de tout cecy? La suite de son discours le declare: Et le Roy convoitera ta beauté; c'est à sçavoir, il te fera son espouse bien aymée et prendra ses delices en toy.

  A009000304 

 Mais remarquez, je vous prie, qu'il ne se contente pas qu'elle escoute si elle n'incline encores son oreille; c'est pour monstrer qu'il veut estre escouté avec une particuliere attention et avec affection.

  A009000311 

 C'est [100] ce qu'ils desirent, sçachant que nous avons esté creés pour cela.

  A009000313 

 Chacun sçait que le pain est une chose universelle dont on mange avec toutes sortes de viandes.

  A009000313 

 Le pain que nous devons donner à manger aux Anges, c'est une resolution forte, genereuse et invincible de vouloir servir, honnorer et aymer Dieu, non seulement toute nostre vie, mais jusques à l'eternité.

  A009000313 

 Or, il ne nous donnera point sa grace si nous ne la luy demandons par le moyen de l'oraison; mais celle cy n'est point aggreable à Dieu sans l'humilité, car sans icelle l'oraison n'est point oraison.

  A009000315 

 Il ne faut point penser que nous soyons plus aggreables à Dieu par un autre exercice que par celuy-cy, car sa volonté est que nous fassions celuy-là; partant nous le devons faire de bon cœur, et non pas en desirer un autre, où nous ne trouverons peut estre pas sa volonté mais la nostre, et ce, à nostre confusion..

  A009000316 

 Il y a des personnes si bigearres! Plusieurs parlent de la bigearrerie, mais peu sçavent que c'est que d'estre bigearre: je veux l'expliquer et donner à entendre.

  A009000316 

 Les bigearres ce sont des personnes qui n'ont point de stabilité et fermeté en leurs resolutions, qui ne font autre chose que varier et faire divers desseins, sans les effectuer avec la maturité et consideration convenables; c'est pourquoy elles changent à tous propos sans s'arrester à rien.

  A009000316 

 Quand nous voyons une robbe composée de rouge, de blanc, de vert, nous disons qu'elle est bigarrée; de mesme, quand nous voyons des personnes qui ont divers desseins et resolutions, ne s'arrestant à rien, nous disons qu'elles sont bigearres, parce qu'elles sont habillées de diverses couleurs: tantost de jaune, voulant une chose, tantost de rouge, en voulant une autre.

  A009000317 

 Ils se nourrissent donques de la resolution qu'ils ont de servir Dieu, et sa volonté est leur viande; car le Seigneur les ayant creés, il leur monstra en un instant le bien et le mal, pour qu'ils eussent à choisir l'un ou l'autre.

  A009000317 

 Lors saint Michel, comme en reprenant Lucifer de sa temerité, luy dit: Qui est semblable à Dieu? et par cette parolle le fit tresbucher avec sa malheureuse trouppe au profond des enfers.

  A009000317 

 Or, l'aliment qui a le plus de rapport avec la nature des Anges, c'est la volonté de Dieu.

  A009000320 

 Ce veau rosti que nous devons donner aux Anges à l'imitation d'Abraham, c'est nostre cœur que nous devons rostir et escorcher par le moyen de la mortification, pour l'offrir à Dieu, pur, net et vuide de nostre propre volonté et amour propre.

  A009000321 

 De mesme, ces filles qui viennent en Religion pour monter la montaigne de la perfection, se despouillent et posent leurs habits mondains, c'est à dire leurs mauvaises habitudes, leur propre volonté et les affections qui les peuvent esloigner de Dieu.

  A009000321 

 Si on luy demande pourquoy elle fait cela, elle respondra que c'est à fin de monter plus legerement et à son ayse cette montaigne.

  A009000321 

 Si vous leur demandez pourquoy, elles diront que c'est à fin de s'unir plus promptement à la divine Bonté et monter plus legerement à la perfection de son amour, car c'est une montaigne difficile que celle cy, parce que c'est la montaigne de Calvaire, de croix et d'afflictions; neanmoins elle est suave, douce et aggreable pour les ames genereuses et fortes.

  A009000321 

 Une personne qui va par un chemin, quand elle est au pied d'une montaigne elle s'arreste, se despouille et pose ses habits.

  A009000322 

 Le beurre et le miel que nous devons donner aux Esprits bienheureux c'est une grande douceur, support du prochain et affabilité, en quoy nous les devons imiter; car il n'y a rien de si doux, de si gracieux et affable qu'un Ange.

  A009000323 

 Ils leur doivent donner du lait lors qu'elles sont encores foibles et tendres en la devotion; et à mesure qu'elles vont croissant et qu'elles sont plus fortes, ils leur doivent presenter du pain, c'est à dire leur aggrandir le courage pour les faire croistre et avancer en la perfection de l'amour divin et aux vrayes et solides [107] vertus, les y excitant plus par leurs exemples que par leurs paroles..

  A009000325 

 Et nous autres miserables, qui ne sommes rien, ne nous voulons point humilier! Si l'on va dire à un monsieur qu'il est un homme, il s'offencera de cela et respondra: Quoy, moy qui suis un monsieur, relevé en une telle dignité et grandeur, je suis prince, je suis comte, et on m'appelle homme! Voyla jusques où nous porte nostre orgueil.

  A009000325 

 Nous voulons qu'on regarde en nous tout ce qui est excellent, les qualités, offices et charges auxquelles nous sommes eslevés, que l'on nous estime pour cela, quoy que vrayement nous n'en soyons pas plus à estimer ni plus grans devant Dieu; et nous voulons au contraire qu'on ignore nostre vileté et qu'on ne regarde jamais nostre misere, nos defauts et imperfections.

  A009000325 

 Plusieurs parlent de l'humilité et des autres vertus, mais fort peu sçavent en quoy elles consistent; neanmoins c'est le principal que de le [108] sçavoir par prattique, plustost que par science speculative.

  A009000326 

 Car cette dignité est si excellente qu'elle surpasse en certaine façon celle des Esprits angeliques, quoy qu'ils soyent plus heureux, estans en lieu asseuré et voyans Dieu face à face.

  A009000327 

 Le vray humble en fait de mesme: il ne regarde jamais en soy ce qui est excellent, ni les dignités, grandeurs et charges auxquelles il est eslevé; il ne veut point qu'on fasse estat de luy pour toutes ces choses ni qu'on l'en estime davantage; il ignore tout cela par une sainte humilité, et ne considere sinon ce qui est en luy de vil, d'abject, de pauvre et de miserable..

  A009000328 

 Bienheureuses donques sont les ames humbles d'une [109] humilité vraye; car, tant de reverences qu'il vous plaira, tant de paroles d'humilité que vous voudrez, tout cela est peu de chose si vous n'avez au cœur l'humilité vraye et sincere, qui vous fasse connoistre vostre vileté, vos miseres, defauts et imperfections, vous reconnoissant la plus miserable de toutes les creatures et vous sousmettant de bon cœur à toutes pour l'amour de Nostre Seigneur.

  A009000328 

 Il en est comme de l'amour de Dieu et du prochain: ce sont deux amours qui ne vont point l'un sans l'autre, et à mesure que nous aymons plus Dieu, aussi aymons-nous plus le prochain..

  A009000328 

 Si vous distribuez tout vostre bien aux pauvres, si vous me dites que vous travaillez beaucoup pour la gloire de Dieu et pour convertir les ames à luy, et que vous donnez vostre vie et vostre corps pour estre bruslé, je vous diray que tout cela n'est rien si vous n'avez la charité.

  A009000329 

 C'est un mets tres aggreable et delicieux que nous donnerons à ces Esprits celestes qui seront fort resjouis de voir que nous les imitons en cette vertu de douceur et affabilité..

  A009000330 

 C'est l'Espoux de nos ames, suivons ses traces et vestiges; lors que nous demeurerons aupres de luy nous serons là comme en un rempart asseuré, ayant [110] nostre recours et refuge en ses sacrées playes, desquelles il fera distiller son sang pretieux pour le respandre sur nous et nous appliquer le merite d'iceluy à fin de nous rendre aggreables à la divine Majesté..

  A009000342 

 et combien grande est la gloire que.

  A009000346 

 Et moy, ayant à vous parler en cette solemnité des Saints, j'ay pensé me servir des mesmes parolles de ce grand Apostre et de les vous addresser, pour vous exciter par icelles à rehausser vos cœurs et vos pensées à la consideration de la gloire et felicité eternelle que Dieu a preparée à ceux qui le craignent et ayment [112] en cette vie, et pour vous inciter par ce discours à mespriser et retirer vos affections de toutes les choses creées, puisque, comme l'escrit saint Jean en son Apocalypse, le ciel et la terre passeront, c'est à sçavoir que tout ce qui est ça bas prendra fin..

  A009000347 

 En premier lieu, celuy qui le faisoit estoit roy de cent vingt sept provinces, et il y fut present, d'autant que c'est une des principales pieces du convive que celuy qui le fait y prenne part, mais sur tout lors que c'est une personne de qualité royale.

  A009000347 

 Là il est raconté que le roy Assuerus fit un festin le plus admirable qui se puisse voir et entendre, car toutes les conditions requises et qui se peuvent souhaitter en un banquet pour le rendre insigne et remarquable se trouverent en iceluy.

  A009000347 

 Or, pour vous dire quelque chose de cette gloire, je me serviray d'une histoire qui est rapportée au premier chapitre du Livre d'Esther.

  A009000348 

 Celuy qui le fait est Dieu mesme, qui surpasse en grandeur et dignité tout ce qui est et peut estre, et cette personne royale et divine assiste au festin, mais qui plus est, il est luy mesme la viande qui repaist et rassasie les conviés et esleus par les admirables communications qu'il fait de soy mesme.

  A009000348 

 De parler de la beauté du lieu où se fait le festin c'est impossible; mais pour les autres choses qui s'y retrouvent nous les expliquerons par le menu et dirons un mot sur chacune de ses circonstances et conditions, si Dieu nous fait la grace de nous en souvenir..

  A009000348 

 Je n'ay point trouvé d'histoire et de discours plus propre pour vous representer la gloire et felicité des Saints que ce banquet du roy Assuerus, puisque cette felicité n'est autre qu'un festin ou banquet auquel nous sommes invités et où ceux qui sont receus sont rassasiés et assouvis de toutes sortes de delices.

  A009000348 

 Mais certes, [113] quand je viens à comparer ce banquet à celuy du roy Assuerus, je trouve que celuy-là n'est rien au prix de celuy-cy; aussi n'y a-t-il rien à quoy il puisse estre parangonné.

  A009000349 

 Et pour commencer par la chose principale, Dieu qui fait ce festin se trouve en iceluy et il est luy mesme la viande qui rassasie ceux qui y sont conviés; car là est l'Aigneau, dit saint Jean, qui oste le peché du monde; c'est cet Aigneau de Hieremie, qui a esté occis pour les pechés du monde, c'est luy qui les a effacés et remis et qui s'est fait la nourriture de ses esleus.

  A009000349 

 Mais outre cette gloire essentielle il y en a encores une accidentelle, qui est celle que les Bienheureux reçoivent par accident, comme les damnés, outre la peine du dam, en ont encores une autre que l'on appelle du sens..

  A009000349 

 Or, c'est une chose toute claire et hors de doute et de controverse que la felicité des Bienheureux, ainsy que les theologiens enseignent, consiste en la vision de Dieu, comme au contraire la peine des damnés qu'on appelle du dam, consiste en la privation de cette claire vision.

  A009000350 

 Disons un mot de cette gloire essentielle qui consiste [114] à voir clairement Dieu tel qu'il est, sans ombre ni figure.

  A009000350 

 La premiere c'est la Divinité, à sçavoir Dieu luy mesme; la seconde c'est la maternité de la Sainte Vierge, nostre souveraine Mere et Maistresse; la troisiesme c'est la gloire elle-mesme, de laquelle Dieu est le souverain objet..

  A009000351 

 Quant à la premiere chose qui fait la gloire essentielle des Saints, qui est la Divinité, il ne se peut rien voir ni rien ne peut estre de plus grand, Dieu estant, comme disent les theologiens, un Estre par dessus tout estre, un acte tres pur et tres simple.

  A009000351 

 Rien n'est plus grand que Dieu avec l'infinité de sa puissance, et il ne peut rien creer de plus haut que luy mesme; car s'il pouvoit creer quelqu'autre plus grand ou plus haut que luy il ne seroit pas Dieu, puisque Dieu est un Estre par dessus tout estre, que nul ne peut esgaler.

  A009000352 

 La seconde chose est la maternité de la Sainte Vierge, qui est l'œuvre la plus excellente que la toute puissance du Seigneur puisse operer en une simple creature; car, comme pouvoit-il l'eslever plus haut que de la faire Mere de Dieu, c'est à dire de luy mesme?.

  A009000353 

 La troisiesme chose est la gloire, gloire la plus grande qui se puisse creer, puisqu'elle a pour objet Dieu mesme, qui est une clarté et lumiere increée par laquelle on voit toutes les autres lumieres, lesquelles sortent de celle cy comme de leur source et origine sans la pouvoir tant soit peu interesser.

  A009000354 

 C'est là qu'ils reçoivent la mesure pleine, et comble, et qui regorge de toutes parts, parce que la joye et liesse dont ils jouissent en cette gloire essentielle par la connoissance des plus profonds mysteres les rassasie tres parfaittement.

  A009000354 

 Hé, combien pensez-vous qu'ils ressentent de suavité en la claire veuë du mystere ineffable de la tres sainte Trinité, de l'eternité du Pere, du Fils et du Saint Esprit? Quelle joye de comprendre que le Fils n'est pas moindre que le Pere, que le Pere pour estre Pere n'est point plus grand que le Fils, et que le Saint Esprit est en tout esgal au Pere et au Fils! Quelle suavité de voir que le Fils est eternel et aussi ancien que le Pere, et le Saint Esprit aussi bien que le Pere et le Fils, et que ces trois Personnes ayant une mesme essence, ne font qu'un seul Dieu!.

  A009000354 

 Ils voyent en icelle la grandeur et excellence de la maternité de la Vierge, et encores quelle et combien grande est la gloire que Dieu donne à ses esleus.

  A009000354 

 Là ils voyent face à face, clairement, nettement, sans ombre, image ni figure, Dieu trin et un, non par enigme mais tel qu'il est, avec une telle clarté qu'on voit la lumiere en la lumiere.

  A009000356 

 Ils entendent clairement comme ce mystere s'est accompli, comme le Verbe a pris chair humaine au ventre de la Vierge, sans faire aucune bresche à sa virginité, la laissant toute pure et toute nette, sans offencer en rien son integrité virginale.

  A009000356 

 Ils voyent encores ce nœud indissoluble avec lequel l'humanité est jointe et unie avec la Divinité, cette œuvre incomparable de l'Incarnation en laquelle Dieu s'est fait homme et l'homme est fait Dieu.

  A009000356 

 Quelle felicité et quelle joye de voir encores le fruit et l'utilité de l'usage des Sacremens, car c'est là où l'on conçoit comment la grace se communique par iceux selon la correspondance que l'on y apporte; comme les uns la reçoivent, les autres la rejettent, comme Dieu donne sa grace efficace aux uns, comme il la refuse à quelques autres sans leur faire tort.

  A009000357 

 De qui sont ces paroles? Non d'autre que de Dieu mesme qui les dira au cœur de l'ame fidelle et bienheureuse, laquelle, par un amour reciproque, respondra ces [117] gracieuses et douces parolles del'Espouse: Mon Ami est tout à moy et je suis toute à luy; il est à cette heure tout mien, et je seray desormais toute sienne.

  A009000357 

 Mais quel langage est-ce qu'ils tiennent et de quel parler se servent-ils? Leur parler et leur langage n'est autre que celuy d'un pere avec ses enfans, il est tout filial et plein d'amour; car, comme ce lieu est la demeure des enfans de Dieu, aussi leur langage est-il tout filial et plein de dilection, puisque le Ciel est le lieu d'amour et que nul n'y entre qu'il n'aye la charité et qu'il n'ayme Dieu.

  A009000357 

 Or, non seulement ils voyent Dieu, qui est en quoy consiste la felicité, ains encores ils l'entendent parler et parlent avec luy, et c'est icy un des principaux points de leur felicité.

  A009000360 

 Et quelle est cette pierre blanche qui sera donnée à l'ame bienheureuse, sinon Jesus Christ, vraye pierre angulaire, lequel se donnera à chaque Bienheureux par cette douce communication qu'il fera de soy mesme? Quant à la blancheur de cette pierre, ce n'est autre que la candeur et pureté de Nostre Seigneur, vray Aigneau sans macule.

  A009000361 

 Ha, mes cheres Sœurs, c'est icy le comble de la felicité des Bienheureux, de sçavoir que cette felicité sera eternelle et ne prendra jamais fin.

  A009000361 

 Mais cette pensée m'est venue ce soir considerant ce que je vous devois dire: la parolle escritte en cette pierre blanche, que personne ne sçait que celuy qui la reçoit, n'est autre qu'une parolle filiale, une parolle d'amour, telle que celles dont nous avons parlé: Je suis tout à toy et tu es toute à moy; tu ne te separeras [119] jamais de moy et je ne m'esloigneray jamais de toy.

  A009000361 

 Qu'est-ce qui cause plus de joye aux prosperités de cette vie, sinon l'esperance qu'elles seront de longue durée? Comme au contraire, rien ne rabat ni diminue tant la joye sinon la crainte qu'elle ne dure pas long temps et ne vienne tost à passer.

  A009000362 

 Or, si la pensée que le regne de Dieu est eternel cause au cœur humain tant de liesse spirituelle, quelle pensez-vous doit estre la joye des Esprits celestes en l'asseurance qu'ils ont de la perpetuité de leur gloire? Voyla pour ce qui est de la gloire essentielle des Bienheureux..

  A009000363 

 Ceux qui en ont moins se resjouissent de ceux qui en ont davantage, car dans le Ciel la charité est en sa perfection, [120] il n'y a point d'envie ni de jalousie, ains elle s'esjouit de la gloire de ces bienheureux citadins, et par cette douce participation et communication qu'ils ont de la felicité les uns des autres, tous demeurent satisfaits.

  A009000363 

 Disons maintenant quelques mots de la gloire accidentelle, qui est, comme nous l'avons veu, celle qui leur arrive par accident.

  A009000364 

 Il en est ainsy de la felicité: tous sont contens du loyer et de la participation de la gloire..

  A009000364 

 Si vous les regardez, ils sont tous deux vestus de drap d'or et sont contens, d'autant qu'un chacun en a suffisamment pour son habillement; et quoy que le premier qui en a sept aunes en ayt plus que celuy qui n'en a que trois ou quatre, si est-ce que celuy cy ne luy en porte aucune envie, parce qu'il y a autant de drap en sa robbe qu'il luy en faut pour le couvrir.

  A009000365 

 Tous en cette vie n'entendent pas esgalement le son et accord d'une musique: celuy qui a l'ouïe un peu dure ne peut pas si bien remarquer tout ce qui se fait en icelle pour rendre la melodie en sa perfection, quoy qu'il entende et sçache la musique, comme celuy qui a l'oreille plus subtile; et bien que le premier se resjouisse en la suavité qu'il prend à ouyr cette musique, si est-ce toutefois qu'il ne ressent pas une suavité aussi grande que celuy qui a l'ouye plus subtile, quoy que tous deux soyent contens..

  A009000366 

 Le soleil n'est pas esgalement regardé d'un chacun, et neanmoins tous se contentent de sa lumiere en recevant ce qu'ils en peuvent supporter; car celuy qui a les yeux chassieux ne peut recevoir les rayons du soleil avec la mesme clarté que fait celuy qui a la veue bien nette.

  A009000367 

 Cette salle où sont ces mirouers et tableaux c'est le Ciel empiré.

  A009000367 

 Elle compare donques le Paradis à une grande salle, laquelle seroit toute pleine et environnée de beaux tableaux et de mirouers: or, adjouste-t-elle, quand on viendroit à se regarder dans l'un de ces mirouers on verrait celuy dans lequel on se regarde et on se verrait soy mesme, et avec cela on verrait avec un singulier playsir tous les tableaux et tous les mirouers de cette salle; mais ce qui est davantage, on y appercevroit aussi ce que les autres mirouers representent en leur particulier.

  A009000367 

 Et qu'est-ce ce mirouer où l'on voit tout ce que je vous ay dit, sinon l'essence de Dieu dans lequel on le contemple et connoist on luy mesme tel qu'il est? Dans cette mesme essence on se connoist soy mesme avec tout ce qu'on a receu, et en icelle on voit encores la gloire de tous les autres Saints, tous leurs merites, tout ce qu'ils ont fait et souffert et toutes les graces et faveurs qui leur ont esté octroyées.

  A009000367 

 Mais de vous parler de la beauté du lieu où se fait ce festin, qui est encores une gloire accidentelle, et de la dignité de ceux qui y sont et qui y servent, certes c'est [121] une chose qui seroit trop longue à raconter; voire, tout ce qui s'en pourrait dire ne seroit rien au prix de ce qui en est.

  A009000369 

 Bref, pour comble de felicité, les Bienheureux seront semblables à Dieu, c'est à sçavoir par participation.

  A009000369 

 C'est ce que nous fait entendre la Sainte Escriture quand elle nomme Nostre Seigneur le Dieu des dieux, c'est à dire le Dieu de tous ces petits dieux, des Saints qui sont en Paradis..

  A009000370 

 Je vous pensois encores dire un mot sur toutes les autres circonstances qui se retrouvent au banquet de ce grand Assuerus, Nostre Seigneur; mais je voy que l'heure passe, c'est pourquoy je finis ce discours parce que je suis appellé autre part, et aussi parce qu'il ne faut pas abuser de vostre patience.

  A009000371 

 En fin travaillez avec fidelité en cette vie et perseverez jusques à la fin, à ce que vous puissiez estre congregées et unies avec les bienheureux Esprits en cette felicité eternelle, pour aymer et jouir de la divine Majesté pour toute eternité, qui est ce que je vous souhaitte de tout mon cœur.

  A009000371 

 Il n'y a point de façon ni de mesure pour aymer: la façon d'aymer Dieu c'est de l'aymer plus que tout et au delà de tout.

  A009000371 

 «La mesure,» comme dit saint Bernard, «est de ne point avoir de mesure.» Remplissez vostre memoire de toutes ces choses et la contentez en Dieu, luy retranchant tous les souvenirs et images de ce qui n'est point Dieu, et la nourrissez de ces divins mysteres, tant de l'enfance du Sauveur que de tout le reste de sa vie, mort et passion.

  A009000376 

 Je peux bien dire de cette solemnité ce qui est escrit de la reyne de Saba allant visiter Salomon.

  A009000377 

 Mais avec quelle ferveur d'esprit pensez-vous que cette bien heureuse Infante du Ciel desiroit de quitter la mayson de ses pere et mere, pour se plus absolument dedier et consacrer au service de son Espoux celeste qui l'attiroit et amorçoit par l'odeur de ses parfums, ainsy que le dit la Sulamite: O mon Bien-Aymé, ton nom est comme un baume ou huile respandu, c'est pour quoy les jeunes filles t'ont desiré et sont allées apres toy; ains tu n'es pas seulement parfumé, tu es le parfum mesme et le baume.

  A009000377 

 Voyez-vous, le temps luy duroit sans doute, à nostre glorieuse Dame, de voir arriver le jour auquel ses parens la devoyent offrir à Dieu, car c'est une chose tres asseurée qu'elle avoit eu l'usage de la rayson dès le ventre de sa mere.

  A009000379 

 C'est un acte de simplicité admirable que celuy de cette glorieuse Pouponne qui, attachée aux mammelles de sa mere, ne laisse pas neanmoins de s'entretenir avec la divine Majesté.

  A009000380 

 Il se commence par ces mots: Beati immaculati in via; Bienheureux sont ceux, Seigneur, qui marchent en ta voye sans macule, sans tache de peché; en ta voye, c'est à dire en l'observance de tes commandemens.

  A009000380 

 J'ay voulu dire cecy en passant à fin de vous bailler sujet de vous entretenir le reste de cette journée à considerer la suavité de ce voyage; à fin aussi de vous esmouvoir à escouter ce divin cantique que nostre glorieuse Princesse entonne si melodieusement, et ce avec les oreilles de vostre devotion, car le tres heureux saint Bernard dit que la devotion est l'oreille de l'ame..

  A009000381 

 Les anciens Chrestiens faisoyent des grandes festes, mais spirituelles, à l'anniversaire de leur Baptesme, qui estoit le jour de leur dedicace, c'est à dire celuy auquel ils s'estoyent dediés à Dieu.

  A009000381 

 Ou bien encores, et cecy est la rayson la plus probable, Abraham fit alors ce banquet parce qu'à cette heure là son fils estoit desja capable de donner quelque esperance de luy, d'autant qu'en cet aage on commence à mettre les enfans dans la voye en laquelle on desire qu'ils marchent..

  A009000381 

 Venons maintenant à la solemnité qui se celebre aujourd'huy ceans, qui est le renouvellement et reconfirmation des vœux.

  A009000382 

 Il est donc tres à propos que les Religieux fassent tous les ans une feste particuliere au jour de leur dedicace [128] et de leur entrée en Religion.

  A009000383 

 Certes, il est tres veritable, et ce jour est d'autant plus plein de contentement que nous avons plus de connoissance du bonheur qu'il y a d'estre absolument dedié à Dieu..

  A009000383 

 Il dit qu'elles viendront et seront amenées avec joye et exultation; c'est donques un jour de joye et de consolation que celuy de la commemoration de nostre dedicace à la divine Bonté.

  A009000384 

 L'humilité est non seulement conservatrice de la virginité, mais elle est sa reparatrice..

  A009000385 

 Et tout ainsy qu'un homme qui joue excellemment du luth a accoustumé d'en taster toutes les cordes de temps en temps pour voir si elles ont point besoin d'estre rebandées ou bien laschées, à fin de les rendre bien accordantes selon le ton qu'il leur veut donner, de mesme il est necessaire que tous les ans au moins une fois, nous tastions et considerions toutes les affections de nostre ame pour voir si elles sont bien accordées pour entonner le cantique de la gloire de Dieu et de nostre propre perfection.

  A009000386 

 C'est une chose tres necessaire que celle-cy, nostre misere estant si grande que nous faisons tousjours quelque perte spirituelle, et ne venons que trop ordinairement à descheoir de nos propos.

  A009000386 

 Mais d'autant que nous avons presché ces années passées en cette mesme journée sur le sujet du renouvellement de nos ames, ramassons maintenant nostre discours revenans à nous mesmes, et voyons que c'est qu'il faut faire pour nous bien renouveller.

  A009000386 

 Partant, il est expedient de nous reprendre, et considerer les moyens de pouvoir regaigner ce qui par nostre foiblesse, voire negligence, nous est eschappé..

  A009000387 

 Il est vray qu'il ne faut pas nous en estonner, d'autant [130] que tout ce qui est en ce monde est fait ainsy; voire mesme il semble que le soleil aye besoin de recommencer sa course tous les ans une fois, à fin de reparer le deschet que paraissent avoir receu le long de l'année les lieux qui n'ont pas l'aspect bon.

  A009000387 

 Ne vous est-il pas advis que la terre descheoit en hiver, et quand ce vient le printemps qu'elle veut regaigner les pertes qu'elle a faites le long des grandes froidures? Nous en devons faire de mesme nous autres, faisant nostre course comme le soleil sur toutes les affections et passions de nos ames, pour regaigner les pertes causées par leur immortification le long de l'année.

  A009000387 

 Puis, venant au printemps, qui est le temps de nos renouvellemens, nous devons prendre courage pour reparer le deschet que nous avons fait au temps des froidures de nos laschetés..

  A009000388 

 Le premier c'est qu'elle vient se presenter en son enfance, car estant sevrée elle quitte ses parens; le second, qu'elle est portée le long du voyage une partie du temps entre les bras de ses pere et mere, et l'autre partie elle marche sur ses pieds; en troisiesme lieu, je considere qu'elle se donne et offre toute entierement et sans aucune reserve..

  A009000389 

 Ils marchent pendant leur enfance comme ceux qui sortans d'une ville vont tout droit quelque temps; mais au bout de ce peu de temps ils trouvent que le chemin se fourche et partage en deux; il est à leur pouvoir de prendre à droite ou à gauche, selon que bon leur semble, pour aller où ils desirent.

  A009000389 

 Si la virginité est reparée par l'humilité et si la chaste vefve est rendue vierge glorieuse et triomphante, pourquoy voulez-vous que nous ne puissions regaigner le temps perdu, par la ferveur et diligence à bien employer celuy que nous avons presentement? Il est tres veritable que le bonheur de ceux qui se sont dediés et consacrés à la divine Majesté dès leur adolescence est tres grand, d'autant plus que Dieu le desire et s'y complaist grandement, se plaignant du contraire lors [131] qu'il dit par son Prophete que les hommes sont tellement pervertis que dès leur adolescence ils ont quitté sa voye et ont pris le chemin de perdition.

  A009000390 

 Il est tres certain que la divine Bonté desire le temps de nostre jeunesse comme estant le plus propre pour nous employer en son service.

  A009000390 

 Mais, me direz-vous, quel est le temps le plus propre pour nous dedier et consacrer tout à Dieu, apres que nous avons passé nostre adolescence? Oh, quel il est? c'est le temps present, tout à cette heure; c'est le vray temps, car celuy qui est passé n'est plus nostre, le futur n'est pas non plus en nostre pouvoir, c'est donques le moment present qui est le meilleur..

  A009000392 

 Et c'est icy la seconde remarque que je fais en cette sainte Presentation, et le second point auquel nous devons imiter nostre glorieuse Princesse, pour bien nous presenter de nouveau à fin de bien reoffrir à son divin Fils ce que nous luy avons une fois dedié et consacré, à sçavoir nous mesme, par le moyen des vœux que nous venons maintenant renouveller, c'est à dire renouer; car cette sainte coustume de renouveller nos vœux sert encores à reparer les manquemens que nous pourrions avoir commis en les faisant..

  A009000394 

 Ce sont les Sacremens, car dites-moy, je vous prie, que nous couste-t-il d'entendre ces parolles: «Je t'absous de tous tes pechés,» ou bien de recevoir le tres saint Sacrement dans lequel est comprise toute la suavité du Ciel et de la terre? Et bien qu'il faille prononcer les parolles de la consecration que Nostre Seigneur a commandées, qu'est-ce que cela pour faire venir nostre souverain Maistre à la voix d'un prestre, pour meschant et indigne qu'il soit, se renclore sous ces especes pour nostre bonheur? N'est-ce pas nous porter entre ses bras que de nous permettre de nous unir à luy en ces deux façons? Quand donques vous viendrez dire: «Je renouvelle et reconfirme de tout mon cœur les vœux que j'ay faits à mon Dieu,» le Sauveur vous conduira par la main, d'autant que vous prononcerez ces paroles et ferez quelque chose de vostre part; mais soudain que nous vous [134] communierons, il vous prendra entre ses bras, faisant en vous cette œuvre toute ouvrée..

  A009000395 

 Elle dit: Tirez-moy, pour monstrer qu'elle ne peut rien d'elle mesme si elle n'est tirée et aydée de sa faveur; et pour monstrer qu'elle veut correspondre à ses attraits volontairement et sans estre violentée, elle adjouste: nous courrons; pour peu que vous nous tendiez la main pour nous tirer, nous ne cesserons point de courir, jusques à ce que vous nous ayez pris entre vos bras et unis à vostre Bonté..

  A009000396 

 C'est ainsy qu'il faut que nous nous donnions nous autres, car le Sauveur ne veut pas que nous fassions ce que luy mesme ne peut faire, qui est de se donner à nous en partie.

  A009000396 

 Helas! est-ce si grande chose? N'y a-t-il pas quelquefois plus de consolation que de mescontentement de le faire? Il faut se priver du mariage.

  A009000396 

 Il faut quitter tout pour avoir le tout qui est Dieu.

  A009000396 

 O Dieu, tout bien consideré, qu'est-ce que nous quittons? Le tracas du mesnage où le plus souvent les choses vont de travers et contre nostre volonté.

  A009000396 

 Passons maintenant au troisiesme point qui est que nostre glorieuse Maistresse se donna et abandonna toute sans aucune reserve à la divine Majesté.

  A009000396 

 Sa bonté est si grande qu'il se veut tout donner à nous; de mesme veut-il, et il est bien raysonnable, que nous nous donnions à luy sans restriction.

  A009000397 

 C'est donques la propre volonté dont il se faut desfaire.

  A009000397 

 Comme s'il eust dit: Considere ton nom, et tu trouveras qu'il signifie uni, seul; or, par ce mot, seul, je n'entens pas d'estre retiré et sequestré dans un desert, mais c'est à sçavoir que pour estre bon moine il ne faut avoir que Dieu pour objet en tout ce que nous faisons; et cela c'est estre seul..

  A009000397 

 Mais, est-ce cela tout ce qu'il faut quitter? O non, il reste le plus difficile, qui est nous mesme, nostre propre volonté: il la faut aneantir tout à fait sans aucune reserve.

  A009000398 

 Dieu ne se contente pas de nos offrandes quand elles ne sont pas accompagnées de celle de nostre propre cœur, car il est comme l'aigle qui se repaist plus pleinement du cœur des oyseaux qu'elle prend pour sa proye que non pas des autres parties de leur corps.

  A009000398 

 Voulez-vous devenir une bonne fille de la Visitation? Il faut tout quitter, non seulement ce qui est hors de soy mais soy mesme, et estre absolument sevrée de la [136] propre volonté que nous aymons tendrement comme si elle estoit nostre mere.

  A009000400 

 Puis vous [137] adjousterez: Quoniam confirmata est super nos miser icordia ejus; Parce qu'il a confirmé sur nous ses misericordes, nous attirant par sa bonté à la jouissance de tant de graces et benedictions dès cette vie perissable, pour par apres, en la compaignie de nostre tres sainte Maistresse et des Bienheureux qui sont au Ciel, chanter eternellement Gloire soit au Pere, au Fils et au Saint Esprit.

  A009000405 

 Celle de l'adoration des Roys en est une, car elle ne se contente pas d'en commencer l'office à Vespres de la vigile, mais elle commence dès la Messe qui est propre à ce jour.

  A009000406 

 Cet Ange l'ayant abordé le salua disant: Je te salue, o homme le plus fort d'entre tous les hommes, le Seigneur est avec toy.

  A009000406 

 Gedeon estant extremement affligé pour la rude et pressante guerre que luy faisoyent ses ennemis qui l'avoyent environné de toutes parts, Dieu, dont la bonté est incomparable, en eut compassion et luy envoya un Ange pour le consoler.

  A009000406 

 Lors le pauvre Gedeon luy respondit, pressé de son affliction: S'il est vray ce que tu dis que le Seigneur est avec moy, pourquoy donques, avec luy, suis-je environné de tant de miseres? Nous en pouvons bien dire autant aujourd'huy.

  A009000406 

 S'il est vray, comme il est, que la tres sainte Vierge et saint Joseph ont Nostre Seigneur avec eux, pourquoy donques les voyons-nous si remplis de crainte qu'ils se rendent fuyars pour l'apprehension d'un homme terrien, quoy qu'ils ayent avec eux le Dieu de [139] la majesté infinie, par l'ordonnance duquel toutes choses se font et ont esté faites?.

  A009000407 

 Je sçay bien que les docteurs demeurerent fort estonnés l'entendant parler dans le Temple, lors qu'il fit paroistre un petit eschantillon de cette science tant incomparable qu'il possedoit; mais c'est la seule fois qu'il le fit durant son enfance, la tenant close et cachée sous un tres profond silence tout le reste de ce temps là.

  A009000407 

 La rayson de cette conduite est que Nostre Seigneur ne voulut aucunement user de son pouvoir ou de son authorité, ni paroistre autre qu'un petit enfant sujet aux loix de l'enfance, ne parlant qu'en son temps comme les autres; et luy, qui non seulement entant que Dieu mais aussi entant qu'homme sçavoit toutes choses, cette grace luy ayant esté infuse dès l'instant de sa conception, luy qui estoit rempli d'une science pleine et entiere, ne voulut neanmoins en rien tesmoigner.

  A009000408 

 Cet estat de perfection doit estre consideré de deux manieres: pour les Religieux c'est un estat propre à se perfectionner, et pour les Prelats il suppose la perfection desja acquise.

  A009000408 

 Il institua les Sacremens; puis, sur l'arbre de [140] la croix il offrit le sacrifice sanglant de soy mesme, et devant celuy là, en la cene qu'il fit avec ses Apostres, il institua le tres saint Sacrement de l'Autel qui est le sacrifice non sanglant..

  A009000408 

 La premiere est le modele et le patron des Religieux: c'est celle de son enfance jusques à ce qu'il commença sa predication; car l'Evangeliste dit expressement qu'il demeura sujet à ses parens.

  A009000408 

 La vie de Nostre Seigneur est le parfait exemple de tous les hommes, mais particulierement de ceux qui sont en l'estat de perfection, comme les Religieux et les Prelats.

  A009000409 

 Revenons à nostre propos et au sujet que j'ay devant mes yeux, qui est le vray exemplaire de la vie religieuse, et disons apres les Peres, que la discipline monastique peut estre toute reduite sous ce mot d'abnegation.

  A009000410 

 Estant né, il est couché dans une creche qui luy sert de berceau.

  A009000411 

 Passons au second point, qui est une abnegation tres entiere de tous les playsirs sensuels.

  A009000411 

 Quant à l'odorat, vray Dieu! quelle suavité, quel parfum pensez-vous que l'on puisse avoir dans une estable? Lors que les enfans des grans roys naissent, quoy qu'ils ne soyent que des miserables hommes comme les autres, l'on met tant de parfums, l'on fait tant de ceremonies; et pour nostre Sauveur, qui n'est pas seulement homme ains Dieu tout ensemble, il ne se fait rien de tout cela! Quelle musique pour recreer son ouye? Un bœuf et un asne qui chantent pour magnifier la naissance de ce Roy celeste.

  A009000412 

 Herode estant mort, il faut qu'il s'en retourne d'Egypte; il auroit peu dire à sa Mere ou à saint Joseph qui l'aymoient si tendrement: Ma chere Mere, ou, mon Pere, retournons nous-en quand il vous plaira, car Herode que vous craignez est mort; mais non, il attend que l'Ange le revele à saint Joseph..

  A009000412 

 Quant au troisiesme point, à sçavoir l'abnegation de soy mesme, qui a jamais peu parvenir à un si entier renoncement pour se laisser conduire selon la volonté de ses Superieurs? O Dieu, c'est en ce point que ce divin Enfant s'est bien monstré vray Religieux! Saint Joseph [142] et Nostre Dame sont ses Superieurs, ils le menent, ils le portent d'un lieu à un autre, et il leur laisse faire sans jamais dire un seul mot.

  A009000413 

 Ne voyla-t-il pas une merveille tres grande, que ce tres saint Enfant ayt tellement renoncé et abandonné le soin de soy mesme pour se laisser conduire selon la volonté de ses Superieurs, qu'il n'ayt pas seulement voulu prononcer une petite parole pour avancer leur despart? Document certes tres remarquable: Nostre Seigneur est rempli de toutes les sciences, ains il est la science et la sagesse mesme; neanmoins il tient un continuel silence, tandis que l'ordinaire des personnes du monde est que si elles ont une once de sçavoir on ne les peut tenir de parler, tant elles ont envie de se faire estimer sçavantes..

  A009000414 

 C'est pourquoy ces filles se [143] presentent aujourd'huy pour estre faittes Religieuses, car elles ont fait ces considerations: Si mon Seigneur et mon Dieu a bien voulu renoncer aux richesses, à sa patrie et à la maison de ses parens pour l'amour qu'il portoit à la pauvreté, pourquoy donc, à son imitation, n'en ferois-je pas de mesme? Et s'il a renoncé à tous les playsirs, voire à soy mesme, à fin de s'assujettir pour l'amour de moy et pour me monstrer combien la vie religieuse où tout cela se prattique luy est aggreable, pourquoy donc ne le ferois-je pas pour luy aggreer? Non, disent-elles, nous ne quittons pas le monde pour acquerir le Ciel, car les personnes qui y demeurent le peuvent gaigner en vivant en l'observance des commandemens de Dieu, ains pour accroistre tant soit peu nostre charité et nostre amour envers la divine Bonté..

  A009000414 

 Nostre Sauveur estant donques venu pour donner un parfait exemple de la vie monastique, il est bien raysonnable qu'on se range à sa suite pour embrasser cette vie qui luy est tant aggreable.

  A009000415 

 C'est certes justement que tous les hommes prennent le nom du lieu de leur naissance et non pas celuy du lieu de leur conception, d'autant que pendant qu'ils sont dans le ventre de leur mere on ne sçait encor ce qui en arrivera, on ne peut asseurer si ce sera un enfant mort ou vif, bref, on ignore quelle issue il aura; mais Nostre Seigneur print à bon droit le nom du lieu de sa conception parce que dès cet instant il fut homme parfait comme en l'aage de trente trois ans auquel il mourut..

  A009000416 

 La rose croist sans artifice et n'a presque point besoin de cultivage, aussi ne cultive-t-on point celles qui croissent aux champs; son odeur est fort suave estant fraische, mais beaucoup plus estant seche.

  A009000416 

 Luy mesme declare au Cantique des Cantiques quelle fleur il est: Je suis la fleur des campagnes et le lys des vallées.

  A009000416 

 Tout de mesme Nostre Seigneur est la fleur par excellence qui est sortie de la tres sainte Vierge, ainsy qu'il avoit esté predit qu' une fleur sortiroit de la verge de Jessé: cette verge c'est Nostre Dame, et la fleur c'est Nostre Seigneur, dont l'aggreable senteur a alleché les passans et fait venir ces jeunes ames apres luy, attirées de l'odeur de ses exemples..

  A009000417 

 Qu'il soit appellé lys, dont la blancheur est excellente, on n'en peut douter, d'autant qu'il a tousjours esté blanc par une pureté incomparable.

  A009000418 

 On ne trompe jamais ces ames qui se viennent presenter pour estre offertes et sacrifiées à la divine Bonté; car on leur promet qu'elles jouiront des richesses de la felicité eternelle, mais à condition qu'elles renonceront d'abord aux terriennes et perissables; on leur dit qu'il faut quitter la mayson de ses parens et sa patrie d'effect et d'affection, pour n'en avoir jamais plus que celle de Nostre Seigneur, qui est la Religion en laquelle elles entrent.

  A009000420 

 En fin nous leur disons que la Religion est «un mont de Calvaire» où les amateurs de la Croix se tiennent et font leur demeure.

  A009000420 

 Et tout ainsy que les abeilles rejettent et abhorrent tous les parfums estrangers, c'est à dire qui ne proviennent point des fleurs sur lesquelles elles cueillent leur miel (et qu'ainsy ne soit, portez leur du musc ou de la civette, et vous les verrez incontinent se resserrer et fuir cette senteur, parce qu'elle provient de la chair), de mesme les amans de la Croix rejettent toutes sortes de senteurs, je veux dire de consolations terriennes et mondaines, que le diable, le monde et la chair leur presentent, pour n'odorer jamais plus aucun parfum que celuy qui provient de la croix, des espines, des fouets, de la lance de Nostre Seigneur.

  A009000421 

 Il faut que je dise encores cette admirable condition des abeilles: c'est qu'elles sont si fidelles à leur roy, [147] que lors qu'il vient à mourir elles se mettent tout autour de son corps et mourroyent plustost que de le quitter; si leur gouverneur ne venoit pour les faire retirer, indubitablement elles ne s'en separeroyent jamais.

  A009000421 

 Les gouverneurs des abeilles spirituelles font tout au contraire; car, comme celuy-là prend peine de les esloigner de crainte qu'elles ne meurent autour de leur roy, ceux cy ont un tres grand soin de faire que les ames demeurent autour du corps de leur Roy mort, c'est à dire proches de Nostre Seigneur mort et crucifié, aupres duquel nous devons nous tenir fidellement tout le temps de nostre vie pour considerer l'amour qu'il nous a porté, et qui l'a fait mourir pour nous à fin que nous vescussions pour son amour et en son amour.

  A009000428 

 La feste que nous celebrons en ces jours est tres solemnelle, tant pour son antiquité comme à cause des grans mysteres qu'elle comprend et qu'elle nous represente.

  A009000429 

 Ils sont voirement presentés comme javelles, qui ne sont bonnes à rien si elles ne sont battues et froissées pour en faire sortir le grain, qui est environné de paille et de mille sortes de superfluités.

  A009000430 

 Cette fin donques n'est autre que pour nous bailler sujet de meriter davantage par ce moyen, travaillans courageusement pour l'amour de Dieu à nous surmonter nous mesme..

  A009000430 

 Il s'en trouve en effect qui disent: Il est vray que je suis colere, mais que voulez-vous que j'y fasse? c'est mon naturel.

  A009000430 

 Qui ne voit la tromperie de nostre amour propre? Comme si par la bonté de Dieu, il n'estoit pas en nostre pouvoir de nous surmonter et vivre contre nos inclinations, et selon la rayson qui nous enseigne qu'il ne les faut pas escouter! Une autre dira: Il est vray, je suis un peu vaine, mais c'est mon inclination de me parer et desirer d'estre louée et estimée; je ne sçaurois que faire à cela.

  A009000431 

 Ils se sont offerts à Nostre Seigneur comme de bienheureuses javelles, au temps de Pasques, c'est à dire lors qu'ils quitterent toutes choses pour le suivre; neanmoins c'estoyent à la verité des javelles environnées de plusieurs superfluités: on le voit clairement en ce qu'ils commirent des pechés et de grandes imperfections, voire mesme ils abandonnerent leur bon Maistre!.

  A009000432 

 Aussi voit-on que le Saint Esprit vint sur eux en forme de langues de feu, comme voulant les rendre de vrays holocaustes, tout sacrifiés et consacrés sans reserve au service de sa dilection; car ce feu sacré consomma en eux toutes les superfluités qu'ils avoyent apportées quant et eux en la feste de Pasques, c'est à dire lors qu'ils se mirent à la suite de Nostre Seigneur..

  A009000433 

 Vous sçavez que pour faire du pain il est necessaire de petrir la farine, la joignant et l'unissant avec l'eau, et en fin il la faut cuire; car la paste est maniable et pliable avant d'estre cuite, mais apres elle est impliable, ferme et dure.

  A009000434 

 Les anciens Peres ont distingué par ces deux pains les deux amours, affectif et effectif; les autres ont dit que ces deux pains signifient nostre propre jugement ou entendement et nostre propre volonté; et cecy, à mon advis, est la meilleure interpretation et qui fait plus à mon propos.

  A009000436 

 Il est certain que tous les hommes, en quelle vocation qu'ils soyent, se peuvent et se doivent dedier et donner à Nostre Seigneur; mais il y a voirement grande difference entre les offrandes de ceux qui demeurent au monde et de ceux qui le quittent tout à fait pour se consacrer plus absolument à l'exercice du divin amour..

  A009000437 

 Elles assujettissent, il est vray, toutes les puissances de leur ame, toutes leurs affections, passions et inclinations et en fin tout elles mesmes à la regle de la perfection par l'exercice continuel de l'obeissance aux Regles et Constitutions de leur Institut; mais c'est une sujetion si douce et si aymable qu'elle donne mille fois plus de consolation que non pas la liberté que les mondains ont de vivre selon leur volonté, liberté qui à proprement parler est une tyrannie, d'autant que pour l'ordinaire elle les porte à faire ce que leur conscience leur dicte qu'il faut eviter pour vivre selon Dieu..

  A009000437 

 En fin on s'essaye tant que l'on peut durant cette année de leur noviciat, de les rendre capables de venir faire cette derniere offrande d'elles mesmes en laquelle, par le moyen des vœux, elles se lient totalement et sans s'en pouvoir jamais desdire au service de la divine Majesté, service qui est voirement plus honnorable que les royautés et les empires.

  A009000438 

 Elles ont receu le don de l'entendement, remarquant les maximes de la perfection evangelique: emmi les richesses, elles ont conneu combien la pauvreté est precieuse; emmi les playsirs sensuels, elles ont choisi la chasteté et pureté; emmi l'amour propre et la propre volonté, l'abnegation de soy mesme pour s'assujettir à l'obeissance.

  A009000438 

 Elles ont receu le don de sapience, savourant combien le Seigneur est doux et suave, et combien ses voyes sont aymables, quoy que rudes et aspres au sens humain.

  A009000439 

 Si tous ces dons ont esté ainsy octroyés à ces ames, comme nous venons de le dire, elles sont aussi fort resolues de les prattiquer, rejettant toute autre delectation que celle de gouster combien le Seigneur est doux et suave, et combien les voyes par lesquelles on va à luy, c'est à sçavoir par lesquelles nous nous unissons à sa Majesté, sont delectables.

  A009000441 

 Elles se sont encor determinées d'assujettir leur imagination et fantasie, qui, semblable à un belier, va courant ça et là parmi les choses de la terre; elles ont ainsy reduit toutes leurs affections en une, qui est pour Dieu..

  A009000442 

 Ces premieres resolutions, jointes avec les vœux qu'elles viennent faire, par lesquels elles s'obligent pour le reste de leur vie à la prattique de tout ce que nous venons de dire, sont le pain sacré qui doit estre cuit, affermi, et rendu impliable et immuable par le feu sacré du Saint Esprit, qui est l'amour de nos ames.

  A009000442 

 Lors la divine Majesté en rassasiera son goust comme d'un mets delicieux, au festin de l'eternité, et en contreschange elle rassasiera les vostres de sa Divinité, qui est le mets unique de la felicité et consolation eternelle, où sa souveraine Bonté nous veuille tous conduire pour sa gloire.

  A009000454 

 Abiit in montana: elle monta dans les montagnes de Juda et entreprit le voyage, quoy que long et difficile; car, comme disent plusieurs autheurs, la ville en laquelle demeuroit [157] Elizabeth est esloignée de Nazareth de vingt sept lieues; d'autres disent un peu moins, mais c'estoit tousjours un chemin assez malaysé pour cette si tendre et delicate Vierge, parce que c'estoit à travers des montagnes..

  A009000455 

 Neanmoins, quelques uns ont voulu soustenir qu'il se trouva en son dessein quelque sorte de curiosité; car il est vray que c'estoit une merveille non ouye que sainte Elizabeth, laquelle n'avoit jamais eu d'enfans et estoit sterile, eust conceu en sa viellesse.

  A009000455 

 Ou bien, disent-ils, il se peut faire qu'elle eust quelque doute de ce que l'Ange luy avoit annoncé; ce qui n'est pas, et saint Luc les condamne et refute en la parole qu'il escrit en son chapitre premier, que sainte Elizabeth voyant entrer la Vierge s'escria: Vous estes bienheureuse parce que vous avez creu.

  A009000457 

 Au demeurant, ne pensez-vous point, mes tres cheres Sœurs, que ce qui incita plus particulierement nostre glorieuse Maistresse à faire cette visite ce fut sa charité tres ardente et une tres profonde humilité qui la fit passer avec cette vistesse et promptitude les montagnes de Judée? O certes, mes cheres Sœurs, ce furent ces deux vertus qui la pousserent et luy firent quitter sa petite Nazareth, car la charité n'est point oysive: elle bouillonne dans les cœurs où elle regne et habite, et la tres sainte Vierge en estoit toute remplie, d'autant qu'elle avoit l'amour mesme en ses entrailles.

  A009000459 

 Mais ce n'est pas merveille que son cœur sacré fust tout rempli d'amour et de desir du salut des hommes, puisqu'elle portoit en ses chastes entrailles l'amour mesme, le Sauveur et Redempteur du monde; et me semble que c'est à elle que l'on doit appliquer ces paroles du Cantique des Cantiques: Ton chef ressemble au mont Carmel.

  A009000459 

 Mais que veut entendre ce divin Amant quand il dit que le chef de sa bien-aymée ressemble au mont Carmel? Le mont Carmel est tout diapré de fleurs tres odoriferantes, et les arbres qui se trouvent sur iceluy ne portent que des parfums.

  A009000459 

 Que signifient ces fleurs et ces parfums sinon la charité, qui est une vertu tres belle et odoriferante, laquelle n'est jamais seule dans une ame? Et bien que l'on approprie ces paroles du Cantique à l'Eglise, qui est la vraye Espouse de Nostre Seigneur, en laquelle comme en un mont Carmel abondent toutes sortes de fleurs de vertus et qui est odoriferante en toute sainteté et perfection, si est-ce que l'on peut encor entendre cecy de la sacrée Vierge qui est la fidelle Espouse du Saint Esprit.

  A009000460 

 C'est elle que Dieu a regardée avec une complaisance toute particuliere; car, qui a jamais peu donner complaisance à Nostre Seigneur que celle qui estoit accomplie en toutes sortes de vertus? Avec la charité elle estoit douée d'une profonde humilité, ainsy que le tesmoignent ces parolles qu'elle dit lors que sainte Elizabeth la loua: Parce que Dieu a regardé l'humilité de sa servante, toutes les nations la loueront et appelleront bienheureuse..

  A009000460 

 Elle avoit conceu Celuy qui estant tout amour l'avoit rendue l'amour mesme; tellement qu'on luy peut appliquer mieux qu'à nul autre ces parolles du Cantique des Cantiques, lors que l'Espoux sacré, contemplant sa bien-aymée en son doux repos, fut saisi d'une sainte complaisance qui luy fit adjurer les filles de Hierusalem de ne la point esveiller, disant: Filles de Hierusalem, je vous adjure par les chevreuils et chevres des champs de ne pas esveiller ma bien-aymée qui est en l'amour, qu'elle ne le veuille ou desire.

  A009000460 

 Et pourquoy? parce qu'elle est en la charité et en l'amour.

  A009000460 

 Et qu'est-ce tout cecy sinon la charité de la Sainte Vierge naïfvement representée? puisque non seulement elle avoit la charité, mais elle l'avoit receue en telle plenitude qu'elle estoit la charité mesme.

  A009000460 

 Ou plustost, selon une autre version: Filles de Hierusalem, je vous adjure de ne pas resveiller la dilection et l'amour mesme, qu'elle ne le veuille; et cette dilection et amour est ma bien-aymée, c'est à dire la sacrée Vierge, qui non seulement a l'amour, mais est l'amour mesme.

  A009000461 

 Mais quand elle dit: Il a regardé l'humilité de sa servante, elle veut signifier la vileté, misere et abjection qu'elle voyoit en elle mesme, en ce qui estoit de sa nature et du neant dont elle estoit sortie; c'est en ce sens qu'elle asseuroit que Dieu avoit regardé l'humilité de sa servante, car le vray humble, disent ces docteurs, ne croit ni ne voit jamais qu'il a la vertu d'humilité..

  A009000462 

 Ainsy la glorieuse Vierge ne manqua point d'humilité, ni ne fit aucune faute contre icelle quand elle [162] asseura que Dieu avoit regardé l'humilité de sa servante, non plus que saint Paul quand il s'escrioit: Qui est-ce qui me pourra separer de la charité? car elle sçavoit qu'entre toutes les autres vertus, celle-là touche et attire le cœur de Dieu..

  A009000462 

 D'autres tiennent l'opinion contraire, et celle-cy est la plus probable; ils pensent que Nostre Dame entendoit parler de la vertu d'humilité, et qu'elle connoissoit bien que c'estoit cette vertu qui avoit attiré le Fils de Dieu dans ses entrailles.

  A009000462 

 Le grand Apostre saint Paul ne confessoit-il pas qu'il avoit la charité, par des parolles si asseurées qu'il semble parler avec plus de presomption que d'humilité? Il disoit: Qui est-ce qui me separera de la charité de Jesus Christ? Sera-ce les chaisnes, les tribulations, la mort, la croix, le feu, le glaive? Non, rien ne me pourra separer de la charité de Dieu qui est en Jesus Christ.

  A009000463 

 L'Espoux, au Cantique des Cantiques, apres avoir consideré par le menu son Espouse, jetta ses yeux sur sa chaussure et sur sa demarche, ce qui le contenta si fort qu'il confessa en estre tout espris: Oh, dit-il, ta chaussure m'est aggreable; que tu as de bienseance en ton marcher! Nous lisons aussi en la Sainte Escriture que quand Judith alla trouver Holophernes elle s'estoit extremement bien parée; son visage estoit doué de la plus rare beauté qui se puisse voir, ses yeux estincelans, ses levres pourprines, ses cheveux esparpillés et flottans sur ses espaules.

  A009000464 

 Aussi est-ce le propre de l'humilité, pour estre vraye, de tousjours estre basse, petite et aux pieds de tout le monde.

  A009000464 

 C'est cette bassesse que Dieu regarda en la sacrée Vierge, et de ce regard proceda tout son bonheur; [163] ainsy, dit-elle, à cause de cela, elle sera publiée bienheureuse par toutes les creatures, de generation en generation.

  A009000464 

 C'est elle qui est la base et le fondement de la vie spirituelle, car elle veut tousjours estre contre terre et en son neant et abjection.

  A009000464 

 Et qu'est-ce que ces sandales et cette chaussure de la Vierge, sinon son humilité representée par les souliers, qui sont les plus vils accoustremens dont on se sert pour l'ornement du corps, car ils sont tousjours contre terre, foulant la fange et la boue.

  A009000465 

 Abraham dont la foy estoit si grande et qui ne pouvoit mesconnoistre les dons de Dieu en luy, confessa neanmoins, comme il est escrit en la Genese, n'estre que poudre et cendre.

  A009000465 

 Et Nostre Seigneur dit de luy mesme qu'il est un ver et non un homme.

  A009000466 

 La sainte et tres sacrée Vierge a esté ce nard pretieux qui ne s'est jamais eslevé pour aucune chose qui luy ait esté faite ou dite; mais en sa bassesse et petitesse, elle a, comme le nard, jetté un parfum de si suave odeur qu'il est monté jusques au throsne de la divine Majesté, laquelle en a tellement esté esprise et resjouie qu'elle a quitté le Ciel pour venir ça bas en terre s'incarner aux tres pures entrailles de cette Vierge incomparable..

  A009000466 

 Le nard est un petit arbrisseau qui jette un parfum grandement suave, il ne s'esleve point en haut comme les cedres du Liban, ains il demeure en sa bassesse, donnant son parfum avec tant de suavité qu'il resjouit tous ceux qui l'odorent.

  A009000466 

 Or, tant en une maniere comme en l'autre, elle parla avec une si grande humilité qu'elle fit bien voir qu'elle tenoit tout son bonheur de ce que Dieu avoit jetté les yeux sur sa petitesse; c'est pourquoy on luy peut approprier ces parolles du Cantique des Cantiques: Dum esset Rex in accubitu suo, nardus mea dedit odorem suum; Ma bien-aymée m'est un nard qui respand une tres odoriferante odeur.

  A009000467 

 Ce n'est pas qu'il ne voulust reconnoistre sa Mere, mais il vouloit faire entendre que ce n'estoit pas seulement pour l'avoir porté en son sein qu'elle estoit aggreable à Dieu, ains plustost par l'humilité avec laquelle elle accomplissoit sa volonté en toutes choses..

  A009000467 

 Comme s'il vouloit dire: Il est vray que ma Mere est bien heureuse parce qu'elle m'a porté en son ventre; mais elle l'est bien davantage pour l'humilité avec laquelle elle a ouÿ les paroles de mon Pere celeste et les a gardées.

  A009000467 

 Son divin Fils en rendit mesme tesmoignage lors que cette bonne femme voyant le miracle qu'il venoit de faire et s'appercevant du murmure des Juifs, se leva et cria à haute voix: Bienheureux le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées; à quoy le Sauveur respondit: Plus heureux est celuy qui entend la parole de Dieu et la garde.

  A009000467 

 Vous voyez donques, mes tres cheres Sœurs, comme [164] l'humilité est aggreable à Dieu, et comme nostre glorieuse Maistresse fut choisie pour estre Mere de Nostre Seigneur parce qu'elle estoit humble.

  A009000468 

 L'Evangeliste dit donc que la Vierge se leva hastivement et monta les montagnes de Judée, pour monstrer la promptitude avec laquelle on doit correspondre aux inspirations divines; car c'est le propre du Saint Esprit, lors qu'il touche un cœur, d'en chasser toute la tepidité: il ayme la diligence et promptitude, il est ennemy des remises et dilayemens dans l'execution des volontés divines.

  A009000468 

 Mais je vois que l'heure s'en va passer, ce qui me fera finir et parachever le peu de temps qui reste sur l'histoire de cet Evangile, car elle est extremement belle et de grande suavité à entendre raconter, ce me semble.

  A009000469 

 Voyla comme je vay courant sur nostre Evangile, car l'heure est finie.

  A009000470 

 Certes, toute la mayson en fut comblée de joye: l'enfant tressaillit, le pere recouvra la parole, la mere fut remplie du Saint Esprit et receut le don de prophetie, [166] car voyant cette sainte Dame entrer dans sa mayson elle s'escria: D'où me vient cecy que la Mere de mon Dieu me soit venue visiter? Voyez-vous, elle la nomme Mere avant qu'elle ait enfanté, ce qui est contre la coustume ordinaire, d'autant qu'on n'appelle point meres les femmes avant leur enfantement, parce que souvent elles enfantent malheureusement.

  A009000470 

 Mais sainte Elizabeth sçavoit bien que la Vierge enfanteroit heureusement, et partant elle ne fait point de difficulté de l'appeller Mere avant qu'elle le soit, car elle est asseurée qu'elle le sera, et non Mere d'un homme seulement, mais de Dieu, et par consequent Reyne des hommes et des Anges; pour ce, elle s'estonne qu'une telle Princesse la soit allée visiter..

  A009000471 

 Certes, ce n'est pas merveille si saint Jean tressaillit de joye à la venue de son Sauveur, puisque Nostre Seigneur dit en parlant aux Juifs: Abraham vostre pere s'est resjoui voyant en esprit prophetique mon jour advenir que vous voyez.

  A009000471 

 Vous avez creu que la vierge et la sterile concevroyent, qui est une chose qui surpasse le cours de nature: voyla pour le passé, qu'elle sceut par esprit prophetique.

  A009000472 

 O combien, mes tres cheres Sœurs, devez-vous estre comblées de joye lors que vous estes visitées par ce divin Sauveur au tres saint Sacrement de l'autel, et par les graces interieures que vous recevez journellement de sa divine Majesté par tant d'inspirations et paroles qu'il dit à vostre cœur; car il est tousjours à l'entour frappant et vous parlant de ce qu'il veut que vous fassiez pour son amour.

  A009000474 

 Vous devez donques reluire tout particulierement en icelles, vous portant avec une grande diligence et allegresse à visiter vos Sœurs malades, vous soulageant et servant cordialement les unes les autres en vos infirmités, soit spirituelles ou corporelles; et par tout où il s'agit d'exercer l'humilité et la charité vous vous y devez porter avec un soin et promptitude singuliere, car voyez-vous, ce n'est pas [168] assez pour estre fille de Nostre Dame de se contenter d'estre dans les maysons de la Visitation et porter le voyle de Religieuse.

  A009000479 

 Simile est Regnum caelorum homini.

  A009000484 

 Le Royaume des cieux est semblable à.

  A009000491 

 C'est certes tres à propos que Nostre Seigneur dit que le Royaume des cieux est semblable à un marchand, lequel cherchant des perles en trouve en fin une d'un prix et d'une valeur si excellente au dessus de toutes les autres, qu'il va et vend tout ce qu'il a pour l'acheter.

  A009000492 

 Le malheur est que les hommes constituent la felicité chacun en ce qu'il ayme: les uns aux richesses, les autres aux honneurs; mais ils se trompent bien, car tout cela n'est point capable d'assouvir et contenter leur cœur.

  A009000492 

 Or pensez, de grace, si celuy qui a possedé si eminemment les biens et les richesses de la terre par dessus tout autre n'est pas content, qui donc le pourra estre?.

  A009000492 

 Saint Bernard le dit fort bien: Ton ame, o homme, est de grande estendue, et nulle chose ne la peut remplir ni satisfaire que Dieu seul.

  A009000493 

 La tres sainte Vierge, laquelle, a [171] des sureminences si grandes, et qui est si particulierement gratifiée au dessus de tous les Anges, s'estonne neanmoins à la veue de saint Gabriel qui l'estoit venu trouver pour parler avec elle du tres sacré mistere de l'Incarnation..

  A009000494 

 Les Anges luy demandent: Pourquoy pleures-tu? comme s'ils eussent voulu dire: N'as-tu pas bien sujet de te resjouir et d'essuyer tes larmes en nous voyant? Quoy, la splendeur et beauté de nos faces, l'esclat de nos vestemens, nostre magnificence plus grande que celle de Salomon, n'est-elle pas capable de t'apaiser? O certes non, mon cœur ne se peut contenter à moins que de Dieu.

  A009000495 

 Tous ceux qui pratiquent l'amour sacré sçavent que ses blesseures sont diverses et qu'il blesse les cœurs en plusieurs façons, dont l'une est d'estre arresté et empesché de demeurer en ce qu'il ayme.

  A009000495 

 Tout cecy n'est que pour servir de preface à ce discours..

  A009000496 

 Le Royaume des cieux, dit Nostre Seigneur, est semblable au marchand qui vend tout ce qu'il a [172] pour acheter la perle inestimable qu'il a trouvée.

  A009000496 

 Le pur amour de Dieu est cette perle pretieuse que les negociateurs du Ciel trouvent, et pour laquelle acheter il faut qu'ils vendent tout ce qu'ils ont.

  A009000497 

 Les Religieux et Religieuses ont esté de tout temps fort loués et estimés à cause de ce parfait abandonnement de toutes choses; mais laissons les Religieux et ne parlons que des Religieuses, puisqu'il est plus à mon propos..

  A009000497 

 Mais escoutez, je vous prie, le maistre de tous et le Prince des Apostres: Voicy, dit-il à Nostre Seigneur, que nous avons tout quitté; quelle recompense en aurons-nous? Sur quoy le grand saint Bernard luy parle en ces termes: O pauvre saint Pierre, comme vous pouvez-vous ainsy vanter d'avoir tout quitté, et quelle rayson avez-vous d'exagerer l'abandonnement que vous avez fait, disant que vous avez quitté toutes choses, puisque vous n'estiez qu'un pauvre pescheur et n'aviez quitté qu'une petite barque et des rets? A quoy il respond luy mesme: C'est assez tout quitter et abandonner que de ne se reserver point de pretentions au monde, et qui plus est, de se quitter et abandonner soy mesme.

  A009000498 

 Il les recommande tant les unes que les autres, à cause du grand renoncement qu'elles ont fait de tout ce qui est sur la terre, tant de ce qu'elles possedoyent comme des pretentions qu'elles pouvoyent avoir, comme aussi à cause de leur parfait renoncement à elles mesmes..

  A009000499 

 C'est une pretention bien haute que de conquerir le pur amour de Dieu, qui est la perle pretieuse que vous cherchez et que vous avez trouvée, laquelle neanmoins ne se peut acheter qu'au prix de toutes choses.

  A009000499 

 C'est à ce renoncement parfait que vous estes appellées maintenant, mes tres cheres filles.

  A009000499 

 Si vous la voulez avoir il est en vostre pouvoir, mais aussi il faudra faire l'abandonnement parfait de tout, et ce qui est encores plus, il vous faudra quitter vous mesme, le pur amour de Dieu ne pouvant souffrir aucun compagnon.

  A009000500 

 Il faut voirement bien renoncer et mortifier le corps, mais ce n'est pas assez, il faut mortifier sur tout l'esprit.

  A009000500 

 Je sçay bien pourtant qu'ils mettent leur metal au feu, puis ils le reduisent en poudre, et apres ils le font passer par la coupelle et le purifient derechef, asseurant que s'ils le pouvoyent tant purifier qu'il ne restast qu'une certaine matiere ou liqueur qui est descendue du ciel, il leur seroit facile de parvenir, ou ils seroyent parvenus au bout de leur pretention..

  A009000500 

 La pretention de tous les Religieux n'est point moindre que de se transformer tout en Dieu, pretention digne certes d'un cœur genereux, et pretention que nous devrions tous avoir.

  A009000500 

 Nous avons ce nous mesme exterieur que saint Paul appelle viel homme; nous avons encor l'autre nous mesme, qui est nostre propre jugement et nostre propre volonté, et en ce nous mesme icy consiste le nœud de l'affaire.

  A009000501 

 De mesme les ames qui ont fait cette genereuse entreprise de se transformer toutes en Dieu, helas! que ne faut-il pas qu'elles fassent pour s'aneantir, se confondre et se delaisser, jusques à ce qu'elles soyent tellement purifiées que rien ne leur demeure que la seule liqueur celeste qui est en elles, à sçavoir, l'image et la semblance de la divine Majesté.

  A009000501 

 Puys il adjouste: Nous sommes tenus comme la peleure d'une pomme, car si le monde est une pomme nous en sommes estimés la peleure que l'on jette là comme une chose de neant..

  A009000501 

 Voyez ce que saint Paul fit pour pouvoir dire veritablement ces paroles: Je ne vis plus moy, ains c'est Jesus Christ qui vit en moy.

  A009000502 

 Il est vray, mes cheres filles, mais si la difficulté vous estonne, je vous presente trois petites considerations qui yous feront connoistre l'entreprise estre plus facile que vous ne pensez et qui vous serviront de consolation..

  A009000502 

 Vous avez abandonné les biens exterieurs; mais de sousmettre vostre propre jugement, assujettir vostre entendement à celuy d'une [175] Superieure, et renoncer tellement vostre propre volonté qu'elle ne paroisse plus et qu'elle soit absolument sujette et obeissante à ses ordonnances, c'est une chose bien difficile et bien malaysée; il est besoin d'un grand courage pour faire cela.

  A009000503 

 La premiere est que Celuy qui vous appelle à la conqueste de son tres pur amour est assez puissant pour vous ayder.

  A009000504 

 C'est en quoy le nostre doit de mesme paroistre, non pas tant à faire, [176] comme à laisser faire en nous et de nous tout ce que l'on voudra; et non seulement à Nostre Seigneur, mais aussi à nos Superieurs, nous rendant maniables, souples et humbles comme des petits enfans, car nostre grandeur gist en nostre petitesse et nostre exaltation en nostre humiliation..

  A009000504 

 Il faut que nous soyons esgaux en courage aux petits enfans, c'est à dire humbles comme eux.

  A009000504 

 Je vous ay dit que vous aviez besoin d'une grande magnanimité pour parvenir au bout de vostre entreprise; mais en quoy pensez vous que consiste cette magnanimité de courage? Certes, c'est en la petitesse de courage.

  A009000504 

 La seconde consideration qui vous relevera le courage c'est de sçavoir en quoy il consiste.

  A009000505 

 La troisiesme consideration qui vous doit estre de grande consolation, c'est l'honneur que vous avez de venir faire vos offrandes sous la protection de la glorieuse mere de la tres sainte Mere de Dieu, laquelle, comme une mere perle, demeura erami la mer de ce monde sans recevoir aucune goutte d'eau salée, je veux dire, sans estre aucunement abreuvée des vains playsirs terrestres, ains vescut tousjours tres saintement en la prattique de toutes sortes de vertus.

  A009000511 

 Mais nostre divin Maistre la reprint en luy disant qu'elle avoit soin et qu'elle s'empressoit de plusieurs choses, et adjousta: Or, une seule est necessaire; Marie a choisi la meilleure part laquelle ne luy sera point ostée..

  A009000513 

 Mais ce qui est plus admirable, voyez-la sur le mont de Calvaire: ni elle ne jette des eslans, ni elle ne dit un seul mot; elle est aux pieds de son Fils, et c'est cela seul qu'elle desire.

  A009000513 

 Partant, elle est comme en une parfaite indifference: Arrive tout ce qui pourra, semble-t-elle dire, pourveu que je sois tousjours aupres de luy et que je le possede, je suis contente puisque je ne veux et ne cherche que luy..

  A009000514 

 Un autre qui voudra visiter et consoler les malades ne le fera pas sans s'empresser, et mesme s'inquieter s'il est empesché de le faire.

  A009000516 

 Cecy correspond à la response qu'il fit à cette femme dont il est parlé en l'Evangile: Vous dites bien que bienheureux est le ventre qui m' a porté et les mammelles que j'ay succees; mais moy je vous dis que bienheureux sont ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent.

  A009000516 

 Or, ces personnes qui s'affectionnent et s'embesoignent comme Marthe à faire quelque chose pour Nostre Seigneur, pensent estre bien devotes et croyent que cet empressement soit vertu; ce qui n'est pourtant pas, ainsy que luy mesme le fait entendre: Une seule chose est necessaire, qui est d'avoir Dieu et de le posseder.

  A009000518 

 Il s'en trouveroit assez qui s'estonneroyent, disant: Comment est-ce que Nostre Seigneur, qui aymoit si tendrement et si fortement sa sainte Mere, ne luy donna le privilege de ne point mourir? Puisque la mort est la peine du peché, et qu'elle n'en avoit jamais fait aucun, pourquoy est-ce qu'il la laissa mourir? O mortels, que vos pensées sont contraires à celles des Saints, que vos jugemens sont esloignés de ceux de la divine Majesté! Ne sçavez vous pas que la mort n'est plus ignominieuse, ains qu'elle est pretieuse despuis que Nostre Seigneur et Maistre se laissa attacher par elle sur l'arbre de la croix? Ce n'eust point esté un advantage ni un privilege pour la Sainte Vierge de ne point mourir, ains elle avoit tousjours desiré la mort dès qu'elle la vit dans les bras et dans le cœur mesme de son tres sacré Fils.

  A009000518 

 La mort est si suave et si desirable que les Anges s'estimeroyent heureux de pouvoir mourir; et les Saints ont esté heureux de la souffrir et y ont ressenti beaucoup de consolation, parce que nostre divin Sauveur qui est nostre vie s'estoit laissé en proye à la mort..

  A009000519 

 L'on a accoustumé de dire que telle est la vie telle est la mort: de quelle mort pensez-vous donques que mourut la Sainte Vierge, sinon de la mort d'amour? O c'est une chose indubitable qu'elle mourut d'amour, mais je ne dis pas cecy parce qu'il est escrit.

  A009000520 

 Sa tres sainte ame s'envola droit au Ciel; car qu'est-ce, je vous prie, qui l'en eust peu empescher, veu qu'elle estoit toute pure et n'avoit jamais contracté aucune souilleure de peché? Ce qui nous empesche nous autres quand nous mourons d'y aller tout droit comme Nostre Dame, c'est que nous avons presque tous en nos pieds de la poussiere ou des souilleures qu'il est necessaire que nous allions laver et purger en ce lieu que l'on nomme Purgatoire, devant que d'entrer au Ciel..

  A009000521 

 La mort du juste est pretieuse devant le Seigneur, comme au contraire la mort des meschans luy est en horreur, d'autant qu'elle les porte à la damnation..

  A009000523 

 Il dit que Jesus Christ a esté eslevé d'autant plus haut au dessus de tous les Cherubins et autres Esprits angeliques que son nom est relevé par dessus tous les autres noms.

  A009000523 

 Il est escrit des Anges: Vous estes mes serviteurs et mes messagers; mais auquel de ceux cy a-t-il esté dit: Vous estes mon Fils, je vous ay engendré? De mesme en pouvons-nous dire de la tres sainte Vierge qui est le parangon de tout ce qui est de beau au Ciel et en la terre: A laquelle a-t-on dit: Vous estes Mere du Tout-Puissant et du Fils de Dieu, sinon à elle? Vous pouvez donques bien penser qu'elle fut eslevée au dessus de tout ce qui n'est point Dieu..

  A009000525 

 L'Arche de l'alliance dans laquelle estoyent les tables de la Loy ne pouvoit estre atteinte d'aucune corruption, d'autant qu'elle estoit faite de bois de cedre qui est incorruptible; combien estoit-il plus raysonnable que cette Arche en laquelle avoit reposé le Maistre de la Loy, fust exempte de toute corruption? La resurrection de la tres sainte Vierge est declarée par ces paroles: Levez-vous, Seigneur, vous, et l'Arche de vostre sanctification.

  A009000525 

 Quant à nos corps, ils sont, le veuillons-nous ou non, reduits en poussiere, et c'est le tribut que nous devons et qu'il faut que nous payions tous à cause du peché que nous commismes tous en Adam.

  A009000527 

 Et qu'ainsy ne soit, escoutez ce qui est dit par le Pere eternel: Je le constitueray Roy et luy donneray plein pouvoir sur tout ce qui est au Ciel, sur tout ce qui est en la terre.

  A009000527 

 Nostre Seigneur et Maistre venant en ce monde s'informa, comme son grand pere David, que c'est que l'on donneroit à celuy qui vaincroit ce puissant Goliath, le diable, que luy mesme appelle prince du monde, à cause du grand pouvoir qu'il avoit avant l'Incarnation du Verbe.

  A009000527 

 Or, la fille du Roy, c'est à dire de Dieu, n'est autre chose que la gloire.

  A009000527 

 Or, quelle est la maison de Nostre Seigneur sinon la tres sainte et virginale chair de Nostre Dame? Elle fut donques exempte de tribut par les merites de son Fils, c'est à dire, elle fut ressuscitée avant qu'elle eust aucunement receu de tare ni deschet dans le sepulcre..

  A009000528 

 Il est dit en l'Evangile que Marthe, en la maison de laquelle entra Nostre Seigneur, s'empressoit et alloit [186] deça delà pour le bien traitter, tandis que M arie estoit aux pieds du Sauveur, où elle escoutoit sa parole.

  A009000529 

 Et Nostre Seigneur qui est incomparablement bon, encores qu'il conneust bien son imperfection, ne la reprit pourtant pas severement, ains tout amoureusement, car cet Evangile est tout d'amour.

  A009000529 

 Il y en a extremement peu qui n'en ayent, pour spirituels qu'ils soyent; et d'autant qu'on est plus spirituel, d'autant plus l'envie est-elle fine et comme imperceptible; elle fait ses actes si dextrement que l'on a prou peine de les remarquer.

  A009000529 

 Quand on loue quelqu'un et qu'on reserve un peu de la louange que nous savons qui luy est deue, qu'est-ce qui fait cela sinon l'envie que nous avons de ses vertus? Mais Marthe fait son petit coup et jette son petit trait d'envie par forme de joyeuseté, et cette cy est la plus fine.

  A009000529 

 Une seule est necessaire; Marie a choisi la meilleure part qui ne luy sera point ostée..

  A009000530 

 Escoutez des Religieux quand ils parlent de leur Institut, ils l'estiment tousjours au dessus de tous les autres: Il est vray, disent-ils, que cet Ordre dont vous parlez est de grande perfection, mais le mien est tousjours quelque chose davantage.

  A009000531 

 Ces deux hommes s'exercent ainsy en l'observance des deux principaux commandemens, sur lesquels, comme sur deux colonnes, est fondée et accomplie toute la Loy et les Prophetes.

  A009000531 

 L'homme exterieur c'est celuy que nous voyons, qui regarde, qui parle, qui touche, qui gouste, qui escoute; c'est celuy cy qui s'empresse en l'exercice des vertus lesquelles concernent le commandement de l'amour du prochain, tandis que l'homme interieur prattique l'amour de Dieu.

  A009000532 

 La fin de nostre vie c'est la mort; nous devrions donques penser soigneusement quelle doit estre nostre mort et que c'est qui en doit reussir, à fin de faire correspondre nostre vie à la mort que nous desirons; car c'est chose asseurée que telle est nostre vie telle sera nostre mort, telle est nostre mort telle a esté nostre vie..

  A009000534 

 Quelle attention ne faut-il pas pour prattiquer la patience et pour ne point eschapper en la colere! Cassien escrit qu'il ne suffit pas de fuir les occasions de parler et converser avec les hommes; aussi n'est-ce pas le moyen d'acquerir la vertu que d'en eviter l'exercice, d'autant qu'il rapporte de luy mesme que, estant seul dans le desert, lors qu'il se levoit la nuit et qu'il prenoit son fusil pour allumer sa chandelle, si le caillou ne vouloit pas faire feu il se mettoit en colere et le jettoit contre terre..

  A009000536 

 Aymer Dieu sur toutes choses est le premier commandement; aymer le prochain sur tout ce qui n'est point Dieu c'est l'image du premier commandement..

  A009000536 

 Et qu'ainsy ne soit, escoutez le grand Apostre: La charité est douce, elle est patiente, elle est benigne, elle est condescendante, elle est humble, elle est affable, elle supporte tout; en fin elle comprend en soy toutes les perfections des autres vertus, mais beaucoup plus excellemment qu'elles ne font pas elles-mesmes.

  A009000536 

 L'amour n'a qu'un seul acte qui est de conjonction et d'union.

  A009000536 

 Mais quel remede, me direz-vous, pour ne pas avoir tant de soin, puisqu'il faut que je m'exerce en la vertu? O certes, ce soin, pourveu qu'il soit sans anxieté et empressement, est tres louable.

  A009000536 

 Voicy neanmoins un remede pour vous delivrer de tant de sollicitudes: puisque Nostre Seigneur dit qu' une seule chose est necessaire, qui est d'estre sauvé, il n'est pas requis de tant multiplier les moyens pour l'acheminement de nostre salut, bien qu'il faille un acheminement à toutes choses.

  A009000538 

 Ainsy l'exercice de Marthe a quantité d'actes, mais celuy de Marie, qui est l'amour, n'en a qu' un seul, qui est, comme nous avons dit, de conjonction et d'union..

  A009000539 

 C'est pourquoy les trouppes angeliques s'escrioyent comme tout estonnées: Qui est celle cy qui monte du desert appuyée sur son Bien-Aymé? Par où nous pouvons entendre que si bien Nostre Dame montoit au Ciel comme estant toute pure, nonobstant sa pureté, elle estoit neanmoins appuyée sur les merites de son Fils, en vertu desquels merites elle entra en la gloire.

  A009000544 

 Magister, quod est mandatum magnum.

  A009000549 

 Maistre, quel est le plus grand.

  A009000556 

 Si j'eusse eu le temps, j'eusse parlé d'une certaine dedicace pieuse qui se fait par la frequentation du temple, c'est à dire de l'eglise; mais je ne parleray pour cette heure que de la dedicace du cœur, asseuré que je suis que les ames pour lesquelles je presche maintenant y prendront plus de playsir.

  A009000557 

 Hé Dieu, n'est-il pas bien raysonnable que cet amour domine et tienne le donjon au dessus de tous les autres, qu'il regne et commande et que tout luy soit sujet? Aymer le Seigneur d'un amour d'election, c'est cela, c'est le choisir entre mille, comme l'Espouse du Cantique des Cantiques: Mon Bien-Aymé est beau à merveille, toutes sortes de perfections sont en luy, je l'ay choisi entre mille, c'est à dire entre un nombre infini, pour mon Bien-Aymé et mon choisi..

  A009000557 

 Premierement je m'arreste sur cette parole: Tu aymeras Dieu d'un amour de dilection, c'est à dire d'un amour d'election.

  A009000558 

 O que ce commandement d'aymer Dieu est aymable!.

  A009000558 

 Qu'est-ce qui peut davantage esmouvoir nostre volonté à aymer que de se voir si parfaitement aymée? Mais de qui? De Dieu mesme.

  A009000560 

 Le nom d'amour est commun à toutes les autres affections basses, terrestres et caduques, mais le nom de dilection, jamais elles ne le meritent..

  A009000560 

 Pour aymer Dieu d'un amour d'election il faut avoir la volonté determinée de ne conserver et ne reserver aucun autre amour qui ne luy soit sujet et sousmis, demeurans prests à bannir de nos esprits non seulement tout ce qui sera contraire, mais aussi tout ce qui ne servira pas à la conservation et augmentation de ce divin amour, qui est le seul digne du nom de dilection.

  A009000561 

 Et comment, me direz-vous, pourrons-nous faire pour satisfaire à ce divin commandement de l'amour de Dieu tandis que nous serons en cette vie, puisque vous asseurez que nous le pouvons accomplir selon le desir de la divine Bonté? Il est vray sans doute, nous le pouvons, mais pour le vous mieux faire entendre je me serviray d'une similitude..

  A009000562 

 Ce n'est pas sans rayson, mes chers auditeurs, que les peintres peignent l'amour en archer, qui descoche incessamment des fleches dans le cœur des mortels pour les blesser et navrer de ses aymables traits.

  A009000562 

 L'amour est tout suave quand il s'applique à un objet digne d'estre choisi entre mille, comme nous avons dit; car l'amour bas et caduc qui s'attache à la creature au prejudice de l'honneur que nous devons à l'amour du Createur, au contraire qu'il soit [195] doux et suave, il est desaggreable à merveille et remplit le cœur de celuy qui le possede de trouble, d'empressement et d'inquietude..

  A009000562 

 L'autre porte non seulement son arc bandé, ains encores la fleche est tendue dessus, à fin que selon les rencontres il n'ayt qu'à la descocher.

  A009000562 

 L'un de ces archers tient sa fleche en une main et son arc en l'autre, prest qu'il est de la poser sur la corde de son arc toutes fois et quantes qu'il en sera mestier.

  A009000563 

 Ils tiennent tousjours l'arc de cette resolution bandé, prests à descocher la fleche de leur fidelité en tous les rencontres où il sera besoin de faire paroistre que l'amour qu'ils luy portent est le supreme entre tous les autres amours, faisant tousjours ceder l'amour de la creature à celuy du Createur, voire mesme celuy qu'ils ont pour leur pere, mere, femme et enfans; heureux qu'ils sont, certes, de conserver ceste fidelité à Dieu, car ainsy faisant ils l'aymeront suffisamment pour ne point entrer en sa disgrace..

  A009000563 

 L'amour que le vulgaire des hommes porte à Dieu, s'entend les Catholiques, est semblable à ce premier archer que nous nous sommes representé, car ils sont resolus de mourir plustost que d'offencer mortellement la divine Majesté en prevariquant ses commandemens.

  A009000564 

 Mais il y a des ames plus nobles et genereuses qui, sçachans que la suffisance ne suffit pas en ce qui est d'aymer Dieu, passent plus outre.

  A009000564 

 Par ainsy elles navrent et blessent ce Roy des cœurs, comme luy mesme l'asseure quand il dit à son Espouse: Ma mie, ma belle et ma colombe, tu m'as ravi le [196] cœur, tu m'as blessé et navré par l'un de tes yeux et par l'un de tes cheveux qui pend sur ton col, c'est à sçavoir par l'une des pensées qui viennent du costé de ton cœur.

  A009000564 

 Pensez-vous que ce soit pour luy defendre de tirer ses sagettes qu'il parle ainsy? O non, sans doute, c'est plustost pour la blesser reciproquement, car vous m'advouerez que c'estoit bien la blesser amoureusement, mais d'une blesseure neanmoins douloureuse, que de luy dire qu'elle destourne ses yeux de dessus luy..

  A009000565 

 Cette seconde façon d'aymer Dieu est celle que nous pouvons exercer en cette vie et à laquelle nous devons tous pretendre; car quant à la troisiesme, qui est representée par cet archer qui tire sans cesser, elle appartient aux ames des Bienheureux qui jouissent de la claire veue de la Divinité en Paradis.

  A009000566 

 Il est vray, me direz-vous, mais est-ce assez aymer Dieu que se contenter de l'aymer comme ceux qui observent ses commandemens? O sans doute, qui se contenteroit de cela sans desirer de l'aymer davantage, je veux dire sans avoir la pretention d'accroistre son amour envers la divine Bonté, il ne l'aymeroit pas assez; car n'avons-nous pas veu que la suffisance n'est pas suffisante? En effect, ce n'est pas icy comme aux desirs que l'on a d'acquerir des honneurs et des richesses, parce que, en ces sortes de choses, rien ne sçauroit contenter ni assouvir la soif insatiable de celuy à qui la suffisance ne suffit pas.

  A009000566 

 Mais quant à l'amour divin, il ne faut jamais dire: C'est assez, j'en suis content, car celuy qui parleroit de la sorte n'en auroit pas suffisamment.

  A009000566 

 [197] La Divinité ne peut estre suffisamment aymée que d'elle mesme; c'est pourquoy nostre soif de l'aymer ne pourra jamais estre assouvie.

  A009000567 

 En paroles, cela est tres clair, car jamais il ne s'estendit tant à parler sur aucun sujet comme sur celuy de son amour envers nous et du desir qu'il a que nous l'aymions.

  A009000567 

 Je suis, dit-il, le pain qui est descendu du Ciel; quiconque me mange ne mourra point eternellement; Qui voudra boire mon sang et manger ma chair il aura la vie eternelle; Je suis le pain de vie; et tant d'autres paroles.

  A009000567 

 Mais, o Dieu, considerons un peu quel est cet amour que le Seigneur nous porte et duquel nous sommes si cherement aymés.

  A009000567 

 Puis, parlant de sa mort: Nul n'ayme d' un plus grand amour que celuy qui met son ame pour son ami, c'est à sçavoir qui donne sa propre vie.

  A009000567 

 Voyez combien il est jaloux de nostre amour: Tu aymeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton ame, de toute ta pensée, de toutes tes forces, de tout ton esprit et de tout ce que tu es, c'est à dire de tout ton pouvoir.

  A009000568 

 Aymer Dieu de tout nostre cœur, qu'est-ce sinon l'aymer de tout nostre amour, mais d'un amour ardent; et pour cela il ne faut pas aymer beaucoup d'autres choses, au moins d'une affection particuliere.

  A009000568 

 L'aymer de tout ce que nous sommes, c'est luy abandonner tout nostre estre pour demeurer totalement sousmis à l'obeissance de son amour..

  A009000568 

 L'aymer de tout nostre esprit, c'est l'aymer d'un amour pur et simple.

  A009000568 

 L'aymer de toute nostre ame, c'est occuper toute nostre ame en l'exercice de son amour.

  A009000568 

 L'aymer de toute nostre pensée, c'est penser en luy le plus souvent que nous pouvons.

  A009000568 

 L'aymer de toutes nos forces, c'est l'aymer d'un amour ferme, constant et genereux, qui ne se laisse jamais abattre, ains est tousjours perseverant.

  A009000568 

 Ne vous semble-t-il pas, mes cheres ames, que nous ayons une tres grande obligation à contreschanger autant que nous le pouvons cet amour sacré et incomparable duquel nous avons esté et sommes aymés de Nostre Seigneur? C'est sans doute que nous le devons; au moins [198] devons-nous avoir affection de le faire.

  A009000569 

 De mesme en est-il en cet amour sacré: la fidelle amante s'essaye par tous les moyens possibles de rencontrer par tout son cher Bien-Aymé tout seul, pour luy lancer dans le cœur quelques traits [199] de sa passion amoureuse et luy rendre quelque petit tesmoignage de son amour, quand ce ne seroit que de luy pouvoir dire: Vous estes tout mien, et moy je suis toute vostre..

  A009000569 

 L'amour est un lien et un lien de perfection, c'est à dire qui ne se peut desfaire.

  A009000569 

 L'amour, comme dit le grand Apostre de la France, tend à l'union; si que l'amour unit d'une union presque inseparable les cœurs de ceux qui s'ayment, quand l'amour est pur, car autrement nous n'en voulons pas parler.

  A009000570 

 Nostre capacité d'aymer est petite tandis que nous sommes en cette vallée de miseres, et partant nous ne devons pas laisser dissiper nostre amour, ains le tenir ramassé tant qu'il nous sera possible pour l'employer à aymer un sujet tant aymable comme est celuy dont nous parlons.

  A009000570 

 Une autre marque pour connoistre si vous aymez bien Dieu, est si vous n'aymez pas beaucoup d'autres choses avec luy, ainsy que j'ay dit (mais cela s'entend d'un amour fort et puissant); car vous sçavez que quand on ayme beaucoup de choses ensemble, c'est les aymer d'un amour moins fort et moins parfait.

  A009000571 

 Aymer le prochain pour le Ciel c'est luy procurer des graces et des benedictions par le moyen de nos prieres, voire encores l'encourageant à l'exercice des vrayes vertus, tant par paroles que par exemples.

  A009000571 

 La troisiesme et la principale marque que je vous donne pour connoistre si vous aymez bien Dieu est que vous aymerez aussi bien le prochain; car nul ne peut dire en verité qu'il ayme Dieu s'il hait le prochain, ainsy que l'asseure le grand Apostre saint Jean.

  A009000571 

 Mais encor, quel pensez vous qu'il soit? C'est un amour ferme, constant, invariable, qui, ne s'attachant point aux niaiseries, ni aux qualités ou conditions des personnes, n'est pas sujet au changement ni aux aversions comme celuy que nous nous portons les uns les autres, qui pour l'ordinaire se dissipe et s'alangourit sur une mine froide ou qui n'est pas si correspondante à nostre humeur comme nous desirerions.

  A009000578 

 C'est le souhait que l'Eglise fait aux benedictions, en mettant le voile aux vierges, comme nous vous dirons tantost en vous le donnant, ma tres chere fille: «Le Seigneur vous veuille despouiller du viel homme pour vous revestir du nouveau.» Et cecy est comme un avant propos de ce que je veux traitter..

  A009000578 

 Pensant à ce que je devois prendre pour la ceremonie que nous allons celebrer, qui est de recevoir nostre Sœur la Pretendante au Noviciat, j'ay trouvé que ces paroles des Epistres de saint Paul, escrivant aux Ephesiens et Colossiens, viennent fort à mon propos: Soyez renouvellés en justice et verité; despouillez-vous du viel homme pour vous revestir du nouveau en Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A009000579 

 Oh leur intention n'est pas bonne.

  A009000580 

 Toutes ces pretentions sont fort imparfaites et ne sont point dressées selon l'intention pour laquelle Nostre Seigneur a institué les Religions, qui est «pour s'unir plus parfaittement à Dieu» et estre crucifié avec Jesus Christ au «mont de Calvaire,» pour vivre avec luy au Ciel, et se despouiller du viel homme pour se revestir du nouveau.

  A009000581 

 Qu'est-ce que vivre selon le viel homme? C'est vivre comme les mondains: ils convoitent perpetuellement les richesses pour en avoir tousjours davantage, ils n'en sont jamais assouvis; ils pourchassent les grandeurs à fin d'estre estimés par dessus tous; ils suivent leur playsir brutal, sensuel et infame, sans s'arrester; veulent estre maistres d'un chacun et ne recevoir la correction de personne; ayment leur propre chair et leurs commodités en tout.

  A009000582 

 En Religion on doit vivre en une parfaitte chasteté, contraire à la liberté de la chair et du sang; en une parfaitte pauvreté, contraire aux richesses et commodités dont le monde fait tant de cas; mortifier son jugement, qui est une chose bien difficile, l'affection que l'on a pour son propre repos, l'ayse que l'on prend à l'oraison avec Dieu pour jouir de ses suavités.

  A009000582 

 Le viel homme c'est nostre premier pere Adam et nostre premiere mere Eve.

  A009000583 

 Encores que cette derniere pretention paroisse bonne, ce n'est pourtant pas l'intention pour laquelle les Religions sont instituées: c'est à fin de servir plus parfaittement à Dieu et se despouiller du viel homme pour se revestir du nouveau, car entrant en Religion il n'y faut point apporter les coustumes du monde.

  A009000583 

 Oh nous sommes tous esgaux, car nous sommes tous enfans de mesme pere et de mesme mere, d'Adam et d'Eve; c'est donc une grande folie de se glorifier de sa race..

  A009000584 

 Ce n'est rien de quitter ces habits exterieurs que nous voyons pour prendre ceux de la Religion, si nous ne prenons les habitudes et les mœurs d'icelle.

  A009000584 

 Combien a-t-on veu de personnes devenir saintes sous des habits de soye, de satin, de velours, de drap d'or? tesmoin sainte Radegonde reyne de France, sainte Elizabeth reyne d'Hongrie, sainte Elizabeth reyne de Portugal, et tant d'autres; de maniere que ce n'est rien de quitter ses habits exterieurs si on ne se revest des nouveaux en justice et verité.

  A009000584 

 Qu'est ce à dire cela: ma vertu se perfectionne en ton infirmité? C'est à dire en nostre foiblesse, lors que nous croyans plus infirmes pour entreprendre le bien, nous nous appuyons totalement en Dieu, reconnoissans nostre petitesse et que nous ne pouvons rien de nous mesmes sans la grace divine.

  A009000586 

 Je ne raconteray pas toute l'histoire, car il n'est pas necessaire.

  A009000595 

 L'histoire que la sainte Eglise nous presente pour nous servir de consideration le long de cette semaine est une parabole que Nostre Seigneur proposa aux Juifs pour leur faire reproche de leur infidelité et de leur malice.

  A009000596 

 Puis la conclusion de cet Evangile est que Nostre Seigneur adjousta: Beaucoup sont appelles, mais peu sont choisis..

  A009000597 

 Le jour de demain est incertain pour plusieurs qui l'ont choisi pour se convertir..

  A009000598 

 Et premierement, je considere que ce festin auquel nous sommes invités par le souverain Roy de gloire, c'est le festin de la Croix, qui est dressé sur la montagne de Calvaire où se celebre la solemnité des fiançailles de Jesus Christ avec nos ames.

  A009000598 

 Neanmoins, rien n'est si capable de nous rendre dignes de rejet que les defauts qui se commettent contre la charité..

  A009000599 

 Mais, me demanderez-vous, comme osez-vous appeller le jour de la Passion jour des noces de Nostre Seigneur, puisque le jour où on celebre des noces est ordinairement un jour de consolation, de playsir et de joye? Il est vray; mais ne pensez pas que ce soit moy seul qui dise cecy, ni de moy mesme, car sa divine Espouse le dit elle mesme au Cantique des Cantiques.

  A009000600 

 De mesme, la tres sainte humanité estoit beaucoup moindre que la divinité du Sauveur, mais neanmoins sa divine Majesté s'est voulu servir de cette humanité sacrée pour nous faire connoistre la grandeur de sa sagesse, bonté et misericorde; et par ainsy elle a esté comme une couronne royale qui nous a fait comprendre en quelque façon, selon nostre capacité, la dignité du chef qu'elle a environné et orné..

  A009000600 

 En quoy certes ils ont tres grande rayson, car chacun sçait que la couronne est un ornement de teste et un ornement royal, mais pourtant beaucoup moindre en valeur que la teste qui la porte et qui en est parée.

  A009000601 

 Mais si cela est, pourquoy dit-elle au jour de sa joye, puisque c'est au jour de sa douleur et de sa mort, ainsy que luy mesme le declare: Mon ame est triste jusques à la mort? Mon Dieu, qu'est-ce que cecy, qu'emmi une si grande allegresse il se trouvast une si grande tristesse! O certes, la tristesse et la joye ne sont pas incompatibles ensemble, de sorte qu'elles se pouvoyent facilement rencontrer toutes deux en l'ame de Nostre Seigneur le jour de sa Passion.

  A009000602 

 Si cela est, qui peut douter que le jour de la Passion du Sauveur ne fust le jour de sa joye et de son allegresse? car ne voyez-vous pas les fleurs qui sortent et commencent à bourgeonner autour de la Croix, presage certain des fruits que devoit rendre cet arbre de vie? je veux dire les merites de cette mort, produisans les doux fruits de la salvation des hommes qui espereroyent en ces merites? Que si la joye de la femme est de produire beaucoup d'enfans, combien de sujets de resjouissanee Nostre Seigneur et Maistre eut-il au jour de sa Mort et Passion, puisque ce fut en iceluy qu'il fut fait Pere de tous les enfans des hommes, et leur acquit la grace pour cette vie passagere et la gloire pour la vie eternelle..

  A009000603 

 O Dieu, quel acte d'obeissance est celuy cy! Quel exces de complaisance pour le Pere eternel, lequel avoit desja dit au baptesme de Nostre Seigneur qu'il estoit son Fils bien aymé! Combien pensez-vous qu'il receut de contentement voyant qu'il luy rendoit le dernier et le plus [212] excellent tesmoignage de sa souveraine dilection et sousmission?.

  A009000604 

 Cela estant ainsy, qui peut douter que le jour de la Passion de Nostre Seigneur et Maistre ne soit un jour de joye et de delices pour les Anges et pour les hommes, puisque c'est en iceluy qu'il a fait paroistre le grand amour qu'il nous portait, comme il l'asseure luy mesme: Nul n'a plus grand amour que celuy qui met son ame, c'est à dire sa vie, pour celuy qu'il ayme..

  A009000604 

 Je sçay bien que quelques docteurs tiennent que c'est la veue de la Divinité qui fera cette felicite; mais pourtant l'un ne contrarie pas beaucoup à l'autre, d'autant que cette veue sacrée est ce qui nous excitera à des ardeurs incomparables pour l'aymer.

  A009000604 

 L'amour que Dieu porte aux Bienheureux en Paradis et que ces ames bienheureuses portent à la divine Majesté est ce qui fait leur felicité.

  A009000605 

 Mais, me demanderez vous, pourquoy dites vous que la Croix est un festin auquel nous sommes tous invités, sans en excepter pas un? Hé, ne voyez-vous pas les mets delicieux qui nous y sont preparés? Voyez et considerez de grace la souveraine misericorde que Dieu y presente aux hommes; remarquez, je vous supplie, que c'est là où nous sont preparés et offerts tous les secours necessaires pour parvenir à la gloire..

  A009000606 

 C'est assez pour ce point; disons un mot de la robe nuptiale qu'il faut avoir pour venir dignement en ce banquet royal.

  A009000606 

 Nous venons tous au festin de la Croix, car par la grace de Dieu nous esperons d'estre sauvés par [213] les merites de Nostre Seigneur crucifié; mais le malheur est que nous n'y venons pas tous avec la robe nuptiale, de sorte que plusieurs en sont bannis et jettés dans les flammes eternelles..

  A009000607 

 Mais qu'est-ce que cette robe nuptiale? C'est la tres sainte charité, car ainsy les Peres l'ont determiné; c'est la charité, mais une charité ample, large et d'une grande estendue.

  A009000609 

 Au contraire, celle des ames religieuses est large, tout y entre; je veux dire tout ce qu'elles peuvent sçavoir qui est aggreable à leur Espoux..

  A009000609 

 Je remarque premierement qu'il faut que cette robe, c'est à dire la charité dont elles doivent estre revestues, soit une charité large et clans laquelle elles se puissent tourner à l'ayse.

  A009000609 

 La charité des personnes du monde est si estroitte que rien n'y sçauroit entrer que la simple observance des commandemens de Dieu; car quant aux conseils ils ne peuvent entrer en cette robe.

  A009000610 

 Les manches des robes des Religieuses sont larges du costé des mains pour monstrer que les parolles ne suffisent pas, ains qu'il faut des œuvres; elles sont larges en sorte qu'elles puissent tenir les bras croisés dedans, pour monstrer que dès qu'elles ont fait quelques bonnes actions, quelques actes de vertu, il faut remettre la main dans la manche, c'est à dire il faut cacher cette prattique de vertu pour en eviter la louange, et ne vouloir qu'elle soit remarquée que de leur Espoux auquel seul elles desirent de plaire..

  A009000611 

 Au lieu de tout cela, on donne un voile aux Religieuses, qui rejettent toutes ces vanités; et de mesme que leur divin Espoux est couronné d'une couronne d'espines, comme estant le Roy des miserables, ainsy couvrent-elles leurs testes du voile d'abjection et du mespris non seulement de toutes les vanités, mais aussi d'elles mesmes, pour estre plus conformes à leur Bien-Aymé..

  A009000611 

 Les filles du monde portent leurs cheveux esparpillés et poudrés, leur teste est ferrée comme l'on ferre les pieds des chevaux, elles sont plus empanachées et bouquetées qu'il ne se peut dire; bref, elles portent quantité d'affiquets.

  A009000618 

 Mes tres cheres Sœurs, ayant un mot à vous dire de la part de Nostre Seigneur, je ne puis vous entretenir plus utilement que de vous parler des medecins et des malades, puisqu'il est à mon propos à cause de la feste que nous celebrons aujourd'huy de deux grans Martyrs et medecins tant du corps que de l'esprit.

  A009000618 

 Nous sommes tous malades; la sainte Eglise est un hospital dans lequel il y a quantité de malades de diverses maladies, et le Sauveur est nostre souverain Medecin.

  A009000620 

 C'est la verité que plus nous croirons et confesserons que nous sommes infirmes, d'autant plus tost nous serons gueris et rendus sains.

  A009000620 

 Comme au contraire, si nous croyons que nous sommes sains, robustes et gaillars, c'est alors que nous sommes plus mal et en plus grand danger; car ceux qui sont malades et ne croyent pas l'estre, ne veulent point suivre les ordonnances du medecin ni prendre aucun medicament, pensans qu'ils n'en ont pas besoin, et partant ils ne guerissent point, ains viennent à mourir.

  A009000621 

 Il y a des ames grandement malades et si chargées de pechés et d'imperfections qu'elles sont bien dignes de [218] compassion, d'autant qu'elles sont en plus grand peril, parce qu'estans pleines de rancune, d'orgueil, presomption et de mille autres defauts, elles s'estiment neanmoins bien parfaites et bien saines et ne reconnoissent pas leurs maladies; partant elles ne recourent point au medecin, croyans n'en avoir aucune necessité, c'est pourquoy elles viennent à mourir de la mort eternelle..

  A009000622 

 La sainte Eglise est une boutique d'apothicaire, toute pleine de medicamens pretieux et salutaires, qui sont les saints Sacremens que nostre Sauveur et Maistre luy a laissés pour nous guerir de nos infirmités.

  A009000622 

 Par le Sacrement de Penitence nous recevons l'absolution de tous nos pechés tant mortels que veniels; car encor que la confession regarde seulement les pechés mortels, si est-ce que les veniels sont suffisante matiere d'absolution, et il est tres bon de s'en confesser.

  A009000622 

 Par le Sacrement de l'Eucharistie nous sommes unis et conjoins à la divine Bonté et recevons la vraye vie de nos ames; car ne sçavez-vous pas que le divin Sauveur a dit: Celuy qui me mange vivra eternellement? En fin il en est de mesme des autres Sacremens qui en une certaine façon nous lavent tous de nos iniquités..

  A009000624 

 Il y a aussi d'autres ames qui servent Dieu si langoureusement et negligemment que c'est pitié; elles tombent [219] à tout propos en des imperfections et n'ont point de courage pour s'en relever.

  A009000624 

 Ne voyez-vous pas le grand Apostre saint Paul, tout ravi qu'il avoit esté jusqu'au troisiesme Ciel, confesser qu'il est infirme et malade de corps et d'esprit? Oyez-le s'escrier: Qui me delivrera du corps de cette mortalité? Que veut-il signifier de grace, sinon: Qui me delivrera de mes maladies et infirmités?.

  A009000624 

 Nous devrions avoir honte d'estre si lasches à ce qui est de nostre devoir.

  A009000624 

 Que veut dire, je vous prie, ce mot de Chrestien, sinon oint et embaumé, c'est à sçavoir que l'on se tient pour malade et infirme? de sorte qu'il faut advouer que veritablement nous le sommes.

  A009000625 

 La maladie de l'esprit est aussi causée par le desordre de nos passions interieures, lors qu'elles ne sont pas bien rangées à leur devoir et sousmises à la rayson et à la volonté divine..

  A009000626 

 Elles le sont, de vray; mais il en est de Nostre Seigneur comme d'Assuerus qui avoit un grand nombre de damoyselles en sa mayson, lesquelles estoyent toutes ses espouses; neanmoins il y en avoit une particulierement destinée au lit royal, et quand il failloit qu'elle comparust devant le roy, on la lavoit, parfumoit et ornoit d'habits fort pretieux, à fin qu'elle fust trouvée aggreable à ses yeux.

  A009000626 

 Elles sont en fin cette unique; c'est pourquoy il faut qu'elles taschent de se laver, nettoyer et purifier, voire des moindres defauts qui les peuvent rendre desaggreables à leur divin Espoux à fin de paroistre devant luy toutes belles, toutes pures, candides et ornées des vertus qui sont plus à son gré..

  A009000627 

 L'amour propre [221] est si presomptueux qu'il veut regner; l'amour divin si juste qu'il veut regner aussi, comme il est bien raysonnable.

  A009000627 

 Les femmes du monde ayment voirement Dieu, mais leur amour est partagé, car elles ayment leur mari, leurs enfans, leurs moyens; elles desirent d'en acquerir davantage, tellement que leurs affections estans engagées en tant de choses, elles sont beaucoup diverties de la pureté de l'amour divin et sacré.

  A009000627 

 Mais les ames religieuses ont mille fois plus de facilité parce que leur amour n'est point partagé; elles le logent tout en leur celeste Espoux, qui est l'unique objet de leurs affections et pretentions, auquel elles se sont entierement dediées et consacrées pour estre siennes à toute eternité, sans reserve ni exception; elles n'ont autre desir que de l'aymer et de luy plaire et taschent d'aneantir leur amour propre pour faire vivre et regner l'amour de Dieu, car ces deux amours ne peuvent compatir ensemble.

  A009000628 

 Il leur parle donques ainsy, disant: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux; bienheureux les debonnaires, car ils possederont la terre; bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés; et ce qui suit..

  A009000629 

 Dès qu'on voit un homme riche on dit incontinent: Il luy faut faire place, car c'est Monsieur; et nostre cher Seigneur dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit.

  A009000629 

 Nostre Seigneur est tout au contraire du monde; car les mondains ne tiennent pour bienheureux que les riches, parce qu'avec les richesses on fait tout ce qu'on veut.

  A009000630 

 De sorte que ces ames religieuses reçoivent mille suavités et contentemens parmi la pauvreté, la mortification et les exercices de la Religion, car c'est principalement à elles que ce divin Esprit depart ses pretieux dons; partant elles ne doivent rechercher que Dieu et la mortification de leurs passions en la Religion, car si elles y cherchent autre chose elles n'y trouveront jamais la consolation qu'elles pretendent..

  A009000631 

 Ils disent qu'il y a la voye purgative, illuminative et unitive; mais moy, pour abreger, j'ay tousjours accoustumé de dire qu'il ne faut que nous purger de nos imperfections, d'autant que c'est une chose infaillible qu'en desracinant de nous le vice, [223] la vertu y entrera.

  A009000633 

 L'humilité est une petite vertu et la moindre de toutes en apparence, qui, de sa condition et nature, penche tousjours en bas parce qu'elle se cache et aneantit au fond de la terre et du neant; la charité c'est la premiere, la plus excellente et la plus relevée, car elle embrasse Dieu, et neanmoins elle se veut unir à l'humilité avec laquelle elle est mariée..

  A009000633 

 L'humilité nous est tellement necessaire, que sans icelle nous ne pouvons estre aggreables à Dieu ni avoir aucune autre vertu, pas mesme la charité qui perfectionne tout, car elle est si conjointe à l'humilité que ces deux vertus ne peuvent estre separées; elles ont une si grande sympathie ensemble que l'une ne va point sans l'autre.

  A009000633 

 Que pensez-vous que ce soit, la pauvreté d'esprit? Ce n'est autre chose que la tres sainte humilité, parce que la richesse d'esprit c'est la vanité, l'orgueil et presomption qui font que nous nous enflons et estimons estre riches, quoy qu'à la verité nous soyons tres pauvres.

  A009000634 

 Bon, tout cela est bon; mais a-t-elle de la charité et de l'humilité? car si elle n'en a, je ne fais point d'estat de tout le reste; ses vertus ne sont que des fantosmes et non des vrayes et solides vertus.

  A009000634 

 Cela est bon quand Dieu les donne; mais que fait-elle encores pour estre si sainte que vous dites? Elle donne souvent l'aumosne.

  A009000634 

 Cela est bon; mais encores, pourquoy est-elle sainte? Parce qu'elle communie si souvent.

  A009000634 

 Lors que les mondains voyent une personne devote ils disent incontinent qu'elle est sainte; et si vous leur demandez: Pourquoy est-elle sainte? Parce, vous respondront-ils, qu'elle demeure long temps aux eglises, qu'elle recite quantité de chapelets et entend beaucoup de Messes.

  A009000634 

 Voyla qui est bon; mais pourquoy encores est-elle si sainte? Parce qu'elle jette tant de larmes en l'oraison.

  A009000635 

 Cet Evesque avoit de vray des grans talens et richesses interieures, mais parce qu'il n'avoit pas ces deux vertus et qu'il estoit enflé d'orgueil et de vanité en soy mesme, devant Dieu il est pauvre et vuide de tout bien.

  A009000635 

 La charité est le couvert et le toit de tout l'edifice de la perfection chrestienne et l'humilité en est le fondement, de sorte qu'elle vient en l'ame devant la charité pour luy preparer le logis..

  A009000635 

 Vous avez, de vray, fait toutes ces choses là en mon nom, mais non pas selon mon [225] nom; c'est pourquoy je ne vous connois point, et vous n'aurez aucune recompense ni part avec moy.

  A009000636 

 C'est cette humilité qui a fait enfuir du monde ces ames religieuses pour s'aller cacher en la sainte Religion.

  A009000636 

 Et non seulement devant Dieu, car cela est facile (il est bien aysé à une mouche de se tenir pour rien au respect d'un elephant), mais devant les creatures; s'estimant la moindre et la plus imparfaite de toutes, elle s'aneantit, s'abaisse, se tient pour vile, abjecte et denuée de tout bien.

  A009000636 

 Non seulement elle se reconnoist pour telle en soy mesme, mais ce qui est plus parfait, elle veut, desire et se resjouit que tout le monde la regarde et traitte pour telle.

  A009000638 

 C'est certes la premiere vertu qu'il faut avoir lors qu'on entre en Religion, autrement l'on n'y trouvera aucun contentement.

  A009000638 

 On doit s'estimer vil, pauvre et vuide de tout bien, et y venir avec cette croyance que l'on n'est rien, que l'on ne vaut rien; c'est pourquoy on se cache, comme ne meritant pas d'estre regardé de Dieu ni des creatures.

  A009000639 

 Quand je vois que la plus grande partie des hommes ne respirent rien moins que l'humilité, qu'ils la fuyent pour rechercher les honneurs, les charges relevées et les grandes dignités, qu'ils sont pleins de presomption et de superbe, mon Dieu, cela m'est insupportable! Et ne sçavez-vous pas, o mondains, que le mauvais riche pour s'estre enflé d'orgueil, comme il tesmoigna en mesprisant le pauvre Lazare, est maintenant aux enfers pour toute eternité? Mais lors que ces personnes du monde vont [227] un peu aux eglises entendre la sainte Messe, qu'elles communient à Pasques et font quelque aumosne, elles pensent pour cela estre saintes, tellement qu'il ne faut plus que les canonizer et les mettre sur les autels.

  A009000639 

 Sçavez-vous pas, pauvres gens, que puisque vous n'avez point de charité et d'humilité tout cela n'est rien?.

  A009000640 

 D'où pensez-vous que viennent ces relasches et desordres de certaines maysons religieuses? C'est certes parce que l'humilité n'y est pas.

  A009000640 

 Et pourquoy pensez-vous que l'humilité n'y est pas? C'est parce que cette infortunée parolle tien et mien n'en est pas bannie; car dès que la communauté et pauvreté n'est pas observée, la presomption et superbe y entre aussi tost, d'autant qu'il n'y a rien qui nous enfle tant que les richesses, par lesquelles nous avons dequoy dire tien et mien.

  A009000640 

 La sainte pauvreté sert grandement pour nourrir et conserver l'humilité, parce qu'il n'y a rien qui nous humilie et abaisse tant que d'estre pauvre, de sorte que l'humilité est tenue fort à couvert par le moyen de la pauvreté et communauté..

  A009000641 

 C'est pourquoy tous les anciens Peres et instituteurs de Religions ont tousjours tasché d'establir la communauté de biens en leurs congregations et monasteres.

  A009000641 

 Il ne se trouve presque personne qui veuille estre pauvre, c'est pourquoy il y en a si peu qui soyent humbles..

  A009000642 

 Bienheureuses sont donques les ames auxquelles Dieu a fait tant de misericorde que de les avoir appellées à une Religion où la sainte communauté est exactement observée, car elles ont certes plus de moyens et de facilité pour acquerir la tres sainte humilité; et partant, ayant l'humilité elles ont par consequent la vraye pauvreté d'esprit à laquelle est jointe et attachée la felicité eternelle, puisque Nostre Seigneur et Maistre la leur a promise disant: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, c'est à sçavoir les humbles, d'autant que le Royaume des cieux est à eux..

  A009000643 

 Helas! voyez comme les mondains se comportent quand ils veulent mettre quelques uns de leurs enfans en Religion: ils regardent pour l'ordinaire d'y mettre les plus laids, inutiles et contrefaits, quoy que Nostre Seigneur veuille tousjours le plus beau et le meilleur, comme il est aussi raysonnable de le luy donner.

  A009000644 

 C'est qu'il vous faut cent et cent fois la journée toucher Nostre Seigneur crucifié.

  A009000644 

 Toucher une chose avec la main, qu'est-ce sinon appliquer la main à cette chose? De mesme, toucher une chose avec l'esprit [229] c'est y appliquer son esprit: je veux donques dire qu'il nous faut appliquer nostre esprit à voir et considerer Nostre Seigneur crucifié.

  A009000649 

 Et cecy est la derniere partie, sur laquelle je m'arresteray principalement parce qu'elle est plus à la gloire de la tres sacrée Vierge..

  A009000649 

 L'Evangile que la sainte Eglise nous propose en la feste d'aujourd'huy est composé de deux parties qui tendent toutes deux à la louange de la tres sainte Vierge, de laquelle nous celebrons la Presentation au Temple.

  A009000649 

 La premiere est que Nostre Seigneur preschant, une femme se prit à crier tout haut, luy parlant en cette sorte: Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées.

  A009000650 

 C'est un honneur tres grand sans doute de m'avoir porté dans son ventre et nourri du lait descoulant de ses mammelles, moy qui suis la pasture des Anges et des hommes là haut en la gloire celeste; cependant cela n'a pas esté le fondement de sa beatitude, ains d'avoir tousjours esté obeissante à la volonté de mon Pere.

  A009000650 

 La felicité n'est pas attachée à la dignité ni donnée selon icelle, ains selon la mesure de l'union que nous avons avec la divine volonté; de façon que si l'on pouvoit separer la dignité de Mere de Dieu d'avec la parfaite sousmission qu'avoit la tres sacrée Vierge à sa sainte volonté, elle auroit eu le mesme degré de gloire et la mesme felicité qu'elle a maintenant au Ciel.

  A009000650 

 Mais comme si le Sauveur eust voulu encherir et non pas diminuer la louange que l'on rendoit à sa tres sainte [231] Mere, il poursuit le cantique d'honneur qui estoit entonné par sainte Marcelle à la faveur de Nostre Dame, disant: Il est vray, mais plus heureuse encores est-elle d'avoir escouté la parole de mon Pere et de l'avoir gardée.

  A009000651 

 Nostre Dame a eu trois grans privileges au dessus de toutes les pures creatures: le premier est qu'elle a tousjours esté tres obeissante à la volonté de Dieu, c'est à dire à sa parole, et cela dès l'instant de sa conception, sans jamais varier ni discontinuer, non pas mesme un seul moment.

  A009000651 

 Quel est celuy qui soit tousjours d'une mesme humeur? A cette heure nous voulons une chose, tantost nous ne la voudrons plus, mais nous en desirerons une autre; dans peu de temps nous sommes joyeux et puis tristes, en somme ce n'est qu'un perpetuel changement.

  A009000652 

 Si donc on peut trouver du changement en la tres sainte Vierge, ce n'est que pour s'unir davantage et croistre autant qu'il se pouvoit en toutes sortes de vertus pour rendre invariable la resolution qu'elle avoit faite d'estre toute à Dieu.

  A009000655 

 Au commencement de sa Passion il monstra sa toute puissance lors que, comme lion de la tribu de Juda, il se prit à rugir cette parole: Ego sum, c'est moy, quand les Juifs le cherchant, il leur demanda: Qui cherchez-vous? Ils luy respondirent: Jesus de Nazareth.

  A009000655 

 C'est moy, dit-il; et par ce mot il renversa tous ses ennemis par terre.

  A009000656 

 C'est icy le second privilege qu'elle a eu au dessus de toutes creatures, car jamais nulle ne se donna si parfaitement et absolument qu'elle à la divine Majesté.

  A009000656 

 Et qu'est-ce que Dieu demande de nous? Escoutez-le, de grace, ce sacré Sauveur de nos ames: Mon enfant, donne-moy ton cœur, va-t-il repetant à un chacun de nous..

  A009000656 

 Mais qu'est-ce, je vous prie, que nous donner tout à Dieu? C'est ne se reserver aucune chose qui ne soit pour Dieu, non pas mesme une seule de nos affections ou de nos desirs.

  A009000657 

 As-tu un cœur bon? donne-le tel qu'il est, car c'est ce que la divine Bonté demande.

  A009000657 

 Car, helas! ne sçavons-nous pas que tout ce qui est remis entre ses mains divines est converti en bien? Ton cœur est-il de terre, de boue ou de fange, ne crains point de le remettre entre les mains de Dieu; quand il crea Adam il prit bien un peu de terre et puis il en fit une ame vivante.

  A009000657 

 Mais, me dira-t-on, comment cela se peut-il faire que je donne à Dieu mon cœur qui est tout plein de pechés et d'imperfections? comment pourroit-il luy estre aggreable, puisqu'il est tout rempli de desobeissances à ses volontés? Hé, pauvre homme, de quoy te fasches-tu? pourquoy refuses-tu de le luy donner tel qu'il est? N'entens-tu pas qu'il ne dit point: Donne-moy un cœur pur comme celuy des Anges ou de Nostre Dame, mais: Donne-moy ton cœur? C'est le tien propre qu'il demande; donne-le tel qu'il est.

  A009000659 

 Nostre Dame fait aujourd'huy une offrande telle que Dieu desirait, car outre la dignité de sa personne qui surpasse toutes les autres apres son Fils, elle offre tout ce qu'elle est et tout ce qu'elle a; et c'est ce que Dieu demande.

  A009000660 

 C'est pourquoy, non seulement en la nouvelle Loy, ains en l'ancienne mesme, l'on a tousjours observé de marquer certains temps et certains jours pour encourager les hommes à renouveller leurs bonnes resolutions..

  A009000660 

 Mais il n'est pas de nous comme de Nostre Dame, laquelle s'estant une fois donnée, n'avoit nul besoin de [236] reconfirmer son offrande; car jamais elle ne discontinua, non pas mesme un seul moment, d'estre toute à Dieu et d'estre appliquée, collée et conjointe avec la divine volonté.

  A009000660 

 Pour nous, au contraire, à cause de la continuelle vicissitude et varieté de nos affections et humeurs, il est necessaire qu'à toute heure, tous les jours, tous les moys et toutes les années nous reconfirmions et renouvellions les vœux et les paroles que nous avons prononcées d'estre tout à Dieu.

  A009000661 

 Car, je vous prie, qui est celuy qui au jour solemnel de Pasques ne se renouvelle tout entier par des saintes affections et resolutions de mieux faire, voyant Nostre Seigneur tout renouvellé en sa Resurrection? Qui est le Chrestien qui ne renouvelle point son cœur au jour de la Pentecoste, où il considere que Dieu envoye du Ciel un nouvel esprit sur ceux qui l'ayment, et au jour de la Toussaint où la sainte Eglise nous represente la gloire et felicité des Esprits bienheureux, apres laquelle nous souspirons et pour laquelle nous esperons? En fin, qui peut estre de si petit courage qu'il ne s'efforce de se renouveller au jour de Noël, où l'on voit le Sauveur de nos ames fait petit enfant tant aymable qui vient pour nous racheter?.

  A009000663 

 Adjoustons neanmoins encores ce mot, qui est qu'elle fut obeissante à la divine Majesté, non seulement à ses commandemens, ains à ses volontés et à ses inspirations; et c'est en quoy il faut que nous prenions garde, mes cheres ames, de l'imiter au plus pres qu'il nous sera possible.

  A009000663 

 Et de cette parole du Sauveur: Bienheureux sont les debonnaires, qui est-ce qui en tient compte? Je viens du monde, et je vous puis asseurer qu'il s'en trouve bien peu qui la pratiquent.

  A009000663 

 Obeir à la volonté de Dieu c'est obeir à sa parole.

  A009000663 

 Prenez garde que nostre divin Maistre ne voulut estre redouté qu'une fois en sa vie, ainsy que je l'ay desja touché, quand il dit à ceux qui le voulurent prendre au jardin des Olives: C'est moy.

  A009000664 

 Vous sçavez que le Sauveur preschant un jour dans le Temple les parolles de la vie eternelle, Nostre Dame estant à la porte, quelqu'un luy vint dire que sa Mere et ses freres le demandoyent (car il y avoit encores quelques uns de ses parens qu'il appelloit ses freres); à quoy il respondit: Qui est ma mere et qui sont mes freres? Ce sont ceux qui font la volonté de mon Pere qui est au Ciel .......................................................

  A009000672 

 La premiere est que le sel est composé de feu, et si neanmoins il esteint le feu; la seconde, qu'il donne goust et saveur [240] à la viande; et la troisiesme, qu'il preserve de corruption et putrefaction la chair, le poisson et autres choses qui ne peuvent estre bonnement gardées sans estre salées.

  A009000673 

 C'est de ce feu dont Nostre Seigneur parloit lors qu'il dit: J'ay apporté le feu du Ciel en terre, et que veux-je sinon qu'il brusle? O Dieu, quelle grace d'estre touché de ce feu tres beni, car jamais plus on ne se plaist ès ardeurs qui luy sont contraires..

  A009000673 

 Car qui ne voit que non seulement ils ont esté touchés, mais esclairés et enflammés du feu du Saint Esprit, en sorte qu'ils n'ont autre attention que d'exterminer et aneantir l'amour charnel et perissable? Qu'est-ce, je vous supplie, qui auroit peu esteindre le feu de la convoitise des richesses ou des honneurs, que les Religieux et Religieuses renoncent pour jamais en faisant le vœu de pauvreté, s'ils n'eussent esté touchés de cette flamme sacrée et tres aymable de l'amour de Dieu, qui les a tirés d'entre le peuple pour les mettre ès lieux où plus à souhait ils peussent monstrer les effects de son infinie misericorde exercée en leur endroit? O Dieu, qu'ils sont heureux d'avoir donné entrée à ce feu celeste! car tout ainsy que le feu du ciel esteint celuy de la terre, de mesme le feu sacré exterminera et consommera celuy de la concupiscence qui regne et domine en nostre chair.

  A009000673 

 Remarquez donques, je vous prie, combien il est vray que les Religieux et Religieuses sont le sel de la terre (s'entend pourveu qu'ils soyent bons Religieux), puisqu'ils ont cette premiere condition du sel.

  A009000674 

 La seconde proprieté du sel c'est qu'il donne goust et saveur aux viandes lesquelles sans iceluy ne sont pas propres à nostre manger, ains meritent plustost d'estre abhorrées et rejettées; car elles sont insipides, sans goust et bonnes plustost à mortifier qu'à consoler et contenter le goust de celuy qui les mange.

  A009000674 

 Or, ce sel qui assaisonne tout ce que nous faisons, c'est la sagesse et discretion.

  A009000675 

 Ces bigearreries, ces propres volontés qui ne se veulent point sousmettre, ces jugemens particuliers, ces intentions impures qui ruinent et gastent toutes nos meilleures actions, ces laschetés et cette negligence d'esprit qui n'a point de cœur pour la pretention de la perfection, [242] qu'est-ce autre chose que des maladies contractées par nostre ame en la communication que nous avons eue avec le peché?.

  A009000675 

 L'Eglise n'est autre chose qu'un hospital où il y a plusieurs sortes d'infirmeries pleines de malades; car les pecheurs ne sont-ce paà des malades? Mais comme aux hospitaux il y a tousjours quelque infirmerie ou chambre pour les convalescens, de mesme les Religions sont destinées aux ames relevées qui desirent grandement de se rendre quittes des maladies qu'elles ont apportées du monde et que Nostre Seigneur par sa grace leur a fait connoistre.

  A009000676 

 C'est en cette façon que tous peuvent estre appellés et estre par consequent dignes successeurs des Apostres; car si bien tous ne preschent pas et n'administrent pas les Sacremens, qui sont les remedes dont se sert la sainte Eglise pour la guerison de ses malades, tous neanmoins peuvent et doivent prescher d'exemple; et cette predication ne sera peut estre pas moins utile que l'autre.

  A009000676 

 Et comme les medecins jugent que le repos et la tranquillité aydent beaucoup à recouvrer plus promptement la santé, de mesme les Religieux se retirent au port de la tranquillité qui est la Religion, pour plus aysement acquerir la santé de leurs ames qui est la sainteté..

  A009000677 

 Certes, c'est à bon droit qu'on leur a donné ce nom, car il est fort conforme à leur office.

  A009000677 

 L'autre explication ou signification du nom qu'on leur a donné est cultivateur, qui est autant à dire que laboureur.

  A009000677 

 Qu'est ce que l'office du Religieux sinon de bien cultiver son esprit, pour en desraciner toutes les mauvaises productions que nostre nature depravée fait bourgeonner tous les jours, si qu'il semble qu'il soit tousjours à refaire? Et comme il ne faut pas que les laboureurs se faschent, puisqu'ils ne meritent pas d'estre blasmés, pour n'avoir recueilli une bonne prise, pourveu neanmoins qu'ils ayent eu soin de bien cultiver la terre et de bien ensemencer, de mesme le Religieux ne doit point se fascher s'il ne recueille pas si tost les fruits de la perfection et des [243] vertus, pourveu qu'il aye une grande fidelité pour bien cultiver la terre de son cœur en retranchant ce qu'il apperçoit estre contraire à la perfection à laquelle il est obligé de pretendre, et faisant ce qu'il voit devoir estre fait pour l'acquisition des vertus..

  A009000678 

 Ils estiment estre sages de conserver ou d'acquerir leur liberté, d'estre maistres de leur volonté; et qui a plus de cette miserable liberté est consideré comme le plus sage et le plus heureux.

  A009000679 

 Les Religieux ayans esté esclairés par le Saint Esprit constituent toute leur sagesse en la tres sainte sousmission, sujetion, humilité et mespris d'eux mesmes, car ils ont fort bien consideré que c'est l'abus de leur liberté qui a fait [244] descendre les Anges du Ciel et les a precipités en l'abisme de l'enfer, où ils seront eternellement esclaves de ses peines eternelles..

  A009000679 

 Mais, o Dieu, que leur folie est grande de se vouloir gouverner eux mesmes! Escoutez le grand saint Bernard qui demande à l'un de ceux cy: Dis-moy, je te prie, qui est ton maistre? Je le suis moy mesme.

  A009000680 

 Escoutez le Prophete, lequel introduisant les mondains dit qu'ils ont secoué leur joug, et ayans rompu les liens de charité se sont pris à dire: Qui est nostre maistre? se voulans ainsy gouverner eux mesmes, et protestans: Nous ne servirons pas; c'est à sçavoir, nous ne dependrons de personne sinon de nostre propre volonté, et par ainsy nous jouirons de nostre liberté.

  A009000680 

 Mais, o Dieu, qu'est-ce qui suit cette liberté? non autre certes qu'un eternel esclavage apres cette vie mortelle, qui est de si peu de durée au prix de l'eternelle..

  A009000680 

 Qu'est-ce, je vous prie, qui precipita nostre mere Eve, et apres elle nostre premier pere Adam, dans le gouffre du peché, sinon le desir de faire leur propre volonté et jouir de leur independance? Vous sçavez ce qui leur en arriva, et à nous apres eux.

  A009000681 

 Mais quel est ce sel qui donne goust et saveur à toutes nos actions et sans lequel elles ne sçauroyent meriter que Nostre Seigneur les trouve bonnes ni aggreables à sa bonté? C'est la sainte obeissance qui les rend aussi meritoires de la vie eternelle; ouy, mesme une action qui de soy n'est nullement bonne et de nul merite, si elle est faite par obeissance elle devient bonne, et les indifferentes sont rendues meritoires et aggreables à Dieu.

  A009000681 

 Pourtant ils sçavent [245] bien que ce temps là est principalement donné pour la priere et pour rendre graces à Nostre Seigneur des mysteres qui y sont representés..

  A009000682 

 Et quant aux prieres, ils s'y rendent fidelles aux heures marquées, pour les faire avec la perfection qui leur est enseignée.

  A009000682 

 O qu'ils sont heureux ceux cy parce qu'ils ne font rien qui ne soit aggreable à Dieu! Vous estes le sel de la terre; c'est à dire vous assaisonnez les actions mesme terrestres, et par ce moyen vous les rendez celestes..

  A009000682 

 S'ils se vont coucher ils le font simplement parce qu'il est expedient de donner du repos à leur corps à fin d'avoir par apres assez de force pour le travail ordinaire et necessaire pour la gloire de Dieu.

  A009000683 

 C'est pourquoy il est fort à propos de nous lier et engager à la poursuite des biens eternels par le moyen du vœu que nous faisons de l'obeissance à la volonté de Dieu qui nous est signifiée par ses commandemens, ses conseils, nos Regles et les ordonnances des Superieurs..

  A009000683 

 O que c'est une grande sagesse de ne s'estimer pas assez sage pour se conduire soy mesme! Je sçay bien que si nous nous laissions gouverner par la rayson elle nous meneroit bien avant dans le Ciel; mais le peché a tellement gasté et tracassé nos puissances interieures, que la partie inferieure de nostre ame a pour l'ordinaire plus de pouvoir pour nous tirer au mal que non pas la partie superieure pour nous [246] faire tendre du costé du bien.

  A009000684 

 C'est donques à eux que Nostre Seigneur dit: Vous estes le sel de la terre..

  A009000685 

 La droite intention est ce qui rend nos œuvres meritoires de la vie eternelle, et, comme nous avons desja dit, les œuvres indifferentes, voire mesme [247] les necessaires pour la conservation de nostre vie, sont meritoires et fort aggreables à Nostre Seigneur..

  A009000685 

 Mais je considere en apres la troisiesme proprieté du sel: c'est qu'il est propre à preserver de corruption et de putrefaction ce à quoy on l'applique.

  A009000686 

 C'est cette droite intention qui amene icy ces filles pour se sacrifier à Nostre Seigneur par la resolution inviolable d'estre toutes à Dieu; elles ne se contentent pas d'observer ses commandemens, car elles ont esté touchées de cet amour du Saint Esprit qui fait qu'elles ne veulent pas seulement s'unir à Dieu par la prattique d'iceux comme le reste des Chrestiens, mais, par une pretention plus genereuse et amoureuse, elles se viennent obliger à l'observance de ses conseils et de ses volontés, pour estre tant soit peu plus unies au Ciel avec sa divine Bonté..

  A009000686 

 Ces actions sont aussi infiniment aggreables à la divine Majesté et au Sauveur mesme qui s'est voulu rendre nostre Maistre, en nous enseignant cette prattique excellente du delaissement de nous mesmes pour nous sousmettre à autruy, et se rendant obeissant pour nous à son Pere celeste jusques à la mort de la croix.

  A009000687 

 Dieu vous fasse la grace d'enfanter Nostre Dame ainsy que vous l'avez conceue, c'est à sçavoir de bien mettre en effect vos resolutions et vos desirs..

  A009000687 

 O que vous estes heureuses, mille fois plus que les imperatrices et les reynes, non seulement parce qu'apres avoir esté espouses de Jesus crucifié en cette vie vous le serez de Jesus glorifié là haut en sa gloire, mais aussi parce que la Croix du Sauveur est mille fois, et sans comparaison, plus honnorable que les sceptres et couronnes et les royaumes tout entiers de ce monde perissable.

  A009000687 

 Que vous avez bien conceu Nostre Dame en la veille de sa Conception! car, qu'est-ce autre chose concevoir la sacrée Vierge sinon concevoir la volonté et le desir de l'imiter en ses vertus? Elle estoit si droite en ses intentions qu'elle ne voulut point donner son consentement d'estre Mere de Dieu que premier elle n'eust consideré si c'estoit la divine volonté; mais l'ayant [248] reconneuë elle dit: Fiat; me soit fait selon ta parole.

  A009000688 

 Oh que vostre pretention est masle et genereuse, et qu'elle vous rendra grandement aggreables à la mesme Vierge, qui sera vostre protectrice pourveu que vous luy soyez fidelles.

  A009000693 

 Dieu dit comme il fait et fait comme il dit; en quoy il nous monstre qu'il ne nous faut pas contenter de bien dire, mais qu'il faut que nous ajustions les effects à nos propositions et les œuvres à nos parolles si nous luy voulons estre aggreables; et tout ainsy que son dire est faire, il veut de mesme que nostre dire soit incontinent suivi du faire et de l'execution de nostre bon propos.

  A009000693 

 Ils signifioyent ainsy que l'homme de bien et vertueux a non seulement une langue pour dire beaucoup de bonnes choses, mais que cette langue estant appliquée sur son cœur, il ne parle sinon à mesure que son cœur le veut, c'est à sçavoir, il ne dit sinon des paroles qui procedent premierement de son cœur, qui le porte quant et quant à l'operation et aux effects de ses paroles.

  A009000694 

 La premiere consideration est sur l'exemple d'une profonde et veritable humilité que nostre divin Sauveur et la glorieuse Vierge nous donnent; la seconde, sur l'obeissance qui est entée sur l'humilité; et en troisiesme lieu, sur la methode excellente qu'ils nous enseignent pour bien faire l'oraison..

  A009000695 

 Et premierement, quelle humilité plus grande et plus profonde se peut-il imaginer que celle que Nostre Seigneur et Nostre Dame pratiquent en venant au Temple, [251] l'un pour y estre offert comme tous les autres enfans des hommes pecheurs, et l'autre se venant purifier? C'est chose certaine que Nostre Seigneur ne pouvoit estre obligé à cette ceremonie, puisqu'il estoit la pureté mesme et qu'elle ne regardoit que les pecheurs.

  A009000695 

 Quant à Nostre Dame, quelle necessité avoit-elle de se purifier, puisqu'elle n'estoit ni ne pouvoit estre souillée, ayant receu une grace si excellente dès l'instant de sa conception que celle des Cherubins et des Seraphins ne luy est nullement comparable? car si bien Dieu les prevint de sa grace dès leur creation pour les empescher de tomber en peché, neanmoins ils n'y furent pas confirmés dès cet instant en sorte qu'ils ne peussent plus prevariquer, ains le furent par apres en vertu du choix qu'ils firent de se servir de cette premiere grace, et par la volontaire sousmission de leur franc arbitre.

  A009000696 

 C'est la plus grande de toutes les vertus purement morales, car je n'entens pas parler de l'amour de Dieu et de la charité, celle-cy n'estant pas seulement une vertu particuliere ains une vertu generale qui se respand sur toutes les autres, et dont elles tirent leur splendeur.

  A009000696 

 O Dieu, quelle grandeur de Nostre Seigneur et de Nostre Dame qui est sa Mere! Que c'est une consideration belle, et la plus utile et profitable que nous sceussions faire que celle cy, de l'humilité que le Sauveur a si cherement aymée! Il semble qu'elle ait esté sa bien aymée et qu'il ne soit descendu du Ciel pour venir en terre que pour l'amour d'elle.

  A009000696 

 Plus la dignité des personnes qui s'humilient est grande, plus aussi l'acte d'humilité qu'elles font est estimable.

  A009000697 

 L'Apostre saint Paul, pour nous faire concevoir en quelque façon l'amour que nostre Sauveur portoit à cette sainte vertu, dit qu' il s'est humilié jusques à la mort et à la mort de la croix, comme voulant dire: Mon Maistre ne s'est pas humilié seulement pour un temps ou pour quelques actions particulieres, ains jusques à la mort, c'est à sçavoir dès l'instant de sa conception et puis tout le temps de sa vie jusques à la mort; et non seulement jusques là, mais il l'a voulu mesme pratiquer en mourant.

  A009000699 

 Certes, s'estimans desja assez sages, ils se trouvent estre bien sots, car ne voyent-ils pas que Nostre Seigneur s'est humilié jusques à la mort, c'est à dire tout le temps de sa vie? O que ce divin Maistre de nos ames sçavoit bien que son exemple nous estoit necessaire, car il n'avoit nul besoin de s'abaisser, et neanmoins il a voulu perseverer à ce faire parce que la necessité estoit en nous.

  A009000699 

 O que la perseverance est grandement requise en ce sujet, car combien en a-t-on veu qui ayans fort bien commencé en la prattique de l'humilité se sont perdus faute de perseverance.

  A009000700 

 C'est une parole des philosophes, mais qui a esté approuvée pour bonne par les docteurs chrestiens: «Connois-toy toy mesme,» c'est à dire, connois l'excellence de ton ame à fin de ne la point avilir ni mespriser.

  A009000700 

 Ce n'est point mal de se considerer soy mesme pour glorifier Dieu des dons qu'il nous a faits, pourveu que nous ne passions à la vanité et complaisance sur nous mesmes.

  A009000700 

 Qu'est-ce qui fit pecher les Anges sinon le defaut d'humilité? car si bien leur peché fut une desobeissance, neanmoins, pour prendre toutes choses en leur origine, ce fut l'orgueil qui les fit desobeir.

  A009000701 

 Nostre Seigneur, comme un bon et amoureux medecin de nos ames, prend le mal en sa racine, et au lieu de [254] l'orgueil il vient premierement planter la belle et utile plante de la tres sainte humilité, vertu qui est d'autant plus necessaire que son vice contraire est plus general entre tous les hommes.

  A009000701 

 Nous avons veu comme l'orgueil s'est trouvé entre les Anges et comme le defaut d'humilité les a fait perdre pour jamais; mais voyons comme entre les hommes, plusieurs, ayans bien commencé, se sont perdus miserablement faute de perseverance en cette vertu.

  A009000702 

 Bref, c'est un mal commun entre tous les hommes; c'est pourquoy l'on ne peut jamais assez prescher et inculquer dans leurs esprits la necessité de la perseverance en la prattique de la tres sainte et tres aymable vertu d'humilité.

  A009000702 

 Ce n'est pas grand chose ni un abaissement de grande importance que celuy que font les petits en comparaison de celuy des geants.

  A009000702 

 De mesme ce n'est pas grand chose de nous voir [255] abaisser et humilier nous autres qui ne sommes que des neants et qui ne meritons que l'abjection et l'aneantissement; mais nostre cher Sauveur et la sacrée Vierge qui sont comme des geants d'une grandeur et hauteur incomparable, leurs humiliations sont d'un prix inestimable.

  A009000703 

 Aussi est-elle la base et le fondement de tout l'edifice de nostre perfection, lequel ne peut subsister ni s'eslever que par le moyen de la prattique d'une profonde, sincere et veritable reconnoissance de nostre petitesse et imbecillité, qui nous porte à un vray aneantissement et mespris de nous mesmes..

  A009000703 

 Je sçay bien qu'elle entendoit ainsy, que Dieu avoit regardé sa petitesse et sa bassesse, mais c'est en cela mesme que nous reconnoissons davantage sa profonde et sincere humilité.

  A009000703 

 Nostre glorieuse Maistresse n'estoit nullement fille d'Eve selon l'esprit, ains seulement selon le sang, car elle ne fut jamais qu'extremement humble et rabaissée, comme elle dit elle mesme en son sacré cantique: Le Seigneur a regardé l'humilité de sa servante, c'est pour quoy toutes les nations la prescheront bienheureuse.

  A009000703 

 Prenez, je vous prie, une fille d'Eve: comme quoy n'est-elle pas ambitieuse de l'honneur et de se faire estimer? Certes, si bien ce mal est general entre les hommes, cependant il semble que ce sexe y soit plus enclin que tout autre.

  A009000704 

 Nous pouvons, ainsy que nous l'avons fait pour l'humilité, dire les mesmes paroles de saint Paul: Nostre Seigneur s'est fait obeissant jusques à la mort, et à la mort de la croix; il ne fit jamais rien que par obeissance tout le temps de sa vie, ce qu'il nous manifeste luy mesme quand il dit: Je ne suis point venu pour faire ma volonté, ains celle de Celuy qui m'a envoyé.

  A009000705 

 Cette vertu est compagne inseparable de l'humilité; elles ne se trouvent point l'une sans l'autre, car l'humilité fait que nous nous sousmettons à obeir..

  A009000707 

 O combien cet exemple que Nostre Seigneur et Nostre Dame nous donnent de la tres sainte obeissance nous [258] devroit inciter à nous sousmettre absolument et sans aucune reserve à l'observance de tout ce qui nous est commandé, et ne nous pas contenter de cela, mais observer encores les choses qui nous sont conseillées pour nous rendre plus aggreables à la divine Bonté! Mon Dieu, est-ce si grand chose de nous voir obeir, nous autres qui ne sommes nés que pour servir, puisque le Roy supreme à qui toutes choses doivent estre sujettes s'est bien voulu assujettir à l'obeissance? Recueillons donques cet exemple sacré que nous donnent le Sauveur et la glorieuse Vierge, et apprenons à nous sousmettre, à nous rendre souples, maniables et faciles à tourner à toutes mains par la tres sainte obeissance, et non pas pour un temps ni pour certains actes particuliers, ains pour tousjours, tout le temps de nostre vie jusques à la mort..

  A009000708 

 Il est fort bon de faire des considerations, mais non pas de s'attacher tellement à une methode ou à une autre qu'on pense que tout depende de nostre industrie..

  A009000709 

 Ce seroit une horrible meschanceté de vouloir exclure Nostre Seigneur Jesus Christ de nostre oraison et de la penser bien faire sans son assistance, puisque c'est une chose indubitable que nous ne pouvons estre aggreables au Pere eternel sinon entant qu'il nous regarde à travers son Fils nostre Sauveur; et non seulement les hommes, mais encor les Anges, car si bien il n'en est pas le Redempteur, il est neanmoins leur Sauveur et ils ont esté confirmés en grace par luy.

  A009000709 

 Il n'y a qu'une seule chose necessaire pour bien faire l'oraison, qui est d'avoir Nostre Seigneur entre nos bras; cela estant, elle est tousjours bien faitte de quelle façon que nous nous y prenions.

  A009000709 

 L'oraison n'est autre chose qu'une «eslevation de nostre esprit en Dieu,» que nous ne pouvons nullement faire de nous mesmes.

  A009000709 

 Or, quand nous avons nostre Sauveur entre nos bras, tout nous est rendu facile.

  A009000710 

 J'ay dit que l'oraison est «une eslevation en Dieu.» Il est vray, car si bien en allant à Dieu nous rencontrons les Anges ou les Saints en nostre chemin, nous n'eslevons pas nostre esprit à eux ni ne leur addressons pas nos [260] oraisons, comme l'ont voulu dire meschamment les heretiques; ains seulement nous les prions de joindre leurs oraisons aux nostres et en faire une sainte confusion, à fin que par ce sacré meslange les nostres soyent mieux receues de la divine Bonté, qui les a tousjours aggreables si nous menons quant et nous son cher Benjamin, ainsy que firent les enfans de Jacob quand ils allerent voir leur frere Joseph en Egypte.

  A009000711 

 Il est plus probable que ce fut saint Joseph que non pas la sacrée Vierge, pour deux raysons, dont l'une est que les peres venoyent offrir leurs enfans, comme y ayans plus de part que la mere mesme; l'autre, que les femmes n'estans pas encores purifiées n'osoyent pas approcher de l'autel où se faisoyent les offrandes.

  A009000711 

 Nostre cher petit frere c'est ce beni Poupon que Nostre Dame vient aujourd'huy apporter au Temple et qu'elle remet elle mesme ou par l'entremise de saint Joseph au bon viellard Simeon.

  A009000711 

 O qu'heureux sont ceux qui vont au Temple disposés pour recevoir cette grace, d'obtenir de cette divine Mere ou de son cher Espoux Nostre Seigneur et Maistre, car l'ayant entre nos bras nous n'avons plus rien à desirer, et pouvons bien chanter ce divin cantique: Laissez maintenant aller vostre serviteur en paix, o mon Dieu, puisque mon ame est pleinement satisfaite, possedant tout ce qui est de plus desirable soit au Ciel soit en la terre..

  A009000713 

 C'est bien dit; vous ne voulez donques pas ajuster vostre volonté à celle de Dieu qui veut que vous y ayez des secheresses et des sterilités? cela n'est pas estre juste.

  A009000713 

 Cela est bon, Dieu vous veuille acheminer au but de vostre desir et entreprise; mais dites-moy, je vous prie, qu'est-ce que vous y allez faire? Je m'en vay demander à Dieu des consolations.

  A009000713 

 Helas, ne voyez-vous pas que tout cela n'est pas rendre vostre volonté capable d'estre unie et ajustée à celle de Nostre Seigneur, qui veut qu'entrant à l'oraison vous soyez resolue d'y souffrir la peine des continuelles distractions, secheresses et degousts qui vous y surviendront, demeurant aussi contente que si vous y aviez beaucoup de consolations et de tranquillité, puisque c'est une chose certaine que vostre oraison ne sera pas moins aggreable à Dieu, ni à vous moins utile, pour estre faite avec plus de difficultés.

  A009000713 

 Premierement, Simeon estoit juste; qu'est-ce à dire cela, sinon qu'il avoit ajusté sa volonté à celle de Dieu? Estre juste n'est autre qu'estre selon le cœur de Dieu et vivre selon son bon playsir.

  A009000714 

 Et quand mesme ce ne seroit qu'à l'heure de nostre mort, cela nous doit suffire, pourveu que nous rendions nostre devoir en faisant tousjours ce qui est en nous et en nostre pouvoir.

  A009000714 

 La seconde condition que nous trouvons estre necessaire pour bien faire l'oraison est que nous attendions, comme le bon saint Simeon, la redemption d'Israël, c'est à dire que nous vivions en l'attente de nostre propre perfection.

  A009000715 

 Car, en quel respect et en quelle reverence ne devons nous pas estre en parlant à la divine Majesté, puisque les Anges qui sont si purs tremblent en sa presence? Mais, mon Dieu, je ne puis point avoir ce sentiment de la presence de Dieu qui cause une si grande humiliation de toute l'ame, c'est à dire de toutes les facultés de nostre ame, en fin cette reverence sensible qui me feroit aneantir si doucement et aggreablement devant Dieu.

  A009000715 

 La troisiesme condition est qu'il faut estre, comme saint Simeon, timoré, c'est à dire plein de reverence devant Dieu au temps de la sainte oraison.

  A009000715 

 Or, ce n'est pas de celle cy que j'entens parler, ains de celle qui fait que la partie supreme et la pointe de nostre esprit se tient basse et en humilité devant Dieu, en reconnoissance de son infinie grandeur et de nostre profonde petitesse et indignité.

  A009000716 

 En quatriesme lieu, il est dit que le Saint Esprit estoit en saint Simeon et qu'il faisoit sa demeure en luy; ce fut pour cela qu'il merita de voir Nostre Seigneur et de le tenir entre ses bras.

  A009000716 

 Il est donques necessaire que nous donnions place en nous au Saint Esprit, si nous voulons que Nostre Dame ou saint Joseph nous donne à tenir et porter entre nos bras ce divin Sauveur de nos ames auquel consiste tout nostre bonheur, puisque nous ne pouvons avoir acces vers son Pere celeste que par son entremise et par sa faveur.

  A009000716 

 Or, que faut-il faire pour donner place en nous au Saint Esprit? L'Esprit du Seigneur a esté respandu sur toute la terre; mais pourtant il est dit en un autre endroit qu'il n'habite point en un cœur feint et dissimulé.

  A009000722 

 O bien aymés et tres chers Atheniens, leur disoit ce grand predicateur de la Croix, ce Dieu que vous ne connoissez point encores et que tout maintenant je vous veux faire connoistre n'est autre que Dieu le Pere tout puissant, qui a envoyé son Fils ça bas en terre pour prendre nostre nature humaine; en icelle, bien qu'il fust Dieu comme son Pere, de mesme nature et essence que luy, ce divin Fils a neanmoins souffert la mort, et la mort de la croix, pour satisfaire à la justice de Dieu son Pere justement indigné contre les hommes en suite du peché de nos premiers parens, peché qui nous eust sans doute causé à tous la mort eternelle.

  A009000723 

 Et moy, mes tres cheres [266] Sœurs, ayant à vous entretenir icy quelque peu de temps, j'ay jetté les yeux de ma consideration sur le tiltre que j'ay veu non au dessus de l'autel des Atheniens, mais au dessus de cet autel incomparable sur lequel nostre Sauveur et Maistre s'est offert pour nous à Dieu son Pere en sacrifice tres aggreable et d'une suavité nompareille, autel qui n'est autre que la Croix, laquelle despuis a tousjours esté honnorée comme tres pretieuse et adorable.

  A009000723 

 Nous ne vous ferons donc pas connoistre, mais nous vous ferons reconnoistre ce Dieu tant aymable qui est mort pour nous..

  A009000724 

 Les Chrestiens seront inexcusables de ne l'avoir pas aymé et servi de tout leur cœur, puisqu'ils ont esté si bien enseignés combien il est aymable et comme cherement il les a aymés en donnant sa vie pour eux..

  A009000724 

 Oh que c'est une chose utile que cette reconnoissance! Car veritablement, au dire de plusieurs, Abraham, Isaac et Jacob eussent eu quelque excuse s'ils n'eussent pas reconneu la divine Majesté, d'autant qu'ils ne l'avoyent pas conneue si clairement que nous, qui sommes hors d'excuse, ayans appris de Dieu mesme ce qu'il est, par la divine bouche de Nostre Seigneur qui est, comme nous avons dit, un mesme Dieu avec son Pere.

  A009000725 

 Or je n'entens pas vous parler, mes cheres Sœurs, avec combien d'ignominies, de douleurs, d'amertumes, d'angoisses, de vituperes, d'affronts, de mespris nostre divin Maistre souffrit la mort, ni moins vous faire un narré de la cruauté envenimée avec laquelle les Juifs l'attacherent à la croix; car vous sçavez que je vous ay tousjours fait entendre que c'est la moindre consideration en la Passion de nostre Sauveur que celle cy, et celle sur laquelle vous vous devez moins arrester, puisque l'affection de compassion sur ses souffrances est la moins utile.

  A009000726 

 C'est chose remarquable combien les Juifs dirent de belles paroles en la mort de nostre Sauveur, quoy qu'ils ne les entendissent pas et les dissent malicieusement et à mauvaise intention.

  A009000726 

 Je reprens donques mon propos et considere le tiltre qui est posé sur le haut de la croix.

  A009000726 

 O qu'il est admirable! Je suis presque ravi en le considerant.

  A009000726 

 Pilate ayant escrit le tiltre de la croix: Ce que j'ay escrit est escrit, dit-il; il est ainsy, reconfirmant cette verité..

  A009000726 

 Quelle sentence plus belle et plus vraye peut estre prononcée, que celle du plus meschant d'entre tous les hommes, ce miserable Caïphe: Il est requis qu'un homme meure (c'est à dire, un homme le plus excellent d'entre tous les hommes), de peur que tous les autres ne perissent, que toutes les gens ne perissent.

  A009000727 

 Mais que veulent donc signifier ces divines paroles? Premierement, Jesus est autant à dire que Sauveur; deuxiesmement, de Nazareth, ville fleurissante, fleurie; en troisiesme lieu, il est dit que Nostre Seigneur estoit Roy: trois qualités qui luy sont extremement bien deuës..

  A009000728 

 Et d'abord, il est Sauveur.

  A009000728 

 Ils se servirent malheureusement de leur franc arbitre contre la volonté divine, c'est pourquoy ce franc arbitre a esté fait serf des peines infernales pour jamais.

  A009000728 

 Mais dès que l'homme eut mangé du fruit defendu de l'arbre de science du bien et du mal, Nostre Seigneur, c'est à dire la seconde Personne de la sainte Trinité, resolut de venir racheter ce pauvre homme au prix de son tres pretieux sang, se revestant de la nature humaine qu'il unit inseparablement à sa Personne divine pour se rendre capable de patir et mourir ainsy qu'il a fait..

  A009000728 

 Mais il faut confesser que les hommes ont un sujet d'une consolation inexplicable en cette Mort et Passion de Nostre Seigneur; car si bien il est le Sauveur des Anges il n'est pas pourtant leur Redempteur, mais ouy bien des hommes.

  A009000728 

 O combien cecy est veritable! Il est Sauveur non seulement des hommes mais [268] aussi des Anges.

  A009000729 

 Ce n'est pas de la vie corporelle que nous entendons parler, car nul n'en peut douter, ains de la vie spirituelle.

  A009000729 

 Mais pour nous acquerir cette vie, Nostre [269] Seigneur nous l'a achetée au prix de son sang et a livré la sienne: donques nostre vie n'est pas nostre, ains sienne, nous ne sommes plus à nous, ains à luy.

  A009000729 

 O que cette rayson est puissante pour nous faire dedier totalement au service de cet amour celeste duquel nous avons esté si cherement favorisés, et si je l'ose dire, au dessus des Anges mesmes..

  A009000729 

 O quelle pensée suave et aggreable plus qu'il ne se peut dire, quelle joye, quelle douceur de cœur, quelle delectation doit causer à l'homme cette verité, que Nostre Seigneur est son Redempteur et qu'il tient la vie de luy! La vie luy a esté donnée à fin qu'il la donnast à un chacun et que tous la tinssent de luy comme il la tenoit de son Pere.

  A009000729 

 Or, Nostre Seigneur possede une vie non commune et petite, mais une vie surabondante, à fin qu'un chacun des hommes y participast et vescust de la mesme vie, qui est celle de la grace, toute parfaite et tout aymable.

  A009000730 

 Et qu'est-ce qu'il demande? Rien pour luy, car il s'est oublié soy mesme.

  A009000730 

 Il souffre beaucoup plus qu'il ne se peut jamais imaginer, mais pourtant il ne pense point à luy ni à ce qu'il endure; il fait tout au contraire de nous autres qui ne pouvons penser qu'à nostre douleur quand nous en avons, et oublions presque toutes autres choses; ouy mesme un mal de dents nous oste le souvenir de ce qui est autour de nous, tant nous nous aymons nous mesmes et nous sommes attachés à cette miserable chair..

  A009000730 

 Mon Dieu, que ces parolles sont admirables! Considerez, je vous prie, la douceur du cœur de nostre Maistre, et voyez comme la charité recherche des artifices pour parvenir au but de sa pretention qui est la gloire de Dieu et le salut du prochain.

  A009000732 

 Les hommes, pour monstrer que ce qui est escrit est leur volonté et qu'ils entendent qu'il soit ainsy fait, le cachettent de leur sceau, mais ils ne l'appliquent qu'apres que tout est parachevé.

  A009000732 

 Son sceau n'est autre que luy mesme, ainsy qu'il l'avoit fait dire à Salomon parlant en sa personne à l'ame devote: Mets moy comme un sceau sur ton cœur et comme un cachet sur ton bras.

  A009000733 

 Il s'oublie soy mesme pour penser premierement à eux, tant sa charité est grande, puis en apres il retournera à soy mesme..

  A009000734 

 O Dieu, quelle misere est la nostre! A peine pouvons-nous pardonner à nos ennemis, et Nostre Seigneur les aymoit si cherement et prioit ardemment pour eux!.

  A009000734 

 O que nous sommes miserables nous autres, car à peine pouvons-nous oublier une injure dix ans apres qu'elle nous a esté faite; ouy mesme il s'en est trouvé qui à l'heure de la mort ne pouvoyent ouïr parler de ceux dont ils avoyent receu quelque outrage et ne leur vouloyent pardonner.

  A009000734 

 Son testament, mes cheres ames, n'est autre que les divines paroles qu'il prononça estant en la croix.

  A009000736 

 Chose estrange certes, en mesme temps que les hommes pervers et malheureux vomissoyent contre sa divine Majesté et contre celle de son Pere ces blasphemes insupportables: S'il est tout puissant comme il dit, et se confie en son Pere qui l'a envoyé, qu'il l'appelle maintenant et qu'il le sauve; s'il veut que nous croy ions en luy, qu'il se sauve maintenant soy mesme; il dit qu'il restablira le Temple en trois jours, et semblables paroles vrayement diaboliques, Nostre Seigneur, dis-je, à mesme temps eslançoit vers Dieu des souspirs de compassion et des parolles plus douces que le miel et le sucre à fin qu'il leur pardonnast leurs forfaits et leur donnast sa grace.

  A009000736 

 Voyez donques comme Nostre Seigneur est tres justement appellé Sauveur..

  A009000737 

 Je me sousmets de tres bon cœur à supporter les effects de vostre justice, prenez sur moy la vengeance de leurs pechés; mais quant aux pecheurs, pardonnez [273] leur, car telle est ma volonté.

  A009000737 

 Mais outre la grace qu'il octroye aux pecheurs, il la demande pour eux à son Pere celeste avec une charité si artificieuse qu'il ne l'appelle point son Dieu ni Seigneur, comme nous verrons qu'il fera cy apres en parlant pour soy, ains il l'appelle mon Pere, sçachant bien que ce mot si tendre estant prononcé par l'amour cordial, est plus respectueux que celuy de mon Seigneur, et que partant il seroit plus tost exaucé.

  A009000739 

 Le Ciel n'est presque rempli que de penitens.

  A009000740 

 Le Paradis est tout tapissé de penitens, et, comme nous avons dit, l'on n'y voit presque autre chose.

  A009000740 

 Les Vierges ont esté penitentes, les Confesseurs aussi; bref, nul n'est entré au Ciel sans penitence et sans se reconnoistre pour pecheur, excepté ceux dont nous avons parlé.

  A009000741 

 Il m'est advis que ce sang tres sacré estoit comme l'encens lequel estant jetté dessus le feu respand de toutes parts autour d'iceluy sa fumée odoriferante, voire exhale cette fumée en haut; ainsy le sang de Nostre Seigneur distillant de son corps tres sacré en terre jusques à la derniere goutte, jettoit des parfums de tous costés.

  A009000741 

 N'est-ce pas une vraye marque que Nostre Seigneur estoit vrayement nostre Sauveur, puisqu'il promet si absolument la gloire qu'il ne differe point de la donner, ains dit aujourd'huy? O parolle de grande consolation pour les pecheurs penitens, car ce que sa Bonté a fait pour le bon larron elle le fera pour tous les autres enfans de la Croix qui sont les Chrestiens.

  A009000742 

 Et quoy, me direz-vous, qu'y a-t-il autre chose? Quoy, mes chers Sœurs? Il y a une certaine delicatesse spirituelle dont il devoit faire present à ses plus chers amis, delicatesse qui n'est autre qu'un moyen tres singulier pour conserver la grace acquise et pour parvenir au plus haut degré de gloire.

  A009000742 

 Regardant donques de ses yeux pleins de compassion sa tres benite Mere, qui estoit debout au pied de la croix avec son bien aymé disciple, il ne luy voulut pas donner la grace ou la demander pour elle, car elle la possedoit desja fort excellemment, ni moins luy promettre la gloire, car elle en estoit toute asseurée; mais il luy donna une certaine union de cœur et amour tendre pour le prochain, cet amour des uns pour les autres qui est un don des plus grans que sa bonté fasse aux hommes..

  A009000743 

 Nostre divin Maistre nous enseignoit par là que si nous voulons avoir part en son testament et aux merites de sa Mort et Passion, il faut que nous nous aymions tous les uns les autres de cet amour tendre et grandement cordial du fils envers la mere et de la mere envers le fils, qui est en quelque façon plus grand que non pas celuy des peres..

  A009000744 

 En quoy certes ont grand tort ceux qui pensent qu'elle fut tellement outrée de douleur qu'elle en demeura pasmée; car sans doute cela n'est point, ains elle demeura ferme et constante, bien que son affliction fust la plus grande que jamais femme aye ressenti pour la mort de son enfant, parce qu'il ne s'en est jamais trouvé qui ayt eu autant d'amour qu'elle en avoit pour Nostre [276] Seigneur, non seulement parce qu'il estoit son Dieu, mais aussi parce qu'il estoit son Fils tres cher et tres aymable..

  A009000745 

 Grande fut la constance de la tres sainte Vierge et du bien aymé Disciple; c'est pourquoy celuy cy fut favorisé du don que sa bonté luy fit de sa tres sainte Mere, Mere la plus aymable qu'il soit possible d'imaginer.

  A009000746 

 Car si bien tout ce qu'il a fait durant le cours de sa vie mortelle a esté pour nous sauver et en intention de satisfaire pour nous vers son Pere celeste, neanmoins ce qu'il opera en sa Mort et Passion est appellé l'œuvre de nostre Redemption par excellence, comme en estant l'abbregé..

  A009000746 

 Il nous faut passer outre, car je n'ay pas le temps de m'arrester beaucoup sur ce sujet, bien que je prendrais playsir de finir sur cette sainte delicatesse spirituelle, c'est à dire cet amour cordial et tendre que nostre cher Maistre desire tant que nous ayons les uns pour les autres.

  A009000747 

 Le doux Sauveur de nos ames [277] voulut qu'on le nommast Jesus de Nazareth pource que Nazareth est interpreté ville fleurie ou fleurissante; et luy mesme, au Cantique des Cantiques, avoit voulu estre appellé la fleur des champs et le lys des vallées.

  A009000747 

 Mais dites-moy, Nostre Seigneur n'estoit-il pas sur icelle une fleur plustost fletrie, fanée et passée que non pas fleurie? Regardez-le, de grace, comme il ose se nommer fleuri, puisqu'il est si transi, tout couvert et sali de crachats infects et puants, les yeux haves et ternis, sa face meurtrie de coups, pasle et decolorée à force de douleurs et d'avoir respandu son sang tres beni.

  A009000747 

 Mais il ne se monstra pas seulement digne du nom de Jesus, ains encores de celuy de Nazareen; et cecy est le deuxiesme point de nostre discours et la deuxiesme parolle de ce tiltre sacré que j'ay regardé et consideré sur l'autel de la Croix, dedié non au Dieu inconneu mais au Dieu mesconneu.

  A009000748 

 Elles seroyent trop longues à vous les rapporter toutes, c'est pourquoy je me contenteray d'en remarquer quatre tant seulement, lesquelles je ne feray que toucher en passant, les laissant par apres considerer le reste de cette journée à une chacune de vous autres, à fin que leurs odeurs tres aggreables puissent parfumer toutes vos ames et les embaumer d'un saint propos de les odorer souventesfois, ainsy que le Sauveur le desire pour vostre avancement en la perfection.

  A009000748 

 La premiere est la tres sainte humilité, laquelle comme la violette respand une odeur extremement suave en la mort de Nostre Seigneur; la seconde est la patience, la troisiesme, la perseverance, et la quatriesme est une vertu grandement excellente qui est la tres sainte indifference..

  A009000751 

 Mais que pensez-vous qu'il faisoit, ce doux Sauveur de nos ames, durant ce silence? Il rentroit en soy mesme et consideroit le mystere de son abjection; car l'humilité, qu'est-ce autre chose sinon un rentrement en nous mesme pour nous considerer plus meurement? Et que cela ne soit ainsy il nous le fait entendre par ce qu'il dit par apres: Mon Dieu, mon Dieu, pour quoy m'avez vous delaissé? Ayant consideré sa pauvreté, non tant [279] exterieure que beaucoup plus interieure, il eslança cette parole de parfaite humilité, faisant connoistre sa disette, son abjection et son delaissement.

  A009000752 

 O Dieu, quelle douceur du cœur de nostre Maistre qui nous aymoit si cherement; nous, dis-je, et ceux mesme qui estoyent en l'acte du peché le plus enorme que jamais homme puisse faire! car il n'y a point de plus grand peché que de haïr Dieu qui n'est en façon quelconque capable d'estre haï en soy mesme.

  A009000753 

 Cecy appartient desja à la seconde fleur que nous avons pris à considerer, qui est la patience.

  A009000754 

 Bref, il n'est pas en nostre pouvoir de descrire ni mesme imaginer quelles furent les souffrances de nostre Maistre en sa Passion..

  A009000755 

 Chose estrange! il n'ignoroit pas que c'estoit un breuvage qui augmenteroit ses peines, neanmoins il le prit tout simplement, sans rendre nul tesmoignage que cela luy faschoit ou qu'il ne l'eust pas trouvé bon, pour nous apprendre avec quelle sousmission nous devons prendre ce qui nous est ordonné quand nous sommes malades, voire quand nous serions en doute que cela pourroit accroistre nostre mal; et de mesme devons-nous faire des viandes qui nous sont presentées, sans rendre tant de tesmoignages que nous en sommes degoustés et ennuyés..

  A009000756 

 En fin c'est grande compassion de voir combien nous sommes peu observateurs de la patience de nostre Sauveur, lequel s'oublioit de ses souffrances et ne taschoit point de les faire remarquer [282] par les hommes, se contentant que son Pere celeste, par l'obeissance duquel il les enduroit, les considerast, et apaisast son courroux envers la nature humaine pour laquelle il patissoit..

  A009000756 

 Nostre mal, pour petit qu'il soit, est incomparable, et ceux que les autres souffrent ne sont rien en comparaison; nous sommes plus chagrins et impatiens qu'il ne se peut dire; nous ne trouvons rien qui aille comme il faut pour nous contenter.

  A009000757 

 Bienheureuse donques sera l'ame qui perseverera à bien vivre et à faire ce pour quoy elle a esté envoyée, comme Nostre Seigneur qui persevera jusques à la mort en la prattique de toutes les vertus, comme saint Paul escrit de l'obeissance: Il a esté obeissant jusques à la mort; c'est à sçavoir tout le temps de sa vie jusques à la mort.

  A009000757 

 C'est pourquoy il dit en fin tres veritablement: Tout est consommé.

  A009000757 

 Je passe outre et remarque la troisiesme vertu que Nostre Seigneur nous presente sur la croix, comme une fleur tres aggreable: c'est la tres sainte perseverance, vertu sans laquelle nous ne sçaurions estre dignes du fruit de sa Mort et Passion; car ce n'est pas tout de bien commencer si l'on ne persevere jusques à la fin, puisque c'est chose asseurée que l'estat auquel nous nous trouverons à la fin de nos jours, lors que Dieu coupera le fil de nostre vie, sera celuy où nous demeurerons pour toute eternité.

  A009000757 

 O l'admirable parolle que celle cy: Tout est consommé! c'est à sçavoir: Il ne reste plus rien à faire de ce qui m'a esté commandé.

  A009000757 

 Que les Religieux et Religieuses seroyent heureux si à la fin de leur vie ils pouvoyent dire bien veritablement avec le Sauveur: Tout est consommé; j'ay fait tout ce qui m'estoit commandé soit par les Regles, soit par les Constitutions ou par les ordonnances des Superieurs; j'ay persevere fidellement en tous mes exercices, il ne me reste plus rien à faire..

  A009000758 

 Il est vray, vouloit-il dire, que tout est consommé et que j'ay tout accompli ce que vous m'aviez commandé; mais pourtant, si telle est vostre volonté que je demeure encor davantage sur cette croix pour souffrir plus long temps, j'en suis content; je remets mon esprit entre vos mains, vous en pouvez faire tout ainsy qu'il vous plaira.

  A009000758 

 Mais plus excellente que toute autre est la quatriesme vertu, car elle est la cresme de la charité, l'odeur de l'humilité, le merite, ce semble, de la patience et le fruit de la perseverance; grande est cette vertu, et seule digne d'estre prattiquée des plus chers enfans de Dieu: c'est la tres aymable indifference.

  A009000760 

 Nostre cher Sauveur expose son ame, c'est à dire sa vie, à la cruauté des ennemis des hommes, pour les defendre de tous malheurs et leur redonner la paix qu'ils avoyent pour jamais perdue par le peché.

  A009000761 

 Mais quelles sont-elles ces lois de nostre Roy? O quelles elles sont, mes cheres Sœurs? C'est tout ce que je viens de dire, qu'il a observé le premier pour nous donner exemple: la tres sainte humilité, la generosité, la patience, la constance et invariable perseverance, et en fin la tres aymable et excellente vertu d'indifference.

  A009000761 

 Or, puisqu'il est nostre Roy, il faut sousmettre tout ce que nous avons à son service.

  A009000767 

 Paix vous soit, c'est moy, ne craignez.

  A009000771 

 Comme s'il eust voulu dire: Qu'y a-t-il que vous estes si craintifs et affligés? Si c'est le doute que ce que je vous ay promis de ma resurrection n'arrive point, pax vobis, demeurez en paix, la paix soit faite en vous, car je suis ressuscité.

  A009000771 

 La premiere est celle du saint Evangile et de l'Eglise; car l'Evangile et l'Eglise ne sont que paix, que douceur, que tranquillité.

  A009000771 

 La seconde paix est celle que les saints Peres ont distinguée en trois parties: la paix avec Dieu, [286] la paix les uns avec les autres et la paix avec nous mesme.

  A009000771 

 La troisiesme est celle que nous possederons en la vie eternelle.

  A009000772 

 Grand certes est le chastiment que Dieu tire de nous lors qu'il nous laisse entre les mains de nos ennemis, qu'il retire son divin secours et ne nous tient plus en sa tres sainte protection.

  A009000772 

 Quand il nous laisse à l'abandon c'est un tres grand signe et indice certain de nostre perte, car indubitablement les Madianites, qui sont nos ennemis spirituels, auront prise sur nous et nous demeurerons vaincus..

  A009000773 

 Gedeon demeura bien estonné de ces parolles et respondit: Hé, comment est-il possible que ce que vous dites soit vray? Vous m'asseurez que le Seigneur est avec moy; si cela estoit, comme seroit-il possible que je fusse saisi et environné de tant d'afflictions? Le Seigneur est le Dieu de paix, et je ne suis qu'en [287] guerre et en trouble.

  A009000773 

 Grand cas de la tromperie du monde et des hommes qui croyent que là où est Nostre Seigneur l'affliction et la peine n'y peut estre, ains que la consolation y abonde tousjours.

  A009000773 

 L'Ange l'ayant rencontré dans un lieu où il battoit du blé, le salua en cette sorte: Le Seigneur est avec toy, homme fort entre tous les hommes.

  A009000773 

 Or cela n'est pas; au contraire, en l'affliction et en la tribulation Dieu se tient plus pres de nous, d'autant que nous avons plus besoin de sa protection et de son secours..

  A009000773 

 Or, la bonté de Dieu qui est si grande envers les hommes, ayant abandonné les Israelites par l'espace d'environ sept ans, se resolut d'avoir pitié d'eux et envoya un Ange annoncer à Gedeon qu'il vouloit les restablir en leur premiere paix, et par son moyen.

  A009000774 

 Despuis il esleva un autel au lieu où il luy avoit parlé, lequel il nomma Domini pax, c'est à dire la paix du Seigneur, [288] parce que la paix luy avoit esté annoncée de la part de Dieu en ce lieu là..

  A009000774 

 Le Seigneur est avec toy, dit l'Ange, nonobstant que tu sois affligé.

  A009000774 

 Mais, reprend Gedeon, helas, comment m'osez-vous appeller fort, puisque je suis si foible? C'est le propre de l'ennemy de nous faire trouver foibles, en sorte qu'il nous semble n'avoir aucune force.

  A009000774 

 Vous me dites, poursuit-il, que je prenne les armes et que je demeureray victorieux; hé, ne sçavez-vous pas que je suis le moindre de tous les hommes? C'est tout un, respond l'Ange, Dieu veut que ce soit toy qui delivres les Israelites de l'affliction en laquelle ils sont.

  A009000775 

 En cette mort il fut fait peché pour nous, ainsy que dit saint Paul; c'est à sçavoir, luy qui estoit impeccable fut rendu comme un pecheur devant la face de Dieu son Pere, ayant par sa bonté non ouye pris sur luy toutes nos iniquités à fin de satisfaire pour nous à la justice divine..

  A009000776 

 C'est ainsy qu'il fut offert comme un chevreau rosti.

  A009000777 

 Et tout ainsy que par ce signe Gedeon demeura confirmé en l'esperance de l'evenement de la paix et de la victoire qu'il devoit remporter sur les Madianites, comme l'Ange le luy avoit predit, de mesme le sacrifice de la Croix [289] estant consommé et Nostre Seigneur ayant dit: Mon Pere, je remets mon esprit entre vos mains, les hommes furent soudain confirmés en l'esperance que les Prophetes leur avoyent donnée par tant de siecles, que la paix seroit un jour faite en eux, et que l'ire de Dieu estant accoisée par le moyen de ce sacrifice, qui est un sacrifice de pacification, ils seroyent rendus victorieux et triomphans de leurs ennemis..

  A009000778 

 C'est ce que nostre divin Maistre vouloit signifier à ses Apostres par ces paroles: La paix soit avec vous, voyci mes pieds et mes mains, leur monstrant un signe certain que la paix leur estoit asseurée par le moyen de ses playes.

  A009000778 

 Desormais ne soyez plus couards ni peureux, car la guerre est finie.

  A009000778 

 N'ayez point peur, car j'ay fait la paix entre mon Pere celeste et les hommes, et c'est en ce sacrifice que j'ay offert à la divine Bonté sur l'arbre de la croix que s'est accomplie cette sainte reconciliation.

  A009000779 

 Tout ce que je donne à mes plus chers, c'est la paix; c'est pourquoy, Pax vobis, et à tous ceux qui croiront en moy..

  A009000779 

 Vous sçavez que ma grandeur ne consiste point en la possession des biens de la terre, puisque je n'en ay point eu tout le temps de ma vie; mais pour toutes richesses j'ay la paix, qui est le legat eternel que je vous ay fait en me departant d'avec vous et lequel je vous reconfirme encores.

  A009000781 

 En somme, le saint Evangile ne traitte presque par tout que de la paix; et comme il commence par la [291] paix, de mesme il finit par la paix pour nous enseigner que c'est l'heritage que le Seigneur Dieu nostre Maistre a laissé à ses enfans qui sont en la sujetion de la tres sainte Eglise, nostre bonne Mere et son Espouse tres chere..

  A009000781 

 Le monde, semble-t-il dire, ne donne point ce qu'il promet, car il est un trompeur; il amadoue les hommes, leur promettant beaucoup, et puis en fin ne leur donne rien, se moquant ainsy d'eux apres qu'il les a trompés.

  A009000781 

 Le saint Evangile, comme la sainte Eglise, n'est que paix.

  A009000782 

 C'est à cette fin que nostre divin Maistre institua le tres saint et tres auguste Sacrement de l'Eucharistie, à fin que comme nostre paix avoit esté faite avec son Pere celeste par le sacrifice qu'il luy offrit luy mesme sur la croix, il fust semblablement apaisé par ce divin sacrifice autant de fois qu'il seroit offert à sa justice irritée.

  A009000782 

 Cependant, comme cette paix est un peu bien generale, il nous faut traitter de la seconde, qui est celle qui nous pacifie avec Dieu, avec le prochain et avec nous mesme.

  A009000782 

 Quant au premier point, nous avons desja dit que c'est par le moyen de la Mort et Passion de Nostre Seigneur que nous avons esté reconciliés avec Dieu.

  A009000783 

 La guerre n'est entre les Chrestiens sinon entant qu'ils ne sont pas en la grace de Dieu; car, s'ils y demeurent, le diable, le monde et la chair n'ont nul pouvoir sur eux.

  A009000783 

 La paix n'appartient qu'aux enfans de l'Eglise, il est vray; car tous les autres n'ont point les moyens de reconciliation que nostre Sauveur nous a donnés pour nous remettre en la bonne grace de Dieu son Pere autant de fois que nous la perdons, bien que veritablement nous la perdions par nostre faute.

  A009000783 

 Nostre Seigneur disoit donc bien justement: Je vous donne ma paix, puisqu'il se donnoit luy mesme qui est la vraye paix.

  A009000785 

 Il en est resté voirement quelques uns, mais ne craignez point, car ils n'auront aucun pouvoir sur vous, ains vous aurez pleine authorité sur eux; partant, demeurez en paix..

  A009000785 

 Nostre Seigneur et Maistre, qui est appellé le Prince de paix, revenant de la guerre où il avoit veritablement receu quantité de playes, mais playes non point dignes de mespris ains d'honneur incomparable, et desquelles il fait trophée et merite une eternelle louange, il s'addresse à ses Apostres comme à son peuple bien aymé et les leur monstre: Pax vobis, voyla mes playes.

  A009000786 

 Le defaut d'icelle est la source de tous les malheurs, afflictions et miseres que l'on voit en ce monde parmi les hommes.

  A009000786 

 Le second point de cette paix est de l'avoir les uns avec les autres.

  A009000786 

 Qu'est-ce qui ruine la paix, sinon les proces, les ambitions, les desirs des honneurs, des dignités, des preeminences? Si la paix estoit entre les hommes l'on ne verroit point de telles miseres.

  A009000787 

 Il n'y a rien qui ne puisse estre rangé et gouverné par l'homme que le seul homme; car si bien le pouvoir que Dieu avoit donné à Adam au paradis terrestre sur tous les animaux a receu quelque deschet par le peché, si est-ce pourtant que l'homme peut dompter les bestes les plus farouches, par l'entremise de la rayson dont Dieu l'a doué, ainsy que l'experience s'en fait tous les jours.

  A009000788 

 C'est ce qu'il a le plus inculqué à ses Apostres; si que le glorieux saint Paul dit ne vouloir sçavoir ni prescher autre chose que Jesus Christ crucifié, qui nous a pacifiés et donné cette paix par laquelle nous luy soyons rendus semblables en toutes choses, à luy, dis-je, qui est le Prince de paix, et qui a fait la paix tant en la terre qu'au Ciel.

  A009000788 

 Le Sauveur visite ses Apostres, mais c'est quand ils sont tous assemblés, qu'ils sont tous en paix, qu'ils vivent en une sainte union.

  A009000789 

 L'esprit n'a pour toutes ses forces que trois soldats qui combattent pour luy, et lesquels encores font à tous propos des faux bonds et des cheutes en la fidelité qu'ils doivent à leur capitaine, se rangeant du costé de la chair pour combattre pour elle contre l'esprit mesme qui est leur maistre..

  A009000789 

 La troisiesme condition de cette paix est que nous l'ayons avec nous mesme ou en nous mesme; ce que pour mieux entendre il faut sçavoir ce que nous asseure tres bien le grand Apostre, que nous avons deux parties en nous lesquelles se font une perpetuelle guerre: l'esprit et la chair.

  A009000790 

 De mesme, l'esprit qui est le donjon de l'ame, demeurant retiré en soy mesme, ne craint rien, pourveu qu'il soit accompagné de ses trois soldats, l'entendement, [295] la memoire et la volonté.

  A009000791 

 Lors que l'entendement se tient ferme en la croyance des choses que la foy nous enseigne ou que Nostre Seigneur nous a apprises, il a une force incomparable au dessus de celle de la chair, laquelle n'est que foiblesse au prix de celle là.

  A009000791 

 Mais quand il vient à escouter les raysons et les harangues que la chair luy represente pour le destourner de cette attention aux divines verités, incontinent tout est perdu; l'experience s'en fait tous les jours..

  A009000791 

 Mais si elle manque, et que cette intelligence entre l'esprit et l'entendement, la memoire et la volonté vienne à defaillir, tout est perdu; indubitablement l'homme perira.

  A009000792 

 En somme, tout ce que la chair desire est absolument contraire à l'esprit qui, estant esclairé de la lumiere celeste, ne peut s'empescher de voir que ces raysons inspirées par la chair sont bestiales et impertinentes, et qu'il ne les sçauroit approuver.

  A009000793 

 La perte des Anges et des hommes est venue de là.

  A009000793 

 Saint Michel ayant entrepris de resister à leur temerité: Miserables, dit-il, qui est comme Dieu? et au son de cette parolle ils furent precipités et malheureux pour jamais.

  A009000794 

 Et cependant c'est tout au contraire, car c'est à fin que tout aille mal.

  A009000795 

 Servez-vous de la prudence, car elle est bonne, mais servez-vous-en comme d'un cheval: montez dessus, et la tournez à toutes mains, donnez-luy cent coups d'esperons, jusques à tant que vous l'ayez rangée et domptée pour la rendre sousmise à la simplicité de Nostre Seigneur.

  A009000796 

 Donques le premier sujet qui cause en nous la guerre et qui en chasse la paix n'est autre chose que le manquement de [298] foy et d'asseurance ès parolles de Nostre Seigneur, et la facilité avec laquelle nous escoutons la multitude des raysons de la prudence humaine..

  A009000796 

 Oh! patience, le jour n'est pas passé; ce n'est que le matin, et vous doutez.

  A009000797 

 Je sçay bien que l'esperance est en la volonté, mais je veux dire ainsy pour maintenant.

  A009000797 

 La memoire est le siege de l'esperance et de la crainte.

  A009000797 

 Le second soldat de nostre esprit est la memoire, la fidelité duquel venant à faillir le trouble se fait grand en l'ame.

  A009000798 

 C'est grand pitié du desgat que ce manquement de paix fait en l'ame; au lieu que nous jouirions d'un grand repos si la memoire demeuroit ferme au souvenir des promesses divines qui nous asseurent non seulement de la fidelité de Dieu, mais encor de son soin tendre et amoureux pour tous ceux qui se confient en luy et ont logé en sa bonté toutes leurs esperances.

  A009000799 

 Bref, nostre volonté est si pleine de pretentions et de desseins que bien souvent elle ne fait rien que s'amuser à les regarder l'un apres l'autre, ou bien tous à la fois, au lieu de s'occuper à en faire reussir quelques uns des plus profitables..

  A009000799 

 La chair a des ruses nompareilles pour vaincre l'esprit et l'attirer à ses bestiales inclinations; mais le principal ennemy de la volonté et ce qui la fait estre si lasche que de quitter l'esprit qui est comme son tres cher espoux, c'est la multitude des desirs que nous avons de cecy et de cela.

  A009000799 

 Le troisiesme soldat de nostre esprit et le plus fort de [299] tous c'est la volonté, car nul ne peut surmonter la liberté de la volonté de l'homme; Dieu mesme qui l'a creé ne veut en façon quelconque la forcer ni violenter.

  A009000799 

 Neanmoins elle est si lasche que bien souvent elle se laisse gaigner aux persuasions de la chair, se rendant à ses efforts, bien qu'elle sçache que la chair est le plus dangereux ennemy de l'homme; c'est cette felone Dalila qui tue meschamment le pauvre Samson qui l'aymoit si cherement.

  A009000800 

 C'est trop, car il n'en faut qu'un; Nostre Seigneur le dit luy mesme: Marie a choisi cet un necessaire.

  A009000800 

 De mesme, pourriez-vous bien dire, en aymant Dieu je rencontre plusieurs autres choses, comme les livres, les vertus, [300] l'oraison, le prochain que j'ayme voirement bien; cependant mon dessein principal estant de n'aymer que Dieu, fait que j'ayme toutes ces choses et que je m'en sers, mais ce n'est qu'en passant, pour m'exciter à l'aymer davantage, et tousjours plus parfaitement, car tel est mon vouloir et je n'en veux jamais point d'autre..

  A009000800 

 Et quel est-il cet un? C'est Dieu qu'il faut vouloir, mes cheres Sœurs, et rien autre; car qui ne se contente pas de Dieu merite de n'avoir rien.

  A009000800 

 Je vois, respondrez-vous, cette muraille qui est blanche.

  A009000800 

 Mais ne voyez-vous point l'air qui est entre elle et vous? Non, me direz-vous, parce que je ne regarde que cette muraille; et bien que ma veiie passe et traverse parmi l'air qui est d'icy là, neanmoins je ne le vois pas, d'autant que je n'y arreste pas ma veüe.

  A009000800 

 Mais, me repliquerez-vous, ne faut-il pas vouloir aymer le prochain? Puisque vous dites qu'il ne faut aymer que Dieu et ne vouloir que luy seul, pourquoy donques tant de livres spirituels, tant de predications et tous les autres exercices de devotion? Un exemple vous fera entendre cecy: vous regardez cette muraille qui est blanche, et je vous demande ce que vous voyez.

  A009000802 

 Mais, mon Dieu, quelle paix est celle cy, et qu'elle est differente de celle que le monde donne! Les mondains se vantent aucunesfois d'avoir la paix, mais c'est une paix fausse, laquelle est en fin suivie d'une tres grande guerre.

  A009000802 

 O pauvres gens, dequoy vous troublez-vous? n'avez-vous pas avec vous le Sauveur qui est la vraye paix? Alors Jesus leur dit: Que craignez-vous, gens de petite foy? n'ayez point peur.

  A009000803 

 L'autre barque dont je vous parle et qui represente la paix des enfans du monde, est celle où estoit Jonas.

  A009000804 

 Mais beaucoup plus vraye et plus grande est celle que possedent [302] ceux qui ne vivent pas seulement selon les commandemens, ains en l'observance des conseils et selon la regle de la vertu, car la vraye paix se trouve en la parfaite mortification.

  A009000805 

 La chair fait sa demeure dans nostre sein, c'est pourquoy elle nous inquieté quelquefois le cœur.

  A009000805 

 Nous pouvons bien affoiblir la chair, nostre principal ennemy, qui nous poursuit de si pres que jamais il ne nous abandonne; mais pourtant nous ne le pouvons abattre ni terrasser tout à fait, parce que c'est l'un de ces goujats et coquins que Dieu a laissés en vie pour nous exercer, bien qu'ils ne nous puissent nuire.

  A009000806 

 (C'est un livre qui n'a pas encor esté traduit en françois.) Je finiray par cet exemple.

  A009000808 

 Ce n'est pas tout, repartit le bon Pere, il faut entreprendre encores un autre exercice pour autres trois ans si vous voulez estre parfait.

  A009000808 

 O Dieu, dit le pauvre garçon, quoy, n'est-il pas encores fait? faut-il encores recommencer? est-il requis de faire si souvent des noviciats? trois ans ne suffiront-ils pas? Helas, je pensois estre parfait en le voulant, et cependant il y a encores tant à faire! Apres qu'il eut bien fait ses plaintes, le bon maistre ne s'en estonnant pas beaucoup, commença à l'encourager disant que puisqu'il avoit desja tant fait il failloit poursuivre, que la perfection estoit un si grand bien qu'il ne failloit pas regretter la peine ni le temps que l'on employe à l'acquerir..

  A009000808 

 Vous avez bien et fidellement fait ce que je vous ay commandé ces trois années, il est vray, mais il ne faut pas s'arrester là.

  A009000812 

 C'est la vraye paix, mes cheres ames, que je vous desire, qui se conserve, ains qui s'accroist emmi la guerre et les tourbillons des vents des persecutions, [306] humiliations, mortifications et contradictions que nous rencontrons en cette vie mortelle, afflictions et peines qui seront en fin suivies des consolations et repos eternel, pourveu que nous les ayons souffertes avec paix interieure à l'imitation de ce bon Religieux.

  A009000812 

 Or, telle paix ne s'acquiert en cette vie que par l'union de l'entendement, de la memoire et de la volonté avec l'esprit, ainsy que nous avons monstré tantost; de plus, elle ne se peut trouver hors de la sainte Eglise, ainsy que l'experience nous l'enseigne tous les jours, et en fin finale elle ne se rencontrera jamais qu'en l'obeissance du saint Evangile lequel n'est que paix.

  A009000819 

 En la primitive Eglise on celebroit la feste d'aujourd'huy fort solemnellement, parce que c'estoit la feste des nouveaux convertis et catechisés; c'est pourquoy on l'appelle le Dimanche blanc, d'autant que les nouveaux baptizés se revestoyent à tel jour de robes toutes blanches.

  A009000819 

 Les Chrestiens ne doivent pas solemniser le jour de leur naissance, ains celuy de leur renaissance, qui est celuy de leur Baptesme; c'est pour cette cause que le grand saint Louys roy de France ne vouloit pas estre appellé Louys de France, mais Louys de Poissy, parce que c'estoit le lieu où il avoit esté baptizé et celuy de sa naissance spirituelle..

  A009000820 

 La grace que nous recevons au jour de nostre Baptesme est certes grande, car nous sommes rendus enfans de Dieu.

  A009000820 

 Mais grande est aussi la grace que Dieu nous fait au jour où il nous reçoit pour estre entierement dediés [308] à son service, car c'est une nouvelle renaissance spirituelle en laquelle, comme la pluspart des Peres tiennent, nous sommes remis en l'innocence premiere; c'est à dire, qu'au mesme instant où ceux qui se dedient tout à fait au service de Nostre Seigneur font cette offrande d'eux mesmes, ils sont rendus purs comme des enfans qui viennent d'estre baptizés..

  A009000821 

 Ce n'est donques pas sans juste rayson que l'on a accoustumé de faire des grandes solemnités en la reception ou Profession des Religieux et Religieuses, puisque ce n'est pas seulement le jour où ils sont sevrés et retirés de la mammelle, de la jouissance des consolations terrestres et perissables, à fin d'estre sustentés de viandes plus solides et qui les nourrissent à l'immortalité, le bon Pere celeste les fortifiant petit à petit par l'exercice des vertus appartenantes aux plus forts, telles qu'elles se trouvent en Religion.

  A009000821 

 Ce n'est pas non plus seulement pour ce que c'est le jour de leur naissance spirituelle auquel ils reçoivent la grace divine et renouvellent les promesses qu'ils ont faittes, ou que l'on a fait pour eux en leur Baptesme, de vivre selon les commandemens de Dieu; mais ils solemnisent beaucoup plus parfaittement et se resjouissent davantage en cette journée, d'autant que c'est celle de leur renaissance.

  A009000822 

 Cependant, la Religion est un continuel exercice de mortification, de renoncement et despouillement de soy mesme; il faut crucifier la chair avec toutes ses sensualités, la propre volonté avec tous ses desirs, renoncer au monde et à toutes les [309] choses terrestres pour n'aspirer plus qu'apres les biens eternels et n'avoir plus autre desir que de plaire à Dieu, plus de volonté que la sienne et celle des Superieurs qui ont la charge des Religieux..

  A009000823 

 Il me semble que j'ay entendu vos cœurs, mes tres cheres Filles, dire telles ou semblables paroles à Nostre Seigneur, que vous venez maintenant choisir pour vostre Espoux et «l'unique objet de vostre dilection:» Il est vray, mon Seigneur et mon Dieu, qu'en la Religion on ne presche que la mortification tres entiere de nous mesme à fin d'obeir à cette semonce sacrée que vous avez faite: Quiconque veut estre parfait il est requis et necessaire qu'il renonce à soy mesme, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive.

  A009000824 

 C'est une chose des plus necessaires pour nostre salvation que de faire de saintes conversations en cette vie, car, à dire vray, nous sommes quasi pour l'ordinaire tels que ceux que nous aymons et pratiquons..

  A009000824 

 O qu'il est bon, dit le saint Prophete, que les freres habitent par ensemble! Ouy certes, d'autant qu'ils s'entreporteront les uns les autres au bien.

  A009000824 

 Oh! qu'à bon droit et joyeusement pourrez-vous chanter desormais, mes cheres Filles: Non fecit taliter; le Seigneur n'a pas usé d'une telle misericorde à l'endroit d'un chacun, l'appellant à la suite de ses parfums et au renoncement de toutes choses pour son amour; grace bien grande à la verité, puisqu'elle est un moyen tres efficace [310] et tres excellent pour nous sauver.

  A009000825 

 C'est grand cas des personnes libertines et qui ne veulent point avoir d'autres lois que celles que la propre volonté leur dicte.

  A009000826 

 Plusieurs racines de ce peché ont esté remarquées; mais je me contenteray d'en dire trois, dont la premiere est le chagrin, la seconde l'orgueil et la vanité, et la troisiesme le desespoir.

  A009000827 

 Il est bien aysé à dire, vous respondra-t-elle, qu'il se faut et que l'on peut se divertir, mais nenny, c'est une chose impossible.

  A009000827 

 Le chagrin offusque et trouble le jugement, de sorte que tandis qu'il est en l'ame elle est en extreme danger de commettre de grans defauts, parce qu'il fait que l'on rejette tout en ce temps là, et la correction et l'instruction, bref, tout ce qui est contraire à son opinion erronée..

  A009000827 

 Nostre Dame, sans doute, touchée de la perte de cet Apostre, l'en asseuroit aussi: O Thomas, mon cher fils, il est vray, vostre Maistre est ressuscité; j'ay eu la grace de le bayser et de l'embrasser.

  A009000827 

 Quant au premier point, c'est une chose toute claire que le chagrin produit l'incredulité, car la preuve s'en fait tous les jours.

  A009000827 

 Saint Pierre auquel il devoit tant de creance luy disoit: Il est vray, Thomas, je l'ay veu, il m'a fait l'honneur de m'apparoistre encores en mon particulier.

  A009000828 

 C'est le propre de l'orgueil d'entraisner nos ames à mille sortes de maux, mais principalement à celuy de nous faire [312] tellement attacher à nostre propre jugement, que nous soyons opiniastres à ne le point sousmettre à celuy d'autruy, pour authorité qu'il puisse avoir sur nous.

  A009000828 

 Cette vanité de faire estime de son propre jugement produit l'incredulité et la mesestime des jugemens des autres, et fait que l'on raysonne en cette sorte: Pourquoy m'assujettiray-je à croire que ce que l'on me dit est vray? Ne l'aurois-je pas aussi bien compris ou sceu comme les autres? O que les ames qui faisans estime d'elles mesmes se laissent ainsy gouverner par leur propre jugement sont en grand danger! Nous le voyons en l'exemple du pauvre saint Thomas qui faillit se perdre..

  A009000830 

 C'est une chose toute ordinaire entre les jeunes apprentifs de la perfection d'estre attaqués de cette sorte de tentation; car dès qu'ils rencontrent de la difficulté en leur chemin, voyla quant et quant le chagrin qui les pousse à faire tant de plaintes qu'il semble qu'il y ayt grand pitié en eux.

  A009000830 

 L'orgueil ou la vanité ne leur peut permettre un petit defaut que tout incontinent ils n'entrent en de grans troubles qui les portent par apres au desespoir: O Dieu, il ne faut plus rien attendre de moy, je ne feray jamais rien qui vaille! C'est bien dit; hé, pensiez-vous estre si brave que de ne point faillir? En toutes sortes d'arts il faut estre apprentif, premier que d'estre maistre..

  A009000831 

 Je suis Celuy qui est, partant ne sois plus incredule, mais fidelle.

  A009000832 

 C'est donc pour la conserver ou acquerir que ces ames viennent maintenant se dedier au service de la divine Majesté, resolues qu'elles sont de luy consacrer si entierement leurs cœurs, leurs corps et de plus leurs volontés, qu'elles ne s'en puissent jamais plus servir que pour suivre en toutes choses la volonté de Dieu qui leur sera signifiée par la direction des Regles et Constitutions de la Religion, direction qui les conduira à l'entiere mortification d'elles mesmes, «pour le service de la dilection» de leur celeste Espoux.

  A009000847 

 Nous celebrons aujourd'huy la feste des presens et du don des dons qui est le Saint Esprit, lequel fut envoyé du Pere et du Fils sur les Apostres, sous la forme et figure de langues de feu.

  A009000848 

 Bien qu'en l'ancienne Loy il octroyast de tres grans presens à son peuple, toutefois ce n'estoit que par mesure; mais en la nouvelle, dès qu'il revit son cher Benjamin, c'est à dire, dès que Nostre Seigneur fut entré en sa gloire, il ouvrit sa main pour respandre ses dons et ses faveurs sur tous les fidelles, ainsy qu'il estoit escrit qu'il deverseroit son Esprit sur toute chair, à sçavoir sur tous les hommes, et non point seulement sur les Apostres..

  A009000849 

 Ne sçavez-vous pas qu'il est dit que le Sauveur receut des graces infinies et que les dons du Saint Esprit reposerent sur son chef? Et pourquoy cela, puisque estant la grace mesme il n'en avoit ni pouvoit avoir nulle sorte de necessité? Ce ne fut donques sinon pour nous faire entendre que toutes les graces et benedictions celestes nous devoyent estre distribuées par luy, les laissant couler sur nous qui sommes membres de l'Eglise de laquelle il est le Chef.

  A009000850 

 Mais le present qu'il fait en ce jour à son Eglise doit estre tenu pour le plus excellent, d'autant que c'est le Pere et le Fils qui l'envoyent..

  A009000851 

 Les presens sont estimés grans selon l'amour avec lequel ils sont faits; or, celuy ci n'est pas seulement fait avec un grand amour, ains c'est l'amour mesme qui est donné, car chacun doit sçavoir que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils.

  A009000852 

 Le Saint Esprit fut [317] fort convenablement envoyé sous la forme et figure de langues et de langues de feu parce que c'est en la langue que l'Eglise a toute sa force.

  A009000852 

 Nous pouvons considerer la grandeur du don du Saint Esprit avec tous ses effects, entant qu'il est envoyé par le Pere eternel et par Nostre Seigneur à son Eglise, ou bien entant qu'il est envoyé à un chacun de nous en particulier.

  A009000852 

 Qui ne sçait qu'elle opere tous ses mysteres par la langue? La predication se fait par la langue; dans le saint Baptesme, sans lequel nul ne peut estre sauvé, il est necessaire que la langue intervienne pour donner à l'eau la force de laver nos pechés et iniquités; de mesme le tres saint Sacrifice de la Messe ne se peut celebrer que par le ministere de la langue..

  A009000853 

 Mais considerons, je vous prie, ce don si pretieux entant qu'il est fait à un chacun de nous en particulier.

  A009000854 

 Et comme nous voyons qu'une fiole est remplie de quelque eau sans qu'elle en aye aucune necessité, puisqu'elle est si dure que mesme elle n'en est pas penetrée, ainsy nostre beni Sauveur fut rempli de la crainte du Seigneur, non point pour luy, car il ne s'en pouvoit servir, ains seulement pour la respandre sur ses freres..

  A009000854 

 Le don de crainte est le plus universel, car nous voyons que les meschans mesme ont de la crainte et frayeur entendans parler de la mort, du jugement et des peines eternelles.

  A009000854 

 Remarquons, je vous prie, qu'il est dit que les dons du Saint Esprit, de sapience et les autres, reposerent sur le chef de nostre divin Sauveur, et puis ensuite qu'il fut rempli de la crainte du Seigneur.

  A009000855 

 Il ne faut pas non plus se tenir dans la crainte, ni moins la tenir dans nos cœurs, car c'est la place de l'amour, ains seulement la laisser à la porte de nostre cœur, à fin qu'elle soit preste pour secourir l'amour, ainsy que j'ay dit.

  A009000855 

 Passons au don de pieté qui est le second..

  A009000856 

 La pieté n'est autre chose qu'une crainte filiale, qui ne nous fait plus regarder Dieu comme nostre Juge, ains comme nostre Pere, auquel nous redoutons de desplaire et desirons d'aggreer..

  A009000857 

 Mais il ne nous serviroit de gueres d'avoir le desir de plaire à Dieu et la crainte de luy desplaire si le Saint Esprit ne nous octroyoit le troisiesme don, qui est celuy de science, par lequel nous apprenons que c'est que vertu et que c'est que vice, ce qui est aggreable à Dieu et ce qui luy est desaggreable.

  A009000857 

 Par le don de science, le Saint Esprit nous ayde à reconnoistre les vertus dont la prattique nous est necessaire et les vices qu'il faut eviter..

  A009000858 

 Ce n'est pas à faire comme Alexandre le Grand, lequel conquit tout le monde à force d'armes.

  A009000858 

 Il avoit encor moins le courage dont on le loue tant; la preuve est qu'il n'avoit pas le pouvoir sur soy mesme de se surmonter à ne pas boire un verre de vin, car il estoit un ivrogne.

  A009000858 

 Il est aussi tres necessaire que le Saint Esprit nous baille le quatriesme don qui est celuy de la force, car autrement les precedens ne nous serviroyent de rien, puisqu'il ne suffit pas d'avoir la volonté d'eviter le mal et celle de faire le bien, encores moins de connoistre l'un et l'autre, si nous ne mettons la main à l'œuvre.

  A009000859 

 C'est en quoy consiste le don de force et la grandeur de courage: à se surmonter soy mesme pour s'assujettir à Dieu, mortifiant et retranchant de nos esprits toutes leurs superfluités et imperfections pour petites qu'elles soyent, sans aucune reserve; et de plus, ce don nous fait entreprendre de parvenir à la plus haute perfection, sans craindre la difficulté qu'il y a pour l'acquerir..

  A009000861 

 Vous voyez donques bien clairement les effects du don d'entendement, lequel, outre ce que nous avons dit, nous fait comprendre la verité des mysteres de nostre foy et combien il nous est necessaire de regarder à la vraye essence des vertus et non pas à l'apparence exterieure seulement, combien aussi il nous est utile de suivre les verités conneues, soit par le don de conseil ou par celuy d'entendement..

  A009000862 

 Or, le Saint Esprit n'a pas accoustumé de laisser l'ame à laquelle il a bien voulu octroyer ces six dons que nous venons d'expliquer, sans y adjouster celuy de sapience, c'est à dire de la «savoureuse science,» luy donnant un goust, une saveur, une estime, bref un [321] contentement en la prattique des maximes de la perfection chrestienne qu'elle a reconneues par le don d'entendement.

  A009000863 

 Mais il faut que nous sçachions qu'il y a un parler qui se fait sans dire mot; c'est le bon exemple.

  A009000863 

 Or, ils parloyent selon que le Saint Esprit leur donnoit, c'est à dire, ceux qui ne preschoyent publiquement s'entrencourageoyent les uns les autres à louer Dieu.

  A009000863 

 Qui ne sçait que lors que nous regardons le ciel en une nuit bien sereine, nous sommes excités à admirer et adorer la toute puissance et sapience de Celuy qui l'a parsemé de tant de belles estoiles? Il en est de mesme lors que nous voyons un beau jour esclairé de la lumiere du soleil, voire quand le mesme Seigneur nous envoye la pluye, puisqu'elle sert à produire les plantes..

  A009000864 

 Le bon exemple est une predication muette, et si bien nous n'avons receu le don des langues pour prescher, nous pouvons neanmoins le faire tousjours en cette sorte.

  A009000864 

 N'est-ce pas une plus grande merveille de voir une ame decorée de plusieurs grandes vertus que non pas le ciel decoré d'estoiles? Les jours se donnent charge l'un à l'autre d'annoncer la gloire de Dieu; et qui ne sçait que les Saints en ont fait de mesme, se resignant leurs vertus les uns aux autres? A saint Anthoine succeda saint Hilarion, à saint Hilarion d'autres Saints, et ils iront ainsy tousjours perseverant..

  A009000864 

 Que veux-je dire par tout cecy, sinon que nous, qui [322] sommes plus que les cieux et que tout ce qui est creé, puisque le tout a esté fait pour nous et non point nous pour eux, sommes beaucoup plus capables d'annoncer la gloire de Dieu que non pas les cieux ou les astres.

  A009000869 

 Ayant donques à m'entretenir avec vous, quel meilleur sujet pourrois-je prendre que ces paroles du Psalmiste: Dirupisti, et ce qui suit? Mais pour rendre mon discours plus familier, je le diviseray en trois points: au premier nous verrons quels sont les liens desquels saint Augustin estoit lié; au second, quel sacrifice de louange il a offert à Nostre Seigneur; et au troisiesme, quel est ce calice du salutaire..

  A009000870 

 Je me contenteray seulement de vous dire ce qui est à mon propos.

  A009000870 

 Quant au premier, c'est chose merveilleuse comme ce [324] grand saint Augustin parle de luy mesme au divin livre de ses Confessions, et comme il raconte d'un style admirable les liens desquels il estoit enchaisné.

  A009000873 

 Ceux de fer, comme dit nostre grand Pere saint Augustin, ne sont autres que la crainte des jugemens, de la mort et de l'enfer; ces menaces que nous lisons dans l'Evangile et celles par lesquelles l'Apostre saint Paul espouvantoit les roys et les princes, les laboureurs et artisans, les petits et les grans, leur disant: Je vous advertis qu'il y a un souverain Juge [325] des vivans et des morts, et c'est à luy à qui vous rendrez compte.

  A009000874 

 Et certes, ce peché est detestable et le plus dangereux de tous.

  A009000874 

 Que si bien il n'est pas si grand que le blaspheme et la haine de Dieu, si est-il le plus difficile de tous à s'en depetrer et desbrouiller..

  A009000875 

 Et qu'est-ce que la rhetorique et humanité humaine, sinon une escole de vanité? Il estoit donques maistre de la vanité, et il le confesse luy mesme.

  A009000875 

 Le second lien duquel saint Augustin estoit lié est la vanité, car il estoit maistre de la rhetorique.

  A009000876 

 Il fait la roue et esparpille ses plumes; mais quelles sont ses œuvres? Il ne s'amuse qu'à des niaiseries; il se nourrit de mouches et de moucherons, et pour cela l'artisan n'en nourrit point, d'autant qu'outre qu'il est inutile en sa maison, il y apporte du dommage, car il monte sur le toit et le descouvre pour chercher des araignes.

  A009000876 

 Le paon, comme chacun sçait, est un bel oyseau, il a un beau plumage, mais il est grandement vain et orgueilleux.

  A009000876 

 On ne les voit presque jamais sur terre, ains elles se guindent tousjours en haut; aussi les naturalistes disent que c'est le roy des oyseaux, non à cause de sa beauté mais pour sa generosité..

  A009000877 

 C'est ainsy que fit saint Augustin apres sa conversion: il changea la beauté de son esprit en bonté, ou plustost joignit la bonté avec la beauté, car certes ç'a esté le phenix entre les Docteurs, et l'on partage la [327] gloire entre saint Thomas d'Aquin et saint Augustin, l'un pour la theologie en general, l'autre pour la scholastique en particulier..

  A009000877 

 Il en est tout de mesme des beaux et des bons esprits.

  A009000878 

 C'est un puissant lien que celuy cy; car, par le moyen de son gain, il avoit de grandes pretentions et esperances de s'enrichir et avancer..

  A009000878 

 Le troisiesme lien duquel saint Augustin estoit lié, c'est l'avarice, car il enseignoit pour le gain.

  A009000880 

 C'est un mal commun et universel, il y en a fort peu qui ne soyent enlacés dans ses filets, et saint Augustin en parlant dit: J'ignore si quelqu'un est exempt de vanité, de complaisance de soy mesme, de sa propre estime; si cela est je n'en sçay rien, mais pour moy je ne suis pas du nombre, car je suis homme pecheur..

  A009000880 

 On a tant de desirs, tant de belles esperances; on est si peu vuide de son propre [328] interest! Et quant à ce qui est de la vanité, certes, je ne sçay s'il y en a pas un qui en soit libre.

  A009000882 

 Louer la divine Majesté est un acte que tout homme est obligé de faire et duquel personne ne se peut exempter.

  A009000882 

 Sacrifier un sacrifice de louange n'est autre chose que louer et glorifier Dieu pour ses misericordes.

  A009000883 

 Ils se retirent pour cela de la meslée du monde, se dedient et consacrent au service de Nostre Seigneur, et là ils offrent un sacrifice de louange, qui n'est autre chose que de dire de cœur et d'esprit ce qu'ils disent de bouche, accompagnant leurs chants, psalmodies, hymnes et cantiques d'une amoureuse et douce attention qui recrée le Bien-Aymé de nos ames..

  A009000884 

 Ailleurs, descrivant la beauté de cette Sulamite, il conclut en fin: Ma bien-aymée est telle qu'elle blesse mon cœur; elle ressemble à des chœurs et à des armées.

  A009000884 

 C'est ce que le divin Espoux a signifié lors que parlant de l'Espouse au Cantique des Cantiques, il dit: Ma bien-aymée, ma mie qui est parmi vous et que vous connoissez, laquelle s'est donnée toute à moy, ne prend playsir qu'à me louer et me repaistre des fruits de son jardin; et non contente de m'en donner les fruits, elle me donne encores l'arbre.

  A009000884 

 Et qui est cette Sulamite sinon l'ame devote? Qu'est-ce que des chœurs sinon des lieux designés pour chanter les louanges divines? Donc, l'ame devote qui s'essaye de louer et glorifier Dieu ressemble à des chœurs.

  A009000885 

 Ce que voyant, le grand Archange saint Michel s'escria: Qui est comme Dieu? qui est comme Dieu? Ce qu'il repeta souventesfois, et fut suivi de tous les autres Esprits bienheureux qui respondirent de chœur en chœur ce mesme mot: Qui est comme Dieu? et donnerent par ce moyen la fuite à Lucifer et à ses complices.

  A009000885 

 Cette douce Sulamite donques est semblable à des chœurs et à des armées, car elle accompagne ses louanges d'affection et ses affections de louange; elle donne les fruits de son jardin lors quelle loue, et l'arbre, lors qu'elle unit aux louanges ses affections amoureuses; [330] et avec cette belle varieté elle va, comme une armée celeste, mettant en fuite les ennemis de Dieu, qui ne taschent rien tant sinon d'empescher ce saint exercice.

  A009000887 

 Il est un mirouër aux roys et à tout le peuple fidelle, il a fait de grans exploits pour la foy de Jesus Christ; neanmoins il n'estoit point Religieux, ains seculier.

  A009000887 

 Mais la Sulamite de l'Espoux sacré est encores entendue de l'Eglise.

  A009000887 

 Qu'est-ce en effect que l'Eglise de Dieu sinon des chœurs et des armées, et qui sont ces chœurs sinon, comme j'ay desja dit, tous les Chrestiens qui [331] chantent continuellement les louanges divines en toutes sortes d'estats et de conditions? Saint Louys (duquel nous avons celebré la feste ces jours passés), le plus grand Saint entre les roys et le plus grand roy entre les Saints, estoit arrivé au plus haut point de la perfection chrestienne.

  A009000888 

 C'est grand cas que cette prudence humaine pretend tout gouverner et en veut tous-jours à ceux qui ont choisi la vie contemplative.

  A009000888 

 Et que la prudence humaine ne vienne point apporter icy ses raysons et dire: Oh! cela est bon pour les ecclesiastiques, predicateurs et docteurs, lesquels par leurs labeurs continuels assistent au public; mais à quoy servent ceux qui sont enfermés dans ces cloistres? A rien; ils sont inutiles à l'Eglise de Dieu.

  A009000888 

 Le chant des Religieux n'est pas si haut que celuy des autres, mais il est plus melodieux; ils ressemblent aux oyseaux qui sont dans des cages pour recreer leur maistre par leur gazouillement..

  A009000890 

 Et de plus, c'est le playsir de ce seigneur: n'est-il pas maistre de son bien pour en faire ce qu'il luy plaist? Cessez donques vos murmures, et que cela vous suffise puisqu'il le veut ainsy..

  A009000890 

 Et qu'est-ce que cela? disoyent les uns; à quoy servira cet estourneau? car ils l'appelloyent ainsy.

  A009000890 

 Hé, pauvres gens, que vous estes grossiers et terrestres! Il est vray que les chevaux eussent esté utiles, mais ce petit estourneau ne l'est pas moins parce que, dans cette cage, il n'a autre soin et estude que de resjouir son maistre par son chant melodieux; il est mesme trescontent de perdre sa liberté pour demeurer en cette prison toute sa vie à fin de donner du contentement à son seigneur.

  A009000891 

 Et non seulement cela, mais de plus, ceux qui travaillent pour l'Eglise sont merveilleusement fortifiés pour s'acquitter de leurs fonctions et perseverer aux travaux qui les accompagnent, par cette douce harmonie, c'est à dire par les prieres que les ames religieuses appliquent pour ce sujet..

  A009000891 

 L'on en peut dire autant des ames qui se sont enfermées dans les cloistres, lesquelles, comme des petits oyseaux, recreent leur Maistre par la melodie de leurs chants; elles quittent leur liberté, qui est la vie de l'ame, pour vivre en prison, et se privent de toutes sortes de contentemens pour le resjouir par leurs prieres, souspirs et continuelles meitations.

  A009000892 

 Il ne s'est pas contenté de louer Dieu, comme nous avons dit, ains a tasché d'amener à luy plusieurs ames, preschant les uns et donnant aux autres une maniere vie tre parfaite.

  A009000893 

 Certes, quand l'ingratitude est en l'entendement, elle est bien mauvaise et dangereuse et passe pour l'ordinaire en la volonté, la viciant en telle sorte qu'on ne veut point se reconnoistre redevable à personne.

  A009000893 

 Pour bien qu'on leur fasse ils se font accroire que cela leur est deu, et ne pensent pas qu'on leur puisse rien donner gratuitement; ains, s'ils reçoivent quelques graces, ils croyent qu'ils les ont meritées par quelque signalé service..

  A009000894 

 O Dieu, que c'est un vice espouvantable que cette ingratitude! Saint Augustin n'en estoit nullement entaché, mais au contraire il se sentoit tellement redevable à ce bien aymé Sauveur de nos ames qui l'avoit deslié des liens de ses pechés et vicieuses habitudes, qu'il se perdoit en la consideration de l'amour qu'il portait à son souverain Bienfacteur et Liberateur.

  A009000894 

 Souvent en ses meditations son ame se fondoit d'amour pour Celuy qui luy avoit fait de si grandes misericordes; voire, il fut tellement enivré des douceurs et suavités de cet amour, que, comme en ce qui est de la theologie il partage la gloire avec saint Thomas, aussi la partage-t-il avec saint Bernard en ce qui est de la dilection sacrée.

  A009000895 

 C'est luy qui fait qu'à l'oraison l'on a le cœur tout emmiellé et plein d'une douceur bien aggreable.

  A009000895 

 Cela est bon quand il vient de Dieu, et saint Augustin l'a experimenté, à ce qu'il confesse luy mesme avec une grande sincerité lors qu'il dit: O Dieu, Jesus, Jesus, vous me desliiez des liens de mes pechés, mais à mesme temps vous me reliiez et menottiez avec ces liens, ces cadenes d'amour et de dilection.

  A009000895 

 J'ay souvent dit qu'il y a deux amours: le premier est l'affectif, le second, l'effectif; et faute de les connoistre et sçavoir discerner il arrive de grans abus et tromperies.

  A009000895 

 Le premier, qui est l'amour affectif, est desiré de tous; et de vray, il est bon cet amour là.

  A009000895 

 O Dieu, que c'est une grande suavité! On sent des presseures de cœur, des sentimens d'amour que le Saint Esprit donne comme grains sucrés ainsy qu'à des petits enfans pour nous attirer.

  A009000896 

 Aussi est-ce la derniere chose que nous quittons, et qui nous fait plus de peine à renoncer.

  A009000896 

 C'est une piece si excellente que le diable n'y peut toucher; il tourne, brouille et roule bien tout à l'entour, mais il ne la sçauroit forcer.

  A009000896 

 Voyez-vous, il ne parle que de sa liberté; si bien est-ce la plus riche piece de l'homme, car, comme j'ay dit, c'est la vie de nostre cœur; c'est donc le plus pretieux don que nous puissions faire.

  A009000897 

 O Dieu, qui pourroit descrire ce parfait abandonnement, cet entier delaissement que saint Augustin fit à la divine Bonté de soy et de sa propre vie, qui n'est [335] autre que cette liberté? Je suis tout ravi quand je lis en ses Confessions ce qu'il en dit.

  A009000898 

 C'est ce que je voulois declarer par mon troisiesme point: Je boiray le calice de mon salutaire; mais il n'est pas moyen d'en parler, car le temps est desja passé.

  A009000898 

 Celuy-cy travaille et n'est point oisif.

  A009000898 

 J'ay adjousté qu'il y a un autre amour, qui est effectif.

  A009000898 

 Oh! celuy cy est bon par excellence, et nostre glorieux Saint passa de l'amour affectif à l'effectif.

  A009000899 

 Et vous, vous avez receu de grandes douceurs en l'oraison, mais hors d'icelle vous ne pouvez supporter une injure, une parole et action faite par [336] surprise; vous ne pouvez vous accommoder aux personnes d'une humeur contraire à la vostre! Il y en a à qui la nature a donné de grans advantages et il est bien facile de s'accommoder avec elles; d'autres n'ont pas ces qualités, elles ont au contraire je ne sçay quoy qui repugne à nos inclinations.

  A009000899 

 Leurs calomnies luy baillent occasion de protester qu'il n'est pas l'inventeur, ains seulement le propagateur de la vie monastique en Afrique.

  A009000900 

 Et encores ce n'est pas grande merveille d'aymer ses amis, c'est naturel, les payens en font bien autant; mais d'aymer ses ennemis, o certes, voyla qui est digne d'un vray Chrestien.

  A009000900 

 Or, cela est bon pour prescher en public; revenons donques à cet amour qui nous fait mourir à nous mesme par une abnegation entiere et absolue.

  A009000900 

 Saint Augustin, dit au sujet de ces paroles addressées par Nostre Seigneur à Magdeleine, Va-t-en à mes freres: Pour marcher il faut faire deux pas: mourir et renoncer à toutes les choses qui sont hors de nous, et mourir et renoncer à soy mesme, qui est le plus difficile.

  A009000901 

 Mais sçachant qu'homme mortel ne peut voir Dieu, il demande de mourir à fin de ne pas mourir; comme s'il disoit: L'amour que vous m'avez donné pour vous est si grand que vivre sans vous m'est une mort; c'est pourquoy, Seigneur, faites que je meure à fin que je ne meure pas, car vous voir c'est ma vie.

  A009000903 

 Avant que de finir, disons encores ce mot que saint Augustin escrit en un autre endroit: O Dieu, est-il possible que l'on sçache que vous estes Dieu et que l'on ne vous ayme pas! Certes, c'est chose pitoyable en cet aage que nous sçachions que Dieu est Dieu, que nous le croyions et que nous ne l'aymions pas.

  A009000903 

 C'est ce que Nostre Seigneur dit comme en se plaignant: Si quelqu'un m'ayme, qu'il me suive.

  A009000903 

 Si quelqu'un m'ayme; voyez-vous, il monstre en cela que le nombre de ceux qui l'ayment est petit..

  A009000909 

 C'est une verité qui a tant et tant de fois esté dite par la Sainte Escriture et par les anciens Peres, que la perfection chrestienne n'est autre chose qu'une abnegation du monde, de la chair et de la propre volonté, qu'il semble qu'elle n'aye plus besoin d'estre repetée.

  A009000909 

 Ce grand Pere de la vie spirituelle, Cassian, parlant de cette perfection, dit que la base et le fondement d'icelle n'est qu'une parfaite abnegation de toutes les volontés humaines.

  A009000910 

 Ce n'est pas pour cela qu'Adam ne soit le chef absolu des deux sexes; oh non, mais Eve participe en quelque façon à la gloire qu'il en reçoit..

  A009000910 

 Lors que Dieu crea Adam il le fit pere de tout le genre humain, des hommes et des femmes esgalement; neanmoins il crea la femme, que nous appelions nostre mere Eve, qui est comme la capitainesse du sexe feminin.

  A009000910 

 Nostre doux Seigneur et Sauveur est le chef, le defenseur et capitaine non seulement de cette armée ains encores de chaque combattant.

  A009000910 

 Or, bien que le Pere eternel l'aye constitué et declaré gouverneur d'icelle et qu'il en soit unique et souverain Capitaine, si est-ce qu'il s'est trouvé tant de douceur et clemence dans le cœur de nostre cher Maistre qu'il a voulu que d'autres participassent à la gloire d'estre chefs de cette milice, mais sur tout la sacrée Vierge, laquelle en a esté comme la capitainesse principalement du sexe feminin, quoy que Nostre Seigneur ne laisse pas pour cela d'en estre Maistre et gouverneur absolu, et d'une façon souveraine.

  A009000911 

 Ce n'est pas que Moyse ne fust gouverneur et conducteur de toute l'armée esgalement, des femmes comme des hommes; neanmoins Marie sa sœur participoit à cette gloire, d'autant qu'elle estoit comme la conductrice de celles de son sexe.

  A009000912 

 C'est pourquoy il faut que nous regardions comment cette sainte Vierge a vaillamment triomphé de ces trois adversaires, dès sa premiere entrée en cette vie ou en sa sainte nativité.

  A009000912 

 Certes, cette glorieuse Dame a esté un mirouer et abbregé de la perfection chrestienne; mais bien que Dieu l'aye fait passer par tous les estats et degrés pour servir d'exemple à tous les hommes, si est-elle le particulier modele de la vie religieuse..

  A009000912 

 O que leur entreprise est grande! car c'est un combat et une continuelle guerre qu'elles livrent au monde, à la chair et à elles mesmes, sous l'estendart et protection de nostre tres chere Maistresse.

  A009000913 

 Elle a esté d'abord sujette à sa mere; elle est demeurée dans sa famille pour monstrer aux filles et enfans l'honneur et sujetion qu'ils doivent rendre à leurs parens et avec quel esprit ils se doivent tenir en leur mayson.

  A009000914 

 Et qu'est-ce que le monde sinon une affection desreglée que l'on a aux biens, à la vie, aux honneurs, dignités, preeminences, propre estime et semblables bagatelles apres lesquelles les mondains courent et desquelles ils se rendent idolatres? Je ne sçay comme cela est arrivé, mais le monde est tellement entré dans le cœur de l'homme, que l'homme est devenu monde et le monde homme.

  A009000914 

 Et saint Augustin parlant du monde dit: Qu'est-ce que le monde? Ce n'est autre chose que l'homme; et l'homme, qu'est-ce autre chose que le monde? Comme s'il vouloit dire: L'homme a tellement mis et attaché ses affections aux honneurs, richesses, dignités, preeminences et propre estime qu'il a pour cela perdu le nom d'homme et receu celuy de monde; et le monde a si fort tiré à soy les affections et appetits de l'homme qu'il ne s'est plus appellé monde mais homme..

  A009000914 

 Il est vray neanmoins qu'elle a particulierement esté, comme j'ay dit, le mirouer de la vie religieuse; car dès sa nativité elle prattiqua tres excellemment cette parfaite abnegation du monde, de la chair et de soy mesme, en laquelle consiste la perfection chrestienne.

  A009000915 

 C'est de ce monde ou de ces hommes que le grand Apostre parle lors qu'il escrit: Le monde n'a point conneu Dieu, et pour ce il ne l'a point receu ou voulu entendre ses loix, ni moins les recevoir et garder, d'autant qu'elles sont entierement contraires aux siennes.

  A009000915 

 O Dieu, que c'est une chose difficile que de se rendre bien quitte de ce monde! Nos affections sont tellement embrouillées en iceluy et nostre cœur en est tellement sali qu'il faut un grand soin pour le bien laver et nettoyer, si nous ne voulons qu'il en demeure tous-jours souillé et enlaidi.

  A009000915 

 Plusieurs pensent avoir desja beaucoup fait et travaillé en l'exercice du renoncement et abnegation du monde; mais helas! ils se trouvent bien trompés en cecy, car pour peu que Ton se regarde de pres on se trouve tout apprentif, et voit-on que tout [343] ce que l'on a fait n'est rien au prix de ce qu'on devroit avoir fait et de ce qu'on doit faire..

  A009000916 

 C'est pourquoy tous les chefs et fondateurs des Ordres religieux, dans lesquels regnoit l'esprit de Dieu qui les gouvernoit et conduisoit en leurs entreprises, ont tous commencé par là.

  A009000917 

 Si vous voulez demeurer au monde, servez-vous des choses qui se trouvent en iceluy, usez-en et en prenez ce qui est requis pour vostre usage; mais, pour Dieu, ne vous y affectionnez pas, ni vous y attachez en sorte que vous veniez à oublier les biens celestes et eternels pour lesquels vous estes creés, car toutes ces choses passeront.

  A009000918 

 Cecy est un [344] grand malheur.

  A009000918 

 Il est vray que c'est beaucoup de quitter le monde et se retirer de ses tracas pour se mettre en quelque Religion, comme font ces filles; mais certes, il faut non seulement en retirer le corps, ains aussi le cœur.

  A009000918 

 Tu n'es pas senateur d'autant que tu as quitté ton estat pour te faire moine, et partant il n'est plus à toy; tu n'es pas moine parce qu'avec tes affections tu vas courant apres ce qui est du monde.

  A009000919 

 O Dieu, la sacrée Vierge Nostre Dame et Maistresse le fit si absolument et parfaittement en sa nativité que c'est chose admirable.

  A009000919 

 Voyez-les à l'entour de son berceau, et oyez comme tout esmerveillés de la beauté de cette Dame ils dient ces paroles du Cantique des Cantiques: Qui est celle-cy qui monte du desert comme une verge de fumée sortant de la myrrhe, de l'encens et de toutes sortes de parfums odoriferans? Puis, la considerant encores de plus pres, ravis et hors d'eux mesmes ils poursuivent leur admiration: Qui est celle-cy qui chemine comme l'aurore à son lever, belle comme la lune, choisie comme le soleil, terrible comme un [345] bataillon de soldats rangés? Cette fille n'est pas encor glorifiée, mais la gloire luy est promise; elle l'attend non en esperance comme les autres, mais en asseurance.

  A009000920 

 Le premier est saint Jean Baptiste qui fut sanctifié dans le ventre de sa mere, où il conneut Nostre Seigneur, tressaillit de joye à sa venue et l'adora.

  A009000920 

 Quand il donne sa grace à une ame il la luy donne pour tousjours et ne la luy oste jamais si celuy à qui il l'octroye ne la veut perdre luy mesme; ainsy en est-il des autres dons, qui ne nous sont point ostés si ce n'est par nos demerites.

  A009000921 

 Concluons donques, d'apres ce grand Saint, que le plus haut tiltre qu'on puisse donner à la Sainte Vierge c'est de l'appeller Mere de Dieu..

  A009000921 

 Il est vray que saint Jean devoit estre Precurseur du Fils de Dieu, mais la sacrée Vierge estoit esleuë pour estre la Mere de Dieu.

  A009000921 

 Le grand Apostre saint Paul, qui certes est admirable en tout ce qu'il dit, [346] fait un argument par lequel nous pouvons entendre quelle est la dignité de Mere de Dieu: Y a-t-il Ange ni Seraphin à qui le Pere eternel ayt dit: Celuy-cy est mon Fils? O non, cela estoit deu seulement à nostre cher Sauveur et Maistre qui estoit son Fils vray et naturel.

  A009000922 

 Et pour ce, quand on demande aux philosophes: Qu'est-ce que l'homme? ils respondent: C'est un animal raysonnable.

  A009000923 

 Et qui ne s'estonnera de voir cette celeste Enfant dans ce berceau, estant capable de connoissance et d'amour, discourant et adherant à Dieu, et en cette adhesion vouloir et accepter d'estre tenue et traittée de tous comme un simple enfant et en tout semblable aux autres? O Dieu, quel renoncement de la gloire, du faste et appareil du monde est celuy cy! et ce avec un tel deguisement que cette merveille n'estoit point conneue.

  A009000923 

 Les enfans sont aggreables en leur enfance et innocence, car ils n'affectionnent rien, ils ne sont attachés à rien, ils ne [347] sçavent que c'est de ces points d'honneur, de reputation ou de vitupere.

  A009000923 

 Mais en la Sainte Vierge qui, paraissant petit enfant et faisant tout ce qu'ils font, a neanmoins les mesmes discours et rayson que lors qu'elle mourut, o Dieu, c'est une chose qui est non seulement aymable et aggreable, ains tres admirable.

  A009000923 

 Tout cela est aymable aux enfans, cependant il n'est pas admirable, d'autant qu'ils n'ont pas encores l'usage de rayson.

  A009000924 

 Car voyez-vous, c'est l'ennemie la plus desloyale, la plus traistreuse et perfide qui se puisse dire; aussi le continuel renoncement qu'on en doit faire est certes bien difficile.

  A009000924 

 Il n'y a point de doute que celuy cy ne soit encores plus difficile que l'autre, aussi est-il d'un degré plus haut.

  A009000924 

 Le second est celuy de la chair.

  A009000924 

 Qui est cet ennemy dont parle saint Paul? C'est la chair que nous portons tousjours avec nous, et soit que nous beuvions, soit que nous mangions ou que nous dormions, tousjours cette chair nous accompagne et tasche de nous tromper.

  A009000925 

 C'est à quoy l'on arrive par le moyen de la mortification et renoncement continuel.

  A009000925 

 Et quoy que sa chair sacrée fust tres sujette à l'esprit et ne fist jamais aucune rebellion, si est-ce qu'il n'a pas laissé de la mortifier, pour nous donner exemple et nous enseigner comme nous devons traitter la nostre qui repugne à l'esprit.

  A009000925 

 La leçon que nostre cher Maistre nous donne en cecy est que nous ne transformions point [348] nostre esprit en chair pour puis apres mener une vie brutale et non humaine, mais que nous transformions nostre chair en esprit pour mener une vie toute spirituelle et divine.

  A009000926 

 Il est vray que les petits enfans font mille actes de renoncement, car on leur en fait faire en cent et cent façons; le trop grand soin que l'on a d'eux est cause qu'on ne suit jamais leurs affections et inclinations.

  A009000927 

 Le glorieux Pere saint Augustin a tousjours esté heureux en ses enfans, tant du sexe feminin que masculin, c'est à dire en ses Religieux et Religieuses; car ils ont tous tasché de le suivre et imiter de fort pres.

  A009000928 

 C'est ce qui se prattique en Religion, en laquelle on vient pour crucifier sa chair et ses sens, et c'est ce qu'on enseigne à ces filles quand elles entrent.

  A009000928 

 Elles imitent en cecy les nochers et rameurs, lesquels pour bien conduire leur navire ne regardent point le lieu où ils veulent aborder ains luy tournent le dos, et conduisant ainsy leur barque, ils arrivent en fin à bon port; de mesme en prendra-t-il à ces ames: regardant la terre pour s'humilier et confondre, elles parviendront au Ciel qui est un port tres asseuré.

  A009000928 

 Or, quoy que ces filles pretendent au Ciel comme au lieu où est l'unique objet de leur cœur, si est-ce qu'on ne leur fait point lever les yeux pour le regarder, mais ouy bien la terre où elles ne veulent point s'arrester.

  A009000928 

 Que veut signifier ce silence qu'elles gardent, sinon qu'elles ne doivent plus avoir de langue que pour chanter avec Moyse ce beau cantique de la divine misericorde, qui les a non seulement retirées comme des Israelites de la tyrannie de Pharaon, c'est à dire du diable qui les tenoit en esclavage et servitude, mais encores qui n'a point permis qu'elles fussent englouties dans les ondes de la mer Rouge de leurs iniquités..

  A009000929 

 Des deux autres on en vient encores à bout, mais de celuy cy il s'agit de se quitter soy mesme, c'est à dire son propre esprit, sa propre ame, son propre jugement, voire en des choses bonnes et qui mesme semblent estre meilleures que celles qu'on nous ordonne, pour s'assujettir en tout à la conduite d'autruy, c'est icy où il y va du bon.

  A009000929 

 Neanmoins c'est à quoy l'on vise en Religion, car en cela consiste la perfection chrestienne, de tellement mourir à soy mesme que l'on puisse dire avec l'Apostre: Je ne vis pas moy, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy.

  A009000929 

 Quant au troisiesme renoncement, qui est le plus important de tous, à sçavoir de renoncer à soy mesme, [350] il est bien plus difficile que les deux autres.

  A009000930 

 Il est vray que tout nostre bonheur consiste en cette sujetion de nostre propre esprit, comme au contraire tout nostre malheur vient du defaut d'icelle..

  A009000930 

 Or, ce grand Apostre n'est pas arrivé à cette parfaite abnegation de soy mesme sans avoir souffert beaucoup de peines et convulsions en son esprit; l'Escriture nous le tesmoigne.

  A009000930 

 Saint Paul parle merveilleusement bien de ce renoncement quand il dit: Je vis, non pas moy, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy.

  A009000932 

 Non par force mais de son plein gré, elle approuve et consent à la mort de Nostre Seigneur; elle bayse cent mille fois la croix sur laquelle il est attaché, elle l'embrasse et l'adore.

  A009000932 

 O Dieu, quelle abnegation est celle cy! Il est vray que le cœur tendrement amoureux de cette dolente Vierge estoit transpercé de vehementes douleurs; et qui pourroit [352] exprimer les peines et convulsions qui se passoyent alors dans ce cœur sacré! Neanmoins nous voyons qu'il suffit à cette sainte Dame de sçavoir que c'estoit la volonté du Pere eternel que son Fils mourust et qu'elle le vist mourir, pour la faire tenir debout au pied de la croix comme aggreant et acceptant cette mort..

  A009000933 

 C'est sur ce bois que nostre cher Sauveur et souverain Capitaine a fait ce parfait renoncement de luy mesme; c'est à cette croix que tous les Saints se sont attachés, ce sont ces douleurs qu'ils ont pris pour sujet particulier de leurs oraisons; et certes, le vray Religieux doit tousjours avoir la Croix et le Crucifix devant ses yeux pour apprendre de luy à se bien quitter et renoncer.

  A009000933 

 Cette bourse qui est au dehors represente l'humanité de Nostre Seigneur qui a esté toute noircie et tellement meurtrie de coups qu'il a dit estre un ver et non un homme.

  A009000933 

 Et bien que la bonté de Nostre Seigneur soit si grande que de faire quelquefois gouster la douceur de sa Divinité, accordant quelque grace et faveur aux ames, si est-ce que pour cela nous ne nous devons point oublier des amertumes qu'il a souffert pour [353] nous en son humanité; car je l'a y dit et le diray et ne me lasseray jamais de le redire, la Religion «est un mont de Calvaire» où il se faut crucifier avec Nostre Seigneur et Maistre pour regner «avec luy.».

  A009000933 

 Le noyau, qui non seulement est doux et bon à manger, mais qui estant broyé est encores propre à faire de l'huile pour esclairer et illuminer, nous signifie la Divinité.

  A009000933 

 Saint Augustin explique donques que l'amande a trois choses remarquables: la premiere c'est la bourse qui est toute bourrue, la seconde c'est l'escorce ou le bois qui environne le noyau, la troisiesme c'est le noyau.

  A009000934 

 Lors Jesus Christ luy dit: Viens, mon «fidelle serviteur,» qui m'as si bien servi sous la Regle que j'avois donnée à ton Fondateur; «viens posseder la couronne qui t'est preparée.».

  A009000942 

 L'honneur que la sainte Eglise a tousjours porté à la sacrée Vierge a esté cause qu'outre les festes qu'elle solemnise le long de l'année, elle en fait encores une particuliere qui est celle que nous celebrons aujourd'huy; je veux dire que l'Eglise, pour monstrer le grand honneur et amour qu'elle professe pour cette sainte Dame, luy dedie le samedi de chaque semaine quand en iceluy il n'escheoit point de feste double..

  A009000943 

 Or, à la sainte Messe de ce jour on recite pour l'ordinaire l'Evangile où il est dit qu'une bonne femme oyant parler Nostre Seigneur s'escria: Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles qui t'ont allaitté.

  A009000943 

 Voyez-vous par où commence cette femme qui veut louer Nostre Seigneur? Par le ventre qui l' a porté et par les mammelles qui l'ont allaitté; comme si elle eust voulu dire, poussée de la grande estime qu'elle avoit conceue de la grandeur et excellence de nostre divin Maistre: O qu' heureux [355] sont le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées! et par consequent, que la Dame qui a esté esleue pour ta mere est bienheureuse!.

  A009000944 

 De mesme il n'est pas de Seraphin ni de creature quelle qu'elle soit, hormis Nostre Dame, à qui le Sauveur ayt dit: Vous estes ma Mere.

  A009000944 

 Et le tiltre de Mere de Dieu est reservé à la sacrée Vierge qui l'a porté dans ses chastes entrailles où il prit chair humaine.

  A009000944 

 Et nostre Sauveur approuvant son dire: O femme, luy respond-il, il est vray; car quel Cherubin ou autre Esprit celeste se peut vanter qu'il ayt esté dit de luy: Celuy-cy est mon Fils? Il n'y en a pas un duquel ayt esté prononcée cette parole amoureuse.

  A009000944 

 Et quoy que ma Mere soit bienheureuse d'estre Mere de Dieu, neanmoins elle l'est en quelque façon davantage pour avoir entendu cette parole et l'avoir gardée..

  A009000944 

 O non certes, ces paroles: Celuy cy est mon Fils, ne sont dites ni pour Cherubin ni pour Seraphin, ains seulement pour nostre Sauveur, qui est luy seul vray et legitime Fils du Pere eternel.

  A009000944 

 Voyla pourquoy, o femme, il est vray ce que tu dis; mais d'autant que le sein et les mammelles que tu loues n'ont point d'intelligence et par consequent ne meritent point de louanges, je t'asseure que bienheureux sont ceux qui entendent la parole de Dieu et la gardent.

  A009000945 

 Laissant donques les premieres paroles prononcées par Nostre Seigneur pour considerer la derniere, je diviseray ce mien discours en trois points: au premier nous verrons que c'est qu'ouyr la parole de Dieu; au second, comme il la faut garder; au troisiesme, comment sont bienheureux ceux qui l'oyent et qui la gardent..

  A009000946 

 Ce n'est pas que l'on n'entende bien les semonces qui nous sont faites tant par les predicateurs que par les Superieurs; l'on en est mesme quelquefois touché, mais pour la pluspart des Chrestiens ces enseignemens ne font que passer par une oreille et sortir par l'autre..

  A009000946 

 La premiere c'est par le moyen des hommes qui ont [356] l'intelligence et connoissance de la Sainte Escriture, comme les docteurs et predicateurs qui journellement nous preschent et annoncent la divine parole, la laideur du vice et la beauté de la vertu.

  A009000947 

 Il est vray que nous sommes Chrestiens, mais helas, nous nous contentons d'en porter le nom sans ouyr comme tels cette parole sacrée, car nous y apportons si peu d'attention, de foy et de devotion qu'elle ne peut faire ses effects dans nos cœurs.

  A009000947 

 Sans doute, ce nom de Chrestien veut que nous y croyions; cependant cette croyance et cette foy est toute endormie; voyla pourquoy ce qu'on nous presche et enseigne ne nous profite point.

  A009000948 

 Cette-cy est plus relevée et fait dans les ames de merveilleux effects.

  A009000948 

 Dieu a encores une autre façon de parler à ses creatures: c'est par le ministere des Anges.

  A009000948 

 Il est escrit que Dieu parla à Moyse sur la montagne de Sina cœur à cœur, bouche à bouche; toutefois il est dit aussi ailleurs que Dieu ne parla jamais à aucun homme.

  A009000948 

 Toute la Sainte Escriture en est pleine.

  A009000949 

 Mais la troisiesme façon par laquelle Dieu se fait entendre aux hommes est tres admirable et familiere: ses effects sont tout autres, car il leur parle interieurement.

  A009000950 

 Certes, il est tres vray que le fond du cœur est reservé à Dieu seul et qu'il n'y a que luy qui le puisse penetrer.

  A009000950 

 Mais, mon Dieu, que cette divine parole est admirable! elle s'escoule dans l'ame avec tant de douceur, elle la penetre, l'embrase et demeure en icelle.

  A009000950 

 Puis aussi en d'autres endroits: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux; bienheureux les debonnaires, car ils possederont la terre.

  A009000951 

 Et quoy, dit-il, vous vous estonnez que l'Empereur qui n'est qu'un homme comme un autre m'ayt escrit et envoyé un de ses ambassadeurs, et vous ne vous estonnez point que Nostre Seigneur nous parle dans la Sainte Escriture? Voire, non content de cela, il nous envoye ses messagers, qui sont ses Anges, pour nous faire entendre ses volontés, et de plus il vient encores luy mesme s'incarner et demeurer sur cette terre pour nous enseigner en propre personne.

  A009000951 

 Helas! qui est-ce qui nous couvre les yeux de fange, pour n'admirer point ces merveilles et pour nous estonner si fort de ce que font les hommes à l'endroit de leurs semblables? Cet estonnement de saint Antoine ne procedoit d'autre cause sinon de la connoissance qu'il avoit du grand bien et honneur qui nous revient d'entendre la parole de Dieu.

  A009000952 

 Donques bienheureux sont ceux, dit Nostre Seigneur, qui escoutent la parole de Dieu, puisque c'est desja un bon signe qu'ils la garderont..

  A009000952 

 Et comment? Dans la bouche de nostre ame qui n'est autre que les oreilles du corps par lesquelles elle vient jusqu'à nous; car tout ainsy que l'on ne sçauroit manger les viandes corporelles sans les avoir premierement receuës dans la bouche, aussi ne sçaurions-nous mascher, c'est à dire mediter la parole de Dieu, sans l'avoir bien ouye.

  A009000952 

 Et qu'est-ce cette viande spirituelle sinon la parole de Dieu, qui est la vraye pasture de l'ame, comme luy mesme l'a declaré en tant et tant d'endroits de la Sainte Escriture? Il faut donques la recevoir.

  A009000952 

 Plusieurs oyent cette divine parole; mais ce n'est pas assez, il la faut garder, et pour la garder il la faut mascher et avaler.

  A009000952 

 Pour manger les viandes corporelles il les faut mettre dans la bouche, puis les mascher et les avaler; ainsy pour cette manducation spirituelle il faut prendre la viande qui nourrit l'ame, la mascher, c'est à dire la mediter, pour puis apres l'avaler et convertir en soy mesme.

  A009000952 

 Qu'est-ce [359] que la mascher sinon la mediter? En latin, mediter n'est autre chose que mascher; il n'y a autre difference sinon que le mot mascher est employé pour les choses corporelles, et celuy de mediter pour les spirituelles.

  A009000953 

 C'est une chose si importante de bien mediter cette divine parole que le Seigneur en l'Ancien Testament ne vouloit point recevoir en son sacrifice les animaux qui ne ruminoyent pas.

  A009000953 

 Ils reçoivent dans la bouche de [360] l'ame c'est à sçavoir ils escoutent avec les oreilles du corps, ce qu'on leur dit de l'horreur de l'enfer, de la beauté du Paradis et autres telles choses; mais ils l'enloutissent, et faute de le ruminer ils ne peuvent le digerer ni en tirer de la nourriture, et n'en ont aucune apprehension..

  A009000954 

 Hé, malheureux, ne sçavez-vous pas qu'il n'est pas asseuré? Des larrons pourroyent venir vous le desrober dans cette armoire.

  A009000954 

 Mais pour le bien conserver, comme ferez-vous? Voyez, adjouste ce grand Saint, un pauvre homme qui a un pain dans un coffre ou buffet; il est content, il pense qu'il en a assez pour le soir et pour le lendemain.

  A009000955 

 Et d'où vient cela? C'est qu'ils ne font point de digestion.

  A009000957 

 C'est mon troisiesme point..

  A009000957 

 Ce n'est donques pas le pain seul qui nourrit l'homme; non certes, mais c'est la parole de Dieu qui non seulement sustente l'ame comme estant la viande qui luy est propre, ains sa vertu passe encor au corps, luy conservant une certaine force [362] et vigueur que le pain materiel ne luy peut pas donner.

  A009000957 

 Lors que Dieu punit les hommes par le fleau de la famine, nous voyons que quoy qu'ils mangent une grande quantité de pain ils ne sont point rassasiés, d'autant que la benediction de Dieu n'est pas sur iceluy; mais pour peu qu'il y ayt de pain beni par le Seigneur il rassasie l'homme.

  A009000958 

 Et pour commencer par la sacrée Vierge, comme celle qui l'a mieux escoutée et gardée, que diray-je sinon emprunter pour ce sujet les paroles de ce grand saint Hierosme en l'epistre qu'il escrit à Eustochium sur la mort de sa mere Paula? Si toutes les parties de mon corps se convertissoyent en langues, si tous mes nerfs resonnoyent en voix humaines, je ne publierois encores assez dignement combien la Sainte Vierge est bienheureuse pour avoir entendu et gardé la parole de Dieu, car elle l'a fait avec tant de perfection que pour cela elle a esté dite bienheureuse par la bouche de sainte Elizabeth, qui estoit poussée de l'Esprit Saint.

  A009000959 

 Il est vray, c'est en cecy que consiste la beatitude tant en cette vie comme en l'autre, puisque nous ne serons bienheureux qu'autant que nous nous serons convertis en cette divine parole.

  A009000960 

 Il vous a dit un mot en secret et vous luy avez obei; car c'est luy seul qui peut parler au cœur des hommes, et, par mesme moyen, leur donner la grace de faire ce qu'il demande d'eux.

  A009000961 

 Mais ces filles sont venues parce que Dieu les a appellées, car c'est luy qui va touchant ceux qu'il luy plaist pour les conduire où il veut.

  A009000961 

 Nostre regle n'est autre que la volonté de Dieu, à laquelle nous devons ajuster la nostre en la renonçant et mortifiant.

  A009000961 

 Vous voyez que quand on veut joindre deux pieces de bois l'on y apporte la regle, ensuite on retranche ce qui est superflu, puis on les ajuste; et ainsy des pierres que l'on taille pour mettre en quelque edifice, et lors on dit: Voyla qui est bien ajusté.

  A009000966 

 Cette feste est pleine d'un grand nombre de matieres propres à monstrer sa grandeur et solemnité, et les predicateurs s'esgayent parmi la varieté et l'affluence des sujets dont on peut traitter à ce jour.

  A009000967 

 La complaisance nous fait resjouir de ce qu'il est infini, immense, d'une perfection incomprehensible, en un mot de ce qu'il est Dieu, prononçant avec un vif ressentiment ces paroles de David: J'ay dit: Vous estes mon Dieu; et je m'en suis resjoui.

  A009000967 

 Le premier est l'amour de complaisance et le second l'amour de [366] bienveuillance.

  A009000967 

 On peut donc exercer cet amour envers Dieu, mais pour celuy de bienveuillance il semble impossible, car puisqu'il est infini et l'infinité mesme, on ne luy sçauroit souhaitter plus de sainteté et de perfection qu'il n'en a. Il est immense en grandeur, il surpasse infiniment en gloire les Cherubins et Seraphins, les Vertus, les Throsnes, tous les Anges et Esprits celestes; il a plus de perfection que tous les Saints et Saintes ensemble, et toute la leur, voire mesme celle de la glorieuse Vierge Marie, n'est rien en comparaison de celle du Fils de Dieu.

  A009000967 

 Sa beatitude est au dessus de celle de tous les Bienheureux, des Anges, de la Vierge, et leur bonheur derive de Dieu, car c'est luy qui le leur donne et communique.

  A009000968 

 Cette charité n'est autre que la communion des Saints, et quand nous mourrons nous serons plus unis avec eux que nous ne sommes pas avec les plus chers amis que nous ayons ça bas en terre..

  A009000968 

 Nous n'avons tous qu'un mesme chef qui est Jesus Christ; or, nostre amour et union sont fondés en luy, comme donques la mort aura-t-elle le pouvoir de les rompre? Saint Paul disoit: Qui est-ce qui me separera de la charité de Jesus Christ? Ni les Anges, ni les Vertus, ni le ciel, ni la terre, ni l'enfer ne nous pourra separer de la charité de Dieu qui est en Jesus Christ.

  A009000968 

 Quand nous disons: «Je crois en la communion des Saints,» cela monstre que leurs biens [367] nous sont communs, c'est à dire que nous participons à tous les biens qu'ils ont au Ciel, et que les Saints participent aux petits biens que nous autres mortels avons icy bas.

  A009000969 

 C'est pourquoy aujourd'huy nous faisons la feste de tous en general, non seulement des Saints, mais encores des Seraphins, des Cherubins, et de tous les Anges, lesquels se resjouissent en cette solemnité, louant Dieu des graces qu'il a octroyées aux Bienheureux que nous festons.

  A009000969 

 Car, comme il est dit en tant d'endroits de la Sainte Escriture, il y a des Anges au Ciel en telle quantité que le nombre en est inconcevable; et quoy qu'il en tombast la troisiesme partie dans l'enfer avec Lucifer (car il est escrit que dans sa cheute il tira apres soy le tiers des estoilles du Ciel, c'est à sçavoir des Esprits angeliques), neanmoins le nombre de ceux qui sont restés fidelles est si grand qu'il est impossible de le concevoir.

  A009000969 

 En outre de tous ces celestes Esprits, la multitude des ames bienheureuses est si grande que le denombrement n'en peut estre fait; car, combien pensez vous qu'il y a eu de Saints despuis la creation du monde jusques à maintenant? C'est une chose qui ne se peut dire.

  A009000969 

 Saint Hierosme, parlant de la multitude des Saints qui sont au Ciel, dit que si l'Eglise vouloit faire la feste de tous les Martyrs il y en auroit chaque jour de l'année sept cents de ceux que l'on sçait asseurement avoir esté martyrisés; or, combien y en a-t-il qu'on ne [368] connoist pas! Et s'il y a tant de Martyrs, combien y aura-t-il de Docteurs, de Confesseurs et autres? Le nombre en est indicible.

  A009000970 

 C'est cette complaisance qui fait la communion des Saints, car à mesure que nous nous complaisons aux biens qu'ils ont nous en sommes faits participans, la complaisance ayant cette vertu de tirer à soy la chose aymée pour se la rendre propre.

  A009000970 

 Nous voyons en effect qu'une personne en aymant une autre de cet amour attire à soy le bien qui se trouve en elle, car il est impossible d'aymer en cette sorte sans avoir la participation et communion aux biens de ceux qu'on ayme..

  A009000971 

 C'est de la mesme maniere que se prattique l'amour de complaisance envers les Saints..

  A009000971 

 J'ay dit que cet amour de complaisance est la cause principale de la beatitude des Saints, car, tout en parlant tousjours avec estime et respect de ceux qui tiennent l'opinion contraire, je pense [369] que la cause principale de la gloire des Bienheureux ne consiste pas en l'entendement par lequel ils voyent et connoissent Dieu, mais en la volonté par laquelle ils l'ayment de cet amour de complaisance; et j'estime qu'en cela gist leur felicité.

  A009000971 

 Les Bienheureux ayment Nostre Seigneur; aussi le Ciel est rempli de cet amour de complaisance, qui est la cause principale de leur beatitude; car connoissans clairement la grandeur et perfection de Dieu et tous les divins attributs qu'ils voyent en luy, ils l'ayment souverainement de cet amour de complaisance, et par ainsy attirent en eux ses perfections.

  A009000972 

 L'amour de bienveuillance envers iceux se peut aussi pratiquer sans difficulté; car bien qu'ils soyent tous rassasiés et contens en la beatitude qu'ils possedent et que nous ne puissions accroistre leur gloire essentielle, laquelle consiste à voir Dieu face à face et à l'aymer souverainement, si est-ce que nous leur pouvons causer un accroissement de gloire accidentelle et partant pratiquer l'amour de bienveuillance.

  A009000973 

 Les ames bienheureuses jouissent là haut au Ciel de la gloire essentielle et de l'accidentelle, d'autant qu'elles sont rassasiées et ne peuvent rien desirer qu'elles ne possedent desja, si ce n'est d'estre reunies à leurs corps; c'est pourquoy elles souspirent tousjours apres cette reunion, laquelle rendra leur gloire accidentelle pleine et entiere.

  A009000973 

 Nous disons donc que l'homme est composé d'ame et de corps; et, bien que la mort, qui est entrée au monde par le peché, les separe, cependant nous esperons et croyons en «la resurrection de la chair,» par laquelle nos miserables corps seront reunis à nos ames, et par cette reunion ils participeront à leur gloire et felicité, ou à leur peine et condamnation eternelle.

  A009000974 

 (Dieu desire de sauver tout le monde. C'est à nous de nous servir de la liberté qu'il nous a donnée pour choisir le Paradis ou non, cela depend de nous; que si nous le choisissons, il nous octroye suffisamment de graces pour y parvenir.) Vostre royaume nous advienne.

  A009000974 

 C'est pourquoy nous vous demandons la resurrection generale, apres laquelle ceux qui sont au Ciel et nous autres mortels souspirons..

  A009000974 

 Car que signifient ces paroles: Vostre royaume nous advienne, sinon que nous representons le desir que nous avons de la reunion des ames avec leurs corps? Comme si nous disions: Seigneur, vostre royaume est desja venu, il est fait et preparé pour les Saints, il est preparé pour tous; et non seulement pour tous ceux qui sont saints, mais encores pour ceux qui ne le sont pas.

  A009000974 

 Il est desja advenu aux Saints, c'est à dire à ces ames glorieuses qui sont au Ciel.

  A009000974 

 Mais, vostre royaume nous advienne, c'est à sçavoir, ce royaume que vous avez fait pour les ames et pour les corps; que cette resurrection de la chair se fasse, car les Saints ont encores leurs corps en terre, et partant ils ne sont pas entierement glorifiés.

  A009000974 

 Quant à nous autres, qui sommes ça bas en terre, il nous est aussi desja advenu; car, Seigneur, vous nous en laissez le choix et disposition, et les justes le possedent par desir et esperance.

  A009000975 

 Ils louent Dieu en luy mesme de ce qu'il est Dieu et des biens qu'il a en soy et de soy, de la veuë desquels ils ont une parfaite complaisance; ils le louent encores de ce qu'il les a faits saints, reconnoissant que leur sainteté procede de luy comme de son principe et cause fondamentale, et luy en donnent toute la gloire.

  A009000976 

 Or, les Saints nous ayment souverainement, et desirent que nous fassions ça bas en terre ce qu'ils font là haut au Ciel, c'est à dire que nous louions incessamment et perpetuellement Dieu.

  A009000978 

 La sainte Eglise en fait de mesme lors qu'elle celebre leurs festes: elle loue Dieu en eux, car qui voudroit celebrer la feste de tous les Saints à leur honneur et non à celuy de Dieu ne feroit rien d'aggreable ni à Dieu ni aux Saints mesmes, puisqu'ils ne peuvent recevoir de gloire sinon de voir que le Seigneur est exalté en eux et eux en luy..

  A009000978 

 Mais apres que nous avons correspondu à ce desir qu'ont les Bienheureux de nous voir louer le Seigneur, nous devons encores les congratuler eux mesmes de ce qu'ils sont Saints et benir Dieu en eux; et c'est icy un autre acte de bienveuillance en leur endroit.

  A009000979 

 Un autre acte de bienveuillance que nous pouvons exercer envers les Saints est de correspondre au desir qu'ils ont que nous devenions saints comme eux; et quand nous correspondons à ce desir nous leur donnons un surcroist de gloire.

  A009000980 

 Il y a encores un autre amour qui est l'amour d'imitation; et pour celuy cy il est necessaire d'avoir de la sympathie avec ceux que l'on ayme.

  A009000980 

 La passion de l'amour est la premiere et la plus forte qui soit en l'ame; de là vient que l'amour nous rend tellement propre ce que nous aymons, que nous disons communement que les biens de la chose aymée sont plus à celuy qui ayme qu'à celuy qui les possede.

  A009000980 

 La sympathie est une certaine participation que nous avons aux passions de ceux que nous aymons; et cet amour d'imitation fait que nous attirons en nous les vertus ou les vices que nous voyons en eux.

  A009000980 

 Voyla que c'est que sympathie..

  A009000981 

 C'est à cause d'icelle que plusieurs gens du monde trouvent de grandes difficultés à se resoudre de s'amender de quelques vices auxquels ils sont sujets.

  A009000981 

 Dites à une personne qu'il est expedient qu'elle se corrige de la colere ou de la fierté, ou qu'elle quitte un point d'honneur dont elle est si amoureuse qu'elle s'esleve bien fort si tost qu'on la touche en sa reputation (c'est une chose dequoy tous les hommes sont tellement jaloux qu'il semble qu'ils ne soyent nés que pour se faire estimer, louer et aymer; aussi applique-t-on son principal soin à acquerir des honneurs et de la renommée devant tous).

  A009000981 

 Je tiens cela de race, c'est la [374] sympathie que j'ay avec mon pere, car il estoit colere et cherissoit la gloire comme je fais.

  A009000981 

 Or, dites à telles gens ce qu'il faut faire contre ce vice là; que vous respondra-t-on? C'est mon naturel d'estre colere et d'aymer l'honneur.

  A009000982 

 C'est ainsy que parle le monde..

  A009000984 

 C'est ce que l'Eglise nous represente aujourd'huy quand en l'Evangile de la sainte Messe elle nous propose le sermon que Nostre Seigneur fit sur la montagne, où il parle des huit beatitudes.

  A009000984 

 Il est escrit en iceluy qu' estant assis il ouvrit sa bouche sacrée et dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux; bienheureux les debonnaires, bienheureux ceux qui pleurent; bienheureux ceux qui sont persecutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux; et ainsy des autres.

  A009000984 

 Or, ce n'est pas sans sujet que l'Evangeliste remarque qu' il ouvrit sa bouche sacrée, pour nous monstrer que sa divine Bonté nous vouloit dire quelque chose de grand, et nous enseigner une doctrine qui n'avoit point encores esté ouye.

  A009000985 

 Celuy-là en est bien esloigné qui ne veut point avoir d'indigence, et qui ambitionne l'honneur d'estre pauvre pourveu que rien ne luy manque.

  A009000985 

 Je ne nie pas que les gens de cette sorte ne soyent facilement heureux, neanmoins ce n'est pas en ce sens que Jesus Christ a proclamé bienheureux les pauvres d'esprit; mais il entendoit parler de la pauvreté qu'il a pratiquée luy mesme et de celle qu'exerceroyent ceux qui, apres avoir tout quitté, supporteroyent volontiers [376] les incommodités et mesayses qu'elle tire apres soy.

  A009000985 

 La pauvreté est honnorable, et il s'est trouvé mesme des philosophes payens, comme un Crates, un Epictete, qui se sont glorifiés d'estre pauvres.

  A009000985 

 Plusieurs veulent bien embrasser la pauvreté pourveu qu'ils ayent tout ce qui leur est necessaire, mais ce n'est pas de tels pauvres d'esprit que Nostre Seigneur parle, ni à qui il promet le Royaume des cieux..

  A009000986 

 Nostre divin Maistre ayant prononcé ces beatitudes, le monde en a prononcé d'autres et a dit: Bienheureux les riches, car la richesse fait que l'on n'a besoin de rien, que l'on est honnoré, que l'on gaigne des proces; en un mot, les riches sont bienheureux, car ils n'ont besoin de personne et chacun a à faire d'eux.

  A009000987 

 Et quelle pauvreté fut celle du grand Apostre, lequel apres avoir tout quitté pour l'amour de son Maistre voulut servir les Corinthiens et autres pour rien! En effect, [377] apres avoir presché, sué et souffert pour l'Evangile et pour monstrer la voye du salut, il ne vouloit point vivre des aumosnes des Chrestiens, ains du travail de ses mains et à la sueur de son corps; car il travailloit pour gaigner sa vie, disant: Pour monstrer combien j'ayme mon Maistre pour l'amour duquel je vous sers, et que la peine que je prens n'est point pour m'enrichir de vos moyens, ains purement pour l'amour de Celuy à qui je sers, je ne veux pas qu'apres vous avoir aydé à vous sauver vous me nourrissiez de vos aumosnes comme vous faites les autres Apostres, ains je veux gaigner ma vie à la sueur de mon front et vous servir pour rien, vous donnant ainsy tout ce que j'ay.

  A009000987 

 Non seulement, disoit-il, je veux me sacrifier moy mesme pour vostre salut, mais qui plus est, je me veux laisser sacrifier et vendre par d'autres.

  A009000988 

 Voyla une parfaite pauvreté; et c'est de celle là que Nostre Seigneur a dit: Bienheureux les pauvres d'esprit.

  A009000994 

 tibi in monte monstratum est..

  A009000999 

 Les anciens Peres, apres avoir tout consideré, s'arrestent avec admiration sur la plus vile et abjecte partie de toutes; car entre autres choses, Dieu avoit ordonné qu'on mist une cuve entre le tabernacle exterieur auquel demeuroit le peuple qui venoit pour offrir des sacrifices, et le tabernacle interieur où demeuroyent les prestres de la Loy; ou bien entre les deux autels, c'est à dire entre l'autel des holocaustes et celuy des parfums.

  A009001000 

 Certes ils ont bien quelque rayson, car personne ne sçauroit entrer au tabernacle interieur, qui n'est autre que le Ciel, sans passer par l'exterieur qui est l'Eglise, à laquelle appartient cette cuve pleine des eaux baptismales où il faut estre trempé et lavé.

  A009001000 

 Ces eaux purifient, justifient et effacent toutes les taches du peché dont les hommes sont souillés; et pour offrir et sacrifier à Nostre Seigneur quelque victime et holocauste il est tellement necessaire d'estre lavé de cette eau, par effect ou du moins par un tres ardent desir d'icelle, que sans cela toutes les offrandes et oblations ne sont pas offrandes mais execrations..

  A009001001 

 C'est une regle si generale que celle cy que pas un n'en peut estre exempt, sinon la tres sacrée [381] Vierge, laquelle n'ayant point peché n'avoit point besoin d'expiation; et neanmoins elle n'est pas entrée au Ciel par une autre porte que par celle de la Redemption.

  A009001001 

 Je sçay bien qu'autre est la penitence à laquelle nous obligent les pechés mortels et autre est celle qu'il faut faire pour les veniels; toutefois elle est absolument necessaire pour les uns et pour les autres, et qui ne la fera en cette vie la fera indubitablement en l'autre.

  A009001001 

 Mais quant à nous autres, il est necessaire, comme j'ay dit, de faire penitence soit en ce monde ou en l'autre.

  A009001001 

 Quelques autres Peres tiennent que cette cuve represente la penitence, et ceux cy approchent de la verité encores de plus pres, ce me semble; car qu'est-ce autre chose la penitence sinon des eaux dans lesquelles il est du tout expedient que nous lavions nos pieds et nos mains, je veux dire nos œuvres et affections souillées et tachées de tant de pechés et imperfections? O mes cheres arnes, il est vray que la seule porte pour entrer au Ciel est la Redemption, sans laquelle nous n'y eussions jamais eu d'acces; mais à fin que cette Redemption nous soit appliquée il faut que nous fassions penitence.

  A009001002 

 C'est dans cette eau sacrée qu'il faut tremper tous nos membres, c'est à dire laver nos œuvres et affections, pour les purifier, les former et dresser selon la loy de l'Evangile.

  A009001002 

 Certes ils ont rayson, car cette doctrine n'est autre que l'eau dont quiconque boira n'aura plus soif, et, comme dit Nostre Seigneur, elle rejaillira jusques à la vie eternelle.

  A009001002 

 Sans cela nous ne pouvons faire aucune oblation ni sacrifice; et moins encores pouvons-nous estre sauvés sinon en croyant cette doctrine chrestienne et nous formant selon icelle; c'est là que nous voyons ce que nous devons croire, demander et esperer.

  A009001002 

 Vous voyez donques que cette cuve placée entre les deux tabernacles represente le Baptesme, la penitence et la doctrine evangelique, qui sont les liens par lesquels l'Eglise militante est unie à la triomphante.

  A009001003 

 C'est ce qu'a voulu dire le grand Apostre saint Paul: nos corps sont des tabernacles faits et formés d'argile, et Dieu a enfermé dans iceux de grans tresors.

  A009001003 

 Nous autres avons aussi deux tabernacles: l'un exterieur qui est ce corps que nous portons, et l'autre interieur, qui est l'ame par laquelle nous vivons.

  A009001005 

 Elle a un grand avantage par dessus tous les Bienheureux, qui est qu'elle s'est donnée et totalement dediée au service de Dieu dès l'instant de sa conception, puisqu'il n'y a nul doute qu'elle n'ayt esté toute pure et n'ayt eu l'usage de rayson dès que son ame fut mise en ce petit corps formé dans les entrailles de sainte Anne..

  A009001005 

 Me voyci maintenant sur le sujet de la feste de nostre tres chere Mere et Maistresse que nous celebrons aujourd'huy; car, je vous prie, quel plus beau et pretieux mirouer vous sçauroit-on presenter que celuy-cy? N'est-ce pas le plus excellent qui soit en la doctrine evangelique? N'est-ce pas elle qui l'a le plus ornée et enrichie, tant par ce qu'elle mesme a prattiqué que par les exemples admirables qu'elle nous a laissés? Certes, il n'y a point de Saint ni de Sainte qui luy puisse estre parangonné, car cette glorieuse Vierge surpasse en dignité et excellence non seulement les Saints, mais aussi les plus hauts Seraphins et Cherubins.

  A009001007 

 C'est donc une chose toute asseurée que dès l'instant de sa conception Dieu la rendit toute pure, toute sainte, avec l'usage parfait de la foy et de la rayson en une façon du tout admirable et qui ne peut assez estre admirée; car il avoit fait cette pensée de toute eternité parce que ses cogitations sont tres hautes, et ce qui n'avoit jamais peu entrer en l'entendement des hommes, Dieu l'avoit medité avant tous les temps.

  A009001007 

 Oh combien de faveurs, graces et benedictions la divine Bonté versa dans le cœur de la glorieuse Vierge! Mais elles estoyent si secrettes et interieures que personne n'en pouvoit rien connoistre qu'elle qui les experimentoit, et encores sa mere sainte Anne; car il est croyable qu'à l'instant que le Seigneur respandit tant de graces dans l'ame de cette benite Enfant, la mere s'en ressentit, et receut de grandes douceurs et consolations spirituelles à cause de sa Fille qui en estoit comblée..

  A009001008 

 Certes, cette glorieuse Vierge a esté comme une belle rose parmi les espines; et, bien qu'elle ayt tousjours respandu une odeur de parfaite suavité tout le temps de sa vie, si est-ce qu'au matin de sa douce enfance elle a jetté une senteur merveilleusement suave..

  A009001008 

 Il y a deux sortes de fleurs, les roses et les œillets, qui jettent la suavité de leur odeur differemment; car les roses sont plus odorantes dans la matinée, et leur parfum en ce temps-là est plus suave; les œillets, au contraire, [385] sont plus odorans sur le soir et leur senteur est plus forte et aggreable.

  A009001010 

 Ce Psalme est certes admirable et tout emmiellé à cause des paroles de louange et benediction qu'il donne à la divine Majesté; aussi le Prophete royal disoit: Je me sers de ce cantique comme d'une douce recreation pour entonner et psalmodier aux trois divers temps que je vay au Temple, selon qu'il est ordonné par la Loy.

  A009001011 

 Il est vray que l'on pouvoit bien dire d'elle ce que le Saint Esprit raconte de la reyne de Saba quand elle fut voir Salomon: Elle vint chargée de tant de nard et de parfums que jamais il ne s'en estoit veu en Hierusalem autant que ce que cette reyne en apporta.

  A009001012 

 La premiere est celle dont nous parlons à cette heure; l'autre est celle par laquelle on correspond promptement aux secrettes inspirations de Dieu lors que, se rendant tout à fait au premier mouvement et attrait d'icelles, en [387] quelque temps et aage que Nostre Seigneur nous appelle, l'on quitte tout pour le suivre..

  A009001012 

 Mais encores que toutes les ames puissent pretendre et desirer ce bonheur, neanmoins toutes n'en reçoivent pas la grace; c'est pourquoy j'ay accoustumé de dire qu'il y a deux sortes d'enfance.

  A009001013 

 C'est donques une grande feste que celle que nous celebrons aujourd'huy, en laquelle cette petite Pucelle s'est allée presenter au Temple en sa tendre jeunesse et à la premiere semonce de l'inspiration.

  A009001013 

 C'est pour vous, mes cheres Sœurs, un jour grandement solemnel, d'autant qu'en iceluy vous vous venez offrir à la divine Majesté, à l'imitation de cette glorieuse Vierge, ou plustost renouveller l'offrande que vous luy avez desja faite..

  A009001013 

 Cette feste n'est point nouvelle, car les Grecs en font mention.

  A009001014 

 Il est donques dit que Nostre Seigneur preschant au peuple qui le suivoit, et le voulant illuminer et esclairer, il faisoit à cet effect plusieurs miracles.

  A009001015 

 Et Nostre Seigneur luy respondit: Il est vray que le ventre qui m' a porté est bienheureux et les mammelles que j'ay succées sont bienheureuses; car quel plus grand bonheur pouvoit arriver à une femme que de porter dans son sein Celuy qui est esgal au Pere, «Celuy que les cieux ne peuvent comprendre?» O que veritablement ce sein dans lequel le Fils de Dieu a pris chair humaine est heureux, et que cette Vierge a receu d'honneur ayant donné son plus pur sang pour former la sacrée humanité du Sauveur de nos ames! Partant, il est bien vray, o femme, ce que tu dis que non seulement ce sein, mais encores les mammelles que j'ay succées sont bienheureuses, d'autant qu'elles ont nourri Celuy qui sustente toutes les creatures.

  A009001015 

 Or bien que je me souvienne de vous avoir desja entretenues trois ou quatre fois sur ce sujet et sur cet Evangile, si est-ce que c'est un puits où il y a tant à prendre que je ne me peux lasser d'en parler ni de puiser dans sa profondité ce qui est propre pour nostre instruction.

  A009001016 

 Neanmoins je te dis maintenant que quoy que ma Mere soit si heureuse parce qu'elle m'a porté dans son ventre et que j'ay succé ses mammelles, elle l'est beaucoup plus parce qu'elle a ouÿ la parole de Dieu et l'a gardée.

  A009001016 

 O que ce que tu dis, femme, est veritable! Ces chastes entrailles ressemblent à l'Arche dans laquelle estoyent la manne, la verge et les tables de la Loy de Moyse.

  A009001016 

 O que ce sein donc est bienheureux, semble dire Nostre Seigneur, puisqu'il est plus pretieux [389] que l'Arche d'alliance; et partant, que cette femme est bienheureuse, parce qu'elle est ma Mere.

  A009001016 

 Qu'est-ce que cette manne sinon le Fils de Dieu qui est descendu du Ciel? N'est-il pas aussi cette verge et ces tables de la Loy? Ouy, il est la pierre vive; sur son propre corps ont esté escrits et gravés les dix commandemens de la loy de grace avec les burins des clous, de la lance et des fouets.

  A009001017 

 Comme s'il vouloit dire: Pour bien ouyr il faut bien escouter; mais outre cela, il faut encores incliner et prester l'oreille, c'est à sçavoir s'abaisser et humilier, pour entendre ce qui est de la volonté de Dieu.

  A009001018 

 L'on fait tant d'examens, il faut tant considerer, il faut parler aux uns et aux autres pour sçavoir si l'inspiration est vraye, si elle vient de Dieu, il faut tant esplucher toutes choses! Certes, il est bon de bien considérer et discerner quelle est l'inspiration, mais apres ce regard, sortez et allez en la terre que Dieu vous monstre; n'escoutez point tant de discours, ne prestez point l'oreille à tant de raysons que l'on vous apporte, n'usez point de tant de dilayemens, car vous vous mettez en grand peril; ne vous endormez point, soyez prompts.

  A009001018 

 O sainte, divine et admirable semonce que Dieu fait au cœur de tant de creatures, et qui a esté escoutée et entendue par un grand nombre! Cependant je ne sçay [390] comment cela est arrivé, plusieurs ont ouy la parole sacrée de la vocation et ne sont pourtant point sortis ni allés où Dieu les appelloit.

  A009001020 

 De ce nombre a esté la sacrée Vierge; c'est elle qui a esté menée au cabinet de Dieu et à laquelle ont esté descouverts mieux qu'à nulle autre creature les plus hauts mysteres.

  A009001020 

 Mais outre les faveurs qu'il octroyé à tous les enfans de son Eglise, il en a de particulieres pour ceux qu'il retire en son cabinet, c'est à dire en la Religion; là il leur parle plus familierement au cœur, leur revele ses secrets et leur descouvre ses intentions.

  A009001020 

 Tous les Chrestiens sont ces princes et chevaliers qui demeurent en la cour de ce souverain Roy Nostre Seigneur, qui n'est autre que l'Eglise.

  A009001021 

 C'est ce que vouloit signifier Isaïe quand il disoit qu'il croyoit en la parole du Seigneur et qu'il graveroit son nom en son cœur; c'est à sçavoir qu'il entendroit l'inspiration et la volonté de Dieu et la garderoit dans son cœur.

  A009001021 

 En fin elles peuvent estre aussi entendues de l'inspiration et volonté divine; car c'est le propre des vrays fidelles de porter le sacré nom de Jesus gravé dans leur cœur, non avec un burin autre que les clous, lance et espines qui percerent son saint corps; et de plus, tout bon Chrestien doit escouter et garder la parole de Dieu, ouyr son inspiration et faire sa volonté..

  A009001021 

 Je sçay qu'il y a diverses interpretations sur cecy, car les uns tiennent que par ce nom l'on doit entendre le saint et sacré nom de Jesus qui signifie Sauveur, par lequel il est venu sauver le monde, nom qui est demeuré gravé en son Eglise et dans le cœur de tous les vrays enfans d'icelle.

  A009001022 

 Mais helas, c'est un grand malheur que si peu entendent comme il faut ces saintes inspirations! Plusieurs vivent au monde et usent des richesses, honneurs et dignités dont la loy divine permet d'user, mais non point d'abuser; ils ajustent aux commandemens de Dieu leur affection pour la jouissance des biens et dignités, [392] quoy qu'il ne leur faille pas parler des conseils, d'autant qu'ils se contentent seulement d'eviter ce qui les peut condamner.

  A009001023 

 Je rendray à Dieu ce qui luy est deu, mais je me reserveray ce qui est deu au monde, à sçavoir les yeux, les cheveux, que sçay-je moy, telles autres bagatelles, sans toutefois rien faire en cela qui soit contraire à la loy divine.

  A009001024 

 Au moins ils pretendent se reserver le choix des exercices spirituels, car cela est bon, disent-ils, c'est pour Dieu, c'est à fin de le mieux servir, et je voy bien qu'un tel exercice m'est meilleur qu'un autre.

  A009001024 

 Et ne voyez-vous pas qu'en faisant cette reserve vous n'estes pas totalement à Dieu? Mais c'est pour Dieu.

  A009001025 

 Oh! quand on considere le cours de la tres sainte vie de cette Dame, je vous asseure qu'on a le cœur tout rempli de douceur et suavité; et quand on regarde les rares exemples qu'elle nous a laissés, l'on est tout [393] ravi en admiration.

  A009001025 

 Or, bien que la douceur que vous recevrez par le regard et consideration de la vie de Nostre Dame tombe dans un vaysseau d'argile, elle ne lairra pas d'estre d'une suavité admirable, car le baume mis dans un vaysseau de terre est aussi suave que dans une fiole de cristal..

  A009001027 

 Helas! pauvres gens, pourquoy cela? C'est qu'il n'a point de langue fretillante et telles autres choses.

  A009001027 

 Hé, dit-on, ce predicateur ne me plaist pas, il n'a point de grace; son discours n'est point aggreable.

  A009001027 

 La premiere est que pour obeir parfaitement il faut aymer Dieu qui commande; la seconde c'est qu'il faut aymer la chose commandée.

  A009001027 

 Oh! quel aveuglement est celuy cy! N'est-ce pas la parole et volonté de Dieu qu'il vous annonce? Or, si vous aymez cette divine parole, et Dieu qui vous l'envoye et qui commande qu'on fasse sa volonté, pourquoy ne la recevrez-vous pas d'aussi bon cœur de celuy cy comme d'un autre? Si un prince ou un roy vous envoyoit quelques lettres par un sien page, regarderiez-vous, pour avoir ces lettres aggreables, si le page est vestu de gris, vert ou jaune? Non certes, ains vous prendriez ces lettres et les mettriez sur vostre teste en signe de resjouissance et reverence, sans avoir esgard à la livrée de celuy qui les apporte.

  A009001028 

 Et c'est l'amour propre qui fait cela.

  A009001028 

 Il est vray, car tirez-la de là et l'employez à d'autres choses qu'elle n'aymera pas, et vous verrez si elle le fait et si elle en sort sans rechigner.

  A009001029 

 D'où vient cela sinon de ce que nous ne regardons pas Dieu qui nous envoye le commandement, et que pour l'aggreer nous prenons garde si celuy qui nous l'apporte est vestu de vert ou de gris, et quelle est sa mine et contenance? Or, il ne faut pas faire cela, mais recevoir l'obeissance comme volonté divine, n'importe par qui elle nous soit signifiée, aymant Dieu qui ordonne, prenant ce commandement et le mettant sur nostre teste, c'est à dire dans le fond de nostre volonté, pour l'accepter et executer avec fidelité.

  A009001029 

 De plus, quand je tascherois de l'aymer, celuy qui me l'ordonne de la part de Dieu est de si mauvaise grace, il a une si pauvre mine, qu'il me la rend tout à fait desplaisante et de mauvaise saveur.

  A009001029 

 Je sçay bien, dira-t-il, qu'estant la volonté de Dieu, la chose qui m'est ordonnée est bonne; mais j'y ay tant de repugnance et de difficulté, je ne la sçaurois aggreer.

  A009001030 

 Tous les Saints ont fait ainsy, et mesme ce renouvellement se prattiquoit en l'ancienne Loy, d'autant que nostre nature est de soy si infirme que facilement elle se refroidit et vient à descheoir.

  A009001041 

 L'Evangile que nous lisons à la Messe de ce jour est divisé en trois parties desquelles nous parlerons maintenant.

  A009001041 

 La premiere est comme quoy saint Jean estant en prison pour la verité, envoya deux de ses disciples à Nostre Seigneur pour sçavoir s'il estoit le Messie promis ou s'ils en devoyent attendre un autre; la seconde est la response que leur fit le Sauveur; et la troisiesme, de ce qu'il dit apres que les disciples de saint Jean s'en furent retournés..

  A009001042 

 C'est une chose admirable que nos anciens Peres, qui ont esté si clairvoyans et ont eu de si grandes lumieres pour expliquer et developper les plus grandes et obscures difficultés que presente la Sainte Escriture, se soyent neanmoins tous trouvés estonnés sur le premier point de cet Evangile pour sçavoir comme se doit entendre cela, que saint Jean qui connoissoit Nostre Seigneur envoya [398] ses disciples pour apprendre s'il estoit ce grand Prophete, ce Messie promis, ou s'ils en devoyent attendre un autre.

  A009001042 

 Car, disent-ils, si saint Jean sçavoit asseurement qu'il estoit le Messie, pourquoy luy envoye-t-il demander quel il est?.

  A009001043 

 C'est luy qui le baptiza, luy qui vit descendre le Saint Esprit en forme de colombe et qui entendit la voix du Pere disant: Celuy cy est mon Fils bien aymè auquel je prens tout mon playsir.

  A009001043 

 C'est luy qui le monstra du doigt, prononçant ces paroles: Ecce Agnus Dei; Voicy l'Aigneau de Dieu qui oste le peché du monde..

  A009001043 

 Or, qu'il sceust bien que Celuy à qui il envoyoit faire la demande estoit vrayement le Messie, cela est indubitable, car il le conneut estant encores dans le ventre de sa mere, et n'y a aucun Saint qui ayt eu une plus grande lumiere et intelligence du mystere de l'Incarnation que ce glorieux saint Jean.

  A009001044 

 Pourquoy donques, disent nos anciens Peres, estant en prison et entendant parler des grans prodiges et miracles que faisoit nostre divin Maistre, envoye-t-il ses disciples pour sçavoir de luy quel il est, si c'est luy qui doit venir ou s'ils en attendroyent un autre? Certes, tous sont admirables à demesler cette difficulté, et si je vous voulois rapporter la multitude et varieté de leurs opinions sur ce sujet, il me faudroit employer beaucoup de temps qui nous desroberoit ce que nous avons à deduire pour nostre utilité.

  A009001045 

 C'est ce que va disant en un sien Psalme le royal Prophete David, grand et divin poëte: Seigneur, vous avez de loin considere mon sentier et mes voyes.

  A009001047 

 La seconde cause pour quoy la divine Majesté fait des questions aux hommes est pour les esclairer ou instruire sur ce qui concerne les mysteres de la foy, comme il fit à l'endroit des deux disciples qui alloyent en Emmaus.

  A009001048 

 Et pourquoy, Seigneur, le luy demandez-vous? ne sçavez-vous pas bien quelle est la cause de sa douleur et ce qu'elle cherche? Certes, il le sçavoit tres bien; aussi ce n'est point pour l'apprendre qu'il l'interroge, d'autant que toutes choses luy sont tres claires et manifestes.

  A009001048 

 La troisiesme cause pour quoy l'on peut faire des demandes c'est pour provoquer l'amour.

  A009001048 

 Mais nostre cher Sauveur, qui sçait que la nature humaine est sujette aux larmes, ne laisse pas [401] de s'enquerir de cette femme pourquoy elle pleure.

  A009001050 

 C'est pourquoy nostre glorieux Saint, apres avoir long temps presché la venue de Nostre Seigneur à ses disciples, les envoye maintenant à luy à fin que non seulement ils le connoissent, mais encores qu'ils le fassent connoistre aux autres.

  A009001050 

 Le signe pour trouver Dieu et le connoistre c'est Dieu mesme.

  A009001051 

 C'est ce que vouloit dire le grand Apostre escrivant aux Corinthiens: Mes petits enfans, que j'ay conceus et gaignés à Jesus Christ parmi tant de peines, fatigues et travaux, pour lesquels j'ay souffert tant de douleurs et de convulsions, je vous asseure que je ne vous enseigne point pour vous attirer à moy, ains pour vous attirer à mon Seigneur Jesus Christ..

  A009001051 

 Car que vouloit-il signifier sinon: Ouoy que je vous presche et enseigne, ce n'est point pour vous attirer à moy, mais bien à Jesus Christ duquel je suis la voix; c'est pourquoy je vous addresse à luy.

  A009001051 

 Comme s'il vouloit dire: Je ne me contente pas de vous asseurer que c'est Celuy que nous attendons, mais je vous envoye à fin que vous soyez instruits par luy mesme.

  A009001051 

 Sçachez de luy s'il est le Messie promis ou si nous en devons attendre un autre.

  A009001052 

 C'est ce que fait aujourd'huy saint Jean et à quoy tous les Superieurs doivent bien prendre garde, car ils ne proffiteront jamais qu'en portant et envoyant leurs disciples à Nostre Seigneur pour sçavoir de luy quel il est, et apprendre de luy mesme à le connoistre et faire tout ce qu'il faut pour son amour et service..

  A009001054 

 Ce n'est donques pas que saint Jean doutast en aucune façon que Nostre Seigneur fust le Messie, qu'il luy envoya ses disciples luy faire une telle demande, ains pour leur bien et utilité, pour le faire connoistre à tout le monde, pour ne point les attirer à soy, mais pour les en destacher, à fin que voyant les merveilles que Jesus Christ operoit, ils vinssent à en concevoir l'estime qu'il failloit.

  A009001054 

 Il les luy pouvoit mander pour l'adorer et reconnoistre, mais s'accommodant à leur foiblesse et infirmité, il les envoye seulement luy demander qui il est, et s'il est Celuy qui doit venir ou s'ils doivent en attendre un autre. Certes, il faut que ceux qui gouvernent les ames se fassent tout à tous, comme dit [404] l'Apostre, pour les gaigner tous: qu'ils soyent doux avec les uns et severes avec les autres, enfans avec les enfans, forts avec les forts, foibles avec les foibles, en somme, ils ont besoin d'une grande discrétion pour s'accommoder à un chacun..

  A009001054 

 Il les traitte comme des petits enfans, car pour luy il croit asseurement qu'il est le Fils de Dieu, l'Aigneau qui oste le peché du monde.

  A009001056 

 A celuy qui n'a qu'un, deux ou trois ans, elle donne du lait, elle luy parle en se jouant, en begayant, et ne luy laisse pas dire mon pere ni ma mere, car il est encores trop jeune, mais elle luy fait dire papa et mamma, parce qu'estant petit il ne peut encores prononcer le nom de pere et de [405] mere.

  A009001056 

 Saint Chrysostome Evesque de Constantinople, qui certes est tousjours admirable en tout ce qu'il escrit, mais particulierement au sujet de cet Apostre, dit en commentant une parole de l'Epistre aux Hebreux (je ne sçay toutefois si je le pourray bien rapporter): Chose admirable, ce grand Apostre estoit parmi ses Corinthiens comme une mere nourrice parmi ses enfans: il les nourrissoit de viandes simples, douces et propres aux petits enfans.

  A009001057 

 Il faut qu'ils usent d'une grande discretion pour leur donner la pasture de la parole de Dieu au temps convenable et propre à la bien recevoir; discretion encores pour en bailler à un chacun ce qu'il en a de besoin et en la maniere qui est plus à propos.

  A009001057 

 Or, escrit ce saint Pere, lors que le grand Apostre dit: Je suis avec vous comme une mere nourrice, que veut-il signifier sinon qu'il fait à l'endroit de ses disciples ce qu'une [mere nourrice fait à l'endroit de ses enfans? Il est certes necessaire que ceux qui gouvernent les ames ayent une grande industrie pour les sçavoir toutes conduire comme il convient, selon leur capacité et portée.

  A009001058 

 Il est tres certain que les Apostres avoyent une grande suavité à raconter à ces deux disciples les œuvres admirables de leur bon Maistre; mais Nostre Seigneur [406] ne laissa pas pourtant de faire beaucoup de miracles en leur presence, c'est pourquoy il leur respond: Dites à Jean ce que vous avez veu et entendu..

  A009001058 

 La seconde partie de nostre Evangile c'est la responce que Nostre Seigneur fit aux disciples de Jean.

  A009001060 

 Certes, il n'est besoin de faire monstre de toutes ces bagatelles pour prouver que vous estes gentilhomme.

  A009001060 

 En fin, ce sont nos œuvres ou bonnes ou mauvaises qui nous font ce que nous sommes, et c'est par icelles que nous devons estre reconneus..

  A009001060 

 Si vous vous addressez à un Evesque: Qui estes-vous? il devroit pouvoir se rendre ce tesmoignage: Dites que vous avez veu un homme qui fait bien et deuement sa charge; et alors asseurez-vous qu'il est vrayement Evesque.

  A009001060 

 Si à une Religieuse: Qui estes-vous? Si vous avez veu une Religieuse exacte et ponctuelle en l'observance de ses Regles, respondez alors qu'elle est vrayement [407] Religieuse.

  A009001061 

 C'est une grande misere qu'estans ce que nous sommes nous voulons neanmoins paroistre, et marchons sur la pointe des pieds à fin de nous faire voir à tout le monde.

  A009001061 

 Ce n'est pas que je veuille entendre que quand on nous demande qui nous sommes il ne faille dire que l'on est Chrestien.

  A009001061 

 O non certes, c'est le plus beau tiltre que nous nous puissions donner, et j'ay tousjours eu une particuliere devotion à cette grande sainte Blandine, qui fut martyrisée à Lyon et dont Eusebe rapporte la vie.

  A009001062 

 Cecy se doit bien plus entendre [408] de l'amour propre qui n'a point d'yeux pour voir son abjection et le neant d'où il est sorti et de quoy il est petri.

  A009001062 

 Celuy qui se connoist bien soy mesme ne se fasche point si on le tient ou qu'on le traitte pour ce qu'il est, d'autant qu'il a receu cette lumiere qui l'a rendu quitte de son aveuglement..

  A009001062 

 Certes, c'est une grande grace quand Dieu nous donne sa lumiere pour connoistre nostre misere, et c'est un signe de la conversion interieure.

  A009001062 

 O Dieu, quel plus grand aveuglement que le nostre! Estans si pleins d'abjection et misere, nous voulons cependant estre estimés quelque chose! Qui nous aveugle de la sorte sinon nostre amour propre lequel, outre qu'il est aveugle de soy mesme, aveugle encores celuy en qui il demeure? Ceux qui ont peint Cupidon luy ont bandé les yeux, disant que l'amour est aveugle.

  A009001063 

 Il y en a qui ne sont pas avaricieux, mais ils ont la partie irascible si forte que lors qu'elle n'est pas bien sousmise à la rayson ils se troublent et ressentent vivement les moindres choses qui leur sont faites; ils s'eslevent et recherchent tousjours des inventions pour se venger d'une petite parole ou d'un petit tort qui leur aura esté fait.

  A009001063 

 Nostre Seigneur est venu pour redresser les boiteux; il est venu pour les faire marcher droittement devant sa face en l'observance de ses commandemens.

  A009001063 

 Or, de quel costé qu'elle se tourne, soit au bien, soit au mal, cette partie est tres forte; mais quand elle se tourne du costé du mal on a peine de la redresser.

  A009001064 

 Ce mal n'est autre qu'une [409] certaine langueur et tepidité au service de Dieu.

  A009001064 

 Et la plus grande de toutes les miseres c'est qu'en cet estat l'on ne sçauroit nous toucher sans nous piquer jusques au cœur.

  A009001064 

 L'on n'a pas la fievre ni quelque grande maladie dangereuse, mais le corps est tellement entaché de cette lepre qu'il en est tout foible et abattu; je veux dire que l'on n'a pas de grandes imperfections et qu'on ne fait pas de grandes fautes, mais on en commet tant de petites et l'on fait tant de petits manquemens que le cœur en demeure tout langoureux et affoibli.

  A009001065 

 C'est je ne sçay quelle vaine complaisance en soy mesme et en ses actions laquelle fait qu'il nous semble n'avoir plus besoin de rien.

  A009001065 

 Il y a une surdité spirituelle qui est bien dangereuse.

  A009001065 

 On ne se soucie pas d'entendre prescher la parole de Dieu, de lire des livres devots, d'estre reprins ni corrigé; on s'amuse à des niaiseries et l'on se met en grand peril, car, comme c'est un tres bon signe quand une personne escoute volontiers la divine parole, aussi en est-ce un mauvais quand elle en est degoustée et pense n'en avoir plus besoin..

  A009001066 

 C'est cette parole sacrée qui ressuscite les morts; c'est en escoutant les predications que l'on reçoit de bons mouvemens, que l'on passe du peché à la grace; c'est aussi par le moyen de la lecture que le cœur est vivifié et prend tousjours nouvelle force et vigueur..

  A009001067 

 Or, soit qu'il se doive [410] entendre ainsy ou autrement, c'est quasi une mesme chose; mais j'ayme mieux m'en tenir au texte de nostre Evangile et dire avec Nostre Seigneur que les pauvres sont evangelisés.

  A009001068 

 Il est vray que nostre cher Sauveur et Maistre estoit bien venu pour enseigner aux grans et petits, doctes et ignorans, neanmoins on l'a quasi tousjours trouvé parmi les pauvres et simples.

  A009001068 

 O que l'Esprit de Dieu est different de celuy du monde qui ne fait estat que de ce qui paroist et a de l'esclat! Les anciens philosophes ne vouloyent recevoir en leurs escoles sinon ceux qui avoyent un bel esprit et un bon jugement; que s'ils ne les rencontroyent pas tels ils disoyent librement: Ce n'est pas là un tableau propre pour mon pinceau.

  A009001070 

 Tant d'extases, tant d'eslevations d'esprit, tant d'eslancemens et ravissemens que vous voudrez; ravissez mesme, si vous le pouvez, le cœur du Pere eternel; si avec cela vous ne demeurez en la Croix du Sauveur et ne vous exercez en la mortification de vous mesme, je vous dis que tout le reste n'est rien, qu'il s'en ira tout en fumée et vanité, et vous demeurerez vuides de tout bien, sujets et disposés à vous scandalizer avec les Juifs de la Passion de Nostre Seigneur.

  A009001071 

 Ou'ils estoyent remplis de grandes lumieres et connoissances touchant la venue de Nostre Seigneur! Qu'ils s'alloyent doucement entretenais de ces grans miracles et merveilles qu'il avoit faits en leur presence, et des choses qui leur avoyent esté racontées par les Apostres! Comme ils furent sortis, le Sauveur se tourna du costé du peuple qui l'environnoit et leur dit: Qui estes-vous allés voir au desert? Peut estre que vous y aurez veu un roseau, exposé aux orages et tempestes, ou bien un rocher immobile au milieu de la mer? (De mesme peut-on dire: Qui avez-vous veu au desert, ou en Religion? car desert signifie Religion, et la Religion n'est autre chose qu'un desert.) Donc, qui estes-vous allés voir? Peut estre y aurez-vous trouvé des roseaux? O non, saint Jean n'est point un roseau, car il est demeuré ferme comme un rocher au milieu de toutes les vagues et tempestes des tribulations..

  A009001072 

 La premiere, parce que ces bons disciples estoyent trop attachés à leur maistre; ils en estoyent tout en œuvre, et l'estime qu'ils en avoyent estoit si grande qu'ils l'avoyent preferé à Jesus Christ, lors qu'ils luy dirent: Toy et nous tes disciples nous jeusnons et faisons de grandes penitences, mais ce Prophete qui est parmi nous n'en fait pas.

  A009001073 

 L'autre rayson est parce que nostre divin Maistre n'estoit point flatteur.

  A009001073 

 L'esprit humain eust peu fournir quelque chose là dessus; c'est pourquoy, luy qui est clairvoyant, sçachant ce qui en pouvoit arriver, ne le loua point en la presence de ses disciples..

  A009001073 

 S'il eust alors loué saint Jean on eust peu juger qu'il le faisoit par flatterie, cela luy pouvant estre rapporté par ses deux disciples; ce qui estoit grandement esloigné de l'esprit de nostre cher [413] Sauveur qui est la verité mesme.

  A009001074 

 Vous n'avez point veu un roseau, car saint Jean est tel en l'adversité qu'en la prosperité; tel dans la prison parmi les persecutions que dans le desert parmi les applaudissemens; autant joyeux en l'hiver de l'adversité qu'au printemps de la prosperité; il fait les mesmes fonctions en la prison qu'il faisoit au desert..

  A009001075 

 Il faut tant d'affaires pour nous bien faire prendre une parole qui n'est pas selon nostre gré, que par apres l'on ne peut remettre ce cœur; il y faut appliquer tant d'emplastres! [414] Mon Dieu, quelle pitié, et quelle bigearrerie est la nostre! O non certes, il n'y a point d'esgalité parmi nous, et toutefois c'est l'une des choses les plus necessaires qui soyent en la vie spirituelle.

  A009001075 

 Il se trouve des personnes si bigearres qui lors que le temps est beau il n'y a rien de si joyeux, et quand il est pluvieux, rien de si triste.

  A009001075 

 Quand on fait tout ce qu'ils desirent, qu'on escoute tout ce qu'ils disent, qu'on ne les contrarie en rien, o Dieu, ils sont si braves et font des merveilles; mais si on les touche, qu'on les contrarie tant soit peu, tout est perdu.

  A009001075 

 Tel est fervent, prompt, gay en la prosperité, qui en l'adversité sera foible, abbattu et desconforté; il faut employer le ciel et la terre pour le remettre, et pour l'ordinaire tout cela ne sert de rien.

  A009001076 

 Il est rapporté en sa Vie qu'estant encor petit enfant dans le berceau, un essaim d'abeilles vint se reposer et faire du miel sur ses levres, presage de sa future douceur et mansuetude.

  A009001076 

 Il estoit françois, c'est à dire il naquit en France, bien que saint Augustin le trouvast à Milan.

  A009001078 

 Que si nous voulons sçavoir quels nous sommes, il nous faut regarder quelles sont nos œuvres, reformant ce qui n'est pas bien et perfectionnant ce qui est bon, à fin qu'imitant ces deux glorieux Saints en leurs vertus, nous jouissions avec eux de la gloire là haut au Ciel.

  A009001078 

 Voyla comme il est vray que l'homme se connoist par ses œuvres.

  A009001082 

 Tu quis es? Et confessus est et non.

  A009001083 

 negavit, et confessus est: Quia non.

  A009001090 

 C'est d'icelle que Lucifer se servit pour tenter nos premiers peres, d'autant qu'il se dit que l'ambition estoit la plus violente de toutes, puisqu'elle l'avoit fait tres-bucher du Ciel aux enfers.

  A009001090 

 C'est pourquoy il leur dit: Vous serez semblables à Dieu.

  A009001090 

 Et comment semblables à Dieu? Oh! c'est que mangeant de ce fruit vous aurez, comme Dieu, la connoissance du bien et du mal.

  A009001090 

 Il ne leur dit pas qu'ils luy seroyent esgaux, car qui peut estre comme Dieu? C'est une chose impossible que celle là, et si le miserable eust tenté Adam et Eve en cette sorte, ils eussent facilement conneu sa tromperie, parce qu'estans encor en la justice originelle ils estoyent doués de grandes lumieres et connoissances.

  A009001090 

 S'il faut en juger par toutes sortes d'arts, mestiers et professions, nous confesserons que la premiere et plus forte tentation c'est l'ambition, l'orgueil et l'outrecuidance.

  A009001091 

 Les autres tiennent que la cause de leur cheute fut l'envie; car ces esprits voyans comment le Seigneur devoit creer l'homme, comme il vouloit enrichir la nature humaine et comme il se devoit communiquer à cette nature s'incarnant et s'unissant à icelle d'une union hypostatique, en sorte que ces deux natures ne feroyent qu'une personne, ils furent touchés d'envie et marris de ce que le Createur pensoit relever cette nature par dessus la leur, et se dirent: Pourquoy Dieu voulant sortir de soy mesme pour se communiquer, ne choisit-il pas plustost la nature angelique et seraphique pour faire cette communication? n'est-elle pas plus noble et excellente que l'autre? Et de là ils vindrent à estre pleins de jalousie, d'ambition et d'orgueil, et tresbucherent miserablement..

  A009001092 

 Mais à quel propos tout cecy sinon pour exalter l'humilité de saint Jean Baptiste, qui est une des personnes qui intervinrent au mystere de la Visitation? Humilité, ce me semble, la plus excellente et la plus parfaite qui ait jamais esté apres celle de Nostre Seigneur et de la tres sacrée Vierge.

  A009001092 

 Pourquoy? Hé, parce qu'elle nous est suggerée par nostre ennemy, et partant il ne s'y faut pas fier..

  A009001092 

 Quand l'ennemy est descouvert et qu'on voit que la tentation vient d'un adversaire, on doute que la chose qu'il nous dicte ou à quoy il nous [418] sollicite soit suspecte.

  A009001093 

 Il est tout asseuré que si Adam et Eve avoyent conneu leur tentateur ils ne se seroyent pas laissés seduire.

  A009001093 

 Mais en ce temps là les serpens n'estoyent pas serpens, c'est à dire ils ne mordoyent point, ils n'avoyent point de venin.

  A009001094 

 Ainsy, l'ange est rendu diable, et de beau et amy de Dieu qu'il estoit, il s'est declaré son ennemy, et est devenu laid, espouvantable.

  A009001094 

 L'homme, par son orgueil et outrecuidance, a perdu la justice originelle en laquelle il estoit creé et s'est fait un enfer ça bas en terre; car les maux que ses vices traisnent apres eux ne sont qu'un enfer, lesquels d'une peine temporelle conduisent aux eternelles..

  A009001097 

 Il est vray qu'il ne l'estoit pas, et il le confessa et ne le nia pas..

  A009001098 

 Mais considerez un peu la tres parfaitte humilité de ce glorieux Saint à rejetter non seulement les honneurs, les preeminences et tiltres qui ne luy appartenoyent pas, ains, ce qui est plus admirable, à refuser ceux qu'il pouvoit recevoir.

  A009001099 

 C'est par luy que les demons commencerent d'estre, car avant sa cheute il n'y en avoit point..

  A009001099 

 Son ambition n'arriva point jusques là; il sçavoit que Dieu seroit tousjours le premier et auroit quelque superintendance par dessus luy, car en somme il est Dieu et Lucifer ne pretendoit pas estre tel.

  A009001100 

 O que l'ambition et l'orgueil sont de fortes et dangereuses amorces pour seduire l'homme et luy faire transgresser la loy de Dieu! Il est donques bien vray, comme dit le grand saint Ambroise, que qui veut entrer au combat et en la guerre contre le vice il faut necessairement qu'il soit revestu et par tout armé de l'humilité..

  A009001101 

 Et on ne luy propose pas seulement d'estre semblable à Dieu, ains on vient pour luy faire confesser qu'il est le Christ et le reconnoistre pour tel.

  A009001102 

 Combien fut grande cette tentation et combien grande aussi l'humilité avec laquelle il la repoussa! Mais remarquez, je vous prie, comme les envoyés des princes des prestres luy parlent: Nous sommes icy mandés de la part des Scribes et Pharisiens et de toute la republique pour vous dire que les propheties sont accomplies et que le temps est arrivé auquel nous doit venir le Messie.

  A009001102 

 Il est vray que nous voyons parmi nous beaucoup de personnes qui vivent bien et sont fort vertueuses, mais il nous faut confesser que nos yeux n'en ont point veu qui soyent semblables à vous ou desquelles nos cœurs goustent les œuvres comme nous goustons les vostres.

  A009001102 

 Que si cela est, nous vous supplions de ne point nous le dissimuler et cacher davantage, car nous sommes venus pour vous rendre l'honneur que vous meritez.

  A009001103 

 Ces prestres et Levites ont donques rayson de dire que toutes les propheties sont accomplies et que le temps est venu auquel ils doivent voir Celuy qui a esté le Desiré de toutes les nations..

  A009001104 

 Certes, s'ils eussent demandé qui il estoit pour simplement sçavoir quelle estoit sa profession, il les eust sans doute bien informés de la verité, et avec plus de paroles; mais voyant qu'ils le tenoyent pour ce qu'il n'estoit pas, il se contente de dire en un mot qu'il n'est pas celuy qu'ils croyent..

  A009001105 

 En somme, nostre amour propre va non seulement tirant à soy toute la gloire qui luy appartient en quelque façon, mais encores celle qui ne luy est aucunement deue.

  A009001105 

 Hé, folie, niaiserie! Qui est celuy là? Oh qui il est? A l'entendre c'est un saint Pierre! Il a peut estre vescu quatre cents ans devant cet Apostre; et que sçay-je, telles autres sottises.

  A009001105 

 Nous autres nous sommes tant soigneux de bien recevoir les honneurs qui nous sont faits; cette nature humaine va tant retirant à soy tout ce qui est à son advantage, l'on est si amoureux des dignités et preeminences! O Dieu, disons-nous à ceux qui nous flattent, il est vray, j'ay receu telle grace, cela est bien en moy; [423] mais c'est une faveur de Dieu, c'est un effect de sa misericorde, et telles autres paroles.

  A009001106 

 Comme donques est-ce que saint Jean estant venu en l'esprit d'Elie, peut il declarer avec verité qu'il ne l'est pas? Et il n'est pas menteur non plus qu'il ne l'eust esté s'il eust dit estre Elie.

  A009001106 

 O merveilleuse humilité que celle cy! [424] Il ne rejette pas seulement ce qui ne luy appartient pas (c'est le premier degré de l'humilité de ne vouloir point admettre ni moins rechercher d'estre tenu et estimé pour ce que l'on n'est pas), mais passant plus outre et trouvant une façon de parler en laquelle sans faire tort à la verité il pouvoit encores repousser l'honneur qui luy appartenoit, il le fit promptement, sans disputer ni se servir de beaucoup de discours; ains franchement et librement il dit: Non, je ne le suis pas.

  A009001108 

 Mais parce que en toutes vos demandes vous visez à un mesme but, qui est de me reconnoistre pour le Messie promis, je vous dis que je ne suis ni le Christ, ni Elie, ni Prophete.

  A009001110 

 Hé, folie! vous vous moquez du monde en disant cela; comme si Dieu pouvoit estre honnoré par le peché! Non, cela n'est pas; il ne faut jamais mentir pour honnorer Dieu, et c'est une sottise et grande ignorance que celle là.

  A009001110 

 Mais plusieurs ayans mal entendu cecy, s'en sont servi, et n'ont point pensé mentir en disant beaucoup de choses fort esloignées de la verité; et mesme il en est qui sont arrivés jusques là que de croire qu'ils pouvoyent proferer des menteries quand il s'agissoit de la gloire de Dieu.

  A009001110 

 Oh, respondent-ils, il est vray, mais c'est pour honnorer Dieu que j'ay dit un tel mensonge.

  A009001111 

 A la verité, les ambassadeurs ont besoin de patience, et c'est une grande vertu que celle cy, laquelle est du tout necessaire non seulement aux ambassadeurs mais à tous les Chrestiens; aussi j'ay accoustumé de dire que la patience est la vraye vertu des Chrestiens..

  A009001111 

 Or ces ambassadeurs tout estonnés repartirent: Si tu n'es pas le Christ, ni Elie, ni Prophete, pourquoy est-ce que tu baptises, pourquoy as-tu des disciples et fais-tu des œuvres si merveilleuses? En quel esprit les fais-tu? Certes, tu as beau te cacher et dissimuler, tes œuvres nous font bien voir que tu es quelque chose de grand, c'est pourquoy dis-le-nous, à fin que nous sçachions ce que nous rapporterons à ceux qui nous ont envoyés.

  A009001112 

 (La langue hebraïque est certes admirable, elle est toute divine; c'est celle cy que Nostre Seigneur parloit quand il estoit en ce monde, et selon quelques Docteurs, c'est celle que les Bienheureux parlent là haut au Ciel. Les phrases hebraïques ont tousjours une merveilleuse grace en tout ce qu'elles expriment.) Il confessa et ne le nia pas.

  A009001112 

 Ces deux mots sont quasi une mesme chose, car confesser sa faute c'est ne la pas nier, et ne la pas nier c'est la confesser; neanmoins il y a une petite difference entre iceux..

  A009001114 

 C'est ainsy qu'a fait le glorieux saint Jean: il l'a confessé et ne l'a point nié.

  A009001114 

 Mais avant que de faire ou aller au lieu qui leur est marqué elles feront mille retours et regards.

  A009001114 

 Sans se soucier que l'on diroit ou penseroit, il est allé droitement devant Dieu, et n'a point fait comme ceux qui vont et ne vont pas.

  A009001115 

 Ces ambassadeurs veulent donques sçavoir qui est saint Jean, à fin de le rapporter à ceux qui les ont envoyés; mais il ne leur dit autre chose sinon: Je suis la voix de Celuy qui crie au desert: Applanissez le chemin du Seigneur.

  A009001115 

 O noble vertu d'humilité tant necessaire à l'homme en cette basse terre! Ce n'est pas sans rayson qu'on dit [428] qu'elle est la base de toutes les vertus, car sans elle il n'y en a point; et bien qu'elle ne soit pas la premiere, la charité et l'amour de Dieu la surpassant en dignité et excellence, si est-ce que la charité a une telle convenance et sympathie avec l'humilité, qu'elles ne vont jamais l'une sans l'autre..

  A009001116 

 C'est elle qui prepare les voyes; c'est une voix qui crie: Applanissez le chemin du Seigneur; et tout ainsy que Jean Baptiste vint devant le Messie, il faut aussi que l'humilité vienne vuider les cœurs pour puis apres recevoir la charité, car elle ne pourra jamais demeurer en une ame que l'humilité ne luy aye premierement preparé le logis..

  A009001116 

 L'humilité est le fourrier et le precurseur de la charité, comme saint Jean Baptiste l'estoit du Sauveur.

  A009001116 

 L'un d'entre eux ayant ouy ce que tous ses freres alleguoyent sur les vertus, dit: Pour moy, il me semble que l'humilité est la premiere de toutes et la plus necessaire; et il fit cette comparaison qui revient bien à mon propos.

  A009001117 

 Comme s'il vouloit dire: O pauvres gens, que vous estes bien trompés en moy! Vous pensez que je suis le Messie parce que je suis tout nud, c'est à dire que je ne suis pas vestu comme les autres hommes, mon vestement estant tissu de poils de chameaux.

  A009001117 

 En quoy nous voyons combien l'humilité est requise pour resister aux tentations et eschapper aux filets du diable.

  A009001117 

 Ils repartirent: Et si tout est rempli de filets qui donques en eschappera? Il leur respondit: Ceux là seulement qui seront humbles.

  A009001117 

 Nous vous en parlerons Dimanche prochain, car l'heure est passée..

  A009001118 

 Hé bien, c'est ce que je suis et rien davantage.

  A009001118 

 Mais comment saint Jean se pouvoit-il plus abaisser que de dire qu'il n'estoit qu'une voix? car la voix n'est qu'une fumée, qu'une exhalaison qui s'en va en l'air mener quelque peu de bruit et puis disparoist.

  A009001118 

 Mais à mesure qu'il s'abaisse, Dieu l'exalte et crie tout haut qu' il est Prophete et plus que Prophete; il l'appelle encores Ange, disant: Voicy que j'envoye mon Ange, et iceluy preparera ta voye.

  A009001118 

 Or, lequel est-ce d'entre vous qui estime l'echo un homme à cause qu'il luy respond? cela ne s'est jamais veu.

  A009001119 

 C'est ce que vostre glorieuse Maistresse nostre Dame et Mere a chanté en son divin cantique: Deposuit, etc. Ceux qui s'exaltent seront humiliés; ceux qui veulent mettre leur siege sur les nuées seront rabaissés, et les pauvres qui s'abaissent et humilient seront exaltés.

  A009001119 

 Certes, c'est de tout temps que la divine Sapience a regardé les humbles de bon œil, qu'elle a humilié ceux qui s'exaltent et rehaussé ceux qui s'humilient.

  A009001120 

 En somme, saint Jean est proposé par Nostre Seigneur à toutes sortes de personnes pour estre imité.

  A009001125 

 Factum est Mot Domini super Joannem.

  A009001130 

 La parole de Dieu est tombée sur Jean.

  A009001137 

 C'est ce que disoit le grand Apostre saint Paul aux Corinthiens.

  A009001137 

 Comme s'il disoit: Vous voulez sçavoir qui je suis? Je ne suis que la voix de celuy qui crie au desert, c'est à [432] dire, je ne suis pas celuy qui crie, mais seulement la voix de celuy qui crie.

  A009001137 

 Ne recevez point mes paroles comme paroles d'homme, mais comme paroles de Dieu, car je vous dis en verité que ce n'est point moy qui enseigne, ains Dieu par moy..

  A009001137 

 Pensez-vous, leur escrivoit-il, que ce soit moy qui vous parle? Oh non, mais c'est Dieu qui vous parle par ma bouche.

  A009001138 

 Comme s'il disoit: Ce n'est pas moy qui crie en ce desert: Faites penitence, ains c'est Dieu qui le vous dit par moy, et je ne suis que la voix, la trompette par laquelle il vous donne à entendre comment vous vous devez preparer à faire penitence et vous disposer à sa venue.

  A009001138 

 Et c'est là où nous en demeurasmes..

  A009001138 

 Là donc il crioit: Faites penitence, preparez les voyes et les sentiers, car le Seigneur est proche.

  A009001138 

 Or, saint Jean estoit sur le fleuve Jourdain, qui est à l'entrée du desert, criant et preschant la penitence; et le monde accouroit de toutes parts pour l'escouter et estre baptizé de luy.

  A009001139 

 La divine parole tombe dans un cœur en deux façons: la premiere, c'est quand Nostre Seigneur luy parle pour l'instruire et luy enseigner ce qui est de ses volontés et bon playsir, luy faisant connoistre ce qu'il doit faire pour sa conduite et ce qui le concerne en particulier.

  A009001139 

 La seconde est quand elle tombe sur le cœur non pour soy seulement, mais aussi à fin de la porter et communiquer aux autres pour leur faire sçavoir ce qui est de la divine volonté.

  A009001140 

 Et notez icy (je le diray en passant), que personne ne peut estre receu en dignité et prelature si la sacrée parole ne tombe sur luy, c'est à sçavoir s'il n'est choisi et esleu de Dieu.

  A009001140 

 Nostre texte donques: La parole du Seigneur est tombée sur le fils de Zacharie, se doit entendre en ces deux façons.

  A009001140 

 Or ce choix ou eslection est commun et ordinaire, et l'on ne doit point desirer ni rechercher des vocations particulieres et extraordinaires, car telles vocations sont dangereuses et suspectes quand elles ne sont pas approuvées ni autorisées par les pasteurs et maistres de la vie spirituelle.

  A009001141 

 C'est en ce sens que se doivent entendre ces mots de l'Evangile: La parole du Seigneur est tombée sur Jean, fils de Zacharie, lequel fut choisi par la divine Sapience pour estre le Precurseur de nostre divin Sauveur.

  A009001142 

 Et pour ce faire, il est necessaire de bien mascher et digerer ce que l'on a ouy et recueilli, et tascher d'en faire une bonne digestion.

  A009001143 

 Donques, si cela est, comment osons-nous remettre l'execution et la prattique de ce que nous avons ouy qui doit servir à nostre conversion, puisque de ce moment auquel nous entendons ce qui est propre à nostre amendement depend toute nostre vie? Voyla la premiere rayson pour laquelle nous ne profitons pas des choses qui nous sont dites et enseignées..

  A009001143 

 Hé, pauvres gens que nous sommes, ne voyons-nous pas bien que ces remises sont la cause de nostre mort et de nostre ruine, et que nostre bien consiste en ce jourd'huy? La vie de l'homme est ce jourd'huy auquel il vit; car qui se peut promettre qu'il vivra jusques au lendemain? O certes, personne quel qu'il soit.

  A009001143 

 La premiere est que si bien on lescoute et on en est interieurement touché, l'on en differe l'execution jusques au lendemain.

  A009001144 

 Et qu'est-ce cela sinon une avarice spirituelle, qui est un vice assez grand en la vie devote? Vous en trouverez d'autres qui ne sont jamais assouvis d'entendre ou de voir de nouvelles choses; ils assemblent quantité de livres et font des bibliotheques à merveille, ils sont tousjours à faire des remarques.

  A009001144 

 La seconde est une avarice spirituelle qui fait que l'on recherche et procure de sçavoir beaucoup, qu'on est soigneux de faire un grand amas de choses de devotion.

  A009001145 

 Il est vray que dans les viandes qui sont gardées il s'y engendre des vers, et pour moy je crois que les vers qui rongent les consciences des damnés ne sont point les moindres, ains les plus grandes peines qu'ils souffrent.

  A009001145 

 Vivez au jour la journée, mangez ce que l'on vous donne et vous en nourrissez bien par les prattiques que vous en ferez, et laissez le soin du reste à la divine Providence, car elle vous pourvoira assez selon vostre besoin; usez bien seulement de ce qui vous est donné et soyez libres de tout autre souci.

  A009001145 

 Voyla comme l'avarice spirituelle est la seconde rayson qui nous empesche de profiter de la parole de Dieu; cela soit dit seulement pour introduction à mon discours.

  A009001146 

 C'est une chose merveilleusement suave que de lire les escrits de ce saint Prophete; ses paroles sont toutes emmiellées et fluides, et accompagnées d'une science incomparable; dès son premier chapitre on descouvre un style admirable, et certes, c'est un fleuve et torrent d'eloquence..

  A009001146 

 Du temps que Tibere Cesar estoit Empereur, qu'Herode estoit roy de la Galilée, que Ponce Pilate presidoit en Hierusalem, qu'Anne et Caïphe estoyent princes des prestres et siegeoyent dans la chaire de Moyse, Dieu envoya son Prophete lequel fut sa voix qui crioit au desert: Applanissez le chemin du Seigneur, faites penitence, car le salut est proche.

  A009001147 

 O peuple d'Israël, consolez-vous, mais je vous dis encor une fois que vous vous consoliez, et d'une consolation qui ne sera point vaine ni inutile, sur ces paroles que je vous fais entendre: Parce que sa malice et meschanceté est arrivée à son comble, ses iniquités luy seront pardonnées.

  A009001148 

 Les anciens Peres enseignent que ces parolles se doivent entendre en cette sorte: Lors qu'ils sont au plus fort de leurs travaux et afflictions, qu'ils sentent le plus le faix de leurs iniquités en cet esclavage et servitude, apres les avoir punis de leur meschanceté par ce fleau de tribulations, je les ay regardés et en ay eu compassion; et au comble de leur malice, c'est à sçavoir au plus mauvais de leurs journées, je me suis contenté de ce qu'ils ont souffert pour leurs pechés, et à cause de cela leurs iniquités leur seront pardonnées.

  A009001148 

 Que veut-il entendre par ces paroles sinon: Mes jours, c'est à dire ces jours que je vis, sont courts, car ils ne font que passer; ils ne sont rien qu' une ombre, c'en est aussi tost fait; mais ils sont mauvais parce qu'ils sont chargés et suivis de tant de travaux que cette vie presente apporte avec soy, qu'encores qu'ils soyent courts ils ne laissent d'estre pleins de malice.

  A009001149 

 Certes, quand la divine Providence a voulu monstrer aux hommes combien estoit grande sa misericorde, ç'a esté par des esclats admirables; et lors qu'on ne pouvoit esperer sinon de [438] sentir la fureur de son courroux et la terreur de sa justice, alors, dis-je, qu'il n'y avoit aucune disposition de la part des hommes ni aucun motif pour esmouvoir le Seigneur et l'attirer à faire misericorde, c'est en ce temps-là qu'il en a fait voir des effects admirables..

  A009001149 

 Une autre façon d'entendre ces paroles: Parce que leur malice est venue à son comble leurs iniquités leur seront pardonnées, est celle-cy: Lors qu'ils sont venus au comble, au midy, au plus haut point de leur meschanceté et ingratitude, lors qu'il semble qu'ils n'ayent aucune souvenance de leur Dieu ni plus de memoire de ses bienfaits, leurs iniquités leur seront pardonnées; c'est à dire, en ce temps là auquel ils meriteroyent d'estre precipités, Dieu leur pardonnera et ne se souviendra plus de leur meschanceté.

  A009001150 

 A la verité, ce sont de grans effects de la bonté de Dieu de departir ses graces à ses creatures, de leur pardonner continuellement les fautes qui journellement sont commises contre luy et de recompenser de si petits services par de si grandes faveurs; de sorte que celuy qui correspond à la premiere grace se dispose à recevoir la seconde, et correspondant à la seconde il se prepare à obtenir la troisiesme, puis de la troisiesme à une quatriesme, et ainsy consecutivement, selon le dire de la theologie scholastique, qui est tres veritable.

  A009001150 

 C'est pour cela qu'en tant et tant d'endroits de la Sainte Escriture Dieu nous recommande la fidelité à suivre les bons mouvemens, lumieres et inspirations; en quoy certes reluit la grandeur de sa misericorde..

  A009001150 

 Car les theologiens enseignent que Dieu ne manque jamais de son costé; que si l'ame est fidelle à correspondre aux premieres graces elle se dispose à recevoir les secondes, troisiesmes et quatriesmes, et par cette correspondance elle se rendra digne de participer à de grans biens et d'obtenir de signalées faveurs.

  A009001151 

 Mais quand, outre ce que dessus, sa Providence a voulu faire des esclats plus grans de cette misericorde, ç'a esté une chose admirable, car il n'a voulu qu'aucun motif l'induisist à ce faire; ains, sans estre poussé d'autre cause que de sa seule bonté, il s'est communiqué en une façon du tout merveilleuse.

  A009001152 

 Quand est-ce qu'il pardonna à saint Paul? Lors qu'il estoit au comble de sa malice, ses iniquités luy furent pardonnées; car chacun sçait qu'au temps de sa conversion cet Apostre estoit en sa plus grande haine et furie contre Jesus Christ, si que, ne pouvant assouvir sa rage contre luy, il tournoit son courroux sur l'Eglise, mais avec une telle fureur qu'il en escumoit comme un fol et forcené lequel est hors de soy mesme.

  A009001153 

 Helas, son peché eust esté en quelque façon excusable s'il l'eust commis en gardant ses brebis, quand il estoit berger; mais que David aye tant offensé Dieu apres en avoir receu des graces si singulieres, apres tant de clartés, de lumieres et de faveurs, luy qui estoit selon le cœur de [440] Dieu, par lequel il avoit fait tant de merveilles et prodiges, luy qui avoit tousjours esté nourri dans le sein de la douce clemence et misericorde divine, soit venu jusques là que de commettre de si grans forfaits et qu'il soit demeuré un an entier sans en avoir la connoissance, o certes, c'est une chose qui estonne grandement..

  A009001153 

 Je ne lis jamais la conversion de David sans tremblement et sans admiration, en voyant qu'il a commis de si grans pechés et qu'il est demeuré un an tout entier en iceux sans les connoistre, dormant d'un sommeil lethargique, sans se resveiller ni s'appercevoir de son crime.

  A009001153 

 Lors que les pecheurs sont le plus endurcis en leurs pechés, qu'ils sont venus à un tel point qu'ils vivent comme s'il n'y avoit pas de Dieu, de Paradis ni d'enfer, c'est alors que le Seigneur leur descouvre les entrailles de sa pitié et douce misericorde.

  A009001154 

 C'est chose admirable que l'esprit humain ne veuille point qu'on voye ses fautes, en sorte que quand il en a fait il les pense couvrir en commettant de plus oriefves.

  A009001154 

 Mais n'ayant pas bien reussi en son dessein, car Urie estoit un honneste homme, brave cavalier qui ne pouvoit estre surpris en un tel vice, il s'avisa et resolut, pour cacher cette faute, d'en commettre une troisiesme plus griefve que les deux premieres, c'est à dire de le faire perdre.

  A009001155 

 Il y a cent autres semblables exemples dans la Sainte Escriture, c'est à dire un grand nombre à qui Dieu a fait la mesme misericorde.

  A009001156 

 Certes, il est vray que la meilleure disposition pour l'avenement du Sauveur c'est de faire penitence; il faut tous passer par là, et comme nous sommes tous pecheurs, aussi avons-nous tous besoin de cette penitence.

  A009001156 

 Mais cela est trop general, il nous faut toucher quelques particularités d'icelle..

  A009001156 

 Puisque le Seigneur est proche que faut-il faire pour se preparer à cet avenement? Saint Jean le nous enseigne en ses predications, disant: Faites penitence, car le Seigneur est proche.

  A009001156 

 Quant à ce qu'il adjouste: Preparez les voyes, applanissez les chemins, bien que ces parolles ayent esté prononcées au sujet du grand Cyrus qui devoit ramener les Israelites de la captivité en la terre de promission, si est-ce que le principal but du Prophete estoit de parler de l'avenement de Nostre Seigneur.

  A009001157 

 C'est elle qui remplit les vallées, qui rabaisse les monts, qui dresse et esgale les chemins.

  A009001158 

 Les vallées que le glorieux saint Jean veut que l'on remplisse ne sont autres que la crainte, laquelle, quand elle est trop grande, nous porte au descouragement par les regards sur les pechés commis.

  A009001158 

 Remplissez les vallées, c'est à sçavoir, remplissez vos cœurs de confiance et d'esperance parce que le salut est proche.

  A009001159 

 La crainte et l'esperance ne doivent point estre l'une sans l'autre, d'autant que si [443] la crainte n'est accompagnée d'esperance elle n'est pas crainte ains desespoir, et l'esperance sans la crainte est presomption.

  A009001160 

 Ce n'est rien devant luy de dire: Je suis Evesque, prestre, Religieux ou Religieuse.

  A009001160 

 Cela est bon; mais si vous estes Evesque, comme vous comportez-vous en cette charge? quelle est vostre vie, et vos mœurs sont-elles bien conformes à vostre vocation? N'estes-vous point plein de superbe et de presomption, comme ce pharisien duquel il est parlé en l'Evangile, ou bien ressemblez-vous au publicain? Le pharisien estoit une montagne d'orgueil, il avoit quelques vertus apparentes dont il se vantoit et glorifioit.

  A009001160 

 Quels sont ces monts sinon la presomption et l'orgueil, qui sont un tres grand empeschement pour l'avenement de Nostre Seigneur; car il a coustume d'humilier et rabaisser les superbes et de penetrer le fond du cœur pour descouvrir l'orgueil qui y est caché.

  A009001161 

 Applanissez les chemins, adjouste le glorieux saint Jean; c'est à dire, redressez ceux qui sont tortus, rendez-les droits et esgaux.

  A009001161 

 Oh, disent elles, Dieu est si bon et misericordieux, nous nous arrangerons bien avec luy; donnons-nous seulement du bon temps, puis à l'heure de la mort nous dirons un bon peccavi et Dieu nous pardonnera.

  A009001161 

 Qu'est-ce que cela sinon une grande presomption de la part de ces ames qui prennent occasion de la bonté divine pour croupir dans leurs pechés? Hé! ne sçavent-elles pas qu'encores que Dieu soit infiniment misericordieux, aussi est-il infiniment juste, et que quand sa misericorde est irritée elle provoque sa justice?.

  A009001162 

 Cette esgalité d'humeur est la plus aggreable vertu qui soit en la vie spirituelle et pour laquelle on a tousjours à travailler.

  A009001162 

 Mon Dieu, que c'est une chose merveilleusement suave que de considerer la vie de nostre cher Sauveur et Maistre, car l'on y voit reluire cette parfaite esgalité parmi tant de divers accidens! Certes, personne ne l'a eue en telle perfection que luy et la sacrée Vierge nostre Mere, qui seule, apres son Fils, a esté sans peché.

  A009001162 

 Redressez les chemins du Seigneur, c'est à dire, esgalez vos humeurs par la mortification de vos passions, inclinations et aversions.

  A009001163 

 En somme, qu'est-ce que l'on voit parmi nous? Rien autre chose que bigearrerie et inesgalité..

  A009001169 

 De là vient que lors qu'on considere ces mysteres l'on fait souvent des erreurs; car, comme pouvons-nous mediter ce que nous ne connoissons pas? C'est pour cela qu'en ces maysons l'on enseigne le catechisme aux novices, à ce qu'elles sçachent ce qu'elles doivent croire et comme elles doivent entendre ce qu'elles meditent.

  A009001169 

 Nous faisons aujourd'huy la feste de l'attente de l'enfantement de la glorieuse Vierge, c'est à dire nous attendons la venue et naissance de nostre cher Sauveur et Maistre.

  A009001169 

 Or, mon dessein est de vous faire un petit catechisme auquel je vous veux parler de l'Incarnation, car cecy n'est pas une predication ni une exhortation.

  A009001169 

 Pour ce faire, je diviseray mon discours en trois points: au premier nous verrons qui a fait le mystere de l'Incarnation; au second, [447] que c'est que l'Incarnation; au troisiesme, pourquoy l'Incarnation a esté faite..

  A009001170 

 Ainsy en est-il de l'Incarnation: le Pere fait l'Incarnation, le Saint Esprit la fait et le Fils aussi qui s'incarne luy mesme.

  A009001170 

 Mais ni le Pere ni le Saint Esprit ne se sont incarnés, c'est seulement la Personne du Fils qui demeure vestue de la robe de nostre humanité..

  A009001170 

 Neanmoins ce n'est pas le Pere seul qui a fait l'Incarnation, ains aussi le Fils et le Saint Esprit.

  A009001170 

 Premierement, nous sçavons que c'est le Pere qui nous a donné son Fils, car nous lisons que Dieu a tant aymé le monde qu'il luy a donné son Fils unique.

  A009001171 

 C'est ainsy que nous pouvons entendre comment les trois Personnes de la tres sainte Trinité se sont aydées au mystere de l'Incarnation, quoy qu'il n'y ait eu que le Fils qui se soit revestu de nostre nature.

  A009001171 

 Ce sont deux seigneurs qui l'en revestent, et luy, qui est la troisiesme personne, reçoit la robe.

  A009001171 

 De mesme, le Fils n'est pas luy seul tout sage, mais le Pere et le Saint Esprit ont aussi la mesme sapience et sagesse, comme ce divin Esprit n'est pas non plus luy seul la toute bonté.

  A009001171 

 Donques, ce n'est point le Pere seul ni le Saint Esprit tout seul qui a fait l'œuvre de l'Incarnation, ains c'est le Pere, le Fils et le Saint Esprit, mais le Fils demeure incarné.

  A009001171 

 Et combien que l'on attribue la puissance au Pere, la sapience au Fils et la bonté au Saint Esprit, neanmoins le Pere n'est pas luy seul tout puissant, ains le Fils et le Saint Esprit le sont aussi.

  A009001171 

 Il n'y a donc qu'un Dieu en trois Personnes, et ce Dieu est tout puissant, tout sage et tout bon.

  A009001171 

 L'on nomme encores la premiere Personne, qui est le Pere, Seigneur et «Createur du ciel et de la terre;» ce n'est pas à dire pour cela que le Fils et le Saint Esprit ne soyent aussi bien createurs que le Pere, puisqu'ils n'ont tous trois qu'une mesme puissance avec laquelle ils ont fait et creé toutes choses.

  A009001171 

 Or, quand on vous demandera qui a fait ce grand mystere, vous respondrez que c'est la tres sainte Trinité, mais qu'il n'y a que la seconde Personne qui ayt pris nostre humanité..

  A009001172 

 C'est de part et d'autre le mesme Dieu homme [449] qui estoit dans les entrailles de la Vierge; de sorte que la manne, qui a esté figure du Sacrement de l'Eucharistie, le sera aussi bien du mystere de l'Incarnation.

  A009001172 

 Le second point est: Qu'est-ce que l'Incarnation? Ce n'est autre chose que l'union hypostatique de la nature humaine avec la divine, union si estroitte que bien qu'il y ayt deux natures en ce petit Enfant qui va naistre, elles ne font qu'une personne.

  A009001173 

 La Divinité est ce miel qui est tombé du Ciel sur la terre dans cette belle fleur de l'humanité de nostre Sauveur avec laquelle elle a esté jointe et unie..

  A009001173 

 Le miel ne vient point de la terre ains du ciel; c'est une liqueur qui tombe sur les fleurs, et quand il tombe dans quelque belle fleur il s'y conserve merveilleusement bien, en sorte que les avettes l'y viennent recueillir avec une subtilité nompareille et s'en nourrissent.

  A009001174 

 L'huile ne vient point de la terre ni du ciel: elle ne sort point de la terre comme d'autres plantes, ni moins tombe-t-elle du ciel comme le miel, car les olives croissent sur des arbres eslevés; c'est une liqueur qui surnage au dessus de toutes les autres.

  A009001174 

 Nos miserables corps sont bien formés de leur substance, mais l'ame qui y est infuse n'en est [450] point faite, car elle est toute spirituelle et Dieu seul en est le Createur.

  A009001174 

 Voyla comme l'ame de Nostre Seigneur ne vient point de la terre ni du Ciel, car elle n'existoit point avant l'Incarnation, ains seulement elle commença d'estre à l'Incarnation, et c'est alors qu'elle fut creée..

  A009001175 

 Ce pain nous represente la troisiesme substance de Nostre Seigneur, qui est une substance partiale laquelle sans doute est venue de la terre, puisque sa chair tres sainte fut formée du sang de Nostre Dame..

  A009001175 

 La troisiesme saveur de la manne est celle du pain.

  A009001175 

 Or le pain vient de la terre, cela est tout clair et manifeste; car le blé que nous nommons froment croist de la terre, et c'est d'iceluy que l'on fait le pain.

  A009001176 

 Ainsy, combien qu'en Nostre Seigneur incarné il y ayt trois substances, il n'y a cependant qu'une personne; car la substance de l'ame et celle du corps ne font qu'une humanité, et cette nature humaine avec la divine ne font point deux personnes mais une seule qui est Dieu et homme.

  A009001177 

 Certes, en cette Incarnation il a fait voir ce qui n'eust jamais peu entrer ni estre compris de l'esprit humain, c'est à dire que Dieu fust homme et que l'homme fust Dieu; l'immortel mortel, l'impassible passible, sujet au chaud, au froid, à la faim, à la soif; l'infini fini, l'eternel temporel; en somme, l'homme divinisé et Dieu humanisé, en sorte que Dieu sans laisser d'estre Dieu soit homme, et l'homme sans laisser d'estre homme soit Dieu; tellement qu'on peut dire que les Mages qui bayserent les pieds de ce petit Enfant nouveau né, bayserent les pieds de Dieu.

  A009001177 

 Ces deux natures sont tellement unies par ensemble que l'on peut prononcer sans blasphemer: Ce sang est le sang de Dieu, le sang de l'Aigneau mort pour les pechés des hommes; Dieu a esté flagellé, fouetté; les mains de Dieu ont esté tendues et clouées à la croix.

  A009001177 

 Mais comment de Dieu? car Dieu entant que Dieu n'a point de corps; et s'il n'a point de corps comme est-ce que les Mages luy ont baysé les pieds? Neanmoins il en est ainsy à cause de cette union des deux natures qui ne font qu'une personne.

  A009001177 

 Or, ce n'est pas à dire que Dieu ayt souffert tout cela, ni qu'il ayt respandu du sang ou estendu ses bras en la croix; car Dieu est impassible, il n'a point enduré ces choses entant que Dieu, d'autant qu'en la Passion la Divinité n'a point souffert, la Divinité n'a point estendu ses mains en la croix, elle n'a point respandu de sang, car en Dieu il n'y a ni sang, ni bras, ni mains; mais on parle ainsy, et avec verité, à cause de cette estroitte union de la nature humaine avec la divine..

  A009001178 

 Il est donques vray que je suis une creature raysonnable, et si je le niois je mentirois.

  A009001178 

 L'homme est une creature raysonnable composée d'ame et de corps.

  A009001178 

 Vous verrez une personne qui a mal à la jambe; si vous regardez [452] seulement l'ame de cette personne, vous direz promptement: Comme est-ce que cette creature qui est spirituelle peut dire qu'elle a mal à la jambe? car l'ame n'a point de jambes, et c'est l'ame qui fait l'homme.

  A009001179 

 Cependant, quoy que ces deux natures soyent si unies, c'est neanmoins sans prejudice l'une de [453] l'autre; car le fer pour estre jetté dans le feu ne laisse pas d'estre fer, et le feu pour estre dans le fer ne laisse pas d'estre feu.

  A009001179 

 Prenez une lame de fer et la jettez dans une fournaise bien ardente, puis prenez les pinces et la retirez de là; vous verrez que cette lame qui nagueres estoit fer seulement, est à present toute enflammée, en sorte que vous ne sçauriez discerner si c'est fer ou feu, car ce fer est tellement enflammé qu'il paroist plustost feu que fer, tant ces deux natures se sont meslées ensemble; si bien que vous pouvez dire que ce feu est un feu enferré et ce fer un fer embrasé.

  A009001180 

 Il en est ainsy de la Divinité et de l'humanité.

  A009001180 

 La Divinité c'est le brasier ardent dans lequel a esté jettée l'humanité, et cette humanité a esté dès lors tellement jointe avec la Divinité qu'elle a participé à la nature divine, en telle sorte que l'homme a esté fait Dieu et Dieu a esté fait homme, sans que pour cela la nature divine et la nature humaine ayent laissé d'estre ce qu'elles estoyent auparavant.

  A009001180 

 Mais il y a une difference en cette similitude: en jettant de l'eau sur le fer embrasé le feu le quitte et le laisse en sa premiere forme toute seule, tandis qu'en l'union de la Divinité avec l'humanité il n'en prend pas ainsy; car despuis que la nature divine a esté jointe avec l'humaine elle ne s'en est jamais separée par aucune eau de tribulation que l'on ayt jettée dessus, ains elles sont tousjours demeurées tres estroittement unies et d'une union indissoluble et inseparable.

  A009001180 

 Or, comme le fer que l'on tire de la fournaise ne s'appelle plus fer seulement, ains fer embrasé, et le feu, un feu enferré, aussi disons-nous qu'en l'Incarnation Dieu est humanisé et l'homme divinisé.

  A009001180 

 Voyla donques comme vous pourrez entendre que c'est que l'Incarnation..

  A009001181 

 C'est une chose admirable que de l'esprit humain! Il dit donques au Seigneur: Je prendray une toison, c'est à sçavoir une tonsure de mouton ou de brebis, et l'estendray sur la plate terre; si la rosée vient à tomber dessus et que le matin je trouve la toison toute trempée sans que la terre soit mouillée, je tiendray cela pour un signe tres certain que vous me serez favorable et que [454] nous aurons la victoire sur nos ennemis.

  A009001182 

 Il y a aussi cette difference: la toison soustenoit l'eau, mais ce n'est point l'humanité qui soustient la Divinité, ains la Divinité qui soustient l'humanité..

  A009001182 

 La Divinité, qui est cette divine rosée, n'a jamais quitté la toison de l'humanité ni en la vie ni en la mort; elle a tousjours esté avec le corps et l'ame de Nostre Seigneur, et mesme apres sa mort, bien que le corps et l'ame fussent separés, la Divinité est demeurée unie avec l'un et l'autre: avec l'ame du Sauveur aux Limbes, et avec son corps sacré dans le sepulcre.

  A009001182 

 Que represente cette toison sinon l'humanité de Nostre Seigneur, sur laquelle la rosée celeste de la Divinité est tombée en si grande abondance que l'humanité a esté divinisée? Mais il y a une difference entre cette similitude et l'Incarnation, car on ne sçauroit jamais trouver de comparaison si ronde qu'il n'y reste quelque chose à arrondir.

  A009001183 

 Mais certes, despuis que les Juifs la presenterent à Nostre Seigneur lors qu'il dit en sa Passion qu'il avoit soif, et que cette esponge eut touché les levres sacrées de ce [455] divin Sauveur, elle fut canonizée, et dès lors aussi on n'a point fait de difficulté de la nommer dans les discours des choses saintes, et ce n'a plus esté une incivilité d'en parler mais au contraire une chose honnorable et bienseante; c'est pourquoy je m'en serviray pour vous faire entendre que c'est que l'Incarnation.

  A009001183 

 Mais l'humanité n'est pas par tout où la Divinité se trouve, car la Divinité est une mer infinie qui comprend et remplit tout et ne peut estre comprise de personne.

  A009001183 

 Mais remarquez cecy, que bien que la mer soit dans toutes les parties de l'esponge, celle-cy n'est point par toute l'estendue de la mer, car la mer est un grand et vaste ocean qui ne peut estre compris par l'esponge.

  A009001183 

 Si vous regardez cette esponge dans cette mer vous verrez qu'en toutes ses parties il y a de l'eau: la mer est dessus et dessous et n'y a pas la moindre parcelle qui n'en soit detrempée; neanmoins l'esponge ne perd point sa nature ni la mer la sienne.

  A009001183 

 Vous voyez par ces similitudes que c'est que l'Incarnation; quand donques on vous demandera que c'est que ce mystere, vous respondrez: C'est une telle union de la nature humaine avec la divine, une telle jonction de la Divinité avec l'humanité, que par icelle l'homme est fait Dieu et Dieu est fait homme, en prenant sa nature..

  A009001184 

 Le troisiesme point est celuy-cy: Pourquoy l'Incarnation a-t-elle esté faite? Pour nous enseigner à vivre non plus brutalement comme l'homme avoit vescu despuis la cheute d'Adam, mais avec et selon la rayson.

  A009001184 

 Voyez un cheval: quand il est alteré et qu'il trouve de quoy assouvir ou estancher sa soif il se jette à corps perdu dans l'eau, et quoy qu'on luy tire la bride il n'y a moyen de l'en empescher, de sorte qu'il traisne son chevalier à val eau.

  A009001185 

 Lors donques que l'homme vivoit brutalement, Nostre Seigneur l'est venu retirer d'entre les animaux, il luy a donné des exemples d'une admirable sobrieté et, pour peu de jugement et de rayson qu'on ayt eu, il n'y a personne qui le sçachant n'en ayt esprouvé quelque sorte de ressentiment..

  A009001186 

 Or, le Sauveur s'est incarné pour nous enseigner aussi la sobrieté spirituelle, qui consiste en la soustraction et privation volontaire de toutes les choses delectables et aggreables qu'il pouvoit avoir et recevoir en cette vie; car il se chargea volontairement et de son plein gré de tous les travaux et tribulations, pauvreté et mespris qui se peuvent endurer en ce monde.

  A009001187 

 O que nous serions heureux si nous lisions bien dans ce livre et que toute nostre preoccupation fust d'accomplir la volonté de Dieu par le renoncement et entiere abnegation de la nostre, n'ayant d'autre soin que de l'ajuster à la sienne! Ce seroit le moyen d'obtenir de sa Bonté tout ce que nous voudrions, car celuy qui n'a autre souci que de faire la volonté divine obtient d'elle tout ce qu'il requiert, et à mesure qu'il accomplit cette sainte volonté, Dieu fait la sienne ainsy qu'il est escrit: Le Seigneur fait la volonté de ceux qui le craignent, comme vous avez veu qu'il fit tout ce que voulut Gedeon quand il luy demanda un signe.

  A009001188 

 Certes, ce n'est pas que toutes ces souffrances fussent [458] necessaires pour nous sauver, car un seul acte d'amour, un seul souspir amoureux sortant de son sacré cœur estoit d'un prix, d'une valeur et d'un merite infinis.

  A009001189 

 C'est pourquoy l'on a tousjours accoustumé de dire à ces filles quand elles entrent au Monastere, que la Religion «est une escole de l'abnegation de toutes les volontés,» une croix où il se faut crucifier, en somme, qu'il y faut venir pour patir et non point pour y estre consolées.

  A009001189 

 Et qu'est-ce que vous faites? Vous vous trompez si vous pensez y venir pour y estre consolée, pour y gouster et y recevoir des douceurs spirituelles.

  A009001189 

 O Dieu, il ne faut pas chercher [459] cela, car cette façon d'agir est insupportable à ceux qui sçavent tant soit peu que c'est que la devotion.

  A009001190 

 Certes, c'est une grande pitié que l'on voye Nostre Seigneur tant souffrir, se soustraire à tous les playsirs et consolations qu'il pouvoit recevoir parmi ses souffrances, ne se servant que de ce dont il ne se pouvoit priver, et que nous autres nous soyons tant amateurs de ces gousts qu'il semble que l'on ne travaille que pour en avoir! Pour peu qu'on en ayt l'on s'amuse tant à les regarder et les sentir que l'on ne fait rien qui vaille.

  A009001191 

 En fin nous le sçaurons un jour là haut, où nous celebrerons avec un contentement incomparable cette grande feste de Noël, c'est à dire de l'Incarnation; là nous verrons clairement tout ce qui s'est passé en ce mystere, et benirons sans fin Celuy qui estant si haut s'est tant abaissé pour nous exalter.

  A009001191 

 Nous nous pourrons bien servir de ces paroles considerant le mystere de l'Incarnation, et dire: Ce mystere est si haut et si profond que nous n'y entendons rien; tout ce que nous en sçavons et connoissons est extremement beau, mais nous croyons que ce que nous ne comprenons pas l'est encores davantage.

  A009001191 

 O que c'est une belle chose à considerer que le mystere tres haut et tres [460] profond de l'Incarnation de nostre Sauveur! Mais tout ce que nous en pouvons entendre et comprendre par le discours n'est rien, et pouvons bien dire à ce propos ce que disoit un sage qui lisoit un livre tres haut et obscur d'un ancien philosophe (je ne me souviens pas de son nom); il advoua franchement: Ce livre est si docte et difficile que je n'y entens presque rien; le peu que je comprens est extremement beau, mais je crois que ce que je n'entens pas l'est plus encores.

  A009001201 

 Le Saint Esprit ne resout point si ces paroles du Cantique des Cantiques sont de l'Espoux à l'Espouse ou de l'Espouse à l'Espoux, ou bien des compagnes de l'Espouse à la maistresse Espouse; c'est pourquoy les Docteurs ne l'ont pas aussi voulu resoudre, mais ils disent qu'elles se peuvent entendre en toutes ces manieres.

  A009001202 

 La longanimité nous signifie la patience avec laquelle il attend les pecheurs à penitence; et la debonnaireté, l'amour et la compassion avec laquelle il les reçoit lors que, pleins de contrition et de larmes, ils viennent, à l'imitation de sainte Magdeleine, luy bayser les pieds par la conversion de leur cœur et de leurs affections, c'est à dire par un veritable regret de leurs pechés..

  A009001202 

 Mais quelles sont les mammelles de Nostre Seigneur? L'une de ses mammelles est la longanimité, et l'autre, la debonnaireté.

  A009001202 

 Premierement, si ces paroles sont de l'Espouse, c'est à dire de l'ame devote à l'Espoux, qui est Nostre Seigneur, vrayement elle a bien rayson de luy tenir ce propos; car les mammelles de Nostre Seigneur sont infiniment meilleures que le vin de tous les contentemens terrestres.

  A009001203 

 L'autre exemple est du bon larron, auquel Nostre Seigneur donna semblablement la mammelle de longanimité, l'attendant à penitence jusques au dernier periode et extremité de sa vie, où il manifesta admirablement sa debonnaireté, luy donnant le Paradis de prime assaut, au premier acte de repentance qu'il fit, sans aucune sorte de mortification precedente.

  A009001203 

 L'un est de l'enfant prodigue, lequel non seulement se separa de son pere, mais encores consomma tout son bien en desbauches.

  A009001203 

 Neanmoins, apres tant de desbauches et une si longue absence, lors qu'il retourna à son pere, non seulement il le receut sans se courroucer contre luy, mais qui plus est, il l'embrassa et le caressa tendrement, et l'ayant fait vestir somptueusement, il luy fit un festin en signe de la joye qu'il avoit de son retour, et le traitta avec tant de benignité, d'amour et de tesmoignages de bienveuillance qu'il sembloit vouloir luy monstrer plus d'affection apres ses [463] desbauches qu'il n'avoit fait auparavant.

  A009001203 

 Vous sçavez qu'il est dit en l'Evangile, qu'il s'en alla en un païs esloigné: Abiit in regionem longinquam.

  A009001205 

 Ainsy en est-il des consolations du monde; car au commencement et pour un peu vous y trouverez certain goust qui vous donnera quelque sorte de suavité grossiere et impure, laquelle en fin finale se terminera en aspreté et amertume, et si apres vous [464] y retournez cent fois, vous n'y trouverez plus que du degoust.

  A009001205 

 Avons-nous esté consolés aupres de Nostre Seigneur, retournons-y si souvent que nous voudrons, nous y trouverons tousjours de nouvelles consolations; car cette source de sa poitrine sacrée est inepuisable et ne se tarit jamais, de sorte que c'est avec tres grand sujet que nous pouvons dire que ses mammelles sont infiniment meilleures que le vin de tous les contentemens du monde..

  A009001205 

 O certes, les mammelles de ce divin Sauveur, c'est à dire ses consolations saintes et sacrées, ne sont pas de cette sorte, car plus elles sont tirées et plus elles sont fecondes.

  A009001205 

 Quelques Docteurs ont encores interpreté ces paroles: Meliora sunt ubera tua, etc., en une autre maniere, entendant par les mammelles de Nostre Seigneur les consolations celestes et divines; car qui ne sçait que les consolations divines sont infiniment meilleures que le vin des consolations de la terre? Aussi n'est-ce pas merveille si les unes sont comparées au lait et les autres au vin, d'autant que le vin, comme vous sçavez, se tire du raisin.

  A009001206 

 Certes, tu as rayson, c'est une chose tres bonne, tres excellente et desirable que celle que tu demandes; mais ce n'est pas assez, car tes mammelles sont meilleures que le vin, c'est à dire qu'il est meilleur d'assister le prochain et porter le lait de la sainte exhortation aux foibles et ignorans que d'estre tousjours occupé en des hautes contemplations, de sorte que quelquefois il faut quitter l'un pour l'autre.

  A009001206 

 En somme, c'est à dire qu'il ne faut mediter et contempler qu'autant qu'il est requis pour bien faire ce qui est de son devoir, chacun selon sa vocation..

  A009001206 

 Mais je dis qu'il faut faire l'un pour se rendre plus capable de l'autre, principalement quand la charge et l'estat auquel on est appellé y oblige.

  A009001207 

 Mais si ce sont les compagnes de l'Espouse qui luy disent: Meliora sunt ubera tua vino; Tes mammelles sont meilleures que le vin, le mesme saint Bernard l'explique en cette sorte: O que vous estes heureuse, nostre chere compagne, de jouir ainsy des chastes et amoureux baysers de vostre celeste Espoux! Mais ce pendant que vous estes ainsy submergée dans cet ocean de delices, nous autres chetifves demeurons privées de l'ayde et du secours qui nous est necessaire, au defaut duquel nous sommes en danger de nous perdre; donques, vos mammelles sont meilleures que le vin..

  A009001208 

 Or, quelles sont les mammelles que les compagnes de l'Espouse desirent si ardemment, et sans lesquelles elles ne peuvent subsister ni se maintenir? La premiere est la mammelle de compassion, par laquelle l'on supporte et l'on a pitié des foibles, des infirmes et des pecheurs; ce qui fait qu'avec une grande charité on leur compatit, on les console, et on les flatte et caresse pour les attirer à Dieu et leur ayder doucement à se retirer du mauvais estat auquel ils sont plongés: en un mot, par cette compassion on se fait en certaine façon semblable à eux pour les gaigner plus facilement, et c'est la marque de la vraye devotion et de la bonne oraison, que de se faire, à l'exemple du grand Apostre, tout à tous, pour les gaigner tous..

  A009001209 

 Voulez-vous sçavoir si vous avez fait une bonne oraison, et si vous avez baysé Nostre Seigneur du bayser de la bouche? regardez si vous avez la poitrine pleine de douces et charitables affections envers le [466] prochain, et si vostre coeur est disposé de le secourir en tputes ses necessités et le supporter amoureusement en toutes sortes d'occasions; car l'oraison qui nous enfle et nous fait presumer d'estre quelque chose de plus que les autres, et qui nous porte à mespriser le prochain comme imparfait, nous le faisant corriger de ses defauts avec arrogance et sans compassion, n'est pas bonne et n'est point faite en charité, verité et sincerité.

  A009001210 

 La seconde mammelle que desirent les compagnes de l'Espouse est la mammelle de congratulation, par laquelle on se console et resjouit du bien et avancement du prochain comme du sien propre.

  A009001210 

 Trouvez-vous quelqu'un qui ayt commencé à servir Dieu fidellement et qui ayt fait quelque progres au chemin de la sainte devotion? il s'en faut resjouir avec luy, et luy donner courage non seulement de perseverer mais encores de s'avancer, et ne se point lasser ni descourager pour les difficultés qu'il rencontrera, luy representant l'excellence du bien auquel nous pretendons, l'exhortant à marcher diligemment et fidellement tandis qu'il est jour et qu'il y a de la lumiere.

  A009001211 

 Et ce trait de ce mesme Apostre n'est-il pas admirable, quand, pressé de la vehemente affection qu'il avoit du salut des Juifs, il quittoit en telle sorte son propre interest qu'il desiroit d'estre anatheme pour eux? O ptabam anathema esse a Christo pro fratribus meis; luy qui aymoittant son divin Maistre qu'il disoit: Je ne vis plus en moy mesme, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy; Vivo ego jam non ego, vivit vero in me Christus..

  A009001211 

 Nous avons un rare et excellent exemple de cecy au glorieux saint Paul, quand il disoit avec un cœur plein d'une ardente charité: Je meurs tous les jours pour vous, o Corinthiens; Quotidie morior propter vestram [467] gloriam; c'est à dire: L'extreme soin et le grand desir que j'ay de vostre salut, me fait mourir tous les jours.

  A009001214 

 Certes, la crainte d'enfer est un motif des plus puissans que nous puissions avoir pour nous tenir en bride et nous empescher de transgresser la loy de Dieu, c'est pourquoy cette crainte est bonne; mais pour les espouses ce motif est trop grossier et trop bas, car elles ne veulent point d'autre mammelle que celle de l'amour..

  A009001214 

 Mais cette mammelle de la crainte n'est pas la mammelle des espouses, ains celle des serviteurs et des valets, à qui il faut donner la crainte des chastimens pour les ranger à leur devoir et à l'observance des commandemens de Dieu.

  A009001215 

 La foy nous est donnée par la parole: Fides ex auditu, auditus autem per Mot Dei; car la parole de [469] Dieu est un lait qui nourrit les ames, et nous ne pouvons avoir la foy que par cette divine parole, ni participer aux saints Sacremens si nous ne sommes fideles à croire ce qu'elle nous enseigne..

  A009001216 

 Or, ces deux mammelles sont proprement celles des espouses; car encores que l'esperance des recompenses eternelles ne soit pas un motif si noble et si excellent que celuy de l'amour, il est pourtant quelquefois expedient de s'en servir pour nous animer à l'amour.

  A009001217 

 Et alors il est bon de retourner nostre cœur à la mammelle de l'esperance, pour l'encourager et conforter, l'asseurant qu'il jouira un jour de ce qu'il ayme, et que si maintenant ce divin Espoux semble s'absenter, ce ne sera pas pour tousjours.

  A009001217 

 Or, quand Dieu nous soustrait ce sentiment, il ne faut pas se descourager ni penser que nous n'avons point d'amour, pourveu que nous ayons une forte resolution de ne luy vouloir jamais desplaire, qui est ce en quoy consiste le parfait et veritable amour.

  A009001218 

 Il est dit au Genese, qu'un Ange estant apparu à Jacob pres le guay de Jaboc, il lutta toute la nuit contre luy, et quand l'aube commença à poindre, l'Ange le voulant quitter: Laisse moy aller, luy dit-il, ne me retiens pas davantage; Dimitte me, jam enim ascendit aurora.

  A009001219 

 En fin, dit-elle, j'ay trouvé celuy que j'ayme, je le tiens et ne lé quitteray point que je ne l'aye introduit en [471] la mayson de ma mere, qui est la Hierusalem celeste, qui n'est autre que le Paradis; et là encores je ne le quitteray point, car non seulement je ne le voudray pas quitter, mais je seray alors si parfaittement unie avec luy, que jamais aucune chose ne m'en pourra separer.

  A009001219 

 Mais considerez, je vous prie, l'ardent amour de cette Espouse: certes, rien ne la peut contenter que la presence de son Bien-Aymé; elle ne veut point de benedictions, ni ne s'arreste point à l'esperance des biens à venir comme Jacob; elle ne veut que son Dieu, et pourveu qu'elle le possede elle est contente.

  A009001219 

 Voyla donques quel est l'amour de l'Espouse envers son Bien-Aymé..

  A009001220 

 Considerez, je vous prie, comme toutes ces paroles se rapportent bien; car saint Pierre dit: Soyez sans dol et sans feintise, qui est autant comme s'il disoit: Ayez une grande simplicité..

  A009001220 

 Je dis en premier lieu que pour tetter les mammelles de Nostre Seigneur, il se faut rendre semblable aux petits enfans; car vous sçavez que ce n'est qu'à eux à qui on donne les mammelles.

  A009001221 

 Certes, si nous n'avons un grand desir de l'amour divin nous ne l'obtiendrons jamais; car comment pourrions-nous l'obtenir et recevoir des consolations de Nostre Seigneur, venant à luy nostre entendement tout distrait, nostre memoire remplie et occupée de mille choses vaines et inutiles, et [472] nostre volonté attachée aux choses de la terre? Il faut donques avoir l'estomach de nos ames vuide, si nous voulons tetter les mammelles de Nostre Seigneur et recevoir ses saintes graces, ainsy que Nostre Dame nous l'apprend en son sacré Cantique, quand elle dit que Dieu a rempli de biens ceux qui avoyent faim, mais que pour les riches, c'est à dire ceux qui estoyent pleins et rassasiés des choses de la terre, il les a rejettés et ne leur a rien donné: Esurientes implevit bonis, et divites dimisit inanes; paroles par lesquelles cette Sainte Vierge nous apprend que Dieu ne communique ses graces et ne remplit de biens sinon ceux qui ont cette faim spirituelle, et qui sont vuides d'eux mesmes et des choses terrestres et mondaines.

  A009001221 

 Mais quelle est la faim de l'ame? Elle n'est autre que le desir.

  A009001223 

 Il veut dire: Encor que vous m'ayez eslevé à des honneurs et à des faveurs si grandes que de me porter dessus vostre poitrine et me donner vos divines mammelles à succer, neanmoins je n'ay point eslevé mon regard en choses hautes, ni n'ay point retiré mes yeux de dessus la terre, qui est mon origine et en laquelle je dois retourner, ains j'ay tous-jours porté la veuë basse, en la consideration de mon neant et de mon abjection; mon cœur ne s'est point enflé d'orgueil pour les grandes graces que vous m'avez faites.

  A009001223 

 Or, le saint Prophete David parle excellemment bien de cette humilité au Psaume CXXX: Domine, non est exaltatum cor meum, neque elati sunt oculi mei; Seigneur, dit-il, je n'ay point eu le cœur hautain, et mes yeux ne se sont point eslevés.

  A009001224 

 Si je ne me suis abaissé et humilié, dit-il, voicy, o Seigneur, ce que je veux qui m'arrive: Sicut ablactatus est super matre sua, ita retributio in anima mea; C'est que vous me separiez de vous et me retiriez vos sacrées mammelles, et je demeureray comme l'enfant sevré avant le temps, qui ne fait plus que languir, pleurer, gemir, se lamenter et regretter sa perte; si donques je n'ay tousjours esté bas, vil et abject à mes yeux et à mon propre jugement, ainsy soit-il fait à mon ame.

  A009001224 

 [474] O certes, il est vray que cette vertu a un pouvoir incomparable par dessus toutes les autres de nous eslever à Dieu et nous rendre capables de succer ses divines mammelles, lesquelles il ne donne qu'aux petits et humbles de cœur; c'est pourquoy je vous exhorte, mes cheres Filles, pour finir ce discours, de vous exercer fidelement en la prattique de cette vertu; car par icelle vous recevrez de tres grandes graces en cette vie, et parviendrez en fin en la gloire eternelle, où nous conduise le Pere, le Fils et le Saint Esprit.


10-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome X-Vol.4-Sermons.html
  A010000061 

 C'est sur iceluy que je vous parleray en ce petit discours; car de le faire sur saint Antoine il n'y auroit point d'apparence, veu qu'il en a esté excellemment parlé au grand sermon, auquel on a dit presque tout ce qui s'en pouvoit dire.

  A010000061 

 Je m'arresteray donques sur le dernier où il est fait mention du premier miracle [1] ou, selon saint Jean, du premier signe que Nostre Seigneur fit pour manifester sa gloire.

  A010000061 

 Nous lisons en la Messe d'aujourd'huy deux Evangiles: l'un est celuy des Confesseurs; l'autre, celuy du premier miracle que fit Nostre Seigneur aux noces de Cana en Galilée.

  A010000061 

 Nous verrons d'abord la cause du miracle, c'est à dire comment il a esté fait, et en second lieu, par qui il a esté fait et quelles personnes sont intervenues en iceluy.

  A010000062 

 Ce tres haut mystere de l'Incarnation est si profond que jamais il n'estoit entré et ne pouvoit entrer dans l'esprit des anciens payens et philosophes; voire mesme les docteurs de la Loy de Moyse, quoy qu'ils maniassent la Sainte Escriture, ne l'ont peu comprendre parce qu'il estoit invisible et d'une telle hauteur qu'il surpasse tous les entendemens humains et angeliques.

  A010000062 

 Il se fit encor d'autres miracles en cette Incarnation, dont le plus grand est que le Verbe divin fut conceu et naquit d'une femme, que cette femme fut vierge et mere tout ensemble.

  A010000062 

 Je sçay bien qu'il les faisoit aussi entant que Dieu, car ce que fait le Pere, le Fils et le Saint Esprit l'operent de mesme; mais quant au miracle de Cana c'est proprement le Fils qui le fait..

  A010000062 

 Plusieurs prodiges, il est vray, se sont operés avant celuy-cy, les uns par Nostre Seigneur, les autres en Nostre Seigneur et les autres pour l'avenement de Nostre Seigneur, comme celuy de l'Incarnation qui est le plus grand de tous et la merveille des merveilles.

  A010000063 

 En deuxiesme lieu, il faut expliquer ce qu'avancent les anciens Peres, à sçavoir, que nostre divin Sauveur fit plusieurs prodiges (et il est tres probable, car diverses histoires en sont toutes remplies) pendant qu'il demeura en Egypte et mesme en la mayson de ses parens; mais ils furent tres secrets et invisibles, parce que Nostre Seigneur n'estoit point conneu en ce temps-là; de sorte que, bien qu'il en operast un grand nombre, le signe de Cana en Galilée, duquel parle l'Evangeliste, fut vrayement le premier qu'il fit pour manifester sa gloire..

  A010000065 

 Ainsy Nostre Seigneur, qui de toute eternité est le commencement de toutes choses, en sera la fin pour toute eternité.

  A010000065 

 C'est pourquoy Nostre Seigneur venant le renouveller, commença cette recreation comme il avoit fait la creation.

  A010000065 

 C'est pourquoy les Egyptiens voulant representer la Divinité et la faire comprendre en quelque façon, ils peignoyent un serpent qui mordoit sa queue, ce que faisant, il estoit tout rond et ne se pouvoit voir en iceluy ni commencement ni fin: sa teste, qui estoit le commencement, touchoit la fin qui estoit la queue.

  A010000065 

 Ensuite il souffla dans ce corps, et lors cette masse fut convertie en chair et en sang, c'est à dire, il en fit un homme vivant.

  A010000065 

 Nostre Seigneur est le premier, l'Alpha et l'Oméga, c'est à dire le commencement et la fin de toutes choses.

  A010000066 

 Ainsy nostre vray Salomon, bien qu'il soit né Roy souverain en cette terre, il a voulu naistre en pleurant, et par consequent il est mort aussi en pleurant..

  A010000066 

 Il naquit en pleurant ainsy que les autres enfans qui tous passent par là, car il ne s'en est jamais veu aucun qui ne soit né en pleurant, sinon Zoroastre, qui fut un tres meschant homme, «lequel se prit à rire en naissant.» Mais Nostre Seigneur n'est pas né en riant, ains en pleurant et gemissant, comme le tesmoigne un passage de l'Escriture qu'on luy peut bien appliquer, quoy que ce passage regarde Salomon, lequel parlant de soy dit: Bien que je sois un roy grand et admirable, si est-ce que je suis né sur la terre comme les autres enfans, en pleurant et gemissant.

  A010000068 

 En somme, son premier miracle fut la conversion de [5] l'eau en vin, et le dernier qu'il opera avant sa mort fut l'institution de l'Eucharistie, où il est vrayement et effectivement present.

  A010000068 

 L'Apostre dit que le Chrestien est nourri de la chair vivante et du sang du Dieu vivant, ce qui est vray; et quoy que cette verité repugne à nos sens qui n'y peuvent rien voir, neanmoins nous le croyons et mesme avec d'autant plus de suavité que nos sens en connoissent moins.

  A010000068 

 La divine Providence voyant comme ce mystere sacré de l'Eucharistie estoit obscur, nous a fourni mille et mille preuves de cette verité en cent et cent lieux tant de l'Evangile que de l'Ancien Testament; Nostre Seigneur luy mesme en a donné des lumieres et intelligences si grandes que c'est chose admirable de voir ce que plusieurs ont escrit sur ce sujet, le traittant d'une façon si claire et intelligible que l'on est tout ravi en l'entendant et lisant.

  A010000068 

 Nous croyons cette verité et ce mystere, qui est le plus grand et le plus obscur de tous avec Celuy de l'Incarnation; toutefois, parce que la foy nous l'enseigne, nous croyons que Jesus Christ est en ce tres saint Sacrement en corps et en ame.

  A010000069 

 C'est chose admirable des diverses opinions qu'il y a sur cecy; mais laissons leurs raysons et nous tenons à ce que dit l'Evangeliste.

  A010000069 

 Ils y allerent; mais comment? O certes, il est croyable que la Sainte Vierge s'y rendit dès la veille, car lors qu'il se fait des noces, les dames et parentes n'y vont pas le jour mesme mais dès la veille, et non seulement pour estre receues, ains encor pour ayder à recevoir les autres invités, et par ce moyen faire honneur à l'espouse.

  A010000069 

 Voyons maintenant comment ce miracle s'est operé, et pour ce je vous raconteray toute l'histoire de l'Evangile.

  A010000070 

 Certes, les noces où Nostre Seigneur et Nostre Dame assistent sont bien reglées et l'on y observe une grande modestie; mais celles de ce temps icy sont pleines de desbauches et toutes farcies de menteries, car quand on veut marier une fille, combien de mensonges dit-on! Elle est cecy, elle est cela, elle a tant d'heritage; ce jeune homme a toutes telles conditions et qualités.

  A010000070 

 Et sur ce on conclut le mariage, lequel estant fait l'on trouve que ce qu'on a dit n'est pas.

  A010000070 

 Les noces de Cana ne furent pas ainsy, parce que le mensonge ne se peut point trouver là où est Nostre Seigneur.

  A010000070 

 Puis viennent les regrets et reproches de part et d'autre, mais il n'est plus temps, car c'en est fait.

  A010000071 

 C'est peut estre par tel moyen que cela vint aux oreilles des dames, lesquelles se prindrent à deviser par ensemble de ce qu'il faudroit faire.

  A010000071 

 Il est croyable en effect que ces noces estoyent de gens pauvres, c'est pourquoy Nostre Seigneur y fut invité; il est vray, car il se plaist tant à traitter et converser avec les pauvres qu'il les favorise tousjours.

  A010000071 

 Mais que fera cette sainte Dame, car elle ne porte point d'argent pour faire acheter du vin? Son Fils n'en a point, non plus qu'elle; sur quoy fonde-t-elle donques son esperance de remedier à cette necessité? O certes, elle sçavoit qu'elle avoit amené avec elle Celuy qui est tout puissant et dont elle connoissoit la grande charité et misericorde, par laquelle il pourvoiroit infailliblement au besoin de ces pauvres gens.

  A010000071 

 Or, je ne sçay comment cela arriva; si est-il vray que le vin commença à faillir.

  A010000071 

 Que si ce cher Sauveur de nos ames se plaist à la rencontrer ès maisons des grans et parmi les noces, quel sera son contentement de la voir dans les Religions où l'on fait vœu de la garder! combien se plaira-t-il d'y trouver l'indigence parmi la suffisance, je veux dire, non pas le defaut des choses necessaires, mais neanmoins que l'on y est pauvre des superflues.

  A010000072 

 Comme si elle eust [8] voulu dire: Mon Seigneur et mon Fils, ces gens icy sont pauvres, et quoy que la pauvreté soit grandement aymable et vous soit fort aggreable, si est-ce qu'elle est de soy grandement honteuse, car elle reduit souvent son hoste à d'extremes mespris et confusions devant le monde.

  A010000074 

 C'est donques une bien bonne priere que celle cy de se contenter de representer ses necessités à Nostre Seigneur, les mettre devant les yeux de sa bonté et le laisser faire, avec asseurance qu'il nous exaucera selon nos besoins, luy disant à l'exemple de la Vierge, quand on se trouve aride, desolé et desconforté: Seigneur, me [9] voicy, pauvre fille que je suis, desolée, affligée, pleine de secheresses et aridités.

  A010000074 

 Mais que demandez-vous? Hé que je demande? vous sçavez bien ce de quoy j'ay besoin; il me suffit de vous faire voir ce que je suis, c'est à vous de pourvoir à mes miseres et necessités selon qu'il vous plaira..

  A010000076 

 C'est bien fait de demander l'humilité, car ce doit estre nostre chere vertu que celle là; c'est une chose bonne de demander et souspirer apres le divin amour, mais neanmoins je vous dis que cette demande que vous faites de l'humilité et de l'amour n'est pas bonne; car ne voyez-vous pas que vous ne desirez pas l'humilité, ains le sentiment de l'humilité? Vous voulez sçavoir et sentir si vous estes humble, si vous avez l'humilité.

  A010000076 

 De mesme, il n'est pas requis pour aymer Dieu de sentir qu'on l'ayme; car son amour ne consiste pas à sentir, gouster et savourer sa douceur.

  A010000076 

 Il y a deux manieres de les demander à Nostre Seigneur: l'une est en la façon que fit la Vierge; l'autre est de le prier qu'il nous donne telle ou telle chose ou qu'il nous delivre de quelque mal, avec cette condition toutefois, qu'il fasse en cela sa volonté et non la nostre.

  A010000076 

 Or, il ne faut pas faire cela, car il n'est pas requis pour avoir cette vertu d'en avoir le sentiment; au contraire, ceux qui l'ont veritablement ne voyent ni ne sentent point qu'ils sont humbles.

  A010000076 

 Ouy, cela est bon.

  A010000077 

 Ce n'est que du manque de sentimens dont nous nous plaignons, car nous voulons tout gouster et savourer.

  A010000077 

 O Dieu, attendez un peu, mes cheres ames, ce n'est pas icy le lieu des gousts et sentimens; attendez d'estre là haut au Ciel où vous connoistrez si vous avez l'humilité et jouirez de ces suavités.

  A010000077 

 Vous vous trompez; dites plustost: Je voudrois avoir les extases, les sentimens d'amour et d'humilité d'une sainte Therese, d'une sainte Catherine de Sienne, car ce n'est point l'amour que vous demandez, ains le sentiment et la suavité de cet amour.

  A010000078 

 Ce qu'entendant, le Sauveur luy dit: Femme, qu'avez-vous à demesler avec moy? Mon heure n'est pas encores venue.

  A010000078 

 Mais, o Dieu, qui est si hardi que d'y vouloir mettre la pointe de son esprit, pour aigu et subtil qu'il puisse estre, à fin d'en comprendre le vray sens, sans avoir receu la lumiere d'en haut pour cela? Cette responce estoit toute amoureuse, et la Sainte Vierge qui le sçavoit bien s'en sentit la plus obligée mere qui aye jamais esté.

  A010000078 

 Quelles paroles icy entre le Fils et la Mere, entre deux cœurs les plus aymans et les plus aymables qui furent jamais! Qu'avez-vous à demesler avec moy, femme? Ha, Seigneur, qu'a à faire la creature avec son Createur de qui elle tient l'estre et la vie! qu'a à faire la mere avec son fils, qu'a à demesler le fils avec la mere de qui il a receu le corps, c'est à dire l'humanité, la chair et le sang! Ces paroles semblent estre bien estranges, et en effect estans mal entendues par des ignorans qui les ont voulu interpreter, ils en ont formé trois ou quatre heresies.

  A010000079 

 Combien qu'en apparence elle soit un peu rude, ce n'est rien pour vous qui entendez le langage de l'amour, lequel ne s'explique pas seulement par les parolles, mais aussi parles yeux, par les gestes et par les actions.

  A010000079 

 Et quant aux yeux, les larmes qui en deseoulent sont des preuves de l'amour; c'est en cette façon que le Psalmiste donnoit des tesmoignages du sien lors qu'il respandoit une grande abondance de larmes devant son Dieu..

  A010000079 

 Mais demeurons fermes en celle que la pluspart des Peres tiennent, laquelle est que le Sauveur respondit à sa sainte Mere: Qu'ay-je à demesler avec vous? pour apprendre aux personnes qui sont constituées en quelque benefice ecclesiastique, de prelature et autres telles dignités, à ne se point servir de ces charges pour gratifier les parens selon la chair et le sang, ou faire en leur faveur chose aucune qui soit [12] tant soit peu repugnante à la loy de Dieu; car ils ne se doivent jamais oublier jusques là qu'à leur occasion ils viennent à s'esloigner de la droiture avec laquelle ils sont tenus à exercer leurs offices.

  A010000079 

 Or, nostre divin Maistre voulant faire cette leçon au inonde, se servit du cœur de la tres sainte Vierge; en quoy certes il luy donna des preuves tres grandes de son amour, comme s'il disoit: Ma tres chere Mere, en vous respondant: Qu'avez-vous à demesler avec moy? je ne veux point vous esconduire en vostre demande; car qu'est-ce que peut refuser un tel Fils à une telle Mere, la plus aymée et la plus aymante qui ayt jamais esté? Mais d'autant que vous m'aymez parfaitement, aussi vous aymé-je souverainement; et cet amour que je vous porte et celuy duquel je sçay que vous m'aymez m'a fait prevaloir de la fermeté de vostre cœur pour donner cette leçon au monde, estant tout asseuré que ce cœur tres amoureux ne s'en esmouvra point.

  A010000080 

 L'Espouse, au Cantique des Cantiques, disoit: Mon Amy m'est un faisceau de myrrhe, je le prendray et le mettray au milieu de mes mammelles, c'est à dire au milieu de mes affections; et la goutte de cette myrrhe venant à tomber, fortifiera et confortera mon cœur.

  A010000081 

 Ce n'est pas pour cela qu'il s'incarnast devant le temps qu'il avoit preordonné, non; mais en son eternité il avoit.

  A010000081 

 Il est vray aussi que Dieu avoit determiné de toute eternité l'heure et l'instant de faire deux grans miracles: celuy de l'Incarnation et celuy de donner au monde le premier signe pour la manifestation de sa gloire; mais c'estoit d'une façon generale et non point en sorte qu'estant prié il ne peust avancer cette heure.

  A010000081 

 Il est vray qu'il y a des heures ordonnées de la divine Providence desquelles depend tout nostre bien et conversion.

  A010000081 

 Quant à ces paroles: Mon heure n'est pas encores venue, quelques-uns ont pensé que Nostre Seigneur entendoit que le vin n'estoit pas encores failli.

  A010000082 

 C'est aussi de cette heure que depend nostre conversion et transmutation, et l'on doit avoir un grand soin de s'y bien disposer, a fin que Nostre Seigneur venant, nous puissions estre prests à bien correspondre à sa grace..

  A010000082 

 Il en est tout de mesme de ce premier miracle que Nostre Seigneur a fait aujourd'huy aux noces de Cana en Galilée.

  A010000082 

 Mon heure n'est pas encores venue, dit-il à sa sainte Mere, mais puisque je ne vous puis rien refuser, j'avanceray cette heure pour faire ce que vous me demandez.

  A010000082 

 O que bienheureuse est l'heure de la divine Providence en laquelle Dieu a voulu nous departir tant de graces et de biens! O que bienheureuse est l'ame qui attendra avec patience et qui se preparera pour correspondre avec fidelité à icelle quand elle arrivera! Certes, ce fut l'heure de la Providence divine celle en laquelle la Samaritaine se convertit.

  A010000083 

 Vin tres excellent que celuy cy dont nous sommes nourris, car c'est par la reception du corps et du sang du Sauveur que nous sont appliqués les merites de sa Mort et Passion..

  A010000084 

 D'aller chercher les raysons de telles disputes cela n'est point propre pour nous; mais tenons-nous à cette heure du costé de ceux qui disent qu'il y a des licornes et que leur poudre a la proprieté de chasser le venin.

  A010000084 

 L'esprit humain est admirable! Plusieurs disputent s'il y a des licornes ou non et si la poussiere de leur corne a cette vertu.

  A010000084 

 Le pretieux sang de Nostre Seigneur est comme la licorne, qui chasse le venin du peché lequel empoisonne nos ames; car par le Sacrement de l'Eucharistie nous est appliqué, comme nous l'avons dit, le fruit de nostre Redemption.

  A010000084 

 Les roys et grans princes ont pour l'ordinaire tousjours [15] avec eux de la poudre de la corne de licorne qui est propre à garantir du venin; et quand ils ont quelque incommodité ils prennent de cette poudre dans du vin pour s'en preserver.

  A010000085 

 Cela est bon, c'est bien fait de se servir de l'invocation des Saints; mais, ma chere fille, pourquoy demandez-vous tant la santé de ce fils? Quand il se portera bien qu'en ferez-vous? Je le mettray sur l'autel de mon cœur et je l'encenseray.

  A010000085 

 Il nous la faut inviter à nostre festin, d'autant que là où est le Fils et la Mere le vin n'y manque point; car elle dira infailliblement: Mon Seigneur, cette mienne fille n'a point de vin.

  A010000085 

 Mais, mes cheres ames, quel vin demandez-vous? O certes, non autre que celuy des consolations, c'est celuy que nous voulons et pas un autre.

  A010000085 

 Voyla une bonne femme qui a un fils malade; o Dieu, il faut employer le Ciel et la terre, car cet enfant est unique, c'est le fruit de mon sein, c'est [16] en luy que j'ay mis toute mon esperance; et quand les remedes humains n'y peuvent plus rien on recourt aux vœux qu'on fait aux Saints.

  A010000086 

 Si nous voulons que Nostre Dame demande à son Fils qu'il change l'eau de notre tepidité au vin de son amour il nous faut faire tout ce qu'il nous dira; c'est icy un bon point.

  A010000093 

 L'Evangile fait mention d'une parabole ou similitude en laquelle il est dit qu'un certain negociateur qui cherchoit des perles en trouva une d'un si grand prix qu'il vendit tout ce qu'il avoit pour l'acheter.

  A010000093 

 Or, d'autant que cette similitude renferme et enclot une milliace d'advis et documens tres excellens pour parvenir à la perfection chrestienne, je m'en serviray pour ce petit discours auquel nous verrons qui est ce negociateur qui cherchoit des perles, quelle est cette perle et ce qu'il faut faire pour l'avoir..

  A010000094 

 Ce n'est pas seulement le commencement, mais aussi la fin de la doctrine d'Aristote, que tout homme cherche à estre bienheureux; et ce philosophe a tres bien dit qu'il y a dans l'homme un certain mouvement naturel qui tend à la felicité.

  A010000094 

 Que s'il s'en rencontre quelques uns qui ne sont pas bienheureux, ce n'est pas faute de cette pretention generale, ains de la particuliere; car bien qu'ils tendent à cette felicité, si est-ce qu'ils la mettent en des choses où elle ne se trouve pas.

  A010000095 

 C'est ce que vouloit signifier le royal Prophete par ces paroles: Qui me monstrera le bien apres lequel j'halette et souspire? Comme s'il vouloit dire: O Seigneur, tout homme appete le bien et desire qui le luy monstre; et je ne suis pas du nombre de ceux qui ne l'appetent pas, car j'ay bien observé en moy un certain instinct naturel qui me porte et me fait tendre au bonheur.

  A010000095 

 En un autre endroit le mesme Psalmiste s'escrie: O Dieu, mon cœur s'est tout resjoui quand il a sceu que vous estiez sa felicité; et nostre grand Pere saint Augustin dispit: «O Dieu, mon cœur est creé pour vous, il n'aura jamais repos ni tranquillité qu'il ne jouisse de vous.» Nous voyons par ces paroles comme le cœur humain tend naturellement à Dieu qui est sa beatitude.

  A010000095 

 Il y a un negociateur qui cherche des perles, lequel est par dessus tous les autres.

  A010000095 

 Mais je passe ce premier point sans en dire davantage, parce que ce n'est pas là où je me veux arrester.

  A010000095 

 Tous les Chrestiens sont ces chercheurs de perles, c'est à dire tous ont un appetit et mouvement par lequel ils appetent et recherchent le bien, la felicité et beatitude.

  A010000096 

 Elle a une telle convenance et rapport avec le cœur de l'homme qu'il ne sçauroit trouver de repos qu'en la possedant; de mesme, si je l'ose dire, elle, par un amour reciproque, ne semble pas estre vraye felicité qu'entant que l'homme la possede, car Dieu l'a faite pour la jouissance de l'homme, et la luy a tellement promise qu'il s'est obligé de la luy donner.

  A010000096 

 Il est vray que l'homme est ereé pour la felicité et la felicité pour l'homme; car l'homme ne peut estre content s'il ne jouit de la felicité, et la felicité, ce semble, ne peut estre felicité si l'homme ne la possede.

  A010000096 

 Or, bien que cette promesse n'ayt pour fondement que sa bonté, il s'ensuit neanmoins que cette obligation est de justice, mais d'une justice toute misericordieuse, car c'est par pure misericorde que Dieu s'est engagé de donner sa gloire à sa creature, gloire qui n'est autre que l'union de nos ames avec luy..

  A010000097 

 C'est ce qui nous a esté monstré par les anciens Religieux, lesquels furent nommés moines, ce qui signifie reliés, c'est à dire unis et resserrés.

  A010000097 

 C'est un beau nom que celuy de moine, nom [20] tout mysterieux qui nous fait cette belle leçon de tendre à l'union, de nous relier et restreindre pour pouvoir justement aspirer à la felicité..

  A010000097 

 Cette union à laquelle nous tendons tous naturellement, comme j'ay desja dit, est et sera eternelle et inseparable.

  A010000097 

 La charité donques produit l'union icy bas; c'est elle qui retire et resserre les affections, qui relie et reunit tout ce qui est desuni, en somme c'est par cette union temporelle que l'on arrive à l'eternelle.

  A010000097 

 La grace nous y dispose, et la charité est comme la racine qui engendre et cause l'union; à mesure que nous aurons plus de grace en cette vie, nous aurons aussi plus de gloire au Ciel, et par consequent plus d'union.

  A010000098 

 Mais quelles sont ces perles sinon les vertus et bonnes œuvres qui sont comme des perles et pierres pretieuses? Or, d'où vient que les pierreries ont un si grand prix parmi les hommes? Leur beauté et esclat les rend sans doute aggreables et prisables, mais ce n'est pas là la principale cause de leur valeur, ouy bien l'estime qu'on en fait parmi les mortels.

  A010000098 

 N'est ce pas une chose horrible et espouvantable de voir cette ehontée Cleopatra porter attachées à ses oreilles deux perles qui valoyent cinq mille escus? N'est ce pas un prodige et une estrange fantasie des humains que ces pierreries qu'ils estiment pretieuses et qui ne sont en effect que des pierres, soyent arrivées à une telle estime parmi eux qu'on vienne à vendre un diamant les cinq cens escus et davantage? N'est ce pas, dis-je, une grande folie? Certes, quand ces pierres, pour pretieuses qu'elles puissent estre, seroyent achetées un escu, c'est tout ce qu'elles vaudroyent, excepté celles qui peuvent servir à la santé de l'homme.

  A010000099 

 Et non content de cela, il est venu ça bas en terre comme un divin negociateur pour chercher ces pierres pretieuses, s'exerçant à la prattique des vertus, leur baillant encores un plus [21] beau lustre par ce moyen, à dessein de nous en rendre amoureux, à ce que, les recherchant et nous adonnant à la conqueste d'icelles, nous puissions obtenir la vie eternelle qui leur est reservée; car c'est aux vertus et bonnes œuvres qu'elle se donne, voyla pourquoy tous les Chrestiens les cherchent..

  A010000099 

 Les vertus, comme ces pierreries, sont d'elles mesmes d'un grand prix à cause de leur esclat qui les rend aggreables et prisables aux yeux des hommes; car elles sont fort belles, et tout ce qui est beau est pretieux.

  A010000099 

 Neanmoins ce n'est point do cette beauté que depend leur plus haute valeur, ains de l'estime qu'elles ont devant Dieu, qui en fait un si grand estat qu'il leur a promis la felicité, c'est à dire la vie eternelle.

  A010000100 

 Il en prend ainsy de tout ce qui n'est point Dieu et qui est hors de luy..

  A010000100 

 Que s'il y en a quelques uns qui ne les trouvent pas, c'est qu'ils les cherchent et les pensent trouver où elles ne sont point, à sçavoir dans les richesses, dans les honneurs et voluptés; aussi sont-ils pour l'ordinaire trompés, car les vertus ne se tiennent pas emmi ces choses, on les y rencontre difficilement, et de plus, ces richesses, ces honneurs et voluptés n'apportent qu'amertume, degoust et fascherie.

  A010000100 

 Regardez un marchand: que ne fait-il pas pour accroistre son bien? O Dieu, c'est une chose incroyable et inconcevable quel travail il endure.

  A010000102 

 Et quelle est cette perle unique, quelle est cette unique perfection? Non autre que la perfection evangelique; il faut vendre tout ce que l'on a à fin de l'acheter, selon le dire de Nostre Seigneur: Va, vens tout ce que tu as et me suis..

  A010000102 

 Quelle est donques cette perle unique sinon la perfection chrestienne? car bien qu'elle se produise en plusieurs façons, chacune d'icelles est cependant si differente des autres qu'elle peut s'appeller unique.

  A010000102 

 Tous y aspirent et plusieurs y arrivent, mais un chacun diversement; et c'est cette grande varieté qui rend cette perfection si belle et aggreable.

  A010000103 

 C'est ce qu'on fait venant en Religion, par un entier renoncement de toutes les vanités du monde et de ce que l'on y possedoit; car il faut tout quitter, sans se reserver aucune chose pour petite qu'elle soit..

  A010000103 

 Or, bien que tous les Chrestiens doivent rechercher cette perle et vendre tout ce qu'ils ont pour l'acquerir, chacun selon sa vocation, si est-ce que les Religieux, les Religieuses et les personnes dediées à Nostre Seigneur y sont obligés d'une obligation plus estroitte et particuliere.

  A010000103 

 Quoy que cette perle soit la perfection chrestienne, si est-ce que nous pouvons dire encores plus proprement que la perfection religieuse est la vraye perle evangelique, pour laquelle acheter il faut tout quitter, et en une façon bien plus speciale que pour la perfection chrestienne, car pour celle cy on la peut acquerir en gardant les commandemens de Dieu; mais pour la perfection religieuse il ne faut pas seulement garder les preceptes, ains aussi les conseils, les [23] secrettes inspirations et les mouvemens interieurs.

  A010000104 

 C'est pourquoy aux Religions bien reformées on renonce absolument à toute proprieté par la Profession; et si on se reservoit la possession de quelque chose, pour petite qu'elle fust, ce seroit un grand crime.

  A010000104 

 On ne vous a pas priés d'entrer au monastere, ainsy vous n'y devez point venir si vous ne renoncez à tout, à tout, car faire quelque exception c'est mentir au Saint Esprit.

  A010000105 

 (Il est hors de doute qu'il y a des lieux où les hommes naissent plus beaux qu'ailleurs. Or, l'Escosse a cet advantage par dessus les autres païs du monde, mais d'en vouloir deduire les raysons il n'est pas à propos icy; tout cela importe peu, pourveu que nous allions en Paradis c'est assez.).

  A010000105 

 Sainte Brigide fit cecy avec une admirable perfection, et pour le vous faire mieux entendre, je vous rapporteray sommairement l'histoire de sa vie, parce qu'il est necessaire, combien que vous la puissiez lire en des livres et [24] y voir tout ce que j'ay à dire.

  A010000106 

 Donques, parmi les filles de cette contrée, qui sont naturellement belles, sainte Brigide l'estoit singulierement; c'est pourquoy, bien qu'elle fust de basse extraction selon sa mere, elle fut recherchée en mariage par les plus advantageux partis de toute l'Escosse, lesquels s'oubliant de la bassesse de son origine, la desiroyent pour son extraordinaire beauté qui la rendoit fort aggreable.

  A010000107 

 C'est beaucoup fait que d'avoir quitté les pretentions et esperances; il est mesme plus malaysé de s'en desprendre que des biens que l'on possede.

  A010000107 

 Elle renonça donques à tous les honneurs, richesses et playsirs que le monde luy presentoit, et aux biens de fortune, c'est à dire à ces biens à venir qui sont si difficiles à delaisser.

  A010000108 

 Elle auroit peu estre duchesse, marquise et mesme princesse, car puisque l'amour releve les amans, la fille de basse qualité espousée à un grand seigneur est faite telle que son mary, c'est à dire, elle perd la bassesse de son extraction pour participer et estre transformée en celle de son espoux.

  A010000109 

 Quant à la force il n'en est quasi point parlé entre le sexe feminin, c'est un don duquel il ne se prise gueres; de là vient la mollesse et grande tendreté des femmes qui sont si fades et delicates qu'il ne faut que la piqueure d'une mouche pour leur faire prendre le lit; voyla pourquoy elles ne se soucient pas beaucoup du don de force.

  A010000110 

 Et que dirons-nous des femmes de Venise qui, apres avoir lavé leurs cheveux, se vont percher sur les toits les heures entieres aux rayons du soleil pour faire devenir leurs cheveux blonds, et de celles qui portent des emplastres sur leur visage tout le long de la semaine pour les arracher le Dimanche, à fin de paroistre blanches et aggreables aux yeux de quelques fous? En somme, c'est une chose estrange de ce que ce sexe met en œuvre pour conserver sa beauté; c'est pourquoy, d'autant plus qu'il est curieux de cecy, d'autant plus le renoncement que l'on en fait est excellent..

  A010000111 

 Voyez-vous que c'est du monde? Quand elle estoit belle et recherchée des plus grans du païs son pere la tenoit chez luy à cause du bien et advantage qu'il eu attendoit; mais la trouvant changée, oh! il la faut envoyer en Religion, elle ne vaut rien pour le monde..

  A010000113 

 En somme, il est tres malaysé de faire mourir ce propre jugement et de ne plus user de sa liberté..

  A010000113 

 Mais ce n'est pas tout, il y a encores une autre piece aussi difficile à quitter que l'autre: c'est le propre jugement.

  A010000113 

 Quant à l'abnegation de la propre volonté j'ay tous-jours accoustumé de dire que c'est la principale piece de nostre renoncement; c'est par où il faut commencer et finir, car la volonté propre n'est qu'une formiliere de petits vouloirs, inclinations et humeurs, lesquelles on doit toutes assujettir à l'obeissance et à la rayson; autrement elles font un desordre et rebellion tant à la loy et volonté de Dieu qu'à celle des Superieurs.

  A010000114 

 C'est ce que nous a voulu faire entendre le grand Apostre lors qu'il disoit: Je sens en moy deux lois, la loy de la chair et celle de l'esprit, lesquelles sont toutes contraires l'une à l'autre; ce qui me fait souvent gemir et m'escrier: O moy miserable, qui me delivrera de ce corps de mort? car je sens un appetit en ma chair qui appete le mal que mon esprit abhorre.

  A010000114 

 Certes, quand le jugement et la volonté propres sont renoncés, tout est fait; mais il faut bien travailler pour en arriver là, et ne pas s'estonner des difficultés ou de la peine que l'on esprouve tant pour les ruiner comme pour acquerir les vertus, car on ne les sçauroit avoir sans travail.

  A010000114 

 Or, de penser parvenir à ce point de perfection sans peine et d'obtenir les vertus sans difficulté, c'est une heresie plustost qu'autre chose, car la sainte Eglise a declaré, et c'est une verité infaillible, que l'homme sera toute sa vie sujet à des passions, changemens et vicissitudes; de sorte que pour aller contre ces passions, pour demeurer ferme et esgal parmi ces variations et marcher avec la pointe de l'esprit et de la rayson, il faut de necessité supporter du travail et de la peine.

  A010000115 

 Mais on passe encores plus outre, et on commence à se quitter soy mesme, à s'assujettir à la direction d'autruy et à renoncer sa propre volonté et son jugement, c'est à dire son propre sens, son propre esprit; on se sousmet à la correction et reprehension, qui est le dernier essay et le plus important de la perfection religieuse..

  A010000115 

 Quand est-ce que nous vendons tout ce que nous possedons pour acquerir cette perle sinon quand nous nous dedions au service de Dieu? Quand on prend l'habit de Religion on commence [29] à tout rejetter, on quitte les biens, les honneurs, les parens, renoncemens fort difficiles à faire pour quelques uns; et neanmoins l'amour et amitié des proches est bien foible et fade parce que, s'il n'a point d'autre fondement que la nature, il se perd pour le moindre accident qui arrive.

  A010000116 

 C'est pourquoy la correction regne en toute Religion bien reformée et y est perpetuellement prattiquée; de là vient le bon ordre qu'on y trouve, d'autant que par icelle on redresse, nettoye et corrige tout ce qui ne va pas bien ou qui est tant soit peu imparfait.

  A010000116 

 Mais il n'en est pas ainsy en Religion, ains l'on y souffre les reprehensions continuelles..

  A010000117 

 Au reste, quand mesme nous quitterions de grans biens [30] pour aller souffrir en Religion toutes les disettes et les incommodités que la pauvreté traisne apres soy, o Dieu, que ce seroit bien peu au prix de ce que Nostre Seigneur a quitté pour nous! car ne pouvant estre pauvre au Ciel, où il n'y a ni peut avoir aucune disette, il s'est humanisé et il est venu en ce monde endurer la plus grande pauvreté des choses necessaires à l'usage de sa vie, et ce, pour nous enrichir et donner des preuves de son amour..

  A010000117 

 C'est alors qu'on n'entreprend pas seulement de tout quitter, mais on quitte tout à fait toutes choses et s'oblige-t-on à ne plus vivre en sa liberté et selon sa volonté, ains en l'obeissance et sousmission.

  A010000117 

 On renonce à ce qui est inutile et se contente-t-on du necessaire pour l'entretien de la vie, embrassant la sainte sobrieté qui retranche le superflu et donne ce qui fait besoin, sans permettre que l'on en souffre aucune grande disette; car si on trouve en quelque lieu ce qui est requis pour la conservation de cette vie miserable, c'est bien en la Religion où il se depart plus soigneusement que par tout ailleurs.

  A010000117 

 Or, bien que cela se commence à prattiquer quand on se dedie au service de Dieu, si est-ce qu'il se fait bien plus entierement quand on prononce les vœux.

  A010000119 

 Le premier est de quelques lepreux qu'elle guerit; le second est d'une fille à qui elle rendit la veuë.

  A010000119 

 Or, si vous voulez qu'il vous accorde cela, donnez-luy aussi ce qu'il vous demande, qui est que vous gardiez sa loy et obeissiez à ses conseils..

  A010000119 

 Or, vous ayant sommairement raconté la vie de sainte Brigide, il est bien raysonnable que je vous die encores quelques uns de ses miracles; je vous en rapporteray seulement deux qui sont propres à ce sujet, avec lesquels je fermeray ce discours.

  A010000119 

 Vous le priez que sa volonté soit faite, car c'est en icelle que consiste tout nostre bien; puis encores, que son Royaume nous advienne pour jouir de cette eternelle felicité apres laquelle nos cœurs aspirent et parpillent continuellement.

  A010000120 

 Mais celuy qui estoit net ne se soucia point de l'autre, ains se voyant si blanc: O Dieu, respondit-il, je ne l'oserois pas toucher, car à cette heure que je suis gueri il est dangereux que si je le touche je ne devienne derechef lepreux.

  A010000121 

 Mais à quel propos ce miracle, et pourquoy est-ce que je le dis? Parce qu'il est beau et qu'il me semble devoir [32] estre rapporté à cause des excellens documens qui y sont compris.

  A010000122 

 C'est la leçon que noir, l'ait aujourd'huy sainte Brigide quand elle commande à ces ladres de se laver les uns les autres..

  A010000122 

 C'est par là qu'on recouvre sa premiere santé et que le corps de la Religion demeure net et libre de toute tache et macule.

  A010000122 

 Or, quand pour quelque respect humain et estans meus non point de la charité ains de nostre fantasie et caprice, nous refusons de laver celuy qui en a besoin, c'est un grand mal.

  A010000122 

 Quand on vient à dire: Moy qui suis net je n'oserois toucher celuy là qui est encores malade; ou bien: C'est un membre pourri, la correction ne luy proffite point, c'est en vain qu'on se travaille apres luy, il vaut mieux le laisser, o Dieu, ne voyez-vous point le danger où vous estes de devenir vous mesme lepreux? Car, qui veut-on guerir sinon celuy qui est malade? Et pourquoy Nostre Seigneur est-il venu sinon pour les infirmes? Le juste, comme dit le glorieux Apostre, n'a pas besoin de loy; il n'est pas requis de luy persuader d'aymer Dieu, il l'ayme assez, ni encores d'aymer le prochain, car il sçait à quoy l'amour de Dieu l'excite et oblige.

  A010000123 

 La Superieure du monastere envoya la Sainte pour la guerir; elle y alla, mais voyant tant de beauté et [33] sçachant comme cet advantage est un grand obstacle à la beauté spirituelle, et combien les sens, principalement la veuë, sont dangereux et propres à nous faire perdre la pureté de l'ame quand ils sont mal gouvernés, Brigide se mit en priere.

  A010000123 

 Le second miracle est celuy-cy.

  A010000124 

 Mais elle se sentit aussi tost esclairée d'une autre lumiere qui eschaufïa son cœur et qui luy fit appeter les biens eternels et perdurables, beaucoup plus excellens que ceux qu'elle appercevoit par ses sens; et lors, considerant combien cette veuë corporelle la pourroit empescher et retarder au dessein d'acquerir le souverain bien qui est Dieu, elle desira de la perdre une autre fois pour jouir plus pleinement de la veuë spirituelle.

  A010000125 

 Mais pourquoy dis-je encores ce miracle? Parce qu'il est beau et propre à bien finir ce discours.

  A010000125 

 O Dieu, que cette Urie fut heureuse de tout delaisser pour tout avoir; car quittant la veuë elle quitta vrayement tout, d'autant que c'est la chose la plus pretieuse au corps de l'homme, celle que l'on conserve le plus soigneusement et que l'on craint davantage de perdre.

  A010000125 

 O que vous serez heureuse, ma chere Fille, si vous quittez vostre veuë et si vous renoncez à tout pour tout avoir, embrassant en telle sorte la vraye mortification de vos sens et passions, que mesprisant toutes les choses temporelles et transitoires, [34] vous recherchiez avec cette bonne Urie les biens eternels et perdurables! Si vous vous livrez toute à Dieu et luy donnez tout ce qu'il vous demande, il vous octroyera tout ce qu'il est luy mesme et ne vous refusera rien de ce que vous requerrez de luy.

  A010000132 

 Vous avez, mes tres cheres Filles, choisi un jour fort propre pour renoncer au monde et vous donner a Nostre Seigneur, car c'est un jour de joye pour les fidelles; aussi faites-vous une action de grande resjouissance en quittant le tracas de ce siecle pour vous mieux dedier à nostre cher Sauveur..

  A010000133 

 Il est dit dans l'Evangile sacré que ce bon Maistre se transporta, avec la multitude qui le suivoit, de la mer de Galilée sur la montagne, en un lieu escarté et desert.

  A010000133 

 La mer de Galilée signifie le monde avec ses tracas et remuemens, où l'on a grande peine à entendre Nostre Seigneur, c'est à dire ses inspirations, si l'on ne va sur la montagne et qu'on ne se retire en la mayson de Dieu; car pourquoy ne peut-on pas parler en secret parmi les rues de Lyon, sinon à cause que l'on fait trop de bruit? Ainsy malaysement peut-on ouyr les paroles que le Sauveur dit au fond de nostre cœur au milieu de [36] tant d'embarrassemens.

  A010000134 

 Ils pensent faire prou quand ils se gardent des gros pechés, comme de desrober, de tuer et choses semblables; et on dit: C'est un homme de bien.

  A010000134 

 Tous se peuvent sauver en observant les commandemens; et pourtant il y en a si peu dans le Christianisme qui s'adonnent à la veritable vertu! Grace à Dieu il y a par tout des Chrestiens: en France, en Europe, en Asie, en Afrique, en fin dans tous les païs du monde; mais le malheur est qu'il y en a si peu qui fassent profession de vrays Chrestiens que c'est grand pitié.

  A010000136 

 Sçachez qu'il faudra mortifier vos «sens exterieurs» et interieurs: vostre memoire, vous ne la devrez plus occuper sinon à ce qui est de l'obeissance, oubliant ce que vous sçaviez au monde, quoy qu'il fust bon, pour apprendre ce que l'on voudra; et quant à vostre volonté, il la faudra conformer à celle de vos Superieurs.

  A010000138 

 Or, cette multitude suivoit le Sauveur pour differens sujets; et c'est icy la derniere consideration par où je veux finir.

  A010000139 

 Faites comme Nostre Seigneur dit à sainte Catherine de Sienne: «Ma fille, pense en moy, et je penseray et auray soin de toy.» Pensez bien à luy plaire et ne craignez point, car il pensera à ce qui vous sera necessaire, si vous prenez peine de chasser de vostre cœur tout ce qui n'est point luy.

  A010000139 

 Mais il y a une autre sorte de vie plus parfaite que tout cela, laquelle est une escole de la perfection, où l'on est plus totalement et plus facilement à Nostre Seigneur: c'est la vie monastique et religieuse que vous avez choisie à fin de vous rendre plus aggreables à sa divine Majesté, car il ne faut point avoir d'autre pretention.

  A010000139 

 Mais les courtisans du roy, au contraire, sont tousjours apres à se parer et mirer pour voir s'ils n'ont rien de mal accommodé; ainsy, pour estre aggreables à Nostre Seigneur, il faut avoir un grand soin de ne laisser rien entrer en nostre ame qui la puisse salir et enlaidir, car ce celeste Espoux est si jaloux de nostre cœur qu'il ne veut pas que rien le possede sinon luy qui est la consolation mesme, et sans lequel tout n'est qu'amertume.

  A010000139 

 Si vous luy estes fidelles, les Regles vous seront du miel, les Constitutions du sucre et les mortifications des roses; l'obeissance vous sera un doux repos et vous vivrez comme des vrayes espouses de Jesus Christ crucifié; et de mesme qu'on appelle reynes les espouses des roys, vous, on vous appellera les crucifiées, parce que vostre Espoux c'est Jesus Christ crucifié, pendant cette vie, mais en l'autre il sera Jesus Christ glorifié.

  A010000139 

 Vous serez bienheureuses si vous y perseverez et si vous tenez toutes choses pour un vray neant; et vous souvenez que ce que vous avez quitté n'est rien au prix de ce que vous possedez.

  A010000153 

 Ton nom est comme un huile respandu, lequel estant composé de tous les parfums plus pretieux, rend des odeurs souverainement delectables; c'est pourquoy les jeunes filles t'ont aymé.

  A010000154 

 Les Peres, considerant cette parolle du Cantique des Cantiques que l'Espouse addresse à son Espoux: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche, disent que ce bayser qu'elle desire si ardemment n'est autre que [41] l'execution du mystere de l'Incarnation de Nostre Seigneur, bayser tant attendu et souhaitté pendant une si longue suite d'années par toutes les ames qui meritent le nom d'amantes.

  A010000155 

 Mais quand est-ce que ce divin bayser fut donné à cette Espouse incomparable? Au mesme instant qu'elle respondit à l'Ange cette parole tant desirée: Qu'il me soit fait comme vous dites.

  A010000155 

 O consentement digne de grande resjouissance pour les hommes, d'autant que c'est le commencement de leur bonheur eternel.

  A010000155 

 Voyez, de grace, comme cette divine Amante exprime delicatement ses amours: Qu'il me bayse, c'est à dire: Que ce Verbe qui est la parole du Pere, sortant de sa bouche, vienne s'unir à moy par l'entremise du Saint Esprit, qui est le souspir eternel de l'amour du Pere envers son Fils et du Fils reciproquement envers son Pere.

  A010000156 

 En effect, les mammelles representent les affections, d'autant qu'elles sont posées sur le cœur et, ainsy que disent les medecins, [42] le lait dont elles sont remplies est comme la moelle de l'amour maternel des meres envers leurs enfans, cet amour le produisant pour leur nourriture..

  A010000157 

 Les amours de Nostre Seigneur ont, au dessus de tous les playsirs terriens, une force incomparable et une proprieté indicible pour recreer le cœur humain, non seulement plus que toute autre chose, ains rien n'est capable de luy donner un parfait contentement que le seul amour de Dieu.

  A010000159 

 L'homme se plaist extremement à faire un grand trafic en cette vie pour trouver du contentement et du repos, et pour l'ordinaire ce trafic est vain, d'autant qu'il n'en tire nulle utilité.

  A010000160 

 Je veux que nous logions nos affections et nostre amour aux hommes, qui sont creatures animées, capables de rayson; qu'est-ce qui nous en reviendra? Nostre trafic ne sera-t-il pas vain, puisqu'estans hommes comme nous, esgaux en la nature, ils ne peuvent que nous rendre un contreschange en nous aymant parce que nous les aymons? Mais ce sera tout, car n'estans pas plus que nous, nous ne ferons nul profit, et ne recevrons pas plus que nous ne leur donnons: nous leur donnerons nostre amour et ils nous donneront le leur, et l'un pour l'autre.

  A010000160 

 Les Cherubins et les Seraphins n'ont aucun pouvoir de nous aggrandir ni de nous donner un contentement parfait, d'autant que Dieu s'est reservé cela, ne voulant pas que nous trouvions a loger nostre amour hors de luy, tant il en est jaloux..

  A010000162 

 Folie insupportable! car quel bonheur, ains quel honneur, quelle grace et quel sujet d'un parfait contentement que d'estre aymé de Dieu et de demeurer en la mayson de sa divine Majesté, c'est à dire d'avoir logé en luy tout nostre amour, sans autre pretention que de luy estre aggreable! Et cependant, voyla que ce cœur humain se laisse emporter à sa fantasie et s'en va de creature en creature, de mayson en mayson pour voir s'il ne pourra point trouver quelqu'un qui le veuille recevoir et luy donner du contentement parfait; mais en vain, car Dieu, qui s'est reservé ce chantre pour luy seul, a commandé à toutes les creatures, de quelque nature qu'elles soyent, de ne luy donner satisfaction ni consolation quelconque, à fin que par ce moyen il soit contraint de retourner à luy qui est ce Maistre bon d'une incomparable bonté.

  A010000162 

 Le cœur humain est un chantre infiniment aymé de Dieu, qui est la souveraine Sainteté; mais ce chantre est fort bigearre, et fantastique plus qu'il ne se peut dire.

  A010000163 

 O que la bonté de nostre Dieu est grande! C'est pourquoy l'Espouse à juste rayson s'escrie: O mon Bien-Aymé, que meilleures sans comparaison sont tes mammelles, que tes amours et tes delices sont mille fois plus aggreables que celles de la terre! car les creatures, fussent-elles des plus hautes et relevées et des Anges mesme, fussent-elles des freres ou des sœurs, elles ne nous sçauroyent satisfaire ni contenter.

  A010000165 

 Mais l'Espouse ne s'arreste pas là, car poursuivant elle dit que le nom de son Bien-Aymé est comme un huile respandu, composé de plusieurs excellentes odeurs, lesquelles ne se peuvent imaginer, voulant signifier: Mon Bien-Aymé n'est pas seulement parfumé, ains il est le parfum mesme; c'est pourquoy, adjouste-t-elle, les jeunes filles t'ont aymé.

  A010000165 

 O Dieu, quelle grace de reserver tout nostre amour pour Celuy qui nous recompense si bien en nous donnant le sien! En donnant nostre amour aux creatures nous ne recevons nul gain, d'autant qu'elles ne nous rendent pas plus que nous ne leur donnons; mais nostre divin Sauveur nous donne le sien, qui est comme un baume pretieux lequel respand des odeurs souveraines en toutes les facultés de nostre ame..

  A010000165 

 Qu'est-ce que la divine amante desire que nous entendions par ces jeunes filles? Les jeunes filles representent en ce sujet certaines jeunes ames qui n'ayans encores logé leur amour nulle part, sont merveilleusement propres à aymer le celeste Amant de nos cœurs, Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A010000166 

 Elle est cette unique fillette qui a plus excellemment aymé le divin Espoux que jamais nulle creature n'a fait ni fera; car elle commença à l'aymer dès l'instant de sa conception glorieuse aux entrailles de la bonne sainte Anne, se donnant à Dieu et luy dediant son amour dès qu'elle commença d'estre..

  A010000166 

 Or, je sçay bien que nul ne peut jamais parvenir à un si haut degré de perfection que de dedier aussi absolument son amour à Dieu et à la suite de sa divine volonté comme lit Nostre Dame; mais pourtant nous ne devons pas laisser de le desirer, et commencer le plus tost et le plus parfaittement possible selon nostre capacité, qui est incomparablement moindre que celle de cette sainte Vierge.

  A010000167 

 Les saints Peres s'arrestent à considerer ce que cette Espouse veut signifier par ces paroles: Tirez-moy et nous courrons, d'autant que c'est comme si elle disoit: Bien que vous ne tiriez que moy, nous serons toutefois plusieurs qui courrons.

  A010000167 

 Quelques-uns pensent que quand elle prie son Bien-Aymé de la tirer, elle proteste par là qu'elle a besoin d'estre prevenue de sa grace sans laquelle nous ne pouvons rien faire; mais quand elle adjouste nous courrons, c'est à sçavoir, vous et moy, mon Bien-Aymé, nous courrons par ensemble.

  A010000168 

 Nous voicy maintenant à l'autre partie de nostre exhortation, qui est la Profession et dedicace que ces filles viennent faire de leur cœur à la divine Majesté, dedicace et offrande qu'elles n'eussent pourtant jamais eu volonté de faire si le souverain Espoux de nos ames ne les eust attirées et prevenues de sa grace.

  A010000168 

 O qu'heureuses sont les Religieuses qui vivent sous l'Institut de cette divine Abbesse et qui sont instruites par cette grande Doctoresse, laquelle a puisé la science dans le co ur mesme de son cher Fils nostre Sauveur, qui est la sapience du Pere eternel....

  A010000170 

 De là vient qu'en la Religion on recommande tant l'exercice de la presence de Dieu, qui est d'une utilité incomparable.

  A010000170 

 Elles se ramassent en elles mesmes parce que tout leur soin est en cette beauté interieure, pour laquelle conserver et accroistre elles sont tousjours attentives à fin de retrancher à tout propos ce qui la pourroit tant soit peu ternir ou enlaidir.

  A010000170 

 La beauté de la fille de Sion est au dedans, dit le Psalmiste, parce qu'elle sçait bien que le divin Espoux regarde luy seul le dedans, tandis que les hommes ne voyent que le dehors.

  A010000170 

 Or, cette espouse bien-aymée est l'ame qui se consacre à la suite de ses divines amours et qui ne veut plaire qu'à luy; c'est pourquoy elle s'enfonce toute en elle mesme pour luy preparer une demeure aggreable.

  A010000171 

 Cette sacrée Vierge lut donques une tres parfaite Religieuse, ainsy que nous avons dit; aussi est-elle la particuliere protectrice des ames qui se dedient à Nostre Seigneur.

  A010000172 

 La virginité et absolue chasteté est une vertu angelique; mais bien qu'elle appartienne plus particulierement aux Anges qu'aux hommes, si est-ce pourtant que la pureté de Nostre Dame surpassa infiniment celle des Anges, ayant trois grandes excellences au dessus de la leur, mesme de celle des Cherubins et Seraphins.

  A010000173 

 C'est à son imitation, comme nous l'avons dit, que les vierges ont voué leur chasteté; mais la virginité de cette divine Mere a encores cette proprieté de restablir et reparer celle mesme qui auroit esté souillée et tachée en quelque temps de leur vie.

  A010000173 

 Celle des Anges est sterile et ne peut avoir de fecondité; celle de nostre glorieuse Maistresse, au contraire, a esté non seulement feconde en ce qu'elle nous a produit ce doux fruit de vie, Nostre Seigneur et Maistre, mais en second lieu, en ce qu'elle a engendré plusieurs vierges.

  A010000173 

 Mais en particulier, n'est-ce point par son moyen et par son exemple que sainte Magdeleine, qui estoit comme un chaudron noirci de mille sortes d'immondicités et le receptacle de l'immondicité mesme, fut par apres enroollée sous l'estendart de la pureté de Nostre Dame, estant convertie en une fiole de cristal toute resplendissante et transparente, capable de recevoir et retenir les plus pretieuses liqueurs et les eaux plus salutaires?.

  A010000174 

 Et non seulement elle produit elle mesme, mais elle fait encores que la virginité qu'elle engendre en produise des autres; car une ame qui se dedie parfaittement au divin service ne sera jamais seule, ains en attirera plusieurs à son exemple, à la suite des parfums qui l'ont attirée elle-mesme; c'est pourquoy l'amante sacrée dit à son Bien-Aymé: Tirez-moy et nous courrons..

  A010000174 

 La virginité de nostre divine Maistresse n'est donc point sterile comme celle des Anges, ains elle est tellement [50] feconde que dès l'instant qu'elle fut vouée à Dieu jusqu'à maintenant elle a tousjours fait de nouvelles productions.

  A010000175 

 Les Anges ne sont nullement louables de ce qu'ils sont vierges et chastes, car ils ne peuvent pas estre autrement; mais nostre sacrée Maistresse a une virginité digne d'estre exaltée, d'autant qu'elle est choisie, esleue et vouée; et si bien elle fut mariée à un homme, ce ne fut point au prejudice de sa virginité, parce que son mari estoit vierge, et avoit comme elle voué de l'estre tousjours.

  A010000175 

 O que cette tres sainte Dame ayma cherement cette vertu! c'est pourquoy elle en fit le vœu, elle s'accompagna tous-jours de vierges et les favorisa particulierement..

  A010000175 

 On ne loue pas le soleil parce qu'il est lumineux, car cette proprieté luy estant naturelle il ne peut cesser de l'estre.

  A010000176 

 Nostre glorieux Pere saint Augustin dit, parlant aux Anges: Il ne vous est pas difficile d'estre vierges, o Esprits bienheureux, puisque vous n'estes point tentés, et ne le pouvez estre.

  A010000176 

 On trouvera peut estre estrange ce que je dis, que la pureté de Nostre Dame a esté esprouvée et combattue; mais pourtant cela est, et d'une espreuve tres grande.

  A010000177 

 Et tout ainsy que la sacristaine d'une eglise a un grand soin de bien fermer les portes, de peur que l'on ne vienne à despouiller ses autels, et regarde tousjours autour d'iceux si on n'a point pris quelque chose, de mesme la pudeur des vierges est sans cesse aux aguets pour voir si rien ne viendra point attaquer leur chasteté ou mettre en peril leur virginité, de laquelle elle est extremement jalouse; et dès qu'elle apperçoit quelques choses noires, quand ce ne seroit que l'ombre du mal, elle s'esmeut et se trouble comme fit la tres auguste Marie..

  A010000177 

 La pudeur, escrit un saint personnage, est comme la sacristaine de la chasteté.

  A010000178 

 Bien qu'elles se puissent trouver l'une sans l'autre, comme on voit communement dans le monde, où plusieurs personnes mariées vivent humblement, si faut-il confesser pourtant que ces deux vertus ne sçauroyent subsister l'une sans l'autre ès vierges, c'est à dire ès filles..

  A010000178 

 Certes, elle estoit familiere avec les Anges, mais elle n'avoit neanmoins jamais esté louée par eux [52] jusqu'à cette heure là, d'autant que ce n'est point leur coustume de louer personne, si ce n'est quelquefois pour encourager en quelque grande entreprise.

  A010000178 

 Oyant donc saint Gabriel luy donner une louange si extraordinaire, cela la mit en souci, pour monstrer aux filles qui prennent playsir à estre cajolées qu'elles courent grande fortune de recevoir quelque tare en leur virginité et pureté; car l'humilité est compagne de la virginité, et tellement compagne que la virginité ne demeurera jamais longuement en l'ame.

  A010000179 

 Cette dignité est incomparable, et cependant la sacrée Vierge ne s'enfle point, ains elle asseure qu'elle demeure tousjours servante de la divine Majesté.

  A010000180 

 Ce n'est pas à dire que d'elles mesmes elles ne puissent descendre et monter tout à la fois; ce que ne faisoyent pas ces Anges, car ils montoyent pour descendre derechef.

  A010000180 

 L'humilité semble nous esloigner de Dieu qui est appuyé sur le haut de l'eschelle, parce qu'elle nous fait tousjours descendre pour nous avilir, mespriser et ravaler; mais neanmoins c'est tout au contraire, car à mesure que nous nous abaissons, nous nous rendons plus capables de monter au sommet de cette eschelle où nous rencontrons le Pere eternel..

  A010000180 

 Mais si ces deux vertus se peuvent trouver l'une sans l'autre, cette separation ne peut exister entre l'humilité et la charité, car elles sont indivisibles et tellement conjointes et unies ensemble que jamais l'une ne se rencontre sans l'autre, pourvoi qu'elles soyent vrayes et non feintes Dès que l'une cosse de faire son acte, l'autre la suit immediatement; dès que l'humilité s'est abaissée, la charité se releve contre le Ciel.

  A010000181 

 Nostre Dame s'humilia et se reconneut indigne d'estre eslevée à la haute dignité de Mere de Dieu; c'est pour cela qu'elle fut rendue sa Mere, car elle n'eut pas plus tost fait la protestation de sa petitesse, que, s'estant abandonnée à luy par un acte de charité incomparable, elle devint Mere du Tres Haut, qui est le Sauveur de nos ames..

  A010000187 

 Oh! si la Mere de Dieu eust esté de la nature angelique, combien les Cherubins et les Seraphins s'en glorifieroyent et tiendroyent honnorés! Nostre Dame est bien aussi l'honneur, le prototype et le patron des hommes et des femmes qui vivent vertueusement, et des vefves; mais pourtant nul ne peut nier que les filles n'ayent une certaine alliance avec elle plus particuliere que non pas le reste des hommes, parce que cette ressemblance de la virginité, qui est du sexe et de la condition, y apporte une grande capacité et un grand advantage pour s'en approcher de plus pres..

  A010000188 

 Et pour dire la verité, les hommes ne font pas un si grand renoncement de leur liberté comme font les filles, qui se tiennent resserrées dans les celestes prisons de Nostre Seigneur, qui sont les Religions, pour passer le reste de leurs jours sans en pouvoir jamais sortir, si ce n'est pour de certaines occasions fort rares et signalées, comme d'aller establir et fonder des monasteres..

  A010000188 

 Et pour moy, je pense que ce qu'on a fait de tout temps une feste plus grande pour leur entrée et Profession en Religion qu'on ne fait pas pour les hommes, n'est pour autre rayson sinon que le sexe estant plus fragile et faisant un acte de si grande vaillance comme est celuy qu'elles font entrant en Religion, qu'il requiert aussi plus d'honneur, et Dieu merite plus d'estre honnoré et admiré en cette solemnité, que non pas en la [55] profession que les hommes font de vivre en Religion.

  A010000189 

 Car on ne les trompe point, leur disant qu'estans Religieuses, Nostre Seigneur leur donnera du sucre, comme l'on fait aux petits enfans, pour les amadouer; on ne leur dit point non plus qu'on les conduira sur la montagne de Thabor où elles diront avec saint Pierre: Bonum est nos hic esse; Il fait bon icy.

  A010000189 

 Les hommes qui entrent en Religion y entrent bien pour y vivre en obeissance selon les Regles et Statuts d'icelle; mais si faut-il confesser que le renoncement qu'ils font de leur liberté n'est pas si extreme que celuy des filles, d'autant qu'ils ont encores la liberté de sortir, d'aller de couvent en couvent, de prescher, de confesser et faire ainsy plusieurs autres exercices qui leur servent de divertissement.

  A010000189 

 Où les filles qui se viennent dedier à Dieu, rejettent et abandonnent tout cela, renonçant à cette derniere piece que la nature veuille quitter, qui est la liberté; si que nous pouvons bien dire que ces filles font une chose au dessus de la nature, estant besoin que Dieu leur donne une force surnaturelle pour faire cet acte si parfait de se dedier à son divin service par un renoncement si grand comme est celuy qu'elles font.

  A010000190 

 Dites-moy donques, s'il vous plaist, n'est-ce pas un acte de tres grande consideration, et digne d'estre honnoré, que celuy que font ces filles en passant outre, bien qu'on ne leur represente que croix, qu'espines, que lances, que clous et en fin que mortifications en la Religion? O ames grandement genereuses et qui monstrez qu'en verité vous bataillez et marchez sous les auspices de nostre sainte et glorieuse Maistresse, qui est la tres sainte Vierge! O sans doute, il faut bien que ces filles ayent consideré que c'est le propre de l'amour de rendre leger ce qui est pesant, doux ce qui est amer et facile ce qui est insupportablement difficile sans amour.

  A010000190 

 Vostre glorieux Pere saint Augustin a grandement bien exprimé cette verité, disant que celuy qui ayme ne trouve rien de fascheux, de difficile ou de trop grand travail: «Le travail,» dit-il, «ne se trouve point en l'amour, ou s'il s'y trouve, c'est un travail bien aymé.».

  A010000191 

 Allez donc, mes cheres Filles, ou plustost venez amoureusement vous dedier à Dieu et au service de son tres pur amour; et bien que vous rencontriez du travail, la peine vous en sera bien aymée, en l'asseurance que vous contenterez Dieu et vous rendrez aggreables à vostre chere Patronne, laquelle bien qu'elle n'aye pas eu le nom de Religieuse, n'a pas laissé pourtant d'en pratiquer les exercices, et laquelle, bien qu'elle soit Protectrice de tous les hommes et de chaque vocation en general, s'est neanmoins rendue particuliere Protectrice des vierges qui se sont dediées au service de son Fils en la Religion, d'autant qu'elle a esté comme une Abbesse qui leur a monstré l'exemple de tout ce qu'elles [57] devoyent faire pour vivre religieusement.

  A010000191 

 Et qu'ainsy ne soit, je vous presenteray seulement trois points à considerer, sur lesquels je ne feray que passer en courant, pour preuve de mon dire, que je trouve dans l'Evangile de ce jour, auquel il est dit que l'Ange s'addressant à cette sainte Vierge pour luy annoncer le mystere incomparable de l'Incarnation du Verbe eternel, il la trouva en Galilée, et en la ville de Nazareth, retirée et seule dans sa chambre..

  A010000192 

 Ceux qui sont passagers font la transmigration, d'autant qu'ils passent d'un lieu à l'autre, comme font les arondelles et les rossignols qui ne demeurent pas ordinairement en ces quartiers, ains ils n'y sont qu'au temps des chaleurs et du printemps, et l'hiver venant ils font la transmigration, se retirans aux autres pais où le printemps et les chaleurs sont en mesme temps que nous avons icy les froidures de l'hiver; mais nostre printemps revenant, ils reviennent et font derechef la transmigration, c'est à dire le passage d'une contrée à l'autre, nous venant recreer par leur petit gazouillement..

  A010000192 

 Quant au premier point, qui est que Nostre Dame estoit au pais de Galilée, Galilée est une diction hebraïque qui vaut autant à dire que transmigration.

  A010000193 

 Et comme le soleil est celuy qui donne la chaleur à tout ce qui est de la terre, ouy mesme au feu, lequel ne produiroit point de chaleur sans luy, ainsy l'amour de Dieu est ce soleil qui donne de la chaleur au cœur humain quand il est disposé pour la recevoir, et sans ce feu sacré il demeure plus froid qu'il ne se peut dire..

  A010000193 

 Les Religieux et Religieuses ne sont-ils pas au païs de transmigration, et ne font-ils pas le passage du monde en la Religion, comme en un lieu de printemps, pour chanter les divines louanges et pour s'exempter de souffrir les froidures et les gelées du monde? Hé! n'est-ce pas pour cela qu'ils entrent en la Religion, où il n'y a que printemps et que chaleur, le Soleil de justice dardant fort ordinairement ses rayons sur les cœurs des Religieux, lesquels il n'eschauffe pas moins en les esclairant qu'il les esclaire en les eschauffant? Et qu'est-ce que le monde sinon un hiver extremement froid, où il n'y a que des ames gelées et froides comme glace? J'entens ceux qui estans au monde vivent selon les lois du monde, car je sçay bien qu'on peut vivre parfaittement en toutes sortes de vocations, mesme dans le monde, aussi bien [58] qu'en Religion; et pourveu qu'on le veuille, l'on peut en tous lieux parvenir à un tres haut degré de perfection.

  A010000194 

 L'amour ne dit jamais: C'est assez, sufficit; il veut que l'on aye le courage de vouloir tousjours aller plus avant en la voye des volontés du Bien-Aymé..

  A010000194 

 Nostre Dame donques, comme les Religieuses, estoit au païs de transmigration; mais, o Dieu, qu'elle fit admirablement bien cette transmigration, passant d'un degré de perfection en un autre degré plus haut! Bref, sa vie ne fut autre chose qu'un passage continuel de vertu en vertu, en quoy toutes les Religieuses la doivent imiter le plus parfaittement qu'elles pourront, puisqu'elles sont celles qui l'approchent de plus pres que tout le reste des creatures; car c'est sans doute qu'elles sont de ces vierges dont parle le Psalmiste quand il dit qu'elles seront amenées au Roy, les plus proches d'elle: Adducentur Regi virgines post eam, proximae ejus.

  A010000195 

 La seconde remarque que je fais sur les paroles de l'Evangile est que Nostre Dame fut trouvée par l'Ange en la cité de Nazareth.

  A010000195 

 O que cette cité represente bien à propos la Religion! car qu'est-ce que la Religion, sinon une maison ou une cité fleurie et toute parsemée de fleurs, d'autant qu'on n'y fait chose quelconque, quand on y vit selon les Regles et Statuts d'icelle, que ce ne soyent autant de fleurs? Les mortifications, les humiliations, les oraisons, bref, tous les exercices, qu'est-ce autre chose que des pratiques de vertus, qui sont comme de belles fleurs qui [59] respandent une odeur extremement suave devant la divine Majesté? Or, qu'est-ce que la Religion sinon un parterre tout semé de fleurs tres aggreables à la veuë et d'odeur tres salutaire à ceux qui les veulent odorer?.

  A010000196 

 A qui appartiennent, je vous prie, tant de fleurs dont l'Eglise a esté remplie et a esté tant embellie et ornée, sinon à la tres sainte Vierge, l'exemple de laquelle les a toutes produites? Et n'est-ce pas par son moyen que l'Eglise a esté parsemée des roses des Martyrs invincibles en leur constance, des soucis de tant de saints Confesseurs et des violettes de tant de saintes Vefves, qui sont petites, humbles et basses comme ces fleurs, mais qui respandent une tres bonne et suave odeur? Et en fin, n'est-ce pas à elle à qui appartiennent plus particulierement tant de lys blancs, tant de puretés et de virginités toutes candides et toutes innocentes? d'autant que ç'a esté à son exemple que tant de vierges ont consacré leurs cœurs et leurs corps à la divine Majesté, par une resolution et un vœu tres indissoluble de conserver leur virginité et pureté..

  A010000196 

 Et ne sçavez-vous pas que c'est elle qui est ce jardin clos et fermé du Cantique, lequel en est tout emperlé et esmaillé? Hortus conclusus, soror mea sponsa, hortus conclusus; repetition qui n'est pas sans mysteres.

  A010000196 

 Il est donc dit de la tres sainte Vierge qu'elle estoit en la cité fleurie; mais qu'estoit-elle elle mesme, sinon une fleur choisie entre toutes les autres fleurs pour sa rare beauté et son excellence? fleur qui par son odeur tres suavement incomparable a la proprieté d'engendrer et de produire d'autres fleurs.

  A010000202 

 Cette union naturelle est une chose si haute qu'elle ne sçauroit assez estre admirée; aussi est-elle l'œuvre d'un Dieu tres haut et amateur de l'unité..

  A010000202 

 Dieu, qui est un, ayme l'unité et l'union, et tout ce qui n'est point uni ne luy est point aggreable, dit le grand Apostre saint Paul.

  A010000202 

 Mais s'il ayme souverainement ce qui est uni et conjoint, il est ennemy de la desunion, car ce qui est desuni est imparfait, la desunion n'estant causée que par l'imperfection.

  A010000202 

 Or, celle cy est si excellente que tous les philosophes n'ont point encores fini ni resolu leur admiration, en voyant comme Dieu a conjoint l'ame et le corps, mais d'une jonction tellement estroitte que le corps, sans laisser d'estre corps, et l'esprit, sans laisser d'estre esprit, ne font neanmoins qu'une seule personne.

  A010000203 

 Ce sont donc deux extremités que celles icy, et deux grans contraires; neanmoins Dieu a operé dans le ventre de la Vierge une si admirable conjonction de ces deux natures, qu'elles n'ont fait qu'une personne, en sorte que l'homme est Dieu, et Dieu, sans laisser d'estre Dieu, est homme..

  A010000203 

 La nature divine est ce qu'il y a de plus relevé, et la nature humaine ce qu'il y a de plus bas; la nature divine est la souveraine perfection, et l'humaine la souveraine misere.

  A010000203 

 La premiere est celle de [61] la nature divine avec la nature humaine dans ses sacrés flancs, laquelle est si eslevée qu'elle surpasse infiniment tout ce que les entendemens humains et angeliques en peuvent concevoir ou comprendre.

  A010000203 

 Mais ce n'est pas de cette union naturelle de l'ame et du corps en Nostre Dame que je veux parler, d'autant qu'elle est generale et commune au reste des hommes; ains je me veux arrester sur trois autres unions merveilleuses que Dieu a fait en elle.

  A010000204 

 C'est donc une union miraculeuse et surnaturelle, faite par la main toute puissante de Dieu, qui a donné ce privilege à nostre glorieuse Maistresse; et comme cette union a esté operée en elle seule, aussi demeurera-t-elle seule à jamais vierge et mere tout ensemble..

  A010000204 

 La seconde union qu'il a fait en Nostre Dame a esté celle de la maternité avec la virginité, union qui est absolument hors du cours de la nature, car c'est joindre deux choses qu'il est naturellement impossible de trouver ensemble.

  A010000205 

 L'humilité fait tout le contraire; elle [62] rabaisse l'ame au dessous d'elle mesme et de toutes les creatures, ayant cela de propre, que plus elle est grande plus elle ravale à ses propres yeux l'ame dans laquelle elle demeure.

  A010000205 

 L'union de ces deux vertus est certes admirable, d'autant qu'elles sont fort esloignées l'une de l'autre, si qu'il semble qu'elles ne se pourroyent jamais rencontrer en une mesme ame.

  A010000205 

 La troisiesme union est celle d'une tres haute charité et d'une tres profonde humilité.

  A010000205 

 Voyez un peu les extremités de ces deux vertus, et vous direz: Comment peut-on accorder, unir et joindre ensemble l'humilité et la charité, puisque la nature de l'une est de monter en haut, et celle de l'autre de descendre en bas? C'est une chose naturellement impossible..

  A010000206 

 Il est vray que nul autre que Dieu ne pouvoit faire l'union de ces deux vertus; mais luy, qui n'est qu' un seul Dieu, veut et ayme l'unité, et se plaist à monstrer la grandeur de son pouvoir en faisant de si admirables jonctions.

  A010000207 

 C'est sur cette derniere union que je m'arresteray, laquelle me donnera entrée dans le sujet de cette feste; car qu'est-ce que la Visitation de Nostre Dame à sainte Elizabeth sinon un assemblage de l'humilité et de la charité, ou un sommaire des effects de ces deux vertus pratiquées par la Sainte Vierge envers sa cousine? L'humilité et la charité n'ont qu'un seul objet qui est Dieu, à l'union duquel elles tendent; neanmoins elles passent de Dieu au prochain, et c'est là où elles se perfectionnent.

  A010000208 

 Il est vray qu'elle ne s'humilia jamais si profondement que quand elle dit: Voicy la servante du Seigneur; mais apres avoir fait des actes d'une si parfaite humilité et aneantissement et estre descendue le plus bas qu'elle pouvoit, elle produit consecutivement des actes de charité, en adjoustant: Me soit fait selon ta parole; car en donnant son consentement et acquiescement à ce que l'Ange luy annonçoit que son Dieu demandoit d'elle, elle fit paroistre la plus grande charité qui se peut imaginer.

  A010000208 

 Vous voyez donques comme en cet instant, Dieu unit en la Sainte Vierge la charité et l'humilité; en disant: Voicy la servante du Seigneur elle s'est abaissée jusques au profond abisme du neant, mais en mesme temps elle est relevée par la charité au dessus des Cherubins et Seraphins lors qu'elle adjouste: Me soit fait selon ta parole, car à cette heure le Verbe divin print chair dans son ventre virginal, et par ce moyen elle devint Mere de Dieu..

  A010000209 

 Comme si elle eust voulu dire à sainte Elizabeth: Vous me proclamez bienheureuse, et il est vray que je le suis; mais tout mon bonheur procede de ce que Dieu a regardé ma vileté et mon abjection.

  A010000209 

 Saint Jean nous enseigne cecy lors qu'il escrit: Comme est-il possible que tu aymes Dieu que tu ne vois point, si tu n'aymes pas ton prochain que tu vois?.

  A010000209 

 Voyla comment l'humilité est jointe à la charité en Nostre Dame, et comment son humilité la fait exalter; car Dieu regarde les choses basses pour les relever; c'est pourquoy, voyant cette sainte Vierge humiliée au dessous de toutes les creatures, il jetta les yeux sur elle et la rehaussa au dessus de toutes.

  A010000211 

 Mais quelle humilité est celle cy! Elle s'en va pour estre chambriere et servante de celle qui luy estoit en tout et par tout inferieure; car jaçoit que sainte Elizabeth fust de noble extraction, puisqu'elle estoit de la lignée de Levi, estant mariée au grand prestre, et que touchant sa mere elle appartenoit à la maison de David, si est-ce que pour tout [65] cela elle n'estoit rien au prix de la Vierge.

  A010000211 

 Nostre Dame est Reyne du Ciel et de la terre, des Anges et des hommes; et encores ces tiltres que nous luy donnons ne servent qu'à ayder nos pauvres entendemens à se la representer en quelque façon qui nous fasse un peu comprendre sa grandeur, d'autant qu'elle est souverainement plus grande que tout ce que l'on en peut dire.

  A010000211 

 Que si nous luy voulons donner un nom digne de son excellence il nous la faut nommer Mere de Dieu; car ce mot est si sureslevé que tous les tiltres, les louanges et eloges que nous luy sçaurions donner sont compris dans iceluy.

  A010000211 

 Quelle humilité est-ce donques que celle de la Sainte Vierge, puisqu'alors qu'elle est choisie et declarée pour Mere du Verbe eternel, elle se dit la servante du Seigneur, et comme chambriere, sort et s'en va servir cette bonne Elizabeth en sa viellesse.

  A010000212 

 O Dieu, qui pourroit comprendre les douceurs et suavités qui s'escoulerent dans le cœur de sainte Elizabeth en cette Visitation? Comme est-ce qu'elle meditoit ce grand mystere de l'Incarnation et les graces et faveurs que le Seigneur luy avoit accordées? Que de paroles amoureuses, que de divins colloques faisoit saint Jean dès le sein de sa mere avec son cher Maistre [66] qu'il reconnoissoit et adoroit dans celuy de Nostre Dame! Que de benedictions et de lumieres ce cher Sauveur de nos ames respandoit dans le cœur de son Precurseur! Il luy avança donc à cette heure l'usage de rayson; mais je ne vous en diray rien pour le present parce que je me souviens fort bien de vous en avoir desja parlé autrefois..

  A010000212 

 Ouy, ce fruit est non seulement beni, ains c'est luy qui donne toutes benedictions; et vostre venue m'a apporté tant de liesse et de consolation, que l'enfant a tressailli de joye dans mon sein.

  A010000212 

 Vous estes benite entre toutes les femmes, et beni est le fruit de vostre ventre, Jesus.

  A010000213 

 Le premier est que saint Jean eut l'usage de rayson; le second, qu'il fut sanctifié dans le sein de sa mere, et le troisiesme, qu'il fut rempli de science et de la connoissance «le Dieu et des divins mysteres, ce qui est cause qu'il l'ayma, l'adora et tressaillit de joye.

  A010000214 

 L'homme est tant sujet à l'orgueil et à la presomption, qu'on luy peut appliquer ce qu'Aristote, cet ancien philosophe, dit du cheval, à sçavoir, qu'il n'y a rien de si orgueilleux.

  A010000214 

 Maintenant considerez un homme sur un cheval: on ne sçait lequel est le plus fier, ou le cheval ou le chevalier; il semble qu'ils se desfient l'un l'autre à qui fera paroistre plus de vanité..

  A010000215 

 Certes, l'homme est grandement sujet à cette fierté et presomption, mais quand ce vice entre dans la teste des femmes il y fait de grandes ruines et ravages; et parce qu'elles sont si sujettes au desir de paroistre, elles sont obligées d'y apporter une attention particuliere à fin de s'en garantir et preserver.

  A010000216 

 Mais la sacrée Vierge est venue pour regaigner par son humilité ce que cette premiere Eve avoit perdu par son orgueil; elle contrecarre donques par cette vertu la fierté et presomption d'icelle.

  A010000216 

 [68] O Dieu, que l'humilité de cœur est un bon signe en la vie spirituelle! Que c'est une bonne marque qu'on reçoit efficacement les graces divines quand ces graces abaissent et humilient, et qu'on voit que tant plus elles sont grandes, tant plus elles aneantissent profondement le cœur devant Dieu et les creatures, en sorte que, comme la Sainte Vierge, l'on tient tout son bonheur de ce que les yeux de la divine Bonté ont regardé nostre vileté et misere!.

  A010000218 

 Il se faudroit donc bien garder de dire: C'est assez, j'ay suffisamment de la grace divine ou des vertus; c'est assez de mortification, je m'y suis assez exercé..

  A010000218 

 Je sçay bien qu'Elizabeth estoit une sainte matrone qui avoit desja l'Esprit Saint en elle; comme est-ce donques que se doit entendre cecy, qu'elle le receut à la venue de la Vierge? Il n'y a point de doute qu'elle ne le receust alors, car les effects admirables qu'il opera en elle en fournissent de suffisantes preuves.

  A010000219 

 Certes, en telles choses on peut dire: J'en ay raysonnablement, je me contente, j'en ay à suffisance; mais en ce qui est des biens spirituels, oh! il ne faut jamais penser, tandis que nous sommes en cet exil, que nous en ayons assez, ains il se faut disposer continuellement à recevoir une augmentation de grace..

  A010000219 

 Le monde a une certaine ambition d'acquérir des richesses, des honneurs, et ne dit jamais: C'est assez; combien qu'il soit aveugle en cecy, car pour peu qu'il en possedast il en auroit suffisamment, veu que le trop de gloire, de biens et de dignités cause la mort et perte de nos ames.

  A010000221 

 La premiere chose que fit cette Sainte fut de s'humilier profondement, car voyant la Vierge elle s'escria: D'où me vient cecy que la Mere de Dieu me vienne visiter? Voyla le premier fruit de la grace de Dieu, qui est l'humilité; aussi, sa visite incline l'ame à s'aneantir en la connoissance de la bonté divine et en celle de son neant et demerite..

  A010000222 

 En quoy vous voyez que le second effect du Saint Esprit est de nous faire demeurer fermes en la foy et d'y confirmer les autres; puis de retourner à Dieu, reconnoissant qu'il est la source de imites les graces.

  A010000222 

 Il est vray, semble dire sainte Elizabeth la Vierge, que vous estes benite entre toutes les femmes, mais il est vray aussi que cette benediction [71] vous vient du fruit de vostre sein, lequel est le Maistre des benedictions; car on ne benit pas le fruit à cause de l'arbre, ains l'arbre à cause de la bonté de son fruit.

  A010000222 

 Je dis cecy pour refuter l'heresie de quelques uns lesquels ont voulu soustenir qu'il la failloit honnorer en la mesme façon que Nostre Seigneur, ce qui est faux; car on doit adorer Dieu seul par dessus et au dessus de toutes choses, et puis rendre un honneur tout particulier à Nostre Dame comme Mere de nostre Sauveur et cooperatrice de nostre salut.

  A010000222 

 Secondement, Elizabeth dit: O que vous estes heureuse parce que vous avez creu! Et par apres: Vous estes benite entre toutes les femmes, et le fruit de vostre ventre est beni.

  A010000222 

 Telle est la prattique du vray Chrestien, et quiconque n'ayme et n'honnore la Vierge d'un amour tout special et particulier n'est point vray Chrestien.

  A010000223 

 En troisiesme lieu, Elizabeth dit que son enfant a tressailli de joye dans son sein; et c'est la troisiesme marque de la visite du Saint Esprit que la conversion interieure, le changement de vie en une meilleure.

  A010000223 

 Quand donques vous desirez sçavoir si vous l'avez receu, regardez quelles sont vos œuvres, car c'est par là qu'on le connoist..

  A010000223 

 Saint Jean fut sanctifié; aussi, celuy qui reçoit le Saint Esprit est tout transformé en Dieu.

  A010000224 

 C'est pour cela qu'il a tellement uni l'Eglise militante avec la triomphante, que les deux n'en font qu'une, n'ayans qu'un Seigneur qui les regit, conduit, gouverne et nourrit, quoy qu'en [72] differentes manieres; aussi nous addressons-nous à luy pour luy demander nostre pain quotidien, tant celuy qui est necessaire au corps que celuy qui est requis à la nourriture de l'ame.

  A010000224 

 Certes, nous nous devons servir d'elle comme d'une mediatrice aupres de son Fils pour obtenir ce divin Esprit; et bien que nous puissions aller à Dieu directement et luy demander ses graces sans employer à cette fin l'entremise des Saints, neanmoins la divine Providence n'a pas voulu qu'il en passast ainsy; mais elle a fait encores une autre union, car Dieu est un, comme je vous ay dit au commencement, aussi ayme-t-il ce qui est uni.

  A010000225 

 C'est pourquoy l'Eglise voulant, comme bonne mere, nous mieux apprendre à nous servir de l'entremise de la Sainte Vierge et des Saints, elle a joint l' Ave Maria au Pater pour le reciter consecutivement apres l'Oraison Dominicale..

  A010000225 

 Mais, me direz-vous, comme est-ce que les hommes peuvent causer de la joye aux Anges? n'ont-ils pas en la vision de Dieu une parfaite beatitude? De cecy il n'y a nul doute; neanmoins, la Sainte Escriture ne tesmoigne-t-elle pas qu' il se fait plus de feste au Ciel pour un pecheur converti que pour nonante neuf justes? par lesquelles parolles vous voyez la joye des Anges sur la conversion d'un pecheur.

  A010000225 

 Or, quand je dis que les Anges font feste au Ciel et se resjouissent, il faut aussi l'entendre des Saints qui sont avec eux; car si bien l'Evangile ne parle que des bienheureux Esprits, c'est parce que devant la Passion de Nostre Seigneur il n'y avoit encores point d'hommes dans le Ciel; mais despuis que les Saints y sont entrés ils ont esté tellement unis avec les Anges qu'ils participent à leur joye sur le retour des pecheurs.

  A010000226 

 Il est vray pourtant qu'à une telle et si grande Vierge il ne faut pas aller demander des bagatelles, comme quelques uns font: par exemple, d'estre plus riche, plus belle, et semblables niaiseries; car tout ainsy que ce seroit incivilité de se servir de l'entremission d'un grand prince pour obtenir du roy ou de l'empereur quelque chose de vil prix, aussi seroit-ce une incivilité en la vie spirituelle de se servir de l'entremise de nostre glorieuse Reyne pour des choses basses et caduques.

  A010000227 

 Et pourquoy? Pour estre consolée, car c'est une chose si douce d'avoir des consolations! Je voudrois bien avoir quelque extase, quelque ravissement; je souhaitterois volontiers que cette sacrée Vierge se monstrast à moy.

  A010000227 

 O que c'est une chose aymable et proffitable que d'estre visité par cette sainte Dame, car sa visite nous apporte tousjours beaucoup de benedictions.

  A010000227 

 Voulez-vous estre parente de la Vierge? Communiez, car en recevant le saint Sacrement vous recevrez la chair de sa chair et le sang de son sang, puisque le pretieux corps du Sauveur, qui est dans la divine Eucharistie, a esté fait et formé de son plus pur sang par l'operation du Saint Esprit.

  A010000228 

 Le premier est de saint Gregoire Thaumaturge, le faiseur de miracles.

  A010000229 

 Il s'en est trouvé quelques uns qui ont voulu railler et discourir sur les escrits de ce glorieux Saint, et certes à tort, car saint Gregoire a esté l'un des plus grans Papes qui ayent siegé en la chaire de saint Pierre; peu d'années apres son exaltation il se retira en solitude et fit le livre de ses Dialogues.

  A010000231 

 C'est la vraye marque de la divine visite que la transformation.

  A010000231 

 Il nous semblera quelquefois d'estre abandonnés de Dieu; vous devez endurer tout cela si vous voulez estre participantes de ces visites, car de penser pouvoir estre devotes sans souffrir, c'est une tromperie.

  A010000231 

 Nous voudrions bien avoir des revelations, mais que ce fust par forme de recreation, pour passer le temps, parce que c'est une chose bien douce et aggreable; or, Dieu ne les donne pas ainsy, il faut tousjours qu'il nous en couste quelque chose.

  A010000231 

 Qui eust dit à la Vierge: Hé bien, Madame, comme est-ce que vous laissez tant souffrir cette petite fille? Il est [76] requis, eust-elle respondu, que ceux qui veulent avoir part à mes visites y mettent tousjours quelque chose du leur.

  A010000232 

 De plus, si vous voulez que la Vierge vous visite comme la petite Muse, il faut faire une transformation interieure, laquelle ne se peut operer sans endurer quelque chose, ce qui nous est representé par la chaleur de la fievre que supporta cette enfant.

  A010000232 

 Regardez aussi si vous avez sa confiance en Nostre Dame, car elle est necessaire pour estre visité.

  A010000237 

 L'esprit de l'homme est tousjours inquiet, il est en de continuelles agitations en la recherche des biens humains et apparens, ce qui fait que ne trouvant point de contentement en ceux qu'il rencontre, il demeure plein de trouble.

  A010000237 

 Lors, pensant s'en affranchir par l'election d'un vray bien, il vient à se troubler davantage par ce moyen, car pour l'ordinaire il laisse les choses hautes et excellentes pour les basses, les utiles et bonnes pour les mauvaises, tant il est sujet à se tromper.

  A010000238 

 Cette verité paroist claire et manifeste ès Israëlites, ce peuple choisi et esleu de Dieu; car qui en a esté plus favorisé, aymé et caressé que ce peuple? Dieu le traittoit avec tant de bonté que c'est merveille; il le conduisoit par le desert avec autant de soin qu'une nourrice fait ses petits quand elle les mene esgayer par les campagnes.

  A010000239 

 Ce n'est pas qu'ils fussent despourveus de princes terriens qui leur donnassent des lois et qui eussent soin de leur conduite; non certes, car ils avoyent eu Aaron et le grand Moyse et leurs successeurs.

  A010000240 

 C'est bien la rayson que puisque vous voulez un autre roy que moy, vous gardiez ses ordonnances..

  A010000241 

 Tout cecy n'est pas à mon propos, mais je me suis servi de cette histoire à fin de donner entrée à mon discours.

  A010000248 

 Nous voyons tous les jours cette merveille en la nature: les fleurs prennent leur accroissement et beauté d'une matiere puante et pourrie, et plus la terre en est remplie, plus aussi les lys et les fleurs qui y sont plantées croissent et sont belles.

  A010000249 

 De ceux cy il ne nous en faut pas parler, car telles sortes de gens n'ont plus de pretention pour le Ciel: l'enfer leur est preparé et sera leur heritage.

  A010000250 

 Ce n'est pas de ces pecheurs que sainte Magdeleine est la reyne, ains de ceux qui veulent sortir de leur iniquité; car ayant esté pecheresse, comme nous avons dit et comme l'Evangile nous l'enseigne, elle sortit de son peché et en demanda pardon à Dieu avec une vraye contrition et ferme resolution de le quitter, provoquant ainsy tous les pecheurs à imiter son exemple.

  A010000251 

 C'est pourquoy elle se peut bien nommer reyne des penitens, puisqu'elle les a tous surpassés..

  A010000251 

 Ils jeusnoyent tous les jours jusques aux petits enfans; et, ce qui est davantage, ils faisoyent jeusner leurs chevaux et leurs bœufs pour plus grande austerité, en penitence des fautes de leurs maistres.

  A010000251 

 La Sainte Escriture ne parle et ne nous remet rien tant devant les yeux que la penitence des Ninivites, laquelle fut si grande que c'est chose admirable de voir ce qu'ils firent et les effects operés par les paroles de Jonas.

  A010000251 

 Mais quoy que cette expiation fust si generale, je trouve que celle de la Magdeleine l'est encores plus.

  A010000252 

 En effect, bien qu'on ne la nomme pas vierge, si est-ce qu'à cause de la sureminente pureté qu'elle eut apres sa conversion elle doit estre appellée archivierge, parce qu'ayant esté purifiee dans la fournaise de l'amour sacré, elle fut remplie d'une excellente chasteté et douée d'une si parfaite dilection qu'apres la Mere de Dieu c'est elle qui ayma davantage Nostre Seigneur.

  A010000252 

 En second lieu elle est reyne des justes.

  A010000252 

 Il faut croire qu'elle disoit souvent ces paroles de l'Espouse: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche, bayser tant desiré de la nature humaine, tant demandé par les Patriarches et Prophetes, qui n'est autre que l'Incarnation et l'union de la nature divine avec l'humaine: c'est cette estroitte union apres laquelle cette sainte amante souspiroit.

  A010000253 

 Une seule chose est necessaire, qui est celle que Marie a choisie; sçache donques que si tu la viens desapprouver, tu encourras toy mesme le blasme.

  A010000253 

 Voyez donques comment sainte Magdeleine est reyne des justes; car qu'est-ce qui la pouvoit rendre plus juste que cette dilection, jointe avec sa grande humilité et componction qui la faisoit tousjours estre aux pieds du Sauveur? Aussi l'aymoit-il de l'amour tendre et delicat dont il ayme les justes, lequel estoit cause qu'il ne pouvoit souffrir qu'on la touchast ou reprist de quelque chose sans prendre son parti.

  A010000254 

 Elle leur enseigne comme il faut qu'elles fassent pour entrer en Religion, c'est à dire pour quelle fin elles y doivent entrer, qui n'est pas seulement pour aymer Dieu.

  A010000254 

 Tous les Chrestiens doivent l'aymer [86] et sont obligés de faire ce qu'ils font par le motif de l'amour, et si ce n'est avec tant de pureté, c'est du moins avec quelque amour interessé; car il faut de necessité aymer Dieu et le prochain pour estre sauvé et pour aller en Paradis, autrement l'on ira aux enfers..

  A010000255 

 Ce n'est point, mes cheres Filles, ce qu'on doit chercher en Religion, ains il faut, à l'exemple de cette grande Magdeleine, venir pour y estre basses, petites et tousjours aux pieds de Nostre Seigneur, comme nostre unique refuge..

  A010000256 

 Il est vray qu'une fois elle prit cette confiance amoureuse d'espandre son nard et rompre sa boëte sur son auguste chef, à fin que de là il s'espanchast sur son sacré corps et descendist par tout; mais elle s'estoit premierement jettée à ses pieds, et puis elle y retourna incontinent.

  A010000259 

 Ce n'est point trop exiger de nous que cela, car si nous avons tant fait pour le monde, nous laissant attirer par ses vains attraits, que ne devons-nous faire pour les attraits de la grace qui sont si doux et si suaves? Certes, ce n'est pas nous faire tort que de demander cela de nous; c'est pourquoy, comme on a employé son cœur, son ame, ses affections, ses yeux, ses paroles, ses cheveux pour le monde, il les faut aussi employer et sacrifier au service de la dilection sacrée..

  A010000259 

 Il leur fait les mesmes demandes, à sçavoir, qu'on luy rende, autant qu'on peut, à l'esgal de la faute commise; c'est à dire, il veut que nous fassions autant pour luy que nous avons fait pour le monde.

  A010000260 

 Il leur est facile de se divertir des cogitations coulpables, parce que n'ayans plus d'occasion presente et estans en des lieux où elles ne voyent rien que des sujets pieux, où elles ne lisent que des bons livres, où elles n'entendent parler que de Dieu et des choses spirituelles, elles s'en rendent plus facilement quittes..

  A010000260 

 Or, que nous representent-ils, sinon les pensees non seulement mauvaises, mais aussi [89] inutiles, lesquelles il faut couper et retrancher? C'est ce que doivent entendre ces filles quand on les leur coupe; car pourquoy pensez-vous qu'on tonde les Religieuses? On dit que cela est sain; je le crois, mais cette cy n'est pas la principale cause, ains pour leur apprendre que comme elles sont retirées des objets qui leur pourroyent donner des mauvaises pensées, elles ne doivent non plus courir apres les choses vaines et mondaines qu'elles ont laissées, mais oublier tout pour s'appliquér totalement à Dieu.

  A010000260 

 Qu'est ce que les cheveux? C'est ce qu'il y a de plus vil et abject au corps humain, les excremens de la nature, une superfluité et chose de nul prix; on n'en tient aucun compte, non pas mesme de ceux des roys, car on les foule aux pieds comme n'ayant nulle valeur, et neanmoins l'esprit humain constitue sa gloire en iceux.

  A010000261 

 Grande misere que celle cy! Vous verrez une femme tout esplorée; on luy demande: De quoy pleurez-vous? Oh! je pleure mon mari qui est mort.

  A010000261 

 Il est vray que la nature est un peu excusable: vous verrez, par exemple, une fille qui sera bien melancolique; et qui n'excusera cela? Une autre sera bien joyeuse, et pour ce elle excedera quelquefois à rire; cela est supportable.

  A010000261 

 L'on me contredit, l'on me corrige et mortifie; le remede c'est qu'il faut pleurer.

  A010000261 

 Mais cela n'est encores rien, il faut de plus sacrifier ses yeux; car pourquoy croyez-vous qu'on vous aye mis des voiles sur la teste, sinon à fin de vous apprendre à ne vous plus servir de vos yeux pour voir et pleurer que quand la grace vous y excitera, et non pour les niaiseries et tendretés pour lesquelles les femmes sont sujettes aux larmes, larmes folles et vaines, certes! Je voudrois bien faire telle chose, mais je ne peux.

  A010000261 

 Une autre pleure de ce que sa mayson est bruslée; hé, pauvres gens, pensez-vous esteindre par vos larmes le [90] feu qui a desja bruslé vostre mayson? Toutes telles et semblables larmes sont vaines et inutiles; il ne s'en faut donc plus servir, ains mortifier ces tendretés et mollesses.

  A010000261 

 Une autre sera tendre à pleurer, ce qui est encores pardonnable, pourveu qu'on ne nourrisse ces imperfections, ains qu'on les mortifie pour faire vivre le surnaturel..

  A010000262 

 C'est par les yeux et par les cheveux que le divin Espoux dit au Cantique des Cantiques que son Espouse luy a navré le cœur; neanmoins les paroles qui sortent de la bouche expriment bien mieux encores que les yeux les mouvemens et sentimens interieurs.

  A010000262 

 Il est vray pourtant que la langue exprime mieux le courroux et ressentiment que les yeux..

  A010000262 

 Mais en ces accidens, la langue vient tesmoigner ce qui est du mouvement du cœur: Hé! dit-elle, vous avez fait tel jugement de mon regard; neanmoins je vous asseure que je n'ay rien moins pensé que cela.

  A010000262 

 On connoist par les yeux et par les paroles quelle est l'aine et l'esprit de l'homme, les yeux servant à l'ame comme la monstre à l'horloge.

  A010000262 

 On s'offence quelquefois par la croyance qu'on nous regarde de travers; en quoy l'on se trompe bien souvent, car cela peut arriver parce qu'on a les yeux bouffis, n'ayant assez dormi, ou pour avoir quelque chose en teste, ce qui est cause qu'on n'a pas les yeux doux.

  A010000264 

 Voyez vous comme elle nous apprend à ne chercher que Dieu, à ne pleurer sinon pour son absence causée par nos pechés, ou bien de quoy il est si peu conneu et glorifié du prochain.

  A010000265 

 En effect, l'une des grandes miseres de l'esprit humain est que chacun s'en fait accroire, et vous ne sçauriez penser combien il est difficile de se rendre quitte de ce parfum.

  A010000265 

 Le musc d'Espagne est de grande estime parmi le monde.

  A010000265 

 On se souvient des maysons, des extractions, on recherche si son grand pere et arriere grand pere n'est pas issu de la race d'Abraham.

  A010000265 

 Or sus, le parfum qu'il faut offrir à Nostre Seigneur c'est l'estime de nous mesme, parfum si commun qu'il n'y a personne qui s'en puisse dire exempt.

  A010000265 

 Qu'est-ce que le parfum? C'est une chose excellente; aussi, celuy qui est parfumé ressent quelque chose d'excellent.

  A010000266 

 Du temps de saint Benoist, il en arriva de mesme à un de ses Religieux, lequel estant de bonne mayson s'en souvint en une occasion où il rendoit quelque service au Saint, si que son cœur en fut plein de murmures; car son glorieux Pere luy ayant fait tenir la chandelle pendant qu'il laisoit quelque chose, il commença à penser: Moy qui suis de telle mayson et famille, il me faut icy tenir la chandelle devant un homme qui est de plus basse condition que moy! Mais le Saint connoissant sa pensée, luy dit ce qu'il failloit, et ce Religieux rentrant en soy mesme reconneut sa faute.

  A010000266 

 Il faut que j'adjouste encores cecy: je ne peux supporter cette grande mollesse de la fille du mareschal de Brissac, laquelle est morte maintenant, mais saintement.

  A010000266 

 Or, cette estime de soy est le parfum que l'on doit offrir..

  A010000266 

 [92] L'histoire est toute recente.

  A010000267 

 Quant à ce qui est de l'estime de vous mesme, oh! ne vous souvenez plus de quel lieu vous estes, mais de ces paroles: Escoute, ma fille, preste-moy ton oreille, oublie la mayson de ton pere, ta patrie et ton extraction, et le Roy convoitera ta beauté.

  A010000267 

 Voyez-vous, la Religion «est un mont de Calvaire,» on ne vous y a pas receues pour vous y donner des consolations; o non certes, car on ne demande rien moins de vous que d'estre crucifiées.

  A010000271 

 Et ne dites point: O Dieu, tousjours vivre icy! et le moyen? (Peut estre que cela ne vous viendra pas en teste pendant vostre noviciat, mais puis apres il pourroit survenir des fantosmes qui vous estonneront.) Ressouvenez-vous des paroles de saint Paul: J'ay tellement mesprisé le inonde que je le tiens comme un pendu et il me tient comme un pendard; je suis crucifié au monde et le monde m'est crucifié; je n'ay pas de vie pour moy, ni pas un bouton pour le monde; car si bien je vis, je ne vis pas moy, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy.

  A010000271 

 Il dit que le monde luy est crucifié et qu'il est crucifié au monde; puis, en suite de cela: Je vis, mais plustost je ne vis pas, ains c'est Jesus Christ qui vit en moy.

  A010000271 

 Je vis de la mort; or, c'est la mort de moy mesme qui fuit que mon Sauveur vit en moy.

  A010000272 

 C'est celuy des deux grandes reynes, vos maistresses et protectrices, à sçavoir la sacrée Vierge Marie vostre Mere, et Marie Magdeleine, lesquelles sont toutes deux nommées Marie, qui signifie estoile de mer ou mer amere, dame exaltée, illustrée ou illustratrice.

  A010000272 

 Puissiez-vous, mes cheres Filles, estre toutes des Marie, c'est à dire des lumieres par vos bons exemples, et ayder les autres par vos prieres à parvenir au port de salut; des mers, pour recevoir les amples benedictions que Dieu communique à ceux qui se consacrent à son service; ameres, avalant et devorant les difficultés qui se rencontrent en l'exercice de la vie spirituelle; des dames exaltées, pour avoir excellemment mortifié vos puissances, vos appetits, vos sens et inclinations, leur commandant d'un pouvoir absolu; illustrées par la lumiere celeste, et illustratrices par une vraye humilité et mortification..

  A010000273 

 Preparez vos espaules pour porter volontiers sur icelles la croix et le Crucifié; il sera pesant, il est vray, mais bon courage, car il vous fortifiera pour le porter..

  A010000274 

 O qu'en ce temps icy l'on se garderoit bien d'appeller Monsieur un jardinier! Vous rencontrerez parmi le monde des femmes qui sont si coquettes qu'elles font mille difficultés de nommer Monsieur et Madame celuy cy et celle là; il faut tant d'examens, tant de niaiseries pour s'asseurer si celuy cy est monsieur ou non! Or vous, mes cheres Filles, quand vous serez humbles comme Magdeleine vous appellerez tous Monsieur, c'est à dire vous obeirez à tous sans exception de personne, donnant à un chacun le pouvoir de vous commander..

  A010000275 

 Mais Celuy que vous cherchez est mort; comme pourrez-vous porter un corps mort qui est tres pesant? Oh! eust-elle dit, l'amour me donne assez de force pour l'aller prendre et pour m'en charger.

  A010000275 

 Vous l'emporterez? Mais il est parmi les Juifs et soldats; vous n'estes qu'une femme, comment ferez-vous? O Dieu, respond-elle, ne craignez point cela, car je l'iray prendre au milieu des Juifs et je l'emporteray; je me sens assez de force pour le faire.

  A010000287 

 Ce sont les paroles desquelles la divine Providence s'est servie pour convertir tout à fait le glorieux saint Augustin.

  A010000288 

 C'est cela que saint Augustin croyoit entendre..

  A010000291 

 Il a esté tres admirable en toute sa vie, et il ne s'est rien trouvé en icelle qui ne fust excellent; vous en pouvez penser de mesme de bon nombre de Bienheureux..

  A010000291 

 Or, pour entrer en mon premier point, vous sçavez toutes, je m'en asseure, qu'il y a trois sortes d'hommes qui sont arrivés à la sainteté, c'est à dire qu'ils ont esté saints en des aages et manieres differentes.

  A010000292 

 Aussi n'est-ce pas sans mystere que la divine Providence voulut qu'il se convertist tout à fait à l'ombre d'un figuier, pour monstrer que si bien le debut de sa vie avoit esté rude et tres mauvais, neanmoins ses fruits estans venus à maturité, elle deviendroit ensuite tres pretieuse..

  A010000292 

 Mais estans meurs, il n'y a rien de si doux et gracieux que la figue, laquelle est alors d'autant plus aggreable au goust qu'elle estoit insipide en son commencement.

  A010000292 

 Ses fleurs sont non seulement belles à la veue, ains propres à resister au venin du serpent; et son fruit, qui n'estant encores meur ne laisse de servir à l'usage de l'homme (car c'est d'iceluy que l'on fait le verjus tres utile à sa santé), va tousjours faisant des accroissemens jusques à ce qu'il soit arrivé à sa maturité, en laquelle il nous rend alors du vin tres proffitable [101] et aggreable.

  A010000292 

 Telle est la seconde sorte de Saints, du nombre desquels a esté saint Augustin.

  A010000292 

 Tels sont les figuiers: leur commencement est rude et n'a rien de doux; leurs fruits sont certes fort aspres avant leur maturité, ils n'ont aucune saveur, au contraire ils sont insipides.

  A010000293 

 Voyez vous comment le Saint Esprit va de prime abord mettre le coup de lancette dans l'apostume de son cœur, comme en la source et origine de toute sa maladie? Car il est vray, ainsy que saint Augustin le raconte luy mesme, qu'il estoit grandement adonné à ce detestable peché de la chair; il luy sembloit impossible de se passer de ces playsirs sensuels et illicites, qui estoyent la cause des plus grandes resistances qu'il faisoit à l'Esprit de Dieu, ne se pouvant resoudre à quitter ces voluptés ni à se desvelopper de ces liens..

  A010000294 

 Or, quoy que son esprit fust non seulement beau ains encores bon et accompagné d'un excellent naturel, si est-ce qu'il avoit enté sur iceluy une tres mauvaise plante, à sçavoir la vanité et appetit de sa propre gloire, qui le rendoit hautain, querelleur, envieux, contentieux et tellement amateur de son excellence qu'il surpassoit en cecy les Philippe et les Alexandre desquels les humanistes parlent tant, nous les representant esgaux en la vaine gloire.

  A010000296 

 On le voit lors qu'en hiver ces jeunes fols s'assemblent et vont par les rues faisant milles bouffonneries et tintamarres; celuy là est tenu parmi eux pour le plus brave qui fait davantage le fol et le fantasque; c'est en de telles actions qu'ils mettent leur gloire.

  A010000296 

 Remarquez un peu que c'est des miseres de l'esprit [103] humain, en quelle extremité va la desbordée jeunesse et de quoy se prisent les troupes des escoliers qui vivent sans crainte et sans retenue.

  A010000297 

 C'est pourquoy nous lisons en la Sainte Escriture que tous ceux qui ont esté chastiés pour le premier ont esté aussi taxés du second.

  A010000297 

 Combien y en a-t-il qui font gloire de ce vice! Mais la seconde rayson et la plus probable est celle cy, qu'Augustin estant sujet au peché de la chair, aussi l'estoit-il à celuy de l'ivrognerie et gourmandise; car ces deux pechés ne vont jamais guere l'un sans l'autre, et qui s'adonne à l'un, difficilement se peut-il empescher de tremper dans l'autre.

  A010000297 

 La premiere est la participation qu'il avoit avec sa mere sainte Monique, laquelle avoit cette tare, et se fust bien souvent enivrée si une bonne femme, qui estoit sa gouvernante en sa jeunesse, ne l'eust fait changer.

  A010000297 

 Or, il est bien croyable que son fils participoit à cette inclination et affection de sa mere; tout ainsy que nous autres ne participons que trop à cette nature qui nous est si voysine.

  A010000297 

 Quant à ce qui est d'estre ivrogne et gourmand, je n'ay pas remarqué qu'on l'en accuse, du moins n'en ay-je pas bonne memoire.

  A010000297 

 Voyla [104] donques en partie l'ancienne vie de saint Augustin qui certes estoit deplorable et digne de compassion; c'est pitié de lire ce qu'il en raconte en ses Confessions..

  A010000298 

 Qu'est-ce se devestir de ses habits pour se revestir de Jesus Christ? Despouillez-vous, dit l'Apostre, de vos habitudes, qui sont vos vestemens; car les vestemens environnent de toutes parts celuy qui en est couvert, et les habitudes en font de mesme au cœur que les vestemens au corps.

  A010000299 

 C'est en quoy saint Augustin l'a tout particulierement prattiquée, il l'a aussi fort recommandée à ses en fans, taschant de la leur inculquer si avant dans l'esprit que c'est chose admirable de voir comme il en parle dans sa Regle en termes tres expres, par lesquels il defend que nul ne «puisse avoir, sous quel pretexte [105] «que ce soit,» aucune «chose en proprieté.» De sorte que pour estre vray enfant de saint Augustin il faut avoir un grand amour à la pauvreté..

  A010000299 

 Il met l'austerité comme gardienne de la sobrieté, car il est bien difficile d'estre sobre parmi les bombances et alïluences.

  A010000299 

 La sobrieté, en elle mesme, est à proprement parler le retranchement de la superfluité au boire et au manger; mais, parlant spirituellement, sobrieté veut dire pauvreté, et c'est ce langage qu'il faut employer en ce lieu.

  A010000300 

 Aussi est-ce pour cela que ce Saint l'avoit dressée.

  A010000300 

 C'est sous cette Regle que plusieurs Ordres se sont mis du despuis, car elle est si douce et suave qu'elle peut servir à toutes sortes de personnes.

  A010000301 

 Despuis qu'il fut prestre et Evesque, il prattiqua la pauvreté en telle sorte qu'il ne se laissa rien, donnant tout son vin et son blé aux pauvres, jusques là qu'il vendit les tapisseries et ornemens de l'eglise pour subvenir à leurs necessités; ce qu'il faisoit par une inspiration particuliere de Dieu, d'autant qu'il n'est pas loysible de devestir l'autel pour nourrir les indigens, sinon en cas de besoin.

  A010000302 

 C'est ce que vous mediterez, car je ne fais que passer sur ces considerations..

  A010000302 

 Je ne parle pas de la frugalité de sa table ni de sa pauvreté en ses vestemens, qui estoyent tousjours de vile estoffe; car bien qu'il s'habillast honnestement selon que requeroit sa charge episcopale, si est-ce que le reste de ses habits estoit tres pauvre.

  A010000303 

 La seconde chose que dit saint Paul, est celle cy: Revestez-vous de la chasteté et priez.

  A010000303 

 N'ayant pas sa virginité, il estoit d'autant plus [107] jaloux de conserver sa chasteté, en sorte qu'il surpasse plusieurs vierges; tout ainsy que sainte Magdeleine, laquelle, toute impure qu'elle avoit esté auparavant, surpassa neanmoins en chasteté plusieurs vierges en leur virginité, et n'y en a pas une qui ayt tant esté honnorée en sa virginité comme sainte Magdeleine l'a esté en sa chasteté, hormis la sacrée Vierge qui est hors de toute comparaison.

  A010000304 

 Je sçay bien que le jeusne, la haire, la discipline et la sobrieté (qui ne consiste pas seulement à retrancher la gourmandise, mais encores à se priver des viandes exquises et par trop nourrissantes, à se contenter de ce qui est necessaire et à user d'alimens simples et grossiers), je sçay bien, dis-je, que tout cela est bon pour conserver la chasteté infuse dans une ame; mais certes, ce seroit peu s'il n'estoit accompagné de l'humble priere, parce que c'est à l'humilité que sont attachés tous les dons de Dieu.

  A010000304 

 Mais la chasteté est un don de Dieu qui ne s'acquiert pas à force de bras et qui ne peut estre conservé par artifice et industrie; car les dons de Dieu ne s'arrachent pas de ses mains par force ni par contrainte, ils se donnent gratuitement et selon la disposition du cœur.

  A010000304 

 Que faut-il donques faire pour acquerir et attirer ce don des mains de Dieu, puisque nul ne peut estre chaste si le Seigneur ne luy en fait la grace? Priez, dit l'Apostre; c'est à dire, demandez-la en esprit de profonde humilité, car c'est par la priere que vous l'obtiendrez, et que, l'ayant receuë, vous la conserverez.

  A010000305 

 Ce que ce glorieux Saint fit voir lors qu'estant interrogé quelle estoit la premiere vertu il respondit: C'est l'humilité.

  A010000305 

 Cette vertu, vouloit-il dire, bien que petite en apparence, est neanmoins la plus grande, sans icelle toutes les autres ne sont rien; et de mesme que l'orgueil et la vaine gloire est la pepiniere de tous les pechés et la mere nourrice de tous les vices, l'humilité est la nourrice de toutes les vertus..

  A010000305 

 Et la seconde? C'est l'humilité.

  A010000305 

 Et la troisiesme? C'est l'humilité.

  A010000305 

 L'humilité est la vertu des vertus, puisque c'est elle qui attire et conserve les autres en l'aine.

  A010000306 

 Ce grand Saint donna des preuves de sa tres profonde humilité en plusieurs choses tres remarquables qui peuvent estre utiles et profitables au lieu où je suis; c'est pourquoy je ne me sçaurois empescher de les dire.

  A010000306 

 Chacun sçait que saint Augustin est l'un des grans esprits qu'on ayt jamais veu et qu'il estoit encores doué d'une science admirable.

  A010000306 

 Mais en dehors de cela, il est notoire à tous que saint Augustin est tenu pour le plus grand esprit entre nos anciens Peres, lesquels ne se feignent point de l'appeller le phœnix des Docteurs..

  A010000307 

 Il avoit une tare en son sçavoir, il ignoroit la langue grecque; car bien qu'elle soit plus moëlleuse en son sens que la langue latine, si est-ce que le style n'en est pas si delicat, et pour cela saint Augustin, qui s'arrestoit plus au style qu'au sens, ne la voulut pas apprendre lors qu'il estudioit.

  A010000307 

 Or, il ne cacha point cecy, ains le confessa ingenuement et franchement, disant qu'il se regardoit pour le moindre de tous, d'autant qu'il ne sçavoit rien de la langue grecque laquelle est pourtant la plus riche de toutes..

  A010000308 

 Mais son humilité estoit trop grande pour cacher ce defaut, c'est pourquoy il le voulut hautement et librement confesser.

  A010000308 

 O Dieu, quelle humilité et quelle sincerité est celle cy! Certes, il en sçavoit bien un peu, mais il estimoit cela n'estre rien, et il estoit bien ayse de le reconnoistre et confesser pour donner place à l'amour de son abjection.

  A010000308 

 Voyons maintenant si nostre sainteté est semblable à celle de ce Saint.

  A010000309 

 C'est en quoy il monstra qu'il surexcelloit en cette vertu.

  A010000309 

 Et que dit-il à saint Hierosme? Je sçay bien, luy escrit-il, que le prestre est moindre que l'Evesque, et que moy qui suis Evesque je Mur.

  A010000309 

 Secondement, saint Augustin monstra une grande humilité en se sousmettant à la censure de ses escrits et de sa doctrine, censure faite non seulement par ceux qui luy pouvoyent estre superieurs et esgaux, ce qui est la marque d'une tres profonde humilité, mais encores par ceux qui luy estoyent inferieurs et en sçavoir et en dignité.

  A010000310 

 O Dieu, en ce temps cy nous ne voulons point de correction; c'est beaucoup quand nous la souffrons de nos Superieurs, mais des esgaux on ne le peut supporter, le cœur s'enfle et bondit, car celuy cy m'estant esgal n'a nulle authorité de me reprendre.

  A010000310 

 Pour les inferieurs, o certes, il n'en faut pas parler: si cela m'estoit dit par un de mes Superieurs je le souffrirois encores, mais par un tel je ne l'endureray pas, je ne luy donneray point cette authorité sur moy, Neanmoins c'est là où gist un des principaux points de l'humilité et de la perfection de la vie chresienne.

  A010000312 

 C'est certes là la sainteté de cet aage, comme aussi de ne les point connoistre ni souffrir la correction d'icelles..

  A010000312 

 O Dieu, que la sainteté de nostre temps est esloignée de celle-là, car elle [112] ne consiste qu'à cacher ses fautes, mesme au confesseur.

  A010000313 

 C'est un advertissement «Un le grand saint Augustin donnoit à tout le monde en general de ne se point appuyer sur ses merites ni de penser que l'on puisse entrer au Ciel par sa propre industrie, sans estre aydé de la grace divine.

  A010000313 

 J'eusse bien voulu, pour mon dernier point, dire un mot sur la douceur de ce grand Saint, mais le temps me manque; c'est pourquoy je le laisseray et me contenteray, pour fermer ce discours, d'adjouster deux ou trois mots encores sur ces paroles de saint Paul: Revestez-vous des habitudes de Jesus Christ.

  A010000313 

 Nous parlons en ceste façon de ceux qui sont habillés et disons: Voyla un homme qui est vestu de soye; celuy-là est vestu de peau de buffle, celuy-cy de chameau.

  A010000313 

 Or, dit l'Apostre, ne vous revestez point de soye, de peau de buffle ni de chameau, mais revestez-vous des habitudes de Jesus Christ, de la Passion de Nostre Seigneur, revestez-vous du sang du Sauveur; et tout ainsy que les vestemens environnent le corps, environnez aussi tout vostre cœur et vos affections du Sauveur, c'est à dire ne vous appuyez point sur vos merites, mais sur les merites de sa Mort et Passion.

  A010000314 

 Oh! je vous en prie, ne dites point cela, mes cheres Sœurs, si vous voulez estre vrayes filles non seulement de la Vierge, car c'est sous icelle que vous estes erigées, mais encores de saint Augustin, puisque vous estes sous sa Regle..

  A010000315 

 Ne dites point: Voyla un homme qui par ses œuvres aura bien du merite; mais plustost: O que Dieu a fait de grandes graces à cette personne là! O que grande a esté sa misericorde en son endroit! N'ayez point d'autre fin que de chercher la gloire de Dieu, car c'est pour cela que vous estes entrées en Religion, et non pas seulement pour vous retirer du tracas du monde; les philosophes payens faisoyent bien ce renoncement, à fin d'avoir par ce moyen plus de temps pour vaquer à l'estude des sciences humaines.

  A010000315 

 O les pretieux vestemens que ceux qui sont faits du sang du Sauveur, sans lequel toutes nos œuvres ne sont point meritoires! Il est vray qu'en donnant un verre d'eau pour l'amour de [114] Dieu on merite la vie eternelle; mais d'où prend-il sa valeur sinon (le la Passion du Sauveur qui rend meritoire cet acte de charité? Haussant donques vos cœurs et vos affections, n'estimez point meritoires les desirs de la chair, c'est à dire les desirs de ceux qui vivent en cette chair, mais fondez toutes vos esperances en ceux du Fils de Dieu, qui vit et regne en l'eternité avec le Pere et le Saint Esprit.

  A010000315 

 Vous n'y estes pas venues non plus pour devenir plus riches; oh! rien de cela, car c'est icy où l'on se fait pauvre.

  A010000324 

 Et vous, mes tres cheres Filles, ayant aujourd'huy fait la sainte Profession, j'ay formé cette imagination que vous estes saluées de cette mesme salutation et que l'on vous peut addresser ces paroles que le grand Apostre a mis dans ses Epistres: Luc, le tres excellent et tres cher medecin, vous salue, parce que cette sorte de salutation est merveilleusement propre tant pour vostre Profession que pour vostre condition, comme aussi pour la condition de celles qui demeurent au lieu où vous estes.

  A010000324 

 Or, il vous salue en ces deux qualités a fin que vous appreniez et deveniez non seulement medecineuses et guerisseuses, mais encores peintresses, puisque la profession que vous faites et la Religion où vous estes n'est autre chose, comme disent les anciens Peres, qu'une maladiere, une assemblée de guerisseurs et de gens qui ne font que se medeciner et guerir.

  A010000324 

 Saint Luc vous salue donques en qualité de medecin et encores de peintre; car bien que saint Paul ne le nomme pas peintre, si est-ce que selon la tradition ecclesiastique il l'estoit, comme le disent saint Damascene et Nicephore; et c'est luy qui a peint la sacrée Vierge, nostre [116] Mere et Maistresse.

  A010000325 

 Il ne faut donques point perdre courage de se traitter, car c'est là nostre mestler et exercice pour tout le temps que nous serons en cette vallée de miseres.

  A010000325 

 Quant au premier, je me souviens fort bien vous en avoir desja parlé et vous avoir monstré que la Religion est une maladrerie toute pleine de gens malades, qui sont neanmoins tous medecins, car ils se guerissent les uns les autres, voire aussi eux mesmes, et ce continuellement, malades; disant et purgeant de leurs defauts.

  A010000325 

 Que si bien l'on en voit quelques uns qui ayent une longue santé, quoy que penchante tousjours de quelque costé, l'on dit que c'est un presage d'une future grande maladie..

  A010000326 

 L'homme, disent les philosophes, est composé de plusieurs humeurs, lesquelles les medecins reduisent à quatre principales, à sçavoir: la colere, le flegme, le sang et la melancolie.

  A010000326 

 Or, quand ces quatre humeurs sont en bon ordre tout va bien, et l'on jouit d'une pleine santé; comme au contraire, quand l'une predomine sur [117] l'autre on est malade, et à mesure que la predomination est grande la maladie l'est aussi.

  A010000326 

 Par exemple, quand le flegme vient à surabonder, il reduit l'homme à de graves infirmités; ainsy en est-il des autres humeurs peccantes de nostre corps.

  A010000327 

 En temps de carnaval on verra des joyes et liesses qui se monstrent par des actions badines et folastres, et bien tost apres vous verrez des tristesses et ennuis si extremes que c'est chose horrible et, ce semble, irremediable.

  A010000327 

 Quand l'une de ces passions predomine sur les autres elle cause des maladies en l'ame; et parce qu'il est extremement difficile de les tenir en regle, de là vient que les hommes sont bigearres et variables, et que l'on ne voit que fantasies, inconstances et niaiseries parmi eux.

  A010000328 

 Les salutations qui se font par lettres ne sont que des souhaits exprimés par les amis absens; et quel souhait plus utile et profitable pour le coeur se peut-il faire que celuy de la paix? C'est en icelle que consiste le plus haut point de la vie spirituelle, et c'est pour l'acquerir et conserver qu'il faut continuellement veiller et travailler; car despuis la cheute de nos premiers parens nostre ame est demeurée une terre seche et sterile ne peut porter ni produire aucun fruit de bonnes oeuvres si l'on n'a soin de la cultiver..

  A010000328 

 Or, le principal remede à tout cecy c'est de veiller continuellement sur son cœur et sur son esprit pour tenir les passions en regle et sous l'empire de la rayson; autrement on ne verra que bigearreries et inesgalités.

  A010000329 

 Mais despuis qu'il eut peché et que la terre fut maudite, elle n'a plus rien produit de soy mesme que des ronces et espines; si que pour en tirer ce qui est necessaire à la vie de l'homme, il la faut cultiver à force de bras et à la sueur de son corps, puis l'ensemencer.

  A010000330 

 Cet exercice est necessaire à tous les mortels, n'y ayant homme si parfait qui n'ayt besoin de travailler, tant pour accroistre la perfection que pour la conserver, d'autant que nul ne se peut dire maistre de ses passions ou pretendre n'estre plus sujet à leur detraquement..

  A010000330 

 Que s'il faut user de ce soin et patience apres les jardins materiels, à plus forte rayson en faudra-t-il avoir, mes cheres Filles, à cultiver la terre et le jardin de vos cœurs et de vos esprits, tant pour en arracher les mauvaises herbes de vos inclinations, habitudes et passions, que les nouvelles et continuelles productions que l'amour propre fournit; c'est à dire les chagrins, bigearreries, inquietudes, fantasies et telles autres niaiseries qui attaquent à tout propos nos pauvres esprits, et qui, si l'on n'y prend garde, gastent et ruinent tout ce qui est de beau et de bon dans le parterre de nos ames.

  A010000331 

 C'est pour cela qu'il n'y a point parmi eux cette varieté d'exercices ni de façon de proceder que nous voyons entre les mondains: ceux cy jeusneront aujourd'huy et feront demain festin; ils se leveront aujourd'huy à la pointe du jour, et demain ils demeureront fort tard au lit avec [120] une grande poltronnerie; en somme, tout ce qu'ils font n'est qu'inconstance, inesgalité et changement de mœurs et de conduite.

  A010000331 

 Mais quoy que tous les Chrestiens soyent obligés de se medeciner en cette sorte, si est-ce que cecy est plus propre aux Religieux, lesquels doivent reluire par dessus les seculiers en cette si desirable esgalité.

  A010000332 

 Telle est vostre profession, mes cheres Filles, c'est à quoy vous devez travailler et pretendre; et certes, le glorieux saint Luc vous en a laissé de grans exemples.

  A010000333 

 C'est assez dit sur ce premier point de la salutation que ce glorieux Evangeliste vous fait en qualité de medecin; passons au deuxiesme, qui est qu'il vous salue en qualité de peintre.

  A010000333 

 Neanmoins il en avoit fait plusieurs autres, car je sçay bien que l'on n'est pas maistre en cet art sans avoir fait plusieurs portraits; mais il n'a laissé que celuy de Nostre Dame.

  A010000334 

 C'est pourquoy je laisseray de costé ce sujet pour vous dire que la salutation que saint Luc vous addresse en qualité de peintre n'est qu'un advertissement qu'il vous donne de peindre dans vos cœurs.

  A010000334 

 Mais il faut que je vous dise ce qui s'observe pour faire un beau portrait et pour tirer au vif la face de ceux que l'on veut peindre; c'est ce que saint Luc a prattiqué et ce que nous devons prattiquer nous mesmes pour l'imiter..

  A010000335 

 C'est à quoy il est requis d'employer toute une année de noviciat pour se purger et purifier; et non seulement cela, mais encor tout le temps de sa vie, laquelle doit estre une continuelle purgation.

  A010000335 

 Mais helas! cela ne se fait pas, car venant en Religion on y apporte des cœurs marqués de tant de traits, je veux dire qu'ils sont si rudes, grossiers, aigres, mal façonnés et peu civilisés que c'est pitié de les voir.

  A010000335 

 Premierement, il est necessaire que la chose sur laquelle on veut peindre soit nette et qu'il n'y ayt sur icelle [122] aucune autre peinture; car si cela estoit, il la faudroit d'abord laver, d'autant qu'elle seroit incapable de recevoir les traits du visage que l'on pretend tirer.

  A010000336 

 C'est de ces personnes que les anciens Peres parlent avec tant de severité; car celuy qui quitte le monde et retient en son cœur les affections du monde est du tout incapable de recevoir les traits de la grace et les consolations celestes.

  A010000336 

 Mais voicy, ce semble, qui est un peu plus gracieux: on quitte bien les affections de ce siecle, mais on se reserve un certain amour pour soy qui nous fait tant chercher ce qui nous est propre et fuir ce qui nous incommode! On ayme tant sa vie et son propre interest, on a si grand peur de mourir! O la grande mollesse et tendreté que celle cy! Il faut certes se bien purger et laver de semblables choses à fin d'estre disposé à recevoir les traits de la face de Nostre Dame.

  A010000337 

 Devotion imaginaire et niaise, nullement sortable à leur condition, et tellement meslée d'amour propre, que ces personnes mesmes, non plus que les autres, ne peuvent discerner ce que c'est de cela, et ne sçait-on si l'amour propre est leur devotion ou si leur devotion est amour propre; fantasie et niaiserie, devotion fade, molle, effeminée et propre aux femmes de peu de courage.

  A010000337 

 Par où vous voyez que pour estre bonnes peintresses il ne suffit pas de purger vos cœurs de tout ce qui est mauvais, mais encores de toutes autres teintures desquelles vous les auriez voulu enrichir.

  A010000337 

 Secondement, il ne suffit pas au peintre de bien nettoyer sa toile de ce qui est mauvais, mais encores faut-il enlever ce qui est bon; car si on prend une estoffe teinte en quelque couleur, elle ne sera nullement susceptible de la peinture qu'on luy veut donner, non pas mesme quand elle seroit teinte en escarlatte, qui est la couleur la plus douce et unie qui se puisse trouver.

  A010000338 

 La troisiesme condition requise pour peindre est que ce qui est preparé pour recevoir la peinture soit attaché en sorte qu'il ne se puisse point remuer, ains demeure ferme et immobile à fin de recevoir les traits du pinceau.

  A010000338 

 O Dieu, quel bonheur et quelle grace d'avoir necessité d'estre attachés et cloués comme des tableaux d'attente, pour jouir et posseder en cette vie le bien qui nous est offert et donné, et duquel nous jouirons en l'eternité! Helas! combien y a-t-il d'ames qui, s'il n'estoit point requis de se lier aux vocations esquelles elles ont esté appellées, vacilleroyent et les quitteroyent à la moindre difficulté, fantasie et bigearrerie dont leurs esprits se trouveroyent assaillis et preoccupés.

  A010000339 

 La quatriesme chose requise pour bien peindre c'est d'estre en un lieu obscur et où il n'y ayt pas trop de clarté; que s'il y en a trop, le sage peintre ferme le vanteau de la fenestre et ne laisse ouvert qu'un petit guichet, d'autant qu'une trop grande lumiere l'empesche de bien asseoir son pinceau et de bien remarquer le visage qu'il veut tirer.

  A010000339 

 O que bienheureux sont ceux qui n'apportent pas en Religion de beaux et grans entendemens! Ceux cy sont les meilleurs, parce que n'ayans pas tant de lumiere naturelle ils sont plus propres pour recevoir celle du Saint Esprit qui leur est communiquée par autruy.

  A010000340 

 C'est pourquoy les peintres veulent qu'on les regarde et qu'on arreste l'œil sur eux.

  A010000340 

 La cinquiesme chose necessaire pour bien tirer un portrait c'est que le peintre regarde plus d'une fois celuy qu'il veut tirer à fin de bien imprimer en son imagination toute la forme et les traits de sa face, et que celuy qu'on tire arreste sa veuë sur quelque objet.

  A010000341 

 Ce Saint avoit à la verité un grand esprit, et je ne doute point qu'il n'eust peu la peindre en cette façon; neanmoins nous n'en sçavons rien d'asseuré, et certes, c'est une chose bien rare de voir un peintre tirer au vif la face d'une personne ne l'ayant veuë qu'une fois en passant.

  A010000341 

 Il y en a un seul, que je sçache, qui l'aye fait: c'est Apelles, si cherement aymé d'Alexandre le Grand, qui peignit sur le champ un homme qui luy avoit despieu en quelque chose.

  A010000341 

 Mais il est plus probable que saint Luc se servit pour faire le portrait de la Sainte Vierge de la façon ordinaire des peintres, et qu'il la pria, ou quelque autre pour luy, de se laisser tirer.

  A010000341 

 Quelques uns ont pensé que c'est en cette façon que le glorieux saint Luc prit la face de la Vierge, car, dit-on, elle estoit si humble que l'on n'eust jamais osé la prier de se laisser tirer; cela fait, ce semble, un peu tort à son humilité, si que le bienheureux Disciple deut prendre son portrait comme en cachette.

  A010000342 

 Quelle pudicité virginale y apperceut-il! Que si les filles, pour peu qu'elles soyent de bon naturel, monstrent leur pudeur en leur face, rougissant pour la moindre parole qu'on leur dise, o Dieu, quel pensez-vous devoit estre celle qui se voyoit en la face de cette sainte Vierge lors qu'elle estoit regardée de son peintre? Que d'admirables vertus il descouvrit en ce pudique et chaste regard! Quel contentement de considerer celle qui est plus belle que le Ciel ou que la pleine diaprée de la varieté de tant de fleurs, et qui surpasse en beauté les Anges et les hommes! Mais qui pourroit penser l'humilité avec laquelle saint Luc la pria de le regarder, et la douceur et simplicité avec laquelle Nostre Dame le fit? O que de lumieres il receut par ce regard sacré, que son cœur demeura enflammé de son amour, que de connoissances il tira quand les yeux de cette douce Vierge s'arresterent sur luy! Ils imprimerent alors en son cœur un si grand amour de la pureté qu'il y persevera constamment tout le temps de sa vie et garda le celibat..

  A010000343 

 Comme nous avons dit, il receut aussi cette esgalité et fermeté d'esprit qui reluisoit singulierement en la Sainte Vierge; c'est pourquoy on a veu toutes ses entreprises accompagnées d'une admirable constance et perseverance au bien une fois commencé.

  A010000343 

 Il ne dit pas seulement: Luc est avec moy; mais: Le seul Luc est avec moy.

  A010000343 

 O Dieu, quelle suavité recevoit aussi nostre glorieux Saint de la compagnie de saint Paul! combien de secrets luy reveloit-il, luy qui avoit esté ravi jusques au troisiesme Ciel! Il est certain que saint Luc avoit beaucoup appris de cet Apostre, car mesme en ses escrits il dit qu'il n'a pas veu tout ce qu'il rapporte, mais bien qu'il l'a ouÿ..

  A010000343 

 Or, quoy que ce grand Apostre estant en prison et escrivant à son cher disciple [127] Timothée pour se consoler avec luy, le saluast luy disant: Je suis icy tout seul, ce n'est pas qu'il fust le seul qui creust en Jesus Christ, car il y en avoit plusieurs, mais il vouloit signifier qu'il estoit seul dans les fers.

  A010000344 

 O Dieu, combien suave, douce, humble, tranquille est celle qui converse souvent avec la Sainte Vierge! que sa conversation est esgale, paisible et aggreable!.

  A010000344 

 Quant à vous autres, mes cheres Filles, vous devez souvent mediter la vie de cette sainte Dame et tousjours avoir devant les yeux ses vertus pour les imiter, car c'est vostre Abbesse, vostre Superieure et vostre Maistresse, laquelle vous devez suivre et obeir.

  A010000345 

 Ce n'est pas qu'il ne fist de grandes choses et qu'il n'endurast beaucoup, mais son humilité ne luy permet pas de le rapporter..

  A010000346 

 C'est pourquoy il fait mention de l'election de saint Mathias, car Nostre Seigneur ne voulut point, n'avant que de monter au Ciel, nommer un Apostre pour mettre en la place de Judas, ains en laissa le choix et nomination au college apostolique pour destruire l'erreur [129] de ceux qui croyent que despuis l'Ascension du Sauveur la generation des Apostres a failli, ce qui n'est pas; car Jesus Christ luy mesme a voulu que les Apostres se soyent assemblés pour eslire ceux qui leur devoyent succeder, à commencer par saint Mathias.

  A010000346 

 Le college apostolique donques ne viendra jamais à defaillir, et bien que ce soit tousjours Nostre Seigneur qui fasse telles elections, comme Celuy qui preside aux assemblées reunies pour ce sujet, c'est neanmoins tousjours par la voix des creatures que sont faites telles nominations..

  A010000346 

 Mais il faut d'abord que je die cecy en passant: Pourquoy est-ce que saint Luc escrit les Actes des Apostres? Pour rapporter leurs actions et rien autre.

  A010000347 

 Ce n'est pas qu'ils soyent moindres que les autres, car saint Pierre est le prince et le premier de tous; mais apres avoir demandé au nom de tous les autres, elle nomme saint Pierre et saint Paul tout à part pour monstrer leur excellence.

  A010000347 

 Donques, quand saint Luc escrit: Là estoyent les Apostres, les disciples, les femmes et puis Marie, Mere de Jesus, ce n'est pas à dire qu'elle soit moindre que les personnages desja mentionnés, ains il veut monstrer qu'elle seule vaut mieux que tous ceux là ensemble..

  A010000347 

 On en fait de mesme quand on parle du roy, d'autant qu'on dit: Là estoyent les princes, tout le peuple ou l'armée, puis le roy; mais ce n'est pas que le roy pour estre nommé le dernier soit au dessous des autres, o non, car chacun sçait qu'il est plus que tous; aussi le nomme-t-on tout à part.

  A010000347 

 Or, encores que saint Luc nomme la Sainte Vierge la derniere, il ne commet pourtant aucune incongruité, ains c'est par le respect et l'honneur qu'il luy porte.

  A010000349 

 La fidelité du serviteur se connoist en ce qu'il s'acquitte de ses devoirs en l'absence de son maistre aussi bien que s'il luy estoit present; car voit-on jamais un serviteur, pour negligent qu'il soit, ne point faire ce qu'il doit quand il sçait que les yeux de son maistre sont sur ses mains? Or, ne pas faire ce que l'on fait pour les [131] mains du Maistre, c'est agir par amour et non par crainte de chastiment..

  A010000349 

 Mais quand il leur recommande de ne tenir point les yeux fichés sur les yeux de leur Maistre il n'entend pas qu'ils ne fassent pas ce qu'ils font pour plaire aux yeux de Dieu et pour l'imiter, o non; mais que, lors mesme qu'ils ne seroyent pas regardés de leur Seigneur ils ne devroyent pas laisser de faire ce qui luy est aggreable.

  A010000350 

 Ayez donques desormais les yeux sur vostre Maistre qui est Jesus Christ, et s ur les mains de vostre Maistresse, la Sainte Vierge, imitant ses vertus, particulierement son humilité.

  A010000350 

 Peignez son image dans vos cœurs et l'y conservez avec fidelité, perseverant constamment en ce que vous avez voué et promis, car c'est la perseverance qui rend nos œuvres aggreables à Dieu et qui les couronne.

  A010000354 

 Il est dit dans la Genese que lors que Dieu eut creé le ciel et la terre, il les regarda, les trouva bien et s'y compleut; car considerant la lumiere il dit qu'elle estoit bonne; voyant ensuite la terre comme la pepiniere des arbres, herbes et plantes, et la mer qui retenoit dedans soy tant de poissons, il dit derechef que cela estoit bon.

  A010000355 

 Lors qu'elle les considere et les honnore en particulier, voyant la ferveur des Martyrs, l'amour des Apostres, la pureté des Vierges, elle dit à l'imitation du Createur que cela est bien; mais quand elle vient à tout ramasser et faire à tous ensemble [133] une feste, contemplant les couronnes, les palmes, les victoires et triomphes de tous les Saints, elle en ressent une complaisance nompareille et s'escrie: O que cela est bon, ains plus que tres bon! C'est cette feste que nous celebrons aujourd'huy..

  A010000355 

 Or, la sainte Eglise qui non seulement est espouse de Nostre Seigneur, mais encores son imitatrice, se voulant en tout et par tout conformer à luy, celebre les festes des Saints avec un playsir admirable.

  A010000356 

 C'est qu'elle est instituée pour honnorer plusieurs Saints et Saintes qui sont au Ciel, les noms desquels n'estans point conneus ça bas en terre, l'Eglise ne peut solemniser leur feste en particulier.

  A010000356 

 Il y a plusieurs raysons de l'institution d'icelle; mais je me contenteray de vous en dire seulement une qui est fondamentale.

  A010000356 

 Ne pensez pas que ce soyent les miracles et les vocations speciales qui ont rendu saints tous ceux qui sont en Paradis; o non certes, car il est vray qu'il y en a un nombre infini qui ont esté ignorés en cette vie, qui n'ont point fait de prodiges et dont on ne fait aucune mention sur la terre, lesquels neanmoins sont au dessus de ceux qui ont operé beaucoup de merveilles et qui ont esté et sont honnorés parmi l'Eglise de Dieu.

  A010000356 

 O Dieu, combien pensez-vous qu'il y a eu de Saints dans les cavernes, dans les boutiques, dans les maysons devotes, dans les monasteres, qui sont morts inconneus et qui à cette heure sont exaltés dans la gloire par dessus ceux qui ont esté bien conneus et honnorés sur la terre? C'est pourquoy l'Eglise considerant la feste qui se celebre au Ciel en fait par consequent une en terre, en laquelle elle exalte ceux qu'elle connoist et aussi ceux dont elle ne connoist ni les noms, ni les vies..

  A010000357 

 En somme, c'est une chose aggreable de voir la correspondance qui existe entre le ciel et la terre..

  A010000357 

 Je ne veux pas icy parler de ces influences dont traittent les astrologues, ce n'est pas pour ce lieu; je parle de celles que, d'apres les platoniciens, le ciel respand sur la terre, lesquelles luy font produire les fruits, les arbres [134] et les plantes.

  A010000357 

 On admire le merveilleux rapport et correspondance que la terre a avec le ciel, qui est tel que l'on peut dire que le ciel est le mari de la terre et qu'elle ne peut rien produire que par le moyen des influences qu'elle en reçoit.

  A010000358 

 Comme chante-t-elle la ferveur et constance de saint Laurent, comme admire-t-elle un saint Barthelemy, et ainsy des autres! Mais outre cela, voyant qu'il se fait en Paradis une resjouissance pour tous en general, elle a aussi establi une solemnité à cette fin; c'est celle que nous celebrons aujourd'huy.

  A010000358 

 Elle tasche de les eslever et conformer en tout ce qui est possible aux habitans du Ciel; c'est pourquoy considerant les festes qui s'y celebrent pour le martyre et triomphe de chaque Saint en particulier, elle en fait de mesme icy bas.

  A010000358 

 O Dieu, que c'est chose plus admirable encores de considerer le rapport qu'il y a entre la Hierusalem celeste et la terrestre, entre l'Eglise triomphante et la militante! L'Eglise militante fait ça bas en terre ce qu'elle croit se faire la haut en la triomphante, et comme une bonne mere, elle tire tout ce qu'elle peut de la Hierusalem celeste pour en nourrir ses enfans.

  A010000360 

 A la verité, nous recevons la grace de sa misericorde et la gloire de sa justice; cependant sa misericorde est si grande qu'elle surnage par dessus tout, partant nous obtenons la gloire de l'une et de l'autre.

  A010000360 

 C'est le propre de sa justice de recompenser ceux qui travaillent pour acquerir le Royaume de Dieu, cette divine Majesté nous ayant mis en cette terre où nous pouvons meriter et demeriter; neanmoins le loyer qu'il nous donne pour les travaux et labeurs que nous prenons est infiniment au dessus de nos merites, et voyla où reluit sa grande misericorde..

  A010000360 

 Or est-il que ces Esprits bienheureux, les Cherubins, les Seraphins et tous les autres Anges nous aymans souverainement, non seulement nous desirent, ains aussi nous procurent les celestes faveurs, poussés par le motif de la charité; car l'amour du prochain procedant et naissant de l'amour de Dieu comme de sa source et origine, il s'ensuit que du grand amour des Bienheureux envers nostre Sauveur et Maistre procede un desir tres ardent qu'il nous donne et departe sa grace en ce monde et sa gloire en l'autre.

  A010000361 

 C'est icy leur principal et plus excellent motif; car sçachans que nous avons esté creés pour la gloire eternelle, que Nostre Seigneur nous a rachetés pour cela et qu'il ne desire rien plus sinon que nous jouissions du fruit de nostre Redemption, ils conforment leur desir et amour à sa divine Majesté en ce qui concerne nostre salut comme en toute autre chose.

  A010000361 

 Mais les Saints ont encores un autre motif qui leur fait demander et desirer que Dieu nous donne sa grace: c'est qu'ils voyent en luy ce vehement desir qu'il a de la nous departir; cela fait qu'ils nous la souhaittent et procurent avec un amour d'autant plus grand qu'ils le voyent grand en Dieu.

  A010000361 

 O Dieu, c'est cet amour qui produit celuy du prochain et qui fait que l'on travaille pour l'ayder, que l'on s'oublie soy mesme pour le servir..

  A010000362 

 Il faut donques prier et invoquer les Saints, et c'est en cette sorte que l'on doit celebrer leurs festes, implorant leur secours et l'employant pour obtenir les graces et faveurs dont nous avons besoin.

  A010000363 

 Quant à la premiere, qui est celle que l'on prie, ce ne peut jamais estre que Dieu, car c'est luy seul qui possede en soy tous les tresors de la grace et de la gloire.

  A010000364 

 Comme s'il vouloit dire: Helas! il est vray que ce Dieu auquel je veux parler est tres haut, et que moy je ne suis que poudre, cendre, poussiere et chose de nul prix; neanmoins je parleray à mon Seigneur, d'autant qu'il est mon Createur et que je suis sa creature.

  A010000364 

 Immediatement c'est parler directement à Dieu sans l'entremise d'aucune creature, comme firent le centenier, le publicain, la Samaritaine la Chananée, et plusieurs autres que nous lisons en la Sainte Escriture, lesquels prierent directement Nostre Seigneur et en receurent de grandes graces à cause de l'humilité dont ils accompagnoyent leurs demandes.

  A010000365 

 Cette façon de prier est bonne et bien meritoire, car elle est humble; elle procede de la connoissance de nostre indignité et bassesse, qui fait que n'osant approcher de Dieu pour luy demander ce de quoy nous avons besoin, nous nous addressons aux Saints; ainsy nos prieres, qui d'elles mesmes sont foibles et de peu de valeur, estans meslées avec celles de ces Bienheureux auront une grande force et efficace..

  A010000365 

 Prier Dieu mediatement c'est s'addresser à luy par le moyen des Saints et de la Sainte Vierge, comme fit le centurion, lequel envoya ses amis pour conjurer Nostre Seigneur de venir guerir son serviteur.

  A010000366 

 La priere immediate est toute filiale, pleine d'amour et de confiance; elle s'addresse à Dieu comme à nostre Pere et nostre Chef souverain.

  A010000366 

 O Dieu, que c'est une parole pleine d'amour que celle cy, et qu'elle remplit le cœur de douceur et de confiance filiale! Ce que vous verrez par les demandes qui se font en la mesme Oraison, en laquelle on parle immediatement à Dieu; car apres l'avoir appellé du nom de Pere on luy demande son Royaume et que sa volonté soit faite ça bas en terre comme elle se fait là haut au Ciel.

  A010000367 

 C'est une question qui est debattue en la theologie scholastique, à sçavoir mon, si Nostre Seigneur entant qu'homme prie maintenant pour nous, car il est nostre Advocat et Mediateur; aussi faut-il que les advocats prient de mesme que les mediateurs.

  A010000367 

 Cecy est fort discuté entre les theologiens; mais il me semble que l'on s'en doit rapporter à ce que nostre divin Maistre a declaré: Je ne dis pas que je prieray pour vous; car il y a difference entre prier et demander, comme nous venons de le voir.

  A010000367 

 Il n'y a point de doute que Nostre Seigneur Jesus Christ ne demande pour nous le Royaume des Cieux, qui luy appartient et qu'il nous a gaigné au prix de son sang et de sa vie, et pour ce il le demande comme chose qui luy est deuë par justice; de mesme pour toutes les autres demandes qu'il addresse à son Pere.

  A010000367 

 La seconde personne qui intervient en la priere c'est celle qui demande.

  A010000367 

 Remarquez que je ne dis pas que c'est celle qui prie, ains celle qui demande, car il y a bien de la difference entre prier et demander.

  A010000367 

 Un autre [138] demandera ce qui luy est deu; celuy là ne prie pas comme par forme de priere, ains il exige ce qui justement luy appartient.

  A010000368 

 La troisiesme personne qui intervient en la priere c'est la creature raysonnable.

  A010000369 

 Il en prend tout de mesme comme d'une goutte d'eau qui est jettée dans un tonneau de vin, laquelle vient à quitter ce qu'elle estoit et à se convertir en vin; ainsy nos prieres estans presentées à la divine Majesté en union de celles des Saints glorieux, perdent leur foiblesse et prennent la force, vigueur et vertu des leurs.

  A010000369 

 O Dieu, ces glorieux Saints prient continuellement et sans se lasser; leur felicité est [139] de perpetuellement chanter les louanges de Dieu, mais avec tant de ferveur, de profonde humilité, d'amour et de fermeté qu'elles sont d'un prix et d'une valeur incomprehensibles.

  A010000371 

 Celle des ames bienheureuses procede de la connoissance tres claire qu'elles ont, sans ombre ni figure, de la grandeur et essence de Dieu, de cette distance infinie qu'il y a entre Dieu et l'homme, entre la creature et le Createur; et plus ils ont de degrés de gloire plus ils connoissent cette distance infinie, et par consequent leur humilité est plus profonde.

  A010000371 

 Oh si nous pouvions un peu comprendre quelle est cette charité des Saints et de quelle ferveur et humilité ils accompagnent leurs prieres! Certes, nous aurions bien sujet de nous confondre si nous venions à faire comparaison du peu d'humilité qui se trouve en nos oraisons avec celle qu'ils joignent aux leurs, car nous verrions que pour grande que fust l'humilité qui accompagne nos prieres, elle ne seroit rien au prix de celle qu'ils [140] prattiquent au Ciel.

  A010000372 

 Cette connoissance de la Majesté divine, de ses grandeurs et perfections est le plus excellent et le plus fort motif pour nous humilier et abaisser en nostre propre neant.

  A010000372 

 Mais l'humilité que Nostre Dame a maintenant au Ciel est mille et mille fois plus grande qu'elle n'estoit icy bas parce qu'elle a mille fois plus de connoissance de la grandeur de Dieu qu'elle n'avoit alors.

  A010000373 

 C'est une plaisante chose de demander aux Saints qu'ils intercedent pour nous et nous [141] obtiennent quelque grace, si de nostre costé nous ne nous voulons disposer à la recevoir.

  A010000373 

 Car voyez-vous, nostre cher Sauveur et Maistre nous a creés sans nous, c'est à dire il nous a donné l'estre lors que nous n'estions rien; mais il ne nous veut pas sauver sans nous, il ne veut point violenter nostre liberté ni sauver personne par force, il luy faut nostre consentement et cooperation à sa grace..

  A010000373 

 O quel abus est celuy cy! Certes, la misericorde de nostre Dieu veut que nous cooperions à sa grace et à ses dons; aussi, quand nous luy requerons quelques vertus par l'entremise des Saints, il nous les accorde si nous commençons d'abord à les pratiquer.

  A010000374 

 Il n'y a point d'autre porte pour entrer en Paradis que celle de la redemption du Sauveur; c'est pourquoy l'Eglise termine toutes ses prieres par le nom de Nostre Seigneur Jesus Christ, pour nous monstrer que les prieres des Anges ni celles des hommes ne peuvent estre ouyes du Pere eternel si ce n'est au nom de son Fils.

  A010000375 

 Lors il dit ces sacrées paroles dans lesquelles est comprise toute la perfection chrestienne: Bienheureux les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux; bienheureux les debonnaires, car ils possederont la terre; bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés; bienheureux en fin ceux qui sont persecutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux..

  A010000375 

 Voyez-vous, si nous voulons nous rendre bien capables [142] des suffrages des Saints et les esmouvoir à prier pour nous, il nous faut fidellement prattiquer les vertus que nous demandons par leur intercession, et nous bien disposer à recevoir les dons du Seigneur: c'est icy mon troisiesme point.

  A010000376 

 O mes cheres Sœurs, c'est à vous à qui je parle, car si bien vous n'estes pas encores hors du monde, vous estes neanmoins comme des Nazareens, esloignées et sequestrées du monde et de la vanité.

  A010000376 

 Qu'est-ce, je vous prie, cette statue sinon ce monde, ou plustost la vanité et orgueil d'iceluy, qui a la teste d'or et tout ce qui suit? Et cette montagne dont il est descendu une petite pierre n'est autre que Nostre Seigneur, de la bouche duquel est sortie cette pierre des huit beatitudes qui renverse la statue de la vanité, faisant que tant et tant de personnes ont quitté le siecle, ses richesses, honneurs et dignités, et se sont rendues pauvres, viles et abjectes..

  A010000376 

 Voicy une estrange doctrine qui est directement contre l'esprit du monde; mais vous l'entendrez mieux par la comparaison de cette statue que Nabuchodonosor vit en songe, laquelle avoit la teste d'or, les bras d'argent, le ventre d'airain, les pieds de terre et tout le reste comme vous l'avez souvent ouÿ dire.

  A010000377 

 Il est vray que cette doctrine evangelique a esté respandu par toute la terre et embrassée de plusieurs, [143] Voyez comme cecy s'est fait.

  A010000377 

 Mais Nostre Seigneur voyant la folie et misere des mondains et en quoy ils constituent leur beatitude, jette cette pierre aux pieds de cette statue et dit en premier lieu: Bienheureux les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux; et au contraire, malheur aux riches, car outre qu'ils ne possederont point ce Royaume, ils seront malheureux, d'autant qu'ils n'auront pour recompense que l'enfer et la compagnie des diables..

  A010000378 

 Or, d'autant que cette debonnaireté veut que l'on reprime les mouvemens de colere, que l'on soit doux, cordial et plein de mansuetude envers tous, que l'on pardonne à l'ennemy, que l'on supporte les mespris, la vanité du siecle, qui a un esprit tout contraire à celuy cy, dit: Bienheureux celuy qui se venge de son ennemy, qui se fait craindre et redouter de tous, auquel on n'oseroit faire un affront ni addresser un mot de mespris; qu'il est heureux celuy-là! tandis qu'elle regarde comme malheureux celuy qui est doux et benin parmi les mespris et adversités.

  A010000379 

 Et le monde ne dit-il pas tout au rebours? Ne va-t-il pas constituant son bonheur en tout ce qui est contraire aux preceptes de l'Evangile? C'est pourquoy Nostre Seigneur considerant cette statue, non point en songe comme Nabuchodonosor, ains en verité, et voyant qu'elle n'avoit que des pieds de terre, c'est à sçavoir que tout ce que ce siecle prise n'est fondé que sur des choses perissables et transitoires, il jetta, comme nous avons dit, cette pierre des huit beatitudes auxquelles est enclose toute la perfection chrestienne..

  A010000380 

 C'est dequoy se plaint saint Augustin, car il est bien difficile de posseder beaucoup de biens et honneurs sans les affectioner.

  A010000380 

 Hé, dit-il, ce n'est pas tout de se faire Religieux: quitter tout pour avoir toutes choses à souhait, se faire pauvre en entrant en Religion et vouloir que rien ne nous manque, vouer la pauvreté et ne vouloir en ressentir aucune incommodité, et qui pis est, rechercher en Religion ce que nous n'avons pas peu trouver au monde, pretendre nonobstant ce vœu, d'avoir mieux nos ayses et commodités qu'avant de nous estre rendus pauvres, o Dieu, quelle pauvreté molle, fade et blasmable! Il est vray pourtant, et c'est un malheur, que les plus difficiles [145] à contenter dans les monasteres ce sont ceux qui avoyent le moins de biens avant que d'y entrer..

  A010000380 

 Il est vray qu'on l'est desja en quelque façon par ce renoncement; mais helas, ce n'est pas ainsy que l'entend Nostre Seigneur.

  A010000380 

 Mais le monde voyant sa gloire renversée et qu'on le quittoit pour la pauvreté, les mespris, les larmes et la persecution, la prudence humaine s'y est glissée et a trouvé mille et mille interpretations de ces beatitudes; et c'est elle qui a tout gasté.

  A010000380 

 Mais n'est-ce pas estre pauvre d'esprit que d'avoir l'usage des richesses, de posseder des biens et dignités, pourveu qu'on n'y attache pas trop son affection? D'autres diront: Pour estre pauvre d'esprit il suffit d'estre Religieux et d'avoir quitté le monde, et choses semblables.

  A010000381 

 Il est mort tout nud, et ses Saints l'ont suivi en cette pauvreté, quittant tout et s'exposant courageusement à tous les mesayses qu'elle entraisne apres soy.

  A010000381 

 O certes, ce n'est point de telle pauvreté que Nostre Seigneur et Maistre veut parler; ce n'est point ainsy que luy et ses Saints l'ont prattiquée.

  A010000381 

 Si on luy eust demandé: O bon Saint, qui vous a reduit en tel point? O Dieu, eust-il dit, c'est cette aymable pauvreté à laquelle est promis le Royaume des cieux; c'est elle qui m'a icy conduit et qui me fait patir de la sorte.

  A010000381 

 Voyez le saint abbé Serapion duquel il est parlé en la Vie des Peres, qui delaissa toutes choses et se despouilla tout nud.

  A010000382 

 Je sçay bien que ces paroles: Bienheureux ceux qui pleurent, s'entendent de ceux qui pleurent leurs pechés et ceux d'autruy parce qu'ils sont contre Dieu, ou encores pour l'absence de ce souverain Bien, comme faisoit David qui detrempoit son pain de larmes quand on luy disoit: Où est ton Dieu? Mais tous n'ont pas ces larmes, et elles ne sont pas necessaires pour estre sauvé; neanmoins tous peuvent avoir le desir d'icelles et demeurer devant la divine Majesté avec un cœur contrit et humilié.

  A010000389 

 est nomen ejus Jesus..

  A010000395 

 Cette superstition a passé si avant parmi les hommes que l'on a eu peine de l'arracher; c'est pourquoy la sainte Eglise la voulant extirper a dedié ces jours aux Saints, et a mieux aymé nommer du nom de ferie ceux auxquels il n'escheoit point de feste dont elle fasse l'office, plustost que de se servir des noms dont les anciens prophanes usoyent.

  A010000395 

 Mais combien que l'on dedie les jours de l'année aux Saints, si ne laissent ils pas pourtant d'estre tous consacrés à Nostre Seigneur comme à Celuy qui les a faits et à qui ils appartiennent tout c'est pour cela que l'Eglise luy dedie celuy d'aujourd'hui, qui est le premier, et en iceluy toute l'année.

  A010000396 

 Je suivray donques ce qui est de l'Evangile et diviseray ce discours en deux points: au premier nous dirons ce que c'est que circoncision et comme il se faut circoncire spirituellement; au second, comme il faut bien prononcer ce sacré nom de Jesus..

  A010000396 

 L'Evangile qui se lit aujourd'huy, quoy qu'il soit le plus court de tous ceux de l'année, ne laisse pas d'estre tres haut et tres profond; car en iceluy il est fait mention du sang et du nom de Jesus, et en ces deux mots est comprise toute l'histoire de la circoncision.

  A010000396 

 L'histoire de la circoncision est tres belle et admirable; elle est comme une image ou representation de la circoncision spirituelle que nous devons tous faire.

  A010000398 

 Il y a un nombre infini d'interpretations et de raysons pour monstrer que le Sauveur n'estoit point sujet à cette loy, mais il faudroit bien du temps pour les rapporter; il suffira donc de dire qu'il n'y estoit aucunement obligé, et que s'il s'y est voulu assujettir ç'a esté pour nous donner un rare exemple de la circoncision spirituelle que nous devons faire..

  A010000399 

 C'est bien fait que de circoncire sa bourse et de donner l'aumosne; c'est une chose bonne que l'aumosne, dit l'Apostre, elle est bonne en tous temps et saisons; mais ne voyez-vous pas que si bien vous faites la circoncision spirituelle, vous ne la faites pas en maniere qu'il faut? Ne circoncisez pas vostre bourse, car ce n'est pas là, o voluptueux et charnels, la partie que vous avez le plus malade, ains circoncisez vostre coeur.

  A010000399 

 C'est la premiere remarque que font nos anciens Peres, et, si je ne me trompe, saint Jean Chrysostome, pour nous monstrer que quand nous voulons faire la circoncision spirituelle nous devons la faire en la partie la plus malade de toutes.

  A010000399 

 Certes, c'est un grand malheur que plusieurs, et presque tous les Chrestiens, voulans bien se circoncire spirituellement pour avoir part à la feste d'aujourd'hui, fassent cette circoncision en la partie la moins interessée.

  A010000399 

 Retranchez ces discours, cette compagnie, ces conversations et amitiés, ces muguetteries et telles autres niaiseries, car c'est par là qu'il faut commencer si vous voulez faire une bonne circoncision.

  A010000400 

 O Dieu, qu'est-ce que vous faites? Ces veilles, ces jeusnes sont bons, mais vous ne faites pas bien la circoncision spirituelle, car vous ne commencez pas en la partie la plus interessée: le mal est au cœur, et vous tuez le corps.

  A010000400 

 Retranchez de vostre cœur tant d'affections desreglées qui s'y trouvent pour les richesses, honneurs et commodités; mettez asseurement et hardiment à ce cœur, à ces affections le couteau de la circoncision, et commencez par là comme par la partie la plus malade qui est en vous..

  A010000401 

 O pauvres gens, vous pensez estre bien circoncis en portant la haire, prenant la discipline et telles autres choses; mais ne voyez-vous pas que la partie qu'il faut circoncire est la langue qui se baigne dans le sang de l'innocent?.

  A010000402 

 Ah, mes cheres ames, que faites-vous? Le mal est caché dans le cœur, ce n'est donques pas tout de circoncire la langue; il faut faire la circoncision en cette partie interessée d'où naissent ces grommellemens, murmures et sentimens, car la circoncision se doit faire en l'endroit le plus malade..

  A010000403 

 Voyla donques en quoy consiste la circoncision spirituelle, à sçavoir, à rechercher les passions, affections, humeurs et inclinations à fin d'en retrancher et couper les superfluités; et pour cela il est besoin d'un soigneux et serieux examen pour bien reconnoistre quelle est la partie la plus atteinte, quelle forte passion, inclination [150] et humeur est en nous, à fin de commencer par la cette circoncision interieure..

  A010000404 

 Il y a bien de la difference entre la circoncision et l'incision; car l'incision est requise aux malades qui ont quelque playe ou aposteme sur lesquels on applique le couteau ou le fer pour les ouvrir et en tirer l'ordure; mais il n'en est pas de mesme de la circoncision.

  A010000404 

 La pluspart des Chrestiens font des incisions au lieu de faire des circoncisions: ils donnent bien quelque coup au membre infecté, mais ils n'apportent pas le couteau pour couper et retrancher du coeur ce qui est superflu.

  A010000404 

 La seconde remarque que je fais est que c'estoit une circoncision et non pas une incision.

  A010000405 

 Dieu n'a pas seulement deux preceptes en sa loy, ains il y en a encores d'autres qu'il faut necessairement observer pour estre sauvé, car manquer à un commandement de Dieu c'est se juger et condamner soy mesme aux peines d'enfer.

  A010000405 

 Il est vray, mais ce n'est pas tout là; il y a bien d'autres pechés que ceux cy, lesquels peut estre vous aurez commis, qui sont aussi dangereux que ceux que vous dites n'avoir pas fait.

  A010000406 

 C'est une verité indubitable que nul n'entrera jamais en Paradis qu'il n'aye observé toute la loy du Seigneur.

  A010000406 

 Je dis toute, et non pas seulement une partie d'icelle; c'est pourquoy celuy qui n'aura fait qu'une incision, qui se sera contenté d'observer un commandement ou deux, retranchant la mauvaise coustume qu'il avoit d'y contrevenir, sans se soucier de circoncire les habitudes vicieuses qui le rendent refractaire aux autres preceptes de Dieu, il sera damné.

  A010000406 

 Voyla donc comme il est necessaire qu'un chacun fasse la circoncision spirituelle, non pas tous esgalement et en une mesme façon; mais tous generalement doivent couper et aller avec le couteau non seulement en un lieu, comme ceux qui incisent, ains tout à l'entour, gardant et observant la loy entiere sans en rien omettre.

  A010000407 

 Ce couteau n'est autre qu'une bonne et forte resolution laquelle les fait passer au delà de toutes les difficultés pour entreprendre genereusement cette circoncision interieure.

  A010000407 

 Il se trouve encores aujourd'huy des Religieux et Religieuses qui font cet examen deux fois le jour, à fin de voir et reconnoistre en quel estat est leur cœur, pour puis apres racler avec le couteau de la circoncision tout ce qui est superflu et dangereux; et non seulement ce qui est malade, mais ce qui peut causer quelque petite incommodité ou empeschement en la vie spirituelle.

  A010000407 

 On oste mesme les causes du mal, et fait-on passer le couteau tout autour du futur, qui est la partie qu'il faut tousjours couper pour cette circoncision interieure, prenant garde à ce cœur et veillant sur luy pour voir quelles sont ses pensées, ses desirs, ses passions et inclinations, ses sentimens, repugnances et aversions à fin de les retrancher.

  A010000407 

 Voyla pourquoy la Religion est appellée une maladiere et hospital auquel on guerit non seulement les maladies perilleuses et mortelles, ains encores les petites et non dangereuses.

  A010000408 

 C'est donc là où l'on jouira, et non en cette vie où il faut souffrir et se circoncire.

  A010000408 

 C'est l'universelle opinion des Docteurs, qui est receuë de toute l'Eglise..

  A010000408 

 Mais quelqu'un me dira: Il est vray; cependant j'ay desja plusieurs fois apporté le couteau pour couper telles passions et inclinations, telles repugnances et aversions que je vois estre en mon cœur incirconcis et qui me font une cruelle guerre; et quoy que j'aye desja fait, ce me semble, tout ce que j'ay peu, que j'y aye employé beaucoup de temps avec tout le soin et diligence possible, je [153] ne laisse pas neanmoins de tousjours sentir de fortes et puissantes passions, aversions, degousts, repugnances et plusieurs autres mouvemens qui me travaillent et guerroyent.

  A010000409 

 Mais leur opinion a esté condamnée comme fausse et rejettée de l'Eglise, laquelle a declaré, ce qui est vray, que tant que l'homme vivra, rampera et traisnera sur cette terre il aura des passions, sentira des tremoussemens de colere, des soulevemens de cœur, des affections, inclinations, repugnances, aversions et telles autres choses auxquelles nous sommes tous sujets..

  A010000410 

 Hé, pauvres gens, ne voyez-vous pas que ce n'est pas là la partie la plus malade et que ce n'est pas ce qu'il faut circoncire, puisque ces tremoussemens ne sont pas en vostre pouvoir?.

  A010000410 

 Il ne se faut donc pas estonner si quand on nous dit nos fautes ou qu'on nous reprend, nous sentons promptement ou mesme assez long temps ces tremoussemens, si nous avons du degoust sur ce qui nous arrive ou qui nous est fait contre nos inclinations, ni moins si nous avons plus d'affection à une chose qu'à une autre.

  A010000410 

 O nullement, car cela est independant de nous; ces divers mouvemens ne sont point coulpables, ce n'est pas là sur quoy il faut poser le couteau de la circoncision.

  A010000412 

 Je sçay bien qu'il y a diverses opinions des Docteurs et anciens Peres sur cecy, mais je ne les rapporteray pas maintenant; j'en diray seulement une, qui est que Nostre Seigneur a voulu estre [155] circoncis par la main d'autruy pour nostre exemple, à fin de nous monstrer qu'encores que ce soit une bonne chose de se circoncire soy mesme il est encores meilleur d'estre circoncis par les autres.

  A010000412 

 La troisiesme est qu'en l'ancienne Loy celuy qui devoit estre circoncis ne se circoncisoit pas luy mesme, mais il l'estoit par la main d'autruy.

  A010000412 

 Mais aussi sçay-je bien que la circoncision que nous autres souffrons des mains d'autruy va au dessus de la leur, parce qu'elle est plus douloureuse et partant plus meritoire..

  A010000413 

 Mais si en ce temps là quelqu'un leur va dire: [156] Vous estes un lourdeau, un rusteau ou quelque autre chose semblable, o certes, tout le sang se remue, l'on est tout troublé, l'on sent promptement des mouvemens de colere; cela ne peut estre supporté et l'on trouve de beaux discours pour faire entendre et valoir ses raysons.

  A010000413 

 Vous verrez des gens orgueilleux, hautains, fiers, grossiers; ils comprennent bien qu'il est du tout necessaire de circoncire ces passions, car elles sont un grand empeschement à la grace de Dieu.

  A010000413 

 Vous voyez donques combien il est necessaire qu'un autre prenne en main le couteau pour nous circoncire, car il scait beaucoup mieux que nous mesmes où il le faut appliquer..

  A010000414 

 Il luy failloit plustost abattre celle cy que l'autre, a ce qu'il fust plus apte et prompt à ouyr les inspirations et les parolles divines et celestes; mais parce que vous avez agi tout au contraire, la circoncision n'en est pas bien faite.

  A010000414 

 Mais nostre divin Sauveur n'approuvant pas cette action, le reput et tança, et prenant l'oreille de Malchus il la rattacha et remit en son lieu, puis il dit à saint Pierre: Remettez vostre espée dans son fourreau; comme s'il eust voulu dire: Vous n'avez pas mis le couteau où il failloit, cette circoncision n'est pas bien faite, d'autant que ce n'est pas cette partie là qu'il failloit couper.

  A010000414 

 Vous luy avez coupé l'oreille droite, qui est celle par laquelle ou reçoit et on entend les choses spirituelles, les inspirations et bons mouvemens, et vous luy avez laissé la senestre de laquelle on entend les choses mondaines et Vaines.

  A010000415 

 Il est dit en la Genese qu'un jour Jacob avec ses enfans et toute sa famille, qui estoit tres grande, alla poser ses tentes et pavillons pres de la ville de Sichem.

  A010000415 

 Le predicateur qui a fait [157] aujourd'huy le grand sermon a commencé sa predication par un trait admirable que je ne lairray pas de vous rapporter, car c'est un mets bien propre pour servir à deux tables et il le sera aussi à conclure mon exhortation.

  A010000415 

 Voyez-vous que c'est de l'esprit humain: elle alla non seulement pour regarder, mais certes aussi, comme je crois, pour estre regardée des autres, car elle estoit belle et elle le sçavoit bien.

  A010000416 

 Cet autre amour, au contraire, est fol, dangereux et damnable, n'ayant pour sa cause et entretien que [158] des muguetteries, sottises et niaiseries.

  A010000416 

 Il n'en est pas ainsy de l'amour de Dieu, car il persevere et ne sort jamais de l'ame où il est une fois entré, laquelle il va unissant et liant avec la divine Majesté, non pour deux ou trois jours comme l'amour mondain, mais pour l'eternité.

  A010000419 

 C'est bien à propos qu'on luy donna ce nom au jour de sa circoncision, car il ne pouvoit estre Sauveur sans respandre du sang, ni donner du sang sans estre Sauveur.

  A010000420 

 Le premier est celuy de souverain Estre, qui luy tellement reservé qu'il ne se peut attribuer à pas un autre; en ce nom il se connoist luy mesme par luy mesme.

  A010000420 

 Le second est celuy de Createur qui ne peut estre aussi donné qu'à luy, car nul n'est createur que luy; en ce nom il se connoist soy mesme par soy mesme, mais il se connoist encores en ses creatures.

  A010000420 

 Le troisiesme nom c'est Jesus, lequel semblablement n'appartient qu'à luy seul, puisque autre que luy ne pouvoit estre Sauveur.

  A010000420 

 Mais en outre, il en a encores un qui est celuy de Christ, qui signifie grand Prestre, oint de Dieu.

  A010000421 

 Ce n'est pas assez de le redire de bouche, mais il le faut avoir gravé dans le cœur.

  A010000421 

 Ce nom ne doit pas estre seulement prononcé tellement quellement; il n'est pas suffisant de sçavoir qu'il composé de deux syllabes, ni moins encores de le dire seulement de bouche; les perroquets en font bien autant, les mahometains et autres infidelles le nomment bien de la sorte, et ils ne sont point sauvés pour cela.

  A010000421 

 Mais comment faut-il prononcer ce nom sacré de Jesus à fin qu'il nous soit utile et profitable? C'est ce que je vous vay dire et monstrer par une histoire avec laquelle je finis.

  A010000421 

 Nostre Seigneur nous monstre comme il le faut repeter lors qu'en le prenant il donne son sang, car il tesmoigne par là qu'il est prest à faire ce que ce saint nom signifie, à sçavoir sauver les hommes.

  A010000421 

 O que nous serions heureux si nous avions en nous tout ce que nous signifient nos noms! Ce n'est pas le tout de [161] se nommer Prestre, Evesque, Religieux ou Religieuse, mais il faut considerer si la vie que l'on mene est conforme au nom que l'on porte, prendre garde à la charge qu'on exerce, à la vocation en laquelle on vit, quelle est nostre profession, en somme regarder comme sont reglées nos passions et affections, comme nostre jugement est sousmis, si nos œuvres s'accordent avec nostre estat..

  A010000422 

 Il est rapporté dans le Livre des Juges que Jephté, grand capitaine, remporta la victoire contre les Ammonites par le vœu qu'il fit au Seigneur.

  A010000422 

 Le bon Jephté, estonné de recevoir cette nouvelle esmotion, leur dit: Hé, mes chers amis, vous sçavez bien que voulant aller à la guerre je vous ay invités, mais vous vous estes excusés d'y venir; c'est pourquoy, le moment arrivé auquel il me failloit de necessité livrer la bataille, je l'ay fait.

  A010000423 

 C'est pourquoy il nous le faut graver profondement dans nos cœurs et nos esprits, à ce que le benissant et honnorant en cette vie, nous soyons dignes de chanter avec les Bienheureux: Vive Jesus! Vive Jesus! [163].

  A010000423 

 C'est un nom par dessus tout nom, il est tout divin, tout doux et suave; c'est un baume respandu, propre à guerir toutes les playes de nos ames.

  A010000423 

 C'est à ce nom sacré que tous les genoux flechissent; c'est luy qui resjouit les Anges, qui sauve les hommes et qui fait trembler les diables.

  A010000423 

 O que nous serons heureux si à l'heure de la mort et encor pendant nostre vie nous prononçons bien le sacré nom du Sauveur, car il sera comme le mot du guet par lequel nous aurons l'entrée libre au Ciel, parce que c'est le nom de nostre redemption.

  A010000427 

 Le second nom est celuy de la Purification de la Vierge, parce que la Loy ordonnoit que les femmes iroyent au Temple quarante jours apres leur accouchement pour se purifier, et qu'elles apporteroyent deux animaux pour offrande (les deux tourterelles offertes par la Vierge sacrée estoyent un signe et tesmoignage de sa purification); ou, comme disent quelques autres, la feste du Rencontre, parce qu'en ce jour les differentes sortes de gens qui sont en l'Eglise de Dieu se rencontrerent quasi toutes au Temple.

  A010000427 

 Le troisiesme nom qu'on luy a donné est la feste de saint Simeon le juste, parce qu'il se trouva alors au Temple, où il eut l'assouvissement de ses desirs, ce qu'il tesmoigna entonnant ce beau cantique: Nune dimittis servum tuum, Domine, et ce qui suit.

  A010000428 

 Cette feste est la fin de toutes celles qui se celebrent en l'honneur de l'Incarnation, car celles que nous solemniserons desormais ne regarderont plus ce mystere ni l'enfance du Sauveur, mais ouy bien sa Mort, sa Resurrection et Ascension; en somme, ce seront les festes de nostre Redemption.

  A010000428 

 Cette offrande nous est merveilleusement bien representée par les ceremonies que l'on fait aujourd'hy en l'Eglise; car la procession avec les cierges allumés nous rappelle cette divine procession de Vierge, quand elle alla au Temple portant entre ses bras son Fils, qui est la lumiere du monde.

  A010000428 

 Mais en ce jour, le Fils de Dieu est offert à son Pere, et en son temple mesme.

  A010000429 

 Ce mystere nous est bien representé par les cierges que nous portons à ce jour, auxquels se trouvent trois natures fort differentes l'une de l'autre, qui neanmoins sont tellement jointes et unies par ensemble qu'elles ne [165] font qu'un cierge: à sçavoir, la nature du feu, la nature de la meche ou luminon, et celle de la cire.

  A010000429 

 Il existe mesme une telle liaison entre ces deux natures que les attributs, louanges et eloges que l'on donne à l'une sont aussi donnés à l'autre; en sorte que nous disons que par cette jonction Dieu s'est fait homme et l'homme a esté fait Dieu.

  A010000430 

 D'abord, le feu est le premier de tous les elemens; la Divinité est le prince ou principe de tout estre et nature.

  A010000430 

 Dieu fait sa demeure en soy, son centre n'estant autre que luy mesme; aussi, lors qu'il a voulu se communiquer à l'homme il est sorti de soy mesme: il a fait comme un effort, il a esté comme en ravissement et en extase par laquelle il est sorti de soy pour se communiquer à sa creature; mais il n'eust peu demeurer en terre ni estre veu des hommes s'il ne se fust attaché à une nature qui luy servist en quelque façon de matiere pour le retenir.

  A010000430 

 En cent endroits de la Sainte Escriture il est pris pour nous representer la nature divine, car il y a mille rapports entre iceluy et la Divinité; mais je me contenteray de vous en dire seulement quelques uns.

  A010000430 

 Le feu est subtil; la Divinité a cette subtilité en une façon beaucoup plus noble et excellente.

  A010000430 

 Le feu est une lumiere qui esclaire; la Divinité est une lumiere qui esclaire les tenebres, mais ce qui est davantage, sa lumiere est si lumineuse et esclattante qu'elle en est toute tenebreuse et obscure, en sorte qu'elle ne peut estre regardée ni apperceuë en cette vie que par des ombres et figures.

  A010000430 

 Le feu fait sa demeure en la troisiesme region de l'air, il parpille tousjours en haut et jette ses estincelles contremont, et si l'on ne l'attachoit à quelque matiere on ne le pourroit retenir en terre; nous ne le voyons pas tel qu'il est en la region qui luy est propre, car il est au dessus de l'air, et bien qu'il soit chaud il ne nous brusle pas parce que sa chaleur est mitigée par l'air.

  A010000430 

 Le feu parpille tousjours et s'eslance contre son centre, [166] n'ayant jamais repos qu'il n'y soit; mais Dieu est luy mesme son centre, il ne va ni ne vient, ains il remplit tout de sa Divinité et trouve son centre en tous lieux parce qu'il est tout en toutes choses.

  A010000430 

 Le feu, qui est la premiere et la plus excellente nature du cierge, figure la Divinité.

  A010000431 

 Certes, la nature de l'ame est beaucoup plus excellente que celle du corps: elle n'est point corporelle ni terrestre; si elle ne vient point du ciel, elle Vient moins encores de la terre; elle est creée de Dieu au mesme instant qu'elle est infuse et respandue dans le corps, lequel elle ennoblit et embellit.

  A010000431 

 En cette vie, l'ame sans le corps est bien ce qu'elle est, par maniere de dire, mais elle est tout obscure, et ne peut faire paroistre ses passions et mouvemens, ses discours et pensées que par les organes, membres et sens d'iceluy.

  A010000431 

 L'homme est donc en quelque façon double, et tout ainsy que le corps a besoin d'estre uni à l'ame pour devenir lumineux, aussi l'ame, par une certaine correspondance, recherche cette union qui luy est necessaire; de mesme que le luminon a besoin d'estre uni à la cire pour esclairer, et qu'il faut esgalement que la cire soit jointe au luminon ou à la meche pour rendre de la clarté.

  A010000431 

 La nature du luminon est sans doute plus noble que celle de la cire, car les luminons sont faits pour l'ordinaire de coton, lequel croist sur des arbres grandement hauts; au contraire, chacun sçait que la cire est recueillie comme le miel par les avettes dans les fleurs qui mi sur la terre.

  A010000431 

 La seconde nature du cierge est celle du luminon, qui figure la nature de l'ame de Nostre Seigneur.

  A010000431 

 Or, quoy que, [167] comme nous l'avons dit, la nature de la cire et celle du luminon soyent bien differentes l'une de l'autre, l'une venant de la terre et estant façonnée par les avettes, l'autre croissant sur de grans arbres sans avoir besoin de l'industrie d'aucune creature pour le façonner, ayant esté fait tel qu'il est par le Createur mesme, neanmoins ces deux natures sont tellement unies et meslangées l'une dans l'autre ès cierges que nous portons, qu'elles ne font qu'un seul cierge, ce qui certes est admirable..

  A010000432 

 L'ame, ainsy que nous l'avons touché, est toute spirituelle, elle ne croist point ça bas, elle est creée de Dieu seul, sans le concours d'aucune creature; mais le corps vient de la terre, car nous sçavons que celuy du premier homme fut petri du limon de la terre, et despuis ce temps là le corps a esté formé de la substance de l'homme et de la femme, en sorte que, pour cette cause, il est leur œuvre.

  A010000432 

 Le sacré corps de Nostre Seigneur ne fut pas spirituel, non plus que ceux des autres hommes, bien qu'il fust plus noble et excellent que les nostres, n'ayant point esté conceu par œuvre d'homme, mais du Saint Esprit, lequel print pour le former le plus pur sang de la Vierge; de sorte qu'en verité ce corps est esgal aux nostres quant à la substance.

  A010000432 

 Or, bien que l'ame et le corps soyent si differens l'un de l'autre, ils ne font neanmoins qu'une personne que nous appelions homme; voire mesme ils viennent à faire un tel meslange par cette union et jonction, que nous parlons des deux comme s'il n'y en avoit qu'un; tout ainsy que quand on parle de la bonté, beauté, ou telle autre qualité du cierge on ne distingue pas la cire ni le luminon, ains on dit seulement et en un mot: Ce cierge est beau ou bon, parlant des deux natures qui se trouvent en luy comme s'il n'y en avoit qu'une seule.

  A010000433 

 Cecy nous est grandement bien representé par la subtilité avec laquelle le feu se prend au luminon et à la cire, car bien qu'il s'attache en premier lieu au luminon, il se trouve cependant au mesme instant uni à la cire..

  A010000433 

 En l'Incarnation, le feu de la Divinité voulant s'unir à la nature humaine pour la rendre toute lumineuse, il commença premierement à se joindre au luminon, c'est à sçavoir à l'ame de Nostre Seigneur.

  A010000433 

 Le feu estant mis au cierge pour l'allumer, il se prend [168] plus tost au luminon qu'à la cire; peut estre est-ce parce sa nature est plus noble que celle de la cire, et par consequent plus propre à se joindre la premiere à celledu feu.

  A010000435 

 Cecy est une verité infaillible.

  A010000435 

 Comment donc va-t-elle aujourd'huy au Temple pour se purifier? Certes, jusqu'à cette heure-là toutes les femmes qui devenoyent meres estoyent souillées, ce qui estoit une des consequences du peché originel; c'est pourquoy non seulement elles, mais aussi les enfans qui naissoyent en peché avoyent besoin de cette purgation, laquelle ils recevoyent en une façon bien rigoureuse.

  A010000435 

 Le second nom qu'on luy donne est celuy de la Purification de la Vierge.

  A010000435 

 Mais ce divin Enfant, non plus que sa Mere, n'avoit point besoin de purification, car non seulement il n'avoit aucun peché, ains ce qui est davantage, il n'en pouvoit point avoir; il estoit impossible que le peché se trouvast en luy, en luy, dis-je, qui estoit venu pour le destruire; luy mesme l'a protesté.

  A010000435 

 Tout le monde est en un estonnement nompareil de voir que cette tres sainte Dame se soit voulu assujettir à la loy de la Purification, elle qui estoit vierge, et qui par consequent n'en avoit point besoin.

  A010000436 

 Comme est-ce donques que cette tres sainte Dame, estant toute pure et sans macule, a voulu aller au Temple pour se purifier comme les autres femmes, veu que, outre [170] tout cela, cette loy n'estoit pas une loy generale, ains seulement legale, instituée par Moyse? Il y a mille et mille raysons de cecy chez les anciens Peres, c'est à dire chez les anciens Docteurs; mais nous en trouvons en la Genese desquelles je me serviray pour vous monstrer pourquoy la sacrée Vierge, n'estant point obligée à la loy de la purification, s'y est neanmoins voulu assujettir..

  A010000437 

 Je vous diray donques briefvement l'histoire de la cheute de nos premiers pere et mere, Adam et Eve; elle ne sera pas hors de propos, puisque Nostre Seigneur, dont il est fait mention en cette feste, est appellé le nouvel Adam, qui est venu pour reparer la faute du premier, et par son obeissance satisfaire à la desobeissance d'iceluy, et que Nostre Dame est nommée la nouvelle Eve.

  A010000437 

 Or, il est escrit que Dieu avoit creé l'homme et la femme en la justice originelle, ce qui les rendoit extremement beaux et tellement capables de la grace qu'il n'y avoit point en eux de peché, ni par consequent fin rebellion de la chair à l'esprit.

  A010000438 

 Mais voyez-vous la malice et la ruse de cet esprit infernal et menteur? Pourquoy, dit-il, Dieu vous a-t-il defendu de manger de tous ces fruits? Voyez-vous comme il exagere la defense de Dieu? Il n'avoit pas defendu de manger de tous les fruits ains d'un seul, mais il parloit ainsy à Eve à dessein de luy faire haïr le commandement du Seigneur; car le premier degré de la desobeissance c'est de haïr la chose commandée, et cette haine est une tres grande tentation contre l'obeissance.

  A010000439 

 C'est à quoy tendoit en premier lieu sa tentation, que de faire faire cette responce à Eve, car par icelle, elle tesmoignoit du degoust [172] et de la haine, comme si elle disoit: Il ne nous a pas seulement defendu d'en manger, ains encor de le toucher, et par consequent de le regarder, ce qui est une chose bien estrange et severe.

  A010000439 

 Remarquez, je vous en prie, combien cette tentation s'accroist par la responce d'Eve: Nous mangeons bien, dit-elle, de tous les fruits, mais pour celuy de science, il nous a defendu d'en manger et de le toucher; et vous me demandez pourquoy? C'est, adjouste-t-elle, de peur que nous ne mourions.

  A010000439 

 Voyla donques le degoust et la haine de l'obeissance qui est, comme nous l'avons monstre, le premier degré de la desobeissance..

  A010000440 

 Or, nous voyons aussi que tous ces miserables qui se perdent en se retirans de l'Eglise passent par ce degoust et cette haine des commandemens; car Dieu a ordonné que les prestres et les ecclesiastiques garderoyent inviolablement la chasteté et virginité, et le diable est venu demander: Pourquoy a-t-on fait ce commandement? Et, voyla qu'il parvient à le faire haïr et persuader à plusieurs de se retirer de l'Eglise pour avoir la liberté de ne le pas observer.

  A010000441 

 Et qu'est-ce que cela sinon monstrer le degoust que l'on a du commandement? On l'observe parce qu'il le faut, mais on ne l'ayme nullement, et si on pouvoit on l'aneantiroit.

  A010000441 

 On doit demeurer à table en silence jusques à la fin du repas pour entendre la lecture qui s'y fait: Hé Dieu, à quel propos tout cecy? ne vaudroit-il pas mieux sortir quand on a achevé? En somme, c'est le degoust des commandemens qui fait raysonner ainsy et qui nous fait manquer à l'obeissance..

  A010000441 

 Un autre qui fera profession d'estre bon Chrestien: Or, pensera-t-il, voicy le Caresme auquel il faudra jeusner, car c'est un commandement de l'Eglise; oh, je le feray, mais si j'estois Pape j'abolirois le Caresme à fin de ne plus observer le jeusne.

  A010000441 

 Une fille qui n'aymera pas le silence dira librement: Hé Dieu, tant de silence, à quel propos en tant garder? ne seroit-il pas mieux à cette heure de parler que de se taire? Maintenant que j'ay une [173] si belle conception en l'esprit il me feroit si grand bien de la dire, elle causeroit tant de suavité à ceux qui l'entendroyent, et il n'est point loysible de la raconter! Neanmoins, si j'attens encor une demi heure je ne m'en souviendray plus et ne sçauray que c'est.

  A010000442 

 Il est vray, mais les autres femmes, desquelles je dois estre l'exemple, en ont besoin; j'obeis donc à cette loy tant pour l'amour que je luy porte que pour le profit de celles qui y sont tenues.

  A010000442 

 O que bienheureux sont ceux qui ayment les commandemens de Dieu, et qui ne font pas seulement ce qu'ils sont obligés de faire, mais encores ce qui ne les oblige pas, s'y sousmettant pour le bien et edification des autres! C'est cet amour, que la sacrée Vierge portoit à l'obeissance et à l'edification du prochain qui la fit assujettir à la loy de la purification..

  A010000443 

 La seconde tentation ou le second degré de la tentation de desobeissance (j'en pensois dire trois, mais je ne parleray que de deux) est le mespris non seulement du [174] commandement, ains aussi de celuy qui commande.

  A010000443 

 Or, quand la tentation arrive jusques là que de faire haïr celuy qui commande, elle est dangereuse et extremement mauvaise, sur tout quand on vient à dire que celuy qui commande n'a point eu rayson de faire cette ordonnance, que cela est hors de propos, et que l'on profere des paroles de mespris de la chose commandée ou conseillée, à cause de la haine que l'on porte à celuy qui l'a ordonnée..

  A010000444 

 Je sçay bien que l'on peut avoir des degousts et des aversions non seulement pour le commandement, ains encor pour ceux qui commandent; mais de dire quelque chose ou d'entretenir les pensées que ces degousts et repugnances fournissent, c'est ce qu'il ne faut jamais faire.

  A010000444 

 Neanmoins, c'est à quoy vise le malin esprit, et pour ce sujet il demande à Eve, comme en mesprisant l'ordre du Seigneur: Pourquoy Dieu vous a-t-il fait ce commandement? Quelle rayson, vouloit-il dire, de vous mettre en ce paradis terrestre et de vous defendre de manger de tous les fruits qui y sont? Mais il estoit un grand menteur, d'autant que Dieu n'avoit pas fait une telle defense; et certes, s'il l'eust faite, il semble qu'elle eust esté insupportable, car de mettre un homme et une femme dans un beau verger tout plein de fruits et leur l'aire une defense generale de n'en toucher pas un, c'eust esté un commandement bien difficile à observer.

  A010000444 

 Voyla quel est le second degré de la desobeissance..

  A010000445 

 C'est la façon des heretiques de faire ce choix et c'est pour cela qu'ils sont nommés heretiques; mais entre les Chrestiens il ne faut point de choix en ce qu'ils doivent croire et observer, ains il faut simplement croire.

  A010000445 

 Elle auroit sans doute eu plus de consolation de demeurer dans la pauvre grotte de Bethleem aupres de son sacré Enfant, et d'y continuer les doux et saints colloques qui se faisoyent entre ce Fils et cette Mere; mais comme elle estoit vrayement obeissante, elle ne faisoit aucun choix des commandemens, ains se sousmettoit à tous indifferemment; car ce n'est pas le propre des vrays enfans de Dieu de faire election de ceux qu'ils veulent prattiquer.

  A010000445 

 Mais nostre nouvelle Eve, à sçavoir la sacrée Vierge, aymoit, comme nous avons desja dit, non seulement le commandement, ains aussi Celuy qui l'avoit fait, c'est pourquoy elle s'en alla en Hierusalem pour se purifier, combien qu'elle ne fust point sujette à la loy de la purification.

  A010000446 

 Il y a encores des heresies en l'obeissance: c'est quand on fait choix de ce que l'on veut observer, quand on ne veut pas obeir generalement à toutes sortes de commandemens.

  A010000446 

 Je sçay bien qu'il prioit pour tout le monde et que ses prieres estoyent de grande utilité pour le public; cependant c'est une chose certaine que la perfection religieuse, c'est à dire la maniere de vivre des Religieux et Religieuses qui sont sous l'obeissance, surpasse de beaucoup la vie des anachoretes, car leur obeissance doit estre generale et sans exception d'aucune chose; ils n'ont point l'usage de leur liberté au choix de leurs exercices, ains ils se sousmettent aux Regles et Constitutions et aux directions particulieres des Superieurs.

  A010000446 

 N'est-ce pas une chose pouvantable de voir un saint Paul hermite au fond d'un desert, enfermé dans une grotte comme un sauvage, ne mangeant que du pain et ne beuvant que de l'eau? Certes, ce sont des choses du tout admirables, et neanmoins avec cela il usoit de sa liberté, ce qui soulageoit en quelque façon les austerités qu'il faisoit, parce qu'il y avoit du propre choix en cette maniere de vivre, ci ne travailloit que pour son salut particulier.

  A010000446 

 Or, cette obeissance absolue et sans reserve est ce qui releve les Religieux au dessus mesme des hermites [176] et anachoretes qui demeuroyent ès solitudes, y menant une vie plus admirable qu'imitable.

  A010000447 

 Je dois vous dire encor un mot sur le troisiesme nom d'icelle, qui est qu'on l'appelle la feste de saint Simeon le juste.

  A010000447 

 Le fait est donc tel: Nostre Seigneur rencontrant un jour un petit enfant, le print, le baysa fit le monstra à ses Apostres, leur disant: Je vous dis [177] en verité que si vous n'estes faits semblables à ce petit enfant, vous n'entrerez jamais en Paradis.

  A010000447 

 Les uns tiennent que cet enfant fut saint Martial, qui fut despuis Evesque de Limoges, mais la plus commune opinion est que ce fut saint Ignace martyr, duquel nous celebrasmes hier la feste et dont on fera demain l'Office, car il est transferé.

  A010000449 

 C'est ce que l'on fait quand on obeit aux inspirations generales qui sont marquées dans les Regles et Constitutions, et aux particulieres et secrettes qui se font au cœur.

  A010000449 

 Le grand saint Ignace fut bien heureux d'estre porté entre les bras du Sauveur et de ne plus marcher sur ses pieds mais sur les siens, puisque celuy qui est porté ne marche pas sur ses pieds ains sur ceux de celuy par lequel il est porté.

  A010000449 

 Mais que cette ame est heureuse quand elle ne chemine plus sur ses affections sur celles de son Dieu! Et quelles sont les affections Dieu sinon ses commandemens, d'autant que c'est en iceux qu'elles sont encloses? et tous sont compris en ce premier: Tu aymeras ton Dieu de tout ton coeur et ton prochain comme toy mesme.

  A010000449 

 O que bienheureuse est l'ame qui ne chemine plus sur ses propres pieds, c'est à dire qui ne va plus selon ses propres affections et ses pensées, ni selon ses humeurs et inclinations! car l'ame a des pieds [178] spirituels aussi bien que le corps.

  A010000450 

 La premier c'est de le porter sur ses espaules comme saint Christophe; la seconde c'est de le porter entre ses bras comme saint Simeon et Nostre Dame.

  A010000450 

 La seconde maniere, c'est de le porter comme saint Simeon et Nostre Dame le porterent.

  A010000450 

 Nous faisons cela quand nous endurons les travaux et les peines avec amour, c'est à dire, que l'amour que nous avons à la loy de Dieu nous rend son joug suave et plaisant, nous faisant aymer ces peines et travaux, et cueillir la douceur parmi les amertumes: cela n'est autre que porter Nostre Seigneur entre nos bras.

  A010000450 

 Or, le porter en cette façon n'est autre chose que de vouloir endurer et souffrir de [179] bon cœur tout ce qu'il luy plaist que nous souffrions, pour dure et pesante que soit la charge et le fardeau que Dieu nous met sur les espaules.

  A010000451 

 Mais pour vous dire lequel est le plus heureux je ne le sçaurois, vous y penserez à part vous; ce pendant taschez de les imiter en cette vie, et vous benirez le Sauveur et en serez benites en l'autre avec ces glorieux Saints.

  A010000451 

 O que nous serons heureux si nous nous laissons bien porter par ce cher Seigneur, et si nous le portons sur nos espaules comme saint Christophe, et entre nos bras comme saint Simeon, nous abandonnant tout à luy pour nous laisser conduire comme il luy plaira! Remettez-vous donc entierement entre les bras de sa divine Providence, sousmettez-vous à ce qui est de sa loy et vous disposez à endurer toutes les peines qui vous pourront arriver en cette vie; ce faisant, les choses les plus dures et penibles vous seront rendues douces et suaves, et vous participerez au bonheur de saint Simeon et de saint Ignace.

  A010000456 

 C'est pourquoy j'ay pensé de vous parler en cette exhortation des conditions qui rendent le jeusne bon et meritoire, mais briefvement et le plus familierement qu'il me sera possible; ce que j'observeray tant aujourd'huy comme ès discours que je vous addresseray tous les jeudys de ce Caresme, lesquels seront des plus simples et propres pour vos cœurs, si j'y puis rencontrer..

  A010000457 

 Les anciens philosophes le gardoyent [181] et le recommandoyent: ce n'est pas qu'ils fussent vertueux pour cela, ni qu'ils pratiquassent une vertu en jeusnant, o non, puisque le jeusne n'est vertu sinon entant qu'il est accompagné des conditions qui le rendent aggreable à Dieu; de là vient qu'il proffite aux uns et non aux autres parce qu'il n'est pas fait esgalement de tous.

  A010000457 

 Mais c'est une pensée trop grossiere pour entrer dans le cœur des Religieuses, car c'est à vous à qui je parle, et aux personnes dediées à Nostre Seigneur.

  A010000457 

 Mais pour traitter à ce coup icy du jeusne et de ce qu'il est requis de faire pour bien jeusner, il faut sçavoir avant toute chose que de soy le jeusne n'est pas une vertu, car les bons et les mauvais, les Chrestiens et les payens l'observent.

  A010000458 

 C'est pourquoy nostre divin Maistre, qui a institué le jeusne, a bien voulu dans son sermon sur la montagne apprendre à ses Apostres comme il le failloit prattiquer, ce qui est d'un grand proffit et utilité (car il n'eust point esté seant à la grandeur et majesté de Dieu d'enseigner une doctrine inutile, cela ne se pouvoit faire); mais sçachant que pour tirer la force et l'efficace du jeusne il failloit observer autre chose que de s'abstenir des viandes prohibées, il les instruit, et par consequent les dispose à recueillir les fruits propres du jeusne, qui sont plusieurs, et entre tous les autres ces quatre icy: le jeusne fortifie l'esprit, mortifiant la chair et sa sensualité; il esleve l'ame en Dieu; il abat la concupiscence et donne force pour vaincre et amortir ses passions; en fin il dispose le cœur à ne chercher qu'à plaire purement à Dieu.

  A010000458 

 Ce n'est donques pas inutile de declarer ce qu'il faut faire pour bien s'acquitter du jeusne de la Quarantaine; car quoy que tous soyent tenus de le sçavoir et prattiquer, si est-ce que les Religieuses et les personnes dediées à Nostre Seigneur y sont plus particulierement obligées.

  A010000459 

 La premiere est qu'il faut jeusner de tout son cœur, [182] c'est à dire de bon cœur, d'un cœur entier, generalement et entierement.

  A010000459 

 Si je vous rapporte les paroles de saint Bernard touchant le jeusne, vous sçaurez non seulement pourquoi il est institué, mais encores comme il se doit garder..

  A010000460 

 Combien de pechés sont entrés en l'ame par les yeux, que la Sainte Escriture marque pour la concupiscence de la veuë? C'est pourquoy il les faut faire jeusner, les portant bas et ne leur permettant pas de regarder des objets frivoles et illicites; les oreilles, les privant d'entendre les discours vains qui ne servent qu'à remplir l'esprit d'images mondaines; la langue, en ne disant point des paroles oyseuses et qui ressentent le monde ou les choses d'iceluy.

  A010000460 

 Il dit donques que le jeusne a esté institué de Nostre Seigneur pour remede à nostre bouche, à nostre gourmandise et à nostre gloutonie; car pour ce que le peché est entré au monde par la bouche, il faut aussi que ce soit la bouche qui fasse penitence par la privation des viandes prohibées et defendues par l'Eglise, s'abstenant d'icelles l'espace de quarante jours.

  A010000460 

 Mais, adjouste ce glorieux Saint, comme ce n'est pas nostre bouche seule qui a peché, ains encor tous nos autres sens, il est requis que nostre jeusne soit general et entier, c'est à dire que nous fassions jeusner tous les membres de nostre corps; car si nous avons offensé Dieu par les yeux, par les oreilles, par la langue et par nos autres sens, pourquoy ne les ferons-nous pas jeusner? Et non seulement il faut faire jeusner les sens du corps, ains aussi les puissances et passions de l'ame, ouy mesme l'entendement, la memoire et la volonté, d'autant que l'homme a peché par le corps et par l'esprit.

  A010000461 

 C'est ce que nous veut signifier l'Eglise en ce saint temps de Caresme, nous enseignant à faire jeusner nos [183] yeux, nos oreilles et nostre langue: pour cela elle quitte tous ses chants harmonieux à fin de mortifier l'ouÿe; elle ne dit plus d' alleluia et se revest toute de couleur sombre et obscure.

  A010000462 

 C'est aussi ce que nous signifioyent les Chrestiens de la primitive Eglise, lesquels se privoyent en ce temps des conversations ordinaires avec leurs amis et se retiroyent en de grandes solitudes et lieux escartés du commerce du peuple pour mieux faire le Caresme.

  A010000462 

 C'est la premiere condition qu'il faut observer pour bien jeusner..

  A010000462 

 Il est donques raysonnable, pour rendre nostre jeusne entier et meritoire, [184] qu'il soit universel, c'est à dire prattiqué par le corps et par l'esprit.

  A010000462 

 Voyla comme leur jeusne estoit accompli d'un cœur entier et general; car ils sçavoyent bien que puisque ce n'est pas la bouche seulement qui a peché, mais encores tous les autres sens de nostre corps et puissances de nostre ame, ses passions et appetits se sont par consequent trouvés remplis d'iniquités.

  A010000463 

 J'en dis maintenant de mesme: si vostre jeusne est sans humilité il ne vaut rien et ne peut estre aggreable au Seigneur.

  A010000463 

 La seconde est de ne point jeusner pour la vanité ains pat humilité; car si nostre jeusne n'est fait avec humilité il ne sera point aggreable à Dieu.

  A010000463 

 Or, comme d'apres l'Apostre, tout ce qui se luit sans la charité n'est point aggreé de Dieu, aussi dis je de mesme avec ce grand Saint, que si vous jeusnez sans humilité vostre jeusne ne vaudra rien; car si vous n'avez l'humilité vous n'avez pas la charité, et si vous estes sans charité vous estes aussi sans humilité, d'autant qu'il est presqu'impossible d'avoir la charité sans estre humble et d'estre humble sans avoir la charité, ces deux [185] vertus ayans une telle sympathie et convenance par ensemble qu'elles ne peuvent jamais aller l'une sans l'autre..

  A010000463 

 Ouand vous vous disciplineriez, quand vous feriez de fraudes prieres et oraisons, si vous n'avez la charité cela n'est rien; quand mesme vous opereriez des miracles, si vous n'avez la charité ils ne vous profiteront point; voire si vous souffriez le martyre sans la charité, vostre martyre ne vaudroit rien et ne seroit point meritoire aux yeux de la divine Majesté; car toutes les œuvres, petites ou grandes, pour bonnes qu'elles soyent en elles mesmes, ne valent et ne nous profitent point si elles ne sont faites en la charité et par la charité.

  A010000463 

 Voicy le Caresme qui approche; preparez vous à jeusner avec charité, car si vostre jeusne est fait sans icelle, il sera vain et inutile, d'autant que le jeusne, comme toutes les autres bonnes œuvres, s'il n'est pas fait en charité et par la charité n'est point aggreé de Dieu.

  A010000464 

 Cela nous est naturel et naist du grand amour que nous nous portons..

  A010000464 

 Et qu'est-ce que jeusner par sa propre volonté? C'est jeusner comme on veut, et non point comme les autres veulent; jeusner en la façon qui nous plaist, et non point comme on nous l'ordonne et conseille.

  A010000464 

 Jeusner par vanité c'est jeusner par sa propre volonté, d'autant que cette propre volonté n'est point sans vanité, ou du moins sans tentation de vanité.

  A010000464 

 Mais qu'est-ce jeusner par humilité? C'est ne point jeusner pour la vanité.

  A010000464 

 Or, comme est-ce que l'on jeusne pour la vanité? En cent et cent façons qui nous sont marquées en la Sainte Escriture; mais je me contenteray de vous en dire une, car il ne faut pas charger vostre memoire de beaucoup de choses.

  A010000464 

 Qui fait cela sinon la vanité et la propre volonté? car tout ce qui vient de nous nous semble estre meilleur, et nous est beaucoup plus aysé et facile que ce qui nous est enjoint par autruy, quoy que plus utile et propre pour nostre perfection.

  A010000465 

 Grande folie que celle-là! Mais voyez que c'est de l'esprit humain: parce que le jeusne que ces personnes s'imposent le samedy à l'honneur de nostre glorieuse Maistresse vient de leur propre volonté et election, il leur semble qu'il soit plus saint et qu'il les conduise à une plus grande perfection que ne feroit pas le jeusne du Caresme qui est commandé.

  A010000465 

 Nous y avons une certaine complaisance qui nous facilite les choses les plus ardues et difficiles, et cette complaisance est presque tousjours vanité.

  A010000465 

 Vous trouverez des femmes qui veulent jeusner tous les samedis de l'année et non le Caresme; elles veulent jeusner à l'honneur de Nostre Dame et non à celuy de Nostre Seigneur, comme si Nostre Seigneur et Nostre Dame ne tenoyent pas rendu à l'un le culte qui est deferé à l'autre, et qu'en honnorant le Fils par le jeusne fait à son intention l'on ne contentast pas [186] la Mere, ou qu'en honnorant la Vierge l'on n'aggreast pas au Sauveur.

  A010000466 

 C'est avec ceux cy que nous avons le plus à faire: nous monstrons clairement aux premiers qu'ils contreviennent à la loy de Dieu, et qu'en ne jeusnant pas autant qu'il faut, tout en le pouvant faire, ils enfreignent les commandemens du Seigneur.

  A010000466 

 C'est ce qui faisoit que le grand Apostre se plaignoit, disant: Nous nous trouvons bien empeschés avec deux sortes de gens pour ce qui regarde le jeusne; car les uns ne veulent pas jeusner autant qu'ils doivent et ne se peuvent contenter des viandes permises (ce que l'ont encores aujourd'huy plusieurs mondains lesquels pour ce sujet alleguent mille raysons; mais je ne suis pas icy pour parler de telles choses, car c'est à des Religieuses à qui je m'addresse).

  A010000466 

 Mais nous avons plus de peine avec les foibles et infirmes qui n'ont pas la force de jeusner; car ils ne veulent point ouyr de raysons ni se persuader qu'ils n'y sont pas tenus, et malgré que nous en ayons ils s'opiniastrent à jeusner plus qu'il n'est requis, ne voulans point user des viandes que nous leur ordonnons.

  A010000468 

 Car quoy que le jeusne et les autres penitences soyent bonnes et louables, si est ce neanmoins que n'estans pas pratiquées par ceux avec lesquels vous vivez, il y auroit de la singularité et partant de la vanité, ou du moins quelque tentation de vous surestimer par dessus ceux qui ne font point comme vous, et cela par une certaine complaisance en vous mesmes, comme si vous estiez plus saints qu'eux en faisant de telles choses.

  A010000468 

 Le glorieux saint Augustin, en la Regle qu'il a escrite pour ses Religieux, et encores en celle de ses Religieuses (car il les a dressées toutes deux, et l'une apres l'autre), ordonne qu'on suive la communauté autant qu'il se peut, comme voulant dire: Ne soyez pas plus vertueux que les autres, ne veuillez pas faire plus de jeusnes, plus d'austerités, de mortifications qu'il ne vous en est ordonné; faites seulement ce que les autres font et ce qui vous est commandé par vos Regles, selon la maniere [188] de vivre que vous tenez, et vous contentez.

  A010000468 

 Que les forts et robustes mangent ce qui leur est donné, gardent les jeusnes et austerités qui sont marqués, et qu'ils se contentent de cela; que les foibles et infirmes reçoivent ce qui leur est presenté pour leur infirmité, sans vouloir faire ce que font les robustes; et que les uns et les autres ne s'amusent point à regarder ce que celuy cy mange et ce que celuy là ne mange pas, ains que chacun demeure satisfait de ce qu'il a et de ce qui luy est donné: par ce moyen vous eviterez la vanité et particularité..

  A010000470 

 Mais les avettes sont plus sages et prudentes, car elles mesnagent leur miel dans la ruche où personne ne les peut voir, et outre cela elles se bastissent des petites cellules où elles continuent leur travail en secret; ce qui nous represente fort bien l'ame humble, laquelle est tousjours retirée en soy mesme, sans chercher aucune gloire ni louange de ses actions, ains elle tient son intention cachée, se contentant que Dieu la voye et sçache ce qu'elle fait..

  A010000470 

 Ne faites pas comme l'araignée, qui represente les orgueilleux, ains comme l'avette, qui est le symbole de l'ame humble.

  A010000471 

 Il est de saint Pacome, cet illustre Pere de Religieux, duquel je vous ay souvent parlé.

  A010000471 

 Je vous diray un exemple de cecy, mais familierement, car c'est ainsy que je veux traitter avec vous autres.

  A010000472 

 Or, leur occupation plus ordinaire estoit de tresser des nattes et chacun en devoit faire une par jour; le Frere dont nous parlons en ayant fait deux pensoit pour cela estre plus vaillant que les autres, c'est pourquoy il les vint estendre au soleil devant tous à ce qu'on le conneust.

  A010000473 

 Voyez-vous un peu que c'est de l'esprit humain: il ne considere que l'apparence et, comme vain, fait toutes ses œuvres pour paroistre devant les hommes.

  A010000474 

 (Plusieurs Saints en faisoyent un si grand estât qu'ils ne se couchoyent jamais sans en avoir leu un chapitre pour recueillir leur esprit en Dieu.) Il dit donc: Que te proffitera-t-il de faire ce que tu fais pour les yeux des creatures? Rien que vanité et complaisance, qui ne sont bonnes que pour l'enfer; mais si tu accomplis ton jeusne et toutes tes œuvres pour plaire à Dieu seul, tu travailleras pour l'eternité, sans te complaire en toy mesme, ni te soucier si tu es veu ou non des hommes, d'autant que ce que tu fais n'est pas pour eux, et que ce [192] n'est point d'eux que tu attens ta recompense.

  A010000474 

 C'est ce qu'enseigne tres bien ce grand Pere de la vie spirituelle, Cassian, au livre de ses Collations, qui est du tout admirable.

  A010000474 

 C'est icy la troisiesme condition requise pour bien jeusner, à sçavoir, de regarder Dieu et de faire tout pour luy plaire, nous enfonçant en nous mesmes à l'imitation d'un grand Saint, lequel se retira en un lieu secret et escarté où il demeura quelque temps sans qu'on sceust où il estoit, se contentant que le Seigneur et ses Anges le conneussent.

  A010000474 

 Cependant, quoy que tous les hommes doivent chercher de ne plaire qu'à Dieu, si est-ce que les Religieuses et les personnes qui luy sont dediées doivent avoir un soin tout particulier de cecy, ne visant qu'à luy, se contentant que luy seul voye leurs œuvres et n'attendant aussi que de luy leur recompense.

  A010000474 

 Il faut donc faire nostre jeusne en humilité et en verité et non en mensonge et hypocrisie, c'est à dire pour Dieu et pour aggreer à luy seul..

  A010000475 

 Chacun scait qu'il est ordonné en expiation du peché de nostre premier pere Adam, lequel prevariqua en rompant le jeusne qui luy estoit enjoint par la defense de manger du fruit de l'arbre de science; pour ce, il faut que la bouche fasse penitence en s'abstenant des viandes prohibées.

  A010000475 

 Il ne faut pas se servir de grans discours et discretion pour entendre pourquoy le jeusne est commandé, s'ill'est pour tous ou seulement pour quelques uns.

  A010000476 

 Et discourant sur la defense qui leur estoit faite: Hé quoy, dirent-ils, dirent-ils, encores que Dieu nous ayt menacés de la mort, si est-ce que pour cela nous ne mourrons pas, car il ne nous a pas creés, pour nous faire mourir.

  A010000476 

 Laissons donques cela, et voyons plustost, par trois exemples que je vous rapporteray, combien c'est une chose dangereuse de vouloir faire les discrets sur les commandemens de Dieu ou de nos Superieurs.

  A010000476 

 Le premier est celuy d'Adam, lequel ayant receu de Dieu le commandement de ne point manger du fruit defendu, sous peine de perdre la vie, le serpent vint conseiller à Eve d'enfreindre ce commandement, elle l'escouta et emporta son mary.

  A010000477 

 Le second exemple est de certains disciples de Nostre Seigneur lesquels, entendans qu'il parloit de leur donner sa chair et son sang en viande et breuvage, voulurent faire les discrets et prudens, demandant comment pourroit-on manger la chair et boire le sang d'un homme? Mais comme ils vouloyent raysonner là dessus, nostre divin Maistre les rejetta.

  A010000478 

 Le troisiesme est tiré de la Vie de saint Pacome.

  A010000478 

 Luy, connoissant qu'ils estoyent envoyés de Dieu, les avoit receus et en avoit une sollicitude toute particuliere; c'est pourquoy en s'en allant il recommanda fort soigneusement qu'on les recreast et qu'on leur fist manger des herbes cuites.

  A010000479 

 Voyla comme ceux qui oublient [194] les ordonnances et commandemens de Dieu, qui font des interpretations ou qui veulent faire des prudens sur les choses commandées se mettent en peril de mort; car tout leur travail accompli selon la propre volonté ou la discretion humaine n'est digne que du feu..

  A010000480 

 C'est ce que j'avois à vous dire touchant le jeusne et ce qu'il faut observer pour bien jeusner.

  A010000480 

 La premiere chose est que vostre jeusne soit entier et general, c'est à sçavoir que vous fassiez jeusner tous les membres du corps et les puissances de l'ame: portant la veuë basse, ou du moins plus basse qu'à l'ordinaire; gardant plus de silence, ou du moins le gardant plus ponctuellement que de costume; mortifiant l'ouye et la langue pour n'entendre ni dire rien de vain et inutile; l'entendement, pour ne considerer que des sujets saints et pieux; la memoire, en la remplissant du souvenir de choses aspres et douloureuses et quittant les joyeuses et gracieuses; en fin tenant en bride vostre volonté, et vostre esprit aux pieds du Crucifix et en quelque sainte et dolente pensée.

  A010000480 

 La seconde condition est que vous n'accomplissiez pas vostre jeusne ni vos œuvres pour les yeux des hommes, et la troisiesme, que vous fassiez toutes vos actions, et par consequent vostre jeusne, pour plaire à Dieu seul, auquel soit honneur et gloire par tous les siecles des siecles.

  A010000491 

 C'est un advertissement du Sage: Mon fils, dit-il, qui as dessein de servir Dieu, prepare ton ame à la tentation; car c'est une verité infaillible que nul n'est exempt de tentation lors qu'il est bien resolu de servir Dieu.

  A010000492 

 C'est pourquoy les Evangelistes disent que Nostre Seigneur fut conduit par l'Esprit au desert pour estre tenté; ce ne fut donques point par son choix (je dis quant à sa nature humaine) qu'il alla au lieu de la tentation, ains porté par l'obeissance qu'il devoit à son Pere celeste..

  A010000493 

 C'est assez pour estre tenté, car la tentation a une merveilleuse force sur nous quand elle trouve oysifs.

  A010000493 

 Se venir laver en un lieu où elle s'exposoit à estre regardée des galeries du palais royal, c'est une inconsideration tres grande.

  A010000493 

 Voyez-vous, l'oysiveté est une grande puissance pour la tentation.

  A010000494 

 Nostre ennemy est comme un chien attaché; si nous ne l'approchons pas il ne nous fera nul mal, bien qu'il tasche de nous espouvanter en abbayant contre nous..

  A010000495 

 Mais voyons un peu, je vous prie, comme c'est une chose certaine que venant au service de Dieu nul ne peut eviter la tentation.

  A010000496 

 C'est donques un document fort necessaire de preparer nostre ame à la tentation; c'est à dire que, où que nous soyons et pour parfaits que nous puissions estre, il se faut tenir asseurés qu'elle nous attaquera; partant l'on s'y doit disposer et se pourvoir des armes necessaires pour combattre vaillamment à fin de remporter la victoire, puisque la couronne n'est que pour les combattans et vainqueurs.

  A010000498 

 Cette verité dont parle le Psalmiste n'est autre que la foy.

  A010000498 

 Quiconque est armé de la foy ne doit rien craindre, et c'est l'unique arme necessaire pour rembarrer et confondre nostre ennemy; car qu'est-ce, je vous prie, qui pourra nuire à celuy qui dira: Credo, «Je crois en Dieu» qui est nostre Pere, et nostre «Pere tout puissant?» En disant ces paroles nous monstrons que nous ne nous confions point en nos forces, et que ce n'est qu'en la vertu de Dieu, «Pere tout puissant,» que nous entreprenons le combat et que nous esperons la victoire.

  A010000500 

 Il leur semble quasi qu'il y a de l'impossibilité de parvenir au faiste d'icelle, et diroyent volontiers: O Dieu, la perfection qu'il faut avoir ceans, ou en la sorte de vie et de vocation en laquelle je suis, est trop eminente pour moy, je n'y sçaurois atteindre.

  A010000500 

 La crainte est la premiere tentation que l'ennemy presente à ceux qui sont resolus de servir Dieu, car dès aussi tost qu'on leur enseigne ce que la perfection requiert de nous: Helas! pensent-ils, jamais je ne pourray faire cela.

  A010000500 

 La premiere est la crainte des couards et paresseux, la seconde, celle des enfans, et la troisiesme, celle des delicats.

  A010000500 

 [200] Hé, ne vous troublez point et ne faites point ces chimeres d'apprehension de ne pouvoir accomplir ce à quoy vous vous estes obligées, puisque vous estes armées et environnées de la verité de Dieu et de sa parolle; car vous ayant appellées à cette maniere de vie et en cette maison, pourveu que vous marchiez simplement en vostre observance, il vous fortifiera et vous donnera la grace de perseverer et de faire ce qui est requis pour sa plus grande gloire et pour vostre plus grand salut, c'est à dire vostre plus grande felicité..

  A010000501 

 Oh, disent-ils, si je m'adonne au service de Dieu il me faudra tant travailler pour resister aux tentations qui m'attaqueront! Vous avez bien rayson, car vous n'en serez pas exempts, d'autant que c'est une regle generale que tous les serviteurs de Dieu sont tentes, ainsy que l'escrit saint Hierosme en cette belle epistre qu'il addresse à sa chere fille Eustochium..

  A010000502 

 Au monde le diable ne se travaille pas beaucoup pour tendre ses embusches; mais ès lieux retirés, c'est là où il pense avoir un grand gain en faisant descheoir les ames qui s'y enferment pour servir plus parfaittement la divine Majesté.

  A010000504 

 Confions-nous en Dieu, qui est nostre «Pere tout puissant,» en la vertu duquel toutes choses nous seront rendues faciles, quoy que d'abord elles nous espouvantent un peu..

  A010000504 

 Levez-vous de vostre lit, paresseux, car il est temps, et ne vous espouvantez pas du travail de la journée, car c'est une chose ordinaire que la nuit estant donnée pour le repos, le jour qui vient apres est destiné au travail.

  A010000504 

 Puisque la tentation a une merveilleuse force sur nous quand elle nous trouve oyseux, travaillons donques et ne nous lassons point, si nous ne voulons perdre le repos eternel qui nous est preparé pour nous recompenser de nos travaux.

  A010000505 

 Hé, donques, veut dire le Psalmiste, que craignez-vous, vous qui estes environnés de la verité et armés du fort bouclier de la foy qui vous apprend que Dieu est vostre «Pere tout puissant?» Tendez-luy la main et ne vous espouvantez point, car il vous sauvera et protegera contre tous vos ennemis.

  A010000505 

 La deuxiesme crainte nocturne est, ainsy que dit saint [202] Bernard, celle des enfans.

  A010000506 

 Il faut remarquer qu'il y en a aucuns, lesquels faisans les courageux vont de nuit seuls en quelque part; mais dès qu'ils entendent tomber une petite pierre du plancher, ou qu'ils oyent seulement courir une souris se prennent à crier: O mon Dieu! Qu'est-ce, leur dit-on, qu'avez-vous trouvé? J'ay ouy.

  A010000506 

 Ou bien il s'en rencontre d'autres qui, allans aux champs, des qu'ils voyent de loin l'ombre des arbres s'espouvantent bien fort, croyant que c'est quelqu'un qui les attend.

  A010000507 

 C'est ce qui arriva au pauvre saint Pierre, lequel estant encores fort enfant en la vie spirituelle, fit cet acte de generosité dont je parlois tantost; mais il en fit encores un autre par apres qui luy cousta cher: ce fut lors que Nostre Seigneur annonçoit à ses Apostres comment il devoit souffrir la mort.

  A010000508 

 De mesme en arrive-t-il à ces jeunes ames qui tesmoignent tant d'ardeur en leur conversion: tandis que ces premiers sentimens de devotion durent elles font des merveilles; il leur semble que rien n'est difficile au chemin de la perfection et que rien ne peut attiedir leur courage; elles desirent tant d'estre mortifiées, d'estre bien esprouvées à fin de monstrer leur generosité et le feu qui brusle dans leur poitrine! Mais helas, attendez un peu, car si elles entendent courir une souris, je veux dire, si la consolation et les sentimens de devotion qu'elles ont eus jusqu'alors viennent à se retirer, et si quelque petite tentation les attaque: Helas, disent-elles, qu'est-ce que cecy? Elles commencent à craindre et à se troubler.

  A010000508 

 O que ma condition est miserable! disent-elles; je suis au service de Nostre Seigneur où je pensois vivre eu repos, et cependant les tentations, et de diverses sortes, sont venues et ne font que me travailler; mes passions m'importunent merveilleusement, bref, je n'ay pas une pauvre heure de vraye tranquillité..

  A010000510 

 Mais si la Sainte Vierge vous eust demandé: Pourquoy desirez-vous ce lieu pour vostre demeure? C'est parce que où est Nostre Seigneur tous biens abondent, la consolation n'y manque point et la tentation n'y peut avoir entrée.

  A010000510 

 O Madame, eussiez-vous reparti, je ne veux point d'autre lieu que le desert où est mon Sauveur.

  A010000510 

 O que vous estes bien trompées! c'est justement parce que nostre divin [205] Sauveur y est que la tentation s'y trouve.

  A010000510 

 Si vous eussiez esté du temps de Nostre Seigneur, je dis tandis qu'il vivoit de sa vie mortelle, et que rencontrant sa tres sainte Mere, nostre glorieuse Maistresse, elle vous eust laissé le choix d'un lieu pour faire vostre demeure, sans doute vous l'eussiez interrogée ainsy: Madame, où est vostre Fils? Elle vous auroit respondu: Mon Fils est au desert; il y doit demeurer quarante jours, en jeusnant, veillant et priant continuellement.

  A010000511 

 Consolez-vous, je vous prie, et prenez courage, ce n'est pas maintenant l'heure du repos..

  A010000511 

 Helas! il est vray; tantost je suis pressé de chagrin, et un peu apres il me semble qu'il n'y a pas moyen de passer outre, tant le descouragement me poursuit.

  A010000511 

 Mon Dieu, la grande pitié que le seul desir de la perfection ne suffise pas pour l'avoir, mais qu'il la faille acquerir à la sueur de nostre visage et à force de travail! Hé, ne sçavez-vous pas que Nostre Seigneur voulut estre tenté durant les quarante jours qu'il fut au desert, pour nous apprendre que nous le serions tout le temps que nous demeurerions au desert de cette vie mortelle, qui est le lieu de nostre penitence? car la vie du parfait Chrestien est une continuelle penitence.

  A010000512 

 Il suffit que vous ne les aymiez pas et qu'elles ne vivent point dans vostre cœur, c'est à dire que vous les commettiez pas volontairement et que vous ne veuilliez pas perseverer en vos defauts.

  A010000512 

 Je le crois bien; aussi ne pensez pas pouvoir vivre sans commettre des imperfections, d'autant que cela est impossible tandis que [206] vous serez en cette vie.

  A010000513 

 Cette suavité si habiles et si courageux, ce leur semble, que nul n'est comparable à leur perfection; il n'y a rien de trop pesant pour eux, bref ils se voudroyent fondre pour plaire à leur Bien-Aymé, qu'ils ayment d'un amour si parfait..

  A010000513 

 La troisiesme crainte nocturne est celle des delicats.

  A010000513 

 Partant ils veulent en jouir, demeurant tousjours pieds de Nostre Seigneur comme Magdeleine, pour y savourer continuellement les suavités, les douceurs et tout ce qui est emmiellé et qui distille de la bouche sacrée de leur Maistre, sans que jamais Marthe ne le vienne resveiller ni murmurer contre eux, pour prier Nostre Seigneur de les faire travailler.

  A010000514 

 Mais encor, qu'y a-t-il, je vous prie, qui vous tourmente? C'est que je ne suis pas sainte.

  A010000514 

 Ouy certes, pourveu qu'il continue les consolations et à les traitter tendrement; car au demeurant, s'il cesse de le faire, c'est tout perdu: il n'y a rien de si affligé qu'il sont, leur peine est insupportable, ils ne cessent de se plaindre.

  A010000514 

 Si cela est, ne vous mettez pas en si grand peine, car possible c'est parce que vous l'estes qu'on vous a corrigée, à fin de vous rendre tousjours plus parfaite.

  A010000514 

 Vous devez sçavoir que ceux qui ont une vraye charité ne peuvent souffrir de voir quelque defaut au prochain qu'ils ne taschent de l'arracher par la correction, et sur tout en ceux qu'ils estiment saints ou fort avancés en la perfection, parce qu'ils les croyent plus capables de la recevoir; ils veulent aussi par ce moyen les faire croistre tousjours plus en la connoissance d'eux mesmes qui est si necessaire à un chacun..

  A010000514 

 Vous n'estes pas sainte! et qui vous l'a dit que vous ne l'estes pas? Peut estre ce qui vous le fait penser c'est qu'on vous a reprise de quelque [207] defaut.

  A010000515 

 C'est bien dit, certes; hé, croyez-vous qu'en cette vie vous puissiez avoir une quietude si permanente qu'elle ne doive point recevoir de divertissement? Il ne faut pas desirer les graces que Dieu ne fait pas communement; ce qu'il a fait pour une Magdeleine ne doit pas estre souhaitté de nous autres.

  A010000515 

 Ne pensez pas non plus vous rendre dignes de recevoir ces divines suavités et consolations, ni d'estre eslevées par les Anges comme elle l'estoit plusieurs fois le jour, si vous ne voulez premierement souffrir avec elle les confusions, les mespris et censures que meritent tres bien nos imperfections, lesquelles nous exerceront de temps à autre, veuillons-nous ou non; car cette regle est generale, que nul ne sera si saint en cette vie qu'il ne soit sujet à en commettre tousjours quelqu'une..

  A010000516 

 Mais je ne seray jamais capable de recevoir les divines caresses de Nostre Seigneur tandis que je seray si imparfaite, puisque je ne pourray m'approcher de luy qui est si souverainement parfait.

  A010000516 

 Quelle correspondance, je vous prie, y peut-il avoir de nostre perfection à la sienne, de nostre pureté à la sienne, veu qu'il est la pureté mesme? En fin, faisons de nostre costé ce que nous pouvons, et demeurons en repos pour le reste.

  A010000517 

 Cela est bon; mais dites-moy, quel temps prenez-vous pour vous rendre telles? Trois moys, respondez-vous, voire moins s'il se peut.

  A010000517 

 Le Psalmiste donques nous asseure, ainsy que l'interprete saint Bernard, que celuy qui a la foy et s'est armé de la verité ne craindra point ces craintes nocturnes ni des paresseux, ni des enfans, ni moins des delicats.

  A010000517 

 Mais il passe plus outre, et dit qu'il ne craindra non plus les sagettes qui volent en plein jour; et cecy est le quatriesme document que je tire du Psalme sus allegué.

  A010000518 

 Mes cheres ames, il y a encores d'autres sortes de vaines esperances, dont l'une est de vouloir tousjours des consolations, des suavités et des tendretés à l'oraison durant le cours de cette vie mortelle et passagere; esperance frivole et niaise à merveille, comme si nostre perfection et bonheur dependoit de cela! Ne voyons-nous pas que Nostre Seigneur pour l'ordinaire ne donne ces tendretés que pour nous amorcer et amadouer, comme on fait les petits enfans auxquels on baille du sucre? Mais passons outre, car il faut finir..

  A010000519 

 Mais ce n'est pas des avares temporels que je veux parler, ains de l'avarice spirituelle..

  A010000519 

 Pour moy il m'est advis (et cecy est le cinquiesme document que je vous presente) que ces negociations qui se font dans les tenebres nous representent l'avarice et l'ambition, vices qui font leur trafic en la nuit, c'est à sçavoir par dessous main et en cachette.

  A010000520 

 Quant à ce qui est de l'ambition, malheur à ceux qui taschent d'estre promeus aux charges ou superiorités, et [210] qui les obtiennent par leurs poursuites ou les embrassent par leur choix, car ils cherchent la tentation; c'est pourquoy ils periront en icelle, s'ils ne se convertissent et n'usent par apres avec humilité de ce qu'ils ont embrassé avec et par l'esprit de vanité.

  A010000521 

 Je l'ay desja dit fort souvent, mais il faut encores le redire: Dieu n'a pas mis la perfection en la multiplicité des actes que nous ferons pour luy plaire, ains seulement en la methode que nous sentirons en iceux, qui n'est autre que de faire le peu que nous ferons selon nostre vocation, en l'amour, par l'amour et pour l'amour.

  A010000522 

 La vie des Peres Jesuites est pleine [211] de perfection, mais ils n'ont pas le bien de la solitude auquel on reçoit tant de consolation.

  A010000522 

 S'il pensent aux Chartreux: O Dieu, disent-ils, c'est bien une sainte vie, mais ils ne preschent point; il faut donc aller prescher.

  A010000523 

 Cet esprit qui marche en plein jour est celuy qui nous attaque au beau midy des consolations interieures, lors que le divin Soleil de justice darde si amoureusement ses rayons sur nous et nous remplit d'une chaleur et d'une lumiere tant aggreable, chaleur qui nous embrase d'un amour si delectable et si tendre que nous mourons presque à toutes autres choses pour mieux jouir de nostre Bien-Aymé.

  A010000523 

 La solitude est une chose fort desirable en ce temps là, ce luy semble, pour jouir à souhait de la divine presence sans divertissement quelconque; mais elle la souhaitte non point pour la gloire de Dieu, ains pour la satisfaction qu'elle ressent en recevant en elle ces douces caresses et saintes douceurs qu'elle voit provenir de ce cœur bien aymé du Sauveur..

  A010000523 

 Le sixiesme document est tiré du mesme Psalme, où le Prophete asseure que ceux qui se seront armés comme nous l'avons veu, ne craindront point l'esprit du midy, c'est à dire cet esprit qui nous vient tenter en plein jour.

  A010000523 

 [212] Cette divine lumiere a tellement esclairé nostre cœur qu'il luy est advis qu'il voit tout à descouvert celuy du Sauveur, lequel distille goutte à goutte une liqueur si suave et un parfum si odoriferant que cela ne peut estre assez estimé par cette amante qui languit tousjours de son amour.

  A010000525 

 Il est dit en effect que Nostre Seigneur ayant surmonté son ennemy et rejetté ses tentations, les Anges vindrent et luy apporterent à manger des viandes celestes.

  A010000531 

 O mulier, magna est fides tua; fiat.

  A010000533 

 Femme, que ta foy est grande! qu'il.

  A010000537 

 En ce jour les predicateurs prennent divers biais pour louer les vertus de la Chananée; mais moy je prendray pour sujet la foy, en vous monstrant ce qu'elle est.

  A010000538 

 Elles sont belles parce qu'elles sont vrayes, car la beauté n'est point sans la verité, ni la verité sans beauté; aussi les beautés qui ne sont point veritables ne sont non plus point belles, d'autant qu'elles sont fausses et mensongeres..

  A010000538 

 En nostre homme exterieur, la bonté est convoitée par nostre concupiscence et la beauté est aymée par nos yeux; de mesme prend-il de l'homme interieur à l'esgard des verités de la foy, lesquelles estans bonnes, douces et veritables, sont non seulement aymées et affectionnées par la volonté, ains encores prisées par l'entendement à [215] cause de la beauté qui se trouve en icelles.

  A010000538 

 Et d'abord, quand le Sauveur dit: Femme, que ta foy est grande, estoit-ce que la foy de cette femme fust plus grande que la nostre? O non quant à l'objet, parce que la foy a pour objet les verités revelées de Dieu ou de l'Eglise, et elle n'est autre chose qu'une adhesion que nostre entendement fait à ces verités qu'il trouve belles et bonnes.

  A010000538 

 Partant il vient à les croire, et la volonté à les aymer; car, comme la bonté est l'objet de la volonté, la beauté l'est aussi de l'entendement.

  A010000539 

 C'est une chose si necessaire pour avoir une grande foy, que l'entendement connoisse la beauté d'icelle, que pour cela, lors que Nostre Seigneur veut attirer quelque creature à la connoissance de la verité, il luy en descouvre tousjours la beauté; de sorte que l'entendement se sentant attiré ou espris, communique cette verité à la volonté laquelle l'ayme aussi pour la bonté et beauté qu'elle y reconnoist.

  A010000539 

 Je dis aymées, car bien que la volonté aye pour objet direct de son amour la bonté, si est-ce que l'entendement luy representant la beauté des verités revelées, elle vient à y descouvrir aussi la bonté, et par consequent elle ayme cette bonté et beauté des mysteres de nostre foy.

  A010000539 

 Or, les verités de la foy estans tres veritables sont aymées à cause de la beauté de cette verité qui est l'objet de l'entendement.

  A010000539 

 Voyla donques comme la foy n'est autre chose qu'une adhesion de l'entendement et de la volonté aux verités des divins mysteres..

  A010000540 

 Ainsy, je dois en croire autant que vous, et vous autant que moy, et tous les Chrestiens semblablement; de sorte que celuy qui ne croit pas tous ces mysteres n'est pas catholique, et partant n'entrera jamais en Paradis.

  A010000540 

 Il est vray qu'il n'y a qu' une seule foy laquelle tous les Chrestiens doivent avoir, neanmoins un chacun ne l'a pas en un mesme degré de perfection; de la vient que pour faire entendre la grandeur ou la petitesse d'icelle, on parle des conditions qui la rendent grande et des vertus qui l'accompagnent.

  A010000540 

 Lors donques que Nostre Seigneur dit: O femme, que ta foy est grande, ce n'estoit pas [216] que la Chananée creust plus que ce que nous croyons; mais plustost parce que plusieurs choses rendirent sa foy plus excellente.

  A010000541 

 Cette foy morte est celle qu'ont plusieurs Chrestiens, gens mondains; ils croyent bien tous les mysteres de nostre sainte Religion, mais leur foy n'estant pas accompagnée de la charité, ils ne font nulle bonne operation qui soit conforme à leur foy.

  A010000541 

 La foy est la base et le fondement de toutes les autres vertus, mais particulierement de l'esperance et de la charité.

  A010000541 

 La foy morte est celle qui est separée de la charité, separation qui fait que l'on n'opere point les oeuvres conformes à la foy de laquelle on fait profession.

  A010000541 

 La foy mourante est celle qui n'est pas entierement separée de la charité.

  A010000541 

 Lors que cette charité est unie et jointe à la foy elle la vivifie; d'où il s'ensuit qu'il y a une foy morte et une foy mourante.

  A010000542 

 Il en prend de cecy comme d'une personne qui va trespasser: quand [217] il luy survient quelque defaillance ou qu'il semble qu'elle ayt expiré, on luy met une plume sur les levres et la main sur le cœur; si l'ame est encores là, on sent que le cœur bat, on voit à la plume qui est devant sa bouche qu'elle respire encores, et de là on conclud, comme chose certaine, que bien que cette personne soit mourante, elle n'est pas neanmoins du tout morte; puisqu'elle fait des actions vitales, il faut de necessité que l'ame soit unie avec son corps.

  A010000542 

 Mais quand on s'apperçoit qu'elle ne donne plus signe de vie, alors on dit tout clairement que l'ame en est separée, et partant que cette personne est trespassée..

  A010000542 

 Partant, voulez-vous connoistre si vostre foy est morte ou mourante? Regardez vos œuvres et actions.

  A010000543 

 Celuy cy est bien un arbre pareil aux autres, il est vray; neanmoins il est mort, car il ne donne jamais ni fleurs ni fruits.

  A010000543 

 Or, cecy est une autre chose, car combien qu'en hiver ils soyent pour l'apparence exterieure semblables aux arbres morts, si est-ce qu'en leur saison ils portent des feuilles, des fleurs et des fruits, ce que ne fait jamais celuy qui est mort.

  A010000544 

 Celle cy est excellente, parce qu'estant jointe et unie avec la charité et vivifiée par icelle, elle est forte, ferme et constante, elle fait plusieurs grandes et bonnes operations qui meritent qu'on la loue, disant: O que ta foy est grande! soit fait tout ce que tu veux. [218].

  A010000544 

 On connoist par les operations que fait la charité si la foy est morte ou mourante; quand elle ne produit point de bonnes œuvres nous disons qu'elle est morte, et quand elles sont petites et lentes, qu'elle est mourante.

  A010000545 

 Ainsy la charité unie à la foy n'est pas seulement suivie de toutes les vertus, ains comme reyne elle leur commande, et toutes obeissent et combattent pour elle et selon son gré: de là vient la multitude des bonnes operations de la foy vivante..

  A010000545 

 Elle est grande à cause des bonnes œuvres qu'elle opere, et aussi pour la multitude des vertus qui l'accompagnent, lesquelles elle gouverne, faisant comme une reyne qui travaille pour la defense et conservation des divines verités.

  A010000545 

 Or, quand on dit que cette foy est grande l'on ne veut pas signifier qu'elle a quatorze ou quinze aunes de long; o non, il ne faut pas entendre comme cela.

  A010000546 

 Ainsy cette foy dormante a bien les yeux ouverts, car elle croit les mysteres, elle entend assez ce que l'on en declare; mais c'est avec je ne sçay quelle pesanteur et engourdissement qui l'empesche de comprendre ce qu'il en est.

  A010000546 

 Cette foy ressemble encores à ces personnes qui ont l'esprit lourd [219] et songear: à la verité, elles ouvrent les yeux, vous les verrez bien pensives et, ce semble, attentives à quelque chose, mais elles ignorent que c'est.

  A010000546 

 De mesme en est-il de ceux qui ont la foy dormante: ils croyent tous les mysteres en general, mais demandez-leur ce qu'ils en entendent, ils n'en sçavent rien; et leur foy estant ainsy endormie est en grand danger d'estre assaillie et seduite par plusieurs ennemis, et mesme de tomber en de perilleux precipices..

  A010000546 

 Elle est lasche à s'appliquer à la consideration des mysteres de nostre Religion, elle est toute engourdie, d'où il s'ensuit qu'elle ne penetre point les verités revelées; elle les void bien et les entend parce qu'elle n'a pas les yeux tout à fait fermés, d'autant qu'elle ne dort pas, mais elle est dormante ou assoupie.

  A010000546 

 En troisiesme lieu, il y a une foy veillante qui depend encores de son union avec la charité; mais il y en a aussi qui est endormie, pesante et lethargique, et celle cy est contraire à la veillante.

  A010000547 

 Mais la foy veillante fait non seulement de bonnes operations comme la vivante, ains elle penetre et comprend avec subtilité et promptitude les veités revelées; elle est active et diligente à rechercher et embrasser ce qui la peut aggrandir et fortifier; elle veille et apperçoit de fort loin tous ses ennemis; elle est tousjours aux aguets pour descouvrir le bien et eviter le mal; elle se garde de ce qui pourroit servir à sa ruine, et, comme veillante, elle marche fermement et s'empesche aysement de tomber en des precipices..

  A010000548 

 Cette foy veillante est accompagnée des quatre vertus cardinales: elle a la force, la prudence, la justice, la temperance; elle s'en sert comme d'une cuirasse d'armes pour donner la fuite à ses ennemis, et demeure parmi iceux ferme, invincible et inebranlable.

  A010000548 

 Les hommes ont bien cette force, ils ont puissance et seigneurie sur tous les animaux; mais parce que nous ne connoissons pas qu'elle est en nous, il s'ensuit que nous craignons comme foibles et couards, et fuyons comme des lourdeaux devant les bestes.

  A010000548 

 Sa force est si grande qu'elle ne redoute rien, parce que non seulement elle est forte, mais parce qu'elle connoist cette force et sur quoy elle est appuyée, qui est la Verité mesme.

  A010000549 

 Fausse prudence que celle cy! car bien qu'elle me fist gaigner les villes, les principautés et royaumes, de quoy me proffitera-t-elle si avec cela je suis damné? Que me servira ma vaillance si je n'use d'icelle que pour acquerir les choses transitoires de cette vie mortelle? Certes, quand je serois le plus fort et prudent homme du monde, si je ne me sers de cette vaillance et prudence pour la vie eternelle cela n'est rien..

  A010000549 

 Or, cette prudence n'est point comme elle de plusieurs mondains, qui sont fort soigneux d'amasser des biens, des honneurs et tels autres fatras qui les enrichissent et relevent aux yeux des hommes, mais qui ne leur proffitent de rien pour la vie eternelle.

  A010000550 

 La prudence de ces mondains s'en contente, et ne veut rien faire davantage que ce qui est necessaire pour avoir la vie eternelle et fuir ce qui leur peut causer la damnation.

  A010000551 

 Elle n'observe pas seulement ce qui est requis pour le salut, mais elle recherche, embrasse et prattique fidellement tout ce qui la peut plus approcher de son Dieu..

  A010000552 

 C'est celle-cy qu'avoit la Chananée; voyons donques un peu comme la foy de cette femme est grande à cause de cette attention.

  A010000552 

 Cette foy attentive est tres grande et excellente, car outre qu'elle est vivante et veillante, elle vient, par cette attention, au plus haut point de la perfection.

  A010000552 

 Elle estoit en attention comme un chien qui est attentif ou mis en relay pour guetter la proye qui doit s'eschapper par là; car c'est ainsy que l'on peut interpreter les paroles de saint Marc, qui est un de ses Evangelistes..

  A010000552 

 Il y a une cinquiesme qualité de la foy, qui est d'estre attentive.

  A010000553 

 Lors que Nostre Seigneur passoit, ou qu'il entroit, ou qu'il fut entré en la mayson, ou bien quand il en fut sorti (cecy est une dispute, mais je n'en veux pas parler icy; pour moy je crois que cela advint lors qu'il fut dans cette mayson), la Chananée, qui estoit en attente pour saisir sa proye, vint luy presenter sa requeste et s'escria: Seigneur, fils de David, ayez pitié de moy, car ma fille est cruellement travaillée du diable.

  A010000554 

 O femme, que ta foy est grande, non seulement à cause de cette attention avec laquelle tu oys et crois ce que l'on dit de Nostre Seigneur, mais encores à cause de l'attention avec laquelle tu le pries et luy presentes ta requeste.

  A010000554 

 Pourquoy voyons-nous que l'on fait si peu de profit des predications ou des mysteres que l'on nous explique ou enseigne, ou de ceux que l'on medite? C'est parce que la foy avec laquelle nous les entendons ou meditons n'est pas attentive; de là vient que nous les croyons bien, mais ce n'est pas avec une aussi grande asseurance.

  A010000554 

 Un voluptueux tout de mesme; car bien qu'il escoute, ce semble, ce dequoy l'on devise, nean moins il ne se resouviendra de rien parce qu'il est plus attentif à sa volupté que non pas à ce dont on discourt.

  A010000555 

 Cette foy ou priere attentive est suivie et accompagnée d'une grande varieté d'autres vertus marquées en la Sainte Escriture; mais parce qu'il y en a un nombre innombrable, je me contenteray de vous toucher celles qui sont les plus propres pour vous autres et qui reluisent tout particulierement en la priere de la Chananée.

  A010000555 

 Faire oraison c'est prier; et prier avec attention, c'est avoir la foy vive, veillante, attentive comme la Chananée.

  A010000555 

 Mais qu'est-ce que oraison et meditation? Il semble que ces mots-là soyent venus de l'autre monde; peu de gens les veulent entendre.

  A010000555 

 Voyez-vous que c'est que meditation ou contemplation? C'est en un mot la priere.

  A010000556 

 (Cecy est une phrase françoise laquelle nous represente le latin male vexatur.) C'est comme si elle eust voulu dire: Cet esprit malin la travaille cruellement et excessivement, et pour ce ayez pitié de moy.

  A010000556 

 Elle avoit la confiance, qui est l'une des principales conditions qui rendent nostre priere grande devant Dieu.

  A010000556 

 [224] Seigneur, dit cette femme, ayez pitié de moy parce que ma fille est extremement tourmentée du diable.

  A010000557 

 Certes, le plus grand defaut que nous ayons en nos prieres et en tout ce qui nous arrive, specialement en ce qui regarde les tribulations, c'est nostre peu de confiance; de là vient que nous ne meritons pas de recevoir le secours tel que nous le desirons ou demandons.

  A010000557 

 Et le Sauveur les reprint et leur dit: Homme de petite foy; comme s'il eust voulu signifier: Que vostre foy est petite, d'autant qu'en cette occasion en laquelle vous deviez la monstrer davantage vous manquez de confiance; or, parce que la confiance qui vous reste est petite, vostre foy l'est aussi..

  A010000557 

 Or, cette confiance accompagne tousjours la foy attentive, qui est grande ou petite selon la mesure de la confiance.

  A010000557 

 Saint Pierres et les autres Apostres estans dans la nacelle avec leur Seigneur, et voyant la tempeste s'eslever, commencement à craindre et invoquer l'assistance d'iceluy; et en cela ils faisoyent bien, car c'est à luy à qui nous devons recourir et de qui nous devons attendre tout nostre secours.

  A010000559 

 Helas! si l'on a quelques degousts à l'oraison, si Dieu nous retire ou soustrait la suavité ou facilité ordinaire que nous y avions, on se plaint, on s'afflige et on dit: C'est que je ne suis point humble, Dieu n'a que faire de m'entendre, il ne me regardera point, car il ne regarde que les saints, et que sçay-je? telles autres niaiseries et mille pensées que l'on entretient pour se laisser aller à l'ennuy et au descouragement.

  A010000559 

 Qu'il y a peu de gens qui comprennent bien en quoy elle consiste! Vous verrez des jeunes filles qui ne font que de naistre à la devotion, et encores des hommes (mais ne parlons pas de ceux cy, ne parlons pour maintenant que des filles, puisque c'est à des filles que je m'addresse); l'on en verra donc qui ne font que commencer à prier et suivre Nostre Seigneur, lesquelles demandent et veulent ja avoir des gousts et consolations, et ne peuvent point perseverer en la priere qu'à force de douceurs et de suavités.

  A010000560 

 Ce n'est pas ainsy qu'a fait la Chananée, car bien qu'elle vist Nostre Seigneur ne tenir compte de sa priere, [226] d'autant qu' il ne luy respondoit rien et sembloit quasi qu'il fist en cela une injustice, neanmoins cette femme persevera de crier apres luy, tellement que les Apostres furent contraints de luy dire qu'il la congediast parce qu'elle ne faisoit que crier apres eux.

  A010000561 

 Neanmoins, quoy que Nostre Seigneur fist la sourde oreille à tout cela, elle ne laissa de continuer son oraison accoustumée; en quoy elle monstra sa perseverance, car ce n'est point une petite vertu que de perseverer à faire tousjours une mesme priere et de mesmes exercices.

  A010000561 

 O que l'on seroit heureux si l'on accompagnoit la priere de cette perseverance; si lors qu'on a des degousts, des secheresses en icelle, lors que la suavité de l'oraison nous est soustraite, l'on perseveroit à prier sans se lasser ni se plaindre ni rechercher d'en estre delivré, se contentant parmi cela de crier sans cesse: Seigneur, fils de David, ayez pitié de moy.

  A010000562 

 Ciceron, en quelque lieu de ses escrits, mais je ne sçay pas où, dit par forme de proverbe, qu'il n'y a rien qui ennuye tant le voyageur qu'un long chemin quand il est plain, ou un court quand il est tout raboteux et montueux (il ne me souvient pas de ses mesmes mots).

  A010000562 

 Il adjouste plusieurs autres choses, mais pourtant c'est cecy qu'il veut signifier, que c'est une chose bien difficile que la perseverance.

  A010000562 

 Le voyageur, encores qu'il marche par un beau et plain chemin, si est-ce que sa longueur l'ennuye, et quand il voit arriver la nuit il se fasche et s'inquiete; en fin, il prendroit certes plus de playsir que ce chemin fust diversifié de quelque vallée ou colline.

  A010000562 

 Mais il est court.

  A010000563 

 C'est pour cela que la perseverance à tousjours faire une mesme chose en Religion est un martyre, à qui bien la considere.

  A010000563 

 Il est vray qu'elle est encores appellée un paradis par ceux qui la comprennent bien; mais aussi la peut-on nommer un martyre, car l'on y martyrise continuellement les fantasies de l'esprit humain, et toutes les propres volontés.

  A010000563 

 Il faut tant de cuisiniers, tant de diverses sortes d'apprests! et puis presentez-les-leur! Oh! disent-ils, ostez-moy cela, cecy n'est pas bon, ou! Cela me rendra malade, et telles bigearreries.

  A010000563 

 Mais en Religion l'on ne l'ait point d'artifice, l'on mange ce que l'on donne; et c'est un martyre que celuy cy, comme aussi de faire tousjours les mesmes exercices..

  A010000563 

 N'est-ce pas un martyre, je vous prie, d'aller tousjours habillé d'une mesme façon sans avoir la liberté de se chamarrer et decouper ses vestemens comme font les mondains? N'est-ce pas un martyre de manger tousjours à une mesme heure et quasi des mesmes mets, comme c'est une grande perseverance aux paysans de n'avoir [228] ordinairement pour leur nourriture que du pain, de l'eau et du fromage? Neanmoins ils n'en meurent pas plus tost, sins se portent mieux que ces delicats auxquels l'on ne sçait quelle viande est propre.

  A010000563 

 Qu'est-ce cecy sinon des bigearreries de l'esprit humain qui n'a point de perseverance en ce qu'il entreprend? C'est pourquoy les mondains, qui vivent selon leurs fantasies, sçavent si bien diversifier les saisons par des passetemps et recreations.

  A010000564 

 Ceux qui connoissent que c'est que de la chasse sçavent bien que l'hiver les chiens ne peuvent sentir la proye, l'air estant froid, et les gelées les empeschant de flairer comme en un autre temps; tout de mesme au printemps, la varieté et l'odeur des fleurs leur oste aussi la facilité de sentir le flair de la beste, pour à quoy remedier le chasseur prend du vinaigre dans sa bouche, et tenant la teste du chien il jette le vinaigre dans son museau.

  A010000564 

 Or, ce qu'il luy fait n'est point pour le descourager de se mettre à la queste de sa proye, mais bien pour le pousser et exciter faire ce qui est de son devoir.

  A010000564 

 Perseverons en la priere en tous temps; car si Nostre Seigneur semble ne pas nous entendre, ce n'est pas pour cela qu'il nous veuille esconduire, mais c'est à fin de nous obliger à jetter nos clameurs plus haut et nous faire davantage sentir la grandeur de sa misericorde.

  A010000564 

 Tout de mesme, quand Nostre Seigneur nous soustrait les douceurs et les consolations ce n'est point pour nous esconduire ou nous faire perdre courage, mais il nous jette du vinaigre dans la bouche à fin de nous exciter à nous approcher tant plus pres de sa divine Bonté, et nous exercer à la perseverance..

  A010000565 

 C'est comme si Jesus Christ vouloit dire: Les faveurs que je fais aux Gentils, pour lesquels je n'ay point esté envoyé, sont si petites et en si petit nombre au regard de celles que je depars aux Israëlites, qu'ils n'ont nul sujet d'en avoir de la jalousie..

  A010000565 

 C'est encor pour tirer des preuves de nostre patience, la troisiesme vertu qui accompagna la priere de la Chananée; car le Sauveur voyant sa perseverance aussi esprouver sa patience, vertu par laquelle nous conservons, autant qu'il se peut, l'esgalité parmi les inesgalités des accidens de cette vie.

  A010000565 

 Hé donques, Seigneur, cette brebis icy n'est-elle pas de la mayson de vostre Pere? sera-t-elle perdue? N'estes-vous pas venu pour tout le monde, pour le peuple Juif et pour le Gentil? C'est une chose toute claire que Nostre Seigneur estoit venu pour tout le monde; cela est tout notoire en la Sainte Escriture.

  A010000565 

 Mais quand il dit: Je ne suis pas venu pour toutes les brebis esgarées, ains seulement pour les brebis perdues de la mayson de mon Pere, il veut faire entendre qu'il estoit seulement promis aux Juifs lesquels estoyent nommés enfans de Dieu; c'est à dire qu'il avoit esté predit qu'il viendroit et marcheroit sur ses propres pieds parmi ce peuple, qu'il l'enseigneroit de sa propre bouche, gueriroit ses malades de ses propres mains, feroit des miracles en propre personne en Israël, et partant qu'il ne failloit pas oster le pain des enfans de Dieu, à sçavoir au peuple Juif, pour le jetter aux chiens ou au peuple Gentil, nation qui ne le connoissoit pas.

  A010000565 

 Pour cela il respondit à ses Apostres qui le prioyent de la congedier, [229] une parole qui la devoit bien piquer et, ce semble, luy faire perdre contenance: II n'est pas raysonnable, dit-il, que j'oste le pain des enfans pour le donner aux chiens.

  A010000566 

 Et cette femme entendant Nostre Seigneur n'en entra point en impatience, elle ne s'en attrista ni offença point, mais se prosternant a ses pieds elle respondit: Il est vray, je suis une chienne, je le vous confesse; mais je vous prens au mot, car les chiens suivent leurs maistres et se nourrissent des miettes qui tombent sous leur table..

  A010000566 

 Mais comme est-ce donques que se doit entendre que Nostre Seigneur est venu pour les Gentils aussi bien que pour les Juifs? Voyez-vous, c'est que, comme il estoit venu pour marcher sur ses propres pieds parmi les enfans d'Israël, il devoit marcher sur les pieds de ses Apostres parmi les Gentils; il devoit guerir leurs malades non de ses propres mains mais par celles des Apostres, leur prescher sa doctrine mais par la bouche de ses Apostres, retrouver la brebis esgarée mais par le moyen et le labeur de ses Apostres.

  A010000567 

 Cette humilité fut la quatriesme vertu qui accompagna la foy et la priere de la Chananée; humilité si aggreable au Sauveur qu'il luy accorda tout ce qu'elle luy dermandoit, en disant: O femme, que ta foy est grande! qu'il te soit fait comme tu le veux.

  A010000567 

 Il y en a plusieurs qui disent bien qu'ils ne sont rien, qu'ils ne sont qu'abjection, que misere et telles autres choses (le monde est tout plein de cette humilité); mais ils ne sçauroyent supporter qu'un autre leur dise qu'ils ne valent lien, qu'ils sont des sots, et semblables paroles de mespris.

  A010000567 

 Quant à nostre Chananée, non seulement elle ne s'offença pas pour se voir appellée chienne, mais elle le creut, le confessa et ne demanda que ce qui appartenoit aux chiens; en quoy elle fit paroistre une admirable humilité qui merita d'estre louée de la bouche de Nostre Seigneur, ce qu'il fit disant: O femme, que ta foy est grande! soit fait comme tu veux; et en louant sa foy, il loua toutes les autres vertus qui l'accompagnoyent..

  A010000583 

 lesquelles il n'est point loysible à.

  A010000587 

 Le grand Apostre saint Paul ayant esté ravi et eslevé jusqu'au troisiesme Ciel, ne sçachant si ce fut hors de son corps ou en son corps, dit qu' il n'est nullement loysible ni possible à l'homme de raconter ce qu'il y vit, ni les merveilles admirables qu'il apprit et qui luy furent monstrées en son ravissement.

  A010000588 

 Elle luy dit bien: Le soleil et les estoilles sont ainsy faits et respandent une grande clarté; mais c'est en vain, car l'enfant ne le peut nullement entendre, n'ayant point eu d'experience de cette clarté dont sa mere luy parle..

  A010000588 

 Saint Gregoire le Grand, ayant à traitter en ses Dialogues des choses merveilleuses de l'autre monde, dit: Imaginez-vous, de grace, de voir une femme laquelle estant enceinte est mise en prison, où elle demeure jusques [233] à son accouchement, voire mesme elle y accouche; apres quoy elle est condamnée d'y passer le reste de ses jours et d'y eslever son enfant.

  A010000589 

 En apres, cette pauvre femme luy veut donner une idée de l'amenité des collines chargées d'arbres et de fruits divers: d'oranges, de citrons, de poires, de pommes et semblables; mais l'enfant ne sçait que c'est que tout cela, ni comme il peut estre.

  A010000589 

 Et bien que sa mere ayt en main quelques feuilles de ces arbres et qu'elle luy die: Mon enfant, ils sont couverts de telles feuilles; et luy monstrant une pomme ou une orange: Ils sont encores chargés de tels fruits, ne sont-ils pas beaux? ne les fait-il pas bon voir? l'enfant neanmoins demeure en son ignorance, d'autant qu'il ne peut comprendre en son esprit ce que sa mere luy enseigne, tout cela n'estant rien au prix de ce qui est en verité..

  A010000590 

 De mesme en est-il, mes cheres ames, de ce que nous pouvons dire sur la grandeur de la felicité eternelle et des beautés et amenités dont le Ciel est rempli; car il y a encores plus de proportion entre la lumiere d'une lampe avec la clarté de ces grans luminaires qui nous esclairent, entre la beauté de la feuille ou du fruit d'un arbre et l'arbre mesme chargé de fleurs et de fruits tout ensemble, entre tout ce que cet enfant comprend de ce que sa mere luy dit et la verité mesme des choses dont elle parle, que non pas entre la lumiere du soleil et la [234] clarté dont jouissent les Bienheureux en la gloire; entre la beauté d'une prairiediaprée au printemps et la beauté de ces campagnes celestes, entre l'amenité de nos colines chargées de fruits et l'amenité de la felicité eternelle.

  A010000590 

 Mais bien que cela soit ainsy, et que nous soyons asseurés que ce que nous en pouvons dire n'est rien au prix de ce qui est en verité, nous ne devons pas laisser d'en toucher quelque chose..

  A010000591 

 Mais avant que de le vous proposer il est necessaire que je leve de vos esprits quelques dificultés qui vous pourroyent empescher de bien entendre ce que je diray par apres; et je le fais d'autant plus volontiers que je desire que ce point soit bien masché, consideré compris..

  A010000592 

 Dieu favorise grandement ceux qui prattiquent la charité envers leurs freres; il n'y a rien qui attire tant sa misericorde sur nous que cela, d'autant que Nostre Seigneur a declaré que c'est son commandement, c'est à sçavoir le sien plus cheri et plus aymé; apres celuy de l'amour de Dieu il n'y on a point de plus grand.

  A010000592 

 Et que cela ne soit, je vous presente l'histoire de saint Augustin, qui n'est pas un autheur auquel il ne faille adjouster foy.

  A010000592 

 La premiere difficulté est à sçavoir mon si les ames bienhereuses estans separées de leur corps peuvent engtendre, voir, ouÿr et considerer, bref avoir les fonctions de l'esprit aussi libres que si elles estovent unies avec iceluy.

  A010000593 

 Et où est ton corps? Mon corps est couché dans mon lit.

  A010000594 

 Icy nous ne pouvons pas faire cela, car quiconque veut penser à plus d'une chose en mesme temps il a tousjours moins d'attention à chacune, et son attention en est moins parfaite.

  A010000594 

 Tout de mesme en est-il de la memoire: elle nous fournira plusieurs souvenirs sans que l'un empesche l'autre.

  A010000595 

 Ils pensent que c'en est de mesme que des consolations que l'on reçoit quelquefois en la terre, lesquelles font entrer l'ame en un certain endormissement spirituel, en sorte que pour un temps il n'est pas possible de se mouvoir et comprendre mesme où l'on est, ainsy que le tesmoigne le Psalmiste royal en son Psalme In convertendo: Nous avons esté faits, dit-il, comme consolés; ou bien, selon le texte hebreu et la version des Septante, co mme endormis, lors que le Seigneur nous a retirés de la captivité.

  A010000595 

 La seconde difficulté est touchant l'opinion que plusieurs ont que les Bienheureux dans la Hierusalem celeste sont tellement enivrés de l'abondance des divines consolations, que cela leur oste l'esprit en l'esprit mesme, je veux dire que cet enivrement leur enleve le pouvoir de faire aucune action.

  A010000595 

 La tranquillité est l'excellence de nostre action; or, au Ciel [237] nostre action n'empeschera pas la tranquillité, ains elle la perfectionnera de telle sorte qu'elles ne se nuiront point l'une à l'autre, voire elles s'entr'ayderont merveilleusement à continuer et perseverer pour la gloire du pur amour de Dieu qui les rendra capables de subsister ensemble..

  A010000596 

 Et si bien il est escrit que Nostre Seigneur enivrera ses bien-aymés, disant: Beuvez, mes amis, et vous enivre mes tres chers, cet enivrement ne rendra pas l'ame moins capable de voir, considerer, entendre et faire ses divers mouvemens, ainsy que nous l'avons declaré, selon que l'amour de son Bien-Aymé luy suggerera; ains cela l'excitera tousjours davantage à redoubler ses mouvemens et eslans amoureux, comme estant tousjours plus enflammée de nouvelles ardeurs..

  A010000597 

 C'est pourquoy la multiplicité des sujets que nous aurons en nostre entendement, des souvenirs de nostre memoire, ni moins les desirs de nostre volonté ne feront nullement que l'un empesche l'autre ni que l'un soit mieux compris que l'autre.

  A010000597 

 Et pourquoy cela? Non pour autre rayson, mes cheres Sœurs, sinon parce que tout est parfait et consommé dans le Ciel et en la beatitude eternelle..

  A010000597 

 La rayson de cecy est que nous pourrons bien avoir, ainsy que nous venons de le dire, plusieurs diverses attentions en mesme temps, sans que l'une nuise à l'autre, ains elles se perfectionneront reciproquement.

  A010000597 

 La troisiesme difficulté que je veux arracher de vos esprits est qu'il ne faut pas penser qu'en la gloire eternelle nous soyons sujets aux distractions comme nous le sommes tandis que nous vivons en cette vie mortelle.

  A010000598 

 Cela estant donques ainsy, que dirons-nous maintenant, mais que dirons-nous de cette beatitude? Le mot de beatitude et de felicité fait assez entendre ce que c'est; car il nous signifie que c'est un lieu de toutes consolations, où tous bonheurs et benedictions sont compris et [238] retenus.

  A010000598 

 Si en ce monde l'on estime bien heureux un esprit qui peut avoir plusieurs attentions à la fois, ainsy que le tesmoignent les louanges que l'on donne à celuy qui pouvoit estre attentif à sept choses en mesme temps, ou bien à ce valeureux capitaine de ce qu'il connoissoit cent ou cinquante mille soldats qu'il avoit sous sa charge, un chacun par leur nom, combien nos esprits seront-ils estimés bien heureux en cette beatitude où ils pourront avoir tant de diverses attentions! Mais, mon Dieu, que pourrions-nous dire de cette indicible felicité qui est eternelle, invariable, constante, permanente, et pour parler comme les anciens François, sempiternelle?.

  A010000601 

 Il nous fit voir un petit eschantillon du bonheur eternel et une goutte de cet ocean et de cette mer d'incomparable felicité pour nous faire desirer la piece tout entiere; si que le bon saint Pierre, qui parloit pour tous comme devant estre le chef des autres: O qu'il est bon d'estre icy, s'escria-t-il tout esmeu de joye et de consolation.

  A010000601 

 Tous deux s'entretenoyent avec nostre divin Maistre de l'exces qui devoit arriver en Hierusalem, exces qui n'est autre sinon la mort qu'il devoit souffrir par son amour; et soudain apres cet entretien les Apostres ouyrent la voix du Pere eternel lequel disoit: C'est icy mon Fils bien aymé, escoutez-le..

  A010000602 

 Si cela est ainsy, o mon Dieu, quel contentement recevrons-nous en voyant ceux que nous avons si cherement aymés en cette vie! Ouy mesme nous connoistrons les nouveaux Chrestiens qui se convertissent maintenant à nostre sainte foy aux Indes, au Japon et aux antipodes.

  A010000604 

 Nostre glorieux pere saint Augustin (je me plais à parler de luy car je sçay que le souvenir vous en est fort aggreable) faisoit un jour un souhait de voir Rome triomphante, le glorieux saint Paul preschant et Nostre Seigneur allant parmi le peuple, guerissant les malades et faisant des miracles.

  A010000605 

 Si cela est ainsy, mes cheres ames, quelles consolations recevrons-nous entrant au Ciel, où nous verrons cette benite face de Nostre Dame toute flamboyante de l'amour de Dieu! Et si sainte Elizabeth demeura si transportée d'ayse et de contentement quand, au jour qu'elle la visita, elle luy ouyt entonner ce divin Cantique du Magnificat, combien nos cœurs et nos esprits tressailliront-ils d'une joye indicible lors qu'ils entendront entonner par cette chantre sacrée le cantique de l'amour eternel! O quelle douce melodie! Sans doute nous pasmerons et entrerons en des ravissemens fort aymables, lesquels ne nous osteront pourtant pas l'usage ni les fonctions de nos puissances qui, par ce divin rencontre que nous ferons de la Sainte Vierge, s'habiliteront [242] merveilleusement pour mieux et plus parfaittement louer et glorifier Dieu, qui luy a fait tant de graces et à nous aussi, nous donnant celle de converser familierement avec elle..

  A010000606 

 C'est cet unique bien que la divine amante du Cantique des Cantiques demandoit à son Bien-Aymé, observant en cela, comme estant tres prudente, le dire du Sage, qu'il faut penser à la fin premier qu'à l'œuvre.

  A010000606 

 Ce bayser, ainsy que je declareray tantost, n'est autre chose que la felicité des Bienheureux.

  A010000606 

 Je dis seul, parce qu'en ce mot de felicité sont compris toutes sortes de biens, lesquels ne sont pourtant qu'un unique bien, qui est celuy de la jouissance de Dieu en la felicité eternelle.

  A010000606 

 Mais, me pourriez-vous demander, s'il est ainsy que vous dites que nous nous entretiendrons avec tous ceux qui sont en la Hierusalem celeste, qu'est-ce que nous dirons? De quoy parlerons-nous? Quel sera le sujet de nostre entretien? O Dieu, mes cheres Soeurs, quel sujet! Celuy des misericordes que le Seigneur nous a faites icy bas, par lesquelles il nous a rendus capables d'entrer en la jouissance d'un bonheur tel que seul il nous suffit.

  A010000607 

 C'est icy sans doute que nostre felicité prendra un accroissement indicible et inenarrable.

  A010000607 

 Que ferons-nous, cheres ames, que deviendrons-nous, je vous prie, quand à travers la playe sacrée de son costé nous appercevrons ce [243] cœur tres adorable et tres aymable de nostre Maistre, tout ardent de l'amour qu'il nous porte, cœur auquel nous verrons tous nos noms escrits en lettres d'amour? Est-il possible, dirons-nous, o mon cher Sauveur, que vous m'ayez tant aymé que d'avoir gravé mon nom en vostre cœur! Cela est pourtant veritable.

  A010000608 

 Que ne devrions-nous donques pas faire ou souffrir pour jouir de ces suavités indiciblement aggreables! Cette verité nous est monstrée en l'Evangile d'aujourd'huy; car ne voyez-vous pas que Nostre Seigneur estant transfiguré, Moyse et Elie luy parlent et s'entretiennent tout familierement avec luy?.

  A010000609 

 Nous ouyrons aussi, en contreschange, le Pere eternel prononcer d'une voix esclattante et avec une harmonie incomparable ces divines paroles que les Apostres entendirent au jour de la Transfiguration: Celuy cy est mon Fils bien aymè auquel je me suis compleu, et le Pere et le Fils parlant ensemble du Saint Esprit: C'est icy nostre Esprit, procedant de l'un et de l'autre, dans lequel nous avons mis tout nostre amour..

  A010000610 

 Cela n'est rien, mes cheres ames, en comparaison de la suavité qu'apportera quant et soy ce mot ou ce nom saint et sacré que le Seigneur fera entendre à l'ame bienheureuse.

  A010000610 

 Et quel sera-t-il ce divin entretien? Oh, quel il sera! Il sera tel qu' il n'est pas loysible à l'homme de le rapporter; ce sera un devis si secret que nul ne le pourra entendre que Dieu et celuy avec lequel il se fera.

  A010000610 

 Representez-vous tous ceux qui se peuvent prononcer pour attendrir un cœur et les noms les plus affectionnés qui se puissent ouyr, et puis dites en fin que ce n'est rien au prix de celuy que Dieu donnera à un chacun là haut au Ciel.

  A010000610 

 Supposez qu'il vous dira: Tu es ma bien-aymée, tu es la bien-aymée de mon Bien-Aymé, c'est pourquoy tu seras cherement aymée de moy; tu es la bien choisie de mon bien choisi qui est mon Fils.

  A010000611 

 C'est pourquoy ceux cy recevront une felicité et un contentement singulier à parler de cette glorieuse Redemption, par le moyen de laquelle ils auront esté faits semblables aux Anges, ainsy que nostre divin Maistre l'a dit..

  A010000611 

 Et poursuivant elle adjoustera: Meilleur est sans nulle comparaison le lait qui coule de ses cheres mammelles que non pas tous les vins les plus delicieux, et le reste.

  A010000611 

 Quelles divines extases, quels embrassemens amoureux entre la souveraine Majesté et cette chere amante quand Dieu luy donnera ce bayser de paix! Cela sera pourtant ainsy, et non pas avec une amante seule, ains avec un chacun des citoyens celestes, entre lesquels se fera un entretien admirablement aggreable des souffrances, des peines et des tourmens que Nostre Seigneur a endurés pour un chacun de nous durant le cours de sa vie mortelle, entretien qui leur causera une consolation telle que les Anges, au dire de saint Bernard, n'en sont pas capables; car si bien Nostre Seigneur est leur Sauveur et qu'ils ayent esté sauvés par sa mort, il n'est pourtant pas leur Redempteur, d'autant qu'il ne les a pas rachetés, ains seulement les hommes.

  A010000618 

 Dieu la donne tousjours suffisante à quiconque la veut recevoir; cecy est une chose toute claire, tous les theologiens en sont d'accord, et le Concile de Trente a declaré que jamais la grace ne nous manque, mais que c'est nous qui manquons à la grace, ne la voulant recevoir ou luy donner nostre consentement.

  A010000618 

 Les damnés seront contraints de confesser, comme l'escrit saint Denis l'Areopagite, que c'est par leur faute et non par celle de la grace qu'ils ont esté precipités et condamnés aux flammes eternelles, parce qu'ils ont manqué à la grace et non point parce qu'elle leur a manqué; ce qu'ils connoistront fort clairement, et cette connoissance accroistra de beaucoup leurs tourmens..

  A010000618 

 Or, telles sortes de gens auroyent quelque rayson s'ils disoyent seulement que la grace n'est pas offerte aux pecheurs comme aux justes; mais s'ils passoyent plus outre à fin de s'enquerir pourquoy les premiers ne reçoivent pas cette grace comme les seconds, certes, ils seroyent contraints de confesser que ce n'est pas le defaut de la grace qui est cause de leur perte, car jamais elle ne manque.

  A010000619 

 Il estoit circoncis, et Dieu luy avoit tesmoigné qu'il l'aymoit en [249] luy donnant la jouissance de beaucoup de biens et de possessions, d'autant qu'il n'en prenoit pas en la Loy mosaïque comme en celle de grace, en laquelle la pauvreté est tant louée et recommandée.

  A010000619 

 Or, si c'est tousjours l'homme qui manque à la grace et que jamais la grace ne nous manque, si l'on voit en toutes sortes d'estats, de conditions et de vocations un si grand nombre de reprouvés et peu d'esleus, qui s'asseurera et vivra sans apprehension de perdre cette grace ou de luy refuser son consentement? qui ne craindra de descheoir en ne rendant pas à Dieu le service qui luy est deu, chacun selon son devoir et obligation, puisque si bien nous voyons un Lazare et un saint Mathias au nombre des esleus, nous trouvons ce riche de l'Evangile et Judas parmi les reprouvés? Mais quoy, le mauvais riche n'estoit-il pas appellé à une mesme vocation que le Lazare, et Judas à la mesme que saint Mathias? Ouy, sans doute, cecy est tout clair en l'Evangile; car le mauvais riche estoit Juif, puisqu'il appelle Abraham pere: Pere Abraham, luy dit-il, le priant de luy envoyer le Lazare.

  A010000620 

 C'est pourquoy, quand le Lazare ne l'eust pas servi, il n'auroit pas esté si condamnable que le mauvais riche; il l'auroit esté, sans doute, mais beaucoup moins que luy.

  A010000620 

 Ce n'est pas que celuy cy n'y fust aussi tenu, mais d'autant que le riche avoit esté favorisé de beaucoup plus de biens que non pas l'autre, il avoit par consequent plus de devoir de servir son Seigneur.

  A010000620 

 L'un est porté au sein d'Abraham et l'autre enseveli au fond de l'enfer.

  A010000620 

 Neanmoins nous voyons en l'Evangile du jour que de ces deux hommes esgalement appellés de Dieu, celuy qui a le plus receu et qui est le plus obligé de le servir ne le sert point, ains vit et meurt miserablement, tandis que le pauvre Lazare le sert avec fidelité et meurt heureusement.

  A010000622 

 Cecy est une phrase hebraïque.

  A010000622 

 Qui dit enfant de consolation veut signifier de la plus grande consolation ou de tres grande consolation; fils de joye s'entend de la plus grande joye ou de tres grande joye: de mesme Judas estant tombé dans cette iniquité que de vendre son Seigneur et Maistre, est dit fils ou enfant de perdition, c'est à sçavoir de la plus grande ou tres grande perdition, telle que celle des diables, car il estoit pire qu'un diable; aussi brusle-t-il avec eux dans les flammes eternelles.

  A010000622 

 Tous nos anciens Peres monstrent la pesanteur et gravité de ce peché; mais quoy que l'on en exagere la grandeur, si est-ce que l'on n'atteindra jamais à declarer quelle est son enormité.

  A010000624 

 Certes, c'est une chose espouvantable que la cheute de Salomon.

  A010000624 

 Neanmoins il est descheu, comme nous dirons tantost, et il est tombé dans l'iniquité, nonobstant toute la plenitude de l'Esprit divin qu'il avoit receu..

  A010000625 

 C'est une chose perilleuse de vivre dans le monde en la conversation des meschans; c'est pourquoy demeurer bon parmi iceux sans descheoir de la grace est une faveur tres speciale de Dieu, et pour ce, dit saint Hierosme, il en retire plusieurs hors de ce siecle et les appelle dans le desert où ils n'ont point la societé des pervers..

  A010000625 

 Job, comme dit saint Gregoire, demeurant juste entre les meschans avoit receu une grande grace de Dieu, car pour l'ordinaire l'on est tel que ceux avec qui l'on converse; partant il avoit grand sujet de louer le Seigneur de ce qu'il le maintenoit dans le bien parmi les impies.

  A010000626 

 Or, ce bienfait de la perseverance est tres grand, d'autant que quand on vient à manquer à la grace en telle maniere de vie les cheutes en sont plus graves et perilleuses, comme ont esté celle des Anges dans le Ciel, celle d'Adam dans le Paradis terrestre et de Judas au college de Nostre Seigneur.

  A010000626 

 Or, ceux qu'il a placés en quelque bonne et sortable vocation ont un grand sujet de le louer et remercier, il est vray, car ils ont receu un singulier benefice d'estre separés de la compagnie des meschans et associés avec les bons; mais sont-ils hors de danger? O non.

  A010000627 

 C'est à telles sortes de gens que le Prophete dit à l'oreille: O fols que vous estes, croyez-vous que le monde ne soit fait que pour vous? Comme s'il disoit: O miserables, que faites-vous? Pensez-vous tousjours demeurer en la terre, ou n'y estre que pour amasser des biens temporels? O certes, vous n'estes point creés pour cela..

  A010000627 

 Pour bien entendre cecy il faut que vous sçachiez qu'il y a deux sortes d'avarice: l'une est temporelle, et c'est celle par laquelle on a une avidité d'acquerir les biens, les honneurs et commodités de cette vie; d'où vient que l'on en voit tant dans le monde qui ne pensent et semblent n'avoir autre chose à faire icy bas qu'à amasser des richesses et à mettre mayson sur mayson, pré sur pré, champ sur champ, vigne sur vigne, tresor sur tresor.

  A010000628 

 Hé quoy, dit la prudence humaine, le ciel, la terre et par consequent tout ce qui se trouve en icelle, n'est-il pas fait pour l'homme, et Dieu ne veut-il pas que nous en usions? Il est vray que Dieu a creé le monde pour l'homme avec intention qu'il usast des biens qu'il trouveroit en iceluy, mais non point à fin qu'il en jouist comme si c'estoit sa fin derniere.

  A010000628 

 Il crea le monde avant que de creer l'homme, car il luy voulut preparer un palais, une mayson et demeure clans laquelle il se peust loger; ensuite il le declara maistre de tout ce qui est en iceluy, luy permettant de s'en servir, mais non pas en telle sorte qu'il n'eust point d'autre pretention, car il l'avoit creé pour une fin plus haute qui est luy mesme.

  A010000628 

 Neanmoins la cupidité et avarice a tellement renversé le cœur de l'homme qu'il est venu à ce point de vouloir «jouir de ce dont il devroit user et user de ce dequoy il devroit jouir.».

  A010000629 

 C'est d'icy qu'arrivent tous nos maux.

  A010000629 

 C'est une grande pitié à qui taste le pouls de la pluspart des mondains et à qui regarde un peu de pres les [254] mouvemens de leurs cœurs! L'on descouvre facilement qu'ils veulent jouir du monde et de ce qu'il contient, mais quant à Dieu ils se contentent d'en user.

  A010000629 

 De là vient que tout ce qu'ils font n'est que pour la conservation des choses temporelles, et qu'ils ne font quasi rien pour acquerir la felicité eternelle.

  A010000629 

 S'ils prient, s'ils gardent les commandemens ou prattiquent quelques autres bonnes œuvres c'est de crainte que Dieu ne les chastie par quelque desastre ou infortune, ou à fin qu'il leur conserve leurs maysons, leurs champs, leurs vignes, leur femme, leurs enfans desquels ils veulent jouir, se contentant d'user de Dieu pour ce sujet ou tels autres.

  A010000630 

 Il y en a une autre qui serre et ne veut point quitter pour quoy que ce soit ce qu'elle a. Celle cy est grandement dangereuse et se glisse par tout, mesme clans les Religions et dans les choses spirituelles.

  A010000630 

 On rencontrera des hommes qui ayans femme, enfans et une famille à entretenir, pour laquelle ils auroyent besoin d'acquerir quelques commodités à fin de la subvenir, lesquels neanmoins ne s'en soucient pas, ains mangent et dissipent toute leur substance, demeurant toute leur vie pauvres, chetifs et miserables; mais ils sont tellement avaricieux de leur liberté, qui est leur tresor, leur richesse et la plus noble piece qu'ils ayent, ils la tiennent si ferme et de si pres que pour rien au monde ils ne la veulent perdre, quitter ni assujettir, ains en veulent jouir pour vivre selon leurs fantasies et se vautrer en toutes sortes de playsirs et voluptés.

  A010000630 

 On verra des riches qui n'auront point cette premiere avarice d'amasser tresor sur tresor, mais ils enfonceront tellement leur cœur dans celuy qu'ils ont, à dessein de le mieux conserver, qu'il est presque impossible de les tirer de là.

  A010000632 

 C'est une façon de parler de l'Escriture: l'avaricieux fait son dieu de son or et de son argent, et le voluptueux de son ventre.

  A010000632 

 Celuy qui boit du vin selon sa necessité ne fait point de mal, mais celuy qui en prend avec tel exces qu'il vient [256] à s'enivrer offense Dieu mortellement, perd le jugement, noye sa rayson dans le vin qu'il boit, et s'il venoit à mourir en cet estat il se damneroit; c'est comme s'il disoit en beuvant: Si je meurs je me veux perdre et damner eternellement.

  A010000632 

 Il y a aussi difference entre user des richesses et les adorer: en user selon son estat et condition, car il faut dire cela, c'est une chose permise quand on le fait comme il faut; mais de s'en faire des idoles c'est une condamnation et damnation.

  A010000632 

 La premiere façon est bonne, mais la derniere est damnable..

  A010000634 

 C'est ce que remarque le grand saint Bernard faisant un mot d'advertissement à [257] un Pontife: Nostre Seigneur, souverain Pontife et Chef du college apostolique, dit-il, ne s'occupoit jamais des biens et commodités permises ou de ce qui estoit requis pour son apostolat; partant il failloit qu'il eust un econome general qui prist soin des affaires, et ce fut Judas.

  A010000635 

 Et lequel d'entre les Apostres sera celuy qui trahira son Seigneur? C'est celuy qui garde la bourse et qui pour la remplir d'argent, par ambition et avarice, le vendra et le livrera à la mort..

  A010000635 

 Mais il est tout certain que Judas est convaincu de la plus grande perfidie et trahison qui se puisse imaginer et qu'il n'est nullement excusable.

  A010000635 

 Tous les saints Peres, comme j'ay dit, exagerent grandement cette faute, quoy que quelques uns disent que Judas ne pensoit point, en vendant Nostre Seigneur, le livrer à la mort; car bien que les Juifs l'achetassent pour le faire mourir, si est-ce, disent-ils, que ce miserable croyoit qu'il opereroit quelque miracle pour se delivrer de leurs mains.

  A010000636 

 Et pourquoy? Parce que l'avarice est tout à fait contraire à la profession religieuse..

  A010000636 

 Or, estre avaricieux en la vie religieuse et apostolique c'est estre comme Judas, et c'est la plus grande tare qui se puisse trouver en un ecclesiastique et en un Religieux, tout ainsy que la plus grande tare qui sçauroit se rencontrer en un soldat c'est d'estre poltron: aussi ne souffrira-t-il jamais qu'on l'appelle de la sorte.

  A010000636 

 Si on taxe les riches du monde d'estre avaricieux ils ne s'en mettent pas beaucoup en peine; mais de voir l'avarice dans l'apostolat et d'accuser un Religieux de ce vice, cela est un tres grand blasme, car c'est vendre Nostre Seigneur que d'estre avare en la Religion.

  A010000636 

 Si vous [258] dites qu'il est larron il ne s'en pique pas; si qu'il est desbauché il ne s'en soucie point et ne fait que s'en rire; mais si vous dites qu'il est poltron il s'en offensera et ne l'endurera pas, sçachant bien que c'est la plus grande injure qu'on luy puisse faire, d'autant que la poltronnerie est tout à fait contraire à sa profession.

  A010000637 

 C'est une chose tres difficile de declarer quels sont les commencemens de la cheute des pecheurs; il est neanmoins tres asseuré, comme disent les theologiens, que ce n'est pas que la grace leur ayt manqué, ains ce sont eux qui ont manqué à la grace; mais de sçavoir comme ils ont commencé à luy manquer, c'est bien difficile..

  A010000637 

 Quelques uns demandent quelle a esté la cause de la cheute de Judas et par où elle a commencé, et c'est icy mon troisiesme point.

  A010000638 

 Aussi le Saint Esprit donne ces advertissemens: Que [259] celuy qui est debout prenne garde de ne point tomber.

  A010000638 

 O Dieu, que c'est une chose redoutable que le peché, pour petit et leger qu'il puisse estre! C'est ce qui faisoit dire à ce grand saint Bernard: Marchez tousjours et gardez de vous arrester; allez tousjours plus avant, car il est impossible de demeurer en un mesme estat en cette vie; celuy qui n'avance pas, il faut de necessité qu'il recule.

  A010000639 

 Il est vray que nous avons tous des inclinations au mal: les uns sont portés à la colere, les autres à la tristesse, d'autres à l'envie, d'autres à la vanité et vaine gloire, d'autres à l'avarice; et si nous vivons selon telles ou semblables inclinations nous sommes perdus.

  A010000639 

 Mais j'ay tant de mauvaises inclinations! Et quel est celuy qui n'en a pas? N'avez-vous pas la grace divine pour les combattre? Il y en a d'autres qui s'excusent sur leur naturel: Hé, disent-ils, nous ne sçaurions jamais rien faire qui vaille, nous avons un si mauvais naturel.

  A010000641 

 Lors saint Pierre dit, parlant aux disciples: Il nous faut choisir un d'entre vous pour mettre en l'apostolat à la place de Judas qui l'a quitté et s'est fait apostat..

  A010000642 

 Cecy est fort propre à confondre les huguenots qui disent que l'apostolat a manqué quand les Apostres sont morts; ce qui est tres faux, car encores qu'ils soyent morts, l'apostolat ne l'est pas, puisque de mesme que saint Pierre et tous les autres Apostres et disciples estans assemblés en choisirent un pour succeder à Judas, celuy là pouvoit aussi en choisir un autre, et cet autre un autre, et ainsy consecutivement; de sorte que l'apostolat a passé jusqu'à nous et durera jusques à la fin du monde.

  A010000645 

 Mais celle du Lazare fut portée au sein d'Abraham, et de là dansje Ciel, où avec saint Mathias, qui vescut et mourut en grand Apostre, il jouira sans fin de l'eternité qui est Dieu mesme, auquel soit honneur et gloire par tous les siecles des siecles.

  A010000645 

 Mais ces prestres sinagogiques et mosaïques le rejetterent, disant qu'ils ne s'en soucioyent point, que s'il avoit mal fait c'estoit son dam et que pour eux ils n'en avoyent que faire; car en la Loy de Moyse il n'en prenoit pas comme en celle de grace sous laquelle nous sommes; les prestres de ce temps icy ne rejettent pas ainsy les pecheurs quand ils viennent à eux, d'autant qu'il n'y a peché, pour grand et grief qu'il soit, qui ne puisse estre pardonné en cette [263] vie, si on le confesse: cecy est un article de foy.

  A010000656 

 Ces paroles sont des plus remarquables, des plus considerables et qui portent plus de poids que nostre divin Maistre ayt dites; c'est pourquoy les anciens Peres se sont beaucoup arrestés à en tirer des interpretations.

  A010000656 

 La premiere est la concorde que doivent avoir les sujets avec leur roy, demeurans sousmis et obeissans à ses lois.

  A010000656 

 La seconde est l'union qu'il nous faut avoir en nous mesme, au royaume que nous avons en nostre interieur, dont la rayson doit estre la reyne, à laquelle toutes les facultés de nostre esprit, tous nos sens et nostre corps mesme doivent demeurer absolument assujettis; car sans cette obeissance et sousmission nous ne pouvons nous empescher de la desolation et du trouble, [265] non plus que le royaume où les sujets ne sont pas obeissans aux lois du roy..

  A010000657 

 Aymer Dieu sans aymer le prochain, qui est creé à son image et semblance, c'est une chose impossible..

  A010000657 

 Et cela non sans grand sujet, puisque le bien-aymé du Bien-Aymé, le grand Apostre saint Jean, asseure que quiconque dit qu'il ayme Dieu et n'ayme pas le prochain est menteur; au contraire, celuy qui dit qu'il ayme le prochain et n'ayme pas Dieu contrevient à la verité, car cela ne se peut.

  A010000657 

 Mais d'autant qu'il faudroit trop de temps pour parler de toutes ces unions, je m'arresteray seulement à la troisiesme, qui est celle que nous devons avoir les uns avec les autres.

  A010000659 

 Cette comparaison semble estre du tout estrange, car l'union des trois divines Personnes est incomprehensible, et nul, quel qu'il soit, ne sçauroit s'imaginer cette simple union et cette unité si indiciblement simple.

  A010000659 

 Nostre Seigneur ne nous appelle pas à l'esgalité, ains seulement à la qualité de cette union, c'est à sçavoir, que nous nous devons aymer et estre unis par ensemble le plus purement et le plus parfaitement qu'il se peut..

  A010000660 

 Concorde et dilection est une mesme chose; car le mot de concorde signifie union des cœurs, et dilection, élection des affections, union des affections.

  A010000660 

 Il semble qu'il vouloit nous declarer ce que le Sauveur entendoit quand il prioit son Pere celeste que nous fussions tous un, c'est à dire unis, comme luy et son Pere estoyent un.

  A010000660 

 Nostre Seigneur avoit esté, un peu court en nous enseignant par paroles comme quoy il desiroit que nous pratiquassions [267] cette sainte et tres sacrée union; c'est pourquoy son glorieux Apostre s'estend davantage à nous l'exprimer, nous exhortant à marcher en la voye de la dilection comme enfans tres chers de Dieu.

  A010000661 

 C'est cette image et semblance que nous devons honnorer et aymer en tous les hommes, et non pas autre chose qui soit en eux; car rien n'est aymable en nous de ce qui est de nous, puisque non seulement cela n'embellit pas cette divine ressemblance, ains l'enlaidit, souille et barbouille, en sorte que nous ne sommes presque plus reconnoissables.

  A010000661 

 Or, c'est ce qu'il ne faut nullement aymer dans le prochain, car Dieu ne le veut pas..

  A010000662 

 Pourquoy donc Nostre Seigneur a-t-il voulu que nous nous aymassions tant les uns les autres, et pourquoy, demandent la pluspart des saints Peres, a-t-il pris tant de soin de nous inculquer ce precepte comme estant semblable au commandement de l'amour de Dieu? Cecy fait grandement estonner, que l'on dise que ces deux commandemens sont semblables, veu que l'un tend à aymer Dieu, et l'autre la creature: Dieu qui est infini, et la creature qui est finie; Dieu qui est la bonté mesme et duquel tous biens nous arrivent, et l'homme qui est rempli de malice et duquel nous viennent tant de maux; car le commandement de l'amour du prochain contient [268] aussi l'amour des ennemis.

  A010000664 

 C'est pourquoy nous devons faire comme Marc Antoine: nous devons acheter ces deux amours, comme jumeaux sortis tous deux des entrailles de la misericorde de nostre bon Dieu, et ce en mesme temps; car dès que Dieu crea l'homme à son image et semblance il ordonna à cet instant mesme qu'il aymeroit Dieu et son prochain aussi..

  A010000664 

 Que veux-je dire par là, sinon que le commandement de l'amour de Dieu et celuy de l'amour du prochain se ressemblent autant que ces deux jouvenceaux dont Pline parle, quoy qu'ils soyent de païs extremement lointains; [269] car quel esloignement y a-t-il, je vous prie, entre l'infini et le fini, entre l'amour divin qui regarde un Dieu immortel et l'amour du prochain qui regarde l'homme mortel, entre l'un qui regarde le Ciel et l'autre, la terre? Cette divine ressemblance est donques d'autant plus admirable.

  A010000665 

 Nul ne se peut excuser de ne pas sçavoir qu'il faut aymer nostre prochain comme nous mesme, Dieu ayant gravé cette verité au fond de nos cœurs en nous creant tous à la ressemblance les uns des autres; car portant tous en nous l'image du Createur, nous sommes par consequent l'image les uns des autres, ne representant tous qu'un mesme portrait qui est Dieu..

  A010000666 

 Je vous donne, dit-il parlant à ses Apostres, un commandement nouveau, qui est que vous vous aymiez les uns les autres.

  A010000667 

 Tout ainsy que de plusieurs grains de froment moulus et petris ensemble on fait un seul pain, pain qui est composé de tous ces grains de blé qui estoyent auparavant separés et qui ne sont plus separables maintenant, de maniere qu'ils ne peuvent plus estre remarqués ni reconneus en particulier, de mesme ces Chrestiens avoyent un amour si fervent les uns pour les autres, que leurs volontés et leurs cœurs estoyent tous saintement confus et pesle meslés.

  A010000668 

 Et comme nous voyons encores que de plusieurs raisins pressurés les uns avec les autres se fait un seul vin, et qu'il n'est plus possible de remarquer quel est le vin sorti d'une telle graine ou d'une telle grappe, ains tout estant pesle meslé ne forme qu'un vin tiré de plusieurs graines de raisins, de mesme ces cœurs des premiers Chrestiens, esquels regnoit la sainte charité et dilection, n'estoyent qu'un vin composé de plusieurs cœurs comme de plusieurs raisins.

  A010000668 

 Mais ce qui establissoit une si grande union entr'eux n'estoit autre, mes cheres ames, sinon la [271] tres sainte Communion, laquelle venant à cesser ou à se faire rarement, la dilection est venue par mesme moyen à se rafroidir entre les Chrestiens et a grandement perdu sa force et sa suavité..

  A010000669 

 Il est nouveau aussi parce qu'il semble que le Sauveur l'ayt ressuscité, comme on peut appeller un homme nouveau celuy qui estant mort vient à ressusciter.

  A010000669 

 Le commandement de l'amour du prochain est donques nouveau pour la rayson que nous venons de dire, à sçavoir parce que Nostre Seigneur l'est venu renouveller, tesmoignant qu'il vouloit qu'il fust mieux observé qu'auparavant.

  A010000670 

 Aussi, avant de renouveller ce commandement de l'amour du prochain, il nous a aymés et monstré par son exemple comment nous le devions prattiquer à fin que nous ne nous en excusassions point comme si c'estoit une chose impossible; il s'est donné au tres saint Sacrement, puis il nous a dit: Aymez-vous les uns les autres comme je vous ay aymés.

  A010000670 

 Il est nouveau aussi à cause des nouvelles obligations que nous avons de l'observer.

  A010000670 

 Or, quelles sont ces nouvelles obligations que Jesus Christ a apportées au monde, de nous rendre souples en l'observance de ce divin precepte? Elles sont grandes certes, puisque luy mesme est venu nous l'enseigner non seulement de paroles mais beaucoup plus d'exemple; car ce Maistre divin et tres aymable ne nous a point voulu apprendre à peindre qu'il n'ayt premierement peint devant nous; il ne nous a donné nul precepte qu'il ne l'ayt premierement observé devant que nous le donner.

  A010000671 

 Mais maintenant que nous sçavons non pas qu'il viendra, ains qu'il est venu, et qu'il nous a recommandé tout de nouveau cette sainte dilection les uns envers les autres, combien serons-nous dignes de punition si nous n'ajnrions nostre prochain!.

  A010000672 

 Mais Nostre Seigneur estant venu au monde a tellement relevé nostre nature au dessus de tous les Anges, des Cherubins et de tout ce qui n'est point Dieu, il nous a tellement faits semblables à luy, que nous pouvons dire asseurement que nous ressemblons parfaitement à Dieu, lequel s'estant fait homme a pris nostre [273] semblance et nous a donné la sienne.

  A010000672 

 O combien donques devons-nous relever nos courages pour vivre selon ce que nous sommes, et imiter le plus parfaittement qu'il se peut Celuy qui est venu pour nous enseigner ce que nous devions faire, à fin de conserver en nous cette beauté et divine ressemblance qu'il a si entierement reparée et embellie en nous!.

  A010000672 

 Se faut-il donques estonner si ce Bien-Aymé de nos ames veut que nous nous aymions comme il nous a aymés, puisqu'il nous a tellement restablis en cette parfaitte ressemblance que nous avions avec luy qu'il semble qu'il n'y ayt plus aucune difference? Certes, nul ne peut douter que l'image de Dieu qui estoit en nous avant l'Incarnation du Sauveur ne fust grandement distante de la vraye ressemblance de Celuy que nous representions et duquel nous estions les portraits; car quelle proportion y a-t-il, je vous prie, entre Dieu et la creature? Les couleurs de ce portrait estoyent infiniment blasfardes et decolorées; il n'y avoit simplement que quelques traits, quelques petits lineamens, ainsy que l'on voit en un portrait ou en un tableau qui est seulement esbauché, et où les couleurs n'estans encores posées, on n'y remarque qu'un air bien petit et bien mince de celuy qu'il represente.

  A010000673 

 Or dites-moy donques, l'amour cordial que nous nous devons porter les uns aux autres quel doit-il estre, puisque Nostre Seigneur nous a tous esgalement reparés et faits semblables à luy sans en exclure aucun? On doit neanmoins tousjours se resouvenir qu'il ne faut pas aymer au prochain ce qui est contraire à cette divine ressemblance ou qui peut ternir ce portrait sacré; mais hors de là, ne devrions-nous pas, mes cheres ames, aymer cherement celuy qui nous represente si au vif la personne sacrée de nostre Maistre? N'est-ce pas un des plus pregnans motifs que nous sçaurions avoir pour nous aymer d'un amour extremement ardent? Hé, quand nous voyons nostre prochain ne devrions-nous pas faire comme le bon Raguel quand il vit le jeune Tobie? Celuy-cy, estant allé en Rages par le commandement de son pere, fit rencontre de ce bon homme Raguel, lequel le regardant: Hé, dit-il à sa femme, mon Dieu, que ce jeune homme me represente bien nostre cousin Tobie! Sur quoy il luy demanda d'où il estoit et s'il ne connoissoit point Tobie; à quoy l'Ange qui le conduisoit respondit: Celuy cy à qui vous parlez est son fils; je vous laisse à penser si nous le connoissons! Lors le bon Raguel, tout transporté d'ayse, l'embrassa, et le caressant et baysant fort tendrement: O mon enfant, s'escria-t-il, que tu es fils d'un bon pere et que tu ressembles à un grand homme de bien! Puis il le receut en sa mayson et le traitta merveilleusement bien selon l'affection qu'il portoit à son cousin Tobie..

  A010000675 

 De ces paroles nous tirons la connoissance du degré auquel doit parvenir nostre amour mutuel et à quelle perfection il doit monter, qui est de donner les uns pour les autres ame pour ame, vie pour vie, bref tout ce que nous sommes et tout ce que nous avons hors le salut; car Dieu veut que cela seul soit excepté.

  A010000675 

 Mais marchez-y, dit-il en poursuivant, comme Jesus Christ y a marché, lequel a donné sa vie pour nous, et s'est offert pour nous à son Pere comme holocauste et hostie en odeur de suavité.

  A010000676 

 Il faut que nous en fassions de mesme, dit le saint Apostre, c'est à dire que nous fabriquions nostre croix, que nous souffrions les uns des autres comme le Sauveur nous l'a enseigné, que nous donnions nostre vie pour ceux mesmes qui nous la voudroyent oster, comme il fit si amoureusement; que nous l'employions pour le prochain non seulement ès choses aggreables, mais ès [275] plus penibles et desaggreables, telles que de supporter amoureusement ces persecutions qui pourroyent en quelque façon attiedir nostre amour envers nos freres..

  A010000677 

 Cela est bien bon, dit saint Bernard, mais ce n'est pas assez, il faut passer plus outre.

  A010000677 

 Cela est davantage et desja meilleur, mais encores n'est-ce pas assez.

  A010000677 

 En quoy il nous enseigne que de s'employer, voire jusqu'à donner sa vie pour le prochain, n'est pas tant que de se laisser employer au gré des autres, ou.

  A010000678 

 C'est ce qu'il avoit appris de nostre doux Sauveur, lequel s'estant employé soy mesme pour nostre salut et pour nostre redemption, se laissa par apres employer pour parfaire cette redemption et nous acquerir la vie eternelle, se laissant attacher à la croix par ceux-là mesmes pour lesquels il mouroit.

  A010000679 

 C'est à ce souverain degré de perfection que les Religieux et Religieuses, et nous autres qui sommes consacrés au service de Dieu, c'est à ce degré de l'amour du prochain, dis-je, que nous sommes appellés et auquel nous devons pretendre de toutes nos forces.

  A010000679 

 Mieux vaut tousjours sans comparaison ce que l'on nous fait faire (j'entens ce qui n'est point contraire à Dieu et qui ne l'offense point), que ce que nous faisons ou choisissons de nous mesmes..

  A010000679 

 Quand nous nous employons nous mesmes, ce que nous faisons par le choix de nostre volonté ou par nostre election apporte tousjours beaucoup de satisfaction à nostre amour propre; mais à nous laisser employer ès choses que l'on veut et que nous ne voulons pas, c'est à dire que nous ne choisissons pas, c'est là où gist le souverain degré de l'abnegation que nostre Seigneur et Maistre nous a enseigné en mourant.

  A010000680 

 Il s'est offert en holocauste: ce fut lors qu'estant sur la croix il respandit jusqu'à la derniere goutte de son sang sur la terre, comme pour faire un ciment sacré duquel il devoit et vouloit cimenter, unir, joindre et attacher l'une à l'autre toutes les pierres de son Eglise, qui sont les fidelles, à fin qu'ils fussent tellement unis, que jamais il ne se trouvast aucune division entre eux, tant il craignoit que cette division ne leur causast la desolation eternelle.

  A010000680 

 O combien ce motif est pregnant pour nous inciter à [277] l'amour de ce commandement et à son exacte observance: nous avons esté esgalement arrousés de ce sang pretieux, comme d'un ciment sacré, pour serrer et unir nos cœurs les uns aux autres! O que la bonté de nostre Dieu est grande!.

  A010000681 

 Nostre Seigneur a encores esté offert ou s'est offert pour nous à Dieu son Pere comme hostie en odeur de suavité.

  A010000681 

 Quelle divine odeur ne respandit-il pas devant la divine Majesté lors qu'il institua le tres saint Sacrement de l'autel, auquel il nous tesmoigna si admirablement la grandeur de son amour! Ce fut un parfum incomparable que cet acte de perfection incomprehensible par lequel il se donna à nous qui estions ses ennemis et qui luy causions la mort, et ce fut alors qu'il nous octroya le moyen de parvenir où il nous desiroit, à sçavoir d'estre faits un avec luy, comme luy et son Pere ne sont qu' un, c'est à dire une mesme chose.

  A010000682 

 Jusqu'où s'est abaissée la grandeur de Dieu pour un chacun de nous et jusqu'où nous veut-il eslever? Nous unir si parfaittement à soy qu'il nous rende une mesme chose avec luy! C'est ce que Nostre Seigneur a voulu, pour nous enseigner que comme nous avons tous esté aymés d'un mesme amour par lequel il nous embrasse tous en ce tres saint Sacrement, aussi veut-il que nous nous aymions de ce mesme amour qui tend à l'union, mais à une union des plus grandes et plus parfaites qu'il se peut dire.

  A010000682 

 Nous sommes tous nourris d'un mesme pain, qui est ce pain celeste de la divine Eucharistie, la manducation duquel s'appellant Communion, nous represente, comme nous avons dit, la commune union que nous devons avoir ensemble, union sans laquelle nous ne meriterons pas de porter le nom d' enfans de Dieu, puisque nous ne luy sommes pas obeissans..

  A010000683 

 Mais entre tous ses preceptes il n'en est point qu'il ayt tant inculqué ni dont il ayt tesmoigné desirer une si exacte observance que celuy de l'amour du prochain; non pas que celuy de l'amour de Dieu ne le precede, mais d'autant que pour la prattique de celuy de l'amour du prochain la nature ayde moins que pour l'autre, il estoit besoin que nous y fussions excités en une façon plus particuliere..

  A010000683 

 Or, nous [278] avons un Pere meilleur que tout autre et duquel toute bonté derive; ses commandemens ne peuvent estre que tres parfaits et salutaires, c'est pourquoy nous le devons imiter le plus parfaittement qu'il se peut, et obeir de mesme à ses divines ordonnances.

  A010000684 

 Aymons-nous donques de toute l'estendue de nos cœurs pour plaire à nostre Pere celeste, mais aymons-nous raysonnablement: c'est à dire, que nostre amour soit conduit par la rayson qui veut que nous aymions plus l'ame du prochain que son corps; puis que nous aymions encores le corps, et ensuite par ordre tout ce qui appartient au prochain, chaque chose selon qu'elle le merite, pour la conservation de cet amour..

  A010000685 

 Nostre divin Maistre est le grand Prestre sur lequel a esté incomparablement respandu cet onguent pretieux et odoriferant de la tres sainte dilection, soit envers Dieu soit envers le prochain; nous autres, nous sommes comme ses cheveux et comme autant de poils de sa barbe.

  A010000685 

 Ou bien nous pouvons considerer les Apostres comme estant la barbe de Nostre Seigneur, qui est nostre Chef et dont nous sommes les membres, d'autant qu'ils furent comme attachés à sa face, puisqu'ils virent ses exemples, ses œuvres, et receurent ses enseignemens immediatement de sa bouche [279] sacrée.

  A010000686 

 C'est au pied de cette Croix que nous devrions nous tenir continuellement, comme au lieu auquel les imitateurs de nostre souverain Maistre et Sauveur font leur plus ordinaire demeure; car c'est de là qu'ils reçoivent cette liqueur celeste de la sainte dilection qui sort à grans randons, comme une divine source, des entrailles de la divine misericorde de nostre bon Dieu qui nous a aymés d'un amour si fort, si solide, si ardent et si perseverant que la mort mesme ne l'a pas peu attiedir, ains au contraire l'a infiniment rehaussé et aggrandi.

  A010000691 

 En la premiere partie de l'Evangile, sur laquelle je dois et me veux arrester, il est fait mention de la guerison de la belle mere de saint Pierre, operée par Nostre Seigneur en Capharnaùm.

  A010000691 

 Voyci le contenu de l'histoire: nostre divin Maistre estant en cette ville où il publioit les effects et grandeurs de la providence de son Pere celeste, apres avoir fait plusieurs guerisons et delivré un demoniaque, c'est à dire une personne tourmentée du diable, il entra en la mayson de Simon et d'André et guerit la belle mere de Pierre qui estoit travaillée des fievres.

  A010000692 

 Plusieurs esprits bigearres en ont tiré qu'il failloit donques qu'en ce temps là saint Pierre ne gardast pas le celibat, et les huguenots ont dit que puisqu'il avoit une belle mere il devoit quant et quant avoir une femme, et partant qu'il estoit pour lors marié; ce qui n'est point, car il n'eust peu suivre Nostre Seigneur s'il eust esté chargé d'une femme..

  A010000694 

 Elle le reconnoist bien tousjours pour son Seigneur, il est vray; neanmoins elle a un seigneur subalterne à qui elle appartient aussi et pour qui elle a de l'amour, et partant son cœur n'est pas entierement à Jesus Christ, il est partagé, il est divisé.

  A010000694 

 Mais les ecclesiastiques qui se sont tout à fait dediés à Dieu ne doivent point avoir d'autre Seigneur que luy; c'est pourquoy ils se separent de la creature quant à cette union qui se fait avec elle par le mariage, à fin de s'unir plus estroittement [282] avec leur Dieu; car le Sacrement de Mariage est une union de la creature avec la creature, et celuy de l'Ordre ecclesiastique est en quelque façon une desunion de la creature d'avec la creature.

  A010000695 

 Quant à ce qui est dit que Jesus entra en la mayson de Simon, il ne faut pas entendre que ce glorieux Saint s'en fust reservé une ou qu'il eust encores une famille.

  A010000696 

 Certes, telles gens ne croyent point à cet article du Symbole, puisque c'est une chose tres certaine que, comme nous participons icy bas aux prieres les uns des autres, ces mesmes prieres et bonnes œuvres profitent aux ames du Purgatoire qui en peuvent estre aydées.

  A010000696 

 De plus, elles et nous avons part aux oraisons des Bienheureux qui sont en Paradis; et c'est en cela que consiste cette communion des Saints qui nous est representée en la guerison de nostre malade, [283] qui ne fut point delivrée par ses prieres, mais par celles des Apostres qui prierent pour elle..

  A010000696 

 Et non seulement cette communion se fait ça bas en terre, mais elle s'estend jusques à l'autre vie; celuy là est donc bien sot et hebeté qui, voulant croire la communion des Saints en la terre, ne veut pas croire qu'elle passe jusques au Ciel.

  A010000696 

 Pour ce qui est escrit que les Apostres, à sçavoir Pierre, André, Jean et Jacques, s'assemblerent pour demander la guerison de la belle mere de Simon, c'est une chose bien considerable; car cette demande nous represente la communion des Saints par laquelle le corps de l'Eglise est tellement uni que tous ses membres participent au bien de chacun: de là vient que tous les Chrestiens ont part à toutes les prieres et bonnes œuvres qui se font en la sainte Eglise.

  A010000697 

 Lors que Nostre Seigneur commanda à la fievre de la quitter il monstra sa toute puissance, faisant voir qu'il estoit maistre de la maladie comme de la santé et que c'est à luy à qui toutes choses obeissent.

  A010000697 

 Mais il reprint la fievre et se courrouça contre elle en la chassant, comme s'il eust voulu dire: Comment ose-t-elle demeurer au lieu où est le Medecin et la medecine de vie? Que ne s'enfuit-elle en ma presence sans attendre que je luy en fasse le commandement? Il est escrit que Dieu se courrouça contre la mer Rouge de ce qu'elle ne s'estoit pas dessechée; comme si l'on vouloit dire: La volonté de Dieu estant que la mer Rouge fust à sec, il la reprint, l'arguant de ce qu'elle ne s'estoit dessechée avant mesme qu'il le luy eust commandé.

  A010000698 

 Mais j'ay pensé de ne point traitter aujourd'huy de celles là, ains des corporelles dont les Religieux et Religieuses ne sont pas plus exempts que les autres, car ces maladies corporelles vont dans les Religions aussi bien que dans le monde; et puis c'est de celles-cy qu'il est question dans nostre Evangile, et c'est une chose de grande importance de sçavoir comme il en faut bien user.

  A010000698 

 Quant à ce qui est des maladies spirituelles, elles sont en si grand nombre que si j'entreprenois d'en parler je n'aurois jamais fait, d'autant plus qu'elles sont l'exercice de toute l'année; et, bien que les Religieuses soyent exemptes de quelques unes, neanmoins elles ne le sont pas de toutes.

  A010000699 

 Or, plusieurs esprits bigearres et niais ont fait des heresies sur ces paroles, croyant, voire disant que Melchisedech n'estoit point un homme, qu'il n'avoit pas un vray corps comme nous, et luy ont quant et quant voulu attribuer la divinité, comme s'il eust esté Dieu, ce qui est faux; car, d'apres saint Paul, c'estoit un homme juste et paisible, et n'y a point de difficulté qu'il ne fust semblable aux autres.

  A010000700 

 Il y en a encores beaucoup en ce temps icy qui conduisent les ames, et d'autres à qui le Saint Esprit depart aussi de saintes et devotes pensées, lesquelles ils nous dressent pour nostre usage; car le mesme Dieu qui estoit hier est encores aujourd'huy pour faire tout autant de graces et faveurs aux hommes de cet aage comme à nos peres anciens..

  A010000700 

 La premiere est de se servir des considerations pieuses dressées par plusieurs qui ont eu la conduite des ames, lesquels ont fait de belles conceptions tant sur la vie et mort de Nostre Seigneur que sur les autres mysteres de nostre foy, conceptions dont on peut user en la meditation.

  A010000700 

 On peut considerer la sainte Bible, c'est à dire les mysteres qu'elle contient, et principalement les Evangiles, en deux manieres.

  A010000701 

 C'est donques une imagination que nos peintres ont fait qui n'est non plus veritable que celle par laquelle quelques uns peignent le bon larron attaché à la croix avec des doux, ce qu'ils ne veulent pas faire du mauvais, comme s'il ne le meritoit pas; et telles autres suppositions sur la Sainte Escriture, lesquelles sont heteroclites et dangereuses et dont il faut user sobrement; de mesme de ce qu'on pretend des trois Maries..

  A010000701 

 En cette façon de mediter il se faut beaucoup servir [285] de l'imagination et ratiocination, c'est à dire se representer diverses choses selon l'Evangile ou le mystere que l'on medite, comme ont fait plusieurs que l'on peut pieusement croire.

  A010000702 

 Mais l'on ne s'est pas contenté de ce qu'ils ont laissé, ains on a fait plusieurs autres imaginations; c'est icy où il faut prendre garde pour n'en pas user dans la meditation à tort et à travers, selon nostre fantasie, ains sobrement, selon l'advis de [286] nos directeurs et de ceux qui nous conduisent, ou selon qu'il est marqué dans les livres bien approuvés qui nous mettent hors de doute et danger.

  A010000702 

 Voyla quant à cette premiere façon de mediter, qui est bonne et que je ne desapprouve nullement, car plusieurs grans et saints personnages l'ont prattiquée et la pratiquent encores; aussi est-elle excellente quand on s'en sert comme ils l'ont fait..

  A010000703 

 C'est en cette sorte, pour revenir à nostre exemple, que saint Paul parle de Melchisedech quand il escrit qu'il estoit sans pere, sans mere, sans genealogie, sans commencement et sans fin.

  A010000703 

 La seconde maniere est de ne point faire d'imaginations, mais de se tenir au pied de la lettre, c'est à dire de se contenter de mediter purement et simplement les Evangiles et les mysteres de nostre foy.

  A010000703 

 Mais parce qu'il n'est rien dit en la Sainte Escriture des pere et mere, de la genealogie, de la naissance ni de la mort de Melchisedech, saint Paul n'en veut rien declarer ni rien adjouster à la lettre, il ne veut rien dire de ce qui n'est pas escrit; c'est pourquoy il parle de la sorte de ce saint personnage..

  A010000703 

 Or, cette façon icy est plus haute et meilleure que la premiere, et si, elle est plus simple et plus asseurée.

  A010000704 

 C'est en cette façon que je veux traitter de nostre febricitante, me tenant à la lettre du Texte sacré.

  A010000704 

 Certes, cette femme est admirable en la façon qu'elle porta sa maladie corporelle, et je trouve en l'Evangile que nous lisons aujourd'huy à la Messe qu'elle prattiqua un grand [287] nombre de vertus; mais celle que j'ay plus admirée c'est cette grande remise qu'elle fait d'elle mesme à la providence de Dieu et aux soins de ses superieurs.

  A010000704 

 Chacun sçait toutefois combien grand est le mal de l'inquietude, et nos delicats en rendent tesmoignage; quand ils n'ont pas dormi leurs neuf heures ils ne font que se plaindre: Hé, disent-ils, nous avons esté tout inquietés.

  A010000704 

 Comme elle est tranquille et paisible! Voyez-vous, elle avoit une grande fievre qui la retenoit dans le lit et la travailloit grandement, d'autant que c'est le propre de cette maladie; neanmoins elle demeure sans aucune inquietude et sans en donner à ceux qui estoyent aupres d'elle; car l'Evangeliste n'en fait aucune mention, ains dit seulement qu'elle estoit dans son lit avec la fievre.

  A010000704 

 L'inquietude est un mal dont pour l'ordinaire les febricitans sont grandement agités; il les empesche de reposer et fait qu'ils s'ennuyent et qu'ils ne trouvent playsir à quoy que ce soit; il faut remuer le ciel et la terre pour les soulager, et tout cela ne leur sert de rien..

  A010000705 

 Or, cette grande remise de nostre febricitante entre les mains de ses superieurs est cause qu'elle ne s'inquiete point, qu'elle ne se met point en soucy de sa santé ni de sa guerison; elle le laisse à ceux qui la gouvernent, se contentant de demeurer dans son lit et de souffrir sa maladie avec douceur et patience.

  A010000706 

 Cette charité est plus forte et presse de plus pres que la nature, elle n'espargne rien; c'est donc pur ce motif que les Superieurs et Superieures des Religions pourvoyent aux necessités de ceux qu'ils ont en charge.

  A010000707 

 Elle ne crie point: Seigneur, fils de David, ayez pitié de moy; ou: Seigneur, dites seulement la parole, et mon ame sera guerie, c'est à sçavoir, je recouvreray la vie, la santé.

  A010000707 

 Mais ce qui est encores plus admirable, c'est qu'elle le voit dans sa mayson, elle le regarde et il la regarde; et si, elle ne luy dit pas un mot de sa maladie pour l'exciter à avoir pitié d'elle.

  A010000709 

 Il leur mande qu'il n'est point loysible aux Freres de saint Anastase de penser aux remedes propres à recouvrer la santé, ni moins de les demander; qu'ils ne doivent point sçavoir quelle medecine il leur faut prendre, ni s'ils ont besoin [290] ou non de la saignée.

  A010000709 

 Ils ne doivent user ni de medecin ni de medecine; cela estant propre aux gens du monde de faire venir avec grand empressement les medecins, et d'employer frequemment des remedes, mais aux moines il ne leur est point licite.

  A010000710 

 Cecy est bien considerable; car si ce saint Pere leur eust mandé qu'il leur parloit selon son sentiment, il n'eust pas esté si austere; mais non: Je ne vous parle point, asseure-t-il, selon mon sentiment, «mais en ce que je vous dis, il me semble que j'ay l'Esprit de Dieu.».

  A010000710 

 Saint Bernard paroist bien austere en cecy, mais il l'est encores davantage en ce qu'il leur escrit par apres en la mesme epistre: Que s'il vous semble que je sois trop rigoureux, je vous diray qu'en ce que je vous dis, j'ay l'Esprit de Dieu et que c'est avec iceluy que je vous parle.

  A010000711 

 Ailleurs il respond à l'objection de ceux qui luy pouvoyent repliquer que l'Apostre saint Paul, qui avoit pourtant l'Esprit de Dieu, commandoit à son disciple Timothée de boire du vin quand il luy escrivoit en cette sorte: Mon cher fils et tres aymé frere, nous vous ordonnons de laisser de boire de l'eau et de vous servir d'un peu de vin pour fortifier vostre estomach qui est affoibli par l'eau que vous avez beu.

  A010000711 

 L'on n'est pas si rigoureux maintenant comme autrefois; chacun veut avoir l'usage du vin et se servir des medecines et desmedecins..

  A010000711 

 Si vous m'objectez, dit saint Bernard, que l'Apostre enjoignit l'usage du vin à Timothée, je vous respondray qu'il sçavoit bien que Timothée estoit Timothée; «donnez-moy donc un Timothée en ce temps cy, et nous luy permettrons» le vin, voire nous luy en ordonnerons l'usage, et non seulement du vin, mais encores «de l'or potable» s'il en est besoin.

  A010000712 

 Elle sçavoit bien que Dieu n'estoit point ni la premiere, ni la seconde, ni la troisiesme cause de sa maladie, car il ne l'est en façon quelconque, d'autant que n'estant pas la cause du peché, aussi ne l'est-il pas de la maladie.

  A010000712 

 Il est vray aussi que l'on est bien plus tendre et douillet qu'autrefois; et ce seroit encor peu si l'on usoit seulement des medecines et des medecins selon que nos Superieurs l'ordonnent.

  A010000712 

 Il est vray que ces choses ne sont pas si rares en nostre aage qu'elles l'estoyent pour lors; car il n'y avoit que fort peu de medecins et quelquefois un seul en toute une province, de sorte que quand on le vouloit trouver ou consulter il failloit courir de costé et d'autre, ce qui ne se pouvoit faire sans grans frais: l'on n'en pouvoit avoir un à moins de cent escus.

  A010000712 

 Les medicamens aussi estoyent grandement chers; c'est peut estre la cause pour laquelle les anciens Religieux s'en servoyent si peu.

  A010000712 

 Mais comme il permet le peché, il envoye les infirmités pour nous chastier et purifier d'iceluy; alors il se faut sousmettre à sa justice et à sa misericorde, et nous tenir dans un humble silence qui nous fasse tranquillement embrasser les evenemens de sa providence, comme faisoit David, lequel disoit dans ses afflictions: J'ay souffert et me suis teu, parce que je sçay que c'est vous qui me les avez envoyées pour me chastier et me purger de mon iniquité..

  A010000712 

 Mais l'on ne se contente pas de cela, ains on veut se gouverner selon sa fantasie: on a tant de soin de soy! On s'inquiete et s'empresse à rechercher des moyens pour sa guerison, on voudroit volontiers sçavoir tout ce qui nous est propre ou non, connoistre tous les remedes du monde pour s'en servir, et pretendroit-on que chacun s'y employast.

  A010000714 

 Elle tesmoigne par là qu'elle est autant contente de l'une que de l'autre, et qu'elle ne veut point estre quitte de sa fievre que lors qu'il plaira à son Dieu.

  A010000714 

 Nostre febricitante est admirable, car non seulement elle ne publie pas son mal, elle ne s'amuse point à en parler ni ne se met en devoir d'envoyer querir le medecin; mais, chose estrange, Nostre Seigneur estant en sa mayson comme un souverain Medecin qui la pouvoit guerir, elle ne luy dit mot touchant sa maladie; voire, elle ne le veut pas regarder en qualité de medecin, ains seulement comme son Dieu à qui elle appartient et en la santé et en la maladie.

  A010000715 

 C'est assez qu'il le sçache et qu'il nous voye en nostre infirmité; il le faut laisser faire, et, sans nous mettre en devoir de pourvoir à ce qui est requis pour nostre guerison, nous abandonner à nos Superieurs et leur en laisser le soin, ne nous meslant d'autre chose que de bien porter nostre mal tant qu'il plaira à Dieu.

  A010000715 

 Il ne suffit pas d'estre malade parce que telle est la volonté de Dieu, mais il le faut estre comme il le veut, quand il le veut et autant et comme il luy plaist, nous remettant, pour la santé, à ce qu'il en ordonnera, sans luy rien demander.

  A010000716 

 Le second est la douceur, resignation et modestie de cette femme, et le troisiesme, le soin qu'elle eut de faire profit de sa maladie; car elle se leva quand Nostre Seigneur eut chassé sa fievre et le servit à table.

  A010000717 

 Neanmoins il est beaucoup mieux de ne luy rien demander, et de nous contenter qu'il sçache nostre mal et combien de temps il y a qu'il nous travaille..

  A010000717 

 Quoy qu'il soit bon, quand c'est pour mieux servir Nostre Seigneur, de luy demander la santé comme à Celuy qui la nous peut donner, toutefois il le faut faire avec cette condition, si telle est sa volonté, car nous devons tousjours dire: Fiat voluntas tua; Ta volonté soit faite.

  A010000718 

 Certes, il est bon de recourir à Dieu, mais pour l'ordinaire cela se fait avec tant d'imperfection que c'est pitié; l'on en a mesme veu commettre de notables pour ce sujet par des grans personnages, comme il arriva à un Roy de France: c'estoit Louys unziesme.

  A010000718 

 Il commit ainsy cette grosse imperfection; et l'on est fort sujet d'en commettre de semblables en telles occasions..

  A010000720 

 C'est icy ma troisiesme consideration.

  A010000720 

 C'est pourquoy il est requis de les retirer dans une infirmerie à part, de les traitter de viandes particulieres et de leur faire plusieurs dorlotteries jusqu'à ce qu'elles en soyent bien relevées.

  A010000720 

 Certes, elle monstra une grande vertu et le profit qu'elle avoit fait de sa maladie; car comme elle l'avoit soufferte avec tant de resignation pour Nostre Seigneur, si tost qu'elle en est quitte, elle ne veut user de sa santé que pour le service d'iceluy.

  A010000720 

 Nostre febricitante ne fait point tout cecy, ains elle sert Nostre Seigneur aussi tost qu'elle est guerie..

  A010000722 

 En somme, il faut observer en icelles la regle generale, qui est de ne rien demander et ne rien refuser, mais se remettre entre les mains de nos Superieurs, leur laissant le soin de pourvoir aux medecins, aux remedes et à tout ce qui est requis pour nostre santé et soulagement.

  A010000722 

 Le premier degré de cette pauvreté, dit saint Bonaventure, c'est de n'avoir point de demeure et de mayson qui nous soit propre et selon nostre goust; le second, de ne point avoir de vestement et de nourriture asseurée au temps de la santé; le troisiesme, c'est, estant malade, de ne sçavoir où se retirer, de n'avoir point de giste pour se loger, point de viandes pour subvenir à la necessité, ni aucunes qui soyent à nostre gré, en un mot, d'estre delaissé et abandonné de tout secours à la fin de nostre vie, et parmi cela, de ne rien demander pour nostre soulagement ni rien refuser, lors mesme que ce qui nous seroit donné ne nous aggreeroit pas..

  A010000722 

 Ne rien refuser ni des viandes, ni des medecines, ni d'aucun [296] traittement que l'on nous fasse, car c'est en cela que consiste la pauvreté evangelique.

  A010000723 

 Aussi cette grande Sainte ne pouvant mourir en effect en cette pauvreté evangelique, y mourut du moins par desir et affection; et à ces deux saintes ames, comme à tous ceux qui les imitent, on peut dire: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux.

  A010000723 

 C'est ce qui a esté exactement prattiqué en cet aage par un grand Saint et une grande Sainte: par l'un en effect, et par l'autre en desir et affection.

  A010000723 

 Je veux parler du bienheureux François Xavier, que l'on est sur le point de canonizer pour sa grande sainteté de vie, lequel à l'heure de la mort ne trouva ni mayson, ni viandes propres à se sustenter, car il mourut pres de la Chine, en un pauvre lieu, abandonné de tout secours humain; et au milieu de tout cela, le cœur de ce grand serviteur de Dieu se fondoit de joye de se voir reduit en tel estat.

  A010000739 

 L'histoire que la tres sainte Eglise nous represente en l'Evangile d'aujourd'huy est un tableau dans lequel sont depeints mille beaux sujets propres à nous faire admirer et louer la divine Majesté; mais ce tableau nous represente sur tout la providence admirable, tant generale que particuliere, que Dieu a pour les hommes, et nommement pour ceux qui l'ayment et qui vivent selon ses volontés dans le Christianisme..

  A010000740 

 Dieu exerce il est vray cette providence envers toutes les creatures et specialement envers les hommes, tant payens et heretiques qu'autres quels qu'ils soyent, car autrement ils periroyent indubitablement; pourtant, il faut sçavoir qu'il a une providence beaucoup plus particuliere pour ses enfans qui sont les Chrestiens.

  A010000742 

 O que c'est une bonne [299] marque à un Chrestien de se plaire à entendre la parole de Dieu et de quitter tout pour le suivre! On peut sans doute pretendre et parvenir à la perfection en demeurant au monde et faisant soigneusement ce qu'on doit faire selon sa vocation; mais pourtant c'est une chose tres certaine que le Sauveur n'exerce pas envers ceux-là une providence si speciale, ni n'en a pas une sollicitude si particuliere comme de ceux qui abandonnent encores tout le soin d'eux mesmes pour le suivre plus parfaitement.

  A010000742 

 Tandis que nous avons soin de nous mesmes, je dis un soin plein d'inquietude, Nostre Seigneur nous laisse faire; mais quand nous le luy laissons il le prend tout à fait, et à mesure que nostre despouillement est grand ou petit sa providence l'est de mesme envers nous..

  A010000743 

 Je ne dis pas tant cecy pour ce qui est des choses temporelles comme pour les spirituelles; luy mesme l'enseigna à sa bien aymée sainte Catherine de Sienne: «Pense en moy,» luy dit-il, «et je penseray en toy.» O qu'heureuses sont les ames qui sont si amoureuses de Nostre Seigneur que de bien suivre cette regle de penser en luy, se tenant fidellement en sa presence, escoutant ce qu'il nous dit continuellement au fond du cœur, obeissant à ses divins traits et attraits, mouvemens et inspirations, respirant et aspirant sans cesse au desir de luy plaire et d'estre sousmises à sa tres sainte volonté; pourveu toutefois que cela ne soit point sans cette divine confiance en sa toute bonté et en sa providence, car il nous faut tousjours demeurer tranquilles, et non point troublés ni pleins d'anxieté apres la recherche de la perfection que nous entreprenons..

  A010000746 

 C'est pourquoy il a ordonné que nous fussions sustentés et nourris par le moyen des dismes qui se recueillent sans sollicitude; je veux dire nous autres qui, estans consacrés à son service, sommes les oyseaux propres à recreer sa divine Bonté par le [301] moyen de nostre chant et des continuelles louanges que nous luy donnons.

  A010000746 

 Entre les hommes c'en est de mesme.

  A010000746 

 L'Eglise est la mayson du Pere de famille qui est Nostre Seigneur et Maistre; il a un soin tres grand de pourvoir aux necessités de tous les fidelles qui y sont associés, avec cette difference neanmoins, qu'entre eux tous il en choisit quelques uns qu'il veut estre tout à fait employés à chanter ses louanges et qui pour cela soyent desgagés de tout autre soin.

  A010000747 

 Mais en verité nous pouvons bien dire ce qui est dans le saint Evangile: Plusieurs sont appelles, mais peu sont esleus; plusieurs aspirent à la perfection, mais peu y parviennent, d'autant qu'ils ne marchent pas comme il faudroit, ardemment mais tranquillement, soigneusement mais confidemment, c'est à dire, plus appuyés sur la divine Bonté et sur sa providence que non pas sur eux mesmes et sur leurs œuvres.

  A010000747 

 Tous y sont appellés, puisque Nostre Seigneur a dit parlant à tous: Soyez parfaits comme vostre Pere celeste est parfait.

  A010000748 

 Dieu fera plustost des miracles que de laisser sans secours, tant spirituel que temporel, ceux qui se confient pleinement en sa divine providence; mais neanmoins il veut que nous fassions de nostre costé ce qui est en nous, c'est à dire il veut que nous nous servions des moyens ordinaires pour nous perfectionner, [302] au defaut desquels il ne manquera jamais de nous secourir.

  A010000748 

 Les enfans d'Israël n'eurent pas la manne jusques à tant qu'ils n'eurent plus de la farine d'Egypte; et cecy est le second point.

  A010000751 

 De mesme en est-il des tribulations purement spirituelles, qui sont ces degousts, aridités, secheresses, aversions et repugnances au bien que les ames les plus adonnées au service de Dieu ressentent fort souvent.

  A010000751 

 En fin l'exercice de la vertu m'est si difficile que je ne sçay plus que faire; je suis affligée plus qu'il ne se peut dire, et n'ay pas assez de paroles propres pour exprimer l'incomparable peine que je souffre..

  A010000751 

 Les passions m'inquietent grandement, je ne puis rien souffrir sans repugnance interieure, tout m'est extremement pesant; j'ay un si grand desir d'acquerir l'humilité, et cependant je sens une si grande aversion à estre humiliée; je n'ay point cette tranquillité interieure qui est si aymable, d'autant que les continuelles distractions m'importunent fort.

  A010000752 

 Chose estrange que de l'esprit humain: cela n'est rien! Et que voudriez-vous donques de plus? que Dieu vous envoyast un Ange pour vous consoler? O il ne le fera pas; vous n'avez pas cneores jeusné trois jours et trois nuits pour le suivre sur la montagne de la perfection, pour à laquelle parvenir il faut que vous vous oubliiez vous mesme, laissant à Dieu le soin de vous consoler ainsy que bon luy semblera, ne vous mettant en peine ni en soucy d'autre chose que d'aller apres luy en escoutant sa parole comme ce bon peuple..

  A010000752 

 Il est bien vray, dit saint André à Nostre Seigneur, qu' il y a icy un jeune enfant qui porte cinq pains d'orge et deux poissons; mais qu'est-ce que cela pour [304] tant de gens? Helas! disent ces pauvres ames attendries sur elles mesmes, mon affliction est telle que deux cens escus de consolations ne me suffiroyent pas.

  A010000752 

 Nous avons bien de bons livres spirituels, nous avons des predication nous avons du temps pour vaquer à l'oraison, voire mesme il me vient bien de bonnes affections; mais il n'est-ce que cela? Ce n'est rien.

  A010000753 

 Or, ces plaintes et ces tendretés que nous avons sur nous mesme, ces doleances, ces difficultés à la poursuite du bien commencé, qu'est-ce autre chose qu'un sujet vrayement digne de nous humilier et reconnoistre pour foibles et encores enfans en ce qui est de la vertu et de la perfection? Oh! il ne faut pas tant se regarder soy mesme, ains il faut penser en Dieu et le laisser penser en nous..

  A010000754 

 L'humilité sans generosité n'est qu'une tromperie et lascheté de cœur qui nous fait penser que nous ne sommes bons à rien et que l'on ne [305] doit jamais penser à nous employer à quelque grande chose; au contraire, la generosité sans humilité n'est que presomption.

  A010000754 

 Nous pouvons bien dire: Il est vray que je n'ay nulle vertu, ni moins les conditions propres pour estre employé à telle ou telle charge; mais apres il nous faut tellement mettre nostre confiance en Dieu que nous devons croire que quand il sera necessaire que nous les ayons et qu'il se voudra servir de nous, il ne manquera pas de nous les donner, pourveu que nous nous laissions nous mesme pour nous occuper fidellement à louer et procurer que nostre prochain loue sa divine Majesté, et que sa gloire soit augmentée le plus que nous pourrons..

  A010000756 

 Mais l'Evangeliste saint Marc, en l'histoire qu'il rapporte d'un autre miracle presque tout semblable à celuy cy, miracle qui n'est pas neanmoins le mesme, d'autant qu'il y avoit sept pains, ainsy qu'il le tesmoigne, et saint Jean escrit qu'il n'y en avoit que cinq en celuy de ce jour, saint Marc donc dit expressement que tous mangerent des sept pains et des deux poissons.

  A010000757 

 A la resurrection, comme se pourra-t-il faire qu'un chacun ressuscite en son mesme corps, puisque les uns [306] auront esté mangés par les vers, les autres par les bestes farouches, qui par les oyseaux, d'autres en fin auront esté bruslés et leurs cendres jettées au vent? Comme donques se pourra-t-il faire qu'en mesme temps que l'Ange appellera un chacun pour venir au jugement, tous, dis-je, en ce mesme instant, sans aucun delay, se releveront ressuscités en leur propre chair; raov, en ce corps que je porte à cette heure, lequel ressuscitera par la toute puissance de Dieu qui le produira de nouveau? car comme il ne luy a pas esté difficile de le produire tel qu'il est, il ne le sera pas davantage de le reproduire derechef..

  A010000759 

 Mon Dieu, qu'est-ce que cecy nous represente? Les Israëlites murmurateurs sont sustentés du pain des Anges, c'est à dire de cette manne qui estoit petrie par leurs mains; et ceux qui suivoyent Nostre Seigneur avec une affection nompareille et un cœur tout benin et despouillé du soin d'eux mesmes ne sont nourris avec luy que de pain d'orge.

  A010000760 

 Quant à moy je vous diray ma pensée sur la question que je m'en vay vous faire: à sçavoir mon, lequel vous aymeriez mieux, ou d'estre nourries d'un peu de pain cuit sous la cendre avec le Prophete Elie dans le desert de Bersabée, ou bien avec le mesme Prophete, des pains et de la chair qu'il reçoit du bec d' un corbeau pres du torrent de Carith? Je ne puis sçavoir vostre pensée, mais quant à moy je vous diray bien franchement que j'aymerois mieux de la main de l'Ange le pain cuit sous la cendre, que non pas le pain, pour blanc qu'il fust, ni de la chair m'estant apportés au bec d' un corbeau, qui est un oyseau infect et puant.

  A010000761 

 De mesme il ne veut pas que les Religieux retournent dans le monde pour rechercher de la consolation à fin d'entretenir leurs esprits, d'autant que c'est par son inspiration qu'ils sont venus en Religion; ains il veut les nourrir là dans ces deserts non de Bersabée mais de sa divine Majesté..

  A010000761 

 Les vrays amis de Dieu et ceux qui le suivent fidellement par tout où il va, poussés de l'amour ardent qu'ils portent à sa divine Majesté, et, pour dire en un mot, les Religieux et les Religieuses, qui ont fait profession de l'accompagner par les chemins les plus difficiles et aspres jusques sur la montagne de la perfection, doivent à l'imitation de ce peuple, n'avoir plus qu'un pied en la terre, tenant toute leur ame avec toutes ses puissances et ses facultés occupée aux choses celestes, laissant tout le soin d'eux mesmes à Nostre Seigneur au service duquel ils se [308] sont dediés et consacrés; partant ils ne doivent rechercher ni desirer autre chose que simplement ce qui est necessaire, et tout particulierement pour ce qui regarde les besoins spirituels; car quant aux temporels cela est tout clair, puisqu'ils ont abandonné le monde et toutes les commodités qu'ils avoyent d'y vivre selon leur volonté.

  A010000762 

 Il est vray que bien souvent ce n'est pas avec de la manne, qui avoit le goust qu'un chacun pouvoit desirer, mais avec un morceau de pain cuit sous la cendre ou bien avec un morceau de pain d'orge.

  A010000762 

 Je veux dire ainsy: Nostre Seigneur veut que ces ames choisies pour le service de sa divine Majesté se nourrissent aucunefois d'une resolution ferme et invariable de perseverer à le suivre parmi les degousts, les secheresses, les repugnances et les aspretés de la vie spirituelle, sans consolations, sans saveurs, sans tendretés, mais en une tres profonde humilité, croyant de n'estre pas dignes d'autre chose, prenant ainsy amoureusement ce pain non de la main d'un Ange ains de celle du Sauveur, qui nous le donne conformement à nostre necessité; car c'est une chose certaine que, si bien il n'est pas grandement savoureux au goust, il est neanmoins grandement proffitable à nostre santé spirituelle..

  A010000764 

 Helas, il est vray, car il n'y a rien de si foible et changeant que nous sommes.

  A010000764 

 Là nous ne pourrons jamais manquer de glorifier cette divine Majesté que nous aurons si cherement aymée et suivie, selon qu'il nous aura esté possible, par les deserts de ce monde miserable jusques au plus haut de la montagne de la perfection, où nous parviendrons tous par sa grace, pour l'honneur et gloire de Nostre Seigneur qui est nostre divin Maistre.

  A010000769 

 Cette cy se trouvoit à une petite lieue du Thabor, et là aupres, c'est à dire deux lieues plus loin, estoit la ville de Capharnaum où le Sauveur faisoit sa principale residence et auquel lieu il operoit de tres grans miracles.

  A010000769 

 Or Nostre Seigneur ayant honnoré cette ville en ce qu'il l'avoit choisie pour sa principale demeure, voulut aussi honnorer de sa presence celle de Naïm, laquelle quoy que petite, estoit neanmoins grandement belle; c'est pour cela qu'on la nommoit Naïm qui veut dire belle..

  A010000770 

 Ce jeune homme estoit fils unique de cette bonne vefve; non seulement son unique parce qu'elle n'avoit que luy, mais aussi parce qu'elle n'avoit point eu d'autres enfans: c'est pourquoy elle estoit grandement affligée de sa perte et pleuroit fort amerement.

  A010000771 

 La resurrection du Lazare fut encores un plus grand miracle, il est vray, et s'accomplit avec plus de ceremonies; mais le Sauveur le ressuscita à la requisition de ses sœurs.

  A010000772 

 C'est le propre de la bonté de se communiquer [312] car de soy mesme elle est communicative, et pour cet effect elle se sert de la misericorde et de la justice: de la premiere pour faire du bien, et de la seconde pour punir et arracher ce qui nous empesche de ressentir les effects de cette bonté de nostre Dieu dont la misericorde est sa justice, et la justice sa misericorde.

  A010000772 

 Cette bonté infinie de nostre Dieu a deux mains par lesquelles il fait toutes choses: l'une est sa misericorde, l'autre sa justice.

  A010000772 

 Tout ce que font sa misericorde et sa justice procede de sa bonté, car il est souverainement bon quand il use de sa justice comme quand il fait misericorde, il ne peut y avoir de justice ni de misericorde où il n'y a point de bonté: or, comme Dieu est tousjours en soy la bonté mesme, aussi est-il tousjours juste et misericordieux.

  A010000773 

 C'est ce que veut dire saint Jean en son chapitre premier: Le Verbe s'est fait chair et il a habité avec nous.

  A010000773 

 Mais despuis que le Verbe s'est incarné, il a conversé avec nous visiblement, il a habité parmi nous en sa chair; et pour nous monstrer cela, il s'est voulu servir d'icelle, c'est à sçavoir de son humanité, comme d'un outil ou instrument pour accomplir les œuvres qui appartenoyent à sa divinité..

  A010000774 

 Aussi, comme saint Hierosme l'escrit en ses epistres, la coustume de sepulturer les Chrestiens dans les eglises n'est venue qu'apres l'Incarnation du Fils de Dieu et ne s'est prattiquée que despuis la mort de Nostre Seigneur, d'autant que par cette mort nous a esté ouverte la porte du Ciel.

  A010000774 

 En troisiesme lieu, quant à ce qui est dit qu'il trouva ce mort à la porte de la ville, c'est qu'on le portoit [313] hors d'icelle, car en cette ancienne Synagogue l'on enterroit les morts hors des villes à cause de l'infection des corps et par crainte du mauvais air.

  A010000775 

 Cecy est un peu difficile à entendre, car qui appelle-t-il adolescent? Le defunct ne l'estoit pas ni quant au corps ni quant à l'ame, d'autant que l'ame n'est ni vielle ni jeune, elle ne croist ni ne descroist, elle n'est susceptible d'aucun temps; le corps n'estoit non plus adolescent, puisqu'estant mort ce n'estoit qu'une charogne.

  A010000775 

 Il est vray que ce jeune homme mort n'estoit pas adolescent, ni quant au corps ni quant à l'ame; aussi Nostre Seigneur ne l'appelle-t-il pas comme s'il l'estoit, mais comme une chose à qui il veut donner l'estre, monstrant en cela sa parole toute puissante et efficace qui fait ce qu'elle dit; car celuy qui n'estoit pas adolescent le fut aussi tost que le Sauveur eut prononcé ces mots: Adolescent, je te dis, leve-toy..

  A010000775 

 Or, si l'ame de cet homme trespassé n'est sujette à aucune vicissitude, et si le corps estant separé de son ame n'est plus qu'un cadavre, à qui donc nostre Sauveur parle-t-il en cette sorte: Adolescent, je te dis, leve-toy? Voicy l'esclaircissement de cette difficulté.

  A010000776 

 C'est avec une parole toute puissante que Dieu a creé le ciel et la terre, qu'il a tiré l'estre du non estre, d'autant que cette parole est operative, elle opere ce qu'elle dit, et de ce qui n'est pas, elle fait ce qui est.

  A010000776 

 Les morts n'entendent pas: qui donques luy respondra? Il parle aux morts tout ainsy que s'ils estoyent vivans, pour monstrer que la voix de Dieu n'est point seulement ouye de ceux qui ont des oreilles, mais encores par ce qui n'est pas; qu'il a puissance sur les choses creées et sur les increées, de sorte que s'il addressoit sa voix aux choses increées elles luy respondroyent, tant sa parole est efficace..

  A010000777 

 Et pourquoy l'Archange addresse-t-il ses paroles à ces cadavres tout reduits en cendre et poussiere? Ne sçait-il pas que les morts n'entendent rien? et s'il le sçait, pourquoy donc leur commandet-il ainsy: «Levez-vous, morts?» Comme se leveront-ils, puisqu'ils n'ont point de vie? Neanmoins c'est bien à ces carcasses mortes que l'Archange parle, et cette parole estant proferée par le commandement de Dieu, est tellement puissante et efficace qu'elle donne la vie à ceux qui ne l'ont pas; en disant elle opere ce qu'elle dit, et de ce qui n'est pas elle en fait ce qui est, si que ces morts qui estoyent reduits en cendre se leveront en corps et en ame, vrayement vivans, c'est à sçavoir ressuscités, tout ainsy que Nostre Seigneur ressuscita de soy mesme et par sa propre vertu au troisiesme jour..

  A010000778 

 Donques, si la parole non de plusieurs Anges, ains d'un seul Archange, proferée par le commandement de Dieu est si operatrice qu'elle donne l'estre à ce qui n'est point, pourquoy ne croirons-nous pas à toutes les paroles de Dieu? Pourquoy aurons-nous de la difficulté à croire que par icelles, qu'elles soyent dites par luy mesme ou par ceux à qui il en a donné la charge et le pouvoir, il ne puisse faire ce qui est de ce qui n'est pas, encores que nous ne le comprenions point? Et quelle difficulté y a-t-il en cet article de la resurrection des morts, puisqu'elle se fait par la toute puissance de Dieu?.

  A010000779 

 C'est ce qu'il estoit en quelque façon necessaire de declarer pour l'esclaircissement du texte de nostre Evangile, sur lequel je fais deux remarques.

  A010000780 

 A quoy nos saints Peres ont respondu que cela ne peut estre; car bien que les Chrestiens ne doivent point craindre la mort pource qu'ils doivent tousjours estre prests à bien mourir, neanmoins ils ne sçauroyent pour cela estre exempts de cette crainte; car qui est-ce qui sçait s'il est en estat pour bien faire ce passage, puisque pour bien mourir il faut estre bon? Et qui est asseuré d'estre bon, c'est à dire d'avoir la charité necessaire pour estre trouvé tel à l'heure de son trespas? Personne ne le peut sçavoir s'il n'en a receu une revelation particuliere; et encores ceux là qui en ont eu n'ont pas esté exempts de craindre la mort..

  A010000780 

 La premiere est à sçavoir mon, s'il faut craindre la mort ou non.

  A010000781 

 Et comme le disoyent-ils, puisque les plus courageux et sçavans philosophes d'entre eux, estans sur un basteau, sont demeurés tout pasles et transis voyant les flots et tourmentes de la mer qui les menaçoyent d'une mort prochaine? C'est ce que raconte saint Augustin, adjoustant les paroles que respondit l'un d'eux en cette occurrence: Vous autres estes des canailles et gens qui n'avez point de cœur et point d'ame à perdre, car vous les avez ja perdus; mais moy, dit-il, je redoute la mort parce que j'ay une ame et que je crains de la perdre.

  A010000782 

 Or, si ces gens voulant passer sur cette planche employent des bericles qui aggrandissent les objets, elles la luy representeront beaucoup plus large qu'elle n'est; si que s'asseurant là dessus ils se mettront en danger de poser les pieds hors d'icelle et par consequent de se perdre, car rencontrant le vuide ils tomberont dans le precipice.

  A010000783 

 C'est ce qui fait que les plus grans serviteurs de Dieu ont redouté ce passage comme une chose à la verité tres redoutable..

  A010000783 

 Helas! qui peut sçavoir s'il est digne d'amour ou de haine, s'il sera du nombre des esleus? Donques celuy qui ne craint point la mort est en tres mauvais estat et en grand peril, puisque nous sçavons que le lieu où nous irons apres icelle est eternel et que nous serons sauvés ou damnés eternellement.

  A010000783 

 Il la faut craindre, car qui n'en auroit peur, puisque tous les Saints l'ont redoutée, et mesme le Saint des Saints, nostre Sauveur? car la mort n'est pas naturelle à l'homme, ains il a esté condamné à icelle à cause de son peché.

  A010000784 

 Ainsy, quoy qu'il y ayt eu des Saints qui ont desiré et demandé la mort il ne faut pas penser qu'il ne l'ayent point apprehendée, car il n'y a personne, pour saint qu'il soit, qui ne l'ayt justement redoutée, si ce n'est ceux qui ont eu des asseurances toutes particulieres de leur salut par des revelations tres speciales..

  A010000784 

 Et que l'on ne me dise point que plusieurs Saints n'ont pas craint la mort, ains qu'au contraire ils l'ont souhaittée et demandée, voire se sont resjouis quand elle est venue, et que par consequent il ne la faut point apprehender non plus d'autant que cette crainte est pleine de frayeur.

  A010000784 

 Il est vray qu'il y a eu des Saints qui semblent l'avoir desirée, mais ce n'est pas qu'ils ne l'ayent crainte pour cela ni qu'ils n'ayent eu peur d'elle, car l'on peut bien desirer ce que l'on redoute et demander ce qu'on n'ayme pas.

  A010000784 

 Quel est le malade qui ne craigne le rasoir quand il faut que le chirurgien s'en serve pour luy couper un membre pourri à fin qu'il n'infecte et gaste les autres? Mais quoy qu'il le craigne il ne laisse pas de le souhaitter et mesme demander, de peur que la gangrene ne se mette à son membre gasté; c'est ce qui luy fait demander le rasoir qu'il craint, et se resjouir en quelque façon quand on l'approche.

  A010000785 

 Le premier est le grand Apostre saint Paul, qui receut des asseurances si certaines de la beatitude qu'il semble n'avoir eu nulle frayeur de la mort, car il dit [318] luy mesme: Je me sens pressé de deux desirs du tout contraires, lesquels me travaillent sans cesse et me font bien de la peine, dont l'un est de sortir de cette vie pour m'en aller jouir de la douce presence et veuë de mon Maistre.

  A010000785 

 Mais remarquez comme il parle avec asseurance disant que quand il sera dissous de son corps de mort il verra Dieu, car le desir qui le travaille est de voir son Maistre.

  A010000786 

 Je ne desire point la mort pour estre delivré des travaux que j'endure, o non, ce n'est point pour cela; ni moins encores pour estre quitte de la peine que [319] me cause la soif que j'ay de voir mon Seigneur, mais seulement je la souhaitte pour le voir, car je sçay bien qu'apres cette vie je le verray.

  A010000786 

 Notez cependant que par son autre souhait il marque cette condition, à sçavoir, si c'estoit la volonté de Dieu; car, dit-il, je suis retenu d'un autre desir, qui est de demeurer parmi vous, mes tres chers enfans, parce que j'ay esté envoyé pour vous enseigner et instruire; de sorte que pendant que ma presence vous sera tant soit peu necessaire je suis pressé de ne me point separer de vous et de me priver du contentement incomparable et inexplicable que j'attens apres la mort, plustost que de vous quitter, sçachant que je vous puis estre encores utile et qu'il y a tant soit peu du bon playsir de mon Maistre.

  A010000786 

 Si donques ce grand Saint souspiroit apres la mort, c'est parce qu'il avoit asseurance de la felicité eternelle; s'il la demandoit, c'estoit entant que ce seroit la volonté de Dieu..

  A010000787 

 Il y a plusieurs personnes qui la demandent à Nostre Seigneur, et quand on les interroge pourquoy: C'est, respondent-elles, pour estre delivrées des miseres de cette vie.

  A010000788 

 Ce grand personnage, Job, est un autre Saint qui paroist avoir souhaitté la mort et l'avoir trouvée plus douce que la vie; car se voyant reduit en tant d'angoisses et de tribulations, il semble qu'il avoit plus de sujet de desirer la mort que la vie.

  A010000788 

 Hé, qu'est-ce que l'excessive douleur où il se trouvoit abismé ne luy fit pas dire? Certes, si les plaintes de Job ne fussent sorties d'un cœur extremement pressé d'angoisse elles eussent esté sujettes à de grandes censures.

  A010000789 

 Ces paroles, qui paroissent extravagantes, sont des paroles amoureuses lesquelles ne sont pas entendues de imis; car ceux qui ne sçavent que c'est de l'amour n'ont point compris ce que ce saint homme vouloit dire.

  A010000789 

 Il en est de mesme de l'amour divin, la force duquel fait employer des mots qui sentent sujets à la censure s'ils n'estoyent compris par ceux qui connoissent le langage de ce celeste amour..

  A010000789 

 Il en prend de l'amour divin comme de l'amour humain; souvent il arrive aux fols amoureux du monde de proferer des paroles qui certes seroyent ridicules si elles ne sorloyent d'un cœur passionné; ils disent ce que la force de l'amour leur fait dire, et ce langage n'est entendu que de ceux qui sçavent que c'est que d'aymer.

  A010000790 

 Or donques, comme Job estoit un grand amoureux de Dieu, toutes les paroles qu'il prononça sur son fumier cstoyent certes des paroles amoureuses; la flamme qui embrasoit son cœur luy faisoit faire des extravagances, mais le Seigneur, qui penetroit le fond de ce cœur, voyoit bien que ce n'estoit ni l'ennuy ni l'impatience qui le faisoit parler de la sorte, ains l'amour dont il estoit animé; car nostre cher Maistre sçait bien que c'est que d'aymer, il connoist bien le langage de l'amour, et pour ce il declare que Job n'a point peché en tout ce qu'il a dit.

  A010000791 

 Aussi, tous ceux qui ne sçavent que c'est que d'aymer n'ont point bien rencontré en l'interpretation de ces paroles, et sur icelles on a escrit plusieurs choses mal à propos.

  A010000791 

 Mais la sacrée Vierge, qui sçavoit que c'est que d'aymer, entendit bien ce que son Fils vouloit dire, car elle estoit toute faite à son langage, s'entend par l'experience qu'elle en avoit, et c'estoit elle qui luy avoit appris à parler..

  A010000792 

 Comme si elle eust voulu signifier: Si vous avez prins garde à la responce de mon Fils, vous penserez peut estre qu'elle est bien severe et qu'il veut m'esconduire; mais il n'en est pas ainsy, ains j'ay conneu par icelle qu'il veut faire tout ce que je voudray; pour ce, faites tout ce qu'il vous dira et ne craignez rien, car je suis asseurée qu'il m'exaucera.

  A010000793 

 Or, le grand saint Job parle amoureusement quand il dit: Que le jour perisse auquel je suis né, etc. Notez cependant que si bien par cette parole et autres semblables il paroist souhaitter et demander la [322] mort, ce n'est point toutefois qu'il manque de resignation et de sousmission à la volonté divine, car il ne la veut qu'entant qu'il plaira à Dieu; neanmoins l'amour luy fait dire ces choses d'autant qu'il souspiroit de voir Celuy qui le pressoit si fort de son amour.

  A010000793 

 Voyla donques comme l'amour a un certain langage que nul ne peut entendre que ceux qui sçavent que c'est qu'aymer.

  A010000794 

 C'est ce que voulut signifier Eve quand le serpent la tentant de rompre le commandement, elle luy respondit: Mais Dieu nous a dit que si nous mangions de ce fruit nous mourrions; en quoy elle monstre la crainte qu'ils avoyent de la mort.

  A010000794 

 Et que l'on ne me vienne pas alleguer ce que disent plusieurs, qu'il faut en chasser le souvenir pour vivre joyeusement, d'autant que ce souvenir là est plein de frayeur; car puisque une telle crainte n'est point mauvaise, ains bonne et utile, nous en devons quelquefois espouvanter nos ames et les y porter à cause de nos pechés, pourveu que cela se fasse de guet à pens..

  A010000794 

 Outre ce que nous avons deduit, nous voyons ès paroles que le Seigneur addressa à nos premiers parens au paradis terrestre que la mort est naturellement redoutée de l'homme; car quand Dieu defendit à Adam de manger du fruit de l'arbre de science, il luy dit: Je suis ton Seigneur, et pour ce il faut que tu m'obeisses; or, comme ton Seigneur, je te fais un commandement qui est que tu ne manges point du fruit de cet arbre, car si tu en manges tu mourras.

  A010000795 

 Et pourquoy? Pource qu'elle a pensé à la mort, et elle en est encores toute inquietée..

  A010000795 

 Mais nos anciens Peres enseignent que nous devons craindre la mort sans la craindre: que veut dire cecy? C'est que, quoy qu'il faille la redouter ce ne doit pas estre d'une crainte excessive qui ne soit pas accompagnée de tranquillité; car les Chrestiens doivent marcher sous l'estendart de la providence de Dieu et estre prests à embrasser tous les effects et evenemens de cette douce providence qui sçaura bien prendre soin de nous.

  A010000796 

 Ce n'est pas en cette façon qu'il faut y penser, ni moins avoir tant de soucy pour sçavoir quand nous mourrons et en quel lieu: si ce sera aux champs ou à la ville, sur mon cheval ou au pied d'une montagne, ou par quelque pierre qui m'assommera; si je mourray dans mon lit, assisté de quelqu'un ou sans avoir personne.

  A010000797 

 Donques, pour bloquer tout ce discours, disons que la regle generale d'une bonne mort c'est de mener une bonne vie.

  A010000797 

 Il dit que «pour bien mourir il faut bien vivre:» telle est nostre vie telle sera nostre mort.

  A010000797 

 Il est vray que mesme en vivant bien vous craindrez la mort, mais vostre crainte sera toute douce et tranquille, appuyée sur les merites de la Passion de Nostre Seigneur, sans laquelle certes la mort seroit effroyable et redoutable.

  A010000798 

 Il faut donques craindre la mort sans la craindre, c'est à dire la craindre d'une crainte tranquille et pleine d'esperance, puisque Dieu nous a laissé tant de moyens pour bien mourir, et entr'autres celuy de la contrition qui est si general qu'il peut effacer la coulpe de toute sorte de pechés.

  A010000799 

 C'est aussi une cogitation bien utile toutes les fois que l'on se va mettre au lit de penser, comme font quelques uns, que cela nous represente comment on nous mettra dans le tombeau, parce que de là on vient à tirer cette consequence: Donques, puisque le sommeil me represente la mort, il s'ensuit que je mourray, que je seray estendu dans le tombeau, et là couvert de terre et reduit en poudre et cendre.

  A010000799 

 C'est ce qu'ont fait tous les Saints.

  A010000802 

 C'est pourquoy il faut estre sur ses gardes, à ce que, quand elle viendra elle nous trouve prests.

  A010000802 

 Penser en elle sans peur ni crainte demesurée, mais nous resoudre à mourir puisque c'est une chose qu'il faut faire, et avec un cœur paisible et tranquille nous tenir tousjours au mesme estat auquel nous voudrions estre trouvés à l'heure de la mort: c'est le vray moyen de se preparer à bien mourir.

  A010000807 

 Qui ex Deo est verba Dei audit; propterea.

  A010000810 

 Celuy qui est de Dieu escoute les paroles.

  A010000811 

 de Dieu; c'est pourquoy vous.

  A010000816 

 En second lieu, il faut que ce qui est dit soit bon et veritable.

  A010000816 

 Troisiesmement, il faut que ceux qui l'entendent soyent bons et bien preparés pour la recevoir, à defaut dequoy elle n'est ni receuë ni estimée ni gardée..

  A010000816 

 Une parole peut estre receuë ou rejettée pour trois raysons: pour la consideration de la personne qui la dit, pour la parole qui est dite, ou bien à cause de ceux qui l'entendent.

  A010000817 

 C'est ce que Nostre Seigneur nous apprend en l'Evangile que la sainte Eglise nous propose aujourd'huy, où il est fait mention d'un reproche qu'il addressoit aux scribes et pharisiens dequoy ils ne recevoyent pas ses paroles, reproche par lequel il jette toute la faute sur eux, disant: Pourquoy ne croyez-vous pas à la verité que je vous enseigne? Il s'estonne grandement de cela, comme s'il eust voulu dire: Vous n'avez nulle excuse, [328] car qui d'entre vous m'arguera de peché? Pourquoy donques ne me croyez-vous pas, puisque ce que je vous dis est la verité mesme? Moy ne pouvant errer, il faut indubitablement que vostre meschanceté en soit la cause, car le defaut n'est point en moy ni en la parole que je vous enseigne..

  A010000818 

 C'est pourquoy Dieu defend au pecheur d'annoncer sa parole, comme s'il disoit: Miserable, oserois-tu bien enseigner ma doctrine par tes levres et la deshonnorer par ta mauvaise vie? Hé, comment veux-tu qu'elle soit acceptée apres avoir passé par une bouche si puante et si pleine d'infection et de meschanceté? Ja n'advienne que j'aye un tel proclamateur de mes volontés.

  A010000818 

 Il est donques defendu aux pecheurs d'annoncer la sacrée parole, de crainte qu'elle ne soit rejettée par ceux qui l'ouyront..

  A010000818 

 Quant au premier point, il est donques requis que la personne qui parle et qui annonce la parole de Dieu soit irreprochable et que sa vie soit conforme à son enseignement; autrement il ne sera pas receu ni approuvé.

  A010000819 

 Saint Augustin nous l'apprend tout clairement lors qu'il escrit que cette demande du Pater noster que nous recitons tous les jours: Pardonnez-nous nos offenses, n'est pas seulement une parole d'humilité, ains de verité, car nous en commettons à tout propos à cause de la fragilité de nostre nature!.

  A010000820 

 Que si neanmoins il arrive qu'elle nous soit presentée par les meschans, [329] nous ne la devons pas rejetter, ains la recueillir, et faire comme les abeilles, lesquelles cueillent le miel sur toutes les fleurs des prairies, excepté sur une ou deux; et bien que quelques unes de ces fleurs soyent veneneuses et ayent du poison en leur propre substance, elles en tirent dextrement le miel qui, estant une liqueur toute celeste, n'est point meslé avec le venin..

  A010000822 

 Mais l'homme fut creé de la terre; pourquoy donques ne regardes-tu tousjours la terre, puisque c'est d'elle que tu as esté tiré?.

  A010000823 

 Le Seigneur voulut bien qu'un Prophete fust instruit par une asnesse; il permit bien que Pilate, qui estoit si meschant, nous prononçast cette grande verité que nostre divin Maistre estoit Jesus, c'est à dire Sauveur, tiltre qu'il fit poser dessus la croix, repetant: Cela est ainsy, c'est moy qui l'ay dit.

  A010000825 

 Et Nostre Seigneur mesme ne nous dit-il pas d'imiter la prudence et la finesse du serpent et la simplicité de la colombe? Il en est ainsy en cent autres endroits de l'Escriture..

  A010000825 

 L'Escriture toute sage nous tesmoigne encores cecy lors qu'elle nous renvoye aux bestes les plus infirmes, mesme les plus brutes, pour estre instruits de ce que nous devons faire, disant que nous allions aux fourmis à fin d'apprendre d'elles le soin et la prevoyance que nous devons avoir, d'autant qu'elles amassent tandis que le temps est beau pour se nourrir par apres au temps qui n'est point propre à la cueillette.

  A010000825 

 Nous ne devons point regarder la personne qui nous presche ou nous enseigne, ains seulement si ce qu'elle nous dit est bon ou mauvais; car il faut demeurer asseuré que la parole de Dieu n'est ni bonne ni mauvaise à cause de celuy qui nous l'expose ou explique, ains qu'elle porte sa bonté quant et elle, sans recevoir nulle tare pour la mauvaisetie de celuy qui la prononce.

  A010000826 

 C'est pourquoy Nostre Seigneur en l'Evangile d'aujourd'huy, demande aux scribes et aux pharisiens: Qui d'entre vous m'arguera de peché? Vous dites que je suis un samaritain, que je bois et mange avec les publicains, [332] que je suis un buveur de vin, que je defends de payer le tribut à Cesar, que je n'observe pas le sabbat; vous me mettez ainsy à sus plusieurs calomnies et impostures, mais respondez-moy, qui est celuy d'entre vous autres qui me reprendra de pechè? Pourquoy donques ne me croyez-vous pas? Il faut sans doute que le mal soit tout en vous, car il n'y en peut avoir en moy..

  A010000827 

 Donques, entant que Nostre Seigneur est Dieu il estoit impossible qu'il peust pecher, et entant qu'il est homme cela ne se pouvoit non plus, parce que son ame humaine fut glorieuse en sa partie superieure dès l'instant de sa conception au ventre sacré de Nostre Dame.

  A010000827 

 Nostre divin Maistre parloit tres justement, car il est impossible de joindre deux choses tant esloignées, sçavoir, Dieu et le peché.

  A010000827 

 Par consequent il jouissoit en cette partie supreme de la claire veuë de la divine Majesté, veuë qui fera nostre beatitude eternelle, et de laquelle resuite necessairement une impossibilité de pecher, car il est impossible de voir Dieu sans l'aymer souverainement: aussi l'amour souverain ne peut souffrir le peché, lequel deshonnore la divine Bonté et luy est infiniment desaggreable..

  A010000828 

 O combien cela est-il asseuré que nostre divin Maistre ne pouvoit se tromper, car il est luy mesme la verité à laquelle tous ceux qui ne croiront point periront indubitablement.

  A010000829 

 Cecy est le second point de nostre discours.

  A010000829 

 L'Espouse, au Cantique des Cantiques, declare, ainsy que je disois l'autre jour, que son Bien-Aymé, qui est nostre cher Maistre, a deux mammelles remplies de parfums tres pretieux qui r espandent des odeurs tres souefves.

  A010000829 

 Mais qu'est-ce que cette verité? Non autre, mes cheres ames, sinon la foy.

  A010000829 

 On a tiré diverses interpretations de ces paroles, mais disons ainsy: ces divines mammelles du Sauveur sont pleines de grace et de verité, c'est à dire de charité et de foy..

  A010000829 

 Quand il est escrit que Nostre Seigneur estoit plein de grace et de verité, cela se doit entendre qu'il estoit plein de foy et de charité; non pas qu'il eust la foy pour luy mesme, car il n'en avoit pas besoin, ayant la claire vision des choses que cette foy nous apprend, mais il estoit plein de foy pour la distribuer à ses enfans qui sont les Chrestiens.

  A010000830 

 Ainsy la grâce, ni moins la foy ne fut pas donnée à Nostre Seigneur pour luy, car il n'en avoit pas besoin, il estoit la grace mesme et c'est à luy de la distribuer; la foy, il ne la pouvoit avoir non plus.

  A010000830 

 C'est donques pour nous autres qu'il a esté rempli de ces dons; c'est pourquoy il se peinoit tant pour les faire recevoir aux scribes et aux pharisiens, et se courrouçant, Pourquoy, disoit-il, ne voulez-vous pas croire en mes paroles? elles ne sont point vaines, ains tres veritables..

  A010000830 

 Certes, il n'avoit pas besoin de ce lait tres delicieux pour soy mesme, non plus que les femmes du lait qu'elles ont dans leur poitrine, lequel ne leur est donné de Dieu et de la nature que pour la nourriture de leurs enfans.

  A010000831 

 C'est une regle g'enerale que nous en faisons de mesme: dès que nous quittons la verité nous choisissons quant et quant la vanité, car la vanité est un defaut de verité qui nous fait tresbucher ès enfers.

  A010000831 

 Et se regardant, le malheureux qu'il est, il s'admira, il se mira, et en se mirant se perdit et fut condamné aux flammes eternelles: ainsy, faute d'estre demeuré en la verité il perit en la vanité.

  A010000831 

 L'Ange se destournant de [334] la consideration de Dieu, qui est la verité eternelle, et retirant les yeux de son entendement de dessus cet objet infiniment aymable, les abaissa soudain sur sa propre beauté estoit dependante de cette Beauté supreme laquelle il devoit regarder continuellement.

  A010000831 

 La foy luy apprenoit que tout ce qu'il avoit estoit de Dieu et qu'à luy seul est deu le souverain honneur; il destourna son entendement de la consideration de cette verité, et soudain il commit cet acte de vanité insupportable de dire: Je monteray et seray semblable au Tres Haut.

  A010000832 

 De mesme nos premiers parens, faute de rester en la verité, c'est à dire attentifs en icelle, meriterent d'estre condamnés pour tousjours, si Dieu, par le merite de son Fils, ne leur eust pardonné.

  A010000832 

 Non, ne pensez pas tant à la mort, car cela vous rendra melancholiques, c'est un sujet ennuyeux.

  A010000833 

 Hé, ne voit-on pas aussi combien la vanité les possede, puisqu'ils ne se tiennent point attentifs à cette verité, qu'il y a un enfer où tous les tourmens et malheurs qui se peuvent imaginer, voire qui ne se peuvent imaginer, sont assemblés pour punir ceux qui ne craindront pas Dieu en cette vie et qui ne vivront pas en l'observance de ses commandemens? Neanmoins cette consideration est grandement necessaire pour nous maintenir en nostre devoir..

  A010000834 

 Cela est bon; demeurez donques en cette verité et tout ira bien.

  A010000834 

 Dites-moy, si nous demeurions attentifs à la verité des mysteres que Nostre Seigneur nous apprend en l'oraison, que nous serions heureux! Quand nous le voyons mourant sur la croix pour nous, que ne nous enseigne-t-il pas? Je suis mort pour toy, dit-il, ce souverain Amant; qu'est-ce que requiert ma mort sinon que, comme je suis mort pour toy, tu meures aussi pour moy, ou que du moins tu ne vives que pour moy? O combien cette verité apporte d'ardeur en nostre volonté pour luy faire aymer cherement Celuy qui est tant aymable et si digne d'estre aymé! La verité est l'objet de l'entendement comme Famour est celuy de la volonté: soudain donques que nostre entendement apprehende cette verité que Nostre Seigneur est mort d'amour pour nous, ha, nostre volonté [336] s'enflamme tout incontinent et conçoit de grandes affections de contreschanger autant qu'elle pourra cet amour.

  A010000835 

 De mesme nous considerons que Nostre Seigneur s'est aneanti et abaissé d'un abaissement tel que nul ne le peut comprendre; sur quoy Dieu prononce cette verité en nostre cœur, que si nostre doux Sauveur s'est tant humilié pour nous donner exemple, c'est une chose toute certaine que nous devons nous humilier si profondement que nous demeurions tout abismés en la connoissance de nostre neant.

  A010000837 

 Nous serons dignes d'une tres grande punition, si ayant sceu que nous avons esté si cherement aymés de nostre doux Sauveur, nous sommes si miserables que de ne pas l'aymer de tout nostre cœur et pouvoir, et de ne pas suivre de toutes nos forces et avec tout nostre soin les exemples qu'il nous a donnés en sa vie, en sa passion et en sa mort, car il nous addressera le mesme reproche qu'il fait en l'Evangile d'aujourd'huy: Si je vous ay enseignés, moy qui ne puis estre accusé de peché, moy dont la vie est irreprochable, moy qui vous ay presché la verité que j'ay apprise de mon Pere celeste, pourquoy donques ne me croyez-vous pas? Ou si vous croyez que je dis la verité, pourquoy ne la recevez-vous pas et ne demeurez-vous pas en icelle, ains vivez tout au contraire de ce qu'elle requiert de vous? Nous serons alors convaincus par sa divine Majesté, et il faudra qu'à nostre confusion nous confessions que le defaut vient de nostre costé et que c'est nostre malice qui en est la cause.

  A010000837 

 Pour obvier à cela, mes cheres ames, il nous faut sçavoir comme quoy nous devons nous disposer à ouyr et recevoir la parole de Dieu; et cecy est le troisiesme point..

  A010000839 

 Nos cœurs estans ainsy respandus devant Dieu par de bonnes propositions de tirer proffit des choses qui nous seront dites de sa part, tenons-nous attentifs et pensons que c'est sa Majesté qui nous parle et nous fait sçavoir sa volonté.

  A010000840 

 C'est ainsy qu'il faut faire pour bien lire et entendre la divine parole si nous voulons qu'elle nous profite; autrement nous aurons part au reproche addressé aux scribes, et Nostre Seigneur jettera toute la faute sur nous..

  A010000840 

 L'exemple du grand saint Charles est bien remarquable pour ce sujet: il ne lisoit jamais la sainte Bible qu'à genoux, la teste nue, avec une tres grande reverence, [339] parce qu'il luy sembloit que ce fust Dieu qui luy parloit à mesure qu'il lisoit.

  A010000841 

 Quand je suis à la predication mon esprit est tellement agité des distractions, que j'ay une grande peine à le ramener pour ouyr ce que le predicateur dit; il me semble que je n'ay point de goust ni de devotion, ni presque de desir de mettre en prattique ce que j'y apprens..

  A010000842 

 Nous ne voulons pas dire qu'il faille avoir ces sentimens de devotion ou de reverence en la partie inferieure de nostre ame, qui est celle là pour l'ordinaire en laquelle resident ces degousts et ces difficultés.

  A010000842 

 Or, quand on nous enseigne qu'il faut escouter la parole de Dieu avec attention, reverence et devotion, cela se doit entendre comme quand on parle de l'oraison et de tout ce qui est de la prattique spirituelle.

  A010000843 

 En fin il faut conclure en disant que nous ne devons point rejet ter la parole de Dieu ni les documens que Nostre Seigneur nous a laissés, à cause des defauts des predicateurs qui nous les proposent, d'autant que nostre divin Maistre les ayant proferés le premier par sa divine bouche, nous sommes inexcusables de ne les pas recevoir, parce que si bien ce baume pretieux nous est presenté dans des vases de terre, tels que sont les predicateurs, il ne laisse pas pourtant d'estre infiniment propre à guerir nos playes, et ne perd point ses proprietés et sa force.

  A010000843 

 Il ne faut pas non plus nous mettre en danger de nous perdre en ne demeurant pas en la verité, c'est à dire en ne vivant pas selon icelle, ou en ne nous rendant pas capables de bien l'entendre quand elle nous est proposée ou expliquée de la part de Dieu.

  A010000843 

 Nous ne serons pas non plus excusables si nous doutons que ce qui nous est enseigné soit la verité, d'autant que Jesus Christ, qui est la verité par essence, nous a enseignés luy mesme et s'est rendu nostre tres cher Maistre.

  A010000843 

 Nous nous devons au contraire bien preparer, ainsy que nous avons dit, pour l'ouyr avantageusement, car c'est un tres bon moyen pour la bien comprendre.

  A010000848 

 Or, d'autant que Dieu est le premier principe de tous les estres, il ne s'en trouve aucun qui n'ayt quelque chose de beau et d'aymable en soy; mais entant qu'ils tirent leur origine du neant, il y a en tous quelque imperfection..

  A010000848 

 Toutes les choses qui sont au monde ont deux visages parce qu'elles ont deux extractions ou deux principes: le premier est Dieu, qui est la cause premiere de tout ce qui existe; le second est le neant duquel tout a esté tiré.

  A010000849 

 En tout estre raysonnable il se trouve donc de la perfection et de l'imperfection, comme marque des deux principes d'où il est issu.

  A010000849 

 La creature raysonnable est voirement creée à l'image et semblance de Dieu, qui en est la premiere cause et le souverain principe; aussi comme telle, elle est tout aymable, ains tellement aggreable que qui verroit une ame en grace et ayant conservé en soy l'image de son Createur, il en deviendroit tout amoureux et ravi comme le fut sainte Catherine de Sienne.

  A010000849 

 Mais quant à la seconde extraction, qui est le neant, l'on y descouvre tousjours de l'imperfection qui est comme la marque de ce neant d'où la creature a esté tirée.

  A010000849 

 Or, d'autant que tout ce qui vient de Dieu est bon et aymable, aussi tout ce qu'il y a de bon et d'aymable en la creature procede de luy comme de sa premiere [342] source; de mesme, l'imperfection qui s'y rencontre vient du neant duquel elle a esté extraite.

  A010000850 

 La colombe en mille endroits des saints Livres est prise pour nous representer la vertu; Nostre Seigneur s'en est servi luy mesme, disant: Soyez simples comme la colombe, lions monstrant par là comme il vouloit que nous fussions simples pour l'attirer en nos cœurs.

  A010000850 

 Mais quoy que la colombe soit employée ordinairement pour nous signifier la perfection, si est-ce que je trouve en la mesme l'ecriture que l'on s'en sert pour nous faire entendre la laideur du vice et du peché; car Dieu parlant au peuple d'Ephraïm luy dit: Vous avez erré et vous vous estes fourvoyé comme la colombe qui n'a point de cœur.

  A010000851 

 Quoy que le serpent soit un animal meschant et qu'il semble n'estre propre à rien qu'à faire du mal, si n'est-il point tellement meschant que la Sainte Escriture ne s'en serve pour nous representer le bien, car Nostre Seigneur a dit luy mesme: Soyez prudens comme le serpent.

  A010000852 

 La rose n'est point si parfaitte qu'il ne s'y trouve de l'imperfection; car, quoy qu'elle soit belle, et que le matin elle soit incarnate et jette une suave et aggreable odeur, si est-ce que le soir elle est toute fanée et flestrie, de sorte qu'on s'en sert pour representer la volupté et les delices de la vie mondaine.

  A010000852 

 Neanmoins Nostre Seigneur, qui est la Sapience infinie, s'est parangonné à elle, car parlant de luy mesme il a dit: Je suis comme un tige ou rejeton d'un rosier..

  A010000853 

 En somme, toutes les creatures ont en elles de la perfection et de l'imperfection; c'est pourquoy elles sont propres à fournir des similitudes pour l'un et l'autre.

  A010000854 

 En toutes les autres, quelles qu'elles soyent, il se rencontre generalement de la perfection et de l'imperfection; c'est pourquoy celuy qui diroit à un homme qu'il n'a aucune [344] imperfection seroit aussi menteur que celuy qui diroit qu'il n'a point de perfection; car tout homme, pour saint qu'il puisse estre, a des imperfections, et, pour meschant qu'il soit, il a quelque perfection.

  A010000854 

 Entant qu'il est creé à l'image de Dieu il tient de luy tout ce qu'il a de bon; et entant qu'il est creé du rien il luy reste tousjours de l'imperfection..

  A010000854 

 Mais la tres Sainte Vierge, qui tenoit son extraction du neant comme les autres creatures, a esté la seule en laquelle il ne s'est jamais trouvé aucune imperfection.

  A010000855 

 Cecy est tellement general qu'il ne se trouve pas seulement aux creatures humaines ains encores ès Anges, car leur perfection n'a pas esté exempte d'imperfection; l'iniquité s'est trouvée parmi eux, et Dieu les a precipités parce qu'ils s'estoyent rebellés contre luy.

  A010000855 

 Cette imperfection est que, quoy qu'ils soyent jouissans de la claire vision de Dieu, ils ne reconnoissent pas tousjours tres clairement ce qui est de sa volonté, de sorte qu'en attendant d'en avoir une plus claire connoissance ils font au plus pres qu'ils peuvent ce qu'ils jugent estre le plus conforme au divin bon playsir, combien qu'ils soyent quelquefois d'advis differens l'un de l'autre.

  A010000855 

 Et non seulement elle s'est rencontrée parmi les Anges avant qu'ils fussent confirmés en grace, mais aussi du despuis, d'autant qu'ils n'ont point esté si entierement parfaits qu'il ne leur soit resté une certaine imperfection negative, laquelle neanmoins ne les rend point desaggreables à Dieu; elle ne les peut non plus faire descheoir de la beatitude, ni leur faire commettre aucun peché, car ils sont confirmés en grace.

  A010000855 

 Ils ressembloyent à ceux qui contreviennent à cette sainte volonté sans le sçavoir ou connoistre; car s'ils sçavoyent que ce qu'ils font n'est pas du bon playsir de Dieu ils mourroyent plustost mille fois que de le faire.

  A010000855 

 Mais la divine Sapience a voulu laisser cela aux Anges pour monstrer qu'il n'y a aucune creature qui n'ayt en soy quelque imperfection et qui ne porte la marque de son extraction qui est le rien..

  A010000856 

 O non, cela n'est pas, ains ils font injustice à ces Bienheureux et à toute la posterité.

  A010000856 

 Tous les grans Saints escrivant les vies des autres Saints ont tousjours dit ouvertement et naïfvement leurs fautes et imperfections, pensant, comme il est vray, rendre en cela autant de service à Dieu et aux Saints mesmes qu'en racontant leurs vertus.

  A010000857 

 C'est ainsy que faisoit le grand saint Antoine, lequel s'estant retiré du monde s'en alloit parcourant les deserts dans toutes les grottes des anachoretes pour non seulement remarquer et recueillir, comme une avette sacrée, le miel de leurs vertus à fin de s'en sustenter, ains encor pour eviter et se garder de tout ce qu'il trouveroit de mal ou d'imparfait en eux; de sorte qu'en fin il devint un grand Saint..

  A010000857 

 Il est bon de voir les defauts aux vies des Saints, non seulement pour reconnoistre la bonté que Dieu a exercée en leur pardonnant, mais encores pour apprendre à les abhorrer, eviter et à en faire penitence comme eux.

  A010000858 

 Cependant il se trouve des ames qui font tout le contraire: elles ressemblent non à des abeilles, mais à des guespes, meschans animaux qui vont voirement bien volant sur les fleurs, mais pour en tirer non point le miel ains le venin; que si elles recueillent le miel, c'est pour [346] le convertir en fiel.

  A010000858 

 Certes, il y a des Chrestiens lesquels sont non point comme des abeilles, mais comme des guespes qui voltigent tousjours sur les fleurs, c'est à dire sur les œuvres et actions de leur prochain, non pour mesnager le miel d'une sainte edification par la consideration de leurs vertus, mais pour en tirer le venin, en remarquant les fautes et imperfections soit des Saints dont on leur raconte la vie, soit de ceux avec lesquels ils conversent, en prenant occasion de commettre les mesmes defauts..

  A010000860 

 Nous considerons la vie du grand Apostre saint Paul, et voyant ce qui s'est passé entre luy et saint Barnabé, nous disons qu'il nous est loysible [347] d'estre contentieux et querelleurs.

  A010000860 

 Un saint Pierre a esté brusque et actif, est-ce merveille que je le sois? Cela le portoit à faire souvent des fautes; et qu'est-ce si j'en fais de mesme? Hé Dieu, voyla pas de belles raysons? Mais quelle folie est celle cy! Ne voyez-vous pas que telle sorte de gens prennent de là occasion de nourrir leurs imperfections et croupir dans leurs mauvaises habitudes?.

  A010000861 

 La nature des guespes est telle que si elles ne trouvent du venin dans les fleurs, elles y recueillent bien le miel, mais elles le convertissent en venin.

  A010000862 

 Que la sagesse [348] du siecle constitue s'il luy plaist son excellence en la gloire mondaine; le vray Chrestien, et, pour parler nostre langage, c'est à dire le langage du lieu où nous sommes, les vrays Religieux et Religieuses qui tendent à la perfection chrestienne, doivent, contre toutes les raysons de la prudence humaine, constituer toute leur perfection en la folie de la croix; car c'est en cette folie de la croix que Nostre Seigneur a esté parfait.

  A010000863 

 Cette doctrine est toute contraire à celle du siecle; car quoy que Nostre Seigneur crie et recrie: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, les pacifiques, les debonnaires, ceux qui ont faim et soif de justice, le monde, qui ne peut approuver cette sagesse, dit tous-jours: O que bienheureux sont les riches, les braves, ceux qui se vengent de leurs ennemis et que l'on n'oseroit offenser! Voyez-vous comme la perfection de la croix est une folie devant les sages du monde, car elle embrasse ce que la prudence humaine abhorre? Elle ayme la correction, s'y sousmet et se complaist de n'estre rencontrée que pour estre corrigée, et n'a point de plus grand playsir que d'estre reprinse et advertie de ses defauts et manquemens.

  A010000865 

 (Ç'a tous-jours esté chose louable et recommandable parmi les Saints de bien la faire; aussi est-elle ordonnée dans toutes les familles religieuses pour un peu relascher [350] l'esprit, car quand il est tousjours bandé il ne va pas si bien.) Or, demanderent-ils, que ferons-nous pour bien nous recreer? car ils ne vouloyent pas le faire en sorte que cette recreation fust demesurée.

  A010000866 

 Certes, le Saint Esprit regnoit en cette reretion; et c'est bien la recreation des Saints que de s'advertir humblement et charitablement les uns les autres avec grande verité et naïfveté.

  A010000866 

 D'autres disoyent: On a remarqué que vous estes vain et orgueilleux, vous vous plaisez de porter des moustaches relevées, vous regardez souvent si vostre barbe est bien peignée, en un mot l'on voit que vous estes vain à merveille.

  A010000867 

 Le voicy donques qui, tenant le bonnet à la main, est prié en cette sorte par le Saint de luy declarer bien simplement ce qu'il sçavoit: O non, ne m'espargnez pas, je vous supplie, dites-moy bien mes verités, car je suis du tout disposé à vous entendre.

  A010000867 

 Saint Charles entendant cecy: Monsieur, dit-il ostant son chapeau, je vous remercie, il est vray qu'il en est ainsy; mais je vous prie de me specifier quelque chose de particulier, car cela est trop general; j'attens maintenant, s'il vous plaist, les particularités; parlez donques et ne m'espargnez point..

  A010000868 

 Ceux qui vous voyent s'en estonnent et disent: Voyez-vous nostre Archevesque qui dort? ne vaudroit-il pas mieux qu'il dormist la nuit sans venir le faire icy? Cela peut mesme fournir quelque desplaysir au predicateur et luy causer quelque distraction; c'est pourquoy il me semble que vous auriez besoin de vous amender de cette indiscretion et prendre la nuit pour dormir à fin de pouvoir veiller le jour.

  A010000868 

 Monseigneur, respondit l'autre, l'on tient que c'est en vous une grande indiscretion de ne pas dormir la nuit et de le faire le jour; car si vous estes à l'eglise pour ouyr la Messe ou les predications vous vous endormez.

  A010000868 

 Saint Charles, recevant cecy qui venoit de la prudence humaine, se sousrit en remerciant avec une grande affection; et, tesmoignant qu'il avoit ouy cet advertissement avec un cœur tout humble et doux, il respondit: Cela est tres veritable que je commets pour l'ordinaire cette indiscretion; mais je vous asseure, et il [352] est vray, que j'ay un corps si lourd et si pesant que quand bien j'aurois dormi neuf heures la nuit je ne laisserois encores de dormir le jour.

  A010000869 

 La premiere est l'humilité de cet animal, la seconde sa patience, et la troisiesme, qu'il se laisse charger..

  A010000870 

 C'est assez touchant cecy; revenons au motif pour lequel le Sauveur choisit cette sorte de monture..

  A010000870 

 Ce n'est certes pas sans cause qu'ils remarquent que l'asnesse avoit desja porté le faix et que l'asnon n'avoit jamais rien porté, car Dieu avoit ja chargé le peuple Juif de sa loy, tandis que [353] les Gentils ne l'avoyent pas encores receuë: Nostre Seigneur venoit donques pour leur imposer son joug, voyla pourquoy il monta l'asnon.

  A010000870 

 Les anciens Peres disputent si Nostre Seigneur monta sur l'asnon ou sur l'asnesse, et à ce sujet il y a une grande varieté d'opinions entre les Docteurs; mais cela n'est point propre pour le lieu où nous sommes.

  A010000871 

 Il n'a point d'orgueil ni de vanité, il n'est point comme le cheval, qui est orgueilleux; pour cela l'homme vain et superbe est comparé aux chevaux qui sont fiers et morgans, car non seulement ils donnent des ruades, ains encores ils mordent, et il s'en trouve de si furieux qu'on n'ose les approcher.

  A010000871 

 Ils levent la teste, dressent le crin, marchent à courbelles, en somme ils donnent de la vanité à celuy qui les monte; celuy-cy n'entend pas plus tost son cheval jetter les pieds sur le pavé qu'il se brave avec luy, et leve la teste pour regarder s'il verra point aux fenestres quelques dames ou damoyselles qui l'admirent; en fin l'on ne sçait lequel est le plus vain, ou le cheval ou son chevalier.

  A010000871 

 La premiere fut l'humilité; car l'asne ou l'asnesse est un animal qui veritablement est lourd, pesant et paresseux; neanmoins il a aussi cette proprieté d'estre grandement humble.

  A010000872 

 Dieu n'habite ni ne se repose que dans le cœur humble et simple; c'est pourquoy, voulant faire monstre de cette vertu, il a choisi cette bassesse et abjection pour le jour de son triomphe.

  A010000872 

 Et en cette gloire il s'est humilié; il a fait son entrée en Hierusalem, non sur un cheval ou autre equipage, mais sur une asnesse et un asnon couverts des pauvres manteaux de ses Apostres..

  A010000872 

 Il s'est humilié et aneantisoy mesme; on ne l'a point humilié ni mesprisé qu'il ne l'ayt voulu, c'est luy mesme qui s'est abaissé et qui a fait choix des abjections; car luy, qui estoit en tout et par tout esgal à son Pere, sans laisser de demeurer ce qu'il estoit, a voulu estre le rebut et rejet de tous les hommes.

  A010000873 

 C'est ce grand triomphe d'humilité que chantent Isaïe et Zacharie, apres ce divin poëte le royal Prophete David: Il s'est humilié et abaissé, il s'est aneanti; il est venu monté sur une asnesse et un poulain; il a bandé son arc et descoché ses fleches d'amour dans le cœur du peuple d'Israël; lors tous ont esté esmeus de sa venue et chantent: Hosanna, beni soit le fils de David, beni soit celuy qui vient au nom du Seigneur, gloire soit au Tres Haut.

  A010000874 

 La seconde c'est la patience; car cet animal, comme il est humble, aussi est-il grandement patient, d'autant qu'il souffre qu'on le batte, qu'on le maltraitte, sans que pour cela il en oublie jamais sa creche.

  A010000874 

 Nostre Seigneur a tellement aymé cette vertu qu'il s'est voulu rendre un mirouer et exemple d'icelle; car il a souffert avec une patience invincible d'estre battu et maltraitté, il a supporté tant de blasphemes, tant de calomnies sans dire mot.

  A010000875 

 Certes, nostre divin Maistre est tellement amoureux de l'obeissance et souplesse qu'il a voulu luy mesme nous en donner l'exemple: il a porté le pesant fardeau de nos iniquités et a souffert pour icelles tout ce que nous avions merité.

  A010000875 

 Le troisiesme motif fut parce que cet animal est obeissant et se laisse charger comme on veut et autant que l'on veut, sans repugnance et sans secouer en aucune maniere le fardeau qu'on luy met sus; ains il porte le faix qu'on luy impose avec une sousmission et souplesse remarquables.

  A010000877 

 Ces Apostres au contraire s'en allerent sans faire aucune reflexion parce qu'ils estoyent obeissans et qu'ils aymoyent l'obeissance; car c'est une marque que l'on n'ayme pas le commandement quand on trouve tant de raysonnemens à faire sur iceluy..

  A010000879 

 C'est pourquoy prevoyant cela, il leur dit: Si quelqu'un vous veut empescher de les amener respondez-luy que le Seigneur en à besoin, et ils les laisseront aller.

  A010000880 

 Certes, cette parole: Le Seigneur en a besoin est une parole generale de laquelle on doit payer tous ceux qui empeschent de faire ce qui est de la volonté de Dieu.

  A010000881 

 Hé, que bienheureux est celuy là! dit-on.

  A010000881 

 Que cette fille est heureuse, parce qu'elle est riche, bien parée et couverte de pierreries.

  A010000882 

 O que bienheureuses sont les ames que nostre divin Maistre choisit pour sa monture et qui sont couvertes des manteaux des Apostres, c'est à dire revestues des vertus apostoliques, pour estre capables de porter nostre cher Sauveur et estre conduites par luy.

  A010000892 

 Il estoit Nazareen qui veut dire fleuri, c'est à sçavoir saint et innocent, sans tache ni rouille de peché, mais fleurissant en toute sorte de vertus et perfections..

  A010000892 

 Jesus veut dire Sauveur: or, il est mort parce qu'il estoit Sauveur, d'autant que pour nous sauver il failloit mourir.

  A010000893 

 Juif signifie confessant: il est donques Roy, mais seulement des Juifs, c'est à sçavoir de ceux là seuls qui le confesseront; et pour racheter ces confessans il est mort, ouy, il est veritablement mort, et de la mort de la croix..

  A010000893 

 Roy des Juifs, c'est à dire qu'il est Sauveur et Roy tout ensemble.

  A010000894 

 Voyla donques les causes de la mort de Jesus Christ: la premiere c'est qu'il estoit Sauveur, saint et Roy; la [360] seconde, qu'il vouloit racheter ceux qui le confesseront, qui est la signification du mot de Juif que Pilate escrivit sur le tiltre de la croix..

  A010000895 

 C'est ce qui nous a esté representé dans l'Ancien Testament par tant de figures et de similitudes, particulierement par le serpent d'airain que Moyse dressa sur la colonne pour garantir les Israëlites des morseures des serpens.

  A010000897 

 Je dis tous, parce qu'il n'y a aucune creature qui se puisse croire exempte d'une telle morseure, c'est à sçavoir du peché originel et actuel: originel, en la personne de nos premiers parens, et actuel en nostre propre personne.

  A010000897 

 Que s'il y a quelqu'un qui dise en estre preservé il est menteur; voire, comme l'escrit le grand Apostre, si aucun s'estime estre sans peché ne le croyez pas, car l'iniquité regne en luy..

  A010000898 

 Elle a esté privilegiée et preferée par dessus toutes les autres creatures, et ce privilege est si grand et si singulier qu'il n'y en a aucune, quelle qu'elle soit, qui ayt jamais receu la grace en la façon que cette sainte Dame et glorieuse Maistresse la receut.

  A010000898 

 Je sçay bien que la sacrée Vierge Nostre Dame n'a point esté mordue de ce serpent infernal, d'autant que c'est une chose toute claire et manifeste qu'elle n'avoit point de peché ni originel ni actuel.

  A010000899 

 Il est mort, dit le grand Apostre escrivant aux Galates (je ne lis jamais ces paroles que je ne tremble et que je ne sois saisi de terreur), le Fils [362] de Dieu est mort pour nostre redemption, luy qui n'avoit aucun peché ni iniquité..

  A010000900 

 Il est mort pour les pechés des hommes sans avoir en luy aucune iniquité, puisqu'il estoit, comme dit le tiltre de la croix, Nazareen, à sçavoir fleurissant en toute sainteté.

  A010000900 

 Il est vray qu'il n'avoit aucun peché, mais ce qui est davantage, il n'en pouvoit avoir, car il estoit en tout esgal au Pere; il avoit la mesme nature, substance et puissance que luy, il estoit donques impossible de toute impossibilité qu'il pechast.

  A010000900 

 Il n'estoit point serpent, ni en verité ni en figure, mais pour nous guerir des morseures du vray serpent, à cause de l'amour extreme qu'il nous portoit, il se chargea de nos iniquités, c'est à dire de nos miseres et foiblesses; il se revestit de nostre plumage et escaille, et en fin il fut fait ce serpent posé sur le bois de la croix pour preserver de la mort et donner la vie à tous ceux qui le regarderoyent.

  A010000900 

 O que le Dieu d'Israël est bon d'avoir fourni et pourveu la nature humaine d'une telle et si pretieuse Redemption! Nous estions tous perdus sans icelle, et si Dieu ne nous eust donné ce remede nous serions tous morts, sans excepter aucune ame quelle qu'elle fust, puisque toutes avoyent peché..

  A010000900 

 Quoy qu'il soit tout puissant, et que par consequent il puisse tout ce qu'il luy plaist, si est-ce pourtant qu'il ne pouvoit pas pecher: et pour cela il ne laisse d'estre tout puissant, car pouvoir pecher n'est pas une puissance ains une impuissance.

  A010000901 

 Mais Dieu ne pouvoit-il point fournir au monde un autre remede que celuy de la mort de son Fils? O certes, il le pouvoit bien faire, et par mille autres moyens que celuy là; car n'estoit-il pas en sa puissance de pardonner à la nature humaine d'un pouvoir absolu et par pure misericorde, sans y faire entrevenir la justice et sans l'intermission d'aucune creature? Il le pouvoit sans doute; et qui en eust osé parler ou y trouver à redire? Personne, car il est Maistre souverain et peut tout ce qu'il luy plaist.

  A010000901 

 Ou encores, s'il se vouloit servir pour [363] cette redemption de l'entremise de quelque creature, n'en pouvoit-il pas creer une d'une telle excellence et dignité que, par ce qu'elle eust fait ou souffert, elle eust suffisamment satisfait pour les pechés de tous les hommes? Asseurement, et il pouvoit nous racheter par mille autres moyens que celuy de la mort de son Fils; mais il ne l'a pas voulu, car ce qui estoit suffisant à nostre salut ne l'estoit pas à assouvir son amour; et pour nous monstrer combien il nous aymoit, ce divin Fils est mort de la mort la plus rude et ignominieuse qui est celle de la croix..

  A010000902 

 C'est dequoy se plaignoit le grand saint Augustin: O Seigneur, disoit-il, est-il possible que l'homme sçache que vous estes mort pour luy et qu'il ne vive pas pour vous? Et ce grand amoureux saint François: Ha! disoit-il en sanglotant, vous estes mort d'amour et personne ne vous ayme!.

  A010000902 

 Que reste-t-il donques, et quelle consequence pourrons nous tirer de cela, sinon que, puisqu'il est mort d'amour pour nous, nous mourions aussi d'amour pour luy, ou, si nous ne pouvons mourir d'amour, que du moins nous ne vivions pour autre que pour luy? Que si nous ne l'aymons et ne vivons pour luy, nous serons les plus desloyales, infideles et perfides creatures qui se puissent trouver.

  A010000903 

 Il est donques mort; mais bien qu'il soit mort et eslevé sur la croix, ceux qui ne le regarderont pas mourront, car il n'y a point d'autre redemption qu'en cette Croix.

  A010000903 

 O Dieu, que c'est une consideration de grande utilité et proffit que celle de la Croix et de la Passion! Est-il moyen, je vous prie, de contempler en icelle l'humilité de nostre Sauveur sans devenir humble et sans avoir de l'affection aux humiliations? Peut-on voir son obeissance sans estre obeissant? O non certes, nul n'a jamais regardé Nostre Seigneur crucifié, qui soit mort ou resté malade; comme au contraire, tous ceux qui sont morts, ç'a esté pour ne l'avoir pas voulu regarder, de mesine qu'entre les enfans d'Israël ceux là moururent qui n'avoyent pas voulu considerer le serpent que Moyse avoit fait dresser sur la colonne..

  A010000905 

 C'est chose merveilleuse qu'il ayt tellement meslé la nature divine avec l'humaine que, quoy que ce soit tres asseuré que l'humanité seule a souffert et non la Divinité car elle est impassible, neanmoins quand on voit la façon avec laquelle le Sauveur a enduré, l'on ne sçait, pour ainsy parler, si c'estoit Dieu ou l'homme qui souffroit, tant les vertus qu'il prattiquoit sont admirables..

  A010000905 

 Entant qu'homme il pouvoit mourir et aussi ne mourir pas, car quoy que ce soit une loy generale qu'il faut que tout homme meure, il pouvoit neanmoins estre exempt de cette loy parce qu'il n'avoit point de peché en luy; or, c'est le peché qui a donné l'entrée à la mort.

  A010000905 

 Entant que Dieu il pouvoit ne pas mourir; mais ce qui est davantage, il ne pouvoit ni souffrir ni mourir, car Dieu est impassible et immortel; et tout ainsy qu'il ne pouvoit point pecher, aussi ne pouvoit-il point mourir, d'autant que mourir est une impuissance aussi bien que pecher.

  A010000905 

 Mais Nostre Seigneur ne s'est point voulu servir de ce privilege, ains il a pris un corps passible et mortel; il s'est incarné pour estre [365] Sauveur, il nous a voulu sauver en souffrant et mourant, et prendre sur soy et en sa sacrée humanité, en toute rigueur de justice, ce que nous avions merité par nos iniquités.

  A010000906 

 Je diray bien davantage: quand elles viendroyent à souffrir toutes les peines qui se pourroyent trouver dans cent mille millions d'enfers, s'il y en avoit autant, et ce avec la plus grande perfection possible à une creature humaine, tout cela ne seroit rien en parangon d'un petit souspir de Nostre Seigneur, d'une petite goutte du sang qu'il a respandu pour l'amour de nous, d'autant que c'est sa personne, qui est d'une excellence et dignité infinie, qui donne le prix et la valeur à telles actions et souffrances; car la Divinité est tellement meslée avec l'humanité que nous disons avec verité que Dieu a souffert la mort, et la mort de la croix, pour nous racheter et nous donner la vie..

  A010000906 

 Mais quoy qu'il ne souffrist rien entant que Dieu, si est-ce que la Divinité qui s'estoit unie avec l'humanité donnoit un tel prix, valeur et merite à ses souffrances, qu'une petite larme, un petit mouvement de son sacré cœur, un petit souspir amoureux estoit plus meritoire, plus pretieux et aggreable à Dieu que n'eussent esté tous les tourmens imaginables de corps et d'esprit, voire mesme les tortures de l'enfer, endurées par les creatures douées de la plus grande perfection.

  A010000907 

 C'est celle que nous avons receuë en la personne de nostre premier pere Adam, en laquelle nous pouvions mourir ou ne mourir pas; car estant au paradis terrestre où se trouvoit l'arbre de vie, nous pouvions, en mangeant de son fruit, nous empescher de mourir, sous la condition neanmoins de nous abstenir du fruit [366] defendu, comme Dieu l'avoit ordonné.

  A010000907 

 Je sçay bien qu'entre les hommes ce mot de mort signifie en nostre langage que la mort n'est qu'un passage d'une vie à l'autre; mourir c'est donques outrepasser les confins de cette vie mortelle pour aller à l'immortelle.

  A010000907 

 Mais il est vray que nous ne serions point morts de cette mort corporelle dont nous mourons à cette heure, ains nous nous serions tousjours acheminés à l'autre vie; et quand il eust pleu à la divine Majesté de nous retirer elle l'eust fait, ou dans un chariot de feu comme Elie, ou en telle autre façon qu'il luy eust pleu.

  A010000907 

 Or, nous autres, tant que nous sommes, avons trois natures ou trois sortes de vie, s'il faut ainsy dire, dont l'une est negative.

  A010000908 

 Comme nous avons tous esté souillés du peché originel et actuel, aussi mourrons-nous tous; c'est pourquoy Nostre Seigneur, qui estoit sans peché, s'estant toutefois chargé de nos iniquités, il est mort comme nous ferons tous, nous qui sommes pecheurs..

  A010000908 

 En la seconde nature, qui est celle que nous avons despuis la faute d'Adam et en laquelle nous vivons à present, nous pouvons mourir, mais nous ne pouvons pas ne point mourir, car c'est une loy generale que nous mourrons tous.

  A010000909 

 La troisiesme nature est celle que nous aurons au Ciel si Dieu nous fait la misericorde d'y arriver.

  A010000909 

 Nostre Seigneur est donques venu comme Sauveur pour nous sauver tous en mourant, car sa mort nous a acquis cette vie en laquelle nous ne pourrons jamais mourir, c'est à dire la vie glorieuse.

  A010000910 

 C'est pour cela que l'Ange descendit du Ciel et vint annoncer à la sacrée Vierge le mystere de l'Incarnation, luy disant que Celuy qu'elle concevroit se nommerait Jesus..

  A010000910 

 Ç'a esté sa vocation que d'estre Sauveur; c'est pourquoy le Pere eternel a tant contesté pour la prouver aux hommes, non seulement par les Patriarches et Prophetes, mais par luy mesme; voire, chose estrange, il s'est mesme servi pour cet effect de la bouche des impies et des plus scelerats qui se puissent trouver, comme nous dirons tantost.

  A010000911 

 Comme s'il vouloit dire: O pauvre peuple, vous m'aviez tellement fasché par vos vices et iniquités que j'avois resolu de vous perdre et abismer tous; mais voyci que je vous envoye mon Fils pour vous reconcilier avec moy, car tout mon playsir est à le regarder et considerer, et en ce regard je trouve tant de complaisance que je m'oublie de tous les desplaysirs que je reçois de vos pechés; escoutez-le donc.

  A010000911 

 Dieu le Pere parla pour rendre ce tesmoignage lors que Nostre Seigneur receut le baptesme de saint Jean Baptiste au fleuve Jourdain, car on entendit alors cette voix: Celuy cy est mon Fils bien aymè auquel j'ay pris tout mon playsir, escoutez-le.

  A010000911 

 Hé, veut-il dire, ne doutez point de sa doctrine, car il est la verité mesme, et pour ce escoutez-le bien; sa doctrine est toute divine, et si vous la prattiquez et suivez, elle vous conduira à la vie eternelle..

  A010000913 

 Il est tres certain que la pluspart du peuple connoissoit que nostre divin Maistre estoit innocent, de sorte que si bien il demanda qu'il fust crucifié ce fut à cause des princes des prestres; car vous sçavez que quand il se fait une sedition en quelque ville tout le menu peuple se range, soit à tort soit à droit, du costé de ceux qui gouvernent tout l'affaire.

  A010000915 

 Ce que je vous vay dire est la chose la plus admirable qui se puisse imaginer et la plus propre à fournir une comparaison pour monstrer que Nostre Seigneur est mort à cause de nos pechés; et pour moy je pense que quand je rencontray cecy à l'ouverture de ce livre ce fut une inspiration que Dieu m'envoyoit, du moins l'ay-je toujours creu ainsy..

  A010000915 

 Il me failloit une comparaison pour mieux declarer ce qui estoit de mon sujet; mais n'en trouvant point, j'ouvris un livre où j'en rencontray une; c'est un oyseau lequel j'ay tous-jours creu n'avoir esté mis en la nature que pour servir de similitude sur le sujet de la Passion.

  A010000916 

 Cet oyseau est tout jaune, neanmoins il n'a point la jaunisse.

  A010000916 

 Chose admirable! cet oyseau n'est jamais malade de la haute jaunisse, et neanmoins il en meurt en delivrant l'homme qui en estoit atteint, voire avec complaisance de mourir pour luy donner la vie..

  A010000916 

 Donques cette similitude est d'un oyseau duquel chacun sçait le nom: il s'appelle en nostre langue loriot et en latin icterus.

  A010000916 

 Et si, il a cette proprieté, qu'estant attaché sur le haut d'un arbre il guerit ceux qui sont atteints de la haute jaunisse, et ce aux despens de sa vie; car le malade regardant cet oyseau jaune, en est pareillement regardé; et par son regard, l'oyseau vient pour ainsy dire, à estre tellement touché de commiseration [370] de voir l'homme, son grand amy, travaillé de ce mal, qu'il tire à soy toute la jaunisse de celuy qui l'a regardé et s'en charge en telle sorte qu'on le voit devenir jaune par tout son corps.

  A010000917 

 Certes, Nostre Seigneur est ce divin oyseau de paradis, divin loriot qui fut attaché sur l'arbre de la croix pour nous sauver et delivrer de la haute jaunisse du peché; toutefois, pour en estre rendu quitte, il faut que l'homme le regarde sur cette croix à fin de l'exciter à commiseration par ce regard; lors il tirera à soy toutes les iniquités de l'homme et mourra librement pour luy.

  A010000919 

 C'est le sacrifice de nos levres et de nostre cœur que nous presentons à Dieu tant pour nous que pour le prochain; aussi Nostre Seigneur s'en servit-il disant à son Pere: Mon Pere, pardonnez-leur parce qu'ils ne sçavent ce qu'ils font.

  A010000919 

 La premiere parole donc que Nostre Seigneur prononça sur la croix fut une priere pour ceux qui le crucifioyent; et c'est alors qu'il fit ce qu'escrit saint Paul: Aux jours de sa chair il offrit des sacrifices à son Pere celeste.

  A010000919 

 Nostre Seigneur donc, voyant l'ignorance et la foiblesse de ceux qui le tourmentoyent, commença à les excuser et à offrir pour eux ce sacrifice à son Pere celeste, car la priere est un sacrifice.

  A010000919 

 Pour vous dire un mot sur ces paroles, je prendray volontiers encores une demi heure, car aussi l'Office n'est pas achevé aux autres eglises.

  A010000920 

 Il est vray que le Pere celeste portoit une grande reverence à ce Fils qui, entant que Dieu, luy est esgal et au Saint Esprit, ayant avec luy une mesme substance, sapience, puissance, bonté et infinie immensité; c'est pourquoy, le regardant comme son Verbe, le Pere ne luy pouvoit rien refuser.

  A010000920 

 Or, ce divin Seigneur s'estant employé à demander pardon [372] pour les hommes, il est tout certain que sa demande luy lut accordée, car son divin Pere l'honnoroit trop pour luy denier quelque chose de ce qu'il luy requeroit..

  A010000921 

 Il fut donques exaucé non seulement à cause de la reverence que le Pere luy portoit, mais aussi à cause de celle qu'il portoit au Pere et avec laquelle il prioit, d'autant que c'est une chose qui ne peut estre imaginée ni comprise que cette reverence que ces deux divines Personnes se portent reciproquement.

  A010000921 

 Tout ainsy que deux grans rois, esgaux en grandeur et en puissance, se rencontrant ensemble se traittent et parlent à l'envi avec tant d'honneur et respect que si l'un des deux prie l'autre de quelque chose il le luy accorde fort promptement et absolument, de mesme en est-il du Pere eternel et de son Fils Nostre Seigneur, car tous deux sont esgaux en dignité, excellence et perfection..

  A010000922 

 C'est pourquoy il ne faut nullement douter que les prieres faites avec une si grande et si admirable reverence par une personne d'un merite et perfection infinis ne fussent tout aussi tost accordées.

  A010000923 

 En cette parole il commença à chanter d'un autre air, d'autant qu'auparavant il prioit, et prioit pour les pecheurs, mais maintenant il monstre qu'il est Redempteur, car ayant [373] pardonné les pechés, il fait ja gouster les fruits de sa redemption au bon larron.

  A010000924 

 C'est qu'il arriva en la Passion de Nostre Seigneur deux grans accidens au sujet de deux sortes de pecheurs qui le tourmenterent extremement.

  A010000924 

 Grand accident que celuy cy, lequel perça le cœur de Nostre Seigneur! Hé, pauvre saint Pierre, que faites-vous et que dites-vous? Vous ne sçavez quel il est, vous ne le connoissez pas, vous qui avez esté appellé de sa propre bouche à l'apostolat, vous qui avez confessé qu'il estoit le Fils du Dieu vivant! Ah! miserable homme que vous estes, comment osez-vous dire que vous ne le connoissez pas? N'est-ce pas Celuy qui nagueres estoit à vos pieds pour les laver, qui vous a repeu de son corps et de son sang? Et vous asseurez que vous ne le connoissez pas! Oh, comme est-ce que la terre vous peut supporter? comment ne s'ouvre-t-elle pas pour vous engloutir dans le plus profond des enfers?.

  A010000926 

 Chose estrange, qu'apres un bon commencement, mesme apres avoir demeuré trente et quarante ans en ce saint service, sur la viellesse, lors qu'il est temps de recueillir, l'on vienne à tout perdre et à se precipiter dans des abismes.

  A010000926 

 O miserable viellesse que celle cy! Que c'est une chose espouvantable de tomber entre les mains du Dieu vivant! Que ses jugemens sont inscrutables! Que celuy qui est debout craigne donques de tomber, dit l'Apostre; que personne ne se glorifie pour se voir bien appellé de Dieu, et en quelque lieu où il semble n'avoir rien à craindre.

  A010000929 

 L'on rapporte mesme, et il est vray, qu'il jettoit des larmes en telle abondance qu'elles luy avoyent creusé les joues et s'estoyent fait comme deux canaux: par ce moyen, de grand pecheur qu'il estoit il devint un grand Saint.

  A010000930 

 Il est vray aussi que ce peccavi que Dieu envoya au cœur de Judas fut comme celuy qu'il envoya jadis au cœur de David: pourquoy donques ne se convertit-il pas? O miserable! il vit la grandeur de sa faute et se desespera.

  A010000932 

 Mais l'autre larron, encores qu'il se trouvast au costé du doux Jesus, il y fut en vain, d'autant qu'il ne voulut jamais regarder la Croix; et combien qu'il receust beaucoup d'inspirations, et mesme des gouttes de ce sang divin qui l'aspergeoit, et que nostre cher Sauveur le sollicitast souvent en son cœur par des secrettes et tres amoureuses semonces de regarder ce bois sacré et le mystique Serpent qui y estoit attaché à fin d'obtenir sa guerison par ce moyen, il ne le voulut point faire; c'est pourquoy il se perdit miserablement, et s'obstinant mourut en son peché..

  A010000934 

 O Dieu, que grande est l'humilité et le rabaissement avec lequel nous devons vivre sur cette terre! Mais aussi, quel sujet de bien ancrer nostre esperance et confiance en Nostre Seigneur; car si apres avoir commis des pechés tels que de le renier, de perseverer et user sa vie en des horribles forfaits et iniquités l'on trouve la remission quand on se retourne du costé de la Croix où est attachée nostre Redemption, que doit craindre le pecheur de l'une et l'autre sorte de revenir à son Dieu en la vie et en la mort? Escoutera-t-il encores cet esprit malin qui luy fait voir ses fautes telles qu'il n'en puisse recevoir le pardon? Hé, qu'il responde hardiment que son Dieu est mort pour tous, et que ceux qui regarderont la Croix, pour grans pecheurs qu'ils soyent, trouveront le salut et la redemption..

  A010000937 

 O Dieu, quelles furent ses angoisses! C'est une chose inexplicable et inconcevable.

  A010000940 

 Il est vray que Nostre Dame ressentit alors une douleur telle que l'inesgalité de ces deux enfans luy pouvoit causer, car il n'y a nulle comparaison entre Nostre Seigneur et son Disciple.

  A010000941 

 C'est qu'aussi tost que le Sauveur eut dit cette troisiesme parolle le soleil retira sa clarté et les tenebres couvrirent toute la terre, mais elles estoyent si espaisses que c'estoit une chose espouvantable.

  A010000941 

 Comme aussi il est question si cette ecclipse fut naturelle ou surnaturelle, et si le soleil agit ou non; mais je ne suis pas en lieu propre pour vuider ce differend..

  A010000942 

 Aussi saint Denis, qui pour lors n'estoit pas Chrestien et qui par apres ayant esté converti par les predications du grand Apostre saint Paul, vint en ces quartiers et fut Apostre de la France, s'escria en voyant ce prodige: Il faut de deux choses l'une, «ou que le Dieu de la nature souffre, ou que la fin du monde approche,» car cette ecclipse est tout à fait surnaturelle, puisqu'elle est en plein midy et au plein de la lune, et que de plus elle surpasse le terme ordinaire des ecclipses (elle dura trois heures entieres).

  A010000943 

 Ce fut lors particulierement qu'il fit ce qu'escrit saint Paul: il pria, il gemit et se plaignit avec de grans cris aux jours de sa chair; c'est à dire qu'en ce temps cy, il se [382] plaignit à son Pere, il pleura et cria à fin d'exciter tout le inonde à penitence.

  A010000946 

 Ceux cy estoyent quasi Chrestiens, c'est à sçavoir ils avoyent encores quelques dispositions pour recevoir la grace, puisqu'ils croyoient à l'invocation des Saints.

  A010000946 

 Les autres murmuroyent par ensemble: S'il est si saint que l'on dit, que ne se sauve-t-il soy mesme! Il en a tant sauvé d'autres; il est fol s'il ne fait pour luy ce qu'il a fait pour eux.

  A010000948 

 Voyant la multitude des ames qui se perdroyent et ne voudroyent pas se servir de la redemption de la Croix, c'est à dire se sauver par le moyen d'icelle, il prononça la cinquiesme parole, parole de plainte et de lamentation: Sitio; Jay soif.

  A010000950 

 Cela n'est pas raysonnable, et pour ce vous mourrez obstinés en vostre peché et ne trouverez point de pardon, car la piscine vous estant preparée vous refusez de vous y jetter.

  A010000950 

 Ha! miserables que vous estes, dit nostre Sauveur, vous demandez que je descende de ce bois pour croire en moy; c'est à sçavoir vous voulez un autre moyen de redemption que celuy que mon Pere a ordonné de toute eternité, moyen qui a esté predit par tant de Prophetes et annoncé par tant de figures; vous pretendez donc estre sauvés comme vous voulez et non comme Dieu veut.

  A010000950 

 La redemption est ouverte et si abondamment qu'elle regorge de tous costés, et vous ne vous y voulez pas laver!.

  A010000950 

 O miserable peuple, que dites-vous, que nostre cher Sauveur et Maistre descende de ce gibet? Oh! il ne le [385] fera pas, car, dit saint Paul, il s'est fait obeissant jusques à la mort, et à la mort de la croix; il est monté sur la croix par obeissance et mourra en icelle par obeissance.

  A010000951 

 C'est pour parfaire cette redemption que Nostre Seigneur ne voulut point descendre de la croix, de sorte que, comme dit le grand Apostre, il a esté vrayement obeissant jusques à la croix, car il est veritablement mort de la mort de la croix par une grande obeissance.

  A010000951 

 Cette redemption est si copieuse qu'elle ne sçauroit estre espuisée non seulement par des millions d'années, mais par des millions de millions de siecles.

  A010000951 

 O miserables gens, qui demandez une autre redemption que celle de la Croix, celle-cy n'est-elle donc pas suffisante? Elle est mesme plus que suffisante, puisqu'il est vray qu'une seule larme, un seul souspir amoureux sortant de ce cœur sacré pouvoit racheter des millions de milliers de natures humaines et angeliques, s'il y en eust eu autant qui eussent peché; et toutefois il ne nous a pas rachetés avec un seul souspir ni une seule larme, ains avec tant et tant de travaux et de peines, ayant espuisé tout le sang de ses veines.

  A010000952 

 La premiere est speculative, c'est celle des theologiens quand ils declarent et expliquent l'excellence de cette vertu.

  A010000952 

 Or, Nostre Seigneur n'ayme point cette obeissance: il faut obeir pareillement aux grandes et petites choses, aux faciles et aux difficiles, et demeurer fermes, c'est à dire attachés à la croix où l'obeissance nous a mis, sans recevoir ni admettre aucune condition pour nous en faire descendre, quelque bonne apparence qu'elle ayt.

  A010000952 

 Or, ce n'est pas le tout d'en parler; il faut venir à la seconde façon d'entendre cette vertu, qui est de se mettre à la prattique d'icelle dans les occasions petites et grandes qui se presentent.

  A010000953 

 Que les mariés demeurent en la croix de l'obeissance, c'est à dire du mariage; car c'est leur croix la meilleure et celle de la plus grande prattique, d'autant que l'on est presque en perpetuelle action et que les occasions de souffrir y sont plus frequentes qu'en aucune autre.

  A010000954 

 C'est la croix à laquelle Dieu l'a attaché, il faut donques qu'il y demeure ferme, sans croire à ce qui le pourroit provoquer d'en sortir..

  A010000954 

 Que le prelat et celuy qui a charge d'ames ne desire point d'estre destaché de cette croix à cause du tracas de [387] mille soucis et empeschemens qu'il y rencontre; ains qu'il fasse ce qui est de son devoir en son office, ayant soin des ames que Dieu luy a commises, instruisant les uns, consolant les autres, tantost parlant, tantost se taisant, donnant le temps à l'action et, quand il le doit, à la priere.

  A010000955 

 Voyla qui a bien de l'apparence de vertu; mais certes, quand cela est contraire à l'obeissance il le faut rejetter et ne point admettre tels mouvemens et inspirations.

  A010000956 

 Ce fut la sixiesme parole qu'il prononça: Consummatum est; Tout est consommé.

  A010000956 

 Oh! dit-il, vous voulez que j'en descende? mais moy je vous dis au contraire que tout est consommé.

  A010000957 

 Il se presente encores icy un grand nombre de considerations, car certes c'est en icelle que consiste toute la perfection chrestienne.

  A010000958 

 Ah! mes cheres Sœurs, si quand nous nous consacrons au service de Dieu nous commencions par remettre absolument et sans reserve nostre esprit entre ses mains, que nous serions heureux! Tout le retardement de nostre perfection ne provient que de ce defaut d'abandon; et il est vray qu'il faut par là commencer, poursuivre et finir la vie spirituelle, à l'imitation du Sauveur qui l'a fait avec une admirable perfection au commencement, au progres et à la fin de sa vie..

  A010000958 

 C'est la quintessence de la vie spirituelle que ce parfait abandonnement entre les mains du Pere celeste et cette parfaite indifference en ce qui est de ses divines volontés.

  A010000958 

 Tout est accompli, mais s'il vous plaist que mon esprit demeure encores plus long temps dans ce corps à fin de souffrir davantage, je le remets entre vos mains; si vous voulez que je passe de cette vie en l'autre pour entrer en ma gloire, je remets mon esprit entre vos mains; en somme, o mon Pere, vouloit dire nostre cher Maistre, me voicy entierement prest et resolu de faire tout ce qu'il vous plaira.

  A010000960 

 Helas, ne voyez-vous pas que ce n'est pas là remettre son esprit entre les mains de Dieu comme fit Nostre Seigneur? Certes, c'est d'icy que naissent tous nos maux, nos troubles, nos inquietudes et autres telles niaiseries; car si tost que les choses n'arrivent pas selon que nous attendions ou comme nous nous promettions, voyla que soudain la desolation saisit nos pauvres esprits qui ne sont pas en cette parfaitte indifference et remise entre les mains divines.

  A010000960 

 O que nous serions heureux si nous prattiquions bien ce point icy qui est l'abbregé et la quintessence de la vie spirituelle! Nous arriverions à la haute perfection d'une sainte Catherine de Sienne, de sainte Françoise, de la bienheureuse Angele de Foligny et de plusieurs autres qui estoyent comme des boules de cire entre les mains de Nostre Seigneur et de leurs Superieurs, recevant toutes les impressions qu'on leur vouloit donner..

  A010000961 

 Que l'on se taise quand il faut, et que l'on parle quand c'en est temps..

  A010000962 

 Demeurons sur la croix où Dieu nous a mis, prions sur icelle, voire plaignons-nous à luy de nos afflictions et aridités et disons, quand il est requis, des paroles de consolation au prochain.

  A010000962 

 En somme, consommons-nous sur cette croix et accomplissons tout ce qui est des divines volontés, et en fin nous recevrons de ce grand Dieu, comme je l'en prie de tout mon cœur, et pour moy particulierement, la grace de remettre nostre esprit entre ses mains.

  A010000962 

 Si nous faisons cela nous pourrons bien dire à l'heure de nostre mort comme nostre cher Maistre: Tout est consommé; o Dieu, j'ay accompli tout ce qui estoit de vos divines volontés en tous les evenemens.

  A010000977 

 Cette doctrine, qui est la fin de l'Evangile du jour de saint Leger, presuppose plusieurs choses mentionnées dans le texte de ce mesme Evangile; mais pour bien digerer et gouster le fruit de cette doctrine il faut remarquer qu'il y a icy des propositions fort generales à tous et en tout..

  A010000978 

 Elle est aussi general e au regard des choses qu'il faut quitter; car le Sauveur ne dit pas: Qui ne renonce à une bonne partie de ce qu'il a, mais il se sert de ce mot tout qui rejette toute sorte d'exception..

  A010000978 

 On voit par ces mots, chacun de vous, qu'il n'y a celuy lequel vivant ça bas, ne soit compris et enserré dans cette regle qui est sans exception aucune, tant pour ceux qui demeurent emmi le tracas et les distractions ordinaires de ce monde erroné, que pour ceux qui, desirans mener une vie de plus haute perfection, se sont separés d'iceluy; bref, soit grans soit petits, tous sont [392] compris dans cette proposition.

  A010000979 

 Ce n'est donques pas sans sujet, ains à bon droit, que Nostre Seigneur dit: Ainsy, chacun de vous qui ne renoncera à tout ne peut estre mon disciple.

  A010000979 

 Cette leçon, dis-je, est admirable, d'autant que ne pas renoncer à tout c'est avoir encores quelque chose de la terre: or, il n'y a aucune sympathie entre cette pretention et celle de se rendre vray disciple de Celuy qui est tout celeste.

  A010000979 

 Mais avant que passer outre, implorons l'ayde et assistance de celle qui a librement renoncé à tout ce qu'elle possedoit; c'est la Mere de Celuy qui a fait ce commandement..

  A010000981 

 Cecy estant posé, le Fils de Dieu est venu en ce monde pour nous donner des maximes, comme fondemens generaux et tres asseurés par le moyen desquels nous puissions parvenir à la connoissance de la vraye perfection et à l'exercice d'icelle.

  A010000982 

 Et la devise de Jesus Christ est tout au rebours: Bienheureux ceux qui souffrent persecution pour l'amour de la justice, car le Royaume des cieux est à eux; et ainsy de toutes les autres maximes.

  A010000982 

 La devise du monde est: Bienheureux ceux qui prennent vengeance du tort qu'on leur fait, car ils seront estimés courageux et se feront redouter et craindre.

  A010000982 

 Mais celles de Dieu nous enseignent tout au contraire que [393] bienheureux sont les pauvres d'esprit, carie Royaume des cieux est à eux.

  A010000982 

 Mais puisqu'un contraire est chassé par son contraire, il est infaillible que les leçons de Nostre Seigneur renversent et abolissent totalement celles du monde.

  A010000982 

 Par où nous voyons clairement que celles que Dieu est venu donner au monde sont directement opposées à celles de ce siecle et qu'elles les destruisent totalement..

  A010000983 

 Ces paroles devroyent estre gravées et empreintes en nos cœurs d'une impression telle que la mort seule les peust effacer, puisque sans Jesus Christ nostre vie est plustost une mort qu'une vie, sans la verité qu'il a apportée au monde, tout eust esté plein de confusion, et si nous ne suivons ses traces, [394] vestiges et voyes nous ne pourrons trouver le chemin qui conduit au Ciel..

  A010000983 

 La premiere est comment nous sommes tenus de renoncer à toutes choses.

  A010000983 

 Mais helas, combien peu y en a-t-il qui embrassent cette verité et suivent cette voye, laquelle n'est autre que Jesus Christ mesme qui a dit: Je suis la vie, la verité et la voye.

  A010000983 

 Pour revenir à nostre texte, qui est fort utile et advantageux si les paroles en sont deuement pesées et digerées, nous pouvons en tirer quatre considerations qui seront le sujet et la division de la presente exhortation.

  A010000984 

 Ce n'est pas toutefois que la prattique de la premiere consideration ne soit suffisante pour acquerir le Ciel: ainsy voyons-nous un saint Louys ne s'estre demis de la couronne royale qu'en esprit d'abnegation, et non reellement, et avoir cependant conquis l'heritage celeste.

  A010000984 

 La deuxiesme consideration est plus relevée et excellente que la premiere et appartient principalement à ceux qui aspirent à une plus haute perfection: c'est de quitter tout ce qu'ils possedent, non point seulement par un esprit d'abnegation, mais aussi de fait, et se despouiller de toutes les choses de ce monde caduc et transitoire.

  A010000985 

 La troisiesme consideration, qui n'est pas de peu d'utilité si elle est bien goustée, consiste à reconnoistre les choses que nous possedons, à fin que par adventure nous ne soyons point trompés en l'abnegation de celles qui ne sont pas en nostre puissance.

  A010000985 

 Mais la providence de Dieu est admirable en cecy, ayant voulu, par une prescience tres utile, exprimer ces mots, ce qu'il possede, pour nous enseigner que principalement et en premier lieu nous devons faire banqueroute aux choses possedées avant que de venir à l'abnegation des futures..

  A010000986 

 Il est tres asseuré que les vielles gens sont proches de la mort et que les jeunes peuvent bien tost mourir; neanmoins, parlez à un jeune homme esventé et l'interrogez de l'estat de son salut: Quoy, dira-t-il, ne suffit-il pas que je dedie à Dieu mes vieux jours? Si faut-il se donner du bon temps tandis qu'on est jeune.

  A010000987 

 La quatriesme et derniere consideration est de prendre garde que le ferme propos que nous avons de tout quitter ne soit vain, dissimulé et par flatterie; car si celuy qui fait edifier une tour est si imprudent qu'il ne considere point avant de la commencer s'il a des biens et des commodités suffisantes pour mettre à chef son edifice, et que par cette imprudence il ne puisse faire reussir son dessein, ne jugerez-vous pas qu'il est un sot et un mal advisé? De mesme, un roy ne seroit-il pas bien despourveu de jugement, si sçachant qu' un autre roy a mis vingt mille hommes sur pied pour luy donner la bataille, il ne consultoit pour sçavoir s'il pourra avec dix mille hommes aller au devant de celuy qui vient avec vingt mille? Autrement, s'il ne le fait, il sera contraint, et avec grande confusion et detriment de son honneur, d'envoyer au devant de l'ennemy demander les moyens de paix.

  A010000988 

 Ainsy nous en arrivera-t-il si nous ne prenons garde que le ferme propos que nous avons de renoncer à toutes choses soit assez solide et suffisant pour nous conduire à chef de nostre dessein, car nous avons un ennemy qui est grandement madré et puissant.

  A010000989 

 Mais, ce qui est bien davantage, ils estoyent esgalement riches, car, à proprement parler, nous ne possedons pas les biens de ce monde: cecy est fort clair.

  A010000989 

 Mais, me demandera quelqu'un, à quel propos est-il dit qu'il faut renoncer à tout? Ceux qui n'ont rien, ou à tout le moins bien peu, à quoy peuvent-ils renoncer? A cela je respons qu'il est expedient que celuy qui a peu quitte peu, et que celuy qui a beaucoup quitte beaucoup.

  A010000990 

 En fin, parcourez [397] tant qu'il vous plaira tout ce qui est en nous, vous ne trouverez qu'une seule petite partie dont nous soyons maistres: c'est la volonté, laquelle nous possedons tellement que Dieu mesme n'a pas voulu s'en reserver le dessus, donnant à l'homme libre juridiction ou d'embrasser le mal ou de suivre le bien, si mieux il luy aggrée..

  A010000994 

 de loysir que le tracas du monde nous laisse sera cause que je vous entretiendray fort simplement et familierement (car il me semble que les choses en sont meilleures) des deux points que je ne vous peus expliquer jeudy dernier, c'est à dire comme il faut celebrer les festes et quelles sont les festes et mysteres que nous celebrons.

  A010000995 

 Celle de la Conception de la Vierge ne nous est pas commandée, mais bien recommandée; et pour nous inviter à la devotion et solemnité de cette feste l'Eglise, comme une charitable mere, nous [399] donne des indulgences, et il se fait mesme des confreries à cette intention.

  A010000995 

 En premier lieu il faut sçavoir qu'il y a trois sortes de festes: celles que l'Eglise nous commande, celles qu'elle nous recommande, et les festes politiques, comme est celle qui se celebre aujourd'huy pour l'entrée du Roy en cette ville, laquelle estant ordonnée par les Messieurs de ville est ainsy rendue politique.

  A010000996 

 Il faut sçavoir d'abord qu'il y a en icelle quatre parties: la premiere est ce que nous devons croire, la seconde ce que nous devons esperer, la troisiesme ce que nous devons aymer, la quatriesme ce que nous devons faire et prattiquer..

  A010000997 

 C'est ainsy que ces meschans heretiques ont voulu dire que le saint Sacrifice de la Messe n'estoit pas compris dans nostre Symbole.

  A010000997 

 La premiere est renfermée dans le Symbole des Apostres, lequel s'appelle ainsy parce que ce sont les Apostres qui l'ont composé.

  A010000997 

 Par exemple, il n'est pas dit dans le Credo qu'il y a des Anges; neanmoins c'est une verité que nous croyons et trouvons dans la Sainte Escriture, et que mesme ils sont employés en des ministeres icy bas en ce monde.

  A010000997 

 Tout ce que nous devons croire est compris dans iceluy; et, bien qu'il n'y soit pas tout par le menu, si est-ce que tout y est en gros.

  A010000998 

 Tout ce que nous devons esperer et demander à Dieu est contenu dans les sept demandes du Pater, que nous appelions communement Oraison dominicale, laquelle Nostre Seigneur nous a laissée..

  A010000999 

 (Asseurement l'oranger est tousjours en un mesme estat sans se flestrir jamais; neanmoins il a cela, qu'il ne nourrit pas.) Ainsy l'Eglise a ses feuilles, qui sont ses ceremonies, ses fleurs, qui sont ses actions, et ses fruits, qui sont ses bonnes œuvres et les bons exemples qu'elle donne au prochain en toutes occasions..

  A010000999 

 Vous sçavez aussi les autres qui suivent au Decalogue et ceux de l'Eglise, [400] laquelle ressemble à un bel arbre, ou bien à l'oranger qui est tousjours verdoyant en toute saison.

  A010001001 

 Saint Michel voyant cela, se prit à dire: Qui est comme Dieu? et par ce moyen le renversa en l'abisme des enfers, d'autant, comme l'escrit saint Bernard, que nul ne peut estre eslevé qu'au prealable il ne se soit humilié.

  A010001002 

 C'est à dire: Nous sommes tous conceus en peché, et toutes les conceptions despuis le commencement du monde jusques à la fin se feront en peché..

  A010001002 

 Lucifer s'estant ainsy rendu rebelle contre son Createur, et par consequent contre l'image d'iceluy qui est l'homme, s'addressa à nos premiers parens, et premierement à Eve et luy parla ainsy: Si tu manges de ce fruit tu sçauras le bien et le mal et seras semblable à Dieu.

  A010001002 

 S'ils estoyent demeurés en grace nous aurions participé à ce bien incomparable, car c'est de leur cheute que le peché originel a pris sa source; c'est là l'heritage qu'ils nous ont laissé, comme nous eussions de mesme herité de cette grace et justice premiere en laquelle ils avoyent esté creés, s'ils eussent perseveré.

  A010001003 

 Bien est-il vray que nostre premier pere et Eve aussi furent creés et non pas conceus; neanmoins toutes les conceptions des hommes se font en peché.

  A010001004 

 Cependant, saint Jean et Hieremie ont esté conceus en peché par voye ordinaire de generation, mais il n'en a pas esté ainsy de Nostre Seigneur, car il a esté conceu du Saint Esprit et de sa sacrée Mere sans pere; c'est pourquoy il n'estoit pas raysonnable qu'il heritast du peché originel.

  A010001004 

 Il est vray, mais il est Dieu aussi, et par ce moyen il est parfaitement Dieu et homme, sans separation ni distinction quelconque.

  A010001004 

 Il n'est pas de la semence d'Adam, c'est à dire par voye de geneation, car il fut conceu de sa Mere sans pere, comme nous avons dit; il fut bien de la masse d'Adam, mais non pas de la semence..

  A010001004 

 L'on me pourroit dire: Puisqu'il a pris nostre nature, il est homme.

  A010001005 

 Elles viennent sur les ondes de la mer au temps de la plus grande fraischeur, qui est à [403] la pointe du jour, principalement au mois de may; comme elles sont là, elles ouvrent leurs escailles du costé du ciel, et les gouttes de la rosée tombant en icelles, elles les resserrent ensuite en telle sorte qu'elles couvent cette rosée dans la mer et la convertissent en perles, dont puis apres l'on fait tant d'estat.

  A010001005 

 Il n'y a point de doute en cela pour ce qui est du peché actuel.

  A010001006 

 Aussi, par une speciale grace, son ame ne tenoit-elle rien de ses parens pour ce qui est ordinaire aux autres creatures..

  A010001006 

 C'est pour cette cause que l'Evangeliste ne fait point mention des pere et mere de la Vierge, ains seulement de Joseph, espoux d'une Vierge nommée Marie, de laquelle est né le Christ.

  A010001006 

 Et comme si la goutte de rosée ne trouvoit pas l'escaille pour la recevoir elle tomberoit dans la mer et seroit convertie en eau amere et salée, mais l'escaille la recevant elle est changée en perle, de mesme la tres sainte Vierge a esté jettée et envoyée en la mer de ce monde par voye commune de generation, mais preservée des eaux salées de la corruption du peché.

  A010001008 

 Nous avons un autre exemple au troisiesme Livre des Rois, chapitre premier, où il est dit que la reyne Bethsabée vint trouver David en luy faisant plusieurs genuflexions et humiliations.

  A010001008 

 Or, si les meres ont naturellement tant de desir que leurs enfans regnent et soyent honnorés, à plus forte rayson Nostre Dame qui sçait que son Fils est son Dieu: aussi l'honneur du Fils est celuy de la Mere..

  A010001014 

 Il en est ainsy de saint Matthieu et des autres, notamment de saint Thomas..

  A010001015 

 Et de vray, il tomba en une tres grande faute, laquelle est presque indicible; nous pouvons faire cette remarque apres tous les saints Peres.

  A010001015 

 Mais, je vous prie, [406] pourquoy la font-ils sinon pour nous faire voir l'infinie misericorde de Dieu en comparaison de la misere des pecheurs? Nous trouvons qu'il est dit en la Sainte Escriture que Dieu fait son throsne de nostre misere.

  A010001016 

 De mesme en est-il pour ce qui est de descheoir d'icelle et de tomber en quelque peché et imperfection: l'on ne tombe pas tout à coup, mais des petites fautes l'on vient aux plus grandes.

  A010001016 

 Il ne faut point dire: C'est peu de chose de ne se pas trouver avec la Communauté tant à la priere qu'à quelqu'autre exercice; car si saint Thomas se fust trouvé avec les autres Apostres, il eust esté saint et fidelle huit jours plus tost.

  A010001016 

 Le premier manquement, à sçavoir de ne se pas sousmettre et trouver avec les autres, fut le commencement de son mal et ce fut de là qu'il prit sa source; car il faut remarquer une chose de tres grande importance, qui est que l'homme ne monte pas à la perfection tout d'un coup, mais petit à petit, de degré en degré.

  A010001016 

 Ne croyons pas que ce soit petite chose de demeurer huit jours en infidelité et de retarder nostre perfection pour peu que ce soit; au contraire c'est un grand mal, d'autant que les momens nous sont bien pretieux et nous doivent estre tres chers..

  A010001017 

 Certes, il auroit deu demander aux Apostres comment le Sauveur leur estoit apparu et se resjouir avec eux de leur bonheur; mais le mal est qu'il fit tout le contraire et que de plus il ne voulut en façon quelconque s'accuser de sa faute.

  A010001018 

 Sur quoy saint Bernard replique et dit: O pauvre Thomas, pourquoy ne voulez-vous pas croire sans toucher, puisque nostre foy n'est point palpable et qu'elle ne depend point des sens? Et de vray il a rayson, ce grand Saint, d'autant que la foy est un don de Dieu qu'il infuse en l'ame humble, car elle n'habite pas en une ame pleine d'orgueil; il faut avoir l'humilité pour recevoir ce rayon de la lumiere divine qui est un don purement gratuit.

  A010001019 

 C'est un grand mal de se laisser entraisner de la sorte, car les theologiens enseignent que lors que nous cedons à nos passions elles nous portent jusques au peché mortel.

  A010001019 

 Le grand saint Paul, ou plustost Nostre Seigneur en saint Paul, apres le Prophete, nous dit: Courroucez-vous, mais ne pechez point, parce que ce n'est pas pecher d'avoir ses passions esmeuës; mais c'est bien autre chose d'entrer en colere et de suivre les sentimens d'icelle, comme de se despiter et opiniastrer en suite: c'est cela qui fait le peché.

  A010001019 

 Par exemple, ceux qui sont sujets à l'avarice ne passent pas pour l'ordinaire au peché mortel; mais ils gardent leurs biens un peu trop exactement, ce qui est le premier fruit de la passion, et cela est peché veniel selon l'importance de la chose.

  A010001019 

 Revenons à nostre propos, qui est que saint Thomas se laissa emporter à sa passion.

  A010001022 

 Considerons, je vous prie, combien le Sauveur est bon.

  A010001022 

 Lors tout estonné, il s'exclama et dit: O mon Seigneur et mon Dieu! et en mesme temps il fut changé et rendu fidelle, si qu'il a esté predicateur de la foy comme les autres Apostres, et apres avoir grandement travaillé pour icelle, il est à la fin mort pour cette mesme foy..

  A010001023 

 C'est un grand don de Dieu que la foy; c'est elle qui nous separe d'avec ces miserables heretiques lesquels ne veulent pas croire le Saint Sacrement de l'autel parce, disent-ils, qu'on ne voit rien, qu'on n'y touche rien.

  A010001024 

 Ainsy en est-il des ames qui estans parmi la meslée du monde y engagent toutes leurs affections, car à grand peine de deux cens s'en sauve-t-il une ou deux au plus, parce qu'elles ne pensent point aux choses eternelles et sont tousjours attentives aux honneurs, playsirs et richesses; pour cela nous sommes obligés de prier pour elles à fin que Dieu leur donne une parfaite foy qui les fasse desprendre de toutes les choses de la terre..

  A010001024 

 Mes cheres Sœurs, c'est un grand bien que d'estre en communauté, puisque si saint Thomas n'eust point eu de freres il ne fust pas si tost sorti de son infidelité.

  A010001032 

 Et de fait, la solemnité d'aujourd'huy n'est instituée qu'en memoire du passage que Nostre Seigneur a fait de sa Divinité à nostre humanité.

  A010001032 

 Le second passage est celuy de sa Mort et Passion à sa Resurection; c'est le passage de la mortalité à l'immortalité, lequel nous celebrons toute la Semaine Sainte et à Pasques.

  A010001033 

 Et moy je responds que c'estoit bien celle des anciens en la primitive Eglise, lors qu'elle estoit en sa fleur et en sa vigueur; saint Gregoire nous [413] tenons par tradition certaine qu'il y a mil six cent vingt et deux ans que Nostre Seigneur est venu en ce monde et qu'en prenant nostre nature il s'est fait homme..

  A010001033 

 Mais l'on me pourroit dire que ce n'est pas la coustume de prescher la nuit.

  A010001034 

 De toute eternité le Pere a engendré son Fils, qui est semblable à luy et coeternel à luy, car il n'a jamais eu de commencement, estant esgal en tout à son Pere.

  A010001034 

 En la terre, il est né de sa Mere, Nostre Dame, sans pere.

  A010001034 

 Il est né dans le Ciel de son Pere, sans mere, lequel tout en estant l'origine de la tres sainte Trinité, demeure neanmoins vierge entre toutes les vierges.

  A010001034 

 Le Fils donc est engendré du Pere, il procede du Pere, sans occuper point d'autre place.

  A010001034 

 Pourtant le Fils nous est né du Pere, comme qui diroit de son sein, de sa propre substance; c'est ainsy, par exemple, que nous disons que les rayons du soleil sortent de son sein parce que le soleil et ses rayons ne sont qu'une mesme chose.

  A010001035 

 Ainsy, en Nostre Seigneur et Maistre, la Divinité a comme joint nostre nature en la sienne et Dieu nous a faits participans en quelque façon de sa Divinité, car il s'est fait homme comme nous..

  A010001035 

 Ce n'est pas pourtant à dire qu'en Jesus Christ il y ayt deux personnes, car la Divinité s'unissant à nostre humanité il fut tres parfaittement Dieu et homme au mesme instant de sa conception, sans separation quelconque.

  A010001035 

 L'Evangile nous asseure que le Verbe divin s'est incarné ès entrailles de la tres sainte Vierge, par ces paroles de l'Ange: Spiritus Sanctus, etc., luy annonçant que le Saint Esprit viendroit en elle et que la vertu d'en haut l'obombreroit.

  A010001036 

 Ainsy en est-il de l'humanité sacrée de Nostre Seigneur, car sortant de cette terre virginale de Marie, elle estoit bien differente de la nostre, laquelle est toute souillée de corruption et de peché.

  A010001036 

 De plus, le Verbe a creé Marie et il est né d'elle, de mesme que l'abeille fait le miel et le miel l'abeille, si que jamais on ne vit abeille sans miel ni miel sans abeille..

  A010001036 

 Et de vray, le ventre sacré de Marie est une ruche mystique dans laquelle le Saint Esprit a pestri ce gasteau de miel avec le plus pur sang d'icelle.

  A010001036 

 Mais il y a difference entre le miel qui se tire du thym, d'autant qu'il est beaucoup plus excellent que celuy qu'on appelle d'Heraclée, qui se fait sur l'aconit et autres fleurs; car quand on le taste l'on connoist aussi tost celuy qui est recueilli sur le thym parce qu'il est fort et doux tout ensemble, tandis que celuy d'Heraclée donne la mort.

  A010001037 

 En la naissance de Nostre Seigneur nous avons des preuves de sa Divinité et des preuves tres evidentes: l'on voit les Anges descendre du Ciel pour annoncer aux pasteurs qu' un Sauveur leur est né, et les Rois Mages le venir adorer.

  A010001037 

 Tout cela nous monstre qu'il est plus qu'homme, comme au contraire, par les gemissemens qu'il fait en la creche, tremblottant de froid, nous le voyons vrayement homme..

  A010001038 

 Mais sa bonté l'a porté jusques là, que de se faire nostre frere à fin de nous donner exemple et nous rendre par ce moyen participans de sa gloire; c'est pour cela qu'il a voulu estre de la graine d'Abraham, car la tres sacrée Vierge estoit de sa race, et pour cette cause il est dit d'elle: Abraham et semini ejus..

  A010001042 

 Dieu n'est qu'un en essence; toutefois la Divinité est en trois Personnes, Pere, Fils et Saint Esprit, qui sont un seul vray Dieu.

  A010001042 

 Et par consequent il est impossible que ce que fait l'une des Personnes divines les autres deux ne le fassent semblablement; et, comme dit le Symbole de saint Athanase, le Pere est createur, le Fils est createur et le Saint Esprit est createur, et toutes les œuvres de la creation et autres ont esté et sont esgalement faites par les trois Personnes divines.

  A010001042 

 Neanmoins, parce que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils on luy attribue les œuvres qui procedent de la bonté de Dieu, comme est la justification et sanctification des ames, ainsy que les œuvres qui procedent immediatement de la toute puissance, comme celles de la creation, sont attribuées au Pere; c'est pourquoy nous disons: «Je crois en Dieu, le Pere tout puissant, createur du ciel et de la terre.» Mais les œuvres de la sagesse sont attribuées au Fils parce qu'il est la Parole du Pere, [417] Mot Patris; c'est pourquoy l'œuvre de la redemption luy est attribuée, d'autant que, comme un tres sage medecin, il a sceu guerir la nature humaine de tous ses maux..

  A010001042 

 Toutes les œuvres de Dieu qui regardent le salut des hommes et des Anges sont attribuées d'une façon particuliere au Saint Esprit, d'autant que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils.

  A010001043 

 Les œuvres donques qui procedent de la bonté de Dieu sont attribuées au Saint Esprit parce qu'il est l'amour, c'est à dire le souspir amoureux du Pere et du Fils.

  A010001043 

 Mais pour les ramasser, je suis content de les considerer sous les sept dons desquels il est parlé en Isaïe..

  A010001043 

 Or, en cette feste, ayant à considerer les œuvres du Saint Esprit, les uns les regardent comme fruits, ainsy qu'ils sont descrits par l'Apostre saint Paul en l'Epistre aux Galates: Fructus autem Spiritus est charitas, gaudium, pax, patientia, longanimitas, bonitas, benignitas, mansuetudo, fides, modestia, continentia, castitas; Les fruits de l'Esprit sont charité, joye, paix, patience, longanimité, bonté, benignité, mansuetude, foy, modestie, continence et chasteté.

  A010001044 

 Il est dit au Livre des Nombres, chapitre VIII, que Dieu commanda à Moyse de mettre un grand chandelier d'or aupres du tabernacle, lequel portoit sept lampes pour ardre perpetuellement.

  A010001044 

 Saint Isidore et, devant luy, saint Cyrille Hierosolymitain ont dit que ce chandelier et ses sept lampes representoyent le Saint Esprit et ses sept dons: et il est vray que toute lumiere, chaleur, clarté et benediction procede du Saint Esprit, c'est à dire de Dieu entant qu'il est amour; mais cette clarté, lumiere et benediction est partagée en sept dons du Saint Esprit..

  A010001045 

 De sorte que l'humanité sacrée de nostre Sauveur a esté comme une divine fleur sur laquelle le Saint Esprit s'est reposé pour luy communiquer ses sept dons; ce qui nous est tres bien representé par ce chandelier d'or avec ses sept lampes, qui estoit devant le tabernacle en l'ancienne Loy, et lequel pouvoit estre appellé une fleur parce que ses vases estoyent disposés en guise de fleurs de lys..

  A010001045 

 Une verge sortira de la racine de Jessé, dit le Prophete Isaïe, c'est à dire la Vierge; et de la Vierge une fleur, c'est à dire son Fils Nostre Seigneur, et sur cette fleur le Saint Esprit reposera: l'Esprit de sapience et d'intellect, l'Esprit de conseil et de force, l'Esprit de science et de pieté, et il sera rempli de la crainte du Seigneur; Egredietur virga de radice Jesse, et flos de radice ejus ascendet, et requiescet super eum Spiritus Domini: Spiritus sapientiœ et intellectus, [418] Spiritus consilii et fortitudinis, Spiritus scientiœ et pietatis, et replebit eum Spiritus timoris Domini.

  A010001046 

 Le Prophete les rapporte selon l'ordre de leur dignité, et d'autant que le don de sapience est le plus excellent et le plus relevé, il le met le premier, et les moins excellens il les met à la fin.

  A010001047 

 Et le Sage dit: On escrit tant de livres qu'on veut, mais l'abbregé de tous c'est la crainte de Dieu..

  A010001047 

 Initium sapientiœ timor Domini; Le commencement de la sapience c'est la crainte de Dieu, dit le Psalmiste; et en un autre lieu: Timete Dominum, omîtes sancti ejus; Craignez Dieu, o vous tous saints et esleus.

  A010001047 

 Or voicy donques, pour commencer à monter cette divine eschelle, que le premier don du Saint Esprit est le don de crainte de Dieu.

  A010001048 

 C'est pourquoy le saint Prophete David parlant à Dieu, au Psalme CXLIX, luy dit: Vous assujettirez sous vostre empire les rois et les grans, et les emprisonnerez avec des menottes de fer; Ad alligandos reges eorum in compedibus, et nobiles eorum in manicis ferreis..

  A010001048 

 De mesme il y a plusieurs personnes lesquelles ne quitteroyent jamais leur mauvaise [419] vie s'ils ne craignoyent la mort, le jugement et les peines d'enfer; et cette crainte est la plus generale entre les hommes, ainsy que l'experience le fait voir tous les jours; car de dix mille penitens, il n'y en a peut estre pas un qui ne commence son salut par cette crainte de la mort, du jugement et de l'enfer.

  A010001048 

 Mais cette [première] crainte est servile et semblable à celle des forçats de galere, qui ne voguent que par force et ne vogueroyent jamais s'ils ne craignoyent qu'on les accablast de coups de nerfs de bœuf.

  A010001048 

 Or, il faut sçavoir que cette crainte est double; car on craint Dieu ou entant qu'il chastie les malfaiteurs ou entant qu'il recompense les bienfaiteurs.

  A010001049 

 C'est pourquoy les philosophes, comme Platon, Aristote et les autres, ont craint et ont pensé que Dieu apres cette vie chastieroit les offences..

  A010001049 

 Ces menottes et chaisnes de fer, dit saint Augustin, c'est la crainte d'estre damné, et cette crainte est bonne pour commencer son salut, parce que les hommes reconnoissans qu'il est impossible que Dieu ne se venge des pecheurs qui l'ont offensé, ils craignent et redoutent ses chastimens, et cette apprehension est naturelle; car comme la nature nous enseigne qu'il y a un Dieu, aussi, dit saint Chrysostome, il est impossible de penser qu'il y a un monde regi et gouverné par sa providence, [sans] que sa justice ne soit exercée sur les hommes pour punir les pechés.

  A010001050 

 C'est pourquoy vous voyez d'ordinaire que ceux qui n'ont cette crainte que dans la partie inferieure s'en retournent de la predication melancholiques en leur mayson, comme au contraire ceux qui ont la crainte don du Saint Esprit s'en retournent convertis et penitens..

  A010001050 

 Et ne lisons-nous pas ès Actes des Apostres que Felix, president de Judée, trembla et fut saisi d'une grande crainte, nonobstant qu'il fust payen, entendant parler saint Paul du jugement dernier, et toutefois il ne se convertit pas? Ainsy plusieurs craignent les divins jugemens, mais leur cœur n'est [pas] transpercé de cette crainte.

  A010001051 

 C'est le sujet pour lequel David disoit: Je demande, o Seigneur, une sagette poussée de vostre main, laquelle transperce mon cœur.

  A010001051 

 Et saint Hierosme disoit que la crainte des jugemens de Dieu transperçoit si fort son ame qu'il luy sembloit tousjours entendre retentir à ses oreilles cette voix espouvantable des Anges: «Levez-vous, morts, et venez au jugement; Surgite, mortui, venite ad judicium.» Mon Dieu, que de personnes ont quitté le peché par cette crainte du jugement! C'est donc à tres juste rayson qu'elle est dite le commencement de la sapience, et l'amour la consommation, qui nous fait monter au Ciel pour nous joindre à Dieu; mais pour arriver à ce bonheur il faut quitter le peché, et pour le quitter il faut craindre.

  A010001052 

 C'est pourquoy les [421] ames genereuses pour s'encourager à travailler, à l'exemple de David, se proposent la gloire eternelle.

  A010001052 

 Hé quoy, seroit-il bien possible que je voulusse perdre le Paradis? Serois-je bien si lasche que de perdre le partage qui m'est promis en cette patrie celeste?.

  A010001052 

 L'autre partie de cette crainte que j'appelle superieure est celle qu'on a de perdre le Ciel; ce que je dis d'autant qu'il y a des personnes si charnelles lesquelles, comme s'il n'y avoit point de Paradis ains seulement des peines d'enfer, ne se soucient point de le perdre, estans tres contentes de la possession de ce paradis mondain, terrestre, malheureux et infortuné, n'ayans point de pretention au Paradis celeste.

  A010001053 

 Ce qui nous fait voir que cette crainte est bonne, et que c'est Dieu qui en est l'autheur et la met dans le cœur pour commencer par icelle nostre salut..

  A010001053 

 Et quoy que les heretiques disent qu'elle est mauvaise ils se trompent grandement, et les paroles de Jesus Christ les condamnent absolument.

  A010001053 

 Or, cette crainte qui nous fait quitter le peché est un don du Saint Esprit, luy seul la peut donner; c'est pourquoi elle est appellée le commencement de la sapience, parce qu'elle est d'ordinaire le commencement de nostre salut.

  A010001053 

 Vous voyez donques bien maintenant que cette crainte est appellée inferieure et superieure parce qu'elle est composée de ces deux craintes, des peines d'enfer et de la perte du Paradis.

  A010001054 

 Le deuxiesme don du Saint Esprit est le don de pieté.

  A010001054 

 Le don de pieté est une vertu particuliere laquelle depend de la justice, qui n'est autre que l'honneur, le respect et l'amour que nous rendons non seulement à Dieu comme à nostre souverain Createur et nostre Pere tres aymable, mais encores à ceux que nous tenons pour superieurs, soit spirituels ou temporels, comme les peres, meres, prelats et magistrats.

  A010001055 

 Et c'est à cela que Dieu nous veut faire tendre, quand il veut que nous le nommions nostre Pere qui est ès cieux, en l'Oraison dominicale, nom de respect, d'amour et de crainte..

  A010001055 

 Et ne voyons-nous pas que sa divine Majesté se [422] plaint de ce defaut de crainte, d'amour, d'honneur et de respect par son Prophete Malachie, disant: Si je suis vostre Pere, où est l'honneur que vous me rendez? si je suis vostre Seigneur, où est la crainte que vous devez avoir de m'offenser? Si ergo Pater ego sum, ubi est honor meus? et si Dominus ego sum, ubi est timor meus? Le fils sert comme fils, et non point comme serviteur crainte d'estre battu, ni pour la recompense comme mercenaire, mais par amour, d'autant que cet amour est imprimé au cœur filial.

  A010001055 

 O don de pieté, riche present que Dieu fait au cœur! Bienheureux est celuy lequel a cette correspondance de cœur filial envers le cœur paternel du Pere celeste.

  A010001055 

 Quand l'ame a eu la crainte de perdre le Paradis dont je vous ay parlé, elle passe outre et dit: Quand il n'y auroit point de Paradis, Dieu est mon Pere: il m'a creée, me conserve, me nourrit et me donne toutes choses, et partant je le veux aymer, honnorer et servir.

  A010001056 

 Et pour vous monstrer que ce don de pieté, c'est à dire cette crainte filiale, nous est donnée du Saint Esprit, l'Apostre saint Paul escrivant aux Romains leur dit: Non accepistis spiritum servitutis iterum in timoré, sed accepistis spiritum adoptionis flliorum Dei, in quo clamamus: Abba, Pater; c'est à dire que nous devenons comme des petits enfans aupres de Nostre Seigneur.

  A010001057 

 Declina a malo et fac bonum; Destournez-vous du mal et faites le bien, dit le Prophete, car c'est la science des sciences et celle qui nous est donnée du Saint Esprit, laquelle les enfans du monde n'ont point euë; car bien qu'ils fussent grans philosophes, si n'ont-ils point appris à glorifier Dieu ni à suivre la justice, parce qu' ils ont tenu la verité captive et prisonniere en l'injustice, dit l'Apostre: Veritatem Dei in injustitia detinent.

  A010001057 

 Le troisiesme don du Saint Esprit, en remontant, est le don de science, non pour sçavoir les choses humaines, comme Aristote, Platon, Homere, Virgile et les autres philosophes qui ont eu cette science qui ne leur a de rien servi.

  A010001057 

 Or la science don du Saint Esprit est necessaire pour bien exercer les deux premiers dons, pour sçavoir comme nous nous comporterons envers Celuy que nous voulons craindre et aymer, et pour descouvrir et sçavoir discerner le mal qu'il faut fuir et le bien qu'il faut suivre.

  A010001058 

 La science du bien et du mal est naturellement desirée de tous; c'est pourquoy Eve curieuse la desira.

  A010001059 

 La peste de la science est la presomption, laquelle rend les esprits enflés et hydropiques, ainsy que sont d'ordinaire les sçavans du monde.

  A010001060 

 Apres le don de science s'ensuit le quatriesme, qui est celuy de force, lequel nous est absolument necessaire, parce qu'il ne suffit pas de sçavoir discerner le bien et le mal, si nous n'avons la force pour eviter l'un et prattiquer l'autre.

  A010001061 

 Mais, me direz-vous, puisque nous recevons le Saint Esprit et avec luy tous ses dons, lors que nous recevons les Sacremens avec les dispositions requises, d'où vient que nous retombons si souvent au peché? C'est par lascheté, d'autant que nous n'osons pas entreprendre la guerre contre le vice avec la fermeté et le courage necessaires pour surmonter nos ennemis.

  A010001061 

 Par exemple, l'on vient à la Confession où l'on reçoit le Saint Esprit avec la remission des pechés; et neanmoins combien y en [425] a-t-il qui recidivent aux mesmes pechés apres la Confession! Et d'où vient cela, sinon faute de courage? On pense: Qu'est-ce qu'on dira de moy si je deviens devote, si je fais penitence, si je quitte les conversations mondaines? On craint une parole dite en l'air; et n'est-ce pas tout à fait manquer de force que cela?.

  A010001062 

 Car il n'est pas du cœur spirituel comme du cœur charnel, lequel, combien que nous dormions, ne cesse jamais d'agir, de veiller et d'envoyer ses esprits vitaux au cerveau; où, au cœur spirituel, la volonté, le courage et la generosité est absolument necessaire pour luy faire faire ses operations.

  A010001062 

 Et c'est pourquoy le Saint Esprit nous communique le don de force par lequel tant de Martyrs ont vaincu les tyrans et surmonté les tourmens avec tant de constance que rien ne les a espouvantés, ainsy qu'on peut voir en lisant les histoires d'une sainte Agnes, d'une sainte Agathe et d'une infinité d'autres..

  A010001063 

 Jusques à present j'ay esté avare, sensuel, sujet aux playsirs de la bouche; je vois que cela est mal, j'ay le desir de m'en retirer: que feray-je donques pour petit à petit me desfaire de ces meschantes habitudes et me mortifier? Le Saint Esprit conseille les moyens qu'on doit tenir pour surmonter le mal et prattiquer le bien..

  A010001063 

 Le don suivant en remontant, est le don de conseil, sans lequel la force est temerité; comme vous voyez que les soldats, bien qu'ils ayent de la force, neanmoins il leur faut un capitaine pour le conseil.

  A010001063 

 Par exemple, vous verrez une personne qui voudra suivre la devotion, qui dira en elle mesme: Quel conseil suivray-je pour prattiquer le bien que Dieu m'a inspiré et pour eviter le mal qu'il m'a fait reconnoistre? quel chemin tiendray-je? quel conseil observeray-je? Sera-ce celuy de la chasteté ou de la pauvreté? sera-ce l'obeissance simple et aveugle? Suivray-je la [426] viduité ou le mariage? Feray-je l'aumosne ou donneray-je tout mon bien aux pauvres? Le Saint Esprit, residant dans nostre cœur, nous conseille et nous pousse par son inspiration à faire ce qui est plus pour la gloire de Dieu et nostre salut.

  A010001064 

 Combien y en a-t-il au monde qui sçavent bien qu'on s'y perd à cause que l'air est infecté, et qu'il donne la mort eternelle aux ames dans lesquelles il entre, ou leur cause de grandes maladies: quel remede à cela? Sortez, leur dit le Saint Esprit interieurement, puisque vous connoissez que vous n'y pouvez pas faire vostre salut.

  A010001064 

 Vous verrez des personnes dans le monde sujettes à la colere, lesquelles s'adonneront au jeu où ils se laissent emporter pour l'ordinaire à dire quantité de blasphemes et injures: que faire là? C'est qu'il faut quitter le jeu.

  A010001065 

 J'ay accoustumé de dire que presque tous perissent faute de suivre les maximes du Christianisme, comme celles cy: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car à eux appartient le Royaume des cieux, Beati pauperes spiritu, quoniam ipsorum est Regnum cœlorum; Bienheureux sont les debonnaires, Beati mites, quoniam ipsi possidebunt terram.

  A010001065 

 Le don suivant est le don d' entendement, entendement spirituel que le Saint Esprit enchasse dans nostre entendement humain, lequel n'est autre qu'une certaine clarté par laquelle nous voyons et penetrons la beauté et bonté des mysteres de la foy.

  A010001065 

 Mais qui est-ce qui void la beauté de ces maximes sinon ceux à qui le Saint Esprit les fait voir?.

  A010001066 

 Le monde le dit, et Nostre Seigneur dit: Voyez cette perle de la pauvreté evangelique, et à travers d'icelle, voyez le Ciel et la felicité eternelle qui y est attachée.

  A010001067 

 Et d'où vient cela? C'est que nous n'avons pas le don d'entendement pourvoir et penetrer la beauté et bonté des maximes de Nostre Seigneur.

  A010001067 

 L'on veut estre prudent, mais d'une prudence charnelle, laquelle, comme dit le grand Apostre en l'Epistre aux Romains, donne la mort à l'ame: Prudentia carnis mors est.

  A010001068 

 O que l'ame qui est parvenue à ce degré est heureuse, car c'est une marque qu'elle est remplie du Saint Esprit et qu'il luy a communiqué ses dons..

  A010001068 

 Plusieurs sçavans sont fols, mais la sapience est une science par laquelle on savoure, on gouste et penetre la bonté de la loy et les choses les plus relevées de l'Evangile, non pour en parler ou prescher, ains pour les prattiquer, et, comme l'abeille, l'ame va dessus les fleurs de la loy, sucçant le miel de la bonté de Dieu.

  A010001069 

 Nous avons la langue, c'est à dire l'ame, chargée de catarrhe; il faut quitter les dons du monde pour recevoir ceux du Saint Esprit.

  A010001070 

 Plaise donques à la divine Majesté de nous donner le don de crainte à fin que nous le servions finalement; le don de pieté pour le reverer comme nostre Pere tres aymable; le don de science pour connoistre le bien que nous devons faire et le mal que nous devons fuir; le don de force pour surmonter courageusement toutes les difficultés que nous rencontrerons en la prattique de la vertu; le don de conseil pour discerner et choisir les moyens propres à nous perfectionner; le don d' entendement pour penetrer la beauté et l'utilité des mysteres de la foy et des maximes evangeliques, et en fin le don de sapience pour gouster combien Dieu est aymable et pour savourer et experimenter les douceurs de son incomprehensible bonté.

  A010001078 

 Si le ciel, l'air et la terre et tout ce qui est en iceux semble de rajeunir et resusciter quasi de mort a vie en ceste douce sayson printaniere, auditoyre devot, ame chrestienne treschere et trescherie, recompense des travaux du Sauveur et Seigneur; puysque le ciel, lequel a demeuré si long tems sombre et obscur, semble s'estre revestu de la plus belle roubbe de ses clartés; l'air, ci devant tout plein de froides humidités, de brouillards et [431] melancolique nuage, se descouvre si pur, si calme et si bien [attrempé] assaysonné maintenant; la terre, toute ridëe, crottee et ternie par les rigueurs de l'hiver, comparoist maintenant toute diapree de son verdissant et fleurissant esmail; si l'Eglise nostre Mere, laquelle est demeurëe toute mortifiëe ce Caresme, ne portant que des habitz lugubres, ne chantant que des chans lamentables, ne faysant autre contenance que triste et faschee, comme celebrant le dueil de son cher Espoux, maintenant, comme pour fayre nouvelles nopces avec son mesme resuscité Seigneur et Espoux, faict tapisser et parer le mieux qu'elle peut toutes ses maisons, tient un maintien de cæremonies joyeuses et allegres, ne chante que des chans de liesse et de consolations; si l'enfer tenebreux a esté mesme changé en clarité par le lumineux aspect de Nostre Seigneur qui est descendu, si les Anges comparoyssent avec leurs roubbes plus blanches que l'ordinayre, demeurerons nous, o Chrestiens, entre toutes les creatures, morts et immuables en nostre laydeur et tristesse? Pour quoy ne prendrons nous nos beaux vestemens?.

  A010001079 

 Mays je voudrois que si la saison change nous changeassions aussy, mays non pas d'une mesme façon; car ceste serenité du ciel et de l'air, cest'amsenité de la terre n'est pas perdurable, elle [est] sujette a l'inconstance.

  A010001079 

 [Embellissons donques nos consciences, puysque...] Il nous faut parer a l'exemplayre d'un autre patron et modelle, au patron de la resurrection de Nostre Seigneur ( Ut quomodo Christus surrexit a mortuis, ita et nos ambulemus in novitate spiritus ); car Nostre Seigneur, comm'autre aigle, a changé maintenant ses plumes et s'est revestu de force et de gloire: Dominus regnavit, [432] d ecorem indutus est; indutus est Dominus fortitudinem et prœcinxit se.

  A010001080 

 Je sçay que ceste imitation est difficile, car Deus quis similis tibi? Aussy ne voulons nous pas sinon l'imiter de loin a loin, avec quelque proportion, principalement en l'immortalité aeternelle, non temporelle..

  A010001081 

 [Christus semel mortuus est; mors ultra illi non dominabitur.] Scientes quia vetus homo noster simul crucifixus est, ut destruatur corpus peccati.

  A010001082 

 Et c'est icy ou je veux faire la conclusion generale a nostre voyage de trois jours, vous disant: Nostre Seigneur estant resuscité une fois ne meurt plus.

  A010001082 

 Je n'oserois pas penser que quelqu'un fust ja mort despuys, etc. Ne mourons donq plus, etc. Et c'est pourquoy, ayant donné les moyens de venir a grace, je donne pour i continuer, sachant que qui perseveraverit, etc..

  A010001099 

 C'est grand cas qu'une seule invitation du serpent eut tant de pouvoir sur nos peres, et tant de Nostre Seigneur n'en ayent point, etc..

  A010001101 

 L'excellence de la viande: Caro mea vere est cibus; et qui manducat me et ipse vivet propter me..

  A010001103 

 Il entretient la vie: Nisi manducaveritis non habebitis vitam; Panem quem ego dabo caro mea est..

  A010001106 

 Le pain est changé en nous, mais ce pain nous change en luy, non quand a la substance, mais quand a la qualité: Vivo ego, jam non ego..

  A010001113 

 En fin: Qui manducat me ipse vivet propter me; dont la plus part est damné..

  A010001130 

 En fin, la disposition necessaire, en un mot, c'est estre hors de peché.


11-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XI-Vol.1-Lettres.html
  A011000036 

 La brièveté de cette lettre est occasionnée par le départ précipité du porteur.

  A011000039 

 — Ses regrets en apprenant que le Sénateur est allé inutilement à sa rencontre. 40.

  A011000041 

 Le Sénateur est attendu à Annecy; plusieurs maisons lui sont offertes.

  A011000041 

 — Il est instamment prié d'amener sa femme. 43.

  A011000043 

 — Le Saint est à Hautecombe avec le sénateur Favre. 45.

  A011000097 

 — Annecy est menacé de la peste.

  A011000102 

 Opposition apportée par les syndics de Thonon à l'érection d'un autel, — Combien la protection du duc est nécessaire aux nouveaux Catholiques.

  A011000115 

 — Il est urgent de réformer quelques abbayes de la contrée. 133.

  A011000119 

 Le curé de Saint-Julien est contraint de se retirer.

  A011000119 

 — Combien il est désirable que le duc signifie aux Thononais le désir qu'il a de leur conversion. 140.

  A011000121 

 — La permission de lire les livres hérétiques est nécessaire aux missionnaires. 144.

  A011000142 

 Invitation à exposer par écrit la mission dont il est chargé. 173.

  A011000176 

 Ce qu'ayant moi-même exposé à Notre Saint-Père le Pape, si grand est son zèle pour la discipline sacrée et pour les lettres qu'il acquiesça de grand cœur à cette pensée..

  A011000176 

 Or, les principaux ouvrages du Saint ayant été déjà édités jusqu'aux Sermons, parmi lesquels il ne s'en est pas peu trouvé d'inédits, l'impression des lettres allait être commencée, lorsque les éditeurs constatèrent qu'un grand [XXX] nombre demeurent encore cachées dans les bibliothèques et dans les archives des institutions publiques et privées.

  A011000177 

 C'est pourquoi, non seulement en mon nom et au nom des Salésiennes d'Annecy, mais aussi, en quelque sorte, de la part du Saint-Père, j'invite et je prie les Evêques d'Italie de faire faire des recherches dans les bibliothèques et les archives dépendantes de leur juridiction, pour savoir s'il s'y trouve des Lettres ou autres écrits inédits du saint Evêque de Genève.

  A011000190 

 Quand la date attribuée à chaque lettre n'est pas absolument sûre, elle est insérée entre [ ].

  A011000191 

 La fin est régulièrement marquée par la lettre de renvoi.

  A011000191 

 Le commencement de la variante est indiqué par la répétition en italiques des mots qui la précèdent immédiatement au texte, à moins que le point de départ ne corresponde à un alinéa, ou que la corrélation ne soit évidente.

  A011000192 

 Il en est de même pour la minute de la Lettre LIV. Pour cette dernière, une † indique le commencement du passage à traduire..

  A011000203 

 Et maintenant que je suys au milieu et meillieur âge de mes estudes, si je puys cognoistre seulement par presumption que prenies en bonne part mes lettres, ce me sera comme un aultre corage pour poursuyvre mon entreprise en l'estude, laquelle j'oseroys bien me promettre (sans me flatter) reussira au bien que je desire, Dieu aydant, qui est de le bien pouvoir servir; puys apres, vous fayre service, a qui j'ay tant de debvoir et obligation..

  A011000205 

 Atant je vous bayse bien humblement les mains, et prie Dieu, Monsieur, qu'il vous tienne en santé et tres heureuse vie, vous suppliant de vous resouvenir de moy comme de celluy qui est et sera a jamays.

  A011000227 

 Il est bien vrai que le zèle de Votre Seigneurie pour notre foi catholique est la cause principale qui l'empêche de se réjouir d'un [1 bis ] évènement si affligeant pour quiconque ne l'envisage pas au travers des lunettes du propre intérêt.

  A011000227 

 Je vous remercie donc d'avoir quelque souvenir de nous, et tant de sollicitude pour notre bien, que vous trouvant au milieu d'une ville où, si je ne me trompe, on se réjouit beaucoup de la nouvelle Navarraise qui s'y est répandue, par affection pour nous vous n'en éprouvez aucun contentement.

  A011000228 

 Il y a ici jusqu'à quarante-deux de nos Français atteints de la fièvre; et, d'après ce que l'on dit, vous avez encore chez vous grand nombre de maladies; c'est pourquoi nous avons tous reçu beaucoup de contentement de votre lettre qui nous assure de votre bonne santé.

  A011000265 

 Toutefoys, pour autant que peut estre ne vous trouvera il pas comme il desire, et aussy quil est fort aysé a oublier si peu de chose comme je suys, affin d'asseurer mon intention j'ay escrit ces deux mots que je vous addresse, par lesquels je vous saluë tres humblement et affectionnement, et vous remercie de la memoyre que vous eustes de moy quand monsieur de la Chapelle print congé de vous pour venir icy, lequel m'a encores dict que d'autrefoys vous luy avies parlé de moy; ce que cognoissant ne venir de mes merites, j'en honore d'autant vostre bonté, delaquelle je reconnoys toutes ces faveurs..

  A011000278 

 Et bien que je n'aÿe autre merite, si est que la grande et bonne affection que j'ay est suffisante pour me fayre avoyr un lieu de mortepaÿe en vostre service, affin que j'aye le contentement, par la continuation de ceste vostre faveur....

  A011000288 

 » Sed id ita solvis: « Cuncta timemus amantes, » bene est, si tamen mihi optio relicta est..

  A011000289 

 At ne me de timore tuo [10] timere reflectas; mihi enim de eo mentio est, nullus vero metus.

  A011000289 

 Quid mihi culpæ est? Hæ mihi sunt omni actione majores exceptiones.

  A011000290 

 Morbo sibi omnibusque amicis suis gravissimo decumbens ipse, ego assidens, de te plurima, quibus plane effectum est ut tui desiderio non minus quam sanitatis langueret..

  A011000298 

 » [9] Si vous l'expliquez de la sorte: « Tout éveille les craintes de ceux qui aiment, » c'est bien, mais à la condition que vous me dispenserez de vous prouver mon affection en redoutant tout de votre part..

  A011000299 

 Le fait est que je vous ai écrit, que je vous ai expédié plus d'une fois des lettres, sans savoir jamais si elles vous étaient parvenues.

  A011000300 

 pour que les autres pensent ce que je pense moi-même, c'est-à-dire que vous proclamez vos vertus, que vous savourez votre propre miel.

  A011000301 

 C'est un jeune homme bon, prudent et philosophe à un degré bien supérieur [11] à son âge.

  A011000301 

 Il est fort porté à engendrer la pierre (que chez lui on pourrait appeler pierre philosophale).

  A011000301 

 Une seule chose est à regretter en lui, c'est qu'il ait un corps chétif, peu proportionné à ses grandes qualités, à sa belle nature.

  A011000302 

 Sachez que, pour n'importe quel service, vous avez droit d'user de moi, non il est vrai en qualité de parrain, mais à titre de maître.

  A011000318 

 En effet, que pouvait-il humainement m'arriver de plus glorieux que de m'entendre donner le titre d'ami par un personnage si docte et si accompli? Il n'est rien en moi, homme obscur, qui puisse ainsi me concilier vos bonnes grâces.

  A011000325 

 Minus credendum est tam pio patri qualis est [15] R mus Antistes meus de filio testificanti, quod sæpissime etiam prudentissimi parentes quod volunt in filiis inesse credunt id bonum.

  A011000326 

 Quod audiverim plebem illam apud quam sementem ingenii tui facis adeo rudem esse ut te non immunem ab oneribus publicis existimet, ac ego uti immunem te mea non possum authoritate quæ nulla est facere, authoritate sane Imperatoris Constantini efficio.

  A011000326 

 Sic enim edixit, Lege 6, Tituli 52, cujus titulus est De Professoribus et Medicis, libro decimo Codicis: « Medicos, grammaticos et doctores legum, cum uxoribus et filiis et rebus (hoc te Mot omnino liberum facit) quas in civitatibus suis possident, ab omni functione et ab omnibus muneribus vel civilibus vel publicis immunes esse, et nec in provinciis hospites recipere nec ullo fungi munere.

  A011000335 

 Enfin vous savez du moins que tout ce que je suis est entièrement vôtre.

  A011000335 

 Il ne faut pas trop ajouter foi aux paroles [15] d'un père aussi indulgent que l'est mon Evêque lorsqu'il rend témoignage de son fils; car bien souvent les parents les plus prudents se persuadent trouver dans leurs enfants les qualités qu'ils désirent.

  A011000335 

 La raison pour laquelle je n'ai pas répondu à la première est que j'espérais, avec mon Révérendissime Evêque, avoir une occasion prochaine de vous voir ici.

  A011000336 

 » C'est le sens qui est par la Glose attribué au décret de l'empereur (au mot Muneribus ).

  A011000337 

 Portez-vous donc bien; demeurez exempt de toute charge publique et de tout mal, et continuez à bien aimer celui qui est tout vôtre.

  A011000350 

 Quam occasionem cum præcipue spero, tum vero, nescio quo malo meo, factum est ut non utroque suo pede mihi constet opportunitas.

  A011000351 

 Quare cum jam per litteras ac obsignato veluti rescripto ferventem jam et suapte natura pugnacissimum hoc in genere certandi militem provocaveris, videndum est utique tibi non tam quis prior in aleam descendent observes, quam quis posterior supersit..

  A011000352 

 Quod autem per summam humanitatem prior ipse scripseris, id nimirum [22] causæ fuit et te priorem dare, quod divinius est, et me priorem accipere, quod inferius decebat. Et ego ne potius in te senatoriam dignitatem, quam in senatore consummatissimam virtutem colere existimarer, absentem salutare minime consentaneum videbatur, cum præsertim me non ejusmodi juvenem crederem qui in ore vel aure cujusquam purpuratorum Patrum venissem, in intima videlicet juvenili umbra adhuc delitescens.

  A011000352 

 Quod cum secus evenerit, et lætandum mihi est me tam facile tuam benevolentiam consecutum, quæ non tam superbiam (etsi non levis esset titillatio) excitat ullam quam in melius eundi animos addit..

  A011000354 

 Admirationem enim cognoscendi desiderium parere philosophiæ in limine tutum est proverbium..

  A011000354 

 Ego quo minus me vel de nomine tibi notum esse divinabam ac adeo tuas expectabam litteras, eo magis tantam tuam humanitatem sum præter modum admiratus, quo factum est ut in immensum tui aspectus et collocutionis desiderium creverit.

  A011000355 

 Quas dum capio, lego identidem ac relegendi finem facio nullum, tanta me capit voluptas ac tui observantia quantam animus meus capere potest; adeo scilicet verum est captum esse qui cæperit....

  A011000363 

 Je le fais non seulement parce qu'il est impossible de rencontrer ailleurs des talents supérieurs aux vôtres, et difficile d'en rencontrer de semblables, mais surtout parce que les exemples que nous trouvons dans nos provinces, dans nos villes, et pour ainsi dire à notre foyer, ont plus de force, d'énergie et d'efficace..

  A011000365 

 Lorsque je suis allé à Chambéry me faire inscrire au nombre des avocats, j'espérais qu'une fois admis, je pourrais saluer tous les Sénateurs, les remercier selon l'usage, et, à cette occasion, obtenir place parmi vos amis en vous laissant mon nom écrit de ma main; mais voilà que la noblesse est appelée aux armes, et que je suis contraint de partir à une heure indue, sans vous avoir vu; car j'aurais considéré comme un [21] plus grand mal de vous saluer seulement à la hâte, surtout vous étant inconnu, que de ne pas vous saluer du tout.

  A011000366 

 Maintenant que par votre lettre, comme par un cartel signé, vous avez provoqué un combattant qui par nature est très ardent dans ces sortes de luttes, prenez garde d'avoir bientôt à considérer moins lequel de nous deux est le premier descendu dans l'arène que celui qui y demeurera le dernier..

  A011000367 

 Mais puisqu'il en est autrement, je me réjouis d'avoir pu acquérir aussi facilement votre bienveillance, ce qui sera pour moi, non tant un sujet d'orgueil (bien que mon amour-propre ait droit d'en être flatté) qu'un stimulant à mieux faire..

  A011000367 

 Si, par une bienveillance extrême, vous avez été le premier à m'écrire, cela prouve seulement que vous avez donné [22] le premier, ce qui est plus divin, et que j'ai été le premier à recevoir, comme il sied à mon infériorité.

  A011000368 

 Je ne m'informerai donc pas si c'est pour m'exciter à la vertu que, non content de m'aimer, vous daignez encore m'écrire, ou (comme vous vous y croyez obligé par ce qu'on vous a rapporté de moi) si c'est pour satisfaire votre propre inclination envers ceux qui ont en eux-mêmes quelque faible semence de cette probité et de ces talents qui fructifient si abondamment en vous.

  A011000368 

 Mais cette crainte sera modérée par la connaissance que j'ai de votre grande bonté, laquelle est unie à une prudence telle qu'aucune [23] exagération, addition, diminution, aucun artifice et habileté de langage en ceux qui vous parleront de moi, soit en bien soit en mal, ne saurait vous tromper.

  A011000369 

 Que l'admiration excite le désir de connaître, c'est une maxime assurée qui s'apprend avec les rudiments de la philosophie..

  A011000370 

 Ainsi est-il vrai que celui-là est pris qui croyait prendre....

  A011000377 

 Factum hoc quidem fabre est, amplissime vir, uti quos amas cæteris etiam summis quibusque viris [25] amabiles tua facias eloquentia.

  A011000377 

 Necesse (sic) est ea virtus cujus splendor non possessori suo tantum illustrando, sed cæteris etiam satis esse possit..

  A011000378 

 Vere [26] nullam unquam tibi parem me gratiam daturum sperandum est, propterea vel maxime quod, ut ea pollerem authoritate, qui te non colat, non amet, non suspiciat, si quis aliquem invenire velim doctum aut probum virum hemispherii hujus nostri limites deinceps egrediatur necesse est; neque alioqui, si is non esses, Franciscum Girardum, quantum tua docet epistola, accurre foret... Et rursum ut argumenti perspicuitate ac lumine res confici verius quam proferentis opera diceretur..

  A011000379 

 In te tantum ille est [27] amor erga me tuus singularis qui satis sit uti omnes me diligant, quem tam fortunatum eo vident nomine; adeo nimirum vel errantes summos viros facile quilibet sequitur..

  A011000379 

 Quapropter, ut quod jam proximum est faciam, quoniam nullus qui te non summopere suspiciat, nullus Franciscus Girardus alius superest, quicquid hujus rei fuerit id tibi totum ac integrum me debere profitear.

  A011000386 

 C'est bien l'œuvre d'un [habile] artisan, très digne Monsieur, de parvenir, grâce à votre éloquence, à faire aimer des personnages les [25] plus illustres ceux que vous aimez vous-même.

  A011000386 

 Il faut pour cela posséder une vertu dont la splendeur non seulement illustre celui qui en est doué, mais encore rejaillisse sur tous les autres..

  A011000386 

 Je ne puis nullement à cet égard vous rendre pareille faveur; car, bien qu'en affection je n'hésiterais pas à lutter même avec vous, que je reconnais par des signes indubitables être un homme des plus aimants, toutefois la prétention de vous concilier l'amitié de qui que ce soit n'est compatible ni avec la médiocrité de mon mérite, ni avec l'éclat de vos vertus.

  A011000386 

 Tout le monde peut aimer; beaucoup à mon avis peuvent se faire aimer; mais susciter aux autres des amis est au pouvoir de ceux-là seulement qui jouissent d'une autorité transcendante et reconnue.

  A011000387 

 C'est pourquoi je vous rends des actions de grâces d'autant plus vives pour m'avoir procuré un ami tel que, dussé-je vivre toute la vie d'un Nestor, je n'eusse pu l'acquérir par mes propres mérites.

  A011000387 

 Et si vous n'aviez pas toutes les qualités qu'on vous attribue, c'est précisément à François Girard, d'après ce que vous me dites de lui dans votre lettre, que je devrais aller pour les rencontrer... Vous voyez donc que ma preuve ressort plus évidemment par sa propre force que par l'habileté de celui qui l'expose..

  A011000388 

 C'est en vous, c'est dans l'affection singulière que vous me témoignez qu'il faut chercher la cause de mon bonheur.

  A011000388 

 Pour en venir à une conclusion déjà manifeste, comme il n'est plus personne qui ne vous honore grandement, comme il ne reste plus d'autre François Girard, je déclare que, dans cette affaire, je vous dois absolument tout.

  A011000388 

 Tous m'aiment pour cela seulement qu'ils me voient honoré de votre estime, tant il est vrai qu'on suit facilement les grands hommes, même quand ils se trompent..

  A011000389 

 Certes, pour moi l'affaire est terminée... [28].

  A011000389 

 Il convient donc que vous appeliez compagnon celui qui veut bien m'aimer, il est vrai, mais seulement par amour pour vous, puisqu'il ne me connaît pas personnellement, mais seulement d'après l'opinion que vous avez conçue de moi.

  A011000398 

 Quid enim tali amico optabilius in humanis esse potest? Donum istud est ipsa raritate illustre, ac quod nullo possit æstimari pretio longe pretiosissimum, mihique eo suavius possidendum, quo certius agnosco nihil unquam tale meis meritis accedere potuisse..

  A011000399 

 Neque vero propterea in te quicquam imprudentiæ [29] esse dixerit quispiam, quod num donatarius cum dono sibi certa respondeat proportione parum prospexeris; verum enim est quod Alexander Magnus credidit, satius fore si donatore dignum sit donum, licet alioquin imparem sortiatur donatarium, ut in eo non tam ad quem, quam a quo proficiscatur considerandum sit.

  A011000399 

 Rem ergo fecisti meis longe superiorem meritis, Francisci Girardi humanitate dignam, ei quam tu mihi tecum esse voluisti amicitiæ consentaneam, qui mihi bonum illud animi tui singulare, hoc est, voluntatem eximii viri Francisci Girardi, mihi quoque fecisti commune, atque, quod consequens erat, me, jampridem in solidum tuum, Francisco quoque Girardo tuo in solidum adduxeris, ne vel minimæ rei inter vos societas desideraretur..

  A011000400 

 Qua in causa nullam plane sentio formidinem ne aliquam inter vos concissionem dividendo experiri velitis, quandoquidem ambo si amici estis individui, estis et vestra utriusque erga me benevolentia; uti et mea erga vos observantia, cum animæ penitus hæreat, ipsi cedat necesse est ejusque sequatur naturam, quæ tota est in toto, et tota, ut secundum artem loquar, in qualibet parte.

  A011000400 

 [30] Quo fit ut si res ulla, ex Salomonio placito, duplicem admittat possessorem, ea maxime est amicitia..

  A011000401 

 Vivet vero semper in pectore meo ardens quoddam desiderium omnes quidem amicitias, sed hanc maxime Francisci Girardi, et cæteras quæ ex tua, Faber optime, prodibunt officina diligenter colendi; quod ut præstare possem, utinam non verbis tantum (qualia solet Franciscus Præpositus, et id genus alia, in quibus nescio quid inter nos est similitudinis), sed re etiam et meritis, quod tu credis, conjungeremur, ut amore præstantissimorum virorum vel eo nomine merito non indignus videar qui me indignum esse agnoscam libenter, et tenuitatem meritorum desiderii amplitudine resarciam..

  A011000411 

 Si vos vertus et votre bienveillance pour moi ne vous assuraient depuis longtemps des droits à mon dévouement, il vous serait acquis aujourd'hui à juste titre en retour des agréables relations que vous m'avez procurées avec François Girard; car, d'après sa lettre, c'est à l'influence et à l'autorité que vous avez sur lui que j'en suis redevable.

  A011000412 

 Vous avez donc fait une chose bien supérieure à mes mérites, mais bien digne de la bonté de François Girard et de l'amitié qui existe entre vous et moi, en me faisant participer à ce trésor singulier de votre âme, c'est-à-dire à l'intimité de votre ami.

  A011000413 

 Pareillement l'estime que je vous porte à tous deux étant établie comme elle l'est dans mon âme, s'identifie avec elle, et participe à sa nature qui est, selon les termes de l'école, d'être tout entière dans le tout et tout entière dans.

  A011000414 

 D'où il suit que si, d'après [30] la sentence de Salomon, un même bien peut appartenir à deux personnes à la fois, c'est assurément une intimité de ce genre..

  A011000415 

 Le désir qui, dans mon cœur, demeurera toujours très ardent est de conserver toutes mes amitiés, surtout celle de François Girard, et, excellent Artisan, toutes celles qu'il vous plaira me fabriquer.

  A011000416 

 Du reste, si j'ai mis quelque retard à répondre soit à votre lettre soit à celle de François Girard, la raison de ce délai, qui vient de ma famille, est, je pense, également légitime en soi et agréable pour [31] vous qui aimez à remplir les devoirs de l'amitié.

  A011000427 

 Quod enim tibi curæ ac cordi non est, jus non est; quod vero cuique juris est, id quoad per te potest integrum est ac tutum.

  A011000435 

 Délivré de ce souci, j'apprends que ma très chère mère, étant déjà dans sa quarante-deuxième année, doit prochainement donner le jour à son treizième enfant, et qu'elle est si fortement travaillée de douleurs aiguës qu'elle appréhende d'en mourir.

  A011000438 

 De plus, j'ai entendu dire qu'il y a en cette affaire je ne sais quoi qui relève de la justice criminelle, c'est pourquoi j'ai été près de m'exclamer; Eloignez-vous de moi, [35] hommes de sang; car en telles matières les ecclésiastiques ne doivent pas intervenir..

  A011000438 

 La requête de cet homme rustique est rustique elle-même, mais juste.

  A011000438 

 Toutefois, si je vous la recommandais, je passerais pour un sot; car ce que vous ne prenez pas à cœur n'est pas juste, toute cause juste, quelle que soit la personne intéressée, étant toujours patronnée par vous.

  A011000439 

 Si nous trouvons quelque difficulté dans cette négociation, nous aurons recours à un juge tout désigné pour cela, François Girard, qui est versé dans le droit aussi bien que dans la théologie et nous aime tous deux également, quoique à des titres divers.

  A011000444 

 Appetente et imminente jam tremendo illo ac, uti Chrisostomi verbo loquar, horrendo mihi tempore, quo ex Antistitis placito, id est, Deo volente tantum, non enim alio ad Dei voluntatem explorandam utor interprete, postquam per omnium Ordinum gradus sacratissimos iter hucusque feci, tandem ad augustissimum Sacerdotii apicem evehendus sum, committendum non duxi quominus te de hac mea tanta (sic) tam excellents honoris et boni expectatione admonerem, ne tanta te inscio in re tua fiat mutatio.

  A011000445 

 Cum enim me omnium quas antea sensi maxima me torqueat solicitudo, timorque et tremor venerint super me, [tuæ benevolentiæ maxime indigeo.] Id enim moris est amantibus, si quid arduum ac periculosum aggredimur, sollicitudinem ac formidinem nostram solari amicis [communicatione] facta, ac formidinis motus sedantur si negotium ipsum mentemque nostram amicis exponere possimus.

  A011000447 

 Nisi forsitan illud est quod miseratione clarissime illucescit amicitia, quæ cum sit optima rerum omnium, in amico longe melius est deprehendere cum miseratione quam si sine ulla mali communione vel nulla vel exigua superesset benevolentia..

  A011000447 

 Quamvis nescio (ut me sensim teque ab iis cogitationibus substraham quas exposuisse omnino sat est) quanam id ratione fiat ut cum amicus commiseratione malum abesse velit ab amico misero, miser hic contra miseratione amici recreetur, cum miseratione mali particeps [miserens] non fieri nequeat.

  A011000447 

 Verum hæc dixisse sat est; tantum commovendæ [misericordiæ tuæ] gratia ita tibi sensus meos explicavi, [39] quod scirem medelam esse ægris amicis opportunam.

  A011000448 

 Lætor plurimum et gaudeo me posthac eo saltem officio respondere posse quod omnium supremum est, nimirum sacrificiis, iisque medullatis ....

  A011000454 

 A l'approche de ce jour terrible, de ce jour effroyable, comme l'appelle saint Chrysostome, où d'après la volonté de notre Evêque, c'est-à-dire d'après la volonté de Dieu (car je ne cherche pas d'autre interprète de cette divine volonté), à l'approche de ce jour, dis-je, où après avoir passé par tous les degrés des saints Ordres, je vais être promu à l'auguste dignité du sacerdoce, je ne puis me dispenser de vous annoncer l'insigne honneur et le bien excellent qui m'attendent.

  A011000454 

 Il ne convient pas en effet qu'une telle transformation s'opère à votre insu dans un homme qui est tout vôtre.

  A011000455 

 C'est l'usage entre ceux qui s'aiment de se confier leurs soucis et leurs appréhensions au moment d'entreprendre une œuvre ardue et périlleuse, afin d'obtenir quelque consolation.

  A011000455 

 On peut améliorer, il est vrai, la condition d'un autre sans qu'il le sache, et le changement que je vais subir est le plus glorieux qui puisse m'arriver en ce monde; néanmoins votre sympathie me sera très avantageuse, car je suis assailli par la plus grande inquiétude que j'aie jamais ressentie.

  A011000456 

 Assurément je n'ignorais pas, mon vénérable Ami, que d'effroyables responsabilités ne fussent jointes à une si sainte et si auguste dignité; mais l'éloignement trompe les yeux, et c'est chose bien différente de mesurer un objet de près ou de l'apprécier de loin.

  A011000456 

 Si vous connaissiez aussi bien ma faiblesse, je solliciterais seulement sur ma situation actuelle votre commisération qui m'est bien due.

  A011000456 

 Vous êtes le seul, Monsieur le Sénateur, qui me paraissiez capable de comprendre le trouble de mon esprit; car vous traitez les choses divines avec tant de respect et de vénération que vous pouvez facilement juger combien il est dangereux et redoutable d'en présider la célébration, combien il est facile de pécher et de pécher gravement, et combien difficile de remplir dignement ces saintes fonctions.

  A011000457 

 Et pourtant, comment se fait-il (ici je m'éloigne insensiblement des considérations qu'il me suffit de vous avoir indiquées), comment se fait-il que si un ami s'efforce par la compassion qu'il porte à son ami malheureux d'éloigner de lui les maux qui le menacent, celui-ci se sente réconforté par cette compassion même, bien qu'en s'apitoyant sur lui, le premier n'ait pu s'empêcher de ressentir les mêmes maux? Sans doute cela vient de ce que la commisération est la marque incontestable de l'amitié, ce sentiment le plus exquis de tous, lequel, dans nos amis, nous est bien plus précieux étant mêlé de compassion que s'il se terminait à une froide bienveillance qui ne participerait en rien à nos douleurs..

  A011000457 

 Je vous ai déclaré mes sentiments uniquement pour exciter votre sympathie; c'est un remède utile, je le sais, pour soulager [39] le cœur souffrant.

  A011000457 

 Mais c'est assez.

  A011000484 

 En effet, quoi de plus doux, de plus avantageux pour un convalescent que de quitter l'obscurité d'une [41] maisonnette pour aller souvent contempler des jardins les plus agréables et les plus émaillés de fleurs et d'y respirer à souhait l'air embaumé des parfums les plus suaves! Telle est l'impression que me fait éprouver la lecture de votre lettre si amicale..

  A011000485 

 Cependant une chose m'attriste, c'est d'apprendre les angoisses que vous a causées ma maladie, d'autant plus que je n'ai rien ou presque rien souffert.

  A011000486 

 Si vous vouliez faire remonter à saint Antoine l'origine de ce mot, vous vous [42] tromperiez; car dans la vie de ce Saint il n'est question d'aucun banquet, si ce n'est celui dont l'amphytrion était un corbeau, les convives, Paul et Antoine, et où, à la place de mets somptueux, l'on ne servait que du pain et de l'eau pour boisson..

  A011000487 

 Puisque vous me donnez espoir que nous passerons ensemble et en bonne santé le carnaval prochain, mon cœur est rempli d'une si douce joie qu'aucun de ceux qui sont dégoûtés du maigre quadragésimal ne désire plus vivement les fêtes de Pâques que je ne soupire après le carnaval.

  A011000488 

 Quant à ce qui fait à vos yeux le principal charme du séjour habité par ma famille, le plaisir de nous y voir tous réunis, je crains que nous en soyons privés; car vers ce même temps de carnaval, [43] M. le sénateur Roget, un ami qui nous est si cher, devant célébrer le mariage de sa fille aînée avec le juge-mage du Faucigny, mes parents, qui ont déjà reçu des lettres d'invitation, ne pourront se dispenser d'assister à ce mariage sans manquer aux égards qu'ils doivent à la famille du Sénateur..

  A011000489 

 Si vous venez ici je me garderai bien d'aller ailleurs, si ce n'est avec vous.

  A011000490 

 C'est ainsi que je vous écris [44] familièrement.

  A011000497 

 Sic enim mea res se habet, ut cum vicariam pro matre præsentiam huic nuptiarum celebritati conferre deberem, quando ipsa interesse posse non crederet, et ego molestissime ferrem præsentiam etiam pro matre vicariam cuiquam tunc [46] conferre cum ex ea ab amantissimo tuo conspectu sequeretur absentia, enimvero factum est ut, rebus aliter succedentibus, mater ipsa vices jam meas expleverit.

  A011000504 

 Les choses se sont arrangées autrement, et c'est ma mère elle-même qui me remplace.

  A011000505 

 Ce qui m'a le plus réjoui, [47] c'est qu'à son départ d'Annecy, j'ai pu, dans les derniers mots que nous avons échangés, jeter, en lui parlant de vous, comme le parfum d'un baume odorant dans son esprit....

  A011000512 

 Accepisti sane tu nostras litteras tardius quam volueram; cum enim præceptori meo litteras antepenultimas dares, Chamberii te constantem fore iis totis feriis uti dixerat sic credebam, atque litteras do Joanni Baptistæ Valentiano (quo cum ex communione studiorum multa mihi intercessit necessitudo) vixdum scriptas, ne [48] accipiendis eis minus avunculo suo D. de Passier excedenti officiosus comes videretur; illi alioquin vix daturus qui tam cito volebat scribi, nisi multo magis dari quam cito dari; quamvis et hoc maxime postulasset quod tibi quem, ut est litterarum amans, unice colit, rem facturus gratam crederet si litteras nostras redderet..

  A011000520 

 Mais comment se fait-il que le vôtre ne me soit pas arrivé assez tôt, à moi qui l'ai reçu avec un plaisir tel que je n'en éprouverai jamais de plus grand en recevant tout autre envoi? C'est que vos lettres ne sont pas seulement merveilleusement écrites et pensées (personne en effet ne saurait assez, je ne dis pas apprécier, mais même savourer l'extrême douceur de ces rayons de miel); elles sont aussi des chefs-d'œuvre d'élégance et des monuments d'amitié.

  A011000526 

 Nobilis vidua Villæi illius qui hæreticorum insidiis inter sedium suarum incendia ante aliquot annos peremptus est, cum te referente de causa quadam quæ inter Villæos filios, et Dominum Bessonet agitatur ex Senatu [50] proximis hisce diebus sententiam expectaret, nescio quanam ratione resciverit, mulier quam nunquam vidi, me præcipuo quodam amore tibi charissimum esse, rem sibi admodum utilem et fructuosam facturam existimavit si me, matris optimæ meæ implorata authoritate, intercessorem apud te faceret, quo ei quod a candidissimo judice honestissimum amicum petere posse antea monuisti, bonam exoptes causam.

  A011000528 

 De Domini de Montrotier statu nihil suis hucusque compertum est..

  A011000534 

 C'est ce qu'elle a fait..

  A011000535 

 Toutefois cette hypothèse est détruite [51] par votre vif désir d'assister à mes petites prédications, lesquelles vous devriez pouvoir entendre de la seule oreille spirituelle, puisque je les prononce avec autant d'attention que de force.

  A011000554 

 J'ai reçu hier de mon Révérendissime Evêque une lettre à vous transmettre, et maintenant je n'ai que le temps de vous l'envoyer, car ce bon homme qui vous la portera est venu me saluer au moment de son départ, et en chemin plutôt qu'en ville.

  A011000567 

 Il était presque résolu à prendre une autre route [lorsqu'il s'est décidé à passer par Annecy]..

  A011000567 

 Je vous prie et vous conjure, mon très bon et très aimant Frère, d'accueillir avec votre bienveillance accoutumée le laconisme auquel je suis obligé de revenir; car le départ de cet homme de la Thuille, qui est aussi notre domestique, m'oblige à vous écrire.

  A011000568 

 En conséquence, il est juste qu'à votre tour vous fassiez pour moi ce que j'ai fait jusqu'à présent pour vous: puisque je vous tiens pour un ami hors de pair, que vous me considériez aussi comme tel; vous devenez donc ainsi pour moi le frère le plus aimant, et tout mien de la meilleure manière possible, et je me sens devenu le vôtre, au point de me croire un autre homme que moi-même.

  A011000576 

 Sunt enim tuæ litteræ ejusmodi ut vel insipidissimum gustatum reficiant semper, obruant autem nunquam; imperfectæ namque suavitatis est copia obtundere gustantem.

  A011000577 

 Mitto nobilem viduam Villæam, cujus causa, tum suo [57] jure, tum mei gratia tam bene apud te est.

  A011000585 

 C'est non seulement avec empressement, mon très bon et très doux Frère, mais avec une véritable anxiété que j'ai cherché tous ces jours derniers à rencontrer un des nombreux personnages qui se sont rendus auprès de vous; mais, par un regrettable contretemps, aucun ne m'a prévenu.

  A011000585 

 J'en profite, mon excellent Frère, et je vous prie de croire que, bien que vous me combliez de vos lettres, vous ne parviendrez pas à m'en rassasier; car telle en est la douceur que, loin d'accabler jamais, elles charmeraient toujours l'esprit le plus blasé, tandis qu'une douceur trop fade inspire le dégoût.

  A011000585 

 Je ne pouvais supposer que les gens de M. de [56] Charmoisy, de M. de Beaumont, que M. Portier, chanoine de notre Eglise, aussi bien que Chappaz, dussent partir sans m'avertir, et c'est la principale raison pour laquelle je ne m'informai pas de l'époque de leur départ.

  A011000586 

 Je ne vous parle pas de la noble veuve M me de Ville, puisque sa [57] cause est en si bonne voie, soit parce qu'elle est juste, soit aussi parce que, en ma faveur, vous avez bien voulu la prendre en considération.

  A011000595 

 Etsi namque incommodum est et inopportunum spontaneum omni sane tempore inter fratres silentium (quo me longe ab eo sensu abfuisse scias quem te aliquando secutum esse [59] subverebar), at vero longe nunc acerbius et iniquius esset, cum non modo colloquium, sed garritum verni ipsius temporis leges permittere videantur..

  A011000606 

 Le silence entre frères est toujours pénible, inopportun (voyez que je suis loin du sentiment que parfois je craignais un peu vous voir adopter); mais [59] ce silence serait bien plus amer, plus dur, aujourd'hui que les lois de la saison printanière semblent nous permettre non seulement une conversation sérieuse, mais un babillage amical..

  A011000607 

 Si je n'ai pas profité du retour de M. Monod, c'est seulement, croyez-moi, parce que je l'ai ignoré.

  A011000609 

 Il en est de même de M. de Chavanes; mais la goutte fait terriblement souffrir notre parent M. de Charmoisy.

  A011000609 

 Notre Evêque, qui est l'un de vos meilleurs amis, se porte bien.

  A011000620 

 Quid dicam? Si mihi in mala causa bonus desit advocatus, actum quidem est de capite meo.

  A011000627 

 C'est ce qui m'empêcha de rejoindre M. Coppier, lequel faisait route sans difficulté par le côté opposé du lac..

  A011000629 

 Mais il est digne de Salteur de plaider victorieusement une cause désespérée, et d'obtenir un pardon qui ne peut nuire à personne, pour celui qui est déjà puni de sa faute par la confusion qu'il en éprouve et par la perte qu'il a faite.

  A011000629 

 Que dirai-je? Eh quoi! si dans une aussi mauvaise cause je suis dépourvu d'un bon avocat, c'en est fait de moi.

  A011000638 

 Non tamen totum iter, sed quædam tantum milliaria nudis pedibus conficiemus, ea enim lex non sine causa dicta est.

  A011000639 

 Ita, mi Frater, non poterit ea non esse vera fraternitas quæ ad ejus ligni conspectum jurejurando firmanda est quod cœlites ipsos immortales mortalibus hisce inferioribus conciliavit.

  A011000646 

 J'avais presque achevé une autre lettre qui vous était destinée, mon très aimable Frère, lorsque Soudan m'a remis de votre part cette dernière, qui est toute remplie de la très suave odeur de l'Esprit-Saint.

  A011000647 

 Je ne puis guère vous dire l'heure précise, puisque, contre notre gré, une foule nombreuse s'est jointe à nous pour ce pèlerinage, principalement quelques dames que tous nos arguments n'ont jamais pu faire changer de résolution, notre Confrérie les ayant, dès le commencement, admises à la [66] Communion et autres pieux exercices.

  A011000647 

 Louange soit donc à Dieu pour vous tous par Jésus-Christ, vous dirai-je avec saint Paul, parce que votre foi est maintenant annoncée partout.

  A011000647 

 Nous ôterons les souliers de nos pieds, car nous regardons comme saint le lieu où nous nous rendons, ce lieu orné du bois très précieux sur lequel Dieu s'est montré à nos pères avec une charité bien plus ardente que dans le buisson de Moïse.

  A011000647 

 Toutefois nous ne ferons pas tout le chemin pieds nus, mais seulement quelques milles, car ce n'est pas sans raison que nous l'avons ainsi réglé.

  A011000648 

 Et il ne faut pas que j'oublie une chose merveilleuse: vous avez su que notre pèlerinage était décidé au moment où nous venions à peine de prendre cette détermination, car c'est mercredi soir seulement que nous avons délibéré à ce sujet; de sorte qu'on peut attribuer à une inspiration divine ce fait que, portant les regards sur la même Croix, nous [67] avons eu les uns et les autres le même sentiment.

  A011000650 

 Mais il est temps de nous mettre en chemin.

  A011000658 

 Ego vero cum D. de Charmoysi, affini nostro, paulo citius expectaturi sumus; quorum enim longe majus futurum est bonum, expectationem anteriorem esse par est..

  A011000659 

 De domo quam urbanam in epistola ad D. de Charmoysi appellas nihil est quod cures, habemus enim paratam, non unam tantum aut alteram, sed tertiam quoque; quandoquidem uti mea hoc nomine censeatur velle non debeo, Domini vero de Charmoysi, ut video, tu [69] ipse noluisti.

  A011000668 

 Il est juste que ceux dont le bonheur doit être plus grand devancent, en vous attendant plus tôt, le moment de le goûter..

  A011000678 

 Tuum est videre quanam ratione tantam meam jacturam resarcire velis Sane cujusvis diei major pars est horarum septem primarum..

  A011000680 

 « Cuncta timemus amantes; » facile est enim minus volenti excusationes invenire.

  A011000690 

 « Tout éveille les craintes de ceux qui aiment, » parce qu'il est facile, quand on n'a pas une très bonne volonté, de trouver des excuses.

  A011000699 

 Sic enim fiet ut qui me totum semel pro ea qua me complexus [es] benevolentia tibi Fabroque nostro observandissimo, qui ejus mihi fuerit [auctor], ex unica causa debebam, jam tibi uni idem ipse totum me debeam; eoque sane majore ratione quo in eo sum magnificentissimo cœnobio quod qui ingreditur eam [75] subeat sententiam necesse est: « Difficilius est reformare quam formare.

  A011000700 

 Atque heri cum in hanc Altæcombæ sanctissimam simul et augustissimam solitudinem venissemus, R mum Albiensem Episcopum visendi gratia, qui ut doctissimus est sic Fabrum hunc nostrum summo prosequitur amore, antequam a fratre suavissimo divelli me patiar sic tam diuturnæ cessationis veniam impetraturum abs te credidi, si pollicear me futura diligentia et frequentia deinceps moram hanc præteritam repleturum.

  A011000700 

 Est enim undevigesimus hic dies quo cum fratre meo Fabro nostro vitam ago suavissimam, cui ad perfectam fœlicitatem id defuisse unicum videbatur quod te nobiscum non haberemus.

  A011000706 

 Ils voudraient bien rentrer dans le devoir et reconquérir les bonnes grâces de leur professeur; mais flottant entre la crainte et l'espérance, ils ne savent se déterminer pour l'heure où ils devront paraître en présence du maître irrité: faut-il éviter sa colère présente en sacrifiant le pardon espéré, ou obtenir leur pardon en s'exposant à être punis? Dans une [74] telle hésitation l'esprit de l'enfant a bien de la peine à discerner ce qui lui est plus avantageux.

  A011000707 

 Ainsi moi, qui me devais déjà une fois tout entier à vous, à raison de la bienveillance dont vous m'avez entouré, et à notre très digne Favre parce qu'il m'a obtenu cette faveur, je me devrai désormais tout entier à vous seul, et cela avec d'autant plus de raison que je me trouve dans ce [75] magnifique monastère où l'on ne peut entrer sans se rappeler cette sentence: « Il est plus difficile de réformer que de former.

  A011000708 

 C'est aujourd'hui le dix-neuvième jour que je passe la vie la plus douce avec mon frère notre cher Favre; il ne manquait, ce semble, à notre bonheur que de vous avoir avec nous.

  A011000715 

 Alioquin cum in ipso fere [77] provocandi articulo, tuas illas amœnissimas et, quod caput est, amicissimas litteras accepissem, tanto tuæ humanitatis lumine mentem meam obtundi sensi ut qui jam jam scripturus eram, tantæ humanitati respondere posse omnino deinceps desperarem.

  A011000716 

 Tanta enim mea est erga te observantia, ut ex hac parte vix equidem parem, superiorem omnino neminem habere possim, nec alio egeat monumento quæ tam justo caractere sit insculpta nullius ut temporis injuria deleri possit..

  A011000723 

 C'est ainsi que l'oracle d'Apollon répondait, dit-on, avec tant de subtilité, que s'il eût posé lui-même des questions, la sagesse humaine aurait été incapable de les résoudre.

  A011000723 

 Il ne faut rien moins que la très grande autorité que vous avez sur moi pour me convaincre, comme vous me l'écrivez, qu'il est toujours plus facile de répondre à un ami que de le provoquer; car [77] lorsque j'étais sur le point de vous prévenir, votre lettre si gracieuse et, qui plus est, si amicale, m'est parvenue.

  A011000724 

 Cette estime n'a pas besoin d'un monument qui en conserve le souvenir; elle est gravée en caractères assez durables pour défier l'action du temps..

  A011000724 

 Si grande est l'estime que je vous ai vouée, que sur ce point on peut tout au plus rivaliser avec moi, mais l'emporter, jamais.

  A011000740 

 Deux raisons principales me portent à vous écrire, mes très chers Amis: la première est de répondre à la lettre dont vous m'avez favorisé récemment, et qui m'a causé tant de plaisir; la seconde est de vous demander une nouvelle lettre, car celle que vous m'avez écrite est tout endommagée par la lecture répétée que j'en ai faite.

  A011000749 

 Gaudeo sane plurimum gratulorque tibi ex animo et sorori ne bonæ fidei viatori spinas pedibus injicias, ut est in proverbio..

  A011000750 

 Gratulor sane plurimum sorori de diuturniori illo tuo amœnissimo conspectu; at quorsum eam in causam rogari, suaderi ac propemodum cogi velle, et locum quem omnino tibi selegeris, non nisi post multas aliorum præces, per summam artis aulicæ subtilitatem, more Locatellæo occupare? Bene est.

  A011000751 

 Opportune pœnitentiales Meditationes quibus exercear dum aberis misisti, in quibus quid meum fuerit non [81] video, tot nempe prætiosis tuis illis lapillis intertextum et consitum opus illud est ut fœlici mutatione nomen antiquum et formam omnem perdiderit..

  A011000759 

 Certes, je félicite aussi grandement ma sœur de pouvoir jouir longuement de votre agréable présence; mais pourquoi vouloir être prié, pressé et presque contraint dans cette affaire? Pourquoi n'occuper qu'après les nombreuses instances de plusieurs, la place que vous avez choisie vous-même, si ce n'est par une extrême finesse digne des hommes de cour, à la manière de notre Locatel? C'est bien.

  A011000769 

 Quo mihi suavior est ea qua me prosequitur benevolentia quod a tua omnino proficiscatur, ac ad tuam pœnitus, ut « ad primam in suo genere et cæterarum mensuram, » immediate referatur.

  A011000776 

 Qu'est-ce qui m'agréa davantage, ou de voir votre envoyé ou de lire votre lettre? Tout ce qui vient de vous ne peut que m'être extrêmement agréable.

  A011000777 

 Cette bienveillance dont je suis l'objet de sa part m'est d'autant plus douce qu'elle procède uniquement de celle que vous avez pour moi et qu'elle se rapporte immédiatement à celle-ci, puisque « la première chose en chaque genre sert de mesure à tout le reste.

  A011000785 

 Et quidem facillimum est cuique Christiano ac omnibus fere obvium, Christum languentibus medentem, mortuos excitantem sequi, at Christum languentem et morientem id paucissimis concessum est.

  A011000785 

 Et vero nunc tibi ex animo gratulandum est, clarissime Girarde, cum te totis viribus sub sanctissimi [84] Crucifixi signo serio militantem videamus.

  A011000785 

 Non arduum est admodum Crucem erectam amplecti dum nemo impellat nitaturve disturbare, at contra pugnantium impetum eam ne labatur sustinere, id confirmates virtutis est.

  A011000785 

 Quid enim est quos Deus odivit odio habere et super inimicos Crucis tabescere quam pro Christo decertare? Nulla gloriosior bene de Deo ipso et Ecclesia merendi occasio potest esse quam hæc quæ tibi summa Dei providentia occurrit.

  A011000786 

 Gratulor potius tibi majorem in modum quod in provecta jam hæc ætate, tam alacriter bellum pro Christo susceperis ac susceptum sustinueris; ut verum jam sit illud etiam de te pronunciare quod est apud Hieronimum: « Bos lassus fortius figit pedem.

  A011000786 

 Quæ quidem non eo animo a me esse dicta velim intelligas quo tibi animum addere vellem; non enim est discipulus super magistrum, et importunum omnino foret te veteranum et gravions armaturæ militem a grægario tyrone doceri.

  A011000786 

 » Quæ tua mihi gloria eo suavior est perfecta, quo nuper te in confratrum ex Cruce nostrorum numerum majore cum oblectamento [86] renunciavit vir optimus et ipsa canitie venerandus, Joannes Tissotius, communis hujus Confraternitatis prior meritissimus; ut jam certo quodam jure omnium nostrum bona videantur esse communia qui, tum aliis nominibus tum hoc peculiari fratres ex Cruce censemur.

  A011000791 

 Revu sur l'Autographe, dont la partie déjà publiée est conservée à la Visitation d'Annecy et la partie inédite à la Visitation de Turin.

  A011000795 

 Ce n'est certainement pas la science seule qui a élevé si haut les Martin, les Chrysostome, les Hilaire, les Damascène; mais bien plutôt cette magnanimité chrétienne avec laquelle ils ont déclaré la guerre pour le Christ aux empereurs et aux autres faux frères, et se sont montrés intrépides à combattre les combats du Seigneur..

  A011000795 

 Il faut maintenant vous féliciter du fond du cœur, excellent Girard, puisque nous vous voyons combattre de toutes vos forces sous [84] l'étendard du très saint Crucifié; car n'est-ce pas combattre pour le Christ que de haïr ceux que Dieu hait, et de sécher de douleur à cause des ennemis de la Croix? Vous ne pourrez jamais rencontrer une occasion plus glorieuse pour bien mériter de Dieu et de l'Eglise que celle qui vous est présentement offerte par la souveraine providence divine.

  A011000795 

 Il n'est pas très pénible d'embrasser la Croix lorsqu'elle est debout, que personne ne l'ébranle et ne s'efforce de la renverser; mais la soutenir contre le choc des assaillants pour qu'elle ne tombe pas, voilà le propre d'un courage éprouvé.

  A011000795 

 O bienheureux combat dans lequel à la fois nous mourons et nous vivons pour le Christ! Qu'est-ce qui a, je vous le demande, environné de tant de gloire et [85] d'une si religieuse vénération la mémoire des anciens Pères de l'Eglise? C'est que jamais aucune menace n'a pu les empêcher de patronner (permettez-moi cette expression) la cause de Jésus crucifié.

  A011000795 

 Oui sans doute, il est très facile à un Chrétien, et c'est une chose pour ainsi dire à la portée de tous, de suivre Jésus-Christ guérissant les infirmes, ressuscitant les morts; mais de suivre Jésus-Christ souffrant et mourant, voilà ce qui n'est accordé qu'à un fort petit nombre.

  A011000796 

 Le disciple n'est pas au-dessus du maître.

  A011000798 

 Le Seigneur est votre défenseur, vous ne craindrez pas ce que l'homme fera contre vous..

  A011000808 

 [88] Ils vous supplient donques, Monsieur, tres humblement, tous en general et moy en particulier, comm'ayant cest honneur d'estre Prevost en leur compaignie, de prendre ce leur affere en main; se promettans que si la bonne intention de Son Altesse, dressëe sur la pieté de la cause, est aydëe de vostre faveur et authorité, elle sortira en son effect avec grand merite de sa dicte Altesse, qui nous aura remis nostre pain en la main, et de vous, Monsieur, qui nous aures procuré ce bien, duquel je puys bien vous asseurer avec verité que nous avons bon besoin, pour s'estre la pauvreté de cest'eglise cathedrale de trente chanoynes, quasi tous gentilhommes ou gradués, fort rengregëe par ces guerres, sans avoir voulu jamais diminuer aucune chose de ce qui s'observoit pour la decoration du service divin..

  A011000819 

 Enimvero tum post densissimas tenebras mihi lux quædam oboriri videtur, adeo mihi caliginosus hic est aer, cui procul dubio princeps tenebrarum harum de quibus loqueris præest..

  A011000820 

 Idque actum est, quantum audio, nudiustertius in urbis ipsius sedibus publicis, cum jam antea abiissent in concilio impiorum, hoc est, per speciem matrimonii cujusdam, uti soient, dirimendi convenissent in suo quod appellant [91] consistorio, in quo idem jam plerique inter se decreverant..

  A011000821 

 Quamdiu per inducias et Principis utriusque tum ecclesiastici tum secularis licuerit voluntatem, operi instare, nullum non movere lapidem, obsecrare, increpare in omni qua nos Deus donaverit patientia et doctrina omnino ac firmissime constitutum est.

  A011000821 

 Quid faceres, mi Frater? Induratum est cor eorum; dixerunt Deo: Non serviemus; recede a nobis, viam mandatorum Dei nolumus.

  A011000828 

 Certes, je l'eusse fait plus tôt très volontiers, car nulle autre pensée ne m'est aussi douce, ne me récrée autant que celle par laquelle je tâche chaque jour de vous représenter à mon esprit le plus fidèlement qu'il m'est possible; il me semble alors qu'après de très épaisses ténèbres, une certaine lumière luit pour moi, tant me paraît sombre le nuage auquel commande sans doute le prince de ces ténèbres dont vous me parlez..

  A011000829 

 Mais le démon s'en est bien vite aperçu; car les principaux de Thonon ayant assemblé leur conseil, se sont juré, par une souveraine perfidie, que ni eux ni le peuple n'assisteraient jamais aux prédications catholiques.

  A011000830 

 Que feriez-vous, mon Frère? Leur cœur est endurci; ils ont dit à Dieu: Nous ne servirons pas; retirez-vous de nous, nous ne voulons point marcher dans la voie des commandements de Dieu.

  A011000851 

 Je diray donq simplement a Vostre Seigneurie Illustrissime que l'opiniastreté de ce peuple est si grande, qu'ilz ont derechef confirmé l'ordonnance publique que personne n'ayt a revenir a nos predications catholiques; et lhors que nous croyions que plusieurs viendroyent a nous, soit par curiosité, soit par quelque reste du goust de l'ancienne religion, nous avons experimenté leur endurcissement commun par leurs mutuelles exhortations.

  A011000852 

 Mais, Monseigneur, nous esperons avec patience que ce fort armé qui garde sa mayson sera chassé par un plus fort que luy, qui est Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A011000860 

 Nunc demum mihi de rebus Tononiensibus bene sperare licet, quod te scire par est, Frater suavissime, cum me nudiustertius ex eis quidam tanto [obsequio] prosecutus fuerit quanto nihil jucundius nihil gratius, immutata [95] jam ex parte eorum lege qua cautum fuerat uti ne mecum non beneficiis modo, sed ne quidem verbis agerent.

  A011000861 

 Verum prioribus id jam actum est, et inter Sanctorum Omnium et Fidelium Defunctorum sacra solemnia vix mihi otium suppetit tecum colloquendi nisi nobilis hic vir Blonnayus in aliam horam discessum referat.

  A011000868 

 Aujourd'hui enfin il m'est permis de bien augurer des affaires de Thonon, et je dois vous faire savoir, très aimable Frère, qu'avant-hier l'un de ces messieurs m'a témoigné tant de bienveillance et d'amabilité qu'il ne se peut rien dire de plus.

  A011000868 

 Voilà qui est de bon augure, sans doute, si d'après le vieux proverbe, par un individu on peut juger de tous.

  A011000877 

 Sane vir est hic noster in Christo pater, qui pro sua in Deum ac eos qui sunt Dei charitate omnem omnium mereatur observantiam, et nonnisi ab [98] nostri simillimis amatoribus satis amari possit.

  A011000884 

 Cet homme est vraiment notre père en Jésus-Christ; sa charité envers Dieu et envers ceux qui sont à Dieu lui donne droit à la vénération de tous, et il ne peut être aimé dignement que par des hommes qui [98] aiment comme nous.

  A011000894 

 Cum enim te discessum ad Albienses tuos parare audiverim, non debui committere quin, sin minus sacras illas [100] tuas manus religiose coram uti par est exosculari queam, saltem et veniam a te peterem simul ac, levi licet significatione, testatum facerem me immortali recordatione tuam illam qua me quondam complexus es benevolentiam animo servaturum, tuæque Paternitatis Reverendissimæ perpetuum ac humillimum cultorem futurum..

  A011000896 

 Quod reliquum est, nobis tuisque omnibus Albigensibus ac reipublicæ litterariæ Christum quam diutissime [101] habeas servatorem, ac Albigenses tuos ita ad Christianam disciplinam compositos ut ex tua præsentia tantum percipiant fructum ac voluptatem quanta nos ex absentia et dolorem et jacturam..

  A011000901 

 J'ai entendu dire en effet que vous vous préparez à votre départ pour Albi, et, s'il ne m'est pas possible d'aller, comme il conviendrait, baiser religieusement [100] vos mains sacrées, il est au moins de mon devoir de vous en demander pardon, et je ne voudrais pas y manquer.

  A011000912 

 Je commence aujourd'huy a prescher l'Avent a quatre ou cinq petites personnes; tout le reste ignore malicieusement que veut dire Avent, et ce tems si auguste dans l'Eglise est en opprobre et [102] en derision parmy ces infidelles.

  A011000934 

 Et au reste, pour vous rendre quelque conte du vostre despuys que je suys de retour d'Italie, je me suys tellement faict ecclesiastique que j'ay celebré Messe le jour de saint Thomas l'Apostre dernier, en nostre eglise cathedrale de Saint Pierre de Geneve, ou je suys indigne Prævost, qui est la premiere dignité apres l'episcopale, et, par le commandement de mon Evesque, des demy annee en ça j'ay praesché icy et ailleurs parmi le diocæse la parole de Dieu; en quoy je m'accuseroys bien fort de temerité si l'obeissance ne m'en avoit osté le scrupule.

  A011000934 

 [105] C'est ce que j'ay faict et que je fays encores le mieux que je scay, vous portant bien souvent avec moy en imagination en chaire.

  A011000948 

 Et reipsa mihi nunc id faciendum est quod per jocum dixeram, gallice scribendum est mihi, Frater.

  A011000948 

 Satis illud quidem est superque, graviter me admodum et moleste ferre recentem hunc meum a te discessum; post suaves illos dies omnia deinceps mihi noctis instar esse [107] videntur.

  A011000955 

 C'est assez, et même trop, de ressentir avec une peine très vive mon récent éloignement de vous.

  A011000956 

 Ce que je ressens, ce qui me peine gravement c'est mon récent éloignement de vous.

  A011000956 

 Je vous avais cependant écrit avant-hier une lettre que Thovex devait vous porter; mais contre sa promesse il n'est pas venu la prendre.

  A011000956 

 Notre ami de la Servette est sur le point de partir; d'autre part je roule en mon esprit des Méditations sur les mutations des hérétiques de notre temps.

  A011000963 

 Mora est, fateor, et quæ culpa non careat; ea tamen ex parte [109] excusationem aliquam habeo, quod me tantopere tuæ delectant litteræ, ut quamvis continua confractatione detrimentum charta sentiat, novara tamen mihi quotidie suggerant voluptatem qua mihi recentes subinde videantur esse, maxime cum nullam temporis habeant notam.

  A011000970 

 C'est ce qu'enseigne saint Augustin: « Nous devons vouloir la paix toujours, et la guerre seulement quand elle est nécessaire.

  A011000970 

 Le retard existe, je le confesse, et il n'est pas sans coulpe; mais voici une raison qui m'excuse un peu.

  A011000976 

 Ergo quod optas, priores mei in hæreticos operis paginas videre, ego quoque summopere desidero, nec prius qua par est alacritate in hostium cuneos signa inferam quam tu consilium meum ac ordinem modumque certandi probaveris.

  A011000976 

 Verum operis [gravitatem percipio], nec eas habeo copias auxiliares quarum ope fretus negotium premere possim, libris careo mihi necessariis, hoc est, homini memoria exiguam admodum servanti rerum supellectilem..

  A011000977 

 Quod reliquum est Quadragesimæ Tononi transigam; id et re mea est.

  A011000985 

 Je vais passer à Thonon le reste du Carême; c'est ce qui me paraît être le meilleur.

  A011000985 

 La guerre « est douce à qui n'en a pas l'expérience.

  A011000995 

 » O sententiam hisce temporibus peropportunam et magno Chrisostomo dignam, cujus homilia quædam, quod omnium optime nosti, clarissimo hoc frontispicio illustris est.

  A011001001 

 Cum enim ex arce velut eminus impetitus conditiones justas neglexerit, cominus nunc extremum impetum faciam; potior est numero at nos causa.

  A011001002 

 Quo fit, licet omnem scribendi nimium idoneam arripiam occasionem, [nunquam tamen dixisse] et scripsisse sat est..

  A011001015 

 Pendant que je suis dans ces pensées, mes yeux tombent sur un livre dont je remarque tout d'abord cette première ligne: « Nul n'est blessé que par soi-même.

  A011001015 

 Si quelqu'un a jamais su le moyen de [113] mettre à profit l'adversité, si quelqu'un a jamais pu remédier aux ruines et aux désastres de son époque, c'est de vous (dois-je dire sénateur ou bien artisan expérimenté?) qu'il faut attendre cela..

  A011001015 

 » O maxime bien propre à notre temps et digne du grand Chrysostome, dont une certaine homélie, vous le savez mieux que personne, est illustrée par ce célèbre frontispice.

  A011001020 

 J'étais blessé par moi-même, moi qui l'étais parce que je vous croyais aussi blessé; c'est qu'il appartient non à un apprenti, mais à un artisan de prévenir par la raison ces premiers mouvements de l'âme..

  A011001021 

 Ceux-ci se confient dans des chariots et ceux-là dans des chevaux; mais nous, c'est dans le nom du Seigneur que nous espèrerons, si toutefois les paroles de David peuvent être citées au milieu de ces rodomontades.

  A011001023 

 Ceci soit dit par plaisanterie, car ce n'est pas en [115] comptant sur la force de mon esprit, ni sur aucune science, mais sur la patience, que je suis descendu dans l'arène.

  A011001035 

 Si Roland estoit vostre filz aussi bien qu'il n'est que vostre valet, il n'auroit pas eu la couardise de reculer pour un si petit choc que celuy ou il s'est trouvé, [117] et n'en feroit pas le bruit d'une grande bataille.

  A011001050 

 Nous marchons, mais a la façon d'un malade qui, apres avoir quitté le lict, se trouve avoir perdu l'usage de ses piedz et, dans son infirme santé, ne sçait s'il est plus sain que malade..

  A011001050 

 Si vous desires de sçavoir, comme il est convenable que vous le sçachies, ce que nous avons faict et ce que nous faisons maintenant, vous le trouveres tout en la lecture des Epistres de saint Paul.

  A011001051 

 C'est la verité, Monseigneur, ceste province est toute paralytique, et devant qu'elle puisse marcher, je pourray bien penser au voyage de la vraye patrie.

  A011001062 

 C'est grand cas combien de pouvoir a la commodité de ceste vie sur les hommes.

  A011001063 

 C'est tout ce qu'on peut faire que de faire garder aux Catholiques naiz et nourrys, leur foy a ce pris la.

  A011001064 

 Au reste, j'ay icy quelques parens et d'autres qui me portent respect pour certaynes raysons particulieres que je ne puys pas resigner a un autre; et c'est ce qui me tient du tout engagé sur l'œuvre.

  A011001077 

 Dicamne, mi Frater, quanta animi voluptate tuas litteras et clarissimi viri Antonii Possevini nudius tertius exceperim? Et cum alterius seorsim recordatio sola animum omnem delectare posset et soleret, quid quæso non recordatio solum, sed utriusque erga me tantum benevolentiæ pignus effecerit? Epistola per se scribentis [122] quædam effigies manualis est; at in selecto illo libello de Poësi et Pictura, tam genuina est Possevini effigies, ut non in messem alienam miserit manum qui tam eleganter et graphice seipsum representant et pinxerit; ac nihilo fere minus se libello mihi præsentem exhibeat quam ipsissima præsentia tibi.

  A011001077 

 Nihil est in hac mea oblectatione durius quam quod in id tempus ceciderit quo mihi, per aliquot saltem dies, fixo pede in hoc agro sit permanendum..

  A011001078 

 In iis est Petrus Poncetus jurisconsultus doctus et vir bonus, qui cum jampridem de præsentia corporis Christi in Eucharistia recte sentiret, etsi in quamplurimis turpissime erraret, a scola Calviniana quæ in tanto Sacramento falleret et falleretur abduci se facile passus est; ad caulas vero Catholicas redire peculiare fuit negotium.

  A011001078 

 Nam tandem aliquando albescunt aliquot hujus tantæ messis spicæ, quæ si tempore tam incommodo non [123] tempestive colligantur, verendum est ne ventis maxime aquilonaribus (nam ab aquilone, ut est in Prophetia, omne malum panditur) vehementius iis in terris flantibus, rectæ fidei grana disjiciantur.

  A011001078 

 [124] « Per calcatum perge patrem, et ad Crucis vexillum evola, » Beati Hieronymi sententia, si unquam alibi, hic imprimis locum habet, sed plus æquo verum est vetus dictum: « Morbos equites venire, pedites abire.

  A011001090 

 Dirai-je, mon Frère, avec quelle joie intime j'ai reçu avant-hier votre lettre et celle du très digne P. Antoine Possevin? Si le seul souvenir de l'un de vous séparément suffît d'ordinaire pour délecter toute mon âme, qu'en a-t-il été, je vous le demande, non du souvenir seulement, mais de ce gage précieux de la bienveillance de l'un et [122] de l'autre à mon égard? Une lettre est déjà comme un portrait de celui qui écrit; mais l'image de Possevin est si naturelle dans ce charmant ouvrage de la Poésie et de la Peinture que, pour se représenter et se peindre soi-même avec tant de grâce et d'exactitude, il n'a certainement pas emprunté les pensées d'autrui.

  A011001090 

 Il ne m'est guère moins présent par cet écrit qu'il ne vous l'est en réalité.

  A011001090 

 N'allez pas croire cependant que, pour l'avoir vu dans son livre, j'éprouve un désir moins vif de le voir en personne; au contraire, l'appétit est aiguisé par un si agréable alléchement.

  A011001090 

 Une seule chose m'est pénible dans cette jouissance, c'est qu'elle m'est offerte en un temps où je dois rester de pied ferme dans ce champ, au moins pour quelques jours..

  A011001091 

 Au nombre des épis dont je parle, est Pierre Poncet, savant jurisconsulte et cœur droit.

  A011001091 

 Mais le vieux proverbe est également vrai: « Le mal vient à cheval et s'en retourne à pied.

  A011001091 

 Si jamais on put [124] appliquer ailleurs le conseil de saint Jérôme: « Foulez aux pieds votre père et courez vous réfugier sous l'étendard de la Croix, » c'est bien ici en particulier le cas de le faire.

  A011001093 

 Comme c'est un homme éminemment catholique et savoyard, il y croit lui-même très facilement et a fortement insisté auprès de moi afin que je croie aussi.

  A011001102 

 Et qua est statura et voce, ut vides, rodomontea, non ausus sum omnino negare inermis homuncio; quamvis nihil aliud habeam quod iterum scribam, præsertim sic ex tempore, quam Poncetum, de quo superioribus, jam promisisse se in verba Ecclesiæ Catholicæ palam paulo post juraturum, [ac primo] quidem Compesio, [128] qui id ab eo primum expressit, ipsaque eadem hora mihi.

  A011001103 

 Sed Neciensibus diem dicere debeo, ut si, qua est in me humanitate, venire volet, expectent in ipso itinere medio, ne tanti viri visitatione priventur.

  A011001109 

 Et parce qu'il a, comme vous voyez, une stature et une voix de géant, je n'ai pas osé refuser tout à fait, moi petit homme sans défense, bien que, pris ainsi à l'improviste, je n'aie rien de nouveau à vous écrire, si ce n'est que Poncet, dont je vous ai parlé dans ma dernière lettre, a maintenant promis de faire publiquement profession de la foi catholique d'ici à peu de temps.

  A011001114 

 Horum nihil ab ipso factum est.

  A011001114 

 Nuper cum in Romana [130] Curia conditionis remissionem postularet, repulsam quod certo scimus passus est; et vult nihilominus canonicus et dici et esse.

  A011001115 

 Tu judica; si enim tuta possit fieri conscientia non abnuo, non abnuunt cæteri, imo cupimus omnes eum optimo modo canonicum esse; vir enim est et doctus et pius.

  A011001116 

 Hæc communia; at ego a te expecto quid de Possevino [131] nostro, nam de Cantore, fratre nostro, et de Girardo a canonico quodam Sebusiano qui nobiscum est audivi.

  A011001124 

 C'est à vous de décider.

  A011001124 

 Personne ne s'y est opposé.

  A011001124 

 Si la chose peut se faire en sûreté de conscience, je n'y mets pas d'obstacle, les autres non plus; au contraire, nous désirons tous qu'il soit chanoine dans les meilleures conditions, car c'est un homme docte et pieux.

  A011001125 

 Pour moi, j'attends de vous des [131] nouvelles de notre Possevin, car j'en ai eu du Chantre, notre frère, et de Girard par un certain chanoine de Bresse qui est auprès de nous.

  A011001148 

 Je ne sais si je dois maintenant, ayant presque le pied à l'étrier, vous remercier de ces poésies sacrées que vous me dédiez si affectueusement; certes, l'occasion est bonne, car la pénurie de temps m'autorise à faire plus courtement ce que je ne croirai pas avoir bien fait une seule fois, alors même que je le ferais toujours.

  A011001165 

 Cæterum ita est ut scribis, mi Frater: ad priores illas tuas respondisse me, quibus opus tuum illud poeticum neque probandum neque improbandum sumpseram.

  A011001165 

 Quid autem alii sentiant, id est.

  A011001166 

 Quis enim nesciat talia qualia sunt quæ scribis ex paupercula officina mea non prodire, tamque grandes materias ingenia parva sustinere non posse? Et quidem si nonnulla quæ tu procul dubio prius noveras, ego vel prius dixi vel ad memoriam revocavi, esto mea dicas; sed tabulæ sunt rasæ et informes quas tam accuratæ picturæ cedere necesse est.

  A011001167 

 Expectabasne pro tanto munere tam gravem expostulationem? Vetus tamen mos est debitorum, cum non sunt solvendo, hac uti solemni diversionis arte.

  A011001171 

 Magno namque est argumento silentium ubi vel levissimum sufficeret Mot, et homines videre, inter media Ecclesiæ prædia, sub principe Catholico, præcario propemodum et in dies [139] vivere.

  A011001171 

 Propero jam, mi Frater, Tononum versus, te propemodum solo, quod satis est, probante; sicque sum animatus ut sequentes post menses quatuor, expleto nimirum anno, nisi suas quisque partes hoc in negotio fideliter obeat, nullis me deinceps aliis retineri in officio verbis quam tuis patiar.

  A011001178 

 Lorsque j'ai appris l'accident de notre Guichard j'ai été comme un homme frappé de la foudre, ma langue est restée sans paroles et mes yeux fixes.

  A011001179 

 C'est ainsi que le prêtre de cette ville qui m'apporta hier votre lettre, me tranquillisa l'esprit de votre part touchant cette affaire.

  A011001179 

 Je sais, en effet, que le premier à qui il appartient de venir en aide à Guichard, c'est vous, et par ordre de nature, comme on dit, et par ordre d'ancienneté; moi, je ne suis que le second; mais au point de vue de l'affection, que je ne sois, je vous prie, ni le premier ni le second, et que rien n'altère l'unité qui existe entre vous et moi.

  A011001180 

 Je ferai injure à ce très noble M. de Montrottier, qui vous est des plus attachés, si je ne vous dis combien il a dépensé d'énergie pour soutenir cette cause par son éloquence lorsqu'il ne pouvait le faire par l'action.

  A011001181 

 Du reste, notre louange, la mienne surtout, si j'en mérite quelque peu, est malséante dans ma propre bouche.

  A011001181 

 Mais quelle est l'opinion du public? La voici: on admire le charme du style, la richesse et l'élévation des pensées; on semblait même dire que si vous ne m'eussiez appelé votre frère, l'obscurité de mon nom aurait rabaissé un ouvrage si excellent et fait de main de maître..

  A011001181 

 Oui, comme vous l'écrivez d'ailleurs, mon Frère, il est vrai que j'ai répondu à votre précédente lettre sans entreprendre de louer ni de blâmer votre œuvre poétique, car je n'en avais pas encore examiné chaque partie isolément.

  A011001182 

 Vous, au contraire, vous nommez fond ce qui n'est que partie, et, pour que l'hyperbole amicale corresponde en tout point à votre affection, vous semblez affirmer que la façon même est de moi.

  A011001183 

 Vous attendiez-vous, pour un si beau présent, à un si grave réquisitoire? Mais c'est la vieille coutume des débiteurs insolvables de recourir à cette adresse ordinaire de la diversion.

  A011001187 

 C'en est un aussi de voir des hommes au milieu des domaines de l'Eglise, sous un prince catholique, vivre d'une vie précaire et pour ainsi dire au jour le jour.

  A011001187 

 Quand le moindre mot suffirait, son silence est en effet un grand argument.

  A011001187 

 Vous êtes à peu près le seul qui m'approuviez, mais c'est assez, et voici ma résolution: dans quatre mois, c'est-à-dire mon année achevée, si chacun ne remplit pas fidèlement son devoir en cette affaire, je ne souffrirai plus qu'aucun autre que vous me retienne dans cette charge.

  A011001188 

 Portez-vous bien; aimez, comme vous le faites, votre très humble frère, et s'il vous plaît, saluez en mon nom tous les nôtres, en particulier ma très illustre sœur qui ne m'est pas autrement....

  A011001195 

 Virtutis is est splendor, quod tu omnium minime ignoras, Pater observandissime, nullis ut locorum intervallis [140] impediri possit quominus et videatur ipsa, et eos a quibus possidetur suo lumine reddat omnibus qui vel virtutis nomen tantum honorant conspicuos et amabiles.

  A011001196 

 Scriptum est enim: Interroga generationem pristinam et diligenter investiga patrum memoriam, et ipsi docebunt te; loquentur tibi, et de corde suo proferent eloquia..

  A011001197 

 Quem cum antiquitatis authoritate non nihil moveri viderem inter familiaria colloquia, porrexi tuum illud Opus Cathechisticum, cum sententiis Patrum a Busæo fuse descriptis; cujus lectione abduci se ab [142] errore in tritam veteris Ecclesiæ viam passus est, ac manus tandem dedit; quo etiam tibi nomine plurimum plurimum uterque debemus..

  A011001199 

 Quodque reliquum est, Deus optimus maximus venerandam tuam canitiem quam diutissime reipublicæ Christianæ servet incolumem; at tu me, quod e vestra Societate jampridem fecit Antonius Possevinus, in humillimum, quæso, et addictissimum servum habeto et filium in Christo..

  A011001216 

 C'est pourquoi je ne pense pas avoir besoin d'excuse quand j'ose vous écrire, moi, homme de rien, inconnu et obscur; car vous n'êtes pas également un homme inconnu et obscur, vous qui vous êtes signalé auprès de tous les fidèles du Christ par tant de choses (j'emploie le terme le plus modéré) si bien faites, dites et écrites pour le Christ.

  A011001216 

 Il n'est pas étonnant que celui qui a écrit si souvent à tous les Chrétiens reçoive aussi des lettres de plusieurs, pour cela seul qu'ils sont Chrétiens..

  A011001216 

 Tel est l'éclat de la vertu, vous le savez mieux que personne, très vénéré Père, qu'aucune distance ne peut l'empêcher d'être aperçue [140] et, par sa lumière, d'illustrer ceux qui la possèdent et les rendre aimables à quiconque honore au moins le nom de la vertu.

  A011001217 

 Il est écrit en effet: Interroge l'ancienne génération, recueille avec soin les souvenirs de nos pères, et ils t'enseigneront; ils te parleront et te feront entendre le langage de leur cœur..

  A011001218 

 Enfin il s'est rendu, ce dont nous vous sommes l'un et l'autre très, redevables..

  A011001218 

 Or, voici le neuvième mois que je suis au milieu des hérétiques, et si vaste que soit la moisson, je n'ai pu renfermer que huit épis dans le coffre du Seigneur; encore est-ce un grand bienfait de Dieu en faveur d'un homme qui est moins un ouvrier qu'un avant-coureur d'ouvriers.

  A011001219 

 Il en donnait cette raison, empruntée à Calvin, qu'en hébreu ces deux pronoms sont du masculin, tandis que le mot hébraïque qui désigne le péché est du féminin.

  A011001219 

 Or, je ne pouvais suffisamment réfuter cette objection, même avec le secours des œuvres de Bellarmin; les livres nécessaires pour cela me manquent ici, car il est arrivé que je n'en ai apporté avec moi qu'un petit nombre traitant des controverses de notre temps.

  A011001231 

 Virtutis quidem ea est præstantia, Pater observandissime, ut quod tu omnium minime ignoras, nullis terrarum aut locorum intervallis impediri possit, quomimis et videatur et eos a quibus possidetur iis etiam reddat ronspicuos et amabiles qui, quamvis quid ipsa sit virtus ignorent, virtutis tamen nomen honorant.

  A011001232 

 Sic enim scriptum est: Interroga generationem pristinam et diligenter investiga patrum memoriam, et ipsi docebunt te; loquentur tibi, et de corde suo proferent eloquia..

  A011001234 

 Dei interim beneficio factum est ut aliquot animæ, octo nimirum, iis novem mensibus Christo nomen reddiderint.

  A011001234 

 Pauci tantum qui supersunt Catholici ea re recreati [sunt]; hæreticorum nullus propemodum accessit unquam, nisi videndi me potius (est enim genus hominum curiosum) quam audiendi gratia.

  A011001234 

 Quem cum antiquitatis authoritate nonnihil moveri viderem et saltem torqueri, explicavi Opus tuum illud Cathechisticum, cum authoritatibus sententiisque Patrum a Busseo descriptis; cujus lectione sensim ab errore abduci se in tritam veteris Ecclesiæ viam passus est manusque tandem dedit; quo etiam tibi nomine plurimum uterque tibi debemus..

  A011001236 

 Quod reliquum est, Deus optimus maximus venerandam canitiem tuam quamdiutissime reipublicæ Christianæ servet incolumem, et tu me, quod e vestra Societate Antonius Possevinus jam pridem fecit, in humillimum habeto servum in Christo et filium..

  A011001262 

 Quant à l'illustrissime duc de Nemours, il n'y mettra aucun empêchement; au contraire, il nous aidera de toute manière, car il est fort timoré et doué d'une grande délicatesse de conscience; il m'a même dit que si le privilège du Saint-Siège Apostolique ne se trouve pas très clair et très positif, il n'en veut point jouir ni s'en prévaloir..

  A011001275 

 Et par ce que d'un costé il desire infiniment ne faire chose qui vous despleut, et de l'autre il est obligé au proufit de son neveu, tant qu'il se peut maintenir avec rayson, il m'a prié d'employer mon credit vers vous affin qu'il vous playse ne vous desplaire point s'il met a effect le droit de son neveu, quil a desja acheminé si avant et avec tant de frais quil demeureroit en grosse perte sil le quittoit ainsy tout court, sinon que sa partie voulut entendre a ce que Monseigneur le Reverendissime et monsieur d'Angeville en avoyent une fois ordonné a l'amiable.

  A011001275 

 L'obligation que j'ay a monsieur de Ronis et a Monseigneur le Reverendissime, chez qui son neveu sert, m'a faict aysement vous prier, comme je fays, que sil ny a point d'autre interest pour vous que pour l'affection que vous pourries avoir a celuy qui est leur competiteur, il vous playse leur permettre la poursuitte de leur prætention; quilz vous rendront autant de service que l'autre..

  A011001275 

 Monsieur de Ronis m'est venu voir ce matin et m'a monstré une vostre lettre par laquelle il semble que [151] vous aves desplaysir de le voir poursuyvre le droict que son neveu a sur la cure d'Argonnay.

  A011001290 

 Animus tamen in meliorem spem, Christo propitio, attollendus est.

  A011001300 

 Je n'ignore pas, mon très doux Frère, que le silence entre nous vous est aussi pénible qu'à moi; aussi je ne viens nullement m'excuser.

  A011001301 

 La moisson de Thonon est un fardeau qui dépasse mes forces, mais j'ai résolu de ne l'abandonner qu'avec votre agrément, par votre ordre.

  A011001302 

 Quant au Sponde avec sa nouvelle préface, vous pourrez juger par un seul fait combien il est arrivé à propos.

  A011001303 

 Cependant, mon Frère, parmi ces [155] désordres (dirai-je plutôt cette ruine de la patrie?), alors que nos yeux ne rencontrent que des sujets de tristesse, fixons plus attentivement nos regards sur notre patrie céleste, et souvenons-nous toujours qu'Hélie le Thesbite n'est monté au ciel que dans un tourbillon..

  A011001303 

 Je retourne demain à ma Sparte (si ce n'est pour l'embellir, plaise au Ciel que ce soit du moins pour la conserver à de meilleurs ouvriers), et je ferai en sorte qu'il ne soit plus question entre nous de ces silences d'un mois entier.

  A011001312 

 Hesterna namque die Necii omnia propemodum eversa ac inversa dicebantur; adeo nimirum, sive in bonam sive in malam, res quam longissime protrahere solet vulgus; ac adeo incredibile est quanta amaro animo de te tuisque omnibus, quem in primis, ut fit, periclitari, importuna cogitatione subibant.

  A011001318 

 Puisque notre siècle est si infortuné, on s'accoutume à tenir pour heureux tout ce qui n'est pas absolument malheureux.

  A011001327 

 Res est in tuto; jam enim ad colloquia descendunt, mox, ut ex proverbio dicam, ad deditionem venturi; sic enim Crescanus advocatus nos docuit Tononienses communi consilio confessionem, uti vocant, suæ fidei scriptis prolaturos, uti si quid a nobis differunt, ea de re familiari ac privato colloquio vel privatis scriptis agamus.

  A011001335 

 Ils savent bien que ces espèces de rodomontades les invitent à descendre dans l'arène, en sorte que s'ils ne venaient pas ils seraient tenus pour gens tout à fait pusillanimes, qui redouteraient de se mesurer avec la religion catholique, même quand elle est défendue par je ne sais quel homme de rien..

  A011001336 

 C'est une chose assurée: puisqu'ils consentent déjà à parlementer, bientôt, suivant le proverbe, ils en viendront à capituler.

  A011001344 

 Tu vero quam me male nunc hæc tantarum litterarum tanta torqueat expectatio, si ad justam observantiæ amorisque mei erga te Possevinumque nostrum trutinam omnia uti par est expendas, facile cognosces..

  A011001345 

 Audio equidem Henricum, felici nuntio, a Sanctissimo Patre nuperrime « Gallorum Regem, salutem et Apostolicam benedictionem » audivisse; id si ita est, fiat pax in [161] virtute Domini.

  A011001345 

 Ea est propemodum temporibus calamitas non minima, ut eminus rem spectantibus apud viros probos et, ut sacro dicam verbo, quibus est cor, ipsa calamitate sit calamitosior opinio.

  A011001346 

 Ego vero quanta potui modestia per interlocutorem, quando ne quidem mecum manus conserere hactenus ausus est, hominis petulantiam ratione castigavi..

  A011001346 

 Sic enim apud me statutum est nihil nisi te censore proferre.

  A011001347 

 Habebis ergo qualecumque id carminis, si placet, amanter; vir enim est admodum hæreticus, quem tamen propter spem melioris mentis et multa virtutum semina non mediocriter dilexi.

  A011001355 

 J'apprends, il est vrai, que le très Saint-Père aurait tout dernièrement envoyé à Henri l'heureux message: « Salut et bénédiction apostolique au Roi de France.

  A011001355 

 Quant à ce que vous m'écrivez de notre baron, c'est une mauvaise nouvelle pour les méchants qui suivent une religion de fer; et moi je souffre parce que l' espérance différée afflige l'âme.

  A011001355 

 Voilà bien en effet un des grands malheurs de notre temps: la crainte est plus nuisible que le mal lui-même à ceux qui, entre les honnêtes gens, ou pour employer l'expression du Texte sacré, les hommes de cœur, voient les choses de loin.

  A011001355 

 » [161] S'il en est ainsi, que la paix règne par la force du Seigneur! J'augure que cette paix sera d'autant plus heureuse que je la vois être plus désagréable à tous les hérétiques de Genève..

  A011001356 

 Seul, un pauvre ministre insensé ayant lu que vous nommez « heureuse la faute qui nous a valu un tel et si grand Rédempteur, » s'est écrié comme un homme tout à fait stupide et extravagant: « O blasphème! ô athéisme! ô Papisme! » Mais avec toute la modération possible, j'ai, par un tiers, remis à la raison cet effronté, car lui-même n'a pas encore osé en venir aux mains avec moi..

  A011001357 

 Acceptez donc, s'il vous plaît, avec bienveillance cette poésie telle qu'elle est.

  A011001357 

 Cet homme est enfoncé dans l'hérésie; toutefois je lui ai témoigné beaucoup d'affection dans l'espoir de le ramener à de meilleurs sentiments, et parce qu'il y a en lui bien des germes de vertu.

  A011001392 

 Pour vray, mon Pere, si mon insuffisance n'est point l'occasion que Sa Sainteté me refuse ces graces, il n'y a point faute [de] tres urgente necessité.

  A011001394 

 Si est il, a mon advis, necessaire que les necessités particulieres [soient] sceües, et revelees par ceux qui les voyent.

  A011001410 

 Il est du tout necessaire qu'il y aÿe un revenu certain et infallible pour l'entretenement de quelque bon nombre de prædicateurs qui soyent debrigués de tout autre soucy que de porter la sainte parole au peuple.

  A011001411 

 Et sur tout il est besoin au plus tost de dresser et parer les eglises de ceste ville de Thonon et de la parroisse des Alinges, et y loger des curés pour l'administration des Sacremens, veu qu'en l'un et en l'autre lieu il y a ja bon nombre de Catholiques et plusieurs autres bien disposés qui, faute de commodités spirituelles, se vont perdans; outre ce, que cela servira beaucoup pour apprivoiser le peuple a l'exercice de la religion Catholique, principalement sil y a moyen de faire les offices honnorablement, comm'avec orgues et semblables solemnités, au moins en ceste ville qui est le rapport de tout le duché..

  A011001412 

 Playse donques a Vostr'Altesse fair'escrire une lettre aux scindiques de ceste ville, et commander a l'un des messieurs les [169] Senateurs de Savoÿe de venir icy convoquer generalement les bourgeois, et en pleyn'assemblëe, en habit de magistrat, les inviter de la part de Vostr' Altesse a prester l'oreille, entendre, sonder et considerer de pres les raysons que les precheurs leur proposent pour l'Eglise Catholique, du giron de laquelle ilz furent arrachés sans rayson, par la pure force des Bernois; et ce, en termes qui ressentent la charité et l'authorité d'un tres bon prince, comm'est Vostr'Altesse, vers un peuple desvoÿé.

  A011001414 

 En fin, qui adjousteroit a tout cecy un college de Jesuites en ceste ville, feroit ressentir de ce bien tout le voysinage, qui, quand a la religion, est presque tout morfondu..

  A011001415 

 Il y a de la despence en ceste poursuite, mais c'est aussy le supreme grade de l'aumosne chrestienne que de procurer le salut des ames.

  A011001415 

 Le glorieux saint Maurice, auquel Vostr'Altesse porte tant d'honneur, sera nostr'advocat en ceste cause pour impetrer de son Maistre toute benediction a Vostr'Altesse, qui est l'instrument principal et universel de l'establissement de la foy catholique en ces contrëes, lesquelles il arrousa de son sang et de ses sueurs pour la confession de la mesme foy.

  A011001430 

 A faute dequoy voicy la second'annëe que l'on preche icy a Thonon sans beaucoup de fruict, tant par ce que les habitans ne peuvent croire que ce soit par l'aveu ou bon playsir de V. A., ne nous voyans entretenir que du jour a la journee, que par ce qu'on n'a peu attirer nombre suffisant d'ouvriers a ceste sainte besoigne, pour n'avoir ou les retirer ni moyen de les y nourrir, mesme que la despence qui s'y est faite jusqu'a present n'a encor esté payëe.

  A011001430 

 Il est du tout necessaire quil y ait un revenu certain et infallible pour l'entretenement de quelque bon nombre de predicateurs, puysque pour croire il faut ouïr et l'on ne peut 0uyr sans precheur, et que ceux qui viendront icy pour precher doivent estre debrigués de tout autre soucy que de porter la parole de Dieu.

  A011001432 

 Et par ce que l'on precheroit pour neant, sur tout en ceste ville, si les habitans fuyoyent les precheurs et la predication, comm'ilz ont faict cy devant, et ne veulent prester l'oreille a l'instruction ni conferer avec ceux qui viendront, je crois, Monseigneur, que sil plaict a V. A. fair'escrire une lettre au cors de ceste ville, et commander encores a l'un de messieurs les Senateurs de Savoÿe de venir icy faire assembler le conseil general des bourgeois de ceste ville, et en pleyne assemblëe, en habit de magistrat, les inviter de la part de Vostr'Altesse a prester l'oreille, ouyr, sonder et considerer de [173] pres les raysons et predications de l'Eglise Catholique, du giron de laquelle ilz ont estés arrachés par les Bernoys sans aucune rayson, et ce en termes qui ressentent et la charité et l'authorité d'un tres bon prince, vrayement catholique comm'est V. A., vers un peuple desvoÿé, ce leur sera une douce violence qui les contraindra de subir librement le saint joug de vostre zele.

  A011001434 

 Mays qui adjousteroit a tout cecy un college de Jesuites en ceste ville, feroit ressentir de ce grand bien tout le voysinage, qui, quand a la religion, est quasi tout morfondu..

  A011001435 

 Au contraire, [il] attirera par ses prieres la benediction du Pere celeste a quicomque l'advancera, et particulierement sur Vostre Altesse qui en est la cause principale et universelle, pour la prosperité de laquelle je prie ordinairement Dieu, comme je dois, puysque j'ay ce bien d'estre né et nourry, ainsy que je vivray et mourray, sil plaict a sa divine bonté,.

  A011001435 

 Il va de la despence en ceste poursuite, mays c'est le supreme grade de l'ausmone chrestienne que de procurer le salut des ames.

  A011001450 

 Quod autem attinet ad prioratus, prior ratus sum egomet nihil ad me spectare; hoc autem ad me spectat uti Chaventius, qui a secretis est Principis, ingratum me non existimet.

  A011001452 

 Illud autem unum te hæc scribere me scire par est..

  A011001464 

 C'est le livre douzième, nombre parfait qui prouvera qu'entre nous existe la somme parfaite de toute amitié.

  A011001464 

 Cette œuvre est, en effet, plus élevée et plus profonde que la première; d'ailleurs, c'est dans l'ordre de ne pas toujours descendre des plus hauts degrés aux plus bas, mais de monter parfois des degrés inférieurs aux degrés supérieurs..

  A011001465 

 C'est la faute d'un serviteur qui l'a oublié, [180] quoique je lui eusse donné la liste de ce que je voulais emporter; mais je prendrai mes mesures pour que votre attente ne soit pas trop longue.

  A011001465 

 Il est bon toutefois que vous seul sachiez que j'en suis l'auteur..

  A011001477 

 J'ay receu la faveur avec laquelle vous m'offres vostre amitié avec d'autant plus d'humilité que j'en ay moins de merite, avec ceste seule apprehension, que peut estre la connoissance du sujet pourroit cy apres apporter du changement a ceste vostre volonté; si ce n'est que vous y reg*ardies l'affection que j'ay de me rendre capable de vous faire humble service, puisque vous me verries aussi bien assorti de ce costé la que vous pourries jamais voir homme.

  A011001507 

 C'est pourquoi je regrette infiniment de ne posséder aucune des autres conditions qui justifieraient l'opinion avantageuse que vous avez conçue de moi, si ce n'est un ardent désir de servir la sainte Eglise et d'obéir avec une grande promptitude aux commandements de mes supérieurs, surtout à ceux de Votre Seigneurie.

  A011001507 

 Loué soit le Dieu béni qui nous a donné Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime laquelle, dans la lettre qu'elle m'adressa il y a longtemps et que j'ai reçue depuis peu, montra quel est son zèle pour secourir cette province désolée en m'écrivant, et traitant si cordialement avec moi qui, mettant à part ma qualité de prédicateur, suis une personne privée et peu digne de considération.

  A011001508 

 Cependant, inspiré par l'occasion et invité par le petit nombre de Catholiques qui se trouvaient là, je commençai à faire plusieurs prédications, non sans quelque espérance de leur voir produire d'heureux fruits; dès lors, soit par moi-même le plus souvent, soit par d'autres prêtres, en partie chanoines et en partie curés de ce diocèse, l'exercice de la prédication s'est continué sans interruption tous les jours de fête, si ce n'est deux fois que nous avons été contraints de l'omettre.

  A011001509 

 Mais surtout en cette ville de Thonon, qui est le rendez-vous de toute la province, on doit très promptement ériger l'autel, restaurer l'église et se procurer des ornements et des revenus pour y faire l'office convenablement, avec accompagnement d'orgue et choses semblables.

  A011001522 

 La disposition en laquelle je vois maintenant ce peuple de Chablaix est telle que si, en execution de la sainte intention de Vostr'Altesse, on dressoit prontement l'eglise a Thonon et quelques autres lieux, je ne doute point d'asseurer Vostr'Altesse qu'elle verroit dans peu de moys le general de tout ce pais reduict, puysqu'en la ville plusieurs sont si bien disposés et les autres, tant esbranlés en leur conscience, que si on leur presente l'occasion ilz prendront infalliblement le port que Vostr'Altesse leur desire.

  A011001522 

 Si que le tems est venu de voir Dieu loué et le zele de Vostr'Altesse en effect, de laquelle j'attens l'ordre et provision necessaire; et la supplie tres humblement croire, quoy que peut estr'on luy die le contraire, que je ne luy escris qu'avec la realité et conscience en laquelle il faut servir son sauverain Prince et Dieu mesme..

  A011001560 

 En outre, Son Altesse est fort affectionnée à cette entreprise; reste à l'exécuter diligemment.

  A011001560 

 Mais Son Altesse se souviendra que la religion catholique est le fondement de tous les Ordres religieux, et que jamais les intérêts du prince ne seront aussi bien servis par aucune autre croix que par celle que nous tâchons de graver dans les cœurs de ses sujets.

  A011001575 

 et accedit, Frater suavissime? Videndi te ingens, ut par [193] est, et me apud te de mora in scribendo purgandi desiderium [erat] quod litteris nulla possum ex parte explere; nec otium quidem affuit, nec tabellarius; dicam candide, nec etiam animus, cum singulis propemodum momentis profectioni intenderem.

  A011001576 

 Res est memoria digna; si placet, perlegas antequam reddendi cures copiam..

  A011001584 

 Ce demain, ce sempiternel demain auquel est toujours remise l'arrivée du prince me cause depuis longtemps une vive douleur; car ce retard renvoie aussi au lendemain ce qui devrait être fait aujourd'hui: l'achèvement de nos affaires religieuses..

  A011001584 

 Combien il est vrai que l'espérance différée afflige l'âme! Je le savais très certainement par les Livres Saints; mais aujourd'hui, en punition de mes péchés, j'en fais personnellement une dure expérience.

  A011001588 

 Quand arrivera-t-il, Frère très aimable? J'ai eu, c'est tout naturel, un [193] immense désir de vous voir et de m'excuser de vive voix de mon retard à écrire, car je ne puis en aucune façon satisfaire par lettres mon affection pour vous.

  A011001589 

 La chose est digne de mémoire.

  A011001589 

 Mais voici que le loisir m'est rendu, que le courrier va partir, qu'en même temps mon espérance de voyage s'évanouit, et je vous envoie cette brève expression de ma pensée.

  A011001589 

 Si le prince vient, j'accours aussitôt vers vous; si, ce qu'à Dieu ne plaise, il ne vient pas, je ne manquerai pas de me détourner de mon chemin, s'il m'est possible, pour me rendre auprès de vous.

  A011001622 

 Encore qu'ils fussent aptes au ministère des âmes dans les lieux où tout est en paix, beaucoup d'entre eux toutefois ne sauraient s'en acquitter convenablement où l'on doit lutter et combattre.

  A011001622 

 Et pour ce qui est des bénéfices, je ne crois pas expédient de les rendre à ceux qui précédemment en avaient été pourvus, même par Sa Sainteté, à moins qu'ils ne mettent à leur place d'autres prêtres capables.

  A011001637 

 Et c'est la ou se rapporte la premiere partie du commentaire, quand il dict: « Mortui vero nihil valent adjicere; » c'est a dire, ilz ne peuvent plus acquerir de merites ni de justice, mais ilz peuvent bien percevoir le fruict de celle quilz ont eu en ce monde, et en vertu de la communion des Saintz, en laquelle ilz sont decedés, peuvent estr'aydés par les prieres, ausmones et satisfactions.

  A011001637 

 Et le secours que les ames qui sont en Purgatoire reçoyvent, n'est autre qu'une recompense de la communion de l'Eglise en laquelle les personnes chrestiennes meurent, communion par laquelle elles ont merité d'estr' aydëes par nos prieres.

  A011001637 

 Il est clair et net, plein de doctrine catholique, puysque la parole de l'Apostre demeure: Quæ seminaverit homo, hæc et metet.

  A011001637 

 Le dernier sens quil apporte du chien mort et lion vivant est mistique ou allegorique; mays vous considereres mieux que moy tout cecy..

  A011001638 

 Or, Monsieur, c'est chose vostre, que je ne vous dois pas recommander si je ne vous estois tant serviteur que je suis..

  A011001638 

 Que si l'occasion se praesentoit, je voudrois bien sçavoir s'il leur sera point demeuré de scrupule, car il est mal aysé a personnes qui ne sçavent pas poiser la fermeté de la vraÿe Eglise de demordre ainsi tout a coup.

  A011001639 

 Monseigneur le Nonce m'escrit que Son Altesse est tres bien resolue pour le revenu des benefices et affectionnëe a ceste besoigne..

  A011001652 

 Est confidentia quoniam canis vivens melior est leone mortuo; quia viventes sciunt quod moriantur et mortui nesciunt quicquam, etc. Quia supra dixerat cor filiorum hominum impleri malitia et procacitate, et post hæc omnia morte finiri, nunc eadem complet, et repetit: donec vivunt homines eos posse fieri justos, post mortem vero nullam boni operis dari occasionem.

  A011001652 

 Quare? Quia viventes, metu mortis, possunt bona opera perpetrare; mortui vero nihil valent ad id adjicere quod semel secum tulere de vita, et oblivione obvoluta sunt omnia; juxta illud quod in Psalmo scriptum est: Oblivioni datus sum tamquam mortuus a corde.

  A011001653 

 Aliter referebat mihi Hebræus versiculum istum in quo dicitur: Melior est enim canis vivens super leonem mortuum, ita apud suos exponi: utiliorem esse quemvis indoctum, et eum qui adhuc vivat et doceat præceptore perfecto qui jam mortuus est.

  A011001653 

 Licet quidam huic expositioni contradicant, asserentes etiam post interitum excrescere nos posse et decrescere, et in eo quod nunc ait: Et pars non erit eis adhuc in seculo, in omni quod factum est sub sole, ita intelligunt ut dicant eos in hoc seculo, et sub hoc sole quem nos cernimus, nullam habere communionem, habere vero sub alio seculo (de quo Salvator ait: Non sum ego de hoc mundo ) et sub sole justitiæ; et non excludi opinationem quæ contendit, postquam de hoc seculo migraverimus, et offendere posse creaturas rationales et promereri.

  A011001654 

 Dilectio quoque qua aliquando Deum diligebant periit; et odium, de quo audacter loquebantur: Nonne odientes te, Domine, odivi et super inimicos tuos tabescebam? necnon et zelus eorum, juxta quem Phinees zelatus est et Mathathiæe intremuerunt poplites.

  A011001654 

 Nos enim viventes cognoscimus Patrem et Filium et Spiritum Sanctum; illi vero mortui nihil sciunt, neque expectant aliquam repromissionem atque mercedem, sed completa est memoria eorum; neque ipsi meminerunt quæ scire debuerant, neque illorum jam Dominus recordaturus est.

  A011001654 

 Perspicuum est autem quod et pars eorum non est in sæculo; non enim possunt dicere: Pars mea Dominus.

  A011001654 

 Sed quia nobis hæc expositio non placet, ad majora tendamus; et Chananæam illam cui dictum est: Fides tua te salvam fecit, canem esse juxta Evangelium dicamus, leonem vero mortuum circumcisionis populum, sicut Balaam Propheta dicit: Ecce populus ut catulus leonis consurget, et ut leo exultavit. Canis ergo vivens nos sumus, ex nationibus; leo autem mortuus Judæorum est populus, a Domino derelictus: et melior est apud Dominum iste canis vivens quam leo ille mortuus.

  A011001677 

 C'est ce qui me fait toujours plus désirer d'aller moi-même à Turin afin d'obtenir une déclaration du bon plaisir de Son Altesse sur cette affaire si importante..

  A011001677 

 J'espérais qu'il aurait rendu compte au Sérénissime Prince du peu qu'il nous a été possible de faire jusqu'ici dans ce pays, et de ce qui est nécessaire pour voir en peu de mois cette bénite œuvre achevée et affermie.

  A011001680 

 J'écrivis dernièrement à Votre Seigneurie au sujet de la conversion de M. d'Avully, et je vous en rendrai un compte plus particulier encore; car vraiment ce n'est pas seulement à lui et à moi, mais c'est au général de la mission, que ces médisants portent un grand préjudice.

  A011001712 

 C'est beaucoup de commencer: si le Christ vient à nous comme petit enfant en ces fêtes de Noël, il grandira ensuite peu à peu jusqu'à la parfaite plénitude de la maturité.

  A011001712 

 Et en cela, il n'y a de toute façon aucun péril à courir, si ce n'est celui d'abandonner l'entreprise et de fuir de Bethléem, au cas où ces négociations de paix aboutiraient à une guerre; ce qui traverserait [les intérêts de la religion] non seulement en Chablais, mais dans plusieurs autres lieux de ce diocèse.

  A011001725 

 Nunc vero in profectionis articulo, quod a mora non potui, ab ipso discessu otium hoc scribendi quale quale est expressi..

  A011001738 

 [208] Si vous permettez que l'on vous considère comme Président (c'est ainsi que je parle à la façon des hommes de cour), nous aurons un Président non seulement très désiré ici, mais tel qu'il nous le faut dans les circonstances où nous nous trouvons.

  A011001739 

 Cependant c'est à peine si je puis dire l'avoir vu, car notre rencontre eut lieu en plein crépuscule, de telle sorte que nous nous sommes entendus plutôt que nous ne nous sommes vus, bien que nous ayons passé deux heures ensemble..

  A011001742 

 Adieu, mon très doux Frère, aimez-moi toujours comme vous le faites; c'est la seule consolation que j'aie en ces temps malheureux..

  A011001770 

 Et bien que la singuliere recommandation en laquelle vous aves la justice soit un'inseparable proprieté de vostre vie et qui [211] vous rend digne de recommandation immortelle, si est ce que pour rendre l'amitié de laquelle vous m'honnores et l'honneur que je vous porte plus recommandable, j'ay deu, ce me semble, vous faire, et vous prie de recevoir, ceste humble recommandation qui part de celuy qui ne pense en rien estre recommandable qu'en l'honneur qu'il a d'estre advoué de vous,.

  A011001801 

 En outre, cet héritage est contesté, le procès n'est pas terminé.

  A011001801 

 Il faut faire à ce sujet les considérations [213] suivantes: l'une, que les curés de ces églises n'ont eu que depuis peu de temps connaissance de ces legs et qu'ils connaissaient moins encore le décret romain; c'est donc de leur part une ignorance invincible.

  A011001801 

 L'autre, que si les susdits curés ont été dans une ignorance crasse, ce n'est pas aux paroisses ni aux églises à en subir le dommagé et la peine.

  A011001815 

 Et quidem si, quod Deo adspirante futurum speramus, iis in locis Christus, inter sacros Natalibus suis dies velut repuerascens, paucosque quos habet hic fideles, iterum tandem aliquando nascatur, certissimum mihi est te primum universa de re admonere, tum vero testem oculatum advocare.

  A011001856 

 Votre Seigneurie m'a rendu la vie en m'assurant que, nonobstant les plaintes des Chevaliers, nous aurons bientôt le moyen de commencer à donner un peu d'extension au culte catholique parmi ces populations; car je me suis convaincu plus que jamais qu'il est extrêmement nécessaire de leur ouvrir de saints pâturages.

  A011001859 

 C'est une mauvaise bête que l'hérésie: elle sait exploiter tout évènement fâcheux..

  A011001860 

 Je vous prie de me pardonner si elle n'est pas bien rédigée, soit parce que je m'acquitte pour la première fois de semblable commission, soit parce que je n'ai pu avoir de secrétaire capable.

  A011001860 

 Néanmoins, la visite apostolique ne laisse pas d'être nécessaire à ces abbayes et à d'autres lieux de Savoie, car, si je ne me trompe, pour remédier à de tels dérèglements il est besoin d'une autorité supérieure à celle d'un simple prélat..

  A011001911 

 Ceci est le dernier effort que le démon tente contre cette œuvre, en mettant à profit les délais que l'on apporte à l'exécution des bonnes intentions de Son Altesse.

  A011001927 

 C'est pourquoy je vous escris ceste [lettre], par laquelle je vous invite de nouveau m'estre en secours, attendu que la charge et distraction des affaires de l'Eglise me levent la commodité de m'arrester dans Thonon pour la continuation des divins offices et administration des saintz Sacremens.

  A011001968 

 Et pour cette proposition je n'ai pas besoin d'autre intercesseur, puisqu'elle est si raisonnable et que le zèle et la justice de Vos Seigneuries ne se démentiront pas en cette occasion.

  A011001992 

 A la vérité, lesdites lettres me parvinrent le jour même où j'expédiai les miennes; mais j'attendais mon retour ici pour y répondre, et à mon retour j'attendis de jour en jour la mise à exécution de l'ordre donné pour les six curés, ce qui n'a pas encore été fait jusqu'à présent: telle est la raison pour laquelle j'ai tant tardé à vous écrire.

  A011001994 

 De même, je ne vous ai point encore parlé des [238] trois cents écus destinés à couvrir les dépenses faites jusqu'ici, vu que le paiement n'en est pas achevé.

  A011001994 

 Il a encore voulu que j'en écrivisse à Son Altesse et au Conseil des Chevaliers, ce que j'ai fait pour ne pas négliger de mon côté le peu qui est en mon pouvoir.

  A011001994 

 Il est vrai que M. le chevalier Bergera, porteur de ces lettres, m'a promis, moyennant l'autorité de Votre Seigneurie Illustrissime, de faire tous ses efforts auprès du Conseil de l'Ordre des Chevaliers, afin que toutes les cures de ce bailliage nous soient complètement abandonnées pour que le service divin puisse s'y faire entièrement; mais cela, à la condition qu'on ne leur demanderait plus rien.

  A011001994 

 Il m'a pressé de vous communiquer cette proposition, ce que je fais très volontiers, la jugeant juste et très utile à cette entreprise; car il ne faut pas que nous ayons à devenir courtisans et pensionnaires des Chevaliers, ce qui, s'il m'est permis de le dire, serait inconvenant et préjudiciable au fruit qu'on peut espérer.

  A011001994 

 Il voulait aussi m'engager à écrire à Sa Sainteté; mais quant à cela je ne me sens pas le courage de faire voler directement mes lettres si haut, d'autant plus que Votre Seigneurie peut et veut tout ce qui est nécessaire à cet égard.

  A011002021 

 Afin de vous donner pleine connaissance des choses, je dirai que M. le chevalier Bergera est arrivé ici depuis longtemps, muni de l'ordre dont vous m'avez écrit.

  A011002022 

 Cependant messieurs les Chevaliers devraient penser que, dans ce pays, les prêtres souffriront disette de toutes choses, si ce n'est de procédés désobligeants.

  A011002023 

 Mais on ne saurait les introduire sans leur préparer d'abord les voies par quelques sermons catéchistiques faits par un prédicateur expérimenté; et maintenant il est impossible d'en avoir parce qu'ils sont tous retenus par les prédications quadragésimales.

  A011002024 

 Afin d'aider à nous pourvoir de ce qui est encore requis, soit à Thonon soit dans les autres paroisses, il a bien voulu affecter à cette dépense le montant [243] des six pensions à partir du 15 janvier jusqu'au 1 er mars, époque à laquelle on a commencé le paiement.

  A011002024 

 J'en ai parlé au chevalier Bergera; mais n'étant pas chargé de nous délivrer de l'argent à cet effet, il s'est borné à dépenser huit ou dix ducatons pour l'église de Thonon où tout était sens dessus dessous, sans autre ameublement qu'un simple autel de bois, mal fait, qui a été construit pour Noël.

  A011002024 

 Mais afin que messieurs les Chevaliers n'excitent pas la compassion de Sa Sainteté par leur pauvreté prétendue, j'assure Votre Seigneurie Illustrissime que le revenu qu'ils tirent des biens ecclésiastiques de ce bailliage est en moyenne de quatre mille bons ducats..

  A011002025 

 Par un billet de M. de Ruifia, les Chevaliers témoignent désirer que plusieurs curés qui prêtent leur nom à des laïques, possesseurs actuels de certaines cures en ces bailliages, remettent ces cures, s'ils ne sont pas aptes à les desservir, à l'Ordre qui est propriétaire, par concession de Sa Sainteté, des bénéfices des bailliages; et, s'ils ont les qualités requises, qu'ils soient compris au nombre des six curés pensionnés.

  A011002026 

 Celui-ci est actuellement un très digne docteur de l'Ordre de Saint-Dominique: on l'a déjà fait endurer l'année dernière, et on le fait encore plus endurer cette année.

  A011002026 

 J'ai en ceci un certain intérêt particulier, parce qu'Evian est une ville de notre voisinage, catholique autant qu'on peut le dire; elle a donc grand besoin d'un bon prédicateur, qu'elle ne saurait avoir sans cette pension.

  A011002053 

 C'est surtout que j'attendais de jour en jour le départ du chevalier Bergera et la mise à exécution de l'ordre donné pour les six curés, afin de faire ensuite une réponse plus satisfaisante, plus sûre et plus complète..

  A011002053 

 Je supplie très humblement votre bonté de croire plutôt toute autre chose d'un serviteur qui vous a tant d'obligations et qui vous est si attaché, et d'être persuadé que c'est l'occasion et non la volonté qui m'a manqué.

  A011002055 

 Ce n'est pas la faute dudit chevalier, qui est bon et bien intentionné, mais celle des gens.

  A011002056 

 C'est pourquoi je ne puis appeler des prêtres et des curés, n'ayant pas d'argent à leur donner pour commencer à établir leur résidence dans ce bailliage.

  A011002058 

 C'est le docteur Roget qui viendra ici, selon la promesse qu'il m'en a faite, lequel doit vous être certainement connu, puisqu'il a été député pour le voyage de Piémont; étant bon et très expérimenté prédicateur, il pourra desservir deux paroisses.

  A011002058 

 Mais j'eus grand'peine à me rendre à temps pour le sermon de Thonon, qui est à cinq ou six milles de Cervens, de sorte que, étant fixé ici, il m'est presque impossible d'évangéliser plusieurs localités.

  A011002058 

 Votre Seigneurie Illustrissime voit donc la cause pour laquelle les affaires de la religion ne se font pas avec l'ardeur désirable: c'est l'avarice de ceux qui détiennent les biens ecclésiastiques et le mauvais usage qu'ils en font..

  A011002060 

 Je viens supplier encore une fois Votre Seigneurie de vouloir bien presser le nouvel Abbé, ou l'ancien, n'importe lequel, de faire payer exactement la pension due au prédicateur ordinaire d'Evian, parce que cette ville mérite d'être aidée, et le prédicateur qu'ils ont maintenant est digne d'égards sous plusieurs rapports.

  A011002074 

 Les gens du consistoire supreme de ce balliage taschent de lever a monsieur d'Avully la judicature qu'il y tient de Vostre Altesse; mays puysque ce consistoire n'est que pour la correction des meurs et qu'il n'en est faitte aucune mention au traitté de Nion, a ce que j'ay peu apprendre, comm'on ne perd pas le jugement pour se faire catholique, aussy n'en devroit on pas perdre la judicature, specialement quand elle depend de la volonté de Vostre Altesse, pour la santé de laquelle je ne cesseray de prier Dieu nostre Seigneur, comm'ayant ce bien [de] me pouvoir et devoir dire,.

  A011002105 

 Je crois que tous ceux à qui j'ai confié des lettres pour être présentées à Votre Seigneurie Illustrissime rivalisent entre eux pour me faire paraître très négligent, puisque, d'après ce qu'on me dit, M. le chevalier Bergera n'est pas encore parti de Chambéry, et on laisse assez de temps à ce gentilhomme qui devait se mettre en route la semaine dernière, pour me permettre d'ajouter ceci à mes lettres précédentes..

  A011002106 

 Si par hasard le porteur des présentes, M. de Blonay, avait besoin de recourir à votre protection, je vous supplie très humblement la lui accorder, car il est un bon et zélé catholique..

  A011002140 

 Pour dire ce que je crois, les paroisses étant très étendues, ils doivent avoir une pension convenable, suffisant à leur entretien [257] et à celui d'un vicaire qui les seconde, en sorte qu'ils puissent remplir leur ministère avec bienséance, et qu'ils n'aient pas à exiger des aumônes pour les confessions, sépultures, Messes et autres choses; car si cela est peut-être licite, toutefois il n'est en aucune manière expédient.

  A011002142 

 Cette province est tellement malade que le moindre accident qui surviendrait empêcherait un grand succès..

  A011002146 

 Je n'ajouterai qu'une seule chose: c'est qu'il importe infiniment de réformer les abbayes de ce pays pour répandre dans tout le voisinage un parfum d'édification....

  A011002155 

 Plaise donq lautrefois a Vostre Altesse de faire ceste aumosne a ces pauvres gens, puisque c'est d'un bien qui est desja destiné aux pauvres..

  A011002156 

 Plaise donq a Vostre Altesse estendre plustost sa liberalité sur ces petitz vilages, qu'accourcir la premiere parroisse qui s'est faitte catholique par deça..

  A011002157 

 Ces huguenotz ont intention de priver monsieur d'Avully de la judicature du supreme consistoire parce qu'il est catholique; mais puysque cecy ne touche en rien au traitté de Nion et qu'il a esté institué en cest office par [263] Vostre Altesse, je cuyde que ce soit pour l'honneur de Dieu et de Vostre Altesse qu'il y soit expressement continué.

  A011002192 

 J'ai écrit à Votre Seigneurie au sujet de la judicature du consistoire du Chablais que l'on veut ôter à M. d'Avully; c'est déraisonnable.

  A011002193 

 M. de Blonay, porteur de cette lettre, est un gentilhomme de grand mérite, qui peut nous rendre bien des services.

  A011002209 

 Si paulo frequentior ac tutior ad ejus congressum accessus pateret, futurum forsitan ut reduci possit ad caulas Domini, sed in homine octogenario periculum est in mora.

  A011002210 

 Atque sane, Beatissime Pater, in rebus arduis et magni momenti etiam periculum fecisse operæ pretium est.

  A011002210 

 Hæc ita fusius Beatitudini Suæ exhibere sum ausus, quod non sim nescius quam fidei ac disciplinæ [271] Christianæ instaurandæ Clementia Sua libenter animum adjiciat, et absentia (quæ hujus mortalitatis est conditio) non nisi per præsentes cognosci possint..

  A011002229 

 Autant que ses paroles me permettent de le juger, voici quelle serait mon appréciation: s'il était possible de l'aborder et plus fréquemment et avec plus de sécurité, peut-être pourrait-on le ramener au bercail du Seigneur; mais pour un octogénaire, tout retard est périlleux.

  A011002229 

 Quand enfin je me retirai après avoir tenté tous les moyens de [269] lui arracher l'aveu de sa pensée, sans avoir laissé une pierre à remuer, je trouvai en lui un cœur de pierre, jusqu'ici immobile, ou, du moins, insuffisamment remué; c'est-à-dire, un vieillard endurci, plein de jours mauvais.

  A011002230 

 Le roi connaît-il cette tyrannie que l'on fait peser sur les consciences catholiques? Ce n'est pas probable, puisque tout récemment il a poursuivi avec tant d'ardeur sa réunion à l'Eglise Catholique.

  A011002230 

 Si j'ai osé présenter à Votre Béatitude ce trop long exposé, [271] c'est que je n'ignore pas quel zèle Sa Clémence apporte à restaurer la discipline chrétienne, et que, dans les conditions de cette vie mortelle, on ne peut apprendre ce qui se passe au loin que par ceux qui sont présents..

  A011002248 

 Atque quidem, Beatissime Pater, in rebus arduis et magni momenti etiam periculum fecisse operæ pretium est..

  A011002248 

 Meum vero de homine illo judicium est, si paulo frequentior, tutior ac commodior ad ejus colloquia pateret accessus, forsitan fore ut reducatur ad caulas Domini; sed præcipue si, quod speramus, Beatitudine Tua annuente, [273] Genevæ instituatur cum ministris disputatio.

  A011002249 

 Quare credibile admodum est, si a Beatitudine Tua his de rebus Rex ipse admoneatur, fore uti quamprimum longe certius res habeat.

  A011002286 

 Ce que je regrette incroyablement, c'est que cette affaire ait été divulguée à grand bruit par notre cour, qui est si discrète qu'elle suffirait à révéler les mystérieux secrets de l'Apocalypse; et nous avons à traiter avec des animaux auxquels le moindre bruit est suspect..

  A011002286 

 N'importe: si elle a lieu, elle sera fructueuse, et [275] si c'est par leur faute qu'elle ne se fait pas, ce sera glorieux pour la cause catholique.

  A011002287 

 J'écris à Sa Sainteté sur le sujet que Votre Seigneurie verra; je vous envoie à cet effet la lettre sous cachet volant, en vous priant de la fermer aussitôt après l'avoir lue, afin que personne autre ne la voie, parce qu'il est très important pour moi que l'on ne sache pas d'où viennent les avis qu'elle contient.

  A011002287 

 Mais Votre Seigneurie acquerra un grand mérite en sollicitant fortement auprès de Sa Sainteté l'affaire de Gex et de Gaillard; car à la vérité c'est une chose honteuse que [276] les Genevois, occupant ces pays au nom du roi de France, contraignent les Catholiques à mal vivre.

  A011002304 

 Cecy n'est pas un petit scandale.

  A011002304 

 Maintenant, Monseigneur, le voyla contraint d'abbandonner pour n'avoir dequoy vivre; et neanmoins la cure, qui est en commande a messieurs de Saint Lazare, est de fort bon revenu.

  A011002305 

 La ou, Monseigneur, je me sens obligé en mon ame de supplier tres humblement Vostre Altesse de faire meshuy sçavoir a ces gens qu'elle aura aggreable qu'ilz oyent et sondent les raysons catholiques, sans plus alleguer de si impertinentes excuses comm'est cellecy, de mettr'en doute le bon desir que Vostre Altesse a de leur conversion.

  A011002348 

 De Saint-Julien, qui n'est guère plus éloigné de Genève, me sont arrivées des lettres du juge-mage de Gex et autres en faveur du curé dudit lieu.

  A011002348 

 Il y fut installé depuis peu, et avait jusqu'à présent fort bien rempli sa charge; mais, n'ayant pas de quoi vivre, il est [283] contraint de laisser la paroisse sans pasteur.

  A011002349 

 J'ai donc recours à la bonté de Votre Seigneurie Illustrissime, lui envoyant à cet effet la requête des gens de Bernex et celle du curé de Saint-Julien qui, une fois déjà présentée à Son Altesse, est demeurée sans réponse sur son principal objet.

  A011002349 

 Je vous adresse aussi les lettres [284] du juge-mage de Gex et du baron de Viry, personnage distingué et influent, afin que les Chevaliers voient que je suis seulement avocat et non point partie, car la partie n'est autre que le bien public.

  A011002350 

 Le bon et docte P. Esprit, Capucin, étant venu ici ces fêtes de Pentecôte et ayant prêché soit en cette ville, soit dans la paroisse des Allinges, est demeuré fort consolé de ce nouveau peuple, et le peuple, à son tour, l'a été incroyablement de ses fructueuses prédications.

  A011002351 

 Sur ces entrefaites, un incident est survenu: le Père, voyant les habitants de Thonon suivre si opiniâtrément leur ministre hérétique sans vouloir écouter nos prédications, résolut vendredi passé de démontrer à celui-ci la fausseté de sa doctrine, et cela en public.

  A011002352 

 Chose étrange, mais non point miraculeuse, car elle est ordinaire: ces misérables enfants de ténèbres sont plus avisés et prudents dans la conduite de leurs affaires que les enfants de lumière! Pour mon compte, j'ai été très consolé de voir ici ce bon P. Esprit qui pourra certifier de l'état des choses..

  A011002353 

 Cette semaine je placerai un curé dans la paroisse de Brens: c'est la quatrième de ce bailliage qui sera pourvue.

  A011002353 

 Il est vrai qu'on m'en a offert environ soixante-quinze, mais de si mauvaise qualité que je n'ai pu les accepter.

  A011002396 

 Vous ayant exposé dans la précédente l'état des affaires du Chablais, je n'ai maintenant aucune réponse à vous faire, si ce n'est au sujet du prédicateur d'Evian.

  A011002397 

 C'est le plus grand service qui soit rendu au Seigneur en toute cette abbaye.

  A011002397 

 Ce pays est dans la gueule des hérétiques et n'a aucun autre moyen d'entretenir un prédicateur; l'Abbé perçoit toutes les dîmes, c'est donc justice qu'il paisse la brebis dont il tond la laine.

  A011002397 

 L'Abbé d'Aulps, lequel n'y est pas si fort tenu, donne une pension [292] entière pour l'école des enfants.

  A011002397 

 Le prédicateur actuel est un homme de grand mérite; quoiqu'il soit vicaire général de la province Gallicane de son Ordre, il n'a pas laissé néanmoins cette année de prêcher l'Avent et le Carême, et quand il sera déchargé de son office il ferra encore plus de bien.

  A011002397 

 S'il n'est pas allé à Abondance, ce sera sans doute ou parce qu'il n'aura pas été invité, ou parce que la cessation de la prébende aura précédé la cessation des prédications.

  A011002398 

 Les Religieuses d'Evian sont non seulement pauvres, mais elles [293] endurent la faim, et je sais que l'Abbé leur fait l'aumône; pour ce qui est de leur donner une prébende, comme il le prétend, je pense qu'il faut distinguer entre prébende et prébende.

  A011002399 

 Qu'il s'efforce tant qu'il voudra d'insinuer de semblables opinions; pour moi je suis sûr de convaincre du contraire par des effets: c'est-à-dire, qu'en cela ni en chose quelconque je n'use point de mensonge ou d'artifice auprès de Votre Seigneurie, et que je ne demande pas un seul denier des revenus de son abbaye.

  A011002400 

 Ce Père est très diligent et adroit, il traitera donc promptement l'affaire.

  A011002401 

 Depuis vingt jours Monseigneur est au lit très malade; il a reçu pendant ce temps deux lettres de Votre Seigneurie, l'une le 26, l'autre hier par M. le chanoine Floccard, et regrette beaucoup de n'avoir pu vous répondre, parce que le médecin n'a pas voulu le lui permettre.

  A011002401 

 Il espère néanmoins recouvrer un peu de force et vous donner, dans quelques jours, pleine et entière satisfaction au sujet de vos lettres [296] et de celles de M. Giustiniani, lequel n'est certainement pas bien informé des affaires de ce pays ni des comptes de Monseigneur son oncle.

  A011002402 

 Il est bien vrai que la prévôté n'a pas un liard de rente et le canonicat que l'on donne au Prévôt ne rapporte en moyenne que soixante écus par an; j'estimerais donc plus [297] avantageux d'être un curé renté, que d'être un pauvre Prévôt, n'était l'espoir de notre retour à Genève, lequel soutient encore maintenant plusieurs docteurs distingués et nobles qui ont appartenu à notre Eglise.

  A011002402 

 J'ai à la vérité vécu jusqu'à présent, et mieux que je ne le mérite, mais d'une manière précaire; c'est pourquoi, toutes choses bien pesées, je me résous à demander la cure, qui est le plus riche bénéfice de ce diocèse parmi ceux qu'il m'est possible et permis d'espérer..

  A011002402 

 Un bénéfice-cure, c'est-à-dire une cure, est maintenant vacant; il peut rapporter environ deux cents écus de revenu les bonnes années, et doit, comme de coutume, se donner au concours.

  A011002403 

 Je désire aussi prier Votre Seigneurie Illustrissime d'obtenir qu'il me soit loisible, avec l'agrément de Sa Sainteté, de garder le canonicat simple, afin que, venant ici, j'aie une place dans notre chœur; car les offices s'y célèbrent si dignement que c'est là une de mes plus grandes consolations.

  A011002403 

 Que votre bonté daigne me pardonner si, au milieu de tant de graves sollicitudes qui l'accablent, je l'entretiens d'une affaire qui m'est personnelle; mais, dans mes doutes, je ne sais où me reposer si ce n'est dans le cœur de Votre Illustrissime et Révérendissime Paternité..

  A011002436 

 Au sujet de ce qui a été promis par les Chevaliers, il est vrai que le chevalier Bergera obligea les fermiers en ma faveur; mais il est vrai aussi que j'ai protesté ne point vouloir plaider avec ces gens, qui sont tous habitants de Thonon; et il ne faut pas que ceux qui tâchent de les convertir aient ces démêlés avec eux, surtout en des temps si calamiteux, et en des pays où tout le monde est pauvre..

  A011002437 

 Pour ce qui est d'augmenter le nombre des curés, je persiste à dire qu'il est très convenable que non seulement les Chevaliers, mais encore tous ceux qui détiennent des bénéfices en Chablais les remettent à M gr le Révérendissime afin qu'il les donne ensuite aux plus capables.

  A011002438 

 Il est vrai que les temps sont bien mauvais pour ce pays.

  A011002439 

 Les Genevois, il est vrai, font grande difficulté d'admettre des Jésuites à cette conférence, disant qu'ils sont hommes d'Etat et explorateurs d'Espagne; cependant nous emploierons de notre côté toutes sortes d'instances.

  A011002439 

 S'il est vrai, je ne voudrais pas importuner inutilement Votre Seigneurie; j'attendrai donc pour vous supplier à ce sujet la décision de Rome à l'égard du prétendant..

  A011002440 

 On m'avertit que M. le chantre de la métropole de Lyon adresse à M gr l'Illustrissime Cardinal Légat de France certains avis touchant les affaires de Genève; comme il est un homme digne de foi, j'ai cru devoir vous en informer, afin que si par hasard Votre Seigneurie écrit audit Légat et qu'Elle en ait occasion, Elle daigne le favoriser... [305].

  A011002449 

 Et sachant que cest heur de comparoistre en vostre memoire en une si honnorable occasion ne peut partir que de la bonté de Vostre Altesse, qui aura peut [être] esté persuadëe qu'il y aye quelque suffisance en moy, proportionëe a ceste sienne faveur, je rougis d'honte d'en estre tant indigne, et loue Dieu neanmoins qui a donné a Vostre Altesse ceste resolution de vouloir procurer des bons pasteurs a vostre peuple; car encores que je soys le plus indigne de tous ceux qu'elle pouvoit se reduyr'en souvenance, si [306] est ce que l'intention droitte de Vostre Altesse ne laisse pas d'en estre tres recommandable..

  A011002462 

 Je ne puys penser d'ou me vient la faveur [par laquelle] il vous pleut embrasser dernierement l'honnorable souvenance que Son Altesse eut de moy sur la nouvelle qui courut de la maladie de Monseigneur l'Evesque de Geneve, si ce n'est vostre bonté, qui vous sollicite a bienfaire jusques aux inconneuz.

  A011002488 

 Pendant que je différais de jour en jour d'écrire à Votre Seigneurie Illustrissime en attendant que je pusse me concerter avec le P. Chérubin pour le faire plus amplement, il est arrivé tant de choses dignes de vous être communiquées, que je ne sais si je pourrai les rappeler toutes à mon souvenir..

  A011002489 

 Comme je vous l'écrivais dans ma dernière lettre, les RR. PP. Jean Saunier, Jésuite, Esprit et Chérubin, Capucins, le chanoine de Sales, [308] le curé d'Annemasse (tous prédicateurs, et le baron de Viry, conseiller d'Etat de Son Altesse, se sont réunis à Annemasse afin d'aviser aux moyens les plus convenables pour ramener à la foi les populations des environs de Genève; voici ce qui a été conclu. Il est absolument nécessaire que les Chevaliers de Saint-Lazare et autres cèdent les cures qu'ils possèdent; qu'un collège de PP. Jésuites, ou du moins une résidence ad tempus soit établie à Thonon.

  A011002489 

 Tel est le résumé des propositions faites unanimement par les Pères et autres qui assistaient à l'assemblée.

  A011002490 

 On traita ensuite des moyens à prendre pour acheminer le projet de la conférence; mais je laisserai le P. Chérubin écrire sur ce sujet, puisque c'est à lui que les réponses ont été données.

  A011002491 

 Mais les projets relatifs aux cures et au collège ont été remis entre les mains de MM. de Lullin et de Jacob, qui doivent aviser comment on pourrait les mettre à exécution; maintenant, à ce qui m'est dit, on attend pour en finir l'arrivée de M. le chevalier de Ruffia..

  A011002492 

 Annemasse est une paroisse de la campagne, à trois milles de Genève, où il n'y a pas moyen de loger quatre personnes.

  A011002502 

 Monsieur le president Favre est a Chambery, et m'asseure qu'il mettra au jour les calomnies de ceux qui n'ont point d'autre religion que le mensonge, et reformera les accusations de ces si mal formés reformateurs.

  A011002503 

 Faites moy cest honneur de croire que la nouvelle santé que Dieu me donne vous est toute acquise, puisque je suis.

  A011002539 

 Maintenant que, par la même divine bonté, je suis en convalescence, il m'est resté une telle faiblesse, surtout aux jambes, que je ne sais si je pourrai faire le voyage de Rome avant Pâques, quoique je désire infiniment de m'y trouver pour la Semaine Sainte; aussi ferai-je tous mes efforts à cette fin..

  A011002540 

 C'est dans cette prévision que je m'étais rendu au camp avant de tomber malade: d'abord pour avoir un passeport de Son Altesse, et ensuite pour obtenir la déclaration de son consentement à la restitution des cures du Chablais aux curés qui s'y établiront aussitôt que cette restitution sera faite.

  A011002541 

 Il y a vraiment urgence: ce qui le prouve, c'est que pendant [315] les fêtes de Noël, Son Altesse ayant envoyé à Thonon M. le président Favre, homme d'une piété singulière et d'un grand mérite, pour connaître le sentiment des habitants du Chablais sur l'exercice du culte catholique, presque tous ont témoigné le désirer et ils attendent d'heure en heure qu'il soit rétabli..

  A011002543 

 Sixt est un monastère de Chanoines réguliers, sous la juridiction de l'abbaye d'Abondance; mais les moines qui l'habitent sont des hommes de bien, vivant en la crainte de Dieu, ainsi que me l'a rapporté M. le chanoine de Sales qui a prêché là ces fêtes passées.

  A011002558 

 Autrement, Monseigneur, le service cessera tout a coup la ou il est commencé, qui sera un grand scandale et perte d'ames, et ne se trouvera personne qui veullie plus y aller pour y estre a la mercy de la provision de messieurs les Chevaliers..

  A011002559 

 Aussi est ce l'ordinaire que les pauvres et simples embrassent plus vollontiers le Crucifix que les riches et sages mondains.

  A011002572 

 C'est ce que j'escris a Son Altesse, et la supplie que si ceux de Thonon s'addressent a elle pour luy presenter requeste de ceste affaire, elle les renvoye sans decret ou avec nouvelle defense de [321] sonner.

  A011002572 

 La cloche n'est pas si legere qu'elle semble; car ilz sçavent faire valoir la moindre chose qu'on leur accorde pour contrister les bons Catholiques..

  A011002572 

 Leur presche ne se fait pas en ceste eglise la ni en la ville, car il leur est defendu; pourquoy leur permettra on de le sonner la ou ilz ne le disent ni peuvent dire? Une cloche ne peut servir a Dieu et a Belial.

  A011002572 

 On avoit defendu aux huguenotz de Thonon de sonner la cloche qui est en l'eglise des Catholiques.

  A011002601 

 Du reste, ce n'est pas chose nouvelle d'inviter les hérétiques à des disputes, puisque les ministres du Vivarais et du Languedoc y ont été invités fort souvent par le collège de Tournon.

  A011002601 

 Or, si Votre Seigneurie [324] est de cet avis, il serait très à propos que le R. P.Jean de Lorini, qu'on dit être actuellement à Milan, se trouvât à cette assemblée.

  A011002602 

 Cet Herman, qui jouit d'une très grande réputation auprès des hérétiques, a été appelé d'Allemagne parce qu'on le tient pour très subtil; toutefois, au témoignage dudit procureur fiscal, il s'est trouvé fort embarrassé avec le P. Chérubin..

  A011002602 

 J'aurai bientôt, je l'espère, une relation et un mémoire plus détaillés de tout ce qui s'est passé, et j'en donnerai de suite connaissance à Votre Seigneurie.

  A011002602 

 Pendant que j'écrivais, M. le procureur fiscal du Chablais, homme très catholique, est arrivé ici.

  A011002612 

 Maintenant ilz m'escrivent de trois ou quattre endroitz que le bruit y est bien gros qu'a la solicitation des Bernois, on y redoublera le nombre des ministres pour y accroistre l'exercice de la nouvelle religion.

  A011002650 

 Le R. P. Chérubin est ici avec nous depuis deux jours, attendant des nouvelles du couvent d'Annecy; ce qui, à mon grand contentement, m'a donné lieu d'être renseigné sur la marche de sa conférence avec Herman Lignarius, fameux lecteur de théologie parmi les huguenots.

  A011002653 

 Le duc est très zélé, il est vrai, mais ne peut se faire obéir.

  A011002654 

 C'est en baisant très humblement vos mains vénérées, que je suis,.

  A011002654 

 Votre Seigneurie est notre seul protecteur et consolateur en ces occasions; aussi prions-nous continuellement la divine Majesté pour votre santé et conservation.

  A011002690 

 Je désirais extrêmement entreprendre ce voyage avec lui, parce qu'étant le seul laïque bien au courant de ce qui s'est fait et de ce qui reste encore à faire pour la sainte foi dans ces pays, il nous aurait certainement été d'un grand secours dans les affaires que nous devrons traiter à ce sujet auprès de Sa Sainteté.

  A011002692 

 Il est temps désormais de presser d'un côté Genève à recevoir au moins l' Intérim, grâce à cette [336] paix, et de l'autre, de faire aux alentours de cette ville des œuvres pies en grand nombre: réforme d'abbayes, prédications, disputes, publication d'opuscules et choses semblables; car ainsi le renard crèvera dans sa tanière..

  A011002692 

 Si à la faveur de la paix qui nous est annoncée, l'exercice du culte catholique est rétabli définitivement dans ces bailliages, on obtiendra bientôt un résultat que tout retard pourrait compromettre.

  A011002694 

 Je crois que la durée des pouvoirs accordés à M gr le Révérendissime touchant l'absolution des hérétiques est près d'expirer.

  A011002768 

 Il m'est advis quil seroit bon que monsieur Chevallier, qui a commencé a Bellevaux, poursuivit, et que [344] monsieur Clerici fut curé a Thonon ou il feroit rage a bien tenir l'eglise et instruire la jeunesse; mais il faudroit que le P. Chtrubin fit un peu de disposition a cela tout bellement..

  A011002783 

 C'est pour un beaucoup plus grand bien.

  A011002816 

 S'il en est ainsi, très certainement la célébration des Quarante-Heures ne pourra aucunement se faire, car les habitants, chargés de soldats, ne sauront y assister; au contraire, comme ils l'ont déjà résolu, ils laisseront les maisons vides et passeront de l'autre côté du lac.

  A011002817 

 C'est pourquoi, nous supplions avec toute l'humilité possible Votre Excellence, et nous la conjurons par les entrailles de Jésus-Christ, par tout le sang qu'il a répandu pour ces âmes dont nous tâchons de procurer le salut au moyen de ces exercices, de daigner prendre un autre chemin pour son voyage et de laisser celui-ci libre au Sauveur.

  A011002817 

 Que Votre Excellence, avec ce courage vaillant et zélé dont Elle est douée,.

  A011002829 

 Intempestive sane; at obtemperandum, et quemadmodum par est existimandum moram uberiores fructus allaturam..

  A011002847 

 C'est agir assurément de la façon la plus généreuse et la plus chrétienne, et nous vous en rendons les plus vives actions de grâces..

  A011002847 

 C'est avec une joie incroyable que j'ai reçu la lettre que vous m'avez adressée le lendemain de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie; j'y ai reconnu clairement combien grande est votre piété envers Dieu et votre bienveillance à notre égard.

  A011002847 

 D'après vos paroles, je vois que vous avez mis le comble à la solennité projetée de nos fêtes, non seulement par vos prières, mais encore par celles du peuple qui vous est confié.

  A011002848 

 C'est certainement fâcheux; mais nous devons obéir et croire, comme il convient, que ce retard apportera des fruits plus abondants..

  A011002848 

 Du reste, telle est l'inconstance des choses humaines, qu'à l'heure même où je vous écris, survient un ordre de nos supérieurs qui, pour les motifs les plus graves, nous enjoignent de remettre à la fête de [351] la Nativité de la Sainte Vierge, les supplications solennelles que nous préparions.

  A011002867 

 Sil nous baille moyen de loger honnestement des curés par tout ce balliage apres les 40 heures, tout est emporté pour la foy catholique.

  A011002869 

 Quand au bruit qui a couru que les Bernois avoyent des trouppes de reitres dela le lac, c'est une bride a veau: est spaventa velliacho.

  A011002907 

 Nè bisogna in questo usar rispetti, perchè periculum est in mora.

  A011002927 

 L'heureuse moisson de plusieurs milliers d'âmes qui s'est faite ces jours passés dans ce bailliage de Thonon, nous a donné une consolation incroyable; consolation qui eût été vraiment à son comble, si la lettre de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, reçue aujourd'hui par le P. Chérubin, nous fût arrivée en ce même temps.

  A011002929 

 C'est non seulement pour les grâces spirituelles, mais encore pour les temporelles que nous avons besoin d'un Jubilé, et ceci ne se peut différer qu'au grand détriment des consciences.

  A011002929 

 Il n'est pas nécessaire de procéder en ceci selon les formalités ordinaires qui exigent beaucoup de temps, puisque en attendant les âmes rachetées par Jésus-Christ se perdent, et il est très vrai que « le salut du peuple doit être la suprême loi.

  A011002929 

 » En cela il ne faut point user de ménagements, car tout délai est un péril.

  A011002930 

 Voici que la sainte foi est rétablie à peu près partout, mais les églises sont ruinées, sans ornements sacrés, sans calices, sans croix.

  A011002931 

 Je ne parle pas du P. Chérubin, tellement consolé jusqu'ici, que, n'étaient les fatigues très grandes qu'il ressent, il croirait que Thonon est un paradis, voyant tant de conversions et recueillant en pleine maturité le fruit de ses sueurs..

  A011002932 

 Je dirais encore de moi-même que je suis très consolé, si un bruit qui se répand de nos côtés ne m'attristait beaucoup: c'est que le roi très chrétien veut que l'infâme Babylone de Genève soit comprise dans la paix honorable faite par la médiation du Saint-Siège entre les puissances catholiques.

  A011002954 

 Celui que nous députons aux pieds de Votre Sainteté, ayant été témoin de tout ce qui s'est passé, lui en fera un exposé plus complet et plus fidèle..

  A011002954 

 En effet, Dieu a disposé si heureusement les choses, que ce grand Cardinal a pris [363] la route de son retour par cette ville, où il s'est rencontré avec le duc au temps où l'on y célébrait les Quarante-Heures.

  A011002956 

 C'est pourquoi, tant que nous sommes ici d'ecclésiastiques, nous vous avons député le plus promptement qu'il a été possible, le Prévôt de mon Eglise cathédrale qui, en notre nom à tous, se prosternera aux pieds de Votre clémente Béatitude, et lui exposera combien grand serait le dommage qu'une telle paix, si elle vient à se conclure, causerait à la république chrétienne et la tache honteuse qu'elle imprimerait à un si grand et si heureux succès.

  A011002970 

 Mais enfin il s'est mis en route, et ayant, comme je l'espère, surmonté les difficultés des chemins, il a dû se prosterner déjà aux pieds de Votre Sainteté..

  A011002971 

 C'est autant pour ne pas employer plusieurs moyens là où un seul suffit dans les temps si difficiles où nous vivons, que pour donner occasion à mon procureur, qui n'a pas travaillé inutilement dans le champ du Seigneur, de se délasser par divers pèlerinages des fatigues qu'il a soutenues..

  A011002971 

 Or, parce que l'affaire pour laquelle il est allé à Rome ne pouvait être différée sans un très grand danger, et que je n'avais pas, lors de son départ, tous les documents nécessaires pour un voyage ad limina, j'ai jugé bon de les envoyer maintenant, afin qu'en mon nom il rendit ses devoirs à Votre Sainteté, espérant que Sa Clémence l'aura [367] pour agréable.

  A011003024 

 Est omnino virtuti hoc insitum et peculiare, vir clarissime, ut possessores suos non illis tantùm quos et ipsa possidet, sed iis quoque omnibus quibus amabilem se exhibet, sola sui contemplatione et admiratione reddat amabiles.

  A011003026 

 Nam quod iis usu venire solet qui longiore absentis aut defuncti alicujus desiderio torquentur, ut ea demùm ratione recreari se sentiant, si non solum amici memoriam diligenter et religiosè, ut par est, colant, sed etiam exactissima naturæ imitatione, quantùm arte effingi potest, ejus quasi præsentis imaginem oculis suis intuendam objiciant, id ipsum nobis, quotquot ad virtutem contendimus, faciendum existimo; ut quoniam admirabilem ejus pulchritudinem, qualis quantaque est, ne animi quidem cogitatione assequi possumus, eos saltem nobis ad amandum et imitandum proponamus in quibus vivam illa sui effigiem elegantioribus et aptioribus, ut ita dicam, coloribus depinxerit.

  A011003027 

 Ego sanè, quamquam id mihi semper enitendum credidi, ut boni cujusque amicitiam quibus possem officiis et obsequiis promerêrer, nihil tamen facio libentiùs quàm ut totum me, quantulus sum, iis dedam ultroque voveam quos mihi persuadeo sic natos et educatos esse ut ab iis consilii, doctrinæ et, quod in re ardua laboranti præcipuum est, boni exempli adjumenta comparare possim..

  A011003028 

 Non quod non sis tu tibi ipsi mihique testis optimus, nisi tua te fallit modestia, majorem tibi laudem deberi quàm ex commendatione mea possit accedere; sed quia minus fortassis credibile tibi futurum sit tale jam meum de te judicium esse quale esse deberet, si mihi tam perspecta probataque foret virtus tua quàm frequentissimis omnium quos de te loquentes audio sermonibus est commendata.

  A011003030 

 Nam et plus præstat qui prior amat, et in præclaro isto et laudabili contentionis genere ex quo suavissimam sibi quisque speret victoriam, priorem vinci vincere est.

  A011003046 

 Utcumque verô sit, est quôd quantas possum tibi referam gratias, qui meis sive precibus sive consiliis tantùm indulgere te profitearis ut studiorum tuorum legem ex arbitrio meo non solùm instituere, quod esset facilius, sed etiam institutam et compositam immutare non recuses.

  A011003047 

 Sed extra jocum, placere tibi imprimis theologiam nec miror nec doleo: est enim propria illa et peculiaris illorum scientia quos Deus optimus maximus, non tam ad amplissimas quasque Ecclesiæ dignitates, quas jam tibi sua spontè obvias video, quàm ad pietatem informaverit, cujus te gravissimum et sanctissimum, non nomen, sed numen præcipuo cultu habere certô scio.

  A011003048 

 At cùm neque Spartam quæ mihi divinitùs data est deserere ultro debeam, neque à meipso tanto abesse intervallo ut, qui vel soli jurisprudentiæ imparem me video, theologiæ etiam amplectendæ temerarios spiritus sumere velim, planè conveniens est, ea mihi interim studia præcipuè et in amoribus et cura esse sine quibus nec officii mei nec dignitatis ratio satis recta constare possit, Tu verò longè beatior, qui, in ista potissimùm ætatæ quæ, ut ais, restitutionis beneficium admittere adhuc posset, jam consecutus sis, ut et utramque scientiam, et tua et utriusque dignitate, capessere possis, si voles, et velle debeas, quia potes..

  A011003053 

 Et verò, si tantùm mihi tribuis ut, quia sic volo, jurisprudentiam, cui repudium mittere cogitabas, in gratiam recipere paratus sis, quidni ea quoque tibi persuaderi patiare, quæ sunt prorsus çonsequentia, et tibi longè magnificentiora, mihi jucundiora, ipsi quoque Reipublicæ, cujus præcipuam rationem semper haberi æquum est, utiliora? [375].

  A011003054 

 Non te hortor ad vanam illam gloriam, quam à te tantùm abesse scio quantùm à Christiano pioque viro, ad veram gloriam nato, abesse debeat, quæque, etiamsi ex hominum existimatione aucupanda esset, sequi tamen, non appeti deberet: sed hoc unum contendo, nihil esse quod tu, vel tua vel mea vel denique publicæ utilitatis causa, libentiùs concedere et præstare debeas; quo magis mihi sperandum est, non commissurum te uti minorem dignitatis tuæ quàm voluntatis rationem habuisse videaris....

  A011003067 

 Priores illas intelligo, quibus ego te tam enixis multisque rationibus ad senatoriam dignitatem quæ tibi delata est capessendam cohortabar.

  A011003085 

 Imò verò mensis hic, si mihi credis, annus est qui in sequentem annum incidat, aut potius anni plures, apud me quem incredibile videndi tui desiderium sic accendit ut ipsas etiam horas penè singulas pro mensibus numerem, et invita quoque natura, ne dicam astrologia cujus planè sum ignarus, toto hoc hyemali solstitio dies noctibus factas putem longiores.

  A011003086 

 Nihil enim est quod commodius facere possis, ut dulcissimæ consuetudinis tuæ suavitatem, quam toto animo jam amplector et deosculor, etiam desiderando sentiam, præsertim cùm excellens quoddam argumentum illud fore necesse sit, si tu minus bonum istud vocas quod posterioribus his tuis literis causam dedit, nisi fortè ad id respicis quod litium odio et execratione, ut arbitror, inverecundus tibi et importunus videare, si pro inverecundo et importuno isto litigantium hominum genere me interpelles..

  A011003087 

 Quod si ita est, patere, obsecro, me in hoc uno à te dissentire: non quoniam ea me ratio litigatoribus asquiorem faciat, quòd inter eos et in mediis litium anfractibus assiduè versari me sit necesse (tantò magis enim odisse deberem, cùm vel pulcherrimarum rerum oblectatio satietate sordescat), sed quia multùm iis debere me sentiam qui, ut mihi per te commendentur, literas ad me tuas deferre volent.

  A011003089 

 Amicissimus mihi est, quisquis amici mei se amicum probat.

  A011003089 

 Sic, obseçro, tibi persuade, in iis omnibus quæ tu me præstare voles, id est, ut teipsum interpretari video, quæ salvo pudore et officio præstari ab amicissimo viro possunt, non magis me tibi tuisque familiribus quàm mihi defutprum.

  A011003089 

 Sunt enim nonnulla quæ vel à severissimo judice amicus flagitare honestè ac pro suo jure possit, quale illud imprimis ut bonam amico causam judex optet; quod ipsum non parvi momenti est ad impetrandum ut, si revera sit bona, [378] defendatur pertinaciùs, nec tam facilè per imperitiam aut timiditatem deseratur.

  A011003110 

 Illa enim me ratio consolatur quæ tibi per modestiam tuam fortasse minùs perspecta est: quòd ad functionem istam probè capessendam dignitatis tantùm adferas quantum humanæ condicionis imbecillitas patiatur, nec quicquam causæ sit cur in eo officio, quod tibi cum tot sanctissimis viris commune esse voluit idem ille Deus optimus maximus quem tu ut debes suspicis et vereris, prascipua quadam solicitudine angi velis; nisi fortè hominem te natum pudet, cui nec satis esset humanam condicionem cum angelica commutasse ut tanto muneri obeundo sufficere (quomodo theologos tuos loqui audio) ex condigno posses..

  A011003111 

 Est enim id præclarum eximiumque argumentum et amoris tui erga Deum maximi et observantiæ, quando nec aliter Deum amare nobis concessum est quàm timendo tremendoque, nec sacrosanctæ religionis nostræ arcana sublimiùs venerari quàm enitendo, quoad ejus facere liceat, ut quæ ne animi quidem cogitatione assequi possumus, verecundo saltem silentio et admiratione prosequamur.

  A011003111 

 Est omnino, ut scis, Divinæ Majestatis hoc proprium, ut tum maximè amari se intelligat cùm timetur, agatque nobiscum tam liberaliter, ne dicam humaniter, ut timorem nostrum pro amore habeat et, quod est consequens, humilitatem pro dignitate.

  A011003112 

 Sed quamquam ita est, nolim tamen sic te commoveri ut perturberis, nisi ea fortasse perturbationis specie quæ divinæ gratiæ nuntia esse solet, quamque [380] piorum animis tunc præcipué Deus inserit cùm cœlestes planeque divinas iis parat consolationes.

  A011003113 

 Ac sanè quid esse potest quod te tantopere debeat conturbare? An humanæ naturæ infirmitas? An non verò et hominem te nasci Deus voluit et homines illos esse per quos juge illud tremendumque sacrificium offerretur? An ergo indignitas tua cum sacerdotii dignitate collata? At hoc ipso dignum te facis quod indignum esse agnoscis, nec tuæ est pietatis tam inverecunda verecundia obsistere ne quò te Deus vocat trahitque ultrò evehi patiare.

  A011003113 

 Gaude potiùs quòd non cum terrestri principe tibi res est, qui quos ad dignitatem aliquam immeritos provehit sic ornare nequeat ut ex imperitis eruditos faciat aut ex balbis oratores; sed cum Deo illo cui non sit difficilius dignum te sacerdotali dignitate facere quàm dignitatem ipsam conferre.

  A011003113 

 Idem enim ille est à quo evasit disertissimus qui legationem imperanti responderat: A, a, Domine, nescio loqui.

  A011003113 

 Idem ille per quem tam sanctus fortisque Rex factus est qui anteà non nisi belluis imperare didicerat.

  A011003115 

 At ridiculus planè sum qui theologum ago, leviaque hæc mitto ad te cui longè preciosiora domi nascuntur; quamquam ut ineptire audeam cogis tu qui, in tanta celestium beneficiorum abundantia quantam tibi jam obtigisse credendum est, non solùm participem me habere vis consiliorum tuorum et, quod amicius est, intimiorum (sic) affectuum, verum etiam adjutore met quasi consolatorem.

  A011003157 

 Ego valeo; benè est si vales.

  A011003177 

 Nebulones istos Deus malè perdat si diutiùs in tenebris versabuntur, quarum fugandarum gratia lux mihi mea erepta est! Quamquam id ipsum est quod me maximè consolatur, quòd de præclaris tuis conatibus tam benè spero quàm qui optimè, nec dubito quin tuam et industriam et diligentiam, sed præcipuè pietatem, Deus optimus maximus sit fortunaturus..

  A011003198 

 Nam quæ de sacrosancti Episcopi nostri optimorumque omnium gratulatione scribi possunt, ea tu et reputare tecum pro prudentia tua debes et ex consobrini tui fidelissimi relatione jam cognoscere potuisti; quæ verò proprie mea sunt, id est, quàm ex absentia tua dolorem capio, etsi non ab alio quàm à meipso te intelligere æquum est, vereor tamen ne videar importunus si hanc amoris erga te mei significationem adferam, quæ tam insigne pietatis tuæ officium aut quam ex officio percipis voluptatem incommodè interpellet..

  A011003199 

 Illud scito in summa omnium expectatione esse quid præclarus iste conatus enixurus sit; non quòd quisquam verendum existimet ne tu ea omnia præstare non possis quæ ab eximio et omni ex parte præstantissimo viro expectari debeant, sed quoniam tibi cum eo genere hominum res est ut verendum sit potiùs ne, cùm omnia præstiteris, margaritas ante porcos sparsisse videaris.

  A011003200 

 Confirmo tamen, quantum in me est, et bono animo esse jubeo, id sæpissime adseverans, de quo te non puto dubitare, numquam me abs te discessurum fuisse si quam tibi vel minimam suspicandi periculi causam relictam existimassem..

  A011003201 

 Te interim valere et bono animo esse cupio; nam si juberem, vereor ne tu me gallicè potiùs quàm latinè locutum putares, quasi prudentiæ et constantiæ tuas diffiderem, quæ mihi omnium maximè est explorata.

  A011003220 

 Primum illud est quòd tuas accepi literas dulcissimas, suavissimas et, ut meis mala fide tametsi bona mente objicis, Ciceronianas planè, quando non pateris ut dicam Athenienses; quid enim mihi potuit esse jucundius? Præsertim ex illa parte qua significas id, de quo non dubitabam, nec ullam te scribendi occasionem prætermissuram nec amandi mei finem umquam facturum esse; nam cætera quæ tu tam faciliter et eleganter de vale nostro gallicè latineque rescribis, etsi demulcent mirum in modum, ne tamen tam jucunda esse possint illud facit quòd absentiæ nostræ memoriam efficaciùs renovant, nec patiuntur ut tam facile mihi possim imponere cùm te præsentem videri volo..

  A011003221 

 Natus est nobis felicissimo partu filius, junior (dicamne an senior?) mense uno quàm speraram, neque enim partum ante calend.

  A011003221 

 Quòd nobis non mihi natum dico, quamquam mirari non potes qui omnia mea tecum communia esse jampridem voluisti, minus tamen miraberis cùm pulcherrimum et suavissimum (sic enim adrelatum est) videbis; patrem namque in eo ut te habeat necesse est qui me habere non potest.

  A011003221 

 Secundum est quod scire te mea refert.

  A011003222 

 Egi cum patre nostro observantissimo de canonicatu, et qua ille est in omnes humanitate et erga me propensione obtinui facillimè quæ volebam, factus paulo impudentior in tam aperta tuisque literis tam mirificè expressa voluntatis erga [387] Rolandum tuæ significatione.

  A011003222 

 Rei executio in Decembrem proximum dilata est, quòd eo mense ut audio canonicatuum vestrorum collatio ad vos pertineat.

  A011003222 

 Tertium est quod te scire volo.

  A011003223 

 Nec rursus æquum est ut absente me valere te jubeam qui absente te vix valere possim; præsertim mense proximo, quo neque tecum vivere licebit neque cum uxore dormire, nisi fortè postremum hoc potiùs ad valetudinem meam conferat.

  A011003224 

 Sic enim inter eos, me præsente, multis sermonibus actum est de te revocando tibique dando successore.

  A011003225 

 Dixi tandem videri mihi totam rem istam tui esse debere consilii et judicii, ut si nihil istic profici posse [388] videres, majorem salutis tuæ paternique desiderii quàm tuæ laudis rationem haberes (neque enim dubito quin ex conatibus istis, tametsi, quod abominor, irriti forent, eo major tibi laudis materia paretur quo longiores erunt et, ut ita dicam, quando tibi cum obstinatissimis res est, obstinatiores), sin verò benè sperares, non committeres ut ex præcipuis laboribus et victoriis tuis successori tuo, quisquis ille futurus sit, triumphus quæreretur, sicut etiam quod te magis ut scio movebit, ut tanti momenti res prosperè inchoata successoris tui sive inscitia sive minùs felici industria concideret..

  A011003226 

 Cupio ex tuis literis intelligere quid tu aut feceris aut facere constitueris; mihi probabuntur omnia quæ tu e re et dignitate tua esse putabis, si tamen primæ salutis tuæ quæ mihi mea charior est habueris ut par est rationem.

  A011003247 

 Est sanè quòd iis habeam gratiam de meis literis tam fideliter tibi redditis; nam cùm vix ignorare possint quanta sit inter nos animorum voluntatumque consensio, credibile est non valdè tibi infestos esse qui erga me adeo fuerint officiosi..

  A011003248 

 Non patiuntur temporis angustiæ quibus premor ut vel repetam vel pluribus me explicem, præsertim cùm nec sit necesse: neque enim dubito quin tibi literæ meæ redditæ sint, tuque pro singulari prudentia tua jam ex te constitueris quid me tibi consulere, hoc est, quid te facere opporteret, prius etiam quàm literas meas accepisses.

  A011003272 

 De me nihil est quod scire te putem oportere.

  A011003272 

 Quid enim publicas [391] privatasque de temporum injuria querelas ad te deferam, aut cur velut in picta tabula ponam tibi ante oculos profugam ad me socrum cum liberis, quos misera nostra tenebat Sebusia, amissos biennii ferè integri redditus et facultates penè omnes quæ per lasciviam exercitus eripi diripique potuerunt, cæterarum, quarum amissio paulò difficilior est, jacturam nec dubiam ab hostibus imminentem?.

  A011003297 

 Quæ sic me apud Senatum tui honoris causa curare oportuit jam perfecissem, nisi quorumdam superstitiosa religio, ne quid gravius dicam, obstitisset; quibus visum est ante omnia faciendum ut tanta Episcopi erga te voluntas subscriptione aliqua constaret.

  A011003316 

 Itaque noli quærere quanta me voluptate perfuderint; nam cùm toto isto novendio mihi in mentem veniret illius (illud?) temporis quod Necii, annus unus est, tam suaviter tecum transegeram, nec facilè ferrem, auctis tantoperè amandi tui rationibus, præreptum mihi usum dulcissimæ consuetudinis tuæ, commodissima fuit ea consolatio quam literæ tuæ attulerunt, in quibus utinam oris istius castissimi oculorumque quos semper in oculis fero vivam imaginem tam benè expressisses, quàm expressisti præclarè magnitudinem animi studiique in te mei!.

  A011003318 

 Id qua ratione, aut ut veriùs dicam, cujus culpa factum sit, si ex eo cognovisti, non excuso tam improbabilem hominis negligentiam, sed ignosco culpæ, satis enim mihi fuerit quòd culpa me vacare intelliges; sin fuit ille in hoc ipso negligens ne se accusaret, neque excuso, neque ignosco, tametsi querelas omnes et injurias à me hodie, ut par fuit, remissas esse non nesciam; adeò mihi constitutum est perpetuas cum iis inimicitias gerere si qui erunt quorum culpa fiet ut de mea, non dicam voluntate, (qui enim facere posset?) sed diligentia malè suspicandi quæsita tibi occasio videatur..

  A011003318 

 Sed ad id redeundum est, unde potiùs epistolam ordiri debueram.

  A011003319 

 Quàm verò dolendum mihi est, tùm fuisse negligentem, cùm diligentior esse debueram, ut eodem quo tu animo tam feliciter transacti inter nos anni partem extremam singulari et mirifica quadam amoris erga te mei significatione, aut saltem nota concluderem.

  A011003319 

 Sed quando id mihi denegatum est, contendam posthac tantò vehementiùs, ut nihil à me de pristina voluntate et diligentia remissum neque verò remitti potuisse fateare.

  A011003320 

 Meditationes illæ sunt meæ poëticæ, tibi, ut scis, inscriptæ, quas, cùm primùm per frigoris intemperiem licebit, typographus noster excusurus est; addo et posteriores [395] Conjecturarum mearum libros, Gebenensi typographo jam traditos, ut te Gebenensis quoque civitas perinvita Ecclesiæ Gebenensis Præpositum et Pontificem designatum agnoscere incipiat.

  A011003321 

 Fabricelli tui omnes te salutant, et quæ tot Fabros fabricata est soror tua Benedicta Fabra.

  A011003340 

 Angustior sanè est tota hæc nostra Sabaudia quàm ut rem tantam suis finibus continere possit.

  A011003359 

 Nec erat cur vereris ne minus grata forent si ea membratim exponeres; etsi enim multo jucundius rem totam quanta est et corporis et animi oculis subjicere, nihil tamen de jucunditatis magnitudine detrahet occupata per partes oblectatio.

  A011003361 

 Non potui tamen facere ut is sine literis ad te meis proficisceretur, præsertim cùm haberem à Girardo nostro quas ad te perferendas curarem; ut taceam quòd politior illa scribendi ratio quàm tu, vel invitis hæreticis et barbaris, tam constanter retines, mihi jam tecum familiarius et ut inter fratres par est agenti, sicuti non necessaria ita minùs curanda videtur..

  A011003386 

 Ille, ut est ingenii non minùs quàm animi impetu potens, ex tempore conscripsit epistolam, si quid mei judicii est, non inelegantem, quam post dies aliquot discedenti mihi tradidit ut curarem ad te perferendam.

  A011003386 

 Mihi, qui majorem et jucundiorem legendis tuis quàm conscribendis aut poliendis meis diligentiam adhibere soleo, melius visum est et commodius differre rescriptionem in id usque tempus quo in hæc loca rediissem, præsertim cùm nec haberem ad manum per quos possem scribere; quamquàm non parum diligentiam meam illud expectabat, quòd tardius quàm putaram ad Sebusianos meos profectus, videbam ex eo futurum ut longiorem quoque scribendo moram facerem quàm sperares..

  A011003387 

 Est omninò, mi Frater, ut scribis: oculi augent dolorem, fitque luctus multò acerbior cùm ea videre cogimur quæ nec audire sine gravissimo mœrore possemus.

  A011003389 

 Et nihil me æquè ac illud confirmat, quòd quoties de te cogito (facio autem ferè assiduè), agnosco indignum fore me quem tu fraterno amore prosequi deberes, si ab ea desciscerem animi magnitudine quam in te admirabilem et propemodùm singularem, non modo vultu et oratione præ te fers, quod tibi cùm multis commune est, sed etiam, quod paucis contigit, facto ipso totaque institutæ vitæ ratione testaris..

  A011003390 

 Idque me tuo etiam exemplo, quod mihi instar omnium est ut esse debet, facere certò scio.

  A011003391 

 Ego, si quid hoc ad rem pertinet, votis saltem et quantis potero ad Deum optimum maximum precibus adjuvare te non desinam, faciamque ut confratrum nostrorum, quorum omnium propensissimus est ut esse debet erga te animus, idem quoque studium experiare..

  A011003391 

 Reliquum est, mi Frater, ut te non jam horter ad pugnam istam quam te adversùs hæreticos tanta contentione capessere video, sed moneam potiùs et rogem ut salutis et incolumitatis tuæ rationem habeas, tibi parcas, caveasque ne tenuiores corporis vires et animi viribus impares, jamque tot jejuniis attritas, dicendo scribendoque exhaurias, quas tibi integras salvasque conservari non minùs reipublicæ quàm mea scis interesse, quandoquidem tibi cum eo hoste res est quem nonnisi longo lentoque, ut vides, bello possis ad deditionem compellere.

  A011003392 

 Benè vale, mi suavissime, et Baronem nostrum, itemque consobrinum si nunc tecum est, ac cæteros omnes tui amantissimos, meo, si placet, nomine salvere jube.

  A011003392 

 Non possis credere quàm id me malè torqueat, pro arctissima quæ inter nos, non tantùm dignitatis et ordinis, sed etiam, quod primum est, animorum conjunctione.

  A011003410 

 Magna omnium fuit expectatio quid rei eventus laturus esset à quo tempore auditum est hanc à te tam difficilem susceptam esse provinciam, hac potissimùm tempestate quæ omnium maximè novas ac propemodùm inexplicables, ut tutò expertus es, difficultates allatura videbatur..

  A011003411 

 Nunc verò, majorne dicam nescio voluptas an admiratio est, non eerum dumtaxat qui negotio magis quàm tibi diffidebant, sed illorum etiam qui, cùm eam probarent, vix tamen persuaderi poterant futurum ut jam citò tam uberes diligentiæ et contentionis tuæ fructus constarent, quòd minùs tibi opis et auxilii parari viderent ab iis quorum authoritate præcipuè geri res debebat quàm necesse esset [401] ad tantam rem feliciter aggrediendam gerendamque; sic enim jam omnibus ferè persuasum est fore brevi ut sacrosancta religio per tot annos ab istis populis explosa pristinam suam per te recuperet dignitatem, indeque tamquam ex armario munitissimo potentissima ad expugnandam Babylonem machina tandem depromatur..

  A011003413 

 Quando rediturus sit, planè adhuc in incerto est, etsi Bonaldus ille noster, cui tuas ad se et ad Possevinum literas reddidi, sperat non diutiùs abfuturum, quod ex ejus rescriptione commodiùs cognosces..

  A011003414 

 Nam quòd me interpellas ut ego ad te potiùs, etsi concedo libentissimè præstare, tamen mihi paulô difficiliùs est quàm velle, tametsi non despero fieri posse ut in eos dies profectio conferatur quibus possem desiderio meo non minus quàm tuo satisfacere.

  A011003414 

 Ubi verò redierit, si nihil intercessit quod consilii mutandi causam præbeat, hoc possim confirmare facturum eum ut ad te quàm citò advolet; quamquam multò gratius mihi fuerit si pro sua gravitate hanc tibi ad se, ut æquius est, veniendi necessitatem imponet, ut quod per me, ut video, impetrare abs te vix possem, per eum assequerer cui nihil tu denegare magis possis quàm debeas.

  A011003415 

 Nam ut ea taceam quæ mutuam nostram necessitudinem jam tot vinculis constringunt, ut neque addi quicquam neque diminui posse videatur, placet mihi ratio illa quam tu proponis inducendæ accessionis, quòd Senatore nostro vita functo, quem nos singulari quidem sed tamen communi studio et voluntate prosequebamur, sic nos agere par est, ut quodam veluti accrescendi jure, viriles nostras amicitiæ partes augeri sentiamus: quamquam non improbarem, si jus hoc non tam accrescendi diceres quàm non decrescendi, ne qua incomparabili conjunctioni nostræ fiat injuria, si quid ad ejus magnitudinem accedere posse fateamur.

  A011003416 

 Posteà compertum est, nonnisi mundo eum mortuum, sibi verò totique Reipublicæ Christianæ adhuc superstitem esse; nec desunt qui affirment eum vos Necii proxima Quadragesima habituros.

  A011003435 

 Ad priores vix habeo quid respondeam; namque de Guichardo nostro, si repetam liberatum eum à latronibus, casumque illum moderatè, ut debuit, pertulisse, nihil novi dixerim, nisi quòd suis ille ad me literis idipsum testatus est, quod ego ex hominis moribus mihi perspectissimis jam satis per me conjiciebam, quorum testimonium mihi multò certiùs est quàm literarum..

  A011003436 

 Illud tamen possum addere, quòd licet novum tibi tamen persuasu facilè erit, novam illi amandi colendique tui causam accessisse, cùm ex literis meis intellexerit quàm tu levius istud infortunium, pecuniario tantùm incommodo æstimatum, malè habuisse; qua de re brevi gratias tibi habiturus est, redditurus haud dubio cùm et tu voles, et ille poterit.

  A011003437 

 De libello meo, quem tibi aliisque multis exemplo tuo tantoperè probari video, quid rursus dicam, aut novas habeam gratias? Vetus jam istud beneficium tuum est, quod ego sic accipio ut quasi nihil dùm præstiterim, majus quidpiam à te expectari, et à me plura præstari debere intelligam; quæ si voto et animo meo respondebunt, possis tu faciliùs et lubentiùs tua agnoscere quàm hæc leviora quæ tu tanta contentione mea esse defendis, ne quid de tuis laudibus detrahatur.

  A011003438 

 Venio ad posteriores tuas literas, in quibus jucundissimum illud fuit quòd te video nihil de pristina ista animi alacritate remittere, nihilque non tentare ut, si (quod abominor) minùs feliciter res succedet, ea sola tibi culpa objici possit quòd plus animi et ingenii [404] habueris ad audendum, quàm ii omnes, quorum hac parte præcipua authoritas est, voluntatis ad adjuvandum..

  A011003439 

 Habebis tuæ fortitudinis virtutisque, non modò testes sed etiam admiratores, eos ipsos quos fautores habere, ut decebat, non potuisti; Deum verò optimum maximum retributorem, qui laborum tuorum æstimationem non ex perceptis fructibus, sed ex iis qui percipi potuerunt et debuerunt pro pietate sua initurus est: quamquam vix mihi in animum cadere potest ut de tam piis et, quod præcipuum est, pie habitis conatibus desperandum putem..

  A011003439 

 Nihil autem miserius, quàm quòd hoc tempore in quo pax ista precaria, aut, ut Virgilius loquitur, « sequestra » totque mensium firmatæ induciæ facere deberent ut benè sperare liceret, vix quisquam est qui præter te in hanc curam velit incumbere.

  A011003439 

 Sed illud sanè molestissimum est quod conquereris, nec immerito, tam frigide tantam rem ab ipsis tractari, qui tam præclaros conatus tuos et modis et artibus omnibus fovere deberent.

  A011003440 

 Quo nomine mirum est quantis eum onerem ludibriis, quòd ille non ita dudum gloriaretur hanc sibi præcipuam fore oblectationem si, absente me, solus te frueretur; ego verò tantam felicitatem, fateor enim liberè, etiam fratri inviderem..

  A011003462 

 Quòd verò tam opportune Spondæus advenerit, non tantùm tibi, sed etiam mihi summoperè gratulor; nihil enim est quod feram molestiùs quàm, cùm nebulones istos audio de suis ineptiis tam magnificè sentire et gloriari, de nostris verò nostrorumque egregiis meritis tam audacter et impudenter mentiri..

  A011003463 

 Ille verò, quasi certa jam et explorata, nedùm inclinata victoria jam triumphum canere mihi visus est, et ea credere quæ ad felicitatem satis mihi fuerit sperare posse.

  A011003463 

 Quòd si ita est, non video quid te malè jam habere debeat, nisi quòd in re tanti momenti vix est ut Christiana impatientia longioris moræ incommoda concoquere possit.

  A011003464 

 Id unum nobis benè cedit, quòd cùm nihil sit in tanta rerum omnium perturbatione quod non ducat ad desperationem, de omnibus tamen benè et in dies meliùs ac meliùs sperare non desinimus; sed cedet multò faciliùs si, quòd tecum precari faciliùs est quàm ominari, una cum Elia illo tuo per turbinem in Cœlum rapimur..

  A011003464 

 Publicæ in eum statum deductæ sunt ut eas miseratione multo faciliùs quàm auxilio prosequi quilibet possit; meæ verò ejusmodi ut earum conditionem parùm curare debeat quisquis publicis ita uti par est afficiatur.

  A011003482 

 J'ay pris fort a mon avantage ce que vous m'escrivez, que noz messieurs de Tonon facent estat de ma Premiere Centurie; car outre ce, que malaisement peut il estre ainsy quilz ne facent sans comparaison plus d'estat de vous a qui je la rapporte toute, comme je doy, il me semble que c'est un commencement de tesmoignage quilz donnent de leur resipiscence, sil est vray ce que j'ay tousjours ouy dire, [407] que les heretiques ne veullent point ouyr parler de penitence, du moins en la façon que j'en parle..

  A011003483 

 C'est un personnage duquel j'ay desja ouy souvent parler, et tousjours en bonne part, osté le poinct, qui est le principal, de la religion.

  A011003484 

 Aussy me semble il bien difficile qu'un honeste et si habile homme comme il est puisse croupir longuement en telle misere, pour peu quil veuille ouyr parler de la religion a un vostre semblable.

  A011003486 

 Ilz le font sans doubte par art et par finesse, affin quilz ne soyent tenus de rien preuver et quilz nous chargent tant plus de preuve, dautant quil est beaucoup plus aisé de nier la verité que de preuver le mensonge.

  A011003486 

 Ilz se fondent sur la reigle qui dit que aienti, non neganti, incumbit probatio; mais vous sçavez mieux que moy comment telle reigle est [408] entenduë en nostre jurisprudence, a laquelle proprement elle appertient.

  A011003486 

 Mais ceste raison mesme monstre que la reigle doit estre entenduë d'une pure negative qui ne puisse estre circunstantiee de point de façon; car quand ell'est coarctee, comme parlent noz maistres, de la circonstance de quelque lieu ou de quelque tems, la preuve s'en peut faire, et faut qu'elle se face par celuy qui nie: comme si quelqu'un nioit d'avoir esté a Romme un tel jour, il pourroit et devroit preuver en quel autre lieu il fut ce jour là..

  A011003486 

 Noz loix dient que celuy qui dit et afferme quelque chose [est tenu de le prouver, mais que celui qui soutient la négative] n'est tenu de la preuver; la raison est parce que la preuve d'une negative semble estre impossible par la nature mesme, dautant que ce n'est qu'une pure privation qui en somme n'est rien selon les philosophes.

  A011003487 

 Il y a de plus que la negative mesme qui est pure privation, et quæ nihil ponit, nec includit affirmativam contrariam, doit estre neantmoins preuvee par celuy qui l'avance, toutes et quantes fois que c'est le fondement de son intention; et en ce poinct s'accordent tous noz docteurs, fondés sur ce que tousjours le demandeur doit estre chargé de preuver son intention et ce sur quoy il la fonde.

  A011003488 

 Je me suis fort appuyé autrefois sur ceste derniere consideration pour conclurre que noz heretiques, pour nieurs quilz soyent, sont tenus de preuver toutes leurs negatives; car ilz ne peuvent nier quilz ne soyent demandeurs, puis qu'ilz viennent a nous troubler en nostre possession de sezecentz ans qui nous rend deffendeurs; et vous sçavez que c'est la principale commodité de la possession, qu'elle decharge le possesseur de toute necessité de preuve jusques a ce que le demandeur aye fondé et preuvé son action: de là vient que adversus extraneos, id est, nihil juris habentes actores, etiam viciosa possessio prodest. Mais c'est trop faire le docteur avec vous; aussy me faites vous dottor in volgar.

  A011003508 

 Non est quod ex me nunc, mi Frater, aut longas aut suaves literas expectes, adeò me conturbat repentinus sic obitus Baronis nostri Hermanciani, sivè privatam jacturam meam considero sivè totius reipublicæ nostræ causam, quæ tot jam adversis casibus cladibusque miserè conflictatam spes erat maxima, hujus potissimùm viri opera vehementique pacis studio quo flagrabat, restitui posse et recreari.

  A011003508 

 Quamquam si, ut plerique ominantur, provinciæ moderatio ad Baronem Petræ differretur, sperandum est æquè feliciter, ne quid ampli us dicam, cessura omnia, dummodò quantum ille animi et contentionis in eam rem collaturus est, tantum ad rem agendam habiturus sit authoritatis; quam ego in hujusmodi causis semper plus posse credidi quàm ipsum etiam jus potestatis.

  A011003509 

 Etsi enim ea ingenii tui vis est, ut ubi voles esse gentium non possis aut tui similis non esse aut extrinsecis hujusmodi subsidiis indigere, conducet tamen non parùm ad edendum feliciter partum hunc quem jampridem parturis, ut in eo loco sis in quo favorabilior tibi gratiorque Lucina adfutura sit.

  A011003530 

 Id verò quàm mihi honorificum si succedet; etsi nec dubitandi causa est si Deum authorem habebimus Principem fautorem et adjutorem.

  A011003530 

 Itaque noli quærere quàm alacriter utroque ut jubebas amplexu hominem sim complexus, quamquam in eo mihi minus satisfecerit quod visus est publicam conversionis suæ significationem nescio qua majoris boni spe in ulteriorem diem differre velle.

  A011003531 

 Sed quando id hactenus factum non est, cura si placet ut quamprimùm fiat.

  A011003550 

 Nunc mihi planè satisfactum est iis literis quibus ad omnia mearum capita tam diligenter et accuratè respondisti, nisi quod subticuisti (dolone bono an malo non ausim dicere), quod maximè significare debueras, quodque ex Chaventio cùm ei tuas darem intellexi, habere te nunc Principis nostri, non voluntatem solùm, quæ tibi numquam defuit, sed eam quæ tamdiu desiderata et expectata est subscriptionem.

  A011003551 

 Sed, ut audio, Baronis de la Bastie, magistri hospitii, filio id indultum est..

  A011003592 

 Je serois trop long a vous conter tout ce qui a esté dit sur ce propos entre luy et moy; tant y a, que son advis a esté que je peux et doy entendre a ceste condition, et que Son Altesse l'aura tres aggreable, et a resolu de faire l'office a ce voyage qu'il fait en nostre court, ou il s'est acheminé despuis deux jours.

  A011003593 

 Nostre santé est tres bonne en general, graces a Dieu, lequel vueille qu'ainsy soit de celle de Necy bien tost.

  A011003593 

 Quant a la vostre, je la tiens et desire toute telle que celle de l'autre vous mesme, sinon que de plus il est.

  A011003610 

 Combien que je vous aye escrit ny a que deux ou trois jours par l'homme de monsieur de Coudree bien amplement, et avec beaucoup de contentement pour la bonne nouvelle de laquelle je vous ay fait part de ma promotion a l'estat que je desirois, tousjours plus pour m'approcher de vous, qui m'estes et serez in æternum instar omnium, que pour m'esloigner du reste de mes amis, si est ce que j'ay recherché encores ceste commodité de vous pouvoir escrire par monsieur le Gouverneur, pour me reintegrer en la possession de noz premieres diligences, autant que la commodité ou, pour mieux dire, l'incommodité et le malheur du tems le pourra permettre; car Necy est maintenant plus decrié que jamais pour le mal qui est naguieres survenu pres du pont de Nostre Dame.

  A011003629 

 Je n'eusse pas laissé partir ces bons villageois sans les charger de mes lettres si j'eusse esté adverty de leur despart; mais la faute n'en est qu'a leur procureur qui m'avoit promis de me les faire voir, ce qu'il n'a fait.

  A011003631 

 Ce pendant, pour accroistre ce contentement qui n'est qu'un a vous et a moy, je vous diray que je viens de recevoir lettres de monsieur de Jacob, par lesquelles il m'asseure que Son Altesse a tres aggreable que j'aille en Genevois et qu'elle m'en priera (voyez quelz termes); et qu'en tesnioignage de cela, mes gaiges de senateur me demeureront.

  A011003631 

 J'espere que de nostre court monsieur de Jacob les apportera a son retour; mais ce ne sera pas, comme je croy, avant Pasques, car il fait estat de se treuver a Paris seulement pour le quinziesme du mois prochain, a ce que dit monsieur de Trollioux qui est passé pour luy aller preparer son logis.

  A011003631 

 [418] Mais tenez, je vous prie, ce dernier poinct secret, car il m'importe affin qu'on ne me rabbatte rien dans cela des gaiges qu'avoit monsieur Poille, qui est le plus haut degré d'ambition et d'avarice auquel ma pauvreté aspire.

  A011003632 

 Ma maistresse et tous voz neveux qui sçavent parler vous saluent, mais le pere sur tous et plus que tous, comme celuy qui est et sera a jamais,.

  A011003653 

 C'est maintenant, a ce que je voy, quil fera bon estre de voz amis a qui en voudra avoir a Romme et a Turin.

  A011003674 

 L'autre raison qui m'esmeut beaucoup, c'est que la trefve estant sur le poinct de finir, il ne faut doubter que [421] si elle estoit finie ou rompue l'ennemy courroit quant et quant du costé de Tonon, quand ce ne seroit que pour abbattre l'autel lequel vous auriez fait construire..

  A011003674 

 Tout ce que je treuve de plus considerable, c'est qu'il dit que par les lettres mesmes de Monsieur le Nonce a vous, il est fait mention des depeches qu'en veut faire Son Altesse, lesquelz ne sont encor venus; car sans doute s'ilz estoient entre vos mains, la chose se pourroit faire avec beaucoup plus de reputation.

  A011003675 

 Je ne fauldray, incontinent apres qu'il sera arrivé, de luy en parler, tant pour sçavoir s'il apporte point de commandement de Son Altesse sur ce faict, que pour entendre ce qui luy en semblera; et sera bon que vous luy en escriviez, affin qu'il s'en prenne quelque bonne resolution entre luy et monsieur de Lambert, lequel m'a dit que si la trefve est continuee il viendra le voir.

  A011003694 

 [422] La faute est venue en partie des porteurs, en partie aussy de ce que j'ay esté absent de ceste ville pour certain appointement que je suis allé faire du costé de Belley.

  A011003696 

 Il dit que monsieur de Lullin fait merveilles, et m'asseure que si a son retour de France la chose n'est resolue il employera tout son credit pour la faire reussir a l'honneur de Dieu et a vostre contentement.

  A011003696 

 La trefve generale avec la France est continuee jusques au dernier d'avril; monsieur de Jacob s'y en retourne dans huict ou neuf jours..

  A011003696 

 Monsieur de Jacob m'a asseuré que Son Altesse est tres bien disposee a plaider vostre cause (si ainsy la faut appeller plustost que celle de Dieu) contre Messieurs de Sainct Lazare, et que luy mesme s'y est aydé, s'asseurant qu'en brief vous l'emporterez, du moins pour l'entretenement de six curés.

  A011003698 

 Excusez ma haste, et tenez moy in infinitum, extensivè et intensivè, pour celuy qui est,.

  A011003718 

 Tous ces messieurs treuvent bien fait ce que vous avez fait et monsieur de Jacob encor, avec lequel j'en ay conferé bien au long; et est d'advis, puisque vous avez commencé de dire la Messe a Sainct Hippolite, [424] que vous continuiez; mais il ne treuveroit pas bon que vous y fissiez construire aucuns autelz jusques a ce que vous ayez receu depeches de Son Altesse, pour ne donner point de sujet ou d'occasion de nouveau remuement en un tems si chatouilleux comme est celuy cy..

  A011003719 

 Dieu est bien le chef des Conseilz d'Estat, lesquelz se tiennent en ce tems par tout le monde; mais quand on vient a parler de luy et de ses affaires, je croy qu'il faut qu'il sorte de l'assemblee, comme s'il en estoit seulement le president ou l'un des conseillers.

  A011003721 

 Mais je n'ay encores point receu des lettres de Leurs Excellences, et croy que monsieur de Jacob a son retour de France, ou il n'est pas encores allé, me les apportera, et que par consequent la chose ira a la longue..

  A011003722 

 J'espere que monsieur de Beaumont, avec lequel j'en ay aussy parlé, prendra bien ceste peine, s'il en est prié un peu vivement..

  A011003722 

 Je le porte impatiemment pour le desir que j'ay de vous voir, et monsieur vostre pere, avec tout ce qui est de la suite.

  A011003722 

 Monsieur de Jacob m'a asseuré que Son Altesse est en ceste volonté, et que cela seroit ja fait, sans l'advis qui vint a nostre court de la contagion reprise a Necy, lors qu'on estoit sur le poinct d'en faire les depeches.

  A011003742 

 Je ne vous escris rien de ce malheureux acte qui s'est naguieres commis a Mussel, tant pour n'en avoir le loisir que pour n'interrompre voz devotes pensees d'un si fascheux entretien.

  A011003743 

 J'ayme mieux vous parler de monsieur Locatel, nostre frere, qui m'a chargé par sa derniere lettre de vous baiser bien humblement les mains, et vous advertir qu'il est pere d'une Marguerite.

  A011003759 

 Enfin [427] tout est arrivé avec monsieur de Jacob, horsmis la paix.

  A011003760 

 J'espere que si ce n'est pour les derniers jours de la semaine prochaine, ce sera pour la suyvante.

  A011004143 

 Peu appres la lettre que vous avons escript du jourd'huy est arrivee la vostre du dix huictiesme, qui Nous appourte un tres grand contentement et ensemble remplit de toutte consolation, voyant tant d'ames bien disposees pour se remettre au vray chemin.

  A011004192 

 Tuam, Fili, diligentiam et sedulitatem in Domino commendamus, et quamvis ea res, cujus felicem exitum valde optavimus, non mediocrem, ut scribis, difficultatem habeat, quia tamen Dei opus est, cujus gloriam quærimus et cujus misericordia atque auxilio nitimur, te propterea magnopere hortamur ne eam curam deseras, neve cesses quod semel inchoasti, Dei adjutrice gratia, urgere.


12-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XII-Vol.2-Lettres.html
  A012000023 

 — Il est urgent que les pouvoirs spéciaux concédés aux missionnaires ne soient pas suspendus pendant l'année du Jubilé.

  A012000039 

 M gr de Granier est prêt à évangéliser le pays de Gex. 54.

  A012000049 

 — Le Saint est invité à prêcher le Carême à la chapelle de la reine.

  A012000052 

 — Le Saint a prêché devant le roi; il est invité à prononcer l'oraison funèbre du duc de Mercœur.

  A012000078 

 — La trop grande multiplicité de désirs est contraire à la perfection; il faut exécuter ceux qui sont le plus à notre portée et restreindre les autres.

  A012000079 

 But du voyage à Turin, dont le Saint est revenu depuis trois jours.

  A012000081 

 — L'Evêque est tenu de prêcher son peuple.

  A012000085 

 Il les engage à accepter une fondation qui leur est offerte pour l'entretien de quatre enfants de chœur.

  A012000096 

 Réponse à l'invitation qui lui est faite d'aller prêcher le Carême à Dijon. 125.

  A012000119 

 — Le Prieur est digne des libéralités de Son Altesse.

  A012000122 

 — Secret que doit garder le pénitent sur ce qui est dit en confession.

  A012000128 

 — Objet de la prédication: l'Ecriture Sainte expliquée selon les quatre sens dont elle est susceptible; la doctrine des Pères et des Docteurs, les exemples des Saints; interpréter le « grand livre » de la création.

  A012000128 

 — Pressante exhortation à prêcher; rien n'est impossible à l'amour. 164.

  A012000129 

 — Ce qu'est la sagesse pour les jeunes gens et ce qu'elle doit être pour les vieillards.

  A012000130 

 — Combien est utile la méditation des fins dernières; elle doit se terminer par des actes de confiance.

  A012000132 

 — Qu'est-ce que la dévotion.

  A012000133 

 — De l'esprit de liberté: il est insinué dans le Pater.

  A012000138 

 L'Abbé d'Abondance n'est pas en mesure de fournir une pension à M. Nouvellet.

  A012000141 

 C'est la dévotion bien réglée que le Ciel bénit.

  A012000148 

 — Un cœur attendri par la douleur est plus accessible à la grâce.

  A012000155 

 — Il n'est pas possible d'accorder au baron du Villars les bénéfices ecclésiastiques qu'il sollicite pour son fils. 221.

  A012000159 

 Plaintes contre les syndics de Thonon qui refusent de remettre aux Jésuites le prieuré de Saint-Hippolyte; combien il est urgent d'obtenir cette cession.

  A012000168 

 Rien ne s'est fait pour l'emploi des revenus ecclésiastiques du Chablais sans avoir entendu les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare.

  A012000168 

 — Il est urgent de pourvoir de pasteurs Thonon et deux autres localités 236.

  A012000193 

 Nous allions attendant la commodité de quelques plus asseurees addresses que ne sont les ordinaires en ce tems si troublé, pour envoyer nos lettres de dela, et quelque resolution du chemin que nos affaires prendroyent pour vous en donner quelque advis; et l'un et l'autre nous est seulement arrivé maintenant.

  A012000196 

 Quand a la dispense pour nos chanoynes, il l'accorde, pourveu que les chanoynes puyssent servir a leurs cures; mais ce point n'est encores pas du tout bien esclairci..

  A012000198 

 Neanmoins, ni Sa Sainteté ne les Cardinaux ne le goustent pas trop, estimant que ceux d'Annessi desirent nostre sejour en leur ville, et quilz nous tiennent en tel pris que toutes villes font semblables pieces comm'est la personne de l'Evesque et son Chapitre, et disent qu'on peut suppleer le fruit de ceste mutation autrement.

  A012000198 

 Quand au remuement de nostre cathedrale, il est encor en suspens, par ce que nostre Cardinal commissaire ne sceut pas dire si Tonon estoit plus pres de Geneve [2] qu'Annessy.

  A012000199 

 Jamais je ne fus en lieu ou le poix fut si grand qu'il est en ceste Court.

  A012000201 

 Et parce quil ni a point de Nonce en France, il a fallu attendre qu'on en deputast un, qui est Monseigneur de Modene, lequel est arrivé icy et prend ses memoires pour partir, et entre autres il en aura des bonnes pour nos affaires, comme m'a dit encor ce mattin le Cardinal Aldobrandino.

  A012000202 

 Le Cardinal Sainte Severine me dit que Monseigneur le Nonce sollicitoit de me faire depescher pour aller vers vous en l'absence du bon P. Cherubin, lequel, a ce qu'on nous advise de deça, est tumbé en une tres lamentable [4] infirmité; et Sa Sainteté et ces messieurs du Saint Office, bref tous les bons, regrettent infiniment cest accident, et pour la valeur de la personne, qu'il rend inutile, et pour le bruit qu'en feront les adversaires, qui, n'ayant aucune rayson pour leur opiniastreté, font bouclier de tous les sinistres evenemens qui nous arrivent, pour naturelz et ordinaires quilz soyent.

  A012000221 

 Je vous asseure que M. le Grand Vicaire est sorti du Consistoire plus joyeux que moy.

  A012000238 

 Di Turino si puoi dire: Quomodo facta est sola, poichè ognuno fuge, dal Prencipe in poi, che tuttavia dispone di uscire anco luy (sic).

  A012000260 

 De Turin on peut dire: Comment est-elle devenue deserte? puisque chacun fuit, si ce n'est le prince qui se dispose néanmoins à sortir lui aussi.

  A012000260 

 La contagion est très grande en Savoie, à Genève et dans les environs de Montmélian; le reste est tout à fait libre.

  A012000260 

 On espère que Son Altesse ira en France, où elle est ardemment [10] désirée par le roi, qui a chargé le prince de Conti et le comte de Soissons d'aller à sa rencontre jusqu'aux frontières, et de le conduire ensuite là où se trouvera Sa Majesté, avec tous les honneurs que l'on a coutume de lui rendre à elle-même; c'est ce que la princesse de Conti écrivit par un exprès à son chargé d'affaires en cette cour de Savoie.

  A012000261 

 C'est tout ce que j'ai à vous communiquer pour le moment, distrait comme je le suis par les poursuites que je fais pour nos affaires ecclésiastiques.

  A012000298 

 M. le président de Rochette est en Savoie, et moi-même j'y serai bientôt, s'il plaît à Dieu.

  A012000299 

 C'est pourquoi je m'enhardis à répéter que, laissant de côté toute [14] considération, soit d'épidémie contagieuse, soit d'autres empêchements, Votre Seigneurie est absolument obligée de se rendre au plus tôt où je vais l'attendre moi-même, avec la volonté de demeurer à jamais, là et partout où je me trouverai,.

  A012000299 

 Il en résulte que Votre Seigneurie est absolument obligée en conscience de venir sans retard, puisque de son arrivée dépend le succès de l'entreprise, et que, sans Elle, on ne peut rien.

  A012000322 

 Ceste sollicitation m'est imposee pour la contribution du soin que je dois aux affaires de mon pere, et ne m'en pourroit arriver de plus ennuyeuse.

  A012000368 

 Parmi les nombreuses raisons pour lesquelles la difficulté des passages nous est préjudiciable, il me semble que la plus importante est que nous sommes privés de la consolation de recevoir des lettres de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime et que, de notre coté, nous ne pouvons lui en expédier aussi facilement que nous le devrions et désirerions..

  A012000369 

 La cause de ceci est que Son Altesse Sérénissime ayant député M. le premier Président du Sénat et M. le chevalier de Ruffia pour assister à la répartition que M gr l'Evêque doit faire, selon l'ordre du Saint-Siège, des parts nécessaires aux curés, prises sur les bénéfices des bailliages, le susdit chevalier, qui, lorsque je partis de Turin, devait venir immédiatement, n'a jamais paru.

  A012000370 

 Cependant il est très vrai que parmi les convertis aucun n'a jamais fait mine de regarder en arrière; toujours ils se fortifient dans la foi, tandis qu'il s'en convertit d'autres qui étaient des plus obstinés dans l'hérésie.

  A012000370 

 Il est évident que Dieu demande de nous une très grande diligence et un grand zèle à nous employer à cette entreprise, car il accorde dans ces pays certaines grâces que l'on pourrait appeler de petits, ou plutôt de grands miracles, comme j'en donnerai connaissance à Votre Seigneurie Illustrissime lorsque j'en serai plus sûrement informé..

  A012000371 

 J'attends avec un grand désir l'extension en dehors de la confession sacramentelle de la faculté qui m'est concédée d'absoudre les hérétiques, car cela est nécessaire.

  A012000371 

 Vraiment, si dans la conclusion de la paix on fait un effort pour faire resplendir l'exercice du culte et la doctrine catholique en ce pays, je suis sûr que nous verrons la gloire de Dieu et que peut-être, selon la Loi, les possessions seront, pendant ce Jubilé, restituées à leurs anciens maîtres; car on voit clairement que toute la résistance faite par les ministres Genevois provient moins du courage ou de l'ardeur qui leur reste que de rage et de désespoir; en sorte que si nous les pressons un peu énergiquement, c'en est fait d'eux, et leur peuple, déjà fatigué des sornettes qu'ils débitent, prêtera facilement l'oreille à la vérité.

  A012000372 

 Je suis venu ici pour le procès de [20] la cure du Petit-Bornand, laquelle m'ayant été accordée par la faveur de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, est occupée par d'autres sans titre, et j'espère que dans peu je me verrai délivré de ces compétiteurs..

  A012000372 

 M gr de Genève est à Thonon, et il n'ose en partir jusqu'à ce que les choses soient établies et solidement affermies; le P. Bernardin Castorio Jésuite est aussi avec lui.

  A012000374 

 Je ne laisserai pas de vous demander encore quelle est l'intention de Sa Sainteté touchant la réforme des monastères de Savoie, œuvre nécessaire autant qu'il se peut dire..

  A012000394 

 Così fia a dì nostri che si possa dire: Jam securis ad radicem posita est..

  A012000416 

 Quant à la première, je me mettrai avec toute diligence au service de M gr de Vienne pour tout ce qu'il voudra me commander; et quant à l'informer de l'état des choses, je l'ai fait jusqu'à présent et je le ferai toujours plus avec une entière fidélité; mais c'est un Prélat [23] de tant de mérite et de prudence, que, jetant les yeux autour de lui, il découvre par lui-même et pénètre jusqu'aux moëlles de l'affaire..

  A012000417 

 Dieu soit loué de ce que ces évènements se rencontrent sous le pontificat d'un Pape si zélé, pendant la nonciature de Votre Seigneurie, et que l'information soit confiée à un Prélat doué de tant de sagesse comme est M gr de Vienne, qui, par la grande expérience qu'il a de nos mœurs ultramontaines, en est singulièrement capable.

  A012000417 

 On ne pourra jamais faire si bien qu'il ne soit mieux de faire [24] davantage encore pour déraciner l'arbre maudit, qui, étendant sur tant de parties du christianisme ses feuilles vénéneuses, est planté et enraciné tout près d'ici.

  A012000417 

 Plaise à Dieu qu'on puisse dire en nos jours: Déjà la cognée est posée à la racine..

  A012000418 

 C'est pourquoi il est revenu ici pour faire exécuter cette cession aux propriétaires et terminer la négociation; l'ayant heureusement achevée, il part demain pour effectuer son premier dessein, et me laisse ici soit afin de prêcher, puisqu'il n'y a pas d'autre prédicateur, soit pour l'informer de ce qui peut survenir, et servir M gr de Vienne..

  A012000419 

 Ce Père m'a dit, il est vrai, que non seulement il faudrait avoir l'argent au moment de l'arrivée des Pères de la mission, mais qu'il serait bon d'en avoir d'avance pour fournir aux frais de voyage depuis le lieu de leur résidence jusqu'ici..

  A012000419 

 Il est donc nécessaire que l'on envoie sans retard l'argent à Chambéry, au P. Recteur du collège, appelé P. Etienne Bartoloni, qui l'enverra ensuite ici sans autre délai.

  A012000419 

 Le P. Bernardin Castorio, après avoir longtemps prêché ici, partit la semaine passée; il est ensuite revenu avec M gr le Révérendissime et repart encore demain avec Sa Seigneurie.

  A012000421 

 C'est en priant Dieu notre Seigneur de vous accorder la plénitude de ses grâces pour la consolation de plusieurs, et en particulier pour celle de cette province, que je baise très humblement vos mains vénérées..

  A012000437 

 Suyvant le commandement que monsieur d'Avulli m'a porté de la part de Vostre Altesse de maintenir Monseigneur le R me Evesque de Geneve en bonne intelligence avec Monsieur l'Archevesque Gribaldo, envoyé par nostre Saint Pere, il m'a semblé que je devois l'asseurer qu'il ne s'est jamais rien passé entre eux qu'avec toute sorte de discretion, amitié et fraternité.

  A012000494 

 Je vous en envoie deux autres dudit Monseigneur dont l'une, pour le motif ci-dessus mentionné, est de plus vieille date que je ne l'aurais désiré, et en même temps le plan de Thonon..

  A012000495 

 Par la première lettre de Votre Seigneurie je vois la consolation qu'Elle a éprouvée du don fait par Son Altesse; une grande partie est déjà effectuée et versée, car Son Altesse a racheté, au prix de sept mille écus, le prieuré de Thonon qui est destiné au collège.

  A012000496 

 Le P. Bartoloni a reçu les cent huit écus expédiés par Votre [33] Seigneurie Illustrissime; il a aussitôt envoyé à Thonon un Père prédicateur, qui y est arrivé le dernier jour d'octobre.

  A012000496 

 Si j'ai été longtemps avant de l'expédier, la distance des lieux et des abbayes dont je parle est la seule cause de ce retard..

  A012000497 

 Je sais que c'est au zèle, à la bonté et prudence de Votre Seigneurie que l'on doit de toute façon en attribuer le succès; s'il est [34] tel que je l'espère, il sera très glorieux à Sa Sainteté, très honorable à Votre Seigneurie, principal instrument d'une si grande œuvre, très utile à la sainte Eglise, particulièrement à ces populations; et, ce qui importe davantage, plus agréable au Seigneur notre Dieu que tout ce que l 'on a vu par le passé: Ce sera une montagne élevée pour les cerfs, un rocher de refuge aux hérissons..

  A012000499 

 Avant tout il faudra, s'il est nécessaire, la mettre en sécurité à l'égard de l'Inquisition, et, dans ce cas, je me prévaudrai auprès des inquisiteurs de la charité de Votre Seigneurie Illustrissime..

  A012000500 

 Il est grandement question d'admettre l'exercice du culte catholique dans une église de Genève.

  A012000500 

 Son Altesse m'a promis toutes sortes de provisions pour le Chablais, ayant commandé les lettres d'expédition et autres papiers nécessaires, et ses ministres montrent plus d'empressement qu'à l'ordinaire; c'est pourquoi j'espère que nous aurons cette année et le Jubilé et une jubilation très grande, mais nous avons besoin d'un secours puissant, efficace et persévérant..

  A012000508 

 M gr de Genève m'a ordonné de baiser en toute humilité les mains de Votre Seigneurie en son nom; c'est ce que je fais.

  A012000534 

 Depuis ma dernière lettre à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime rien de nouveau n'est survenu dans les affaires du Chablais, sinon que Son Altesse a commandé au Sénat et à la Chambre de vérifier tous les ordres que, sur les instances du P. Chérubin, elle a donnés il y a un an pour la maison de refuge de Thonon.

  A012000536 

 Et cependant, bien que j'aie été nommé et élu au concours, selon les prescriptions du saint Concile de Trente, le frère du curé mon prédécesseur m'a suscité un procès, [39] se basant sur une simple signature [donnée en Cour de Rome] à raison de résignation pour cause de maladie, dont la date est postérieure de trente-six jours à la mort dudit curé, sans aucun consentement indiqué au dos de la pièce et après la tenue dudit concours.

  A012000536 

 Mais je vois que je serai obligé d'envoyer à Votre Seigneurie une très ample relation de mes raisons, c'est pourquoi il n'est pas nécessaire d'en dire davantage pour le moment..

  A012000537 

 Son Altesse Sérénissime est partie mardi de Lyon, où elle a été [40] grandement fêtée.

  A012000538 

 Je me rends demain à Annecy, afin d'aller ensuite à Thonon pour les fêtes, si c'est nécessaire, et je m'empresserai de vous renseigner selon les occasions.

  A012000564 

 Mais si la divine Bonté a donné jusqu'à présent des témoignages de protection à cette œuvre, il me semble qu'en voici un très signalé et très certain, à savoir, que le Souverain Pontife en prenne le soin et la sollicitude qu'il a coutume d'avoir pour ce qui touche le service du Sauveur, dont il est le lieutenant sur la terre..

  A012000565 

 On ne pouvait, en effet, désirer un plus ardent et vigoureux défenseur et promoteur parmi ces forts et vaillants qui entourent le lit sacré de Salomon; de sorte qu'il est désormais évident que le Christ veut, par l'entremise du Saint-Siège, nous être un Dieu protecteur et une maison de refuge.

  A012000567 

 C'est pourquoi je supplie très humblement Votre Seigneurie de vouloir conserver son affection paternelle à ces pauvres populations.

  A012000591 

 Deux lettres de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime me sont arrivées simultanément les derniers jours de l'année passée: l'une est du 7 décembre, l'autre est le duplicata d'une lettre précédente du 20 octobre, avec la copie de celle que le P. Chérubin vous écrivit de Rome le 2 du même mois d'octobre (les originaux de ce double et de cette copie ne sont jamais tombés entre mes mains), et, dans le même pli, une autre lettre datée du 7 décembre.

  A012000592 

 La première est [45] sa réponse aux questions posées par notre Saint-Père.

  A012000592 

 Or, puisque le rapport envoyé par M gr l'Archevêque de Vienne est bien plus clair et étendu, il me semble ne pouvoir rien ajouter à cette réponse sinon en ce qui concerne nos ecclésiastiques.

  A012000593 

 Mais ce qui nous arrête c'est que nous n'avons nul moyen de procurer à ces hommes de mérite un logement convenable à leur [46] condition et à leur office.

  A012000593 

 Son Altesse, il est vrai, ayant entendu nommer M. Nouvellet, a voulu le voir et l'entendre, et en ayant été très satisfaite, elle a dit vouloir lui attribuer deux cents écus de pension sur l'abbaye de Pignerol.

  A012000594 

 C'est pourquoi on peut dire avec le P. Chérubin que, le moyen étant donné, il y aurait à faire une œuvre bonne et utile dans ce diocèse, en fondant une espèce de séminaire de prêtres qu'on pourrait employer en toute occasion, particulièrement dans les alentours..

  A012000639 

 Au milieu de tant d'afflictions par lesquelles il a plu à Dieu de châtier nos péchés, il ne me reste autre chose à vous écrire sinon qu'en cette infirmité, la vertu divine s'est montrée par la constance de nos convertis de Thonon.

  A012000639 

 C'est ce qui inspire la plus grande inquiétude aux pasteurs destinés à la garde de ces brebis; car le reste n'est pas de leur ressort..

  A012000639 

 Il est vrai que jusqu'ici ils n'ont eu à souffrir que des menaces, car ces hérétiques ne se sont point mis en campagne.

  A012000640 

 M gr notre Révérendissime Evêque est encore assez malade, soit par suite des fatigues endurées en Chablais le mois dernier, soit à cause du chagrin qu'il éprouve en voyant nos affaires s'engager en une aussi mauvaise voie.

  A012000659 

 Or Dieu, qui est Seigneur de nos vies, soit a jamais loué de toutes ses volontés..

  A012000676 

 Ho sentito una grandissima consolatione dalla lettera che Vostra Paternità molto R da si degnò inviarmi per il [54] signor Philippo de Quoex, et ciò per più ragioni; ma particolarmente perchè da quella ho conosciuto che non solo di me, ma di tutta questa provincia tiene singolare memoria et sollecitudine, laquale non può esser senon molto giovevole, sì come sin adesso è stata, et massime in questi tempi tanto calamitosi nelli quali sedet quasi vidua et oppressa amaritudine, nec est qui consoletur eam ex omnibus caris ejus..

  A012000696 

 Cette sollicitude ne peut lui être que très avantageuse, ainsi qu'elle l'a été jusqu'à présent, surtout en ces temps si calamiteux, durant lesquels elle est devenue comme une veuve accablée d'amertume, et de tous ceux qui lui étaient chers il n'en est pas un seul qui la console..

  A012000697 

 Ce n'est pas sans peine, il est vrai, que les choses se sont ainsi maintenues..

  A012000697 

 Nos ecclésiastiques installés dans les nouvelles églises ont incroyablement souffert, mais avec tant de constance que c'est une grande consolation de s'en ressouvenir.

  A012000699 

 C'est en baisant vos mains sacrées que je demeure éternellement,.

  A012000705 

 Je ne veux pas manquer de vous avertir que l'affaire de la coadjutorerie n'a eu aucun succès ni avancement depuis l'examen; c'est pourquoi, si vous me favorisez de vos lettres, je vous supplie de ne pas me donner un titre qui ne me convient pas..

  A012000751 

 Je viens tout maintenant d'aupres de luy, et luy ay representé ce que vous aves desiré, a quoy il s'est rendu fort aysé; et ne pouvant employer beaucoup de tems a la consideration de l'affaire pour tant d'affaires que la soudaineté de son despart luy a apportés, il a commandé sur le champ et en ma presence a monsieur le præsident Floccard de le despecher au plus tost que faire se pourra.

  A012000795 

 C'est pourquoi je dois vous remercier d'abord, comme je le fais très humblement, des faveurs infinies dont, par votre bonté, vous m'avez comblé pour ma consolation et pour le bien de cette province, de laquelle vous êtes non seulement le bienfaiteur signalé, mais aussi le père très aimant.

  A012000795 

 J'ai appris avec un déplaisir incroyable que Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime est sur le point de terminer sa fructueuse nonciature.

  A012000796 

 Pour ce qui concerne les âmes, j'ai trouvé que, malgré la guerre, le nombre des convertis s'est accru depuis Noël, bien que sous la domination du lieutenant du gouverneur donné par le roi de France, lequel pendant qu'il était là était huguenot au suprême degré, quelques brebis se fussent d'abord égarées; mais elles sont peu en quantité et nulles en qualité.

  A012000797 

 Mais quant au moyen de doter les églises, la difficulté est très grande pour les mêmes raisons qui ont existé jusqu'ici: c'est-à-dire Tous cherchent leurs intérêts, jusqu'à M. le Prévôt du Grand-Saint-Bernard qui, sous certaines prétentions de nominations qu'il [63] avait avant l'invasion de l'hérésie, traverse cette œuvre partout où il peut, et lui, qui n'a jamais paru au temps du labeur, veut maintenant s'emparer des bénéfices; de sorte que, craintes au dehors, combats au dedans.

  A012000798 

 Aux fêtes de Pentecôte on donna [64] commencement [à cette œuvre] dans ce bailliage (distant d'une demi-lieue de Genève, c'est-à-dire deux milles), et cela avec tant de secours du Saint-Esprit que, m'y étant rendu le mercredi de la même semaine, j'y trouvai, en deux paroisses, plus de cent familles catholiques.

  A012000798 

 Il est vrai que ce bailliage n'étant pas très éloigné des nouveaux Catholiques du Chablais d'un côté, et des anciens de notre côté du Genevois, les habitants étaient déjà à moitié instruits de la sainte religion.

  A012000799 

 Là aussi il faudra pourvoir de pasteurs, car ce bailliage est maintenant entièrement huguenot et occupé par les Genevois, qui demeureront bien compromis par l' Intérim s'ils sont contraints de restituer les biens ecclésiastiques.

  A012000800 

 Tel est l'état de nos affaires, auxquelles je supplierai très instamment Votre Seigneurie Illustrissime de daigner continuer sa sollicitude accoutumée, et surtout de les recommander vivement à son illustrissime successeur.

  A012000801 

 C'est pourquoi les Pères Jésuites ont jugé qu'il serait à propos de l'en faire [66] relever afin qu'elle puisse se marier.

  A012000801 

 Je supplie donc Votre Seigneurie de vouloir bien nous donner le pouvoir de lui accorder la dispense requise, et de me pardonner si j'ose recourir à Elle avec tant de liberté, car son infinie bonté seule en est cause..

  A012000802 

 Pour moi, je prierai toujours le Seigneur de vous conserver et de vous accorder une très longue vie, telle qu'elle est nécessaire pour le bien de l'Eglise.

  A012000808 

 M gr l'Archevêque de Vienne est à Thonon en très bonne santé; il [67] opère beaucoup de fruit parmi ces populations, se donnant tout entier à la consolation de la conversion de ces âmes.

  A012000814 

 Religionis nimirum causa est quæ, cum ubique quidem, apud me vero quam maxime precipua esse debebit, me tanta vi abducit et abstrahit.

  A012000821 

 Je n'ignore pas avec quel empressement cette excellente mère Vous avertira de mon passage, elle qui m'a embrassé avec une [68] âme débordante de joie, et qui n'eût pas consenti à me laisser partir si je ne l'avais contrainte à constater combien est urgente la cause de mon départ.

  A012000821 

 Vous-même, du reste, pouvez juger de cette urgence, puisqu'elle m'oblige à m'éloigner sans vous saluer, vous qui alliez si tôt revenir, vous qu'une si petite distance séparait de moi! Il s'agit de la religion; or, cette cause qui est la première pour tous, doit l'être surtout pour moi, qu'elle soulève et entraîne avec tant de force.

  A012000847 

 C'est pourquoi M. le baron de Lux, bon Catholique, a mandé au roi pour avoir la solution de cette difficulté, et M gr l'Evêque a aussi, de son côté, écrit à Sa Majesté et à M. le Nonce de France, afin que ses droits et les nôtres soient sauvegardés..

  A012000848 

 Mais ceci est peu de chose si le Saint-Siège n'emploie fortement [71] son autorité auprès de Sa Majesté, afin que, sans égard aux Genevois, on exécute cette restitution des biens de l'Eglise; par ce moyen, ces hérétiques recevront le plus grand affront qu'on leur ait jamais fait jusqu'à présent.

  A012000848 

 Sans cette mesure, la religion ne pourra être rétablie; car il est impossible de pourvoir ce pays de pasteurs si on ne pourvoit les pasteurs des ressources nécessaires et d'une église.

  A012000849 

 C'est que, ma famille ayant beaucoup souffert par le malheur des temps passés, et me trouvant privé de mon père depuis trois mois, je ne suis pas en mesure de faire une grande dépense.

  A012000849 

 Ce n'est pas certes que je désire cette dignité, dont le poids m'a toujours paru formidable, surtout dans ces temps de confusion et de trouble; [72] mais c'est pour ne pas résister à l'avis de tant de gens de bien qui ont jugé que je ne devais plus retarder cette affaire.

  A012000849 

 Cette église est dépouillée de la plus grande partie de ses revenus, qui sont entre les mains des ennemis de la foi; de plus, il y a tant de travaux à supporter que son Evêque ne peut manger qu'au prix de beaucoup de sueurs le peu de pain qu'elle lui donne..

  A012000849 

 L'autre chose est que, en étant vivement sollicité par M gr l'Evêque de Genève et aussi, pour le dire franchement, par toutes les personnes les plus notables et les plus distinguées du diocèse, non seulement ecclésiastiques mais encore laïques, cédant enfin à leurs instances j'ai consenti à ce que l'on reprit les négociations commencées pour m'obtenir la coadjutorerie de cet évêché avec future succession.

  A012000849 

 Si elle est nécessaire, je ne pourrai poursuivre cette affaire, d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'une chose présente, mais future, ni d'avantages, mais de peines incroyables.

  A012000877 

 Puisque les divers besoins de ce diocèse me donneront souvent occasion de recourir à l'autorité de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, il m'a semblé que je pouvais et devais commencer par celui-ci, qui est remarquable et très important..

  A012000878 

 C'est pourquoi, le baron de Lux manda au roi pour avoir la solution de cette difficulté; Monseigneur lui écrivit ensuite de son côté au sujet de cette affaire, ainsi qu'à M. le Nonce de France..

  A012000878 

 Le pays de Gex, occupé jusqu'à présent par les Genevois, est tombé, par les articles du traité de paix, entre les mains du roi de France, au nom de qui le baron de Lux en a pris possession depuis peu, en déclarant que l'intention du roi était d'y rétablir l'exercice de la foi catholique au moyen de l' Intérim de la même manière qu'il se [75] pratique en France.

  A012000880 

 C'est en baisant très humblement les mains vénérées de Votre Seigneurie que je lui souhaite de Dieu notre Seigneur, avec tout vrai [76] contentement, un bon commencement, un meilleur progrès et une excellente fin de son importante nonciature..

  A012000896 

 Le saint effect de l'edit que je propose rendra tous-jours plus admirable a tous les vrays [78] Catholiques la religion et grandeur de courage de Vostre Altesse, et la douceur d'iceluy forcera tous ses adversaires d'en reconnoistre la clemence, mesme apres tant de soin qu'ell'a eu de faire proposer les instructions a ce peuple, duquel maintenant ell'est maistresse sans dependence d'aucun traitté ni condition, ne le tenant que de Dieu..

  A012000896 

 Plusieurs, par ce moyen, eviteront le bannissement du Paradis pour ne point encourir celuy de leur patrie; les autres, qui seront fort peu en nombre, sont de telle qualité que Vostre Altesse gaignera beaucoup en les perdant, gens desquelz l'affection est des-ja pervertie et qui suyvent le huguenotisme plus tost commun parti que comme une religion.

  A012000898 

 Mais puisque les grans princes ont soin de toutes les pieces de leurs estatz, il est raysonnable que chacune leur contribue les advis qui semblent estre pour leur service; ce que je fay avec toute franchise a l'endroit de Vostre Altesse, pour la singuliere debonaireté que Dieu luy a donnée, et de laquelle je me prometz le bonheur d'estre tousjours avoué,.

  A012000909 

 Je prendray le plus d'instruction que je pourray des particularités requises pour ce tant signalé commencement d'une œuvre de laquelle la gloire estant toute a Dieu, comme a sa source, doit neanmoins verser beaucoup d'honneur sur vous, qui estes le principal instrument duquel il s'est voulu servir..

  A012000935 

 Et parce que le roi demandait que, quant au nombre, on s'en tînt exactement à celui qui serait marqué par M. le baron de Lux, lieutenant dans le gouvernement de Bourgogne, Bresse et autres pays récemment réunis au royaume, je suis venu ici pour apprendre plus particulièrement comment cette affaire doit se traiter; ce qui n'est pas encore résolu..

  A012000936 

 Autant que j'ai pu le découvrir, le roi voudrait de toute façon avoir quelque bon prétexte pour enlever lesdits revenus à cette ville, sans offenser les cantons hérétiques des Suisses et la reine d'Angleterre qui font beaucoup d'instances en faveur des Genevois; et ce qu'il désire c'est d'en être pressé au nom du Saint-Siège, auquel il n'y aurait pas lieu de refuser une si juste requête..

  A012000937 

 C'est pourquoi, avant de m'en retourner en Savoie, il m'a semblé utile de donner connaissance de cette particularité à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, la suppliant très humblement d'exercer en cette occasion le saint zèle que Dieu lui a inspiré pour le bien de la sainte Eglise.

  A012000947 

 Et au progres des discours que j'ay eu avec luy, j'ay treuvé que le Roy et ses gens sont fort disposés a nous rendre nos biens, c'est a dire les biens de nostre Chapitre qui sont riere Gex, mais il desireroit d'en estre recherché et pressé par Sa Sainteté.

  A012000947 

 L'importance sera d'obtenir de nostre Saint Pere quil y mette de la ferveur et face que son Nonce qui est en France empoigne vivement ceste sollicitation..

  A012000948 

 Mays ce n'est que peu de chose d'une lettre, car elle n'a point de replique.

  A012000949 

 Neanmoins, encor ay je apprins que c'est par ce [que] les cantons huguenotz et la Reyne d'Angleterre s'entremettent pour ceux de Geneve, qui sont les possesseurs ou usurpateurs desdits biens, et le Roy voudroit avoir un juste prætexte pour les esconduire.

  A012000949 

 Outre cela, il y a un point encor plus important, qui est quil seroit expedient que Monseigneur le Cardinal escrivit une lettre a Monseigneur de Geneve, par laquelle il luy donnast courage de demander la restitution de ses biens qui sont a Gex, et un'autre au Nonce, affin quil l'assistast en ceste demande.

  A012000960 

 Or, auparavant la guerre, ceste possession n'estoit pas legitime; elle ne l'est donq pas maintenant.

  A012000960 

 Que si elle ne l'est pas, elle ne doit pas estre maintenue.

  A012000961 

 Que sil est nul, ceux de Geneve ne s'en peuvent prævaloir..

  A012000974 

 C'est pourquoy j'ay voulu vous envoyer immediatement ces advis pour prendr'occasion de vous demander la faveur de vos bonnes graces et vous offrir mon humble service, me promettant aysement d'estre gratiffié par vostre bonté..

  A012000974 

 En quoy, [87] bien que j'eusse desiré de le servir comm'en toute autre occasion, pour son respect, si est ce que la volonté m'en est beaucoup augmentee quand il m'a dit quil faysoit ceste recherche la pour vous.

  A012001006 

 C'est ce que je fais actuellement, vous suppliant de daigner agréer l'ardente affection avec laquelle le peu que je suis vous est dédié.

  A012001007 

 Au premier, qui est soumis au roi de France, ont été érigées trois paroisses, dans lesquelles on a installé trois de nos chanoines pour la sainte prédication.

  A012001007 

 Je vais maintenant rendre compte à Votre Seigneurie des progrès [de la religion] dans ce diocèse, en lui disant qu'ils sont très heureux, non seulement à Thonon et Ternier, car cela est désormais ancien; mais aussi, tout récemment, dans les bailliages de Gex et de Gaillard, qui s'étendent jusqu'aux portes de Genève.

  A012001008 

 Je me propose toutefois de revenir au plus tôt pour le saint Jubilé de Thonon, surtout s'il est vrai, comme on nous le dit, que nous jouirons alors du bienfait de la présence de Votre Seigneurie Illustrissime qui sera, de toute façon, très utile et très fructueuse..

  A012001009 

 Aujourd'hui elle est dans l'état et a l'apparence d'une maison sortie depuis peu d'entre les mains des soldats et des hérétiques, c'est-à-dire ruinée, et semblable à une cabane destinée à retirer les fruits..

  A012001009 

 Pour répondre aux points touchés par Votre Seigneurie, je dirai [91] au sujet de la Maison de Thonon que, par son moyen, la bienheureuse Vierge, à qui elle est dédiée, foulera et brisera la tête venimeuse du serpent qui s'est refugié à Genève et à Lausanne; la religion sera rétablie dans le Valais, pays très corrompu et ravagé en ce qui concerne l'Eglise; elle illuminera les ténèbres des Bernois et autres Suisses; en un mot, le bien que ce dessein peut apporter à toutes ces provinces est indicible.

  A012001010 

 Mais il est surtout requis qu'on mette bientôt la main à l'œuvre, réellement et sérieusement, car les bonnes intentions servent de peu.

  A012001011 

 C'est tout ce que j'ai pu savoir au sujet de cet homme..

  A012001011 

 Paschali a eu trois fils, dont deux sont tenus pour morts, l'un en Piémont, l'autre en un lieu inconnu; le troisième est chez lui et se nomme Prosper.

  A012001025 

 Ce pacquet est fort a propos de ces bonnes festes.

  A012001025 

 Nous avons deux proces, ou mediatement ou immediatement, avec le procureur Chappaz: l'un est en estre, celuy des Miucet; l'autre n'est qu'au projet dudit Procureur, qui est celuy quil prætendoit mouvoir pour la [95] mayson de monsieur Jan de la Thuille.

  A012001025 

 Or, monsieur Machet ayant ouvert le propos de venir en appointement de l'un et de l'autre, hier ledit Procureur me vint voir fort tard, et de cent mille paroles je tiray quil desiroit fort nostre amitié; ou il est le plus grand dissimulateur du monde.

  A012001026 

 Je cuyde que ma persuasion est juste et bonne, et que nul ne doit refuser appointement.

  A012001026 

 Pour moy, [96] je tiens que c'est a bon escient et que si l'inconstance ne le gaste il sera fort nostre.

  A012001045 

 Me voyci a Messemieu avec monsieur nostre Præsident, et chez luy, devans partir tous deux aujourdhuy pour aller a Dijon, luy, a la solicitation d'un proces qui luy est important, moy, pour y trouver monsieur le mareschal de Biron et monsieur le baron de Lux desquelz je prætens obtenir une puissante recommandation aupres du Roy, ou, des Dijon, je m'achemineray pour nos affaires de Gex desquelz voyci l'estat..

  A012001047 

 Or, Dieu merci et vous, le Pape nous veut ayder; cela y est extremement requis.

  A012001069 

 Je suis marry que la despence soit si grande que des-ja nous soyons en faute d'argent; toutefois, ce n'est ni faute d'espargne ni faute de soin, mays parce que tout nous a esté fort cher.

  A012001089 

 Mays pour le second, la resolution ne s'en est encor pas peu prendre; ce sera neantmoins dans peu de jours, si mon credit ne manque en ceste ville, si non pour le tems que nous desirerions, au moins sera ce quelque chose autour.

  A012001091 

 Et notes que si maintenant je ne fay rien, la porte de ceste esperance sera fermëe pour un grand tems; c'est cela qui me fait opiniastrer et rendre importun..

  A012001091 

 Touchant l'affaire pour lequel je suys icy, je vous diray en deux motz que je ne fus jamais tant empesché, renvoyé que je suis au Conseil, dans lequel je trouve tout le monde reconnoissant que ma demande est extremement juste; mays au reste, tout y va sur les respectz et retardations mal fondees a mon advis.

  A012001093 

 Il s'est icy parlé de guerre, mais vaynement et sans occasion; je croy que Dieu nous continuera la paix.

  A012001096 

 Ce pendant, voyci l'advis que je luy donne: monsieur le baron de Lux poursuit pour avoir ce prieuré pour un fort honneste ecclesiastique, gentilhomme de Bourgoigne, et, a mon advis, le seul fondement de vacance quil prætende est tel: Nul homme ne [105] peut avoir benefice en France qui ne soit naturalisé françois selon le concordat; or, monsieur Persiani ne l'est pas, donques son benefice est vacquant.

  A012001096 

 Or, ne sçai je si ledit prieuré est deça ou dela le Rosne; car sil estoit deça, necessairement on le voudroit reduire a la forme des benefices de France.

  A012001115 

 L'affaire pour la sollicitation duquel je suis icy est de si delicate conduitte et bigearre poursuitte que je n'ose encor vous en rien promettre, si ce n'est que je continueray d'y mettre tout le soin et affection que vous desires pour le faire resoudre; ce que j'espere pouvoir bien tost obtenir, sinon avec toutes les bonnes conditions que tous les bons desirent, au moins avec quelque advantage qui nous puisse servir de sujet pour une meilleure esperance.

  A012001134 

 J'apprehende infiniment de m'en retourner sans autre expedition que d'esperances; neantmoins ma conscience me tesmoigne que j'ay fait tout ce que je pouvois, et estime que si la moisson ne suit pas de si pres le travail et la semence que j'ay fait en ce voyage, elle s'en recueillira neantmoins une fois et dans quelques moys; en fin, qu'en faysant nostre devoir et ce qui est en nous, il faut subir les effectz que la providence de Dieu a establis..

  A012001134 

 Si cela est, il vous dira mieux qu'homme du monde le succes et la route que mon affaire a prins en ceste court; aussi bien ne sçaurois-je pas vous l'escrire.

  A012001134 

 Si cela n'est point, j'en escris un eschantillon a monsieur le Vicaire mon frere, affin qu'il vous en face rapport.

  A012001153 

 Je m'essayeray a me desvelopper le plus tost que je pourray, [109] mais le train des affaires est si malaysé en ceste court que quand on pense estre delivré, on est le plus embarrassé.

  A012001154 

 Monseigneur, je suis si pressé qu'il ne me reste plus de loysir que pour vous bayser tres humblement les mains et supplier de me continuer la faveur de vos graces, comme a celuy qui est a jamais,.

  A012001174 

 Ce qu'il y a de plus considerable c'est le sommaire tres fidelle des rares et eminentes vertuz dont Dieu avoit orné la belle ame et assorti le riche naturel du prince decedé.

  A012001175 

 Que si, apres cela, on veut considerer ce qu'il y a du mien, rien sans doute que la sincerité de mes affections et respectz, qui ne mourront jamais pour la memoire de ce prince, qui ne doit jamais mourir en celle de tous les bons, mais principalement en la vostre, Madame, qui trouves advantageusement dans les vertuz de ce grand prince et cher espoux deffunct, comme aussi dans les vostres qui luy estoyent communes, dequoy vous consoler dans ceste sensible privation; quoy que la plus solide, la veritable et la plus chrestienne consolation est celle que vous aves puisee dans la source, qui est la volonté de Dieu, qui seul en ceste occasion a donné ce grand calme et ceste absolue resignation qui paroist en vostre esprit..

  A012001176 

 Ce n'est pas qu'apres cela, s'il est permis, comme il l'est sans doute, de rechercher quelque adoucissement au dehors, vous n'en ayes un tres grand dans le pretieux gage que ce grand prince vous a laissé de vostre mariage; je veux dire en madamoyselle de Mercœur, laquelle estant une image vivante du pere, elle est aussi la legitime heritiere de ses vertuz, dont il a laissé le soin a vostre conduitte, Madame, pour les cultiver par la noble et chrestienne education que vous luy reserves.

  A012001177 

 C'est la tres humble supplication que vous fait,.

  A012001193 

 Je bayse les mains a monsieur Reydet, a messieurs Gojon et autres de ma connoissance, mays sur tout a nostre R. P. Juvenal, s'il est encor a Rome, [115] dequoy je suis entré en doute par ce que on m'a dit quii venoit et estoit deputé pour Thonon..

  A012001212 

 Je ne sçaurois respondre a la courtoisie dont la lettre que monsieur vostre filz m'a donnee de vostre part est remplie, car je n'ay pas asses de bonnes et belles reparties [116] d'esprit.

  A012001212 

 Mais je pense bien avoir asses de vraye et franche affection pour correspondre a la faveur que vous me faittes de m'aimer, si ell'est mesuree par l'estendue de son acte et non pas par le merite de l'agissant; car a ce prix, toute mon ame demeureroit bien bas et hors des prises de la comparaison..

  A012001213 

 J'accepte tout ce que vous me donnes, et vous et madamoiselle vostre partie et la benediction des enfans que Dieu vous a donnés, affin de ne vous envier pas la part que vous aures en la sentence: Beatius est dare quam accipere.

  A012001213 

 Mais trefves je vous supplie, Monsieur; mon cœur ne peut pas garder les regles de la contenance au sujet de vostre amitié, il en est trop vivement esmeu.

  A012001217 

 Monsieur, le papier me manque et, en devisant avec vous, l'appetit m'est creu jusques a me porter en ce coin ou je n'ay plus de lieu que pour me recommander humblement a vos bonnes prieres et a vos graces et a celles de madamoiselle vostre femme, et me dire pour toute ma vie,.

  A012001234 

 Ce pauvre homme d'Eglise a estimé quil auroit plus d'accès a vostre charité s'il avoit en main un'attestation de moy de la necessité en laquelle il est; et par ce qu'elle m'a esté asseuree d'asses bon lieu, je n'ay sceu luy refuser ceste assistence, laquelle il m'a fort instamment [119] demandee, me conjurant par toute la compassion qu'un Chrestien doit a un autre.

  A012001234 

 Je vous supplie tres humblement, Madame, de n'en point estre importunee, puis que la renommee de vostre bonté et charité est cause qu'elle m'a esté si fort demandee, et l'asseurance et certitude que j'en ay m'a donné le courage de l'oser faire..

  A012001244 

 Mais je suis embarqué dans le coche de Chalons qui est inexorable a [120] divertir de son chemin, et d'ailleurs je suis un petit pressé de faire mon retour, qui m'empeche de chercher autre moyen de me rendre a vostre Champcenai.

  A012001244 

 Mais puisque je ne puis pas, et qu'aussi est ce un foible tesmoignage de l'affection des serviteurs d'aller faire bonne chere a la table de leurs maistres, je vous conjure, par nostre ancienne connoissance et reciproqu'amitié, de faire treuver bonne mon excuse a mesdits sieurs d'Acy et de Manœuvre, et de les asseurer que je prise leur bienveüillance autant qu'autre homme auquel ilz en puissent faire part, et que je suis infiniment obligé a la courtoisie dont ilz m'ont prevenu, et m'en tiens pour redevable serviteur.

  A012001245 

 Quant a vous, je me prometz que vous m'aymeres au travers de toutes les distances du monde, lequel n'est pas asses grand pour borner l'activeté de nostre amitié; car je juge de la vostre par celle que je sens en mon ame, nonobstant la difference que l'object y peut apporter, qui se treuve aussi grand pour mon action quii est petit pour [121] la vostre; mais l'agent de vostre part ne doit estre vaincu.

  A012001296 

 C'est ce qui nous a fait penser a un autre remede, qui est d'emprunter sil se peut, quelque bonne somme de deniers, pour, par apres, vendre et mesnager a l'aise nos desseins; et nous sommes advisés de monsieur de Prangin, lequel on estime en semblables occasions asses bon medecin, pour autant quil a les drogues necessaires, pourveu que son urgent soit bien asseuré.

  A012001296 

 Neanmoins, ma mere et ses confederés ont tant fait que le premier payement de six mille francz est prest.

  A012001296 

 Or, en cas quil le voulut, nous [125] nous essayerions de le luy bien asseurer, et, au moins pour mille escus, estimons-nous que monsieur Muneri nous fera le bien de nous cautionner, d'autant que c'est la somme laquelle, ou environ, l'hoire du Baron d'Hermence, de laquelle il est curateur, nous doit encores.

  A012001296 

 Reste quatre mille escus, lesquelz nous ne pouvions assembler que par l'exaction de l'argent qui nous est deu et par des ventes d'autres biens, et des engagemens; mais tout cela ne se peut bien faire qu'avec du loisir, comme vous pouves penser.

  A012001298 

 Et en cas que monsieur de Prangin vous semble le plus duisant, vous pourriés, sil vous plait, me mettre en consideration, et ma promotion a l'evesché, bien que la verité est que cela ni apporte rien; mais je le dis seulement par ce quil m'ayme et me connoist, et que telle cause est probable.

  A012001299 

 J'attens de jour a autre les despeches de Romme necessaires pour la resolution et execution de l'affaire de l'evesché; les ayant, je vous en feray sçavoir des nouvelles et ne parleray plus que des choses spirituelles, attendant cependant de vous des nouvelles de ces choses [126] temporelles, que je vous supplie d'embrasser pour ceste mayson, qui vous est entierement acquise et servente, et de moy en particulier, qui ay tous-jours esté et seray toute ma vie,.

  A012001318 

 At vero (quæ est horum temporum injuria!) vix quidquam tandem post multam tam sancti negotii jactationem consecuti sumus, præterquam quod tribus in locis nobis religionis Catholicæ mysteria peragere liberum est, addito in id pro sacerdotibus nostris annuo commeatu.

  A012001321 

 Id omnium mihi reliquum est, ut Providentiæ divinæ me et rem universam expansis velis committam; et tibi, Pater Beatissime et Clementissime, quantas possum maximas gratias agam, ob illa immensa beneficia quibus me Apostolica tua munificentia cumulasti; cum non tantum episcopatum concessisti, sed ea omnia quæ de more ad ærarium sive censum Apostolicum ex ea concessione manare debuerant, summa et tanto culmine digna liberalitate remisisti..

  A012001328 

 C'est ainsi qu'après neuf mois entiers, j'ai été contraint de m'en retourner sans avoir presque rien fait..

  A012001328 

 L'Evêque de Camerino, son Nonce, personnage plein de zèle et d'une rare prudence, s'y est aussi activement employé.

  A012001329 

 Homme de foi antique, de mœurs antiques, d'antique piété et d'antique constance, il est digne assurément d'immortalité et sa mémoire mérite d'universelles bénédictions..

  A012001331 

 Et à vous, Père très saint et très clément, je rends autant qu'il est en moi les plus vives actions de grâces pour les immenses bienfaits dont votre munificence apostolique m'a comblé.

  A012001332 

 Pour un tel bienfait, je ne puis en rien témoigner ma gratitude si ce n'est par ma bonne volonté reconnaissante et dévouée.

  A012001341 

 Ea autem occasione, Catharina Aurelianensis, Princeps a Longavilla, virgo non tantum magnorum Principum sanguine, sed etiam, quod caput est, [131] Christi charitate perillustris, quæ per id tempus monasterium fœminarum Ordinis Carmelitarum reformatarum in ipsa Parisiensi civitate fundare animo moliebatur, me aliquot excellenti pietate et doctrina theologis adjungendum duxit, quorum sententiis animi sui consilium et sensum expenderet et probaret.

  A012001342 

 Veruni huic difficultati obviam itum est, ex recenti exemplo ejus monasterii illius ejusdemque Ordinis, quod in Urbe unius ex Patribus Congregationis Oratorii curæ commissum est.

  A012001343 

 Ita factum est satis, ut aliud superesse non videretur quam ut sacrum hoc negotium Sanctæ Sedis Apostolicæ judicio fulciretur, et Regis voluntati permitteretur: ac Regis quidem, præter multorum spem, statim consensus accessit.

  A012001351 

 A cette occasion, madame Catherine d'Orléans, princesse de Longueville, très illustre non seulement par la noblesse des [131] princes de sa maison, mais encore, ce qui est le principal, par son amour pour le Christ, ayant projeté de fonder à Paris un monastère de femmes de l'Ordre des Carmélites réformées, jugea bon de m'adjoindre à d'autres théologiens d'une piété éminente et d'un profond savoir pour délibérer ensemble sur ce projet de fondation.

  A012001352 

 Mais ayant considéré qu'il s'est établi tout récemment à Rome un monastère de Carmélites, qui est confié aux soins d'un Père de la Congrégation de l'Oratoire, la difficulté s'évanouit aussitôt.

  A012001353 

 C'est pourquoi ce messager va se jeter aux pieds de Votre Sainteté pour la supplier d'accorder ses Bulles apostoliques, afin d'assurer l'établissement et la consolidation de cette œuvre..

  A012001385 

 J'ayme en tout la simplicité et la candeur; je croy que [136] vous l'aymes aussi, ce que je vous supplie de continuer, parce que cela est fort seant a vostre profession.

  A012001386 

 Je n'ose pas pourtant rejetter ces inclinations, parce qu'elles sont bonnes et sinceres, mays sur tout parce que je croy fermement que c'est Dieu qui me les a donnees.

  A012001386 

 Or, c'est un vent qui agite maintenant mon esprit en l'affection qu'il vous porte, et ne sçaurois m'empescher de vous le nommer; car c'est le seul sujet qui m'a fait desrober ce loysir pour vous escrire, a la presse d'un monde d'affaires qui m'environnent en ce commencement de ma charge..

  A012001386 

 Que si elles me mettent en danger de quelques inquietudes, ce n'est pas par leurs qualités, mais par la foiblesse de mon esprit qui est encor sujet au mouvement des vens et de la maree.

  A012001390 

 L'aigneau pascal doit estre sans macule vous estes des aigneaux de la Pasque, c'est a dire du passage, car vous aves passé de l'Egypte du monde au desert de la Religion, pour vous acheminer en la terre de promission.

  A012001391 

 Il est aysé de destourner les fleuves en leur origine, ou ilz sont encor foibles; mais plus avant ilz se rendent indomptables.

  A012001391 

 L'aspic de dissolution et de desreglement n'est pas encor esclos en vostre mayson, mais prenes bien garde a vous: ces defautz en sont les œufz; si vous les couves en vostre sein, ilz esclorront un jour a vostre ruine et perdition, et vous n'y penseres pas..

  A012001391 

 La fille de Babylone est miserable; oh, que bienheureux est celuy qui escrase et brise tes petitz contre la pierre. Le desordre, le desreglement des Religions est vrayement une fille de Babylone et de confusion; ah, que bienheureux sont les espritz qui n'en souffrent que les commencemens, ou plustost les terrassent ou fracassent a la pierre de la reformation.

  A012001392 

 C'est aussi une grande tare a la bonté de vostre mayson d'y avoir des pensions particulieres et semblables defautza, apres que l'on y veu tant d'autres qualités luables; soyés donq fideles en la reformation de ces menues imperfections, affin que vostre Espoux vous constitue sur beaucoup de perfections et qu'il vous appelle un jour a sa gloire..

  A012001392 

 Et certes, toutes proprietés et particularités de moyens en Religion se reduisent a mammon de l'iniquité! « C'est pourquoy, » disoit il, « ces pauvres vierges sont appellees folles, par ce qu'apres avoir dompté le plus fort elles se rendent au plus foible.

  A012001392 

 Mays si ces defautz sont petitz, comme il peut sembler a quelques unes, n'estes vous pas beaucoup moins excusables de ne les pas corriger? Quelle misere, disoit aujourd'huy saint Chrisostome en l'homelie de l'Evangile de sainte Cecile, de laquelle nous faisons la feste; quelle misere, disoit il, de voir une trouppe de filles avoir [140] combattu, battu et vaincu le plus fort ennemy de tous, qui est le feu de la chair, et neanmoins se laisser vaincre a ce chetif ennemy, mammon, dieu des richesses.

  A012001392 

 » Vostre mayson excelle en beaucoup d'autres perfections et est incomparable en icelles a toute autre: ne sera-ce pas un grand reproche d'en laisser ternir la gloire par ces chetifves imperfections? On vous appelle par une ancienne estime et prerogative de vostre mayson, Filles de Dieu: voules vous perdre cest honneur par le defaut d'une reformation en ces petites defectuosités? pour un potage de lentilles, perdre la primogeniture que vostre nom semble vous avoir donnee par le consentement de toute la France? C'est, a la verité, une marque de tres grande imperfection au lion et a l'elephant, qu'apres avoir vaincu les tigres, les boeufs, les rhinoceros, ilz s'effrayent, s'espouvantent et tremoussent, le premier devant un petit poulet, et l'autre devant un rat, dont la seule veuë leur fait perdre courage: cela est un grand deschet de leur generosité.

  A012001393 

 Ces defautz de vostre mayson semblent bien minces; mais leur malice est si grande qu'elle gaste vostre vœu de pauvreté..

  A012001393 

 Est ce, je vous supplie, un petit mal que celuy qui attaque et gaste une partie noble de vostre cors, a sçavoir le vœu de pauvreté? On peut estre bonne Religieuse sans chanter au chœur, sans porter tel ou tel habit, sans telle ou telle abstinence; mais sans la pauvreté et communauté, nulle ne le peut estre.

  A012001393 

 Ils sont, a la verité, petitz si on les met en comparaison des plus grans, car ce ne sont que commencements, et tout commencement, soit en mal soit en bien, est tous-jours petit; mais si vous les consideres en comparaison de la [141] vraye et entiere perfection religieuse a laquelle vous deves aspirer, ilz sont sans doute tres grans et tres dangereux.

  A012001394 

 L'esprit a engendré le bon Isaac: c'est le vœu que vous aves fait comme un sacrifice volontaire sur la montagne de la Religion, ainsy qu'Isaac sur la montagne de Vision s'offrit de volonté en sacrifice.

  A012001394 

 La chair et partie corporelle n'engendre qu'Ismaël: c'est le soin et desir des choses exterieures et temporelles.

  A012001394 

 Pendant que cet Ismaël, ce soin et desir n'attaque point vostre Isaac, c'est a dire vostre vœu et profession, bien qu'il demeure chez vous et en vostre mayson, j'en suis content, et, ce qui est le principal, Dieu n'en est point offensé.

  A012001394 

 Qu'il soit tant petit qu'il voudra, qu'il soit tant enfant qu'il vous plaira, qu'il ne soit pas plus grand qu'une fourmy; mais il est mauvais, il ne vaut rien, il vous ruinera, et gastera vostre mayson..

  A012001394 

 [L'une est] ceste partie superieure et en certaine façon surhumaine, l'esprit et l'interieur; et l'autre, plus basse et humaine, est le cors avec son exterieur.

  A012001394 

 [Vostre mayson est une vraye mayson d'Abraham,] c'est a dire du grand Pere celeste; il y a une Sara et une Agar.

  A012001395 

 Encor treuvé je ce mal en vostre mayson bien grand parce qu'il y est maintenu, parce qu'il y est en repos et qu'il y sejourne comme habitant ordinaire; c'est le grand mal que j'y voy, que ces particularités sont meshuy bourgeoises.

  A012001395 

 Je veux que les manquemens et defautz de vostre mayson ne soyent que mouches, mais le mal est qu'elles s'arrestent sur vostre unguent, elles y arrestent et y sont ensevelies avec faveur.

  A012001395 

 Pour petit que soit le mal, il croist aysement quand on le flatte et qu'on le maintient: nul ennemy, disent les soldatz, n'est petit quand il est mesprisé.

  A012001396 

 C'est des-ja un mauvais mot que celuy de permission et licence parmi l'esprit de perfection: il seroit mieux de vivre sous les lois et ordonnances que d'avoir des exemptions, licences et permissions.

  A012001397 

 Appellés cela comme vous voudres, mais c'est une pure proprieté; car la ou il n'y a point de proprieté « il n'y a point de mien et de tien, qui sont les deux motz qui ont produit le malheur du monde.

  A012001397 

 Il y a des permissions qui peuvent estre aucunement bonnes, mais celle cy ne l'est pas, car c'est en fin une proprieté, quoy que voilee et cachee; c'est l'idole que Rachel tenoit cachee sous sa robe.

  A012001397 

 Mays, outre cela, je dis qu'il n'est rien de si semblables que deux gouttes d'eau: neanmoins, l'une peut estre de roses, et l'autre de ciguë; l'une guerit, et l'autre tue.

  A012001397 

 On dit que la Superieure le permet et que c'est sous son bon playsir: voyla Rachel qui parle.

  A012001397 

 Si ce n'est pas proprieté, [que veut dire] que l'une a plus de commodité sans necessité, et l'autre plus de necessité [144] sans commodité? Que veut dire qu'estant toutes seurs, vos pensions ne sont pas seurs? L'une souffre et l'autre ne souffre point; l'une a faim, diray je presque comme saint Pol, l'autre abonde: ce n'est pas la une Communauté de Nostre Seigneur.

  A012001398 

 Les abeilles ayment leurs ruches, qui sont comme leurs maysons (je vous dis un jour que c'estoit comme des religieuses naturelles entre les animaux); mays elles ne laissent pas d'esplucher par le menu ce qui y est et de les purger a certains tems.

  A012001398 

 Mais prenes garde, je vous supplie; car l'amour propre est rusé, il se fourre et glisse par tout, et nous fait accroire que ce n'est pas luy.

  A012001398 

 Rien n'est si constant sous le ciel qui ne flechisse; rien de si pur qui ne recueille quelque poussiere..

  A012001399 

 C'est bien fait de ne point dire inutilement les defautz que l'on voit dans les maysons et de ne les point [145] manifester; mays de ne les vouloir pas reconnoistre ni confesser a ceux qui peuvent estre utiles pour y donner remede, c'est un amour des-ordonné.

  A012001399 

 Je pense que vous en pouves bien dire autant de vostre mayson: elle est belle et vertueuse, c'est la verité; mais la longueur du tems et des annees a un petit alteré son teint.

  A012001399 

 L'Espouse au Cantique confesse son imperfection: Je suis noire, dit elle, encor que belle; ne prenes pas garde a ce que je suis brune, c'est le soleil qui m'a haslee.

  A012001399 

 Mais ici il n'en est pas besoin]; il suffit d'y appeller ceux qui y peuvent servir.

  A012001399 

 Pourquoy ne luy redonneres vous pas ses couleurs par une sainte reformation? Quand il y a quelque defaut passager dans une mayson, on le peut dissimuler; mais quand il est permanent et par maniere de coustume, il le faut chasser [a cor et a cry s'il en est besoin.

  A012001400 

 Au contraire, je pense que le monastere est pauvre par ce que ces pensions y sont.

  A012001400 

 Il y a en Italie deux nobles republiques, Venise et Gennes; a Venise les particuliers ne sont pas si riches qu'a Gennes, [mais la republique est bien plus riche que celle de Gennes.] La richesse des particuliers empesche celle du public.

  A012001400 

 Je pense qu'il y a un autre empeschement a la reformation de vostre mayson: c'est que, a l'adventure, vous estimes qu'elle ne pourroit se maintenir sans ces pensions par ce qu'elle est pauvre.

  A012001401 

 Il n'est pas requis en un homme laïc et mondain de s'appuyer en la providence de Dieu en la sorte que nous [146] autres ecclesiastiques devons faire; car il nous est defendu de thesaurizer et faire marchandises, mais il n'est pas defendu aux mondains; ni les ecclesiastiques seculiers ne sont pas obligés d'esperer en ceste mesme Providence comme les Religieux; car les Religieux y doivent esperer si fort qu'ilz n'ayent aucun soin de leur particulier pour avoir des moyens.

  A012001401 

 Or, entre les Religieux, ceux de saint François excellent en cest endroit, qui est la confiance et resignation qu'ilz ont en la Providence divine, n'ayant nul moyen ni en particulier ni en general, pratiquant pleinement la parole du Psalmiste: Jacta cogitatum tuum in Domino, et ipse te enutriet; Jette tout ton soin en nostre Seigneur, et il te nourrira.

  A012001401 

 Or, vostre condition religieuse vous oblige a vous resigner en la Providence de Dieu sans l'ayde ni faveur d'aucune pension ni proprieté particuliere; c'est pourquoy vous les deves rejetter..

  A012001402 

 David admire comme Dieu nourrit les petitz poussins des corbeaux; aussi est ce chose admirable.

  A012001403 

 Je loue leur methode, bien que ce ne soit pas la mienne, sur tout a l'endroit des espritz nobles et bien nourris comme sont les vostres; je croy qu'il est mieux de leur monstrer simplement le mal, et leur mettre le fer en main affin qu'ilz fassent eux mesmes l'incision.

  A012001403 

 Je me doute encor qu'il y ayt un autre empeschement a vostre reformation: c'est qu'a l'adventure, ceux qui vous l'ont proposee ont manié la playe un peu asprement.

  A012001405 

 Puisqu'il est le Dieu de paix, apaises vos espritz, mettes les en repos; ne permettes pas que la [coustume, la difficulté, je diray clair et nel, ne permettes pas que la] contention que vos espritz auront peut estre faite contre ceux qui vous auront cy devant voulu corriger, fasse aucun prejugé contre la lumiere celeste.

  A012001406 

 A ceux la vous deves confier vostre affaire, affin qu'ilz jugent de ce qui sera plus convenable; car vostre sexe est sujet des la creation a la condition de l'obeissance, et ne reussit jamais devant Dieu qu'en se sousmettant a la conduitte et instruction.

  A012001407 

 C'est cela qui m'a fait desirer qu'elle soit meilleure et parfaite.

  A012001407 

 C'est peut estre trop parler et trop escrire d'un sujet duquel vous aves, a l'adventure, les oreilles des-ja trop [150] battues; mais Dieu, devant lequel je vous escris, sçait que j'ay beaucoup plus d'affection que de paroles en cest endroit.

  A012001407 

 Il me fasche de voir de si grandes qualités, comme sont celles de vostre mayson, esclaves sous ces menues imperfections, et, comme parle l'Escriture, de voir vostre vertu reduite en captivité, et vostre beauté spirituelle entre les mains des ennemis. C'est pitié de voir une pretieuse liqueur perdre son prix par le meslange d'une petite souilleure, et un vin exquis, par le meslange de l'eau.

  A012001407 

 Je vous supplie et conjure, par la charité qui est entre vous, ostes de vostre mayson ce qui est de trop et adjoustes ce qui y defaut..

  A012001407 

 Ton vin, dit un Prophete, est meslé d'eau.

  A012001425 

 Aussi n'ay je pas estimé de le devoir refuser, car encor que sera avec vostre incommodité, neanmoins il en sera mieux et plus chaudement receu, et vous estes des-ja tant accoustumé a recevoir de nos importunités que ce ne vous est plus guere de peyne..

  A012001441 

 C'est pourquoi je vous supplie, sur l'occasion de ma promotion et reception a cest evesché, de m'accorder encor vostre faveur en deux demandes que je vous fais fort humblement: l'une, de m'aymer tous-jours et vous asseurer bien fort de mon service que je vous offre; l'autre, d'avoir aggreable la requeste que je fai presenter a messieurs du Senat, puis qu'ell'est droitte, juste et sainte, et pour un qui, priant Dieu pour vous, sera toute sa vie,.

  A012001517 

 A mon retour de Paris en ce pays, je trouvai M gr mon Révérendissime Evêque dont la mémoire est en bénédiction, retourné à son Créateur par un très heureux passage de cette vie à une vie meilleure.

  A012001517 

 [159] C'est pourquoi, les Bulles et le mandatum qui m'appellent à lui succéder étant arrivés, j'ai reçu la consécration épiscopale le jour de la Conception de la Vierge Marie, Notre Dame, entre les mains de laquelle j'ai remis mon sort, et le samedi suivant je me suis rendu ici, lieu de ma résidence.

  A012001518 

 J'ai appris seulement ces jours passés que Votre Seigneurie Révérendissime m'avait envoyé la Vie du Bienheureux Philippe et qu'elle [160] s'était égarée en route; cette perte m'est bien désagréable et dommageable, soit à cause du donateur soit à cause du don.

  A012001535 

 Ayés patience, je vous diray tantost que c'est.

  A012001536 

 C'est donques une bonne marque quand on ne s'arreste pas aux sentimens; car le malin, donnant les sentimens, veut qu'on s'y arreste, et, qu'en ne mangeant que la saulce, nostre estomach spirituel en soit affoibli et gasté petit a petit.

  A012001536 

 Les sentimens et douceurs peuvent estre de l'ami ou de l'ennemi, c'est a dire du malin ou du tres bon.

  A012001536 

 Quand nous ne nous arrestons pas en iceux, mays que nous nous en servons comme de recreation, pour par apres faire plus constamment nostre besoigne et l'œuvre que Dieu nous a donné en charge, c'est bon signe; car Dieu nous en donne quelquefois pour cest effect.

  A012001537 

 Si qu'en lieu de s'estimer quelque chose par le sentiment, la partie superieure juge et reconnoist sa foiblesse, et s'humilie amoureusement devant son Espoux, qui respand son bausme et son parfum affin que les jeunes fillettes et tendres aines comme elle, le reconnoissent, l'ayment et le suivent; la ou le mauvais sentiment nous arrestant, en lieu de nous faire penser a nostre foiblesse, nous fait penser qu'il nous est donné pour recompense et guerdon..

  A012001538 

 Bref, le bon ne desire point d'estre aymé, mais seulement que l'on ayme Celuy qui le donne, non qu'il ne nous donne sujet de l'aymer, mais ce n'est pas cela qu'il cherche; la ou le mauvais veut que l'on l'ayme sur tout.

  A012001540 

 Neanmoins vous deves croire que, quand Dieu vous envoyera ces sentimens, c'est pour vostre imperfection, laquelle il faut combattre, non pas les sentimens qui servent contre elle.

  A012001541 

 C'est une impertinence propre a la condition de vostre esprit deslié et pointu, qui veut tyranniser vostre volonté et la contreroller avec supercherie et subtilité..

  A012001541 

 Il me semble que je vous voy empressee avec grande inquietude a la queste de la perfection; car c'est cela qui vous a fait craindre ces petites consolations et ces sentimens.

  A012001541 

 Or, je vous dis en verité, comme il est escrit au Livre des Rois: Dieu n'est ni au vent fort, ni en [166] l'agitation, ni en ces feux, mais en ceste douce et tranquille portee d'un vent presque imperceptible.

  A012001541 

 Si vous desires que je vous commande, puisque vostre Mere Maistresse le veut, je le feray volontier, et vous commanderay premierement, qu'ayant une generale et universelle resolution de servir Dieu en la meilleure façon que vous pourres, vous ne vous amusies pas a examiner et esplucher subtilement quelle est la meilleure façon.

  A012001542 

 C'est cest empressement que je vous defens expressement, comme la mere imperfection de toutes les imperfections..

  A012001542 

 L'empressement, l'agitation du dessein n'y sert de rien; le desir y est bon, mays qu'il soit sans agitation.

  A012001543 

 De la s'ensuit que nous ne devons pas nous estonner de nous voir imparfaitz, puisque nous ne nous devons jamais voir autrement en ceste vie; ni nous en contrister, car il n'y a remede; ouy bien nous en humilier, car par la nous reparerons nos defautz, et nous amender doucement; car c'est l'exercice pour lequel nos imperfections nous sont laissees, n'estans pas excusables de n'en rechercher pas l'amendement, ni inexcusables de [167] ne le faire pas entierement, car il n'en prend pas des imperfections comme des pechés..

  A012001544 

 L'autre rayson est que cest examen, quand il est fait avec anxieté et perplexité, n'est qu'une perte de tems; et ceux qui le font ressemblent aux soldatz qui, pour se preparer a la bataille, feroyent tant de tournois et d'exces entr'eux que, quand ce viendroit a bon escient, ilz se treuveroyent las et recreuz; ou comme les musiciens qui s'enrouëroyent a force de s'essayer pour chanter un motet; car l'esprit se lasse a cest examen si grand et continuel, et, quand le point de l'execution arrive, il n'en peut plus.

  A012001545 

 L'autre, en suite du premier: Si vostre œil est simple, tout vostre cors le sera, dit le Sauveur.

  A012001545 

 Ne requerés pas en eux plus de perfection qu'en vous et ne vous estonnes point de la diversité des imperfections, car l'imperfection n'est pas plus imperfection pour estre extravagante et estrange.

  A012001546 

 Mon troysiesme commandement est que vous facies comme les petitz enfans: pendant qu'ilz sentent leur mere qui les tient par les manchettes, ilz vont hardiment et courent tout autour, et ne s'estonnent point des petites bricoles que la foiblesse de leurs jambes leur fait faire: ainsy, tandis que vous appercevres que Dieu vous tient [168] par la bonne volonté et resolution qu'il vous a donné de le servir, allés hardiment, et ne vous estonnes point de ces petites secousses et choppemens que vous feres; et ne s'en faut fascher, pourveu qu'a certains intervalles vous vous jetties entre ses bras et le baysies du bayser de charité.

  A012001547 

 Ce n'est pour desir que j'aye [169] de ne recevoir pas de vos lettres, car au contraire elles me donnent de la consolation, et je les desire, voire avec toutes les particularités des mouvemens de vostre esprit (et la longueur de la presente vous tesmoignera asses que je ne me lasse pas de vous escrire); mais affin que vous ne perdies pas tems, et, qu'attendant le secours de si loin, vous ne soyes battue et endommagee de l'ennemi..

  A012001562 

 Il m'est advis que j'en voy la porte ouverte.

  A012001562 

 Je vous supplie seulement, Madame (et pardonnés a la simplicité et confiance dont j'use), que, parce que ceste porte est estroitte et malaysee a passer, vous prenies la peyne et la patience de conduire par icelle toutes vos Seurs l'une apres l'autre; car de les y vouloir faire passer a la foule et en presse, je ne pense pas qu'il se puisse bien faire.

  A012001562 

 La faveur que le Roy vous fit dans l'octave de vostre grand Apostre, quittant la nomination, en est un bon præsage, mesmement estant accompagné de la bonne volonté de ces vertueux espritz qui concourent avec le vostre au desir d'un'entiere reformation, Je represente souvent a l'autel ce saint dessein a Celuy qui l'a [172] dressé et qui vous a donné l'affection de l'embrasser, affin qu'il vous face la grace de le parfaire.

  A012001563 

 Et croyés moy, Madame, le soin le plus parfait c'est celuy qui approche du plus pres au soin que Dieu a de nous, qui est un soin plein de tranquillité et de quietude, et qui, en sa plus grande activité, n'a pourtant nulle esmotion et, n'estant qu'un seul, condescend neanmoins et se fait tout a toutes choses..

  A012001563 

 Vostre aage et, ce me semble, vostre propre complexion le requiert; car la rigueur n'est pas seante aux jeunes.

  A012001597 

 Je demeureray donques attendant les occasions, et priant Dieu quil vous conserve et donne le comble de ses graces, comme doit celuy qui est.

  A012001624 

 Aussi bien faut il que tous, les uns apres les autres, nous en sortions selon l'ordre qui est establi; et les premiers ne s'en trouvent que mieux, quand ilz ont vescu avec soin de leur salut et de leur ame, comme a fait monsieur mon oncle et mon aisné, duquel la conversation a esté si douce et si utile a tous ses amis, que nous, qui avons esté de ses plus familiers et intimes, ne sçaurions nous empeseher d'avoir beaucoup de regret de la separation qui s'en est faitte.

  A012001624 

 C'est la principale pensee que nos amis decedés requierent de nous, en laquelle je vous supplie de vous entretenir, laissant les desmesurees tristesses pour les espritz qui n'ont point de telles esperances..

  A012001624 

 Et ce desplaysir ne nous est pas defendu, pourveu que nous le moderions par l'esperance que nous avons de ne demeurer gueres separés, mays que dans peu de tems nous le suivrons au Ciel, lieu de nostre [177] repos, Dieu nous en faysant la grace.

  A012001624 

 Mais j'estime que vous aves tant de charité et de crainte de Dieu, que, voyant son bon playsir et sainte volonté, vous vous y accommoderes, et adoucirés vostre desplaysir par la consideration du mal de ce monde, qui est si miserable que, si ce n'estoit nostre fragilité, nous devrions plustost louer Dieu quand il en oste nos amis que non pas nous en fascher.

  A012001637 

 C'est pourquoi je ne me suis point resolu d'en partir pour vous aller saluer et demander vos commandemens avant mon despart pour Piemont; ce que j'eusse fait, sans doute, si je ne me fusse promis le premier bonheur.

  A012001659 

 Je ne puis nier que je ne sois beaucoup consolé de voir la confiance que vous aves en mon affection en vostre endroit, laquelle aussi est autant grande et constante que vous la sçauries desirer.

  A012001660 

 C'est une maladie d'esprit a ceux qui sont malades au cors de desirer les medecins esloignés et les preferer a ceux qui sont presens.

  A012001660 

 Pendant que j'estois la je n'eusse pas rejetté ceste persuasion; mais maintenant elle est du tout hors de sayson..

  A012001660 

 Premierement, croyés fermement, je vous supplie, que l'opinion que vous aves de ne devoir recevoir allegement de Dieu que par moy est une pure tentation de celuy qui a accoustumé de nous mettre des objetz esloignés en consideration, pour nous oster l'usage de ceux qui nous sont presens.

  A012001661 

 Apres cela il me semble que vous aves rencontré le vray sujet de vostre mal, quand vous me dites qu'il vous est advis que c'est une multitude de desirs qui ne pourront jamais estre accomplis.

  A012001661 

 C'est sans doute une tentation pareille a la precedente; ains celle ci est la piece entiere de laquelle l'autre n'est qu'un eschantillon.

  A012001661 

 La varieté des viandes, si elles sont en grande quantité, charge tous-jours l'estomach; mais s'il est foible, elle le ruine.

  A012001661 

 Quand l'ame a quitté les concupiscences et qu'elle s'est purgee des affections mauvaises et mondaines, rencontrant les objetz spirituelz et saintz, comme toute affamee elle se remplit de tant de desirs et avec tant d'avidité qu'elle en est accablee.

  A012001662 

 C'est que si vous ne commences a mettre en execution quelques uns de ces desirs, ilz se multiplieront tous-jours et s'embarrasseront avec vostre esprit en sorte que vous ne sçaures comme vous en demesler.

  A012001662 

 Cela est entierement en vostre pouvoir, et partant vous deves les executer; car en vain feres vous dessein d'executer les choses dont le sujet n'est pas en vostre puissance ou est bien esloigné, si vous n'executes celles que vous aves a vostre commandement.

  A012001662 

 Mays par quel ordre? Il faut commencer par les effectz palpables et exterieurs, qui sont le [181] plus en nostre pouvoir: par exemple, il n'est pas [requis] que vous n'ayes desir de servir aux malades pour l'amour de Nostre Seigneur, de faire quelques vilz et abjectz services en la mayson par humilité; car ce sont desirs fondamentaux, et sans lesquelz tous les autres sont et doivent estre suspectz et mesprisés.

  A012001663 

 Il est bon d'empescher cette multiplication de desirs, de peur que nostre ame ne s'y amuse, laissant ce pendant le soin des effectz, desquelz, pour l'ordinaire, la moindre execution est plus utile que les grans desirs des choses esloignees de nostre pouvoir, Dieu desirant plus de nous la fidelité aux petites choses qu'il met en nostre pouvoir que l'ardeur aux grandes qui ne dependent pas de nous..

  A012001663 

 Il est bon de desirer beaucoup; mais il faut mettre ordre aux desirs, et les faire sortir en effect, chacun selon sa sayson et vostre pouvoir.

  A012001664 

 [182] Faites sortir les enfans de vostre ame, c'est a dire les desirs du service de Dieu, les uns apres les autres, et vous sentires un grand allegement..

  A012001665 

 Il est vray que l'allegement leur est court et incertain; mays si vous venes avec humilité embrasser le pied de la Croix, si vous n'y treuves autre remede, au moins y treuveres-vous la patience plus douce qu'ailleurs, et le trouble plus aggreable..

  A012001668 

 « Cela est digne est juste, » puisqu'aussi luy ne veut de vous que vous mesme.

  A012001679 

 Ce m'est un extrem'honneur d'estre si avant en vostre souvenance que non seulement vous ayes daigné [184] m'escrire le 16 avril, mais aussi il vous aye pleu de tesmoigner que vous auries aggreable de recevoir de mes lettres.

  A012001680 

 Et quant a celles de ce pais, elles sont si desagreables que je ne pense pas vous en devoir entretenir, puis qu'elles ne consistent qu'en volleries et pilleries que font ceux de Geneve sur nous, et particulierement sur les gens d'Eglise qui seulz ne sont receuz a aucune contribution [185] ni composition, dont s'en est ensuivi l'abandonnement d'une grande quantité d'eglises.

  A012001708 

 Maintenant, Monsieur, je vous envoye la provision de Rome que vous desiries, laquelle j'ay ouverte pour sçavoir si tout ce dont vous avies besoin y estoit; et je voy que tout y est, et quelque chose davantage, dont vous n'aves que faire, ne prejudiciant en rien a la provision pour le reste qui vous est requis.

  A012001709 

 L'autre partie de ma promesse m'est plus malaysee a mettre en effect pour les infinies occupations qui m'accablent; car je pense estre a la plus fascheuse charge qu'aucun autre de cette qualité.

  A012001710 

 Mais il n'en est pas ainsy; car bien souvent nous nous embarquons et mettons la voile au vent estans tres cacochymes, et plus nous voguons et avançons en la haute mer, plus nous acquerons de mauvaises humeurs.

  A012001711 

 C'est un extreme soulagement que d'avoir des confidens pour l'esprit.

  A012001711 

 J'ay un tres grand amy, que M. Raubon connoist: c'est M. de Soulfour; il peut beaucoup en ces occasions.

  A012001711 

 Je laisse a part M. du Val, qui est bon a tout [188] et universellement propre pour semblables offices.

  A012001711 

 Je n'ay gueres veu d'esprit qui me revienne comme celuy la, ains je n'en ay point veu ni rencontré; mais il y a ce mal, c'est qu'il est extremement occupé.

  A012001711 

 Je vous en nomme un troisiesme, homme a qui Dieu a beaucoup donné et qu'il est impossible d'approcher sans beaucoup proffiter, c'est M. de Berulle; il est tout tel que je sçaurois desirer d'estre moy mesme.

  A012001712 

 Mays ce n'est pas la son principal usage: c'est qu'il dressera vostre esprit a l'amour de la vraye devotion et a tous les exercices spirituelz qui vous sont necessaires.

  A012001713 

 Bellintani, Capucin, est encores propre pour y voir distinctement plusieurs belles considerations sur tous les mysteres de nostre foy, et les Œuvres de Costerus, Jesuite.

  A012001714 

 De Decreta Ecclesiæ Mediolanensis vous est necessaire, mays je ne sçai s'il est imprimé a Paris.

  A012001714 

 Entant qu'Evesque, pour vous ayder a la conduitte de vos affaires, ayés le livre des Cas de conscience, du Cardinal Tolet, et le voyés fort: il est court, aysé et asseuré, il vous suffira pour le commencement.

  A012001716 

 L'un est qu'il vous importe infiniment de recevoir le sacre avec une grande reverence et disposition, et avec l'apprehension entiere de la grandeur du mistere.

  A012001716 

 S'il vous estoit possible d'avoir l'orayson qu'en a faitte Stanislaüs Socolorius, intitulee: De sacra Episcoporum consecratione et inaugurations, au moins selon mon exemplaire, cela vous serviroit beaucoup, car, a la verité, c'est une belle piece.

  A012001716 

 Vous sçaves que le commencement en toutes choses est fort considerable, et peut on bien dire que « primum in unoquoque genere est mensura cæterorum.

  A012001717 

 L'autre point est que je vous desire beaucoup de confiance et une particuliere devotion a l'endroit du saint Ange gardiateur et protecteur de vostre diocese, car c'est une grande consolation d'y recourir en toutes les difficultés de la charge.

  A012001717 

 Tous les Peres et theologiens sont d'accord que les Evesques, outre leur Ange particulier qui leur est donné pour leur personne, ont l'assistence d'un autre commis pour leur office et charge.

  A012001718 

 Il faut peu de chose pour bien prescher, a un Evesque, car ses sermons doivent estre des choses necessaires et utiles, non curieuses ni recherchees; ses paroles simples, non affectees; son action paternelle et naturelle, sans art ni soin, et, pour court qu'il soit et peu qu'il die, c'est tous-jours beaucoup.

  A012001718 

 Le tres saint Conncile de Trente, apres tous les Anciens, a determiné qie « le premier et principal office de l'Evesque est de prescher; » et ne vous laisses emporter a pas une consideration qui vous puisse destourner de cette resolution.

  A012001754 

 C'est pourquoy j'envoye le porteur aupres de vous, Monsieur, pour vous les representer, estimant de ne treuver pas moins de faveur pour nostre droit que nous y en avons tous-jours treuvé, et que je me prometz d'en treuver ci apres..

  A012001754 

 J'ay consideré l'expedient que le sieur cappitaine de Moyron propose pour descharger les ecclesiastiques du logement de guerre et y ay veu plusieurs inconveniens, et, entre les autres, celuy que je crains le plus, [196] qui est que la liberté et immunité ecclesiastique en seroit, ce me semble, directement violee.

  A012001787 

 C'est mon advis, lequel je pense estre digne d'estre suivi; autrement je ne le vous proposerois pas..

  A012001787 

 Or, cela est fort raysonnable; car quand il ni auroit aucune clausule obligatoire, si est ce que vous ne laysseries d'estre redevables de maintenir soigneusement et en bons peres de famille telz biens et fondz; mais pour tout cela vous ne seriés pas tenuz ni a l'impossible ni a la charge, si les moyens se perdoyent sans vostre faute et coulpe.

  A012001788 

 C'est pour cela que je vous ay voulu escrire ces deux motz, me doutant que, faute de vous entr'entendre, cette œuvre ne se perdit, comme il arrive bien souvent des bons desseins.

  A012001789 

 Cependant, je me recommande a vos oraysons, et prie reciproquement Nostre Seigneur quil vous accompagne de ses graces et nous donne a tous l'esprit et zele de son service, qui est ce que doit desirer,.

  A012001822 

 Que s'il n'est encor pas du tout desengagé, il ne s'en faut pas estonner.

  A012001823 

 Mais, ma bonne Fille, puisque vous voyla a moitié eschappee de ces terribles passages par ou vous aves esté conduitte, il me semble que vous deves maintenant prendre un peu de repos, et vous arrester a considerer la vanité de l'esprit humain, comme il est sujet a s'embrouiller et embarrasser en soy mesme.

  A012001824 

 Sçachés que la vertu de patience est celle qui nous asseure le plus de la perfection, et s'il la faut avoir avec les autres, il faut aussi l'avoir avec soy mesme.

  A012001825 

 Et qu'est ce a dire, la preparation de nostre cœur? Selon la sainte Parole, Dieu est plus grand que nostre cœur, et nostre cœur est plus grand que tout le monde.

  A012001825 

 Il faut confesser la verité, nous sommes des pauvres gens qui ne pouvons gueres bien faire; mais Dieu, qui est infiniment bon, se contente de nos petites besoignes, et a aggreable la preparation de nostre cœur.

  A012001825 

 Quand nostre cœur, a part soy, en sa meditation, prepare le service qu'il doit rendre a Dieu, c'est a dire quand il fait ses desseins de servir Dieu, de l'honnorer, de servir le prochain, de faire la mortification des sens exterieurs et interieurs et semblables bons propos, en ce tems la il fait des merveilles; il fait des preparations et dispose ses actions a un degré si eminent de perfection admirable.

  A012001825 

 Toute cette preparation neanmoins n'est nullement proportionnee a la grandeur de Dieu, qui est infiniment plus grand que nostre cœur; mais aussi cette preparation est [203] ordinairement plus grande que le monde, que nos forces, que nos actions exterieures..

  A012001826 

 Tout cela est fort bon, voyla des bonnes preparations; encor en faudroit il davantage pour servir Dieu selon nostre devoir.

  A012001827 

 Je ne veux pas dire qu'il ne faille se mettre en chemin de ce costé la; mais il ne faut pas desirer d'y arriver en un jour, c'est a dire en un jour de cette mortalité, car ce desir nous tourmenteroit, et pour neant.

  A012001828 

 Cheres imperfections, qui nous font reconnoistre nostre misere, nous exercent en l'humilité, mespris de nous mesmes, en la patience et diligence, et nonobstant lesquelles Dieu considere la preparation de nostre cœur, qui est parfaitte..

  A012001829 

 Je ne sçai si je vous escris a propos; mais il m'est venu au cœur de vous dire cecy, estimant qu'une partie de vostre mal passé vous est arrivee de ce que vous aves fait des grandes preparations; et voyant que les effectz estoyent tres petitz et les forces insuffisantes pour prattiquer ces desirs, ces desseins et ces idees, vous aves eu des certains creve cœur, des impatiences, inquietudes et troubles; puis ont suivi des desfiances, allanguissemens, abbaissemens ou defaillances de cœur.

  A012001829 

 Or, si cela est, soyés bien sage par ci apres..

  A012001832 

 Ce sera vostre bonheur si vous n'aves nul autre que le doux Jesus, lequel, comme il ne veut pas que l'on mesprise la conduitte de ses serviteurs quand on la peut avoir, aussi quand elle nous defaut, il supplee pour tout; mais ce n'est qu'a cette extremité, a laquelle si vous estes reduitte, vous l'experimenteres..

  A012001833 

 Ce que je vous escrivis n'estoit pas pour vous garder de communiquer avec moy par lettres, et de conferer de vostre ame qui m'est tendrement chere et bienaymee, mais pour esteindre l'ardeur de la confiance que vous avies en moy, qui, pour mon insuffisance et pour vostre esloignement, ne puis vous estre que fort peu utile, bien que tres affectionné et tres dedié en Jesus Christ.

  A012001834 

 Priés fort pour moy, je vous supplie; il n'est pas croyable combien je suis pressé et oppressé sous cette grande et difficile charge.

  A012001845 

 Je la garde, par ce que c'est le seul tiltre par lequel je vous puis demander l'estroitte bienveüillance qu'elle me promet; je la regarde, pour y voir cette mesme bienveuillance si courtoysement depeinte que je ne la sçaurois voir ailleurs avec plus de douceur et playsir..

  A012001857 

 C'est cela qui me mit fort en peyne, en laquelle je serois encor si je ne me fusse resouvenu que vous l'aymies et avies beaucoup d'authorité sur luy; car j'ay pensé qu'encor quil eut fait tant de demonstration de roydeur, si est ce que vostre entremise le plieroit tous-jours assés a la rayson quand il vous plairoit de l'y employer.

  A012001857 

 Ce que je vous supplie humblement de faire, non seulement pour lhonneur et service de Dieu, qui vous est le plus cher, mais encor pour lhonneur de la premiere action que vous aves faitte en ce sujet et qui a servi de fondement a toute cette suitte.

  A012001857 

 Je ne doutay point aussi qu'estant ce quil est, il ne deut recevoir beaucoup de faveurs en tous ses desirs.

  A012001859 

 Au demeurant, Monsieur, j'ay tous-jours esté extremement curieux de sçavoir des nouvelles de vostre santé, et les dernieres que j'en ay eues ont esté que vous avies esté prendre congé de Monsieur et Madame de Nemours pour venir de deça pour le service du Roy; qui m'a fait mettre en doute si ceste lettre vous rencontreroit encor a Paris ou si vous series des-ja en chemin: c'est pourquoy j'en ay fait un duplicat, affin que l'un fut envoyé d'un costé et l'autre de l'autre.

  A012001872 

 En quoy la verité est que je n'ay pas liberté de faire election d'aucun expedient, comme j'aurois si j'en estois le juge souverain, puisque le Saint [211] Siege Apostolique et le siege de Vienne, qui est metropolitain de ce diocsese, m'ont entierement lié les mains, et particulierement pour le regard de la façon de proceder que monsieur le Præsident de Genevoys m'a proposee, qui fut celle que feu Monsieur l'Evesque Justinien fit prattiquer une fois.

  A012001873 

 C'est pourquoy l'Abbé de Sainte Genevieve, suivant le cors de la Sainte, [212] donne la benediction avec l'Evesque.

  A012001873 

 Et bien que la Sainte Chapelle et Sainte Genevieve soyent des eglises exemptes, si est ce qu'elles n'iroyent pas a costé de la cathedrale si elles n'avoyent des privileges speciaux du Saint Siege a cest effect; ce que tesmoigne le docteur Chassanee en son Cathalogue, disant que les Rois de France ont obtenu cela par privilege special, que leur chapelle estant prés de leur personne, sont esgalees (sic) avec toutes cathedrales.

  A012001873 

 Ou au contraire, le Chapitre de Nostre Dame est purement et simplement sujet a l'Evesque de Geneve, et, le siege vacant, du Chapitre cathedral et de son Vicaire.

  A012001883 

 Je remercie tres humblement Vostre Excellence du soin qu'ell'a eu de respondre a la supplication que je luy fis, pour avoir son congé de terminer par le droit et les constitutions de l'Eglise le different de precedence qui est entre le Chapitre de Saint Pierre et celuy de Nostre Dame en cette ville.

  A012001895 

 C'est pourquoy, Monsieur, je vous en supplie humblement, et de me pardonner si je suis si prompt a vous importuner, puisque c'est pour un œuvre charitable et le soulagement des affligés, comm'est ce creancier..

  A012001895 

 Je me suis fort peu meslé des affaires de la Mayson de Thonon jusques a præsent; neanmoins, ayant icy un creancier d'icelle, homme de merite et qui est en extreme necessité, je me suis des-ja essayé de le faire payer par autre voye, selon les moyens que le Pere Cherubin m'avoit proposés.

  A012001895 

 Mais n'estans reussis et voyant la necessité de ce creancier croistre tous les jours, je me suis enquis sil y auroit aucun autre moyen pour faire ce payement; et on m'a dit que Son Altesse avoit ordonné certaine pension annuelle a ladite Mayson, delaquelle on pourroit bien prendre la somme requise, qui n'est que de 80 escus, et particulierement sil vous playsoit d'en dire un mot de faveur.

  A012001911 

 Despuis vostre despart, madame de Beaulieu a esté demandee en mariage par monsieur de Sainte Clere, qui est gentilhomme, fort homme de bien et d'honneur, grand Catholique et craignant Dieu, qui sont des qualités pour lesquelles ell'a fort gousté l'offre de ses affections.

  A012001912 

 C'est pourquoi ell'envoye monsieur Sapientis, auquel j'ay donné ce mot pour vous tesmoigner qu'apres avoir sceu ce dessein, et l'avoir consideré et recommandé a Dieu avec le soin que j'eusse fait pour une propre fille de ma mere, j'ay estimé qu'il estoit fort bon et sortable, et ne m'est demeuré aucune difficulté pour retenir mon jugement, que le devoir qu'ell'a d'attendre le vostre, lequel je pense ne pouvoir pas estre beaucoup dissemblable au mien..

  A012001917 

 Monsieur Le Grand est a Belley et me tient en suspens, par l'incertitude de son arrivee en ce diocæse, si j'auray la commodité d'aller a Thonon pour la mi aoust..

  A012001931 

 C'est cela, Monsieur, qui me fait esperer d'en voir bien tost tout d'une main un heureux accomplissement, pour lequel ledit P. Cherubin allant a Chamberi, je vous supplie, Monsieur, de continuer vostre faveur a ce saint œuvre affin que la conclusion s'en puisse prendre au plus tost, a faute delaquelle je voy l'establissement de l'eglise de Thonon demeurer en suspens..

  A012001951 

 C'est pourquoy, si je suis creu, vous ne le laisseres pas revenir sans traitter avec luy, et mesme pour les prises des annees passees, desquelles il desire avoir honneste prix en payant argent content.

  A012001951 

 Cet honneste homme est bourgeois de cette ville, et reconneu de tous pour fort homme de bien.

  A012001953 

 Madame pourra treuver estrange le retardement de son payement de Thorens; mais il n'est pas croyable combien nous avons eu de difficultés jusques a present pour ces troubles des guerres, qui ne font que de finir.

  A012001971 

 Ce m'est un'extreme faveur que vous ayes desiré de m'avoir en vostre ville pour le service de vos ames, et ne puis penser comme ce bon heur m'est arrivé que vous [220] sachies mon nom et que je suis au monde.

  A012002037 

 C'est pourquoi le Conseil de ladite Maison m'a demandé de supplier en son nom Votre Seigneurie de vouloir bien, en qualité de premier supérieur et de Primicier de cette institution, faire [224] rendre compte à M. Gabaleone et lui donner ordre de payer d'abord à M. de Prissy douze ducatons qui lui sont justement dus par cette Maison, ainsi que pourra l'attester le P. Chérubin.

  A012002037 

 C'est tout ce que j'ai à vous écrire dans la circonstance présente..

  A012002052 

 C'est pourquoy je vous prie de me faire ce bien de m'en donner advis entre cy et Noël, poinct par poinct, affin que si je doy contribuer quelque diligence a l'entiere execution d'icelles, je n'y manque par ignorance de la necessité..

  A012002053 

 Si cela est, vous aures occasion d'en tenir quitte ledit sieur Abbé, puisque quant a moy, cela ne m'importe point, pourveu que vous soyes payés comme il faut, qui est mon seul regard pour ce particulier.

  A012002082 

 Ea autem ut piena sit, paulo altius ordiar necesse est..

  A012002082 

 Quam ob causam, cum in hac diæcesi quæ Sedis Apostolicæ [228] voluntate mihi commissa est, maxima facta sit iis nostris temporibus rerum in melius mutatio, non debeo committere quin de vero illarum statu quam potero clare ac distincte, omnino autem ex ventate, apud Sedem Apostolicam narrationem deferam.

  A012002083 

 Quare, cum res non ferret ut tunc cum eis armis decerneretur, actum factumque est ut Dux reciperet quatuor illa quæ vocant balliagia Tononense, Terniense, Galliardense et Gayanum, sive Gexense, quæ quatuor ex partibus civitatem Gebennensem cingunt illique circum circa obvolvuntur; hoc tamen addito pacto, nulla ut in eis Catholicæ religionis officia celebrarentur.

  A012002085 

 Episcopus, mirum in modum gavisus, Terniensi balliagio duos concionatores, unum ex Dominicana familia, alterum ex [231] Societate Jesu addicit; Tononensi autem duos e sua Cathedrali: Ludovicum de Sales, qui nunc Præpositus est ipsius Ecclesiæ, et me, nunc quidem Episcopum indignum, tunc autem Præpositum..

  A012002086 

 Ubique ministri, ut vocant, hoc est, hæresis doctores, domos evertentes, sua dogmata ingerentes, cathedras occupantes, turpis lucri gratia.

  A012002089 

 Dicam intrepide, nusquam suavius, nusquam efficacius hoc nostro tempore hæreticorum tanta copia ad sanam fidem adducta est..

  A012002089 

 Illis enim aliquot mensibus quibus Dux hinc conversioni procurandæ incubuit atque adeo Tononi moratus est, cor ejus peculiari quadam gratia in manu Dei esse videbatur, ut ad quodcumque vellet converteret illud; cum sive publicis ad populum cohortationibus ac vocibus Catholico Principe dignis, sive privatis monitis ad eos qui videbantur hæresis majores columnæ, sive exemplis bonorum operum, [234] omnibus animi dotibus ac viribus, cum populo illo universo contenderet ut illum Ecclesiæ Catholicæ inferret referretque, constitutus scilicet Dux a Deo super plebem illam, prædicans præceptum ejus.

  A012002089 

 Quem profecto tam insignem et ingentem animorum motum ut in supremum rerum omnium immobilem Motorem referre « dignum et justum est, » sic quoque ingenue fatendum illum Ducis zelo, tamquam optimo instrumento, vel maxime usum fuisse.

  A012002090 

 Ut nullum lapidem relinqueret Dux religiosissimus quem ipsemet suis, ut ita dicam, manibus non moverit, per blanditias, per minas, ut quoad per eum fieri posset populi illi converterentur; et quod laude dignius est, magna consilii sui parte contra sentiente et consulente.

  A012002091 

 Sicque factum ut tria illa balliagia quæ ex pacis conditionibus Duci obtigerunt, omnino Ecclesiæ restituta sint, ac, quod caput est, ita in fide et religione recepta perseverent, ut nullis extremorum bellorum persecutionibus, nullis hæreticorum minis ab ea se dimoveri passi [237] sint.

  A012002104 

 Après Dieu, c'est le Saint-Siège Apostolique, c'est sa vigilance qui assure la stabilité de la république chrétienne.

  A012002104 

 Aussi importe-t-il beaucoup de lui faire un rapport consciencieux et fidèle des évènements qui intéressent l'Eglise en chaque pays; sinon, quand on soumettra un exposé de faits à la sollicitude souveraine du Pontife, on pourra faire passer pour vrai ce qui est faux ou pour faux ce [228] qui est vrai.

  A012002105 

 C'est ce qui donna l'idée aux Bernois de songer sérieusement à restituer les provinces dont ils s'étaient rendus maîtres.

  A012002106 

 Ce n'est pas à lui, mais à son fils Charles-Emmanuel, que la divine Providence réservait cette gloire insigne.

  A012002107 

 Aussitôt, dans le temps même où se concluait la trêve, il pria l'Evêque mon prédécesseur, dont la mémoire est en bénédiction, d'envoyer à ces populations des prédicateurs catholiques pour les convertir, en affirmant sa volonté formelle de rétablir chez elles la religion catholique.

  A012002107 

 Cette résolution causa au Prélat une joie inexprimable; il envoya au bailliage de Ternier deux prédicateurs, l'un de la famille Dominicaine, [231] l'autre de la Compagnie de Jésus; et au bailliage de Thonon, deux autres de son église cathédrale: Louis de Sales, qui en est maintenant le prévôt, et moi, qui en suis aujourd'hui l'évêque, quoique indigne, et qui, pour lors, en étais le prévôt..

  A012002108 

 Partout des ministres, comme on les appelle, c'est-à-dire des maîtres d'hérésie, pervertissant les familles, insinuant leur doctrine, envahissant les chaires, en vue d'un gain honteux. Les Bernois, les Genevois, et autres semblables enfants de perdition, terrorisaient le peuple, par le moyen de leurs [232] émissaires, pour les détourner de nos prédications.

  A012002108 

 « La trêve, » disaient-ils, « n'est qu'une trêve, la paix n'est point conclue; bientôt nous chasserons par les armes duc et prêtres, et notre parti, défiant toute insulte, restera seul triomphant.

  A012002111 

 Sans doute, « il est digne et juste » de rapporter au suprême, à l'immuable Moteur de toutes choses le mouvement si remarquable et si profond qui s'est fait dans les âmes; mais, avouons-le sincèrement, Dieu a daigné se servir surtout du duc de Savoie et de son zèle, comme du principal instrument.

  A012002112 

 On le voit, il n'est pas de pierre que ce très zélé prince n'ait voulu, pour ainsi dire, remuer de ses propres mains: caresses, menaces, il n'a rien épargné de ce qui était en son pouvoir pour ramener ces peuples; et, ce qui est encore plus digne d'éloges, il agissait ainsi à l'encontre des avis et des sentiments d'un grand nombre de ses conseillers.

  A012002113 

 Partout l'on célèbre et l'on fréquente les mystères de la foi catholique; chaque paroisse est pourvue de son curé; enfin ces trois bailliages, que les clauses du traité ont remis au duc, sont tout à fait restitués à l'Eglise, et, ce qui importe le plus, c'est qu'après avoir recouvré la foi et la religion, leurs habitants ont persévéré sans que [237] ni les persécutions des dernières guerres, ni les menaces des hérétiques aient jamais pu les ébranler.

  A012002114 

 C'est avec de très humbles et très vives instances que je les sollicite de la clémence de Votre Sainteté, et, dans l'espoir de les obtenir, je prie le Christ de vous être toujours propice..

  A012002115 

 C'est pourquoi j'ai cru que leurs signatures ne seraient [238] pas sans utilité, car les faits attestés par un grand nombre de témoins obtiennent du même coup une grande et solide créance..

  A012002115 

 En outre, plusieurs chanoines de mon Eglise cathédrale, et d'autres personnes d'une probité et d'une doctrine éprouvées ont vu et en quelque sorte touché les choses dont je vous fais le récit, car ils ont collaboré dans le Seigneur à l'instruction de ces peuples et ils ont été pour « une grande part » dans tout ce qui s'est fait.

  A012002138 

 Il est certain que le relâchement de tous les monastères de Savoie, excepté toutefois ceux des Chartreux, est tellement invétéré qu'un remède ordinaire ne suffirait pas à les assainir.

  A012002139 

 Or, comment tous ces supérieurs et leurs monastères pourront-ils maintenir la discipline et la réforme chez leurs inférieurs, puisqu'ils ne l'observent pas eux-mêmes et qu'ils ignorent même ce qu'est la réforme?.

  A012002140 

 C'est pourquoi, à mon avis, l'une de ces deux mesures serait nécessaire pour en éloigner le scandale: ou bien y placer d'autres moines réformés, ou en faire des collégiales séculières; ou encore, comme troisième expédient, les soumettre à une Congrégation réformée de l'Ordre auquel ils appartiennent; enfin, un quatrième moyen serait de les soumettre à l'Ordinaire, ainsi que l'étaient jadis plusieurs excellents monastères avant que les exemptions fussent en usage.

  A012002140 

 Il est vrai que ceux de Sixt et de Peillonnex sont visités par l'Evêque; c'est ainsi que je les ai visités moi-même, mais je n'ai pu les astreindre à l'observance de la Règle puisqu'ils n'en ont pas; seulement je leur ai fait observer les Constitutions ordinaires, comme s'ils eussent été chanoines séculiers, en attendant que leur situation puisse être régularisée... [243].

  A012002140 

 Quant aux autres, tels que les monastères de Sixt, de Peillonnex, [242] du Sépulcre en cette ville, et semblables, il est nécessaire de les séculariser, vu que les moines sont Chanoines réguliers de Saint-Augustin, mais d'une certaine Congrégation qui n'a ni général, ni provincial, ni Chapitre, ni visite, ni forme expresse de vœu, ni Règle, ni Constitutions.

  A012002147 

 Ce billet n'est point cacheté, et je n'en ay aucune inquietude; car, par la grace de nostre Dieu, nous ne sommes plus en ce fascheux tems ou il nous failloit cacher necessairement pour nous escrire en termes d'amitié, et pour nous dire quelque parole de consolation.

  A012002147 

 O vive Dieu, ma bonne Mere! Il est vray que le souvenir de ce tems la produit tous-jours quelque sainte douceur a ma pensee..

  A012002177 

 Quam fuerit in usu inter priscos illos Ecclesiæ Pastores scriptionis epistolarum officium, nemo sane est qui nesciat; et tu, Reverendissime Pater, id omnium minime ignoras: charitas mutua sola scribendi causa, cujus sacrum perfectionis vinculum nulla locorum distantia solvit.

  A012002178 

 Ea ergo mihi primo causa scriptionis satis esse visa est, quæ majoribus unica propemodum esse solebat; præsertim cum non tantum dignitatis ecclesiasticæ, sed etiam afflictionis (contrario licet genere) communione conjungamur.

  A012002180 

 Jam [248] triennium fere in domo ac contubernio illustris et clarissimi viri Antonii Fabri, ducatus Gebennensis Præsidis, vixit, mensæ ejusdem et sermonis ac disciplinæ particeps: quo toto tempore mitto quanta cura jurisprudentiam et li littras coluerit; sed quod apud me caput est, pietatis et religionis officia semper diligentissime amplexus est, ut nunc redeuntem sicut omni virtutum et pietatis genere onustam navim institoris videre liceat.

  A012002190 

 Quant à moi, c'est tout le contraire; en me chassant, les hérétiques m'ont presque tout laissé, à l'exception de ma ville épiscopale.

  A012002191 

 C'est lui qui le premier m'a donné l'idée de rendre mes devoirs à Votre Révérendissime Paternité.

  A012002192 

 Il n'est pas besoin de dire avec quel zèle il s'est appliqué, pendant tout ce temps, au droit et aux belles-lettres; mais ce qui importe davantage à mes yeux, il a embrassé avec une exactitude scrupuleuse et qui ne s'est jamais démentie, les devoirs de la piété et de la religion.

  A012002202 

 C'est pourquoy je vous prie de faire transferer ladite aumosne en un autre jour moins celebre, affin que l'un des biens n'empesche point l'autre.

  A012002202 

 J'entens que l'on fait certaines aumosnes generales en Abondance et La Chapelle le jour mesme de Pentecoste, au moyen dequoy plusieurs circonvoysins abandonnent les offices de leurs parroisses, et ceux du lieu sont fort distraitz de leurs devoirs et devotions au prejudice de lhonneur qui est deu a un jour de si grande solemnité.

  A012002217 

 C'est en cette action en laquelle gist le plus grand effort de la [251] force et constance d'un genereux esprit, et qui attire le plus la faveur du Ciel.

  A012002217 

 Il m'a fallu dire ce mot pour vous tesmoigner l'ayse que je reçois de vostre vray bien parmi les phantosmes de vostre mal apparent; mais le bon est qu'apres tout cela la victoire vous demeure, comme indubitablement elle fera tous-jours, et cela me donne encor du contentement selon le monde et selon Dieu..

  A012002219 

 Je ne laisseray pas de presser le plus que je pourray pour en envoyer de dela, mays il faut que je vous confesse la verité: c'est icy un pauvre païs et auquel il est malaysé de treuver des sommes apres tant de remuemens et troubles..

  A012002219 

 M. de la Porte est en ces quartiers, qui prendra quelque argent de nous, ainsy qu'il m'escrit, et que Madame de Mercœur m'a commandé de luy donner en deduction de nostre dette envers elle.

  A012002222 

 Je ne sçay comme je doy vous remercier de tant de faveurs que vous me faites; l'amas des obligations en est [253] si grand que j'en ay l'esprit et le cœur tout saysis.

  A012002227 

 L'argent de bon qui doit estre a Gex, les pensions des ministres payees, est entre les mains des ministres mesmes qui opiniastrent autant pour ne le rendre pas que pour aucun article de leur foy; mais je verray si a Dijon je pourray y mettre du remede..

  A012002272 

 Parmi les nombreuses difficultés que présente l'administration de ce diocèse, l'une des plus considérables vient de ce qu'il est soumis à deux juridictions temporelles différentes; bien qu'il soit en grande partie sous la domination du Sérénissime duc de Savoie, néanmoins une partie très considérable est soumise à la couronne de France.

  A012002273 

 La première question est relative au bailliage de Gex; quoique les biens ecclésiastiques soient peu considérables dans ce bailliage (l'exercice du culte catholique n'ayant été rétabli que dans trois lieux seulement), il faut néanmoins plaider contre un conseiller dudit Parlement.

  A012002273 

 La quatrième est celle-ci: grâce à la diligente intervention de M gr l'Illustrissime Nonce de France, il n'est plus question d'établir le culte hérétique à Seyssel; toutefois, à [258] moins que je ne donne un mémoire particulier des circonstances qui doivent en empêcher l'établissement, ce projet ne sera point abandonné, mais seulement ajourné.

  A012002273 

 La seconde concerne la manière de visiter cette partie du diocèse, car il est défendu d'exiger aucun argent du peuple, soit pour la bâtisse des églises, soit pour autre chose.

  A012002274 

 C'est pourquoi, Très Saint Père, après m'être muni de l'autorisation de Son Altesse de Savoie, je suis contraint d'aller à Dijon, ville située hors de mon diocèse, mais dont relève cette partie du diocèse appartenant à la France.

  A012002285 

 Ce que je crains [est] le deschet de l'opinion que vous m'asseures vous aves de mon affection, laquelle, si elle pouvoit croistre, s'augmenteroit tous les jours comme vous en faites naistre en tout tems de nouveaux sujetz, comme est la patience qu'il vous a pleu avoir a ma priere a l'endroit de M. de Bellecombe; de laquelle ne voulant plus abuser, Monsieur, on ne vous priera point de la continuer plus avant, [craignant] de la voir employer avec vostre incommodité et sans leur prouffit, puisqu'ilz ne s'en sont servis a faire l'appointement que vous desires..

  A012002293 

 C'est tout ce que je vous puis dire; recommandés moy a vostre bon Ange.

  A012002300 

 C'est tous-jours pour vous asseurer davantage que j'observeray soigneusement la promesse que je vous ay faite de vous escrire le plus souvent que je pourray.

  A012002300 

 Je ne cesseray jamais de prier nostre bon Dieu qu'il luy plaise de parfaire en vous son saint ouvrage, c'est a dire le bon desir et dessein [263] de parvenir a la perfection de la vie chrestienne; desir lequel vous deves cherir et nourrir tendrement en vostre cœur, comme une besoigne du Saint Esprit et une estincelle de son feu divin..

  A012002301 

 J'ay veu un arbre planté par le bienheureux saint Dominique a Romme: chacun le va voir et cherit pour l'amour da plantateur; c'est pourquoy, ayant veu en vous l'arbre du desir de sainteté que Nostre Seigneur a planté en vostre ame, je le cheris tendrement, et prens playsir a le considerer plus maintenant qu'en presence, et je vous exhorte d'en faire de mesme et de dire avec moy: Dieu vous croisse, o bel arbre planté; divine semence celeste, Dieu vous veuille faire produire vostre fruit a maturité, et lhors que vous l'aures produit, Dieu vous veuille garder du vent qui fait tomber les fruitz en terre, ou les bestes vilaines les vont manger.

  A012002301 

 Madame, ce desir doit estre en vous comme les orangers de la coste marine de Gennes, qui sont presque toute l'annee chargés [264] de fruitz, de fleurs et de feuilles tout ensemble; car vostre desir doit tous-jours fructifier par les occasions qui se presentent d'en effectuer quelque partie tous les jours, et neanmoins il doit ne jamais cesser de souhaitter des nouveaux objetz et sujetz de passer plus avant, et ces souhaitz sont les fleurs de l'arbre de vostre dessein; les feuilles seront les frequentes reconnoissances de vostre imbecilité, qui conservent et les bonnes œuvres et les bons desirs: c'est la l'une des colomnes de vostre tabernacle..

  A012002302 

 Ce ne sont pas celles desquelles il est dit: Benissant je beniray la vefve; et ailleurs, que Dieu est le juge, protecteur et defenseur des vefves.

  A012002302 

 L'autre est l'amour de vostre viduité, amour saint et desirable pour autant de raysons qu'il y a d'estoilles au ciel, et sans lequel la viduité est mesprisable et fause.

  A012002302 

 Loüé soit Dieu, qui vous a donné ce cher et saint amour; faites le croistre tous les jours de plus en plus, et la consolation vous en accroistra tout de mesme, puisque tout l'edifice de vostre bonheur est appuyé sur ces deux colomnes.

  A012002302 

 Regardés au moins une fois le moys si l'une ou l'autre est point esbranlee, par quelque devote meditation et consideration pareille a celle de laquelle je vous envoye une copie, et que j'ay communiquee avec quelque fruit a des autres ames que j'ay en charge.

  A012002302 

 Saint Paul nous commande d'honnorer les vefves qui sont vrayement vefves; mays celles qui n'ayment pas leur viduité ne sont vefves qu'en apparence, leur cœur est marié.

  A012002319 

 Vous avés un grand desir de la perfection chrestienne: c'est le desir le plus genereux que vous puissies avoir, nourisses-le et le faittes croistre tous les jours.

  A012002323 

 C'est l'advis de saint Paul, qui ordonne aux serviteurs de servir Dieu en leurs maistres et leurs maistres en Dieu.

  A012002323 

 Il faut s'exercer en cet amour du prochain, le caressant extérieurement; et, bien qu'il semble au commencement que c'est a contre cœur, il ne faut point laisser pour cela, car ceste repugnance de la partie inferieure en fin sera vaincue de l'habitude et bonn'inclination qui sera produite par la repetition des actions.

  A012002325 

 Bref, il faut, tant qu'il est possible, rendre nostre devotion attrayante..

  A012002326 

 Prenes-la en bonne part, comm'aussi cette lettre, qui sort d'un'ame qui est entierement affectionnee a vostre bien spirituel, et qui ne desire rien plus que de voir l'œuvre de Dieu parfait en vostr'esprit.

  A012002346 

 Je vous recommande sur tout l'esprit de douceur, qui est celuy qui ravit les cœurs et gaigne les ames.

  A012002364 

 Il est vray que nous disons et affermons, et que vous niés et rejettés.

  A012002364 

 L'Eglise a tous-jours esté combattue par cette mesme façon; mais vos negatives doivent estre preuvees par une mesme sorte de preuve qu'est celle que vous exigés de nous, car c'est a celuy qui nie de preuver, quand il nie contre la possession et que sa negative sert de fondement a son intention.

  A012002364 

 Les jurisconsultes vous le tesmoigneront, puisque c'est d'eux que la maxime est tiree: vous n'en refuseres pas l'explication..

  A012002365 

 On a douté loysiblement de quelques Livres canoniques pour un tems, desquelz il n'est pas loysible de douter maintenant; les passages que j'ay cités sont si expres qu'ilz ne peuvent estre divertis a autre sens..

  A012002366 

 Je vous conjure, par les entrailles de Jesus Christ, de vouloir meshuy lire et l'Escriture et les anciens Peres avec un esprit deschargé de preoccupations: vous verrés [274] que les parties principales et essentielles de la face de l'Eglise ancienne sont entierement conservees en celle qui est maintenant.

  A012002381 

 J'ay receu commandement de Vostre Altesse de luy donner advis certain de l'estat du prieuré et monastere de Bellevaux, par ce que sil est si miserable que l'on [275] luy a fait entendre, elle veut relascher les decimes au Prieur.

  A012002381 

 J'obeis donques a la voulonté de Vostre Altesse, et sur une particuliere connoissance que j'ay de la verité, je la puis asseurer que ce monastere, qui fust jadis asses celebre, est presque ruiné quant aux bastimens, et tellement appauvri quant au revenu qu'il ne sçauroit de long tems rendre cent ducatons annuels a son Prieur; et pour la presente annee, ayant receu un grand degast par la tempeste, il n'y a pas, a beaucoup pres, dequoy supporter les charges.

  A012002397 

 Toutes ses parties sont aggreables: la souvenance que vous avés de moy en vos prieres, car cela tesmoigne vostre charité; le memoire que vous avés des sermons que j'ay fait ce Caresme, car encor que de mon costé il ni aÿe eu autre chose qu'imperfection, si est ce que ç'a tous-jours esté parole de Dieu, delaquelle le souvenir ne peut que vous estre fort utile; le desir que vous aves de la perfection, car c'est un bon fondement pour l'obtenir.

  A012002398 

 Je me res-jouis donques que vous ayes reconneu combien il est veritable que ceux qui sont bien accordans en l'intention du service de Dieu ne sont jamais guere esloignés d'affections et conceptions..

  A012002399 

 Pour certain, ni recevoir les advis et enseignemens des autres, ni recourir a eux en l'absence du directeur, n'est nullement contraire a ce respect, pourveu que le directeur et son authorité soit tous-jours præferé.

  A012002400 

 Je l'ay longuement honnoré avant que de l'avoir veu; l'ayant veu, mon affection s'en est accreùe, et m'estant apperceu du fruit quil a fait a Dijon (car vous n'estes pas seule), je luy ay donné et voué autant de cœur et de service quil en sçauroit desirer de moy.

  A012002401 

 Monsieur l'Archevesque m'a escrit une lettre si excessive en faveurs que ma misere en est accablee; il le faut pardonner a sa courtoisie et naturelle bonté, mais je m'en plains a vous par ce que cela me met en danger de vanité.

  A012002402 

 Je suis en un lieu et en une occupation qui me rend digne de quelque compassion, et ce m'est consolation de recevoir, parmi la presse de tant de fascheuses et difficiles affaires, des nouvelles de vos semblables; [280] ce m'est une rosee.

  A012002419 

 Ce n'est neanmoins pas a moy de le faire, qui suis sujet; c'est pourquoy j'ay supplié Monsieur le Nonce de m'en faire venir un petit mot de declaration qui me descharge de leur rigueur, laquelle, ce me semble, n'est pas sortable en ce tems, en ce lieu, en ces occasions..

  A012002419 

 Le desir que vous avés que les soldatz puissent estre tirés des lieux sacrés pour estre chastiés selon leurs demerites est fort juste et propre a la conservation du bien publiq.

  A012002438 

 C'est pour vous dire que l'unité de pere spirituel ne forclost point la confiance et communication avec un autre, pourveu que l'obeissance promise demeure ferme en son rang et soit præferee..

  A012002438 

 Je suis bien d'accord avec ceux qui vous ont voulu donner du scrupule, quil est expedient de n'avoir qu'un pere spirituel, l'authorité duquel doit estre en tout et par tout præferee a la volonté propre, et mesme aux advis de tout autre particuliere personne; mais cela n'empesche nullement le commerce et communication d'un esprit avec un autre, ni d'employer les advis et conseilz que l'on reçoit d'ailleurs.

  A012002439 

 Arrestés vous-la, je vous supplie, et ne vous mettes nullement en peyne en quel degré vous me devés tenir, car tout cela n'est que tentation et vaine subtilité.

  A012002439 

 Je ne vous sçaurois pas expliquer ni la qualité ni la grandeur de cett'affection que j'ay a vostre service spirituel; mais je vous diray bien que je pense qu'ell'est de Dieu et que pour cela je la nourriray cherement, et que tous les jours je la voy croistre et s'augmenter notablement.

  A012002439 

 Que vous importe-il de sçavoir si vous me pouves tenir pour vostre pere spirituel ou non, pourveu que vous sachies quell'est mon ame en vostre endroit et que je sache quell'est la vostre au mien? Je sçai que vous aves une entiere et parfaitte confiance en mon affection; de cela je n'en doute nullement, et en reçoi de la consolation.

  A012002440 

 Encor faut il que je vous die, pour coupper chemin a toutes les repliques qui se pourroyent former en vostre cœur, que je n'ay jamais entendu quii y eut nulle liayson entre nous qui portast aucune obligation, sinon celle de la charité et vraÿe amitié chrestienne, delaquelle le lien est appellé par saint Paul le lien de perfection, et vrayement il l'est aussi, car il est indissoluble et ne reçoit jamais aucun relaschement.

  A012002440 

 Il est exempt du tranchant de la mort, de laquelle la faux fauche tout sinon la charité: La dilection est aussi forte que la mort et plus dure que l'enfer, dit Salomon.

  A012002440 

 Leur force n'est que suavité, leur violence n'est que douceur; rien de si pliable que cela, rien de si ferme que cela.

  A012002440 

 Tenes moy donques pour bien estroittement lié avec vous, et ne vous souciés pas d'en sçavoir d'avantage, sinon que ce lien n'est contraire a aucun autre lien, soit de vœu soit de mariage.

  A012002440 

 Voyla, ma bonne Seur (et permettes moy que je vous appelle de ce nom, qui est celuy par lequel les Apostres et premiers Chrestiens exprimoyent l'intim'amour qu'ilz s'entreportoyent), voyla nostre lien, voyla nos chaysnes, lesquelles plus elles nous serreront et presseront, plus elles nous donneront de l'ayse et de la liberté.

  A012002441 

 Mais si est ce que ce n'eut pas esté duplicité, puisque si en cela vous avies fait quelque faute a cause du scrupule que vous avies en me communicant vostre cœur et me demandant des instructions, vous l'avies suffisamment effacee par apres pour n'estre plus obligee de le dire a personne.

  A012002441 

 Neanmoins je loüe vostre candeur et me resjouïs que vous l'aÿés dit, comm'aussi tout le reste, bien que vous devés estre ferme en la resolution que je vous donnay, que ce qui se dit au secret de la Pœnitence est tellement sacré quil ne se doit pas dire hors d'icelle.

  A012002441 

 Toutefois, un autre coup, demeurés ferme, et tenes pour non dit et totalement tëu ce qui est couvert du voyle sacramentai.

  A012002442 

 Interpretés a bien cette longueur, car j'en ay usé pour eschapper, sil m'est possible, les repliques et scrupules qui naissent asses volontiers es espritz de vostre sexe.

  A012002443 

 C'est le bon Jesus qu'il nous faut enfanter et produire en nous mesmes; vous en estes grosse, ma chere Seur, et beni soit Dieu qui en est le Pere.

  A012002443 

 Je me suis souventesfois animé parmi mes petites difficultés par les paroles de nostre doux Sauveur qui dit: La femme, quand elle enfante, a une grande detresse; mais apres l'enfantement elle oublie le mal passé parce qu'un enfant luy est né. Je pense qu'elles vous consoleront aussi, si vous les consideres et repetes souvent.

  A012002444 

 C'est trop vous entretenir; je m'arreste, priant ce celeste [287] Enfant qu'il vous rende digne de ses graces et faveurs, et nous face mourir pour luy, ou au moins en luy.

  A012002444 

 Madame, pries-le pour moy, qui suis fort miserable et accablé de moy mesme et des autres, qui est une charge intolerable si Celuy qui m'a des-ja porté avec tous mes pechés sur la Croix ne me porte encores au Ciel.

  A012002444 

 Vous ne voudries pour rien du monde offencer Dieu, c'est bien asses pour vivre joyeuse..

  A012002445 

 Ma bonne mere est vostre servante, et tous ses enfans vos serviteurs; elle vous remercie tres humblement de vostre bienveuillance.

  A012002445 

 Mon frere se sent infiniment obligé a la souvenance que vous aves de luy et la contrechange par la continuelle memoire qu'il a de vous a l'autel; il est absent, maintenant que j'escris.

  A012002474 

 C'est pourquoi, Très Saint Père, sachant que Votre Béatitude pourvoit avec une très diligente sollicitude les églises cathédrales et qu'Elle veut user d'une bienveillance apostolique toute spéciale à l'égard de l'Eglise de Belley, j'ose, quelque chétif et indigne que je sois, la supplier de favoriser le théologien susnommé, pour l'honneur du Seigneur notre Dieu et le bien des âmes.

  A012002474 

 Ce n'est pas un intérêt personnel qui me sollicite, [290] puisque je ne connais ce personnage que depuis un an; il a fait plusieurs prédications dans ce diocèse de Genève, au grand avantage et à la satisfaction des auditeurs..

  A012002474 

 Le diocèse de Belley, limitrophe de celui de Genève, est sans titulaire depuis quelque temps.

  A012002474 

 On distingue entre autres, un prêtre français, André de Sauzéa: c'est un homme plein de qualités, bon théologien, prédicateur zélé et de mœurs irréprochables.

  A012002474 

 Or, quoique cette Eglise vacante soit très [289] pauvre, elle est néanmoins importante, car elle se trouve dans le voisinage des hérétiques et sur les frontières; le bien de ce diocèse peut contribuer beaucoup à celui du diocèse de Genève.

  A012002475 

 C'est en luisant vos pieds sacrés et apostoliques que je demande votre sainte bénédiction..

  A012002499 

 Je voy seulement une difficulté: c'est quil me dit que Nové est de la presentation de Montjou; ce qu'estant, sans doute monsieur le Prævost remuera quelque chose sur cette nouvelle provision, sinon que la pauvreté du benefice le face desfier de treuver homme capable.

  A012002518 

 Que Dieu est bon! Il connoist bien mon infirmité et ma delicatesse; c'est pourquoy il ne me permet point de seulement gouster les eaux de Mara que premierement il ne les ayt adoucies par le bois sacré de son assistence et consolation..

  A012002519 

 Il s'y est fait quelque fruit, nonobstant mon indignité, non seulement pour ceux qui m'ont attentivement escouté, mais aussi pour moy, qui ay reconneu en plusieurs personnes tant de vraye pieté que j'en ay esté esmeu.

  A012002519 

 Quelques huguenotz se sont convertis; quelques gens douteux et chancelans se sont affermis; plusieurs ont fait des confessions generales, mesme a moy, tant ilz avoyent de confiance en mon affection; plusieurs ont pris nouvelle forme de vivre, tant ce peuple est bon.

  A012002522 

 Mais les anciens Evesques n'en faysoyent pas moins, et la communication que vous me permettes d'avoir avec vous m'est d'autant plus douce que nous sommes plus esloignés l'un de l'autre; car je pense que c'est de la largeur ou longueur du royaume de France.

  A012002522 

 Monsieur, je pense que vous connoistres par cette lettre combien est grande l'asseurance que je prens en vostre amitié, puisque je suis si long et si libre a vous dire ces menusailles de mon particulier, lesquelles ne vous peuvent estre presentees que sous une extreme confiance de vostre bonté.

  A012002522 

 Permettes moy, je vous supplie, que je desire de sçavoir presque aussi particulierement de vos nouvelles comme je vous en dis des miennes, mais sur tout si vous ne montes pas en chaire, ou au moins si vous ne faites pas de sermons a l'autel; et pardonnés moy, Monsieur, si c'est trop..

  A012002523 

 Je me resjouis que M. Soulfour soit nostre commun respondant; cette entremise, a mon advis, est fort aggreable.

  A012002556 

 Il n'est rien d'impossible a l'amour; je ne suis qu'un chetif et malotru predicateur, et il me fait entreprendre de vous dire mon advis de la vraye façon de prescher.

  A012002556 

 Je ne sçai si c'est l'amour que vous me portes qui tire cette eau de la pierre, ou si c'est celuy que je vous porte [299] qui fait sortir des roses de l'espine.

  A012002558 

 Pour parler avec ordre, je considere la predication en ses quattre causes: l'efficiente, la finale, la materielle et la formelle; c'est a dire, qui doit prescher, pour quelle fin l'on doit prescher, que c'est que l'on doit prescher et la façon avec laquelle on doit prescher..

  A012002560 

 C'est leur premiere et grande charge; on le leur dit en les consacrant.

  A012002560 

 Le Concile de Trente: « C'est, » dit il, « le principal devoir de l'Evesque que de prescher.

  A012002560 

 » Cette consideration nous doit donner courage, car Dieu en cet exercice nous assiste specialement; et c'est merveille combien la predication des Evesques a un grand pouvoir au prix de celle des autres predicateurs.

  A012002561 

 Il n'est pas question qu'on fasse tout..

  A012002561 

 Quant a la doctrine, il faut qu'elle soit suffisante, et n'est pas requis qu'elle soit excellente.

  A012002561 

 Un grand homme de lettres (et c'est Erasme) a dit que le meilleur moyen d'apprendre et de devenir sçavant c'est d'enseigner; en preschant on devient prescheur.

  A012002562 

 C'est donq des-ja autant de fait: Oportet, dit saint Paul, Episcopum esse irreprehensibilem..

  A012002562 

 Quant a la bonne vie, elle est requise en la façon que dit saint Paul de l'Evesque, et non plus; de façon qu'il n'est pas besoin que nous soyons meilleurs pour estre predicateurs que pour estre Evesques.

  A012002563 

 » Un seculier peut joüer, aller a la chasse, sortir de nuict pour aller aux conversations, et tout cela n'est point reprehensible, et, fait par recreation, n'est nullement peché.

  A012002564 

 La chasse, elle est interdite du tout.

  A012002564 

 Saint Bernard nous instruit disant: Clamant pauperes post nos: « Nostrum est quod » expenditis, « nobis crudeliter eripitur quidquid inaniter expenditur.

  A012002566 

 Chose certaine, que Nostre Seigneur estant en nous reellement, il nous donne claireté, car il est la lumiere.

  A012002566 

 Et il est vray; il semble qu'on puisse dire apres saint Paul: An experimentum quæritis ejus qui loquitur in me Christus? On a beaucoup plus d'asseurance, d'ardeur et de lumiere.

  A012002566 

 Il n'est pas croyable, dit saint Chrysostome, combien la bouche qui a receu le Saint Sacrement est horrible aux demons.

  A012002567 

 Mays c'est trop sur ce point..

  A012002569 

 C'est elle qui donne mesure a la matiere et a la forme: selon le dessein qu'on a de bastir une grande ou une petite mayson, on prepare la niatiere, on dispose l'ouvrage..

  A012002569 

 La fin est la maistresse cause de toutes choses; c'est elle qui esmeut l'agent a l'action, car tout agent agit et pour la fin et selon la fin.

  A012002570 

 La fin donques du [303] predicateur est que les pecheurs mortz en l'iniquité vivent a la justice, et que les justes qui ont la vie spirituelle l'ayent encores plus abondamment, se perfectionnans de plus en plus, et, comme il fut dit a Hieremie, ut evellas et destruas les vices et les pechés, et ædifices et plantes les vertuz et perfections.

  A012002570 

 Quand donques le predicateur est en chaire, il doit dire en son cœur: Ego veni ut isti vitam habeant, et abundantius habeant..

  A012002570 

 Quelle donques est la fin du predicateur en l'action de prescher? Sa fin et son intention doit estre de faire ce que Nostre Seigneur est venu pour faire en ce monde; et voicy ce qu'il en dit luy mesme: Ego veni ut vitam habeant, et abundantius habeant.

  A012002571 

 C'est pourquoy Dieu envoya aux Apostres, le jour de la Pentecoste, qui fut le jour de leur consecration episcopale, ayans des-ja eu la sacerdotale le jour de la Cene, des langues de feu; affin qu'ilz sceussent que la langue de l'Evesque doit esclaircir l'entendement des auditeurs et eschauffer leurs volontés..

  A012002571 

 C'est, tout en somme, donner de la lumiere a l'entendement et de la chaleur a la volonté.

  A012002571 

 Or, pour chevir de cette pretention et dessein, il faut qu'il face deux choses: c'est enseigner et esmouvoir.

  A012002572 

 C'est un certain chatouillement d'oreilles, qui provient d'une certaine elegance seculiere, mondaine et prophane, de certaines curiosités, ageancemens de traitz, de parolles, de [304] motz, bref, qui depend entierement de l'artifice: et quant aelle cy, je nie fort et ferme qu'un predicateur y doive penser; il la faut laisser aux orateurs du monde, aux charlatans et courtisans qui s'y amusent.

  A012002572 

 Car qui est cette ame tant insensible qui ne reçoive un extreme playsir d'apprendre bien et saintement le chemin du Ciel, qui ne ressente une consolation extreme de l'amour de Dieu? Et pour cette delectation, elle doit estre procuree; mais elle n'est pas distincte de l'enseigner et esmouvoir, c'en est une dependance.

  A012002573 

 Au sortir du sermon je ne voudrois point qu'on dist: O qu'il est grand orateur! o qu'il a une belle memoire! o qu'il est sçavant! o qu'il dit bien! Mais je voudrois que l'on dist: O que la penitence est belle! o qu'elle est necessaire! Mon Dieu, que vous estes bon, juste! et semblable chose; ou que l'auditeur, ayant le cœur saysi, ne peust tesmoigner de la suffisance du predicateur que par l'amendement de sa vie.

  A012002573 

 Cela est un pedantisme.

  A012002576 

 Mais qu'est-ce autre chose la doctrine des Peres de l'Eglise que l'Evangile expliqué, que l'Escriture Sainte exposee? Il y a a dire entre l'Escriture Sainte et la doctrine des Peres comme entre une amande entiere et une amande cassee, [305] de laquelle le noyau peut estre mangé d'un chacun, ou comme d'un pain entier et d'un pain mis en pieces et distribué.

  A012002577 

 Mais des histoires des Saintz s'en peut on pas servir? Mais, mon Dieu, y a il rien de si utile, rien de si beau? Mais aussi, qu'est autre chose la vie des Saintz que l'Evangile mis en œuvre? Il n'y a non plus de difference entre l'Evangile escrit et la vie des Saintz qu'entre une musique notee et une musique chantee..

  A012002578 

 Et des histoires prophanes, quoy? Elles sont bonnes, mais il s'en faut servir comme l'on fait des champignons, fort peu, pour seulement resveiller l'appetit; et lhors encor faut il qu'elles soyent bien apprestees, et, comme dit saint Hierosme, il leur faut faire comme faisoyent les Israëlites aux femmes captives quand ilz les vouloyent espouser: il leur faut rogner les ongles et couper les cheveux, c'est a dire les faire entierement servir a l'Evangile et a la vraye vertu chrestienne, leur ostant ce qui se treuve de reprehensible es actions payennes et prophanes, et faut, comme dit la sainte Parolle, separare pretiosum a vili.

  A012002579 

 C'est pourquoy je dis, ou du tout point, ou si peu que rien.

  A012002579 

 Et des fables des poëtes? O de celles la point du tout, si ce n'est si peu et si a propos, et avec tant de circonstances, comme contrepoisons, que chacun voye qu'on n'en veut pas faire profession; et tout cela si briefvement que ce soit asses.

  A012002580 

 C'est un livre qui contient la parole de Dieu, mais en un langage que chacun n'entend pas.

  A012002580 

 Ce livre est bon pour les similitudes, pour les comparaysons a minori, ad majus et pour mille autres choses.

  A012002583 

 Et Nostre Seigneur mesme: Doctrina mea non est mea, sed ejus qui misit me.

  A012002583 

 Mais il faut, tant qu'il est possible, que les passages soyent naïfvement et clairement bien interpretés.

  A012002587 

 Ainsy ce mot diligere doit estre pesé, par ce qu'il vient de eligo et represente naïfvement le sens litteral, qui est qu'il faut que nostre cœur, nostre ame et nostre esprit choisissent et preferent Dieu entre toutes choses, qui est le vray amour appreciatif duquel les theologiens interpretent ces paroles..

  A012002587 

 Je pensois avec nostre saint Bernard: ex toto corde, c'est a dire courageusement, vaillamment, fervemment, par ce qu'au cœur appartient le courage; ex tota anima, c'est a dire affectueusement, par ce que l'ame entant qu'ame est la source des passions et affections; ex tota mente, c'est a dire spirituellement, discretement, par ce que mens, c'est l'esprit et partie superieure de l'ame, a laquelle appartient le discernement et jugement pour avoir le zele [308] secundum scientiam et discretionem.

  A012002587 

 Pour le regard du sens litteral, il se doit puiser dans les commentaires des Docteurs, c'est tout ce qu'on en peut dire; mays c'est au predicateur de le faire valoir, de peser les motz, leur proprieté, leur emphase.

  A012002588 

 Mais on peut bien apporter plusieurs interpretations, les louant et faysant valoir toutes l'une apres l'autre, comme je fis, le Caresme passé, de six opinions et interpretations des Peres sur ces paroles: Dicite quia servi inutiles sumus, et dessus ces autres paroles: Non est meum dare vobis; car, si vous vous en resouvenes, je tiray de chacune de tres bonnes consequences, mais je teus celle de saint Hilaire, ce me semble; ou si je ne le fis, je fis faute, et le devois faire, parce qu'elle n'estoit pas probable..

  A012002588 

 Quand il y a diversité d'opinions entre les Peres et Docteurs il se faut abstenir d'apporter les opinions qui doivent estre refutees, car on ne monte pas en chaire pour disputer contre les Peres et Docteurs catholiques; il ne faut pas reveler les infirmités de nos maistres et ce qui leur est eschappé comme hommes, ut sciant gentes quoniam homines sunt.

  A012002589 

 Le premier est de tirer un sens allegorique qui ne soit point trop forcé, comme font ceux qui allegorisent toutes choses; mais faut qu'il soit naïfvement tiré, sortant de la lettre, comme saint Paul fait, allegorisant d'Esaü et Jacob au peuple Juif et Gentil, de Sion ou Jerusalem a l'Eglise..

  A012002590 

 Je ne voudrois pas asseurer que l'un signifie l'autre, mays je voudrois bien comparer l'un a l'autre, car ainsy le discours est plus ferme et moins reprehensible..

  A012002590 

 Secondement, ou il n'y a pas une tres grande apparence que l'une des choses ayt esté la figure de l'autre, il ne faut pas traitter les passages l'un comme figure de [309] l'autre, mais simplement par maniere de comparayson; comme, par exemple, le genevrier sous lequel Helie s'endormit de detresse est interpreté allegoriquement par plusieurs de la Croix; mais moy j'aymerois mieux dire ainsy: Comme Helie s'endormit sous le genevrier, ainsy nous devons reposer sous la Croix de Nostre Seigneur par le sommeil de la sainte meditation; et non pas: Ainsy qu'Helie signifie le Chrestien, le genevrier signifie la Croix.

  A012002595 

 Ces paroles de Dieu parlant d'Esaù et Jacob: Duæ gentes sunt in utero tuo, et duo populi ex utero tuo dividentur, populusque populum superabit, et major serviet minori, en Genese, XXV, litteralement s'entendent des deux peuples sortis, selon la chair, d'Esaü et de Jacob, c'est a sçavoir les Idumeens et les Israëlites, dont le moindre, qui fut celuy des Israëlites, surmonta le plus grand et l'aisné, qui fut le peuple d'Idumee, au tems de David..

  A012002597 

 Analogiquement, Esaü represente le cors, qui est l'aisné; car avant que l'ame fust creée, le cors fut fait et en Adam et en nous.

  A012002597 

 Jacob signifie l'esprit, qui est puisné.

  A012002598 

 L'amour propre est l'aisné, car il est né avec nous; l'amour de Dieu est puisné, car il s'acquiert par les Sacremens et penitence; et neanmoins il faut que l'amour de Dieu soit le maistre, et quand il est en une ame, l'amour propre sert et est inferieur..

  A012002598 

 Tropologiquement, Esaü c'est l'amour propre de nous mesmes; Jacob, l'amour de Dieu en nostre ame.

  A012002599 

 Or, ces quattre sens donnent une grande, noble et bonne matiere a la predication, et font merveilleusement bien entendre la doctrine: c'est pourquoy il s'en faut servir, mays avec les mesmes conditions que j'ay dit estre requises a l'usage du sens allegorique..

  A012002600 

 Apres les sentences de l'Escriture, les sentences des Peres et Conciles tiennent le second rang; et pour le [311] regard d'icelles, je dis seulement que, si ce n'est bien rarement, il faut les choisir courtes, aiguës et fortes.

  A012002606 

 Celles qui sont tirees des histoires naturelles, si l'histoire est belle et l'application belle, c'est un double lustre; comme celle de l'Escriture de la renovation ou rajeunissement de l'aigle, par nostre penitence..

  A012002607 

 Or, il y a un secret en ceci qui est extremement proufitable au predicateur: c'est de faire des similitudes tirees de l'Escriture, de certains lieux ou peu de g'ens les sçavent remarquer; et ceci se fait par la meditation des paroles..

  A012002608 

 Saint Paul parlant de celuy qui n'a point de charité et fait quelques œuvres, il dit que factus est sicut æs sonans, aut cymbalum tinniens.

  A012002615 

 Ce qui s'ensuit, c'est le tremble-terre, la venue et apparition des Anges, la recherche des dames, la response des Anges; et en toutes ces parties il y a merveilles a dire, et par bon ordre..

  A012002615 

 La resurrection est precedee de la mort, de la descente aux enfers, de la delivrance des Peres qui estoyent au sein d'Abraham, de la crainte des Juifz qu'on ne desrobbe le cors; la resurrection, en cors bienheureux et glorieux.

  A012002615 

 On peut prendre en un mystere le point principal, comme en l'exemple precedent, la resurrection; puys considerer ce qui a precedé ce point la et ce qui s'en est ensuyvi.

  A012002616 

 Comment? glorieux, immortel, etc. Qui est nay? le Sauveur.

  A012002617 

 Combien est ce que nous devons estre fermes a croire qu'au Saint Sacrement ce mesme cors n'occupe point de place, ne peut estre offencé par la fraction des especes, et qu'il y est en une façon spirituelle, quoy que reelle.

  A012002617 

 La premiere, qu'est ce qu'il en faut [316] apprendre pour edifier nostre foy; la seconde, pour accroistre nostre esperance; la troisiesme, pour enflammer nostre charité; la quatriesme, pour imiter et executer.

  A012002617 

 O quel amour! Pour l'imitation: Il est resuscité le troisiesme jour; o Dieu, que ne resuscitons-nous par la contrition, confession et satisfaction? Il force la pierre; vainquons toutes difficultés..

  A012002617 

 Pour l'esperance: Si Jesus Christ est resuscité, nous resusciterons, dit saint Paul; il nous a frayé le chemin.

  A012002617 

 Pour la charité: Tout resuscité qu'il est, il converse neanmoins encor en terre pour instruire l'Eglise, et retarde de prendre possession du Ciel, lieu propre des cors resuscités, pour nostre bien.

  A012002618 

 Le livre est [317] intitulé: De Actionibus Virtutum, imprimé a Venise; il vous sera fort utile..

  A012002618 

 Mais il y a d'autres sentences ou le sujet n'est pas si descouvert, comme: Quomodo huc intrasti non habens vestem nuptialem? Voyla la charité; mays vous la voyes couverte d'une robbe, car la robbe nuptiale c'est la charité.

  A012002619 

 Encores peut-on traitter autrement: c'est a sçavoir, des biens que cette vertu donne et des maux que le vice opposé apporte; mais la premiere est la plus utile..

  A012002619 

 Il y a une autre methode, monstrant combien cette vertu dont il s'agit est honnorable, utile et delectable ou playsante, qui sont les trois biens qui se peuvent desirer.

  A012002620 

 Mais cette façon de passer sur tout un Evangile sentencieux est moins fructueuse, d'autant que le predicateur ne pouvant s'arrester que fort peu sur chacune sentence, ne peut les bien demesler, ni inculquer a l'auditeur ce qu'il desire..

  A012002621 

 Celle que j'ay tenue en l'orayson funebre de Monsieur de Mercure est bonne parce qu'elle est de saint Paul: Ut pie erga Deum, sobrie erga seipsum, juste erga proximum vixerit; et rapporter les pieces de la vie du Saint chacune a son rang.

  A012002621 

 Ou bien de considerer comme il a combattu le diable, le monde, la chair: la superbe, l'avarice, la concupiscence, qui est la division de saint Jan: Omne, dit il, quod est in mundo, aut est concupiscentia carnis, etc. Ou bien, comme je fis a Fonteynes, sur saint Bernard: comme il faut honnorer Dieu en son [318] Saint et le Saint en Dieu; comme il faut servir Dieu a l'imitation de son Saint; comme il faut prier Dieu par l'intercession de son Saint; et ainsy effleurer la vie du Saint dont on parle, et mettre chaque chose en son lieu..

  A012002621 

 Quand on traitte de la vie d'un Saint la methode est diverse.

  A012002622 

 C'est pourquoy les discours affectifz doivent estre logés a la fin..

  A012002626 

 Entre tous ceux qui ont escrit des sermons, Diez m'aggree infiniment: il va a la bonne foy, il a l'esprit de predication, il inculque bien, explique bien les passages, fait de belles allegories et similitudes, des hypotyposes nerveuses, prend l'occasion de dire admirablement, et est fort devot et clair.

  A012002626 

 Il luy manque ce qui est en Osorius, qui est l'ordre et la methode, car il n'en tient point; mays il me semble qu'il se le faut rendre familier au commencement.

  A012002626 

 Il y a un Espagnol qui a fait un gros livre qui s'appelle Sylva Allegoriarum, lequel est tres utile a qui le sçait bien [320] manier, comme aussi les Concordances de Benedicti.

  A012002628 

 Monsieur, c'est icy ou je desire plus de creance qu'ailleurs, parce que je ne suis pas de l'opinion commune, et que neanmoins ce que je dis c'est la verité mesme..

  A012002629 

 Comme donq faut il dire en la predication? Il se faut garder des quanquam et longues periodes des pedans, de leurs gestes, de leurs mines, de leurs mouvemens: tout cela est la peste de la predication.

  A012002629 

 Dites merveilles, mais ne les dites pas bien, ce n'est rien; dites peu et dites bien, c'est beaucoup.

  A012002629 

 Le souverain artifice c'est de n'avoir point d'artifice.

  A012002632 

 Les ordinaires appellations doivent estre, mes freres, mon peuple (si c'est le vostre), mon cher peuple, Chrestiens auditeurs..

  A012002633 

 Il est bon d'avoir certaines exclamations familieres et judicieusement prononcees et employees, comme: O Dieu, bonté de Dieu, o bon Dieu, Seigneur Dieu, vray Dieu, eh, helas, ah, mon Dieu! [322].

  A012002636 

 Il est tous-jours mieux que la predication soit courte que longue, en quoy j'ay failli jusques a present: que je m'amende.

  A012002637 

 Il ne faut point tesmoigner de mescontentement, s'il est possible; mais au moins point de cholere, comme je fis le jour de Nostre Dame quand on sonna avant que j'eusse achevé.

  A012002637 

 Je n'ayme point les plaisanteries et sobriquetz; ce n'en est pas le lieu..

  A012002638 

 Je finis disant que la preédication c'est la publication et declaration de la volonté de Dieu faitte aux hommes par celuy qui est la, legitimement envoyé, affin de les instruire et esmouvoir a servir sa divine Majesté en ce monde, pour estre sauvés en l'autre..

  A012002640 

 Je me suis allegué moy mesme; mais c'est, Monsieur, parce que vous voules mon opinion et non celle des autres.

  A012002640 

 Je n'ay point cité les autheurs que j'ay allegués en certains endroitz; c'est que je suis aux chams, ou je ne les ay pas.

  A012002641 

 Dieu le veut, les hommes s'y attendent; c'est la gloire de Dieu, c'est vostre salut: hardiment, Monsieur, et courage, pour l'amour de Dieu..

  A012002641 

 Vostre voix est propre, vostre doctrine suffisante, vostre maintien sortable, vostre rang tres illustre en l'Eglise.

  A012002642 

 Il n'est rien d'impossible a l'amour.

  A012002643 

 Vous alles, Monsieur, a vostre troupeau: hé, que ne m'est il loysible de courir jusques la pour vous assister, comme j'eus l'honneur de faire a vostre premiere Messe! Je vous y accompagneray par mes vœux et desirs.

  A012002649 

 J'ai eu honte relisant cette lettre, et si elle estoit plus courte je la referois; mais j'ay tant de confiance en la solidité de vostre bienveüillance, que la voyla, Monsieur, telle qu'elle est.

  A012002656 

 La charité est esgalement facile a donner et a recevoir les bonnes impressions du prochain; mais si a sa generale inclination on adjouste celle de quelque particuliere amitié, elle se rend excessive en cette facilité.

  A012002657 

 C'est bien la verité que j'ay reconneu en Monsieur de Bourges une si naïfve bonté et d'esprit et de cœur que je me suis relasché a conferer avec luy des offices de nostre commune vocation, avec tant de liberté que, revenant a moy, je n'ay sceu qui avoit usé de plus de simplicité, on luy a m'escouter, ou moy a luy parler.

  A012002658 

 Il n'est pas jusques au petit Celse Benigne et a vostre Aymee qui ne me connoissent et qui ne m'ayent caressé en vostre mayson.

  A012002658 

 Non, Monsieur, je n'apporte plus nulle consideration a ce que je suis moins que luy, ni a ce qu'il est plus que moy et en tant de façons: « Amor æquat amantes.

  A012002659 

 Ce [328] m'est, a la verité, une obeissance un petit aspre; mays vous jugeres bien qu'elle en vaut mieux.

  A012002660 

 Il n'est pas possible que vivans au monde, quoy que nous ne le touchions que des piedz, nous ne soyons embroüillés de sa puossiere.

  A012002660 

 Nos anciens peres, Abraham et les autres, presentoyent ordinairement a leurs hostes le lavement des piedz; je pense, Monsieur, que la premiere chose qu'il faut faire c'est de laver les affections de nostre ame pour recevoir l'hospitalité de nostre bon Dieu en son Paradis..

  A012002661 

 Il me semble que c'est tous-jours beaucoup de reproche aux mortelz de mourir sans y avoir pensé; mais il est double a ceux que Nostre Seigneur a favorisés du « Bien de la viellesse.

  A012002662 

 Il se faut tenir prestz; ce n'est pas pour partir devant l'heure, mays pour l'attendre avec plus de tranquillité..

  A012002663 

 A cet effect, je croy, Monsieur, que vous aures une incroyable consolation de choisir de chasque jour une heure pour penser, devant Dieu et vostre bon Ange, a ce qui vous est necessaire pour faire une bienheureuse retraitte.

  A012002664 

 La sagesse et consideration de la philosophie accompagne souvent les jeunes gens: c'est plus pour recreer leur esprit que pour creer en leurs affections aucun bon mouvement; mais entre les bras des anciens, elle n'y doit estre que pour leur donner de la vraye chaleur de devotion.

  A012002665 

 C'est le vray progres d'une honneste retraitte..

  A012002667 

 Apres cela a nos proches; mays « nul ne vous est si proche que vous mesme, » dit nostre Seneque chrestien.

  A012002668 

 C'est bien assés, Monsieur, si ce n'est trop pour cette annee, laquelle s'enfuit et s'escoule de devant nous, et dans ces deux moys prochains nous fera voir la vanité de sa duree, comme ont fait toutes les precedentes qui ne durent plus.

  A012002686 

 Et tenés cette regie perpetuellement, que jamais vous ne deves finir vostre orayson qu'avec confiance; car c'est la vertu la plus requise pour impetrer de Dieu, et celle qui l'honnore le plus.

  A012002690 

 Apres cela les Litanies de Nostre Dame, et apres, l'orayson de Nostre Dame, ou celle qui est apres: Visita, quæsumus, Domine, habitationem, et ce qui s'ensuit.

  A012002690 

 Le soir avant que d'aller coucher, j'appreuve que si l'eglise n'est point esloignee de vos chambres, ni trop incommode, vous y allies toutes ensemble, et qu'estans arrivees et mises a genoux et en la presence de Dieu, la semainiere fasse l'office de l'examen de conscience en cette sorte: Pater noster, et dire secrettement le reste; Ave Maria et Credo, et a la fin: carnis resurrectionem, vitam æternam.

  A012002692 

 Ne faites point l'orayson mentale apres disner, si ce n'est quatre heures apres, ni jamais apres souper.

  A012002693 

 Estant malade, ne faites point d'autre orayson que jaculatoire, et ayés soin de vous, obeissant soigneusement au medecin, et croyes que c'est une mortification aggreable a Dieu; et quand vos Seurs le seront, soyes fort affectionnee a les visiter, secourir et faire servir et consoler.

  A012002697 

 Le premier c'est de leur commander souvent, mais des choses fort petites, douces et legeres, et ce devant les autres; et puis, la dessus, les en louer modestement, et les appeller a l'obeissance avec des termes d'amour: Ma chere Seur, ou Fille, et semblables; et plustost leur dire avant que de le faire: Si je vous prie de ceci ou de cela, le feres-vous pas bien pour l'amour de Dieu?.

  A012002698 

 Ce sont: Platus, Du Bien de l'Estat religieux, lequel est traduit en françois et impunie a Paris; Le Gerson des Religieux, composé par le Pere Pinel, imprimé a Lion et a Paris; Le Desirant ou Thresor de Devotion, imprimé a Paris et a Lion.

  A012002698 

 Le second c'est de leur jetter devant des livres propres a cela, et entr'autres il y en a trois admirables que je vous conseille d'avoir, et quelquefois leur en lire a part les pointz plus sortables.

  A012002699 

 Le troysiesme c'est de commander si doucement et amiablement qu'on rende l'obeissance aymable; et, apres qu'elles vous auront obei, adjouster: Dieu vous veuille recompenser de cette obeissance.

  A012002700 

 Le quatriesme c'est de faire profession vous mesme de ne vouloir rien faire que par l'advis et conseil de vostre pere spirituel, auquel neanmoins vous n'attribueres nullement aucun tiltre de commandement, ni a ce que vous feres par sa direction aucun tiltre d'obeissance, de peur d'exciter des contradictions, et que les malins ne suscitent des jalousies en l'esprit de ceux qui sont Superieurs de vostre Monastere, car cela gasteroit tout.

  A012002702 

 Mays que ce soit en sorte qu'il semble que vous ne le dites que pour vostre particulier, et vous verres que, petit a petit, elles seront bien ayses de retrancher les sorties au monde et les entrees des mondains; et en fin, un jour (il suffira bien si c'est apres une annee, voire deux) vous feres passer cela en constitution et en ordre, car c'est en fin la gardienne de la chasteté que la clausure..

  A012002702 

 Quant a la chasteté il faut commencer ainsy: tesmoigner vous mesme que vous n'estes jamais si contente que quand vous estes seule avec elles; qu'il vous semble que c'est la plus grande consolation d'estre ainsy en vostre conversation particuliere entre vous autres Seurs; que vous voudries que chacun demeurast en son lieu, les mondains chez eux et vous avec elles; qu'aussi bien les mondains ne viennent aux monasteres que pour en tirer, [338] ou pour en faire des contes ça et la et se mocquer des Religieuses; et semblables petites inspirations.

  A012002703 

 Je suis consolé de sçavoir que presque tout est de jeunesse, car cet aage est propre a recevoir les impressions.

  A012002704 

 Ne tesmoignes pas de vouloir vaincre; excusés en l'une son incommodité, en l'autre son aage, et dites le moins qu'il vous sera possible que c'est faute d'obeissance.

  A012002705 

 Ma Fille, j'appreuve la charité que vous voules faire a cette pauvre creature esgaree, pourveu qu'elle revienne avec esprit de reconnoissance et penitence; et si elle vient en cette sorte, elle treuvera plus doux que sucre et miel d'estre reculee au dernier rang et de ne point avoir part aux honneurs de la Mayson, jusqu'a ce que les vertuz qu'elle pourra faire paroistre en contreschange [339] des fautes passees la puissent relever aux autres honneurs, horsmis le rang, qu'il est bien raysonnable qu'elle perde absolument.

  A012002707 

 Et la premiere fois qu'elles communient, il est bon de prendre vous mesme la peyne de les bien instruire de la reverence qu'elles y doivent porter, et de leur faire marquer le jour et l'an en leur Breviaire pour en remercier Dieu toutes les annees suivantes..

  A012002708 

 Je le supplie de tout mon cœur qu'il vous fortifie de plus en plus en son amour, avec toutes mesdames vos Religieuses, que je saluë et prie de ne point m'oublier en leurs [340] oraysons, mays de me donner quelques uns des souspirs de devotion qu'elles jettent au Ciel, ou est leur esperance.

  A012002722 

 C'est tout ce qu'il nous faut pour le present, car vous seres assaillie sans [341] doute; mais avec l'esprit d'une douce vaillance nous chevirons de ce bon dessein, Dieu aydant.

  A012002722 

 Et pour le present, il faut bien establir l'interieur de vos Seurs et le vostre sur tout, car c'est la vraye et solide methode; et dans quelque tems nous establirons l'exterieur, a l'edification de plusieurs ames.

  A012002724 

 J'escris a Monsieur vostre pere et le mien une lettre propre, a mon advis, pour gaigner son esprit a nostre dessein, lequel je ne luy depeins pas si grand comme il est parce que cela le rebuteroit luy estant proposé tout a coup, et petit a petit il le goustera indubitablement.

  A012002724 

 J'escris un mot a Madame vostre seur, que je ne puis qu'aymer extremement, estant ce qu'elle est.

  A012002724 

 Je me dispense un peu de vous en cette lettre-la, mais vous sçaves bien que ce n'est tout que pour la gloire de Dieu et vostre bien, a quoy je regarde sans plus en tout cecy.

  A012002726 

 Il n'y a nulle apparence humaine que je puisse jamais avoir la consolation de voir le Puis d'Orbe; mais le grand desir duquel je suis porté a vostre service spirituel me [342] fait esperer que Nostre Seigneur m'y conduira par sa providence quand il en sera tems, si ma chetifve cooperation est requise a vostre bon dessein..

  A012002727 

 Il faut disposer petit a petit la matiere de l'entiere reformation, et la plus grande preparation c'est de rendre les cœurs doux, traittables et desireux de la perfection.

  A012002728 

 Monsieur l'Evesque de Saluces, est decedé despuis peu.

  A012002728 

 Si j'eusse eu le tems a moy, je vous eusse escrit en meilleur ordre; mais tout ce que j'escris ce n'est que par morceaux, selon le loysir que je puis avoir.

  A012002733 

 Que si elle n'est pas digne de ce lieu, ou moy de ce contentement, au moins aura-elle ce bonheur, ou qu'elle aille, d'avoir esté en si bon lieu.

  A012002743 

 C'est la vraye verité, Madame ma chere Seur; et croyes qu'en telles occasions je parle fort purement.

  A012002743 

 Mais si ce n'est que peché veniel, ou que vous l'ayes omis par oubliance et defaut de memoire, ne doutés point, ma chere Seur; car, au peril de mon ame, vous n'estes nullement obligee de refaire vostre confession, ains suffira de dire a vostre confesseur ordinaire le point que vous aures omis: de cela j'en respons.

  A012002743 

 Que si vous en conferes avec le Pere Recteur, il vous en dira le mesme, car c'est le sentiment de l'Eglise nostre mere..

  A012002745 

 La vertu de devotion n'est autre chose qu'une generale inclination et promptitude de l'esprit a faire ce qu'il connoist estre aggreable a Dieu; c'est cette dilatation de cœur de laquelle David [346] disoit: J'ay couru en la voye de vos commandemens quand vous aves estendu mon cœur.

  A012002746 

 Comme, par exemple, il est commandé aux Evesques de visiter leurs brebis, les enseigner, redresser, consoler: que je demeure toute la semayne en orayson, que je jeusne toute ma vie, si je ne fay cela je me pers.

  A012002746 

 Qu'une personne face miracle estant en estat de mariage, et qu'elle ne rende pas le devoir de mariage a sa partie ou qu'elle ne se soucie point de ses enfans, elle est pire qu'infidelle, dit saint Paul; et ainsy des autres..

  A012002748 

 La premiere, c'est que Dieu le veut ainsy, et est bien la rayson que nous fassions sa volonté, car nous ne sommes en ce monde que pour cela.

  A012002749 

 C'est, en un mot, que nous voulons servir Dieu, mais a nostre volonté et non pas a la sienne.

  A012002749 

 Ce n'est pas a nous de choysir a nostre volonté; il faut voir ce que Dieu veut, et si Dieu veut que je le serve en une chose, je ne doy pas vouloir le servir en une autre.

  A012002749 

 Dieu me commande de servir aux ames, et je veux demeurer a la contemplation: la vie contemplative est bonne, mais non pas au prejudice de l'obeissance.

  A012002749 

 Dieu veut que Saül le serve en qualité de roy et cappitaine, et Saül le veut servir en qualité de prestre: il n'y a nulle difficulté que celle cy est plus excellente que celle la; mais neanmoins Dieu ne se paye pas de cela, il veut estre obei..

  A012002749 

 Et qu'est ce donques qui vous les rend fascheux? Rien, a la verité, sinon vostre propre volonté, qui veut regner en vous a quel prix que ce soit; et les choses que peut estre elle desireroit si on ne les luy commandoit, luy estant commandees elle les rejette.

  A012002749 

 La deuxiesme consideration c'est de penser a la nature des commandemens de Dieu, qui sont doux, gratieux et souëfves, non seulement les generaux, mays encores les particuliers de la vocation.

  A012002750 

 C'est grand cas, Dieu avoit donné de la manne aux enfans d'Israël, une viande tres delicieuse; et les voyla qu'ilz n'en veulent pas, mais recherchent en leurs desirs les aulx et les oignons d'Egipte.

  A012002750 

 C'est nostre chetifve nature qui veut tous-jours que sa volonté soit faitte, et non pas celle de Dieu.

  A012002751 

 Ceux qui ont la fievre ne treuvent nulle place bonne; ilz n'ont pas demeuré un quart d'heure en un lict qu'ilz voudroyent estre en un autre: ce n'est pas le lict qui en peut mais, c'est la fievre qui les tourmente par tout.

  A012002751 

 D'ou vient cette generale inquietude des espritz, sinon d'un certain desplaysir que nous avons a la contrainte, et une malignité d'esprit qui nous fait penser que chascun est mieux que nous? Mais c'est tout un: quicomque n'est pleinement resigné, qu'il tourne deça et dela, il n'aura jamais repos.

  A012002751 

 Il faut considerer qu'il n'y a nulle vocation qui n'ayt ses ennuis, ses amertumes et degoustemens; et, qui plus est, si ce n'est ceux qui sont pleinement resignés en la volonté de Dieu, chascun voudroit volontier changer sa [348] condition a celle des autres: ceux qui sont Evesques voudroyent ne l'estre pas; ceux qui sont mariés voudroyent ne l'estre pas, et ceux qui ne le sont le voudroyent estre.

  A012002751 

 Une personne qui n'a point la fievre de la propre volonté se contente de tout; pourveu que Dieu soit servi, elle ne se soucie pas en quelle qualité Dieu l'employe: pourveu qu'il face sa volonté divine, ce luy est tout un..

  A012002752 

 C'est le dire de saint Paul: Chascun demeure en sa vocation devant Dieu.

  A012002752 

 Il ne faut pas porter la croix des autres, mais la sienne; et pour porter chascun la sienne, Nostre Seigneur veut qu'un chascun se renonce soy mesme, c'est a dire a sa propre volonté.

  A012002752 

 Mais ce n'est pas tout.

  A012002754 

 Et qu'est ce que nous faysons qui approche en difficulté a cela?.

  A012002755 

 Pensés souventesfois que tout ce que nous faysons a sa vraye valeur de la conformité que nous avons avec la volonté de Dieu: si qu'en mangeant et beuvant, si je le fay parce que c'est la volonté de Dieu que je le face, je suis plus aggreable a Dieu que si je souffrois la mort sans cette intention la..

  A012002758 

 Faysons nostre besoigne; a chascun sa croix n'est pas trop.

  A012002758 

 Meslés doucement l'office de Marthe a celuy de Magdeleine; faites diligemment le service de vostre vocation, et souvent revenes a vous mesme et vous mettes en esprit aux piedz de Nostre Seigneur, et dites: Mon Seigneur, soit que je coure, soit que je m'arreste, je suis toute vostre, et vous a moy; vous estes mon premier Espoux, et tout ce que je feray, c'est pour l'amour de vous, et cecy et cela..

  A012002760 

 Pour la Communion, si ce n'est au gré de Monsieur vostre mari, n'excedes point pour le present les limites de ce que nous en dismes a Saint Claude: demeurés ferme, et communiés spirituellement; Dieu recevra en conte la preparation de nostre cœur..

  A012002762 

 Au demeurant, sçachés que mon esprit est tout vostre.

  A012002776 

 La premiere parole qu'ilz jettent a l'oreille de l'ame qui en est agitee c'est de n'ouïr point de conseil, ou, si elle en oyt, que ce soyent des conseilz de gens de peu et sans experience.

  A012002777 

 Arrestes-vous la, je vous supplie, et ne disputés [353] plus avec l'ennemy en ce sujet; dites luy hardiment que c'est Dieu qui l'a voulu et qui l'a fait.

  A012002777 

 Ce fut Dieu qui vous embarqua en la premiere direction, propre a vostre bien en ce tems la; c'est Dieu qui vous a portee a celle ci, laquelle, bien que l'instrument en soit indigne, il vous rendra fructueuse et utile..

  A012002778 

 Chasque affection a sa particuliere difference d'avec les autres; celle que je vous ay a une certaine particularité qui me console infiniment, et, pour dire tout, qui m'est extremement prouffitable.

  A012002778 

 Mays maintenant, ma chere Fille, il y est survenu une certaine qualité nouvelle qui ne se peut nommer, ce me semble; mais seulement son effect est une grande suavité interieure que j'ay a vous souhaitter la perfection de l'amour de Dieu et les autres benedictions spirituelles.

  A012002779 

 Il ne m'estoit jamais arrivé, sous cette forme de parler generale, de porter mon esprit a aucune personne particuliere: despuis que je suis sorty de Dijon, sous cette parole de nous, plusieurs particulieres personnes qui se sont recommandees a moy me viennent [354] en memoire; mais vous, presque ordinairement la premiere, et quand ce n'est pas la premiere, qui est rarement, c'est la derniere pour m'y arrester davantage.

  A012002780 

 C'est tout un; patience, il se faut parler par signes: il se faut prosterner devant Dieu et demeurer la devant ses piedz; il entendra bien, par cette humble contenance, que vous estes sienne et que vous voules son secours, encores que vous ne puissies pas parler.

  A012002780 

 Il ne faut nullement respondre ni faire semblant d'entendre ce que l'ennemy dit; qu'il clabaude tant qu'il voudra a la porte, il ne faut pas seulement dire: Qui va la? Il est vray, ce me dires-vous, mais il m'importune, et son bruit fait que ceux de dedans ne s'entendent pas les uns les autres a deviser.

  A012002780 

 Mays sur tout tenes vous bien fermee dedans, et n'ouvres nullement la porte, ni pour voir qui c'est ni pour chasser cet importun; en fin il se lassera de crier et vous laissera en paix.

  A012002780 

 Pour le troysiesme, vous me demandes les remedes au travail que vous donnent les tentations que le malin vous fait contre la foy et l'Eglise; car c'est cela que j'entens.

  A012002781 

 C'est cependant un tres bon signe que l'ennemy batte et tempeste a la porte, car c'est signe qu'il n'a pas ce qu'il veut.

  A012002781 

 Je vous prie, ayés un livre intitulé De la Tribulation, composé par le P. Ribadeneira en espagnol et traduit en françois (le Pere Recteur vous dira ou il est imprimé), [355] et le lisés soigneusement.

  A012002782 

 Arriere, o Satan; il est escrit: Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu.

  A012002782 

 Sçaves vous ce que vous feres pendant que l'ennemy s'amuse a vouloir escalader l'intellect? Sortés par la porte de la volonté et luy faites une bonne charge; c'est a dire, comme la tentation de la foy se presente pour vous entretenir: Mais comment se peut faire cecy? mais si cecy, mais si cela? faites qu'en lieu de disputer avec l'ennemy par le discours, vostre partie affective s'eslance de vive force sur luy, et mesme joignant a la voix interieure l'exterieure, criant: Ah traistre, ah malheureux, tu as laissé l'Eglise des Anges, et tu veux que je laisse celle des Saintz! Desloyal, infidelle, perfide, tu presentas a la premiere femme la pomme de perdition, et tu veux que j'y morde.

  A012002783 

 Il est vray qu'en ce tems de tentation la pauvre volonté est toute seche; mays tant mieux, ses coupz seront tant plus terribles a l'ennemy, lequel voyant qu'en lieu de retarder vostre advancement il vous donne sujet d'exercer mille affections vertueuses, et particulierement de la protestation de la foy, il vous laissera en fin finale.

  A012002784 

 C'est grand cas comme cette recette s'est treuvee bonne en une ame que je connois.

  A012002784 

 C'est sans doute que le sentiment exterieur divertit le mal et l'affliction interieure, et provoque la misericorde de Dieu; joint que le malin voyant que l'on bat sa partisane et confederee, la chair, il craint et s'enfuit.

  A012002785 

 Au bout de tout cela, ces tentations ne sont que des afflictions comme les autres, et faut s'accoiser sur le dire de la Sainte Escriture: Bienheureux est qui souffre la tentation, car ayant esté esprouvé, il recevra la couronne de gloire. Sachés que j'ay veu peu de personnes avoir esté avancees sans cette espreuve, et faut avoir patience; nostre Dieu, apres les bourrasques, envoyera le calme.

  A012002787 

 Ainsy vous aures visité toute l'Eglise, dont l'une des parties est au Ciel, l'autre en terre et l'autre sous terre, comme saint Paul et saint Jan tesmoignent.

  A012002788 

 Le long du jour, force oraysons jaculatoires, et particulierement celles des heures, quand elles sonnent: c'est une devotion utile..

  A012002789 

 Or, la recollection se pourra faire avec une entree de l'ame en l'une des cinq playes de Nostre Seigneur pour cinq jours; le sixiesme, dans les espines de sa couronne, et le septiesme, dans son costé percé, car il faut commencer la semaine par la et la finir de mesme; c'est a dire, les Dimanches il faut revenir a ce cœur..

  A012002790 

 C'est bien asses pour tous les jours; les festes vous y pourres adjouster d'estre a Vespres et dire l'Office de Nostre Dame..

  A012002790 

 Il est vray qu'il est malaysé a treuver, ce me semble, et partant, ne les treuvant pas, celles de Nostre Dame suffiront.

  A012002793 

 Je vous laisse l'esprit de liberté, non pas celuy qui forclost l'obeissance, car c'est la liberté de la chair; mais celuy qui forclost la contrainte et le scrupule ou empressement.

  A012002794 

 Je desire que vous ayes une traduction françoise de toutes les prieres que vous dires; non pas que je veuille que vous les disies en françois, ains en latin, car elles vous rendront plus de devotion; mais c'est que je veux que vous en ayes aucunement le sens, mesme les Litanies du Nom de Jesus, de Nostre Dame et des autres.

  A012002795 

 J'appreuve que vous employés les Exercices de Taulere, les Meditations de saint Bonaventure et celles de Capiglia; car c'est en fin tous-jours la vie de Nostre Seigneur que ses Evangiles.

  A012002796 

 J'appreuve que neanmoins on la flatte quelquefois, en luy donnant a manger de l'avoyne que saint François luy donnoit pour la faire aller viste: c'est la discipline, qui a une merveilleuse force, en piquant la chair, de resveiller l'esprit; seulement deux fois la semaine..

  A012002798 

 Pour le cinquiesme point, c'est la verité que je cheris d'une tres particuliere dilection et nostre Celse Benine et tout le reste de vos enfans.

  A012002799 

 Il n'est pas croyable combien cet advis est utile; l'experience me le rend recommandable tous les jours..

  A012002800 

 Il nous faut le plus qu'il est possible agir dans les espritz comme les Anges font, par des mouvemens gracieux et sans violence.

  A012002802 

 Si le sejour de Dijon est un petit plus grand, il n'importe; c'est aussi vostre premier devoir.

  A012002803 

 Mon advis gist en deux pointz: l'un, qu'il face une generale reveuë de toute sa vie, pour faire une penitence generale ou confession, c'est une chose sans laquelle nul homme d'honneur ne doit mourir; l'autre, qu'il s'essaye petit a petit de se desprendre des affections du monde, et luy en dis les moyens.

  A012002804 

 Vous luy deves une grande charité a l'acheminer a une fin heureuse, et nul respect ne vous doit empescher de vous y employer avec une humble ardeur, car c'est le premier prochain que Dieu vous oblige d'aymer; et la premiere partie que vous deves aymer en luy c'est son ame, et en son ame, la conscience, et en la conscience, la pureté, et en la pureté, l'apprehension du salut eternel.

  A012002805 

 En fin, que voules vous plus? pere, frere, oncle, enfans, tout cela m'est infiniment a cœur..

  A012002806 

 Et qu'est ce? C'est un desengagement du cœur chrestien de toutes choses, pour suivre la volonté de Dieu reconneuë.

  A012002806 

 La liberté de laquelle je parie c'est la liberté des enfans bienaymés.

  A012002806 

 Pour le septiesme point, de l'esprit de liberté, je vous diray que c'est.

  A012002806 

 Tout homme de bien est libre des actions de peché mortel et n'y attache nullement son affection: [362] voyla une liberté necessaire a salut; je ne parie pas de celle la.

  A012002807 

 Tout cela n'est autre chose sinon l'esprit de liberté; car, pourveu que le nom de Dieu soit sanctifié, que sa Majesté regne en nous, que sa volonté soit faite, l'esprit ne se soucie d'autre chose..

  A012002808 

 Il n'engage nullement son affection aux exercices spirituelz; de façon que si, par maladie ou autre accident, il en est empesché, il n'en conçoit nul regret.

  A012002808 

 Je ne dis pas qu'il ne la perde, mais c'est pour peu..

  A012002808 

 Le cœur qui a cette liberté n'est point attaché aux consolations, mais reçoit les afflictions avec toute la douceur que la chair peut le permettre.

  A012002809 

 Exemple: Une ame qui s'est attachee a l'exercice de la meditation, interrompés la, vous la verres sortir avec du chagrin, empressee et estonnee.

  A012002809 

 Les effectz de cette liberté sont une grande suavité d'esprit, une grande douceur et condescendance a tout ce qui n'est pas peché ou danger de peché; c'est cette humeur doucement pliable aux actions de toute vertu et charité.

  A012002809 

 Les occasions de cette liberté sont toutes les choses qui arrivent contre nostre inclination; car quicomque n'est pas engagé en ses inclinations ne s'impatiente pas quand elles sont diverties..

  A012002809 

 Une ame qui a la vraye liberté sortira avec un visage esgal et un cœur gracieux a l'endroit de l'importun qui l'aura incommodee, car ce luy est tout un, ou de servir Dieu en meditant, ou de le servir en supportant le prochain; [363] l'un et l'autre est la volonté de Dieu, mais le support du prochain est necessaire en ce tems la.

  A012002810 

 A la moindre occasion on change d'exercice, de dessein, de regie; pour toute petite occurrence on laisse sa regie et sa louable coustume, et par la, le cœur se dissipe et se perd, et est comme un verger ouvert de tous costés, duquel les fruitz ne sont pas pour le maistre mais pour tous passans..

  A012002810 

 L'instabilité d'esprit ou dissolution est un certain exces de liberté par lequel on veut changer d'exercice, d'estat de vie, sans rayson ni connoissance que ce soit la volonté de Dieu.

  A012002811 

 La contrainte ou servitude est un certain manquement de liberté par lequel l'esprit est accablé ou d'ennuy ou de cholere quand il ne peut faire ce qu'il a desseigné, encor qu'il puisse faire chose meilleure.

  A012002812 

 C'est qu'une personne ne doit jamais laisser ses exercices et les communes regles des vertus sinon qu'il voye la volonté de Dieu de l'autre costé.

  A012002812 

 Si cependant je deviens malade ou que je me rompe la jambe, je n'ay que faire de regretter et m'inquieter de ne point prescher, car c'est chose certaine que la volonté de Dieu est que je le serve en souffrant et non pas en preschant.

  A012002813 

 Ainsy, c'est une fause liberté aux femmes mariees de s'esloigner de leurs maris sans legitime rayson, sous pretexte de devotion et charité.

  A012002813 

 De maniere que cette liberté ne prejudicie jamais aux vocations; au contraire, elle fait que chascun se plaist en la sienne, puisque chascun doit sçavoir que c'est la volonté de Dieu qu'on y demeure..

  A012002813 

 La deuxiesme regie est que, lhors qu'il faut user de liberté par charité, il faut que ce soit sans scandale et sans injustice.

  A012002814 

 C'estoit l'esprit le plus exacte, roide et austere qu'il est possible d'imaginer; il ne beuvoit que de l'eau et ne mangeoit que du pain; si exacte que, despuis qu'il fut Archevesque, en vingt quatre ans, il n'entra que deux fois en la mayson de sus freres, estans malades, et deux fois dans son jardin: et neanmoins, cet esprit si rigoureux, mangeant souvent avec les Suisses ses voysins, pour les gaigner a mieux faire, il ne faisoit nulle difficulté de faire deux carouz [365] ou brindes avec eux a chasque repas, outre ce quii avoit beu pour sa soif.

  A012002817 

 Et qu'est-ce cela sinon avoir son esprit desengagé de tout, et de Dieu mesme, pour luire la volonté de Dieu et le servir; laisser Dieu pour.

  A012002817 

 Saint Jan Baptiste alla au desert a l'aage de cinq ans, et sçavoit que nostre Sauveur et le sien estoit nay tout proche de luy, c'est a dire une journee ou deux ou trois, comme cela.

  A012002819 

 J'ay oublié a dire que non seulement la volonté de Dieu se connoit par la necessité et charité, mais par l'obedience; de façon que celuy qui reçoit un commandement doit croire que c'est la volonté de Dieu.

  A012002819 

 N'est ce pas trop? mais mon esprit court plus viste que je ne veux, porté de l'ardeur de vous servir..

  A012002820 

 Resouvenes vous de faire estat que tout le passé n'est rien et que tous les jours il [367] vous faut dire avec David: Tout maintenant je commence a bien aymer mon Dieu.

  A012002822 

 J'ay receu le billet de vos vœux, que je garde et regarde soigneusement commun juste instrument de nostre alliance toute fondee en Dieu, et laquelle durera a l'æternité, moyennant la misericorde de Celuy qui en est l'autheur..

  A012002823 

 Monsieur l'Evesque de Saluces, l'un de mes plus intimes amis et des plus grans serviteurs de Dieu et de l'Eglise qui fut au monde, est decedé despuis peu, avec un regret incroyable de son peuple, qui n'avoit joüy de ses travaux qu'un an et demi; car nous avions esté faitz Evesques ensemble et tout d'un jour.

  A012002824 

 Et a vostre premier loysir, escrives-moy l'histoire de vostre porte de saint Claude, et croyés que ce n'est point par curiosité que je la vous demande..

  A012002825 

 J'ay esté consolé de voir que vous appelles de si bon cœur Madame du Puis d'Orbe seur; c'est une grand'ame, si ell'est bien assistee, et Dieu se servira d'elle a la gloire de son nom.

  A012002825 

 Ma mere vous est tellement acquise que rien plus.

  A012002829 

 ... avec liberté par ce que c'est par homme....

  A012002838 

 Bonis Religiosis melius nihil esse, malis nihil pejus, et veteres dixerunt, et hac ætate ita compertum est ut de illis cum Hieremia dici merito possit: Si ficus sint bonæ, bonas valde esse; si malæ, malas valde.

  A012002838 

 Hic enim, Pater Beatissime, in ipsa certaminis acie constituti, inimicorum vires cominus experimur, quorum ingenium est ex moribus nostrorum depravatis Ecclesisæ illibatam doctrinam carpere, ac infirmas populi mentes [371] dejicere.

  A012002838 

 Quo nomine eo magis dolendum est, inter multa Monasteria variorum Ordinum quæ in hac diæcesi sunt ædificata, vix unum reperiri in quo religiosa disciplina labefactata, imo potius conculcata penitus non fuerit; ut ne quidem vestigium veteris illius cœlestis flammæ appareat, adeo obscuratum est aurum et mutatus color ejus optimus..

  A012002839 

 Hoc Consilio adductus est Vespasianus Agacia ut Monasterium Sanctæ Mariæ de Abundantia, cujus ille Abbas commendatarius existit, Religiosis Sancti Bernardi Fuliensibus, quorum bonus odor multis jam in locis manavit, si qua fieri posset opera attribueret et committeret, amotis inde sex monachis, omnibus propemodum senio ac disciplinæ religiosæ crassissima ignorantia, non laborantibus modo, sed pene confectis.

  A012002853 

 Ici, Très Saint Père, placés au front même de la bataille, nous subissons les premiers chocs de l'ennemi, dont c'est précisément la tactique de profiter de la dépravation des nôtres pour s'en prendre à la pure doctrine de l'Eglise et pour démoraliser les esprits faibles, [371] Certes, il est très affligeant qu'entre plusieurs monastères de divers Ordres établis dans ce diocèse, on n'en puisse à peine trouver un seul où la discipline ne soit ébranlée, et même tout à fait foulée aux pieds, en sorte qu'on ne voit plus même un vestige de l'antique et céleste ferveur, tant l'or s'est obscurci, tant son vif éclat s'est altéré..

  A012002853 

 Il n'est rien de meilleur que les bons Religieux, rien de pire que les mauvais.

  A012002853 

 Or, de toute la chrétienté, le diocèse le plus exposé au fléau des mauvaises figues c'est celui de Genève, et pourtant nul n'aurait plus besoin de se refaire par une cueillette d'excellentes ligues.

  A012002854 

 Dans cette pensée, Vespasien Aiazza, abbé commendataire de Notre-Dame d'Abondance, a projeté d'attribuer et de remettre ce Monastère aux Religieux Feuillants de Saint-Bernard, dont la bonne odeur s'est répandue dans beaucoup d'endroits, après en avoir banni six moines qui, presque tous usés de vieillesse, végètent comme ensevelis dans la plus grossière ignorance de la discipline [372] monastique.

  A012002854 

 Le meilleur remède à ce mal, au dire de personnes éclairées, c'est de choisir dans les Congrégations nouvellement réformées, embrasées et enflammées du feu du Saint-Esprit, de vrais Religieux afin de les substituer à ceux qui, pour ne rien dire de plus, ont occupé indignement la terre.

  A012002855 

 Il ne reste plus maintenant qu'une chose à obtenir, mais c'est la plus sérieuse, elle est capitale: je veux dire l'approbation du Siège Apostolique, grâce à laquelle tout sera effectué et ensuite fermement consolidé.

  A012002870 

 C'est pourquoy je ne doute nullement que Vostre Altesse n'ayt fort aggreable le dessein que le sieur Abbé d'Abondance a fait d'introduire en son monastere les bons Peres de Saint Bernard, lesquelz, par leur bonne vie et doctrine, repareront les ruines que les autres ont faittes par leur mauvais exemple.

  A012002871 

 Je confesse que le sieur Abbé est si extremement chargé de despences quil luy sera malaysé de la payer; mais, Monseigneur, sil playsoit a Vostre Altesse d'ordonner que ses pensionnaires y contribuassent chascun quelque partie, il ni auroit plus nulle difficulté.

  A012002887 

 Monseigneur, il a tort, et c'est a moy de supplier tres humblement Vostre Altesse de luy commander de ne point troubler l'establissement des curés de Chablaix, qui a tant cousté et de peynes et de soin au zele de Vostre [376] Altesse.

  A012002888 

 C'est quil s'agist non de mes actions, mais de celles de feu Monsieur mon prædecesseur, que Vostre Allesse a tous-jours jugé fort homme de bien; je suis defendeur et en possession, et mon adversaire en cette cause a esté tous-jours condamné jusques a present.

  A012002888 

 Vostre Altesse a la Mayson de Saint Bernard en sa protection, mais elle n'a pas moins sous sa grace et singuliere faveur cette miserable evesché de Geneve, pour conserver, avec ses commandemens, les droitz de l'un'et de l'autre; qui est tout ce que je puis souhaitter en cette occasion particuliere, en laquelle j'ay trois grans advantages.

  A012002905 

 Je viens de recevoir une lettre de Son Altesse par laquelle elle me commande que je ne poursuive plus le proces qui est entre monsieur de Montjou d'une part, et le curé des Alinges et moy de l'autre.

  A012002923 

 Mais monsieur l'Abbé d'Abondance se treuve fort empesché a la vouloir payer, d'autant quil entre en une bonne despense pour introduire les Peres Feuillans en son Abbaye, et que d'ailleurs il est fort chargé de pensions; il dit neanmoins que si ceux qui ont les pensions vouloyent supporter charitablement la moytié de laditte praebende, il contribueroit volontiers l'autre moytié.

  A012002940 

 Vostre messager m'est arrivé au [380] plus fort et malaysé endroit que je puisse presque rencontrer en la navigation que je fay sur la mer tempestueuse de ce diocæse, et n'est pas croyable combien vos lettres m'ont apporté de consolation.

  A012002941 

 C'est asses dit une fois pour toutes: ouÿ, Dieu m'a donné a vous; je dis uniquement, entierement, irrevocablement..

  A012002941 

 Je vous remercie de la peyne que vous aves prise a me desduire l'histoire de vostre porte de saint Claude, et prie ce beni Saint, tesmoin de la sincerité et integrité de cœur avec laquelle je vous cheris en Nostre Seigneur et commun Maistre, quil impetre de sa sainte bonté l'assistence du Saint Esprit qui nous est necessaire pour bien entrer au repos du tabernacle de l'Eglise.

  A012002942 

 C'est que j'ay veu que le contract des moulins et la transaction de la succession ont esté faitz a mesme jour, mesme heure, par le mesme notaire, en la mesme mayson, devant les mesmes tesmoins.

  A012002942 

 Car, puisque vous voules oster les quatorse mille francz a celuy a qui ilz avoyent esté donnés pour le faire transiger, il est bien raysonnable que la transaction quil a faitte pour les avoir soit aussi gastee.

  A012002942 

 Cela les rend correspectifz l'un a l'autre, et dela s'ensuit que, voulant faire casser et rompre celuy des moulins a cause de l'enorme lesion, il faut aussi rompre et casser celuy de la transaction qui luy est correspectif, et laysser les affaires au mesme estat auquel elles estoyent avant la transaction et l'achapt des [381] moulins.

  A012002942 

 Pour vostre proces, je vous diray qu'en ayant conferé avec un des excellens hommes qui vivent, affin quil m'aydast a m'en bien esclarcir, j'ay rencontré, ce me semble, le nœud de l'affaire pour vous bien et solidement conseiller pour nostre ame, qui est a Dieu et delaquelle, pour l'amour d'icelluy, il nous faut estre fort jaloux.

  A012002942 

 Vous voules reprendre ce que vous luy avés donné, qui est la somme de 14000 francz; rendes luy aussi ce que vous avés de luy a cette consideration, qui est la cession de cette succession.

  A012002943 

 C'est pourquoy, en ayant conferé avec des personnes entendantes au mestier et consciencieuses, desquelles vous ne manques pas a Dijon, si mon opinion n'est pas jugee bonne ne la suivés pas, mais la leur, car je le desire ainsy, bien que j'espere que j'auray bien deviné, selon la proposition que vous m'en avés faitte.

  A012002944 

 Je ne vous diray plus rien du doute que vous avies si Dieu vouloit ou ne vouloit pas ce qui se passa a Saint Claude; car, puisque sa bonté s'est inclinee jusques aux aureilles de vostre cœur pour s'en declairer a vous, il n'est plus quæstion que vous en douties.

  A012002945 

 C'est bien dit, ma chere Fille, vous vous exprimés bien; Je ne sçai si je vous entens bien.

  A012002945 

 C'est une certaine impuissance, ce me dites vous, des facultés ou parties [382] de vostre entendement qui l'empesche de prendre le contentement de la consideration du bien, et, ce qui vous fasche le plus, c'est que, voulant lhors prendre resolution, vous ne sentes point la solidité accoustumee, ains vous rencontrés une certaine barriere qui vous arreste tout court; et de la vient le torment des tentations de la foy.

  A012002946 

 Ces deux enfans en un mesme ventre s'entrebattent comm'Esau et Jacob; c'est pour quoy Rebecca s'ecrie: M'estoit il pas mieux de mourir que de concevoir avec tant de douleurs? De ces convulsions s'ensuit un certain degoustement qui fait que vous ne savoures pas les meilleures viandes.

  A012002946 

 Croyes-moy, ce n'est que le goust qui vous manque, ce n'est pas la veüe.

  A012002946 

 De l'autre costé, vous aves l'amour de Dieu, qui est conceu apres et est puisné; il a aussi ses mouvemens, inclinations, passions, actions.

  A012002946 

 L'amour propre ne meurt jamais que quand nous mourons, il a mille moyens de se retrancher dans nostre ame, on ne l'en sçauroit desloger; c'est l'aisné de nostr'ame, car il est naturel, ou au moins connaturel; il a une legion de carabins avec luy, de mouvemens, d'actions, de passions; il est adroit et sçait mille tours de souplesse.

  A012002946 

 La pauvre Lia est un petit chassieuse et laide, mais il faut que vostre esprit couche avec elle avant que d'avoir la belle Rachel.

  A012002946 

 O Dieu soit beni, ma chere Fille, l' infirmité n'est pas a la mort, mais affin que Dieu soit glorifié en icelle.

  A012002947 

 Il y a quelque chose en moy, ce dites vous, qui n'a jamais esté satisfait, mais je ne sçaurois dire que c'est.

  A012002948 

 Cest empressement donques est un defaut en vous, et c'est ce je ne sçai quoy qui n'est pas satisfait, car c'est un defaut de resignation.

  A012002948 

 Courage, ma chere Seur; puisque nostre volonté est a Dieu, sans doute nous sommes a luy.

  A012002948 

 Un simple desir n'est pas contraire a la resignation; mais un pantelement de cœur, un debattement d'aysles, un'agitation de volonté, une multiplication d'eslancemens, cela indubitablement est faute de resignation.

  A012002948 

 Vous aves la fermeté, car qu'est ce autre chose fermeté que vouloir plus tost mourir qu'offencer ou quitter la foy? mais vous n'en aves pas le sentiment, car si vous l'avies vous auries mille joÿes.

  A012002948 

 Vous vous resignes bien, mais c'est avec un mais; car vous voudries bien avoir ceci et cela, et vous debates pour l'avoir.

  A012002949 

 Alles doucement vostre chemin, car il est bon.

  A012002950 

 Et qu'est cela, ma Fille tres aymee? Ah non, je desire que vostre croix et la mienne soit entierement croix de Jesuschrist et quand a l'imposition d'icelle et quant au choix.

  A012002950 

 Le bon Dieu sçait bien ce quil fait et pourquoy; c'est pour nostre bien sans doute.

  A012002950 

 Plus une croix est de Dieu, plus nous la devons aymer..

  A012002950 

 Voules vous connoistre si je dis vray que le defaut qui est en vous c'est de cett'entiere resignation? Vous voules bien avoir une croix, mais vous voules avoir le choix; vous la voudries commune, corporelle et de telle ou telle sorte.

  A012002951 

 Or sus, ma Seur, ma Fille, mon ame (et ceci n'est pas trop, vous le sçaves bien), dites moy, Dieu n'est il pas meilleur que l'homme? mais l'homme n'est il pas un vray neant en comparaison de Dieu? Et neanmoins voyci un homme, ou plustost le plus vray neant de tous les neans, la fleur de toute la misere, qui n'ayme rien moins la confiance que vous aves en luy, encor que vous en ayes perdu le goust et le sentiment, que si vous en avies tous les senti mens du monde; et Dieu n'aura-il pas aggreable vostre volonté bonne, encor qu'elle soit sans nul sentiment? Je suis, disoit David, comm'une vessie sechee a la fumee du feu, qu'on ne sçauroit dire a quoy elle peut servir.

  A012002952 

 Est il pas bon a vostre advis? Il me semble que cette vicissitude vous le rend bien savoureux.

  A012002954 

 Cela donq s'entend en observant la vraye discretion, et, en ce cas la, ce n'est [387] non plus que de dire que vous aymeres bien Dieu et vous accommoderes a vivre, dire, faire et donner selon son gré..

  A012002954 

 La promesse que vous fistes a Nostre Seigneur de ne jamais rien refuser de ce qui vous seroit demandé en son nom, ne vous sçauroit obliger sinon a le bien aymer; c'est a dire que vous pourries l'entendre en telle façon que la prattique en seroit vicieuse, comme si vous donnies plus qu'il ne faut et indiscretement.

  A012002955 

 Je garde les livres des Psaumes, et vous remercie de la musique, en laquelle je n'entens rien du tout, bien que je l'ayme extremement quand elle est appliquee a la louange de Nostre Seigneur..

  A012002957 

 Je veux bien neanmoins vous defendre de m'appeller Monseigneur; car encor que c'est la coustume de deça d'appeller ainsy les Evesques, ce n'est pas la coustume de dela, et j'ayme la simplicité..

  A012002967 

 J'adjouste ce matin, jour sainte Cecile, que le proverbe tiré de nostre saint Bernard: L'enfer est plein de bonnes volontés ou desirs, ne vous doit nullement troubler.

  A012002967 

 L'une dit: Je voudrois bien faire, mais il me fasche et ne le feray pas; l'autre dit: [Je] veux bien faire, mais je n'ay pas tant de pouvoir que de vouloir, c'est cela qui m'arreste.

  A012002967 

 La [389] premiere volonté ne fait que commencer a vouloir et desirer, mais elle n'acheve pas de vouloir; ses desirs n'ont pas asses de courage, ce ne sont que des avortons de volonté, c'est pourquoy elle remplit l'enfer.

  A012002967 

 Mais la seconde produit des desirs entiers et bien formés, et c'est pour celle la que Daniel fut appellé homme de desirs..

  A012002982 

 Touchant la meditation, je vous prie de ne point vous affliger si parfois, et mesme bien souvent, vous n'y estes pas consolee; mais poursuivés doucement et avec humilité et patience, sans pour cela violenter vostre esprit, Serves-vous du livre quand vous verres vostre esprit las; c'est a dire lises un petit et puis medités, et puis relises encor un petit et puis medités, jusques a la fin de vostre demie heure.

  A012002983 

 Pour le coucher je ne changeray point d'opinion, s'il vous plait; mais si le lict vous desplait et que vous n'y puissies pas tant demeurer que les autres, je vous permettray bien de vous lever une heure plus matin; car, ma chere Seur, il n'est pas croyable combien les longues veilles du soir sont dangereuses et combien elles debilitent le cerveau.

  A012002984 

 Ce ne sera pas sans des douleurs extremes; mais mon Dieu, quel sujet est-ce que sa bonté vous donne de probation en ses commandemens! O courage, ma chere Seur; [391] nous sommes a Jesus Christ, voyla qu'il vous envoye ses livrees.

  A012002985 

 Comme s'il disoit: Si un autre que vous, o mon Dieu, m'avoit envoyé cette affliction, je ne l'aymerois pas, je la rejetterois; mais puisque c'est vous, je ne dis plus mot, je l'accepte, je la reçois, je l'honnore..

  A012002985 

 David affligé disoit a Nostre Seigneur: J'ay fait le muet et n'ay dit mot, parce que c'est vous, o mon Dieu, qui m'aves fait ce mal que je souffre.

  A012002986 

 Prenes tous les jours une goutte ou deux du sang qui distille des playes des pieds de Nostre Seigneur et le faites passer par la meditation, et avec imagination trempés reveremment vostre doigt en cette liqueur et l'appliqués sur vostre mal, avec l'invocation du doux nom de Jesus, qui [392] est un huyle respandu, disoit l'Espouse aux Cantiques, et vous verrés que vostre douleur s'amoindrira..

  A012002988 

 Je vous l'envoyeray bien tost, car j'en auray commodité; mays ce pendant vous treuveres dans Grenade tout ce qui est requis, et dans la Prattique spirituelle.

  A012002989 

 Pendant que je vous penseray affligee dans le lict, [393] je vous porteray (mais c'est a bon escient que je parle), je vous porteray une reverence particuliere et un honneur extraordinaire, comme a une creature visitee de Dieu, habillee de ses habitz et son espouse speciale.

  A012002990 

 O jambe laquelle estant bien employee vous portera plus avant au Ciel que si elle estoit la plus saine du monde! Le Paradis est une montaigne a laquelle on s'achemine mieux avec les jambes rompues et blessees qu'avec les jambes entieres et saines..

  A012002991 

 Il n'est pas bon de faire dire les Messes dans les chambres; adorés des le lict Nostre Seigneur a l'autel et contentes vous.

  A012003006 

 Non, car Dieu y est aussi bien qu'en la ville.

  A012003021 

 Cela est contraire a l'advis de tous les serviteurs de Dieu et a l'experience et a la rayson.

  A012003021 

 Despuis le despart de vostre homme j'ay feuilleté tous les escritz que vous m'avies envoyés, et ni ay rien treuvé qui ne soit bien bon, sinon le point qui regarde la confession, ou il est dit quil faut tous-jours changer de [396] confesseur.

  A012003021 

 Il est vray que c'est un grand abus de tellement se lier a un confesseur que sil advient de n'en avoir pas la commodité, pour cela on s'en inquiete ou trouble; car c'est s'attacher a l'instrument de nostre bien et non pas a l'ouvrier d'iceluy, qui est Dieu, et par consequent perdre la vraye liberté.

  A012003021 

 Il faut donques ne point changer de confesseur quand l'on en a rencontré un bon, si ce n'est avec beaucoup de sujet.

  A012003021 

 Mais aussi, d'aller changeant sans propos c'est un'espece de dissolution, delaquelle il arrive que jamais la complexion de nostr'esprit n'est reconnëue par nostre medecin spirituel; et comment donques nous sçaura-il gouverner? Or bien, cela suffit.

  A012003022 

 Mais il faut aussi y apporter le remede convenable, qui est de ne point se roydir en leur exercice qu'avec advis et moderation, et apres qu'on aura fort usé les pointz plus aysés.

  A012003023 

 C'est pour respondre a la petite marque que vous avés mis en marge.

  A012003023 

 Il est fort ample, et ne treuve que bon quil soit porté sur soy, et plus au cœur.

  A012003023 

 Mais voyla que vous me dirés: C'est que les testamens n'ont point d'effect que par la mort du testateur.

  A012003032 

 Dieu benie nostre Celse Benine et ses trois seurs; c'est ainsy que je les salue.

  A012003032 

 Ma mere est tous-jours malade, mais sans danger..

  A012003065 

 C'est pourquoy je luy ay donné advis de passer jusques a vous, Monsieur, qui jugeres de sa proposition, laquelle, a ce quil m'a dit, il n'a communiqué a homme du monde que a moy, qui ne l'ay pas bien entendue..

  A012003065 

 Ce porteur, qui s'appelle Henri de la Rose (vulgo nativo), de Matisco, mais qui a vescu une grande partie de son aage a Geneve, est venu a moy pour recevoir l'absolution de son hæresie, laquelle je luy ay conferee.

  A012003114 

 C'est pour vous obeir que je vous envoye ce pauvre escrit, lequel, pour la plus grande partie de ses pointz, vous sera inutile.

  A012003114 

 Ce n'est pas certes qu'il ne fust desiderale que nos maysons episcopales fussent dans ce [402] reglement, nous sçavons ce que saint Paul en dit; mais je sçay par mon experience qu'il faut s'accommoder a la necessité du tems, du lieu, de l'occasion et de nos occupations.

  A012003114 

 Je vous confesse que je n'ay point de scrupule de me desregler de mon reglement quand c'est le service de mes brebis qui m'occupe, car alhors il faut que la charité soit plus forte que nos propres inclinations, pour bonnes que nostre amour propre nous les face voir; et, en faysant cet escrit que je vous envoye, mon dessein a esté, non de me gesner, mais ouÿ bien de me regler, sans m'obliger a aucun scrupule de conscience, car Dieu me fait la grace d'aymer autant la tressainte liberté d'esprit que haïr la dissolution et le libertinage.

  A012003122 

 Aussi ay renversé sans dessus dessous mon entendement et mes livres et ceux de mes amis pour treuver quelque facilitation au dessein que je presageois vous devoir advenir, et ay treuvé que tout est aysé et revient a bien a ceux que Dieu veut tant aymer que de se faire aymer par eux.

  A012003122 

 J'ay tous-jours esté avec vostre [403] cœur des hier, et luy ay souhaitté ce qui luy est arrivé; bien plus, mon cœur m'avoit presque dit ce qui est descendu dans le vostre.

  A012003122 

 Nous n'aurons pas besoin d'aller a Romme pour aller en Hierusalem, c'est a dire en la paix de nos consciences; Dieu a estendu sa main jusques icy pour nous embrasser..

  A012003123 

 Ce n'est pas pusillanimité d'avoir tesmoigné dans les yeux le coup que l'on ressent au cœur.

  A012003137 

 Je vous supplie donq tres humblement que la mesme bonté avec laquelle il vous plait de favoriser le filz de vostre bienveuillance, vous mette en consideration des necessités de la viellesse du pere, qui, priant Dieu pour vostre santé et prosperité, vous est et sera a jamais, comm'il a tousjours esté et doit estre,.

  A012003148 

 Quod nos oves non ita pridem errantes, nunc autem ad caulas Christi reversas, tanta sollicitudine ac charitate complectatur Sanctitas Tua, sicuti ex litteris amantissimorum nostri virorum qui in Urbe versantur, ac præsertim ex Archiepiscopi Viennensis ad nos adventu [406] cognovimus, illud ipsum est procul dubio, quod ab iis qui nos per Evangelium in Christo genuerunt statim initio audivimus: unum esse nimirum in terris Pastorem maximum, cui sic absolute, sic indistincte suas oves Christus commiserit, ut planum sit « non aliquas designasse, sed assignasse omnes, » cuique proinde, præter instantiam quotidianam, sollicitudo sit omnium Ecclesiarum..

  A012003160 

 C'est par les lettres de nos dévoués amis de Rome, c'est surtout de la bouche de l'Archevêque de Vienne, arrivé parmi [406] nous, que nous en avons reçu l'assurance.

  A012003160 

 Nous voyons là, justifié sans aucun doute, l'enseignement recueilli à l'origine, des lèvres de ceux qui nous ont engendrés à Jésus-Christ par l'Evangile: c'est qu'il n'y a sur la terre qu'un Pasteur suprême, auquel le Christ a confié ses brebis, mais si absolument et si indistinctement qu'il est de toute évidence qu'il « ne lui en a pas désigné quelques-unes en particulier, mais qu'il les lui a remises toutes; » et c'est pourquoi celui-ci, en portant le poids de ses préoccupations quotidiennes, doit veiller avec un soin attentif sur toutes les Eglises..

  A012003161 

 C'est pourquoi, prosternés aux pieds de Votre Béatitude, nous lui rendons les plus vives actions de grâces.

  A012003161 

 De Pierre, Elle occupe le siège, mais Elle imite aussi et de très près la conduite, car il est consolant de voir qu'Elle ne veut pas seulement commander aux brebis, mais qu'Elle tient surtout à les assister, toutes sans doute, mais nous autres en particulier, avec un absolu dévouement.

  A012003161 

 Qu'Elle daigne continuer, nous l'en supplions, à nous et à toute cette province, les bienfaits dont votre âme apostolique s'est plu déjà à nous [407] enrichir.

  A012003185 

 De plus, une Congrégation spéciale de Prélats, appelée de la Promotion de la foi, a été érigée à Rome en faveur de cette province; M. le Cardinal Aldobrandino en est Préfet, et M. le Cardinal Baronius en a été nommé Protecteur..

  A012003185 

 Le bruit s'est répandu, dans le diocèse de Genève, que Sa Majesté très Chrétienne a conclu avec la république de Berne et de Genève un accord, par lequel elle autorise celle-ci à saisir, garder et posséder les bailliages de Chablais et de Ternier.

  A012003185 

 S'il est vrai, ce serait la ruine totale du culte catholique en cette région; plus de cent paroisses, [409] pour une partie anciennement catholiques, se verraient ainsi soustraites à l'obéissance de la sainte Eglise.

  A012003186 

 C'est pourquoi on supplie Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime de vouloir bien traiter des affaires du Chablais avec Sa Majesté le roi très chrétien, afin qu'il daigne faire à ces peuples la [410] grâce de ne pas les livrer entre les mains de ces républiques hérétiques; ou, si absolument il veut les livrer, que ce soit du moins sous cette réserve, que nulle innovation ne sera faite en ce qui concerne la religion, mais que toutes choses seront maintenues dans l'état où elles se trouvent maintenant....

  A012003213 

 Je viens de recevoir la lettre que vous m'escrivistes a Geneve le XIIII e d'octobre, laquelle, quoy que tard, m'est arrivee fort a souhait pour avoir veu au fin commencement d'icelle que le Roy vous depeschant de dela pour son service, vous commanda de tenir main de tout vostre pouvoir a ce que l'exercice de la religion fut maintenu en son integrité, selon l'ordre et acheminement que j'y avois ci devant donné.

  A012003215 

 Mays sur tout, apres que j'auray levé du doyenné de Vullionnex la portion necessaire pour le curé de Bernex en supplément de ce qui manquera d'ailleurs, je n'en puis [416] aucunement disposer au præjudice du tiers qui s'est tous-jours maintenu en possession avec provision de Romme.

  A012003215 

 Or, Monsieur, j'estois sur le point de voir la derniere execution de ceste volonté du Saint Siege quand ces troubles de guerre survindrent, et, en consideration de la ruine de beaucoup d'eglises et du peu de revenu des autres, j'avois presque par tout uni plusieurs parroisses en une, selon les distances et autres circonstances des lieux, et entr'autres j'avois joint les cures de Vullionnex, Confignon et Bernex, tant pour la commodité des revenuz que par ce que l'eglise de Vullionnex est en masures; et du tout j'ay envoyé au Saint Siege distincte et vraye instruction.

  A012003215 

 Si que je suis obligé a suyvre ce qu'une fois pour tout j'en ay ordonné apres meure deiberation, puisque l'advis en est allé jusques aux mains des superieurs, et que d'ailleurs malaysement se pourroit il mieux faire.

  A012003233 

 J'ay tous-jours porté dans le cœur beaucoup de desir d'aggreer a tous vos semblables, et a vous particulierement des que j'eu le bien de jouir plus famillierement de [417] vostre conversation, au tems que vous me remettes en memoire par vostre lettre; qui me rend autant plus de regret me voyant les mains liees et me treuvant hors de pouvoir au sujet pour lequel vous m'escrives avec tant de courtoisie, et que monsieur de Sanci me recommande si affectionnement, puis que quant a la cure je suis engagé dans l'ordre que j'en ay pieça envoyé au Saint Siege Apostolique, par lequel ell'est unie avec celles de Bernex et de Confignon.

  A012003260 

 Est enim oppidum Tononiense inter utramque civitatem situm, ut si qui sit in eo ambidexter miles, utramque possit impetere..

  A012003260 

 Verum quia in dies, quæ Salvatoris est benignitas, messis hæc fit latior, nec plures ex illo Jesuitarum manipulo, vinea Tononiensi avocari possunt quin grave sentiat damnum, Beatitudinem Vestram, quæ Domini messis vices in terris gerit, enixe rogo ut rursum mittat operarios in messem.

  A012003261 

 Et nihilominus Francorum Rex cui ea pars hujus diæcæsis cum reliqua quæ ultra Rodanum est ex pacis conditionibus obtigit, Catholicæ fidei ritus ibi restitui omnino quantum audio decrevit ea tamen lege ( Interim [ut] appellant) ut hæresi quoque suus supersit locus.

  A012003261 

 Nam præter balliaggia Tononiense, Ternense et Gagliardense, quæ jam plurimo labore parta tueri sane sit sequissimum, superest balliagium Gaianum, quod ut est valde latum, ita difficillimæ est expugnationis; est enim inter Bernensium et Genevensium ditiones situm, veluti inter letiferas paludes, quarum pestilentibus aquis ita alluitur ut vix sanari posse videatur, nisi prius injecto in aquas ipsas salutifero Crucis ligno.

  A012003261 

 Qua sane unicuique male sentiendi [424] faciendive libertate concessa, mirum in modum crescit Evangelii promulgandi difficultas, cui ferendæ viribus opus est et viris egregie cordatis.

  A012003261 

 Quod quam e re [423] hac Christiana futurum sit, ex eo satis manifestum est quod non modo parta tueri, sed pedetentim perdita quærere neque jam quæsitas arces tantum propugnare, sed quærendas expugnare hoc tempore debemus.

  A012003269 

 C'est là un bienfait immense pour toute la province; c'est pour elle un grand sujet de consolation.

  A012003270 

 Ce n'est pas seulement à votre bienveillance, laquelle a toujours été insigne envers ce diocèse, c'est encore à votre libéralité, à votre charité apostolique, c'est à vos largesses personnelles que nous devons de posséder parmi nous cette poignée de braves de la Compagnie de Jésus, qu'on appelle « la Mission.

  A012003270 

 Je supplie donc instamment Votre Béatitude, qui remplace sur terre le Maître de la moisson, d'envoyer de nouveaux ouvriers au champ de la récolte; car le plus grand service qu'on puisse [422] rendre à cette province, ce serait, si la chose est possible, de construire et d'ériger à Thonon même un collège de la Compagnie de Jésus.

  A012003270 

 Notre ville de Thonon est en effet placée de telle sorte entre ces deux dernières, qu'un soldat, s'il pouvait combattre des deux mains, pourrait les attaquer toutes deux en même temps..

  A012003270 

 Pour toutes ces bonnes fortunes, après Dieu, c'est à vous assurément, Très Saint Père, c'est à vous que reviennent mes très profondes actions de grâces.

  A012003270 

 » C'est grâce à votre médiation que, depuis deux années entières, nous avons le bonheur de jouir de leurs travaux.

  A012003271 

 C'est, au fond, la liberté laissée à chacun de mal penser et d'agir [424] de même; voilà ce qui multiplie étrangement les difficultés de propager l'Evangile.

  A012003271 

 Cette portion de mon diocèse, avec ce qu'il en reste au delà du Rhône, est échue au roi de France, en vertu du traité de paix.

  A012003271 

 L'avantage qui en résulterait pour la cause chrétienne est assez évident.

  A012003271 

 Pour conquérir les bailliages de Thonon, de Ternier et de Gaillard il a fallu des labeurs extraordinaires; c'est donc un devoir strict de les défendre.

  A012003281 

 A quoy personne n'avoit apporté de la difficulté pendant que les scindiques y ont esté catholiques; [426] mais des l'annee passee, que la guerre ouvrit la porte a ceste poignee d'heretiques qui y est pour faire entrer ceux de leur secte au scindicat et maniement de la ville, les ditz Peres Jesuites y ont receu plusieurs empechemens, et sur tout n'agueres que lesditz scindiques se sont opposés a leur jouissance, sous prætexte que les assignations n'ont pas eu effect; ce que la guerre a causé.

  A012003281 

 Si que, par ces menees, le dessein du college est presque aneanti; dont les Peres Jesuites se fussent retirés, silz n'eussent esté retenuz par les offices que ceux ausquelz ilz ont de l'amitié y ont apporté..

  A012003281 

 Vostre Altesse, qui jugea bien que pour restablir la foy catholique en ce balliage un college de Jesuites en devoit estre l'un des fondemens, avoyt commandé aux scindiques de Thonon de vuider leurs mains du prieuré qui est en ladite ville, et le remettre aux Peres Jesuites pour le commencement dudit college, avec intention neanmoins de rembourser ladite ville de l'argent qu'elle avoit delivré a l'achapt de ce benefice, par de bonnes assignations qu'elle leur avoyt accordees.

  A012003282 

 C'est cela, Monseigneur, qui me fait importuner Vostre Altesse pour la supplier humblement, comme je fais, d'apporter a ce des-ordre le remede qu'elle connoistra bien y estre propre; et je prieray tous-jours Dieu pour sa longue et heureuse santé, demeurant,.

  A012003295 

 Dequoy, bien que je ne doute nullement, si est ce que sur ce poinct je me sens redevable de supplier tres humblement Vostre Majesté qu'en suite de l' Interim publié par tout le royaume, il luy plaise donner libre et favorable acces a l'exercice catholique en ce petit coin de Gex, lequel meshuy depend de ce grand theatre auquel Vostre Majesté fait si heureusement les actions royales, et, qu'en execution, les biens ecclesiastiques jadis destinés a ce service, soyent restablis a ceux qui le feront et ausquelz ilz appartiennent, avec les temples et eglises..

  A012003295 

 Je loüe Dieu de la reception que Vostre Majesté a faitte de son païs de Gex, qui est dependant de mon diocese, par la fidelité que les habitans d'iceluy luy ont juree, croyant que leur reduction a son obeissance serviroit de porte a la reduction de leurs ames en l'Eglise Catholique.

  A012003296 

 La bonté et justice de ceste requeste m'en promet un favorable appoinctement, comme la grandeur du courage de Vostre Majesté m'asseure d'une pleine et soudaine jouissance du bien que j'en pretens, qui n'est principalement que la gloire de nostre bon Dieu, l'establissement de laquelle est l'unique gloire de la tres chrestienne couronne qu'il a donnee a Vostre Majesté, et laquelle je le supplie luy vouloir tres longuement conserver en toute felicité et pour son service, desirant vivre tous-jours en l'honneur d'estre,.

  A012003325 

 En conséquence j'ai recouru à M. le baron de Lux, lieutenant de Sa Majesté en ce pays, et j'ai aussi écrit au roi afin d'obtenir le rétablissement du culte catholique et la restitution des églises, avec leurs revenus, aux pasteurs et autres qui en sont les possesseurs canoniques, ainsi que cela s'est fait dans toute la [429] France conformément à l'édit de l' Interim.

  A012003355 

 Assurément, si les travaux qu'il a, pendant plusieurs années, soutenus pour la conversion des hérétiques, et ceux qu'il est sur le point d'entreprendre en ce champ laborieux sont pris en considération, je crois que Sa Sainteté lui multipliera ses faveurs et réduira les frais qu'il devrait faire et que, sans cette réduction, il n'est pas en mesure de soutenir..

  A012003355 

 Je ne doute point, cependant, que ce qui a été une fois trouvé bon par Sa Sainteté ne lui soit toujours agréable; c'est pourquoi, me voyant accablé sous le poids des années, et les occasions [431] de travailler en cette vigne se multipliant de plus en plus, je recours de nouveau à la bonté de Votre Seigneurie, afin qu'Elle daigne employer son saint zèle pour m'aider à triompher de la difficulté que crée la situation gênée dudit Prévôt; c'est la seule qui nous reste à surmonter.

  A012003355 

 Néanmoins, soit par le malheur de la guerre qui survint alors, soit encore parce que le Prévôt manque des ressources nécessaires, la concession de cette faveur est restée jusqu'ici sans effet.

  A012003356 

 C'est pourquoi j'espère aussi de la providence divine et de celle du Siège Apostolique qu'aucune difficulté humaine ne pourra entraver l'exécution de mon projet, surtout si Votre Seigneurie veut bien l'appuyer par un effet de sa charité et de sa débonnaireté accoutumées, qui seules m'encouragent à l'en supplier.

  A012003356 

 De mon côté, il est évident que, dans le choix d'un tel coadjuteur, je ne suis poussé par aucune vue personnelle, par aucune considération du sang ou de la parenté, ni par aucune sollicitation étrangère; mon seul et unique mobile, c'est le désir de la plus grande gloire de Dieu et du service de la sainte Eglise.

  A012003402 

 C'est pour cela, Monseigneur, que j'ay ci devant supplié Vostre Altesse pour l'erection d'un bon college en ceste ville de Thonon, a quoy Vostre Altesse avoit liberalement entendu..

  A012003419 

 Je voy qu'il est requis de faire la distribution des diesmes ecclesiastiques qui ont esté saysis au balliage de Galliard par vostre authorité, aux pasteurs qui y sont en charge; et par ce que monsieur de Rovinoz, juge du lieu, qui les a saysiz, desireroit avoir vostre commandement pour les lascher, je vous supplie de luy ordonner quil ayt a les delivrer ou faire delivrer entre les mains du sieur chanoyne Gottri, lequel j'y ay deputé œconome, comme de mesme la rente de Colonge sur l'abbaye de Bellerive et autres revenuz ecclesiastiques, affin que, comme je puys prouvoir de pasteurs aux peuples, je puysse aussy prouvoir d'entretenement aux pasteurs, l'un estant necessaire a l'autre..

  A012003471 

 Il est vray que, n'ayant pas jugé lesdites raysons considerables pour empescher ledit establissement des curés, sans lequel des lhors toutes les eglises demeuroyent despourvëues, puysque les pasteurs, entretenuz jusques a l'heure avec tous les artifices possibles, estoyent resoluz d'abandonner silz ne se voyoyent en asseurance de leurs [443] provisions, ayant sur ce prins l'advis de gens tres zeléz au service de Vostre Altesse et qui sont capables de semblables conseilz, sans la presence desquelz je n'ay rien voulu faire, je passay outre a l'execution du Brief; en telle sorte neanmoins, que je retranchay de beaucoup son estendue, laquelle si j'eusse voulu suyvre, j'eusse esté contraint de lever tout le bien d'Eglise que ladite Milice tient es balliages: encor ni eut il pas esté suffisant.

  A012003472 

 Et avec tout cela, le demeurant de ces deux benefices est si bon que, quant a Filly, le revenu de messieurs les Chevalliers y est aussi grand, ou peu s'en faut, quil estoit au paravant (ce que j'ay assigné aux curés n'estant de plus grande valeur que ce qui estoit ci devant assigné aux ministres huguenotz sur laditte Abbaye); si que lesdits seigneurs Chevalliers ne sont que peu ou point interessés pour cest esgard.

  A012003472 

 Et quant a Doveynoz, bien que Vostre Altesse l'avoit entierement layssé pour estre employé a l'entretenement des pasteurs, si est ce que j'ay laissé au prieuré une bonne piece de revenu de laquelle je n'ay encor aucunement disposé, attendant la resolution que Vostre Altesse me donneroit pour la dotation de la cure de Thonon et de deux autres qui sont aux chams, lesquelles ne sont pas appointees de ce qui leur est necessaire.

  A012003473 

 Aussi n'en sçauroient ilz jamais rien prouver, puysque la verité est que j'ay tous-jours eu en singuliere recommandation l'honneur que je dois aux volontés de Vostre Altesse en tout le progres de cest'œuvre, de laquelle ell'a esté le principal instrument sous la main de Dieu, lequel je prie tous-jours quil luy playse multiplier ses saintes benedictions sur la personne et les catholiques desseins d'icelle, a laquelle faysant humble reverence je demeure a jamais,.

  A012003489 

 J'espere neanmoins encor; et, par la bonté du commencement que je vois, je suis tousjours tant plus invité d'en desirer le progres et compliment, lequel aussi nostre Saint Pere me commande d'attendre de la justice, equité et zele de Vostre Majesté, comme je fay, plein d'asseurance que ceste main royale, qui ne sçait laisser aucun de ses ouvrages imparfait, ayant donné commencement au restablissement de la sainte religion en ce petit coin de mon diocese, qui a l'honneur d'estre une piece de vostre grand royaume, ne tardera point d'y apporter la perfection que le Saint Siege en attend, que son edit promet, et que je luy demande tres humblement, avec la faveur de sa grace; suppliant nostre Sauveur, pour la gloire duquel je presente ceste requeste, qu'il comble de benedictions le sceptre tres chrestien qu'il a mis en la main de Vostre Majesté, et, qu'apres le luy avoir maintenu longuement, il le fasse heureusement passer en celle de Monseigneur le Dauphin, pour l'appuy de l'Eglise et religion catholique, qui est tout le bien qu'apres l'eternelle felicite peut souhaitter pour Vostre Majesté,.

  A012003515 

 C'est pourquoi Votre Sainteté est très humblement suppliée de la part de l'Evêque de Genève, qui a la mission et le devoir de rappeler à l'Eglise du Seigneur les brebis [447] égarées, de lui accorder plein pouvoir de leur en ouvrir la porte toutes les fois qu'elles reviendront avec un vrai repentir, en les absolvant de toute hérésie, lapses ou relapses.

  A012003515 

 Plusieurs n'osent comparaître devant l'Evêque, comme sont pour la plupart les hommes âgés et les femmes, surtout quand elles sont enceintes; en conséquence, Votre Sainteté est suppliée de les prendre en pitié, et d'autoriser encore ledit Evêque à communiquer le pouvoir d'absoudre les hérétiques, en différents lieux de son diocèse, à ceux qu'il en estimera dignes..

  A012003516 

 En outre, comme il est nécessaire aux prédicateurs qui travaillent à la conversion des hérétiques de lire les livres prohibés, afin de les réfuter plus commodément, ceux surtout que les Genevois et autres gens du voisinage font paraître chaque jour, l'Evêque demande très humblement le pouvoir d'autoriser ceux qu'il jugera convenable, tel le Prévôt de la cathédrale de Genève, à lire et garder les livres susdits pendant qu'ils travaillent à cette mission.

  A012003518 

 Mais un tel projet, suggéré et inspiré par la charité, ne peut aboutir sans une grande charité; car il est impossible d'établir cet hospice autrement que par des aumônes ou par l'application de quelques revenus ecclésiastiques.

  A012003540 

 Au sujet des difficultés qui se rencontrent dans les articles proposés de la part de l'Evêque de Genève, Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime est très humblement suppliée de soumettre ce qui suit à la considération de Sa Sainteté:.

  A012003541 

 Or, il n'est pas de moyen plus convenable que d'appliquer à cette œuvre les dîmes et les prémices que les fidèles payent à cet effet.

  A012003545 

 Et en somme, Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime est suppliée de considérer combien graves et combien nombreux sont les besoins de ce diocèse, car « aux maux extrêmes il faut appliquer des remèdes extrêmes, et le salut du peuple est la suprême loi.

  A012003603 

 Et pour ne faillir en rien d'y appourter de nostre cousté tout ce qui sera en nostre pouvoir, Nous avons ordonné au President Rochette que tout aussy tost que Nous serons partis, il s'achemine en ces quartiers la pour establir ce qui est necessaire pour l'entretenement des curez, a celle fin que chascun d'eux y puisse faire sa residence pour y exercer religieusement ce qui est de leur charge; a quoy vous tiendrez main et l'y assisterez de tout vostre pouvoir, ainsy que de mesme escripvons a l'Evesque de Geneve..

  A012003603 

 Nous avons veu par vostre lettre du septiesme du present, la devotion que ce peuple a monstré en ce qui est de sa nouvelle conversion; ce qui Nous a appourté un singulier contentement, comme aussy l'esperance que vous avez que le reste en fera de mesme, en quoy Nous nous asseurons que vous vous employerez avec la mesme affection et pieté qu'avez faict par cy devant, avec tant de louange et satisfaction nostre.

  A012003604 

 Quant a l'establissement de la Maison de vertu ou Refuge de Thonon, mise en avant par le Pere Cherubin a Romme, vous en traicterez avec ledict President, et par ensemble avec ledict Evesque, vous adviserez de ce qui est necessaire que faisions pour icelle; et Nous en envoyerez les memoires pour, sur icelles, y faire les dheues considerations et y prendre la resolution que verrons estre convenable..

  A012003619 

 Et d'aultant qu'il faut faire le boclier de ladit'attestation contre ce que l'on a donné a entendre a Sa Sainteté, il est necessaire que non seullement elle soit signee de vous, mais de vos chanoines qui en peuvent avoir eu notice, et de quelques autres notables ecclesiastiques qui pourront servir a la foy indubitable de ladicte attestation, comme aussi pour son ampliation, a laquelle Nous nous asseurons que n'oblierez rien; non plus que du bon ordre que l'on tint, moy present, pour appeller ceux qui estoyent esgarez a la vraye foy, et combien d'ames l'on y gagna pour lhors et jusques a present, et si l'on y continue l'œuvre et quel fruit s'en ensuit, et plus amplement, comme trop mieux vous sçavez convenir, pour me l'envoyer au plus tost a l'effait que dessus..

  A012003619 

 Parce que les bonnes œuvres sont tousjours contrepesees par sinistres relations, et que bien souvent les publiques mesmes ont besoin d'appui particulier pour les soustenir et deffendre, aussy est il necessaire que, pour les balancer au poix de la raison, l'on y prenne les expedientz plus necessaires.

  A012003635 

 Ce que desirant de reprouver, il est necessaire que vous Nous en envoyez une bien autentique attestation comme il ny a en point de lieu que la sainte Messe n'aye esté retablie, et qu'elle se celebre jusques sur les portes de Geneve, et les cures pourveues de bons curez, la plus part desquelz y annoncent la parolle de Dieu, et que ceulx qui se sont reunis a la sainte foy y continuent avec un grand zele.

  A012003635 

 Ce quil est necessaire qu'attestiez bien amplement et comme celluy qui en est mieux informé que les aultres, et Nous l'envoyez au plus tost, sans touttesfoys en icelle faire aulcune mention que Nous vous en ayons escript, mais requis du peuple pour desabuser Sa Sainteté de ce que l'on a dict d'eulx.

  A012003645 

 (La signature est autographe.).

  A012003868 

 En fin, apres m'estre informé exactement en cette ville, je me suis aidé de Monsieur Favier pour y emploier un sien amy sur le lieu, quy est un honneste gentilhomme, chanoine en l'Eglise de Poictiers, duquel vous verrez, sil vous plaist, la responce que je vous envoie.

  A012003868 

 J'y ay apporté tout le soing et invention quy m'a esté possible, quy est d'ou a procedé cette longueur.

  A012003869 

 Aussy que j'ay doubté si j'en avois bien grand besoing, d'autant que despuis, les parties ont revocqué toutes promesses suspectes, et: quod consensu et pacto contractuel est, contrario consensu et pacto dissolvitur, et obligatio inde nata (quy est icy ex delicto per pactum illicitum contracta ) ipso jure tollitur.

  A012003869 

 Cela estant, et les susdites maximes veritables jure Poli, comme elles le sont jure fori, il y a que doubter s'il est besoing d'aultre remede.

  A012003869 

 Du reste, je praticquerey voz bonnes instructions au plus pres de la lettre qu'il me sera possible, et premierement pour ce quy est de l'eslection de Monsieur du Val, tant pour prendre de la conduitte de luy en la vie que vous m'avez proposee, que pour me servir de la Lettre Apostolique que vous m'avez envoiée, de laquelle j'ay differé d'user attendant que j'eusse asseurance de l'expedition de mes Bulles, pour laquelle ces jours passez nous avons fourny a la composition qu'on nous a faict de deux mil escus pour tout.

  A012003870 

 J'ay faict provision des livres que vous m'avez marqué, principalement de tous ceux du premier temps, selon vostre division; entre lesquelz, apres Grenade que j'ay tout en sa langue, au moins ce quy s'en trouve, je trouve admirables les epistres d'Avila; mais il les fauldroit avoir aussy en la langue de l'auteur, car la traduction en françois est tres mal faicte.

  A012003903 

 Mais je me trompe; il m'en est resté une image si vive et si bien representee, que bien souvent je prends la figure pour le vray naturel, tant les sainctes impressions ont de force en nos ames que ce qu'elles ont une fois gravé y demeure perpetuellement.

  A012003903 

 Pour moy, je la supporte avec tant d'impatience, que, n'estoit la creance que j'ay que ce n'est pas estre tout a faict separé de vous que d'estre en vostre esprit, je blasmerois le jour que je vis reluire tant de rares vertus en vous, puis qu'il failloit en estre si tost et si long temps privé.

  A012003919 

 C'est quil vous plaise, Monsieur, nous faire cest honneur qu'en l'Advent et Caresme prochain nous soyons instruictz par vos sainctes et doctes predications.

  A012003920 

 Nous n'heussions manqué a ce debvoir de vous envoyer l'ung des nostres pour vous en supplier de nostre part; mais le peril et danger des chemins nous en ont retenu, avec la faveur que nous a faict Monsieur Brunet de prandre a sa charge de vous donner cestes, avec nostre supplication, et mesme vous la presenter sil est possible, avec la semblable affection de laquelle, recepvant ung sy grand bien de vous, nous desirons demeurer a jamais,.

  A012003933 

 Tesmoingt en est ce peuple Chablasien, pour laisser vos autres merites a part, lequel, comme fidele Apostre d'iceluy, avez engendré en Nostre Seigneur et Redempteur Jesus Christ..

  A012003933 

 lit encores que l'honneur qui vous accompagne en ceste charge pastorale meritoirement soit accompagné de beaucoup de peines et travaux, neantmoins je sçay que Vostre Reverendissime Seigneurie, bruslant du zele de l'honneur de Dieu et advancement de sa gloire, portera ce fardeau joyeusement, qu'est le bien et salut de vos diocesains.

  A012003934 

 Ce n'est pour user d'aucune flatterie, ains seulement pour vous tesmoigner par ces presentes, continuation du tres humble service et obeissance que j'ay voué a Vostre Reverendissime Seigneurie, comme aussy pour ne me perdre et esgarer en l'haute mer de vos louanges.

  A012003935 

 Attendant donc vostre arrivee en ce pays, et sur tout vostre prompte et favorable response, avec vostre permission je baise tres humblement les mains a Vostre Reverendissime Seigneurie, comme celuy qui a esté, est et sera, aydant Dieu,.


13-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIII-Vol.3-Lettres.html
  A013000020 

 » — Eviter la fréquentation des hérétiques; le négoce avec eux n'est pas défendu 31.

  A013000021 

 Plus la croix est grande, moins elle pèse.

  A013000022 

 — Où est « le blanc de la perfection.

  A013000025 

 — A l'égard des offenses, le Saint n'est « nullement tendre et douillet.

  A013000025 

 — « Il est mieux d'estre sur la croix avec Nostre Seigneur que de la regarder seulement.

  A013000028 

 — Le mieux, c'est d'apporter l'indifférence de la volonté propre.

  A013000036 

 — Ce n'est pas l'œuvre d'un jour que de se conquérir soi-même; raisons de l'entreprendre avec courage.

  A013000049 

 — Tout va bien si le cœur est en bon état.

  A013000052 

 — Dieu « est bon a tous et en tous tems.

  A013000061 

 — Ce qu'il n'est pas besoin de dire en confession.

  A013000076 

 » — « Rien du monde n'est digne de nostre amour.

  A013000077 

 — Ce qui est défendu, ce qui est permis les jours de Communion.

  A013000077 

 — Le monde est un charlatan.

  A013000078 

 Conduite à tenir dans les tentations contre la foi; la meilleure tactique, c'est de les mépriser.

  A013000078 

 — Dieu est le protecteur de la viduité chrétienne.

  A013000085 

 — Aux âmes qui débutent dans l'oraison, « il est expedient de se servir de toutes » leurs « pieces, et l'imagination encores.

  A013000086 

 — Ici-bas, il n'est point de prix propose à la dévotion.

  A013000087 

 — Se voir sans faillir, n'est possible qu'en Paradis.

  A013000113 

 — Une femme du monde qui « est arrivee bien haut.

  A013000147 

 Pour des âmes novices, il n'est pas bon de penser toujours rencontrer Dieu sans préparation.

  A013000152 

 — Que Dieu seul est à craindre et de quelle crainte.

  A013000161 

 — Ce qu'il est toujours possible de faire, même au milieu du monde. 194.

  A013000165 

 — C'est assez d'avoir Dieu.

  A013000166 

 — L'oraison sans paroles, à quelle condition est-elle bonne.

  A013000184 

 Le Saint estime que le projet de la Visitation est de Dieu et s'y affectionne de plus en plus.

  A013000193 

 — N'affecter ni ne fuir l'humilité visible, c'est-à-dire les offices humbles, l'écorce qui conserve le fruit.

  A013000214 

 N'est-ce pas d'ailleurs le meilleur moyen d'inaugurer dignement notre Episcopat que de le placer sous un si puissant patronage?.

  A013000216 

 Mais il fallait encore les mettre en œuvre: Dom Bénédict Mackey, chanoine de l'Eglise cathédrale de Newport, s'est rencontré à propos pour commencer la rédaction de ce travail; ce savant, d'une érudition étendue et d'un dévouement à toute épreuve, n'y a rien négligé.

  A013000217 

 Telle est l'œuvre accomplie jusqu'à ce jour.

  A013000218 

 C'est une œuvre inspirée par le cœur; c'est une tâche entreprise par la piété filiale, que les difficultés présentes ne troublent pas, que les craintes de l'avenir ne découragent jamais..

  A013000218 

 Que les uns et les autres se rassurent! Cette publication n'est pas une œuvre commerciale, assujettie aux diverses fluctuations de l'intérêt.

  A013000221 

 Ajoutons que c'est précisément à ces recherches laborieuses, à la restitution des dates incertaines, des destinataires inconnus, que s'applique la sagacité doucement obstinée et toujours heureuse des Religieuses de la Visitation d'Annecy.

  A013000222 

 Pour y réussir, il est armé de toutes pièces, et, ce qui, dans l'espèce, le dispose mieux à ce genre de travail, il possède une connaissance approfondie des âmes, qu'il a puisée dans l'expérience du ministère sacré. [VII].

  A013000224 

 » Rien n'est plus vrai que cette observation..

  A013000225 

 Le temps présent n'offre-t-il pas quelque analogie avec cette époque lointaine qui fut si agitée, et, par suite, cette Edition des Lettres de saint François de Sales n'est-elle pas vraiment opportune? Les âmes, enfiévrées et lasses de l'agitation des événements, trouveront dans cette lecture le repos, la quiétude de l'esprit, avec les saines pensées qui adoucissent les blessures du cœur et amènent par degrés, l'homme vers son Dieu, le souverain pacificateur..

  A013000236 

 Mais l'intérêt particulier des Lettres de cette période, c'est qu'elles éclairent d'une vive lumière l'histoire du sentiment religieux en France au début du XVII e siècle; ajoutons que le portrait de saint François de Sales s'y dessine en traits plus nombreux et plus saisissants..

  A013000238 

 Comme toutes les époques de transition, les premières années du XVII e siècle présentent un curieux mélange d'aspirations contradictoires et mal définies; pourtant un sentiment semble dominer tous les autres: c'est un [IX] soupir ardent après le repos, après le calme, après la stabilité.

  A013000240 

 C'est l'étonnante diffusion des FF. Mineurs Capucins établis en Bourgogne et dont l'intrépide apostolat se multiplie dans les environs de Genève, dans les régions Chablaisienne et Valaisanne..

  A013000240 

 C'est le Carmel de sainte Thérèse qui, sous la virile impulsion de l'humble M me Acarie, se fonde dans la capitale et de là essaime dans « nos Gaules » à la faveur d'une incroyable popularité.

  A013000241 

 Mais les monastères de femmes semblent plus soucieux de la régularité: celui de Sainte-Claire est fidèle à son glorieux passé; à Sainte-Catherine, près d'Annecy, une élite se prépare d'âmes choisies qui fondera les Religieuses Bernardines réformées de Rumilly..

  A013000247 

 C'est lui qui, en Savoie, et partout où le porte [XI] son zèle, met la main à ce travail de réédification morale et religieuse, ou qui en prend la meilleure part.

  A013000247 

 Ces prédications fécondes, c'est lui qui les organise ou qui les fait; ces fondations, il les conseille, il les protège, il les confirme; les conversions, il les prépare, il les rend durables.

  A013000248 

 Un grand Pape sollicite ses vues sur les plus hautes questions de la théologie, l'empereur d'Allemagne l'invite à la Diète, le duc de Savoie suit ses conseils, Baronius lui offre ses services; de Bérulle, le P. Possevin, le P. Fourier s'honorent d'être ses amis, les âmes les plus éminentes recherchent sa direction, et, ce qui n'est pas moins glorieux pour le saint Evêque, les petites gens, les malheureux se recommandent à sa charité..

  A013000249 

 Ce sont des collèges de Jésuites qu'il voudrait ériger à Annecy et à La Roche, c'est l'Abbesse d'un monastère qu'il faut encourager dans ses projets de réforme.

  A013000251 

 C'est d'abord Rose Bourgeois et sa sœur M me Brûlart; l'une, Abbesse d'un monastère, l'autre, femme d'un Président au Parlement de Bourgogne..

  A013000252 

 Il ne semble pas qu'elle soit jamais bien entrée dans les vues de son Directeur; la réforme lui faisait peur, elle songea même sérieusement à quitter le cloître; il est probable qu'elle y était entrée sans vocation.

  A013000253 

 Sans l'humeur changeante et les infirmités de la rétive Abbesse, aurions-nous les admirables lettres qui lui furent écrites en vue de l'en guérir? Si l'on veut consoler ou relever l'âme découragée des malades ou des infirmes, qu'on lise les lettres à Rose Bourgeois; il n'est pas, croyons-nous, dans notre langue, d'exhortations plus lénitives et plus énergiques.

  A013000254 

 Esprit peu compréhensif, dévotieuse plutôt que dévote, pleine de stériles désirs, exagérant le but, puis découragée de ne pas l'atteindre, cette âme, par l'ensemble de ses aspirations et de ses défauts, ne représenterait-elle pas les tendances et l'idéal de beaucoup de femmes du monde? C'est donc à ces dernières que conviennent les lettres envoyées à la Présidente..

  A013000255 

 Les plus scrupuleuses verront par l'exemple d'une femme qui « est arrivee bien haut, » jusqu'où peut aller la condescendance d'une épouse chrétienne..

  A013000259 

 Un nom venait alors sur ses lèvres avant tous les autres, et le lecteur devine bien que c'est le nom de la baronne de Chantal..

  A013000262 

 Pour établir l'âme dans cet immuable repos, il faut d'abord en chasser les éléments de trouble, c'est-à-dire la vanité, l'amour-propre, l'amour exagéré de soi, les craintes imaginaires..

  A013000264 

 Et la volonté de Dieu pour le Saint, si partisan, comme on sait, du positif et du réel, ce n'est ni le désir capricieux du moment, ni le sentiment d'une commotion intérieure: c'est la volonté de Dieu notifiée par ses commandements, ou manifestée par les devoirs de notre vocation.

  A013000264 

 Pas d'issue pour l'illuminisme; avec cette règle, toute voie est barrée aux tromperies du sens intérieur..

  A013000267 

 Ecoutez la réponse: « Je viens de parler pour vous a Nostre Seigneur... et certes, je n'ay pas osé luy demander absolument vostre delivrance; car s'il luy plaist d'escorcher l'offrande qui luy doit estre presentee, ce n'est pas a moy de desirer qu'il ne le face pas.

  A013000267 

 Un autre jour, elle est troublée par des peines d'esprit fort douloureuses.

  A013000267 

 » Est-ce que de telles paroles sont inspirées par la molle complaisance d'un fade attendrissement? Dans le retranchement des vaines consolations, le Saint va plus loin encore; sachant que toute douleur se soulage à être racontée, il n'hésite pas à lui déconseiller [XVI] même cette innocente consolation: « Vous feres bien de regarder simplement Nostre Seigneur... sans vous amuser a considerer vostre mal, non pas mesme pour me le dire.

  A013000268 

 S'il présente à son regard une image, c'est celle de Jésus, mais de Jésus crucifié.

  A013000269 

 Une telle direction est faite pour grandir le cœur; c'est en vain qu'on voudrait y trouver une doucereuse condescendance, une sorte de bonhomie paterne qui s'arrange de tout, même de l'inertie..

  A013000271 

 Un tel reproche est superficiel.

  A013000272 

 Il est vrai, l'effort du Saint et de sa direction va tout d'abord à épurer l'âme, à illuminer l'intelligence, à rectifier la volonté, à mettre de l'ordre dans toutes les puissances; mais la volonté n'est-ce pas la pièce maîtresse, l'instrument des actions humaines dont il importe avant tout de s'assurer? Régler la volonté, la fortifier, lui donner du ressort, de l'élan, est-ce faire autre chose que d'accumuler d'avance, pour l'action ultérieure, les trésors de l'énergie morale? Et les facultés agissantes, qui les excite, qui les met en jeu, sinon le vouloir intérieur? L'activité n'est souple, n'est durable, n'est féconde que si elle jaillit de cette force invisible qui s'appelle la volonté.

  A013000274 

 Pour juger de la valeur effective de la direction de saint François de Sales, il n'est pas à propos de citer l'inertie du duc de Bourgogne, l'élève de Fénelon; il serait plus sage de se demander ce que devint plus tard M me de Chantal, cette âme robuste, sa fidèle disciple.

  A013000277 

 C'est bien ici qu'il se montre « tant homme que rien « plus.

  A013000277 

 C'est tantôt l'accueil enthousiaste d'une petite ville qui s'illumine la nuit pour fêter son arrivée, tantôt c'est l'effroyable masse des montagnes glacées qui le saisit d'admiration; mais dans la plaine, au fond des vallées, il trouve toujours son Dieu; il le rencontre chéri et adoré sur les plus hauts sommets par les âmes simples, et même, comme le Patriarche Séraphique, il a su entendre les louanges que lui donnent les chevreuils et les chamois.

  A013000279 

 C'est alors qu'ou le voit dans ses « belles humeurs.

  A013000279 

 Soit qu'il visite ses tenanciers, soit qu'il prêche à son peuple ou qu'il catéchise les enfants, c'est toujours le même cœur, la même joyeuse affabilité.

  A013000280 

 C'est des habitants de Rumilly qu'il écrivait, en s'excusant de dire une « petite folie... Je presche si jolyment a mon gré en ce lieu, je dis je ne sçai quoy que ces bonnes gens entendent si bien, que quasi ilz me respondroyent volontier.

  A013000281 

 Enfin, il n'est pas besoin d'ajouter que l'âme religieuse du Saint se découvre ici à son insu avec une ineffable ingénuité.

  A013000283 

 Pour lui, en effet, Jésus-Christ c'est « le grand mot de nostre salut; » l'exprimer « en nostre vie en l'imprimant dans le fond de nostre cœur, » c'est le but souverain de toute noble activité.

  A013000283 

 « Le bon et debonnaire Jesus soit a jamais le Roy de nos cœurs! » C'est le cri qui déborde à tout instant de son âme transportée.

  A013000283 

 » Installer Jésus-Christ dans les âmes, l'y faire régner, c'est toute son ambition; car il croit, il sait, il affirme que c'est lui qui « redresse tout, purifie tout, vivifie tout... fait tout en tout.

  A013000285 

 C'est un charme de plus que tant de lumineuses et fortes doctrines s'étalent en un style si aimable.

  A013000286 

 Une lettre pourtant se détache parmi les autres; c'est la lettre écrite le 2 novembre 1607 à propos de la mort de sa jeune sœur Jeanne de Sales.

  A013000287 

 Tout le récit — il tient en trente lignes — est un pur chef-d'œuvre.

  A013000292 

 Les Lettres de l'Evêque de Genève ne sont-elles pas capables de faire ce miracle? En les lisant, on sentira que le beau de la vie, c'est d'aimer Dieu, de ne pas trop s'aimer soi-même et de beaucoup servir son prochain.

  A013000293 

 Il est permis de croire que ces deux humbles femmes avaient trouvé la véritable paix, et, avec elle, l'esprit de suavité et de joie.

  A013000301 

 Des Lettres publiées dans ce volume, un grand nombre ont été revues sur les originaux, comme il est indiqué d'ailleurs à la fin de chacune.

  A013000302 

 Les points remplaçant quelque énumération de la date indiquent que cette partie de la date est donnée, mais fautivement, dans l'édition à laquelle notre texte est emprunté..

  A013000303 

 Quand la date attribuée à une lettre n'est pas absolument sûre, elle est insérée entre [].

  A013000304 

 Le commencement de la variante est indiqué par la répétition en italique des mots qui la précèdent immédiatement au texte; la fin est régulièrement marquée par la lettre de renvoi.

  A013000328 

 Je n'escris qu'a vous par ce que c'est un exercice qui m'est encor defendu; et je crois que vous me feres ce bien que de saluer tout le reste de ceux et celles qui m'ayment en Nostre Seigneur, puisque je vous en supplie bien humblement.

  A013000332 

 Ma mere, qui est venue icy pour m'assister, vous salue tres humblement, et moy je n'oublie point Celse Benigne..

  A013000347 

 C'est donc l'effect de la patience de bien posseder son arae, et a mesure que la patience est parfaicte, la possession de l'ame se rend plus entiere et excellente.

  A013000347 

 Or, la patience est d'autant plus parfaite qu'elle est moings meslee d'inquietude et empressement.

  A013000349 

 Que nous doyt il chaloir si c'est par le desert ou par les champs que nous allons, pourveu que Dieu soyt avecq nous et que nous allions en Paradis? Croyez moy, je vous prie, trompez le plus que vous pourrez vostre mal, et si vous le sentez, au moings ne le regardez pas; car la veüe vous en donnera plus d'apprehension que le sentiment ne vous donnera de douleur.

  A013000350 

 Et quand a ce que vous me distes, que c'est un grand travail de vouloir et ne pouvoir, je ne veux pas vous dire quil faut vouloir ce que l'on peut, mais je vous dis bien que c'est un grand pouvoir devant Dieu que de pouvoir vouloir.

  A013000350 

 Il est vray quil est un petit long par ce que la matiere le requiert, mais patience..

  A013000350 

 Mais la divine Bonté ne vous a pas appellé au train auquel vous estes quil ne vous fortiffie pour tout cecy; c'est a luy de parfaire sa besoigne.

  A013000350 

 Que voulez vous? il faut voir et parler a Dieu parmy les tonnerres et tourbillons du vent; il le faut voir dans le buisson et parmy le feu et les espines, et pour ce faire, la verité est quil est besoing de se deschausser et faire une grande abnegation de nos volontés et affections.

  A013000351 

 C'est assez pour ce point, jusques a ce que Dieu me donne la commodité de vous le declairer a souhait, lors que, sur iceluy, nous establirons l'asseurance de nostre vie.

  A013000351 

 Ce service ne vous donne pas satisfaction, mais il le contente; il n'est pas a vostre gré, mais il est au sien.

  A013000351 

 Imaginez vous que vous ne deussiez jamais estre delivree de vos angoisses: qu'est-ce que vous feries? Vous diries a Dieu: Je suis vostre; si [6] mes miseres vous sont aggreables, accroisses en le nombre et la duree.

  A013000352 

 Mais (listes luy, je vous supplie, que cela ne se peut en aucune façon; je trahiroys son ame si je luy permettoys cest abbus. Il faut qu'a la fine premiere confession qu'elle fera, que tout au commencement elle s'accuse de ce peché oublié (j'en dis de mesme sil y en a plusieurs), purement et simplement, et sans repeter aucune autre chose de sa confession generalle, laquelle fut fort bonne; et partant, non obstant les choses oubliees, cett'ame la ne se doit nullement troubler. Et ostez luy la mauvaise apprehension qui la peut mettre en peyne pour ce regard; car la verité est que le premier et principal point de la simplicité chrestienne gist en ceste franchise d'accuser ses pechés quand il en est besoing, purement et nuëment, sans apprehender l'oreille du confesseur, laquelle n'est la presente que pour ouyr des pechés et non des vertus, et des pechés de toute sorte..

  A013000353 

 Si son confesseur ordinaire luy donne trop de honte ou d'apprehension, elle pourra bien aller ailleurs; mais je voudrois en cela toute simplicité, et croy que tout ce qu'ell'a a dire est fort peu de chose en effect, et l'apprehension la fait paroistre estrange.

  A013000354 

 Arrestez la a ce commencement, et faites luy sçavoir que ce desir est de si grande consequence, qu'elle ne doit ni le repeter ni permettre qu'il croisse qu'appres qu'elle en aura pleinement communiqué avec son pere spirituel, et qu'ensemblement ils en auront ouy ce que Dieu en dira.

  A013000355 

 Il est encor nuict, mais le jour s'approche; non, il ne tardera pas.

  A013000356 

 Mais qui vous a jamais enseigné que Dieu en fust autheur? Bien des tenebres, bien des impuissances, bien du liement a la perche, bien de la dereliction et destitution de vigueur, bien du devoyement de l'estomach spirituel, bien de l'amertume de la bouche interieure, laquelle rend amer le plus doux vin du monde; mais des suggestions de blaspheme, d'infidelité, de mescreance, ha non, elles ne peuvent sortir de nostre bon Dieu: son sein est trop pur pour concevoir telz objetz..

  A013000357 

 C'est le diable qui va par tout autour de nostre esprit, furetant et brouillant, pour voir s'il pourroit treuver quelque porte ouverte.

  A013000357 

 Souvenes vous de ce que je pense vous avoir dit une autre fois: c'est bon signe qu'il face tant de bruit et de tempestes autour de la volonté, c'est signe qu'il n'est pas dedans..

  A013000358 

 C'est en fin ceste volonté libre, laquelle, toute nuë devant Dieu, reside en la supreme et plus spirituelle partie de l'ame, ne depend d'autre que de son Dieu et de soy mesme; et quand toutes les autres facultés de l'ame sont perdues et assujetties a l'ennemy, elle seule demeure maistresse de soy mesme pour ne consentir point..

  A013000358 

 Voyés vous, ma Fille, mon ame, c'est signe que tout est pris et que l'ennemy a tout gaigné en nostre forteresse, hormis le donjon imprenable, indomptable et qui ne peut se perdre que par soy mesme.

  A013000361 

 Ne craignes nullement, je vous supplie, de me donner aucune peyne; car je proteste que ce m'est une extreme consolation d'estre pressé de vous rendre quelque service.

  A013000362 

 Il ne m'est rien encor arrivé de la tempeste que je vous dis; mais les nuees sont encor pleines, obscures et chargees dessus ma teste..

  A013000376 

 Je m'asseure que l'un et l'autre a esté grand, car c'est la coustume de nostre bon Dieu de ne point envoyer des afflictions et tourmentz a ceux qui l'aiment, qu'il ne leur envoye quant et quant des grandes consolations, et, comme dit le Psalme, selon la multitude des tribulations, ses delectations rejouissent nostre ame.

  A013000376 

 Mais sçavez vous ce que j'ay pensé? L'Escripture dit que la porte du Royaume des cieux, c'est a dire du service et de l'amour de Dieu, n'est autre chose que la tribulation; et la dessus j'ay dit a moy mesme que vrayement Dieu vous avoit choisie pour estre fille de son royaume, puysque a ce commencement de vos resolutions il vous avoit fait passer par la porte ordinaire et plus certaine..

  A013000378 

 Il est infiniment ediffié de vos deportementz et de tout ce qui est en vostre Monastere.

  A013000379 

 A l'advanture seroyt il bon que vous le vissiez et prissiez quelques leçons de luy pour la police de vostre Maison, car il n'est pas qu'il n'ayt une grande cognoissance de semblables choses..

  A013000379 

 J'ay sceu qu'il y avoit a Dijon un grand personnage de vostre Ordre, rare en pieté et discipline religieuse, et qui est Visiteur du monastere de Fontesvreau.

  A013000397 

 Il est requis en cela d'une entiere resignation au bon plaisir de Dieu.

  A013000397 

 M. Viardot pourra fort aysement suppleer a ce que je pourray faire de loing; il en est fort capable..

  A013000397 

 Pour ma part, croyez moy je vous supplie, je n'ay pas moings de desir de vous revoir, et a loisir, que vous sçauriez avoir encor [vous même; mais] il faut sçavoir qui est le plus expedient et a propos.

  A013000398 

 Les medecins m'ont fort defendu d'escrire de ma main au sortir de cette maladie; c'est pourquoy j'ay employé la main d'autruy jusques icy, adjoustant de la mienne que vous vous resouvenies de ce que je vous ay tant recommandé, et que, le faysant, vous feres chose qui aggreera plus a Dieu que si, sans le faire, vous donnies vostre vie au martyre; parce que Dieu veut l'obeyssance beaucoup plus que le sacrifice.

  A013000399 

 Continués et perseverés, car la couronne est pour ceux qui perseverent..

  A013000399 

 Je le suis autant du contentement que vous donnes aux vostres et de la gayeté avec laquelle vous vives; car Dieu est le Dieu de joye.

  A013000399 

 Je suis bien consolé de voir combien vous estimes le bien de servir Dieu, car c'est signe que vous l'embrasseres estroittement.

  A013000400 

 O ma tres chere Dame, ma bonne Seur, cette vie est courte, les recompenses de ce qui s'y fait sont eternelles.

  A013000401 

 Je vous diray seulement que le commerce des huguenotz n'est pas absolument defendu a ceux qui sont meslés avec eux; mays la verité est qu'il faut s'en abstenir le plus qu'on peut, car il a accoustumé de refroidir la devotion.

  A013000401 

 Quant a prendre leur marchandise, si elle est meilleure que celle des autres, il n'y a nul danger.

  A013000413 

 Il me playsoit en cette image que Jesus estoit assis et se reposoit, car cela me representoit une stabilité; et me playsoit qu'il y estoit enfant, car c'est l'aage de parfaitte simplicité et douceur.

  A013000426 

 C'est un grand advantage pour vous, puisque vous voules m'employer a vostre salut.

  A013000426 

 Et je vous dis, qu'encor que je n'aye pas connoissance des actions que vous faites en mon absence, car je ne suis pas prophete, je pense toutefois que, pour le peu de tems que je vous ay veuë et ouÿe, il n'est pas possible de mieux connoistre vos inclinations et les ressortz d'icelles que je fay, et m'est advis qu'il y a peu de replis dans lesquelz je ne penetre bien aysement; et pour peu que vous m'ouvries la porte de vostre esprit, il me semble que j'y voy tout a descouvert.

  A013000427 

 Je vous respons qu'il n'est pas possible de nous abandonner du tout nous mesmes.

  A013000428 

 Salomon dit que c'est un animal bien insolent que la chambriere qui devient soudainement maistresse.

  A013000429 

 Et bien, ce n'est pas peu que cela.

  A013000429 

 Mais qu'est ce que vous y voudries faire sinon ce que vous y faites, qui est de presenter et representer a Dieu [19] vostre neant et vostre misere? C'est la plus belle harangue que nous facent les mendians que d'exposer a nostre veuë leurs ulceres et necessités.

  A013000431 

 C'est un mot de merveilles que celuy que vous me dites: Que Dieu me mette en quelle saulse qu'il voudra, ce m'est tout un, pourveu que je le serve.

  A013000431 

 Et bien, vous me dites qu'en quelle saulse que Dieu vous mette ce vous est tout un.

  A013000431 

 La Mere Therese que vous aymes tant, dont je me res-jouys, dit en quelque endroit que bien souvent nous disons de telles paroles par habitude et certaine legere apprehension, et nous est advis que nous les disons du fond de l'ame, bien qu'il n'en soit rien, comme nous descouvrons par apres en la prattique.

  A013000431 

 Or sus, vous sçaves bien en quelle saulse il vous a mise, en quel estat et condition; et dites moy, vous est il tout un? Vous n'ignores pas non plus qu'il veut que vous payes cette dette journaliere de laquelle vous m'escrives, et neanmoins ce ne vous est pas tout un.

  A013000432 

 C'est la le blanc de la perfection auquel nous devons tous viser, et qui plus en approche, c'est celuy qui emporte le prix..

  A013000435 

 Je crains semblables choses en telz desirs; c'est pourquoy je vous supplie de bien prendre garde a vous pour ne point tomber en ces inconveniens, comme aussi de poursuivre ce desir doucement et souëfvement, c'est a dire, sans pour cela importuner ceux ausquelz vous desires de persuader cette perfection, ni mesme descouvrir vostre desir, car croyes moy, que cela reculeroit l'affaire au lieu de l'avancer.

  A013000444 

 O tribulation, que vous series desirable si on voyoit aussi bien vos roses que l'on void vos espines! Mon Dieu, ma Fille, que j'ayme vostre mauvaise jambe, car je sçai bien qu'elle vous portera plus au Ciel que la bonne; [22] jambe qui n'est pas une jambe, c'est un'aisle pour vous faire voler en l'air de la vie spirituelle.

  A013000444 

 Que le lict de vostre douleur est bien meilleur que le lict des delices, el que je l'honnore du fons de mon ame! Il me sera advis, en l'imagination [que] j'en feray souvent, de vous voir presser cette croix sur vostre cœur, et dire au [Sauveur crucifié,] comme saint Pierre: [Hé, Seigneur, ] non seulement les jambes, mais ....

  A013000461 

 Je supplie monsieur vostre mary et messieurs vos enfans de m'aymer en qualité d'un homme qui est entierement acquis a leur merite.

  A013000461 

 Le porteur, qui m'est conneu de longue main, m'a dit de combien de charité vous uses en son endroit.

  A013000471 

 Vous aures des-ja sceu toutes les nouvelles de ma guerison, laquelle est si entiere que j'ay presché le Caresme tout entierement.

  A013000471 

 Voyci le grand mot qui me rend si absolument vostre: c'est que Dieu le veut, et je n'en doute nullement.

  A013000472 

 Non seulement vostre laquais, mais monsieur nostre bon et cher pere m'a fait sçavoir combien de maux vous aves souffertz et de quelle sorte luy en est compassionné.

  A013000473 

 Acceptés mille fois le jour cette croix, et la baysés de bon cœur pour l'amour de Celuy qui vous l'envoye; c'est sans doute qu'il vous l'envoye par amour et comme un riche present.

  A013000473 

 C'est le lieu naturel de cette fleur; c'est le plus propre aussi de l'Espoux.

  A013000473 

 Comme la rose est entre les espines, ainsy ma bienaymee est entre les filles.

  A013000473 

 Considerés que la couronne de l'espouse ne doit pas estre plus douce que celle de l'Espoux, et que si on l'a tellement descharné qu'on ayt peu conter tous ses os, il est bien raysonnable qu'on en voye l'un des vostres.

  A013000473 

 Courage, ma chere Seur, ma bonne Fille; voyés vostre Espoux, vostre Roy, comme il est couronné d'espines [26] et tout deschiré sur la croix, en sorte que l'on pouvoit conter tous ses os.

  A013000474 

 C'est un des grans proffitz de l'affliction que de nous faire voir le fond de nostre neantise et faire sortir [27] au dessus la crasse de nos mauvaises inclinations.

  A013000474 

 Mais quoy, pour cela se faut il troubler, ma chere Fille? Non, sans doute; c'est lhors qu'il faut esmonder et espurer davantage nostre esprit, et se servir avec plus de force de la confession que jamais..

  A013000474 

 Que penses-vous que soit le lict de la tribulation? Ce n'est autre chose que l'eschole de l'humilité: nous y apprenons nos miseres et foiblesses, et combien nous sommes vains, sensibles et infirmes.

  A013000475 

 Tenons la bien fermee et voyons souvent si elle n'est pas bien close, et de tout le reste ne nous en soucions point, car il n'y a rien a craindre..

  A013000476 

 C'est par inspiration divine que vous m'interroges de la paix de l'ame et de l'humilité ensemblement; car c'est bien la verité que l'une ne peut estre sans l'autre..

  A013000478 

 C'est la l'autre source de nostre inquietude: nous ne voulons que des consolations, et nous estonnons de reconnoistre et toucher au doigt nostre misere, nostre neant et nostre imbecillité..

  A013000478 

 L'amour propre est donques l'une des sources de nos inquietudes; l'autre c'est l'estime que nous faysons de nous mesme.

  A013000478 

 Que veut dire que s'il nous arrive quelque imperfection ou peché nous sommes estonnés, troublés et impatiens? Sans doute, c'est que nous pensions estre quelque chose de bon, resolu et solide; et partant, quand nous voyons par effect qu'il n'en est rien et nous avons donné du nez en terre, nous sommes trompés, et par consequent troublés, offensés et inquietés.

  A013000479 

 Et sachés, ma chere Fille, que Nostre Seigneur est appellé Prince de paix en l'Escriture, et que partant, par tout ou il est maistre absolu, il tient tout en paix.

  A013000479 

 Il est vray neanmoins qu'avant de mettre la paix en un lieu il y fait la guerre, separant le cœur et l'ame de ses plus cheres, familieres et ordinaires affections, comme sont l'amour desmesuré de soy mesme, la confiance de soy mesme, la complaysance en soy mesme et semblables telles affections..

  A013000479 

 Qui a Dieu pour object de ses intentions et qui fait ce qu'il peut, pourquoy se tourmente il? pourquoy se trouble il? qu'a il a craindre? Non, non, Dieu n'est pas si terrible a ceux qu'il ayme; il se contente de peu, car il sçait bien que nous n'avons pas beaucoup.

  A013000480 

 C'est bien estre Prince de paix que d'estre en paix parmi la guerre et vivre en douceur parmi les amertumes..

  A013000480 

 Mais tout ce desbattement d'esprit n'est pourtant pas sans paix, lhors qu'en fin, accablés de cette detresse, nous ne laissons pas pour cela de tenir nostre volonté resignee en celle de Nostre Seigneur et la tenons la, clouee sur ce divin bon playsir, ni ne laissons nullement nos charges et l'exercice d'icelles, mays les executons courageusement.

  A013000480 

 Or, quand Nostre Seigneur nous separe de ces passions si mignonnes et cheries, il semble qu'il escorche le cœur tout vif et l'on en a des sentimens tres aigres; on ne [29] peut presque qu'on ne desbatte de toute l'ame, parce que cette separation est sensible.

  A013000481 

 La premiere, c'est que bien souvent nous estimons avoir perdu la paix par ce que nous sommes en amertume, et neanmoins nous ne l'avons pas perdue pourtant; ce que nous connoissons, si pour l'amertume nous ne laissons pas de renoncer a nous mesme et vouloir du tout dependre du bon playsir de Dieu, et nous ne laissons pas pour cela d'executer la charge en laquelle nous sommes.

  A013000481 

 La seconde, c'est qu'il est force que nous souffrions de l'ennuy interieur quand Dieu arrache la derniere peau du viel homme pour le renouveller en l'homme nouveau qui est creé selon Dieu; et partant nous ne devons nullement nous troubler de cela, ni estimer que nous soyons en la disgrace de Nostre Seigneur.

  A013000481 

 La troysiesme, c'est que toutes les pensees qui nous rendent de l'inquietude et agitation d'esprit ne sont nullement de Dieu, qui est Prince de paix; ce sont donq des tentations de l'ennemy, et partant il les faut rejetter et n'en tenir conte..

  A013000482 

 Voyci, disoit ce Penitent, que ma très amere amertume est en paix..

  A013000485 

 Mais je sçai bien que la, dessus le lict, vous jettes mille fois le jour vostre cœur es mains de Dieu, et c'est asses.

  A013000485 

 Ne vous fasches pas de demeurer au lict sans meditation; car endurer les verges de Nostre Seigneur n'est pas un moindre bien que mediter.

  A013000485 

 Non, sans doute, car il est mieux d'estre sur la croix avec Nostre Seigneur, que de la regarder seulement.

  A013000486 

 Croyés que je le verrois de bon œil, car je l'ayme tendrement, et me semble qu'il est bon, puisqu'il est voué a Nostre Seigneur.

  A013000490 

 C'est pourquoy il est expedient d'oster peu a peu les particularités et rendre les [33] necessités et commodités communes et esgales entre les Seurs, et ainsy faire manquer les farines d'Egypte, avec la manne tombee dans vostre desert*..

  A013000491 

 C'est une de ses grandes passions et des miennes: Dieu veuille que ce soit avec autant de vostre contentement..

  A013000492 

 Je ne suis nullement tendre et douillet en cet endroit, et particulierement avec les ames, l'amitié desquelles est enracinee sur le mont de Calvaire avec la Croix de Nostre Seigneur..

  A013000492 

 Vivés, je vous supplie, avec moy, en toute asseurance, et croyés que je ne desire rien tant que de vous voir avec un esprit tout plein de charité, laquelle est toute franche et saintement libre.

  A013000493 

 La pauvrette est de la seconde sorte: languissante sous les melancholies et embarrassemens de diversités de foiblesse, qui semblent accabler sa vertu; il faut l'ayder tant qu'on pourra et laisser le reste a Dieu..

  A013000493 

 Oh que nostre saint Bernard dit divinement bien que l'office de la charge des ames ne regarde pas les ames fortes, car celles la vont a leur propre pied; mays il regarde les ames foibles et languissantes, lesquelles il faut porter et supporter sur les espaules de la charité, laquelle est toute puissante.

  A013000494 

 Je ne finirois jamais de vous escrire si je suivois mon inclination pleine d'affection; mais c'est asses, la Messe m'appelle, ou je vay presenter Nostre Seigneur a son Pere pour vous, ma tres chere Fille et pour toute vostre Mayson, pour obtenir de sa divine bonté son Saint Esprit [34] qui addresse toutes vos actions et affections a sa gloire et vostre salut.

  A013000505 

 Ce n'est pas de mon eschole qu'elle a jeusné ce Caresme contre l'opinion des medecins, a l'obeissance desquelz je l'exhorte bien fort, sachant bien Dieu seul estre servi comme cela..

  A013000505 

 Je vis en perpetuelle apprehension de son mal qu'il n'empire, et en recommande a Dieu les remedes autant qu'il m'est possible.

  A013000506 

 C'est la une de mes ambitions, mays de laquelle je sousmetz l'execution a vostre commandement, n'en voulant que ce qu'il vous plaira de m'en permettre.

  A013000507 

 Croyés, je vous supplie, que c'est pour la totale confiance que j'ay d'estre en vostre ame ce que je suis en la mienne; c'est,.

  A013000521 

 Il me semble qu'elle a un petit trop de crainte que je ne m'offence si elle communique son interieur a quelque autre; et la verité est que quicomque veut proffiter il ne faut pas l'aller espanchant ça et la indistinctement, ni changer a toute apparence de methode et façon de vivre; mais aussi doit on vivre avec une honneste liberté, et, quand il est requis, il ne faut faire nulle difficulté d'apprendre d'un chacun et de se prevaloir des dons que Dieu met en plusieurs.

  A013000539 

 Le lieu que je vous marqueray, c'est chez ma mere a Thorens, par ce qu'en cette ville je ne sçaurois promettre un seul moment de mon tems.

  A013000541 

 Je vous dirois bien que vous præparassies une grande, mais je dis une tres grande et absolue confiance en la misericorde de Dieu premierement, puis en mon affection, mais je sçai que de cela la provision est toute faitte..

  A013000542 

 Le plus que vous pourres apporter d'abnegation ou indifference de vostre propre volonté, c'est a dire de desir et resolution de bien obeir aux inspirations et instructions que Dieu vous donnera, quelles qu'elles soyent, ce sera le mieux, car Nostre Seigneur agit es ames qui sont purement siennes et non præoccupees d'affections et de propres volontés.

  A013000543 

 C'est pourquoy je desire quil vous playse de m'apporter asseurance de tout ce quil sera requis de faire a cette intention, sans que madame l'Abbesse le sache, affin que tout aille comm'il faut et que ma seur aye ce bien de [vous accompagner a ] vostre retour.

  A013000543 

 Voyla de la peyne que je vous donne, mais c'est encor pour un office de charité..

  A013000544 

 Je l'en supplie de tout mon cœur, [41] et vous, ma chere Seur, de venir joyeuse en luy, qui est vostre joye et consolation.

  A013000548 

 C'est le 21 de may..

  A013000559 

 C'est que les parroisses d'Armoy, Reyvre, Draillans, Tonnay sont entierement desprouveües de pasteurs, n'ayant autre assistence que d'une Visitation toutes les semaynes, que les plus voysins curés y font.

  A013000559 

 Or, Monsieur, il n'est possible que de cette privation de gens d'Eglise, il n'arrive beaucoup d'inconveniens, et seroit bien plus raysonnable [43] que messieurs les Chevaliers de Saint Maurice fussent sans biens ecclesiastiques que non pas que les peuples fussent destituëes (sic) de l'office requis a leur salut..

  A013000560 

 Il y a encor plusieurs autres parroisses qui ne sont pas assorties de leurs besoins, comme Thounon, qui n'a point de curé, ains seulement des vicaires; Ivoire en est de mesme et quelques autres, a quoy messieurs les Chevaliers sont tenus de fournir et prouvoir quant aux portions congrues, comme moy quant aux personnes.

  A013000590 

 La mere, au contraire, les esleve, par ce que c'est sur ceux de son Poupon.

  A013000590 

 Les vierges ne levent les yeux que pour voir ceux de leur Espoux, et les vefves les baissent, si ce n'est pour avoir le mesme honneur..

  A013000590 

 Voyla, ma Fille, l'image que je vous envoye: elle est de vostre sainte Abbesse, pendant qu'elle estoit encor au monastere des mariees, et de sa bonne mere, laquelle estoit venue du convent des vefves pour la visiter.

  A013000590 

 Voyés la fille, comme elle tient les yeux baissés: c'est par ce qu'elle ne peut regarder ceux de l'Enfant.

  A013000591 

 Vostre Abbesse est glorieusement ornee d'une couronne sur la teste, mays elle ne la regarde point, ains [46] regarde en bas, a certaines petites fleurs esparses sur le marchepied de son siege.

  A013000592 

 Au demeurant, vous voyés que le doux Jesus se panche et tourne du costé de sa mere grand, toute vefve qu'elle est, et mal coiffee et simplement vestue.

  A013000592 

 Et si vous y prenes bien garde, il tient un monde en ses mains, lequel il destourne doucement a gauche, par ce qu'il sçait bien qu'il n'est pas propre aux vefves; mais de l'autre main il luy presente sa sainte benediction..

  A013000593 

 Hé, que je le desire, ma Fille! Ce souhait est respandu tout par tout en mon ame, ou il residera eternellement..

  A013000604 

 C'est sans doute que, de droit ordinaire, la benediction des cloches, come (sic) de toutes autres choses qui sont beneistes avec le cresme, ne peut estre faite que par l'Evesque, ou soit que telle benediction procede de l'Ordre episcopal, ou, come je crois plustost, qu'elle soit reservee pour la dignité.

  A013000604 

 Neantmoins, par tout deça les monts, ou les dioceses sont extremement grandes et embroulliees, la coustume porte que les Evesques puissent deputer digniorem sacerdotem; com'il est expressement declairé in Institutione Parrochorum Petri de Villars, Metropolitani nostri, a l'authorité duquel [48] je m'arreste non seulement par ce qu'il est nostre superieur, mais par ce quil est tres-docte et grand personnage.

  A013000607 

 Elle n'est pas encor bien confirmee; neantmoins,.

  A013000607 

 Il nous est arrivé une fascheuse nouvelle de la revolte et reddition de la ville d'Anvers entre les mains du comte Maurice.

  A013000625 

 O que mon ame est satisfaitte de l'exercice de penitence que nous avons fait ces jours passés, jours heureux, et acceptables, et memorables! Jobdesire que le jour de sa naissance perisse et que jamais il n'en soit memoire; mais moy, ma Fille, je souhaitte, au contraire, que ces jours esquelz Dieu vous a faitte toute sienne, vivent a jamais en vostre esprit et que la souvenance en soit perpetuelle.

  A013000626 

 Gardés bien la clausure de vostre monastere, ne laissés point sortir vos desseins ça et la, car cela n'est qu'une distraction de cœur.

  A013000626 

 Que rien ne vous trouble ci apres, ma Fille; dites avec [51] saint Paul: Au demeurant, que nul ne me fasche, car je suis stigmatisé des playes de mon Maistre; c'est a dire, je suis sa servante, voüee, dediee, sacrifiee.

  A013000628 

 La mort mesme n'aura point de pouvoir pour le dissoudre, puisqu'il est d'une estoffe qui dure eternellement..

  A013000628 

 Non, il ne sera jamais possible que chose aucune me separe de vostre ame; le lien est trop fort.

  A013000628 

 Vous connoistres asses, a voir que je vous escris a tout propos, que je vous vay suyvant en esprit, et il est vray.

  A013000629 

 Je suis fort consolé, ma chere Fille, de vous voir pleine du desir d'obeissance; c'est un desir de prix incomparable, et qui vous appuyera en tous vos ennuys.

  A013000629 

 Vostre vœu est dressé a Dieu, quoy qu'il regarde un homme.

  A013000639 

 Or, cette pureté consiste a priser toutes choses et les peser au poidz du sanctuaire, lequel n'est autre chose que la volonté de Dieu..

  A013000640 

 Ce n'est pas le propre des roses d'estre blanches, ce me semble, car les vermeilles sont plus belles et de meilleure odeur; c'est neanmoins le propre du lys.

  A013000654 

 C'est ainsy quil faut faire, sans doute, affin de s'aprivoyser avec son devoir..

  A013000654 

 Il ne faut plus que nos inclinations naturelles maistrisent nostr'ame; il faut que ce soit la lumiere superieure, et que, partant, encor que naturellement nous ayons de la peyne a nous communiquer, la rayson neanmoins et la connoissance du devoir nous emporte a toutes les executions des choses aggreables a Dieu, entre lesquelles, celleci de descouvrir sa conscience quand et a qui il est requis, est une des plus principales.

  A013000656 

 Nostre seur de Chantal me dit quelque chose de certaines craintes et ombres qui se presentent quelquefois a vous en vos prieres; et je luy dis que vous ne deviés pas seulement arrester un seul moment vostre esprit a considerer si cela estoit ou non, ni que cela peut estre ou que c'est; car je vous asseure, ma chere Seur, que cela n'est rien du tout, sinon une divagation d'imaginative que l'apprehension de la solitude, ou l'ennuy et difficulté de ces commencemens engendre en vostre esprit.

  A013000656 

 Tenes donq ferme, car ce n'est rien; et quand cela vous arrivera, ne vous amuses ni peu ni prou a penser et philosopher la dessus, mais tenes vous pour tout asseuree que Dieu est avec vous, et divertisses soudainement vostre pensee a quelqu'autr'object, comme seroit a Jesuschrist qui vous regarde des le Ciel et a sa sainte Mere..

  A013000657 

 Vous aves maintenant ma jeune seur, laquelle sans doute vous fera bien de l'incommodité; mais il ni a remede, je ne sçaurois vous en faire ni des excuses ni des ceremonies, j'ay trop de confiance en cett'estroitte alliance qui est entre nous.

  A013000658 

 Pour moy, ma chere Seur, croyes fermement que mon ame, toute telle qu'ell'est, est toute vostre.

  A013000664 

 Faites-moy sçavoir bien au long la disposition de vos filles, que c'est que monsieur Neron aura treuvé bon de faire en vostre Mayson et, plus que tout, quell'est vostre inclination au choix d'un Pere spirituel auquel de dela vous puissies jetter vostre confiance..

  A013000678 

 Non sans doute, il n'est pas possible d'arriver en un jour ou vous aspires: il faut ores gaigner ce point, demain un autre, et pied a pied nous nous [58] rendrons maistres de nous mesmes, qui ne sera pas une petite conqueste..

  A013000679 

 Il n'est rien qu'un'ame genereusement resolue ne puisse faire, moyennant l'assistance de son Createur.

  A013000679 

 Je sçai que l'entreprise est grande, mais non pas tant que la recompense.

  A013000680 

 C'est tout, en somme, d'avoir le cœur doux a l'endroit du prochain et humble a l'endroit de son Dieu.

  A013000681 

 C'est trop pour cette fois, et en si peu de loysir que j'ay..

  A013000683 

 Je prie tous-jours Dieu qu'il vous tienne de sa sainte main; rendes moy le reciproque, et jettés quelques souspirs au pied de la Croix pour mon ame, laquelle est toute voüee au service de la vostre et de tout ce qui vous est plus cher.

  A013000700 

 Je vous escrivis la lettre precedente, sur l'asseurance que j'avois au voyage d'un Pere Cordelier, lequel n'a [60] pas reusci, et elle m'est demeuree, en attendant de jour a autre, jusques a l'arrivee de la vostre, receu (sic) par l'homme de ma mere; en response a laquelle, permettes moy, je veux dire, ayes aggreable que je vous parle en vray pere..

  A013000701 

 Ce n'est ni vostre incommodité, ni vostre pauvreté, ni toutes ces considerations que vous aves rencontrees, et sur tout ce n'est pas pour ne me point rendre vostre obligé.

  A013000701 

 Je ne mesure rien a cett'aulne-la; mon aulne c'est la canne d'or avec laquelle les Anges mesurent le pavé de la Hierusalem spirituelle.

  A013000701 

 La rayson pour laquelle je voulois que la pension de ma jeune seur fut paÿee est plus grande que tout ce que vous me dites.

  A013000701 

 Sçaves vous ce que je pensois? C'est que, puisque j'avois declairé mon opinion a bon escient, j'estimois que vous y accommoderies la vostre et croiries que j'avois rayson, sans vous en enquerir davantage; mais vous n'estes pas si simple.

  A013000702 

 Nous sommes a la veille de l'entiere reformation de ce Monastere-la, et nous quitterons la besoigne! Faut-il perdre cœur sur le milieu de la victoire? Ce n'est pas [61] peu que nostre bon pere se soit accommodé a desirer la reformation; il m'en escrit, mais avec certaines reserves quil desire, dit il, pour la consolation de sa viellesse.

  A013000702 

 Seigneur Dieu, je croyois que vous n'oseries pas seulement y penser sans mon advis, et vous me parles d'en sortir! O ma Fille, qu'est ce qui a esbranlé nos resolutions? Quelle nouvelle difficulté nous peut faire retirer de nos desseins, si proffitables a nos ames, si pleins de la gloire de Dieu? Ouy vrayment, il m'en faudra bien parler, et faudra bien que nous en parlions a Dieu avant que de le faire.

  A013000703 

 Je m'attendois a sçavoir par vostre lettre, ou vostre inclination vous portoit pour la confession; c'est a dire, si vous receviés pas a plein cœur les advis de monsieur Viardot, si vous y avies pas de la confiance.

  A013000704 

 La patience vous est requise, par ce que vous y aures mille petitz degoustz; mais il ni a remede, c'est la gloire de Dieu.

  A013000721 

 Mais pour ma Seur, c'est ma fille, et, avec vostre congé, je pense que nostre bon Dieu, qui m'a tant donné de cœur a son bien, me donnera de la lumiere pour le service de son esprit.

  A013000754 

 Et permettes moy, Monsieur, je vous en supplie, que je vous resouvienne de ce quil vous pleut m'accorder pour mon particulier, qui est, qu'estant a Chamberi, vous me feries lhonneur de considerer, si pour n'avoir pas voulu accorder des excommunications en matiere criminelle et contre les Canons, il est raysonnable que le temporel de l'evesché ou celuy du vicaire soit saysi....

  A013000781 

 C'est aujourd'huy, et tout maintenant, que je vay prescher l'Evangile du pardon des offences et de l'amour des ennemis.

  A013000781 

 C'est cela, ma Fille: Dieu nous fait voir [67] ces esmotions, combien nous sommes de chair, d'os et d'esprit.

  A013000781 

 Il n'est pas de besoin que vous en recherchies ni le jour ni les occasions; mais s'il se presente, je veux que vous y porties vostre cœur doux, gracieux et compatissant.

  A013000781 

 Je sçai que sans doute, il se remuera et renversera, que vostre sang bouillonnera; mais qu'est cela? Si fit bien celuy de nostre cher Sauveur a la veuë de son Lazare mort et de sa Passion representee.

  A013000791 

 In tanta salutantium contentione qui, hoc Pontificatus initio, ad pedes Sanctitatis Tuæ venerabundi accesserunt, [69] non debui, credo, meam ingerere tenuitatem, quæ etsi obedientia, fide ac pietate erga Beatitudinem Tuam nulli inferior est, meritis tamen adeo depressa jacet, ut vix in comparatione conspici ac notari potuisset..

  A013000802 

 Mais, Très Saint Père, aujourd'hui que le zèle de tous les grands s'est satisfait et qu'il s'est un peu ralenti, je ne puis plus me taire; je ne puis refuser de proclamer quelle heureuse nouvelle a été l'annonce de votre élévation, et comment tout ce diocèse en a ressenti, avec moi, la plus vive allégresse.

  A013000803 

 D'ailleurs, c'est le Christ, Chef des Evêques, dont sur terre vous tenez la place, qui, la où le péché avait abondé, fait surabonder la grâce..

  A013000803 

 De même encore, c'est à mesure qu'il s'élève et plane plus haut sur l'horizon, que le soleil darde ses rayons plus intenses et plus ardents sur la terre.

  A013000804 

 C'est pourquoi je suis tout joyeux de saluer de mes félicitations la [72] dignité apostolique qui resplendit souverainement en votre personne.

  A013000821 

 Nous suffise que Dieu est nostre Dieu et que nostre cœur est sa mayson..

  A013000822 

 Voyes vous, ma chere Fille, ou mon esprit se laisse aller? Je me ressouvins aussi des hostelz de Paris, sur le frontispice desquelz le nom des princes ausquelz ilz appartiennent est escrit, et je me res-jouissois de croire que celuy de vostre cœur est a Jesus Christ.

  A013000826 

 Je suis plein d'esperance en la bonté de Dieu que nous serons tout siens; je suis joyeux et plein de courage: Dieu n'est il pas tout nostre? Amen.

  A013000850 

 Je le fay pour m'accommoder a son desir, bien que je sois certain quii n'est point besoin d'animer ni resouvenir vostre zele qui, de soymesme, [tend] asses a toutes ces saintes actions..

  A013000851 

 Je confesse la verité: nul soin que j'aye en cette charge ne mord si souvent mon esprit comme celuy-la, et sur tout pour le regard de ces cinq ou six parroisses qui n'ont nul curé; entre lesquelles, Tonnay, qui est sur les portes de Geneve, est digne d'un bon et prompt secours..

  A013000852 

 Je crains extremement de me rendre importun, mais non pas en cett'occasion, en laquelle vous jugés bien, Monsieur, que mon desir est raysonnable, pour fort et pressant qu'il puiss'estre..

  A013000872 

 Je sçai combien d'ennuis, combien de contradictions, il y a en semblables besoignes; mais c'est parce qu'elles sont grandes et pleines de fruit.

  A013000880 

 Non, de par Dieu, ma tres chere Fille, non, je ne seray point en peyne, je ne craindray point, je ne douteray point pour vos impuissances, ni pour le mal qui est dans vostre teste.

  A013000880 

 Qu'est ce que je puis craindre de vous a cette heure? Non, j'ay je ne sçai quoy qui me respond en bien de l'estat de vostre ame..

  A013000882 

 L'autre rayson, c'est qu'il n'y a rien a craindre.

  A013000883 

 Vous ne sçaves pas que je pense sur ce que vous me demandés des remedes? C'est que je n'ay point souvenance que Nostre Seigneur nous ayt commandé de guerir la teste de la fille de Sion, mais seulement son cœur.

  A013000884 

 Ce n'est pas grande merveille qu'un esprit d'une pauvre petite vefve soit foible et miserable.

  A013000884 

 Mais que voudries vous qu'il fust? Quelque esprit clairvoyant, fort, constant et subsistant? Aggreés que vostre esprit soit assortissant a vostre condition: un esprit [de] vefve, c'est a dire vil et abject de toute abjection, horsmis celle de l'offense de Dieu.

  A013000885 

 Il est vray, hier tout le jour j'avois une volonté si impuissante que je crois qu'un ciron l'eust abbatue.

  A013000885 

 Mais mon Dieu, commenceray je par la a vous parler de moy, puisque vous le desires? C'est la verité; hier tout le jour et toute cette nuit, j'en ay porté une pareille, non pas en ma teste, mais en mon cœur; mais maintenant elle m'est ostee par la confession que je viens de faire.

  A013000886 

 Il ne messied point aux vefves d'estre un petit reculees; il y a une trouppe d'honnestes gens qui attendent aussi bien que vous, il est raysonnable qu'ilz soyent preferés.

  A013000886 

 Passons outre; j'ay peu de loysir, car c'est le jour de nostre grande feste saint Pierre..

  A013000887 

 C'est ce que je vous dis..

  A013000888 

 Pour vos pensees, il n'est pas requis de s'amuser a celles qui ne font que passer, mais seulement a celles lesquelles, comme font les abeilles, vous laisseront leurs germes et esguillons dans leurs piqueures..

  A013000889 

 J'ay fait [83] en partie ce que vous desiries de moy, c'est a dire pour la reserve des œuvres requises au cors et a l'esprit.

  A013000889 

 Jamais plus de suavité, plus de douceur, jusques a hier que les nuages le couvrirent; et maintenant, que je reviens de la sainte Messe, tout est serein et clair.

  A013000890 

 Je ne vous diray rien de la grandeur de mon cœur en vostre endroit, mais je vous diray bien qu'elle demeure bien loin au dessus de toute comparayson; et cette affection est blanche plus que la neige, pure plus que le soleil: c'est pourquoy je luy ay lasché les resnes pendant cette absence, la laissant courir de son effort.

  A013000892 

 Et a propos de fille, je ne veux plus dans vos lettres, autre tiltre d'honneur que celuy de pere: il est plus ferme, plus aymable, plus saint, plus glorieux pour moy..

  A013000892 

 Ma response est devant Dieu: non, ne doutés point, ma Fille, je ne ferois pas un seul clin d'œil [84] pour tout le monde, je le mesprise de bon cœur; si ce n'est la plus grande gloire de nostre Dieu, rien ne se remuera en moy.

  A013000904 

 Je vous escris volontier par ce porteur par ce qu'il m'est fort asseuré et que, dans peu de tems, il me rapportera de vos nouvelles, sil vous plait luy en donner.

  A013000905 

 Cela m'ennuye, car elle m'est si chere que je ne me puis empescher de quelque petite inquietude, si je ne sçai souvent des nouvelles de l'estat de son ame et de ses bons desseins, mesmement a present que monsieur nostre pere mesme m'a escrit qu'il se traittoit a descouvert de la reformation de sa Mayson.

  A013000925 

 J'y ay bien eu de la peyne a ce voyage, et un terrible embarrassement, et parce que c'estoit pour les choses temporelles et provisions des eglises, j'y ay esté fort empesché; mais Dieu y a mis une tres bonne fin par sa grace, et encores s'y est il fait quelque peu de fruit spirituel.

  A013000925 

 Je reviens du bout de mon diocæse qui est du costé des Suisses, ou j'ay achevé l'establissement de trente trois parroisses esquelles, il y a unze ans, il n'y avoit que des ministres, et y fus en ce tems la, trois ans tout seul a prescher la foy catholique.

  A013000926 

 C'est aujourd'huy saint Augustin, et vous pouves penser, si j'ay prié pour vous et le Maistre et le serviteur et la mere du serviteur de Dieu.

  A013000926 

 C'est luy qui m'a donné a vous; il soit a jamais beni et loué..

  A013000929 

 Il ne laissera pas pour cela d'estre nostre Dieu, car l'affection que nous luy devons est d'une nature immortelle et imperissable..

  A013000943 

 J'ay soudainement despeché vostre homme, et par ce que je doy prescher a midi, je ne vous diray sinon que je suis tous-jours fort consolé, quand j'ay de vos lettres, et le dois bien estre encor plus par celle ci qui m'asseure si asseurement que vostre cœur est ferme au dessain quil a fait de servir son Dieu a la poursuite de la vraye devotion..

  A013000944 

 Souvenés vous que nostre Dieu n'est pas comme le reste des choses: il est bon a tous et en tous tems, vous le treuveres par tout a vostre support et consolation; c'est pourquoy ne vous lasses point a la queste d'un si grand bien.

  A013000971 

 Ouy, ma Fille, il le fera luy mesme, car il desire de pouvoir dire de vostre Religion: C'est un jardin fermé, [92] une fontaine seellee.

  A013000971 

 Y a-il rien de si doux que de ne voir guere de terre et beaucoup de ciel? Mais souvenes vous que je parle d'une closture tres douce, comme celle des Chartreux, et vous jugeres aussi tost qu'elle est faysable, pour peu qu'on y veuille employer de loysir, d'industrie, de priere..

  A013000974 

 Mais laissons nous aller a la providence de Dieu, qui sçait ce qui est mieux..

  A013000976 

 Je ne retiens vostre homme qu'un seul jour, tant je desire de vous [donner] l'asseurance que vous desires de ma chetifve et inutile santé, et de tout ce qui est a vous de deça..

  A013000977 

 Courage, ma Fille, courage; a quoy sert il de desguiser nostre bonheur? Non, sans doute, Dieu nous donne des grandes conjectures qu'il est nostre et que nous serons un jour du tout a luy.

  A013000993 

 Mon Dieu, mes cheres Dames, que c'est une grand'amertume que l'amertume d'une Religion desreglee, d'une compaignie sans ordre.

  A013000994 

 Mais, mes Dames, permettes moy que je m'en resjouisse avec vous d'une speciale allegresse, car sans doute ce sujet est extraordinaire et des plus grans.

  A013000994 

 Non seulement vous jouires du bonheur que la vie vrayement religieuse donne aux ames qui l'embrassent, mais vous en aures encor cette particuliere consolation: c'est, mes Dames, que non seulement vous receves cette benediction pour vous, mais vous la feres couler a vostre posterité spirituelle, et laisseres dedans vostre Mayson des plantes apres vous, qui rendront le mesme fruit, Dieu [96] aydant.

  A013000995 

 Que l'Abbesse est heureuse d'avoir treuvé des cœurs si disposés au bien que Dieu luy avoit inspiré de procurer; que les Religieuses sont heureuses de s'estre rencontrees en un tems auquel leur Abbesse devoit faire tel dessein.

  A013000997 

 Aimes vos vœux, qui vous peuvent ouvrir la porte de ce saint tabernacle; vives avec la sainte douceur du cœur, qui rend toutes choses souëfves; conserves cette couronne que Dieu a mis sur vos testes, le plus haut fleuron de laquelle c'est l'obeissance.

  A013001014 

 Escrives moy seulement a cœur ouvert et de vos maux et de vos biens, et ne vous mettes en nulle peyne, car mon cœur est bon a tout cela..

  A013001015 

 Mais sur tout escrives moy fort sincerement; c'est le grand commandement que de me parler a cœur ouvert, car de la depend tout le reste.

  A013001016 

 Soyés courageuse, ma chere Fille; nous ferons prou, Dieu aydant; et croyés moy que le tems est plus propre au voyage, que si le soleil fondoit sur nos testes ses ardentes chaleurs.

  A013001017 

 Mon Dieu, que je lis avec beaucoup de consolation les parolles que vous m'escrivistes, que vous desiries de la perfection a mon ame presque plus qu'a la vostre: c'est une vraye fille spirituelle, cela.

  A013001018 

 Courage, ma Fille, Dieu est pour nous.

  A013001030 

 La force de l'attraction interieure ne peut souffrir ni dilation ni allentissement; c'est pourquoy, voyant que j'avois compassion de son cœur qui se va consumant en ses desirs, elle me conjura fort de vous en escrire ce qui m'en semble, estimant que mon entremise luy seroit plus favorable cette seconde fois que la premiere..

  A013001030 

 Sans mentir, Monsieur, son desir est violent et qui sort d'un'ame vivement esprise de devotion et saysie de l'amour celeste, qui me fait croire que ce sera un grand dommage d'en empescher les effectz.

  A013001031 

 Et s'il vous falloit immoler vostre fille comm'Abraham voulut faire son enfant, et Jephté le fit reellement, n'auries vous pas le courage de le faire pour Dieu? Or, voyla une douce et non sanglante immolation de vostre fille que Dieu desire de vous; en cela connoistra-il combien vous l'aymes, si vous exposés l'ame de cette fille, qui est vostre ame, pour l'amour de sa divine Majesté, laquelle vous a tant aymè que de donner son Filz pour vous..

  A013001032 

 Et vous sçaves que nous ne devons pas nous arrester au bien, quand nous pouvons attaindre au mieux et que nous y sommes attirés comm'est cette benite fille, laquelle, pour le plus grand bienfait qu'elle prætend de vostre paternelle charité, vous demande congé de voüer [102] son cors, son ame, ses pensees, ses forces, ses annees et sa liberté a Celuy qui luy a donné tout ce qu'ell'a..

  A013001045 

 Car il est vray, ma Fille, que nos fautes, lesquelles tandis qu'elles sont dans nos ames, sont des espines; sortant dehors par la volontaire accusation, elles sont converties en roses et parfums, d'autant que, comme nostre malice les tire dans nos cœurs, aussi c'est la bonté du Saint Esprit qui les pousse dehors..

  A013001074 

 Aussi, ayant su naguère que vous étiez à Venise pour l'impression de votre Apparatus Sacer et cet honnête homme devant s'y rendre (c'est encore lui qui, de retour, pourra me rapporter exactement des nouvelles de votre santé), je désire en vous saluant très humblement, s'il vous plaît, me rappeler à votre souvenir..

  A013001076 

 J'y rencontre, il faut l'avouer, mon Révérend Père, bien de la peine et du travail, mais ce n'est pas sans mélange de consolation, puisque, par la grâce de notre bon Dieu, tous les jours je vois nombre d'âmes quitter l'hérésie pour rentrer dans le giron de la sainte Eglise.

  A013001076 

 Le porteur de cette lettre, M. de Gaillon, est un de ces convertis; il pourra vous fournir de plus amples détails.

  A013001076 

 Or, c'est moi, mon Père, qui suis l'homme en question, et de plus, je fis, il y a trois ans, un voyage à Paris pour les affaires de ce diocèse, [107] dont une partie se trouve sur les Etats du roi de France.

  A013001078 

 Je composai depuis un autre livret qui a reçu l'approbation de plusieurs; si j'en avais eu la commodité, je vous l'aurais offert, non certes que je le juge digne de tomber sous vos yeux, mais pour vous rendre mon devoir et soumettre à votre censure toutes mes affaires, tout ainsi que jadis je vous soumettais mon âme elle-même, et c'est de quoi je serai fier toute ma vie..

  A013001092 

 C'est ainsy, Madame, qu'il faut faire: recueillir tous-jours avec humilité et consideration les [111] choses qui se disent au nom de Dieu, pour petites qu'elles soyent et quoy que le diseur soit peu de chose.

  A013001092 

 Continues, je vous supplie, a faire ainsy vostre proffit de tout ce qui vous est proposé.

  A013001092 

 Et ceci vous le deves faire souvent, car, outre que cela recree, Dieu en est servi.

  A013001092 

 Resveilles souventefois en vous l'esprit de joÿe et de suavité, et croyes fermement que c'est le vray esprit de devotion; et si par fois vous vous sentes attaquee du contraire esprit de tristesse et d'amertume, eslancés a vive force vostre cœur en Dieu et le luy recommandes, puis, tout soudainement, divertisses vous a des exercices contraires, comme de vous mettre a quelque conversation sainte, mais de celles qui vous peuvent resjouir.

  A013001110 

 A quel propos cela? Ouy, c'est a propos, ma si chere Fille, car j'adore de mesme affection les vostres, que je tiens pour miennes, et veux (au moins je vous en prie) que vous aymies les miennes de mesme cœur.

  A013001111 

 Et laissons gronder et fremir l'ennemy a la porte et tout autour de nous; car Dieu est au milieu de nous, en nostre cœur, d'ou il ne [113] bougera point, s'il luy plaist.

  A013001112 

 Non, je n'en veux point parler; Dieu nous veuille bien esclairer et faire voir son bon playsir, car, au peril de tout ce qui est en nous, nous le suivrons ou qu'il nous conduise.

  A013001113 

 Les nuitz nous sont des jours, quand Dieu est en nostre cœur, et les jours sont des nuitz, quand il n'y est point..

  A013001114 

 Il n'est pas besoin de dire en confession ces petites pensees, qui, comme mousches, passent et viennent devant vos yeux, ni l'affadissement des goustz que vous aves eu en vos vœux, car tout cela ne sont point pechés, mais ennuis, mais incommodités..

  A013001128 

 Il est vray que je voy bien l'incommodité que ces traynemens donne (sic) a vos affaires, dont je suys desplaysant; mais ce sont les princes qui espreuvent ainsy leurs plus fidelles, voulans encor en cela imiter l'Inimitable..

  A013001128 

 Je me res-jouis de la santé de madame ma tante et de mon petit cousin; et a ce propos, c'est une providence de Nostre Seigneur que vostre voyage soit retardé, jusques a ce que leur bon portement soit bien solidé.

  A013001129 

 Madame de Sainte Catherine est estrange, a la verité, et bien trop.

  A013001147 

 Je vous remercie infiniment de la lettre qu'il vous a pleu m'escrire, qui m'a donné un'extreme consolation, [117] et de sçavoir que vous aves souvenance de moy, et d'entendre les heureuses nouvelles du progres des monasteres de la sainte Mere Therese en nos Gaules; car, a la verité dire, j'ay une particuliere devotion et a la Mere et aux filles: dont je loue Dieu d'en voir ces nouvelles plantes a Dijon, ville qui m'est chere autant que si j'en estois.

  A013001170 

 Je sçai, ma chere Seur, que les petitz ennuys sont plus fascheux, a cause de leur multitude et importunité, que les grans, et les domestiques, que les estrangers; mais aussi je sçai que la victoire en est souventesfois plus aggreable a Dieu que plusieurs autres, qui, aux yeux du monde, semblent de plus grand merite..

  A013001170 

 Quel bonheur que sa divine Majesté vous veuille employer a son service non seulement agissant, mays patissant! Ayés soin de conserver la paix et la tranquillité de vostre cœur; laissés bruire et gronder les vagues tout autour de vostre barque et ne craignes point, car Dieu y est, et par consequent le salut.

  A013001179 

 C'est tout un; encor vaut-il mieux vous escrire peu que rien..

  A013001179 

 Ne voyci pas un estrange fait, ma chere Fille! Il y a un mois que je n'ay sceu vous escrire ni peu ni prou, par ce que j'estois engagé dans nos montagnes, du tout hors de chemin, et je tiens en ma main sept de vos lettres, dont la derniere est du 9 de ce moys, ausquelles il me semble que je n'aye pas encor respondu qu'a trois; et neanmoins je ne puis maintenant vous escrire qu'en courant.

  A013001180 

 Pour le papier des cinq mille francz, je ne puis vous en donner resolution, que vous ne me marquiés a qui l'interest en pourroit revenir; c'est a dire qui en pourroit souffrir perte si vous le gardies, car de la depend le jugement que j'en dois faire.

  A013001182 

 C'est nostr'Espoux moderne, ma chere Fille, car non seulement la mort ne dissoult point nostre mariage avec luy, ains elle le parfait, elle le consomme..

  A013001182 

 Ce vous est (et a moy par consequent) un extreme contentement de sçavoir que ce chevalier estoit bon, doux et gracieux a ceux qui l'avoyent blecé ou offencé; maintenant il en aura bien a voir que nous en voulons faire de mesme.

  A013001184 

 Je loue Dieu de tout mon cœur de la santé de messieurs nos pere, oncle et frere; mais que ce mot me console: [Monsieur vostre oncle,] plein de vertu et de constance, n'est plus arresté que par des defluxions... car je cheris ce bon oncle du fons de mon ame.

  A013001185 

 Cette partie inferieure est pesante tous-jours quelques mauvaises inclinations, quelques repugnances au bien, [122] mais il ni a remede.

  A013001185 

 Voyes vous bien, cette chere seur que j'ayme infiniment, ell'est guerie, Dieu merci, mais encor un peu de defluxion dessus ses jambes la font (sic) aller lentement a la closture de sa Mayson: encor un peu de respect aux volontés des freres, des peres, des meres, que sçai-je moy? O mon Dieu! que bien heureux sont ceux qui, en semblables occasions, dient a leurs peres et freres: Je ne sçai qui vous estes, je ne vous connois point.

  A013001187 

 C'est merveille, ma Fille, comme mon esprit est ferme en cet advis de ne point semer au champ de nostre voysin, pour beau qu'il soit, pendant que le nostre en a besoin.

  A013001187 

 La distraction du cœur est tous-jours dangereuse, avoir son cœur en un lieu et son devoir a l'autre.

  A013001188 

 Mon Dieu, que de destours prend on avant que d'arriver au logis, quand on n'est pas guidé..

  A013001189 

 Que Satan est mauvais! Jusques ou se va-il fourrer! Mais ne vous en estonnes pas: les choses spirituelles luy sont fort accessibles, par ce quil est esprit; il ne luy faut pas beaucoup d'ouverture, pour se glisser es amitiés des mortelz.

  A013001190 

 Pour le Caresme il y a du loysir a vous parler; pour l'Advent il n'est plus tems.

  A013001192 

 Hé, que Dieu m'est bon! je ne fus jamais plus fort.

  A013001192 

 Toutes les croix que j'avois preveues, a l'abord n'ont esté que des oliviers et palmiers; tout ce qui me sembloit fiel s'est treuvé du miel, ou peu s'en faut.

  A013001204 

 C'est pourquoy, en ce repos corporel, j'ay pensé au repos spirituel que nos cœurs doivent avoir en la volonté de Dieu ou qu'elle nous porte; mais il ne m'est pas possible d'estendre les [126] considerations qui se doivent faire pour cela, qu'avec un peu de loysir bien franc et net..

  A013001204 

 Vous sçaves, ma Fille, que c'est aussi le remede que j'ordonne volontier que la tranquillité, et que je defens tous-jours l'empressement.

  A013001206 

 Je considerois l'autre jour ce que quelques autheurs disent des alcions, petitz oyseletz qui pondent sur la rade de la mer: c'est qu'ilz font des nidz tout ronds, et si bien pressés que l'eau de la mer ne peut nullement les penetrer; et, seulement au dessus, il y a un petit trou par lequel ilz peuvent respirer et aspirer.

  A013001207 

 Ah! que j'ayme ces oyseaux qui sont environnés d'eaux et ne vivent que de l'air, qui se cachent en mer [127] et ne voyent que le ciel! Ilz nagent comme poissons et chantent comme oyseaux; et, ce qui plus me plaist, c'est que l'ancre est jettee du costé d'en haut et non du costé d'en bas, pour les affermir contre les vagues.

  A013001207 

 Mais pendant que les alcions bastissent leurs nidz et que leurs petitz sont encor tendres, pour supporter l'effort des secousses des vagues, helas, Dieu en a le soin et leur est pitoyable, empeschant la mer de les enlever et saysir.

  A013001209 

 Mon Dieu, ma chere Fille, qu'est ce que je vous escris? je veux dire, a quel propos cela? O ma Fille, puisque nostre invariable propos et finale et invariable resolution tend incessamment a l'amour de Dieu, jamais les paroles de l'amour de Dieu ne sont hors de propos pour nous..

  A013001234 

 C'est pourquoy je vous y veux saluer par cette commodité, pour non seulement me ramentevoir en vostr'amitié, mais aussi pour demander, par vostr'entremise, la faveur d'estre continué en la bienveuillance de madame nostre mere, a laquelle mon obeissance filiale est entierement dediee.

  A013001269 

 O Dieu, pourquoy vivrons-nous l'annee suivante, si ce n'est pour mieux aymer cette Bonté souveraine? Oh! qu'elle nous oste de ce monde, ou qu'elle oste le monde de nous; ou qu'elle nous fasse mourir, ou qu'elle nous fasse mieux aymer sa mort que nostre propre vie..

  A013001269 

 Vive Dieu! ma Fille, nostre cœur (voyes vous, je dis nostre cœur) est fait pour cela: ah! que n'en sommes nous bien pleins.

  A013001270 

 C'est merveille combien cette liqueur est admirable pour toute sorte de mal de cœur..

  A013001270 

 Ce n'est pas encores la pluye, ce ne sont que les [133] premieres rosees de ses larmes.

  A013001302 

 Et me semble quil inclineroit plus que le lieutenant eut la charge que le jugemaïe, par ce quil est plus resident au lieu et a plus d'addresse pour la particuliere conduite de cett'affaire.

  A013001302 

 La faveur que vous me faites d'avoir aggreable (sic) mes importunités, me fait encor lascher celleci, pour vous representer cette necessité que ledit Pere me dit estre fort grande, et je voy qu'au moins elle luy est a cœur..

  A013001302 

 Le bon Pere Maurice, qui est icy pour quelques jours, me dit que sil vous playsoit de recommander au [136] sieur juge maje de Ternier, ou au sieur de Rovenoz son lieutenant, l'execution et observation des editz faitz contre les huguenotz, ou plus tost pour eux et leur reduction, en peu de jours les effectz en seroyent tres bons et desirables.

  A013001318 

 J'estois a Sales le 22 de ce mois, pour obeir a ma bonne mere qui desiroit de me voir avant mon despart, et j'y receus vostre lettre du premier jour de cette annee, dont je receus beaucoup de consolation, laquelle se respandit sur toute la famille qui est infiniment vostre.

  A013001319 

 Mais dites moy, ma Fille, ne m'est ce pas de l'affliction de ne vous pouvoir escrire qu'ainsy a la desrobbee? O voyla pourquoy il nous faut acquerir le plus que nous pourrons l'esprit de la sainte liberté et indifference; il est bon a tout, et mesme pour demeurer six semaines, voire sept, sans qu'un pere, et un pere de telle affection comme je suis, et une fille telle que vous estes, reçoivent aucunes nouvelles l'un de l'autre..

  A013001320 

 La, ma Fille, je pretens de me revoir par tout, et remettre toutes les pieces de mon cœur en leur place, a l'ayde de ce bon Pere qui est esperduement amoureux de moy et de mon bien..

  A013001321 

 Le bon est que c'est tout a la gloire de nostre Dieu, a laquelle il m'a donné de tres grandes inclinations, et je le prie qu'il luy playse de les convertir en resolutions..

  A013001322 

 Je me sens un peu plus amoureux des ames que l'ordinaire; c'est tout l'advancement que j'ay fait despuis vous, mais au demeurant, j'ay souffert des grandes secheresses et derelictions, non toutefois longues, car mon Dieu m'est si doux, qu'il ne se passe jour qu'il ne me flatte pour me gaigner a luy.

  A013001322 

 Le cœur de mon peuple est presque tout mien maintenant.

  A013001323 

 Est ce pas asses dit, ma bonne Fille? Je dis ma bonne [139] Fille, parce que vous m'estes fort bonne et me consolés plus que vous ne sçauries croire.

  A013001324 

 Mon Dieu, n'est ce pas dommage que ces bausmes des amitiés spirituelles soyent exposés aux mouscherons? Cette liqueur si sainte, si sacree merite un soin bien grand pour estre conservee toute nette, toute pure.

  A013001325 

 Croyes moy, j'ayme tout cela d'un amour tout entier, et ne m'est pas possible d'apprehender « le mien et le tien » en ce qui nous regarde.

  A013001325 

 Nostre petite Charlotte est a Dieu; c'est ce Pere auquel elle ressemble le plus.

  A013001326 

 C'est toute la ceremonie delaquelle j'use avec vous; autrement je reviendrois au mien et tien, duquel Dieu nous veuille garder et defendre..

  A013001326 

 Si ma petite seur est si sage comme vous dites, je luy en sçai bon gré.

  A013001327 

 C'est bien dit, ma Fille, il faut coupper court et trancher net en ces occasions, il ne faut point amuser les chalans; puisque nous n'avons pas la marchandise quilz demandent, il le leur faut dire destroussement affin quilz aillent ailleurs.

  A013001327 

 Et vrayment ce sont des braves gens: ne voyent-ilz pas que nous avons osté l'enseigne et que nous avons rompu le traffiq que nous pouvions avoir avec le monde? Il est vray, nostre cors n'est plus nostre, nomplus que l'ivoire du trosne de Salomon n'estoit plus aux elephans qui l'avoyent porté en leur gueule.

  A013001327 

 Parlons un peu de vous, c'en est bien la rayson.

  A013001327 

 Qui sont ces temeraires qui veulent rompre et briser cette blanche colomne de nostre sacré tabernacle? Ne craignent ilz point les Cherubins qui le tiennent deça et dela et le couvrent sous l'ombre de leurs aisles? Et bien, il s'est passé un peu de vanité, un peu de complaysance, un peu de je ne sçai quoy: or, cela n'est rien.

  A013001327 

 Vrayement, ce n'est pas mal parlé: sainte Agathe, sainte Thecle, sainte Agnes ont souffert la mort pour ne point perdre le lis de leur chasteté, et on nous voudroit faire peur avec des fantosmes!.

  A013001329 

 Je ne dis pas que mon absence de quelque peu de jours luy fut nuysible pour la privation de ma presence, car ce n'est pas cela qui m'empesche; mais c'est que la sayson est si sujette aux vens et orages que je ne suis pas a mon pouvoir d'aller et de venir, mais faut que je vogue a leur merci.

  A013001329 

 M'entendes vous bien? Je croy qu'ouy, car vous sçavés ce que je vous dis un jour de mon voyage de Dijon, lequel je fis des-ja contre le commun advis de tous mes amis, mais sur tout de celuy auquel je devois le plus deferer, qui est le mesme Pere Recteur que je vay voir a ce Caresme prenant, lequel, avec un grand zele de mon bien, me pensa quasi arrester; mais ce grand Dieu, en la face duquel je regardois droit, tiroit tellement mon ame a ce beni voyage, que rien ne me peut arrester, et aussi il l'a reduit tout a bien et a sa gloire.

  A013001329 

 Voyla que c'est, je pense vous l'avoir des-ja dit par une præcedente.

  A013001330 

 Je vous ay dit ceci au long parce qu'il m'est venu en l'ame de penser que je le devois faire, a la charge que c'est a vous seulement.

  A013001331 

 Alhors vous me dires s'il est requis que nous nous voyons cette annee; et s'il l'est, je vous diray quand, et je le puis dire des maintenant.

  A013001331 

 Mays je dis cela en cas que vous et vostre confesseur jugies qu'il soit expedient; car, sans mentir, je plains vostre peyne, et si elle n'est contrechangee de quelque grande utilité spirituelle, elle m'afflige..

  A013001331 

 Tout ce Caresme, si vous m'escrives par Lyon vous en aures une tres grande commodité; car de Lyon a Chambery ce n'est pas comme des icy, car tous les jours les courriers arrivent.

  A013001332 

 Mais quand cela seroit, croyes moy, c'est une tentation a ces bonnes Dames d'y aspirer, sinon qu'elles puissent reduire tous leurs monasteres en Carmelites.

  A013001338 

 Le Caresme est l'automne de la vie spirituelle, auquel on doit recueillir les fruitz et les ramasser pour toute l'annee.

  A013001340 

 Je m'en vay dire maintenant a mes auditeurs que leurs ames sont la vigne de Dieu; la cisterne est la foy, la tour est l'esperance, et le pressoir, la sainte charité; la haye, c'est la loy de Dieu, qui les separe des autres peuples infideles..

  A013001341 

 A vous, ma chere Fille, je dis que vostre bonne volonté, c'est vostre vigne; la cisterne, sont les saintes inspirations de la perfection que Dieu y fait pleuvoir du Ciel; la tour, c'est la sainte chasteté, laquelle, comme il est dit de celle de David, doit estre d'ivoire; le pressoir, c'est l'obeissance, laquelle rend un grand merite pour les actions qu'elle exprime; la haye, ce sont vos vœux.

  A013001352 

 Ma tres chere Fille, que j'ay d'ardeur, ce me semble, pour vostre advancement au tres saint amour celeste, auquel, en celebrant ce matin, je vous ay derechef dediee et offerte, m'estant advis que je vous eslevois sur mes bras comme on fait les petitz enfans et les grans encor, quand on est asses fort pour les lever.

  A013001354 

 Je doy a jamais tascher de vous tenir hautement et constamment dans le siege que Dieu vous a donné en mon ame, qui est establi a la Croix..

  A013001354 

 Or sus, il est vray, ma chere Fille, nostre unité est toute consacree a la souveraine unité; et je sens tous-jours plus vivement la verité de nostre cordiale conjonction, qui me gardera bien de vous oublier jamais, qu'apres et long tems apres que je me seray oublié de moy mesme pour tant mieux m'attacher a la Croix.

  A013001355 

 Au demeurant, allés de plus en plus, ma chere Fille, establissant vos bons propos, vos saintes resolutions; approfondissés de plus en plus vostre consideration dans les playes de Nostre Seigneur, ou vous treuveres un abysme de raysons qui vous confirmeront en vostre genereuse entreprise et vous feront ressentir combien vain et vil est le cœur qui fait ailleurs sa demeure, qui niche sur autre arbre que sur celuy de la Croix.

  A013001355 

 O mon Dieu, que nous serons heureux si nous vivons et mourons en ce saint tabernacle! Non, rien, rien du monde n'est digne de nostre amour; il le faut tout a ce Sauveur qui nous a tout donné le sien..

  A013001369 

 Il est vray, ma bonne Seur; mais ne taschés-vous pas d'heure a autre de les faire mourir en vous? C'est chose certaine que, tandis que nous sommes icy environnés de ce cors si pesant et corruptible, il y a tous-jours en nous je ne sçai quoy qui manque.

  A013001371 

 Le jour qu'on s'est communié, il n'y a nul danger de faire toutes sortes de bonnes besoignes et travailler; il y en auroit plus a ne rien faire.

  A013001373 

 En un mot, ma Seur, la perfection de la charité c'est la perfection de la vie, car la vie de nostre ame, c'est la charité.

  A013001373 

 Tout ce que la veuë nous apporte, c'est le danger, car qui le void est en quelque perii de l'aymer; mais a qui est bien resolu et determiné, la veuë ne nuit point.

  A013001374 

 La voyci, ma chere Fille, telle que les Saintz me l'ont apprise: Si le monde nous rnesprise, res-jouissons nous, car il a rayson, puisque nous reconnoissons bien que nous sommes mesprisables; s'il nous estime, mesprisons son estime et son jugement, car il est aveugle.

  A013001375 

 Au contraire, je voudrois que, tenant les yeux sur Nostre Seigneur, nous fissions nos œuvres sans regarder que c'est que le monde en pense, ni quelle mine il en fait.

  A013001375 

 De dire qu'on n'est pas ce que le monde pense, quand il pense bien de vous, cela est bon; car le monde est un charlatan, il en dit tous-jours trop, soit en bien soit en mal..

  A013001375 

 Je n'appreuve pas donq que l'on faille, pour donner mauvaise opinion de soy; c'est tous-jours faillir et faire faillir le prochain.

  A013001376 

 Mais, que me dites-vous? que vous portes envie aux autres, que je prefere a vous? et le pis est que vous dites que vous le sçavés bien.

  A013001377 

 Et quant a nostre seur du [Puits-d'Orbe], ne voyes vous pas qu'elle est seule, n'ayant point d'inclination a se ranger a la confiance de ceux que monsieur nostre pere luy propose, et monsieur nostre pere ne gouste point ceux que nous proposons? car, a ce qu'elle m'escrit, monsieur nostre pere ne peut appreuver le choix de monsieur Viardot.

  A013001387 

 Ne vous amuses point a la consideration de tout cela, car il vous doit suffire que Dieu n'est point offencé en ces attaques que vous receves.

  A013001387 

 Usés le plus que vous pourres de mespris de ces broüilleries la, car le mespris y est le remede le plus utile..

  A013001388 

 J'ay neanmoins bien esté en consideration, pour penser que c'est qui pouvoit permettre au monde l'audace et l'imprudence de penser a les esbranler; car il me semble que nous luy faysons asses mauvais visage pour luy oster le courage de nous vouloir chatouiller.

  A013001388 

 Non, je ne suis nullement en crainte pour les colomnes de nostre tabernacle, car Dieu en est le protecteur.

  A013001388 

 Or bien, tout cela n'est rien..

  A013001428 

 Monsieur le Baron et madame la Baronne de Cusy ont [156] esté icy pour se faire Religieux, mays tout cela est rompu.

  A013001442 

 Je vous demanday congé pour venir faire l'office que je fay en cette ville; je vous le demande maintenant pour mon retour, duquel je voy bien tost arriver la journee, avant laquelle je ne sçay si j'auray une si [157] bonne commodité de vous bayser les mains, comme est celle que me donne le voyage de M. vostre Official, pour aller pres de vous; qui m'a donné le sujet de vous supplier des maintenant d'avoir pour aggreable l'affection que j'ay eue au service de vostre peuple, et de croire que je suys,.

  A013001455 

 Je m'en revay a mon Annessy, puisque le Caresme est achevé, d'où je vous escriray le plus souvent qu'il me sera possible pour vous tenir la memoire fraische de celuy qui, quoy que indigne et inutile, est glorieux d'estre et se pouvoir dire toute sa vie,.

  A013001472 

 Les ames qui vous en font scrupule sont bonnes et devotes, comm'elles tesmoignent par leur scrupule, lequel neanmoins n'a nul fondement; c'est pourquoy il ne s'y faut pas arrester.

  A013001473 

 C'est le mal des maux entre ceux qui ont des bonnes volontés, qu'ilz veulent tous-jours estre ce quilz ne peuvent pas estre, et ne veulent pas estre ce qu'ilz ne peuvent n'estre pas.

  A013001488 

 Le livre de La Methode de servir Dieu est bon, [161] mais embarrassé et difficile plus qu'il ne vous est requis.

  A013001489 

 C'est le grand chemin, ma chere Fille, duquel il ne nous faut pas encores departir jusques a ce que le jour soit un petit plus grand et que nous puissions bien discerner les sentiers.

  A013001489 

 De ne se servir en l'orayson ni de l'imagination ni de l'entendement, il n'est pas possible; mais de ne s'en servir point que pour esmouvoir la volonté, et, la volonté estant esmeuë, de l'employer plus que l'imagination ni l'entendement, cela se doit faire indubitablement.

  A013001489 

 Il est bien vray que ces imaginations ne doivent point estre entortillees de beaucoup de particularités, mais simples.

  A013001489 

 Il n'est pas besoin, ce dit cette bonne Mere, de se servir de l'imagination pour se representer l'humanité sacree du Sauveur.

  A013001489 

 Non pas, peut estre, a ceux qui sont des-ja fort advancés en la montaigne de la perfection; mais pour nous autres qui sommes encor es vallees, quoy que desireux de monter, je pense qu'il est expedient de se servir de toutes nos pieces, et de l'imagination encores.

  A013001490 

 La difficulté est que je n'ay a mon commandement que les octaves de Pentecoste et celle du Saint Sacrement.

  A013001490 

 Mais quand sera-ce, me dires vous? Si vous pensies, [162] ma chere Fille, que vous puissies tirer de ma presence tant d'ayde et de bon fruit et de provisions spirituelles come vous m'escrives, et que vous en ayes beaucoup de desir, je ne seray pas si dur que de vous remettre a l'annee prochaine, mais vous remettray volontier au premier dessein, lequel ne me donne nulle peyne que celle que vous aures au voyage; car, au demeurant, il m'est plein de suavité et de contentement.

  A013001503 

 Il n'est pas croyable combien vous me lies estroittement au grand devoir que je vous ay, par cette continuelle memoire que vous aves de moy, de laquelle vos lettres si frequentes sont les marques.

  A013001504 

 C'est pourquoy, Monsieur mon Pere, je vous supplie de l'y bien assister, particulierement pour la closture, au moins avec la modification que j'y avoys apportee, car, cela, c'est le grand mot pour ce sujet.

  A013001504 

 Je sçai que mes prieres sont superflües, puysque vostre bonne volonté est abondante; mais je ne puis m'empescher de vous en faire ces repliques, par ce que mon desir, qui est extreme au bien de cette seur et a la gloire de sa Mayson, m'en presse et sollicite incessamment..

  A013001504 

 Mais, Monsieur mon tres honnoré Pere, sans vous, sans vostr'authorité elle ne peut rien, ni pour establir cette [entière] reformation qui est requise en son Monastere, ni pour la maintenir, au moins en ce commencement.

  A013001506 

 Cela me gardera de m'estendre plus au long sur ce sujet de la devotion de ces deux dames; mesme, puisqu'il faut que, changeant de propos, je vous supplie d'avoir en recommandation les droitz du sieur de Longecombe, Religieux de Nantua, duquel la famille m'appartient d'un'alliance si estroitte qu'il ne se peut dire plus, et est toute pleyne de vertu.

  A013001506 

 J'ay dautant plus de courage en cet office que je desire luy rendre, qu'il est defendeur et appellé, et que j'estime sa cause fort juste.

  A013001523 

 J'ay pressé et presse nostre seur, et maintenant, selon vostre advis, monsieur vostre pere, pour la closture de ce Monastere, et je ne cesseray point de l'en solliciter; car, comme je dis a monsieur vostre pere, c'est le grand mot en ce sujet..

  A013001523 

 Jay respondu a toutes vos precedentes lettres; je repete neanmoins quil ni a nul danger a vous d'aller dans le Monastere de mesdames vos seurs pendant que la clausure ni est pas establie; le scrupule que vous en aves est sans fondement, et n'en doute point.

  A013001524 

 Que si j'estois aussi pres de vous quil seroit requis pour discerner sur cette particularité, je vous en dirois mon opinion; mais vous ne pouves faillir, suivant celle de ceux qui voyent vostre disposition et necessité presente: c'est pourquoy vous deves, avec confiance, vous y reposer..

  A013001525 

 Mais cette inquietude qui vous arrive de ne pouvoir atteindre a ce signe de perfection pendant cette vie, vous invite au soupçon du desplaysir que vous en aves, lequel sans doute n'est pas pur, puisqu'il inquiete.

  A013001541 

 Je les ay asseuré (sic) quil ne leur estoit besoin d'aulcun'autre chose, puisque, Monsieur, vous esties tout disposé a les gratifier pour ce sujet, qui, a la verité, est de soi mesme tres recommandable..

  A013001560 

 C'est pourquoy, affin de le ranger plus tost, il seroit a propos que vous fissies une attestation comme du costé de vostre Chapitre [169] et des Religieux, vous me receustes en qualité de Superieur, et acquiescés pleinement a mes ordonnances.

  A013001560 

 Or, puisque c'est la verité, et que je ne desire de voir la fin de ce proces que pour la gloire de Dieu et le bien de vostre Monastere, je croy que vous ne feres nulle difficulté de m'envoyer ladite attestation..

  A013001577 

 C'est, Madame, qu'il vous playse commander a Pensabin de ne point vouloir exiger de luy, [170] ni le charger d'interestz et accessoires pour les sommes qu'il doit a Vostre Excellence, sinon a la mesme mesure et quantité que Sa Grandeur en veut retirer, affin que non seulement l'un, mais l'autr'aussi participe a sa charité et liberalité, et que l'un des debiteurs use a l'endroit de l'autre de la debonnaireté et gratification qu'il a obtenue de son seigneur et creancier, selon l'Evangile..

  A013001577 

 Le sieur de Manigod, qui est fort bon et honneste gentilhomme, m'a conjuré de l'assister de son intercession aupres de Vostre Grandeur, pour obtenir une grace qu'il en desire.

  A013001613 

 [Il a une] grande suffisance, et est fort charitable au secours des ames qu'il a en charge..

  A013001630 

 Ce n'est donq pas merveilles si on s'y trompe souvent.

  A013001630 

 Mais cette fille doit benir Dieu que cet inconvenient luy ayt esté manifesté au commencement de sa devotion, car c'est un signe evident que sa divine Majesté la veut conduire par la main, et, par l'experience de ce danger eschappé, la veut rendre et sage et prudente pour en eviter plusieurs autres.

  A013001630 

 Mais il y a cela de plus: c'est quil faut que la main du vigneron qui l'esmonde soit plus delicate, dautant que les superfluités qui surcroissent sont si minces et deliees que, en leur commencement, on ne sçauroit presque les voir, si on n'a les yeux bien essuiés et ouvertz.

  A013001630 

 Ne voyt on pas que les vignes qui produisent le meilleur vin sont plus sujettes aux superfluités et ont plus de besoin d'estre emondees et retranchees? Tell'est l'amitié, mesme spirituelle.

  A013001630 

 O Dieu, que c'est chose rare de voir des feuz sans fumee! Si est ce que le feu de l'amour cæleste n'en a point pendant quil demeure pur; mais quand il se commence a mesler, il commence de mesme a rendre de la fumee d'inquietudes, de desreglemens et mouvemens de cœur irreguliers.

  A013001630 

 Or bien, Dieu soit loué que tout est bien remis et en bon estat..

  A013001630 

 Qu'elle ne s'estonne nullement de cet inconvenient; car ce n'est qu'une crasse et rouilleure qui a accoustumé de s'engendrer au cœur humain sur les plus pures et sinceres affections, si on ne s'en prend garde.

  A013001631 

 Et le discret conseiller des ames ne treuve jamais rien d'estrange, mais reçoit tout avec charité, compatit a tout, et connoist bien que l'esprit de l'homme est sujet a la vanité et au des-ordre, si ce n'est par une speciale assistence de la Verité.

  A013001631 

 Il me reste a vous dire, ma tres chere Seur, que le chemin de devotion le plus asseuré, c'est celuy qui est au pied de [la] Croix: d'humilité, de simplicité, de douceur de cœur.

  A013001648 

 Sachant combien Vostre Altesse est propice et favorable a tout ce qui regarde l'establissement de la foy catholique, specialement dans ses Estatz, je me plains a elle du peu de conte que messieurs de Saint Maurice et Lazare tiennent de contribuer ce qu'ilz doivent a cet effect pour le Chablaix, Gaillart et Ternier.

  A013001649 

 Que si Vostre Altesse n'use de sa providence et pieté ordinaire a commander audit Conseil et sieur Bergeraz que, sans delay, il (sic) satisfacent a leur devoir, je n'espere pas d'en voir jamais aucune bonn'issue, laquelle j'affectionne extramement, non seulement pour mon devoir et le salut de plusieurs ames qui manquent d'assistence faute de pasteurs, mais encor par ce que ce sera le comble de lhonneur, qui est deu a la bonté et pieté de Vostre Altesse, de la reduction de ces peuples; qui me fait la supplier tres humblement, et par l'amour de Nostre Seigneur, quil luy playse employer sa bonne et puissante main a l'execution d'une si saint'œuvre, de laquelle la recompense sera immortelle au Ciel, que je desire a Vostre Altesse de tout mon cœur, apres que, par une longue suite d'annees, ell'aura heureusement regné en terre, pour le bien de son peuple et la gloire de son Dieu..

  A013001684 

 C'est bien dit, ma chere Cousine, il le faut tous-jours faire et en toutes occurrences; et quand vous vous accoustumeres de faire souventefois cette remise, non de bouche seulement, mais de cœur, et profondement et sincerement, croyes que vous en ressentirés des effectz admirables.

  A013001684 

 C'est grand cas que je ne puis m'empescher de vous parler de ces exercices du cœur et de l'ame; c'est par ce que je n'ayme pas seulement la vostre, mais je la cheris tendrement devant Dieu qui, a mon advis, desire beaucoup de devotion d'elle..

  A013001685 

 Alles cependant tout bellement aux exercices de l'exterieur, et ne vous charges pas d'aller a Saint Claude a pied, non plus que ma bonne tante madame du Foug, laquelle n'est plus de l'aage auquel ell'y alla, quand je l'accompagnay.

  A013001703 

 Et ce pendant, qu'est-ce [181] que nous ferons? Nous nous resignerons entierement et sans reserve a la bonne volonté de Nostre Seigneur, et renoncerons en ses mains toutes nos consolations, tant spirituelles que temporelles.

  A013001704 

 C'est donq a la gloire de Nostre Seigneur que vous estes attachee, non pas a ses creatures.

  A013001705 

 C'est trop dit sur un sujet duquel je ne voulois rien dire..

  A013001705 

 Et, si vous voules que je vous die tout, elle n'agissoit pas si souëfvement au commencement que Dieu me l'envoya (car c'est luy sans doute), comme elle fait maintenant, qu'elle est infiniment forte, et, ce me semble, [182] tous-jours plus forte, quoy que sans secousse ni impetuosité.

  A013001705 

 Mais sçaves vous quelle parole je vous donneray bien? C'est d'avoir plus soin de ma santé dores-en-avant, quoy que j'en aye tous-jours eu plus que je ne merite; et, Dieu mercy, je la sens fort entiere maintenant, ayant absolument retranché les veillees du soir et les escritures que j'y soulois faire, et mangeant plus a propos aussi.

  A013001708 

 Si vostre volonté, sans violence, court avec ses affections, il n'est pas besoin de s'amuser aux considerations; mais parce que cela n'arrive pas ordinairement a nous autres imparfaitz, il est force de recourir aux considerations encor pour un peu..

  A013001710 

 Aussi, a quoy qu'il nous convie, ou pour le pauvre ou pour le riche, il fait tout bien et est esgalement aggreable a Nostre Seigneur.

  A013001710 

 Je pense que si vous m'entendes bien, vous verres que je dis vray, et que je combatz pour une bonne cause quand je defens la sainte et charitable liberté d'esprit, laquelle, comme vous sçaves, j'honnore singulierement, pourveu qu'elle soit vraÿe, et esloignee de la dissolution et du libertinage qui n'est qu'une masque de liberté..

  A013001711 

 Apres cela, j'ay ry vrayement et ay ry de bon cœur, quand j'ay veu vostre dessein de vouloir que vostre sarge soit employee pour mon usage et que je donne ce qu'elle pourra valoir aux pauvres; mais je ne m'en mocque pourtant pas, car je voy bien que la source de ce desir est belle et claire, quoy que le ruisseau soit un peu trouble.

  A013001712 

 Je ry, ma chere Fille, mais ce n'est pas sans meslange d'apprehension bien forte de la difference qu'il y a entre ce que je suis et ce que plusieurs pensent que je soys.

  A013001713 

 Ce n'est pas encor tout.

  A013001713 

 Et qui est cette divine toyson, sinon le merite, sinon les exemples, sinon les mysteres de la Croix? Il me semble donques que la Croix est la belle quenouille de la sainte Espouse des Cantiques, de cette devote Sulamite; la laine de l'innocent Aigneau y est pretieusement liee: ce merite, cet exemple, ce mystere..

  A013001714 

 Et c'est ce que le mesme Sage a peut estre pensé, quand, louant cette sainte mesnagere, il dit qu' elle porta sa main a choses hardies, et ses doigtz prindrent le fuseau.

  A013001715 

 Mais il est vray, vous me venes presque tous-jours a la traverse en ces exercices divins, sans neanmoins les traverser ni divertir, graces a ce bon Dieu.

  A013001716 

 Cela suffira bien, et aussi n'ay je point voulu vous respondre a ces desirs de s'esloigner de sa patrie ou de servir au Noviciat des filles qui aspirent a la Religion: tout cela, ma chere Fille, est trop important pour estre traitté sur le papier; il y a du tems asses.

  A013001717 

 Et bien, c'est asses, pour ce coup, parlé de la laine de nostre Aigneau immaculé; mais de sa divine chair, n'en mangerons-nous pas un peu plus souvent? O qu'elle est souëfve et nourrissante! Je dis que, se pouvant commodement faire, il sera bon de la recevoir un jour de la semaine, le jeudy, outre le Dimanche, sinon que quelque feste se presentast a quelque autre jour emmi la semaine.

  A013001718 

 J'ay receu une lettre que le Frere Matthieu m'a envoyé de Thonon, ou il s'est arresté..

  A013001719 

 Ce bon pere, ce bon oncle, tout cela m'est bien avant au cœur, et leur souhaitte tout ce que je puis de grace celeste, et a ces petitz enfans, que je tiens pour miens, puisqu'ilz sont vostres.

  A013001719 

 Je ne sçai ou est nostre Monsieur l'Archevesque; vous me feres le bien de luy envoyer ma lettre.

  A013001719 

 On m'avoit dit qu'il avoit obtenu un prieuré proche de ce diocese: c'est Nantua, mais je n'en entens plus rien.

  A013001720 

 J'ay bien un peu d'apprehension que madame nostre Abbesse ne s'en fasche, mais il n'y a remede; si n'est-il pas raysonnable de laisser si longuement dans un monastere une fille qui n'y veut pas vivre toute sa vie..

  A013001721 

 J'escris a monsieur vostre beaupere pour le supplier d'avoir aggreable la [189] faveur que vous me voules faire, mais la verité est qu'en termes de belles paroles je n'y entens rien; vous le suppleeres, s'il vous plaist..

  A013001722 

 Mais ne triomphés-vous pas quand vous m'imposes silence sur vos secretz? Vrayement, ce n'est pas moy, ma chere Fille, qui ay dit a monsieur N. que vous esties ma fille: il me le vint dire tout d'abord, comme chose que je devois recevoir fort a gré, et aussi fis je.

  A013001723 

 J'ayme bien vostre petite cadette, puisque c'est un esprit angelique, comme vous me dites.

  A013001723 

 On m'a dit qu'en sa place est arrivé un grand personnage, des premiers predicateurs de France, mais que je ne connois que par son nom, qui est grand et plein de reputation..

  A013001725 

 C'est l'ordinaire..

  A013001725 

 Ce pauvre garçon n'est point bien fait de santé; il se traisne tant qu'il peut, avec plus de cœur que de force.

  A013001726 

 Je suis aussi consolé de ce que ces bonnes Dames Carmelines vous affectionnent, et voudrois bien sçavoir d'ou est la bonne Seur Marie de la Trinité.

  A013001741 

 Pensés si je suis prest d'aller en Bourgoigne, car, ma chere Fille, cette action de la visite m'est necessaire, et des principales de ma charge.

  A013001742 

 Je m'imagine, pour moy, que si nous avions l'odorat un peu bien affiné, nous sentirions les afflictions toutes musquees et parfumees de mille bonnes odeurs; car encor que d'elles mesmes elles soyent d'odeur desplaysante, neanmoins sortant de la main, mais plustost du sein et du cœur de l'Espoux, qui n'est autre chose que parfum et que bausme luy mesme, elles arrivent a nous de mesme, pleynes de toute suavité..

  A013001743 

 Il nous ayme, il nous cherit, il est tout nostre, ce doux Jesus; soyons tous siens seulement, aymons le, cherissons le, et que les tenebres, que les tempestes nous environnent, que nous ayons des eaux d'amertume jusques au col: pendant qu'il nous sousleve le manteau, il n'y a rien a craindre..

  A013001764 

 C'est,.

  A013001798 

 Je me ressouviens tous-jours de ceux que j'aime, mais vous, peut estre, n'en estes pas de mesme; c'est pourquoy je me veux ramentevoir a vostre bonne grace, outre que du Four me presse, disant quil a acquiescé a nostre ordonnance fort amplement, et que neanmoins vous poursuives avec rigueur contre luy.

  A013001828 

 Certes, vous feres bien de regarder simplement Nostre Seigneur crucifié, et de luy protester vostre amour et absoluë resignation, toute seche, aride et insensible qu'elle est, sans vous amuser a considerer ni examiner vostre mal, non pas mesme pour me le dire..

  A013001828 

 Je viens de parler pour vous a Nostre Seigneur en la sainte Messe, ma tres chere Fille, et certes, je n'ay pas osé luy demander absolument vostre delivrance; car s'il luy plaist d'escorcher l'offrande qui luy doit estre presentee, ce n'est pas a moy de desirer qu'il ne le face pas; mais je l'ay conjuré et conjure par cette si extreme dereliction par laquelle il sua le sang et s'escria sur la croix: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'as-tu delaissé, qu'il vous tienne tous-jours de sa sainte main, comme il a fait jusques a present, bien que vous ne sçachies pas de quel costé il vous tient, ou au moins que vous ne le senties pas.

  A013001829 

 A quel propos s'inquieter? Mon ame, espere en Dieu; pourquoy es-tu triste et pourquoy te troubles-tu? puisque Dieu est mon Dieu et que mon cœur est un cœur tout sien..

  A013001830 

 Ouy, ma tres chere Fille, priés pour celuy qui, incessamment, vous souhaitte mille benedictions, et la benediction des benedictions, qui est son saint amour parfait..

  A013001838 

 C'est bien dit, ma Fille, parlés avec moy franchement, comme avec moy, c'est a dire avec une ame que Dieu, de son authorité souveraine, a rendu toute vostre.

  A013001838 

 Que je vous dirois volontier quelque chose sur cette parole! Vostre quenouille c'est l'amas de vos desirs: filés tous les jours un peu, tirés a poil vos desseins jusques a l'execution, et vous en chevires sans doute.

  A013001839 

 C'est mal parler, sans doute.

  A013001839 

 Ou est ce que Dieu faisoit resider la force divine qu'il avoit mise en Samson, sinon en ses cheveux, la plus foible partie qui fust en luy? Que je n'oye plus ces paroles d'une fille qui veut servir son Dieu selon son divin playsir, et non selon les goustz et agilités sensibles.

  A013001840 

 Il n'est pourtant point dit que Nostre Dame et saint Joseph, qui estoyent les plus proches de l'Enfant, ouÿssent la voix des Anges ou vissent ces lumieres miraculeuses; au contraire, au lieu d'ouÿr les Anges chanter, ilz oyoient l'Enfant pleurer, et virent, a quelque lumiere empruntee de quelque vile lampe, les yeux de ce divin garçon tout couvertz de larmes, et transissant sous la rigueur du froid.

  A013001840 

 Nous voulons tous-jours ceci et cela, et quoy que nous ayons nostre doux Jesus sur nostre poitrine, nous ne sommes point contens; et neanmoins, c'est tout ce que [202] nous pouvons desirer.

  A013001840 

 Une chose nous est necessaire, qui est d'estre aupres de luy.

  A013001841 

 Aymés Dieu crucifié parmi les tenebres, demeurés aupres de luy, dites: Il m' est bon d'estre icy; faysons icy trois tabernacles, l'un a Nostre Seigneur, l'autre a Nostre Dame, l'autre a saint Jan.

  A013001841 

 C'est assés dit, ma Fille, et plus que je ne voulois, sur ce sujet des-ja tant discouru entre nous: non plus, je vous prie.

  A013001841 

 Ouy da, dit saint Pierre, il nous est bon d'estre ici a voir la Transfiguration (et c'est aujourd'huy le jour qu'elle se celebre en l'Eglise, 6 d'aoust); mais vostre Abbesse n'y est point, ains seulement sur le mont de Calvaire, ou elle ne voit que des mortz, des cloux, des espines, des impuissances, des tenebres extraordinaires, des abandonnemens et derelictions.

  A013001842 

 Car, qu'est-ce autre chose estre abject, qu'estre obscur et impuissant? Aymés-vous comme cela pour l'amour de Celuy qui vous veut comme cela, et vous aymerés vostre propre abjection..

  A013001842 

 Et bien, ma Fille, c'est cela.

  A013001842 

 Mais, dites-vous, qu'est cela, aymés vostre abjection? car j'ay l'entendement obscur et impuissant a tout bien.

  A013001843 

 Neanmoins il y a quelque difference entre la vertu de l'humilité et l'abjection, parce que l'humilité est la reconnoissance de son abjection.

  A013001843 

 Or, le haut point de l'humilité, c'est de non seulement reconnoistre son abjection, mais l'aymer; et c'est cela a quoy je vous ay exhorté..

  A013001844 

 Voyla un pauvre artisan, un pauvre escholier, une pauvre vefve qui en est de mesme; on s'en mocque, et sa pauvreté est abjecte.

  A013001845 

 Donner l'aumosne et pardonner les offences sont des actions de charité: la premiere est honnorable, et l'autre est abjecte aux yeux du monde..

  A013001846 

 Des jeunes dames du monde, me voyant en equipage de vraye vefve, disent que je fais la bigotte, et me voyant rire, quoy que modestement, elles disent que je voudrois encores estre recherchee; on ne peut croire que je ne souhaitte plus d'honneur et de rang que je n'ay, que je n'ayme pas ma vocation sans repentir: tout cela sont des morceaux d'abjection; aymer cela, c'est aymer sa propre abjection..

  A013001847 

 Allant au moins miserable: C'est bien dit, car je n'ay pas asses de merites pour faire une Visitation plus sainte..

  A013001847 

 Allant au plus miserable je diray: C'est bien dit que je sois ravalee.

  A013001847 

 Mes seurs me renvoyent a la Visitation des plus miserables, voyla une abjection selon le monde; elles me renvoyent visiter les moins miserables, voyla une abjection selon Dieu; car cette Visitation, selon Dieu est la moins digne, et l'autre, selon le monde.

  A013001850 

 C'est bien asses..

  A013001850 

 Je dis qu'a chacun son abjection propre est la meilleure, et nostre choix nous oste une grande partie de nos vertus.

  A013001851 

 Et tout cela est une perte de tems, et est impossible que, tenant nos pensees et esperances d'un autre costé, nous puissions bien bander nostre cœur a la conqueste des vertus requises au lieu ou nous sommes.

  A013001851 

 Mais non, je ne vous avois pas dit que vous n'en eussies nulle esperance ni nulle pensee, ouy bien que vous ne vous y amusassies pas; parce que c'est chose certaine qu'il n'y a rien qui nous empesche tant de nous [206] perfectionner en nostre vocation que d'aspirer a une autre, car, en lieu de travailler au champ ou nous sommes, nous envoyons nos bœufz avec la charruë ailleurs, au champ de nostre voysin, ou neanmoins nous ne pouvons pas moissonner cette annee.

  A013001851 

 Non, ma Fille, jamais Jacob n'ayma bien Lia pendant qu'il souhaitta Rachel; et tenés cette maxime, car elle est tres veritable..

  A013001852 

 Il est permis de regarder le lieu ou nous desirons d'aller, mays a la charge qu'on regarde tous-jours devant soy.

  A013001853 

 Et qu'ay je apprins jusques a present? Qu'un jour, ma Fille, vous deves tout quitter; c'est a dire, affin que vous n'entendies pas autrement que moy, j'ay apprins que je vous dois un jour conseiller de tout quitter.

  A013001853 

 Et sachés qu'en cette enqueste, je me suis tellement mis en l'indifference de ma propre inclination pour chercher la volonté de Dieu, que jamais je ne le fis si fort; et neanmoins, l' ouy ne s'est jamais peu arrester en mon cœur, si que jusques a maintenant je ne le sçaurois dire ni prononcer, et le non, au contraire, s'y est tous-jours treuvé avec beaucoup de fermeté..

  A013001853 

 Je dis tout; mais que ce soit pour entrer en Religion, c'est grand cas, il ne m'est encor point arrivé d'en estre d'advis; j'en suis encor en doute, et ne voy rien devant mes yeux qui me convie a le desirer.

  A013001853 

 Je prieray de plus en plus Nostre Seigneur affin qu'il me donne plus de [207] lumiere pour ce sujet, affin que je puisse voir clairement l' ouy, s'il est plus a sa gloire, ou le non, s'il est plus a son bon playsir.

  A013001854 

 Je ne voy point qu'il soit requis de se haster, et ce pendant vous pourres vous mesme y penser, sans vous y amuser et perdre le tems; car, comme je vous dis, encores que jusques a present l'advis de vous voir en Religion n'a sceu prendre place en mon esprit, si est ce que je n'en suis pas entierement resolu.

  A013001854 

 Mais parce que ce point est de tres grande importance, et qu'il n'y a rien qui nous presse, donnés-moy encores du loysir et du tems pour prier davantage et faire prier a cette intention; et encor faudra-il, avant que je me resolve, que je vous parle a souhait, qui sera l'annee prochaine, Dieu aydant.

  A013001856 

 C'est a dire, j'appreuve que vous les facies nourrir es monasteres en intention de les y laisser, moyennant deux conditions: l'une, que les monasteres soyent bons et reformés, et esquelz on face profession de l'interieur; l'autre, que le tems de leur Profession estant arrivé, qui n'est qu'a seize ans, on sache fidellement si elles s'y veulent porter avec devotion et bonne volonté, car si elles n'y avoyent pas affection, ce seroit un grand sacrilege de les y enfermer.

  A013001860 

 Representés a vostre imagination Jesus Christ crucifié entre vos bras et sur vostre poitrine, et dites cent fois en baysant son costé: C'est icy mon esperance, c'est la vive source de mon bonheur; c'est le cœur de mon ame, c'est l'ame de [210] mon cœur.

  A013001861 

 La peur est un plus grand mal que le mal.

  A013001861 

 O Fille de peu de foy, qu'est ce que vous craignés? Non, ne craignes point; vous marches sur la mer, entre les vens et les flotz, mais c'est avec Jesus: qu'y a-il a craindre la? Mays si la peur vous saysit, criés fort: O Seigneur, sauvés moy.

  A013001862 

 Que le monde renverse, que tout soit en tenebres, en fumee, en tintamarre; mais Dieu est avec nous.

  A013001863 

 Le bon Jesus est tout nostre; soyons tout entierement siens.

  A013001871 

 car, ma Fille, il faut, comme un petit Jan, nourrir nos cœurs du miel sauvage aussi bien que du commun; c'est a dire, faire tout valoir, a la ville et aux chams, pour la tres sainte dilection de Dieu....

  A013001882 

 Cet exercice la n'est nullement deshonneste devant les yeux de Dieu; au contraire il luy est aggreable, il est saint, il est meritoire, au moins pour la partie qui rend le devoir et n'en recherche pas l'acte, mais seulement y condescend pour obeir a celuy a qui Dieu a donné l'authorité de se faire obeir pour ce regard..

  A013001883 

 C'est le grand mot: si nous sommes saintz selon nostre volonté nous ne le serons jamais bien; il faut que nous le soyons selon la volonté de Dieu.

  A013001883 

 Je dis que vous l'aymies et cherissies, non point pour ce qui est exterieur et qui peut regarder la sensualité en elle mesme, mais pour l'interieur, par ce que Dieu l'a ordonné, par ce que, sous cette vile escorce, la sainte volonté de Dieu s'accomplit.

  A013001883 

 Or, la volonté de Dieu est que, pour l'amour de luy, vous facies librement ainsy: que vous aymies franchement l'exercice de vostre estat.

  A013001884 

 Cela soit dit pour une fois, et quil vous suffise que c'est la vraye verité..

  A013001884 

 En la mayson d'un prince, ce n'est [214] pas tant d'estre souillon de cuisine comme d'estre gentilhomme de la chambre; mais en la mayson de Dieu, les souillars et souillardes sont les plus dignes bien souvent, par ce qu'encor quilz se souillent, c'est pour l'amour de Dieu, c'est pour sa volonté et son amour; et cette volonté donne le prix a nos actions, non pas l'exterieur.

  A013001884 

 Je vous dis encor une fois quil ne faut point regarder a la condition exterieure des actions, mais a l'interieure, c'est a dire si Dieu le veut ou ne le veut point.

  A013001884 

 O Dieu, faut-il donques que l'action qui, en l'exterieur, est si basse, soit si haute en merite, et mes prædications, mes Confirmations, si relevees en l'exterieur, soyent si basses en merite pour moy, faute d'amour et de dilection! J'ay dit ceci de la sorte affin que vous sachies que la Communion n'est nullement incompatible avec l'obeissance, en quelque sorte d'action qu'on l'exerce.

  A013001885 

 C'est asses..

  A013001885 

 Il y a plus: c'est que si la partie communiee recherchoit elle mesme, le jour de la Communion, le peché ne seroit que tres veniel et tres leger, a cause d'un peu d'irreverence qui entreviendroit.

  A013001885 

 Mais la partie qui recherche peche-elle point, si elle sçait que l'autre aÿe communié? Et je vous dis que non, nullement, sur tout quand les Communions sont frequentes; ce que j'ay dit de l'Eglise primitive en fait foy, et la rayson y est toute claire.

  A013001885 

 Mais ne recherchant pas, ains condescendant, c'est grand merite, et la grace de la Communion s'en accroit, tant s'en faut qu'ell'en amoindrisse.

  A013001886 

 Il faut considerer vos moyens et vos charges, et sur cela proportionner vos aumosnes selon les necessités des pauvres: car en [215] tems de famine, la mayson demeurant sobrement prouveüe, il faut estre plus liberal a donner; en tems d'abonbondance, il est moins requis et est plus loysible de beaucoup espargner..

  A013001886 

 Pour l'aumosne, vous deves sçavoir si c'est pas l'intention de monsieur vostre mari que vous en facies a proportion de vos facultés et des moyens de vostre mayson.

  A013001887 

 Ains, plusieurs n'appreuvent pas qu'on escrive, c'est a dire ayment mieux qu'on s'accuse par cœur.

  A013001887 

 Les confessions annuelles sont bonnes, car elles nous rappellent a la consideration de nostre misere et nous font reconnoistre si nous avançons ou reculons, nous font rafraichir plus vivement nos bons propos; mais il les faut faire sans inquietude et scrupule, non tant pour estre absous que pour estre encouragé, et n'est pas requis de faire si exactement l'examen, mais seulement de gros en gros.

  A013001887 

 Pour escrire la confession, cela est indifferent; mais pour vous, je vous asseure que vous n'en aves nul besoin, car je me resouviens que vous fistes exactement bien la generale, mesme sans l'avoir escritte.

  A013001888 

 Un jour je vous en mettray quelque chose en escrit, car je desire de tout mon cœur de vous servir; et bien que je sache que vous ne manques pas de bons conseilz, ayant la communication que vous aves avec tant de saintes et sçavantes ames, si est ce que, puisque vous voules encor le mien, je le vous diray..

  A013001889 

 Vous faittes trop de faveur a cette petite et vile creature de la desirer aupres de vous, mais ma mere juge que la vie des chams est plus propre pour les filles de ce pais que celle des villes; c'est cela qui luy fit prendre resolution d'en importuner plus tost madame de Chantal que vous.

  A013001890 

 Quelle consolation de sçavoir que, de plus en plus, [216] monsieur vostre mari reçoit de la douceur et suavité de vostre societé! C'est la, l'une des vertus des femmes mariees, et celle seule que saint Paul indique..

  A013001902 

 Je diray donq, mais en toute sincerité et verité, que monsieur de Premery, duquel ilz vous parlent, est une [217] des douces, belles et sages ames qu'on puisse rencontrer, et ne penseray jamais qu'une damoyselle ne soit heureuse de l'avoir pour mari.

  A013001903 

 Mais pour adjouster quelque chose du mien a ce que monsieur et madame le President et Præsidente vous en escrivent, je vous diray quil me semble que pour faire une response bien asseuree, il seroit [a] propos que avec quelque bon prætexte, vous allassies jusques a Neci pendant que monsieur le President y est encor, c'est a dire dans huit ou dix jours; et la, vous pourries vous enquerir de toutes les particularités, voir le personnage sans faire semblant d'autre chose, et, par apres, prendre resolution selon ce que vous en connoistrés, puisque mesme ce gentilhomme dont il s'agit ne peut demeurer longtems quil ne prenne parti..

  A013001919 

 Dequoy le Prieur ayant desiré que je rendisse tesmoignage a Vostre Altesse, je ne l'ay pas sceu refuser, puisque la verité est bien telle..

  A013001938 

 La lettre que ce secrétaire m'a apportée au nom de son auguste et sacrée Majesté m'est parvenue au moment que j'étais occupé à visiter les églises du territoire de Genève, en ce jour même du 29 septembre consacré par l'Eglise à honorer l'Archange saint Michel, pour la plus grande gloire du Christ.

  A013001947 

 C'est un petit miracle que Dieu fait, car tous les soirs, quand je me retire, je ne puis remuer ni mon cors ni mon esprit, tant je suis las par tout; et le matin, je suis plus gay que jamais.

  A013001950 

 A Dieu, ma Fille, mais a Dieu soyons-nous a jamais, comme il est nostre eternellement.

  A013001958 

 J'ay bien desir de le rendre bon, affin quil serve a tant d'autres au service desquelz il est voué, et particulierement au vostre..

  A013001960 

 Il est vray que, faute de devotion, je n'entendois que quelque mot de leur langage, mays il me [223] sembloit bien qu'ilz disoyent de belles choses: vostre saint Augustin les eust bien entendu, s'il les eust veu..

  A013001961 

 Quelz esguillons pour moy, ma chere Fille! Ce pasteur qui court par des lieux si hazardeux pour une seule vache; cette cheute si horrible que l'ardeur de la poursuite luy cause, pendant quil regarde plus tost ou est sa queste et ou ell'a mis ses pieds que non pas ou il est luy mesme et ou il chemine; cette charité du voysin qui s'abisme luy mesme pour oster son ami de l'abisme: ces glaces me devoyent elles pas ou geler de crainte ou brusler d'amour?.

  A013001963 

 C'est luy qui m'a rendu irrevocablement et inviolablement vostre..

  A013001977 

 Il est force que quelquefois nous laissions Nostre Seigneur pour aggreer aux autres, pour l'amour de luy..

  A013001977 

 Ilz veulent estre maistres, et n'est ce pas la rayson? Si est, certes, en ce qui depend du service que vous leur deves; mais les bons seigneurs ne considerent pas que pour le bien de l'ame, il faut croire les directeurs et medecins spirituelz, et que, sauf les droitz quilz ont sur vous, vous deves procurer vostre bien interieur par les moyens jugés convenables par ceux qui sont establiz pour conduire les espritz.

  A013001978 

 Si cela est, sans doute c'est la eause qui les fait tirer a quartier maintenant.

  A013001979 

 Et comment est ce qu'apres l'avoir veu et baptisé, il peut le laisser aller sans s'attacher a luy de presence corporelle, comm'il estoit si estroittement lié de presence cordiale? Mais il sçavoit que ce mesme Seigneur estoit servi de luy par cette privation de la presence reelle.

  A013001980 

 Vous pourres neanmoins gaigner des occasions secrettes pour communier; car, pourveu que vous deferies et compatissies a ces volontés de ces deux personnages et que vous ne les metties point en impatience, je ne vous donne point d'autre regie de vos Communions que celle que vos confesseurs vous diront, car ilz voyent l'estat present de vostr'interieur et peuvent connoistre ce [227] qui est requis pour vostre bien.

  A013001981 

 Et par ce chemin, ell'est arrivee bien haut, comme je sçai pour avoir esté son pere de Confession fort souvent.

  A013001982 

 Alcantara est fort bon pour l'orayson..

  A013001982 

 Une chose est bien asseuree, c'est que vous les pouves lire en toute bonne conscience, comme aussi vous pouvies entrer au cloistre du Puys d'Orbe sans scrupule; mais il ni a pourtant pas lieu de vous ordonner pœnitence pour le scrupule que vous en aves l'ait, puisque le scrupule mesme est un'asses grande peyne a ceux qui le nourrissent ou souffrent, sans qu'on en impose d'autres.

  A013001987 

 Il n'est [229] pas raysonnable quil le sache, mais il est bien raysonnable que vous luy rendies tous-jours de l'honneur; et ne faites nul semblant que je vous aye dit ce mot..

  A013002007 

 J'honnore de tout mon cœur vostre mayson et me sens honnoré de l'appartenance que j'ay avec elle; c'est pourquoy, tout autant que mon pouvoir s'estendra, je luy veux tous-jours rendre service.

  A013002008 

 Les manquemens des effectz ont accoustumé d'estre interpretés pour manquemens de volontés; mais je me prometz de la bonté de vostre esprit que vous donneres [230] meilleur'interpretation a ma response, et que, voyant qu'ell'est vrayement veritable, vous ne laisseres pas de croyre que je souhaite autant d'avancement a monsieur vostre frere comme je fay aux miens propres, demeurant,.

  A013002024 

 Hunc ergo mitto fratrem meum germanum, Ecclesiæ mese canonicum, qui meo nomine id muneris exequatur, et statum diæcesis, quam potui distinctissime ac accuratissime descriptum, deferat, cujus summa hæc est: provinciam vastam, pariter et vastatissimam, multa proinde ad ejus instaurationem requiri quæ non nisi a Sedis Apostolicæ authoritate manare queunt; ejus propterea opem et operam enixe ac summis votis exposco, cum paterna illa benedictione ac [232] benevolentia quam Vestra Sanctitas his libenter impertitur quos habet filios subditos cum omni timore..

  A013002034 

 C'est mon frère germain, chanoine de mon Eglise, que j'envoie à ma place.

  A013002034 

 C'est pourquoi, de toutes mes forces et avec le plus ardent désir, je [232] réclame son assistance et son concours, avec cette bénédiction paternelle et cette bienveillance que Votre Sainteté accorde volontiers à ceux qu'Elle regarde comme des fils soumis en toute déférence..

  A013002034 

 En voici le résumé: Vaste est la province, mais pareillement elle est très dévastée.

  A013002080 

 Cela m'a tenu occupé, mais consolé, a la reception de plusieurs confessions generales et changemens de consciences, outre la mer de mes affaires ordinaires, entre lesquelles (je le dis a vous) je vis en plein [236] repos de cœur, resolu de m'employer fidellement ci apres et soigneusement a la gloire de mon Dieu, premierement chez moy mesme, et puis en tout ce qui est a ma charge.

  A013002089 

 Neque est quod apud [237] Illustrissimam et Reverendissimam Dominationem Tuam multis explicem quanta sit aut oneris gravitas, aut provinciæ difficultas, aut diæcesis necessitas.

  A013002095 

 C'est pourquoi, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, élevez-vous avec moi, je vous en supplie, contre les méchants, défendez-moi auprès du Saint-Siège contre les ouvriers d'iniquité.

  A013002107 

 Causam vero ago ejus diocæsis qua nulla est in orbe Christiano dignior quæ Apostolica providentia fulciatur, Præsulum favore, honorum omnium commiseratione.

  A013002107 

 Scis enim, Illustrissime ac Reverendissime Domine, scis, inquam, ubi habito, ubi scilicet sedes est Satanæ Geneva, et habeo adversum me multos tenentes doctrinam diaboli, quibuscum si, ut par est, pugnetur in gladio oris Christi, deficientes quemadmodum fumus deficient.

  A013002116 

 Quand j'étais Prévôt de l'Eglise qui est aujourd'hui la mienne, et qu'au nom de mon prédécesseur, je visitai les mêmes tombeaux apostoliques, je reçus de Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie un accueil plein de bonne grâce et de parfaite obligeance..

  A013002117 

 Si contre eux le combat est engagé, comme il convient, avec le glaive de la bouche du Christ, defaillant ils s'évanouiront comme la fumée. [240].

  A013002117 

 Vous savez le lieu de ma demeure, Illustrissime et Révérendissime Seigneur: c'est Genève, c'est-à-dire le trône de Satan.

  A013002124 

 Helas! ma tres chere Fille, il est vray: Dieu, ce me semble, vous faisoit alhors renaistre spirituellement entre mes bras interieurs, qui vous embrasserent, certes, tendrement, et mon cœur fut tout dedié au vostre..

  A013002125 

 C'est un point tres admirable; car voyes vous, ma Fille, les humilités que l'on voit le moins sont les plus fines.

  A013002125 

 Ce n'est rien de ressentir ces mouvemens de cholere et d'impatience, pourveu qu'ilz soyent mortifiés a mesure que vous les voyes naistre; c'est a dire que vous taschies de vous remettre au lien et pacification du cœur, car cela estant, encor bien que le combat durast tout le jour, ce seroit de l'exercice, mais non pas de la perte pour vous..

  A013002125 

 Faites bien cela; car c'est le grand point de l'humilité de voir, servir, honnorer et s'entretenir es occurrences et a propos (car il ne faut pas se rendre importune en la recherche) avec ceux qui nous sont a contrecœur, et demeurer humble, sousmise, douce et tranquille entr'eux.

  A013002135 

 Et si l'asseurance que vous prendrés de la nostre peut servir a l'avancement de la vostre, vous vous porteres bien, puisque tout ce qui est vostre icy se porte si bien..

  A013002135 

 Revenes donq, mon cher Frere, mais revenés apres avoir bien confirmé vostre santé, laquelle nous est prætieuse plus qu'il ne se peut dire.

  A013002150 

 Ce m'est tous-jours bien de la consolation de sçavoir que vostre cœur s'avance en l'amour de Nostre Seigneur, comme monsieur de Bluci m'en [a] asseuré, bien quil ne m'a parlé qu'en bloc, ne m'ayant particularisé qu'un desir que vous aves d'estre Religieuse.

  A013002150 

 Le desir est bon sans doute, mais il faut que vous ne luy permeties pas de vous inquieter, puisque, pour le present, vous ne le pouves pas reduir'en effect.

  A013002150 

 Mais ce pendant, faites bien la besoigne qui est devant vos yeux maintenant; c'est a dire, continués a faire tout doucement vos exercices spirituelz, rendes vostr'esprit et vostre cœur cent fois le jour entre les mains de Dieu, le luy recommandant en toute sincerité.

  A013002151 

 Je sçai que l'abandonnement de vostre pere vous afflige, mais repetes souvent et de cœur et de bouche la [244] parole du Profete: Mon pere et ma mere m'ont delaissé, et le Seigneur m'a eslevé a soy. C'est une croix, sans doute, a une fille que d'estre ainsy abandonnee du secours des hommes; mais c'est une croix tressainte et qui est la plus propre pour gaigner plus entierement l'amour de Dieu.

  A013002152 

 Ce n'est pas pour eschange de vostre beau present, mais seulement pour souvenance de la pure affection que je porte a vostre ame en Nostre Seigneur, auquel je vous prie de me recommander souvent, comme.

  A013002187 

 C'est avec ma Fille qui est bonne, et de laquelle je sens le cœur inebranlable en la sainte amitié qu'elle me porte, que je me donne tout loysir de respondre.

  A013002189 

 Helas, ma chere Fille, que c'est un mauvais langage [347] d'appeller courage la fierté et vanité! Les Chrestiens appellent cela lascheté et couardise; comme au contraire, ilz appellent courage la patience, la douceur, la debonnaireté, l'humilité, l'acceptation et amour du mespris et de la propre abjection.

  A013002192 

 Vivés toute a Celuy qui est mort pour nous, et soyés crucifiee avec luy.

  A013002200 

 Alioquin non sum adeo stupidus quin sentiam quam multum tuæ benevolentiæ debeam, quæ mihi, viro prorsus ignoto, et si ordinis episcopalis caracterem (qui mihi cum multis communis est) non observaveris, [250] nullo prorsus nomine conspicuo, librum illum aureum addicere cogitavit et voluit....

  A013002208 

 C'est elle qui a conçu la pensée et le désir de songer à moi, parfaitement inconnu et n'ayant aucun titre à la notoriété (si l'on ne tient pas compte du caractère [250] épiscopal que je partage avec beaucoup d'autres), pour me dédier ce précieux ouvrage....

  A013002208 

 De plus, à mon retour, c'est à peine si j'ai trouvé quelqu'un pour lui confier ce billet, à cause des divers chemins détournés qu'il faut prendre pour aller à vous.

  A013002228 

 Mon Dieu qui void mon cœur sçait qu'il est plein de beaucoup de grans souhaitz pour vostre advancement spirituel, ma chere Fille.

  A013002228 

 O Dieu, que c'est une grandeur bien grande que cette petitesse! C'est la vraye grandeur des vefves, mais bien encor des Evesques.

  A013002241 

 Cum Romanæ Sedis majestas omnes totius orbis Christianos suo splendore perlicere consueverit, tum vero Sanctitatis Vestræ clementia eos vel maxime pertrahit [253] qui ex errorum tenebris sub ejus autoritate per Dei gratiam emerserunt; inter quos cum vir hic, loca sancta visitaturus, litteras a me postularet quibus de ejus religione ac fide quod res est, Sanctitati Vestræ testatum facerem, quo gratius ac facilius ad ipsius pedes admittatur, ita sane faciendum existimavi ne defuisse videar, cum meo erga eum officio, tum etiam hominis pietati.

  A013002241 

 Quæ eo majore acceptione et commendatione digna est, quod cum fuerit inter cives suos omnium primus, tum nobilitate, tum conditione, elegit abjectus esse in domo Domini, magis quant habitare in tabernaculis peccatorum; a quibus et uxorem et liberos jamdudum abduxisset, si illi par desiderio sors constaret..

  A013002256 

 Comme il désirait visiter les saints lieux, il m'a demandé, pour Votre Sainteté, afin d'être plus favorablement et plus librement admis à ses pieds, une lettre où je rendisse témoignage, comme c'est la vérité, de sa religion et de sa foi.

  A013002256 

 J'ai cru qu'il fallait lui délivrer cette attestation, autant pour remplir mon devoir envers lui, que pour rendre justice à sa piété; c'est précisément à cause de sa piété, qu'il est digne de toute considération et de toute estime.

  A013002256 

 Le personnage qui se présente à vous est de ce nombre.

  A013002257 

 C'est pourquoi, prosterné en esprit avec lui au baisement de vos [254] pieds, je sollicite très ardemment pour lui et pour moi le très doux regard de Votre Sainteté..

  A013002304 

 Si c'est celle-la de laquelle vous me demandies de la communier, je puys bien dire qu'ouÿ, qu'elle est bien capable..

  A013002306 

 Je vous avois dit que vous en fissies selon l'advis de vos confesseurs, mais puisqu'ilz ne sont pas d'accord, je vous diray comme j'ay dit a nostre madame de Chantal: quand les festes seront grandes, nonobstant la Communion ordinaire il ne faut pas laisser de les celebrer par une Communion extraordinaire; car, comme pourrons nous bien celebrer une grande feste sans ce festin? Ce que je vous renvoyois a vos confesseurs, c'est que je ne sçay pas clairement les particularités de vostre necessité.

  A013002307 

 Demeurés donques en paix parmi la guerre, et ne vous troublés point, car Dieu est pour vous.

  A013002312 

 Il est vray que les regles ecclesiastiques m'y servent de loy et de garant..

  A013002312 

 Vous aves rayson de vous accuser de la superfluité et exces dont vous uses a toutes les compaignies; mais apportés-y donques de la moderation et voyés de garder cette regie: c'est que vous traitties en sorte qu'eu esgard a vostre qualité et de ceux que vous traittes, vous ne facies pas comme les moins liberaux et magnifiques de vostre condition, ni aussi comme les plus magnifiques et liberaux.

  A013002318 

 Mais le bon est que ma belle patience perdoit presque contenance dedans mon cœur, et croy qu'elle l'eut perdue du tout, si je ne me fusse resouvenu que je la devois conserver pour pouvoir librement la prescher aux autres.

  A013002319 

 J'y penseray bien fort, et presenteray plusieurs Messes pour obtenir la clarté du Saint Esprit pour m'en bien resoudre; car voyes vous, ma chere Fille, c'est un maistre coup que celluy-la, et qui doit estre pesé au poids du sanctuaire.

  A013002320 

 Quand a celuy que je desire faire de dela, que de peyne a le præparer et de hazart a le faire! Mais Dieu, qui void mon intention, en disposera par sa bonté, et nous en parlerons [261] avant que le tems en arrive; et des desirs de ma petite seur aussi, laquelle est a Dijon avec le bon monsieur de Crespy qui ne la veut point trop confier a M me Brulart, de peur qu'elle ne la face Carmeline.

  A013002321 

 Cette petite Françoise, je l'ayme par ce qu'ell'est vostre polite et vostre Françoise..

  A013002321 

 Venes donques pour le jeudy avant Pentecoste, et passes a Besançon tant que vous voudres pour y voir le saint Suayre: tout cela n'est que tout a mon goust.

  A013002321 

 Vous y verrés des Cordelieres du Tiers Ordre, que l'on loue fort; et peut estre un'Abbesse d'un'autre Religion qui est a quatre liëues de lâ, c'est a dire a Baume les Nonains, qui est fort vertueuse, des plus grandes maysons [262] de mon diocæse et qui m'ayme singulierement.

  A013002322 

 La vraye simplicité est tous-jours bonne et agreable a Dieu..

  A013002323 

 Il ni aura nul hiver; mais icy l'hiver y est requis pour l'exercice de l'abnegation et de mille petites belles vertus qui s'exercent au tems de la sterilité.

  A013002324 

 Il faut seulement se bien maintenir en ces deux-la; l'une est la plus basse, l'autre, la plus haute.

  A013002324 

 Non, ma tres chere Fille, il n'est pas besoin pour l'exercice des vertus de se tenir tous-jours actuellement attentive a toutes; cela, de vray, entortilleroit et entreficheroit trop vos pensees et affections.

  A013002328 

 Sçaves vous que les advis requierent? Ilz requierent qu'on ne les mesprise pas et qu'on les ayme, cela est bien asses; mais ilz n'obligent pas aucunement.

  A013002329 

 J'ay donné charge au porteur, qui est monsieur Favre, mon grand Vicaire, de vous envoyer la presente aussi tost quil sera arrivé, affin que vous ayes le loysir de luy renvoyer vostre response, puisquil sera a Dijon huit jours entiers..

  A013002330 

 C'est pour me recreer et filer, aussi bien que vous, ma quenouille..

  A013002330 

 Mais c'est une besoigne de longue haleyne et que je n'eusse pas osé entreprendre si quelques uns de mes plus confidens ne m'y eussent poussé; vous en verres quelque bonne piece quand vous viendrés.

  A013002332 

 O Dieu me face vrayement enfant en innocence et simplicité! Mais ne suis je pas aussi un vray simple de vous dire ceci? Il ni a remede, je vous fay voir mon cœur tel qu'il est et selon la varieté de ses mouvemens, affin que, comme dit l'Apostre, vous ne pensies de moy plus quil ni a en moy..

  A013002333 

 Il n'en faut point douter, Jesuschrist est nostre.

  A013002333 

 « Oüy, » ce m'a tantost respondu une petite fille, « il est plus mien que je ne suis sienne et plus que je ne suis pas mienne a moy mesme.

  A013002350 

 Mon ame, qui est toute voüee a la vostre, me fait des grans reproches sur cett'intermission; bien que je sçay que vous ne jugeres pas mes affections par cette sorte de tesmoignage, et que ce soit le moindr'effect de l'infini devoir que je vous ay..

  A013002351 

 C'est un horologe detraqué; il [268] faut le demonter piece a piece, et apres l'avoir nettoyé et enhuylé, le remonter pour le faire sonner plus juste..

  A013002351 

 Je passeray ce Caresme a faire residence en ma cathedrale et a rabiller un peu mon ame qui est presque toute descousue par tant de tracas qu'ell'a souffert despuis la chere consolation que j'eu aupres de vous en vostre maison a Dijon.

  A013002364 

 Si j'eusse sceu plus tost vostre dessein, je vous eusse prié d'y employer mon frere, lequel est a Romme des Noël pour les affaires de ce diocæse, et eut esté glorieux de vous obeir; mais il n'est plus tems maintenant, puis que avant que vos lettres soyent a Romme, il sera en chemin pour son retour.

  A013002378 

 Je vous renvoye les patentes signees; mais, pour l'honneur de Dieu, si c'est monsieur de Pinché, qu'il n'aille pas sur les galoches et friseures, ni galantant comm'il a fait jadis.

  A013002380 

 Si je ne vous respons pas si exactement aux lettres que vous m'envoyes, accusés-en ma mauvayse coustume, qui est de ne point mettre la main a la plume que sur le despart des messagers, dont il arrive que souvent, en ce point la, je suys embarrassé d'autres occupations..

  A013002397 

 Il y a quelque tems que le sieur baron de Montlong, sorti des prisons de Geneve, s'est retiré en cette ville, et pour sa consolation il m'est venu voir asses souvent; qui m'a donné le loysir et la commodité de descouvrir qu'il a beaucoup de connoissances des affaires de cette ville la et beaucoup de bonnes pensees qui, a l'adventure, pourroyent estr'utilement employees au service de Son Altesse.

  A013002423 

 Voyés vous, ma chere Fille, vous sçaves bien que le Caresme c'est la moysson des ames.

  A013002424 

 C'est une dame, mais toute d'or, et infiniment propre a servir son Sauveur; que si elle continue, elle le fera avec fruit..

  A013002425 

 Il est vray que, pour vous consoler, il faut que je vous die que je la sens encor toute dedans mon cœur, dont je loue Dieu; car c'est la verité que cette sorte d'occupation m'est infiniment proffitable.

  A013002453 

 L'arbre touffu c'est le meurte; et puisqu'il represente [278] l'humilité et abjection de soy mesme, celle la l'a mieux nommé qui a le plus humblement cedé..

  A013002454 

 C'est tout ce que je puis et que vous desirés, Monsieur mon Frere, de vostre humble seur et servante..

  A013002459 

 C'est un homme vrayement serviteur de Dieu..

  A013002467 

 Et penses vous que je sois exempt de pareilles attaques? Mais c'est la verité, je ne fay que m'en rire quand je m'en resouviens, qui est fort peu souvent.

  A013002467 

 Il n'est que bien que vostre support de la contradiction domestique soit interpreté a dissimulation.

  A013002467 

 O Dieu, que ne suis-je insensible aux autres accidens et suggestions malignes comme je le suis aux injures et mauvaises opinions qu'on a de moy! Il est vray qu'elles ne sont pas ni cuisantes ni en grand nombre; mais encor m'est il advis que s'il y en avoit beaucoup davantage je ne m'en estonnerois pas, moyennant l'assistance du Saint Esprit.

  A013002467 

 Oh courage, ma tres chere et bienaymee Fille, c'est cela qu'il nous faut: que nostre peu d'unguent soit treuvé puant au nez du monde..

  A013002482 

 Aymés-moy ce pendant, et croyés que mon ame vous est toute dediee en Nostre Seigneur, qui m'a rendu.

  A013002495 

 Il m'est advis que je vous voy des-ja en nostre petite vilette et en mon petit heberge.

  A013002510 

 Mais faites voir donques que ces bonnes Meres prient fort a cett'intention, car hoc genus demoniorum non ejicitur nisi in oratione et eleemosina; et puis que nous avons des-ja une Prieure eslëue, c'est a elle de solliciter ce proces, et je l'en supplie bien fort..

  A013002530 

 Bien que cela ne soit pas fort necessaire, si est il bon..

  A013002530 

 Croyés-moy, Dieu sera glorifié en vostre voyage et venue, d'autant que c'est luy seul qui l'a disposé et m'a osté les empeschemens que je voyois nagueres devant mes yeux pour le faire si tost.

  A013002541 

 Non, a la verité, je ne doute nullement que vous ne m'aymies fort estroittement; j'aurois bien peu de sentiment si tant de tesmoignages que vous m'en aves rendus ne m'en asseuroyent, outre lesquelz j'en ay un dans moy mesme qui me suffiroit pour cela; car il ne me semble pas que mon cœur vous peust aymer comm'il vous ayme si, par une secrette correspondance, le vostre ne l'attiroit; car l'on a beau dire que la connoissance des merites force a l'amour (je dis a l'amitié); c'en est vrayement un grand motif, mais inutile si on n'espere pas une reciproque affection.

  A013002542 

 Voyla que monsieur de Sansix, qui vient expres pour me voir et vostre chere discretion, m'advertit que dans deux jours je seray avec vous, et pourrons dire [288] le reste tout a l'ayse, sans que, pour mon goust particulier, je traitte incivilement ce gentilhomme en le faysant trop longuement attendre une si vile veuë comme est la mienne..

  A013002559 

 J'appreuverois qu'en l'orayson vous vous tinssies encor un peu au petit train, preparant vostre esprit par la leçon et disposition des pointz, sans autre imagination neanmoins que celle qui est necessaire pour ramasser l'esprit.

  A013002559 

 Or sus, je sçai bien que quand par bonne rencontre on treuve Dieu, c'est bien fait de s'entretenir a le regarder et arrester en luy; mais, ma chere Fille, de le penser tous-jours rencontrer ainsy a l'impourveu, sans preparation, je ne pense pas qu'il soit encor bon pour nous qui sommes encor novices, et qui avons plus besoin de considerer les vertus du Crucifix l'une apres l'autre et en detail, que de les admirer en gros et en bloc.

  A013002560 

 Je le connois fort de reputation, et sçai combien il est bon et soigneux serviteur de Nostre Seigneur.

  A013002561 

 Je ne voudrois pas que vous portassies madamoyselle vostre fille a une si frequente Communion qu'elle ne sache bien peser que c'est que cette frequente Communion.

  A013002561 

 Si cette petite ame discerne bien que pour frequenter la sainte Communion, il faut avoir beaucoup de pureté et de ferveur, et qu'elle y aspire et soit soigneuse a s'en parer, alhors je suis bien d'advis qu'on l'en face approcher souvent, c'est a dire de [290] quinze en quinze jours.

  A013002562 

 Dequoy sert il de bastir des chasteaux en Espagne, puisqu'il nous faut habiter en France? C'est ma vielle leçon, et vous l'entendes bien; dites moy, ma chere Fille, si vous la prattiques bien..

  A013002562 

 Et croyés-moy, c'est icy le grand mot et le moins entendu de la conduitte spirituelle.

  A013002562 

 Ne desirés point de n'estre pas ce que vous est es, mais desirés d'estre fort bien ce que vous estes; amusés vos pensees a vous perfectionner en cela et a porter les croix, ou petites ou grandes, que vous y rencontreres.

  A013002564 

 Ouy, je l'en prie, si c'est pour sa gloire, pour laquelle je veux tout vouloir.

  A013002577 

 Courage, courage, Jesus est nostre: qu'a jamais nos cœurs soyent a luy.

  A013002586 

 Or sus, mourons y donques, ma chere Fille, s'il est expedient..

  A013002587 

 Ne regardés ni a droitte ni a gauche; non, cettuy-ci est le meilleur pour nous.

  A013002588 

 Il est fort, impliable et sans mesure ni reserve, mais doux, facile, tout pur, tout tranquille; bref, si je ne me trompe, tout en Dieu.

  A013002588 

 Mais je le confesse, mon esprit n'avoit pas congé de s'espancher comme cela, il s'est eschappé: il luy faut pardonner pour cette fois, a la charge qu'il n'en dira plus mot..

  A013002590 

 Il s'est treuvé que les deux saintz Suaires de Nostre Seigneur sont tout semblables et les mains croisees..

  A013002594 

 A Dieu, ma chere Fille, ce n'est pas avec loysir que je vous escris; c'est par impetuosité que j'ay conduit ma plume jusques icy, partie avant la sainte Messe, partie apres.

  A013002604 

 Non, ce ne sont que des petites imaginations des vertus que mon cœur fait pour se recreer; car, quand c'est a bon escient, je ne suis pas si brave.

  A013002617 

 C'est grand cas que ceci me revient tous-jours en l'esprit et que je ne sçai que cette chanson.

  A013002617 

 Il ne m'est pas possible de me contenir de vous escrire a toutes sortes d'occasions qui s'en presentent.

  A013002617 

 Ne vous empresses point, non, croyés moy; exerces-vous a servir Nostre Seigneur avec une forte et soigneuse douceur: c'est la vraye methode de ce service.

  A013002617 

 Prattiqués les mortifications desquelles le sujet se presente plus souvent a vous, car c'est une besoigne qu'il faut faire la premiere; apres celle-la nous en ferons d'autres.

  A013002617 

 Sans doute, [298] ma chere Seur, c'est le cantique de l'Aigneau; il est un peu triste, mais il est harmonieux et beau: Mon Pere, qu'il soit fait, non point selon que je veux, mais selon que vous voules..

  A013002618 

 Elle ne le voyoit pas en la forme qu'elle vouloit; c'est pourquoy elle ne se contente pas de le voir ainsy et le cherche pour le treuver autrement.

  A013002619 

 Croyes vous pas qu'il vous dit: Marie, Marie? Non, avant que vous le voyes en sa gloire, il veut planter dedans vostre jardin beaucoup de fleurs petites et basses, mays a son gré: c'est pourquoy il est ainsy vestu.

  A013002619 

 Voyes-vous, ma chere Seur ma Fille, c'est Nostre Seigneur en l'habit de jardinier que vous rencontres tous les jours ça et la, es occurrences des mortifications ordinaires qui se presentent a vous.

  A013002624 

 Ayés bon courage, ne vous estonnés point; soyons seulement a Dieu, car Dieu est nostre.

  A013002632 

 C'est aujourd'huy la feste de sainte Marguerite, ma tres chere Fille, et je viens tout maintenant de dire la Messe pour vous.

  A013002632 

 Je puis tous-jours dire pour vous, ma Fille, car vous y aves part en un certain rang si special et particulier qu'il me semble presque que ce n'est que pour vous.

  A013002633 

 Ne nous effrayons point de ses fanfares: il ne nous sçauroit faire nul mal, c'est pourquoy il nous veut au moins faire peur, et par cette peur nous inquieter, et par l'inquietude nous lasser, et par la lassitude nous faire quitter; mais contentons-nous que, comme petitz poussins, nous nous sommes jettés sous les aisles de nostre chere Mere.

  A013002634 

 Je suis icy a Viu, qui est la terre de nostre evesché.

  A013002636 

 Ouy, ma chere Fille, attachés-vous fort a la Providence divine: qu'elle face ce qu'elle voudra de vous et de tout ce qui est vostre.

  A013002648 

 Il n'est pas besoin de nommer ceux pour lesquelz vous voules faire dire des Messes; il suffit que, par vostre intention, ce bien-la leur soit appliqué..

  A013002649 

 Ce n'est plus le tems de nos saintes Paule et Melanie; arrestons nous la.

  A013002650 

 Ce n'est que par force que je la cheris, parce qu'elle est necessaire, je dis tres necessaire; et sur cela, je vay tout [303] a la bonne foy, a l'abry de la providence de Dieu.

  A013002650 

 Je ne suis gueres prudent, et si, c'est une vertu que je n'ayme pas trop.

  A013002650 

 Non, de vray, je ne suis nullement simple; mais j'ayme si extremement la simplicité que c'est merveille.

  A013002651 

 Mais cependant, l'acte que vous me marques n'est pas fort double; au moins il n'est pas double d'une fort mauvaise estoffe, car que pretendries vous pour vous a faire connoistre que le bon M. le Conte jeusnoit? La fascheuse duplicité c'est celle qui a une bonne action doublee d'une intention mauvaise ou vaine.

  A013002652 

 Ma chere Fille, lisés le 28e chapitre du Combat spirituel, qui est mon cher livre, et que je porte en ma poche il y a bien dix huit ans, et que je ne relis jamais sans proffit.

  A013002653 

 Mais ne vous tourmentes point a prattiquer ce commandement; car c'est cela que je veux, que vous ne vous tourmenties point, ni par ces desirs, ni par autres quelconques.

  A013002654 

 Croyés-moy, mon ame ne m'est point, ce me semble, plus chere que la vostre.

  A013002661 

 C'est par nostre bon Pere Gardien des Capucins que je vous escris, ma bonne, ma tres chere Fille, car je [305] me suis imaginé que facilement quelques uns des leurs qui sont a Aoustun se treuveroyent en leur Chapitre provincial, qui pourroyent vous rendre ces lettres..

  A013002662 

 Ayés en un bon, bien resolu, bien constant, c'est a dire l'ancien, celuy qui vous fit faire nos vœux avec tant de courage; car pour celuy-la, ma Fille, il le faut arrouser souvent de l'eau de la sainte orayson, il faut avoir grand soin pour le conserver dans nostre verger, car c'est l'arbre de vie.

  A013002662 

 Croyés moy, ma Fille, les viandes douces engendrent les vers aux petitz enfans, et en moy qui ne suis pas petit enfant; c'est pourquoy nostre Sauveur nous les entremesle d'amertumes..

  A013002662 

 Mais certains desirs qui tirannisent le cœur, qui voudroyent que rien ne s'opposast a nos desseins, que nous n'eussions nulles tenebres, mais que tout fut en plein mydi; qui ne voudroyent que suavités en nos exercices, sans degoustz, sans resistence, sans divertissements; et tout aussi tost quil nous arrive quelque tentation interieure, ces desirs la ne se contentent pas que nous n'y consentions pas, mais voudroyent que nous ne les sentissions pas; ilz sont si delicatz quilz ne se contentent pas que l'on nous donne une viande de bon suc et nourrissante, si elle n'est toute sucree et musquee; ilz voudroyent que nous ne vissions seulement pas les mousches du moys d'aoust passer devant nos yeux: ce sont ces desirs d'une perfection trop douce, il n'en faut pas avoir beaucoup.

  A013002663 

 Reclamons son secours, car c'est pour cela quil permet que ces illusions nous facent frayeur..

  A013002665 

 Courage, ma Fille, n'avons nous pas occasion de croire que nostre Sauveur nous ayme? Si avons certes; et pourquoy donques se mettre en peyne des tentations? Je vous recommande nostre simplicité, qui est si jolie et qui est si aggreable a l'Espoux, et encor nostre pauvr'humilité, qui a tant de credit vers luy; et faites moy une charité pareille en me les recommandant a moy.

  A013002666 

 De la, je passay a Sales pour un soir seulement, et vins le dernier jour de julliet icy pour celebrer nostre grande feste de Saint Pierre aux Liens, qui est le titre de nostre Eglise.

  A013002667 

 Des mon depart de Thonon je n'ay rien apris de nostre M me de Charmoysi, horsmis que son mari luy est arrivé et a passé icy et a Sales..

  A013002672 

 Je vay tout de ce pas dire la sainte Messe pour vous; c'est tous-jours pour vous, sans doute.

  A013002672 

 Ne sommes nous pas trop heureux de sçavoir quil faut aymer Dieu et que tout nostre bien gist a le servir, toute nostre gloire a l'honnorer? O que sa bonté est grande sur nous! Je m'en vay donq a son saint autel..

  A013002683 

 Encor mon affection n'est pas satisfaite, car elle est insatiable au desir de rendre a mon Dieu le devoir que j'ay envers vous.

  A013002683 

 Je dis a Dieu, ma Fille, parce que je me confirme tous les jours plus en la creance que j'ay que c'est Dieu qui m'impose ce devoir: c'est pourquoy je le cheris si incomparablement..

  A013002685 

 Mais de vouloir laisser nostre Sauveur tout fin seul, elle avoit, ce me semble, tort; car il n'est pas venu en ce monde pour vivre en solitude, mais pour estre avec les enfans des hommes..

  A013002686 

 Ne voyla pas des pensees estranges de vouloir corriger nostre bonne sainte Marthe? Oh! c'est pour l'affection que je luy porte; et si, je croy que ce qu'elle ne fit pas alhors, elle sera bien ayse de le faire maintenant en la personne de ses filles, en sorte qu'elles partagent leurs heures, donnant une bonne partie aux œuvres exterieures [310] de charité, et la meilleure partie a l'interieur de la contemplation.

  A013002687 

 Ne voyla pas un merveilleux secret? Je pense que c'est cela que les Docteurs disent, que pour faire l'orayson il est bon de penser qu'il n'y a que Dieu au monde; car sans doute, cela retire fort les puissances de l'ame et l'application d'icelles s'en fait bien plus forte..

  A013002688 

 Voyés-vous, ma Fille, il faut que je vous parle souvent; c'est pourquoy je suis contraint de vous dire ces choses selon qu'elles se prasentent a moy, hors de propos et a propos.

  A013002691 

 Je dis en peyne sans peyne, car je suis plein de toute bonn'esperance a cause de Nostre Seigneur, qui est si bon et si doux et si amoureux des ames qui desirent l'aymer..

  A013002691 

 Je ne sçai ou madame de Charmoysi est; toutefois on dit qu'elle sera icy dans huit jours, et je le desire bien; car voyes-vous, je suis tous-jours un peu en peyne pendant l'annee du noviciat.

  A013002703 

 N'est ce pas cela, ma Fille?.

  A013002705 

 En fin, estre bonne servante de Dieu, ce n'est pas estre tous-jours consolee, tous-jours en douceur, tous-jours sans aversions ni repugnance au bien; car a ce [313] conte la, ni sainte Paule, ni sainte Angele, ni sainte Catherine de Sienne n'auroyent pas bien servi Dieu.

  A013002705 

 Estre servante de Dieu, c'est estre charitable envers le prochain, avoir en la partie superieure de l'esprit une inviolable resolution de suivre la volonté de Dieu, avoir une tres humble humilité et simplicité pour se confier en Dieu et se relever autant de fois qu'on fait des cheutes, s'endurer soy mesme en ses abjections et supporter tranquillement les autres en leurs imperfections..

  A013002706 

 Vous sçaves bien, au reste, de quelle sorte mon cœur vous cherit: c'est, ma tres chere Fille, plus que vous ne sçauries dire.

  A013002714 

 Ce porteur, qui est de mes amis et homme digne de louange en sa profession, a desiré ma recommandation aupres de vous pour raccourcissement du proces qu'il a devant le souverain Senat.

  A013002747 

 C'est pourquoi, me confiant en votre généreuse bonté et aimable charité, je vous supplie en toute révérence et humilité, de vouloir bien encourager par une de vos lettres ces deux gentilshommes, afin qu'ils soient consolés dans leur bon dessein.

  A013002747 

 Cependant, le dévouement et la charité de ces gentilshommes ne recevraient pas un médiocre surcroît d'ardeur, s'ils étaient gratifiés d'une approbation, surtout de celle d'un personnage aussi digne et aussi éminent que l'est Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime.

  A013002760 

 Ayés patience sur vostre croix interieure: helas! nostre Sauveur vous la permet affin qu'un jour vous connoissiés mieux que c'est que vous estes de vous mesme.

  A013002760 

 Ne voyes [317] vous pas, ma Fille, que le trouble du jour est esclairci par le repos de la nuit? signe evident que nostre ame n'a besoin d'autre chose que de se resigner fort en son Dieu et se rendre indifferente a le servir, soit parmi les espines, soit parmi les roses..

  A013002761 

 Et je connoissois bien que Dieu me vouloit faire entendre que si les assautz et grandes attaques ne me troublent point, comme a la vérité elles ne font, ce n'est pas moy qui fay cela, c'est la grace de mon Sauveur; et, sans mentir, apres cela je me sens consolé de cette connoissance experimentale que Dieu me donne de moy mesme..

  A013002761 

 Mais il y a plus: c'est que je me mocquois en moy mesme de ma foiblesse, et mon esprit voyoit clair comme le jour que tout cela estoit une inquietude d'un vray petit enfant; mais de treuver le chemin d'en sortir, nulle nouvelle.

  A013002763 

 Et si, Dieu me donne la force de me lever quelquefois devant le jour pour cet effect, quand je prevoy la multitude des embarrassemens du jour, et tout cela gayement; et me semble que je m'y affectionne et voudrois bien pouvoir en faire deux fois le jour, mays il ne m'est pas possible.

  A013002763 

 Ouy, ma Fille, par la grace de Dieu, je puis dire maintenant mieux que ci devant que je fay l'orayson mentale, parce que je ne manque pas un seul jour sans cela, si ce n'est quelquefois le Dimanche pour satisfaire aux confessions.

  A013002792 

 Il n'est nullement besoin de faire des excuses et ceremonies pour m'escrire, car vos lettres me consolent bien fort en Nostre Seigneur, pour lequel je vous ayme sincerement.

  A013002792 

 Je vous en sçay vrayement bon [320] gré, mais si faut-il que vous ne perdies point courage pour cela; car encor que vous n'aures pas tant d'ayde exterieure, si est ce que, tenant tous-jours vos desirs et resolutions d'estre toute a Dieu bien vifs et formés en vostre ame, le Saint Esprit vous consolera par une secrette assistance qui suppleera aux exercices que vous laysses, puisque vous ne les laysses que pour l'honneur et la gloire de cette mesme divine Bonté..

  A013002794 

 Au demeurant, d'estre sujette et vivre en compaignie vous donnera mille sujetz de vous bien mortifier et rompre vostre volonté, qui n'est pas un petit moyen de perfection, si vous l'employes avec humilité et douceur de cœur.

  A013002806 

 Mais ce qui me contente le plus est mon petit neveu, filz aisné de la mayson: sa nourrice m'asseure qu'ordinairement il tette [322] les mains jointes, avec une posture fort devote.

  A013002806 

 N'est ce pas un signe qu'un jour il sera de nostre robbe et un bon serviteur de Dieu?....

  A013002815 

 C'est la verité, Monsieur, je ne me puis assouvir du playsir que je reçois de l'asseurance de vostre amitié: mon frere de Groisy et moy en faysons feste a nos espritz toutes les fois que nous nous voyons; mon cœur est tout plein de ce bonheur.

  A013002815 

 J'ay fort prié ce porteur, qui est des vieux serviteurs de la mayson de Monsieur et de mes bons amis et voysins, [323] de vous saluer de ma part avec le plus d'efficace qu'il pourra.

  A013002816 

 Je suis en visite bien avant parmi nos montagnes, en esperance de me retirer pour l'hiver dans nostre petit Annessy, ou j'ay appris a me plaire, puisque c'est la barque dans laquelle il faut que je vogue pour passer de cette vie a l'autre.

  A013002816 

 La faute vient de ce que Monsieur leur permet indifferemment d'accuser ce bon personnage; et il faudroit leur faire connoistre qu'on est bien asseuré de luy, de sa suffisance et fidelité, comme a la verité on le doit estre.

  A013002848 

 En vérité, je désire beaucoup avoir cette copie; car la controverse soulevée en Espagne est de la plus [326] grande conséquence pour nos contrées désolées par l'hérésie.

  A013002863 

 Et bien, ma chere Fille, mais n'est il pas raysonnable que la tres sainte volonté de Dieu soit executee, aussi bien es choses que nous cherissons comme aux autres? [328] Mais il faut que je me haste de vous dire que ma bonne mere a beu ce calice avec une constance toute chrestienne; et sa vertu, de laquelle j'avois tous-jours bonne opinion, a de beaucoup devancé mon estime..

  A013002864 

 Dimanche matin, elle envoya prendre mon frere le chanoyne; et parce qu'elle l'avoit veu fort triste, et tous les autres freres aussi le soir precedent, elle luy commença a dire: « J'ay resvé toute la nuit que ma fille Jane est morte; dites moy, je vous prie, est il pas vray? » Mon frere, qui attendoit que je fusse arrivé pour le luy dire, car j'estois a la visite, voyant cette belle ouverture de luy presenter le hanap et qu'elle estoit couchee en son lit: « Il est vray, » dit il, « ma mere; » et cela sans plus, car il n'eut pas asses de force pour rien adjouster.

  A013002865 

 Autant vous en dit toute la fraternité, laquelle, de vray, s'est tesmoignee d'extremement bon naturel au ressentiment de ce trespas, sur tout nostre Boisy que j'en ayme davantage..

  A013002866 

 Mon cœur s'est attendri plus que je n'eusse jamais pensé; mais la verité est que le desplaysir de ma mere et le vostre y ont beaucoup contribué, car j'ay eu peur de vostre cœur et de celuy de ma mere.

  A013002866 

 Quel bonheur a cette fille d'avoir esté ravie du monde, affin que la malice ne pervertisi son esprit, et d'estre sortie de ce lieu fangeux avant qu'elle s'y fust soùillee! On cueille les fraises et les cerises avant les poires bergamottes et les capendus; mais c'est parce que leur sayson le requiert.

  A013002867 

 J'estois son pere spirituel et me promettois bien d'en faire un jour quelque chose de bon; et ce qui me la rendoit fort chere (mais je dis la verité), c'est qu'elle estoit vostre.

  A013002869 

 David offroit sa vie pour celle de son Absalon, mais c'est parce qu'il mouroit perdu; et c'est en ce cas la qu'il faut conjurer Dieu.

  A013002871 

 Et bien, si Dieu vous ravissoit tout cela, n'auries vous pas encor asses d'avoir Dieu? N'est ce pas tout, a vostre advis? Quand nous n'aurions que Dieu, ne seroit ce pas beaucoup? Helas, le Filz de Dieu, mon cher Jesus, n'en eut presque pas tant sur la croix, lhors qu'ayant tout quitté et laissé pour l'amour et obeissance de son Pere, il fut comme quitté et laissé de luy; et le torrent des passions emportant sa barque a la desolation, a peyne sentoit il l'esguille, qui non seulement regardoit, mais estoit inseparablement unie a son Pere.

  A013002871 

 Helas, ma Fille, a la verité dire, cette leçon est haute; [331] mais aussi, Dieu, pour qui nous l'apprenons, est le Tres Haut.

  A013002871 

 Vous aves, ma Fille, quattre enfans; vous aves un pere, un beaupere, un si cher frere, et puis encor un pere spirituel: tout cela vous est fort cher et meritamment, car Dieu le veut.

  A013002872 

 Mais il y a de plus: c'est que toutes nos pertes et nos separations ne sont que pour ce petit moment.

  A013002873 

 Je seray bien ayse de sçavoir le nom et le tiltre de l'eglise ou elle est.

  A013002884 

 Je m'estonne comme vous receves si peu de mes lettres; il m'est advis que je n'en laisse point des vostres sans quelque response.

  A013002885 

 J'ay des-ja escrit a madame nostre mere; maintenant j'escriray a cette seur, mais je ne sçay si ce sera avec consolation, car je ne sçay point de belles paroles, et, ne luy ayant jamais escrit ni parlé de devotion, elle treuvera peut estre bien estrange mon stile; mais estant du lieu d'où elle est, elle prendra tout en bonne part.

  A013002886 

 Ne vous tourmentes point pour vostre orayson que vous me dites se passer sans paroles, car ell'est bonne, pourveu qu'elle vous laisse des bons effectz au cœur.

  A013002886 

 Suives donques le chemin auquel le Saint Esprit vous tire, sans toutefois que je desire que vous laissies de vous præparer a la meditation comme vous faysies au commencement; car c'est cela que vous deves de vostre costé, et ne deves point entreprendre d'autre chemin de vous mesme.

  A013002887 

 Et vous resouvenes qu'il n'est pas question qu'un seul mange tout un festin preparé pour plusieurs: As-tu treuvé du miel, manges en ce qui suffit, dit le Sage.

  A013002887 

 Lises et relises le Combat spirituel: ce doit estre vostre cher livre, il est clair et tout prattiquable..

  A013002888 

 Et si, il n'est nullement besoin de faire ces reveuës generales en la parroisse, desquelles vous m'escrives; il suffit d'y rendre son devoir a Pasques en s'y confessant, ou au moins communiant.

  A013002901 

 J'ay admiré ce que j'ay appris de ce gentilhomme, car c'est chose fort esloignee de ma precedente creance.

  A013002901 

 Mais si ell'est de la terre, je le connoistray aysement par le repentir qui la suivra de pres, et lequel, a mon advis, je descouvriray soudainement; et en ce cas, je m'employeray avec affection au dessein que vous agreés, et que, pour cela, j'ay [336] bien avant au cœur, comme je vous supplie de croire fermement..

  A013002917 

 O ma chere Fille, ne voyci pas grand cas! c'est mon Noé qui va a Lion, et neanmoins je n'ay pas loysir de [337] vous escrire, car je ne sçavois pas quil partist avant qu'aller dire la Messe; et au sortir d'icelle, nos messieurs les chanoynes m'ont prié de l'envoyer pour certaines affaires qui regardent encor le service de Dieu.

  A013002918 

 O Dieu, non: ni la mort, ni les choses presentes ni les futures, ni les prosperités ni les adversités, ne nous separeront jamais de la charité qui est en Jesuscrist.

  A013002919 

 Maintenant il faut aller a la Messe de sainte Catherine, qui est solemnelle en nostr'eglise; si que je vous escris entre ma Messe et celle de nostre Chapitre.

  A013002922 

 Je sçai bien que du tems de nostre saint Hierosme on appelloyt sains tous les Evesques, a rayson de leur charge; mais ce n'en est pas la coustume maintenant..

  A013002923 

 Mais dites moy, ma chere Fille, n'est ce pas nostre bon Dieu qui ouvre le chemin au mariage de nos jeunes gens? Cette facilité de messieurs vos plus proches, d'ou peut elle provenir que de la Providence celeste? De deça, ma Fille, je le confesse, mon esprit y est, je ne dis pas porté, mais lié et collé; ma mere ne pense qu'a cela, toute la fraternité y conspire; et tandis que la sayson s'advancera, prions bien Dieu que sa sainte main conduise l'œuvre.

  A013002924 

 Quant a l'autre, faites en comme vous voudres, car il est vostre..

  A013002926 

 Failloit il pas que je vous disse cela? Mais non, ce n'est pas par vantance; oh! ce n'est que par liberté..

  A013002945 

 J'ay bien asses de connoissance de la grandeur de la courtoysie avec laquelle vous aves aggreable le dessein [341] du mariage de madamoyselle vostre fille aysnee avec mon frere; mais il ne m'est pas advis que jamais j'en puisse faire aucune sorte de digne reconnoissance et remerciement.

  A013002946 

 En mon particulier, Monsieur, permettes moy que je dise que l'amitié non seulement fraternelle, mais encor paternelle, que je portois a ma petite seur, m'est demeuree en l'esprit pour la donner a cette autre encor plus petite seur que, ce me semble, me preparés; et si, la luy donneray avec un surcroist de respect et d'estime tout singulier, en consideration de l'honneur extreme que je vous porte, Monsieur, et a Monsieur de Bourges et a monsieur le President, sans y comprendre ce que je pense de la dilection que je dois a madame sa mere, vostre chere fille..

  A013002947 

 C'est le souhait perpetuel,.

  A013002965 

 Je loüe Dieu de tout mon cœur de la santé de madame ma chere tante, et permettes moy de commencer ma salutation par l'endroit qui m'est maintenant le plus sensible.

  A013002986 

 Mais ce diocese de Geneve en doit ressentir une joye toute particuliere; car le voyla, Monseigneur, doublement asseuré de la protection de Vostre Altesse, par le sang duquel elle est extraitte et par celuy qui teint son sacré chapeau, puisque la couleur de pourpre n'y tient nulle place que pour representer le sang du Sauveur, dans lequel les grans de l'Eglise doivent tous-jours tremper leur zele..

  A013003000 

 Entre tout cela, ma vraye Fille, je vous puis asseurer, a la gloire de Dieu, [347] qu'il n'y a icy qu' un cœur et qu'une ame en unité de son tres saint amour; et j'espere que la benediction et la grace du Seigneur s'y doit rendre abondante, car des-ja c'est beaucoup, et une chose bonne, belle et suave, de voir comme cette fraternité demeure ensemble..

  A013003001 

 O ma Fille, il est vray, nous pouvons faire toutes nos annees, nos mois, nos jours et nos heures saintes par le bon et fidelle usage.

  A013003009 

 Je vous advoüe qu'une bonne partie de la louange en est deuë a nostre la Thuille; car cette intelligence ne se peut faire sans une tres grande sagesse et pieté en celuy qui a la conduitte principale de tout cela... [348].

  A013003009 

 Mon cher la Thuille vous salue humblement; il est icy aupres de moy, et je m'asseure que ma bonne mere ne fut jamais plus satisfaitte ni plus contente, ni la devotion plus florissante dans la famille.

  A013003018 

 At Ecclesia illa Montispessulanensis eo meliore sponso indigebat quo deteriora ab hæreticis jampridem patitur incommoda, cui propterea non abs re dici possit: Magna est velut mare contritio tua; quis medebitur tibi? Quare consentaneum est ut Ecclesiæ iIli primum de qua tam recte collocanda agitur, tum etiam Ecclesiæ Romanæ, quasi matri optimæ, domestici Dei gratulentur..

  A013003019 

 At ego libentius ac opportunius, qui omnium optime virum de cujus promotione sermo est cognovi; est enim civis meus, Beatissime Pater, ab ineunte ætate litteris in hac ipsa civitate nostra ab optimo patre eruditus, [350] quibus postea alibi tanta studiorum contentione, tanta ingenii felicitate animum addixit, ut doctor theologus creatus, brevi in concionatorem omnino celeberrimum evaserit.

  A013003019 

 Cumque propterea parrochialis ecclesiæ curam a me suscepisset mox ad canonicatum majoris Ecclesiæ nostræ evocatus, non potuit diutius tantisper splendor tam angustis finibus contineri, sed Lutetiam Parisiorum Quadragesimalium concionum causa accersitus, ubi primum ejus dicendi ac docendi vis, Christianissimi Regis aures pervasit, non fuit ei deinceps liberum quin concionatoris Regis honore afficeretur et onere, cui sustinendo cum in dies majorem animi firmitatem, ac doctrinæ robur [351] ostenderet, quod plerique præclari alioquin viri vix multis annis ac maximis intercessoribus obtinere possunt, hic tribus annis consequutus est, ut scilicet a Rege ad episcopatum Montispessulanensem Sedi Apostolicæ promovendus exhibeatur.

  A013003028 

 On peut bien lui dire: Votre douleur est grande comme la mer; qui pourra vous consoler? Aussi, selon toute justice, les enfants de la maison de Dieu doivent d'abord féliciter cette Eglise à la veille d'être si bien pourvue, et ensuite l'Eglise Romaine, comme étant leur très bonne mère..

  A013003029 

 En effet, Très Saint Père, il est mon compatriote; c'est dans notre ville même que, tout jeune, il a fait, sous la direction de son père, un parfait honnête homme, ses [350] premières études; il les a continuées ailleurs, mais en y apportant une telle ardeur, une telle vivacité d'esprit, qu'il est devenu docteur en théologie et bientôt un prédicateur tout à fait célèbre.

  A013003030 

 Aussi, Très Saint Père, c'est une heureuse fortune pour cette Eglise, on le conçoit aisément, d'être confiée à un homme qui a passé par tous les degrés des fonctions ecclésiastiques.

  A013003031 

 C'est la grâce que je demande à Votre Béatitude pour lui, ayant été jusqu'ici son Evêque, et aussi à cause des obligations que lui a l'Eglise de Genève, et je la demande très humblement, par les entrailles du Christ, à vous qui êtes le Père de l'un et de l'autre, prosterné à vos pieds pour les baiser.

  A013003044 

 Helas, ma Fille, je ne le sçai pas; mais je sçai seulement que, pour le bien exprimer, il faut avoir une langue toute de feu, c'est a dire qu'il faut que ce soit par le seul amour divin, qui, sans autre, exprime Jesus en nostre vie en l'imprimant dans le [354] fond de nostre cœur.

  A013003044 

 Mais qu'est ce que le bien prononcer, ce sacré nom? car vous me dites que je vous parle clair.

  A013003054 

 Faut il donques que ce soit tous-jours en courant que je vous escrive, ma bonne et chere Fille? Il y a, ce me semble, long tems que je ne vous escris que comme cela; et si, ce n'est pas que je n'aye a vous escrire un peu au long sur l'obeissance et l'amour de la volonté de Dieu.

  A013003054 

 Mais quoy faire? encor est-il mieux que j'escrive peu que rien du tout.

  A013003055 

 Qu'est ce donq que je demande pour nous? Rien, sinon ce pur et saint amour de nostre Sauveur.

  A013003056 

 Je suis bien ayse, ma Fille, que vous facies les litz des pauvres malades; et si, je suis bien ayse que vous y ayes de la repugnance, car cette repugnance est un plus grand sujet d'abjection que la puanteur et saleté qui la provoque..

  A013003057 

 C'est pourquoy, ma chere Fille, invoqués bien Dieu sur nous, et le remerciés dequoy nous avons resolu de ne jamais faire de mesme.

  A013003057 

 Cela m'est sensible.

  A013003058 

 Vive Jesus! C'est en luy, par luy et pour luy que je suis sans fin, sans reserve et uniquement vostre..

  A013003069 

 Il y a deux sortes de faim: l'une, qui est causee de la bonne digestion; l'autre, du desreglement de la force attirante de l'estomach.

  A013003070 

 Ainsy, ma Fille, ceux qui font bonne digestion [357] spirituelle ressentent que Jesus Christ, qui est leur viande, s'espanche et communique a toutes les parties de leur ame et de leur cors.

  A013003070 

 C'est un grand point, ma Fille, de ne manger que d'une viande, quand elle est bonne; l'estomach fait bien mieux son devoir.

  A013003071 

 Et puis, je m'en vay tantost a cette sainte refection avec vous; car c'est jeudy, et ce jour-la nous nous tenons l'un a l'autre, et nos cœurs, ce me semble, s'entretouchent par ce saint Sacrement..

  A013003072 

 Ouy, ma Fille, le Combat spirituel est un grand livre.

  A013003073 

 Je pensois que ce fust quelque garçon de respect; c'est pourquoy je vous escrivis l'autre jour que je le prendrois dans quelque tems, apres que je me serois desfait d'un autre.

  A013003073 

 Mais parce que, par une autre lettre, vous me dites que Jacques le connoissoit, je m'en enquis, et il me dit que c'estoit un enfant [358] bon a tout; c'est pourquoy je vous dis maintenant que, quand il vous plaira me l'envoyer, je le recevray de bon cœur.

  A013003075 

 Au partir de la, elle est l'aysnee; et si, je suis obligé de l'aymer plus tendrement parce qu'un [jour] que vous n'esties pas au logis a Dijon, elle me fit bien des faveurs et me permit de la bayser d'un bayser d'innocence.

  A013003077 

 Je le feray, quoy que M me nostre seur Brulart me die, laquelle, comme je croy, ne tient pas que mon voyage fust inutile parce que, en particulier, quelques ames me pourroyent employer a leur service; mais ce n'est pas cela que je pretens.

  A013003078 

 Je vous entens bien en la maniere que vous me le dites, avec laquelle vous vous mettés, a l'adventure, en faysant les actions que vous ne reconnoissés pas du tout bien: je l'appreuve, car vrayement elle est bonne, et si, j'en fay de mesme..

  A013003078 

 Vous me faites grand playsir, je dis tres grand, de m'exhorter a l'humilité; non pas parce qu'il ne me manque que cette vertu-la, mais parce que c'est la premiere et le fondement des autres.

  A013003082 

 Est ce pas cela, ma Fille? Demeurés en paix.

  A013003085 

 J'aurois grande envie de vous dire un mot de l'amour de la volonté de Dieu, car je m'apperçois que vous en faites l'exercice en l'orayson, et ce n'est pas cela que je voulois dire; car il ne faut point vous assujettir en icelle, j'entens a l'orayson, a aucun point ordinaire.

  A013003089 

 La contagion qui estoit a Cruselles ne s'est point espanchee.

  A013003089 

 Ma mere a fait festes avec nous; maintenant ell'est a Sales, et nostre Groysi aussi.

  A013003089 

 Nostre chanoyne m'a dit quil vous escriroit; il s'est mis a la pesche des ames ces jours passés fort heureusement, y entrant par deux familiers..

  A013003090 

 C'est un cœur bien net et propre; je suis marri de la voir si peu souvent en particulier.

  A013003090 

 J'excepte nostre chere M me de Charmoysi, qui est au lit d'un catherre qui luy est tombé sur les yeux.

  A013003095 

 Si je puis, j'escriray a monsieur de la Curne; si... [Et] de nostre M. le Conte, qu'en est-ce?.

  A013003117 

 Il n'y a pas moyen maintenant, car il est bien tard, et je presche demain matin..

  A013003117 

 Je vous ay escrit il n'y a justement que six heures, [364] par l'homme qui rameyne le cheval sur lequel Thibaut est venu.

  A013003119 

 Si j'estois pres de vous, je confesse que je voudrois bien estre preferé a la mettre a la Communion, car c'est un coup memorable pour une ame destinee au bien comme celle-la; mais encor ne faut il pas que mon ambition la prive de cette celeste viande pour ces Pasques.

  A013003120 

 Ouÿ, ma chere Fille, c'est la priere continuelle de mon cœur..

  A013003121 

 C'est une bonne ame, et admirable a ne se point empresser.

  A013003132 

 Je fay cela, il est vray, mais c'est par vive force: autrement, je dors fort bien ce qui m'est necessaire, et je veux que vous en facies de mesme.

  A013003133 

 Tout cela ne m'estonne nullement, car vous aves un esprit si douillet et jaloux de ce que vous aves en resolution, que tout ce qui le touche a biais contraire vous est si sensible [367] que rien plus; et je vous ay dit mille fois qu'il ne faut pas, ma chere Fille, aller si pointilleusement en nostre besoigne..

  A013003134 

 Helas, ma Fille, vous diray je ce qui m'est advenu ces jours passés? Jamais de ma vie je n'avois eu un seul ressentiment de tentation contraire a ma profession; l'autre jour, sans y penser, il m'en tomba une dans l'esprit.

  A013003134 

 La verité est que je cuiday m'en importuner, et j'eusse tout gasté; mais en fin je pensay en moy mesme que je ne meritois pas d'avoir une si haute paix que l'ennemy n'osast pas regarder de loin mes murailles..

  A013003135 

 Ces importunités ne sont pas pour tous-jours, mais pour l'estat present de vos affaires; c'est pourquoy je vous ay dit qu'il failloit avoir patience.

  A013003136 

 Or sus, je parle trop de ceci; car, puisque vous demeures ferme en nos resolutions, je ne devois vous dire sinon: Demeurés en paix, ma Fille, tout cela n'est rien.

  A013003139 

 Mon Dieu, c'est asses..

  A013003139 

 Non, nullement: c'est simplement affin que, l'ayant proposé au Pere Gentil, vous puissies non point fortifier ces resolutions, car je les tiens invariables, mais vous y consoler, et moy aussi.

  A013003140 

 J'ay veu en la lettre que [Thibaut] m'a apportee, que vous aves parlé franchement et librement a vostre confesseur, dont je loue Dieu, et qu'il s'est conformé a nos opinions..

  A013003151 

 Les parroissiens de vostre eglise sont venus aux plaintes vers moy pour le manquement du service, et monsieur [370] Exertier est venu pour son particulier, a rayson de cerlaines dixmes desquelles il dit que vous le frustrés et pour les despens desquelz je me retins de connoistre.

  A013003167 

 Maintenant je vous demanderois volontier, ma chere Fille: Qu'est ce que dit vostre cœur? Est il pas tous-jours celuy que j'ay veu si desireux de la gloire de Dieu? Ah, pour l'amour de Dieu, ma chere Fille, si ce cœur avoit perdu son courage, reprenes-le et ne le laisses pas sans cela.

  A013003183 

 C'est en fin par monsieur Favre que je vous escris, ma chere Fille, et tous-jours neanmoins sans loysir, car il m'a faillu escrire beaucoup de lettres, et tous-jours vous estes la derniere a qui j'escris, ne craignant point pour cela de m'en oublier.

  A013003183 

 Mais voyes vous, mon esprit est sujet aux espanchemens avec vous et avec tous ceux que j'affectionne..

  A013003185 

 C'est que tout ce que je vous dis: Ne penses pas ceci, cela; ne regardes pas, et semblables, tout cela s'entend grosso modo; car je ne veux point que vous contraignies vostre esprit a rien, sinon a bien servir Dieu, a le bien aymer, a ne point abandonner nos resolutions, ains a les aymer.

  A013003186 

 C'est comme j'en ay veu plusieurs qui, s'estant mis en cholere, sont par apres en cholere de s'estre mis en cholere; et [374] semble tout cela aux cercles qui se font en l'eau quand on y a jetté une pierre, car il se fait un cercle petit, et cestuy la en fait un plus grand, et cet autre un autre..

  A013003186 

 Helas, ma chere Fille, c'est aussi un entortillement que celuy duquel vous m'escri vies par monsieur de Sauzea, ce tintamarre ... qui vous fait peur de ...ement de ....

  A013003187 

 C'est asses..

  A013003187 

 Ce n'est pas en esprit d'arrogance que je dis cela, ma Fille, c'est en esprit de confiance et pour nous encourager.

  A013003187 

 Et donques, dequoy nous tourmentons nous? Vive Jesus! ma Fille; il m'est advis quelquesfois que nous sommes tous pleins de Jesus, car au moins nous n'avons point de volonté deliberee contraire.

  A013003187 

 Quel remede, ma chere Fille? Apres la grace de Dieu, c'est de n'estre pas si delicate.

  A013003188 

 Il faut dire un peu des menues pensees apres ces grandes pensees: il est un peu estonné de ne pas treuver Montelon ceans; o mais, je dis icy a Rumilly..

  A013003188 

 Vrayement, j'ayme bien vostre Thibaut, encor que je ne luy ay point encor parlé; mais sa mine me plait, et m'est advis que je le rendray tout mien.

  A013003189 

 Cette dame-la est a Chamberi pour des affaires.

  A013003189 

 Elle s'est un peu plus estroittement liee au Crucifix et a la dependence de son pere spirituel; non pas que son intention ne fut telle tous-jours, mais non pas si ouverte et declairee..

  A013003190 

 Groysi s'est blessé au doigt, mais de tout le reste il se porte bien.

  A013003190 

 Il failloit dire cela; mais ne laysses pas de l'aymer, car certes, il est bon enfant.

  A013003190 

 Nostre chanoyne est tout empressé, le pauvre garçon; car il est parmi une trouppe de personnes qui le tirent de tous coustés pour se servir de luy pour leurs ames.

  A013003191 

 Thibaut me dit que vous aves vostre petit Baron qui fait merveilles, mais il me dit du bien de nostre Aymee avec un goust particulier; et de nostre Charlotte, il dit qu'ell'est toute malade, et Françon, toute jolie et grosse fille: j'ayme bien tout cela.

  A013003192 

 Et si, il faut que vous die encor cette petite folie: c'est que je presche si jolyment a mon gré en ce lieu, je dis je ne sçai quoy que ces bonnes gens entendent si bien, que quasi ilz me respondroyent volontier..

  A013003192 

 Je vous asseure, ma Fille, quil est neuf heures du soir: il faut que je face collation et que je die l'Office, pour prescher demain a huit heures; mais je ne me puis arracher [376] de dessus ce papier.

  A013003208 

 C'est a cette seule intention que je vous les envoye, vous priant de ne point les communiquer entieres; ouÿ bien, selon que vous verres, piece a piece, en paroles.

  A013003208 

 Les resolutions dont il s'agit sont generales de servir Dieu; c'est pourquoy il n'y a nulle difficulté qu'elles ne soyent eternelles.

  A013003210 

 La peste n'est plus nulle part.

  A013003211 

 Ce n'est pas pour elle, car ell'est toute ronde, mais parce qu'elle monstre quelquefois vos lettres aux autres par gloire.

  A013003226 

 J'ay sceu par monsieur d'Hostel que nostre R. Pere Recteur est bien malade, et si je croyois de luy estre utile j'irois le visiter en personne; mais puisque cela ne luy rendroit nul service, je le visiteray tous les jours en esprit, offrant le tressaint Sacrifice pour son portement.

  A013003227 

 Or, c'est a vous, mon Pere, a qui je confie ce petit message d'amitié, parce que vous m'aves donné une plus particuliere confiance en la vostre, et que je suis,.

  A013003247 

 C'est bien dit, ma Fille bienaymee; quand nous verrons mourir nos amis, pleurons les un peu, regrettons les un peu par compassion et tendreté, mais avec tranquillité et sans impatience; et faysons valoir leur deslogement pour nous preparer tout doucement et joyeusement au nostre..

  A013003247 

 Helas, il est vray, Madame ma chere Cousine, la pauvre madame de Moyron est trespassee: nous ne l'eussions pas dit le Caresme passé, il est vray.

  A013003247 

 Si la mort de Nostre Seigneur nous est propice, la nostre nous sera bonne; c'est pourquoy pensons souvent a la sienne, cherissons bien sa Croix et sa Passion.

  A013003248 

 J'ay loüé Dieu dequoy cette pauvre defuncte s'estoit retiree, ce me semble, a la devotion un peu plus cette annee derniere; car c'est un grand signe de la misericorde de [382] Dieu sur elle.

  A013003259 

 C'est nostre miel, ma chere Cousine, dedans lequel et par lequel toutes les affections, toutes les actions de nostre cœur doivent estre confites et addoucies..

  A013003259 

 Ce n'est pourtant que pour vous dire que je demande continuellement a la sainte Messe beaucoup de graces pour vostre ame, mais sur tout et pour tout l'amour divin, car aussi est-ce nostre tout.

  A013003260 

 Mon Dieu, que le royaume interieur est heureux quand ce saint amour y regne! Que bienheureuses sont les puissances de nostre ame qui obeissent a un roy si saint et si sage! Non, ma chere Cousine, sous son obeissance et dans cet estat, il ne permet point que les grans pechés habitent, ni mesme aucune affection aux plus moindres.

  A013003260 

 [383] Il est vray qu'il les laisse bien aborder les frontieres affin d'exercer les vertus interieures a la guerre et les rendre vaillantes, et permet que les espions, qui sont les pechés venielz et les imperfections, courent ça et la parmi son royaume; mais ce n'est que pour nous faire connoistre que sans luy nous serions en proye a tous nos ennemis..

  A013003261 

 C'est pourquoy tenons nous bien a Dieu par la continuation de nos exercices: que ce soit le gros de nostre soin, et le reste, des dependances.

  A013003261 

 Humilions-nous fort, ma chere Cousine, ma Fille; advouons que si Dieu ne nous est cuirasse et bouclier, nous serons incontinent percés et transpercés de toute sorte de pechés.

  A013003274 

 Je receus il y a quelque tems une de vos lettres, que je cheris fort parce qu'elle porte tesmoignage de la confiance que vous aves en mon affection, qui aussi vous est entierement acquise, vous n'en deves nullement douter.

  A013003275 

 L'inquietude que vous aves a l'orayson et laquelle est conjointe avec un grand empressement pour treuver quelque objet qui puisse arrester et contenter vostre esprit, suffit elle seule pour vous empescher de treuver ce que vous cherchés.

  A013003276 

 C'est pourquoy il s'en faut garder en toutes occasions, et particulierement a l'orayson..

  A013003276 

 Il fait semblant de nous eschauffer au bien, mais ce n'est que pour nous refroidir, et ne nous fait courir que pour nous faire chopper.

  A013003276 

 Je ne sçay pas les remedes dont vous deves user, mais je pense bien que si vous pouves vous empescher de l'empressement, vous gaigneres beaucoup; car c'est l'un des plus grans traistres que la devotion et vraye vertu puisse rencontrer.

  A013003277 

 Et n'oubliés jamais de porter a l'orayson cette consideration: c'est qu'en icelle on s'approche de Dieu et on se met en sa presence pour deux raysons principales..

  A013003277 

 Et pour vous ayder a cela, resouvenes-vous que les graces et biens de l'orayson ne sont pas des eaux de la terre, mais du Ciel, et que partant, tous nos effortz ne les peuvent acquerir, bien que la verité est qu'il faut s'y disposer avec un soin qui soit grand, mais humble et tranquille.

  A013003278 

 Combien de courtisans y a-il qui vont cent fois en la presence du Roy, non pour luy parler ni pour l'ouyr, mais simplement affin d'estre veus de luy et tesmoigner par cette assiduité qu'ilz sont ses serviteurs? Et cette fin de se presenter devant Dieu, seulement pour tesmoigner et protester de nostre volonté et reconnoissance a son service, elle est tres excellente, tres sainte et tres pure, et par consequent de tres grande perfection..

  A013003278 

 La premiere est pour rendre a Dieu l'honneur et l'hommage que nous luy devons, et cela se peut faire sans qu'il nous parle, ni nous a luy; car ce devoir se fait, reconnoissant qu'il est nostre Dieu et nous, ses viles creatures, et demeurant devant luy prosternés en esprit, attendant ses commandemens.

  A013003279 

 La seconde cause pour laquelle on se presente devant Dieu, c'est pour parler avec luy et l'ouyr parler a nous par ses inspirations et mouvemens interieurs; et ordinairement cela se fait avec un playsir tres delicieux, parce [386] que ce nous est un grand bien de parler a un si grand Seigneur, et quand il respond, il respand mille bausmes et onguens pretieux, qui donnent une grande suavité a l'ame..

  A013003280 

 En cette sorte, nous ne nous empresserons point pour luy parler, puisque l'autre occasion d'estre aupres de luy ne nous est pas moins utile, ains peut estre beaucoup plus, encor qu'elle soit un petit moins aggreable a nostre goust..

  A013003280 

 Une autre fois nous serons tout esbahis qu'il nous prendra par la main, et devisera avec nous, et fera cent tours avec nous es allees de son jardin d'orayson; et quand il ne le feroit jamais, contentons-nous que c'est nostre devoir d'estre a sa suitte et que ce nous est une grande grace et un honneur trop plus grand qu'il nous souffre en sa presence.

  A013003282 

 Quant a la crainte que vous aves que vostre pere ne vous face perdre le desir d'estre Carmeline par la trop grande distance de tems qu'il vous veut prefiger pour executer vostre souhait, dites a Dieu: Seigneur, tout mon desir est devant vous, et le laissés faire; il maniera le cœur de vostre pere et le contournera a sa gloire et a vostre prouffit.

  A013003294 

 Les arondelles, pour fuir les rigueurs de l'hiver, font passage aux regions plus douces; mais c'est avec un instinct naturel et perpetuelle inclination de retourner es contrees de leur origine [389] quand l'amenité du printems les y invitera.

  A013003294 

 Vous estes obligés de m'oüir, car je veux implorer par icelles vostre justice et æquité contre tant de calomnies et injures desquelles mes concitoyens m'ont chargé despuis ma sortie, c'est a dire des un mois en ça..

  A013003296 

 C'est bien parlé, car ilz m'ont fort souvent veu les larmes aux yeux et les plaintes a la bouche sur le malheur de leurs ames qui fuyent si esperduement leur salut et se precipitent a la perdition.

  A013003308 

 Et ce pendant, puisque la petite que j'ay au Puis d'Orbe n'est point portee a la Religion, je vous veux ramentevoir la priere que je vous fis de la retirer en [391] ce cas la, et vous supplie de rechef de luy faire cest honneur, et a moy.

  A013003320 

 Je m'en treuve tant, que cela seul suffit pour me persuader que c'est de la part de Nostre Seigneur; car il n'est pas possible, ce me semble, que tout le monde ensemble m'en peut tant donner, au moins je n'en ay jamais tant apperceu chez luy.

  A013003321 

 C'est aujourdhuy la feste de tous les Saintz; et faysant l'Office a nos Matines solemnelles, voyant que Nostre Seigneur commence les beatitudes par la pauvreté d'esprit et que saint Augustin l'interprete de la sainte et tres desirable vertu de l'humilité, je me suis resouvenu que vous m'avies demandé que je vous envoyasse quelque [392 a ] chose d'icelle, et il m'est advis que je ne l'aye pas fait en ma derniere lettre, quoy que bien ample et peut estre trop longue.

  A013003321 

 Et sur cela, Dieu m'a donné tant de choses pour vous venir escrire, que si j'avois asses de loysir, il m'est advis que je dirois merveilles..

  A013003322 

 Mais aux vefves appartient sur tout l'humilité; car, qui peut enfler la vefve d'orgueil? Elle n'a plus son integrité (laquelle neanmoins peut estre contreschangee par une grande humilité viduale; et est bien mieux d'estre vefve avec force huile en sa lampe que d'estre vierge sans huile ou avec peu d'huile), ni ce qui donne le plus haut prix a ce sexe selon l'estime du monde; elle n'a plus son mari, qui estoit son honneur et duquel ell'a pris le nom.

  A013003322 

 Premierement, ma chere Seur, il m'est venu en memoire que les Docteurs donnent aux vefves pour leur plus propre vertu la sainte humilité.

  A013003323 

 Et qui sont les vefves vrayement vefves, sinon celles qui le sont de cœur et d'esprit, c'est a dire qui n'ont leur cœur marié avec aucune creature? Nostre Seigneur ne dit pas aujourdhuy: Bienheureux ceux qui sont netz de cors, mais de cœur, et ne loüe pas les pauvres, mais les pauvres d'esprit.

  A013003323 

 O que c'est une belle fleur que la vefve chrestienne! Petite et basse par humilité, elle n'est guere esclattante aux yeux du monde, car elle les fuit et ne se pare plus pour les attirer sur soy.

  A013003323 

 Qu'est ce a dire vefve, sinon destituee et privee, c'est a dire miserable, pauvre, chetifve? Celles, donques, qui sont pauvres, miserables et chetifves en leur esprit et en leur cœur sont louables; et tout cela veut dire celles qui sont humbles, desquelles Nostre Seigneur est le protecteur..

  A013003324 

 Mais qu'est ce qu'humilité? Est ce la connoissance de cette misere et pauvreté? Oüy, dit nostre saint Bernard, mais c'est l'humilité morale et humaine.

  A013003324 

 Qu'est ce donques que l'humilité chrestienne? C'est l'amour de cette pauvreté et abjection, en contemplation de celle de Nostre Seigneur.

  A013003325 

 Je me glorifie en mes infirmités, dit l'Apostre, et: Il m'est mieux de mourir [392 c ] que de perdre ma gloire.

  A013003325 

 Les hommes regardent ce qui est dehors, mais Dieu regarde le cœur.

  A013003325 

 Soyés douce et affable avec un chascun, hors-mis a ceux qui voudront vous oster vostre gloire, qui est vostre misere, vostre viduité parfaitte.

  A013003326 

 Cette humilité conserve la chasteté; c'est pourquoy, aux Cantiques, cette belle ame est appellee le lys des vallees.

  A013003327 

 J'auray plus tost dit charitablement; car la charité, dit saint Bernard, est joyeuse, et c'est après saint Paul.

  A013003327 

 Je le répété souvent parce que c'est la clef de ce mystere pour vous et pour moy.

  A013003328 

 Tenes vous cette annee bien ferme en la méditation de'la Vie et Mort de Nostre Seigneur: c'est la porte du Ciel.

  A013003329 

 Mocqués vous de luy et le laissés faire; ne contestés point, mais faites luy la nique, car [392 d ] tout cela n'est rien.

  A013003329 

 Nostre ennemy est un grand clabaudeur; ne vous en mettes nullement en peyne, car il ne vous sçauroit nuire, je le sçai bien.

  A013003330 

 C'est que je crains l'esprit de contrainte et de melancholie.

  A013003376 

 Ce n'est pas de ce jourdhuy que ce corps a recherché et obtenus de semblables faveurs de voz predecesseurs, non sans grande edification de tout le peuple, de veoir un principal Evesque s'acquiter dignement d'une si digne charge en la principale chaire de la Savoye.

  A013003395 

 Pour ce que vous desirez, que ce qui est de vostre diocese estant soubs l'obeissance du Roy soit uni au corps du clergé de ce royaume, je le treuve fort juste et mi empleiray de tout mon credit; mais je croy quil seroit a propos que vous m'en envoyassiez une requeste addressante auxdit (sic) sieurs du clergé.

  A013003396 

 Madame de Chantal, nostre chere et bonne Sœur, n'est point ici; je luy feray rendre voz lettres en toute asseurance.

  A013003414 

 Comme j'estois en cest endroit, monsieur Rogex m'est venu advertir de la venue de Monsieur et quil est sur le poinct de partir pour [398] passer outre; qui sera la cause que je ne vous feray ceste plus longue, sinon pour vous dire que l'on n'a poinct de nouvelles de la santé de Son Altesse despuis mercredy dernier, qu'on fut adverty que son acces dernier avoit esté moindre que les autres..

  A013003415 

 Monsieur d'Albigny est tousjours a Lansbourg; ma maistresse, tousjours travaillee de son enflure, neanmoins bien resjouie de vous voir resolu a la favoriser, soit qu'elle face filz ou fille.

  A013003428 

 Je remercie tres humblement et de tout mon cœur la divine Bonté qui m'ha fait grace de recevoir de voz nouvelles, et de ce que [399] la main d'iceluy, qui est Episcopus animarum nostrarum, opere par vostre moyen.

  A013003429 

 Si est il que apres ce remerciement, je me ressent (sic) bien obligé à vous, Monseigneur, mesmes qu'avec ceste singuliere affection qu'il vous ha pleu me conserver, j'espere par voz saints Sacrifices estre offert à Dieu, au quel mon aage me talonne à chaque heure d'aspirer et me presenter.

  A013003430 

 Et comme tout cecy est derivé et plus abondamment, j'espere, derivera d'iceluy qui deit: Cum exaltatus fuero à terra, omnia trabam ad me ipsum, aussi nous preuvrons tous-jours que ceste beniste conformité de noz volontez à la divine, bourgeonne et rend le centiesme à quiconque se sacrifie entierement en holocauste à Dieu.

  A013003431 

 De voz euvres, qui sont issues contre ceux qui avoient escrit au deshonneur de la Croix, j'eusse desiré participer, tant pour soulagement de mon esprit et pour en tirer proffit, que pour en faire mention en mon Apparatus sacer; mais, possible, par quelque occasion, si Dieu plait, j'en participeray, et lors, en la seconde edition du dict Apparatus, j'en feray mention, puis que la premiere est parachevee.

  A013003432 

 Vous en fairez, apres l'avoir leu, ce que vous en jugerez mieux pour le salut des ames, soit que l'on le traduise en françois, soit que ce qui est traduit desja en françois touchant la dicte responce se mette en lumiere, ou à part, ou l'adjoustant au reste, car je vous envoye le tout..

  A013003434 

 Et s'il vous plairrà, Monseigneur, me faire donner par fois quelque nouvelle de la conversion des ames et de ce que l'on pourroit faire d'avantage pardela par le moyen de Romme et d'ailleurs, peut estre que m'essayeray d'y songer et de vous y tenir la main, si tant est que l'aage et les indispositions du corps me donnent quelques treves pour m'employer au service de Dieu et de [401] vous, Monseigneur, au quel je prie la continuelle assistence divine, et plenissimam benedictionem de cœlo desuper et de terra deorsum..

  A013003450 

 Mais comme c'est chose sur laquelle il a fallu faire plusieurs cessions et qui depend de l'advis et participation de beaucoup de personnes, cella en a retardé la resolution, que neantmoins nous envoyerons bien tost.

  A013003468 

 Son pere la laissa en enfance sous la charge de sa mere qui l'instruisit soigneusement et syncerement en toute sorte de pieté; c'est pourquoy en sa jeunesse elle conçeut le desir d'estre Religieuse, mais ses parens et alliez n'y voulurent point bailler leur consentement; et certes, la nature ne luy avoit pas baillé la force pour supporter les rigueurs de la Religion..

  A013003474 

 Alors elle luy dit: « Mon enfant (car c'est ainsi qu'elle l'appelloit), je ne vous ay jamais esté desobeyssante, je ne le veux pas estre sur la fin de ma vie; mais je vous prie bien fort de faire faire ma biere quand vous en avez le loisir, car si vous attendez à demain vous vous plaindrez du temps.

  A013003541 

 Le chef donne cette vigueur aux membres, en les animant des saintes inspirations qui découlent d'un esprit tout divin, tel qu'est le vôtre.

  A013003541 

 Monsieur de Bourges n'est pas comme cela; cependant je puis dire que de tous les Prélats qui sont en deça, il est le mieux avec ses confreres..

  A013003553 

 Je pars à mon regret, volontairement neamoins, puisque c'est pour acomplir l'obeissance que l'on m'a envoié pour aler prêcher en France.

  A013003562 

 Quant a moy, je ne sçay autre motif de vostre charité ardente, sy ce n'est que vous ayez jugé expedient que je demeurasse encor en cette terre des mourants pour faire penitence de mes offenses et me faciliter le chemin qui conduit a la terre des vivants.

  A013003563 

 Bien souvent un mal est accompagné d'un autre, comme de fait, pour mon affliction corporelle j'ay esté frustré de la consolation spirituelle que Dieu m'envoyoit par vostre ministere; car celle qu'a voulu se charger de la presente pour la vous rendre en main, vous dira que je n'ay rien fait pour le bien spirituel de son ame.

  A013003563 

 Et pour vous rendre comte en peu de mots de mon mal, la verité est que j'ay experimenté au plus fort de la maladie, qu'il y a difference [412] entre la meditation qui se fait de la mort en santé et celle qu'engendre la vraie apprehension d'une maladie jugee mortelle.

  A013003564 

 Et s'il est vray qu'au besoin on fait preuve asseuree de l'amitié, je puis dire qu'a cette occasion je suis grandement obligé a la ville de Chambery, mais en premiere instance a vous, Monseigneur, qui, de grace speciale, m'avez offert ce que la raison ne me permettoit esperer ou desirer: vostre presence et vous mesme.


14-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIV-Vol.4-Lettres.html
  A014000018 

 — Humilité et désintéressement de François de Sales; c'est la volonté du Pape qui lui manifestera la volonté de Dieu. 21.

  A014000025 

 — C'est surtout sur les petits lacs d'eau douce que la barque du Saint se plaît à voguer. 29.

  A014000026 

 Différend entre les chanoines du Chapitre de Saint-Pierre et les Augustins de Seyssel; pour le régler, une entrevue est proposée par le Saint.

  A014000028 

 — Il n'est pas toujours possible ni à propos de fuir, mais il est toujours nécessaire de combattre avec opiniâtreté.

  A014000031 

 Le Saint n'est «point homm'extreme;» il espère obtenir davantage de Rose Bourgeois par une entrevue.

  A014000036 

 Election d'un prieur au couvent des Dominicains d'Annecy; l'élu est prié avec une aimable insistance d'accepter cette charge. 42.

  A014000038 

 — Ne s'astreindre «que tout bellement» aux exercices de piété, est chose conseillée en certains cas.

  A014000038 

 — Qu'il est permis de se plaindre à Dieu, et à quelle condition.

  A014000044 

 La Baronne est prévenue que le Saint est aux «portes» de Monthelon. 48.

  A014000049 

 Servir Dieu où l'on est.

  A014000049 

 — Le labeur patient n'est jamais stérile devant Dieu.

  A014000050 

 — Dieu seul est un guide indispensable.

  A014000050 

 — Sortir du monde, pour plusieurs, n'est pas toujours sortir d'eux-mêmes et de leur amour-propre.

  A014000052 

 Se résigner humblement, si, malgré tous nos efforts, notre désir n'est pas accompli.

  A014000057 

 L'insensibilité et l'indifférence religieuse: définition de l'une et de l'autre; celle-ci est un grand don de Dieu. 60.

  A014000073 

 — Obligation d'une âme qui est toute à Dieu.

  A014000075 

 — Les petites et les grandes vertus; c'est par les unes qu'on arrive aux autres.

  A014000083 

 — Ce qui conserve «nos tares.» — Désirs illusoires de changement; c'est nous-même qu'il faut changer. 82.

  A014000083 

 — Ne pas examiner ce qui est fait, mais penser à ce qui est à faire.

  A014000084 

 — Dans quel cas il est sage de payer ce qu'on ne doit pas. 83.

  A014000088 

 — Pourquoi le monde est quelquefois plus propice que le cloître à l'acquisition des vertus. 90.

  A014000095 

 Le monde «n'est qu'un vray trompeur.» — Considérations proposées à une personne qui songeait à se marier.

  A014000099 

 Après un premier «choppement,» que faire? — Comment apaiser son cœur quand il est prévenu contre le prochain.

  A014000102 

 — Que l'on ne puisse pas communier sans ouïr la Messe, c'est une opinion nullement fondée.

  A014000103 

 — Quel est le vrai esprit de Jésus. 103.

  A014000122 

 — Pourquoi la patience est nécessaire à ceux qui veulent servir les âmes.

  A014000126 

 — Absoudre, c'est donner Jésus-Christ.

  A014000127 

 Mme de Boisy est priée par son fils de consulter le médecin Marc Offredo.

  A014000133 

 — Une pauvreté qui n'en est pas une.

  A014000135 

 — Le sang du Calvaire et la clarté du Thabor; de ces deux montagnes, quelle est la plus désirable et la plus fructueuse.

  A014000139 

 — C'est un devoir pour le duc de désirer la canonisation d'un tel ancêtre et de s'employer à l'obtenir. 145.

  A014000141 

 Un chirurgien espagnol est prié de s'employer à guérir l'Abbesse.

  A014000160 

 — C'est tenter Dieu de confier l'âme d'une jeune fille à un jeune homme de mauvais naturel, avec l'espoir qu'il s'amendera.

  A014000161 

 — A quelles conditions la faiblesse n'est pas un grand mal.

  A014000162 

 «Il est dangereux de marcher au chemin des proces.» — Par quelles pratiques les âmes chrétiennes témoignent-elles de la fidélité à Notre-Seigneur. 168.

  A014000170 

 Titres et aptitudes de M. de la Thuille, frère du Saint, à remplir la charge de chevalier pour laquelle il est proposé.

  A014000170 

 — Le destinataire est prié de remettre des lettres pour faire aboutir la nomination. 176.

  A014000174 

 — De quelles vertus Notre-Seigneur est surtout amoureux.

  A014000181 

 — Quand on a pris une bonne résolution, il faut la rectifier, si elle est excessive, mais non la rompre. 187.

  A014000182 

 — «Il est vray que l'on regarde encor aux facultés.» — Le Chablais au XVII e siècle.

  A014000183 

 Quand on souffre, il est malaisé de prier.

  A014000183 

 — Il faut reprendre, quand on est guéri, ses habitudes de prière.

  A014000186 

 Ce qui est pire que la mort pour une âme de Saint.

  A014000195 

 — Une lettre où il est parlé mignardement de Celse-Bénigne. 201.

  A014000197 

 — La vérité est toujours la plus forte. 204.

  A014000198 

 — Contrairement à l'esprit du siècle, c'est aux supérieurs à gagner les inférieurs.

  A014000204 

 Le Prélat destinataire est prié de vouloir bien réconcilier un cimetière profané par un assassinat. 209.

  A014000209 

 Conseils à un jeune homme qui allait à la cour de France; à quelles âmes cette fréquentation est-elle moins dangereuse.

  A014000213 

 Dans les appointements, le Saint n'est pour personne.

  A014000224 

 La grâce d evangéliser n'est pas le privilège de tout le monde. 227.

  A014000245 

 Il n'est pas possible que vous soyes si tost maistresse de vostre ame et que vous la tenies en vostre main si absolument de premier abord.

  A014000247 

 Quand vous aures le repos, employés-le vivement, faysant le plus d'actes de douceur que vous pourres et es occasions les plus frequentes que vous en ayes, pour petites qu'elles soyent; car, comme dit Nostre Seigneur, qui est fidele es petites choses, on luy confiera les grandes.

  A014000270 

 Elle a double prix en mon estime, [4] estant, comm'elle est, fort ornee, et d'un lieu que j'honnore avec une affection tres entiere..

  A014000271 

 Il m'est advis que la communion de ce saint caractere nous alliera de plus fort; mays en l'attendant, je ne laisseray de prononcer souvent en mon ame le souhait solemnel: Ad multos annos.

  A014000286 

 Le fondement de cette supplication, Sire, est a la verité bien mauvais, mais il n'en est que plus solide; car c'est leur extreme pauvreté; puisque presque tous sont si chetifz en moyens qu'ilz n'en ont que pour vivre miserablement.

  A014000286 

 Si que Vostre Majesté commandant qu'on les laysse, elle leur fera un'excellente aumosne, car elle leur donnera le repos, seule condition qui peut rendre leur disette aucunement supportable, du milieu delaquelle [je prie] Dieu quil prospere Vostre Majeste..............................................................................................qui est....................................

  A014000296 

 Parmi le jour et entre les affaires, le plus souvent que vous pourres, examinés si vostre amour est point engagé trop avant, s'il n'est point detraqué et si vous ne vous tenes pas tous-jours par l'une des mains a Nostre Seigneur.

  A014000310 

 Et pour cela, Monsieur, je vous supplie d'apprendre de Sa Majesté que c'est qu'elle penseroit faire de moy et en quoy elle desireroit m'employer, car sans doute je ne suis pas bon a beaucoup de choses; et j'ay neanmoins cette generosité de ne vouloir pas estre appliqué que pour ce que je suis et en ce que je puis, d'autant plus quand ce seroit par la gratification et grace d'un si grand Roy, lequel ne pense pas a me faire transplanter de ce pais en son royaume, abondant en toutes sortes de personnes de merite, quil ne m'estime fructueux et propre a son contentement..

  A014000311 

 C'est pourquoy, ou que je sois appellé pour le service de la gloire divine, je ne contrediray nullement d'y aller; mais sur tout en France, a l'air de laquelle ayant esté nourri et instruit, je ne puis dissimuler que je n'aye une speciale inclination, et encor plus, la voyant sous un Roy que je doys honnorer et estimer si hautement et qui m'oblige si extremement comm'il fait.

  A014000311 

 Il est vray que je suis en mon pais et entre les miens, avec une certaine suffisance qui me suffit et, ce qui m'est le plus cher, avec un repos aussi grand que ma charge le peut permettre et qui meshuy me semble asses ferme.

  A014000313 

 C'est trop dit, ce me semble, a vous, Monsieur, qui m'aymes tant et me connoisses tant, et qui sçaves entr'autres choses que je suis de tout mon cœur, Monsieur,.

  A014000329 

 Je n'ay pas creu, sur une proposition si generale comm'est celle que Sa Majesté me fait faire, de me devoir resoudre; car il se pourroit bien faire que venant a joindre et a voir le lieu ou l'occasion en laquelle on me voudroit tirer, que je me treuverois tout a fait insuffisant au service que l'on praetendroit de moy, ou quil ne seroit pas expedient que je me misse au change, dautant que les changements, a mon advis, sont tous-jours dignes de consideration pour ceux qui ne sont pas mal.

  A014000329 

 Si le sujet n'en est grand et digne, on est blasmé de legereté, et l'attirail en est tous-jours de grands frais; car il faut un peu tout dire avec vous qui aves mon cœur en main..

  A014000330 

 C'est cela qui me rend tout ceci difficile, car, pour parler en conscience, je ne merite pas l'employte de tant de misteres.

  A014000331 

 Et si je la sçai connoistre, je ne me veux divertir ni a droite m a gauche du chemin qu'elle me monstrera; car ce peu de tems que j'ay a passer ne m'est rien au prix de l'eternité.

  A014000331 

 Pour donques laysser entierement la conduite de mon sort es mains de Dieu, je ne veux ni refuser ni accepter que je ne voye et considere que c'est..

  A014000337 

 Oseray je donq bien supplier Monsieur le Reverendissime de Montpellier de me conserver ses graces, et sçavoir par ces trois lignes que je suis son tres humble serviteur? Monsieur, obliges moy de le luy dire, car il est fort vray..

  A014000346 

 Cela m'a mis en peyne, car c'est avec le tiltre de la plus grande gloire de Dieu et du service de l'Eglise.

  A014000346 

 On parle de m aggrandir, mais c'est a bon jeu, bon argent, et du costé de dela.

  A014000347 

 J'ay fait responce (car, comme je vous dis, c'est tout de bon) que j'estois tout a Dieu et que je luy dirois: Seigneur, que voules vous que je face? Entre ci et deux mois, je seray hors de cette peyne par une resolution absoluë.

  A014000351 

 Mais, avec tout cela, ceci ne sera que nostre alliance exterieure, car Celuy a l'œil duquel le fond de mon cœur est ouvert, sçait bien que le lien interieur duquel il joint mon esprit au vostre est totalement independant de tous ces accidens, qui ne peuvent ni adjouster ni diminuer a cette intime et tres pure affection et union que Dieu a fait en nous..

  A014000360 

 Tenés pour tout asseuré que je pense fort au soin de vostre ame, laquelle m'est chere, pretieuse et aymable comme la mienne propre, et je ne la tiens que pour une mesme.

  A014000369 

 Je verray dans peu de jours mes cousines a Sainte Catherine, ou je leur offriray tout ce qui est en mon [16] pouvoir; mais elles ont un si bon pere et une si bonne mere, que le reste des parens n'ont nul sujet de les servir.

  A014000375 

 La bonne madame de Charmoysi est malade d'une grande descente, et je m'en vay tout maintenant la voir, si cela ne l'incommode point..

  A014000386 

 Je croy que le desir que vous aves de vouer vostre chasteté a Dieu n'a pas esté conceu en vostre ame que premierement vous n'ayes longuement consideré son importance: c'est pourquoy j'appreuve que vous le facies, et le jour de Pentecoste mesme.

  A014000387 

 Considerés combien la sainte chasteté est une vertu aggreable a Dieu et aux Anges, ayant voulu qu'elle fust eternellement observee au Ciel, ou il n'y a plus aucune sorte de playsirs charnelz ni de mariages.

  A014000388 

 Considerés combien cette vertu est noble, qui tient nos ames blanches comme le lys, pures comme le soleil; qui rend nos cors consacrés et nous donne la commodité d'estre tout entierement a sa divine Majesté, cœur, cors, esprit et sentimens.

  A014000388 

 N'est ce pas un grand contentement de pouvoir dire a Nostre Seigneur: Mon cœur et ma chair tressaillent de joye en vostre Bonté, pour l'amour de laquelle je quitte tout amour et pour le playsir de laquelle je renonce a tous autres playsirs? Quel bonheur de n'avoir point reservé de delices mondaines pour ce cors, affin de donner plus entierement son cœur a son Dieu!.

  A014000392 

 Mais bien que cela soit utile, il n'est pas necessaire.

  A014000392 

 Vous communieres sur cela, et pourres dire a Nostre Seigneur que vrayement il est vostre Espoux..

  A014000393 

 Mais parles-en a vostre confesseur; car s'il vous ordonnoit de ne le faire pas, il le faudroit croire, puisque, voyant l'estat present de vostre ame, il pourra mieux juger ce qui est expedient que moy..

  A014000405 

 C'est un martyre continuel que celuy de la multiplicité des affaires; car, comme les mouches font plus de peyne et d'ennuy a ceux qui voyagent en esté que ne fait le voyage mesme, ainsy la diversité et la multitude des affaires fait plus de peyne que leur pesanteur mesme..

  A014000420 

 J'escrivis il y a quinze jours a nostre grand amy, et luy addressay une lettre pour Sa Majesté, que je remerciois, suivant le conseil que vous me donnes avant que je l'eusse receu; tant mon affection, qui est vostre, a de pouvoir de tirer mon esprit a quelque conformité du vostre, duquel, en toutes parties, il est au demeurant inferieur..

  A014000422 

 Pour Ihonneur que Sa Majesté me fait, je l'admire d'autant plus que je ne vois rien en moy qui n'en soit extremement indigne, et ne doute point que vostre bienveuillance en mon endroit et celle de nostre amy ne soyent le seul vent qui enfle la voyle de ma barque pour la porter en cette haute mer, en laquelle, si Dieu me fait passer, ce ne sera pas sans un grand danger, puisqu'elle n'est pas pour les eaux salees de l'Ocean, mais pour nos petitz lacs d'eau douce..

  A014000423 

 Monsieur vostre cousin m'arrache cette lettre d'entre les mains, car il veut partir et il est tard.

  A014000435 

 Que si c'est a rayson de la cure, je puis y donner de l'ordre moy mesme, et le feray tous-jours convenablement quand il vous plaira..

  A014000436 

 Mais les causes estant ostees, tous ombrages, soupçons et rapportz cesseront, et, comme nous devons, et l'un et l'autre des cors s'entretiendront par une sainte charité a cooperer l'un a l'autre pour le service du cors general de Jesuschrist qui est l'Eglise..

  A014000455 

 Il est vray, je desire fort que quand vous penseres tirer de la consolation en m'escrivant, vous le facies avec confiance.

  A014000458 

 Helas! ma chere Fille, il luy faut pardonner; ce n'est pas par infidélité qu'il manque, c'est par infirmité.

  A014000459 

 Ce que nous faysons pour nostre salut est fait pour le service de Dieu, car Nostre Seigneur mesme n'a fait en ce monde que nostre salut.

  A014000471 

 Le desir de vous esloigner des causes n'est pas a propos au train auquel nous sommes, car il fait abandonner [28] le vray soin de combattre.

  A014000471 

 Or, ce dernier nous est necessaire, tandis que le premier est impossible.

  A014000473 

 Or sus donq, ma bonne Fille, vous voyla affligee comme il faut pour bien servir Dieu, car les afflictions sans abjection enflent bien souvent le cœur en lieu de l'humilier; mais quand on a du mal sans honneur, ou que le deshonneur mesme, l'avilissement et l'abjection sont nostre mal, que d'occasions d'exercer la patience, l'humilité, la modestie et la douceur de cœur! Le glorieux saint Paul s'esjouyt, et d'une humilité saintement glorieuse, dequoy il est, avec ses compaignons, estimé comme les ballieures et racleures du monde..

  A014000477 

 Ne me faites point de preface pour m'escrire, car il [29] n'est nul besoin de cela, puisque je suis avec tant de volonté dedié a vostre ame.

  A014000488 

 Petitionis ratio est quia plerosque adhuc in diocæsi habemus haereticos qui quotidie, tum publicis concionibus, tum privatis colloquiis, ad Ecclesiae caulas redeunt, et quia cominus, non solum cum haereticis, sed cum haereticorum magistris pugnare, et mihi interdum et aliis [31] etiam per diocaesim concionatoribus contingit, quod sine prohibitorum librorum lectione vix fieri posse, nemo peritus dixerit.

  A014000500 

 C'est pourquoi, je supplie Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie de vouloir bien proroger en ma faveur cette permission.

  A014000508 

 C'est encor vitement que je vous escris a cett'heure, ma chere Fille, que j'aime tendrement et incomparablement en Nostre Seigneur.

  A014000510 

 Entr'autres choses, il me vint en l'esprit ce qui est dit de Bala, servante de Rachel, qu'ell'enfantoit ses enfans sur les genoux et dans le giron de sa dame, et les enfans n'estoyent plus siens, mais de Rachel sa dame; et me sembloit que si nous mettions, par une juste confiance, nos cœurs et nos affections sur les genoux et dans le giron de Nostre Dame, qu'ilz ne seront plus nostres, mais a elle: cela me consoloit beaucoup.

  A014000510 

 Il m'est venu de vous dire cela et je vous l'ay dit.

  A014000510 

 O Dieu j'avois une certaine chaude suavité a vous colloquer dans ce giron sacré et dire a Nostre Dame: Voyla vostre fille, de laquelle le cœur vous est entierement voué.

  A014000511 

 Je demanday voirement a Jan si nostre chere Marie bienaymee portoit le moule, mais je n'y entendois nul mal; car vous sçaves bien que j'ayme les testes bien moulées, et si cette petite teste est moulée par la vostre, je l'en cheriray davantage.

  A014000512 

 Au demeurant, il est fort desireux de servir Dieu.

  A014000512 

 Il est admirable en ces affections auxquelles, comme vous voyes, il s'abbandonne totalement, et n'est importun qu'a force d'affectionner.

  A014000512 

 Je veux dire que vous ne permetties point que monsieur vostre beaupere en soit importuné, sil n'est pas a propos pour ce service la.

  A014000512 

 Le Pere de Monchi vous fut envoyé, tout ainsy que je vous escrivis: c'est a dire, Thibaut luy parla d'aller servir vostre chapelle, et puis ilz m'en parlerent; et me resouvenant que vous aviés peyne d'en treuver, je consentis qu'il allast et vous escrivis.

  A014000513 

 Il est fort entendu aux cas de conscience, pour le peu de doctrine qu'il a; mais par ce qu'il n'a pas le discernement si delicat quil seroit requis, ne vous amusés point a ses advis.

  A014000513 

 Je ne me resouvins pas de vous escrire que ce bon Pere a une certaine inclination aux exorcismes, laquelle ne me plait point, car il est trop simple et credule pour cela.

  A014000513 

 Vous voyes bien sil est simple; je luy escris quil face la vie douce et devote.

  A014000514 

 Il ne faut pas que les femmes ni les filles ministrent a l'autel, mais elles peuvent bien respondre; c'est a dire, elles ne doivent pas ni prendre le livre ni donner les burettes.

  A014000514 

 Je vous ay des-ja escrit que vous pouvies accommoder les corporaux apres que le prestre les auroit lavé en deux eaux, et qu'il n'est pas besoin de les rebenir pour s'en servir apres.

  A014000516 

 C'est hors de confession que je parle, car en confession je la voy tous les huit jours pendant l'absence de son mari.

  A014000517 

 O Dieu, ma Fille, que ce cœur est vostre, puisque Dieu l'a voulu et le veut; Qu'a jamais son nom soit beni! Amen..

  A014000529 

 Que je seray marri si les bons projetz de la reformation du Puys d'Orbe s'esvanouissent comme cela! Si est ce pourtant que si l'esperance que j'ay d'aller en Bourgoigne n'est point vayne, je me resoulz d'aller jusques la pour voir ce que c'est.

  A014000530 

 C'est grand cas; je pense tous-jours que si je la voy a souhait avec toute sa trouppe, si nous ne faysons pas tout ce qui seroit desirable, nous en ferons quelque chose; car j'ay quelque confiance en la confiance qu'ell'a en moy, qui aussi la cheris d'un amour fort particulier en Nostre Seigneur..

  A014000531 

 Est ce bien une vraye impatience, ou sont ce point seulement des repugnances naturelles? Mais puisque vous la nommés impatience je la tiendray pour telle, et en attendant de vous en parler plus amplement a bouche devant que l'automne se passe, je vous diray, ma chere Seur, en esprit de liberté, qu'a ce que j'ay reconneu de vous par vos lettres, plus que par le peu de conversation que j'ay eu avec vous, vous aves un cœur qui s'attache puissamment aux moyens de vostre praetention.

  A014000531 

 Or, je dis que vous vous attachés puissamment aux moyens que vous goustés et voudriés tout reduire la; c'est pourquoy vous aves de l'inquietude quand on vous empesche ou qu'on vous distrait..

  A014000532 

 Et croyes moy, tout ce qui est contraire a cet advis n'est autre chose qu'amour propre..

  A014000532 

 Le remede seroit de prendre la peyne de vous bien persuader et bien detremper vostre esprit en ce sentiment: c'est que Dieu veut que vous le servies ainsy comme vous estes, et par les exercices convenables a cet estat et par les actions qui en dependent; et en suite de cette persuasion, il faut que vous vous rendies tendrement amoureuse de vostre estat et des exercices d'iceluy pour l'amour de Celuy qui le veut ainsy.

  A014000533 

 Quand a la sainte Communion, j'appreuve que vous continuies a la desirer fort frequente, pourveu que ce soit avec la sousmission que vous deves avoir a vostre confesseur, qui void l'estat present de vostre ame et est si digne personnage..

  A014000534 

 Cette varieté en laquelle vostre esprit se void en l'orayson et hors de l'orayson, tantost fort, tantost foible, tantost regardant le monde avec playsir, tantost avec degoust, ce n'est autre chose qu'un sujet que Dieu vous laysse de vivre bien humblement et doucement, car vous voyes, par ce moyen, quelle vous estes de vous mesme et quelle avec Dieu; de sorte que vous ne deves nullement vous en descourager pour cela..

  A014000535 

 Il n'est ja besoin que madame nostre chere seur l'Abbesse m'envoye un homme pour me fair'avoir de ses nouvelles ni pour sçavoir comm'elle me pourra voir; car si je fay mon voyage, comme j'espere, je vous advertiray [40] asses tost devant mon despart pour tout cela.

  A014000550 

 Verum est Genevae fabricari libellos multos pestilentissimos, sed quod Sabaudi nostri eos legant, nullo modo verum est..

  A014000556 

 Mais la vérité, la voici: dans la visite générale de mon diocèse, que j'ai presque achevée, sans laisser aucune paroisse, je n'ai trouvé absolument aucun hérétique dans les paroisses qui n'ont pas été occupées par les Bernois et les [42] Genevois, ni aucun livre prohibé, si ce n'est quelques vieux ouvrages restés ensevelis, soit pure indifférence, soit mépris, dans la poussière de quelque maison.

  A014000556 

 Oui, à Genève, des libelles très corrupteurs se fabriquent en nombre; mais que nos Savoisiens les lisent, cela n'est nullement vrai..

  A014000558 

 Je vous en supplie donc, Illustrissime Seigneur, daignez me conserver la consolation joyeuse dont j'ai tant besoin dans cette province si éprouvée; cette joie dépend de la certitude que le Saint-Siège n'est pas affligé de ma conduite et que je ne suis pas exclu de la bienveillance ordinaire accordée à ses inférieurs.....................................[43].

  A014000569 

 Or sus,... [mon] frere de Groysi n'est pas....

  A014000571 

 Or sus, je verray encor nos vefves avec vous, ou a Dijon: comment? O ma Fille, ne sommes nous pas bienheureux de ne praetendre rien moins qu'a Dieu? Mais monsieur le Conte est il tout a fait mort, que je ne sçai ou il est, ni ce quil fait?.

  A014000586 

 Vous devés vous en resjouir par ce que la piece que nous avons gaignee est importante, mais specialement par ce que, comme vous avies receu de luy l'instruction de la philosophie, ainsy quil m'a dit, aussi vous avés beaucoup cooperé par vos lettres a sa reduction en l'Eglise; et si, vous m'aves beaucoup obligé, l'asseurant que je le servirois en ce dessein-la..

  A014000587 

 Dieu soit a jamais beni de la chaleur amoureuse duquel nul n'est esconduit ni caché.

  A014000606 

 Ce m'est tous-jours beaucoup d'honneur et de consolation de recevoir par vos lettres les tesmoignages que vous me donnes de la continuation de vostre bienveuillance en mon endroit.

  A014000623 

 Je me prometz bien que l'amitié que vous me portés intercedera encor pour moy en cett'occasion; c'est pourquoy, finissant, je prieray Nostre Seigneur quil vous prospere et inspire a nostre consolation, demeurant,.

  A014000639 

 La bienheureuse Angeline de Foligni disoit que Nostre Seigneur luy avoit revelé quil n'avoit nulle sorte de bien tant aggreable que celuy qui luy estoit fait par force; c'est a dire, que celuy qu'une volonté bien resolue luv fait contre les alanguissemens de la chair, les repugnances de la partie inferieure, et au travers des secheresses, tristesses et derelictions interieures.

  A014000649 

 Il faut sur toutes choses, ma chere Fille, procurer cette tranquillité, non point parce qu'elle est mere du contentement, mais parce qu'elle est fille de l'amour de Dieu et de la résignation de nostre propre volonté.

  A014000649 

 Mon Dieu, ma chere Fille, que nous serions saintz et aggreables a Dieu si nous sçavions bien employer les sujetz de nous mortifier que nostre vocation nous fournit, car ilz sont plus grans sans doute qu'entre les Religieux; le mal est que nous ne les rendons pas utiles comme eux..

  A014000652 

 Maintenant, ma chere Fille, vostre Bienaymé vous est un bouquet de myrrhe; ne laissés pas de le bien serrer sur vostre poitrine.

  A014000652 

 Mon Bienaymé est a moy, et moy a luy; tous-jours il sera dans mon cœur.

  A014000663 

 Oüy, ma tres chere Fille, de bon cœur je rendray a la mayson de la Flechere le nom de François, qui me fut donné au saint Baptesme par monsieur le Prieur de la Flechere, vostre oncle et mon bon parrein; mais si c'est une fille, nous en ferons une bonne Religieuse..

  A014000688 

 Ayés beaucoup d'humilité, car c'est la vertu des vertus, mais humilité genereuse et paisible..

  A014000689 

 Conservés un esprit d'une sainte joye qui, modestement respandue sur vos actions et paroles, donne de la consolation aux gens de bien qui vous verront, affin qu'ilz en glorifient Dieu qui est nostre unique pretention.

  A014000689 

 Et puisque vous ne sçauries plus exercer vostre cors en aucune mortification et aspreté de penitence et qu'il n'est nullemenc expedient que vous y pensies, ainsy que nous demeurasmes d'accord, tenes vostre cœur bien rangé devant son Sauveur et faites, le plus que vous pourres, ce que vous feres pour plaire a Dieu, et ce que vous aures a souffrir selon la condition de cette vie, souffres le a mesme intention; car ainsy Dieu vous possedera toute et vous fera la grace que vous le possederes un jour eternellement, dont je le supplieray toute ma vie, ma tres chere Fille, et seray de tout mon cœur,.

  A014000712 

 A mesure que je m'esloigne de vous selon l'exterieur, mon esprit retourne plus frequemment ses yeux du costé [58] du vostre, d'avec lequel il est inseparable, et je ne manque point d'invoquer tous les jours la bonté de nostre Sauveur sur vous et la soigneuse assistance de vostre bon Ange pour la conservation de vostre cœur, auquel d'une ardeur nompareille, je souhaitte toutes les plus desirables faveurs du Ciel, et sur tout cette inviolable fidelité au saint amour que vous aves voué par tant de resolutions au cœur debonnaire de ce doux et cher Jesus.

  A014000727 

 C'est luy qui me rend si uniquement.

  A014000739 

 Helas! je regrette sans doute tant d'incommodités qui s'opposent a nos desirs; mais faysant ce qui est en nous, doucement et constamment, ce bon Dieu suppleera au reste et vous consolera de son assistence speciale..

  A014000739 

 Mais que vous escriray-je donques, ma chere Fille? Rien, sinon que, a mesure que je me suis esloigné de vous corporellement, mon esprit s'est retourné plus ardemment de vostre costé pour vous souhaitter mille benedictions.

  A014000754 

 C'est pourquoy je vous veux dire que vous n'espargnies nullement ni le repos, ni les medecines, ni les viandes, ni les recreations qui vous seront ordonnees.

  A014000765 

 «De personne,» me dit elle, «mais je vous dis ce que je pense.» O Dieu, dis-je en moy mesme, aves vous donques revelé vostre secret a cette pauvre servante? Son discours me consola beaucoup, et j'iray, tant qu'il me sera possible, encourageant et soustenant cette fille, la croyant autant pieuse et studieuse qu'il est requis pour servir en nostre petit commencement.....

  A014000771 

 C'est pourquoy j'ay donné la presente a monsieur Rosetan, curé de Chavornay, affin qu'avec cette mienne [64] lettre en main, il procure et face faire ledit deputé, comme je vous en prie, jugeant que ce soit vostre mieux.

  A014000771 

 Par ce que, pour eviter l'imposition de decimes perpetuelles, les deputés de Bresse ont obtenu un arrest qui me semble asses favorable tant au clergé de Bresse qu'a vous, et qui est sorti au prouffit commun de tous les ecclesiastiques des pais eschangés, il me semble que pour concourir avec eux a l'execution dudit arrest, vous deves faire un deputé d'entre vous qui aille a Lion, pour traitter du payement des sommes convenues pour obtenir l'exemption.

  A014000803 

 C'est bien fait, sans doute, de desirer la vie a celuy que Dieu vous a donné pour conduire la vostre; mais, ma Fille, ma bienaymee, Dieu a cent moyens, je veux dire infinis moyens, pour vous guider sans cela: c'est luy qui vous conduit comme une brebis.

  A014000804 

 Plusieurs sortent du monde qui ne sortent pour cela pas d'eux mesmes, cherchans par cette sortie leurs goustz, leurs repos, leurs contentemens; et ceux ci s'empressent merveilleusement apres cette sortie, car l'amour propre qui les pousse est un amour turbulent, violent et desreglé.

  A014000804 

 Sortons du monde pour servir Dieu, pour suivre Dieu, pour aymer Dieu; et en cette sorte, tandis que Dieu voudra que nous le servions, suivions et aymions au monde, nous y demeurerons de bon cœur, car puis que ce n'est que ce saint service que nous desirons, ou que nous le facions, nous nous contenterons.

  A014000805 

 Entr'autres choses, il me dit que sainte Françoise, nouvellement canonisee, avoit esté une des plus grandes Saintes quil est possible d'imaginer, et quil avoit luy mesme escrit sa Vie en latin, par le commandement du Pape, et quil alloit a Paris pour la faire imprimer.

  A014000805 

 Mais faut-il pas que je vous die ceci, puisque j'en ay [68] esté consolé? Je rencontray a Chalons monsieur André Valladier (c'est ce grand praedicateur qui prescha apres moy, estant Jesuite): or, il me fit mille sortes d'honneurs et de caresses et me dit mille choses diverses.

  A014000805 

 Vive Dieu, ma Fille, et qu'a jamais il regne en nos cœurs! Je n'avois rien sceu de tout cela quand je vous parlois a Dijon, et a nos bonnes vefves: c'est le Saint Esprit, sans doute, qui donne ces mouvemens conformes en divers endroitz de son Eglise.

  A014000806 

 Cela me despleut infiniment; si je vay ou il est, je m'essayeray de luy en parler..

  A014000807 

 veux pour cela que des ames, et que les cors ne s'en meslent point.» Or, j'ay dit tout cela par ce quil m'est ainsy venu, et avec un'ame que je connoy et en laquelle j'ay rayson d'avoir confiance absolue.

  A014000808 

 Il est bon aussi; mais mon Dieu, ma Fille, il ne merite pas qu'on s'y affectionne.

  A014000808 

 Que dira-on? Tout cela n'est rien pour ceux qui ne voyent le monde que pour le mespriser, et qui ne regardent le tems que pour viser a l'aeternité.

  A014000809 

 Et bien, nous y ferons ce qui se pourra, et Dieu face selon son bon playsir de nous et de tout ce qui est a nous..

  A014000810 

 Nostre bon pere est venu joyeusement et a un'ame inclinee a la devotion; mais l'embaras des affaires apporte sans doute quelque sorte d'empeschement a une entiere praeparation qui luy seroit necessaire en ce declin de sa vie; mais elle se doit procurer tout bellement.

  A014000810 

 Nostre livre de devotion n'est pas encor imprimé: quand il le sera, j'en envoyeray a tous ceux a qui j'en ay promis.

  A014000813 

 A Dieu, ma chere Fille, a laquelle je suis tout donné en Celuy qui s'est tout donné a nous, affin qu'estant mort pour nous, ne vivions plus qu'a luy.

  A014000829 

 Dieu la consolera, puisqu'en luy elle a mis sa confiance; et si elle vient icy ce Caresme prochain, j'auray plus de loysir de voir en quoy je la pourray ayder et servir en cela, car quant a mon affection, elle y est toute entiere, comme aussi a vous honnorer toute ma vie, mon Reverend Pere, et demeurer.

  A014000858 

 Et puisque sa volonté est que vous soyés encor au service, et a la conduitte de vostre famille, demeurés-y en paix, avec la fidelité que vous devés a ce saint vouloir..

  A014000858 

 O ma Fille, que mon cœur est plein de bons souhaitz pour le vostre! Vous diray je bien ce sentiment? Dimanche je fis un sermon du Rosaire, parce que je suis de cette Confrerie la il y a long tems, et presque toute cette vilette en est; et d'autant que je voulois faire entendre a mon cher peuple pourquoy on appelloit le Chapelet Couronne, je fus contraint d'apporter le passage de saint Paul, auquel il appelle ses disciples, sa couronne: Demeurés ainsy, mes tres chers.

  A014000869 

 Il faut que mon cœur vous die ce mot que je dis l'autre jour a une autre vendangeuse, qui est bien de vos plus cheres cousines.

  A014000870 

 Cette liqueur pretieuse est bien plus delicieuse que le vin..

  A014000870 

 Mais quelles mammelles a cet Espoux? Ce sont sa grace et sa promesse; car il a sa poitrine, amoureuse de nostre salut, pleine de graces, qu'il distille d'heure a heure, ains de momens en momens, dedans nos espritz: et si nous voulons bien y penser, nous trouverons qu'il est ainsy.

  A014000872 

 Encor pensant, ma chere Fille, que les mammelles de l'Espoux soyent son flanc percé sur la croix, o Dieu, combien cette croix est une sep tortisse, mais bien chargee! Il n'y a qu'un seul raysin, mais qui en vaut plus que mille.

  A014000875 

 A Dieu, Madame; vivés joyeuse, puisque vous vous estes toute dediee a la joye immortelle, qui est Dieu mesme, qui veuille a jamais vivre et regner au milieu de nos cœurs Je suis en luy et par luy,.

  A014000885 

 Mais sil est sien et quil me l'ayt donné, ne le luy puis-je pas donner comme tout mien? Qu'a jamais, et le vostre qui est mien et le mien qui est vostre, puissent estre tous siens, puis que, par son immense bonté, le sien est tout nostre.

  A014000886 

 C'est ainsy que je vous cheris de toute mon ame, et suis.

  A014000903 

 Je voy donques ce que vous m'estimes, et m'est advis que cette estime vous contente beaucoup: cela, ma Fille, c'est un idole.

  A014000903 

 Or bien, ne vous fasches point pour cela; car Dieu n'est pas offencé des pechés de l'entendement, bien qu'il s'en faille garder, s'il est possible.

  A014000914 

 Il me reste a vous dire, selon le peu de loysir que j'ay, que j'appreuve infiniment l'indifference que vous avés, tant en l'affaire de Bons qu'en toutes autres, puisque c'est en contemplation [81] de la volonté de Dieu.

  A014000914 

 Mais celles qui, par un' entiere resignation en la volonté de Dieu, demeurent indifferentes, o mon Dieu, elles en doivent remercier sa divine Majesté, car c'est un grand don que celluy la.

  A014000915 

 C'est une tentation, de vray, de vous amuser en l'orayson a penser ce que vous aves a me descouvrir de vostre ame, car ce n'en est pas le tems.

  A014000916 

 C'est luy qui m'a rendu pour jamais.

  A014000934 

 Mais nous demeurasmes court au second, parce qu'encor que plusieurs d'entre vous, animés d'une sainte devotion, donnassent leur parole devant Dieu de contribuer, si est ce que plusieurs aussi n'entrerent pas en cette si digne deliberation selon leur devoir; et pour tous il se treuva la difficulté de l'exaction, qui est neanmoins la piece la plus requise a l'execution, et a faute de laquelle tout a cessé, comme il appert..

  A014000935 

 Il est vray que, comme en toutes les choses de ce monde il y a tous-jours moyen de faire naistre des difficultés, aussi se pourra-il faire qu'en celle-ci quelques uns en pourront susciter.

  A014000936 

 Donnés donq, je vous prie, cette satisfaction a mon ame qui est vostre, ce bon exemple aux autres, cette douceur a vostre vie et cette consolation a vostre posterité, que par des dissensions et varietés de conceptions, une si bonne œuvre ne soit point remise ni divertie.

  A014000941 

 Je m'essayeray de vous procurer un meilleur predicateur que celuy qui vous prescha l'annee passee, et cela ne me sera pas difficile, bien qu'il est impossible que jamais vous en ayes un plus affectionné.

  A014000979 

 Mais tout cela s'est passé si paysiblement et si chrestiennement, que j'en suis tout a fait edifié et consolé..................................................................................................

  A014000987 

 Non point que ce soit grand peché, car tout au plus il n'est que veniel; mais par ce que ce sera plus d'edification pour toute vostre compaignie et plus de satisfaction pour vostre ame, si vous vous retires demi heure devant souper pour dire vos Vespres, faysant paroistre que cela est vostre cher ouvrage et vostre besoigne bienaymee.

  A014000987 

 Vous faites dignement de donner a monsieur vostre frere toute la satisfaction que vous pouves, puisqu'il vous tesmoigne tant de son amitié, et, puisqu'il le desire, c'est bien fait de vous tenir tout le jour occupee aux ouvrages.

  A014000988 

 Soyes tous-jours bien devote, ma chere Niece, et croyes que c'est le seul moyen de recevoir toute consolation pour cette vie et pour l'autre.

  A014001006 

 Vous sçaves que c'est le jour de ma consecration episcopale.

  A014001016 

 Mon frere, qui va la, vous dira peut estre que je vous [91] cheris et honnore bien fort; mais vous croiries peut estre bien aussi qu'il me feroit ce bon office par charité, et je desire que vous sçachies que c'est mon cœur qui a vrayement ce sentiment-la: c'est pourquoy je l'escris ainsy de ma main et de mon cœur..

  A014001017 

 Mais dites-moy donq, Madamoyselle, je vous supplie l'amour de Dieu regne-il pas tous-jours en vostre ame? N'est-ce pas luy qui tient les resnes de toutes vos affections et qui dompte toutes les passions de vostre cœur? Oh je n'en doute nullement; mais, Madamoyselle, il faut que vous permetties a un esprit qui vous ayme cherement, de vous demander ce qu'il sçait, pour le playsir qu'il prend d'ouyr dire et redire vostre bonheur.

  A014001027 

 Helas, ma Fille, que c'est un dur passage a mon esprit, de passer de ce mariage a la dissolution de celuy que la pauvre damoyselle de Bareul avoit fait avec son Dieu! [93] La pauvrette se veut donques perdre avec son mary.

  A014001028 

 Il est vray que nous les devons regretter, et souspirer pour elles comme David sur son Absalon pendu et perdu..

  A014001030 

 Il n'est pas encores receu a l'Eglise, et m'a donné esperance que ce sera moy qui le recevray.

  A014001031 

 Despuis j'ay tous-jours dit que qui presche [96] avec amour presche asses contre les heretiques, quoy qu'il ne die un seul mot de dispute contre eux; et c'est pour dire qu'en general, tous les escritz des Peres sont propres a la conversion des heretiques..

  A014001031 

 Estant a Paris et preschant en la chapelle de la Reyne, du jour du Jugement (ce n'est pas un sermon de dispute), il se treuva une damoyselle, nommee madamoyselle Perdreauville, qui estoit venue par curiosité; elle demeura dans les filetz, et sur ce sermon prit resolution de s'instruire, et dans trois semaines apres, amena toute sa famille a confesse vers moy et fus leur parrein a tous en la Confirmation.

  A014001046 

 C'est grand cas, ma chere Fille, que nul ne m'escrit de vous, ni de Dijon, ni de Bourbilly, sinon l'autre jour madame de Chantal qui me dit qu'elle vous iroit voir.

  A014001049 

 Mon frere le chanoyne n'est pas icy; je m'asseure quil vous escriroit; car et luy et toute nostre mayson est dedié a vostre service..

  A014001101 

 Le tems que nous determinons de donner a Dieu en l'orayson, donnons le luy avec nostre pensee libre et desoccupee de toutes autres choses, avec resolution de ne jamais le reprendre, quelz que travaux qui nous en arrivent, et tenons un tel tems pour chose qui n'est plus a nous; et encor que vous y senties vostre misere, ne vous troubles point, ains soyes en joyeuse, pensant que vous estes une vrayement bonne besoigne pour la misericorde de Dieu.

  A014001104 

 C'est vostre Espoux.

  A014001108 

 Faites vous fort petite a vos yeux: c'est la vraye grandeur des vefves..

  A014001110 

 Il est bon de representer ses necessités a Dieu par un simple regard, et l'invoquer au commencement de toutes vos actions.

  A014001110 

 Penses que le doux Sauveur est assis dans vostre cœur comme en son throsne, et le regardés souvent, vous humiliant fort devant luy..

  A014001116 

 Je vous dis de mesme: Cette miserable vie n'est qu'un acheminement a la bienheureuse; ah! ne nous courrouçons peint en chemin, allons avec nos compaignes, doucement et paisiblement.

  A014001118 

 Bref, resouvenes vous que l'espouse de Nostre Seigneur est appellee Sulamite, c'est a dire paisible, et que dessous sa langue est le lait et le miel; en ses levres, le rayon distillant, comme il est dit au Cantique Saint Paul nous apprend de vaincre le mal, et non [105] seulement de le combattre.

  A014001123 

 Examines souvent si vous aves vostre ame en vos mains; si quelque passion, trouble ou inquietude vous l'a point ravie; si vous l'aves en vostre commandement, ou bien si elle est point engagee en quelque affection; et si vous voyes qu'elle vous soit eschappee, avant toutes choses, cherches la et la reprenes.

  A014001123 

 Mon ame est au hazard, je la porte en mes mains, disoit David.

  A014001127 

 Considerés souvent si vous pouves dire avec verité: Mon Bienaymé est a moy, et moy a luy.

  A014001128 

 Chaque moment present doit porter son soin, et l'unique occupation dans les retours a Dieu, est un general abandonnement et desir qu'il destruise tout ce qui s'oppose a ses desseins..

  A014001131 

 Ayes memoyre de l'advis de saint Jacques: L'amitié du monde est ennemie de Dieu.

  A014001131 

 Gardes vous de recevoir ou nourrir aucune amitié mondaine, sous quel pretexte que ce soit; ceci est un point d'importance..

  A014001132 

 Ostés-vous de la, ma Fille, car l'ombre de ces feuilles est veneneuse.

  A014001133 

 La vraye marque de ces renardeaux, c'est-qu'ilz ne voudroyent ni dire ni faire ce qu'ilz dient, et voudroyent qu'il ne fust sceu de personne; ilz recherchent les tenebres et fuyent le jour; ilz recherchent des immoderés secretz et silence.

  A014001134 

 La vraye amitié de charité est ronde, franche, ouverte, sans fierté, sans finesse, toute simple, point jalouse, point affectee.

  A014001135 

 Ce n'est pas moy qui dis ceci, c'est Dieu..

  A014001135 

 Ce n'est qu'au couteau tranchant qu'on les coupe; aussi bien les cordons ne valent rien: qu'on ne les espargne point.

  A014001136 

 C'est asses dit..

  A014001136 

 Sauveur de mon ame! elle craint un Ange en forme humaine; craignes un homme, encor qu'il soit en forme d'ange, car le danger en est bien plus grand.

  A014001140 

 Elle est au pied de la Croix, humblement humble, basse, vertueuse, et vertueusement basse..

  A014001140 

 Voyes vostre Abbesse par tout ou elle est.

  A014001142 

 Medites, esleves vostre esprit, portes-le en Dieu, c'est a dire, tires Dieu en vostre esprit: voyla les choses fortes.

  A014001142 

 Qui dit autrement, se trompe et est trompé..

  A014001145 

 Qu'est il besoin de disputer? Non, pas un seul mot de replique, sinon celle de Nostre Seigneur: Arriere de moy, o Satan, tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu..

  A014001145 

 Vostre cœur est imprenable, et ces articles en sont les fondamentales asseurances.

  A014001149 

 Or, ma Fille, il arrive quelquefois que nostre esprit n'agit que par la clairté naturelle, et que l'esprit humain ne peut acquiescer a cette action, et beaucoup moins l'ame sensuelle, ains se contredisent et s'opposent; et lhors il nous semble que tout est perdu, et l'esprit, presque abandonné de toutes les facultés raysonnables et sensitives, demeure tout esperdu, ce semble, et estonné.

  A014001150 

 Il est vray qu'Absalon inquiete et trouble tout le royaume d'Israël contre son pere David, en sorte que le pauvre David, tout Roy qu'il est, s'en va pleurant, piedz nus et la teste voilee, chacun l'ayant abandonné; mais il est Roy neanmoins, et a la fin rangera tout le reste a son obeissance.

  A014001153 

 Aux tentations de vanité et de vaine gloire, il en faut faire le mesme, c'est a sçavoir: faire un acte positif et contraire, et au lieu de se glorifier, s'humilier de sa propre vanité, comme disant: Ouy, Seigneur, je suis vaine et mon esprit n'est que vanité..

  A014001155 

 Et comme au grand monde, le ciel n'est pas tous-jours serein et descouvert, mais souvent l'air se couvre par des nuages et brouillardz, ainsy au petit monde, qui est l'homme, l'esprit n'est pas tous-jours gay et clair, mais couvert quelquefois d'assoupissement qui trouble sa clairté et empesche sa gayeté..

  A014001156 

 Cette resignation est bien requise.

  A014001166 

 La presence de Dieu que la Mere Therese enseigne au 29 et 30 chapitres du Chemin de perfection est excellente, et pense que c'est la mesme que je vous marquois, quand j'escrivois que Dieu estoit dans nostr'esprit comme le cœur d'iceluy, et en nostre cœur comme l'esprit qui le vivifie, et que David appelloit Dieu: Dieu de son cœur.

  A014001166 

 Usés-en hardiment et souvent, car elle est fort utile..

  A014001170 

 Et sur tout, blasmer le vice et espargner le plus que l'on peut la personne auquel il est, d'autant plus que la bonté de Dieu est si grande, qu'un moment seul suffit pour impetrer sa grace.

  A014001170 

 Il ne faut pas toutesfois favoriser le mal, le flatter ou le couvrir, ains parler rondement et dire franchement mal du mal, et blasmer les choses blasmables, quand l'utilité de celuy de qui l'on parle le requiert; car en cela, Dieu est glorifié.

  A014001171 

 Quand nous regardons les actions du prochain, [voyons-les] dans le biais qui est le plus doux, et quand [nous] ne pouvons excuser ni le fait ni l'intention de celuy que, d'ailleurs, nous connoissons estre bon, n'en jugeons point, mais ostons cela de nostre esprit et laissons le jugement a Dieu.

  A014001180 

 Mais n'en ayant pas sceu le tems, cett'occasion s'est escoulee inutilement pour moy.

  A014001189 

 Dieu m'est a tesmoin combien je desire cette belleseur et comme elle me sera chere.

  A014001189 

 Je vous asseure que ma mere est dans une telle impatience [116] d'estre mere d'une fille que vous luy aves donnee, que les continuelles presses qu'elle m'en fait me bailleroyent avec elle de l'inquietude, si je ne me souvenois de l'edifice auquel je travaille, qui est de bien establir mon ame dans une constante paix.

  A014001215 

 Voyes vous, les assoupissemens, alanguissemens et engourdissemens des sens ne peuvent estre sans quelque sorte de tristesse sensuelle; mais tandis que vostre volonté et le fond de vostr'esprit est bien resolu d'estre tout a Dieu, il ny a rien a craindre, car ce sont des imperfections naturelles, et plus tost maladies que pechés ou defautz spirituelz.

  A014001216 

 C'est le meilleur remede de tous contre l'apprehension de nostre trespas, que la cogitation de Celuy qui est nostre vie, et de ne jamais penser a l'un qu'on n'adjouste la pensee de l'autre..

  A014001216 

 Et si, il ne faut nullement entrer en defiance, car bien que nous soyons miserables, si ne le sommes nous pas a beaucoup pres de ce que Dieu est misericordieux a ceux qui ont volonté de l'aymer et qui en luy ont logé leurs esperances.

  A014001216 

 O cette mort est hideuse, ma chere Fille, il est bien vray; mais la vie qui est au dela, et que la misericorde de Dieu nous donnera, est bien fort desirable aussi.

  A014001217 

 Mon Dieu, ma chere Fille, n'examines point si ce que vous faites est peu ou prou, si c'est bien ou mal, pourveu que ce ne soit pas peché et que, tout a la bonne foy, vous ayes volonté de le faire pour Dieu.

  A014001217 

 Tant que vous pourres, faites parfaitement ce que vous feres, mais quand il sera fait, ni penses plus, ains penses a ce qui est a faire.

  A014001219 

 C'est une rude tentation de se desplaire, en s'attristant, au monde, quand il y faut estre par necessité.

  A014001219 

 Il nous est advis que, changeant de navire, nous nous porterons mieux; ouy, si nous nous changeons nous mesme.

  A014001219 

 La providence de Dieu est plus sage que nous.

  A014001219 

 Mon Dieu, je suis [120] ennemi conjuré de ces desirs inutiles, dangereux et mauvais; car encor que ce que nous desirons est bon, le desir est neanmoins mauvais, puis que Dieu ne nous veut pas cette sorte de bien, mais un autre, auquel il veut que nous nous exercions.

  A014001231 

 Mais je desire qu'en vos ferveurs vous ne facies pas des desirs de tentations ni occasions de mortifications; car puisque, [121] par la grace de Dieu, elles ne vous manquent pas, il n'est pas besoin d'occuper vostre cœur a les desirer.

  A014001234 

 C'est bien fait d'aspirer d'une generale aspiration a l'extreme perfection de la vie chrestienne, mais il ne faut pas philosopher en particulier, sinon sur nostre amendement et sur nostre advancement selon les occurrences quotidiennes, de jour en jour, remettant la conduitte de nostre souhait general a la providence de Dieu, et nous jettant pour ce regard entre ses bras, comme un petit enfant qui, pour croistre, mange de jour en jour ce que son pere luy fournit, esperant qu'il luy fournira a proportion de son appetit et de sa necessité..

  A014001235 

 Puisque la Communion vous est si prouffitable, frequentés la avec ferveur d'esprit et netteté de conscience.

  A014001236 

 J'ay escrit despuis peu a nostre bonne seur: c'est une fille que je cheris bien fort.

  A014001236 

 La pauvrette a esté tout plein troublee pour peu de chose; mais c'est bon signe, car cela a produit de la crainte de Dieu.

  A014001238 

 Bon soir, Madame ma tres chere commere, ma Fille; vostre cœur est a Dieu, vivés heureuse d'estre si bien logee.

  A014001247 

 C'est un grand fruit que ce pauvre petit livre m'a rendu, et lequel certes je n'attendois pas, mais pour lequel seul, plus que pour aucun autre duquel je me sois apperceu jusques a present, je le veux desormais aymer et cultiver..

  A014001247 

 Je receus le huitiesme de ce mois la lettre qu'il vous pleut m'escrire le 25 de l'autre prochainement passé, et proteste que rien ne m'est arrivé, il y a long tems, qui m'ayt rempli de tant de joye et d'honneur; car mon ame, qui reveroit la vostre d'un grand respect, desiroit par quelque heureuse rencontre avoir quelque digne acces a vostre bienveuillance.

  A014001247 

 Mais, comme le pouvois je esperer, [124] estant cloué et affigé a ces montaignes, et si indigne de vostre consideration? Et voyci neanmoins que Dieu a voulu me prevenir de cette consolation, de laquelle je remercie tres humblement sa Bonté, et me sens fort obligé a la vostre qui s'y est si amiablement inclinee.

  A014001248 

 C'est un memorial que j'avois dressé pour une belle ame qui avoit desiré ma direction; et cela, emmi les occupations d'un Caresme, auquel je preschois deux fois la semaine.

  A014001248 

 Ce fut luy qui me pressa si fort de faire mettre au jour cet escrit, qu'apres l'avoir hastivement reveu et accommodé de quelques petitz ageancemens, je l'envoyay a l'imprimeur: c'est pourquoy il s'est presenté a vos yeux si mal accommodé.

  A014001248 

 Mais puisque, tel qu'il est, vous le favorisés de vostre approbation, si jamais il retourne sous la presse, je me delibere de l'ageancer et accroistre de certaines pieces qui, a mon advis, le rendront plus utile au publiq et moins indigne de la faveur que vous luy faites..

  A014001253 

 L'autre chose qu'il me dit, c'est que, pour une simple et premiere introduction, je porte trop avant ma Philothee; et cela est arrivé parce que l'ame que je traittois estoit des-ja bien fort vertueuse, quoy qu'elle n'eust nullement gousté la vie devote: c'est pourquoy, en peu de tems, elle advança bien fort..

  A014001263 

 Mon Dieu, que vous seres la bien venue, ma chere Fille, et comme il m'est advis que mon ame embrasse la vostre cherement! Partes donq au premier beau jour que vous verrés, apres que vostre cheval se sera delassé, lequel, sans doute, on ne pourroit pas bien vous renvoyer sinon despuis troys jours en ça, pour les dernieres pluyes qui sont tombees en ce païs.

  A014001265 

 Il est vray que je n'en suis pas [129] peyne, parce que je sçai que de dela il y en a plus qu'icy.

  A014001265 

 J'ay creu neanmoins que je devois en envoyer un a M. de Chantal, et qu'il s'offenceroit si je ne le faysois; c'est pourquoy le voyla..

  A014001265 

 J'en voudrois envoyer a plusieurs personnes, mais je vous asseure que, pour tout, il n'en est venu que trente en ce païs, et je n'ay peu fournir a la dixiesme partie de ceux a qui j'en devois donner.

  A014001265 

 Madame du Puys d'Orbe m'avoit escrit qu'elle desiroit de venir avec vous; mais ni la sayson n'est pas propre pour elle, ni je ne voudrois pas l'avoir en tems si incommode comme est le Caresme.

  A014001272 

 J'ayme bien son cœur par ce quil m'est bien franc.

  A014001274 

 Mon Dieu, ma Fille, que j'ay grand desir que le bon et doux Jesus vive et regne dans nos cœurs! C'est en luy que je suis tout uniquement vostre..

  A014001283 

 Ce m'est beaucoup de contentement que vous [132] viviés sans scrupule et que la sainte Communion vous soit prouffitable; sur quoy je vous dis qu'il faut donq continuer.

  A014001283 

 Et pour cela, ma chere Fille, puisque monsieur vostre mary s'inquiete dequoy vous alles a N., ne vous y opiniastres nullement; car, puisque aussi bien vous n'aves pas beaucoup de grans conseilz a prendre, tous confesseurs vous seront presque bons, mesme celuy de vostre parroisse, c'est a dire monsieur N., et, quand il s'offrira encor des occasions, celuy des bonnes Meres Carmelites.

  A014001283 

 Je ne respons qu'aux deux lettres que ce porteur m'a rendues de vostre part; car la troysiesme, envoyee par la voye de madame de Chantal, ne m'est pas encor arrivee.

  A014001283 

 Vous sçaves tout ce qu'il faut pour se bien conc uire avec toute sorte de confesseurs; c'est pourquoy vous pouves aller en liberté pour ce regard.

  A014001284 

 Ouy, ma Fille, faites bien comme je vous ay dit, car quoy que mille petites tricheries de raysons apparentes s'eslevent au contraire, si est-ce que mes resolutions sont fondees sur des raysons fondamentales et conformes aux Docteurs et a l'Eglise; mais je vous dis qu'elles sont tellement veritables, que le contraire est une grande faute.

  A014001285 

 Mais, ma Fille, il y a bien d'autres choses a vous demander pour cette mesme devotion de la bienheureuse Mere Therese: c'est que je voudrois que vous me fissiés extraire son image au vif jusques a la ceinture seulement, sur celle qu'on dit que ces bonnes Seurs ont, et allant par dela, un de nos curés qui doit y aller [133] dans sept ou huit jours, la prendroit a son retour pour me l'apporter.

  A014001286 

 Ah mon Dieu, ma Fille, que les vertus d'une femme mariee sont aggreables a Dieu! car il faut qu'elles soyent fortes et excellentes pour durer en cette vocation; mais aussi, o mon Dieu, que c'est une chose douce a une vefve de n'avoir qu'un cœur a contenter! Mais bien; cette Bonté souveraine sera le soleil qui esclairera cette bonne chere seur, affin qu'elle sache ou prendre son chemin.

  A014001286 

 C'est le sacré mary de l'ame que j'entens; neanmoins, si Dieu dispose de se servir d'elle encor une fois au tracas d'un mesnage complet et qu'il la veuille exercer a la sujetion, il en faudra louer sa Majesté, laquelle sans doute fait toutes choses pour le bien des siens.

  A014001286 

 C'est une ame que j'ayme tendrement, et ou qu'elle aille, j'espere qu'elle servira bien Dieu, et je la suivray par les continuelles prieres que je feray pour elle..

  A014001287 

 Je me recommande a celles de nostre petite fille [Madeleine] et de N. Il est vray que [Madeleine] est ma fille un peu plus que les autres; et me semble que tout est mien, ma Fille, en Celuy qui, pour nous rendre siens, s'est rendu tout nostre.

  A014001296 

 Vostre esprit, panchant tous-jours un peu a l'indignation, vous a fait treuver peu ce que vous aves fait, et le mesme esprit, desirant grandement de satisfaire a son obligation et ne se pouvant certainement persuader de l'avoir fait, est tombé en tristesse et descouragement ou desgoust.

  A014001297 

 A quoy j'adjouste, pour un advis general, que quand nous ne sçavons pas discerner si nous avons bien rendu nostre devoir en quelque occurrence et sommes en doute d'avoir offencé Dieu, il faut alhors s'humilier, requerir Dieu qu'il nous excuse et demander plus de lumiere pour une autre fois, et oublier tout a fait ce qui s'est passé et se remettre au train ordinaire; car une curieuse et empressee recherche pour sçavoir si nous avons bien fait, provient indubitablement de l'amour propre qui nous fait desirer de sçavoir si nous sommes braves, la ou l'amour pur de Dieu nous dit: Truand ou couard que j'ay esté, humilie toy, appuye toy en la misericorde de Dieu, demande tous-jours pardon et, sur une nouvelle protestation de fidelité, passe outre a la poursuite de ton avancement..

  A014001298 

 J'appreuve que, si ce n'est quelquefois que l'on a besoin de repos, on ne dorme pas du tout son saoul; mais pour faire que cela ne nuyse point, en lieu de dormir, il faut un peu faire plus d'exercice pour dissiper les humeurs que le manquement du sommeil a laissé indigestes.

  A014001298 

 Pour le reste des austerités, ne vous en donnes point d'extraordinaire, car vostre complexion et vocation requiert que vous ne le facies pas; ni je n'appreuve pas une grande retraitte pour le present, car il est mieux, pour l'acquisition des vertus, de les exercer emmi les contradictions; et ne faut [136] point en cela se descourager, ains user de preparation frequente pour s'y bien comporter..

  A014001305 

 Ce sera tous-jours quand je pourray que vous aures de mes lettres; mais maintenant c'est de meilleur cœur que je vous escris, parce que M. [de] Moyron, present porteur, est mon plus proche voysin de cette ville, mon grand amy et mon allié, par le retour duquel vous me pourres escrire en toute asseurance; et si l'image de la Mere Therese estoit faite, il la prendroit, payeroit et apporteroit, ainsy que je l'en ay prié..

  A014001306 

 Je vous dis donq qu'il faut que vous ayes une speciale attention a vous y tenir douce, et qu'estant levee le matin, sortant de l'orayson, revenant de la Messe ou Communion, et tous-jours quand vous rentres en ces affaires domestiques, il vous faut estre attentive a commencer doucement, et coup sur coup regarder vostre cœur, voir s'il est doux, et s'il ne l'est pas, l'addoucir avant toutes choses; que s'il l'est, il en faut loüer [137] Dieu, et l'employer aux affaires qui se presentent, avec un soin special de ne point le laisser dissiper..

  A014001306 

 Mais, ma Fille, il m'est advis que je ne vous dis pas bien par ma derniere lettre ce que je desirois touchant vos menuës, mais frequentes impatiences es occurrences de vostre mesnage.

  A014001307 

 C'est pourquoy, ma chere Fille, il faut qu'en ces exercices vous consideries la volonté de Dieu, qui y est, et non pas la chose mesme qui se fait.

  A014001307 

 Vostre ame s'entretenant souvent aux exercices spirituelz, qui sont doux et aggreables a l'esprit, quand elle revient aux exercices corporelz, exterieurs et materielz, elle les treuve bien aspres et fascheux; c'est pourquoy aysement elle s'impatiente.

  A014001308 

 Si je sçavois que madamoyselle nostre chere seur Jacob fust la, je la saluerois aussi, et sa petite Françon, comme je fay vostre Magdeleine qui est encor mienne..

  A014001325 

 Mon Dieu, c'est un docteur des-ja! C'est un grand erreur, ce me [141] semble, de tant differer ce bien en cet aage, auquel les enfans ont plus de discours a dix ans que nous n'en avions a quinze.

  A014001328 

 C'est un mal propre a mortifier et les sens et les sentimens, car il ne laisse point de mouvement qu'il n'allanguisse, horsmis celuy du cœur, lequel, pour l'ordinaire, il esmeut et rend plus frequent.

  A014001329 

 Je vous envoye neanmoins celuy-ci, que j'ay emprunté d'une dame qui l'avoit, affin que, s'il est possible, vous ayes le [142] premier de ma part.

  A014001341 

 Ce n'est pourtant pas que mon entendement ne veuille ceder a vostre jugement, duquel il revere extremement l'authorité et la reconnoist pour souveraine en son endroit; mais c'est qu'il luy est advis que vous n'aves pas bien conceu la bonté et sincerité de ses intentions pour ce regard.

  A014001341 

 Oseray-je bien disputer avec vous, Monseigneur? Vostre [143] douceur, je pense, m'excusera; c'est simplement pour m'expliquer..

  A014001341 

 Permettés moy, je vous supplie tres humblement, cette petite opiniastreté; car vrayement, tout aussi tost que vous aves voulu que je bannisse des lettres que je vous envoye le tiltre de Monseigneur, mon opinion s'est soudainement deslogee de ma volonté, laquelle est irrevocablement sousmise a la vostre; mais elle s'est sauvee dans mon entendement, ou elle s'est tellement retranchee que je suis en peyne d'entreprendre sa sortie.

  A014001342 

 Cela est clair par l'authorité de tous les plus dignes Evesques de l'Eglise de Dieu, qui ont appellé de tiltres bien plus relevés non seulement les Patriarches et Archevesques, mais les autres Evesques mesmes.

  A014001342 

 Je dis donq, avec vostre congé: premierement, que je vous puis appeller Monseigneur, et que ce tiltre n'est pas trop grand pour vous, ni de moy ni d'aucun autre Evesque.

  A014001343 

 Je dis secondement, que non seulement je puis vous appeller Monseigneur, mais il est expedient que je le fasse, et seroit bon que cela se fist par tous les Evesques.

  A014001343 

 Puisque nous ne pouvons refuser aux princes mondains ce tiltre d'honneur, ne ferions-nous pas bien de nous esgaler, tant qu'en nous est, a eux pour ce regard, desquelz on peut dire que derident nos juniores [hoc] tempore, quorum non audebant patres cum sacerdotibus minoribus incedere..

  A014001344 

 C'est pourquoy, puisque le Pape mesme vous appelleroit Monseigneur, il est seant que j'en face de mesme..

  A014001344 

 Je dis, troysiesmement, qu'il est bien seant; car encor que l'Italie et la France sont separees et qu'il ne faut pas porter le langage de l'Italie en France, si est ce que [144] l'Eglise n'est pas separee; et le langage, non pas de la cour, mais de l'Eglise de Romme, est bon par tout en la bouche des ecclesiastiques.

  A014001345 

 Il ne reste a resoudre que l'argument fondamental de vostre volonté, mais il ne se peut resoudre; car ce n'est que vostre humilité: ut qui major est dignitate, sit potior humilitate.

  A014001345 

 J'y respons néanmoins, et dis que j'appelle ainsy tous les Evesques a qui j'escris en esprit de liberté, et les rends esgaux quant a cet honneur exterieur, laissant a mon interieur de donner diverses mesures de respect, sous un mesme mot, selon la diversité de mes devoirs; comme a vous, Monseigneur, c'est, je vous asseure, avec une reverence toute cordiale, toute particuliere..

  A014001346 

 Vostre dilection, qui souffre tout et qui est non seulement patiente, mais debonnaire, me rendra excusable, vous asseurant que je suis.

  A014001353 

 Ouy, ma Fille, je vous dis par escrit aussi bien que de bouche: res-jouisses vous tant que vous pourres en bien faysant, car c'est une double grace au bon œuvre, d'estre bien fait et d'estre fait joyeusement.

  A014001355 

 C'est pourquoy vous l'observeres, faysant venir ou quelque bon Pere Minime, ou quelque bien devot prestre, auquel toutes ayent a se confesser cette fois-la.

  A014001355 

 Le Concile de Trente ordonne a tous les Superieurs et Superieures des Monasteres qu'au moins trois fois l'annee ilz fassent confesser ceux qui sont sous leurs charges a des confesseurs extraordinaires; ce qui est grandement [146] requis pour mille bonnes raysons.

  A014001359 

 Quant a celle qui est absente, il faut escrire et a elle et a son frere, que, pour la plus grande gloire de Dieu, salut de vos ames, edification du prochain et honneur de vostre Monastere, vous aves pris resolution avec toutes vos Seurs Religieuses de vivre plus retirees dans vostre Mayson qu'on n'a pas fait ci devant; et que la chose estant si raysonnable et honneste, vous ne doutes point qu'elle ne s'y veuille ranger: dont vous la conjurés et sommés, par l'obeyssance qu'elle vous a vouee et hors laquelle elle ne peut faire son salut, luy promettant qu'elle ne treuvera, ni en vous ni es autres, sinon une douce et tres amiable conversation, laquelle seule, outre [147] son devoir, peut la semondre a une sainte retraitte; et choses semblables.

  A014001360 

 Ne vous tourmentes point encor que vous ne puissies pas avoir vos sentimens si fortz que vous desireries, car c'est la bonne volonté que Dieu requiert.

  A014001363 

 Vous ne sçauries tenir un chemin plus asseuré que celuy de la sainte obeyssance: c'est pourquoy je me resjouis grandement que vous y soyés affectionnee, pour l'intention que me marqués.

  A014001364 

 Pour moy, ma tres chere Seur, ma Fille bienaymee, j'ay une volonté fort entiere a vous cherir, honnorer et servir; et jamais rien ne m'ostera cette affection, puisque c'est en ce mesme Sauveur et pour luy que je l'ay prise, estant a jamais,.

  A014001373 

 C'est de tout mon cœur que je vous escris esgalement avec respect et confiance.

  A014001373 

 Celle ci procede de la connoissance que j'ay de la sincerité de vostre bienveuillance en mon endroit, et celuy la de la multitude des riches qualités qui decorent le rang que vous tenes en l'Eglise de Dieu; auquel, bien que je vous aye devancé quant au [149] tems, je vous voy neanmoins si loin devant moy en toute autre façon, que c'est le moins que je veuille et doive faire que d'user exactement d'une reciproque reverence en vostre endroit.

  A014001373 

 Mais c'est assés..

  A014001374 

 Continués, je vous supplie, Monseigneur, d'aymer celuy qui vous souhaitte toute sorte de bonheur en la graCe de Dieu, et qui est, d'une affection inviolable,.

  A014001386 

 Que vous seres heureuse, ma chere Fille, si vous perseveres a mespriser les promesses que le monde vous voudra faire, car en vray ( sic ) verité ce n'est qu'un vray trompeur.

  A014001387 

 Il est vray, sans doute, c'est une grande assistence que celle d'un bon mari; mais il en est peu, et pour bon qu'on l'ayt, on en reçoit plus de sujettion que d'assistence.

  A014001387 

 Vous aves un grand soin pour la famille qui est sur vos bras, mais il n'amoindriroit pas quand vous entreprendries la charge d'un'autre peut estre aussi grande.

  A014001424 

 Desirant sçavoir avant le depart de M me de Chantal que c'est que je pouvois esperer du gentilhomme qui croyoit de pouvoir guerir vostre jambe, je luy fis dire par M me de Chantal mesme toute l'origine et le progres de vostre mal, car je ne le sçavois pas.

  A014001425 

 Et de peur que nous n'ayons oublié quelque chose en la qualité de ce mal, qui fit la chose plus aysee qu'elle n'est, le filz de cet homme la allant a Dijon pour autre chose, c'est a dire a la suite d'un gentilhomme qui est fort de mes amis, j'ay fait quil ira au Puis d'Orbe mesme, affin d'apprendre par monsieur du May toutes les particularités plus exactement, et apporter une bonne et veritable description de toute l'affaire.

  A014001426 

 Il est vray quil seroit tous-jours a mon grand contentement en ce que j'aurois le bien de vous voir et entretenir; mais si aussi vostre santé corporelle en soufFroit, ce me seroit bien du desplaysir.

  A014001442 

 C'est mon deir tres ardent, principalement lhors que je repasse en ma memoyre l'affection, la confiance et le zele avec lequel vous reposastes un jour vostr'ame (d'autant mienne) et vostre volonté sur ma direction..

  A014001444 

 C'est en luy que je suis, ma chere Fille, tout entierement vostre..

  A014001450 

 Et bien, ma chere Fille, vous verres que le plus grand mal que vous ayes fait c'est de vous estre troublee de vostre imbecillité; car si vous ne vous fussies point inquietee apres le premier choppement, mais que tout bellement vous eussies repris vostre cœur en vos mains, vous ne fussies pas tumbee au second.

  A014001462 

 Et parce qu'il est l'un des plus apparens convertis qui soyent sortis de Geneve, je supplie tres humblement Vostre Altesse de luy estre secourable, comm'elle l'est a tous ceux qui ont leur refuge en sa debonnaireté, tandis que je continueray tous-jours a luy souhaitter le comble des graces celestes, demeurant,.

  A014001474 

 Je suis tout plein d'esperance que Nostre Seigneur sera de plus en plus fidellement servi, obei et honnoré de vous, qui est le plus grand bien que je vous puisse souhaitter..

  A014001474 

 Que vous seres heureuse si vous embrasses [158] constamment ce dessein! La pauvre petite seur [de la Thuille], qui s'en est allee si chrestiennement et si soudainement, a bien resveillé mon esprit a l'amour de ce souverain Bien auquel toute cette courte vie doit estre rapportee.

  A014001485 

 Or sus, ma chere Niece, ma Fille, vous voyla donq aupres de monsieur vostre pere que vous regardes comme une image vivante du Pere eternel; car c'est en cette qualité que nous devons honneur et service a ceux desquelz il s'est servi pour nous produiré.

  A014001487 

 Dieu vous veut aussi sevrer, ma chere Niece, et vous faire manger des viandes solides, c'est a dire des viandes dures, car de plus solides il n'y en a point au Ciel ni en la terre que la sainte Communion; mais son refus, qui est plus dur a vostre ame qui aspire a son saint amour, requiert aussi des desirs plus fortz..

  A014001487 

 J'admire que monsieur N. se soit persuadé cette opinion, que l'on ne puisse pas communier sans ouyr la Messe, car non seulement elle est sans rayson, mais elle est sans apparence de rayson.

  A014001497 

 J'escrivis avant hier a cette bonne fille qui est a Geneve et luy donnay la permission qui luy est requise pour l'usage des viandes.

  A014001497 

 Mais il n'est pas besoin d'escrire tout cela a M me de Mioudry, que je loue beaucoup du bon zele qu'elle a a la reduction de ces pauvres ames.

  A014001497 

 Quant au livre de la Croix, il est vray que le ministre La Faye s'est essayé d'y respondre; mays il l'a fait d'une telle sorte que mes amis n'ont jamais voulu que je prisse seulement la peyne de penser a repliquer, tant la response leur a semblé indigne, et ont creu que mon livre fournissoit asses de defenses [161] contre ceux qui l'attaquent, sans que j'y adjoustasse chose du monde.

  A014001499 

 Je crois neanmoins que malaysement pourra-elle sortir du lieu ou elle est..

  A014001501 

 Tenes vostre cœur au large, et tous-jours tout remis a la Providence divine, soit pour les grandes choses ou pour les petites, et procurés de plus en plus dans vostre cœur l'esprit de douceur et de tranquillité, qui est le vray esprit de Jesus, qui veuille a jamais regner en nos cœurs..

  A014001514 

 Comment est-il possible, disoit saint Gregoire a un Evesque, que les orages de la terre esbranslent si fort ceux qui sont au Ciel? S'ilz sont au Ciel, comme sont-ilz agités de ce qui se passe en la terre? O Dieu, que cette leçon de la sainte constance est requise a ceux qui veulent serieusement embrasser leur salut!.

  A014001514 

 N. m'a bien dit de vos nouvelles et de celles de M., laquelle il m'a depeinte pour fort affligee; mais je crois bien, c'estoit sa fille celle qui est morte.

  A014001515 

 Il est vray que cette imaginaire insensibilité de ceux qui ne veulent pas souffrir qu'on soit homme, m'a tous-jours semblé une vraye chimere; mais aussi, apres qu'on a rendu le tribut a cette partie inferieure, il faut rendre [163] le devoir a la superieure, en laquelle sied, comme en son throsne, l'esprit de la foy qui doit nous consoler en nos afflictions, ains nous consoler par nos afflictions.

  A014001516 

 Il ne faut pas que je vous die, ma chere Fille, combien affectionnement je vous recommande a Nostre Seigneur, car c'est avec un cœur tout nouveau et qui va tous-jours s'aggrandissant de ce costé-la.

  A014001516 

 Je suys un peu plus a l'orayson qu'a l'ordinaire; car ne vous faut-il pas un peu parler de mon ame qui est tant vostre? Graces a Dieu, j'ay un extreme desir d'estre tout a luy et de bien servir son peuple..

  A014001517 

 A Dieu, ma chere Fille, que mon ame ayme et cherit incomparablement, absolument, uniquement en Celuy qui, pour nous aymer et se rendre nostre amour, s'est rendu a la mort.

  A014001526 

 Mais jamais vous ne l'atteindres, puisque cet amour sacré n'est nomplus fini que son object, qui est la souveraine Bonté..

  A014001527 

 Ouy, ma Fille, je vous souhaite l'abondance de l'amour divin, qui est et sera eternellement l'unique bien de nos cœurs, qui ne nous ont esté donnés que pour Celuy qui nous a donné tout le sien..

  A014001534 

 Encor faut-il un peu condescendre a cette pauvre fille, qui est vrayement bonne, quoy qu'infirme; et pour cela je luy dirois volontier qu'elle vint, si je ne craignois l'inquietude et la diversité de sentimens que messieurs vos parens en prendront.

  A014001535 

 Or, quand elle se resoudra de venir, il faut que ce soit sans bruit et tout simplement, comme pour venir a Saint Trivier et a Saint Claude, et vous aussi, et la bonne madamoyselle de Puligni aussi, si ell'est de la trouppe, [166] affin d'eviter les curiosités de ceux qui voudront tout enquerir.

  A014001535 

 Si que, si vous prenes resolution, il faudra prendre le tems un peu bien avant, vers le moys d'aoust, sur la fin, ou sur le commencement de septembre; car quant au moys de julliet, je seray hors d'ici, et si, il me faudra aller consacrer un digne Evesque que nous avons a Beley, action laquelle, bien qu'elle soit courte, si est ce qu'elle me tient en suspens par ce que je ne sçai pas le tems precisement..

  A014001537 

 Que nous importe-il que nous soyons avec Dieu ou d'une façon ou d'autre? En verité, puisque nous ne cherchons que luy et que nous ne le treuvons pas moins en la mortification qu'en l'orayson, sur tout quand il nous touche de maladie, il nous doit estre aussi bon de l'un que de l'autre; outre que les oraysons jaculatoires, les eslancemens de nostr'esprit sont des vrayes continuelles oraysons, et la souffrance des maux est la plus dign'offrande que nous puissions faire a Celuy qui nous a sauvés en souffrant.

  A014001538 

 Quant a la Communion, continues tous-jours, et il est vray que je vous ay dit quil n'estoit nul besoin d'ouir la Messe pour se communier les jours ouvriers, ni mesme les jours de feste, quand on en a ouy une devant ou qu'on en peut ouir un'apres, quoy qu'entre deux on face beaucoup d'autres choses: cela est vray..

  A014001539 

 Ne vous inquietes point de ne pouvoir pas servir Dieu selon vostre goust, car en bien vous accommodant a vos incommodités vous le servires selon le sien, qui est bien meilleur que le vostre.

  A014001552 

 Mais je treuvois mon pectoral bien plus riche, encor quil ne fut composé que d'une seule pierre, qui est la perle orientale que la Mere perle conceut en ses entrailles chastes, de la benite rosee du ciel; car voyes vous, je tenois ce divin Sacrement bien serré sur ma poitrine, et m'estoit advis que les noms des enfans d'Israel estoit ( sic ) tous marqués en iceluy.

  A014001552 

 Mon Dieu, que mon cœur est plein de choses pour vous dire, ma Fille tres uniquement chere, car c'est aujourdhuy le jour de la grande feste de l'Eglise, en laquelle portant le Sauveur a la procession, il m'a, de sa grace, donné mille douces pensees emmi lesquelles j'ay eu peyne de reprimer les larmes.

  A014001556 

 O ma Fille, mon cœur est plus vostre que mien; a jamais Nostre Seigneur y regne.

  A014001565 

 Je suis marry que je n'ay plus tost receu la salutation que maistre Constantin m'avoit apporté de vostre part; car j'eusse eu plus de loysir de vous escrire selon mon cœur, qui est si plein d'affection pour vous et vous cherit si fort qu'il ne peut se contenter de vous entretenir pour un peu..

  A014001566 

 Je vis avec beaucoup de contentement de sçavoir que vostre ame est toute dediee a l'amour de Dieu, auquel vous pretendes de vous avancer petit a petit, par toutes sortes de saintz exercices.

  A014001577 

 La palme, reyne des arbres, ne produit son fruit que cent ans apres qu'elle est plantee.

  A014001578 

 Et pour venir au particulier, mon advis est que toute vostre sainte brigade soit soigneuse de se communier devotement, a tout le moins une fois chaque semaine.

  A014001582 

 Il sera expedient qu'aux divins Offices le petit troupeau entre, demeure et sorte ensemblement, avec mesme [174] contenance et ceremonie, d'autant que la composition exterieure, soit aux Offices, soit a table, soit en public, est un puissant motif pour beaucoup de bien..

  A014001583 

 A ce commencement, il n'est pas necessaire d'adjouster aucune abstinence a celle des vendredis et des samedis, sinon celle des mercredis, selon la vielle coustume et mitigation observee au Monastere..

  A014001584 

 Je sçay et voy vostre Regle qui dit merveilles; il n'est pas pourtant expedient de passer d'une extremité a l'autre sans milieu..

  A014001584 

 La fin pretenduë sera bien autre chose, Dieu aydant: car, comme vous sçaves, primum in intentione est ultimum in executione.

  A014001597 

 Je n'ay encor point veu madame vostre digne compaigne et ma chere cousine despuis ses ( sic ) dernieres nouvelles; je croy neanmoins qu'ell'en est trop plus contente, pour l'espoir qu'ell' en aura de jouir plus pleynement et entierement de vostre douce presence.

  A014001597 

 Pour moy, qui suis ennemi juré des cours, j'appreuve tout ce que Dieu dispose, comme le meilleur, et me res-jouis de l'honneur que nous aurons de vous posseder avec plus de loysir, et tirer les fruitz aggreables de vostre conversation et [176] de l'amitié sincere que vous portes a celuy qui vous cherit, respecte et honnore d'un cœur tres fidelle, et qui est,.

  A014001608 

 Cette fause estime de nous mesmes, ma chere Fille, est tellement favorisee par l'amour propre, que la rayson ne peut rien contre elle.

  A014001608 

 Helas! c'est la quatriesme chose difficile a Salomon, et laquelle il dit luy avoir esté inconneuë, que le chemin de l'homme en sa jeunesse.

  A014001609 

 Or, attendre en attendant, c'est de ne s'inquieter point en attendant; car il y en a plusieurs qui en attendant n'attendent pas, mais se troublent et s'empressent..

  A014001610 

 Et tout plein de petites traverses et secrettes contradictions qui sont survenues a ma tranquillité, me donnent une si douce et suave tranquillité que rien plus, et me presagent, ce me semble, le prochain establissement de mon ame en son Dieu, qui est certes, non seulement la grande, mais, a mon advis, l'unique ambition et passion de mon cœur.

  A014001611 

 C'est, ce me semble, comme le guy, qui croist et paroist sur un [178] arbre et en un arbre, bien que non pas de l'arbre ni par l'arbre.

  A014001611 

 Et puisque je suis sur le propos de mon ame, je vous en veux donner cette bonne nouvelle: c'est que je fay et feray ce que vous m'aves demandé pour elle, n'en doutes point; et vous remercie du zele que vous aves pour son bien, qui est indivis avec celuy de la vostre, si vostre et mien se peut dire entre nous pour ce regard.

  A014001611 

 Je vous diray plus: c'est que je la treuve un peu plus a mon gré que l'ordinaire, pour n'y voir plus rien qui la tienne attachee a ce monde et plus sensible aux biens eternelz.

  A014001611 

 Mais, ma Fille, comment donques se peut il faire que sur une telle volonté tant d'imperfections paroissent et naissent en moy? Non certes, ce n'est pas de ma volonté ni par ma volonté, quoy qu'en ma volonté et sur ma volonté.

  A014001611 

 O Dieu, pourquoy vous dis-je tout ceci, sinon parce que mon cœur se met tous-jours au large et s'espanche sans borne quand il est avec le vostre?.

  A014001611 

 Que si j'estois aussi vivement et fortement joint a Dieu comme je suis absolument disjoint et aliené du monde, mon cher Sauveur, que je serois heureux, et vous, ma Fille, que vous series contente! Mais je parle pour l'interieur et pour mon sentiment; car mon exterieur, et, ce qui est le pis, mes deportemens sont pleins d'une grande varieté d'imperfections contraires, et le bien que je veux, je ne le fay pas; mais je sçay pourtant bien qu'en verité et sans feintise je le veux, et d'une volonté inviolable.

  A014001622 

 Mais puisque, comme vous m'advertisses, ces Messieurs de l'autre costé ont fait choix de celuy qui parlera pour leur pretendue religion, nommé le lieu et marqué la Version qu'eux desirent employer a cet effect, il m'est advis que c'est a bon escient qu'ilz traittent; et en cette persuasion, je vous diray que j'accepte tres volontiers que ladite conference se fasse dedans la ville de Geneve et que ce soit a la Version de la Bible imprimee a Anvers, a laquelle nous nous arrestions..

  A014001641 

 Je dis de vostre presence, qui m'est desirable sans fin, et en vostre Paris, ou elle me seroit concedee plus a souhait qu'ailleurs..

  A014001642 

 Mais, Monsieur, dites donq la verité, je vous supplie: ces obediences et mortifications de n'oser pas estre libre quand on n'est pas serf, ne sont elles pas comparables a celles de ceux qui ne sont pas libres par ce qu'ilz sont serfz? Il faut neanmoins s'y accommoder, et tout doucement, qui est l'importance.

  A014001644 

 C'est pourquoy j'attendray encor un peu, avant que d'en donner la derniere resolution audit sieur de Santeul, et ce pendant luy diray chose pour laquelle il devra conseiller a ce seigneur de ne point s'attendre a moy; car aussi bien, en tout evenement, si j'avois ma liberté pour ce tems-la, il me manqueroit pas de chaire en une ville ou il y en a tant..

  A014001644 

 Or, je reviens a ce que je disois: c'est que je n'ose encor dire que non, tandis que j'espere que l'accommodement des Princes accommodera peut estre ces affaires; ni aussi je ne veux dire qu'ouy, ne pouvant avoir null'asseurance.

  A014001646 

 Et apres une separation si entiere, il sera malaysé d'oster un peu d'aversion des cœurs de l'un a l'autre; et celuy de Monsieur, comme vous sçaves, ayme d'avoir ses coudees franches, et celuy de monsieur de Charmoysi est courageux, qui ne peut souffrir le desdain.

  A014001646 

 Toutefois, la vertu de monsieur de Charmoysi est des-ja ferme pour n'estre pas esbranslee a ce vent-lâ..

  A014001647 

 Mais si vous continues de vouloir faire le voyage a la Sainte Baume, ne doutes pas que vous ne m'ayes pour [184] associé a vostre pelerinage, car ce n'est pas sortir de Savoye d'aller a Marseille, pourveu que ce soit sur le Rosne, auquel nous contribuons tant d'eaux et tant de sable; et nostre cher petit Evesque, mais grand Praelat, sera bien ayse de nous faire l'hospitalité en passant, moyennant un sermon que je feray a son peuple, qui, oyant parler de Geneve, y viendra tout entier, huguenotz et Catholiques pesle mesle.

  A014001649 

 J'escris cette lettre sans loysir et sans esprit, mais non pas sans cœur, car mon cœur est tous-jours ou il vous peut regarder.

  A014001649 

 Nostre Seigneur vous conserve, prospéré et benisse, Monsieur; c'est le souhait de.

  A014001666 

 C'est,.

  A014001681 

 Et si, il faut adjouster a l'inscription, le titre de Conseiller du Conseil des Vingtz et cinq Seigneurs; car il y a un autre Sarrasin qui [189] n'en est pas, bien qu'il soit de grand credit dans cette ville la..

  A014001682 

 Et puisque vous me sommés de vous dire franchement mon advis sur la lettre que vous luy escrives, je vous diray que je n'appreuve pas que vous luy proposies si distinctement le dessein de la façon de proceder que vous voules tenir, car il suffira bien de le faire quand ce viendra au joindre et au faire; et il n'est pas expedient que maintenant vous vous engagies en aucune sorte de controverse, d'autant qu'en traittant plus avant de la conference, vous treuveres peut estre qu'il sera mieux de prendre un autre biais.

  A014001682 

 Et si, la proposition est beaucoup plus speieuse pour estre imposee entre des ignorans, comme sont la plus part des Conseillers de cette ville-la.

  A014001682 

 Il seroit donq mieux pour ce coup de demeurer en cette generale proposition, que vous monstreres que leur religion est manifestement contraire aux Saintes Escritures, sans venir a la particuliere declaration des [190] moyens que vous voules tenir pour ce faire; car ainsy vous ne vous obliges a rien qu'a la fin de vostre intention, et laisses les moyens en liberté, pour les choisir par apre a vostre gré.

  A014001683 

 Cette generale controverse des Versions est grandement utile entre les gens doctes, et quand vous ne regarderies que les ministres, elle seroit sans doute extremement a propos.

  A014001684 

 J'aymerois donq mieux advouer que l'Escriture est tres suffisante pour nous instruire de tout, et dire que l'insuffisance est en nous, qui, sans la Tradition et sans le magistere de l'Eglise, ne sçaurions nous determiner du sens qu'elle doit avoir, ni des consequences qu'on en peut tirer pour la direction et gouvernement du peuple Chrestien; car en cette sorte, la chose demeurant la mesme, l'explication est plus specieuse et plausible a ceux aux oreilles [191] desquelz on ne fait que crier que nous mesprisons les saintes Lettres..

  A014001684 

 Sur tout il m'est advis qu'il faut grandement estre attentifz a la façon de proposer la doctrine catholique, en sorte que, comme la rayson est de nostre costé, aussi l'apparence, le lustre et la speciosité ne nous defaillent point.

  A014001704 

 Que puissies-vous bien tost guerir, si c'est la plus grande gloire de Dieu, ma tres chere Fille; si moins, que puissies-vous amoureusement souffrir, tandis qu'ainsy le requerra la Providence celeste, affin que, guerissant ou souffrant, le bon playsir divin soit exercé.

  A014001714 

 [Ayant appris par] les remonstrances que me fait le sieur [194] curé de Beaumont, que plusieurs des sujetz de vostre Mayson refusent de luy payer les premices, lesquelles neanmoins ilz luy doivent comme estant ses parroissiens, avant que de prendre aucun autre expedient pour l'ayder en sa juste intention selon mon devoir, j'ay voulu vous supplier d'user de l'authorité que vous aves sur ces refusans, pour les reduire a la rayson, esperant que vostre sage entremise aura tout le pouvoir requis pour l'effect de mon equitable desir, comme la mienne aura le credit envers vostre bienveuillance d'en obtenir le secours que je souhaitte a cet honneste et bon curé, lequel, je m'asseure, vous est des-ja asses recommandable, comme aussi il m'a tesmoigné qu'il vous honnore et revere de tout son cœur..

  A014001728 

 Je ne m'en vante pas, non, car il [196] y eut peu de prudence en cette resolution-lâ; mais, comme vous sçaves, ce n'est pas ma vertu que celle la..

  A014001748 

 Il fut des-ja publié l'annee passee, mais si imparfait que je n'osay pas l'exposer a la veuë d'un si grand Prince; maintenant qu'il est un peu moins mal accommodé, j'en prens la hardiesse, porté par la seule consideration de cette douce bonté qui a tous-jours aggreablement receu les foibles tesmoignages de mon invariable fidelité.

  A014001748 

 La devotion est son sujet, la gloire de Dieu est sa fin, et son escrivain est, par toute sorte de devoirs, voué a l'obeyssance de Vostre Altesse.

  A014001749 

 C'est pourquoy, devant aller bien tost en ce païs-la pour le mariage de l'un de mes freres avec la fille du baron de Chantal, selon la declaration que Vostre Altesse a faitte de l'avoir aggreable, j'envoyeray expres sur le lieu pour avoir de tout cela une attestation authentique, laquelle, s'il est vray ce qu'on m'a dit, sera une des plus belles marques de la sainteté de ce glorieux Prince que l'on ait recouvert jusques a present..

  A014001765 

 Et puis que je dois ce tesmoignage a la verité, je vous diray, Sire, que celuy que jusques a present Vostre Majesté a employé comme son instrument pour l'execution de ses volontés en cet endroit, a un zele qui ne peut rien oublier et une prudence qui ne sçauroit jamais rien gaster, qui est tout ce qui se peut desirer en une si digne et importante affaire..

  A014001777 

 Nostre seur a bien fait de m'advertir de ces petites tricheries de paroles que cette pauvre Religieuse va semant; car cela me peut servir et ne peut nuyre a personne, puisque je ne suis point despiteux, et pour cela ne laisseray pas de penser a quelque moyen d'ayder cette chetifve ame qui, a mon advis, est pleyne de legereté et inconstance, plus tost que de malice.

  A014001778 

 Il ne faut voyrement pas se haster de soy mesme; mais de recevoir les graces que Dieu nous donne, ce n'est pas se haster, pourveu qu'on se contienne en humilité et dedans les exercices auxquelz nostre vocation nous oblige..

  A014001779 

 L'exercice que vous m'aves envoyé est bon, mais prenes garde qu'en l'execution vous n'abbandonnies point la resolution de vous mortifier es rencontres que vostre vocation vous fera faire..

  A014001780 

 Je vous recommande M me de Charmoysi qui est toute malade, a ce que me dit M. de Charmoysi, et un ( sic ) bonn' œuvre que nous allons entreprendre pour le bien de plusieurs ames..

  A014001792 

 Vous aves bien fait, tres chere Fille, de m'advertir des mauvayses paroles de cette pauvrette, car cela m'est utile [204] et ne luy sera pas inutile a elle mesme pour l'advenir.

  A014001811 

 Mais il faut que je prie ma bonne niece, si elle [est] aupres de vous, de me faire la charité d'un petit bain de sauge pour mon pied, que je vous porte un peu boiteux..

  A014001872 

 Demeurés ainsy, chere Fille, et, comme un autre petit saint Jean, tandis que les autres mangent a la table du Sauveur diverses viandes, reposés et penchés, par une toute simple confiance, vostre teste, vostre ame, vostre esprit sur la poitrine amoureuse de ce cher Seigneur; car il est mieux de dormir sur ce sacré oreiller, que de veiller en toute autre posture .........................................................[214].

  A014001880 

 Nostre monsieur de Charmoysi, ce pendant, est tout joyeux en sa mayson des chams et tesmoigne d'aymer tant sa retraitte quil ne veut point qu'on traitte de l'en retirer; neanmoins, si Monsieur vient, je feray, si je puis, selon vostre conseil.

  A014001881 

 J'auroys honte de tout cela, si vostre faveur ne devoit couvrir la nudité qui y est, comm' encor ce que j'ose vous addresser tant de lettres qui sont en ce pacquet..

  A014001882 

 Nostre Seigneur vous conserve, Monsieur, et vous comble de tout bonheur; c'est le continuel souhait de.

  A014001886 

 Monsieur, c'est a vous a qui j'escris ainsy librement de mes nouvelles..

  A014001914 

 En retour, je continue à vous honorer dans mon âme avec un respect et un amour tout particulier; c'est pourquoi je vous dirai brièvement quelques nouvelles de mon diocèse et ce que je fais moi-même, car je me sens obligé de vous en rendre compte..

  A014001914 

 Le P. Joseph Alamanni, recteur du collège de Turin, m'a envoyé une relation des fruits qui se sont faits à Salamanque au moyen des Exercices spirituels; or, c'est vous qui l'avez chargé de me faire [219] cette communication.

  A014001915 

 Une dame qu'on n'avait jamais pu convertir, est morte ces jours passés, après avoir, néanmoins, fait profession de la foi catholique le jour même de sa mort et reçu les divins Sacrements, grâce aux exhortations d'une paysanne sa voisine: grand sujet d'admirer les secrets de la bonté de Dieu pour ceux qui ont su les considérer dans cet événement..

  A014001917 

 Quant à la ville de Genève, la raison d'Etat la retient dans son infortune; mais il me semble que, malgré tout, la première aurore du jour spirituel commence à répandre ses lueurs parmi ses habitants, puisqu'un grand nombre d'entre eux avouent que la religion catholique est la meilleure.

  A014001919 

 J'ai voulu vous raconter cette aventure parce qu'on m'a écrit d'Italie qu'à Turin le fait de mon passage par Genève a été présenté autrement; je serai donc bien aise que vous sachiez comment la chose s'est réellement passée..

  A014001932 

 En fin, nous n'aurons que trop de gens, c'est a dire, plus que nous ne pourrons recevoir..

  A014001932 

 J'en vis un'autre a Dole, damoyselle de fort bon lieu et qui a extremement bonne mine, un peu ma parente (car ell'est de ce pais), et qui vous vit a Dijon ou ell' estoit allé conduire une Religieuse Carmeline.

  A014001933 

 Mais, ma chere Fille, c'est la Providence de nostre cher Seigneur qui vous retient un peu la, car voyci qu'a mon arrivee, j'ay treuvé des nouvelles qu'on m'avoit fait une grande calomnie en nostre court, propre a me mettre en la disgrace de ce Prince qui, des quelque tems en ça, tesmoignoit tant de m'aymer.

  A014001933 

 Or tout cela n'est rien, et je ne le dis aussi [227] qu'a vous, a laquelle je ne puis rien celer de ce qui me regarde..

  A014001934 

 Cependant, voyci pas une chose notable? A mon arrivee, j'ay treuvé que la moytié de nos esperances pour l'erection d'un monastere ou je croyois de pouvoir attirer nos bonnes Carmelines est abbatue, car l'une des filles que nous esperions y devoir contribuer ne s'est peu resoudre a quiter le monde.

  A014001934 

 Je ne luy respondis rien, et maintenant il est revenu, et ayant parlé avec luy sur ce sujet, il ny a quasi moyen de le luy arracher de l'esprit.

  A014001935 

 Je vous envoye les lettres que j'oubliay a vous porter de M me Vignod, qui est tres bonne fille.

  A014001936 

 J'ay presque presché par tout et a mon gré, c'est a dire utilement.

  A014001938 

 Ce n'est pas icy la grande lettre que je vous veux escrire, car vous voyes bien que je Cours a toutes brides.

  A014001938 

 O il est vray, ma Fille, j'ay ce sentiment lâ.

  A014001938 

 Vive Dieu! ma chere Fille, il m'est advis que tout ne m'est plus rien qu'en Dieu, auquel neanmoins et pour lequel j'ayme plus tendrement que jamais ce que j'ayme, et sur tout nostr'ame.

  A014001939 

 Dieu est bon, ma Fille, soyons donq bons aussi..

  A014001941 

 La pauvre petite seur, est toute grosse, a ce que son mari m'a dit, qui se plaint de quoy ell'est un peu melancolique; je pense que dans quatre jours elle viendra..

  A014001962 

 C'est la verité, ma tres chere Fille, que rien ne nous peut donner une plus profonde tranquillité en ce monde que de regarder souvent Nostre Seigneur en toutes les afflictions qui luy arriverent despuis sa naissance jusques a sa mort; car nous y verrons tant de mespris, de calomnies, de pauvreté et indigence, d'abjections, de peynes, de tourmens, de nudités, d'injures et de toutes sortes d'amertumes, qu'en comparayson de cela nous connoistrons que nous avons tort d'appeller afflictions et peynes et contradictions ces petitz accidens qui nous arrivent, et que nous avons tort de desirer de la patience pour si peu de chose, puisqu'une seule petite goutte de modestie suffit pour bien supporter ce qui nous arrive.

  A014001963 

 Je connois fort bien l'estat de vostre ame et m'est advis que je la voy tous-jours devant moy avec toutes ces petites esmotions de tristesse, d'estonnement et d'inquietude qui la vont troublant, parce qu'elle n'a pas jetté encor asses avant les fondemens de l'amour de la croix et de l'abjection dedans sa volonté.

  A014001963 

 Vous deves donques tous les jours, non pas en l'orayson, mais a part, en vous proumenant, faire une reveuë de Nostre Seigneur entre les peynes de nostre Redemption, et considerer quel bonheur vous sera d'y participer; voir en quelle occasion ce bien la vous peut arriver, c'est a dire les contradictions que vous pourres avoir en tous vos desirs, mais sur tout es desirs qui vous sembleront plus justes et legitimes, et puis, avec un grand amour de la Croix et Passion de Nostre Seigneur, vous vous deves escrier avec saint André: «O bonne croix,» tant aymee de mon Sauveur, quand me recevres-vous entre vos bras?.

  A014001965 

 Alles bien devotement a la Messe apres disner: c'est a la vielle façon des Chrestiens.

  A014001974 

 O que l'eternité est desirable au prix de ces miserables et perissables vicissitudes! Laissons couler le tems, avec lequel nous nous escoulons petit a petit pour estre transformés en la gloire des enfans de Dieu..

  A014001975 

 C'est la derniere fois de cette annee que je vous escris, ma chere Fille.

  A014001976 

 C'est luy que je vous desire uniquement.

  A014001976 

 Il y a trois mois que je suis sans vos lettres, mais je croy que Dieu est avec vous, ce m'est asses.

  A014001976 

 Je vous escris sans loysir, [234] car ma chambre est pleine de gens qui me tirent; mais mon cœur est solitaire toutefois, et plein de desir de vivre a jamais tout pour ce saint amour, qui est l'unique pretention de ce mesme cœur.

  A014001977 

 C'est l'unique souhait de celuy que Dieu vous a donné..

  A014001983 

 Certes, ma chere Fille, ce n'est pas que je n'aye un cœur tout tendre pour vous, mais je suis tellement tracassé d'encombriers, que je ne puis pas escrire quand je veux.

  A014001983 

 Et puis, vostre mal, qui n'est d'autre chose que de secheresse et aridité, ne peut estre remedié par lettre; il faut en presence ouyr vos petitz accidens, et encor, apres tout, la patience et resignation en est l'unique guerison.

  A014001984 

 Et quoy que saint Pierre aymast la montaigne de Thabor et fuist la montaigne de Calvaire, celle ci toutefois ne laisse pas d'estre plus utile que celle la, et le sang qui est respandu en l'une, est plus desirable que la clairté qui est respandue en l'autre.

  A014001984 

 Helas! ma Fille, nous sommes tous-jours affectionnés a la douceur, suavité et delicieuse consolation; mais toutefois, l'aspreté de la secheresse est plus fructueuse.

  A014001985 

 L'inquietude et chagrin qui vous arrive de la connoissance de vostre neantise n'est pas aymable; car encor que la cause en est bonne, l'effect neanmoins ne l'est pas Non, ma Fille, car cette connoissance de nostre neantise ne nous doit pas troubler, ains adoucir, humilier et abbaisser; c'est l'amour propre qui fait que nous nous impatientons de nous voir vilz et abjectz.

  A014001985 

 Or sus, je vous conjure par nostre commun amour, qui est Jesus Christ, que vous vivies toute consolee et toute tranquille en vos infirmités.

  A014001997 

 Estudies bien cette leçon, car c'est l'unique leçon de nostre souverain [237] Maistre: Apprenes de moy que je suis debonnaire et humble de cœur..

  A014001997 

 Vous me dites trois bons motz, ma tres chere Fille, en la lettre que j'ay receue de vous: que vous faites une grande violence pour empescher l'eslevement de vostre courage et prattiquer l'amour de l'abjection (c'est a quoy vous vous estudies maintenant), et que vous [trouvez] vos desirs plus disposés au vouloir divin qu'auparavant.

  A014001998 

 Ouy, car ce saint vouloir est tout bon et sa disposition toute bonne; mieux ne pouvons nous marcher que sous sa providence et conduite..

  A014001999 

 Mais sçaves vous ce qui me plait? C'est que vous me dites que vous me parles a cœur ouvert; car, ma chere Fille, c'est une bonne condition pour avancer selon l'esprit que d'avoir le cœur ouvert pour la fidele et naifve communication que nous devons faire entre nous, d'autant que Nostre Seigneur, qui se plait tant a communiquer son esprit aux siens, se plait aussi beaucoup a voir que nous nous entrecommuniquions les nostres, pour nous entresoulager et ayder..

  A014002000 

 La seconde chose c'est d'eslancer souvent des paroles exterieures, de bouche, semees parmi vostr'orayson plus ou moins dru, selon que plus ou moins vous vous verres attaquee des assoupissemens..

  A014002000 

 Marches donq comme cela, ma chere Fille, et ne vous troubles point pour vos assoupissemens, contre lesquelz il faut faire deux choses: l'un' est de changer souvent de contenance en l'orayson, comme de tenir tantost les mains croisees sur l'estomach, tantost jointes, tantost bandees, tantost estre debout, tantost a genoux sur un genoux, tantost sur l'autre, a mesure que les assoupissemens vous arriveront.

  A014002013 

 Voyes vous, ma Fille, vostre venue luy est bien a cœur, parce qu'elle espere de servir bien Dieu en vostre personne et en celle des filles et femmes qui seront si heureuses que de vous suivre en la petite, mais sainte et aymable retraitte que nous meditons..

  A014002022 

 Ni ces liens reciproques ne sont point rompus par la mort, car ce sont des liens de l'amour sacré, qui est aussi fort pour les conserver que la mort pour les dissoudre..

  A014002061 

 Ce pendant, chere Seur, prenés bien courage a faire vostre enfant; je dis celuy du cors et celuy du cœur, mais sur tout celuy du cœur, qui est Nostre Seigneur, lequel vous voules, je m'asseure, produire en vostre vie et en vous mesme beaucoup mieux d'ores en avant.

  A014002061 

 Mais c'est un enfant lequel, au rebours des autres, soulage, nourrit et maintient sa mere; aussi faut il bien, ma Fille, que vous metties toute vostre esperance, vostre amour et vostre confiance en luy, car en cette sorte vous vivres toute joyeuse, contente. ...................................................... [244].

  A014002086 

 Elle vous dira donq seulement qu'avanthier j'ay sceu que je n'irois pas a Salins ce Caresme, parce que Monsieur l'Archevesque de Besançon a resolu a [246] ceux de cette ville-la, qu'il ne vouloit pas que j'y allasse; et il est leur Prelat.

  A014002087 

 Madamoyselle Favre s'est enfin resoluë, avec le bon congé de son pere, d'estre toute a Nostre Seigneur et de demeurer ma fille plus que jamais, et je croy que nous en ferons quelque chose de bon..

  A014002089 

 La pauvre chere seur est toute grosse, et vrayement fort bonne, ainsy que j'ay veu par la reveuë annuelle qu'elle a faite ces jours passés avec grande devotion.

  A014002099 

 Il m'est tombé ce matin dans l'esprit, pensant a elle, que c'est singulierement a son ame que s'addressent les paroles de l'Espoux sacré: Debout, hastés-vous, mon amie; car en fin, Amie c'est son nom, et l'Espoux l'appelle par son nom propre..

  A014002100 

 Mais, mon cher Frere, soyés genereux; dites luy vous mesme qu'il faut qu'elle oublie [248] son peuple et la mayson de son pere; mais non pas son pere, car elle s'en souviendra tous-jours devant Dieu, qui est nostre Pere commun.

  A014002132 

 J'appelle son ambition legitime, parce quand il pourroit avoir du secours d'ailleurs, je ne sçai sil le prendroit, au moins n'en auroit-il jamais tel contentement, tant il a a cœur l'honneur de dependre de Son Altesse, a laquelle, comme Vostre Excellence sçait, il est esperduement affectionné.

  A014002146 

 Je le confesse, mon cœur m'importune un peu pour ce regard, mays je luy pardonne ces petites ardeurs, car il est paternel et plus que paternel..

  A014002147 

 Croires-vous bien ce que je vous vay dire? J'ay, il y a quelque tems, le petit livre de la Presence de Dieu; c'est un petit ouvrage, mais je n'ay encor sceu le lire [252] entierement, pour vous en dire ce que je pense pour vostre service.

  A014002147 

 Il n'est pas croyable comme je suis tracassé deça et dela par les affaires; mais, ma chere Fille, vous vous troubleres si je n'adjouste que neanmoins, graces a mon Dieu, mon pauvre et chetif cœur n'eut jamais plus de repos ni de volonté d'aymer sa divine Majesté, de laquelle je sens une speciale assistance pour ce regard..

  A014002148 

 Quand j'y suis quelquefois, mon Dieu, que mon ame est a recoy, et que cette rosee, rosine et vermeille, luy donne de suavités! Mais je n'en suis pas esloigné d'un pas, que le vent recommence..

  A014002149 

 Hier je vous vis, ce me semble, que, voyant le costé de Nostre Seigneur ouvert, vous voulies prendre son cœur pour le mettre dans le vostre, comme un roy dans un petit royaume; et, bien que le sien soit plus grand que le vostre, si est-ce qu'il le raccourciroit pour s'y accommoder.

  A014002149 

 Que ce Seigneur est bon, ma chere Fille! que son cœur est amiable! Demeurons la, en ce saint domicile; que ce cœur vive tous-jours dans nos cœurs, que ce sang bouillonne tous-jours dans les veines de nos ames..

  A014002163 

 Consolons nous le plus que nous pourrons en ce tres-pas de nostre bonne mere, car les graces que Dieu a [254] exercees en son endroit pour la disposer a une heureuse fin, sont des marques fort certaines que son ame est doucement receuë entre les bras de sa divine misericorde; si que elle est bienheureuse d'estre desprise et demeslee des travaux de ce monde.

  A014002165 

 Encor faut-il que je vous die ce mot pour vostre contentement: c'est que cette pauvre bonne mere, avant que de partir de Neci, revit tout l'estat de sa conscience, renouvella toutes les bonnes resolutions qu'elle avoit faites de servir Dieu et vint si contente de moy que rien plus; car Dieu ne voulut pas qu'elle fust en estât de melancholie quand il la prendroit a soy..

  A014002196 

 Car, puisqu'ainsy il playsoit a Dieu de la retirer, ce m'est du contentement de l'avoir servie et assistee en ces derniers travaux, et mesme dautant que c'estoit une des plus douces et [257] innocentes ames quil estoit possible de treuver, et a laquelle la providence de Dieu a esté fort propice en trespas, l'ayant fort heureusement disposee a cela..

  A014002197 

 Voyes vous, Monsieur, je m'allege a vous dire cecy, car c'est grand cas comme c'est un' heureuse et souefve rencontre a un cœur aucunement blessé, de pouvoir se communiquer, quoy que par lettres seulement, a un cœur si doux, si gratieux, si cher, si pretieux et tant amy comme le vostre m'est par vostre bonté, en laquelle je vous conjure tous-jours de me continuer fermement, avec asseurance que je suis sans fin ni reserve,.

  A014002202 

 Il est vray que je ne les sçaurois apprendre de mon breviaire duquel seul je me mesle, et de prier Nostre Seigneur pour vous.

  A014002216 

 Ce n'est justement que pour vous bayser humblement les mains et vous supplier de me conserver lhonneur de vostre bienveuillance, que cette lettre se presente a vous en mon nom..

  A014002216 

 Je n'ay garde de vous vouloir beaucoup entretenir maintenant, qu'au milieu de cette grande et noble ville, chacun est autour de vous pour puyser les eaux des consolations spirituelles de la vive source que Dieu a mise en vous.

  A014002233 

 Confessons, ma Fille bien aymee, confessons que Dieu est bon et que sa misericorde est a l'eternité.

  A014002233 

 Toutes ses volontés sont justes et tous ses decretz equitables, son bon playsir est tous-jours saint et ses ordonnances tres aymables.

  A014002234 

 Et pour moy, je confesse, ma Fille, que j'ay eu un grand ressentiment de cette separation (car c'est la confession que je doy faire de ma foiblesse, apres que j'ay fait celle de la bonté divine); mais neanmoins, ma Fille, ça esté un ressentiment tranquille, quoy que vif, car j'ay dit comme David: Je me tais, o Seigneur, et n'ouvre point ma bouche, parce que c'est vous [ qui ] l'aves fait.

  A014002234 

 Sans doute, si ce n'eut esté cela, j'eusse crié hola! sous ce coup; mais il ne m'est pas advis que j'osasse crier ni tesmoigner du mescontentement sous les coups de cette main paternelle, qu'en verité, graces a sa Bonté, j'ay appris d'aymer tendrement des ma jeunesse..

  A014002235 

 En voyci une petite histoire, car c'est a vous a qui je parle; a vous, dis-je, a qui j'ay donné la place de cette mere en mon memorial de la Messe, sans vous oster celle que vous avies, car je n'ay sceu le faire, tant vous tenes ferme ce que vous tenes en mon cœur; et par ainsy, vous y estes la premiere et la derniere.

  A014002236 

 On me vient appeller icy, et j'y vay soudain avec le medecin et apoticaire, qui la treuvent letargique et paralitique de la moytié du cors; mais lethargique en telle sorte, que neanmoins ell'estoit fort aysee a reveiller, et en ces momens de reveil elle tesmoignoit le jugement entier, soit par ces ( sic ) paroles, qu'elle s'efforçoit de dire, soit par le mouvement de sa main saine, c'est a dire delaquelle l'usage luy estoit demeuré.

  A014002239 

 Vostre petite chambre vous attendroit, nostre petite table, et nostre simple et petit traittement vous sera fait et offert de bon cœur, je veux dire de mon cœur qui est grandement vostre.

  A014002241 

 Si cela se peut, je ny voy nul inconvenient, car enfin vous auries vostre argent icy, outre [263] tout celuy qui depend de moy, qui est autant vostre que nul autre, et cette dote seroit payee, quil faut aussi bien payer une foys.

  A014002242 

 J'ay voulu sçavoir sil seroit a propos que vous prissies la une femme pour estr'aupres de ma seur; mais mon frere m'a dit que vous ne vous missies nullement en peyne, quil accommodera si bien tout ce quil faudra pour ma seur, que vous aurés tout sujet de contentement de luy, de maniere quil n'est point besoin de cela.

  A014002243 

 Nostre pauvre petite Charlotte est bienheureuse d'estre sortie de la terre avant qu'elle l'eut bonnement touchee.

  A014002244 

 Ce n'estoit pas sortir d'aller avec vous a Bourbilly; non, ma Fille, ce n'est pas sortir quand on sort pour mieux s'arrester et rentrer.

  A014002244 

 Helas! nostre pauvre M me du Puis d'Orbe auroit un grand besoin d'estre assistee de pres, car elle [est] si bonne et si cordiale que rien plus, mais si melancolique, si douillette et si delicate de courage que rien plus.

  A014002246 

 [265] Nostre Favre a fait merveilles et est maintenant toute a Dieu..

  A014002247 

 Je n'ay nulles nouvelles de Paris, non pas mesme si M. de Berulle est en vie..

  A014002247 

 Ne dites mot de Sainte Catherine, car c'est le secret qui doit tout faire reuscir.

  A014002248 

 Je ne dis pas que quand on a fait sa praeparation, et qu'en l'orayson on est attiré a cette sorte d'orayson, il ny faille aller; mais prendre pour methode de ne se point præparer, cela m'est un peu dur, comm'encor de sortir tout a fait de devant Dieu sans action de grace, sans offrande, sans priere expresse.

  A014002248 

 Quant a ces preceptes de l'orayson que vous aves receuz de la bonne Mere Prieure, je ne vous en diray rien pour le present; seulement je vous prie d'apprendre le plus que vous pourres les fondemens de tout cela, car, a parler clair avec vous, quoyque deux ou trois fois l'esté passé m'estant mis en la presence de Dieu sans praeparation et sans dessein, je me treuvasse extremement bien aupres de sa Majesté, avec une seule tres simple et continuelle affection d'un amour presque imperceptible mais tres doux, si est ce que je n'osay jamais demarcher du grand chemin pour reduire cela en un ordinaire.

  A014002258 

 Mais, ma chere Cousine, vous seres toute consolee quand vous sçaures qu'elle nous a laissé toutes sortes d'argumens d'esperer que son ame est receue en la main dextre de son Dieu, qui est en fin l'unique bonheur auquel nous aspirions en toute [occurrence] de cette basse et miserable vie mortelle.

  A014002258 

 Mon excuse est fascheuse, je m'asseure, a vostre cœur qui, de sa grace, aymoit fort cette amie defuncte, laquelle, de son costé, vous honnoroit d'une affection toute dediee a vostre service.

  A014002265 

 Oserois-je bien demander par vostre entremise, ma chere Cousine, le pardon requis a la faute que je fay de ne point escrire a monsieur le Baron mon cousin? Certes, c'est que je suis fort pressé d'escrire.

  A014002272 

 Je voy que nous sommes a la veille de vostre arrivee: qu'heureuse puisse-elle estre! C'est pourquoy je n'adjouste rien.

  A014002283 

 Et mesme, quand quelque violent presage nous arrive, tel qu'estoit celuy duquel vous m'escrives, il faut renoncer aux apprehensions qui nous en reviennent, tant qu'il nous est possible, de peur que nostre ennemy, nous treuvant faciles a croire telz ressentimens, n'abuse de nostre facilité.

  A014002283 

 Maïs la verité est que jamais il n'abusera de chose quelconque en vostre endroit, tandis que, comme vous faites, vous tiendres vostre cœur naifvement et humblement ouvert a vostre guide..

  A014002284 

 Il faut bien tous-jours faire pour toutes occurrences comme vous faites pour le proces perdu; c'est a dire, il faut tous-jours bien s'accommoder a doucement supporter ces rencontres..

  A014002286 

 Dites donq ce reste de Caresme, cinq Pater noster et cinq Ave les genoux nudz et les mains nuës, par obeissance et pour vous conformer a Celuy qui va nud sur la croix pour nous, c'est a dire duquel nous allons rememorer la mort..

  A014002287 

 Il est mieux de choisir quelque pauvre prestre et luy faire dire une Messe le samedy, que de donner tous les jours un liard: ainsy vous soulageres le prochain et louëres la Vierge Marie par une plus excellente action.

  A014002287 

 Il est vray qu'en cas qu'il y eust d'autres pauvres en necessité, il le leur faudroit appliquer, parce qu'alhors le soulagement du prochain est commandé en ce que l'on peut bonnement..

  A014002321 

 Et de fait, il ne m'appartient pas de priver le compétiteur de M. Bresa du canonicat dont il est possesseur; aussi, je crois que Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime n'aura pas de peine à m'excuser..

  A014002349 

 Il est demeuré assez longtemps ici, où il s'était réfugié.

  A014002349 

 Je crois qu'il y sera accueilli par la sacrée Congrégation des convertis, car ses mœurs et ses manières sont très honorables, et même il s'est rendu assez remarquable dans les belles-lettres et les sciences mathématiques..

  A014002362 

 Or, pour le moins m'a-elle dit que vous chemines fidellement en la crainte de Nostre Seigneur, qui est le grand mot de ma consolation, puisque mon ame desire tant de bien a la vostre tres chere..

  A014002364 

 Il faut acquiescer a cette Providence souveraine, laquelle n'est pas obligee de suivre nos eslections et persuasions, mais son infinie sagesse.

  A014002364 

 Si N. est sage et humble, Dieu luy treuvera bien une place en laquelle elle pourra bien servir sa divine Majesté, ou par consolations ou par tribulations.

  A014002365 

 Ma chere Fille, ce petit esbranslement de cœur que vous aves en cette occasion, vous doit servir d'advertissement que l'amour propre est grand et gros dedans vostre cœur, et qu'il faut faire bon guet, de peur qu'il ne s'en rende le maistre.

  A014002366 

 Car, ce que monsieur vostre mary dit est veritable, qu'il pourroit, a l'adventure, changer toutes ces mauvaises humeurs que vous me marqués; mais acela [278] s'entend s'il est de bon naturel et que ce ne soit que la jeunesse ou la mauvaise compaignie qui le gaste.

  A014002366 

 Mais, si c'est un esprit de nature mal qualifié, comme il ne s'en void que trop, certes, c'est tenter Dieu de hazarder une fille en ses mains, sous l'incertaine et douteuse presomption d'amendement, et sur tout si la fille est jeune et qui ayt besoin de conduitte elle mesme; auquel cas, ne pouvant rien contribuer a l'amendement du jeune homme, ains estant plust.ost a craindre que l'un ne serve de sujet de perte a l'autre, qu'y a-il en tout cela qu'un evident danger? Or, monsieur vostre mary est grandement sage, et m'asseure qu'il fera toute bonne consideration, a quoy vous le servirés; et moy je prieray, selon vostre desir, qu'il playse a Dieu de bien addresser cette chere fille, affin qu'elle vive et viellisse en sa crainte..

  A014002366 

 Touchant le mariage de cette chere fille que j'ayme bien fort, je ne puis bonnement vous donner conseil, ne sachant de quelle nature est ce chevalier qui la recherche.

  A014002367 

 De mener au bal cette fille fort souvent ou rarement, puisque c'est avec vous qu'elle ira, il importe peu; vostre prudence doit juger de cela a l'œil et selon les occurrences.

  A014002367 

 Si je ne me trompe, cette fille est vive, vigoureuse et de naturel un peu ardent: or, maintenant que son entendement commence a se desployer, il faut y fourrer doucement et suavement les premices et premieres semences de la vraye gloire et vertu, non pas en la tançant de paroles aigres, mais en ne cessant point de l'advertir avec des paroles sages et amiables a tous propos, et les luy faisant redire, et luy procurant des bonnes amitiés de filles bien nees et sages..

  A014002368 

 Madame de [Chantal] m'a dit que, pour vostre exterieur et la bienseance de vostre mayson, vous marchies fort sagement; et tant elle que mon frere de Thorens m'ont dit une chose qui m'a rempli d'ayse: c'est que monsieur vostre mary acqueroit de plus en plus grande bonne reputation d'estre bon justicier, ferme, equitable, laborieux au devoir de sa charge, et qui en tout vivoit et se comportoit en grand homme de bien et bon Chrestien.

  A014002369 

 Le voyage de Lorette est un grand voyage pour des femmes: je vous conseille de le faire souvent en esprit, joignant par intention vos prieres a cette grande multitude de personnes devotes qui y vont honnorer la Mere de Dieu, comme au lieu ou premierement l'honneur incomparable de cette maternité luy arriva.

  A014002369 

 Mais puisque vous n'aves point de vceu qui vous oblige d'y aller en presence corporelle, je ne vous conseille pas de l'entreprendre; ouy bien d'estre de plus en plus zelee a la devotion de cette sainte Dame, de laquelle l'intercession est si forte et favorable aux ames, que pour moy, je l'estime le plus grand appuy que nous puissions avoir envers Dieu pour nostre advancement en la vraye pieté; et puis parler de cela, pour en sçavoir plusieurs particularités remarquables.

  A014002370 

 Pour vos aumosnes, ma chere Fille, faites-les tous-jours un peu bien largement et a bonne mesure, neanmoins avec la discretion qu'autrefois je vous ay dit ou escrit; car si ce que vous jettes dans le sein de la terre vous est rendu avec usure par sa fertilité, sçachés que ce que vous jetteres dans le sein de Dieu vous sera infiniment plus fructueux, ou d'une façon ou d'une autre; c'est a dire, Dieu vous en recompensera en ce monde, ou en vous donnant plus de richesses, ou plus de santé, ou plus de contentement.

  A014002378 

 Il est vray, nous l'avons en fin cette chere seur, mais ce n'est pas moy pourtant qui vous l'ay ostee; c'est Dieu qui nous l'a donnee, ainsy que, Dieu aydant, la suite le tesmoignera.

  A014002378 

 Je ne doute nullement que cette petite conversation que vous eustes ensemble a Bourbilly ne vous fust bien douce, car c'est une heureuse rencontre que de deux espritz qui ne s'ayment que pour mieux aymer Dieu; mais il ne se pouvoit pas faire que cette sensible presence durast long tems, puisque nostre commun Maistre vous demandoit l'une la, l'autre icy, pour son service.

  A014002379 

 C'est pourquoy il nous faut mettre sur le solide, et considerer si nostre volonté est bien affranchie de toutes mauvaises affections, comme seroit dureté de cœur envers le prochain, impatience, mespris d'autruy, amitiés trop ardentes envers les creatures et semblables choses.

  A014002379 

 Je suis bien ayse dequoy vous manques peu aux exercices que je vous ay marqués, car cela monstre que les fautes que vous y faites ne proviennent pas d'infidelité, mais de foiblesse; et la foiblesse n'est pas un grand mal, [281] pourveu qu'un fidele courage la redresse petit a petit, ainsy que je vous conjure de faire, ma chere Fille, pour la vostre, sans vous affliger nullement de ce que vous n'aves ni sentiment ni goust ordinairement en tous vos exercices, car Nostre Seigneur ne requiert pas cela de nous: aussi ne depend-il pas de nous de l'avoir ou de ne l'avoir pas.

  A014002380 

 Je diray la Messe que vous me demandes, bien que jamais je n'en die point qui ne soit tres expressement vostre; mais je n'ay peu me remettre en memoire le sujet que vous dites que je sçai; aussi n'en est-il pas besoin..

  A014002382 

 Hé bien, ma chere Fille, la multitude des difficultés vous fit peur et vous eustes des pensees de tout quitter; [282] cependant vous aves veu que tout est fait.

  A014002387 

 Je suis marry avec vous [283] du desgoust qu'elles ont de vostre chapelain ordinaire; mais l'entremise des Minimes peut suppleer a tout cela, puisque, comme vous dites, il est certes malaysé de treuver des prestres bien conditionnés et que celuy-ci est asses capable.

  A014002388 

 Tenés-vous le plus que vous pourrés aupres de vos filles, car vos absences ne leur peuvent donner que des sujetz de murmurer; et rien ne leur peut tant adoucir leur sujettion que la vostre, rien ne les peut tant retenir dans l'enclos de l'observance que de vous y voir avec elles: et c'est en cela qu'il faut se crucifier pour Celuy qui a esté crucifié pour nous.

  A014002389 

 Demeurés ferme en cette creance, car elle est, Dieu aydant, infallible.

  A014002396 

 Et pour vous humilier encor un peu, salués de ma part monsieur Lafon et ces bonnes filles qui servent Dieu en la personne de ses servantes; car tout cela m'est cher..

  A014002404 

 Tenes vous bien debout et gardés de broncher, car il est dangereux de marcher au chemin des proces.

  A014002405 

 O Dieu, ma chere Fille, qu'ell'est heureuse cette chere niece qui s'en est allee de ce monde avant que d'y avoir souillé ses affections! Je prie le Saint Esprit quil donne sa sainte consolation au pere.

  A014002421 

 Il y a encor quelqu'accommodement a faire dans nostre petit nouveau bastiment; mais ce n'est pourtant pas chose qui puisse retarder le commencement de nostre dessein, lequel je propose devoir estre a ces prochaines festes de Pentecoste, Dieu aydant..

  A014002424 

 Ne vous mettes nullement en peyne de tout ce que le monde dit, car il est ennemi de la gloire de Dieu et du bien des ames; et le Pape ne veut voyrement pas qu'on fonde des nouvelles Religions sans congé, et a rayson, mais il n'empesche pas, ains a aggreable que l'on face ce que nous ferons, Dieu aydant..

  A014002442 

 Il m'est bien advis que nous ne demeurerons plus en nous mesmes, et que, de cœur, d'intention et de confiance, nous nous logerons pour jamais dans le costé percé du Sauveur; car sans luy, non seulement nous ne pouvons, mais quand nous pourrions, nous ne voudrions rien faire..

  A014002454 

 Mais il y en a deux pourtant que je doys preferer en ce mien desir, dont le premier est Jean Anthoyne Rolland, [290] duquel la mere est de la mesme mayson de feu monsieur le fondateur du College et ma proche parente, laquelle ayant plusieurs enfans, a destiné celluy ci a l'estude, comme celuy qui a plus d'apparence de bon esprit; qui me fait vous supplier de le prendre particulierement en protection.

  A014002455 

 L'autre est Bernardin du Nant, filz d'un fort honneste [291] pere, et qui a longuement et fidellement servi feu Monsieur le Reverendissime mon praedecesseur, et duquel, pour cela, je doys affectionner le bien; dautant plus que sa pauvreté et toutes les autres conditions pour lesquelles il a esté nommé, le rendent fort recommandable.

  A014002457 

 La seconde est plus nouvelle, de l'edition delaquelle la Preface aussi rend fidellement la rayson.

  A014002457 

 On l'a reimprimé six foys en deux ans et en divers endroitz, mais je n'ay encor peu avoir que des editions de Lyon, qui est en nostre voysinage; non plus que de la traduction que quelques Peres Jesuites en ont fait faire en Italie.

  A014002476 

 Car voyes vous, Madame, il est requis que vous ayes une ame vaillante et genereuse pour entrer en ce dessein, affin que vous resisties aux suggestions que la folle sagesse du monde vous fera..

  A014002477 

 Il est vray que si vous entreprenés cette œuvre simplement pour Dieu et vostre salut, vous y aures tant de consolations que rien ne vous sçauroit destourner, et la bonne compaignie en laquelle vous seres ne vous servira pas de peu a vous bien establir; mais il ne faut pour cela que vous laissies de bien examiner vostre courage avant que de venir.

  A014002494 

 Praesupposant que cela ne vous incommode pas, je seray bien ayse que vous logies en vostre logis de la ville M lle d'Escrilles; et pour les meubles, ce qui sera [295] requis je le feray prendre ceans, ou mesme je la logerois, si cela vous estoit beaucoup incommode, parce qu'ell' est icy comm' estrangere..

  A014002507 

 Certes, l'autre jour, en recommandant ce projet a sa divine Majesté, je me confondois extremement dequoy elle se servoit pour cela de mon cœur et du vostre, je veux dire de nostre cœur; car, bien que la rayson ne le veuille pas, si est-ce que je ne sçai separer ce cœur en deux, ni en me resjouissant, ni en me confondant.

  A014002540 

 Elles s'emploieront à plusieurs œuvres de charité en faveur des pauvres et des malades; c'est à leur service que ces bénites âmes veulent en partie se consacrer, en suivant l'usage d'après lequel, en ces [299] pays ultramontains, ce ministère se pratique ordinairement parmi les femmes.

  A014002558 

 [302] Mais la voyant faitte, j'ay creu que je devois au bien de mondit frere une très humble supplication a Son Excellence, affin quil luy playse de nous gratifier de cet honneur, lequel est certes plus grand que nous ne meritons, mais qui ne peut tumber en une personne plus fidelle au service de Son Excellence que mondit frere sera; a quoy j'adjouste que l'estude quil a fait asses fructueusement en droit, pourra encor le rendre moins inutile en cette place, si Dieu et Monseigneur l'y conduisent..

  A014002559 

 La lettre donq ci jointe est pour ce sujet, et celle qui est addressee a monsieur Desfrenes aussi, qui me fait vous supplier de la rendre le plus tost quil vous sera possible, et comme pour l'amy; car encor que nous ne vous ayons jamais rendu aucun service qui nous puisse acquerir cette qualité, si avons nous bien eu ce desir, et moy particulierement, qui, priant Nostre Seigneur quil vous conserve et accompaigne, suis,.

  A014002580 

 J'espere que Dieu sera glorifié en ce petit dessein, et, comme vous a dit le Pere Recteur, la pierre [306] fondamentale que Dieu nous donne pour iceluy est une ame d'excellente vertu et pieté, ce qui me fait tant plus croire que la chose reuscira heureusement..

  A014002581 

 Mon cher Pere, vous estes capable des humeurs, facultés et moyens de ce païs, et jugeres bien, comme je pense, que ne pouvant pas mieux faire, il est bon de faire cela.

  A014002582 

 Vostre candeur et sainte bonne foy m'oblige a vous dire naïfvement tout cecy, et encor adjouster que je suis filz et serviteur bien humble du Pere Recteur, qui sçait bien que nostre Congregation, qui se commencera dans peu de jours, est le fruit du voyage de Dijon, pour [307] lequel je ne peus jamais regarder les choses en leur face naturelle; et mon ame estoit secrettement forcee a penetrer un autre succes qui tumboit si directement sur le service des ames, que j'aymois mieux m'exposer a l'opinion et a la mercy des bons qu'a la cruauté de la.

  A014002582 

 Voyla, mon cher Pere, le sommaire et premier crayon de l'ouvrage, que Dieu conduira a la perfection que luy seul sçait, et pour lequel mon courage est incomparablement animé, croyant que Dieu l'aura aggreable.

  A014002591 

 Ah! Monsieur mon amy, il est vray, l'Europe ne pouvoit voir aucune mort plus lamentable que celle du grand Henri IV. Mais qui n'admireroit avec vous l'inconstance, la vanité et la perfidie des grandeurs de ce monde? Ce Prince, ayant esté si grand en son extraction, si grand en la valeur guerriere, si grand en victoires, si grand en triomphes, si grand en bonheur, si grand en paix, si grand en reputation, si grand en toutes sortes de grandeurs: hé, qui n'eust dit, a proprement parler, que la grandeur estoit inseparablement liee et collee a sa vie, et que, luy ayant juré une inviolable fidelité, elle esclatteroit un feu d'applaudissement a tout le monde par son dernier moment, qui la termineroit en une glorieuse mort? Non certes, Monsieur, il sembloit bien qu'une si grande vie ne devoit finir que sur les despouilles du Levant, apres une finale ruine et de l'heresie et du Turcisme.

  A014002592 

 Enfans des hommes, jusques a quand seres-vous si pesans de cœur? Pourquoy cherissés-vous la vanité et pourquoy pourchassés-vous le mensonge? Tout ce que ce monde nous fait voir de grand, ce n'est que fantosme, illusion et mensonge.

  A014002593 

 Mon Dieu, Monsieur, que ne sommes-nous sages par tant d'experiences! Que ne mesprisons-nous ce monde, lequel en tout est si fresle et si imbecille! Que ne nous tenons-nous aux pieds de ce Roy immortel qui a triomphé de la mort par sa mort, et duquel la mort est plus aymable que la vie de tous les rois de la terre? Vous estes bien heureux, Monsieur, de faire ces considerations; mais vous seres tres heureux, si, a la suite d'icelles, vous entres es resolutions convenables, exhalant le reste de vos vieux jours comme un encens, par le feu de l'amour unique du Roy de l'eternité.

  A014002594 

 C'est ce seul bonheur qui me fait esperer que la douce et misericordieuse providence du Pere celeste aura insensiblement mis dans ce grand cœur royal, en ce dernier article de sa vie, la contrition necessaire pour une heureuse mort.

  A014002607 

 Ma Fille, il faut que je vous die que je ne vis jamais si clairement combien vous estes ma fille que je le voy maintenant, mais je dis que je le voy dans le cœur de Nostre Seigneur; c'est pourquoy n'interpretés pas a [312] desfiance ces petitz motz que je vous escrivis l'autre jour: mais nous en parlerons une autre fois..

  A014002608 

 Ah! c'est Dieu, sans doute..

  A014002617 

 Or il est vray, chere Seur, ma Fille, j'ay esté un peu las de cors; mais d'esprit et de cœur, comme le pourrois-je [313] estre, apres avoir tenu sur ma poitrine et tout joignant mon cœur un si divin epitheme, comme j'ay fait ce matin tout au long de la procession? Helas! si j'eusse eu mon cœur bien creux par humilité et bien abbaissé par abjection, j'eusse sans doute attiré ce sacré gage en moy, il se fut caché dedans moy; car il est si amoureux de ces vertus, qu'il s'eslance a force ou il les void..

  A014002618 

 Mon Dieu, que cela m'a attendri quand on a chanté ce Psalme! car je disois: O chere Reyne du Ciel, chaste tourterelle, est-il possible que vostre poussin ayt maintenant pour son nid ma poitrine? Cette parole de l'Espouse m'a bien encor touché: Mon Bienaymé est mien, et moy je suis toute sienne; il demeure entre mes mammelles; car je le tenois la.

  A014002619 

 En sorte qu'apres qu'on s'est determiné, il ne faut plus s'amuser a souspirer apres les imaginations des choses meilleures, mais a bien passer les difficultés presentes, lesquelles aussi bien ne sçaurions [314] nous eschapper sans en rencontrer d'autres aussi fortes, puisque tout en est plein..

  A014002645 

 C'est aussi le plus grand garend que les Princes puissent avoir (lhors qu'a leur tour ilz seront censurés a l'heure de leur mort), d'avoir commis leur authorité a des gens capables de la bien manier; car n'ayans peu faire comme Dieu, qui, quand il luy plait, donne la suffisance a ceux auquelz il a remis l'authorité, ilz l'auront jointe au plus pres qu'ilz auront sceu, donnant l'authorité a ceux quilz auront reconneu avoir la suffisance..

  A014002645 

 Certes, Monseigneur, rien ne donne tant de douceur a la vie humaine que la droitte administration de la justice, et la justice, quoy que tous-jours une en elle mesme, ayant sa source, comm'une belle eau, en la poitrine des Princes souverains en terre, coulant par les espritz des magistratz rudes, malpolis et raboteux, elle se rend autant nuysible qu'elle devoit estre utile, et mesmes jusques la que, comme parle un sacré Prophete, ell'est convertie en absinte.

  A014002646 

 Les magistratz, Monseigneur, representent la souveraine majesté des Princes sur les biens et vies des sujetz; c'est pourquoy les Princes, par une sainte jalousie, doivent avancer es offices, des personnes qui les sachent bien [317] representer.

  A014002680 

 Ne faut il pas, ma chere Seur, que ne pouvant vous voir, je vous aille au moins donner la bonne feste en esprit? O Dieu, que voyci un grand Saint qui se presente aux yeux de nostre ame! Quand je le considere dans ces desertz, je ne sçai si c'est un Ange qui fait semblant d'estre homme, ou un homme qui pretend de devenir Ange.

  A014002681 

 Ma chere Fille, bien que, selon nostre condition mortelle, il nous faut toucher terre pour donner ordre aux necessités de cette vie, si est-ce que nostre cœur ne doit savourer que la rosee du bon playsir de Dieu en tout cela et doit tout rapporter a la louange de Dieu..

  A014002681 

 Sa viande est admirable; car le miel represente la suavité de la vie contemplative, toute ramassee sur les fleurs des mysteres sacrés.

  A014002682 

 Ah, que c'est un habit propre a conserver la sainteté, que la robbe de l'humilité!.

  A014002682 

 Mais ce que cet ange terrestre est habillé de poil de chameaux, que signifie-il? Le chameau, bossu et [320] proprement fait a porter les fardeaux, represente le pecheur.

  A014002683 

 Hé, voyés, je vous prie, ce saint jeune homme enfoncé dans la solitude: il y est par obeissance, attendant qu'on l'appelle pour venir au peuple.

  A014002683 

 Il se tient esloigné du Sauveur, qu'il connoissoit et baysoit par affection des le ventre de sa mere, affin de ne point s'esloigner de l'obeissance, sçachant bien que de treuver le Sauveur hors de l'obeissance, c'est le perdre tout a fait..

  A014002695 

 C'est a elle que je recommande de tout mon cœur le jeune et nouveau Roy et tout ce grand royaume..

  A014002696 

 Mays revenons tous-jours a cette Providence, car c'est le vray rendes vous de nos cogitations..

  A014002710 

 Mais demain, vous verres la pauvre petite jeune Dame, enceinte du Filz de Dieu, qui vient doucement occuper l'esprit de son cher et saint mari pour avoir le congé de faire la sainte visite de sa vielle cousine Elizabeth; vous verres comme elle dit a Dieu a ses cheres voysines pour trois moys qu'elle pense estre aux chams et es montaignes; car ce mot est bon.

  A014002711 

 Mais penses que la Vierge ne sent que ce de quoy ell'est pleyne et qu'elle ne respire que le Sauveur; saint Joseph, reciproquement, n'aspire qu'au Sauveur qui, par des rayons secretz, luy touche le cœur de mille extraordinaires sentimens.

  A014002720 

 Si c'est de ceux a qui Dieu a donné le pouvoir et imposé le devoir de conduire vostre ame et vous commander es choses spirituelles, certes vous aves rayson; car en obeissant a ceux-la, vous ne pouves pas faillir, bien qu'eux se peuvent tromper et vous mal conseiller, s'ilz le font, principalement, regardant ailleurs qu'a vostre seul salut et advancement spirituel.

  A014002721 

 Car en fin, vostre cœur, que diroit-il s'il n'estoit empesché? Vous diroit-il pas: Retirons-nous d'entre les mondains? Il a donq encor cette inspiration; mais parce qu'il est empesché, il ne la peut ou ne l'ose pas dire.

  A014002721 

 Le second est que, puisque non seulement vous aves desiré de vous retirer, mais vous le desireries encor s'il vous estoit permis de ceux qui vous ont retenue, c'est un signe manifeste que Dieu veut vostre retraitte, puisqu'il continue son inspiration parmi tant de contradictions, et vostre cœur, touché de l'aymant, a tous-jours son mouvement du costé de la belle estoille, quoy que rapidement destpurné par les empeschemens terrestres.

  A014002721 

 Rendés-luy sa liberté affin qu'il la die, car il ne vous sçauroit mieux dire; et cette parole secrette qu'il dit tout bellement en soy mesme: Je voudrois bien, je desirerois bien sortir d'entre les mondains, c'est la vraye volonté de Dieu.

  A014002722 

 Le troisiesme point de mon advis est que vous n'estes nullement en indifference devant Dieu, puisque le desir de la retraitte qu'il vous a donné, est tous-jours dedans vostre cœur, quoy qu'il soit empesché de faire son effect; car la balance de vostre esprit tend de ce costé la, bien qu'on donne du doigt de l'autre costé pour empescher le juste poids..

  A014002723 

 Je me fais entendre, que vous avies offert la moitié de vos biens, ou bien le payement de cette mayson, qui est maintenant dediee a Dieu.

  A014002723 

 Le quatriesme, c'est que si vostre premier desir a esté excessif en quelque chose, il le faut corriger, et non point le rompre.

  A014002723 

 Or sus, il faut corriger cet exces, et venir en cette mayson avec une portion de vostre revenu, autant qu'il est requis pour vivre sobrement, en laissant tout le reste a qui vous voudres, et mesme reservant la portion susdite, apres vostre mort, pour ceux a qui vous en voudres faire du bien.

  A014002724 

 En fin, prenés courage a faire une bonne resolution absolue; et bien que ce ne soit pas peché de demeurer ainsy en ces foiblesses, si est-ce que sans doute on perd beaucoup de commodité de bien advancer et recueillir des consolations grandement desirables..

  A014002736 

 Il est vray que l'on regarde encor aux facultés, car une damoyselle qui seroit de bonne volonté et n'auroit pas moyen de tant faire, on se contente de moins..

  A014002736 

 Or, ce fons peut estre donné en deux façons: car ou il est reversible aux parens apres le trespas de celle pour laquelle il est donné, et lhors on le demande plus gras et tel qu'il egale en revenu la nourriture de la fille; ou bien on le donne simplement pour demeurer par apres a la Congregation, et lhors on se contente de moins.

  A014002737 

 C'est pourquoy, si cette bonne damoyselle peut, il faut qu'ell'ayt une somme de trois ou quatre mille florins pour un coup, ou un fond qui les vaille, ou en fin une piece a jouir par elle mesme, qui porte 200 florins annuelz, reversible a ses parens quand elle mourra.

  A014002737 

 En Chablaix, on est un peu mauvais payeur.

  A014002737 

 Tout cela se fait ainsy, dautant que cette Congregation n'est encor point rentee, ni ne veut estre ni mendiante ni playdante..

  A014002738 

 Elles font un'annee de probation et, quand il est expedient, deux et trois; et c'est lhors qu'en la premiere annee, elles n'ont pas encor donné tesmoignage asseuré de leur amendement.

  A014002740 

 Si quelqu'une ne veut pas suivre l'esprit de la Congregation, [330] sa punition est d'estre mise dehors, en luy rendant neanmoins ce qu'ell'a apporté; mais cela seulement apres tout essay de les corriger.

  A014002741 

 Ell'est instituee sous le tiltre de la Visitation de Nostre Dame.

  A014002741 

 Le commencement est fort plausible et rend beaucoup d'edification; il y vient des filles de Chamberi, Grenoble et Bourgoigne.

  A014002741 

 Or en fin, c'est une Congregation simple, instituee pour les femmes et filles qui, pour leur infirmité corporelle ou pour n'avoir pas l'inspiration d'entreprendre des grandes rigueurs, ne peuvent entrer es Religions formees et reformees; car la elles auront une ( sic ) refuge doux et gracieux, avec la prattique des vertus essentielles de la devotion..

  A014002760 

 Mays nous, qui sommes encor tous tendres, nous avons des ames qui se divertissent aysement au sentiment des travaux et douleurs du cors; c'est pourquoy, ce n'est pas merveille si durant vos maladies vous aves intermis l'usage de l'orayson interieure.

  A014002760 

 Tandis que nos cors sont en douleur, il est malaysé d'eslever nos cœurs a la consideration parfaitte de la bonté de Nostre Seigneur; cela n'appartient qu'a ceux qui, par des longues habitudes, ont leur esprit entierement contourné du costé du Ciel.

  A014002761 

 Il faut donq bien prendre courage, et ne point permettre que les conversations et cette vayne sujettion que nous rendons a ceux que nous hantons, vous prive d'un si rare bien comm'est celuy de parler cœur a cœur avec son Dieu..

  A014002777 

 C'est pourquoy je resalue ces....................................................................................................

  A014002785 

 Helas, que nostr'ennemi est subtil et comme il nous conduit insensiblement aux precipices! Or, ne pouvant donq autre chose, je prieray pour ce personnage, que je cheris tendrement et de tout mon cœur..

  A014002786 

 C'est pour luy oster la creance qu'elle pourroit prendre en mes advis, lesquelz, a l'aventure, luy seroyent utiles; mais je ne sçaurois empescher sa credulité, ni la malice des calomniateurs.

  A014002787 

 M me Vignod, de Sainte Catherine, ira de dela, et je croy qu'ell'edifiera sa seur, car c'est vrayement une fille tout absolument remise en Dieu.

  A014002787 

 Ma tres chere Fille, soyes tous-jours bien douce et suave, aymant amoureusement les creatures pour lesquelles Nostre Seigneur est mort d'amour.

  A014002802 

 Ce n'est que justement pour vous donner le bon soir que je vous escris, et vous tenir asseuree que je ne cesse point de vous souhaiter mille et mille benedictions du Ciel, et a monsieur mon frere, mais particulierement celle d'estre tous-jours transfiguree en Nostre Seigneur.

  A014002802 

 O que sa face est belle et que ses yeux sont doux et esmerveillables en suavité, et que c'est chose bonne d'estre aupres de luy en la montaigne de la gloire! C'est la, ma chere Seur, ma Fille, ou nous devons loger nos desirs et affections, non en cette terre, ou il n'y a que des vaines beautés et belles vanités..

  A014002803 

 Montons tous-jours, ma chere Seur, montons sans nous lasser, a cette celeste vision du Sauveur; esloignons-nous petit a [338] petit des affections terrestres et basses, et aspirons au bonheur qui nous est preparé..

  A014002804 

 Comme voulons-nous mieux tesmoigner nostre fidelité qu'entre les contrarietés? Helas, ma tres chere Fille, ma Seur, la solitude a ses assautz, le monde a ses tracas; par tout il faut avoir bon courage, puisque par tout le secours du Ciel est prest a ceux qui ont confiance en Dieu, et qui, avec humilité et douceur, implorent sa paternelle assistance..

  A014002804 

 Voyes vous, ma tres chere Fille, je desire ou de mourir ou d'aymer Dieu; ou la mort ou l'amour, car la vie qui est sans cet amour est tout a fait pire que la mort.

  A014002810 

 Puysque le sieur de la Valbonne est actuellement receu au Senat et que Vostre Excellence a gratifié le sieur Arpeaud de la judicature de Genevois, je la supplie tres humblement de favoriser le sieur Bouvard de l'estat de son advocat fiscal, l'asseurant en toute verité que la recommandation que ci devant j'ay faitte de la personne et merites d'iceluy, se treuvera moindre que le sujet ne requeroit, et qu'.................................de Vostre Excellence........ne sçauroit faire un choix plus utile a son service que celuy de cet homme lâ, vertueux, sçavant, laborieux et nourri es lettres par la grace de Vostre Excellence..

  A014002826 

 Mais faites, mon cher Monsieur, que je cheris a l'esgal de mon cœur, faites tous-jours vivre courageusement vos vertus qui, aussi bien, sont immortelles, et je me prometz ce contentement de voir qu'un peu d'interruption que la perte de ce grand Roy fait a vostre bonheur, ne servira que de reprise d'haleine a vostre fortune; car en fin, c'est Dieu qui manie les resnes du cours de nostre vie, et nous n'avons point d'autre fortune que sa providence, laquelle sera tous-jours specialement sur vous quand vostre amour sera special en son endroit.

  A014002826 

 Mais vostre consideration a tenu l'un des premiers rangs a m'assaillir de desplaysir; car, mon Dieu, cet excellent esprit de Prince avoit seulement commencé a vous çonnoistre, et voyla qu'il est ravi a vostre fortune affin qu'elle ne vive plus si heureuse.

  A014002850 

 Ce bon Frere qui est icy, ne partira que jeudi, car tout aujourdhuy j'ay esté tant tracassé quil n'est pas possible de plus.

  A014002868 

 C'est pourquoy je luy souhaitte de plus en plus beaucoup d'avancement au saint amour de Dieu, qui est la benediction des benedictions..

  A014002870 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que c'est chose douce de voir Nostre Seigneur couronné d'espines sur la croix et de gloire au Ciel! car cela nous encourage a recevoir les contradictions amoureusement, sçachans bien que, par la couronne d'espines, nous arriverons a la couronne de felicité.

  A014002883 

 Croyés-moy, ma tres chere Fille, il faut estre forte et constante en l'amour du prochain; et je dis cecy de tout mon cœur, et sans avoir esgard ni a vos parties, ni a ce qu'ilz me sont, et m'est advis que rien ne me touche en ces rencontres que la jalousie de vostre perfection..

  A014002884 

 Vous aures Dieu tous-jours quand il vous plaira: et n'est-ce pas asses estre riche? Je le supplie que sa volonté soit vostre repos, et sa Croix vostre gloire, et je suis sans fin,.

  A014002912 

 La Congrégation de ces dames est érigée à la grande satisfaction des gens de bien qui la voient.

  A014002913 

 Mais du missel, il ne reste aucune trace, parce que ledit prieur est resté longtemps absent pour cause d'études..

  A014002914 

 C'est une chapelle tellement authentique et l'image est placée sur l'autel de telle façon, qu'on ne saurait, s'il s'agissait de saint Pierre, disposer les choses autrement, ni avec plus d'apparat.

  A014002929 

 Cette grace si signalee par laquelle il fut retiré d'entre les bras de l'erreur pour estre remis au giron de la sainte Eglise militante, me fait croire que sa divine Majesté ne l'aura pas retiré du giron de la militante que pour le loger en celuy de la triomphante, puisque mesme, quoy qu'il soit mort au milieu de l'heresie, il est neanmoins trespassé en la foy et union de cette sainte Eglise militante, sa mere et mere de tous les enfans de Dieu..

  A014002942 

 Je n'ay garde, ma tres chere Fille, de me rendre negligent en la besoigne que Dieu m'a mise en main pour la gloire de son saint amour, car c'est la verité que je n'en sçaùrois chevir qu'avec un grand effort, dautant que cet amour est un abisme des cœurs et des espritz.

  A014002943 

 J'avois dit a M. Michel que vous communieries; et ce grand Saint merite bien qu'on face soigneusement sa feste, quand ce ne seroit que pour apprendre a porter nos testes et que nos testes ne nous portent pas, qui est la perfaite resignation..

  A014002944 

 Mais quant a vostre Celse Benigne, gardes bien que vous savouriés delicieusement tout ce qui est dit si joliment de luy, car c'est vostr'enfant.

  A014002952 

 Madamoyselle, Vostre desir de vivre toute a Nostre Seigneur m'est extremement aggreable, et vous tesmoigneray combien [354] j'en [ai de mon] costé pour vous en faire reuscir heureusement, quand monsieur vostre pere apportera ce qui est requis de sa part.

  A014002969 

 Et quant a l'affaire de M. de Sauzea, j'ay appris chose qui m'a despieu; et c'est que sa partie a remis son droit a M. Gontier, homme puissant et de grand credit, comm'on me dit.

  A014002969 

 Neanmoins, la verité est tous-jours la plus forte..

  A014002987 

 C'est la verité aussi que l'on perd tous-jours quelque chose aux sorties qui peuvent, voire mesme avec quelque perte temporelle, estre evitees.

  A014002987 

 Cela est vray, car l'eusse [on pas dit, je l'eusse deviné.

  A014002988 

 C'est l'ancienne coustume du monde de treuver qu'il luy est loysible de parler des ecclesiastiques a toute main, et croit que pourveu qu'il ayt quelque chose a dire sur iceux, il ni aura plus rien a dire sur ses partisans..

  A014002989 

 Je confesse que je n'admire nullement que vos proches se scandalizent de voir la froideur de l'amitié qui est entre deux seurs naturelles, deux seurs spirituelles, deux seurs Religieuses.

  A014002989 

 Or sus, ni auroit pas moyen que vous sçeussies treuver le biays par lequel il faut prendre et garder le cœur et l'affection de madame la Prieure nostre seur? car encor que selon le monde c'est aux inferieurs a rechercher la bienveuillance des superieurs, si est ce que selon Dieu et les Apostres c'est aux superieurs a rechercher les inferieurs et les gaigner; car ainsy fait nostre Redempteur, ainsy ont fait les Apostres, ainsy ont fait, font et feront a jamais tous les Praelatz zelés en l'amour de leur Maistre.

  A014003020 

 C'est pourquoy ce porteur [362] recourt a vous affin quil vous playse favoriser la supplication quil presentera, pour obtenir une declaration propre pour fayre foy au Parlement de Digeon de ce que nous avons allegué, ainsy que je viens de dire..

  A014003020 

 Or, nous sommes reduitz a devoir preuver que nous avons ci devant conferé les cures par le concours, et que, quand il est arrivé quelque proces devant le Senat pour ce regard le Senat a jugé selon ce concours et en faveur d'iceluy.

  A014003021 

 Je vous supplie donq, Monsieur mon Frere, de nous gratifier en cett'occasion, laquelle nous est importante et qui regarde une grande suite..

  A014003049 

 Or sus, il faut donq bien tous-jours perseverer, ma tres chere Fille, a colloquer vivement toute vostre confiance en Nostre Seigneur parmi ce grand embarras d'affaires qui sont dessus vos bras, qui vous servira de juste sujet pour vous bien fonder en la resignation et tranquillité; car la tranquillité qui n'est pas exercee par la tempeste est une tranquillité faineante et trompeuse..

  A014003064 

 Le premier objet, c'est Marie conçeùe sans peché; le second, saint Jean, l'enfant de la grace, criant au desert pour faire aplanir les chemins pour FEspoux qui doit arriver; le troisiesme, ce mesme Espoux et Sauveur arrivant par sa sainte naissance, qui nous fait chanter joyeusement a Noël l' Emmanuel où Dieu avec nous..

  A014003077 

 Cependant je prieray Nostre Seigneur quil vous prospere et multiplie vos ans en sa benediction, qui est le souhait ordinaire de celuy qui, vous baysant tres humblement les mains, se tient glorieux d'estre,.

  A014003095 

 Dimanche, c'est le jour des louanges de saint Jean Baptiste prononcees magnifiquement par le Sauveur de nos ames..

  A014003096 

 C'est le bon jour que je vous donne, ma tres chere Fille, sans pour cela vouloir dire que je ne vous aille voir quand je pourray..

  A014003107 

 Avec mille actions de graces des deux dernieres lettres [que] vous aves pris l'incommodité de m'escrire emmi ce grand tracas qui vous accable, je vous supplie de ne jamais faire aucune sorte d'effort pour me donner ce contentement; car encor que je confesse quil soit grand, si est ce que celuy de vostre conservation et repos m'est incomparablement plus grand..

  A014003110 

 Hormis que toute sa vie ell'a esté de bonne reputation, la comparayson est bonne.

  A014003110 

 Je ne sçai quel il est; mays elle, ell'est certes digne de faveur pour mille raysons, entre lesquelles celle-ci me presse, qu'ell'a esté nostre Rahab en Chablaix.

  A014003123 

 Tel quil est, il part de l'homme du monde qui vous souhaite plus de benedictions cælestes..

  A014003124 

 Mais et nostre fille et tout, est bien la vrayment bonne fille.

  A014003124 

 Oseray-je bien vous prier de faire tenir la lettre ci jointe a la petite Chatel? C'est sa bonne seur qui la m'a envoyee; et je puis bien dire sa bonne seur, car vrayement elle l'est.

  A014003125 

 Gardes bien de laysser convertir vostre soin en troublement et inquietude, et toute embarquee que vous estes sur les vagues et parmi les vens de plusieurs tracas, regardes tous-jours au Ciel et dites a Nostre Seigneur: O Dieu, c'est pour vous que je vogue et navige, soyes ma guide et mon nocher.

  A014003147 

 C'est elle qui nous fait mettre en conte pour nous, et a trop haut prix, le bien de nos predecesseurs, et voudrions volontier tirer nostre estime de la leur..

  A014003147 

 Et comme la vanité est un manquement de courage, qui, n'ayant pas la force d'entreprendre l'acquisition de la vraye et solide louange, en veut et se contente d'en avoir de la fause et vuide, aussi l'ambition [376] est un exces de courage qui nous porte a pourchasser des gloires et honneurs sans et contre la regle de la rayson.

  A014003150 

 Je vous recommande la douce et sincere courtoysie qui n'offense personne et oblige tout le monde, qui cherche plus l'amour que l'honneur, qui ne raille jamais aux [377] despens de personne, ni piquamment, qui ne recule personne et aussi n'est jamais reculee, et si elle l'est, ce n'est que rarement; en eschange dequoy, elle est tres souvent honnorablement avancee..

  A014003153 

 Il vous importera aussi infiniment de faire quelques [378] amis de mesme intention, avec lesquelz vous puissies vous entreporter et fortifier; car c'est chose toute vraye que le commerce de ceux qui ont l'ame bien dressee, nous sert infiniment a bien dresser ou a bien tenir dressee la nostre.

  A014003154 

 C'est un exercice de faineant; et ceux qui se veulent donner du bruit et de l'accueil jouant avec les grans, disans que c'est le plus court moyen de se faire connoistre, tesmoignent qu'ilz n'ont point de bonne marque de merite, puisqu'ilz ont recours a ces moyens propres a ceux qui, ayans de l'argent, le veulent hazarder; et ne leur est pas grande la louange d'estre connus pour joueurs, mais s'il leur arrive de grandes pertes, chacun les connoist pour folz.

  A014003155 

 Neanmoins Nostre Seigneur dit que ceux qui s'habillent mollement sont es maysons des rois; c'est pourquoy je vous en parle.

  A014003157 

 Mon Dieu, je suis trop long, et si, je ne sçai ce que j'escris, car c'est sans loysir et a diverses reprises.

  A014003158 

 C'est, en un mot, ce qu'il faut entreprendre, de n'estre pas moins brave pour estre Chrestien, ni moins Chrestien pour estre brave.

  A014003158 

 Et pour faire cela, il faut estre tres bon Chrestien, c'est a dire fort devot, pieux et, s'il se peut, spirituel; car, comme dit saint Paul, l'homme spirituel discerne tout: il connoist en quel tems, en quel rang, par quelle methode il faut mettre en œuvre chaque vertu..

  A014003158 

 Imaginés-vous que vous fussies courtisan de saint Louys: il aymoit, ce Roy saint (et le Roy est maintenant saint par innocence), qu'on fust brave, courageux, genereux, de bonne humeur, courtois, civil, franc, poly; et neanmoins, il aymoit sur tout qu'on fust bon Chrestien.

  A014003159 

 O sainte et interminable eternité, bienheureux qui vous considere! Ouy, car qu'est-ce que [ce] [380] desduit de petitz enfans que nous faysons en ce monde pour je ne sçai combien de jours? Rien du tout, si ce n'estoit que c'est le passage a l'eternité.

  A014003169 

 Non, ma Fille, car le pauvret n'en peut mais, et Dieu mesme ne luy en sçait aucun mauvais gré pour cela; au contraire, sa divine sagesse se plaist a voir que ce petit cœur va tremblotant a l'ombre du mal, comme un foible petit poussin a l'ombre du milan qui va voltigeant au dessus de luy; car c'est signe qu'il est bon, ce cœur, et qu'il abhorre les mauvaises fantasies..

  A014003170 

 Mon Dieu! il est impossible que rien nous offense, tandis qu'avec une vraye resolution nous voulons estre tout a Dieu; et neanmoins nous sçavons bien que nous le voulons..

  A014003177 

 Il est, au demeurant, hors de mon pouvoir de rendre fait le Traitté de l'Amour de Dieu de quelque tems, pour le peu de loysir que mes continuelles occupations me laissent, quoy que je sois soigneux de n'en perdre pas un seul moment.

  A014003196 

 Je vous supplie donq de tout mon cœur, Monsieur, qu'il vous playse le restablir en ce bonheur, sans lequel il est a craindre qu'il ne perde tout celuy du reste de sa vie.

  A014003196 

 La bonté d'Anthoyne Gard, bourgeois de cette ville, me rend fort desireux du bien de son filz Jean Baptiste, lequel ayant esté receu ci devant en vostre college, est decheu de cette grace quil tenoit de vostre faveur.

  A014003218 

 Et quant au premier, bien que je n'aye pas accoustumé d'estre pour personne es appointemens, attendu que ma qualité m'invite tous-jours a la neutralité pour penser la paix, si est-ce que, si elle le veut ainsy, je me dispenseray de lettre pour ce coup, et M. de la Roche, qui est dehors, estant venu, je luy parleray a mesme effect..

  A014003219 

 C'est affin que tout, la dedans, aille d'un train.

  A014003228 

 Ce n'est que simplement pour contenter mon cœur que je vous escris maintenant, car il faut, quand je puis, suppleer au bonheur que j'avois d'estre aupres de vous par ce petit allegement.

  A014003228 

 Et puis, encor faut-il garder les bonnes coustumes a vous souhaiter les bonnes festes; car, de m'attendre au bien que nous avions presque esperé, de vous voir a nos beaux Offices en ces si dignes solemnités, c'est chose que le tems et les affaires ne me peuvent permettre, si ce n'est en cette façon ordinaire par laquelle vous estes tous-jours present a mon ame, et principalement a l'autel et le jour de Nouel, environ lequel j'eu cette si chere grace de vous voir.

  A014003228 

 Mais combien y a-il? Certes, je n'y pense point, car il me semble que nostr'amitié est sans limites, et qu'estant si fort naturalisee en mon cœur, ell'est aussi ancienne que luy.

  A014003229 

 Je suis tous-jours un peu en peyne de la santé de madame nostre chere Presidente, bien qu'on m'asseure [388] que son mal n'est pas plus grand quil faut pour seulement luy faire prendre les præservatifz d'un plus grand.

  A014003256 

 Ce n'est pas pour faire les remercimens que je doy a vostre perseverance au desir du bien des nostres, que je vous escris maintenant; ce n'est que pour vous supplier humblement de favoriser de vostre juste protection cette [390] pauvre vefve, que monsieur de Conflens, a mon advis tant de vos serviteurs et de mes amis, m'a instamment recommandee.

  A014003272 

 Hé, vray Jesus! que cette nuit est douce, ma tres chere Fille! «Les cieux,» chante l'Eglise, «distillent de toutes pars le miel;» et moy je pense que ces divins Anges qui resonnent en l'air leur admirable cantique, viennent pour recueillir ce miel celeste sur les lys ou il se treuve, sur la poitrine de la tres douce Vierge et de saint Joseph.

  A014003272 

 J'ay peur, ma chere Fille, que ces divins Espritz ne se mesprennent entre le lait qui sort des mammelles virginales, et le miel du Ciel qui est abouché sur ces mammelles.

  A014003282 

 Ah! ma Fille, c'est cett'eternité que sur tout je vous souhaitte tres heureuse, et a cause d'elle vous vivés tous-jours presente a mon cœur, qui se res-jouit de voir que vous perseveres a vouloir de tout le vostre servir sa divine Majesté en sainteté et pureté.

  A014003282 

 Faites bien cela, ma chere Fille, et parmi les orages des affaires importuns de ce miserable siecle, affermisses-vous souvent aupres de ce Sauveur qui est venu apporter la paix, la douceur, la tranquillité aux gens de bonne volonté..

  A014003283 

 Nostre pauvre M me de Chantal a eu un' attaque pareille a celle du moy s d'aoust dernier, mais maintenant elle est presque guerie, et toute cette petite trouppe fait bien devant Dieu et devant les hommes, nostre Chastel particulierement.

  A014003291 

 Elles passent donq, ces annees temporelles, Monsieur mon Frere; leurs mois se reduisent en semaines, les semaines en jours, les jours en heures et les heures en momens, qui sont ceux-la seulz que nous possedons, mais que nous ne possedons qu'a mesure qu'ilz perissent et rendent nostre duree perissable, laquelle pourtant nous en doit estre plus aymable; puisque cette vie estant pleine de miseres, nous ne sçaurions y avoir aucune plus solide consolation que celle d'estre asseurés qu'elle se va dissipant, pour faire place a cette sainte eternité qui nous est preparee en l'abondance de la misericorde de Dieu, et a laquelle nostre ame aspire incessamment par les continuelles pensees que sa propre nature luy suggere, bien qu'elle ne la puisse esperer que par des autres pensees plus relevees que l'Autheur de la nature respand sur elle..

  A014003292 

 Ainsy, Monsieur mon Frere, nous nous treuvons au pied du Crucifix, qui est l'eschelle par laquelle, de ces annees temporelles, nous passons aux annees eternelles..

  A014003292 

 Certes, Monsieur mon Frere, je ne suis jamais attentif a l'eternité qu'avec beaucoup de suavités; car, dis-je, comme est-ce que mon ame pourroit estendre sa cogitation [395] a cette infinité, si elle n'avoit quelque sorte de proportion avec elle? Certes, tous-jours faut-il que la faculté qui atteint un object ayt quelque sorte de convenance avec iceluy.

  A014003292 

 Mon desir donq m'asseure que je puis avoir l'eternité: que me reste-il plus que d'esperer que je l'auray? Et cela m'est donné par la connoissance de l'infinie bonté de Celuy qui n'auroit pas creé une ame capable de penser et de tendre a l'eternité, s'il n'eust voulu luy donner les moyens d'y atteindre.

  A014003312 

 Ce gentilhomme, qui est fort de mes amis, partant d'aupres de monsieur le baron de Lux pour aller droit a la court, je luy donne ces quatre ou cinq motz qui vous asseureront de la continuelle passion avec laquelle mon cœur vous honnore, respecte et cherit..

  A014003318 

 Monsieur de Charmoysi triomphe tous-jours au mespris de la cour et m'est advis que nous aurons de la peyne de luy en faire reprendre le goust..

  A014003340 

 O je supplie ce Sauveur qu'il rende nostre cœur tout sien par effect, comm'il l'est, il y a long tems, par affection! Ouy certes, ma toute mienne tres chere Fille, nous n'avons point d'affection en nostre cœur que pour sa divine Bonté et ne voudrions pas en souffrir aucune, pour petite qu'elle fut..

  A014003382 

 Nos, quibus in primis cordi est, ut omnis haeretica pravitas e mentibus hominum tollatur et oves aberrantes ad caulam Dominici gregis sedulo reducantur, cunctorum Christi fidelium saluti provide consulatur, ac summopere cupientes, ut sancta Catholica et orthodoxa fides ubique floreat et augeatur, auctoritate Apostolica nobis in hac parte commissa, Paternitati tuae ac aliis octo viris ei benevisis, doctis, piis et zelo Catholicae fidei praestantibus, quique ex librorum haereticorum lectione perverti nequeant, ut omnes, et quoscunque prohibitos libros etiam in Indice Romano librorum prohibitorum damnatos, ad effectum haereses et errores redarguendi et confutandi, secreto et per vos ipsos tantum et sine aliorum scandalo aut periculo Iegere et retinere libere et licite absque censurarum et poenarum incursu possitis et valeatis, injuncto tamen vobis: Venerabili Paternitati tuae, ut tam praesentium literarum exemplum, quam librorum prohibitorum praedictorum, quos hujusmodi nostrae facultatis vigore leget aut retinebit, notam quam primum exhibeat Reverendo admodum in Christo Palri Domino Archiepiscopo Viennae, uttempore hujus facultatis elapso, vel post obitum Paternitatis tuae, si ea [406] interim forte ex hac vita migrare contigerit, libri praedicti ei consignentur, ut provideat diligenter ne ad aliorum manus perveniant, sed per eum tradantur igni comburendi; dictis autem octo viris ab ea deputandis, ut librorum prohibitorum quos legent aut retinebunt Paternitati tua notam quamprimum ad eundem effectum exhibeant..

  A014003406 

 Et je pourrois, je voudrois, je devrois passer outre, et les preferer en ce cas, s'il estoit question de la debattre sur le champ; car l'erreur n'estant que la matiere des heresies et l'obstination la forme, la doctrine qui illumine l'entendement remedie à la matiere; mais la vertu, la devotion, l'ardeur de la pieté qui fleschist la volonté et en desloge l'opiniastreté, domine sur la forme qui tient le preciput en l'essence: de maniere qu'à ce compte, il faut, ou que la doctrine des controverses cede à celle de la pieté et devotion, ou au moins qu'elle se l'associe tellement, qu'en luy concedant sa necessité, elle recognoisse que, sans elle, on n'advance rien, car tout pecheur est ignorant.

  A014003406 

 Et, quoy qu'au syllogisme speculatif il puisse dire: «Je vois le bien et l'appreuve,» parce que l'entendement est vaincu par la verité, si est-ce qu'au syllogisme practic, il confessera qu'il suit le mal, d'autant que la [410] passion mal reiglée l'emporte, de façon que, quand le feu de la concupiscence est tombé sur les ames passionnées, elles ne voyent point le soleil.

  A014003406 

 Mais, que falloit-il attendre d'un Evesque de Geneve tel que vous, sinon quelqu'œuvre entre autres, qui mist fin à l'infamie de Geneve, dont toute l'Europe a esté infectée d'heresie? Je ne nie pas que les livres si doctement escrits par tant de Docteurs excellans, dont le Cardinal Bellarmin est le souverain, n'ayent grandement servy contre les heresies de ce siecle; mais je veux bien aussi dire et sous-tenir que ceux qui ont escrit sur la morale et de la devotion n'y ont pas apporté moins de remede.

  A014003407 

 C'est sans doute que la reformation des mœurs esteindra les heresies avec le temps, comme la depravation les a causées, puis que l'heresie n'est jamais le premier peché..

  A014003415 

 Vostre dessein des deux Traictez sur les deux Tables, disposera des eschelles et degrez aux cœurs de ceux qui seront si heureux que de les lire, relire et retenir; car ils arriveront par ce moyen au supreme faiste de la charité qui accomplist la loy et qui est vrayement le tout homme; comme sans icelle, tout homme, pour grand qu'il puisse estre en tout le reste d'excellence, doit dire: Je ne suis rien..

  A014003419 

 Faictes donc, Monsieur, que ce vostre zele, qui est vrayement selon la science des Saincts, execute ce que vous me daignez communiquer.

  A014003428 

 Je ne desadvouë pas que je n'aye faict une grande feste de vostre Introduction en plusieurs bonnes compagnies; mais ce n'est pas ma recommandation qui l'a mise en vogue: elle vole de ses propres aisles, elle est douce de son propre succre, elle est embellie et enrichie de ses propres couleurs et joyaux.

  A014003434 

 Sur quoy, attendant vostre saint advis, je pourray escrire a nostre Reverend Pere General, gardant la subordination de la pleyne puissance par laquelle il peut disposer de ses sujets; veu mesme que si, suivant ce que nostre R. P. Recteur propose, il est de besoing que le R. P. Provincial de Lyon y entrevienne et qu'en cela je deusse respondre a luy (selon que le pourroit [413] exiger ce qui se passera), des le commencement l'on aye prouveu a telle suave disposition, que le cours d'une si bonne entreprise ne soit entrecoupé..

  A014003445 

 Contre la liberté que mon esprit ayme si fort, je travaille, selon mon premier desir, à me rendre obeyssante, et je ne puis être touchée lâchement en ce dessein, puis qu'il y a des couronnes eternelles jointes à une temporelle, qui est l'honneur d'être eternellement vôtre fille..

  A014003454 

 Elle s'en va donc consacrer à Dieu, mais c'est à la charge qu'elle n'oubliera pas son pere, qui l'a si cherement et tendrement aymée.

  A014003477 

 Il est vrai, mon très-cher Seigneur, à vous parler dans la pure vérité, que j'étais intérieurement sollicitée du désir de vous parler d'un sujet que ces bonnes âmes ne savent pas; et bien que ma bassesse et la révérence que je porte à votre mérite et que je dois à votre dignité combattissent cette pensée, néanmoins c'était elle qui m'excitait à vous prier souvent de nous venir voir, et à me plaindre à votre bonté de ce que vous ne le faisiez pas.

  A014003477 

 Or je croyais que par votre absence je serais défaite de cette secrète excitation, et néanmoins je m'en trouve plus pressée et si fort que je ne puis l'anéantir sans scrupule; c'est pourquoi, mon très-cher Seigneur, me confiant en votre débonnaireté et humilité, et prosternée en esprit à vos pieds, je vous supplie et conjure, avec toute la révérence qui m'est possible, par la pure dilection que vous avez à notre divin Sauveur, et par l'amour que vous portait et que vous portez à notre Bienheureux Père, de vous déporter d'écrire contre les Religieux, et de prendre garde aussi de ne heurter personne, ni en général ni en [417] particulier, pour chétive qu'elle soit, dans vos livres, ni d'y rien dire qui puisse émouvoir des contentions ou réfutations, car tout cela ne fait qu'engendrer beaucoup d'offenses contre notre bon Dieu, les Religieux qui répondent n'ayant pas assez de mortification pour le faire avec l'humilité et le respect qu'ils doivent à votre digne personne et à votre qualité..

  A014003478 

 Ce mépris que l'on donne des Religieux peut aussi grandement diminuer la piété des peuples, qui est fort soutenue et accrue par leurs bons exemples et doctrine, et de plus, mon très-cher Seigneur, les ennemis de la sainte Eglise se fortifient dans leurs erreurs, et font des trophées et des risées quand ils voient que ses propres enfants se dévorent l'un l'autre, et surtout quand les pères, qui sont Messeigneurs les prélats, découvrent les plaies de leurs enfants, avec confusion, et que les enfants ne le souffrent dans la soumission qu'ils doivent; cela, dis-je, donne un grand scandale, ce qui ne peut apporter qu'un très-grand détriment à la très-sainte Epouse de Notre-Seigneur.

  A014003478 

 Il vous a donné une âme et un esprit propres pour écrire de son divin amour, et enrichir l'Eglise d'infinité de traités de dévotion, pour le bien et avancement des âmes: c'est la sainte occupation que ceux qui vous honorent désirent maintenant à votre aimable loisir, afin que, par le moyen de cette pure dilection de notre divin Sauveur, dont votre chère âme est si parfaitement amoureuse, vous preniez garde dorénavant d'épargner dans vos écrits les Religieux.

  A014003478 

 Vous voyez qu'ils ne reçoivent pas avec profit vos avertissements, et qu'il y a grand risque, si cela n'est bientôt étouffé par votre bonté et charitable support, qu'il ne s'allume un feu qui éteigne celui de la sainte charité en plusieurs âmes, et ne cause de très-grands scandales en l'Eglise de Dieu, ainsi que plusieurs bien sensés appréhendent et prévoient qu'il arrivera infailliblement, si votre débonnaireté et votre zèle à la plus grande gloire de Dieu ne vous fait supporter sans revanche l'insolence d'une réponse que l'on dit avoir été faite à un de vos livres, laquelle, étant si extravagante et éloignée de la vérité et du respect qui vous est dû, ne peut porter coup contre l'estime que l'on a de v.otre véritable vertu..

  A014003479 

 Quand il en savait quelque défaut, il les couvrait tant qu'il pouvait, et s'employait soigneusement à les aider à réparer: je l'ai vu dans cette pratique seize années; avec combien de charité, de travail et d'écrits il se conduisait! les sensibles douleurs qu'il ressentait quand leurs défauts et ceux des ecclésiastiques venaient en évidence, parce que la mésestime de telles personnes diminue et affaiblit grandement la piété des peuples, qui est fort soutenue et conservée par leurs bons exemples..


15-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XV-Vol.5-Lettres.html
  A015000025 

 — Le bruit de la future translation du saint Evêque à un autre siège n'est pas fondé.

  A015000026 

 — Il est mieux, pour une femme du monde, d'ouïr la sainte Messe tous les jours que de faire l'oraison chez soi.

  A015000027 

 » — La Mère de Chantal est avertie de ne pas se tenir à genoux pendant son oraison.

  A015000037 

 — Pour la charité, toute peine est bien aimée.

  A015000037 

 — Pourquoi M me de Chantal est-elle venue « a son chetif pere.

  A015000038 

 Pourquoi faire ce qui est requis pour tenir sa santé un peu forte.

  A015000045 

 — Ce qu'il est utile d'imiter dans la vie de sainte Catherine de Sienne.

  A015000046 

 — Qu'est-ce qui approche Notre-Seigneur de nos cœurs.

  A015000054 

 — La Congrégation est « vrayement un ouvrage du cœur de Jesus et de Marie.

  A015000057 

 — Pourquoi la connaissance de la vérité n'est pas toujours suivie de la conversion. 51.

  A015000061 

 — Eloge du Prieur des Feuillants et pour quelles raisons particulières il s'est fait estimer du Saint.

  A015000061 

 — Il n'est pas accordé à l'Evêque de Genève d'aller prêcher un Carême à Paris.

  A015000068 

 — Servir Dieu parmi les sécheresses nous est chose plus dure, selon notre goût, mais plus profitable selon le goût de Dieu.

  A015000075 

 — Détresse des habitants qui en est la suite.

  A015000082 

 — C'est encore de la charité que de laisser faire aux autres quelque chose.

  A015000083 

 — A César ce qui est à César, mais aussi à Dieu ce qui est à Dieu.

  A015000083 

 — Il est presque impossible « de corriger l'immoderation moderement.

  A015000086 

 — Comme le monde censure ce qui est fait pour Dieu.

  A015000092 

 — Quel est le vrai temps de la moisson des affections.

  A015000097 

 — C'est Notre-Seigneur qui unit les cœurs indissolublement.

  A015000107 

 — L'hôtel du duc de Nemours n'est pas libre.

  A015000113 

 — Sentir qu'on est tout à Dieu et « en train de l'orayson » ne dispense pas de s'exercer aux vertus et de mortifier ses passions. 101.

  A015000135 

 — Notre-Seigneur est jaloux des âmes qu'il favorise. 124.

  A015000169 

 Le voyage de Milan n'est plus désespéré.

  A015000189 

 — Pourquoi il est mieux d'avoir moins. 171.

  A015000194 

 — Pour s'avancer dans l'amour de Dieu, une jambe infirme est meilleure que l'autre.

  A015000201 

 — Jésus-Christ est un Dieu de douceur.

  A015000235 

 — La lumière n'est pas toujours accompagnée de la facilité pour déduire les raisons de la croyance. 207.

  A015000254 

 Description de l'autre porte de l'entree de l'Eglise de Nostre Dame et par laquelle la procession est entree 224.

  A015000268 

 Mais de ne vouloir pas seulement comparoistre et me vouloir dire ses raysons teste a teste, sans autre reconnoissance de son devoir qu'en paroles, c'est chose que je ne puis estimer raysonnable..

  A015000270 

 L'un'est quand, sciemment, vous fistes prendre la licence de faire le mariage de monsieur et madame de Monthouz vos enfans, laquelle, pour un si grand empeschement, nous ne pouvions donner qu'abusivement.

  A015000271 

 Mais ne vouloir seulement pas quil responde et se represente quand il est appellé, et vouloir encor que je sois condamné de rigueur et d'infidelité si je ne treuve bon cela, il me semble que c'est la rigueur mesme et que, tacitement, on prefere ce prestre et son injuste repos a l'authorité en laquelle je suis, et que, sans violer mon devoir, je puis vouloir en fin le ramener a la bergerie et sous la houlette..

  A015000273 

 Je me res-jouys que Sa Sainteté ayt ouctroyé le [remède] requis au mal de l'action que fit messire Nacot, et seray encor plus ayse quand je sçauray quil aura esté legitimement appliqué; car, honnorant tres cherement monsieur vostre mari et vous, Madame, comme je fay et feray toute ma vie, je desire que tout ce qui vous est praetieux vive entre les benedictions caelestes et que rien ne demeure jamais en vostre mayson qui les en puisse divertir.

  A015000273 

 Madame, j'ay de l'affection et de lhonneur pour monsieur vostre mari, pour vous et pour les vostres autant que vous sçauries souhaiter d'homme qui vive; [3] mais le plus grand desir que je face, c'est que jamais Dieu ne soit abandonné, non pas mesme pour un moment..

  A015000291 

 L'honneur que j'ay d'estr'aymé de vous, servira de [simple] praeface a ma supplication, laquelle je vous [5] fay [d'estre] favorable protecteur de ce porteur, frere de monsieur le premier President de Savoye et mon Vicayre general, pour les affaires qui le tirent vers vous, qui sont parties siennes et parties miennes; mais, a mieux dire, siennes et miennes tout ensemble, puisque luy mesme est mien par une longue et bonn'amitié..

  A015000292 

 Ce qui est le plus, c'est qu'ell'est toute pleyne de vraye bonté et pieté, qui la rend uniquement chere a toutes ses Seurs.

  A015000308 

 Croyés, ma tres chere Seur, que mon cœur est fraternellement amoureux du vostre, et que si j'avois la commodité d'assouvir ses desirs, je serois bien tost en vostre solitude, laquelle, vous dites, je redoute pour son aspreté, mais laquelle j'ayme precisement pour mille sujetz, mais principalement pour l'amour de vous, qui, par vostre presence, me l'avés rendue ci devant plus douce et plus aggreable que ne furent jamais les plus delicieuses conversations des villes.

  A015000311 

 Mais, ma chere Dame, vous estes, avec la petite seur, la souveraine friandise pour m'attirer par devers vous, tout le reste n'est qu'accessoire; ces deux personnes que je viens de nommer sont le principal..

  A015000312 

 Je suis de ceux-la, et vous le croyés, n'est-ce pas? [8] Ma chere Seur, il faut bien le faire, et m'aymer absolument, presque sans reserve..

  A015000325 

 La bonne seur que vous aves ici est vrayement une bonne Fille; et pourveu qu'il playse a la sainte providence de Nostre Seigneur de nous laisser quelque tems madame de Chantal, ainsy que nous l'esperons, j'ay confiance en ce mesme Sauveur que cette chere seur sera bien consolee en ce genre de vie qu'ell'a embrassé.

  A015000379 

 Or sus, ma tres chere Fille, la plus grande gloire de Dieu, qui est la souveraine maistresse de nos affections, m'a retenu aupres de cette bonne dame de Saint Cergue, pour la reduction de laquelle vous aves prié; car l'ayant veuë disposee a prendre les finales resolutions de son bonheur, je ne l'ay point voulu abandonner qu'elle ne les eust faites, dont je loüe Nostre Seigneur de tout [15] mon cœur.

  A015000381 

 C'est l'aigneau d'holocauste qu'il nous faut offrir a Dieu, il le faut donq tenir en bon point et grasselet, s'il est possible; c'est le lict de l'Espoux, pour cela le faut-il parsemer de fleurs.

  A015000381 

 Je prie nostre doux Sauveur qu'il respande sa douce et aggreable suavité sur vous, affin que vous reposies saintement, sainement, tranquillement en luy, et qu'il veille paternellement sur vous, puisqu'il est le tres souverain amour de nostre inseparable cœur.

  A015000381 

 O Dieu, ma chere Fille, je le vous recommande, nostre pauvre cœur; soulagés-le, confortés-le, recreés-le le mieux et le plus que vous pourres, affin qu'il serve Dieu; car c'est pour cette consideration [16] qu'il nous le faut traitter.

  A015000382 

 Vive Dieu! ma Fille: ou rien, ou Dieu; car tout ce qui n'est pas Dieu, ou n'est rien, ou est pis que rien.

  A015000392 

 C'est tout couramment que je vous escris.

  A015000392 

 Nous verrons aussi la chere grande fille, qui est certes fort aymable et le cœur gauche de M me de Chantal..

  A015000395 

 Bonsoir, ma tres chere Seur; aymes fidellement ce frere et serviteur qui est tout vostre..

  A015000410 

 Je ne sçai si le diable nous veut espouvanter par la, ou si elle n'est point trop aspre a la cueillette; toutefois je sçai bien qu'elle n'a point de meilleur remede a son gré que de s'exposer au Soleil de justice..

  A015000410 

 Je recommande a vos Sacrifices la santé de la mere abeille de nostre nouvelle ruche; elle est grandement [19] travaillee de maladie, et nostre bon monsieur Grandis, quoy qu'il soit l'un des doctes medecins que j'aye veus, ne sçait qu'ordonner pour ce mal, qu'il dit avoir quelque cause inconneuë a Galien, docteur des medecins.

  A015000411 

 De telles espouses de Jesus Christ il est dit: Myrrha et gutta et casia a vestimentis, etc..

  A015000419 

 Nostre maistresse, la gloire de Dieu, l'a ainsy disposé, et vous sçaves, ma tres chere Fille, quelle fidelité nostre cœur tres uniquement un luy a voùee; c'est pourquoy, sans reserve, je la laisse regenter au dessus de mes affections, es occasions ou je voy ce qu'elle requiert de moy.

  A015000419 

 O Dieu, ma toute chere Fille, je proteste, mais je proteste de tout mon cœur, qui est plus vostre que mien, que je ressens vivement la privation que je souffre de vostre veüe pour ce jourdhuy.

  A015000433 

 C'est la verité, [22] Monsieur, j'honnorois cet honnorable et grand personnage avec un amour tout particulier, lequel ne perira jamais en mon ame, non plus que celuy que, de tout mon cœur, je vous ay dedié et que de rechef je vous consacre..

  A015000452 

 J'ay vos deux lettres, dont la premiere est de l'unziesme du mois passé et la seconde de l'unziesme de celuy-ci; [23] et j'ay tant a respondre a la premiere [qu'à la seconde], parce que je l'ay receuë seulement despuis peu et non gueres plus tost que la seconde..

  A015000453 

 Que [si] sa divine Majesté ne vouloit pas cet holocauste en effect final, mais seulement en affection et application commencee, comme il fit d'Isaac, c'est a dire, si cette chere Fille estant entree en l'Ordre, ne se treuvoit pas forte pour y perseverer, mon Dieu! quel mal y auroit-il en cela? Nul, sans doute; et en ce cas, il faudroit renoncer a nos goustz et plus secrettes affections pour acquiescer a la sainte volonté de Dieu..

  A015000454 

 Puis que donq maintenant elle est preste, au jugement de son Pere spirituel et des bonnes Meres Carmelines, et que monsieur son pere contribue son consentement, il semble qu'en toute asseurance vous en pouves faire l'offrande, et que Nostre Seigneur l'aura fort aggreable, sauf neanmoins a son bon playsir de disposer de sa perseverance en cet estat particulier, ou de sa sortie, selon que sa providence treuvera meilleur; a quoy nous nous conformerons tous-jours et sans replique, car il n'est pas raysonnable de prescrire a cette infinie Sapience la façon de laquelle il nous veut rendre siens.

  A015000456 

 Pour le troysiesme, croyés fermement que vous n'avés ni retenés a vostre escient aucune affection contre la volonté de Dieu, c'est a dire pour le peché veniel, encor que plusieurs imperfections et mauvaises inclinations de tems en tems vous surprennent.

  A015000456 

 Qu'est-ce qui nous peut manquer, ayant Dieu?.

  A015000457 

 Et ce desir la tient lieu de conseil, auquel c'est espece d'obeissance de s'accommoder, quand on le peut bonnement, et par ce que vostre exemple est utile au simple peuple en la qualité que vous estes: or, il n'aura [25] point d'exemple de ce que vous feres en vostre oratoire.

  A015000457 

 Je dis qu'il est mieux, non seulement parce que cette reelle presence de l'humanité de Nostre Seigneur en la Messe ne peut estre suppleée par la presence mentale (bien que, pour quelque digne respect, on demeure esloigné d'icelle), mais aussi parce que l'Eglise desire fort que l'on assiste a la Messe.

  A015000457 

 Pour le quatriesme, il est mieux en toute façon que vous oyies la sainte Messe tous les jours et y faire l'exercice de la Messe, que de ne l'ouïr pas, sous pretexte de continuer l'orayson chez vous.

  A015000482 

 Continuons seulement a bien cultiver, car il n'est point de terre si ingrate que l'amour du laboureur ne fœconde.

  A015000482 

 Je me res-jouis avec vostre peuple qui a le bien de recevoir de vostre bouche les eaux salutaires de l'Evangile, et m'en res-jouirois bien davantage, s'il les recevoit avec l'affection et reconnoissance qui est deuë a la peyne que vous prenes de les respandre si abondamment.

  A015000495 

 Comme elle est nostre sainte Patronne, il faut qu'elle soit nostre modele.

  A015000529 

 Ce n'est pas que, sur ce sujet, je ne pense a ce que vous m'escrives du vostre.

  A015000542 

 Je vous escrivis l'autre jour des miseres de ce païs, non point contre la verité, qui est plus grande en cela qu'on ne sçauroit dire, mais bien contre mon gré, puisque le mal est irremediable.

  A015000557 

 A cette intention, je luy parlay bien amplement de mes affaires et des occurrences qui me regardoyent, et ne sçavois bonnement comme faire pour luy celer l'extreme mespris que Dieu m'a donné de toutes ces adventures qu'on appelle de fortune et d'establissement; car il ne veut pas que cela soit mesprisé d'un si grand mespris comme est celuy que, graces a Nostre Seigneur, j'en ressens en mon ame.

  A015000557 

 Helas, ma tres chere Fille, que ce miserable monde est puissant a nous traisner apres ses niaiseries et amusemens! Or, je suis bien ayse que nous nous soyons un peu [35] apprivoysés, monsieur vostre mary et moy.

  A015000557 

 O Dieu, ma chere Fille, que ce monde est estrange en ses fantasies, et a quelle sorte de prix est il servi! Si le Createur ordonnoit des choses si difficiles comme le monde, combien peu treuveroit-il de serviteurs..

  A015000598 

 L'incroyable parfum d'une amoureuse suavité dont vostre lettre nompareille en douceur pour moy est pleine, [38] me force doucement a condescendre a vos fraternelz desirs de sçavoir ce que je fay en ce recoin de nos montagnes, dont vous dites que l'odeur est montee jusqu'a vous.

  A015000599 

 Or, sachés donq que cette fille est venue a son chetif pere affin qu'il la fist mourir au monde, selon le dessein que je vous ay communiqué a nostre derniere entreveuë.

  A015000600 

 Nous l'enfermasmes le jour de la tres sainte Trinité, avec deux compaignes et la servante que je vous fis voir, qui est une ame si bonne dans la rusticité de sa naissance, que, dans sa condition, je n'en ay point veu de telle.

  A015000601 

 Leur vie est amoureuse, interieure, paysible et de grande edification.

  A015000601 

 Voyla, mon tres cher Frere, un petit sommaire de ce qui s'est fait icy..

  A015000603 

 O mon Dieu, mon tres cher Frere, si Dieu, qui incline tant de personnes a me remettre la clef de leurs cœurs, voire a en lever la serreure devant moy affin que je voye mieux tout ce qui est dedans, pouvoit si bien fermer le mien que rien n'y entrast jamais que son divin amour et que rien ne l'ouvrist que la charité, hé, que vous m'aymeries suavement! Priés fortement pour cela, et croyés fermement que je suis.

  A015000614 

 Or sus, j'attens donq un mot de vos nouvelles, que vous m'escrires comm'amoy, c'est a dire vous mesme..

  A015000614 

 pas de vous faire bien ayder, tant quil se pourra, affin que ce mal vous soit utile; car voyes vous, ma chere Fille, il faut bien estre soigneuse de faire ce qui est requis pour nous tenir un peu forte et vaillante, puisque, comme vous le desires, il nous faut faire des effortz pour devenir saints et rendre des grans services a Dieu et au prochain.

  A015000645 

 Outre que je ne sçaurois pouvoir me ramentevoir en vostre bienveuillance et ne le faire pas, je suis bien ayse de vous donner advis comme, sur ce que M. de Charmoysi, mon cousin, m'avoit dit touchant vostre desir de me voir le Caresme prochain a Paris, j'ay escrit a son Altesse; en sorte que j'espere en peu de jours avoir une response absolue, laquelle, si elle est selon nostre gré, je pourray justement croire que Dieu l'aura voulu d'une volonté speciale, puisque la concurrence des affaires du monde me sera peu favorable, comme je pense.

  A015000646 

 Au demeurant, j'ay avec moy un jeune homme d'Eglise, neveu de feu Monsieur le Reverendissime mon predecesseur, qui s'est immaginé qu'a l'adventure il pourroit entrer par delà au service de quelques jeunes seigneurs pour leur instruction, et par ce moyen estudier aussi; et m'a tant pressé, sachant en quelle confiance je suis avec vous, que j'ay esté contraint de luy promettre de vous supplier de me donner quelque advertissement si cela pourroit estre.

  A015000646 

 Mais j'adjouste pourtant, qu'encor que ce jeune homme soit de fort bonne mayson (mais mayson descheuë) et qu'il ait l'esprit fort gentil et bien estudié, si est-ce que c'est plus son jugement qui le porte a ce desir que non pas mon advis, qui est que son courage n'est pas pour entrer en ladite sujettion que telle condition requiert.

  A015000647 

 Or, Monsieur, il me suffira, s'il vous plaist, de m'escrire un mot qui le puisse aucunement desabuser, car il est force de traitter avec luy; affin que, sans [se tourmenter] de vous prier, il attende que Dieu luy pourvoye des moyens de nager a ses despens; ce qui sera bien tost, puisque j'en voy des-ja la semence paroistre sur le champ, qu'il seroit prest a recueillir des maintenant, si la jeunesse luy eust permis d'estre aussi arresté ci devant comme il est resolu de l'estre dores-en-avant..

  A015000679 

 O Dieu, ma chere Seur, ma Fille bienaymee, a propos de nostre cœur, que ne nous arrive-il comme a cette benite Sainte de laquelle nous commençons la feste ce soir, sainte Catherine de Sienne, que le Sauveur nous ostast nostre cœur et mist le sien en lieu du nostre! Mais n'aura-il pas plus tost fait de rendre le nostre tout sien, absolument sien, purement et irrevocablement sien? Oh qu'il le face, ce doux Jesus! je l'en conjure par le sien propre et par l'amour qu'il y enferme, qui est l'amour des amours.

  A015000689 

 Ce porteur vous dira que j'ay un peu d'apprehension de faire le voyage de Gex, auquel neanmoins mon devoir m'oblige, puisque c'est pour le restablissement de l'eglise a Divonne, lieu fort important en ce païs-la.

  A015000689 

 Le rencontre du bruit de guerre, qui n'est pas encor esteint, du refus des passages et de ces fausses nouvelles qui ont couru ces jours passés, me semble estre mal a propos pour cett'occasion d'aller hors l'Estat et parmi monsieur le Grand et monsieur de Lux; mais je ne vois point de suffisant pretexte pour m'excuser de ce service de Dieu et des ames.

  A015000707 

 Estant appellé pour restablir le saint exercice de la foy en une bourgade du pais de Gex, qui est de mon diocese, [49] mais hors de l'obeissance de Son Altesse Serenissime, j'ay voulu, avant mon depart, donner connoissance a Vostre Excellence de ce petit voyage auquel ma charge m'oblige, affin qu'en toutes occasions j'observe tant quil me sera possible les loix de mon devoir..

  A015000727 

 Cependant continués, ma tres chere Seur, a bien serrer ce cher Sauveur sur vostre poitrine; faites qu'il soit le [51] beau et le suave bouquet dessus vostre cœur, en sorte que quicomque vous approche sente que vous en estes parfumee et connoisse que vostre odeur est l'odeur de la myrrhe..

  A015000727 

 Laissés, je vous supplie, philosopher les autres sur le sujet que vous aves de communier; car il suffit pour vostre conscience, que vous et moy sçachions que cette diligence de revoir et de reparer souvent vostre ame est grandement requise pour la conservation d'icelle.

  A015000728 

 Tenés vostre esprit en paix, non obstant cet embarrassement qui est autour de vous.

  A015000730 

 Deux ou troys fois le jour, pensés si vostre cœur est point inquieté de quelque chose, et treuvant qu'il l'est, taschés soudain a le remettre en repos..

  A015000742 

 Non, ma tres chere Fille, ce n'est pas la tranquillité qui l'approche de nos cœurs, c'est la fidelité de nostr'amour; ce n'est pas le sentiment que nous avons de sa douceur, mais le consentement que nous donnons a sa sainte volonté, laquelle il est plus desirable qu'elle soit executee en nous, que si nous executions nostre volonté en luy.

  A015000753 

 Certes, c'est grand cas comme la Croix ayme les cœurs simples et humbles.

  A015000753 

 Neanmoins, c'est le Sauveur que je presche, lequel remplit les vallees et explane ou abbaisse les montagnes..

  A015000786 

 O Dieu, ma chere Fille, qui pouvoit mesler si parfaitement deux [56] espritz qui ne fussent qu'un seul esprit, indivisible, inseparable, sinon Celuy qui est unité par essence?.

  A015000786 

 O que nostre Sauveur est bon et comme il traitte tendrement avec mon pauvre chetif courage! Mays je suis bien resolu de luy estre fort fidele, et specialement au service de nostre cœur que, plus sensiblement que jamais, je voy et sens estre unique.

  A015000787 

 Les affaires de la religion, qui s'accroissent icy tous les jours, me feront arrester plus longuement que je ne pensois, ma tres chere Fille; mais certes tres aggreablement, puisque c'est pour la gloire de Dieu et le service des ames qu'il a rachetees, lesquelles, en divers lieux de ce balliage, demandent qu'on leur restablisse le saint exercice.

  A015000787 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que ce m'est une honnorable et douce peyne que celle-cy, qui me fait esperer que, sinon maintenant, au moins par ci apres, tout ce païs pourra estre purgé de tant d'infection que le malheur de l'heresie y avoit assemblé..

  A015000788 

 Ces jours suivans, il y a apparence d'en faire de mesme en deux autres, et outre cela, nous prescherons icy et parlerons a quelques ames desvoyees; et bien que peut estre ne les reduirons-nous pas, parce que, pour l'ordinaire, les considerations humaines empeschent celles de leur salut, si est-ce que nous ne pensons pas peu faire quand nous leur faysons confesser que nous avons rayson, comme plusieurs ont fait jusques a present.

  A015000816 

 J'ay pris ma bonne part du contentement que messieurs vos confreres ont eu au restablissement du saint exercice en l'eglise d'Ivonne, ou je ne doute point que vous ne facies de plus en plus paroistre le zele que vous aves au service de Nostre Seigneur, comme je vous supplie faire au soin du redressement et ameublement [59] de l'autel; et de mesme en la diligence de prouvoir le curé de l'entretenement qui luy est requis, lequel, affin quil ne demandast que raysonnable, je luy ay taxé conformement a celuy que vous donnés au curé de Sessi..

  A015000845 

 Ah! que je voudrois bien vous faire quelque don, ma chere Fille; mays, outre que je suis si pauvre, il n'est pas convenable qu'au jour auquel le Saint Esprit fait ses presens, nous nous amusions a vouloir faire les nostres; il ne faut entendre qu'a recevoir au jour de cette grande largesse.

  A015000846 

 Dites a la grande fille, que, comme moy, elle se glorifie en sa foiblesse, qui est toute propre pour recevoir la force; car, a qùi donner la force qu'aux foibles?.

  A015000855 

 Toutefois, il n'est [pas] asses bon messager pour vous porter la pensee que Dieu m'a donné cette nuit: que nostre maison de la Visitation est, par sa grace, asses noble et asses considerable pour avoir ses armes, son blason, sa devise et son cri d'armes.

  A015000856 

 Le Sauveur mourant nous a enfantés par l'ouverture de son sacré cœur; il est donq bien juste que nostre cœur demeure, par une soigneuse mortification, tous-jours environné de la couronne d'espines qui demeura sur la teste de nostre Chef, tandis que l'amour le tint attaché sur le throsne de ses mortelles douleurs..

  A015000856 

 Ma Fille, je vous diray a nostre premiere veuë mille [63] petites pensees qui me sont venues sur ce sujet; car vrayement, nostre petite Congregation est un ouvrage du cœur de Jesus et de Marie.

  A015000883 

 Car encor que ces jours mon devoir m'ayt necessite d'aller a Gex et y arrester quelque tems, si est ce que non plus lâ qu'ailleurs je ne me suis meslé de fayre ou dire chose aucune que selon ma profession, preschant, disputant, reconciliant les eglises, consacrant les autelz, administrant les Sacremens..

  A015000884 

 Et non seulement je n'ay point fait de mesnage contre le service de Vostre Altesse (ce qui ne m'est jamais arrivé ni ne m'arrivera jamais, ni en effect, ni en pensee), mais au contraire, autant que la discretion et le respect que je doy a ma qualité me le permettent, j'ay observé tout ce que j'estimois estre considerable pour le service de Vostre Altesse, affin de luy en donner advis, comme [66] j'eusse fait par escrit si, a mon retour, je n'eusse treuvé le commandement qu'elle me donnoit de les porter de bouche a monsieur le Marquis de Lanz, auquel je parlay en toute franchise et naifveté; l'asseurant entr'autres choses, que les bruitz touchant le dessein des François sur Geneve n'estoyent que des vrayes chimeres, que quelques uns avoyent peut estre fabriquées pour rendre probables leurs prætendus services.

  A015000885 

 Vray est que le sieur de la Noüe proposa la dedans, par maniere de conseil, qu'il seroit expedient de remettre les murailles au Roy de France, pour eviter les perilz qu'elles couroyent a tous momens.

  A015000886 

 Et sur ce propos, j'appris de divers discours des François, que si nostre Saint Pere se remuoyt un peu vivement envers les Soüisses catholiques et la Reyne, comm' il le doit faire en consideration de la religion, il n'y auroit point de difficulté de faire heureusement reuscir les prætentions de Vostre Altesse contre les Bernoys, desquelz la grandeur est de longuemain ennuyeuse aux Suysses catholiques, et puisque la Reyne doit plus desirer l'amoindrissement du parti huguenot, que soupçonner l'aggrandissement de Vostre Altesse..

  A015000900 

 La petitesse de la piece, le travail passé de ceux de ce Chapitre, vostre credit, nous rendent un'esperance certaine que cela ne sera pas fort malaysé; car, bien que nostre Chapitre reside maintenant, par emprunt, de deça, si est ce que naturellement il est de Geneve.

  A015000900 

 Mays d'autant qu'a l'adventure, les cours laïques, en cas quil y eut quelque controverse ci apres, requerront que les proviseurs ayent le placet ou brevet du Roy, et que la valeur du benefice n'est pas si grande qu'on puisse envoyer expres pour en faire la supplication a Sa Majesté (a laquelle mesme, en tous evenemens, nous n'aurions aussi pas moyen d'avoir bon acces que par vostre entremise), partant nous vous supplions tres humblement tous, que si ce n'est point vostre incommodité, il vous playse [70] impetrer ledit placet.

  A015000901 

 Mais comme ce n'est pas tous-jours l'erreur de l'entendement, ains le defaut de la volonté et l'impureté des affections qui tient les hommes hors de l'Eglise, aussi n'y rentrent-ilz pas tous-jours quand ilz connoissent la verité d'icelle..

  A015000915 

 Fut-il jamais une mortification esgale, d'estre si proche de son unique et souverain Amour, et, pour l'amour de luy, demeurer sans le voir, sans l'ouyr, sans l'escouter? Et bien, ma chere Fille, vous en feres de mesme, proche du Sacrement ou Jesus est; car vous ne le gousteres qu'en esprit, comme saint Jean..

  A015000915 

 Helas! vous me demandes une bonne pensee sur saint Jean, et celle-cy m'est extremement douce en plusieurs occurrences.

  A015000918 

 Vrayement, nos bonnes Dames de la Visitation font merveilles, et qui les void en est tout consolé.

  A015000928 

 Je le treuve plus que vierge, parce qu'il est vierge mesme des yeux, qu'il a plantés sur les objetz insensibles du desert et ne sçait point par les sens qu'il y ait deux sexes; plus que confesseur, car il a confessé le Sauveur avant que le Sauveur se soit confessé luy mesme; plus que predicateur, car il ne presche pas seulement de la langue, mais de la main et du doigt, qui est le comble de la perfection; plus que docteur, car il presche sans avoir ouy la source de la doctrine; plus que martyr, car les autres martyrs meurent pour Celuy qui est mort pour eux, mais luy meurt pour Celuy qui est encor en vie, et contreschange, selon sa petitesse, la mort de son Sauveur avant qu'il la luy ait donnee; plus qu'evangeliste, car il presche l'Evangile avant qu'il ait esté fait; plus qu'apostre, car il precede Celuy que les Apostres suivent; plus que prophete, car il monstre Celuy que les Prophetes predisent; plus que patriarche, car il voit Celuy qu'ilz ont [74] creu, et plus qu'ange et plus qu'homme, car les Anges ne sont qu'espritz sans cors, et les hommes ont trop de cors et trop peu d'esprit: celuy ci a un cors et n'est qu'esprit..

  A015000930 

 Mays cecy est encor admirable, que Nostre Seigneur ayant dit qu' entre tous ceux qui estoyent nés de femme, nul n'estoit p lus grand que Jean, il adjouste: Voire, mais celuy qui est le moindre au Royaume des cieux, c'est a dire en l'Eglise, est plus grand que luy.

  A015000930 

 O ma chere Fille, il est vray, car le moindre Chrestien communiant est plus grand en dignité que saint Jean.

  A015000952 

 C'est tous-jours avec mille joyes que tels tesmoignages de vostre bienveüillance m'adviennent, et quoy que vos lettres soyent vielles en dates, elles me donnent neanmoins des contentemens nouveaux..

  A015000953 

 Mays je voy en celle-ci, que vous aves longuement [77] esté sans en avoir des miennes J'avoue sincerement mes fautes, mais celle ci, elle n'est pas mienne, ains des porteurs; car je sçai bien que tous-jours, quand je puis, je vous escris de mes nouvelles, non seulement par ce que vostre desir a tout pouvoir sur ma volonté, mais aussi par ce que ma volonté a perpetuellement ce desir de vous parler, comm'il m'est possible de parler de vous et de vous oüir ou voir parler a moy.

  A015000953 

 Or, selon mon sentiment, c'est tout dit quand je dis que je suis tout vostre, et peu dit si je dis moins que cela..

  A015000954 

 Ce Pere, que j'honnorois des-ja bien fort pour les fruitz que j'avois veu de son esprit, m'a lié a son amour et respect d'un lien indissoluble quand j'ay conneu en luy un si grand assemblage d'erudition, d'entendement, de [78] vertu, de pieté, et, entre ses vertus, l'estime quil fait de la vostre et du bien de vostre conversation; car c'est une des maximes plus entieres de mon ame, que j'honnoreray quicomque vous honnorera et cheriray quicomque vous cherira..

  A015000955 

 Nous avions longuement attendu quelle issue prendroit le traitté si longuement entretenu du mariage de M lle d'Anet et de nostre Monsieur; mays a ce qu'on nous dit, nous n'en devons plus rien attendre, puisque tout en est cassé.

  A015000956 

 Nostre monsieur de Charmoysi est a Chamberi, il y a quelques jours, ou je luy ay envoyé la nouvelle de la perte de son second filz, mon fileul.

  A015000958 

 Mays d'aller lâ, je n'en puis rien dire, sinon que ce sera quand je pourray; mays de sçavoir quand je pourray, il n'est pas en mon pouvoir..

  A015000975 

 C'est pourquoy je ne vous prie sinon de luy donner les advis convenables a sa conduite pour ce regard, et a moy ceux [de] ce quil pourra esperer, affin que la poursuite ou la retraitte se face a cette mesure-lâ..

  A015000975 

 On est bien empesché avec ces amoureux, ma chere Fille! Voyci ce jeune gentilhomme qui me demande une lettr'a vous pour vous rendre plus recommandables ses prætensions, et moy je me resouviens bien de ce que vous m'escrivistes lautrefois, quil failloit conduire l'affaire tout bellement et le presser a loysir.

  A015000981 

 Je ne sçai si monsieur vostre mari est lâ; en ce cas, je le salue bien humblement, et suis son serviteur en tous cas..

  A015000998 

 Faites moy la grace de le faire porter a M. Gros, l'advocat, sil est encor a Chamberi.

  A015001011 

 Mais aussi, le peché que vous fistes n'est pas si grand qu'il s'en faille affliger apres la repentance, car il ne fut pas commis en une matiere de commandement special, ni ne contient pas aucun desaveu de la verité, mais seulement un indiscret respect; et, pour le dire clairement, il n'y eut en cela aucun peché mortel, ni, comme je pense, veniel, ains une simple froideur procedante de troublement et irresolution.

  A015001013 

 Le P. Galesius, a la verité dire, est excellent et fait merveilles pour establir des bonnes resolutions; mais je crains fort qu'il ne soit des-ja attaché.

  A015001014 

 Le confesseur de Sainte Catherine, Pere Antenne, prescha il y a deux ans a La Roche, ou il donna une fort grande satisfaction; et si, il confesse et, comme je croy, il n'est encor point arresté.

  A015001017 

 La chere cousine est aux vendanges, et on me dit qu'elle se porte bien, comme fait madame de [Chantal], qui, a mon advis, s'avance fort en l'amour de Dieu, avec toutes ses Seurs..

  A015001037 

 Le souvenir de vos vertus m'est si aggreable qu'il n'a pas besoin d'estre nourri par la faveur de vos lettres; elles vous acquierent neanmoins une nouvelle obligation sur moy, puisque je reçois par icelles et beaucoup d'honneur et beaucoup de contentement, de voir que non seulement vous aves reciproquement memoire de moy, mais que vous l'aves aggreablement.

  A015001037 

 Soyés-le, Madame, de tout vostre cœur, car c'est le grand, ains l'unique bonheur qui vous puisse arriver; et si, monsieur le Senateur n'en aura point de jalousie, puisque vous n'en seres pas moins sienne, et en recevra de l'utilité, puisque vous ne sçauries donner vostre cœur a Dieu que le sien n'y soit engagé..

  A015001049 

 Vous faites extremement a mon gré de continuer vos exercices emmi les secheresses et langueurs interieures qui vous sont revenues, car puisque nous ne voulons servir Dieu que pour l'amour de luy, et que le service que nous luy rendons parmi le travail des secheresses luy est plus aggreable que celuy que nous faysons parmi les douceurs, nous devons aussi, de nostre costé, l'aggreer davantage, au moins de nostre volonté superieure.

  A015001050 

 Pour vostre temporel, puisque vous vous estes essayee d'y mettre de l'ordre et que vous n'aves peu, il faut donq maintenant user de patience et de resignation, embrassant volontier la croix qui vous est arrivee en partage, et selon que les occasions se presentent, vous prattiqueres l'advis que je vous avois donné pour ce regard..

  A015001062 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que de graces et benedictions je vous souhaite! La pureté d'esprit est la vertu particuliere et la louange speciale de saint Bernard.

  A015001062 

 Nostre cœur soit a jamais uni a Celuy pour lequel il est creé.

  A015001071 

 Si M lle de Chapot ou les autres vont la voir, encouragés-la fort a se lier a Nostre Seigneur; elle a besoin de courage, et pour le reste, c'est une bonne fille..

  A015001079 

 Pour le reste, c'est un'œuvre de charité que l'accompaignement que vous alles faire, et bien que ce soit avec un peu de detraquement des sains exercices de devotion, si est ce que ce n'est pas avec aucune perte du service de Dieu..

  A015001095 

 Quant au premier, la bonne madame de [Chantal] vous [93] dira tout ensemble son advis et le mien, de ce qui est requis pour l'entier establissement de vostre fille en cette Congregation.

  A015001096 

 C'est la vraye verité, Monsieur, qu'encor que mes amis meurent, mon amitié ne meurt point, ains, s'il s'y fait quelque changement, c'est pour une nouvelle naissance qui la voit plus vive et vigoureuse entre leurs cendres, comme un certain phœnix mystique; car, bien que les personnes que j'ayme soyent mortelles, ce que j'ayme principalement en elles est immortel, et j'ay tous-jours estimé cet axiome fondamental pour la connoissance des vrayes amitiés, qu'Aristote, saint Hierosme et saint Augustin ont tant solemnisé: Amicitia quæ desinere potuit, nunquam vera fuit..

  A015001097 

 Mais, Monsieur, la reciproque communication qu'avec tant de confiance je ne faisois presque que commencer avec luy, est cessee et se treuve convertie en l'exercice des mutuelles prieres que nous faysons l'un pour l'autre: luy, comme sçachant combien j'en ay besoin, moy, comme doutant qu'il n'en ait besoin.

  A015001097 

 O Dieu, le bon monsieur le President [Frémyot] est tous-jours vivant en mon cœur, et il y tient le rang que tant de faveurs receuës de luy et tant de dignes qualités reconneuës en luy, luy avoyent acquis.

  A015001098 

 Pleust a Dieu, dis je, que mon Polycletus, qui m'est si cher, n'eust point mis sa maistresse main sur un airain de si mauvais lustre!.

  A015001099 

 Je hais par inclination naturelle, par la condition de ma nourriture, par l'apprehension tiree de mes ordinaires considerations et, comme je pense, par l'inspiration celeste, toutes les contentions et disputes qui se font entre les Catholiques, desquelles la fin est inutile, et encor plus celles desquelles les effectz ne peuvent estre que dissensions et differens, mais sur tout en ce tems plein d'espritz disposés aux controverses, aux mesdisances, aux censures et a la ruyne de la charité..

  A015001100 

 Non, je n'ay pas mesme treuvé a mon goust certains escritz d'un saint et tres excellent Prelat, esquelz il a touché du pouvoir indirect du Pape sur les Princes; [95] non que j'aye jugé si cela est ou s'il n'est point, mais parce qu'en cet aage ou nous avons tant d'ennemis dehors, je croy que nous ne devons rien esmouvoir au dedans du cors de l'Eglise.

  A015001101 

 Mais dites [96] moy maintenant, Monsieur, si je m'excuse envers vous de vous parler ainsy franchement, repliqueres vous point que c'est aussi trop franchement? Voyla pourtant comme je traitte avec ceux qui veulent que je contracte une entiere amitié avec eux.

  A015001105 

 Au demeurant, Dieu sçait combien vostre chere fille m'est pretieuse, comme une propre seur, si je l'avois en cette vocation.

  A015001113 

 Ouy, ma Fille, puisqu'il plaist ainsy a la divine Bonté, je suis inseparable de vostre ame et, pour parler avec le Saint Esprit, nous n'avons meshuy plus qu'un cœur et qu'une ame; car ce qui est dit de tous les Chrestiens de la naissante Eglise, se treuve, graces a Dieu, maintenant entre nous.

  A015001115 

 Mon cœur fera cependant mille millions de bons desirs pour le vostre comme pour soy mesme, et ne cesseray point d'implorer les prieres de la tres sainte Vierge en ce lieu qui est tout consacré a son honneur..

  A015001129 

 Ma chere Fille, tout ce qui se fait pour l'amour est amour; le travail, ouy mesme la mort n'est qu'amour, quand c'est pour l'amour que nous les recevons..

  A015001129 

 O Dieu, ma tres chere Fille, si est-ce que je vous escris soigneusement a toutes les occasions.

  A015001130 

 Mays, pour ma sainteté, qui est ce que vous affectionnés le plus, je ne fay gueres de choses, sinon mille continuelz desirs et quelques prieres particulieres, affin qu'il plaise a Nostre Seigneur les rendre utiles [101] et fructueuses pour tout nostre cœur, et, presque ordinairement, je me treuve plein d'une douce confiance que sa divine Bonté nous exaucera.

  A015001131 

 Il me tarde, ma tres chere Fille, que ce cœur que Dieu nous a donné, soit uniquement et inseparablement donné et lié a son Dieu par ce saint amour unissant qui est plus fort que la mort et que tout.

  A015001132 

 C'est aujourd'huy le jour de la sainte Croix.

  A015001132 

 Ma tres chere Fille, helas! que bienheureux sont ceux qui l'ayment et qui la portent! Elle sera plantee au Ciel quand Nostre Seigneur viendra juger les vivans et les mortz, pour nous apprendre que le Ciel est l'autel des crucifiés.

  A015001132 

 O Dieu, qu'elle est belle et qu'elle est aymable! On donne des batailles pour en avoir le bois et on l'exalte sur le mont de Calvaire.

  A015001142 

 C'est pourquoy j'asseure que ce malheur leur a osté une tres notable partie de leurs biens et, de miserables qu'ilz estoyent, les a rendus la misere mesme, sur laquelle, comme sur un dign'objet, la charité de Vostre Altesse exercera, comm'ilz esperent, son aumosne..

  A015001174 

 Ce n'est que pour simplement vous saluer et asseurer que je me presseray le plus que je pourray pour bien tost vous revoir, et espere que ce sera avec nostre mutuelle consolation et de toutes nos Seurs mes cheres filles.

  A015001175 

 A Dieu donq, ma tres chere Fille, ma Niece, continues d'aymer en Nostre Seigneur, celuy qui est en luy tres cordialement tout vostre..

  A015001186 

 C'est aussi bien fait [106] d'avoir de la confiance en nostre Seur de Brechard, et c'est la grace de Dieu qui nous rend ainsy le cœur franc envers ceux a qui, pour son amour, nous obeissons..

  A015001186 

 Or, je sçay bien que vous estes fort fidelle pour ce regard, et que si vous faites quelques petitz mauvais pas, soudain vous vous releves humblement, doucement et sans vous estonner; car il faut faire ainsy, ma chere Fille, pour devenir parfaitement sainte, qui est vostre pretention.

  A015001198 

 Je suis a Bons et parmi les chams; soudain que ce devoir me le permettra, je seray a Neci, c'est a dire dans trois semaines..

  A015001216 

 Au demeurant, Monsieur mon Oncle, cette si fascheuse separation est d'autant moins dure qu'elle durera peu, et que non seulement nous esperons, mays nous aspirons a cet heureux repos auquel cette belle ame est, ou sera bien tost logee.

  A015001230 

 A mesme que monsieur Jacquier m'a rendu vostre [110] lettre, monsieur Brunet m'est venu dire adieu; [si] que j'ay retardé ce moment pour vous resaluer humblement et vous dire que, quant a la cure de Saint Sigismond, elle ne vaut sinon douze vingt florins, en un lieu tres aspre et hors de chemin.

  A015001230 

 Neanmoins, s'il desire venir au concours de celle cy, ce sera le 4 e de ce mois suyvant qu'elle est assignee; marri que peut estre je ne pourray pas m'y treuver, si M. de Villette persevere de me sommer d'aller avec ses autres parens au commencement des obseques de feu M me de Villette environ ce tems-la..

  A015001251 

 Qu'il la veuille benir eternellement, avec toute la trouppe de ma tres chere Mere absente et qui nous est si presente au cœur, en la presence de Celuy qui est l'unique tout du cœur de la Mere et des filles..

  A015001261 

 A Cesar ce qui est a Cesar, mays aussi, a Dieu ce qui est a Dieu..

  A015001261 

 Il est presque impossible d'atteindre a ce signe de perfection.

  A015001261 

 Si on dit moins qu'il ne faut dire, il est aysé d'adjouster; mais apres avoir trop dit, il est malaysé de retrancher, et on ne peut jamais faire le retranchement si tost, qu'on puisse empescher la nuisance de l'exces.

  A015001262 

 Vous me supporteres, s'il vous plaist, selon vostre bonté et ayant esgard a mon affection, qui est toute inclinee a vous honnorer et cherir tres specialement.

  A015001283 

 C'est la verité que j'ayme d'amour vostre Congregation, mais d'amour infructueux jusques a present.

  A015001283 

 Dieu [116] le rende autant effectif qu'il est affectif; et non seulement a [Abondance,] mais en deux ou trois insignes Monasteres de ce diocese, nous verrons refleurir la sainte pieté que le glorieux ami de Dieu et de Nostre Dame, saint Bernard, y avoit plantee..

  A015001284 

 Je voy bien en vostre lettre que vous languissés, puisque vous me dites: Ecce quem amas infirmatur; mais je n'en ay pourtant point de compassion qu'avec une extreme suavité, d'autant que infirmitas hæc non est ad mortem, sed ut manifestentur opera Dei; ecce enim qui amat infirmatur, puisque amore languet.

  A015001285 

 J'ay veu avec un extreme playsir le projet de vostre Somme de Theologie, qui est, a mon gré, bien et [117] judicieusement faite.

  A015001286 

 Qu'est-il besoin, par exemple: « In hac difficultate tres nobis occurrunt quæstiones: prima nempe quæstio erit, quid sit prædestinatio; secunda, quorum sit prædestinatio; tertia, » etc.? Car, puisque vous estes extremement methodique, on verra bien que vous faites ces choses l'une apres l'autre, sans que vous en advertissies auparavant..

  A015001287 

 De mesme: « In hac quaestione sunt tres sententiæ: prima sententia est, » etc. Car, ne suffit-il pas de commencer a capite le recit des sentences, avec un nombre precedent, en cette sorte: « 1.

  A015001288 

 Puis, au lieu de dire: « Respondendum est tribus conclusionibus, quarum prima sit, » ne suffit-il pas: « Jam ergo dico, primo, etc. 2.

  A015001289 

 Comme aussi de faire des prefaces pour continuer les [118] matieres: « Postquam egimus de Deo uno, congruum est ut nunc de Deo trino, sive de Trinitate, » etc. Cela est bon pour des gens qui vont sans methode, ou qui ont besoin de faire connoistre leur methode parce qu'elle est extraordinaire ou embarrassee.

  A015001290 

 Certes, il n'est pas grand besoin de sçavoir, « utrum Angeli sint in loco per essentiam, aut per operationem; utrum moveantur ab extremo ad extremum sine medio, » et semblables.

  A015001290 

 Et bien que je voudrois qu'on n'oubliast rien, si est-ce qu'en telles questions il me semble qu'il suffiroit de bien exprimer vostre opinion et en jetter le vray fondement; puis a la fin, dire simplement, ou au commencement, que « talis et talis aliter senserunt, » affin de laisser plus de place pour s'estendre un peu davantage es questions de consequence, esquelles il faut regarder de bien instruire vostre lecteur..

  A015001292 

 Au demeurant, c'est un grand ornement de mettre plusieurs bonnes authorités, quand elles sont preignantes et courtes; si moins, peu avec renvoy..

  A015001307 

 Je vous diray franchement que, quant a l'obligation de vostre conscience, je ne varie nullement et persevere a ce que je vous en ay dit il y a long tems, qui est en un mot, que si la necessité de la personne de ce bon seigneur est telle que vous soyés requise en presence pour la secourir, vous deves arrester.

  A015001307 

 Maintenant que vous n'aves pas fait a beaucoup pres un si grand abandonnement et que vous aves reservé asses de liberté pour avoir [121] un soin moderé de vostre mayson et de vos enfans, parce que ce peu de retraitte que vous aves fait est pour Dieu, il se treuve des gens qui taschent de le faire estimer mauvais et contre le devoir..

  A015001307 

 Si ce n'est que la necessité du meilleur estat des biens, vous n'y estes pas voirement obligee; mais pourtant, si cette necessité estoit extreme et grande et qu'elle ne peust estre remediee que par vous, c'est a dire que vous ne puissies suppleer par autruy aux affaires, vous pourries librement arrester le tems requis a cela, que je remetz a vostre discretion et prudence, ne pouvant dissimuler avec vous qu'en cette occasion je ne voye quelque sorte de tentation.

  A015001310 

 Je suis, comme vous sçaves, de toute mon ame, ma tres chere Fille, tout parfaitement vostre en Celuy qui, pour nous rendre siens, s'est fait tout nostre, Jesus Christ, qui vit et regne es siecles des siecles.

  A015001310 

 Je vous souhaitte mille et mille benedictions celestes pour l'avancement de vostre cœur au tres saint amour du Crucifix, auquel il est voùé et consacré eternellement.

  A015001318 

 Ce que je dis, parce que madame de Chantal, peut estre, ne viendra pas avant Noël, puisqu'elle est resolue d'achever et demesler toutes ses affaires avant que de revenir, affin de n'avoir plus sujet de distraction..

  A015001318 

 Monsieur Partat est substitué pour aller a Aix.

  A015001348 

 Or sus, qu'est-il besoin de parler ainsy a une ame qui me connoist comme elle mesme?.

  A015001350 

 O Dieu, la beauté de nostre sainte foy en paroist si belle que j'en meurs d'amour, et m'est advis que je dois serrer le don pretieux que Dieu m'en a fait, dedans un cœur tout parfumé de devotion.

  A015001351 

 Dieu vous benisse de sa grande benediction; c'est le continuel et invariable souhait de ce cœur qui est vostre en Jesus Christ..

  A015001384 

 Rien autre ne s'est passé, digne d'estre representé a Vostre Excellence, laquelle je supplie de m'honnorer tous-jours de sa bienveüillance, et de croire que de tout mon cœur je suis,.

  A015001400 

 Helas! que nous serons heureux si nous nous dedions bien entierement a ce saint service, soit en allant ou en demeurant, soit en faysant le bien ou en souffrant le mal; mays sur tout en souffrant, car le tesmoignage de nostre fidelité est bien plus grand en la souffrance qu'en l'action: dont les Martirs sont praeferés aux Confesseurs, et la Passion de nostre Sauveur a esté la grand'œuvre de nostre salut..

  A015001401 

 Mon Dieu, tres chere Fille, que mon cœur souhaite de bien au vostre entre les afflictions de vostre cors! Le tems des afflictions douleureuses [est] le vray tems de la moysson des vrayes affections [spirituelles.].

  A015001402 

 Croyes que c'est une bonne fille et que Dieu la reserve pour s'en servir a bon escient.

  A015001402 

 Néanmoins] cette nuit passee elle s'est si bien [reposée]... [que si ce n']est pas miracle, c'est au moins une speciale grace que [Dieu a] faitte aux prieres de ses cheres compaignes qui toutes estoyent des-ja en larmes; si bien qu'a mon jugement, il ni a plus rien a craindre pour ce coup.

  A015001402 

 Sil vous plait, ma chere Fille, vous feres donner cette nouvelle a nostre petite seur Claudine, affin qu'ell'en loue Dieu et qu'elle ne se mette point en peyne, car cette malade est servie et assistee amoureusement, fervemment et fidelement, selon l'ordre de la compaignie ou ell'est..

  A015001403 

 Et si, il faut que je vous die qu'elle m'escrit par sa derniere lettre que l'on desseigne a Dijon, ou ell'est, une mayson de la Visitation pareille a celle d'icy; et faudra peut estre, dans quelque tems, y envoyer un couple ou troys des filles que nous [132] aurons, pour y donner commencement.

  A015001403 

 M me de Chantal doit arriver pour Noüel, sinon que quelqu'affaire d'importance luy soit survenu; car je luy ay escrit qu'elle n'espargnast pas le tems pour bien conclure tout ce qui est requis, affin qu'apres son retour elle demeure en plus grand repos.

  A015001403 

 Mays il n'est pas requis que ceci se sache encor; c'est pourquoy je le dis a vous..

  A015001404 

 La chere cousine est toute aupres de M me de Lambert qui est malade, si que je ne l'ay point veu il y a trois semaines; mais elle se porte bien..

  A015001434 

 Je ne doute point, ma tres chere Fille, que vous ne soyes grandement exercee de diverses rencontres desplaysantes, sçachant une partie des sujetz qui vous en peuvent donner; mays en quoy, et quand, et comment pouvons nous tesmoigner la vraye fidelité que nous devons a Nostre Seigneur, qu'entre les tribulations, es contradictions et au tems des repugnances? Cette vie est telle qu'il nous faut plus manger d'absynthe que de miel; mais Celuy pour lequel nous avons resolu de nourrir la sainte patience au travers de toutes oppositions, nous donnera la consolation de son Saint Esprit en saison.

  A015001447 

 Fille, dites moy, je vous prie, sera-il mieux que je vous aille revoir demain matin pour assister au disner de cette grande fille, et encor de la Jaquemaz, sil y escheoit, ou que j'y aille [137] seulement apres Vespres pour la voir souper? Mon opinion est que ce soit apres Vespres, par ce que j'auray plus de tems, comme j'espere, d'estre avec moy (je veux dire avec vous) et avec elle; et lhors j'adjousteray aux tablettes le mot qui manque, car j'ay grand'envie d'estr'un jour homme de parole..

  A015001456 

 Soudain apres disné, qui estoit le tems que j'avois reservé pour nostre cœur, mon bon cousin monsieur de Charmoysi m'est venu treuver jusques a troys heures, qui estoit le terme que j'avois promis d'aller parler en particulier avec les bonnes Dames de Sainte Claire, d'ou je viens maintenant..

  A015001456 

 Toute la matinee s'en est allee en tracas, mais tracas necessaire.

  A015001457 

 C'est, de vray, un sevrement aux enfans de demeurer les jours entiers comme cela.

  A015001457 

 O, Dieu nostre Sauveur nous soit a jamais toute chose! C'est en luy et par luy que nostr'unique cœur est indivisible; qu'a jamais puisse-il tout vivre a son saint amour..

  A015001483 

 Laissons pour un peu la meditation (ce n'est que pour mieux sauter que nous reculons), et prattiquons bien cette sainte resignation et cet amour pur de Nostre Seigneur qui ne se prattique jamais si entierement qu'emmi les tourmens; car d'aymer Dieu dedans le sucre, les petitz enfans en feroyent bien autant, mais de l'aymer dedans l'absinthe, c'est la le coup de nostre amoureuse fidelité.

  A015001484 

 Or sus, ma Fille, voyés-vous, je vous recommande a Dieu pour obtenir pour vous cette sacree patience, et n'est pas en mon pouvoir de luy proposer rien pour vous, sinon que tout a son gré, il façonne vostre cœur pour s'y loger et y regner eternellement; qu'il le façonne, dis-je, ou avec le marteau, ou avec le ciseau, ou avec le pinceau: c'est a luy d'en faire a son playsir, non pas, ma chere Fille? faut-il pas faire ainsy?.

  A015001486 

 Et bien, ma chere Fille, il n'est pas aussi requis que vous le fassies, ains que tout simplement vous esleviés, le plus frequemment que vous pourrés, vostre cœur a ce Sauveur et que vous fassies ces actions: premierement, d'accepter le travail de sa main, comme si vous le voyies luy mesme vous l'imposant et fourrant en vostre teste; secondement, vous offrant d'en souffrir encores davantage; troisiesmement, l'adjurant par le merite de ses tourmens, d'accepter ces petites incommodités en l'union des peynes qu'il souffrit sur la croix; quatriesmement, protestant que vous voules non seulement souffrir, mais aymer et caresser ces maux comme envoyés d'une si bonne et douce main; cinquiesmement, invoquant les Martyrs et tant de serviteurs et servantes de Dieu qui jouissent du Ciel pour avoir esté fort affligés en ce monde..

  A015001487 

 Il n'y a nul danger a desirer du remede, ains il le faut soigneusement procurer; car Dieu, qui vous a donné le mal, est aussi l'autheur des remedes.

  A015001489 

 [141] C'est maintenant, ma Fille, que, plus que jamais et a tres bonnes enseignes, vous pouves tesmoigner a nostre doux Sauveur que c'est de toute vostre affection que vous aves dit et dires: VIVE JESUS!.

  A015001498 

 O Vierge sainte, qui, la premiere de toute la nature humaine, aves prononcé ce nom de salut, inspirés-nous la façon de le prononcer ainsy qu'il est convenable, affin que tout respire en nous le salut que vostre ventre nous a porté..

  A015001500 

 C'est pourquoy saint Joseph et Nostre Dame, puis tout le voysinage commence a crier: JESUS, qui veut dire Sauveur..

  A015001500 

 Ma chere Fille, nostre cher petit Jesus estoit tout plein du bausme de salut, mays on ne le connoissoit pas, jusques a tant qu'avec ce couteau doucement cruel on a ouvert sa divine chair; et lhors on a conneu qu'il est tout bausme et huyle respandu, et que c'est le bausme de salut.

  A015001500 

 Quand un bausme est bien fermé dans une phiole, nul ne sçait discerner quelle liqueur c'est, sinon celuy qui l'y a mise; mais quand on a ouvert la phiole et qu'on en a respandu quelques gouttes, chacun dit: C'est du bausme.

  A015001501 

 Mon Dieu, ma Fille, que cette circoncision est a propos de nos petitz, mais grans renoncemens! car c'est proprement une circoncision spirituelle..

  A015001511 

 C'est le souhait, Monsieur, de.

  A015001523 

 Il est bien tems que je vous rende le livret de la sainte Vie de nostre bienheureux Pierre Faber.

  A015001523 

 J'eusse pourtant bien desiré d'avoir une copie d'une histoire de si grande pieté et d'un Saint auquel, pour tant de raysons, je suis et dois estre affectionné; car c'est la verité que je n'ay pas la memoyre ferme pour les particularités de ce que je lis, ains seulement en commun.

  A015001538 

 M. de Granyer est allé, comme je pense, en Languedoc, sans passer icy ou nous l'attendions, plus pour [148] apprendre les particularités des graces et traitz de vostre faveur, que pour autres raysons, bien que je sçai qu'elles sont grandes..

  A015001539 

 Ce que j'avois preveu de la volonté de Monseigneur de Nemours touchant son hostel, s'est treuvé plus que veritable; car, outre ce que j'avois consideré, il y a de plus qu'il n'est nullement hors d'occasion d'aller peut estre plus tost que je ne pense a Paris: vous pouvés bien penser pourquoy, mays je dis cecy entre nous deux.

  A015001547 

 Or, la tablette de la sainte Communion est cela mesme qui a esté mis en tablette, affin que nous la puissions mieux prendre; bien que ce soit la tres divine et tres grande table que les Cherubins et Seraphins adorent et de laquelle ilz mangent par contemplation reelle, comme nous la mangeons par reelle Communion.

  A015001547 

 Ouy, ma chere Fille, car nostre Sauveur a pris nostre vraye chair, qui est en somme poudre; mais en luy, elle est si excellente, si pure, si sainte, que les cieux et le soleil ne sont que poussiere au prix de cette poudre sacree.

  A015001548 

 C'est une grande joye au cœur que vous aves icy, de s'imaginer ce grand Saint entre ses hermites, tirer du fond de son esprit des sentences graves et sacrees, et les prononcer avec une veneration incomparable comme des oracles du Ciel; mais entr'autres, il me semble qu'il die a nostre ame ce qu'il disoit parmi ses disciples, pris de l'Evangile: Ne soyés en souci de vostre ame, ou pour vostre ame.

  A015001548 

 Non, ma chere Fille, demeurés en paix, car Dieu, a qui elle est, la soulagera..

  A015001550 

 Croyés, ma Fille, que je prie Nostre Seigneur pour vous avec tout nostre cœur; car mon ame est collee a la vostre et je vous cheris comme mon ame, ainsy qu'il est dit de Jonathas et de David.

  A015001558 

 Pour la charge que vous aves, c'est une tentation de n'y avoir pas l'amour requis pour le tems auquel vous y seres.

  A015001559 

 J'escriray a vostre seur qu'elle vous face faire les services comme les autres, car cela est bon..

  A015001560 

 Et quand la memoire de telle faute nous arrive apres la confession, il n'est pas requis de retourner vers le confesseur pour aller a la Communion; ains est bon de n'y retourner pas, mays le reserver a dire pour l'autre confession suivante, affin de le dire si on s'en souvient..

  A015001560 

 Quand les pensees nous arrivent du mal d'autruy et que nous ne les rejettons pas promptement, ains nous y amusons quelque peu, pourveu que nous ne facions pas un jugement entier, disant en nous mesmes: Il est vrayement ainsy, ce n'est pas peché mortel; quand bien nous dirions absolument: Il est ainsy, pourveu que ce ne fust pas en chose d'importance; car, quand ce dequoy [152] nous jugeons nostre prochain n'est pas chose griefve, ou que nous ne jugeons pas absolument, ce n'est que peché veniel.

  A015001566 

 La bonne Mere de Chantal, qui est malade sans danger, comme j'espere, vous saluë de tout son cœur.

  A015001576 

 J'ay receu toutes les lettres que vous me marques par celle quil vous pleut m'addresser par les mains de monsieur de Marillac, et m'estonne comm'il est arrivé que vous n'ayes pas eu mes responses que j'ay quelquefois dupliquees, de peur de manquer au devoir que je vous ay et pour l'extreme contentement que je prens en la prattique de vostre sainte amitié.

  A015001578 

 Voyla comment je vous ay en tout et par tout esté inutile, mays certes je n'ay esté ni seray jamais sinon tres affectionné, mesm'en ce dessein qui est tant a la gloire de Nostre Seigneur et avancement de la pieté.

  A015001596 

 Si vous m'aves souhaité par dela, j'ay bien correspondu de mon costé, estimant que un voyage seroit grandement utile, non aux autres, mays a moy qui, par la conference que j'aurois avec tant de gens de bien, rafraichirois les resolutions et l'esprit qui m'est necessaire en ma vocation..

  A015001598 

 Ainsy l'en supplie-je, et quil vous face de plus en plus abonder en son saint amour, [156] auquel je vous supplie de me recommander continuellement, comme une personne qui est a [jamais],.

  A015001598 

 Dieu, qui par sa misericorde est autheur de cette benite assemblee, la logera, la protegera et dilatera pour le salut et perfection de plusieurs.

  A015001614 

 Et a cet effect, nous avons commis la peyne et le soin particulier de vous exercer et instruire a ma Seur de Brechard ci presente, a laquelle partant vous seres obeissantes, et l'escouteres avec respect et tel honneur, qu'on connoisse que ce n'est pas pour la creature que vous vous sous-mettes a la creature, mays pour l'amour du Createur que vous reconnoisses en la creature.

  A015001615 

 Vous vous tromperies bien si vous pensies estre venues pour avoir plus grand repos qu'au monde, car au contraire, nous ne [159] sommes icy assemblees que pour travailler diligemment a desraciner nos mauvaises inclinations, corriger nos defautz, acquerir les vertus; mays bienheureux est le travail qui nous donnera le repos eternel.

  A015001628 

 Le tres grand et miraculeux saint Paul nous a resveillés de grand matin, ma tres chere Fille, si fort il s'est escrié aux oreilles de mon cœur et du vostre: Seigneur, que voules vous que je fasse? Ma tres [160] chere Mere et toute chere Fille, quand sera-ce que, tous mortz devant Dieu, nous revivrons a cette nouvelle vie en laquelle nous ne voudrons plus rien faire, ains laisserons vouloir a Dieu tout ce qu'il nous faudra faire, et laisserons agir sa volonté vivante sur la nostre toute morte?.

  A015001630 

 O Seigneur Jesus, par vostre tristesse incomparable, par la desolation nompareille qui occupa vostre cœur divin au mont Olivet et sur la croix, et par la desolation de vostre chere Mere, qu'elle eut tandis qu'elle fut privee de vostre presence, soyés la joye, ou au moins la force de cette fille, quand vostre Croix et Passion est tres uniquement conjointe a son ame..

  A015001631 

 Je pense qu'il vous faut caresser la seur de nostre Seur N., car en fin la douce charité est la vertu qui respand le bon odeur edificatif, et les personnes moins eslevees la reçoivent avec plus de prouffit.

  A015001649 

 Voyla vostre sacré remede que je puis dire m'avoir esté souverain, puisque Dieu a agi avec moy selon vostre foy, vostre esperance et vostre charité, et je dois confesser a la gloire de Jesus Christ et de sa sainte Espouse, que je ne croyois pas de pouvoir dire Messe aujourd'huy a cause de la grande enflure de ma jouë et du dedans de ma bouche; mais, m'estant appuyé sur mon prie Dieu et ayant posé la relique sur ma jouë, j'ay dit: « Mon Dieu, qu'il me soit fait comme mes filles le desirent, si c'est vostre sainte volonté; » et tout aussi tost, mon mal a cessé.

  A015001650 

 O vive Dieu! ma Fille, il est admirable en ses saintes espouses et en tous ses Saintz.

  A015001661 

 C'est le sentiment que vous pourrés faire, ma tres chere Fille, es jours que vous soulies communier et que vous ne communieres pas..

  A015001662 

 Le sentiment que vous aves d'estre toute a Dieu n'est point trompeur; mais il requiert que vous vous amusiés un peu plus a l'exercice des vertus et que vous ayés un soin special d'acquerir celles esquelles vous vous treuves plus defaillante.

  A015001674 

 Ce petit peuple catholique et moy le presentons en toute humilité a Vostre Majesté comme un cahier animé, contenant les moyens plus convenables pour la reduction de ceux de la religion pretendue et pour l'accroissement de la foy catholique au bailliage de Gex; affin que, si tel est le bon playsir [166] de Vostre Majesté, dont je la supplie tres humblement, elle en sçache par luy toutes les particularités plus clairement..

  A015001674 

 Ce porteur est le predicateur ordinaire de Gex, Religieux fort zelé, devot, discret, extremement sortable au lieu et a la cause qu'il sert.

  A015001688 

 Sa qualité et extreme necessité la me rend recommandable, c'est pourquoy, autant que je puis, je [167] la vous recommande aussi, et priant Dieu quil vous benisse, je suis,.

  A015001707 

 C'est par le retour de ce pauvre medecin, qui n'a sceu guerir nostre Mere et que je n'ay sceu guerir, que [168] je vous fay ce mot.

  A015001709 

 Elle est bien malade, cette bonne Mere, et mon esprit, un peu en peyne sur sa maladie.

  A015001709 

 Je dis un peu, et c'est beaucoup.

  A015001733 

 Or sus, je voy bien que nous ne serons jamais guere ensemble, si ce n'est en esprit; aussi est-ce l'Esprit de Dieu qui est l'autheur de la sainte amitié dont vous m'affectionnés, qui, par la distance des lieux, ne peut estre empesché qu'il ne face sa sacree operation dans nos cœurs..

  A015001749 

 At vero, Beatissime Pater, hoc quod « semper et ubique dignum et justum est, » hisce nostris temporibus, non solum « salutare » tantum, sed fere necessarium videri debet, cum scilicet quia abundavit iniquitas, refrigescit charitas multorum, imo propemodum omnium; unde quoniam defecit sanctus a terra, ex iis qui redempti sunt de terra, revocandi sunt in memoriam et in medium Ecclesiæ reducendi illi qui hactenus majore sanctitatis splendore claruerunt, ut sint (quemadmodum unus eorum dixit) in speculum et exemplum, [174] ac quoddam veluti condimentum vitæ hominum super terram, sicque apud nos etiam post mortem vivant, et multos ex iis qui viventes mortui sunt, ad veram provocent et revocent vitam..

  A015001752 

 Nomen ejus sanctifica, qui nomen Dei tanta charitate sanctificavit, ac miraculorum multitudine collustravit; annuntia toti Ecclesiæ quæ est in terris, quia Dominus mirificavit Sanctum suum in Cælis, ut exaudiat nos cum clamaverimus ad eum.

  A015001764 

 Ainsi Dieu est plus exalté dans ses Saints, les peuples mettent plus d'empressement à celébrer leurs louanges et l'Eglise plus de magnificence à publier leur gloire.

  A015001765 

 Or, Très Saint Père, ce qui a toujours été, « et en tous lieux, juste et louable, » doit paraître non seulement utile, mais presque nécessaire en notre temps où la charité, à cause du débordement de l'iniquité, s'est refroidie chez plusieurs et à peu près chez toutes les âmes.

  A015001767 

 C'est encore l'ardent souhait de notre Jérusalem d'ici-bas, que préside Votre Sainteté, car elle se réjouira que le nom d'un tel fils, écrit dans le Ciel, soit glorifié sur la terre.

  A015001767 

 Cette grâce est exigée pour faire suite aux beaux actes de Votre Sainteté; car si naguère, d'entre les princes de l'Eglise, Elle a canonisé le bienheureux Charles, Elle doit lui joindre un prince séculier, afin que, dans l'un et l'autre rang, il y ait un modèle à imiter.

  A015001767 

 Cette requête vous est adressée par la famille des sérénissimes ducs de Savoie, dont la constance dans la foi et les glorieux exploits de [176] vaillance ont jadis et jusqu'à ce jour apporté à l'Eglise une grande consolation.

  A015001767 

 Enfin, c'est ce que demandent les mérites et les miracles du bienheureux Amédée lui-même, très grands et très illustres en qualité et en nombre..

  A015001768 

 Faites-nous donc cette grâce, Très Saint Père, et ne laissez pas plus longtemps sous le boisseau cette lampe allumée par le feu divin, mais placez-la sur le chandelier, afin qu'elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Sanctifiez le nom de celui qui a sanctifié le nom de Dieu avec tant de charité et l'a fait glorifier par tant de miracles; annoncez à toute l'Eglise qui est sur la terre que le Seigneur a exalté son Saint dans les Cieux, pour nous exaucer quand nous crierons vers lui.

  A015001779 

 Mays ce n'est pas cela que je vous veux dire, car j'ay d'autres choses a vous demander..

  A015001780 

 Car il est bon; certes, ce chetif petit cœur de ma grande fille; et pourveu [179] qu'elle le traitte bien, qu'elle demeure un peu soigneusement en attention sur luy, que souvent elle le r'encourage par des petites oraysons jaculatoires, par des petites conferences de ses bons souhaitz avec nostre Mere et avec moy, par des petites bonnes cogitations faites sur ce sujet en diverses occasions, vous verres, ma chere Fille, que ce cœur deviendra un vray cœur selon le cœur de Dieu.

  A015001780 

 Dites moy donq vous mesme, ma chere Fille, le pauvre cœur bienaymé comme se porte-il? Est-il pas tous-jours vaillant et vigilant pour s'empescher des surprises de la tristesse? Je le vous recommande au nom de Nostre Seigneur, ne le tormentés point, je dis mesme quand bien il auroit fait quelque petit detour; mays reprenés le doucement et le ramenes en son chemin.

  A015001780 

 Seigneur Jesus, c'est pour cela que deux foys le jour je vous fay priere particuliere..

  A015001781 

 Vives joyeuse, ma tres chere Fille; Dieu vous ayme et vous fera la grace que vous l'aymeres: c'est le souverain bonheur de l'ame pour cette vie et pour l'eternelle..

  A015001782 

 La belle seur est une perle; le frere est bienheureux de l'avoir treuvee et prise avant qu'ell'eut conneu nostre petite Congregation, car autrement ell'eut esté vostre seur, mais non pas vostre belle seur.

  A015001802 

 Mon Dieu, que j'ay de contentement de voir en cette chere seur qui est icy, non seulement l'air de vostre visage, mais, ce qui est le plus beau, les traitz de vostre esprit et de vos affections.

  A015001833 

 C'est ce [184] qu'on remarque surtout à notre époque; à plus forte raison chez la jeunesse, qui de sa nature est téméraire et hardie.

  A015001833 

 Cette tendance à secouer tout joug est encore un mal des plus contagieux; aussi s'insinuerait-il petit à petit de royaume en royaume, d'une couronne à une autre couronne, comme il est arrivé pour d'autres maux semblables.

  A015001833 

 Il est clair que la majeure partie des Parlements et des hommes d'Etat, même catholiques, penchent du côté le moins favorable, ou, pour mieux dire, le plus contraire à l'autorité papale, cette opinion leur paraissant mieux s'accorder avec l'autorité royale et la servir plus utilement.

  A015001833 

 Par des avis particuliers reçus de Paris et de Dijon et par des [183] opuscules imprimés dans ces deux villes, on voit clairement que la discussion touchant l'autorité du Très Saint Père sur les rois s'étend de plus en plus; de même en est-il de celle qui a pour objet de comparer les Conciles avec les Souverains Pontifes.

  A015001833 

 Si cet état de choses persévère, il est à craindre qu'il n'en résulte pour ce royaume un dommage considérable et une déplorable division; d'autant plus que le roi devant prendre dans trois ou quatre ans l'administration de l'Etat, il sera facile au parti hostile à l'autorité du Saint-Siège de tourner ce prince du côté où celui-ci verra quelque apparence d'étendre ses droits, tant est grande l'inclination des hommes à dominer sans aucune dépendance.

  A015001835 

 De son côté, le Saint-Père imposera, s'il en est besoin, silence à ces disputes aussi importunes qu'infructueuses.

  A015001835 

 Se plaindre d'abord de ce que, tandis qu'aucun différend ne s'est élevé entre Sa Béatitude et le roi, tandis que le Pape a [185] témoigné en toute occasion un cœur vraiment paternel, très affectionné et très sympathique au bien et à l'affermissement de la prospérité de cet Etat, on voit maintenant surgir certains esprits piquants, inquiets et ennemis de la sainte union qui existe entre Sa Sainteté et Sa Majesté; ils viennent impudemment mettre en doute l'affection du Saint-Père pour cette couronne, soulèvent ces disputes oisives et inopportunes, et engendrent par ce moyen dans les esprits malades et faibles, une sorte de défiance pour l'attachement sincère de Sa Béatitude à l'égard du roi et du royaume.

  A015001839 

 Pourvu que les thèses soient bien établies, la meilleure réponse qui se puisse faire aux importunités de ces esprits turbulents, est de ne pas les juger dignes de réponse.

  A015001841 

 Ceci est très vrai, car si en France, les Prélats, la Sorbonne et les Religieux étaient bien unis, c'en serait [188] fait de l'hérésie en dix ans.

  A015001841 

 Cette union n'est pas si difficile à ménager, pourvu qu'on en fasse bien saisir l'importance à la reine, qu'on ait des hommes capables d'aider adroitement M gr le Nonce et de se familiariser les uns avec les autres.

  A015001844 

 J'ai écrit tout ceci pour agréer à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, dont je baise les mains, priant Dieu notre Seigneur d'accorder à votre zèle sincère pour le service de l'Eglise, la récompense qui lui est due sur la terre et au Ciel..

  A015001856 

 Difficile, non pas certes en elle mesme, car au contraire, elle est fort aysee a rencontrer aux espritz qui la cherchent par le chemin de la charité; mays difficile, parce qu'en cet aage qui redonde en cervelles chaudes, aiguës et contentieuses, il est malaysé de dire chose qui n'offence ceux qui, faysant les bons valetz, soit du Pape, soit des Princes, ne veulent que jamais on s'arreste hors des extremités, ne regardant pas qu'on ne sçauroit faire pis pour un pere que de luy oster l'amour de ses enfans, ni pour les enfans que de leur oster le respect qu'ilz doivent a leur pere..

  A015001857 

 Qu'est-il donq besoin de s'empresser maintenant a l'examen de son authorité sur les choses temporelles, et par ce moyen ouvrir la porte a la dissension et discorde?.

  A015001859 

 Je vous le dis sincerement, ma tres chere Fille: j'ay une douleur extreme au cœur de sçavoir que cette dispute de l'authorité du Pape soit le jouet et sujet de la parlerie parmi tant de gens qui, peu capables de la resolution qu'on y doit prendre, en lieu de l'esclarcir la troublent, [192] et en lieu de la decider la deschirent, et, ce qui est le pis, en la troublant, troublent la paix de plusieurs ames, et en la deschirant, deschirent la tres sainte unanimité des Catholiques, les divertissans d'autant de penser a la conversion des heretiques..

  A015001861 

 Le Pape est le souverain Pasteur et Pere spirituel des Chrestiens, parce qu'il est le supreme Vicaire de Jesus Christ en terre; partant, il a l'ordinaire souveraine authorité spirituelle sur tous les Chrestiens, Empereurs, Rois, Princes et autres, qui, en cette qualité, luy doivent non seulement amour, honneur, reverence et respect, mais aussi ayde, secours et assistance envers tous et contre tous ceux qui l'offencent, ou l'Eglise, en cette authorité spirituelle et en l'administration d'icelle.

  A015001861 

 Si que, comme par droit naturel, divin et humain, chacun peut employer ses forces et celles de ses alliés pour sa juste defense, contre l'inique et injuste aggresseur et offenseur, aussi l'Eglise ou le Pape (car c'est tout un) peut employer ses forces et celles de l'Eglise et celles des Princes chrestiens, ses enfans spirituelz, pour la juste defense et conservation des droitz de l'Eglise contre tous ceux qui les voudroyent violer et destruire.

  A015001862 

 L'authorité de l'un n'est point contraire a l'autre, ains elles s'entreportent l'une l'autre; car le Pape et l'Eglise excommunient et tiennent pour heretiques ceux qui nient l'authorité souveraine des Rois et Princes, et les Rois frappent de leur espee ceux qui nient l'authorité du Pape et de l'Eglise, ou s'ilz ne les frappent pas, c'est en attendant qu'ilz s'amendent et humilient..

  A015001862 

 Les Rois et tous les Princes souverains ont pourtant une souveraineté temporelle en laquelle le Pape ni l'Eglise ne pretendent rien, ni ne leur en demandent aucune sorte de reconnoissance temporelle; en sorte que, pour abbreger, le Pape est tres souverain Pasteur et Pere spirituel, le Roy est tres souverain prince et seigneur temporel.

  A015001872 

 Mais Dieu vous benie, vous remplisse de graces; Dieu soit avec nous, ma tres chere Fille, car je n'ay pas davantage de loysir, grace a Nostre Seigneur, lequel nous fait la faveur de nous employer icy et la, a son tres saint service; car c'est a cela que je suis occupé en diverses sortes, de maniere que le cœur de ma tres chere Fille, comme le mien, en sera bien ayse..

  A015001885 

 Vostre Altesse est supplies par le sieur Chapperon de luy vouloir donner la delivrance de la prison en laquelle il se treuve presentement.

  A015001901 

 Helas! ouy, ma tres chere, toute vrayement tres chere Fille; mays si faut-il que ce soit en courant, car j'ay fort peu de loysir, et n'estoit que mon sermon, que je vay tantost faire, est des-ja tout formé dans ma teste, je ne vous escrirois autre chose que le billet ci-joint..

  A015001901 

 Or sus, ma tres chere, tres unique, ma Fille, il est bien tems que je responde, si je puis, a vostre grande lettre.

  A015001902 

 Ce n'est autre chose qu'une vraye insensibilité qui vous prive de la jouissance, non seulement des consolations et inspirations, mais aussi de la foy, esperance et charité.

  A015001902 

 Vous les aves pourtant et en fort bon estat, mais vous n'en jouisses pas, ains estes comme un enfant qui a un tuteur qui le prive du maniement de tous ses biens, en sorte que, tout estant vrayement a luy, neanmoins il ne manie et ne semble posseder ni avoir rien [197] que sa vie, et, comme dit saint Paul, estant maistre de tout, il n'est point different du serviteur en cela; car ainsy, ma tres chere Fille, Dieu ne veut pas que vous ayés le maniement de vostre foy, de vostre esperance et de vostre charité, ni que vous en jouissiés, sinon justement pour vivre et pour vous en servir es occasions de la pure necessité..

  A015001903 

 Helas! Seigneur, si tel est vostre bon playsir que je n'aye nul playsir de la prattique des vertus que vostre grace m'a conferees, j'acquiesce de toute ma volonté, quoy que contre les sentimens de ma volonté..

  A015001903 

 Helas, ma tres chere Fille, que nous sommes heureux d'estre ainsy serrés et tenus de court par ce celeste Tuteur! Et ce que nous devons faire, n'est sans doute autre chose que ce que nous faysons, qui est d'adorer l'aymable providence de Dieu, et puis nous jetter entre ses bras et dedans son giron.

  A015001904 

 C'est le haut point de la sainte resignation de se contenter des actes nuds, secs et insensibles, exercés par la seule volonté superieure; comme ce seroit le superieur degré de l'abstinence de se contenter de ne manger jamais sinon avec desgoust, a contrecoeur, et non seulement sans goust ni saveur..

  A015001918 

 C'est, Monseigneur, qu'il vous playse luy continuer lhonneur de vostre bienveuillance encor apres son trespas, comm'a un serviteur fidele et ancien de Vostre Altesse, qui, en la vie et en la mort, n'avoit rien eü de plus entier en son ame que la tres humble obeissance qu'il devoit a vostre couronne; et que, ne pouvant plus exercer cette sienn'affection en ce monde, il avoit fait choix du filz aysné du sieur de Chenex pour le nommer son heritier, affin qu'avec ce peu de biens qu'il luy laisse, il puisse estre eslevé et nourri en la vertu et en la puissante inclination du service de Vostre Altesse, a laquelle, outre son originaire devoir, le nom et les armes de Lambert, qu'il luy ordonne de porter, le rendront absolument hipothequé et consacré.

  A015001932 

 Ce porteur, qui est filz d'un tres bon pere et lequel est de mes meilleurs amis, n'a pas voulu retourner a Paris sans vous rapporter de mes lettres comm'il m'en avoit apporté des vostres, estimant que, comm'il desire, il vous en seroit plus aggreable.

  A015001932 

 Je luy suis fort obligé de cette bonne pensee, fondee sur la creance qu'il a de la parfaitte bienveuillance dont vous me favorisés, qui est une persuasion laquelle, comm'elle m'est fort honnorable, elle m'est aussi fort douce et aymable.

  A015001933 

 Quant aux mariages, vous sçaves qu'en tems de Caresme ce n'en est pas la sayson; aussi n'en dit-on plus mot..

  A015001934 

 Nous attendons le passage du sieur de Granier, qui nous dira ce quil aura pris d'argent sur vostre faveur, et soudain, Dieu aydant, je l'envoyeray, voulant meshuy donner commencement a la satisfaction de tant de devoirs pecuniaires que je vous ay; car quant aux autres, je ne pourray ni ne voudray jamais en estre quitte, ayant un extreme playsir d'estre par obligation ce que je suis si absolument par inclination: c'est,.

  A015001949 

 J'apporteray tout le soin quil me sera possible pour la pauvre dame Jaqueline, a laquelle j'ay extreme compassion, et ne sçaurois neanmoins rien avancer que le sieur Gilette ne soit de retour de Piemont ou il est.

  A015001950 

 Ce m'est un extreme contentement que nostre cher Annessi gouste si franchement le bonheur qu'il a d'ouïr ce grand homme de Dieu, le P. Bonnivard, duquel de toutes pars chascun me fait festes.

  A015001950 

 Il m'escrit reciproquement qu'il est tout plein de consolation de voir que la terre qu'il cultive reçoit si utilement la graine sacree de la divine parole, et treuve que la promesse que je luy en avois faite est surmontee par les effectz.

  A015001951 

 Dieu soit a jamais loüé du fruit qui en naistra, si tant est qu'il luy playse benir l'intention que j'ay de son saint service en ce petit travail..

  A015001952 

 Les deux freres que vous aymes vous honnorent et cherissent affectionnement, et parlent fort souvent de vous en ce sens et avec ce goust, mays celuy ci particulierement qui, vous saluant de tout son cœur, et madame ma chere bonne seur, est invariablement,.

  A015001966 

 Seroit-il bien possible que mon esprit oubliast jamais les chers enfans de ses entrailles? Non, mes tres cheres Filles, ma chere joye et ma couronne, vous le sçavés bien, je m'en asseure; et vos cœurs vous auront bien respondu pouf moy que si je ne vous ay pas escrit jusques a present, ce n'est sinon parce que, escrivant a nostre tres unique et bonne Mere, je sçavois bien que je ne vous escrivois pas moins qu'a elle, par cette douce et salutaire union que vos ames ont avec la sienne; et encor, parce que le saint amour que nous nous portons reciproquement, est escrit, ce me semble, en si grosses lettres dans nos cœurs, qu'on y peut bien lire presque nos pensees de Neci jusques icy..

  A015001967 

 Je suis avec un peu plus de monde que quand je suis en nostre sejour ordinaire aupres de vous; et plus j'en voy de ce miserable monde, plus il m'est a contrecœur, et ne croy pas que j'y peusse vivre, si le service de quelques bonnes ames en l'advancement de leur salut ne me donnoit de l'allegement..

  A015001968 

 Mon Dieu, mes cheres Filles, que je treuve bien plus [205] heureuses les abeilles, qui ne sortent de leur ruche que pour la cueillette du miel, et ne sont associees que pour le composer, et n'ont point d'empressement que pour cela, et dont l'empressement est ordonné, et qui ne font dans leurs maysons et monasteres sinon le mesnage odorant du miel et de la cire! Qu'elles sont bien plus heureuses que ces guespes et mouches libertines, qui, courans si vaguement et plus volontier aux choses immondes qu'aux honnestes, semblent ne vivre que pour importuner le reste des animaux et leur donner de la peyne, en se donnant a elles mesmes une perpetuelle inquietude et inutile empressement.

  A015001971 

 Hé, qu'ilz sont heureux ces cœurs bienaymés de mes [206] filles, d'avoir quitté quelques annees de la fause liberté du monde, pour jouir eternellement de ce desirable esclavage auquel nulle liberté n'est ostee que celle qui nous empesche d'estre vrayement libres!.

  A015001972 

 Dieu vous benisse, mes tres cheres Filles, et vous face de plus en plus avancer en l'amour de sa divine eternité, en laquelle nous esperons de jouir de l'infinité de ses faveurs pour cette petite, mais vraye fidelité, qu'en si peu de chose, comme est cette vie presente, nous voulons observer moyennant sa grace.

  A015002013 

 Dieu vous donne cent mille bonjours et la santé tres heureuse, ma tres chere Fille, que je recommanderay de tout mon cœur a sainte Catherine de Siene, puisque c'est aujourdhuy sa feste..

  A015002025 

 Je vous donne le bonjour, et peut estre iray-je vous donner le bon soir en personne, cependant, si je puis; et mesme par ce que M me l'Ancienne est venue, laquelle, [210] on m'asseure, ira vers vous avec intention d'avoir plus de commodité de me parler; bien que je voye qu'ell'en aura peu ou que ce soit, a rayson de nostre Sinode, duquel les abors commencent demain..

  A015002036 

 J'ay dit a ce porteur ce qui m'a semblé a propos, qui est quil regardast a treuver parti tout a loysir, affin de sortir de ce service auquel il est, plus convenablement..

  A015002037 

 Ma fille [de Vignod] doit estre bien sur ses gardes [211] pour ne donner aucun sujet aux hommes de soupçon, par aucun desreglement de contenance, ou amusement, ni sujet de jalousie a l'Espoux celeste, qui est, a la verité, jaloux des ames qu'il favorise, affin qu'on ne distraise de son amour aucune affection pour l'appliquer a la creature.

  A015002047 

 Ce livre la est bon, mais non pas pour l'affaire presente; nous en chercherons un autre plus court et le treuverons, Dieu aydant..

  A015002061 

 Ce porteur est chanoine de mon eglise cathedrale, [213] sujet du Roy et regnicole.

  A015002061 

 Il est appellé devant la cour pour un abus que sa partie pretend avoir esté commis par moy en l'endroit d'une provision de la chappelle.

  A015002062 

 Je me persuade que cela est, et neanmoins je croy que j'ay besoin de vostre protection, laquelle pour cela je reclame, puisque je suis,.

  A015002080 

 Je les voy, certes, avec un cœur plein de pitié, quand je considere qu'ilz sçavent que Dieu merite d'estre preferé, et n'ont pas neanmoins le courage de le preferer quand il en est tems, crainte des paroles des mal advisés..

  A015002091 

 M me de Limogeon me pria il y a bien sept mois, de luy tenir ce dernier enfant qu'elle a fait, et je le pris [216] en fort grand honneur; mais je le treuve encor plus grand et plus aggreable, puisque c'est avec cette heureuse rencontre que vous le deves tenir avec moy; ce que je prens a presage qu'un jour je pourray bien avoir la consolation d'en tenir un des vostres.

  A015002096 

 Mon cœur salue le vostre et est son serviteur..

  A015002105 

 La qualité de [217] cett'eglise-lâ, qui est si honnorable entre toutes celles de France, le voysinage et perpetuel commerce de ceux de ces pais ci avec les Lionnois, lhonneur que ces seigneurs m'ont fait de m'envoyer expres monsieur le Comte de Saconay, originaire sujet et vassal de Vostre Altesse et lequel tient un rang fort principal entr'eux, me convie a ne point refuser en une si affectionnee et digne recherche.

  A015002131 

 Il me semble qu'il ne faut pas estonner cette fille si ell'est tentee, ains seulement la bien examiner sur le desir d'estre de la Congregation, et si on la treuve foible, luy donner loysir d'y penser, affin qu'elle se resoulve sans præcipitation; car il m'est advis que ce soit une bonne fille, mais qui a repugnance a l'abjection, et par ce qu'ell'a l'esprit fort, elle ne peut bonnement le plier du tout pour encor..

  A015002141 

 Je vous donne, la joye dequoy nostre Sauveur est monté au Ciel, ou il vit et regne, et veut qu'un jour nous vivions et regnions avec luy.

  A015002141 

 O quel triomphe au Ciel et quelle douceur en la terre! Que nos cœurs soyent ou est leur thresor, et que nous vivions au Ciel, puis que nostre vie est au Ciel..

  A015002142 

 Et le sacré nom de Jesus n'est-il pas escrit en nos cœurs? il m'est advis que rien ne le sçauroit effacer.

  A015002142 

 Mon Dieu, ma Fille, que ce Ciel est beau, maintenant que le Sauveur y sert de soleil et la poitrine d'iceluy, d'une source d'amour de laquelle les Bienheureux boivent a souhait! Chacun se va regarder la dedans et y void son nom escrit d'un caractere d'amour, que le seul amour peut lire et que le seul amour a gravé.

  A015002143 

 Mon Dieu, ma chere Mere, que j'admire la contrarieté qui est en moy, d'avoir des sentimens si purs et des actions si impures! car vrayement il m'est advis que le Paradis seroit emmi toutes les peynes d'enfer si l'amour de Dieu y pouvoit estre, et si le feu d'enfer estoit un feu d'amour, il me semble que ces tourmens seroyent desirables.

  A015002166 

 C'est pourquoi, par une sorte de réaction, les populations catholiques du reste de ce diocèse s'appliquent avec une ferveur spéciale à honorer et à invoquer les Saints.

  A015002166 

 Mais, parce qu'il n'est pas canonisé, on ne lui rend pas cet honneur public et solennel qui est dû à l'éminence et à la réalité de [224] ses mérites.

  A015002166 

 Parmi ceux-ci, le bienheureux Amédée, troisième duc [de Savoie,] fut de la part de nos ancêtres l'objet d'une très grande dévotion: c'est ce qu'attestent ses images, vénérées en plusieurs lieux dans les églises avec les attributs de la sainteté.

  A015002167 

 Aussi, voyant avec quelle ardeur cet évènement est désiré dans tous les Etats du sérénissime duc de Savoie, et particulièrement par les Révérendissimes Archevêque de Turin et Evêque de Verceil, je viens à mon tour supplier de toutes les forces de mon âme le Saint-Siège Apostolique, afin qu'il daigne accorder cette faveur à tous les peuples environnants.

  A015002168 

 Dans ces pays, en effet, les hérétiques ont un grand mépris pour les Saints; il est donc fort à propos de mettre devant leurs yeux cette lampe qui brilla jadis parmi leurs ancêtres: ils y verront une vie d'une piété admirable et des miracles d'une merveilleuse évidence..

  A015002177 

 Ce que j'ay de plus prest, qui regarde la conduite des ecclesiastiques de ce diocæse, je le remettray, Dieu aydant, a ce porteur, non seulement par ce qu'il est mon diocæsain et quil a des-ja esté employé en semblable occasion, mays par ce aussi que vous le voules, puis que je suis de tout mon cœur,.

  A015002177 

 Certes, mon Reverend Pere, je desire grandement de pouvoir tirer de la presse de mes inutiles occupations [227] quelque petite besoigne de devotion, qui, en quelque sorte, corresponde aux augures que vostre charité en fait; mays il est tres vray que je n'ose nullement esperer cela pour maintenant.

  A015002231 

 Nos messieurs les examinateurs ont estimé que nous devions donner courage a M. de Marteret, puisqu'il a rendu un grand tesmoignage de vouloir dores-en-avant faire merveilles et quil est parti avec vostre licence, ainsy que vous tesmoignes par vostre lettre, me le renvoyant quant au dimissoire..

  A015002247 

 C'est un acquest que M. de Millet et mes filles ont fait en leur voyage.

  A015002247 

 Je [n'écris que deux mots, car] je suis sans loysir; mesme que demain il faut que j'aille estre l'aumosnier de nos Seurs de la Visitation pour la reception d'une fille de Dijon, de fort bonne famille et de tres bonne mine, qui y est arrivee ce matin avec sa mere et asses bien accompaignee.

  A015002259 

 Helas, ma chere Seur, que j'aurois bien besoin d'un peu plus de loysir pour laysser reprendre mon cœur, tout fasché de cette nouvelle que je viens de recevoir du trespas de madame nostre chere mere! Mays puisque je ne puis, que vous diray-je, ma tres chere Seur, sinon que voyla comme cette miserable vie mortelle est incertaine parmi nous, et que nous sommes encor plus miserables qu'elle, si nous l'estimons pour autre sujet que pour ce qu'elle nous sert de passage [234] a l'eternelle; eternelle, ma tres chere Fille, a laquelle nous devons sans cesse aspirer, en laquelle nos proches et nos amis se treuveront reunis avec nous d'une societé indissoluble..

  A015002261 

 Mays une si bonne conscience est tous-jours asses preste, et ny a rien a craindre pour ceux qui craignent Dieu: tous les momens leur sont heureux.

  A015002262 

 Je ne voy point de tems qui ne soit propre, pourveu que le voyage que M. le Grand doit faire a Gex ne me contraigne d'absenter de cette ville quand vous series de deça; et c'est chose delaquelle je ne me puis rien promettre.

  A015002297 

 Mays c'est en fin a vostre bonté a laquelle j'en dois le tres humble remerciment, qui s'est rendue si favorable et a l'œuvre pour l'appreuver, et a l'autheur, pour l'aymer..

  A015002299 

 Je garderay pretieusement les traductions qu'il vous a pleu m'envoyer, non seulement par ce que ce genre d'escritz m'est fort aggreable, mais par ce que ce me sera un tiltre du bien que j'ay de participer a vos bonnes graces, lesquelles je vous supplie, Monseigneur, me conserver comm'a un homme qui les estime et revere autant que nul autre, et lequel, confessant quil ne les a jamais meritees, espere neanmoins quil ne meritera jamais de les perdre, puisque liberalement elles luy ont esté concedees..

  A015002300 

 Dieu multipliera vos ans si mes vœux sont exaucés, et en vos ans, ses celestes benedictions, et tous-jours vous [238] m'aymeres affectionnement, comme celuy qui est et sera invariablement,.

  A015002332 

 Voyés vous une rose, ma tres chere Fille? Elle represente le glorieux saint Jean, duquel la vermeille charité est plus esclattante que la rose, a laquelle encor il ressemble parce que, comme elle, il a vescu emmi les espines de beaucoup de mortifications..

  A015002334 

 Et voyla donq, ma tres chere Fille, un bouquet spirituel ou vous voyes deux lys dans une rose, l'un qui est né dans l'autre, et qui tous deux benissent, de l'odeur de leur suavité et de la perfection de leur beauté, la [240] rose des cœurs qui, par une parfaitte mortification poignante, vivent nuds, despouillés et quittes de toute autre chose pour eux.

  A015002344 

 Je prens a tant d'honneur la recherche quil vous a pleu de faire de mes predications pour l'Advent et Caresme prochain, que si vostre rang en l'Eglise et le merite de tant de personnages signalés desquelz vostre compaignie est composee ne m'avoit des-ja obligé a vous honnorer et respecter, je ne laisserois pas de l'estre extremement par cette favorable semonce que, de vostre grace, vous m'aves faitte, a laquelle je vous supplie de croire que j'ay fidellement correspondu par un sincere'desir d'y satisfaire.

  A015002359 

 Ce gentilhomme, qui a en ce païs plusieurs alliés dignes de recommandation, recourt a la justice de Vostre Altesse Serenissime pour tirer rayson d'un homme qui est maintenant a Thurin, des-ja remarqué pour desloyal, ainsy qu'on luy a fait entendre.

  A015002359 

 Et bien que la justice ne soit desniee a personne, si est ce que, si Vostre Altesse le reçoit en sa speciale protection pour ce regard, il espere qu'il jouira beaucoup plus tost des fruitz qu'il en pretend; et pour cela, il implore sa bonté, a quoy j'adjouste ma tres humble intercession, qui suis,.

  A015002375 

 Je suis marri que la copie que je vous envoyay des Constitutions de la Visitation est si incorrecte; mais je pense que vous entendres bien le sens.

  A015002378 

 La chere cousine est a Presle des il y a, je pense, dix ou douze jours, et je ne l'avois pas veu (sic) dix ou douze jours au paravant, de sorte quil y a long tems que je ne l'ay pas veüe; mays elle se porte pourtant [bien] et est tous-jours fort desireuse de s'avancer au service de Nostre Seigneur..

  A015002412 

 Sçachés que j'ay un particulier contentement, quand je reçois de vos lettres, de voir que, parmi beaucoup [246] d'empeschemens et de contradictions, vous conserves la volonté de servir Nostre Seigneur; car c'est la verité que si vous estes bien fidele entre ces traverses, vous en aures d'autant plus de consolations que les difficultés que vous aves auront esté grandes.

  A015002413 

 Prenés donq bien courage, et convertissés vostre peyne, qui est sans remede, en matiere de vertu.

  A015002425 

 Solemne namque est omnibus regnum et gloriam Dei paulo pressius quærentibus, pericula in mari, pericula in terra, sed maxime a falsis fratribus, hoc est, a vulpibus parvulis quæ demoliuntur vineas, experiri.

  A015002426 

 Et quia sexui et virginitati pudor natura individuus comes est, non sunt ausse [ad] pedes Celsitudinis Vestræ, nisi aliquo sacerdote duce, accedere; unde me, tanquam ex Antistitibus viciniorem, rogaverunt, ut eas earumque sanctum desiderium eidem piissimæ Celsitudini Vestræ per litteras commendarem.

  A015002427 

 Postulabit enim mecum idipsum quod expeto, innata Vestræ Celsitudinis benignitas, infusa religio, parta devotio, ac denique horum temporum miseranda conditio, quae ea est ut preces plurimas, ac proinde precatores multos requirat.

  A015002435 

 C'est d'ailleurs le sort ordinaire de ceux qui cherchent d'un peu plus près le royaume et la gloire de Dieu, d'avoir à subir des traverses sur mer et des traverses sur terre, et surtout de la part des faux frères, c'est-à-dire des renardeaux qui détruisent les vignes.

  A015002436 

 Mais parce que la pudeur est la compagne inséparable de ce sexe et de la virginité, elles n'ont pas eu la hardiesse de se présenter à vos pieds sans être introduites par quelque prêtre.

  A015002437 

 C'est pourquoi, ce nouvel essaim d'abeilles mystiques qui se préparent à composer le miel de l'oraison, sera, je crois, d'autant plus agréable à Votre Altesse, qu'elle a résolu de s'employer avec plus de générosité et de profit au service de notre époque..

  A015002437 

 Je le fais avec de très instantes prières, mais on ne doit pas croire pour cela que je veuille marcher en grandeur: si je marche avec assurance, c'est que je marche avec simplicité, bien persuadé que ma requête sera appuyée par plusieurs intercesseurs très influents auprès de Votre Altesse.

  A015002437 

 Je trouverai en effet pour m'aider à plaider ma cause, la douceur qui est naturelle à Votre Altesse, l'esprit de piété qui lui a été départi, la dévotion qu'elle a acquise et enfin la malheureuse condition de notre temps, qui exige bien des prières, et partant beaucoup d'âmes qui prient.

  A015002446 

 Combien de douceurs en l'histoire de cette delivrance! car son ame en est tellement saysie qu'il ne sçait s'il songe ou s'il ne songe pas.

  A015002447 

 Or si nous l'aymons, paissons ses brebis et ses aigneaux: c'est la, la marque de l'amour fidele..

  A015002449 

 Il est vray qu'ilz tendent la main; car, malgré la resistance de leurs inclinations, ilz se laissent gouverner volontairement contre leur volonté, et disent qu'il vaut mieux obeir que faire des offrandes: et voyla comm'ilz glorifient Dieu, crucifiant non seulement leur chair, mais leur esprit..

  A015002451 

 C'est luy qui m'a rendu tout vostre, et vous toute mienne, affin que nous fussions plus purement, parfaitement et uniquement siens.

  A015002451 

 Tenes le cœur en haut, dans le sein amoureux de la divine Bonté et Providence, car c'est le lieu de son repos.

  A015002461 

 Le commissayre deputé pour me mettre en ladite possession est un simple conseiller de la cour de Parlement de Digeon, qui vint luy troysiesme; et neanmoins, s'est fort bien sceu fair'obeir, non obstant toutes les allegations et repugnances des heretiques.

  A015002462 

 Rien autre ne s'est passé qui soit digne de vous estre representé; c'est pourquoy, priant Nostre Seigneur quil [254] vous face de plus en plus abonder en sa grace, je me nommeray en toute verité,.

  A015002478 

 Apres avoir rendu graces a Dieu du restablissement de son Eglise es lieus et biens ci devant occupés et detenus par les ministres de la religion prætendue, au balliage de Gex, j'en remercie tres humblement Vostre Majesté, de la royale providence et pieté delaquelle ce bonheur nous est arrivé.

  A015002492 

 Qu'elle est heureuse, cette chere dame, d'avoir, parmi tant de douleurs et de travaux, conservé la fidelité qu'elle devoit a son Dieu, et que ce m'a esté de consolation d'avoir sceu une partie des paroles de charité que son esprit a lancees, avec ses derniers souspirs, dans le sein de la misericorde divine!.

  A015002494 

 Cette belle et devote ame est decedee en un estat de conscience auquel si Dieu nous fait la grace de mourir, nous serons trop heureux de mourir en quelque tems que ce soit.

  A015002504 

 Hé, que belle est cette Aube du jour eternel, laquelle montant devers le Ciel, va, ce semble, de plus en plus croissant es benedictions de son incomparable gloire! Qu'a jamais les odeurs d'eternelle suavité esparses sur les cœurs de ses devotz, remplissent celuy de ma tres chere Mere comme mon cœur propre, et que nostre chere petite Congregation, toute voüee a la louange de son Filz et des mammelles sacrees qui l'ont alaité, jouisse des benedictions preparees aux ames qui l'honnorent..

  A015002518 

 Aussi puis-je [259] jurer que mon affection pour vous est si absolue, generale et invariable, que vous n'en aures jamais de plus entiere de personne du monde..

  A015002518 

 C'est un' affaire, comme je pense, ordinaire et que je ne vous devrois pas donner la peyne de faire; mays vostre amitié en mon endroit est si universelle, que volontier elle me favorise en toutes occurrences, grandes et petites.

  A015002519 

 Aussi n'ay-je rien de nouveau des la derniere lettre que je vous escrivis, sinon que nous avons veu en cette ville plusieurs colomnes enflammees sur Geneve, et la veille de l'Assomption, entre midi et un'heure, en un jour fort clair, un'estoile asses proche du soleil, aussi brillante et resplendissante qu'est la bell'estoile en une nuit bien seraine..

  A015002538 

 Je vous advertis que madamoyselle d'Escrilles est de la mesme parentee que M. de Corselles, affin que vous ne luy disies pas ce que nous dismes de la bisayeule.

  A015002551 

 C'est pourquoy je le fay, avec la reserve de vostre bon playsir, pour le tems et pour toutes autres conditions, et encor pour la chose mesme, laquelle je ne veux vouloir qu'a mesure que cela se pourra faire sans vostre incommodité, vostre contentement m'estant plus cher que tout l'honneur qui pourroit arriver a ma niece, laquelle, pour ne rien celer a ma tres chere et tres honnoree Mere, je m'essayeray de gaigner pour la Visitation; mais par ce que les humilités quil y faut exercer rebuttent quelquefois les filles, si je ne puis la tourner de ce costé la, j'imploreray encor de plus fort vostre faveur.

  A015002551 

 La fille est bien jolie et d'asses bon esprit, et fille d'une mere que je puis nommer sainte, et damoyselle de bon lieu..

  A015002570 

 Nous avons eu la bonne Madame de Baume, que mon cousin saluâ, et luy fit une petite harengue sur le sujet de sa maistresse, qu'elle aggrea extremement; et me dit que si elle luy pouvoit rendre quelque sorte de bon office en ses amours, elle le feroit de tout son cœur, m'asseurant que cette damoyselle dont il est question estoit une perle en bon naturel, en bonn'humeur et en vertu: qui me fait d'autant plus louer le choix que vous en aves fait pour la consolation de vostre viellesse future, et voudrois bien pouvoir contribuer quelque service a ce dessein, comm'aussi a tous les autres qui regarderont vostre contentement..

  A015002591 

 N'est ce pas le saint Archevesque que nous voulons aller reverer, qui a soin de ses devotz?.

  A015002592 

 Et advertisses moy, je vous prie, au plus tost, car sil faut aller, nous irons; que sil est jugé plus a propos, nous retarderons jusques au primtems..

  A015002592 

 Mays l'importance est de sçavoir qu'est ce qu'en dira monsieur nostre Abbé, qui doit estre nostre Raphael en cette peregrination.

  A015002593 

 Voyla le sujet que j'ay de vous escrire sans loysir, vous asseurant que si monsieur Carrel n'est parti, il [267] recevra la commission desiree, car monsieur de la Roche m'en fit donner advis des avanthier au soir..

  A015002612 

 Si vous aves la Messe, il suffira qu'avec attention et reverence vous l'escouties, ainsy qu'il est marqué dans l' Introduction, en disant vostre Chappelet.

  A015002636 

 Je pense que vous ne douterés jamais de mon affection a l'accomplissement de vos volontés et desirs, car l'excellente amitié delaquelle vous m'honnorés est arrivee jusques a ce point de perfection, qu'ell'est exempte de toute desfiance et de tout doute.

  A015002636 

 Mays en l'occasion d'aller en nostre chaire de Saint Benoist, ce n'est pas vous, Monsieur, seulement qui n'en deves pas douter, c'est tous ceux qui s'entendent tant soit peu en mes inclinations..

  A015002638 

 Et quant a l'expedient du proces que j'ay au Conseil privé, il m'est advis, sauf le vostre meilleur, quil seroit extremement pressant et sujet a estre soupçonné d'affectation de mon costé et a donner de l'avantage a mes parties..

  A015002638 

 Or, voyci a quoy je me treuve a present: Son Altesse a esconduyt la Reyne, ainsy que monsieur de Roascieu vous aura dit, et un ami que j'ay en court m'advertit que rien ne proffitera en ce sujet, auquel Son Altesse est resoluë de ne se laisser point plier.

  A015002639 

 Monsieur de Charmoysi qui, apres moy, desiroit le plus mon voyage, est en peyne comme treuver une bonne sortie de ces considerations.

  A015002659 

 C'est pourquoy, vous suppliant de tout mon cœur de les recevoir tous entre les bras de vostre charité, je vous supplie plus particulierement pour celuy lâ..

  A015002659 

 Ilz sont, certes, tous troys enfans de personnes de bonne qualité et pour lesquelles je voudroys beaucoup de bien et de satisfaction; mays en particulier l'un d'entr'eux, nommé Grillet, est filz d'une mere qui m'appartient en sang et d'un pere que, pour sa probité, j'affectionne estroittement.

  A015002659 

 Outre le desir que j'ay de me ramentevoir en vostre bienveuillance par un'occasion si asseuree comm'est celleci, je suis aussi obligé de gratifier les parens de ces jeunes gens par la tres affectionnee recommandation que je vous fay en la faveur d'iceux.

  A015002681 

 C'est par ce quil me dit hier quil vous iroit voir, que je vous donne cet advis, et par ce que je suis bien ayse de saluer un peu ce matin le cœur de ma tres chere Mere, qui est le mien propre, bien que j'espere de le saluer ce soir, Dieu aydant..

  A015002681 

 Il ne treuva point mauvais cela; de sorte que sil vous plait, en luy tesmoignant de la charité, luy dire que les Seurs seroyent trop troublees si telz accidens arrivoyent, et quil seroit requis qu'on luy fit les remedes necessaires tandis qu'ell'est chez luy, je ne doute point quil ne le treuve bien doux, ouy mesme toute sorte de dilation a luy bailler l'habit apres qu'elle sera receüe, et que cela demeure en nostre discretion.

  A015002711 

 Je m'asseure qu'elle vous respondra selon vostre desir, et la pensee qui vous est venue au contraire est une vayne pensee; car vrayement ces bonnes filles ont des cœurs tout plains de tres [278] saint et ferme amour pour vous, de qui elles receurent une grande consolation en la sorte avec laquelle vous listes vostre demande..

  A015002711 

 La bonne M me de Chantal se porte fort bien a mon gré, comme j'ay veu ce matin que j'ay dit la sainte Messe a la Visitation; et c'est la ou ce porteur m'a treuvé que je sortois du parloir, ou j'estois descendu pour la saluer et dire deux ou trois motz d'affaires.

  A015002712 

 Marchés fermement en ce chemin auquel la providence de Dieu vous a mise, sans regarder ni a droite ni a gauche: c'est le chemin de la perfection pour vous.

  A015002712 

 Or, la paix de Dieu, c'est la paix qui prouvient des resolutions que nous avons prises pour Dieu et par les moyens que Dieu nous ordonne.

  A015002712 

 Voyes vous pas, ma chere Fille, quil dit que l a paix de Dieu surpasse tout sentiment? C'est pour vous apprendre que vous ne deves nullement vous troubler de n'avoir point d'autre sentiment que celuy de la paix de Dieu.

  A015002713 

 J'appreuve que vous retourniés avant le Caresme, affin que vous puissies au plus tost vous desprendre de tout embarassement, et rencontrer le beni jour auquel [279] vous luy tesmoigneres que ce n'est que luy que vous cherches..

  A015002713 

 Vous verres bien, ma tres chere Fille, que la providence de Dieu fera par tout faire place a vostre intention, puis qu'ell'est toute conforme a la sienne; il faut seulement avoir un courage un peu vigoureux et resolu.

  A015002729 

 C'est pourquoy, sa divine Bonté soit loüee de la nous avoir encor laissee, comme je l'en ay supplié, avec la reserve de la sainte resignation, que je n'oublie jamais en choses de telle qualité..

  A015002730 

 Dieu vous benisse de sa grande benediction, ma tres chere Fille, et tout ce qui vous est plus cher..

  A015002749 

 La distance de nos sejours limite presqu'a ce seul effect la volonté que j'ay sans limite de vous rendre fidele et humble service, et ne me reste, ce semble, aucun autre moyen de la tesmoigner, si ce n'est par le commerce des lettres que je vous envoyeray souvent, pour vous rafraichir la memoire de mon ame qui a tous-jours tant de besoin d'estre secourue de vos oraysons, et qui recevra tous-jours beaucoup de consolation de sçavoir de tems en tems des bonnes nouvelles de la vostre.

  A015002750 

 Et puis qu'il faut que bien tost apres vostre arrivee vous souffries de rechef son absence pour le voyage quil doit faire a la court, continués bien en vos exercices spirituelz, tenes vous bien serree a Nostre Seigneur, et il suppleera, sans doute, le manquement de la desirable presence du mari, par celle qui est incomparable de son Saint Esprit, lequel, habitant au milieu de vostr'ame, la comblera de sa suavité nompareille.

  A015002755 

 J'escris un billet a M. de Medio, chanoyne de Saint Nizier, qui est celuy qui me fera recevoir de vos lettres quand il vous playra de m'en gratifier, et en son absence, monsieur Vulliat, contrerolleur de la mayson de Monseigneur le Duc de Nemours.

  A015002756 

 J'envoyeray les lettres desquelles vous gratifiés ma seur de Mayrens et madame de Charmoysi, laquelle est aux chams, aussi bien que mon frere de Boysi, qui sera bien marri de ne s'estre pas treuvé icy pour vous remercier luy mesme.

  A015002757 

 Dieu vous soit guide et conducteur, ma tres chere Seur, et a vostre cher pouppon, que pour maintenant je nommeray encor Pierre, qui est si joly, a ce qu'on me dit..

  A015002767 

 Mais, ma tres chere Mere, vous m'espargnes un peu trop le nom de filz, qui est le [286] nom du cœur, pour me donner un nom respectueux, qui est bien aussi nom du cœur, mais non pas du maternel, qui est celuy de mes delices..

  A015002768 

 C'est la verité, ma chere Mere, que nous eusmes icy une grande assemblee a nostre Jubilé et, ce qui importe, qu'il se fit quelque fruict.

  A015002769 

 Mais le grand secret en ceci, c'est d'employer toutes choses..

  A015002769 

 Non, je vous supplie, ma chere Mere, car bien quil les faille rejetter et detester pour s'en amender, si ne faut-il pas s'en affliger d'une affliction fascheuse, mais d'une affliction courageuse et tranquille, qui engendre un propos bien rassis et solide [287] de correction; et ce propos, ainsy pris en repos et avec meureté de consideration, nous fera prendre les vrays moyens pour l'executer, entre lesquelz je confesse que la moderation des affections mesnageres est grandement utile.

  A015002770 

 Sur tout, ma tres chere Mere, il faut bien combattre la haine et les mescontentemens envers le prochain, et s'abstenir d'une imperfection insensible, mais grandement nuisible, de laquelle peu de gens s'abstiennent; qui est que s'il nous arrive de censurer le prochain ou de nous plaindre de luy (ce qui nous devroit rarement arriver), nous ne finissons jamais, mais recommençons tous-jours et repetons nos plaintes et doleances sans fin; qui est signe d'un cœur piqué et qui n'a encor point de vraye santé.

  A015002774 

 J'ay eu peur de faire trop retarder ce porteur; c'est pourquoy je vous ay escrit sans autres considerations que celles que la sincerité de mon affection filiale m'a fourni..

  A015002787 

 C'est pourquoy il m'a conjuré de vous supplier, Monsieur, en sa faveur pour ce regard; ce que je fay tres humblement, et d'autant plus volontier que la bonne feste nous invite au secours des affligés..

  A015002787 

 Le capitaine La Rose est de ceux qui, les premiers, sortirent de cette ville la et de l'heresie qui y regne.

  A015002798 

 Il n'y a point de danger en ce qui vous est arrivé, puisque vous le communiques; mays notés, ma tres chere Fille, que Dieu a commencé ses visitations en [290] vostre ame sur le sentiment et l'exercice de la petitesse, bassesse et humilité, pour appreuver l'advis qui vous est donné de bien vous reduire a ce point et d'estre vrayement une petite fille: je dis toute petite, en vos yeux, en vos exercices, en obeissance, naïfveté et abjection de vous mesme; petite, et un vray enfant, qui ne cache ni son bien ni son mal a son pere, a sa mere, a sa nourrice..

  A015002799 

 C'est en attendant que nous en parlions plus amplement.

  A015002807 

 Cette bonne dame est ma chere tante et digne de caresses; sil vous plaist, elle pourra bien entrer et ses filles.

  A015002819 

 Je laisse a monsieur Milletot le contentement de vous representer l'heureux succes de la commission que le Roy luy avoit donné pour l'execution de l'edit de Nantes a Gex, et me reserve seulement de vous faire [293] un tres humble remerciment pour le soin continuel que vostre zele a du restablissement de la gloire de Dieu en ce miserable balliage, ou l'heresie, qui a si longuement foulé aux piedz la pieté, nous menace ericor maintenant, aussi effrontement que jamais, de rendre vaine l'esperance que nous avons en vostre protection; comme si le credit des pretendues eglises de France estoit plus puissant pour nous empescher le renversement de l'effectuelle jouissance de nostre juste pretention, que la justice de la Reyne et vostre intercession pour faire maintenir un arrest si equitable et si saint, comm'est celuy en vertu duquel l'edit a esté executé..

  A015002820 

 Mais, Monsieur, comme c'est nostre bonheur d'avoir une foy contraire a celle des huguenotz, aussi nous glorifions-nous d'avoir une esperance opposee a leur presomption; a rayson dequoy, tous les Catholiques de Gex, et moy plus que tous, esperons et espererons tous-jours de voir tous les jours quelque progres de nostre sainte religion en ce petit bout de royaume qui est si heureux d'estre sous vostre gouvernement.

  A015002832 

 Nostre pauvre Gex est tous-jours presque en mesme [295] estat; ce quil y a de plus, ne sont que certaines dispositions qui nous font promesse de mieux a l'advenir, Mays il faut louer Dieu, car aussi bien ne meritons-nous pas quil face une transmutation momentanee de ces cœurs lâ, qui seroit un miracle en la grace, comme fut la transmutation de l'eau au vin, en la nature.

  A015002833 

 Juges je vous supplie, Monsieur, si cela est en la puissance ni des curés ni de moy; car, ou ces benefices estans enclavés au royaume sont par la en cette condition, et lhors, qu'est il besoin d'obtenir le [296] brevet mentionné? ou ilz ne le sont pas, et lhors, quelle temerité a des pauvres ecclesiastiques decousuz, de demander au Pape une chose de telle consequence? car vous sçaves, Monsieur, que les grans estiment leurs droitz cherement, et que ce n'est pas a des chetifs curés d'impetrer telles choses.

  A015002833 

 L'impossibilité est que ces bons prestres obtiennent de Romme un brevet par lequel nostre Saint Pere accordera que les benefices de ces curés venans a vaquer en cour de Romme, il n'en sera prouveu qu'a la nomination du Roy, ou par les Ordinaires.

  A015002834 

 Car, Monsieur, ne pourroyent ilz pas playder, ou au petitoire, ou, pour les tiltres, devant mon official forain resident dans le royaume, ou devant Monsieur l'Archevesque de Vienne, nostre Metropolitain? Il m'est advis qu'en France les tribunaux ecclesiastiques ne sont pas inhabilités a decider de telles causes; neanmoins je ne le sçai pas bonnement.

  A015002834 

 La difficulté est en ce qu'on les veut astraindre que sil failloit playder pour les tiltres et possessions desditz benefices, ilz poursuivront les proces par devant les officiers du Roy et non ailleurs.

  A015002836 

 Cui quod satis est satis non est, illi nihil satis est..

  A015002836 

 Dieu, qui de sa grace a esté jusques a present avec moy en ce chemin ecclesiastique [297] par lequel je chemine, m'a donné du pain a manger et de l'eau a boire et des vestemens pour m'affeubler: c'est bien assés pour m'obliger a le tenir pour mon Dieu, a luy dresser des autelz a Gex, en France et par tout ou il luy playra employer ma misere pour la gloire de sa misericorde.

  A015002837 

 C'est un rejallissement de la vostre, pour laquelle je suis sans fin,.

  A015002842 

 Je crains la prudence de ce siecle, laquelle, selon Dieu, est une mere imprudence..

  A015002860 

 Ce n'est pas que j'espere rien de cette poursuite [299] en un siecle si plein de considerations humaines, mays au moins empescheray-je la præscription; et si Dieu nous envoye une sayson plus pieuse, ce sera tous-jours un advantage d'avoir demandé..

  A015002861 

 Je suis marri de ce succes a cause de la religion, qui est si peu regardee et favorisee, et j'ay encor mon interest particulier pour 25 ou trente parroisses de ce pais-la, qui sont de mon diocæse..

  A015002862 

 Voyla nos nouvelles, et n'est pas besoin que je vous die que je ne desire pas que l'on sache que je les escrive, car aussi ne les escrirois-je pas a un autre qu'a vous, a qui je suis tout extraordinairement,.

  A015002882 

 Faysons bien cela, ma tres chere Fille, car en fin, tout le reste n'est que vanité.

  A015002884 

 Vous pouves bien, ce me semble, choisir ce bon Pere la pour vostre confesseur, puisqu'aussi bien le Pere Recteur est souvent empesché..

  A015002885 

 La bonne Mere de Chantal est presque guerie et a aujourd'huy esté a la sainte Messe..

  A015002886 

 Selon mon jugement, ce n'est pas hazarder que de se confier un peu extraordinairement a Nostre Seigneur es desseins de son service..

  A015002891 

 Des-ormais on sera en peyne a refuser, et neanmoins il le faudra faire, si ce n'est pour quelque personne qui puisse rendre quelque extraordinaire service a Nostre Seigneur.

  A015002891 

 Il vous faut tous-jours dire des nouvelles de cette petite assemblee, laquelle, comme je croy, vous est chere..

  A015002927 

 Il est vray que nous fismes un decret, il y a environ trois [ans], ma tres chere Fille, que tant qu'on pourroit, on osteroit les bancs a femmes des chœurs de toutes les eglises, parce que cela est juste, bien seant et conforme aux anciennes coustumes des chrestiens.

  A015002927 

 Mais il ne fut pas dit, ni ne le devoit estre, que les femmes n'entrassent pas au chœur; car, pour plusieurs occasions, il est raysonnable qu'elles y entrent, pourveu que ce soit avec la modestie que la sainteté du lieu requiert.

  A015002929 

 Il est mieux d'avoir moins et de l'avoir en paix..

  A015002962 

 C'est pourquoy je me contenteray de vous l'aves (sic) rememoré, en vous conjurant de m'aymer tous-jours, puis que vous souhaitant toute sorte de bonheur, et mesme en vostre digne mariage dont on m'a donné la nouvelle ces jours passés, je demeureray,.

  A015002977 

 Vous ne recevés pas vos remedes par vostre eslection ni par sensualité; c'est donq par obeissance et par rayson: y a-il rien de si aggreable au Sauveur?.

  A015002988 

 J'ay bien veu au sermon nostre bienaymee fille Françoise, mais je n'ay pas osé luy demander comme ma tres chere Mere se portoit; car il y avoit trop de gens qui m'eussent oüy, et eussent esté en peyne de curiosité pour sçavoir quell'estoit cette tres chere Mere, autre que Dieu et ses Anges et ses Saintz, et nostre cœur, ne sachant combien l'affection qui me rend pere, filz et une mesm'ame avec vous, est suffisante et plus que suffisante pour faire cela..

  A015002989 

 Et entr'autres choses, ayant differé hier de parler de mon sacre, a cause qu'aujourduy j'aurois plus de gens, j'ay dit quil y avoit dis ans que j'avois esté consacré, c'est a dire que Dieu m'avoit osté a moymesme pour [me] prendre a luy et puis me donner au peuple; c'est a dire, quil m'avoit converti [312] de ce que [j'étais] pour moy en ce que je fusse pour eux.

  A015002991 

 Non, ce n'est pas le P. Archange du Tillet, c'est le P. Constantin de Chamberi qui sera nostre prædicateur le reste de cet Advent, et moy je seray souvent celuy de nos cheres Seurs, car ce n'est pas souvent, soit tous-jours, que je suis le vostre..

  A015003000 

 Sans doute, ma tres chere Seur, que je ne passeray jamais en Bourgoigne sans aller voir vostre ame bien-aymee, qui est tous-jours presente a la mienne; mais je ne suis pas prest pour aller en ces quartiers la.

  A015003001 

 Mais je ne sçai nulles nouvelles de vostre santé, c'est a dire de l'estat de vostre pauvre jambe, de laquelle vous ne me faites nulle mention, non plus que si vous n'esties pas ma chere Fille, et que cette jambe ne fust pas la meilleure des deux pour vous avancer en la perfection de l'amour divin.

  A015003027 

 Les Catholiques de Gex, qui ne peuvent respirer qu'en l'air de vostre royale faveur, sçachans qu'en leur ville il y avoit jadis un monastere de Carmes, lequel estant restabli rendroit beaucoup de bons effectz pour l'accroissement de la foy, ilz supplient tres humblement Vostre [316] Majesté d'aggreer les poursuites qu'ilz en font et de les faire reuscir selon le saint zele dont elle est animee.

  A015003047 

 Helas! donq, il n'est pas vray que vostre devotion soit malade quand vous l'estes.

  A015003057 

 Cheminés donq tous-jours ainsy aupres de Dieu, car son ombre est plus salutaire que le soleil..

  A015003057 

 Il est certes vray, ma chere Fille, vos consolations me consolent grandement, mais sur tout quand elles sont fondees sur une si ferme pierre comme est celle de l'exercice de la presence de Dieu.

  A015003058 

 Ce n'est pas mal fait de trembler quelquefois devant Celuy en la presence duquel les Anges mesmes tremoussent quand ilz le regardent en sa majesté; a la charge toutefois que le saint amour, qui predomine en toutes ses œuvres, tienne aussi tous-jours le dessus, le commencement et la fin de vos considerations..

  A015003059 

 Voyla donq qui va fort bien, puisque ces petitz esclairs de vostre esprit ne font plus leurs saillies si soudaines, et que vostre cœur est un peu plus doux.

  A015003070 

 Vostre façon d'orayson est bonne; soyés seulement bien fidelle a demeurer aupres de Dieu en cette douce et tranquille attention de cœur, et en ce doux endormissement entre les bras de sa providence, et en ce doux acquiescement a sa sainte volonté, car tout cela luy est aggreable.

  A015003072 

 Et quand, a cette simple demeure, se joint quelque sentiment que nous sommes a Dieu et qu'il est nostre Tout, nous en devons bien rendre graces a sa Bonté..

  A015003072 

 Mais apres qu'on s'y est mis, on s'y tient tous-jours, tandis que, ou par l'entendement, ou par la volonté, on fait des actes envers Dieu, soit le regardant, ou regardant quelqu'autre chose pour l'amour de luy; ou ne regardant rien, mais luy parlant; ou ne le regardant ni parlant a luy, mais simplement demeurant ou il nous a mis, comme une statue dans sa niche.

  A015003073 

 Dequoy sers tu la? quel proffit te revient il d'estre ainsy? [321] Ce n'est pas pour mon service que j'y suis, c'est pour servir et obeir a la volonté de mon maistre.

  A015003073 

 Ne desires tu donq rien? Non, car je suis ou mon maistre m'a mis, et son gré est l'unique contentement de mon estre..

  A015003074 

 Mon Dieu, chere Fille, que c'est une bonne orayson et que c'est une bonne façon de se tenir en la presence de Dieu, que de se tenir en sa volonté et en son bon playsir! Il m'est advis que Magdeleine estoit une statue en sa niche, quand, sans dire mot, sans se remuer, et peut estre sans le regarder, elle escoutoit ce que Nostre Seigneur disoit, assise a ses pieds.

  A015003074 

 Un petit enfant qui est sur le sein de sa mere dormante, est vrayement en sa bonne et desirable place, bien qu'elle ne luy die mot, ni luy a elle..

  A015003075 

 Pour moy, je pense que nous nous tenons en la presence de Dieu mesmement en dormant, car nous nous endormons a sa veuë, a son gré et par sa volonté, et il nous met la sur le lit, comme des statues dans une niche; et quand nous nous esveillons, nous treuvons qu'il est la aupres de nous, il n'en a point bougé, ni nous aussi: nous nous sommes donq tenus en sa presence, mais les yeux fermés et clos..

  A015003085 

 Tenés bien Jesus Christ crucifié entre vos bras, car l'Espouse l'y tenoit comme un bouquet de myrrhe, c'est a dire d'amertume; mais, ma tres chere Fille, ce n'est pas luy qui nous est amer, c'est luy seulement qui permet que nous, nous soyons amers a nous mesmes.

  A015003085 

 Voyci, dit Ezechias, que neanmoins, emmi mes travaux, ma tres amere amertume est en paix.

  A015003103 

 Non, car il est bien juste et raysonnable que vous pleuries un peu; mais un peu, ma chere Fille, en tesmoignage de la sincere affection que vous luy porties, a l'imitation de nostre cher Maistre qui pleura bien un peu sur son amy le Lazare, et non pas toutefois beaucoup, comme font ceux qui, colloquans toutes leurs pensees aux momens de cette miserable vie, ne se resouviennent pas que nous allons aussi a l'eternité, ou, si nous vivons bien en ce monde, nous nous reunirons a nos chers trespassés pour ne jamais les quitter.

  A015003103 

 Or sus, ma tres chere Fille, on me vient de dire que la chere seur est partie, nous laissant encor icy bas avec les passions ordinaires de la tristesse qui a accoustumé d'attaquer les demeurans en telles separations.

  A015003104 

 Adorons cette Providence divine et disons: Ouy, vous estes benite, car tout ce qui vous plaist est bon.

  A015003104 

 Qu'elle est heureuse, cette chere seur, d'avoir veu venir petit a petit et de loin cette heure de son despart, car ainsy elle s'est preparee pour le faire saintement.

  A015003105 

 Il n'est pas besoin d'user de paroles mesme interieures; il suffit d'eslancer son cœur ou de le reposer sur Nostre Seigneur.

  A015003105 

 Ne vous mettes pas en peyne de vostre orayson ni de cette varieté de desirs qui vous viennent, car la varieté des affections n'est pas mauvaise, ni le desir de plusieurs vertus distinctes.

  A015003115 

 Or, ainsy qu'elle me parla, il a [327] tout plein de bonne volonté pour nostre Congregation; c'est pourquoy il le faut recevoir avec un accueil saintement et devotement aggreable et aggreablement devot et saint, et luy tesmoigner que des-ja la Congregation a beaucoup d'obligation a Monseigneur de* Nemours (quil faut nommer Monsieur tout court), a cause de la bonne volonté quil a eu, tant pour les laouds de ce que vous acheteries de son fief, que pour le four; et que puis quil a pleu a Dieu de donner commencement a cette petite Congregation dans sa ville principale, vous voules avoir une speciale devotion pour son salut et prosperité, et le tenir comme special protecteur.

  A015003116 

 Ledit sieur Berthelot est un jeun'homme fort eveillé; mais il ne faut pas laisser de le traitter devotement et de l'entretenir selon le loysir que vous en aures.

  A015003152 

 A vostr'advis, ma chere Fille, vos vœuz et vos devotions ne sont ilz pas bien recompensés? Vous les faysies pour luy, mais affin quil demeurast icy [331] avec vous, en cette vallee de miseres; Nostre Seigneur, qui entend mieux ce qui est [bon] pour nous que nous mesme, a exaucé vos prieres en faveur de l'enfant pour lequel vous les faysies, mais au despens des contentemens temporelz que vous en prætendiés..

  A015003152 

 Voyla, ma chere Fille, que vostre filz est en asseurance, il possede le salut eternel; le voyla eschappé et garanti du hazard de se perdre, auquel nous voyons tant de personnes.

  A015003153 

 A la fin de nos jours, lhors que nos yeux seront desillés, nous verrons que cette vie est si peu de chose quil ne failloit pas regretter ceux qui la perdoyent bien tost: la plus courte est la meilleure, pourveu qu'elle nous conduise a l'eternelle..

  A015003153 

 En verité, j'appreuve bien la confession que vous faites, que c'est pour vos pechés que cest enfant s'en est allé, par ce qu'elle procede d'humilité; mais je ne croy pas pourtant qu'elle soit fondee en verité.

  A015003153 

 Non, ma chere Fille, ce n'est pas pour vous chatier, c'est pour favoriser cet enfant que Dieu l'a sauvé de bonn'heure.

  A015003172 

 Je vous veux un peu donner le bon jour pour contenter mon cœur partout; car encor le faut-il aymer, ce pauvre cœur, puisque, tout infirme quil est, il veut aymer son Dieu de toute l'estendue de ses forces, en sincerité et pureté..

  A015003173 

 Entr'autres causes de ma defiance, c'est que voyci arriver M. l'Aumosnier de Belleville, [333] qui est celuy qui m'a escrit pour M me des Gouffier, et la rayson veut, que venant expres pour me voir, je luy en donne le plus de commodité que je peurray.

  A015003173 

 [334] Il voudra aussi peut estre voir nostre fille Bellod, par ce quil est beaufrere de M. l'esleu Bellod..

  A015003174 

 Helas! que je le plains sil est mort ainsy, car autrement, la mort est trop commune et trop necessaire pour s'en estonner extraordinairement..

  A015003174 

 La nouvelle est un peu suspecte pour venir de Geneve; neanmoins, ainsy comme on l'asseure, j'ay grande opinion qu'elle soit veritable.

  A015003189 

 Monsieur le baillif m'ouvre un moyen pour eviter le bruit qui pourroit naistre pour la chapelle, qui est de sursoyr a tout jusques a retour [338] du P. François.

  A015003189 

 Nous attendrons les nouvelles apportees par le sieur de Farnex, et cependant espererons qu'elles sont bonnes, puisquil n'est pas empressé de les delivrer..

  A015003195 

 Je vous prie, par la premiere commodité, de m'advertir [339] quand nous pourrons loger un curé a Sacconex, c'est a dire quand nous aurons les moyens..

  A015003244 

 Mays vous vous representeres que la mayson en laquelle vous venes est une petite Congregation encor mal logee, et en laquelle toutes choses sont basses, humbles et abjectes, hormis la pretention de celles qui y sont, qui n'est rien moins que de parvenir a la perfection de l'amour divin..

  A015003255 

 Et pour en retirer plus de gloire, je n'ay pas oublié d'en faire part a tous ceux de cette ville que j'estime capables de peser le bonheur que ce m'est destre aymé de vous, auquel ne pouvant donner avec contreschange, je fay pour le moins humble reconnoissance que mon devoir surpasse mes forces, les-quelles neanmoins vous les dedie toutes a l'honneur de vostre service..

  A015003255 

 Je ne puis dignement vous remercier des beaux presens qu'il vous a pleu m'addresser, que j'ay receus avec [344] une extreme joye, non certes pour leur valeur, qui est grande, mais parce que ce sont de grans tesmoignages du cœur que vous aves envers moy, m'estant envoyés avec bien du soin et incommodité.

  A015003267 

 Ma tres chere Fille, estendes souvent vostre veuë jusques au Ciel, et voyes que cette vie n'est qu'un passage [346] a celle que l'on fait la; quatre ou cinq mois d'absence seront bien tost passés.

  A015003277 

 Vous m'excuseres, s'il vous plait, ma tres chere Fille, si celle de monsieur de Genesia est ouverte: ça esté sans malice quelconque que je l'ay fait..

  A015003278 

 Or, la conclusion neanmoins fut quil se sousmettroit a ce qui en seroit advisé par telz arbitres et amis que l'on jugeroit convenable de choysir pour vuider les pretentions d'eux et de vous a l'amiable, qui est en somme le bon mot; outre que vrayement il ne tesmoigna nullement de treuver mauvaise vostre recherche.

  A015003312 

 Je croy que vous sachies (sic) que cette bonne damoyselle est trespassee a l'aube du jour..

  A015003322 

 C'est domage de broder si delicatement sur un vil bureau:.

  A015003342 

 Meshuy, quand nostre Mere de Chantal escrira a Bourbilly, je me serviray de l'occasion, puisqu'elle est plus asseuree..

  A015003343 

 Mais dites moy, je vous prie, ma chere Fille, eussies [352] vous bien peu croire qu'une affection plantee de la main de Dieu, arrousee par tant d'obligations que je vous ay et a vostre Mayson, fut sujette a diminution ou esbranslement? Non certes, ma tres chere Seur, ma Fille, il n'est pas possible qu'une amitié vraye et solide puisse jamais cesser..

  A015003345 

 Dieu, par sa bonté, vous tienne tous les jours de sa tres sainte main; c'est une priere quotidienne que je luy fay..

  A015003346 

 Je dis, si vous venés, parce que, encor que ce me seroit un contentement extreme de vous voir a souhait en nos pauvres petites contrees, si est-ce que je ne voudrois pas tirer sur moy le contregré de messieurs vos proches, s'ilz en avoyent, en vous le conseillant, ni aussi prejudicier a ma consolation en ne vous le conseillant pas.

  A015003347 

 Je salue encor M. de Sauzea, [353] si par fortune il est la.

  A015003347 

 Mes freres sont tous vos serviteurs tres humbles, sur tout mon frere de Boisy, qui n'est pas present maintenant que j'escris; et si, je ne l'ay point adverti..

  A015003359 

 Mays pourtant, cet esprit-lâ voudra tous-jours des occupations plus que suffisantes, car il est excessif en desseins.

  A015003362 

 Nostre fille se porte bien et tout ce qui est avec elle, avec un peu d'embarassement pour cet hæritage; mais j'espere que tout s'esclarcira bravement, Dieu aydant..

  A015003396 

 De regie pour vostre viè, je ne vous en donneray que celle qui est dans le livre; mais si Dieu dispose que je vous puisse voir et il y a quelque sorte de difficulté, je vous respondray.

  A015003396 

 Il n'est nul besoin que vous m'escrivies vostre confession: que si vous aves quelque point particulier duquel vous desiries conferer avec mon cœur, qui est tout vostre, vous le pourrés..

  A015003410 

 Mays sur tout considerant quil est incommodé de sa santé, j'entre en extreme apprehension que ce ne luy soit une peyne trop grande de se mettre en voyage.

  A015003410 

 Par vostre lettre et par ce que j'ay peu apprendre de monsieur de Sainte Catherine, je voy que c'est une grande incommodité a monsieur l'Abbé de faire nostre pelerinage, lequel pourtant il n'entreprend que purement pour me favoriser.

  A015003411 

 Quant a moy, le voyage de Thurin qui m'a esté ci devant volontaire, m'est a present necessaire pour plusieurs [359] raysons; et y estant, je passeray aysement a Milan pour rendre la veneration de si longuemain destinee au sepulchre du glorieux saint Charles.

  A015003431 

 Et peu s'en est fally que l'un de mes freres, chevalier de Malte, n'a esté ordonné a la prison (bien que tout le tems de la querelle il fut avec moy a Sales), seulement par ce quil est grand ami du sieur Abbé de Talloyres et qu'il l'avoit fort visité apres les bastonnades.

  A015003433 

 Enfin, tout nostre Caresme s'est passé en cette pauvre petite ville a nous defendre presque tous des calomnies qu'on jettoit indifferemment sur le tiers et le quart, a rayson de ces miserables bastonnades.

  A015003433 

 Eusse-je pas esté mieux si mon bonheur eut permis l'effect de vostre volonté, et que j'eusse presché en vostre chaire et jouy de la douceur de vostre conversation et de la presence de Monsieur nostre Evesque qui est lâ? J'espere, dans le moys, partir pour Thurin, ou je feray tout ce qui me sera possible affin d'avoir ma liberté pour l'annee suivante; car le desir du bien que j'attens de vostre [363] veüe et du rencontre de tant de gens d'honneur qui, pour vostre consideration, me recevront en leur conversation, est extreme dedans mon cœur.

  A015003434 

 C'est le souhait perpetuel, Monsieur, de.

  A015003438 

 Monsieur, j'escris en sursaut, c'est pourquoy je ne vous envoye pas les papiers du conte fait entre mes freres et les agens de madame la Duchesse de Mercœur, comme je feray bien tost, puisque vostre bonté s'estend a vouloir en recevoir la peyne..

  A015003453 

 C'est maintenant que vous estes en affliction, que vous deves tesmoigner a Nostre Seigneur l'amour que vous luy aves si souvent promis et protesté entre mes mains.

  A015003466 

 J'ay fait avec le procureur La Tour quil ira jeudi a Dizonche; c'est un bon personnage qui fera fort bien [366] l'office.

  A015003476 

 Et les S fermees, avec leurs flesches qui montent d'un costé et descendent de l'autre, demonstrent l'exercice de ces divins amours, dont l'un remonte en Dieu et fait des Philothees, l'autre descend au prochain et fait des Philantropes: qui est l'unique bien de la charité, qui nous rend vrays serviteurs et servantes de la divine Majesté.

  A015003476 

 O vrayement, elle est belle en extremité, la chappe que la plus chere mere qui vive envoye a son tres cher pere; [367] car elle est toute au nom de JESUS et de MARIE, et represente parfaitement le Ciel des bienheureux, ou Jesus est le soleil et Marie la lune luminaires presens a toutes les estoilles de cette sainte habitation; car Jesus y est tout a tous, et n'y a point d'estoille en ce globe celeste en laquelle il ne soit representé comme en un miroüer.

  A015003478 

 Il est escrit de la femme forte, que tous ses gens ont double vestement; l'un, je pense, pour les festes, l'autre pour les jours ouvriers.

  A015003500 

 Certes, Bertelot n'avoit que faire de s'opposer a luy en la conduite des dames; car, comme vous sçaves, c'est un gentilhomme de si bon lieu, que, comme que ce soit, encor le faut-il respecter..

  A015003500 

 Chacun est scandalisé du grand pouvoir que les accusations seules ont: sil suffit d'accuser, qui sera innocent? Ceux qui connoissent M. de Servette, et je croy que Son Excellence le connoist, sçauront bien discerner de l'action d'hier.

  A015003500 

 J'escris a part ce billet pour laisser l'autre lettre en estat de pouvoir estre monstree a monsieur le marquis de Lans; et si je ne l'avois escritte si precipitamment, j'eusse voulu quil l'eut envoyee ou a monsieur le Chancelier, ou a quelqu'un qui eut entrepris de bien [370] representer a Son Altesse la malice et le venin des ennemis de nostre pauvre parent, qui est la, mussé comme un lievre dans Marcia, avec une fort exacte obeissance.

  A015003501 

 L'importance est que l'office se face viste, car je m'asseure que ce matin, Berthelot despechera un homme, comme sachant bien que la plus grande force de sa ruse consiste en la diligence..

  A015003521 

 Utraque autem partium est sub potestate patris; impedimentum est in tertio..

  A015003558 

 Hé, que bienheureux est le cœur qui ayme et cherit la volonté divine en toutes occurrences!.

  A015003559 

 Et puisque ce tems ne nous est donné que pour cela et que le monde ne se peuple que pour peupler le Ciel, quand nous allons la, nous faysons tout ce que nous avons a faire.

  A015003571 

 Au demeurant, Disdiere n'est pas assez clairvoyante pour juger dignement de mes actions et beaucoup moins [377] de mes intentions, et partant vous aves bien fait, et tous mes amis aussi, de ne point la croire quand elle vous a dit que je m'estois destournee de la vraye foy en un seul Christ, pour adhserer aux fables, traditions et inventions des hommes.

  A015003571 

 Il est vray que, par une speciale grace du Saint Esprit, je suis retournee dans le giron de la sainte Eglise Catholique, duquel, par ignorance et inconsideration, je m'estois separee.

  A015003572 

 Car j'ay treuvé qu'icy on ne respire que la foy en un seul Jesuschrist, on n'aspire et espere qu'en un seul Jesuschrist, on n'annonce que l'amour d'un seul Jesuschrist, qui est hautement et clairement reconneu pour vive et vivante source et unique fin de toutes louanges et benedictions.

  A015003573 

 C'est pourquoy, ayant treuvé une si grande sainteté de religion ou l'on m'avoit tant asseuré ny avoir que superstition, un si grand zele pour lhonneur de Jesuschrist ou l'on præsupposoit estre le seul regne de l'antichrist, une si droite pureté d'intention ou l'on m'avoit tant dit ni avoir que faintise, une si grande clarté de doctrine ou l'on m'avoit fait entendre ni avoir qu'illusion, j'ay esté grandement confuse en moymesme d'avoir si longuement accusé, par une vayne persuasion, une si chaste et innocente Susanne, et, comme la charité m'obligeoit, je me suis res-jouye d'avoir tant treuvé de bien ou j'avois pensé ne treuver que du mal.

  A015003573 

 Dont, comm'une pauvre petite brebiette esgaree qui retrouve en fin le trouppeau que par mesgarde ell'avoit laissé, je m'y suis librement, [379] volontairement et par franche election, remise et reunie, n'ayant pas voulu refuser au Saint Esprit l'exercice de sa grace en mon cœur, ni a la verité divine, l'hommage que mon entendement luy devoit; affin que les propheties, qui prædisent en tant d'endroitz le retour des ames a l'Eglise, fussent heureusement accomplies en moy et par moy, et qu'ayant esté une des estoiles errantes, desquelles parle saint Jude, en un ciel apparent et contrefait, je fusse meshuy un'estoile du vray firmament, qui est l'Eglise Catholique, en laquelle on ne connoist le grand dragon roux que pour le combattre et fouler aux pieds, ains escraser et exterminer par la force de la Parole de Dieu, pure, simple et entiere; Parole qui est la vraye espee et le vray bouclier des croyans, et a laquelle nul homme n'a touché pour en oster un seul mot, y adjouster un seul point, ou y broüiller le vray sens, que soudain il n'ayt esté repris, puis condamné par la mesme Esglise..

  A015003574 

 Mais ce bon Dieu qui ne nous manque jamais es choses necessaires a nostre salut, m'a donné la lumiere requise pour le voir et l'embrasser, par ce que sans cela je me fusse perdue, et ne m'a pas donné le moyen de bien declairer ce que j'ay conneu et connois par cette lumiere, par ce que ce n'est pas a moy d'instruire ni enseigner.

  A015003585 

 Je presse neanmoins le plus quil m'est possible pour cela..

  A015003586 

 Mais despuis, le Pere Cherubin m'a remis des Bulles [382] de nostre Saint Pere pour les executer, par lesquelles il m'est commandé de ranger la Sainte Mayson de Thonon a l'observation de certains articles signés par Monsieur le Nonce de Turin et de Son Altesse, lesquelz entr'autres choses, mettent ladite Mayson sous la protection de la Milice des saintz Maurice et Lazare..

  A015003619 

 Il ne m'arrive contentement qui soit egal a celuy que je reçois de vous faire service qui vous soit aggreable: cela estant, je suis asseuré que cette action est receue avec plaisir devant Dieu.

  A015003633 

 Nous assurons que plusieurs curés n'en ont pas tant, et que la religion ne nous sauroit contraindre d'en donner davantage, d'autant que nous surpassons la portion congrue; et sommes mary ne pouvoir donner telle pension que celle de Cessy, selon qu'il est porté par la vostre, d'autant qu'il nous est impossible, [386] parce que le revenu n'est pas semblable, pour ce que ledit prieuré de Dyvonne est chargé de la troisiesme partie du revenu de pension annuelle au resignataire, par authorité du Saint-Siege, outre les pensions annuelles qu'il nous faut payer trois cent vingt livres, pour l'argent emprunté pour le remboursement du prix auquel on a esté condamné par arrest à Paris.

  A015003653 

 Il est vray, Monseigneur, je ne suis qu'un pecheur et le dernier de nostre Compaignie; mais Dieu me donnoit des mouvemens si vifs d'asseurer madame de Chantal que le Ciel luy vouloit donner l'eau de la Samaritaine par le canal de vos levres, que si les Anges fussent venus troupes a troupes pour m'en dissuader, je ne crois pas qu'ilz l'eussent peu faire, parce que l'impression estoit du Roy des Anges..

  A015003654 

 Et m'a semblé, depuis que vostre naissante Congregation est commencee, que je l'ay veüe comme une Hierusalem nouvellement descendante du Ciel.

  A015003654 

 Il est blanc, ce cœur, par la pureté de ses intentions; il est poli, par les diverses afflictions qui, en guise de coups de marteau, ont osté toutes les superfluités et l'ont jointe au point du lieu sacré ou elle devoit estre posee, et vostre ingenieuse main a gravé sur ce marbre poli, pour un monument eternel de gloire a Dieu, ces quatre belles paroles qui sont les devises de vostre cœur: VIVE JESUS! VIVE MARIE! Tout a Dieu, tout pour sa gloire!.

  A015003654 

 Oh! que je me suis ecrié de bon cœur: Benite soit la premiere pierre de cet edifice! Oh, qu'elle est polie! C'est un marbre bien taillé, marbre blanc, que le cœur de cette digne vefve, dont j'ay autrefois tant honoré les vertus et dont je venere maintenant la sainteté.

  A015003686 

 L'on dit que c'est la perfection de ce siecle; et, vous laissant a part pour pardonner a vostre modestie et contenter vostre humilité, le bon Pere de Saint Malachie me disoit l'autre jour, qu'il consideroit devant madame de Chantal et la voioit en esprit comme un soleil, et chacune de ses filles estait un rayon pour esclairer ce siecle..

  A015003716 

 Ha! que ce vous est un heureux travail que de combatre et debatre contre les huguenots! (travail qui infalliblement vous acquerrera une couronne de gloire et ça bas et au Ciel.).

  A015003716 

 Vostre Introduction, certes, a esté si bien receüe par deça, que l'impression s'en est multipliée a l'esgal, sans doubte, du fruict qui en a reussi.

  A015003738 

 C'est pourquoy je vous ay encor fait ceste, par laquelle je vous prie [395] mettre le tout en consideration; apres quoy je m'asseure qu'aurez pour agreable a me relascher amiablement lesditz biens, ensemble les fruicts tant de la presente que derniere annee.

  A015003738 

 De sorte que, comme il a pleu a Sa Majesté remettre les Catholiques en la possession de tous les biens ecclesiastiques dudit Gex et les choses au mesme estat qu'elles estoyent anciennement, afin que chacun jouy du sien paisiblement, je m'estois librement dispancé de luy accenser ceux dont il est question; dequoy il me demande de grands dhommages et interests, faute de l'en faire jouir.

  A015003739 

 Et quant a ce qui concerne le service que je doibs faire celebrer en laditte chappelle, je veux tousjours rendre mon debvoir et payer le prestre qui le voudra faire au jour de la fondation; mais d'y entretenir ung, je ne le puis, tant pour en estre dispencé, que a cause des grandes charges que je paye a ma Religion, joinct que le revenu n'est suffizant pour l'y entretenir.

  A015003770 

 J'en ay parlé a Madame la Princesse, quy est toute disposee de vous obliger en cela, mais je ne l'ay supplyee de rien, luy ayant seullement dict que je vous l'avoys conseillé et que vous y estiez resolu: sur quoy elle m'a dict qu'elle s'offroyt.

  A015003771 

 Madame de Guyse est allee en son Conté d'Eux, d'ou elle espere retourner dans ung mois et rapporter de quoy vous contenter.

  A015003772 

 Je verray a son retour ce quil fera, m'ayant asseuré que ce sera sans plus de remise; mais je vous conseille d'agreer que monsieur Rousselet et moy luy promettions ce que nous adviserons: c'est le plus court chemin..

  A015003773 

 Il aura des auditeurs aultant que l'eglise en pourra tenir, quy est assez cappable.

  A015003774 

 C'est pourquoy je vous supplye vous employer a ce bon œuvre et m'en fere mander promptement responce, attandant laquelle je prye Dieu, Monsieur, quil vous conserve et garde..

  A015003774 

 J'ay premierement pris ce chemin, a cause que je ne veoy une entiere intelligence de la Royne avec Son Altesse; sy elle n'est suffisante, quand j'auray la parolle de Monssieur de Genefve j'en feray escripre Leurs Majestés et le Saint Pere, sil en estoyt besoing.

  A015003774 

 Je luy en escriptz amplement, et luy envoye une lettre que Monsseigneur le Nunce residant en ceste ville, logé, comme vous sçavez, a l'hostel de Clugny, escript a Monsseigneur le Nunce de Thurin, auquel il mande que messieurs les parroissiens de S t Benoist, bien memoratifz du fruict des predications que Monsseigneur de Genevefve (sic) a faict aultrefoys en leur parroisse, d'ou il est maintenant, l'ont pryé luy escripre pour supplier Son Altesse d'avoir agreable que l'on prye Monsseigneur, pour le bien de la relligion, de prendre ceste peinne, et luy donner congé d'accepter la supplication que l'on luy en fera.

  A015003806 

 Ledict sieur Falcaz seroit entré dans ladicte eglise, et arrivé au marchepied du grand autel, ou il trouva Illustre et Reverendissime Seigneur FRANÇOIS DE SALES, Esvesque et Prince de Geneve, revestu d'une estolle et la miltre en teste, auroit presente ledict drappeau (est ans messieurs les Scindics, accompagnés de plusieurs Conseillers et de secretaires, dans leurs sieges): lequel drappeau auroit benist, usant de plusieurs sainctes et belles ceremonies; puis, mise (sic) a son baston, mondict Seigneur l'auroit eslevé un peu hault par la poignee, et despuis remis audict sieur Falcaz qui, retournant a sa trouppe qui faisoit aussi alte, a continué son chemin par devant Saincte Croix, ou soit la porte Genotton; et se rendant devant l'Hostel de ville, auroit arborisé aux fenestres ledict drappeau, ou il a demeuré jusques au lundy apres, dixieme de ce moys.

  A015003812 

 Et ladicte procession arrivee sur le Pont de Nostre Dame (tout ledict Pont, et fort bien loing, bordé de soldats, comme aussy celuy de la Hasle, du pennon de la Procure, l'enseigne desployee, et au devant l'Hostel de ville le drappeau neuf et tantost benist porté par ledict sieur Falcaz), s'est trouvé a costé du bout du Pont, pres la petite maison de M e Jean Baptiste Garbillon, la croix de la venerable eglise de Nostre Dame, avec les Reverends sieurs François de Lornay, doyen, revestu d'une chappe de drap d'or frizé; le porte croix revestu d'une tunique drap d'or parsemé quelque peu de soye viollette, et precedoit le maistre bedeau avec son baston d'argent de ladicte eglise; puis deux enfans de cœur (chœur) revestus de tuniques de diverses couleurs, ainsy'que les aultres enfans d'icelle eglise, portans deux chandelliers d'argent.

  A015003815 

 Premierement, a la premiere porte de l'entree de ladicte eglise, sçavoir celle qui est plus proche de la chappelle de Nostre Dame, au dessus de l'arcade reposoit l'image de la tres sacree Vierge Marie en bosse, et au dessoubz d'icelle estoit escript ce distique en grosse lettre jaune, estant ung anagramme faisant les premieres lettres des motz MARIA VIRGO:.

  A015003858 

 Lex per Moysen data est, et gratia per Christum..

  A015003873 

 Finalement, a la porte faicte en arcade, ou estoit Aaron portant l'encens a ses mains, comme dict est, estoient escriptz a l'entour de ladicte arcade ces motz, parlant au Sainct Sacrement:.

  A015003883 

 Quæ est ista quæ processit sicut aurora consurgens?.

  A015003893 

 Et sur le pillastre pres du clochier ont esté mises les armes du venerable Chapitre de Nostre Dame; a l'aultre apres, celles d'Illustre et Reverendissime Seigneur François de Sales, Evesque et Prince de Geneve; sur le [409] troisieme, celles de monseigneur Sigismond d'Est, marquis de Lans, lieutenant general pour Son Altesse deça les montz, et sur le quatriesme pillastre estant pres la chappelle de Sainct Laurens, les armes de la ville.

  A015003895 

 Et le tres sainct Sacrement mis au susdict oratoire, mondict Seigneur le Reverendissime est descendu, puis la procession avec tout le clergé a commencé a partir par la porte de la grand allee; et messieurs les Scindics sont demeurés dans Nostre Dame, sans avoir suivy et accompagné ladite procession.

  A015003895 

 Puis arrivés a l'eglise de Sainct François, chascun s'est retiré, estant environ l'heure de sept apres midy.

  A015003904 

 Ce qui a esté obmis, c'est que le cartier de Bœuf est entré en garde, [411] son enseigne desployee, portee par messire Humbert Falquet, conduict par noble Jean Jacques Demoliet, capitaine, et honnorable Petremand Jacquet, sergent, estans environ 250; dont arrivans devant l'Hostel de ville, a la salve qui a esté faict, a esté percer (sic) le drappeau d'ung coup de basle, et le cartier de la Perriere s'est retiré..

  A015003905 

 Et tous les cœurs des eglises assemblés en pareil ordre que celle cy devant, Monseigneur a prins le tres sainct Sacrement, puis marchand au mesme reng qu'a l'ouverture du Jubilé, la procession est partie par la grand allee de Nostre Dame, qui est allé (sic) vers le pré Chapuis, au coing Gouard; et puis revinrent a l'eglise, ou Monseigneur a remis le Sainct Sacrement au siboire de l'autel de Nostre Dame, et l'Ave Maria sonnee, la procession s'est retiree..

  A015003905 

 Le Dimanche continuant le divin service, et la splendeur et la devotion s'augmentant, a esté continué la fin de l'histoire de Joseph que fut commencer (sic) hier seulement (n'ayant esté commencé le vendredy, comme cy dessus est dict, ains hier seulement).

  A015003919 

 A la verité, s'il m'est permis de parler avec vous sans offenser personne, je ne sçay qui peut avoir conseillé S. A. S. de mander deux Ambassadeurs extraordinaires avec moy, pour demander une simple responce sur les poursuittes et propositions que j'ay desja faict cy devant a sept ou huict assemblees et dietes, suivant les commandements de S. A. S. Pour moy, j'estime sçavoir cette negociation mieux que mon Pater; s'il eut pleu a S. A. Sme de me laisser suivre mes dessins, possible luy aurois-je apporté quelque contentement.

  A015003919 

 Vous sçavez, quand l'on est tant de gens ensemble, chacun veut croire son opinion.


16-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVI-Vol.6-Lettres.html
  A016000034 

 Saint François de Sales n'est pas insensible aux petites marques d'une sainte amitié.

  A016000045 

 — Il est prié de s'intéresser à l'honneur d'une famille.

  A016000061 

 Rien n'est mauvais de ce que l'Eglise ordonne.

  A016000077 

 Ce que souhaite le Saint et ce qui lui est indifférent; son humilité et sa modération.

  A016000081 

 C'est en toutes circonstances qu'il faut aimer la très sainte volonté de Dieu.

  A016000088 

 — Quel est le seul remède.

  A016000090 

 — Ce qui est plus efficace contre le mal que le ressentiment. 82.

  A016000091 

 — Le Traitté de l'Amour de Dieu l'empèche d'entreprendre un travail qui lui est proposé. 83.

  A016000097 

 Le Duc ayant agréé le projet de confier aux Barnabites le collège de la ville, est supplié de le faire réussir. 87.

  A016000105 

 — Passage a Chambèry du Cardinal d'Est. 96.

  A016000107 

 Pourquoi l'intercession de saint François de Paule est propice à l'espérance des mères. 99.

  A016000121 

 — Le Duc est prié de favoriser leur mission, d'une incomparable utilité pour le collège de la ville. 110.

  A016000133 

 Se consacrer à Notre-Seigneur, c'est une grâce dont la grandeur se découvre avec le temps.

  A016000135 

 Pourquoi l'amour paternel est puissant; celui du Saint comparable au feu.

  A016000140 

 — Pourquoi Dieu est le plus digne objet de notre amour. 126.

  A016000142 

 — Le destinataire est prié d'en parler à Sa Grandeur. 129.

  A016000147 

 — C'est sa «plus grande gloire qu'il y ayt une Congrégation de la Visitation au monde.» — Humilité du Fondateur; son affection pour les Ursulines. 133.

  A016000153 

 Le destinataire est prié de loger en vertueuse compagnie le fils de M me d'Escrilles. 141.

  A016000158 

 — Une besogne qui n'est pas déplaisante à son auteur.

  A016000172 

 — Quand cet amour est-il plus excellent. 157.

  A016000174 

 Une occasion est offerte à la Mère de Chantal d'écrire à son cher enfant.

  A016000176 

 — Marie-Aimée de Blonay sera l'une des fondatrices; son père est prié d'agréer cette mission si glorieuse pour sa fille. 160.

  A016000190 

 — C'est l'invitation et la société d'Antoine des Hayes qui auraient ses préférences s'il pouvait aller prêcher à Paris.

  A016000191 

 — Le Cardinal est prié de s'intéresser à la prospérité du collège d'Annecy, gêné par l'insuffisance des revenus. 170.

  A016000201 

 La destinataire est priée de faire exonérer des impôts deux pauvres veuves réduites à la misère. 177.

  A016000202 

 — Pourquoi, même à Sainte-Claire, François de Sales, en parlant de saint Joseph, n'a pas eu la ferveur qui lui est habituelle à la Visitation.

  A016000206 

 Affectueux bonsoir à la destinataire dont la visite est très désirée par le Saint.

  A016000213 

 — Quel est le plus excellent sacrifice qu'on puisse faire, au temps de la vieillesse et des infirmités. 190.

  A016000224 

 — Consolations à la mère «quasi sur le despart» pour aller où est son enfant. 201.

  A016000267 

 Je n'attens plus que d'avoir une bonn'audience d'elle, selon qu'elle me la promit a Trein, et une autre de Monseigneur de Nemours: et puis, me voyla de rechef a cheval pour retourner en ma pauvre petite coquille, qui m'est plus chere que tous les palais des grans Princes, desquelz les caressent ( sic ) m'obligent extremement, sans m'engager nullement..

  A016000269 

 Je salue toute nostre chere trouppe et M me des Gouffier et tout, si ell' y est.

  A016000303 

 Je vous ay des-ja fait sçavoir que nous aurons madame la Duchesse de Mantoue, qui est la vertu mesme, pour nostre protectrice; mays il ne faut pas encor en faire du bruit, pour une rayson que je vous diray.

  A016000303 

 M. de la Bretonniere est encor en volonté de nous ayder en quelques choses pour l'edification de nostre oratoire..

  A016000305 

 Je salue fort ma chere fille madame de Thorens, et M lle de Rabutin, qui est aussi ma fille; comme encor toutes celles qui sont autour de vous, que vous sçavés m'estre pretieuses plus qu'il ne se peut dire.

  A016000306 

 C'est luy qui sçait ce qu'il luy plaist que nous soyons, en la tres parfaite union qu'il a faite en luy mesme et par luy mesme.

  A016000320 

 Je vous diray ce mot en la confiance que j'ay de vostre prudence: M. Troüillouz, qui sert Son Altesse es affaires de France, dit a Thurin, sur le propos de la recherche qui a esté faite ci devant de me faire aller a Paris: C'est Charmoysi et le sieur des Hayes qui ont ce dessein, nul autre n'y eut pensé qu'eux.

  A016000320 

 Pour Dieu, Monsieur, croyes bien, je vous supplie, que mon cœur est totalement dedié au vostre, et mes desirs a vos affections, et que si je sçavois faire mieux pour faire reuscir vos intentions, je le ferois.

  A016000321 

 Rien ne m'est plus a contre cœur que l'ambition des tiltres:.

  A016000325 

 J'escris a madame de Charmoysi, qui vous fera sçavoir ce qui en est et l'advis que je luy donne, puisque je suis pressé de finir..

  A016000344 

 Ce n'est, Madame ma Mere, que pour vous ramentevoir l'humble et veritable affection filiale que j'ay dediee et que vous aves acquise en moy pour vostre service.

  A016000344 

 Faites moy lhonneur, je vous supplie, de me continuer aussi au rang que vous m'aves donné en vostre bienveuillance, delaquelle je suis extremement jaloux et ambitieux, comme d'un bien que je ne merite pas et que neanmoins m'est assigné..

  A016000344 

 Les mains d'un si digne porteur vous rendront, je m'asseure, ce papier aggreable, outre la faveur maternelle delaquelle vous recevés tout ce qui vous est presenté de ma part.

  A016000345 

 Au demeurant, Madame ma chere Mere, il faut bien que je me res-jouisse avec vous de la consolation que vous aves de vous voir assistee et accompaignee d'une nouvelle bonne et bellefille, et que je vous conjure de luy [11] ordonner qu'elle me reçoive en sa bonne grace, comme un de vos enfans plus humbles qui est, outre cela,.

  A016000378 

 Il est mieux, ma tres chere Fille, que vous luy escrivies, puisque le reste s'est passé avec vous.

  A016000378 

 Toutefois, si l'assemblee est de telle qualité qu'elle puisse suffire, il ni aura pas grand hazard, puisque mesme ce [14] n'est que pour prendre un compromis.

  A016000389 

 Mays puisque cette action de grace ne vous est pas arrivee, je la refay maintenant de tout mon cœur, vous asseurant que c'est avec un grand surcroist de l'estime que j'avois de vostre bienveüillance, par la description plus particuliere que Madame de Baume m'a fait des qualités et conditions de vostre esprit, que j'ay treuvé extremement aymable, priant Dieu qu'il luy playse les affermir et accroistre de plus en plus.

  A016000390 

 C'est un benefice extraordinaire, qu'entre les aggreemens du monde, emmi le printems d'une jeunesse et entre les louanges de plusieurs, vous aymies et estimies les saintes vertus.

  A016000391 

 Vous estes bien heureuse d'avoir un mary si chrestien comme est celuy que Dieu vous a donné en sa debonnaireté, car le joug du Sauveur, qui est en soy si doux et suave, le devient encor davantage quand deux le portent ensemblement..

  A016000425 

 Je n'escris pas a M me la Generale, mais puis [22] qu'elle se confie en vous, vous luy dires que cette creature s'en est allee a Belley, et espere qu'elle ne reviendra plus que pour amasser ses hardes et se retirer du tout..

  A016000439 

 Monsieur du Noyeret aussi est en la mesm' attente, [23] ayant escrit la lettre de la sousmission (qu'il ne peut jamais rendre asses grande) laquelle estoit desiree pour cet effect..

  A016000456 

 Faites voir, je vous prie, ces lettres a nostre madame des Gouffier, et les voyes vous mesme; c'est affin qu'elle considere si je dis bien au P. Grangier selon ce qui s'est passé..

  A016000468 

 La verité est que je ne croy nullement que monsieur le Grand de France pense a nous attaquer pour le present, puysque Son Altesse est en suspension d'armes et en projet d'accommodement, joint que tout le bord du Rosne a esté jusques a present exempt de soldatesque.

  A016000468 

 Vous estes absolument dame de tout ce qui est en mon pouvoir; tout ce que vous m'envoyerés sera retiré et gardé soigneusement.

  A016000470 

 Je suis grandement desplaysant de n'avoir encor point l'ordre de la liberté du cher cousin, car vous pouves penser comme ce retardement luy est ennuyeux et combien d'imaginations il luy peut causer.

  A016000499 

 Le bonhomme monsieur du Noyeret a quelque opinion, et moy aussi, que Vostre Grandeur n'ayt pas receu la lettre de sousmission moyennant laquelle elle m'avoit gratifié de le vouloir eslargir, et ses enfans, puisqu'il n'a point encor la jouissance de cette faveur; c'est pourquoy il a derechef escrit la ci jointe, laquelle, en son nom, je presente a Vostre Grandeur, avec tres humble supplication que je vous fay, Monseigneur, de l'exaucer et moy aussi..

  A016000520 

 Mes freres sont tous vos serviteurs et se rendront tous-jours pour vous suivre par tout; mais voyla Bernardet qui me dit qu'il n'est plus tems pour ce coup, puysque Son Excellence part soudain apres disné, estant arrivee des ce soir passé..

  A016000521 

 A ce propos, on m'a dit que le sieur Bertelot avoit fait faire des grandes plaintes contre mon frere le chevalier a Son Excellence, mays il se treuvera que c'est a tort et pour des frivoleries: comme de ne le saluer pas, non plus qu'il n'est pas salué de luy, et semblables choses indifferentes et dont les plaintes peuvent estre reciproques, quoy que non egales en l'inegalité des personnes.

  A016000521 

 Or, j'attens tous les jours l'ordre de sa liberté que Monseigneur de Nemours m'a promis; c'est pourquoy je ne luy envoye point jusques a ce que je l'aye.

  A016000538 

 Ce n'est que pour vous remercier bien simplement que je vous escris ce billet, me sentant extremement obligé dequoy vous aggrees si fort mes lettres et l'affection que je porte a vostre ame, a laquelle en verité je souhaite toute sainte consolation et perfection..

  A016000551 

 Je luy conferay ses derniers Sacremens, mais je n'eus pas la consolation de la voir expirer; et certes, c'eust esté avec suavité que j'eusse receu les derniers souspirs de cette premiere de mes filles qui est allee voir au Ciel ce que Dieu reserve et prepare aux autres..

  A016000560 

 Je prie Nostre Seigneur, qui est l'Aigneau que nostre grand saint Jean nous monstra, qu'il vous reveste toute de la tres sainte laine de ses merites, ma tres chere [35] Mere, ma Fille.

  A016000570 

 Ce m'a esté une lettre bien douce que celle que vous m'aves envoyee pour tesmoignage du contentement que vous avés de mon retour; car bien que je ne puisse jamais douter de vostre sainte amitié, si est ce que ces petites marques me sont aggreables.

  A016000587 

 Que je suis marri de ne pouvoir estre tesmoin des caresses quil recevra d'une mere insensible a tout ce qui est de l'amour naturel, car je croy que ce seront des caresses terriblement mortifiees.

  A016000611 

 Autant que je puis connoistre, il m'est advis que vous pouves et deves venir, puysque monsieur d'Avise continue en sa parole et la damoyselle en la correspondance de son amour.

  A016000611 

 Ell'est a la Thuille, ou nostre Jaques la va treuver, sinon que par fortune elle vint aujourdhui icy, ou ell'a envie de venir voir la ville avec madame de la Thuille et sa seur, sous praetexte neanmoins de voir la Visitation.

  A016000613 

 Vous sçaures toutes autres nouvelles par monsieur l'Abbé et par la lettre de Jaques, lequel est esperdument amoureux, et qui le voudroit ouïr, il seroit occupé jour et nuit au discours de sa passion.

  A016000630 

 Je suis bien ayse qu'elle aille, soit pour revenir, soit aussi... Son filz est a la Thuille, mays qui reviendra aujourd'huy.

  A016000630 

 M. de Blonnay est icy, qui y va voir sa maistresse, et je luy donneray vostre lettre pour la chere seur..

  A016000643 

 Ce porteur est un des plus doux, sinceres et purs espritz que j'aye rencontré il y a long tems; son affection au service de Dieu et de l'Eglise est grande.

  A016000643 

 Des quelque tems en ça, il a esté inspiré de se retirer a l'abry de quelque Congregation, et la vostre luy est pour objet a cett'intention.

  A016000643 

 Son talent est fort sortable a cela, car il presche fort joliment et tres devotement.

  A016000667 

 Ce billet n'est que pour vous advertir que nostre bonne seur de Chantal est la meilleure et plus grande lettre que je vous puisse envoyer, car elle vous peut dire toutes choses et parler de mon cœur envers vous comme du sien mesme.

  A016000667 

 Je vous prie aussi de luy bien confier, car il y a si long tems que je ne voy rien de vostre cœur, que le mien en est mortifié..

  A016000669 

 Pour monsieur [de Sauzéa], je ne sçai s'il est la; je l'embrasse de cœur..

  A016000681 

 Vostre Grandeur, qui est bonne, juste et douce a chacun, ne me sera pas, sil luy plait, ni aspre, ni rigoureuse.

  A016000694 

 Comme je vous donnay connoissance de ce petit voyage de Gex, aussi veux-je donner advis a Vostre [47] Excellence de mon retour, et qu'hier, environ les trois heures que j'en partis, je laissay le baillif de Nion et quelques autres Bernois qui vindrent prier monsieur le Grand de France de faire revenir ses trouppes, attendu qu'ilz estoyent asseurés que vous, Monsieur, ne desarmies point et que les trouppes piemontoises et espagnoles passoyent les mons. A quoy monsieur le Grand respondit quil les remercioit de l'advertissement, mays qu'avant que rien remuer, il attendroit M. d'Amanzé, quil avoit envoyé par deça aupres de Vostre Excellence, pour apprendre ce qui est du desarmement.

  A016000695 

 Au reste, il est impossible que ceux qui ont veu lhonneur et le respect que ce seigneur porte au nom de Son Altesse s'en puisse ( sic ) taire.

  A016000712 

 Mon Dieu, ma tres chere Mere, quand vous m'escrivistes que vous esties une pauvre abeille, je pensay que je ne le voudrois pas tandis que vos secheresses et afflictions interieures durent; car ce petit animal, qui en santé est si diligent et pressant, perd le cœur et demeure sans rien faire tout aussi tost qu'il est malade.

  A016000713 

 Appuyés vostre esprit sur la pierre qui estoit representee par celle que Jacob avoit sous sa teste quand il vit sa belle eschelle, car c'est celle la mesme sur laquelle saint Jean l'Evangeliste se reposa au jour de l'exces de la charité de son Maistre Jesus.

  A016000713 

 Ma chere Fille, la mort est une vie, quand elle se fait devant Dieu.

  A016000723 

 Velle deponere onus episcopale ob causas rationi congruas, non modo nullum est peccatum, sed etiam actio est virtutis, vel modestiae, vel humilitatis, vel justitiae, vel charitatis..

  A016000724 

 Is censetur rationibus veris moveri ad episcopatum deponendum, qui bona fide suum de se judicium suum de deponendo episcopatu, desiderium suasque denique quibus nititur rationes, vel consilio prudentium, vel saltem judicio superiorum paratus est submittere, ac in utramque partem eadem alacritate suum obsequium conferre..

  A016000725 

 Porro, melius est levare oculos in montes, unde veniat auxilium nobis, et sperare in Domino libenterque gloriari in infirmitatibus nostris, ut inhabitet in nobis virtus Christi, quam morefiliorum Ephrem, converti retrorsum in die belli.

  A016000725 

 Ratio est, quia dum in procuranda oneris depositione [52] tempus impenditur, vix ac ne vix quidem satis in eo sustinendo satis operae insumitur; ut qui de repudianda uxore cogitat, vix interim de ea recte diligenda sollicitus est.

  A016000730 

 Vouloir se démettre de la charge épiscopale pour des motifs raisonnables, non seulement ne constitue aucun péché, mais c'est même un acte de vertu, ou de modestie, ou d'humilité, ou de justice, ou de charité..

  A016000731 

 Celui-là est censé s'inspirer de raisons sérieuses, qui, de bonne foi, est prêt à soumettre, soit au conseil d'hommes sages, soit du moins à l'appréciation des supérieurs, son avis personnel sur le fait de quitter l'épiscopat, son désir et les raisons de ce désir, et qui, en même temps, est disposé à se ranger avec une égale promptitude au pour et au contre..

  A016000732 

 Donc, s'exciter à mieux remplir sa tâche, puisqu'il vous semble ne l'avoir pas fait exactement jusqu'à ce jour, c'est bien mieux que de l'abandonner tout à fait.

  A016000732 

 Et voici pourquoi: tandis [52] que l'on dépense du temps à se défaire du fardeau, c'est à peine, c'est à grand peine si l'on prend assez de sollicitude pour le soutenir.

  A016000732 

 Oui, lever les yeux vers les montagnes, d'où nous viendra le secours, espérer dans le Seigneur et nous glorifier volontiers dans nos infirmités pour que la vertu du Christ habite en nous, c'est bien mieux que de retourner en arrière au jour du combat, comme les enfants d'Ephrem.

  A016000732 

 Si la pensée ou le désir de quitter l'épiscopat ne constitue aucune faute, dans le sens que je viens de dire, un tel projet, la plupart du temps, n'est pas sans une grave tentation et, très fréquemment, le démon y a sa part.

  A016000735 

 Au demeurant, une jeune fille de Chamberi s'estant laissee porter trop avant en l'amour d'un jeun' homme de vostre ville, et se desfiant que les pere et mere d'iceluy n'apportent quelque difficulte au mariage necessaire pour couvrir son honneur et pour accomplir les mutuelles promesses sous lesquelles elle proteste d'avoir encouru le hazard de sa reputation, elle m'a fait prier d'interceder vers vous, Monseigneur, affin qu'il vous playse d'employer vostre charite vers lesditz pere et mere du jeune homme, pour les disposer a consentir a un' honnorable conclusion de l'amour d'iceluy et d'elle; attendu mesmes qu'ell' est d'une parentee fort recommandable, fille de la seur de monsieur Boursier, ancien secretaire d'Estat de Son Altesse.

  A016000740 

 Helas! Monseigneur, on m'advertit que le grand ancien Archevesque de Vienne est trespasse: De medio terræ sublatus est justus, justus vivat et requiescat, et pro illo alius superveniat..

  A016000749 

 Le tout est a la bonne foy, sans art ni couleur; car ces matieres n'en veulent point, la simplicite leur servant de beaute, comme a Dieu qui en est l'autheur.

  A016000750 

 Beni soit Dieu eternellement de la bonte qu'il exerce envers vostre ame, Monsieur, l'inspirant si puissamment a la resolution de consacrer le reste de vostre vie mortelle au service de l'eternelle: vie eternelle qui n'est autre chose que la Divinite mesme, entant qu'elle vivifiera nos espritz de sa gloire et felicite; vie, seule vraye vie et pour laquelle seule nous devons vivre en ce monde, puisque toute vie qui n'aboutit pas a la vitale eternite est plustost une mort qu'une vie.

  A016000751 

 C'est pourquoy, en la simplicite de mon ame, je vous conjure, Monsieur, d'estre fort attentif pour bien conserver ce que vous aves, affin que vous ne perdies point vostre couronne.

  A016000752 

 C'est qu'il est entré dedans mon cœur, et mes affections se sont rangees aux loix de l'amour qu'il signifie, le plus grand, le plus vif, le plus fort de tous les amours.

  A016000752 

 La bonté de vostre esprit, le courage noble que Dieu vous a donné, vous serviront grandement a cette prattique-la, laquelle vous sera d'autant plus aysee qu'il n'est besoin d'y employer que des momens desrobbés, ains retirés justement, en diverses occasions, ça et la, sur les autres affaires.

  A016000754 

 Mais c'est asses dit, Monsieur; l'influence celeste, vostre bon Ange et vostre generosité suppleeront a ce que mon insuffisance ne me permet pas de vous proposer.

  A016000777 

 Vous aures, Dieu aydant, tout ce que je pourray, pour le tems que vous me marqués, [60] et demeureray plein [du] desir de vous tesmoigner que c'est de tout mon cœur que je suis,.

  A016000791 

 La lettre est arrivee asses tost, car je n'envoyeray les miennes que demain, n'ayant sceu gaigner de les faire hier ni ce mattin.

  A016000791 

 Mon sentiment a moy est que si on retarde l'oblation de ma Seur Humbert directement, on la mettra au hazard d'un grand decouragement, et ses [61] parens d'un grand murmurement, car ilz croiront que c'est parce qu'ilz donnent chichement la dote de cette fille.

  A016000800 

 Or c'est la verité, que je n'entens pas si asseurement ce que vous me dites, que je n'aye quelque sorte de doute de me tromper; neanmoins il m'est advis que je vous entens suffisamment pour vous respondre..

  A016000801 

 C'est pour nous apprendre deux leçons signalees: l'une, que nous nous devons tous-jours desfier de nous mesme, cheminer en une sainte crainte, requerir continuellement les secours du Ciel, vivre en humble devotion; l'autre, que nos ennemis peuvent estre repoussés, mais non pas tués.

  A016000801 

 Ilz nous laissent quelquefois en paix, mais c'est pour nous faire une plus forte guerre..

  A016000803 

 Saint Pierre marchoit fort asseuré sur les ondes: le vent s'esleve et les vagues semblent l'engloutir; alhors il s'escrie: Ah, Seigneur, sauvés-moy! et Nostre Seigneur l'empoignant: Homme de peu de foy, luy dit-il, pourquoy doutes-tu? C'est emmi les troubles de nos passions, les vens et les orages des tentations, que nous reclamons le Sauveur, car il ne permet que nous soyons agités que pour nous provoquer a l'invoquer plus ardamment..

  A016000813 

 Ce porteur est trop fidele pour le laisser partir sans que je luy donne ces quatre motz qui vous asseureront, sil vous plait, de la continuelle souvenance que j'ay de mon devoir filial envers une si bonne mere comme vous m'estes.

  A016000814 

 J'y comprens encor nostre monsieur de Selignieu, lequel, plus il est esloigné de cors, plus nous le voyons souvent en esprit.

  A016000814 

 Qu'il est heureux, ce cher frere, d'avoir [65] quitté ce monde de deça, dans lequel il estoit né, pour en conquerir un nouveau et y faire naistre plusieurs ames a Dieu! Madame ma tres chere Mere, je m'en res-jouis avec vous, et suis sans fin.

  A016000832 

 Je voudrois avoir un bon marteau pour esmousser la pointe de vostre esprit, qui est trop subtil es pensees de vostre advancement.

  A016000844 

 Nous avons bien un petit quartier ou, despuis peu, on a restabli l'exercice de l'Eglise par l'authorité du Roy et selon l'edit de Nantes; mais cet exercice me met plus en exercice de disputer contre les ministres pour les biens temporelz de l'Eglise qu'ilz nous retenoyent, que de leur persuader, ni au peuple, la verité des biens spirituelz auxquelz ilz devroyent aspirer; car c'est merveille comme ces serpens bouchent leurs oreilles pour n'ouÿr point la voix du charmeur, pour sagement et saintement qu'on les veuille charmer.

  A016000845 

 C'est bien asses, Monsieur, vous avoir entretenu pour ce renouvellement de nostre commerce, que je veux, Dieu [70] aydant, continuer, et ne point cesser de vous ramentevoir souvent que je suis invariablement,.

  A016000880 

 C'est pourquoy je ne fais point de difficulté de vous supplier de rendre messieurs vos freres favorables a ce gentilhomme que j'affectionne beaucoup [74] et pour ses qualités et pour le proche parentage que j'ay avec luy..

  A016000898 

 La playe de ma jambe s'est voirement agrandie, mais elle ne laisse pas d'estre plus douce et s'en va tout a fait guerie dans cinq ou six jours, comme j'espere..

  A016000910 

 Mays, ma tres chere Fille, comme vous sçaves, cela [76] ne doit pas estre ainsy, car encor que l'innocence de ces cœurs de pere et de fille n'ayent pas besoin en leur candeur de tant de retenue, si est ce qu'il faut souffrir celle que l'aigreur des autres cœurs requiert, et que le pauvre pere, tout pauvre pere qu'il est, demeure sans estre visité par ses filles, voire par sa tres chere Mere, sinon qu'il ayt quelque mal qui puisse, par sa grandeur, meriter ce grand bien.

  A016000911 

 Monsieur Michel est bienheureux d'aller, quand il veut, voir mes filles.

  A016000920 

 Mon Dieu, que cette vie est trompeuse, Madame ma tres chere Cousine, et que ses consolations sont courtes! Elles paroissent en un moment, et un autre moment les emporte, et, n'estoit la sainte eternité a laquelle toutes nos journees aboutissent, nous aurions rayson de blasmer nostre condition humaine..

  A016000922 

 Ce fut Dieu, ma tres chere Cousine, qui vous donna ce mari, c'est luy qui l'a repris et retiré a soy; il est obligé de vous estre propice es afflictions que les justes affections, lesquelles il vous avoit eslargies pour vostre mariage, vous causeront meshui en cette privation..

  A016000923 

 C'est en somme tout ce que je vous puis dire.

  A016000923 

 Nostre nature est ainsy faite, que nous mourons a l'heure impourveuë et ne sçaurions eschapper cette condition: c'est pourquoy il faut y prendre patience, et employer nostre rayson pour adoucir le mal que nous ne pouvons eviter; puis, regarder Dieu et son eternité, en laquelle toutes nos pertes seront reparees et nostre societé, desunie par la mort, sera restauree..

  A016000924 

 J'en supplieray sa divine Majesté, et contribueray au repos de l'ame du cher trespassé plusieurs saintz Sacrifices; et a vostre service, ma tres chere Cousine, je vous fay tres sincerement offre de tout ce qui est a mon pouvoir, sans aucune reserve, car je suis et veux encor plus puissamment que jamais, faire profession d'estre,.

  A016000936 

 C'est la verité que je suis consolé de sçavoir comme cette pauvre nouvelle vefve se comporte vertueusement; car voyes vous, par ce que je fus l'officier en leur mariage, il m'est advis que sa viduité m'est plus a cœur et que je suis plus obligé de la servir et luy souhaiter du bien.

  A016000936 

 Helas, que ce monde est bigearre! on se marie d'un costé et de l'autre on regrette la perte d'un mari!.

  A016000938 

 M me de Chantal est a present un peu occupee, par ce qu'aujourdhuy nous avons receu les oblations de deux Seurs: ma Seur Legros et ma Seur Rousset, de Saint Claude, et les parens font leurs petites affaires sur ce sujet.

  A016000953 

 C'est pourquoy cela ne doit pas estre presenté dans le calice, mais dans un autre vase, ou de verre, ou autrement.

  A016000953 

 En sorte que ce qui se boit apres la Communion par le peuple, ce n'est pas le sang du Sauveur, mais seulement du vin qui se prend pour laver la bouche et faire plus entierement avaler le precieux cors et sang des-ja receu en la tressainte Communion.

  A016000954 

 Et quant au Mariage, il n'est pas raysonnable de le celebrer ailleurs que devant l'autel, puisque c'est un Sacrement si grand, et que ceux qui le reçoivent ne sont pas hors de l'Eglise, comme les petitz enfans qu'on apporte au Baptesme, ains sont des-ja baptizés et, par consequent, introduitz en l'Eglise et a l'autel..

  A016000991 

 Maintenant il se presente un'occasion de luy faire avoir l'eglise et le prieuré du Sepulcre, par la resignation [85] de celuy qui en est prouveu.

  A016000991 

 Mays, Monseigneur, avant toutes choses, le bon playsir de Vostre Altesse est requis, lequel ledit Chapitre la supplie tres humblement de luy ouctroyer, comm'un'aumosne a des pauvres bannis et dejettés de leur siege par les ennemis de Dieu et de Vostre Altesse Serenissime; laquelle, certes, pour cela ne les rendra pas riches, puisque ledit prieuré n'est que de cent ducatons de revenu, mais elle les accommodera beaucoup, ce benefice estant en cette ville et [86] fort a la bienseance de cette compaignie qui ne cessera jamais, non plus que moy, de souspirer et aspirer devant la divine Majesté jusques a ce que, sous les auspices de Vostre Altesse, elle retourne en son ancien sejour..

  A016001007 

 Dieu, par son infinie bonté, soit a jamais a la dextre de Vostre Altesse pour la conduire en toute sainte prosperité: c'est le souhait ordinaire,.

  A016001020 

 J'estois a Belley quand M. de Blonnay passa en cette ville, et a mon retour je treuvay la lettre quil vous [88] pleut m'escrire le 18 du moys passé, par laquelle vous me renvoyes au recit quil me fera pour certaines particularités, en l'ignorance desquelles je demeureray jusques a son retour de Chablaix, mais avec bonne patience, puisque ce que je dois desirer le plus de sçavoir m'est si amplement tesmoigné par vostre escrit: c'est que vous vives en santé, et moy en vostre bienveuillance, laquelle mesme s'estend a faire des pensees si honnorables pour mes freres, comme est celle que vous me signifies, quoy que couvertement, et que ledit sieur de Blonnay a plus ouvertement fait entendre a mon frere de Thorens, quil gratifia de sa visite en son passage..

  A016001021 

 Et bien que l'insuffisance et la petite mediocrité des moyens de mes freres leur empesche la reception du bien et de lhonneur que vous leur desires, si est ce que la proposition seule né leur peut estre que fort desirable, car elle donnera, pour le moins, quelque commencement de bonn'impression d'eux au Prince; et eux, donques, et moy vous sommes extremement obligés, Monsieur, par cette nouvelle obligation qui nous rend tous-jours plus vos serviteurs..

  A016001042 

 Mays, a parler de cœur a cœur entre nous deux, il a un esprit attaché a ses imaginations, qui sont trop grandes et disproportionnees a ses forces et a sa capacité, laquelle n'est pas de gouverner, mais d'estre gouverné.

  A016001042 

 Nous sommes un peu embarassé maintenant; c'est pourquoy je vous diray courtement que si le bon M. le Prieur de Blonnay se pouvoit laisser conduire, il seroit a propos d'entreprendre ce que vous m'escrivés.

  A016001042 

 Or, tout ce qui l'endommage, est que son esprit est si fertile en pensees et projetz, quil ne se peut contenter.

  A016001043 

 On a envoyé prendre les Constitutions de Lion, ou on projette d'en eriger une, et de Paris, pour voir si on en pourra desseigner un'autre; car il vous faut dire telles nouvelles, comm'aussi que j'ay esté deux fois a Bons, ou il s'est fait un peu de bien, mais je ne sçai ce quil aura produit du despuis.

  A016001057 

 Je ne l'ay encor pas quittee [92] du tout, mays ce tems pourtant, qui s'est si fort raffroydi, allentit aussi un peu cett'attente.

  A016001058 

 Je n'oublie pas de parler a mes freres de vostre desir, mais mon frere de Villaroget, qui doit adjuster l'affaire, est tous-jours long en toutes choses; je presseray neanmoins, affin que vous ayes le cœur content.

  A016001071 

 Cette seur ne s'en ira pas sans vous porter ce petit bon soir que je vous donne, ma tres chere Fille, avec tout mon cœur qui est tout vostre.

  A016001073 

 Vous me demandiés l'autre jour des nouvelles de la chere cousine, mais je n'en ay nulle, sinon par une lettre de Monsieur l'Evesque de Montpellier, du 22 octobre, qui me dit simplement qu'elle estoit encor en Normandie; mais maintenant qu'elle a receu des lettres de [94] monsieur son mary qui la rappellent de deça, je croy qu'elle est a son despart, ou par chemin..

  A016001084 

 Le mal de la calomnie ne se guerit jamais si bien que par la dissimulation, en mesprisant le mespris et tesmoignant par nostre fermeté que nous sommes hors de prise, principalement en matiere de pasquins; car la calomnie qui n'a ni pere ni mere qui la veuill'advouer, monstre qu'ell'est illegitime..

  A016001084 

 Penses vous que le monde croÿe ces pasquins? Il se peut faire que quelques uns s'y amusent et que les autres entrent en quelque soupçon; mays sachés que nostr'ame estant bonne et bien resignee es mains de Nostre Seigneur, toutes sortes de telles attaques s'esvanoüissent au vent comme la fumee, et plus le vent est gros, plus tost elles disparoissent.

  A016001086 

 Or il est vray quil seroit plus a propos de faire cette reveüe devant celuy qui auroit des-ja receue la confession generale, affin que par la consideration et rapport de la vie precedente a la suivante, on peut mieux prendre les resolutions requises; et en toutes façons cela seroit plus desirable.

  A016001087 

 Par exemple: vous ne deves pas enquerir combien de fois vous seres tumbee en cholere, car peut estre y auroit il trop a faire; mais simplement vous dires si vous estes sujette a ce desreglement, si lhors quil vous arrive vous y demeurés engagee longuement, si c'est avec beaucoup d'amertume et de violence, et en fin quelles sont les occasions qui vous y provoquent le plus souvent: si c'est le jeu, la hautaineté ou orgueil, si c'est la melancolie ou opiniastreté.

  A016001087 

 Pour vostre seconde difficulté, je vous dis, ma tres chere Seur, quil n'est nullement besoin en vostre reveiie de marquer particulierement le nombre ni les menues circonstances de vos fautes, ains suffit de dire en gros quelles sont vos principales cheutes, quels vos particuliers detraquemens d'esprit, et non pas combien de fois vous y estes tumbee, mais si vous estes fort sujette et addonnee au mal.

  A016001096 

 Mays je viens d'apprendre de plus, que si vous n'acquiesces a cette volonté tant pressante de Monsieur, Son Altesse vous mandera et fera aller recevoir ses commandemens en Piemont, ou si je sçavois que vous peussies effacer les faux entendre sur lesquelz cette persecution vous est faitte, je serois bien ayse que vous allasies; mais je crains, qu'outre la despense, vous ne recevies des nouveaux desplaysirs, car homme d'honneur m'a dit, il ny a pas 24 heures, qu'il sçavoit fort bien qu'en cas que vous vous opposies davantage, on vous fera une nouvelle attaque sur le nom de Gex, lequel ilz presupposent avoir esté pris par vous, quoy que ce soit un nom de prince et d'une terre qui estoit dependante de la couronne de Savoÿe..

  A016001098 

 Voyla mon advis, et vous asseure que si l'on faysoit le mesme tort qui vous est fait, a mes freres, je m'en rirois et voudrois [avoir] tant de courage que de mespriser le mespris et me moquer d'une si maigre vengeance; car en fin, tous les gens d'honneur voyent bien qu'on vous recherche par pure passion, et que le tems ne porte pas qu'on puisse treuver du remede a ce mal, et qu'en somme, il faut ceder aux volontés des puissances superieures, et qu'en somme, il ni va ni peu ni prou de vostre honneur.

  A016001112 

 Ce n'est pourtant que pour vous saluer et tesmoigner que je vous souhaite bon voyage, avec toute sainte consolation, et encor a toute vostre barque, ce pendant que nous [101] irons attendant les saintz jours de l'Advent de Nostre Seigneur, qui nous preparera beaucoup de benedictions, si nous luy preparons bien nos cœurs..

  A016001125 

 Or Dieu, a la gloire duquel nous tendons, est le grand ouvrier des merveilles; a jamais sa lumiere esclaire nos cœurs et nous conduise a [102] le glorifier parfaitement.

  A016001126 

 J'escris au cousin, et par ce que je ne sçai ou il est, je vous envoye ma lettre.

  A016001127 

 Ceux qui sont a Dieu treuvent par tout ce qui leur est cher..

  A016001150 

 Les jeunes ne sortent jamais de la maison (les hommes n'y entrent pas), mais seulement les anciennes et mûres d'âge; et c'est pour secourir les malades, les femmes surtout.

  A016001151 

 C'est pourquoi, Votre Altesse Sérénissime est suppliée de daigner accepter et recevoir cette Congrégation sous sa très spéciale protection, afin qu'à l'ombre de son auguste nom et à la faveur de sa charité, elle puisse, avec [106] tranquillité et en toute paix intérieure et extérieure, vaquer aux choses célestes..

  A016001154 

 Cela est d'autant plus juste que la Congrégation ne mendie pas, mais [107] s'établit au contraire aux frais des Dames assemblées.

  A016001154 

 Elle ne prétend pas non plus avoir jamais de revenu, si ce n'est pour l'entretien des bâtiments, de la sacristie, de l'aumônier et pour payer le médecin, soit avec des rentes annuelles, soit par d'autres moyens qui ne chargent personne et qui n'apportent aucun empêchement aux impôts ou tailles du Sérénissime Duc.

  A016001191 

 Je ne sçai comme il vous peut entrer au cœur que je puisse avoir aucune desfiance de vostre amitié pour tout le secours que vous feres a monsieur le Prieur et a sa trouppe reformee; car je leur souhaite toute sorte de sainte prosperité, et n'ay nulle sorte d'interest en l'evenement de vostre entreprise, sinon celui-la mesme que vous me marqués en vostre lettre estre le vostre: la plus grande gloire de Dieu et le plus grand service de son Eglise; et que Dieu soit servi ou par des Religieux vestus de noir ou vestus de blanc, cela est indifferent.

  A016001194 

 J'ay des-ja esté recusé par l'une des parties, qui se plaint de moy; il n'est pas a propos de me jetter les plaintes de l'autre sur les bras..

  A016001194 

 Tout le desplaysir que j'ay en ceci, c'est de ne vous pouvoir pas asses plaire et m'accommoder a vostre desir, mesmement en ce qui est d'escrire a Monseigneur le Cardinal Bellarmin.

  A016001195 

 Il va en fin mille raysons, ce me semble, pour lesquelles je dois ouyr parler de part et d'autre sans me mesler de faire des offices ni pour les uns ni pour les autres, jusques a ce que je sois deschargé de l'office de juge qui m'est commis..

  A016001195 

 Je ne sçai nullement que c'est que des autres reformés de N., horsmis de monsieur le Prieur et de M., [115] ne connoissant les autres que de nom et quelques uns de veuë.

  A016001196 

 Je sçay qu'un autre moins discret et charitable que vous pourroit beaucoup dire de choses de moy entre les poursuittes, comme il a esté fait a Chamberi; dont je loue Dieu que ce soit vous plustost qu'un autre, bien que, pour parler franchement entre nous, je me sente fort asseuré de n'estre point blasmé de quicomque, sans passion, voudra conferer les tems et les occasions de ce qui s'est passé par mes mains, et de ce qui s'est passé par celles de ceux qui se deulent.

  A016001196 

 Nostre amitié n'est pas fondee sur la reformation ni des unes ni des autres: c'est pourquoy je vous supplie de me bien conserver la vostre au travers de toute cette negociation, comme, de mon costé, je suis invariable en celle que par tant de respectz je vous dois.

  A016001202 

 Il est impossible d'empescher que chascun, a bonne intention, ne s'essaye de gaigner l'advantage..

  A016001207 

 C'est ainsy, ma Fille, qu'il faut tout de bon mettre la main dans les replis de nos cœurs, pour en arracher les ordes productions que nostre amour propre y fait par l'entremise de nos humeurs, inclinations et aversions..

  A016001207 

 Mais je dis de rechef, ma chere Fille, que cette lettre m'a donné des eslans d'amour envers Dieu, qui est si bon, et envers vous, qu'il veut rendre si bonne, que certes, je suis obligé d'en rendre action de graces a sa divine Providence.

  A016001207 

 Si fay, si fay de par Dieu, ma tres chere grande Fille, je sçay bien quel cœur vous aves en mon endroit; mais [117] ne voules vous pas que je prenne le tems et la saison pour y planter les plantes des vertus plus excellentes, desquelles le fruit est eternel? Or sus, je n'ay nul loysir, mais je vous dis en verité, que vostre lettre a embaumé mon ame d'un si delicieux parfum, que de long tems je n'avois rien leu qui m'eust donné une si parfaite consolation.

  A016001208 

 Helas! ma Fille, c'est une grande partie de nostre perfection que de nous supporter les uns les autres en nos imperfections; car, en quoy pouvons nous exercer l'amour du prochain, sinon en ce support? Ma Fille, elle vous aymera et vous l'aymeres, et Dieu vous aymera toutes..

  A016001208 

 Ne vous estonnés point de ce qui s'est passé, mais simplement, humblement, amoureusement, confidemment, reunisses vostre esprit a celuy de cette bien aymable ame, qui, je m'asseure, en recevra mille et mille consolations.

  A016001208 

 O Dieu, quel contentement au cœur d'un pere tres aymant, d'ouyr celuy de sa fille tres aymee protester qu'elle a esté envieuse et maligne! Que bien heureuse est cette envie, puisqu'elle est suivie d'une si naïfve confession! Vostre main, escrivant vostre lettre, faysoit un trait plus vaillant que ne fit jamais celle d'Alexandre.

  A016001216 

 Mais je vous diray qu'elle est bonne, graces a Nostre Seigneur, et que j'espere qu'elle me servira ces bonnes festes, pour prescher, comme elle a fait le reste de l'Advent. et qu'ainsy nous acheverons cette annee pour en recommencer une nouvelle..

  A016001217 

 O que l'eternité est incomparablement plus aymable, puisque sa duree est sans fin, et que ses jours sont sans [119] nuit, et ses contentemens invariables! Que puissies-vous, ma tres chere Fille, posseder cet admirable bien de la sainte eternité en un si haut degré que je le vous souhaitte.

  A016001226 

 Helas, comme il est beau, ce pauvre petit Poupon! Il me semble que je voy Salomon sur son grand throsne d'ivoyre, doré et ouvragé, qui n'eut point d'esgal es royaumes, comme dit l'Escriture, et ce Roy n'eut point de pair en gloire ni en magnificence; mais j'ayme cent fois mieux voir le cher petit Enfançon en la cresche que de voir tous les rois en leurs throsnes..

  A016001229 

 Ma tres chere Mere, c'est la verité: j'ay une lumiere toute particuliere qui me fait voir que l'unité de nostre cœur est ouvrage de ce grand Unisseur, et partant, je veux desormais non seulement aymer, mais cherir et honnorer cette unité comme sacree.

  A016001239 

 Celle qui m'empesche d'aller vous dire la Messe aujourd'huy est petite et grande; je vous la diray a nostre premiere veuë..

  A016001248 

 Mettés-le, ce cher cœur, dans le costé percé du Sauveur, et l'unissés a ce Roy des cœurs, qui y est comme a son throsne royal pour recevoir l'hommage et l'obeissance de tous les autres cœurs, et tient ainsy sa porte ouverte affin que chacun le puisse aborder et avoir audience.

  A016001287 

 C'est, a la verité, une honte bien grande pour vous si les laïcs prennent la connoissance de la correction sur ceux du cors auquel on vous a donné pour chef; mais ce sera encor quelque sorte de reproche pour moy qui vous y ay porté, si je ne surveille pas a vous assister, et sembleray estre coulpable de tout ce qui s'y fera, avec vous, bien qu'en verité, ni vous ni moy ne puissions pas tout empescher..

  A016001287 

 J'ay sceu que les sieurs N. et N. donnent tant de mauvaise odeur de leur jeunesse, que la puanteur en est arrivee jusques au Senat, lequel s'en veut remuer, si leur amendement ne previent.

  A016001306 

 Neanmoins, tant que je m'en puis eschapper, je metz tous-jours quelque petite ligne en faveur de ce saint amour qui est le lien de nostre mutuelle dilection..

  A016001307 

 C'est pour cela que nous n'avons pas la consolation que nous devrions avoir quand nous voyons les autres bien faire; car ce que nous ne voyons pas en nous ne nous est pas si aggreable, et ce que nous voyons en nous, nous est fort doux, parce que nous nous aymons tendrement et amoureusement.

  A016001307 

 L'amour propre peut estre mortifié en nous, mais il ne meurt point pourtant jamais; ains, de tems en tems et a diverses occasions, il produit des rejettons en nous, qui tesmoignent qu'encor qu'il soit couppé par le pied, si n'est il pas desraciné.

  A016001308 

 Au contraire, si nous avions la perfection de l'amour de Dieu, nous aymerions mieux faire ce qui est commandé, parce qu'il vient plus de Dieu et moins de nous..

  A016001308 

 C'est tous-jours nous mesmes qui recherchons nous mesmes, nostre propre volonté et nostre amour propre.

  A016001309 

 Le signe de cela, c'est qu'ordinairement nous aymerions mieux avoir les petitz maux que si un autre les avoit; mais les grans, nous les aymons mieux pour les autres que pour nous.

  A016001309 

 Quelquefois nous nous mettons plus en peyne de voir mal traitter les autres que nous, par bonté de naturel; quelquefois c'est par ce que nous croyons d'estre plus vaillans qu'eux et que nous supporterions mieux le mal qu'eux mesmes, selon la bonne opinion que nous avons de nous.

  A016001309 

 Sans doute, ma chere Fille, ce qu'on a repugnance a s'imaginer le rehaussement des autres, c'est parce que nous avons un amour propre qui nous dit que nous ferions encor mieux qu'eux, et que l'idee de nos bonnes propositions nous promet des merveilles de nous mesmes et non pas tant des autres..

  A016001310 

 C'est le seul remede qu'il y a, de desadvouer les sentimens, invoquant l'obeissance et protestant de la vouloir aymer non obstant toute repugnance, plus que non pas la propre eslection, louant Dieu par force du bien que l'on void en autruy et le suppliant de le continuer; et ainsy des autres..

  A016001311 

 C'est pourquoy il faut, avec constance, veiller sur luy, et avec patience et tout doucement se defendre de luy.

  A016001324 

 Je viens tout maintenant de recevoir les deux lettres que vous avies confiees a M me de Trevernay, et une autre par laquelle elle me specifie la qualité de vostre desplaysir, que je vois estre grandement fascheux pour la multitude des accidens qui semblent attachés aux sujetz dont il vous est arrivé..

  A016001325 

 En fin, Dieu qui vous a conduite jusques a present, vous tiendra de sa tres sainte main; mais il faut que vous vous jetties, avec un total abandonnement de vous mesme, entre les bras de sa providence, car c'est le tems desirable pour cela.

  A016001325 

 Se confier en Dieu emmi la douceur et la paix des prosperités, chacun presque le sçait faire; mais de se remettre a luy entre les orages et tempestes, c'est le [133] propre de ses enfans; je dis, se remettre a luy avec un entier abandonneront.

  A016001326 

 De cet homme sur lequel vous penses devoir estre jettee une partie de la faute, parlés en peu et consciencieusement; c'est a dire, ne vous estendes gueres en vos plaintes et n'en faites pas souvent; et quand vous en feres, n'asseures rien qu'a mesure que vous aures de la connoissance ou conjectures de la faute, parlant douteusement des choses douteuses, plus ou moins, selon qu'elles le seront..

  A016001327 

 Dieu doit faire le tout; c'est pourquoy il l'en faut supplier..

  A016001337 

 C'est a vous aussi a qui j'addresse mes responses a Monseigneur de Bazas et a monsieur de Fontayne Duboys, et ce sera a vous, sil vous plait, de leur faire [135] aggreer mes intentions, puisque vous leur aves donnees celles quilz ont de m'aymer.

  A016001337 

 C'est asses a un vieux entendeur et qui m'ayme fortement..

  A016001343 

 Vous sçaures que le bonhomme M. Nouvelet s'en est allé lethargique; ce sera charité de le recommander a Nostre Seigneur..

  A016001357 

 Je vous vay rencontrer en esprit au passage que vous deves faire a Lion; et ces quatre paroles vous asseureront, sil vous plait, que sil m'estoit aussi aysé de me porter moy mesme sur le lieu en effect, comm'il l'est a ce porteur, vous me verries, plein de joye et d'amour, le plus empressé de tous autour de vous.

  A016001358 

 J'ay toute ma vie grandement prisé la ville de Thoulouse, non pour sa grandeur et noblesse, mays, comme dit saint Chrisostome de son Constantinople, a cause du service de Dieu qui y est si constamment et religieusement maintenu.

  A016001358 

 Sil vous plait donques respondre a la demande que vous ont faite de moy ces seigneurs de cette ville la, je vous supplie tres humblement de leur faire sçavoir que ce n'est ni faute d'estime que je face de leurs merites, ausquelz je ne sçaurois jamais correspondre, ni faute de pouvoir que vous ayes sur moy, qui suis tres entierement vostre, mays faute de pouvoir que j'aye moy mesme sur moy mesme, que je ne seconde pas leurs desirs, plus honnorables cent fois pour moy que je ne devrois praetendre..

  A016001359 

 Au demeurant, Monseigneur, quand vous seres avec le grand et parfait ami, resouvenes vous parfois de moy, car ce m'est un playsir incomparable de m'imaginer que ne pouvant jouir du bonheur de vostre presence, je ne laisse pas de vivre en vostre bienveuillance de tous deux..

  A016001401 

 Quand ilz m'ont laissé, j'alloys de rechef; il m'a falu arrester avec les deputés d'un Monastere qui est de ma charge, qui me sont venu proposer leurs necessités pour continuer leur reforme.

  A016001401 

 Quel moyen de refuser cette si bonne audience a des gens qui viennent pour Dieu, et de deux journees loin, pour une si bonne affaire? Le cœur de ma Mere, comme le mien propre, se fut courroucé et mutiné si, pour tel sujet, je n'eusse renoncé a son contentement qui est le mien mesme..

  A016001402 

 Mays demain, o c'est le jour de sainte Emerentienne et de la naissance de ma Mere; Dieu ne permettra pas que je sois ainsy retenu, car mesme j'ay a conferer avec elle de choses qui sont pour son Amour divin et asseurer la partie.

  A016001413 

 L'esperance que ce peuple de Neci et de Genevoys a conceüe de voir ce college, qui est maintenant presque en friche, remis a la Congregation des Peres Barnabites, n'a ni rayson ni fondement que sur la bonté [145] paternelle de Vostre Altesse Serenissime, laquelle en a eu aggreable le projet, non seulement par ce quil estoit propre pour le proffit publiq temporel de ses tres humbles sujetz, mais aussi pour l'utilité quil rapporteroit au salut des ames.

  A016001428 

 Mays c'est trop dit entre nous qui, a mon advis, nous connoissons trop bien l'un l'autre, pour avoir besoin ni d'excuses, ni de paroles en telles occurrences..

  A016001429 

 C'est maintenant a la providence de Dieu de decretter, et a nous d'attendre en paix et reverence ce quil luy plaira de faire reuscir, avec resignation de nostre volonté en la sienne tressainte..

  A016001430 

 Celle du grand Cardinal Bellarmin est fort ample, et peut estre trop; vous pouves, sil vous plait, en extraire un memorial pour presenter au Cardinal Lante et a la Congregation.

  A016001431 

 A Thonon, tout est appaysé et ni a plus de mal qu'a Cervens.

  A016001437 

 C'est un Pere fort courts et qui, comme je pense, pourra beaucoup..

  A016001440 

 c'est que il faut que ladite dame de Gouffier soit delivree de l'obligation de sa profession, affin que, selon son desir, elle puisse estre receue en la Congregation de la Visitation, laquelle, bien que ce ne soit pas une Religion formelle, est neanmoins une mayson de fort bonne discipline et propre pour cette personne; puisqu'ell'est d'ailleurs de si petite complexion, qu'elle ne pourroit porter l'austerité ni de Sainte Claire ni des Carmelines, ni d'autres Religions formelles esquelles on fait des grandes veillees, des grandes abstinences et autres mortifications et aspretés corporelles qui requierent une entiere santé..

  A016001442 

 Encor qu'en la lettre de la [152] Congregation je parle quil seroit plustost expedient de changer le vœu, neanmoins je sçai bien que cela ne se fait pas; mais c'est pour monstrer la necessité de cett' ame, a laquelle il seroit expedient de plustost changer le vœu que de la laisser sans remede.

  A016001452 

 Item, comme ce qu'elle s'est esloignee de sa mere luy a donné liberté de recourir a la justice du Saint Siege..

  A016001453 

 Que l'Abbesse du Paraclet est une grande dame qui tient grand train, et le monastere en lieu champestre, qui ne reconnoist aucun superieur; de sorte que si la suppliante alloit la, elle seroit forcee, et par sa mere naturelle et par l'Abbesse, d'y demeurer, et empescheroit on la verification de ses allegations, laquelle se fera mieux, plus solidement et plus facilement par l'Ordinaire du lieu ou ell'est.

  A016001460 

 Mais je croy bien que vous aures de la peyne a treuver la commodité de faire a propos cet office qui requiert beaucoup de loysir; car on nous dit qu'elle est gardee fort soigneusement.

  A016001460 

 O que de misericordes Dieu fait aux ames qu'il retient en sa tres sainte crainte et en son divin amour! Mieux vaut le moindre brin de ce tresor, que tout ce qui est au monde..

  A016001461 

 Vives tous-jours toute a ce souverain Bien, ma tres chere Fille; c'est la priere ordinaire de.

  A016001493 

 Verum, ubi de Illustrissimae et Reverendissimae Dominationis Vestrae promotione a Reverendissimo Ecclesiae [159] vestrae Canonico qui huc Ordinationis gratia accesserat, deque cumulatissimis personae vestrae illustrissimae dotibus, paulo fusius ac uberius audivimus, tum vero tristitia nostra versa est in gaudium et luctus noster versus est in cytharam, ut nimirum Deo ingentes gratias ageremus quod lucernam suam in Hierusalem extingui non esset passus, sed pro patre filium excitasset quem constitueret super civitatem illam Sedunensem, quam et nos Sion appellamus..

  A016001495 

 Sic igitur, Illustrissime et Reverendissime Prsesul, quae intercepta videbatur antecessoris tui erga me amicitia, tua, quam ex litteris tuis video propensione, meoque ingenti desiderio, rediviva nunc laetior ac firmior futura est ac duratura.

  A016001505 

 C'est d'une tres profonde et particulière tristesse que mon âme a [158] été saisie et affligée à la mort de l'Illustrissime et Révérendissime M gr Adrien, votre prédécesseur, non seulement à cause de l'honneur que je portais à un tel Prélat et de la bienveillance dont il m'honorait en retour, mais principalement à cause de la perte prématurée que vient de faire, d'un si excellent Prince et Pasteur, la célèbre église de Sion et tout le pays de Valais, en un temps si fâcheux; car, selon nous, en fait de zèle et d'habileté pour défendre la religion des ancêtres et pour propager la foi catholique, l'Evêque défunt n'avait pas son pareil..

  A016001519 

 Verum, ubi de Ill mae et R mae Dominationis Vestrae promotione, a R do Canonico Ecclesiae Vestrae accepimus qui, etiam ipse, nos de dotibus quibus Deus omnipotens Vestram R mam Personam uberrime cumulavit, ad amussim quoad per eum fieri poterat edocuit, tum vero, Ill me et R me Praesul, tristitia nostra versa est in gaudium, aut, ut more Sacrae Scripturae dicam, versa est in cytharam, qua nimirum gratias plurimas Deo ageremus quod lucernam suam in Hierusalem non extinxisset, sed pro patribus filium nasci fecisset, quem constitueret principem super omnem illam terram tibique fausta ac salutaria praecaremur..

  A016001521 

 Sic ergo, Ill me et R me Praesul, quae intercepta mihi videbatur antecessoris tui amicitia, nunc rediviva tua, quam ex litteris tuis percipio propensione, firmior ac constantior futura est.

  A016001528 

 Une profonde et particulière tristesse s'est emparée de moi à la mort de l'Illustrissime M gr Adrien, prédécesseur de Votre Seigneurie Révérendissime et Illustrissime, non seulement pour le respect que je portais à un tel Prélat, ou pour la bienveillance dont il me gratifiait en retour, mais surtout parce que l'Eglise de Sion et tout le pays du Valais demeuraient privés d'un si excellent Prince et Pasteur.

  A016001529 

 Mais en apprenant la promotion de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime par un révérend chanoine de votre Eglise, qui nous a dit aussi de quels dons le Dieu tout-puissant a comblé abondamment votre Révérendissime personne, notre tristesse s'est changée en joie ou, afin de parler comme la Sainte Ecriture, en cythare, rendant à Dieu de grandes actions de grâces de ce qu'il n'avait pas éteint sa lampe en Jérusalem, mais de ce qu'il avait fait naître à la place des pères un fils, pour l'établir chef sur tout ce pays; en même temps, nous avons songé à vous adresser tous nos vœux de bonheur et de salut..

  A016001530 

 C'est alors que, par des amis (au nombre desquels M. de Quartery tient depuis longtemps la première place), nous avons fait parvenir nos félicitations à Votre Révérendissime Seigneurie, mais déjà le très [163] illustre et Révérend Abbé de Saint-Maurice nous avait, par lettre, salué de votre part..

  A016001541 

 Cependant, aymes moy tous-jours, et saches que personne du monde n'est plus que moy,.

  A016001560 

 C'est a tous propos, et pour cela presque hors de propos, que je vous importune des occurrences qui me viennent; mays la faveur de vostre bienveuillance m'asseure.

  A016001560 

 Je vous supplie donq, Monsieur, de me faire la grace que de me faire sçavoir si, toutes choses considerees, c'est une praetention digne d'estre relevee..

  A016001560 

 Or, la damoyselle qui praetend est ma parente, et pour me porter encor davantage, elle me veut donner la moytie de ce qu'elle pourroit avoir, pour estre employee en ceuvres pies.

  A016001561 

 Je vous escrivis il ny a que trois jours, et a M me de Charmoysi, qui me retiendra de vous entretenir davantage, estant mesmement presse du depart de ce jeune gentilhomme qui, par sa courtoysie, m'offre bien de retarder, mais il n'est pas raysonnable.

  A016001565 

 Monsieur de Charmoysi est a Chambery, ou il est rendu pour le passage du Cardinal d'Est, et se porte fort bien; qui est tout ce que je pourrois dire de plus aggreable a M me de [Charmoysi sa femme, ma cousine,] que je salue icy [avec vostre permission.].

  A016001577 

 Mais vous, ma Fille, qui ne pourrés pas chanter les louanges de ce Saint de nostre cœur, vous les ruminerés, comme l'Espouse, entre vos déns; c'est a dire, que vostre bouche estant close, vostre cœur sera ouvert a la meditation des grandeurs de cet Espoux de la Reyne de tout le monde, nommé Pere de Jesus, et son premier adorateur apres sa divine Espouse..

  A016001607 

 Cette lettre, ma tres chere Fille, vous est recommandee, ne sçachant a qui mieux en faire l'addresse a cause [171] du passage du cousin.

  A016001618 

 Il est vray que le dernier proposé sera d'abord de moindre despense et plus promptement executé.

  A016001619 

 Toutefois il n'est pas raysonnable que mon opinion soit suivie, car je n'entens rien en tout cela; ouy bien a cherir pretieusement ma tres chere et tres bonne Mere comme moy mesme.

  A016001620 

 C'est pour obeir que j'escris ceci..

  A016001660 

 C'est pourquoy Vostre Majesté a regardé l'eglise de Gex, qui est sur le fin bord du royaume, et la voyant extremement miserable, luy a ordonné aumosne de trois cens escus; pour laquelle je vay maintenant [176] en esprit, avec tous les Catholiques de ce lieu-la, en faire action de graces a vostre charité royale, Sire, laquelle nous supplions en toute humilité nous vouloir donner la jouissance de ce bienfait duquel nous avons des-ja la concession, pour laquelle nous implorerons a jamais la souveraine bonté de Nostre Seigneur qu'elle conserve et prospere Vostre Majesté en l'abondance des graces celestes..

  A016001660 

 Rien n'est caché a la chaleur du soleil en ce monde; rien n'est non plus esloigné du soin des bons Rois en leurs monarchies.

  A016001661 

 C'est le souhait perpetuel,.

  A016001682 

 C'est seulement aussi pour vous saluer cherement, ma tres chere Fille, que mon cœur souhaite toute sainte, et par consequent toute tranquille, toute juste, toute douce en la poursuite que vous aves a faire maintenant, sachant bien qu'une once de douceur et de charité emmi le soin d'un proces en vaut dix mille parmi les ordinaires occupations.

  A016001682 

 Je vous escris un billet par ce que c'est sans loysir, a cause quil me faut escrire en beaucoup de lieux.

  A016001683 

 La chere niece est accouchee heureusement d'un gros garçon, bien nourri et fort vif, et delivree de sa fievre et de ses autres incommodités.

  A016001698 

 Comme que ce soit, Dieu vous comble de prosperité, avec madame ma cousine et tout ce qui vous est plus cher, et j'ay l'ordinaire honneur,.

  A016001711 

 Mays du despuis, ayant sceu que Vostre Altesse avoit jette ses yeux et son desir sur Ripaille pour le mesme effect, je m'en suis infiniment res-joui; et en toute humilité je la supplie d'en ordonner au plus tost l'execution, affin que nous voyons en nos jours la pieté restablie en un lieu qui a esté rendu tant signalé par celle que Messeigneurs les predecesseurs mesmes de Vostre Altesse y tint si saintement et honnorablement prattiquee; asseurant qu'en meilleures mains le genereux et pieux dessein de cette restauration ne pourroit estre confié, qu'en celles d'un Ordre si ferme et constant comme est celuy des Chartreux, lequel, ayant tous-jours esté des son commencement fort obligé a la serenissime Mayson de Vostre Altesse, luy a aussi reciproquement tous-jours esté et est tres affectionné et dedié..

  A016001724 

 Or sus, ce pendant allés bien doucement sur le pavé de Chambery a la sollicitation de vostre affaire; mais je dis bien doucement, car c'est l'importance.

  A016001725 

 Madame nostre seur de Bons est a la Visitation, mais je ne l'ay encor point veuë.

  A016001736 

 Je ne pense pas qu'il y ait excommunication, [185] car il n'est venu a aucun effect porté par les Canons.

  A016001737 

 L'amour que je porte a mes amis, mais specialement au cher mari, me fait herisser les cheveux en teste quand je sçai qu'ilz sont en tel peril, et ce qui me tourmente le plus, c'est le peu d'apparence qu'il y a qu'ilz ayent le vray desplaysir qu'il faut avoir de l'offense de Dieu, puis qu'ilz ne tiennent conte de s'en empescher a l'advenir.

  A016001738 

 Procurés donq que le cher mari se confesse, car encor que je ne pense pas qu'il soit en excommunication, il est neanmoins en un terrible peché mortel, duquel il faut qu'il sorte soudain; car l'excommunication ne se contracte qu'avec les effectz, mais le peché se contracte par la volonté..

  A016001749 

 Je vous supplie de voir la lettre de nostre monsieur de Sainte Catherine et me faire sçavoir, si pourtant vous en aves connoissance, quell' est la sentence dont il fait mention en la 2 me ligne, comm'aussi sil seroit asses tost pour escrire que l'on pourroit bien accepter Monseigneur de Lion pour commissaire; car, a ce que je voy, cela faciliteroit beaucoup l'affaire, et M me de Goffier a receu une lettre de M me l'Abbesse du Paraclit [187] qui oste tout le scrupule qu'elle pouvoit avoir sur la personne de mondit seigneur l'Archevesque..

  A016001763 

 Il est impossible de se treuver demain a 9 heures, car ni madame Vulliat ne sçauroit estre preste, ni je ne sçai comment nostre fille le pourroit estr'aussi, attendu quil faudroit partir au fin moins a trois heures de mattin.

  A016001774 

 Le bien de la venue des Peres Barnabites en cette ville est de si grande consideration, que Vostre Altesse, [189] laquelle l'a si saintement desiré, le fera sans doute puissamment reüscir, non obstant les petites difficultés qui se presentent, qui ne procedent que d'une bonne affection, a laquelle Vostre Altesse donnera, sil luy plait, la mesure et discretion; en sorte que si le Pere General des Barnabites ne pouvoit ouctroyer la dispense qu'on requiert, sa Congregation ne laissast pas pour cela d'estre introduite dans ce college ou, en [190] tous evenemens, ell'apportera un'utilité incomparablement plus desirable que tout ce qui s'y est fait jusques a present..

  A016001819 

 Et puis, [193] vous ne regardés pas, comme je pense, ma personne, mais cet Ordre sacré duquel elle est doüee, qui est le premier de tous les Ordres en l'Eglise, de laquelle vous aves cet incomparable honneur et bonheur d'estre un membre vivant, et non seulement vivant, mais animé de l'amour sacré, qui seul est la vie de nostre vie, comme vos bons desirs tesmoignent..

  A016001819 

 Mays la nature mesme, qui est si sage, a bien fait une pareille singularité en une plante que les arboristes nomment communement le filz avant le pere, parce qu'elle pousse son fruit avant ses fleurs.

  A016001820 

 Mais son cher enfant Joseph, devenu vice roy en Egypte, il l'appella son filz avec un amour si plein d'honneur, que, pour ce grand honneur, il est dit que mesme il l'adora; car si bien ce fut en songe, ce ne fut pas en mensonge, mais en verité, que ce grand gouverneur d'Egypte avoit veu, lhors de son enfance, que son pere, sous le signe du soleil, luy faysoit une profonde reverence que l'Escriture Sainte appelle du nom d'adoration..

  A016001821 

 C'est pourquoy je n'adjousteray point au nom de Filz celuy de Monsieur, sinon quelquefois, parce qu'il n'en sera pas besoin, l'un estant plus exquisement compris en l'autre qu'il ne sçauroit estre exprimé..

  A016001833 

 J'ay sceu tout ce qui s'est passé pour l'assemblee des trois Estatz de vostre balliage au prejudice de celuy [195] des trois qui a tous-jours esté le premier et le plus favorisé en France, et lequel estant sous ma charge pour ce quartier la, permettes moy, Monsieur, que je me plaigne a vous premierement, et que je vous supplie de voir si ce tort se pourra reparer entre vous et ces bons ecclesiastiques, avant que le devoir de ma charge m'oblige de m'en douloir ailleurs.

  A016001834 

 Il n'est pas raysonnable de mettre Dagon sur l'autel avec l'Arche de l'alliance: Dieu l'a declaré..

  A016001846 

 Au reste, j'ose dire que c'est une chose estonnante des maux qu'il a souffert en tout son cors, et l'espace de plusieurs moys, estant contraint de demeurer dans une mesme posture corporelle, mais avec une pieté et une patience si remarquable, que nous le pouvons nommer le Job de nostre famille.

  A016001846 

 Nous venons de rendre icy les derniers devoirs a feu mon tres cher frere de Boisy: il est trespassé despuis peu entre mes bras; je luy ay fermé les yeux et la bouche, mais il [195 bis ] m'avoit ouvert son cœur d'une maniere si chrestienne dans le Sacrement de Confession, que j'ay de grans sujetz d'esperer que Dieu a receu son ame dans les douceurs de sa misericorde.

  A016001855 

 Au demeurant, je suis icy aupres de ce Prince comme n'y estant point, dautant que la multitude des affaires que cette levee d'armees luy donne m'empesche de pouvoir si souvent jouir de lhonneur de sa presence, comme peut estre je ferois en un'autre sayson; laissant a part le viel enseignement: Episcopum in caulis, non in aulis invenire par est.

  A016001858 

 Ces bonnes Dames de la Visitation escrivent a madame ma cousine, d'une petite ambition qui leur est venue, en laquelle pourtant elles regardent a la gloire de Nostre Seigneur.

  A016001890 

 Je seray bien ayse que vostre curé absente, car il est de ceux la desquelz la residence est plus nuysible aux brebis que l'absence; et je mettrois volontier pour terme de son congé, jusques a ce qu'il soit meilleur et plus sage, mays cela le fascheroit.

  A016001906 

 Non certes, Monsieur, je ne suis nullement delicat, amant les ceremonies, les complimens; non, pas mesme [203] les offences ne gastent rien avec moy, si elles ne sont faites et appostees expres pour ruiner l'amitié (je parle de l'amitié, et non de la commune charité que rien ne doit ruiner); car celles qui proviennent de negligence, de foiblesse, d'inconsideration, voire mesme de quelque soudaine passion d'ire, de courroux et de haine, il me semble qu'un'amitié un peu forte les doit supporter, en consideration de nostr'humanité qui est sujette a ces accidens..

  A016001908 

 Mays il est mieux de n'avoir mesmement pas a craindre les ombres en françois, comm'on ne les craint pas en espagnol..

  A016001931 

 Qu'a jamais cette Bonté divine soit loüee, qui luy mesme s'est rendu une source d'eau vive au milieu de vostre compaignie; car a ceux qui s'addonnent a la tressainte orayson, Nostre Seigneur est une fontayne en laquelle on puise par l'orayson l'eau de lavement, de refrigere, de fertilité et de suavité..

  A016001932 

 Dieu sçait, ma tres chere Seur, quelz sont les monasteres esquelz ce saint exercice n'est point prattiqué; Dieu sçait quelle obeyssance, quelle pauvreté et quelle chasteté y est observee devant les yeux de sa divine Providence, et si les assemblees des filles ne sont pas plustost des compaignies de prisonnieres que de vrayes amoureuses de Jesus Christ.

  A016001934 

 Le frere N. est un vray ignorant, mais ignorant qui sçait plus que beaucoup de sçavans; il a les vrays fondemens de la vie spirituelle, et sa communication ne vous peut qu'estre utile.

  A016001938 

 En particulier, ce m'a esté de la consolation de sçavoir la bonté et vertu de vostre Pere confesseur, qui, avec un esprit vrayement de pere envers vous, cooperée a vos bons desirs et est encor bien ayse que les autres y contribuent.

  A016001939 

 Je resaluë mes cheres Seurs Anne et Marie Salomé, et me res-jouis dequoy elles sont entrees en cette Religion [208] en un tems auquel la vraye et parfaite pieté commence a y refleurir; et pour leur consolation, je leur dis que leur parente M me des Crilles, qui est maintenant novice a la Visitation, tasche aussi fort de son costé de s'avancer en Nostre Seigneur..

  A016001950 

 Que bienheureux est vostre cœur, ma chere Fille, qui se dedie a un'affection si juste et si sainte! Plus nous irons avant, plus nous reconnoistrons la grandeur de la grace que le Saint Esprit nous fait de nous donner ce courage.

  A016001951 

 Salues, je vous prie, de ma part, M me de la Flechere, et toutes deux ensemble M me d'Aiguebelette, si ell'est la..

  A016001965 

 Helas, ma tres chere Fille, que dires vous de ce pere qui tarde tant a respondre? Certes, ce n'est pas faute de memoyre, et moins de volonté, mays j'ay un peu douté ou vous esties jusques des il y a trois jours, que je sçai que vous estes la..

  A016001968 

 Le pauvre M. de Charmoysi est tous-jours entre les mains des medecins, sans voir goute, mais avec bonne esperance de voir, Dieu aydant.

  A016001982 

 Les meilleurs moyens pour exprimer cette passion sont ceux dont vous me gratifies, pourveu que l'on y entende une merveille que j'appellerois miracle, si je n'en estois l'ouvrier, apres Dieu et vostre commandement: car ordinairement, l'amour paternel est puissant parce qu'il descend comme un fleuve qui prend sa source de la pente; mais en nostre sujet, le mien, qui sort de ma petitesse, en remontant a vostre grandeur, il prend vigueur a la montee et accroist sa vistesse en s'eslevant: c'est parce que, si les autres se [212] contentent de ressembler a l'eau, celuy-ci est comparable au feu.

  A016001983 

 Il est juste et equitable que ceux qui vivent ne vivent pas pour eux mesmes, mais pour Celuy qui est mort pour eux.

  A016001983 

 Une grande ame, Monsieur, pousse toutes ses meilleures pensees, affections et pretentions jusques dans l'infini de l'eternité; et puisqu'elle est eternelle, elle estime trop bas ce qui n'est pas eternel, trop petit ce qui n'est pas infini, et surnageant a toutes ces menues delices, ou plustost a ces vilz amusemens que cette chetifve vie nous peut presenter, elle tient les yeux fichés dans l'immensité des biens et des ans eternelz..

  A016001984 

 Monsieur, a mesure que vous connoissés que l'air de la cour est pestilent, usés soigneusement de preservatifz.

  A016001984 

 Que bienheureuse est la peyne, pour grande qu'elle soit, qui nous delivre de la peyne eternelle! Qu'aymable est le travail duquel la recompense est infinie!.

  A016001992 

 Mays ce tems est [214] ainsy fait, il ne produit pas les choses bonnes et desirables qu'avec plusieurs travaux de ceux qui les entreprennent, et au contraire, le mal s'avance sans culture, par la propre malice de cet aage..

  A016001993 

 Que vous seres heureux, Monsieur, si ce reste de vos jours, que je souhaite grans et bons, vous appliques de plus prez vostre ame a son Principe, dans le repos d'une vie a moytié solitaire, telle qu'est celle que vous faites de deça en comparayson de Paris et de la cour.

  A016002005 

 Je me res-jouis, certes, de vos victoires; car, quoy que l'on sçache dire, c'est la plus grande gloire de Dieu que [215] nostre Ordre episcopal soit reconneu pour ce qu'il est, et que cette mousse des exemptions soit arrachee de l'arbre de l'Eglise ou on void qu'elle a fait tant de mal, ainsy que le sacré Concile de Trente a fort bien remarqué.

  A016002005 

 Mais je regrette pourtant que vostre esprit patisse tant en cette guerre, en laquelle, sans doute, il n'y a presque que les Anges qui puissent conserver l'innocence; et qui tient la moderation emmi les proces, le proces de sa canonization est tout fait pour luy, ce me semble.

  A016002005 

 Neanmoins, quand la necessité le requiert et que l'intention est bonne, il faut s'embarquer sous l'esperance que la Providence mesme qui nous oblige a la navigation, s'obligera elle mesme a nous conduire..

  A016002006 

 Tout mon plus grand desplaysir, c'est de voir qu'en fin en fin cette amertume de cœur, que vous me depeignés, vous ravira d'aupres de nous et me ravira une des plus pretieuses consolations que j'eusse, et a ce peuple un bien inestimable; car, des Prelatz affectionnés, il en est si peu!.

  A016002009 

 Je voy bien, Monseigneur, par vostre lettre et par [216] celle de M. de N., qui, en verité, est mon amy et bon pere tres singulier, que nous ne sçaurions conserver les libertés ecclesiastiques que les Ducs nous avoyent laissees es pais estrangers.

  A016002010 

 Ce n'est pas, non, avec un esprit d'impatience ni de murmuration que je dis cecy; car je me resouviens tous-jours que ista mala invenerunt nos quia peccavimus, injuste egimus..

  A016002010 

 Mais cependant, Monseigneur, puisque ce pauvre petit clergé de vostre evesché et du mien a le bonheur que vous parleres en son nom aux Estatz, nous serons delivrés de tout scrupule, si apres vos remonstrances nous sommes reduitz en la servitude; car, que pourroit-on faire davantage, sinon s'escrier au nom de l'Eglise: Vide, Domine, et considera, quia facta sum vilis? Quelle abjection, que nous ayons le glaive spirituel en main et que, comme simples executeurs des volontés du magistrat temporel, il nous faille frapper quand il l'ordonne et cesser quand il le commande, et que nous soyons privés de la principale clef de celles que Nostre Seigneur nous a donnees, qui est celle du jugement, du discernement et de la science en l'usage de nostre glaive! Manum suam misit hostis ad omnia desiderabilia ejus; quia viditgentes ingressas sanctuarium suum, de quitus prœceperas ne intrarent in ecclesiam [217] tuam.

  A016002012 

 Mon diocese est-il pas vostre, puisque je le suis si parfaitement? Populus tuus, populus meus..

  A016002013 

 De madame Folin, dites m'en un jour a loysir l'histoire, parce que gloriam Regis annuntiare justum est..

  A016002027 

 Or, il me dit que c'est cent florins annuelz, et on pourroit les donner tous-jours par provision et sans consequence.

  A016002029 

 C'est pitié que chacun veut avoir des volontés! Currebant, et non mittebam eos; et neanmoins ilz veulent que ce soit comme si on les avoyt envoyés.

  A016002042 

 Or sus, il faut rasseoir vostr'esprit, car cela n'est rien que nous ne sachions bien; car nous sçavons bien que nostre nature bouillonne en mille sortes d'aigreurs quand on nous attaque, et que nostr'amour propre nous suggere tous-jours asses de mauvayses affections contre ceux qui nous attaquent.

  A016002056 

 Mais je ne veux plus rien dire sur ce sujet, qui aussi m'est indicible; il me suffit que Dieu m'a fait cette grace, laquelle m'est tous les jours plus delicieuse, quand 0n me dit de toutes parts que vous vives a Dieu, quoy qu'emmi ce monde..

  A016002057 

 O Jesus mon Dieu, quel bonheur d'avoir un filz qui sçache par merveilles si bien chanter les chansons de Sion emmi la terre de Babylone! Les Israëlites s'en excuserent jadis parce que non seulement ilz estoyent entre les Babyloniens, ains encor captifs et esclaves des Babyloniens; mais, qui n'est point en l'esclavage de la cour, il peut emmi la cour adorer le Seigneur et le servir saintement.

  A016002068 

 Puisque le brevet requis pour la declaration de la nullité des vœux de madame de Gouffier vostre seur, est expedié en la sorte qu'elle a peu desirer, elle ne peut, ce me semble, mieux tesmoigner qu'elle n'a pas pourchassé sa liberté que pour la reengager plus heureusement a Dieu, qu'en s'approchant de vous pour prendre les resolutions convenables a son entiere retraitte, laquelle ayant choysie en ce lieu et en la compaignie qu'ell'a veüe et consideree plus d'un an, il m'est advis que je dois vous protester, Monsieur, que sa naissance, ses vertus [225] et ses saintes intentions luy ont acquis tout le service que je luy pourray rendre; et que si bien elle sera icy esloignee de la plus part de ses parens, elle sera neanmoins proche de plusieurs personnes qui les honnorent infiniment, et qui l'auront en une consideration si sainte et honnorable, que pour ce regard, Monsieur, vous n'aures nul sujet de blasmer son choix, auquel, puis qu'ell'a eu plus d'attention a contenter Dieu que de servir aux respectz humains, sa divine Majesté sans doute luy donnera toutes les benedictions qu'ell'en doit esperer, et en fera deriver sut vous quelque bonne part, si mes souhaitz sont exaucés: car je le ( sic ) feray toute ma vie pour vostre bonheur, et demeureray de tout mon cœur,.

  A016002083 

 Mais maintenant que les Peres Barnabites sont remis, cela dependra aussi d'eux: c'est pourquoy, s'il plaisoit a Monsieur de leur tesmoigner qu'il desire ce commun accommodement, il y a de l'apparence que la chose reusciroit, pourveu que le tesmoignage de son desir fust un peu bien exprimé.

  A016002085 

 Excusés moy, j'espere, cette confiance, Monsieur; c'est en qualité de.

  A016002115 

 Que dites vous, ma tres chere Mere, la Messe du P. Don Simplician vous sera-elle suffisante? Si cela n'est, je m'y en vay..

  A016002123 

 En quoy, toutefois, ni eux, ni moy, qui ay eu la charge d'en faire les propositions, n'avons rien eu en plus grande consideration que de faire les traittés de sorte que l'alliance et correspondance qui est et doit estre entre le college de Savoye Chappuysien de dela et celuy de deça, fut saintement et religieusement conservee en tout ce qui en depend; qui nous fait croire que non seulement vous aggreeres, mais que vous loüeres ce qui a esté fait et en favoriseres davantage ce college, puisque Dieu y sera mieux servi et la jeunesse mieux instruite..

  A016002140 

 Si que, tout ce qui est le plus a la gloire de Dieu doit estre suivi et aymé et poursuivi: c'est la regle de tous les vrays serviteurs du Ciel..

  A016002140 

 Vous faites extremement bien de tesmoigner une tres absolue indifference, car aussi est ce le vray esprit de nostre pauvre Visitation, de se tenir fort abjecte et petite, et de ne rien s'estimer sinon entant qu'il plaira a Dieu de voir son abjection; et partant, que toutes les autres formes de vivre en Dieu luy soyent en estime et en honneur, et, comme je vous ay dit, qu'elle se tienne entre les Congregations comme les violettes entre les fleurs, basse, petite, de couleur moins esclattante, et luy suffise que Dieu l'a creee pour son service et affin qu'elle donnast un peu de bonne odeur en l'Eglise.

  A016002141 

 C'est sans doute la plus grande gloire de Dieu qu'il y ayt une Congregation de la Visitation au monde, car elle est utile a quelques particuliers effectz qui luy sont propres; c'est pourquoy, ma tres chere Fille, nous la devons aymer.

  A016002142 

 Je suis bien ayse que vous logies aux Urselines: c'est une des Congregations que mon esprit ayme.

  A016002153 

 Ce sera, Dieu aydant, dans peu de jours, par le bon M. le contrerolleur Vulliat, lequel nous est demeuré de reste au partir de Monseigneur de Nemours et qui praetend, pourtant, d'aller tost a Lion mesme.

  A016002153 

 Et maintenant, c'est par M. de Foras, qui me promet de faire seurement tenir la lettre, que j'employe pour vous annoncer la venue de vostre despeche de Romme, mais despeche si bien faite, que si nous l'avions faite nous mesme nous ne l'aurions pas faite autrement.

  A016002154 

 Et pleut a Dieu que je peusse le loger en nostre chaire ce Caresme; mais il y a des-ja quelques moys que le P. Prieur de Saint Dominique est prié, et je n'oserois y bouger chose du monde..

  A016002154 

 Le bon M. de Sainte Catherine m'escrit quil a un peu despensé gros, mais je ne sçai pas que c'est: si je puis, je l'apprendray pour vous en tenir avertie.

  A016002154 

 Monseigneur le Nonce de France est deputé, et le lieu pour estre ouïe sera nostre pauvre chere Visitation; si que il y a toute sorte d'apparence que Monseigneur le Nonce me commettra, et que vous aures le commissaire le plus vostre et qui vous souhaite le plus de sainte consolation qui soit et puisse estre au monde.

  A016002157 

 Salues, je vous supplie, cherement de ma part le P. Grangier et le P. de Vilars, que j'honnore tous deux de toutes mes affections, comm'aussi le bon P. Philippe, en la bienveuillance duquel vous estes obligee de me conserver, puisque c'est par vostre entremise que j'y suis entré.

  A016002159 

 Mays n'oublies pas madame Vulliat; c'est une fille nouvelle que j'en ayme un peu tendrement..

  A016002172 

 O ma tres chere Fille, il ne l'abandonnera jamais, car quoy que nous soyons troublee et angoissee de ces impertinentes tentations de chagrin et de despit, si est-ce que jamais nous ne voulons quitter Dieu, ni Nostre Dame, ni nostre Congregation qui est sienne, ni nos Regles qui sont sa volonté..

  A016002173 

 Et ces deux filles de ces diverses meres se battent, et celle qui ne vaut rien est si mauvaise, que quelquefois la bonne a bien a faire a s'en defendre, et lhors, il est advis a cette pauvre bonne qu'elle a esté vaincue et que la mauvaise est plus brave.

  A016002173 

 L'autre, c'est une certaine Peronne Marie qui a une tres bonne volonté d'estre toute a Dieu, et pour estre toute a Dieu, d'estre toute simplement humble et humblement douce envers tous les prochains; et c'est celle ci qui voudrait imiter saint Pierre, qui estoit si bon apres que Nostre Seigneur l'eut converti; c'est cette Peronne Marie qui est fille de la glorieuse Vierge Marie et, par consequent, de bonn'affection.

  A016002173 

 L'une est une certaine Peronne, laquelle, comme fut jadis saint Pierre son parrein, est un peu tendre, ressentante et depiteroit volontier avec chagrin, quand on la touche; c'est cette Peronne qui est fille d'Eve et qui, par consequent, est de mauvaise humeur.

  A016002173 

 Mais, non certes, ma pauvre chere Peronne Marie, cette mauvaise la n'est pas plus brave que vous, mais ell'est plus afficheuse, perverse, surprenante et opiniastre; et quand vous alles pleurer, ell'est bien ayse, par ce que c'est tous-jours autant de tems perdu, et elle se contente de vous faire perdre le tems quand elle ne vous peut pas faire perdre l'eternité.

  A016002174 

 Reveilles souvent vostre cœur affin quil soit un peu sur ses gardes a ne se laisser pas surprendre; soyes un peu attentive a cet ennemi; ou que vous mettres le pied, penses a luy, si vous voules, car cette mauvaise fille est par tout avec vous, et si vous ne penses a elle, elle pensera quelque chose contre vous.

  A016002187 

 La mediocrité de nostre Visitation est propre pour estre grandement estendue et multipliee; les hautes et relevees Religions ne peuvent pas estre montees si aysement.

  A016002190 

 Je retourne a l'affaire de dela, et puisque je suis a parler, je ne me puis tenir de m'estonner dequoy il semble qu'on se soit comme caché des Jesuites; car au contraire, entre les biens des Congregations, au dessus des Religions, celuy la est de ( sic ) plus grans, que les Congregations peuvent fort aysement avoir l'assistence [245] des Peres Jesuites, comme la Congregation des Guastales, de Milan, celle de Castillon et plusieurs autres d'Italie, qui fleurissent en sainteté et perfection..

  A016002191 

 J'ay conneu la bonne M lle de Breauté avant qu'elle fut Religieuse; [246] c'est une ame des mieux faites qu'on puisse voir, et madame d'Alincourt a rayson de favoriser sa Religion, ce qu'elle pourra faire par mille moyens.

  A016002191 

 Quant a l'establissement des Carmelines, certes, il est desirable a Lion et en plusieurs lieux; mais pour cela, je ne voudrois pas ruiner l'autre dessein, et seroit mieux en faysant l'un de ne laisser pas l'autre.

  A016002192 

 Et pour le regard de vostre cœur, tenes le tous-jours bien en son devoir, c'est a dire en humilité, [amour] de vostre abjection, simplicité et douceur.

  A016002193 

 Ma tres chere Fille, il faut que j'envoye cette lettre a nostre Mere, et si, il est bien tard.

  A016002201 

 Il ni a moyen quelcomque de faire autrement, et l'importance est, que je ne vous sçauray pas seulement dire un mot de tout ce que j'ay fait aujourdhuy, sinon que j'ay pourtant un peu escrit dans le livre, que j'acheve..

  A016002222 

 Ce que je fay par ces quatre motz, de tout mon cœur, tant en consideration de la mere, qui est digne d'estr' assistee et qui est ma parente, qu'en consideration du filz qui, a mon advis, est plein de bonne volonté de reuscir en la crainte de Dieu..

  A016002242 

 Que si j'osois dire mes pensees sur les autres sujetz que Vostre Grandeur auroit de revenir, je luy marquerois le [253] desir ardent que Son Altesse Serenissime a eu qu'elle demeurast, auquel Vostre Grandeur correspondant par son retour, c'est sans doute qu'elle l'obligeroit non seulement a perseverer en l'amour plus que fraternel qu'ell'a tous-jours protesté envers icelle, mais elle en accroistroit extremement les causes, et par consequent les effectz..

  A016002243 

 Et donq, Vostre Grandeur ne seroit elle pas infiniment marrie de se treuver tant esloignee de Son Altesse et de ses Estatz? Ell'a voyrement commandé que le sieur de la Grange fit passer ses trouppes dela les montz, qui est un bon tesmoignage de la perseverance de Vostre [254] Grandeur au devoir qu'ell'a envers sadite Altesse; mais d'en esloigner sa personne tandis que la fievre de la guerre est en ses Estatz et qu'on ne sçait si Dieu permettra que nous y voyons arriver des acces perilleux, je ne sçai, Monseigneur, ce que l'on en pourra juger, au prejudice de l'affection que je sçai bien neanmoins estre immuable dans vostre cœur..

  A016002243 

 Je luy marquerois encor, qu'en cas que la guerre que Son Altesse Serenissime a sur les bras se rendit plus active et qu'elle passast jusques a quelqu'ardeur (ce que Dieu ne veuille), Vostre Grandeur, comme je pense, ne pourroit alhors retenir son courage quil ne la rapportast a la defense de ce sang, de cette Mayson, de cette couronne, de cet Estat dont ell'est et en quoy ell'a tant de part et tant d'interest, et ou manifestement vostre reputation, Monseigneur, presseroit vostre courage, si vostre courage, grand et bien nourri, ne prevenoit toute autre consideration, voyre mesme celle de la reputation.

  A016002253 

 Oseray-je, Monseigneur, supplier Vostre Grandeur de recevoir cette lettre comm'en confession, et si elle ne luy est pas aggreable, de la punir elle mesme par son exterminement, en conservant neanmoins son autheur, a cause de l'innocence et bonne foy avec laquelle il l'a escritte, en qualité d'invariable tres obeissant serviteur de Vostre Grandeur..

  A016002263 

 Il est vray que c'est un prestre qui me l'escrit, et par consequent peut estre mal instruit des nouvelles de cette qualité lâ; mays le retour du sieur de Corbonex esclarcira ce point.

  A016002264 

 Le bon curé ne sçait ce quil demande en la proposition quil fait faire audit sieur de Blonnay, car il parle contre Dieu et rayson: contre Dieu, par ce quil desire une symonie; contre rayson, par ce quil refuse un soulagement qui luy est offert gratuitement.

  A016002264 

 Le bon monsieur de Blonnay a beaucoup de bon desir pour vostre eglise de Rumilli, laquelle, a la verité, est des plus indevotement servie de tout ce pais.

  A016002266 

 L'epitaphe de notre bon M. Nouvelet est excellent et contient un abbregé de son histoire.

  A016002283 

 Hier, M lle de Monthouz, cousine germaine du cher [260] mary, entra a la Visitation pour faire le premier essay; et madame la Senatrice sa cousine l'amena, qui est aussi une bonne ame, et de la confession generale delaquelle j'ay receu bien du contentement pour les bonnes inspirations que j'ay veu en son esprit.

  A016002283 

 Mays la fille est certes brave, bien resolue et de bon esprit.

  A016002285 

 Le livre de l' Amour de Dieu est achevé, mais il le faut transcrire plusieurs fois avant qu'on l'envoye..

  A016002286 

 Nostre seur et la niece viennent faire icy l'hiver et prennent mayson a part; mon frere pourtant est maintenant un peu malade, a cause du tracas quil a fait parmi les affaires que ces trouppes de Monseigneur de Nemours nous donnent.

  A016002301 

 M. le senateur de Monthouz est ici, qui demain vous ira voir, ainsy qu'il m'a dit, et la cousine..

  A016002310 

 C'est que cette petite Province de la Mission a grandement besoin de predicateurs, et ne sçay ou donner de la teste pour en avoir, estant separee des autres Provinces, et n'ayant que des Italiens et Savoyards, ou Bressans.

  A016002311 

 C'est pourquoy, Monseigneur, je vous supplie tres humblement d'employer vostre authorité et dexterité pour empescher ce coup, le dessein duquel ne peut proceder que d'envie ou de telle tentation; car c'est honneur a l'estude de Paris d'estendre ses rameaux hors du royaume.

  A016002314 

 C'est par nostre M. de Medio que je vous escris, Monseigneur; il prendra, je m'asseure, playsir a vous dire nos petites miserables nouvelles.

  A016002314 

 C'est pourquoy, puisqu'aussi bien vous ay-je des-ja asses entretenu de nos menues affaires, je m'en remetz a luy, me contentant de me souscrire,.

  A016002327 

 Sic enim apudme constitutum est, Dominationem Vestram Ill mam et R mam omni veneratione ac sincera dilectione semper et ubique prosequi..

  A016002337 

 C'est ce qu'attend de moi Dieu notre Sauveur; il ne nous a faits si proches voisins, qu'afin que nous entreportions autant que possible les fardeaux l'un de l'autre.

  A016002338 

 C'est pourquoi, aussitôt que Votre Seigneurie Révérendissime m'aura fixé le jour, je ne manquerai pas de remplir très volontiers, dans la cérémonie de sa consécration, la fonction d'un promoteur [267] très aimant, et, je le désire, très aimé.

  A016002380 

 Je m'asseure que vous la recevres de bon cœur a cause de son merite, et qu'elle est fille de monsieur et madame de la Ruaz, a qui j'ay lhonneur d'appartenir..

  A016002393 

 Le cher filz vous bayse tres humblement les mains; il arriva hier, ainsy que nous entrions a table, c'est a dire a 5 heures..

  A016002405 

 Et par ce, Monseigneur, que le Valley estant si proche de Savoye et Piemont, ne peut estre qu'extremement utile aux affaires de Vostre Altesse, quand ell'en aura l'alliance et correspondance, j'ay pensé que cet advis estoit d'importance et que je le devois donner a Vostre Altesse, laquelle je supplie tres humblement de l'avoir aggreable, comm'encor que je luy die que ce jeune Prelat que nous venons de sacrer est de fort bonne esperance, devot, actif, de bon esprit et plus gentil que sa nation n'a pas accoustumé d'en produire, fort affectionné a Vostre Altesse, et qui attendoit avec honneur un anneau episcopal en present, de Monseigneur le Prince Cardinal, ainsy qu'on luy avoit fait esperer..

  A016002420 

 C'est pourquoy je la supplie d'envoyer ma lettre ci jointe au plus tost a sadite Altesse, a laquelle je ne dis pas que ces gens-la sont merveilleusement ombrageux et delicatz a entretenir, car elle le sçait bien; mays je luy eusse volontier dit qu'en suite de cela, ilz ont treuvé estrange que le seigneur Valdenghe n'ayt pas comparu au sacre de leur Evesque et a l'assemblee qui estoit assignee a ce jour la, puisque mesme on leur en avoit donné intention, comme aussi a Monseigneur de Syon que Monseigneur le Prince Cardinal luy envoyeroit son anneau episcopal.

  A016002420 

 Cest advis, Monsieur, est d'importance, comme Vostre Excellence jugera trop mieux.

  A016002422 

 Il falloit bien, Monsieur, vous dire tout, en gardant pour la bonne bouche que ce nouveau Prince et Evesque (car ilz l'appellent ainsy) est tout brave, devot, sçavant, gentil et courageux, fort serviteur de Son Altesse et ami de la Savoye..

  A016002438 

 Je luy respondray que la vocation de cette fille n'est pas mon œuvre, ains de Dieu, comme je pense; que je ne n'oserois contribuer une seule parole pour la ruiner.

  A016002438 

 Mays vous, ma tre chere Mere, escrives-luy fort doucement que vous n'aves rien contribué a la vocation et que vous craindries trop d'offencer Dieu en la dissuadant; qu'ell'est en sa liberté, delaquelle elle peut user a son gré, et que si Dieu la veut en nostre Congreation, ce vous seroit une grande charge de conscience a l'heure de vostre mort de la repousser; que vous la supplies de s'en accommoder a ce que Dieu en disposera.

  A016002449 

 Je vous puis asseurer que nostre chere Seur Françoise Gabrielle Bailly, vostre seur, m'est aussi chere que si c'estoit la mienne propre, sa pieté m'y ayant convié, et loue Dieu de ce qu'elle reçoit et donne beaucoup de consolation en la Congregation de nos cheres Seurs.

  A016002449 

 Nostre Mere d'icy l'ayme parfaitement, et nous voyons que c'est un vase bien poly, vuide, ouvert pour recevoir de [280] grandes graces celestes; car c'est une ame droitte, un esprit vuide et desnué de toutes les choses de ce monde, et qui n'a pensee ni dessein que pour son Dieu.

  A016002449 

 O qu'elle est heureuse en cet estat! car peu importe le tems passager a une ame qui aspire a l'eternité, et qui ne regarde ces momens perissables que pour aller en la vie immortelle..

  A016002450 

 Ah! mon cher Pere, mon Frere, vivons ainsy en ce petit pelerinage, joyeusement selon le gré de nos hostes, en tout ce qui n'est point peché.

  A016002450 

 Je sçai que vostre ame est de celles desquelles les yeux vont defaillans a force de regarder le sacré object de leur amour, disant: Quand me consolerés-vous?.

  A016002451 

 Ah! vray Dieu, mon cher Pere, moy qui ne fus jamais seulement bon clerc, m'appartient-il d'instruire les saintz Religieux? Portés doucement et amoureusement vostre croix, laquelle, a ce que j'entens, est asses grande pour vous combler de benedictions, si vous l'aymés..

  A016002452 

 Seulement je vous dis que c'est aujourd'huy le jour que je fus consacré a Dieu pour le service des ames; je solemnise tous les ans ce jour avec le plus d'affection que je peux, me consacrant de nouveau a mon Dieu.

  A016002463 

 J'ay repensé, ma tres chere Mere, au desir que M me de Gouffier a de vous venir prendre, et l'ay conferé avec ses lettres; et m'est venu en l'esprit que peut estre il ne seroyt pas si hors de rayson quil me sembloit d'abord, puisqu'elle son esprit si embarrassé et plein de choses qui l'affligent.

  A016002487 

 Mais dites donq un peu bien, ma tres chere Mere, comme vous vous estes portee, car le cœur de vostre filz, qui est le filz de vostre cœur, desire un peu de certitude de cela.

  A016002497 

 Quel bonheur, ma chere Mere, d'estre tout a luy, qui, pour nous rendre siens, s'est fait tout nostre! Mais il faut pour cela crucifier en nous toutes nos affections, et specialement celles qui sont plus vives et mouvantes, par un perpetuel allentissement et attrempement des actions qui en procedent, affin qu'elles ne se facent pas par impetuosité, ni mesme par nostre volonté, mais par celle du Saint Esprit..

  A016002498 

 Sur tout, ma chere Mere, il nous faut avoir un cœur bon, doux et amoureux envers le prochain, et particulierement quand il nous est a charge et degoust; car alhors nous n'avons rien en luy pour l'aymer, que le respect du Sauveur, qui rend l'amour sans doute plus excellent et digne d'autant qu'il est plus pur et net des conditions caduques..

  A016002506 

 Ce m'a esté un honneur extremement sensible d'avoir receu de vostre part ces riches et devotz Theoremes que le Reverend Pere Ange Le Blanc m'a remis; et si j'avois le riche parfumier ou cabinet des unguens que cet ancien prince Alexandre le Grand destina pour la garde des livres et escritz d'Homere, je le destinerois aussi a la conservation de ce beau present, lequel m'est d'autant plus pretieux que je n'avois garde de l'oser [286] esperer, puisque je n'ay pas mesme pensé que vous eussies sceu que je fusse au monde, ou estant, de vray, si peu de chose, confiné en ce recoin de nos montagnes, je me tiens pour invisible.

  A016002507 

 Et pleust a Dieu que tant de poetes chrestiens qui ont en nostre aage si dignement tesmoigné comme vous, Monsieur, la beauté de leur esprit, eussent aussi, comme vous, fait paroistre la bonté de leur jugement au choix des sujetz de leurs poëmes! La corruption des mœurs ne seroit pas si grande; car c'est merveille combien les discours resserrés dans les lois des vers ont de pouvoir pour penetrer les cœurs et assujettir la memoire.

  A016002507 

 Or, puisque non seulement il vous a pleu, Monsieur, de jetter vostre pensee et, ce qui est encor le plus, vostre bienveuillance sur moy, je vous supplie tres humblement de me continuer cette grace par la mesme courtoisie et bonté qui l'a fait naistre en vostre ame sans aucun merite de ma part; et si je ne puis par les effectz, au moins par affection je m'essayeray de correspondre a cette faveur, vous portant a jamais un honneur, ouy mesme (si vous me permettes ce mot) un amour tres particulier.

  A016002529 

 Or, d'autant que l'entreprise est grande et que c'est la premiere saillie ou production de nostre Mayson (que je desire qui ne produise rien que de bon), nous voulons y envoyer la cresme de nostre Congregation; et parce que nostre chere fille Marie Aymee est un de nos plus pretieux sujetz, je desire de la poser aux fondemens de ce nouvel edifice..

  A016002530 

 Et encor (pour parler un peu humainement a un pere qui ayme bien son enfant), cette mission est glorieuse a nostre fille, a laquelle je ne me baste point de demander si elle voudra aller, me tenant asseuré de son obeissance, comme je [289] suis asseuré de vostre resignation, et que vous le deves estre de l'affection fraternelle de.

  A016002530 

 J'espere que vostre pieté, mon cher Frere, vous fera volontier acquiescer a l'esloignement de cette chere fille, puisqu'il est requis a la gloire de Dieu.

  A016002537 

 Que s'il ne vous fait pas sentir la [290] douceur de son saint amour, c'est pour vous rendre plus humble et plus abjecte a vos yeux.

  A016002540 

 Et pour ces apprehensions qui vous arrivent, c'est l'ennemy qui, vous voyant a cette heure toute resolue de vivre en Nostre Seigneur sans reserve et sans exception, il fera toute sorte d'effort pour vous incommoder et rendre dure la voye de la sainte devotion.

  A016002551 

 C'est un grand cas de la malice de l'esprit humain! Rien ne nous donne tant de sujet de resignation [292] que la rencontre des diverses ruses dont il se sert a mal faire..

  A016002552 

 Je luy respons en sorte que je luy donne courage de demeurer, ne m'estant pas advis quil fut bon a l'office quil recherche, d'autant que c'est un esprit foysonnant de conceptions et fort porté aux extremités..

  A016002552 

 M. Charvet est un esprit jeune et ardent, et je le luy dis l'autre jour.

  A016002553 

 On n'est encor pas venu de Lion; nous attendons aujourdhuy des nouvelles.

  A016002567 

 Certes, ma tres chere Fille, son esprit n'est pas pour supporter un si grand tracas; et je voy que non seulement cela, mais il est pour se retirer de Rumilly.

  A016002580 

 Les ames que Dieu a rendu tout une sont inseparables, car, qui peut separer ce que Dieu a joint? Non, ni la mort, ni chose quelconque ne nous separera jamais de l'unité qui est en Jesus Christ, qui vive a jamais en nostre cœur.

  A016002585 

 Allons donq, ma tres chere Fille, avec un seul cœur, ou Dieu nous appelle; car la diversité des chemins ne rend rien de divers en nous, puisque c'est a un seul object et pour un seul sujet que nous allons..

  A016002585 

 Or sus, ma chere Fille, puisque Dieu est l'unité de nostre cœur, qui nous en separera jamais? Non, ni la mort ni la vie, ni les choses presentes ni les futures, ne nous separeront jamais, ni ne diviseront nostre unité.

  A016002603 

 Les Anges de dela, qui vous attendent, envoyeront a vostre rencontre leurs [297] benedictions, et vous regardent allant vers leurs lieux, avec amour, puisque c'est pour cooperer a leur saint ministere..

  A016002604 

 Tenés vostre cœur en courage, car, puisque vostre cœur est a Dieu, Dieu sera vostre courage.

  A016002608 

 O Dieu, que c'est une douce chose que d'avoir la sainte unité des cœurs qui, par une merveille inconneuë au monde, nous fait estre en plusieurs lieux, sans division ni separation quelconque..

  A016002623 

 Faites, ma chere Mere, faites bien l'amour a l'Espoux de vostre cœur sur le lit de douleur; car c'est sur ce lit la ou il a fait vostre cœur avant mesme qu'il fust fait au monde, ne le voyant encor qu'a son divin projet.

  A016002623 

 Helas! ce Sauveur a conté toutes vos douleurs, toutes vos souffrances, et a payé au prix de son sang toute la patience et tout l'amour qui vous est necessaire pour saintement appliquer tous vos travaux a sa gloire et a vostre salut.

  A016002647 

 Les deux premiers jours quil ne se vid plus soymesme, il demeura en une douce tendreté et quelques larmes; mais quand je le portay la premiere fois ou il avoit accoustumé de treuver son ame et quil ne l'y treuva plus, il fut saysi d'un estonnement nompareil qui luy a duré trois ou quatre jours et le resaisit souvent, c'est a dire quand il y pense par maniere de privation du bien quil ayme plus que tout autre du monde.

  A016002648 

 Je pense que cette fille croit que ce soit grand contentement d'avoir ces dentailles et ces colletz montans (vous voyes bien que j'en sçai quelque chose), et il la faut charger de cela; quand elle verra que cela n'est pas si grand feste, elle reviendra a soy.

  A016002652 

 Je salue de tout mon cœur nos Seurs de dela et leur souhaite un cœur doux, maniable, amiable, c'est a dire qu'elles ayt ( sic ) un cœur d'enfant, affin qu'elles [305] entrent au Royaume des cieux.

  A016002653 

 4 febvrier 1615, a Chasteaufort, ou dame Jane n'est, pas..

  A016002666 

 Or, puisque je ne puis faire ce voyage la qu'au gré de mon Prince, dans l'Estat duquel je vis et dois vivre, autre n'advenant, et que je ne voy rien qui me puisse promettre son aggreement pour cela, il faut que je prenne patience dans mon buisson, auquel, puisque Dieu y est comme ailleurs, il a dequoy se consoler..

  A016002672 

 J'attens de sçavoir que M. de Grenyer deviendra, car je ne sçai plus ou il est, sinon qu'il soit encor a Monpelier, attendant les nouvelles de son logement que vous luy avés impetré chez Monseigneur de Joyeuse..

  A016002682 

 C'est pourquoy je la supplie en toute reverence de l'embrasser avec cette pieté qui reluit en elle, et ne cessant point d'invoquer sur sa personne la grace celeste, je demeure a jamais,.

  A016002682 

 Vostre Altesse, Monseigneur, et en qualité de ce qu'ell'est de sa naissance et en qualité du rang qu'elle tient en l'Eglise, ne pourroit, a l'adventure, pas plus dignement loger son soin et son zele qu'en l'aggrandissement d'un œuvre si illustre, fructueux, saint et necessaire.

  A016002720 

 Ce que nous avons fait jusques a present est bon, mais ce que nous allons commencer sera meilleur; et quand nous l'aurons achevé, nous recommencerons une autre chose qui sera encor meilleure, et puis une autre, jusques a ce que nous sortirons de ce monde pour commencer une autre vie qui n'aura point de fin, parce que rien de mieux ne nous pourra arriver.

  A016002720 

 Il n'est jamais fait; il faut tous-jours recommencer, et recommencer de bon cœur.

  A016002720 

 Je vis les pleurs de ma pauvre Seur [Marie-Madeleine,] et il me semble que toutes nos enfances ne procedent d'autre defaut que de celuy ci: c'est que nous oublions la maxime des Saintz, qui nous ont advertis que tous les jours nous devons estimer de commencer nostre avancement ou perfection; et si nous pensions bien a cela, nous ne nous treuverions point estonnés de rencontrer de la misere en nous, ni dequoy retrancher.

  A016002721 

 Certes, ma tres chere Mere, vous voyes que mon cœur et le vostre propre est plein de ce sentiment, puisqu'il verse ces paroles, quoy qu'il soit sans loysir et qu'il n'y eust pas pensé..

  A016002722 

 C'est pourquoy le grand Apostre s'escrie: Celuy qui se recommande soy mesme n'est pas appreuvé, mais celuy que Dieu recommande..

  A016002723 

 La presence de cette sacree Humanité remplira toute vostre mayson de suavité, et c'est une grande consolation aux ames qui sont attentives a la foy, d'avoir ce thresor de vie proche..

  A016002736 

 Mon cœur vous entretient de ses pensees et mes pensees s'entretiennent le plus souvent de vostre cœur, qui est, certes, un mesme cœur avec le mien..

  A016002738 

 Dieu, qui est l'ame de nostre cœur, ma tres chere Mere, nous veuille a jamais remplir de son saint amour.

  A016002739 

 Croyés que ce m'est un martyre bien grand de ne pouvoir gaigner le tems requis; neanmoins j'avance fort, et croy que je tiendray parole a ma tres chere Mere..

  A016002750 

 Et tandis, vous pourres, Monsieur, et elle aussi, user des viandes convenables a vostre santé, selon que monsieur Burin vous aura dit, puisque son filz est venu sans l'attestation mentionnee, laquelle aussi n'estoit pas necessaire..

  A016002752 

 Monseigneur de Nemours a envoyé ces jours passés un gentilhomme pour solliciter promptement une information contre mon frere le chevalier, sur une effrontee [316] imposture que l'on avoit faite contre luy, qui est encor tout malade.

  A016002771 

 La nuit est un mauvais tesmoin, et les voyages et œuvres de la nuit sont sujetz a de mauvaises rencontres, [317] desquelles nul ne peut respondre.

  A016002772 

 C'est pourquoy les Princes ne se peuvent pas [318] dispenser de suivre cette methode, y estans obligés a peyne de la damnation eternelle..

  A016002772 

 Ilz donnent quelquefois des rescritz qui sont emanés par obreption et surreption; c'est pourquoy ilz les renvoyent a leurs cours, Senatz et Conseilz, affin que, parties ouÿes, il soit advisé si la verité a esté teuë, ou la fauseté proposee par les impetrans, desquelz les belles qualités ne servent a rien pour exempter leurs accusations et narrés de l'examen convenable, sans lequel le monde, qui abonde en injustice, seroit tout a fait despourveu de justice.

  A016002773 

 Elle a fait justement de les recevoir, si elle ne les a receuës que dans ses aureilles; mais si elle les a receuës dans le cœur, elle me pardonnera si, estant non seulement son tres humble et tres fidele serviteur, mais encor son tres affectionné, quoy qu'indigne Pasteur, je luy dis qu'elle a offencé Dieu et est obligee de s'en repentir, voire mesme quand les accusations seroyent veritables; car nulle sorte de parolle qui soit au prejudice du prochain ne doit estre creuë avant qu'elle soit preuvee, et elle ne peut estre preuvee que par l'examen, parties ouyes.

  A016002782 

 Cela m'est insupportable, a moy qui ay tant d'inviolables affections a ce Prince, et duquel j'ay si doucement autrefois savouré la bonté.

  A016002783 

 Quel mal leur fait-on, ni a vous, disent les meschans? On nous ravit le bien le plus pretieux que nous ayons, qui est la bonne grace de nos Princes, et puis on dit: Quel [320] mal vous fait-on? Mon tres cher Frere, est il possible que Sa Grandeur m'ayme, qui, ce semble, prend playsir aux rapportz qu'on luy fait de mes freres, puisqu'il a des-ja treuvé que c'estoit ordinairement des impostures, et neanmoins il les reçoit, il les croit, il fait des demonstrations de tres particuliere indignation?.

  A016002784 

 C'est crime par tout le monde de haïr le prochain; icy, c'est crime de l'aymer.

  A016002784 

 Certes, mon cher Frere, j'ay de la gloire d'estre aymé par vous et d'estre passionné pour vous; mais puisque mon malheur est si grand, pour Dieu, ne disons plus mot des-ormais.

  A016002784 

 Messieurs les Collateraux, gens hors de reproche, sont reprochés par authorité extraordinaire, seulement parce qu'ilz m'ayment de l'amour qui est deu a tous ceux de ma sorte.

  A016002794 

 Ce porteur est une lettre vivante qui vous exprimera mieux que je ne puis faire sur ce papier, de quel cœur je vous honnore et cheris.

  A016002809 

 Je seray bien marry si ce pauvre homme est mauvais, mais sil l'est, il faudra pourtant le chastier,.

  A016002809 

 Je vous prie de sçavoir que c'est, et apres avoir parlé audit Pelliex, sil vous est advis quil soit a propos, je vous prie d'informer.

  A016002825 

 La ville d'Annessi recourt a la bonté de Son Altesse pour une gratification, laquelle ci devant luy avoit des-ja esté accordee, et delaquelle la continuation luy est dautant plus necessaire que ses incommodités ont pris beaucoup d'accroissement.

  A016002838 

 Et par ce que leur intention, comme je pense, est fort juste et honneste, je n'ay sceu les esconduire; qui me fait vous supplier de les avoir en protection autant comme vous jugerés que vous puissies, sans vostre incommodité, les ayder et favoriser..

  A016002839 

 Je pensois vous faire cette supplication en presence, selon l'esperance que monsieur vostre mari nous en avoit fait concevoir; mais puisque ce bien ne nous est pas arrivé, estant pressé par ces pauvres desolees, je fay cet office en cette sorte, et vous conjurant de me conserver vostre bienveuillance et celle de monsieur vostre mari, je me nomme, comme je suis et seray pour jamais: c'est, Madame,.

  A016002850 

 Helas! ce n'est pas que je n'aye de fort bons desirs de bien servir cette bonne compaignie de servantes de Dieu; mais il faut que la divine Providence, qui m'a dedié a nostre chere Congregation, me donne quelques particuliers mouvemens quand je la sers.

  A016002850 

 Ma Seur Anne Jacqueline, qui est icy et qui me vient de bayser la main de vostre part, veut que je commence cette lettre par sa salutation.

  A016002850 

 O que [327] Dieu est admirable, ma tres chere Mere, et que nous sommes bien heureux d'avoir un grand desir de le servir!.

  A016002851 

 Elle m'a fait une grande feste et, en peu de paroles, elle m'a fort contenté, me disant qu'elle vouloit devenir une femme forte et de courage, contre tous ces petitz attendrissemens sur elle mesme dont elle est souvent touchee.

  A016002857 

 C'est avec peu de paroles, mays avec une extreme affection, que mon cœur salue le vostre, ma tres chere [328] Mere.

  A016002867 

 Quoy que ce soit par nostre M. de Medio que je vous escris, ma tres chere Mere, si est ce que je vous escris [329] sans loysir et avec empressement, car sçachés que je ne pensois pas qu'il partist si tost; et outre cela, je suis tellement embesoigné du livre, que tout le tems que je puis gaigner bonnement, je l'employe la.

  A016002869 

 Il est requis que vous mangies des œufz, et n'y a personne, ce croy-je, qui s'en puisse maledifier..

  A016002870 

 C'est pourquoy, je vous demande ainsy des feuilles que je leur [330] puisse monstrer, et a M. de Thorens et au neveu.

  A016002873 

 C'est a dire, si un pere, si un frere desiroit d'estre visité, je voudrois que, selon la grandeur de la maladie, la distance du lieu, la qualité de la mayson, on advisast si on devra plusieurs fois visiter, si avec service et assistance, si en carrosse, ou en tems qu'on ne rencontre pas des gens, si c'est une mayson ou il y ayt grand abord, ou une mayson de devotion, et ainsy du reste.

  A016002874 

 Ceux avec lesquelz on confere ou on se confesse ainsy quelquefois par occasion ou rencontre, ne sont ni confesseurs ordinaires ni extraordinaires, mais confesseurs de devotion: or, estans gens qualifiés, il n'est pas besoin de demander licence.

  A016002884 

 Il faut que je vous parle a cœur ouvert, car a qui donq? Despuis que je suis en cette charge d'Evesque, rien ne [333] m'est arrivé qui m'ayt tant affligé que ce mouvement fait ces jours passés par les scindiques et plusieurs des habitans de Sessel, contre la pieté et la justice.

  A016002885 

 Je suis donq affligé si cette violence n'est reprimee, car elle croistroit tous les jours davantage; d'ailleurs, je suis aussi affligé si on chastie cette mutinerie, parce que les mutins sont mes diocesains et enfans spirituelz.

  A016002887 

 En somme, il me semble que cette insolence est trop publique pour estre dissimulee, trop fascheuse pour demeurer impunie, trop dangereuse pour n'estre pas reprimee.

  A016002912 

 Ma tres chere Mere, quel moyen de vous escrire a souhait? Mays c'est bien asses que je salue vostre cœur maternel comme le mien propre, avec le plus grand et le plus solide amour qui puisse estre..

  A016002913 

 Et pour mon pauvre cher esprit, qui est un peu travaillé de distractions en l'orayson, que luy diray-je, sinon quil se garde bien des empressemens, quil se tienne fort en la confiance de son Dieu, qu'il se repose en sa providence pour toutes choses, acquiesçant doucement aux evenemens; et puis, si les distractions nous tracassent, ce sera l'un des evenemens quil faudra recevoir, non pour le nourrir, mais pour le souffrir doucement.

  A016002913 

 Ma tres chere Mere, aymes tous-jours bien vostre pauvre chere ame que j'ay, car j'ayme sans mesure, sans fin, hors de toute comparayson et au dessus de tout ce qui s'en peut dire, ma tres chere ame que vous aves: c'est a dire, aymons bien cette tres unique ame et vie quil a pleu a Dieu dé nous donner pour son service..

  A016002916 

 Mille salutations a nos cheres Seurs qui sont la et, ma tres chere Mere, un peu bien cherement et tendrement a ma chere fille de Chatel, qui sçait bien que je l'ayme, et ma chere Seur de Blonnay, qui est ma fille, et a la pauvre grande fille Jeanne Marie Elizabeth, qui est bien avant dans mon cœur, qui est le vostre propre, ma tres chere Mere.......[Dieu] vous benisse.

  A016002933 

 Je sçai combien est juste le ressentiment d'indignation que vous aves eu contre le sieur de Barraux, et le cœur m'en a fait grand mal, ne m'estant peu tenir de luy en faire la correction et tesmoigner que j'avois part au desplaysir quil vous avoit donné, dautant plus que je m'estois res-joui dequoy il avoit espousé une damoyselle qui est ma parente, sur lhonneur quil a d'estre le vostre si proche.

  A016002933 

 Que si j'osois, j'adjousterois encor mon intercession, que vostre extreme bienveuillance envers rnoy rend hardie et forte, et en fin, la sousmission quil fait, ne desirant sa reconciliation aupres de vous que pour accoyser les remors quil a de vous avoir desagreé, et recouvrer lhonneur le plus pretieux quil ayt en ce monde, qui est d'estre advoüé de vous vostre tres humble serviteur..

  A016002935 

 Il est fort gentil, l'esprit vif et qui ayme tendrement la sainte liberté quil a apprise parmi les pages; mais on tasche de luy en faire gouster un'autre un peu plus sainte et, petit a petit, on y proffite parce quil est bon enfant.

  A016002935 

 Nostre jeune M. des Hayes est icy tout apprivoysé avec le college.

  A016002954 

 En somme, il faudra fort condescendre aux volontés de Monseigneur l'Archevesque, pourveu que l'on treuve moyen d'eviter la consequence; car c'est une regle tres salutaire que celle la, de ne recevoir point avant l'aage competent, pour oster toute excuse au repentir, s'il en venoit.

  A016002955 

 Mays, pour me charger de soin quelcomque d'affaires, helas! vous sçaves comme moy mesme quel homme je suis pour cela: c'est a dire, que je ne suis pas homme pour cela.

  A016002959 

 Elles ont madame de Chasteaufort, madame [345] la Baronne de Chastelard et madame de la Flechere, la vefve; troys bonnes et braves hostesses, dont la premiere parle fort de revenir un jour du tout, et l'autre est mariee, mais une perle.

  A016002959 

 Nos Seurs ne sçavent pas que j'escris, car c'est par la voye de Chamberi.

  A016002959 

 Son mary est filz du Baron de la Serraz; fille de madame Mont Saint Jean..

  A016002960 

 Hier, je fis le sermon de la Passion en deux heures et demie; nos hommes disent que c'est chose extraordinaire..

  A016002983 

 O qu'il est quelquefois bon d'estre affligé pour estre consolé, d'estre privé de ce que l'on ayme pour treuver ce que l'on doit aymer!.

  A016003000 

 Ce n'est pas que je vous appelle sainte quand je vous parle d'accroissement de sainteté en vous; non certes, ma tres chere Fille, car il n'appartient pas a mon cœur de flatter le vostre.

  A016003009 

 Bien que ce laquay aille expres, ma chere Mere, si est ce qu'il part en un tems auquel je suis fort pressé.

  A016003010 

 Or, quant a vous, je m'imagine que des-ormais l'aage et la petitesse de vostre complexion vous tiendront souvent alangourie et foible; c'est pourquoy je vous conseille de vous fort exercer en l'amour de la tres aymable volonté de Dieu et en l'abnegation des contentemens exterieurs et en la douceur parmi les amertumes.

  A016003021 

 Mais puisqu'il l'est, je ne le desire plus..

  A016003022 

 Reste nostre filz qui, en verité, a un cœur fort bon et l'esprit encor meilleur; mais, comme vous le dites, Monsieur, il est un peu friand et brillant, et pour cela nous tascherons de l'occuper fort.

  A016003023 

 Je suis marri que nostre College n'est encor pas en si bon terme comme la bonté et suffisance de ces Peres qui le gouvernent maintenant nous promet qu'il sera bien tost.

  A016003023 

 Mays puisque nous aurons l'honneur de vous [354] voir dans quelque tems, nous parlerons un peu ensemble de tout ce qui est requis pour la bonne conduitte de ce cher enfant, qui est fort aymable et qui reuscira, comme j'espere, extremement bien.

  A016003024 

 Il suffit qu'en ces trois ou quatre petites rencontres, Dieu a tous-jours favorisé la cause du plus foible; je pense que c'est pour advertir le plus fort de n'estre pas si vigoureux..

  A016003041 

 Ce porteur, gentilhomme de [356] marque, est mon parent, et je le pourray bien sçavoir par son retour..

  A016003042 

 Le Pere Dom Henry, Prieur de vostre Monastere de Chambery, est icy, qui prescha hier a la Visitation.

  A016003043 

 C'est, a la verité, une fille que je cheris fort, et qui m'a bien donné de la consolation des il y a dix ans que Dieu voulut qu'elle prist confiance en mon ame; quand vous la verres, je vous prie de la saluer.

  A016003044 

 Nostre Visitation croist «en nombre et merite.» Madame de Chantal est a Lion, avec madame Favre, madame de Chastel et madame de Blonay, pour l'erection d'une Mayson que Monseigneur de Lyon y a desiree..

  A016003059 

 Ma Mere, helas! c'est sans loysir quelcomque; imagines vous que c'est un billet pour une dame qui veut entrer.

  A016003060 

 Dieu, qui est nostre unité, soit a jamais beni..

  A016003060 

 J'escriray par la premiere commodité, mays [c'est] plustost un eschantillon de commodité que j'employe pour saluer mille fois un cœur maternel, de toute mon affection filiale.

  A016003061 

 Vives joyeuse en ce divin Jesus, qui est le Roy des Anges et des hommes.

  A016003068 

 Que vous soyes la ou icy, helas! qui nous peut separer de l'unité qui est en Nostre Seigneur Jesus Christ? En fin, c'est chose desormais, ce me semble, qui n'adjouste plus rien pour nostre esprit, que nous soyons en un ou deux lieux, puisque nostre tres amiable unité subsiste par tout, graces a Celuy qui l'a faite.

  A016003070 

 L'experience me fait voir que rien n'est si utile aux servantes de Dieu, quand elle sera prattiquee selon nos Regles..

  A016003082 

 O que mon ame, des plusieurs jours en ça, est pleine de nouveaux et puissans desirs de servir le tres saint amour de Dieu avec tout le zele qu'il me sera possible! La vostre, ma tres chere Mere, qui n'est qu'une mesme chose, en fera de mesme; car, comme pourroit-elle avoir diverses affections, n'ayant qu'une mesme vie et une mesme ame?.

  A016003084 

 Il ne faut que bien fermer la [361] chambre sur nous, c'est a dire, retirer de plus en plus tout nostre cœur en cette divine Bonté..

  A016003093 

 Helas! vous pouves penser ce que mon ame est a ma Mere et ce que l'ame de ma Mere est a la mienne.

  A016003094 

 Monsieur Grandis a eu peine a se resoudre d'aller, [362] par ce quil tenoit, d'un costé, la maladie n'estre pas dangereuse puisqu'elle est intermittente, et de l'autre, que les medecins de dela auroyent desja fait tous les remedes quand il arrivera.

  A016003094 

 Neanmoins, en un'occasion de si grande consequence, en fin il s'est resolu.

  A016003095 

 Tout ce que Dieu ordonnera sera receu, moyennant sa grace, avec resignation; l'unité de mon ame avec celle de cette Mere n'est pas pour cette vie seulement, mais principalement pour l'autre..

  A016003105 

 Nous attendons certes avec une devote impatience M. du Crest, qui n'est encor point arrivé, pour [363] sçavoir un peu de vos nouvelles, car je m'imagine que nous en aurons a force, et par le sire Pierre aussi, par lequel je vous avois envoyé des lettres pour M. des Hayes, ouvertes, affin que vous les vissies.

  A016003107 

 Or sus, c'est bien asses, car je vous ay escrit ce jourdhuy mesme au matin par M. Grandis, par lequel nous attendons force lettres, et grandes; car, puisqu'il vous ira voir en arrivant et que ses affaires le retiendront un peu la, vous aures bon loysir d'escrire..

  A016003120 

 Ce mot part a l'impourveu pour saluer vostre chere ame, que je cheris comme la mienne propre; aussi l'est elle en Celuy qui est le principe de toute unité et union..

  A016003123 

 Je ne vous diray rien davantage, sinon que je me porte [365] mieux, et que mon cœur va mieux qu'il n'est pas allé il y a long tems; mais je ne sçai pas si sa consolation vient des causes naturelles ou de la grace..

  A016003131 

 Et puis, quand il en viendra d'autre, si M. de Vallon est treuvé propre pour le recevoir, comme je pense qu'il le soit, nous le luy baillerons..

  A016003139 

 Et comme pourroit on croire que ce brave cœur, qui avoit esté nourri des sa jeunesse en la pieté, et qui avoit en bonne partie entrepris cette si grande separation de tout ce qui luy estoit plus cher pour le zele du service de Dieu, n'ayt aussi esté tres specialement secouru de la grace d'iceluy en son dernier jour, lequel, selon sa profession, il a fini dans les termes de son devoir? Certes, lhonneur de cette mort est extreme, et la posterité la louera sans fin..

  A016003139 

 Il faut advoùer que cet evenement si inopiné est capable de troubler les espritz les plus resoluz de ceux qui ont aymé un peu affectionnement [368] ce brave et genereux frere, et rien que le souverain respect que nous devons a la Providence eternelle, qui ne fait jamais rien que saintement et sagement, ne nous sçauroit mettre en repos sur cet accident.

  A016003140 

 Je pense bien qu'a la fin elle le sçaura, car le bruit respandu penetrera jusques a ses oreilles par quelque rencontre; c'est pourquoy il seroit bon de la praeparer tout bellement a cet assaut, lequel, puisqu'elle ne peut eviter, on pourroit luy donner par apres, quand on auroit un peu fortifié son ame.

  A016003158 

 O que mon ame est en peyne de vostre cœur, ma tres chere Mere, car je le voy, ce me semble, ce pauvre cœur maternel, tout couvert d'un ennuy excessif; ennuy toutesfois que l'on ne peut ni blasmer ni treuver estrange, si on considere combien estoit aymable ce filz, duquel ce second esloignement de nous est le sujet de nostre amertume..

  A016003159 

 Ma tres chere Mere, il est vray, ce cher filz estoit l'un des plus desirables qui fut onques; tous ceux qui le conneurent, le reconneurent et le connoissent ainsy.

  A016003159 

 Mais n'est-ce pas une grande partie de la consolation que nous devons prendre maintenant, ma tres chere Mere? [370] car en verité, il semble que ceux desquelz la vie est si digne de memoire et d'estime, vivent encor apres le trespas, puisqu'on a tant de playsir a les ramentevoir et representer aux espritz de ceux qui demeurent,.

  A016003160 

 Cette sorte de fin est excellente, et ne faut pas douter que le grand Dieu ne la luy ayt rendue heureuse, selon que, des le berceau, il l'avoit continuellement favorisé de sa grace pour le faire vivre tres chrestiennement..

  A016003160 

 Et voyla, ma tres chere Mere, que, sous le bon playsir de la Providence divine, il est parti de cet autre monde pour aller en celuy qui est le plus ancien et le plus desirable de tous, et auquel il nous faut tous aller, chacun en sa sayson, et ou vous le verres plus tost que vous n'eussies fait s'il fust demeuré en ce monde nouveau, parmi les travaux des conquestes qu'il pretendoit faire a son Roy et a l'Eglise.

  A016003161 

 Consolés vous donq, ma tres chere Mere, et soulagés vostre esprit, adorant la divine Providence qui fait toutes choses tres suavement; et, bien que les motifz de ses decretz nous soyent cachés, si est-ce que la verité de sa debonnaireté nous est manifeste et nous oblige a croire qu'elle fait toutes choses en parfaite bonté..

  A016003162 

 Mays en attendant l'heure [371] de faire voyle, apaysés vostre cœur maternel par la consideration de la tressainte eternité en laquelle il est et de laquelle vous estes toute proche.

  A016003162 

 Vous estes quasi sur le despart pour aller ou est cet aymable enfant; quand vous y seres, vous ne voudries pas qu'il fust aux Indes, car vous verres qu'il sera bien mieux avec les Anges et les Saintz, qu'il ne seroit pas avec les tigres et barbares.

  A016003163 

 C'est l'orayson la plus aggreable que nous puissions faire a Celuy qui en fit une pareille sur la croix, a laquelle sa tressainte Mere respondit de tout son cœur, l'aymant d'une tres ardante charité..

  A016003178 

 J'eusse bien desiré de vous donner quelque bonne nouvelle en contrechange, mays je n'ay sceu; car encor que monsieur le President et messieurs les freres et seurs se portent fort bien, si est ce que Nostre Seigneur a retiré a soy le bon oncle, monsieur l'advocat, le jour mesme de l'Ascension, pour bon presage quil luy feroit part du Ciel auquel il estoit monté, menant la captivité captive.

  A016003194 

 Et quant a nous, ce nous est un honneur si grand, Monseigneur, qu'il excede tout remerciement; de sorte que ce que nous pouvons faire, c'est d'offrir journellement a Dieu nos petites oraisons pour la conservation et prosperité de Vostre Altesse, pour, en quelque maniere, corespondre a l'estroite obligation que nous avons a la bonté de Vostre Altesse Serenissime, a laquelle faysans en toute humilité la deüe reverence, nous [serons a] sommes,.

  A016003203 

 C'est un honneur pour nous si grand, Monseigneur, qu'il excede tout remerciement; de sorte que ce que nous pouvons faire, est d'offrir journellement a Dieu nos petites oraisons pour la conservation et prosperité de Vostre Altesse, en quoy nous essayerons de corespondre a l'estroite obligation que nous y avons, et a nous tesmoigner, avec toute reverence et fidelité,.

  A016003210 

 Des il y a long tems, vostre charité et pieté m'estant conneue par la reputation qu'elle s'est acquise en nostre [376] France, elle l'est maintenant beaucoup plus par lhonneur que Vostre Illustrissime Grandeur me fait en une affaire que la divine Majesté a permis, ou plustost ordonné, vous estre tumbee entre les mains, pour mon bonheur et advantage; puisque je ne pouvois rencontrer ni une plus grande, ni une plus utile et necessaire faveur que celle quil plaira a vostre bonté, Monseigneur, me departir, et laquelle me licentiant, ce me semble, de representer encor de rechef sur ce papier ma necessité, je ramenteveray en toute humilité a Vostre Illustrissime Grandeur, comm'il y a des-ja quelques annees, pendant son sejour en France, je m'essayay me rendre sous vostre authorité pour le sujet dont il est maintenant question; et sachant bien que de moy je ne meritois pas cet honneur, je fus favorisee de Monseigneur le Duc de Nevers, lequel vous fit offrir quelques supplications [377] pour moy.

  A016003224 

 Ce que Monseigneur l'Archevesque de Lion ayant recommandé a Monseigneur l'Evesque de Geneve, qui est le Pasteur de ce lieu, il a esté jugé expedient de devoir estre accordé, attendu que, par la grace de Dieu, nostre nombre est des-ja asses grand pour pouvoir exercer cette charité, de sorte que troys des nostres sont deputees pour aller dresser cette nouvelle mayson, lesquelles toutesfois, cela estant fait, reviendront icy ou elles se sont premierement donnees a Dieu..

  A016003224 

 Et presque a mesme tems, un nombre de dames vertueuses, filles de la ville de Lion, qui, pour quelque digne sujet, estoyent venues icy l'annee [379] passee et avoyent veu nos exercices, inspirees, comme il est a croire, du Saint Esprit, desirant eriger une mayson de nostre Institut et ayant preparé ce qui est requis a cette intention, nous ont en fin demandé de leur envoyer de nos Seurs pour leur servir de conduite en leur sainte entreprise.

  A016003236 

 Ayant conferé avec mes Freres de ce que vous m'aves communiqué pour le regard [des] habitz qui furent jadis a Ripaille, nous n'avons jamais sceu treuver qu'ilz ayent esté remis en depost ceans; et si, ne pouvons croire que s'ilz nous avoyent esté confiés, Son Altesse voulut, apres tant de tems, les nous oster, puisque l'eglise a laquelle ilz appartenoyent n'est point en estre pour les repeter, et que nous ne sommes pas moins ses tres humbles et tres obeissans orateurs qu'aucuns autres ecclesiastiques de ses Estatz.

  A016003270 

 Mais aussi ne le faut il pas dire la nuit, puisque sa Bonté le mettra bien tost au jour, et fera dire a plusieurs, voire a tous, ce que maintenant je dis avec le Prophete que vous aymez tant, Monseigneur: Tu m'as donné a conoistre les choses non sceuës et secrettes de ta sapience; voicy que la joye de mon salutaire m'est renduë, puis que tant d'ames seront confirmees de l'esprit principal dans la Visitation, que mon ame visite si souvent par ses souhaits a Dieu; car, Monseigneur, j'estime que si je pouvois servir ceste sainte Congregation, ce seroit vous tesmoigner que je suis.

  A016003281 

 Ce n'est plus une Baronne, c'est une Sulamite; toute cette contree reste pleine de la douce odeur de ses celestes vertus; nos Religieuses de Dijon, comme les filles de Sion, l'annoncent bienheureuse, et toutes nos dames la loüent hautement..

  A016003281 

 Ce n'est plus une Judith que nostre madame de Chantal, c'est une sainte Paule; toutes ses actions font voir l'operation de Dieu en son ame et les traces de vostre direction.

  A016003291 

 C'est l'eslancement que je poussois tous les jours vers le Ciel, estant a l'autel, pour la santé de celuy qui m'a enhardy et donné le courage de m'approcher tous les jours de ceste Table sacrée..

  A016003291 

 Quid facient virgultae cum tremunt columnæ? O Dieu, gardez de la mort celuy dont la vie est si necessairement necessaire; plustost, ostez de la vie celuy qui la traine si inutilement et dont les actions sont si miserables.

  A016003292 

 En fin, quand je voy que la charité, dont l'ordre est le desordre, vous a fait postposer l'indisposition de vostre corps à celle de mon cœur pour me tracer des douceurs dans le plus espais de vos douleurs, meslant la myrrhe avec les aromates, comme l'Espouse sacrée et sucrée, je ne peux dire autre chose, sinon que: Si je ne vous puis respondre par paroles, face le Ciel que je vous puisse au moins correspondre d'affection!.

  A016003292 

 La matiere, car certes, telle que l'eau à la terre seiche, elle m'est arrivée pour desalterer mon desir et me rasseoir, opprimé d'une violente esmotion d'esprit.

  A016003294 

 Et pourquoy n'attendray-je de vous en esté ce que je vous ay rendu emmy les rigueurs de l'hyver? Il est vray que j'allois apprendre de vous et vous rendre quelque eschantillon de mon devoir..

  A016003295 

 Venez seulement quand et comment il vous plaira; mon cœur est de si longue main preparé à cherir le vostre, que si le premier mouvement que les Stoïques pardonnent à leur inflexible sagesse donne quelque esmotion au sens par la surabondance de la joye, la partie superieure, partie de l'ame, n'en sentira aucune nouvelle impression.

  A016003296 

 Il ne pleut pas tousjours, tousjours le ciel n'est couvert de nuages;.

  A016003300 

 Dieu est fidelle, et il envoye la robe selon l'hyver, le vent selon le ( sic ) voile, l'adversité selon la patience et la tentation selon la force.

  A016003300 

 Il nous essaye comme l'or par la coupelle, comme le soldat par les combats, comme le pilotte par les tempestes; il est avec nous en la tribulation, et nous tient, comme la nourrice l'enfant trotinant, par les longes, prest de nous relever de nos tresbuchemens..

  A016003308 

 L'Infante Duchesse de Mantoüe, ma fille, est toute joyeuse de se voir choisie pour estre protectrice d'une si vertueuse compagnie et saincte assamblee, le service de laquelle Nous aurons a cœur d'un soin tout extraordinaire, excité par l'amour particulier que Nous avons a vostre personne, et par la vertu que l'on Nous raporte reluire en ces bonnes Dames, pour l'edification de la province.

  A016003331 

 Et est facile a chequ'un de voir en quel grand danger et doubte doibvent estre lesdictz Estatz voysins, comme aussy noz royaumes frontiers, et par consequent tout le Sainct [393] Empire romain, sy Nous ne taschons de repoulser et empecher ce tyran en la defence de ces dictz pais, contre lesquels il va de plus [en plus] accroisant sa mauvaise volunté pour avancer la ruine, qu'il desire, du Christianisme; et semble avoir desja rencontré et empoigné les commodités pour executer sa tyrannique volunté et cruelz desseins..

  A016003332 

 Ou bien, estant V. R. empechee par l'indisposition de sa personne (que Dieu ne permette) ou par quelque ( sic ) aultres importantz affaires, de se treuver en personne, que ce soit par procureur, avec ample instruction et charge, affin que les communs affaires dudict royaume se puissent resouldre, et les malheurs desquelz il est menassé, empecher par l'asistance des Princes Electeurs et autres Princes et Estatz et par la vostre.

  A016003333 

 Or, puis que pour la conservation de la religion et paix de l'Empire, il est necessaire qu'ilz soient faictz des edictz, loix et ordonnances qui seront inviolablement gardees et observees sellon leur portee, affin que par ce moyen touttes les menees, factions, forces [394] et inquietudes qui se font en icelluy puissent estre empechees et aneanties, et a ces fins vous avons, il y a desja quelque temps, mis le tout en avant; comme aussy plusieurs aultres incommodités, qui desja vous furent proposees a la derniere diette et qui se vont tout le ( sic ) jours de plus accroissantz et augmentantz, Nous offrantz Nous mesme pour touttes les dictes necessités Nous emploier en tout et par tout sellon ce qui sera trouvé expedient et resoulu par tous lesdictz Princes et Estatz en ladicte assemblee.

  A016003342 

 Et d'aultant que la perfection de ce bon œuvre Nous est fort à cœur, Nous avons estimé de l'appuyer à vostre pieté et zele que vous avez toujours monstré à l'avancement de la vertu, ennemye de l'oysiveté, en laquelle bien souvent la jeunesse se pert.

  A016003399 

 Le Reverend Pere Maillan qui, comme vous savez, est a Lion, m'escrit qu'il trouve en madame de Chantal tout ce que l'on loüe es saintes vefves qui l'on devancee, et quil luy semble, quand il luy va parler, qu'il va dans l'oratoire de la devote et genereuse Judith, tellement tout y respire le Ciel et l'esprit d'oraison.

  A016003442 

 Vray est que le pacquet que ne luy voulutes addresser, M. Trabichet le luy addressa, auquel estoient touttes ces lettres du bon Pere Diego; j'ay donc receu trois des vostres tout a coup, du 21, 22 et 29 decembre, ensemble la procure et lettres pour l'Ambassadeur et M. d'Albon, auxquelles je vous respondray tant amplement que le loisir le me permettra.

  A016003445 

 Et maintenant, pour commencer, je suis fort en peine, car il est du tout impossible de ce faire sans une grande despense, car il faut faire escrire in jure et facto, et païer, etc., comme vous sçavez; car ce sieur d'Albon est fort prattique, et peut, mais il est si attaché au gain, qu'il ne veut travailler sans estre paié.

  A016003445 

 Il m'a bien dict que pour ce qui est de faire des services de sa personne, qu'il le fera; mais c'est tout froidement, car il croioit que cecy seroit une cause ou il y auroit a gaigner.

  A016003446 

 Il est marry de ce que M. de Savigny ne faict point d'estat de luy si non quand il en a besoin; et quand a ces memoires que je vous manday de sa part, avec le reste de ses louanges, rogatus rogabam.

  A016003446 

 Il fera quelques diligences et tout ce qu'il pourra, pourveu qu'il ne faille ny debourser ny escrire, car il m'avoit des-ja promis de faire le...; mais il s'est excusé, voiant la pauvreté.

  A016003448 

 J'avois demandé qu'on la fit au Procureur general de Sainct Paul et au Dom Constantino, car c'estoit le mieux; car ce Procureur est un grand personnage qui, en brief, sera faict Abbé, et, a ce que j'ay conneu, il n'a pas gousté de se voir a la queue de deux autres Procureurs.

  A016003448 

 M. de Savigny a faict bonne procure, mais il n'y a pas mis tout ce qui est necessaire, car il nous commet en façon que l'un ne peut rien sans l'autre, et quod unus cœperit, alter prosequi poterit; et ny est pas aussy la... substitutionem.

  A016003448 

 Touttesfois, il n'a laissé pour cela de me promettre, hier mattin, que demain il s'en iroit expres treuver le Procureur general des Feuillantz, et luy mostrer la copie de la procure que j'ay transcrit en italien, et luy dire tantum que s'il ne desiste de telle sollicitation (puisque il est prié de M. de Savigny et constitué Procureur), qu'il prendra la chose en main a bon escient.

  A016003451 

 De luy dire: En cas que Son Altesse vueille, etc.; que deviendront, etc.? Cela est tout clair que ceux qui sont reformés ne seront jamais chassés, mais seulement les autres, ains seroient ad vitam dans leur monastere, au moins s'ilz y vouloient demeurer; mais M. le Prieur n'a point du tout de volonté d'y demeurer.

  A016003451 

 Je n'y peux faire autre que de informer le Dataire, ce qui va a la longue, pour les grandes occupations ou [il] est.

  A016003452 

 Dieu et de ce grand Pere des moines, sainct Benoit; mais avec tout cela, je suis tout preparé de recevoir avec toutte sorte d'actions de graces, de patience et mortification, tout sinistre evenement qui pourroit arriver, puis que c'est chose asseuré que Dieu permet tout pour le mieux.

  A016003452 

 Mais ce n'est point pour cela que je perde courage; mais il est impossible que je ne resente grand'affliction en mon esprit en semblables occurrences.

  A016003455 

 La responce au memorial que j'ay donné pour M. de Sirvinges est: Unusquisque maneat in sua vocatione, car, si e buon Religioso, [407] procuri di corregere et ammaestrare li altri; si è discolo, peggio sarà essendo fuori del monasterio..

  A016003457 

 Cet ( sic ) du tout un bon personnage et qui nous est du tout amy; vere Israelita in quo dolus non est.

  A016003458 

 Dieu soit loüé! Je luy ay donné grand nombre de lettres; et dempuis son despart, le tems a tous-jours esté tres-beau et serain, et l'est tous-jours, Dieu mercy.

  A016003483 

 Et pour ce, Nous vous disons de faire promptement ladicte remission, par contract autentique, sans y aporter difficulté ny longueur, moins en attendre de Nous plus particulier commandement, puis que telle est Nostre [410] volonté.

  A016003496 

 C'est pourquoy Nous escripvons aux Scindics de le remettre entre leurs mains, avec tous les biens, revenus, apertenances et aultres droictz d'iceluy, et vous exhortons d'y aporter toute la facilité qui dependra de l'aucthorité que vous y avés, a celle fin de ne retarder ung si grand bien que non seulement la ville, mais toute la province en doibt ressentir.

  A016003514 

 Et m'a particulierement dit que sadite Altesse luy est redevable des exactions extraordinaires et logement de gendarmerie faite ( sic ) contre l'ordre des contrats et transactions passez entre eux et ses predecesseurs, plus d'ung million d'or.

  A016003515 

 Il est aussy extraordinairement pressé par le Duc de passer les monts sans attendre M. de Rambolliet, mais il s'est resollu de n'en rien faire que nous n'ayons de vos nouvelles.

  A016003516 

 Il m'a librement dit deux choses touchant le voiage de monsieur de Rambolliet, dont je desire vous avertir: l'une est, qu'ayant [413] connoissance de long temps dudit sieur de Rambolliet, il c'est resollu de ne luy communicquer son dessein, parce quil s'assure quil le descouvriroit a S. A., afin de pouvoir avec plus de facilité negotier ce quil aura a faire avec elle; et si c'estoit si bien au retour, il n'en feroit aucune difficulté.

  A016003516 

 L'autre est que, quand ledit sieur de Rambolliet luy conseillera d'aller trouver Leurs Magestez en poste soudain quil l'aura veu, il ne se peut faire sans savoir l'effet de son voiage, et sil sera utile en se ( sic ) pais au service de Leurs Magestez, et dissimulera en attendant, sans rien rompre avec sadite Altesse, suyvant ce que je luy ay dit de vostre part; si bien que, de cela et de toute autre chose, il attendra ce quil vous plaira luy conseiller..

  A016003517 

 Ledit Prince est fort consiensieux, et cela, plus que toute autre chose, est capable de l'esmouvoir; a quoy nous n'oublierons rien pour troubler tous ses desseins..

  A016003517 

 Nous verrons aussy si nous pourrons nous confier a quelqu'un pour faire parler au Prince de Piedmont, qui est veillé de tous costez, et sera difficile de le pouvoir faire, si ce n'est par le moyen de quelque ecclesiastique partial d'Espagne, qui luy represente le peril quil y a de voir la religion nouvelle introduitte dans les terres de son pere, qui semble y incliner du tout.

  A016003518 

 Tout ce lieu [est] plain d'espions pour prendre garde a ses actions, et ny a que la seule arrivee de l'Ambassadeur qui le maintienne en confiance et honneur.

  A016003549 

 Or, comme depuis un moys en ça ou environ, le Docteur de Bay, President du College par deça, est allé de vie a trespas, et que nous ne sommes bien informés de la fondation de par dela, n'avons pour le present sceu resoudre sur le faict de la dicte incorporation, ains tiendrons la dicte resolution preste pour le premier retour du porteur de ceste..

  A016003557 

 Messieurs, en suivant le pouvoir que nous est octroyé par la [416] fondation, nous conformant aux conditions prescrites par icelle, avons esleu pour President, en la place de feu Bayus, sire Jean Massen, prebtre, licencié en la saincte Theologie, ayant l'espace de quatorze ans regenté louablement le Pedagoge de la Fleur de Lys, esperant qu'il donnera contentement a touts en la regence de nostre College de Louvain..

  A016003595 

 C'est François de Sales qui nous apprend cette curieuse particularité: «Au reste, ma chere Fille, celuy qui a destourné, ramene maintenant ses congregees a leur premier dessein.

  A016003600 

 Celle-ci emportait quelque chose de plus précieux encore que les bénédictions affectueuses d'un Saint: elle avait avec elle les Constitutions écrites de la propre main du Fondateur, c'est-à-dire la législation toute céleste qui devait donner l'âme et la vie aux Monastères de l'avenir..

  A016003602 

 Les «damoyselles» de Valence et Boivin ne s'engagèrent pas dans la Congrégation, mais devinrent Religieuses du Tiers-Ordre de Sainte-Elisabeth, qu'elles contribuèrent [426] beaucoup à fonder à Lyon, et «où elles ont fort bien réussi;» tant il est vrai «qu'il y a diverses demeures en la maison de notre Père céleste, et que la paix de chaque âme consiste à connaître celle que la Providence lui a destinée.».

  A016003611 

 Si donnons en mandement à noz amez et feaulx, les gens tenans nostre court de Parlement à Paris, Seneschal de Lyon ou son Lieutenant, et à tous nos autres Justiciers quil appartiendra, que du contenu en ces presentes, ilz ayent à faire jouir lesdictes exposantes plainement, paisiblement et perpetuellement, sans permettre ny souffrir quil leur soyt sur ce faict, mis ou donné aucun trouble ou empeschement au contraire; car tel est nostre plaisir.


17-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVII-Vol.7-Lettres.html
  A017000017 

 — C'est au Saint-Esprit de pousser les âmes comme il lui plaît.

  A017000017 

 — La vie en dehors de Dieu est une mort.

  A017000068 

 — Quelle « affaire d'Estat » s'est traitée entre Mgr de Marquemont et l'Evêque de Genève.

  A017000073 

 — La Visitation est « une fontaine sacree.

  A017000090 

 — Une fondation est désirée à Chambéry.

  A017000152 

 — Quand est bonne la défiance de soi; quand redoutable.

  A017000152 

 — Quelle est la plus rare vertu.

  A017000177 

 Un fermier qui promet ce qui n'est pas à lui.

  A017000199 

 Le destinataire est prié de vouloir bien résigner sa place de chanoine en faveur d'un digne ecclésiastique. 185.

  A017000207 

 — Sentir des répugnances à la vertu n'est pas manquer d'amour.

  A017000224 

 — Contre les tentations au sujet de l'état de vie où l'on est embarqué.

  A017000231 

 — Est-ce hypocrisie « de ne pas faire si bien que l'on parle? » — Marcher « par le milieu des belles vertus, » et non « par les extremités » des subtilités.

  A017000268 

 Mays que, puisque monsieur de Charmoysi et monsieur de Vallon estoyent icy, c'est a dire se devoyent voir le jour suivant, que c'estoit a eux de le renvoyer, si bon leur sembloit.

  A017000270 

 Je voy vos enfans qui se font gentilz, et ne me semble pas que vous en deves estre en peyne; outre que M. Rosset, qui s'est veu a la veille d'estre hors de sa condition avec quelque deshonneur, s'evertuera de faire tous-jours mieux.

  A017000271 

 Au reste, nostre Mere est guerie, avec une grande consolation de voir arriver quantité de damoyselles et dames vefves bien qualifiees, qui demandent place en la Congregation.

  A017000288 

 Il est vray, j'ay sursis de vous escrire si souvent, pour le respect que je doy a vos affaires, sans que pour cela j'aye laissé de desirer et demander souvent des asseurances de vostre santé.

  A017000306 

 Est-il possible que nous chantions eternellement le cantique de gloire au Pere, au Filz, au Saint Esprit? Ouy, l'ame de ma Mere le chantera es siecles des siecles.

  A017000307 

 Gloire soit au Pere, au Filz et au Saint Esprit, de l'assemblee qu'il a faite de tous ces cœurs pour son honneur; mais, helas! que de confusion pour le mien qui a si peu fidelement cooperé a une si sainte besoigne! Or sus, cette mesme tressainte Trinité, qui est une tres souveraine bonté, nous sera propice, et nous ferons des-ormais sa volonté.

  A017000317 

 Ayant receu vostre lettre et le message que l'on m'a fait de vostre part, je vous diray que je connois fort distinctement les qualités de vostre cœur, et entre toutes, son ardeur et force a aymer et cherir ce qu'il ayme: c'est cela qui vous fait tant parler a Nostre Seigneur de ce cher trespassé, et qui vous porte a ces desirs de sçavoir ou il est..

  A017000318 

 Or, ma chere Mere, il faut reprimer ces eslancemens, qui procedent de l'exces de cette passion amoureuse; et quand vous surprendres vostre esprit en cet amusement, il faut soudain, et mesme avec des paroles vocales, retourner du costé de Nostre'Seigneur et luy dire, ou cecy mesme ou chose semblable: O Seigneur, que vostre providence est douce! que vostre misericorde est bonne! Hé, que cet enfant est heureux d'estre tombé entre vos bras paternelz, entre lesquelz il ne peut avoir que bien, ou qu'il soit..

  A017000331 

 Et moy, ma tres chere Fille, j'ay esté grandement consolé desçavoir de vos nouvelles, puisque mesme elles sont toutes fort bonnes; car, quant a la chere fille, c'est un signe desirable pour sa future pieté que le cors se ressente des affections du cœur et quil en devienne las, car il en print ainsy a Nostre Seigneur mesme et a plusieurs de ses plus grans Saintz.

  A017000331 

 Vous l'aves bien conseillee qu'elle s'assise, et il faut qu'elle le face avant que les maux de cœur la prennent; c'est a dire qu'elle face toute l'orayson assise, ayant au paravant fait une adoration a genoux.

  A017000333 

 J'iray en Chablaix ce moys d'aoust, Dieu aydant, ou j'auray toute commodité de la voir, si elle y est, pourveu [9] qu'on ne s'apperçoive point des bonnes pensees dont il est question, car ce sont choses que le monde contredit tous-jours..

  A017000335 

 Ma tres chere Fille, vives toute a Dieu, hors lequel la vie est une mort.

  A017000335 

 Vous faites bien de ne point pousser la fille, c'est au Saint Esprit de luy donner les inspirations selon son bon playsir; mais pour moy, j'ay quelque esperance quil la rendra toute sienne tres parfaitement, et ne doute point qu'au moins elle ne le soit suffisamment pour obtenir la verité, car cett' ame la est bien marquee..

  A017000365 

 Je respons a vos deux lettres, ma tres chere Fille, vous conjurant avant toutes choses de ne plus appeller importunité pour moy la reception de vos lettres, laquelle, en vraye verité, m'est tous-jours extremement aggreable..

  A017000366 

 Je voy bien en la premiere, vostre cœur tous-jours plein de bons et vertueux desirs, car il est de naturel fort bon; mais, ce me dites vous, vous ne vous corriges pas asses puissamment de vos imperfections.

  A017000367 

 Et je ne treuve pas mauvais que vous soyes un peu privee de la tressainte Communion, puisque c'est l'advis de vostre confesseur, pour voir si le desir de retourner a la frequentation d'icelle vous fera point un peu prendre plus garde a vostre amendement.

  A017000367 

 Et tous-jours feres vous bien de vous humilier fort aux advis de vostre confesseur, qui void l'estat present de vostre ame, lequel, quoy que je m'imagine asses sur ce que vous m'en dittes par vos lettres, si est-ce qu'il ne me peut pas estre conneu si particulierement comme a celuy a qui vous en rendes conte.

  A017000384 

 Le meilleur moyen de reparer les ruines qu'ilz font, c'est de mespriser leurs langues qui en sont les instrumens, et de leur respondre par une sainte modestie et compassion..

  A017000385 

 Croyés moy, ma chere Fille, l'honneur des gens de bien est en la protection de Dieu, qui permet bien quelquefois qu'on l'esbransle pour nous faire exercer la patience, mais jamais il ne le laisse atterrer, et le releve soudain..

  A017000385 

 J'ay une recente experience de la vanité, ou plustost du dommage que les proces apportent en ces occasions, en une des plus vertueuses dames du Maconnois, qui s'est infiniment mal treuvee d'avoir quitté mon advis pour suivre l'impetuosité de la passion de ses parens.

  A017000385 

 Mays sur tout, certes, il n'y a point d'apparence que ce pauvre diffamateur se sousmettant a reparer autant qu'en luy est l'injure, au jugement des parens, on aille prendre cet autre biais de playdoyeries, c'est a dire de labirinthes et abismes de conscience et de moyens.

  A017000385 

 Or, je ne desappreuverois pas qu'il confessast sa faute, declairast son animosité et demandast l'oubly; car encor qu'il soit de peu d'authorité, ayant commis cet acte, si est ce pourtant que c'est tous-jours quelque sorte de lumiere pour l'innocence, de voir ses ennemis luy faire hommage.

  A017000400 

 Laissant les grans Ordres des-ja establis dans l'Eglise honnorer Nostre Seigneur par d'excellens exercices et des vertus esclattantes, je veux que mes filles n'ayent autre pretention que de le glorifier par leur abbaissement; que ce petit Institut de la Visitation soit comme un pauvre colombier d'innocentes colombes, dont le soin et l'employ est de mediter la loy du Seigneur, sans se faire voir ni entendre dans le monde; qu'elles demeurent cachees dans le trou de la pierre et dans le secret des mazures, pour y donner a leur Bienaymé vivant et mourant, des preuves de la douleur et de l'amour de leurs cœurs, par leur bas et humble gemissement... [17].

  A017000400 

 ... C'est pour donner a Dieu des filles d'orayson et des ames si interieures, qu'elles soyent treuvees dignes [16] de servir sa Majesté infinie et de l'adorer en esprit et en verité.

  A017000409 

 O Seigneur, a qui tout est present, donnes a nostre esprit une telle presence de soy mesme comme vous luy aves donné un'unité, affin quil vive autant consolé quil est requis pour vous bien servir en vostre presence, Seigneur, et en la sienne de soy mesme.

  A017000418 

 C'est l'escrit mesme que je donnay a M. Sedite, quil faut faire voir et corriger..

  A017000441 

 Le Frere N. vint a moy au plus fort de son affliction, et puis dire qu'il estoit plus mort que vif, tant sa desolation estoit extreme; et je me resouvins de Celuy qui linum fumigans non extinguit, et quod confractum est non conterit.

  A017000455 

 C'est un bon cœur, en verité, et auquel je souhaitte beaucoup de vraye prosperité.

  A017000456 

 En somme elle se remit tellement, qu'encor que je ne pense pas qu'elle la fasse longue, si est-ce que je pense qu'elle vivra encor plusieurs jours..

  A017000457 

 Ces petites histoires villageoises me playsent et m'edifient, et c'est pourquoy je vous les raconte..

  A017000459 

 Je salue du fond de mon cœur ma tres chere fille ma Mere et mes cheres Filles, avec nos cheres Novices, entre lesquelles je cheris particulierement ma Sœur Françoise Hieronime ma cousine, parce qu'elle est la cadette de Lion..

  A017000459 

 Vivés toute genereusement et noblement joyeuse en Celuy qui est nostre unique joye.

  A017000472 

 Nous y avons perdu plusieurs braves gentilz-hommes savoyards, car nostre nation a esté la plus employee et s'est grandement signalee en cette occasion; de sorte que nous avons force vefves et orphelins, desquelz les vœux rendront la paix durable..

  A017000489 

 La racine de son mal est en une certaine grace qu'il a de gaigner les espritz et tirer les cœurs a soy, lesquelz par apreès le tirent a eux et luy donnent telles impressions qu'ilz veulent.

  A017000490 

 Car en fin, cet enfant est vostre unique, et certes, grandement aymable; neanmoins, le voyla en ses annees perilleuses, que la nourriture de page rend encor plus dangereuses.

  A017000492 

 En somme, sachés, je vous supplie, Monsieur, que cet enfant m'est cher comme mes yeux, et que, de son costé, il paternise excellemment a m'aymer; et si, j'espere que, passé ces annees perilleuses, on le verra encor paterniser en plusieurs autres conditions, Dieu aydant.

  A017000492 

 La grande peyne que j'avois de luy, c'est a cause de l'eau, sur laquelle il se plaist extremement; et je craignois qu'il ne se pleust encor de se mettre dedans pour se baigner en quelque endroit dangereux, parce que toutes les annees il s'y perd quelqu'un.

  A017000493 

 Playse a sa divine Majesté qu'elle dure, et qu'elle donne ouverture a quelque bonne intelligence et alliance pour le Prince de Piemont, qui est le plus sage, le plus courageux et le plus devot prince qui ayt esté il y a long tems..

  A017000494 

 J'escris sans aucun loysir; c'est pourquoy je prendray la confiance de ne point escrire a madame ma tres chere fille, a laquelle indivisement avec vous, Monsieur, je souhaitte mille et mille benedictions, demeurant pour jamais.

  A017000506 

 J'ay de rechef beaucoup de consolation, ma tres chere Fille, de vous voir si contente aupres de ce cher mari, [29] qui me fait beaucoup d'honneur de m'aymer, quoy que je ne le merite nullement, si ce n'est par la fidele affection que je vous ay a tous deux..

  A017000507 

 J'espere neanmoins que le benefice de nature qu'ell'a eü apres une si longue retention, luy sera salutaire et que, moyennant les remedes que ce bon medecin, qui est fort experimenté, luy appliquera, le mal ne passera pas le septiesme, Dieu aydant, lequel nous prierons ardemment pour elle..

  A017000524 

 Ce n'est que pour me tenir en mon devoir et pour mieux m'asseurer du desir que j'ay que ce porteur vous bayse les mains de ma part, que je luy donne ces quatre lignes affin quil les vous presente.

  A017000524 

 Mais, ce qui console les miserables, c'est que de ceux qui furent nos ennemis, il en meurt beaucoup davantage, comme s'ilz n'estoyent sortis de la terre des tranchees que pour reentrer en celle des tombeaux..

  A017000556 

 Voyes un peu, ma chere Mere, et penses; et sil vous semble que c'est la gloire de Dieu, dites-leur qu'oüy, pour moy comme pour vous mesme.

  A017000557 

 Et puis, comme pourroyent elles servir en un Institut qu'elles [ne connaissent] pas? J'admire que cette bonne [dame refuse de convertir] ce dessein en Carmelines; car, pour [le dire à votre cœur] comme au mien propre, les Tiercelines... lesquelles le sont d'un seul Ordre et qui n'est encor [pas reconnu des] doctes, comme n'ayant que cinq ou six petitz monasteres..

  A017000558 

 [Il m'est [36] avis que] ce seroit un bon expedient, que la Mere Elisabeth venant icy, amenast avec soy deux des plus capables de Tholouze et autres deux de Billon, qui, en quatre ou cinq moys, pourroyent estre suffisamment façonnëes pour retourner vers les autres et les mettre en train, avec l'assistence des lettres et des visites de monsieur l'Aumosnier ou de quelqu'autre avec lequel nous confererions; car en somme, je ne voy rien en cette ville que ma Seur de la Roche, pour le present, laquelle ne seroit encor peut estre pas bonne toute seule..

  A017000559 

 Mays quoy? cela n'est que deux ou trois au plus..

  A017000560 

 Si donq on ne veut pas prendre l'expedient d'envoyer icy les filles a l'apprentissage, et qu'on ne veuille pas attendre au moins un an et demi, il est mieux de refuser humblement ce qu'on ne peut pas bonnement entreprendre, que de l'entreprendre temerayrement.

  A017000584 

 Le P. D. Juste viendra, je m'asseure, soudain icy, pour achever un affaire que Dieu a tres heureusement acheminé par mon service, et j'espere que luy mesme fera encor l'accommodement des jardins, que vous aves tant de justes sujetz de desirer et que nostre chere Mere affectionne tant; je dis nostre Mere en tout ce qu'ell'est.

  A017000585 

 M. de Vallon [a aussi une] brave fille qui poursuit icy, et on est [après à voir] ce que son pere pourra donner..

  A017000585 

 On m'escrit que nostre tres aymable M me du Chastelard s'est declaree a sa grand mere en faveur du voyle sacré, pour forclorre toutes les recherches du monde.

  A017000596 

 O Dieu, qu'il est vray que la ferveur ne depend pas de la bouche des confesseurs differens, mays de la grace de Dieu et de la simplicité et humilité du cœur! Mays les Constitutions sont claires, qu'on peut appeller des confesseurs outre les quatre fois, pour la consolation de celles qui le desirent.

  A017000596 

 On peut le dire a M. Michel qui, comme je pense, est capable de cela et de chose plus grande que cela.

  A017000610 

 Mon Dieu, ma bonne Mere, que cette vie est trompeuse et que l'eternité est desirable! Que bienheureux sont ceux qui la desirent! Tenons nous bien a la main misericordieuse de nostre bon Dieu, car il nous veut tirer apres soy.

  A017000621 

 Suivant le commandement de Vostre Altesse, je suis venu icy pour procurer l'introduction des PP. Barnabites [45] en la Sainte Mayson de Nostre Dame de Compassion, et en fin le traitté de cette affaire est parvenu jusques a l'arresté cy joint..

  A017000624 

 Vostre Altesse, Monseigneur, a pour le partage de la splendeur hereditaire et tous-jours croissante de sa serenissime origine, la gloire des œuvres de sa douce et immortelle pieté; et pour cela, comme elle est l'un des fleurons de la couronne de Monseigneur son pere, elle est aussi l'une des plus pretieuses colomnes du temple de Dieu le Pere eternel: dont, pour l'une et l'autre qualité, je prens la confiance d'implorer la bonté de Vostre Altesse en toutes les occurrences qui regardent les affaires de la sainte religion catholique, entre lesquelz celuy de l'amplification de ces bons Peres Barnabites et le restablissement du service divin en tous les Monasteres de deça estant l'un des plus importans, je le [47] recommande tres humblement au zele de Vostre Altesse, a laquelle je fay tres humblement reverence, ne cessant point de luy souhaiter le comble des faveurs celestes, et demeure, Monseigneur,.

  A017000634 

 Je ne sçai si celuy qui la doit faire a sa dispense des deux irregularités, dont l'une luy est naturelle, estant nay hors le mariage, et l'autre acquise, pour jugé, comm' il est a croire, in criminalibus.

  A017000634 

 Mays sil avoit dispense, alhors encor auroit-il tort s'il croyoit que la seule science donnast le prix en cette lice-lâ; et tous-jours faudroit-il se tenir a la pluralité des voix, qui est irreprochable a celuy qui les prend, sur tout sil n'en donne point.

  A017000634 

 Tout le mal donq en ce cas-la consistera en la clabauderie, en laquelle il faut demeurer grave et tranquille, ne repliquant rien, sinon: La plus part des voix est suivie.

  A017000635 

 C'est pourquoy, je dis en fin, que si cette cure lâ peut estre delivree au jour de l'assignation, j'en seray bien ayse et le desire fort; que si les difficultés semblent ne pouvoir estre surmontees, on pourra differer jusques a mon retour, qui sera le plus tost que je pourray.

  A017000636 

 Ains, il seroit expedient que quand l'on ira mettre en possession, a mesme tems on assignast quelque corne de dixme pour ladite pension du pœnitentier, sans quil eut rien a faire avec le curé; car l'esprit humain est si fascheux en tout ce qui regarde tant soit peu l'interest, que malaysement pourra on autrement asseurer ce petit entretien au pœnitentier..

  A017000637 

 Si le curé de Miouxi est decedé, on pourra bien [50] favoriser monsieur de Monfalcon, a la charge quil mettra des vicaires de poids, tandis que, pour la poursuite de ses estudes, il sera dispensé de sa residence, car il faut des meilleurs vicaires ou les curés ne resident pas; et le Chapitre mesme, comme y ayant interest, pourroit reserver qu'ilz fussent examinés expres pour cela.

  A017000639 

 Ne soyes nullement en peine pour moy, car il ny [a] nul danger en tout le Chablaix, car encor qu'a Lully soit morte de peste une fille sortie de Geneve et que sa mere en soit atteinte, si est ce qu'ell' a esté resserree [51] si a propos, que cela ne peut aller plus avant, non plus qu'un autre pareil accident arrivé avanthier aupres de Coudree.

  A017000660 

 C'est en cett'occasion de la vacance de Gruffy [que] je vous prie faire cette reserve jusques a la somme de 200 florins; et pour eviter les disputes que l'interest propre fait naistre en pareilles occurrences, je desirerois qu'en la mise en possession de celuy qui sera curé, on assignast une corne de dixme, telle quil seroit advisé, audit seigneur pœnitentier, laquelle il prendroit par ses mains..

  A017000661 

 Je sçai quil arrivera aussi quelque difficulté sur la [53] reception de monsieur Jay au concours, dautant que la rayson pour laquelle nous jugeasmes de le pouvoir excepter sans consequence de la regie des resignans leurs cures, semble manquer de fondement, puisque le bien publiq que nous desirions ne s'en est pas ensuivi.

  A017000674 

 Ni vous ne deves pas alleguer au contraire que vous n'aves pas la connoissance des choses des proces, car c'est la moindre des functions du grand vicaire, et pour le bon succes delaquelle il suffit quil ayt de la vigilance et du zele pour faire que les autres officiers facent bien leur devoir, et qu'il establisse un bon substitut et des bons assesseurs.

  A017000690 

 Et ne doutés point, ma chere Seur, que le Pere Garinus ne vous soit favorable, si vous luy representes naifvement et humblement vos dignes pretentions; car c'est un docteur de grand jugement et de longue experience, grandement zelé aux Constitutions ecclesiastiques et a l'establissement du Concile de Trente, comme sont tous les gens de bien.

  A017000690 

 Vous luy pourres donq confidemment dire que vous m'aves touché un mot de vos affaires; car je [57] sçay bien qu'il ne le treuvera pas mauvais, estant, comme il est, de mes meilleurs amis, et qui sçait bien que je n'ay pas accoustumé de rien gaster et que je ne suis point un entrepreneur d'authorité, ains homme qui ne trouble rien; et pourres encor luy dire tout ce que je vous ay dit, dequoy, pour vous rafraischir la memoyre, je vous feray une repetition..

  A017000691 

 Et ne sert a rien de dire « nostre voile, nostre robbe, nos chemisettes, ou nos mutandes, » si en effect leur usage n'est pas indifferent et commun a toutes les Seurs, les paroles estans peu de chose si les effectz ne correspondent.

  A017000691 

 Premierement, que le renoncement de toute proprieté et l'exacte communauté de toutes choses est un point de tres grande perfection, et qui doit estre desiré en tous les monasteres et suivy par tout ou les Superieurs le veulent; car encor que les Religieuses qui n'en ont pas l'usage en leurs maysons ne laissent pas d'estre saintes, la coustume les dispensant, si est ce qu'elles sont en extreme danger de cesser d'estre saintes, quand elles contredisent a l'introduction d'une si sainte observance tant aymable et tant recommandee par le Pere saint François et la Mere sainte Claire, et qui rend les Religions riches en leur pauvreté et parfaitement pauvres en leurs richesses, le mien et le tien estans les deux motz qui, comme disent les Saintz, ont ruiné la charité.

  A017000692 

 Certes, qui est douillet [58] de porter un linge et un drap lavé parce qu'il a esté, auparavant le lavement, porté par son frere chrestien, je ne sçay pas comme il ose dire qu'il ayme son prochain comme soy mesme; et faut qu'il ayt un grand amour propre, qui le fasse estimer si net en comparayson des autres..

  A017000693 

 Or, la façon de mettre tout en commun est bien aysee quand tout est ensemble en un coffre ou en une garderobbe, et qu'une distribue a toutes, selon leurs necessités, indistinctement ce qu'il leur faut, sans avoir esgard a autre chose qu'a la necessité et a la volonté de la Superieure.

  A017000695 

 Et la Congregation des Cardinaux a declaré que, les Superieurs estans negligens en cet article, les Evesques le fassent eux mesmes, et que cela se fasse mesme plusieurs autres foisl'annee s'il est requis.

  A017000695 

 Mays il y a un point d'importance, duquel je vous touchay un mot, que pour le bien de vostre famille vous deves demander a vos Superieurs et qu'ilz ne peuvent en bonne conscience vous refuser: c'est que, deux ou trois fois chaque annee, ilz vous ayent a offrir des autres confesseurs extraordinaires (suivant le commandement du sacré Concile de Trente ), qui oyent les confessions de toutes les Seurs.

  A017000695 

 Or, il est requis quand la Superieure void des Seurs grandement troublees, et difficiles ou repugnantes a se confesser au confesseur ordinaire, pourveu que ce ne [59] soit pas tous-jours, ains parfois seulement et sans abus.

  A017000696 

 Ni il ne faut pas dire que vostre Ordre soit exempt des Constitutions du sacré Concile; car, outre que le Concile est sur tous les Ordres, s'il y a aucun Ordre qui doive obeir aux Conciles et a l'Eglise romaine, c'est le vostre, puisque le Pere saint François l'a si souvent inculqué..

  A017000697 

 Et en somme, cet inconvenient n'est pas comparable a mille et mille pertes d'ames que la sujettion de ne se confesser jamais qu'a un seul peut apporter, comme l'experience le fait connoistre; et en somme, c'est une presomption insupportable a qui que ce soit, de penser mieux entendre les necessités spirituelles des fideles et de s'imaginer d'estre plus sage que le Concile.

  A017000697 

 Il est vray que cela pourroit arriver; mays il est vray aussi qu'une fille qui sera si malheureuse que de faire des mauvaises confessions et des Communions indignes pour attendre l'extraordinaire, elle ne fera pas grand scrupule d'en faire plusieurs, et plusieurs mauvaises, pour attendre la mutation du confesseur ou la venue du Superieur.

  A017000698 

 Elles se font donq en cette sorte: La fille qui desire communiquer quelque chose, le dit a la Superieure; la Superieure considere si la personne a laquelle l'on veut communiquer est de bonne qualité et propre a consoler, et si elle est telle, on la mande prier de venir; et estant venue, on meyne la fille qui veut communiquer a la treille, et le rideau demeure sur la treille; et puis, on donne tout a l'ayse loysir de communiquer, chacun se retirant en lieu d'ou on ne puisse ouyr ce que dit celle qui communique, pourveu seulement qu'on la puisse voir.

  A017000698 

 Et premierement, nul, comme je pense, ne les [60] vous peut defendre; car, tant que j'ay sceu voir en la Regie de saint François et de sainte Claire, il n'y a rien qui les empesche, ains seulement ce qui y est dit empesche toute sorte d'abus.

  A017000699 

 C'est grand cas comme c'est une subtile tentation! Nous voulons garder la liberté de la proprieté, qui est contre la perfection, et ne voulons pas recevoir la liberté des communications, laquelle estant bien entendue, nous ayde a la perfection.

  A017000700 

 Or, ces communications ne se doivent pas faire pour apprendre de diverses manieres de vivre en un monastere, mais pour apprendre a mieux et plus parfaitement [61] prattiquer celle a laquelle on est obligé; et si, elles n'empeschent point les conferences publiques, ains elles servent pour les mieux digerer et appliquer une chacune en son particulier..

  A017000702 

 Nostre Maistre Garinus et tous vos Superieurs majeurs, gens discretz et raysonnables, vous ayderont, je n'en doute point; et mesme vostre bon Pere confesseur, qui est bien vertueux et sage Religieux, ainsy que je puis connoistre, et qui entendra bien la rayson quand elle luy sera bien remonstree..

  A017000718 

 Or, Monseigneur, tous ses devanciers et son frere, ayant tous-jours esté tres affectionnés a l'obeissance de Vostre Altesse, il espere d'elle tout le soulagement qui luy est requis pour estre relevé non de l'indigence, car ayant choysi la profession ecclesiastique il ne pretend pas a cela, mais de la misere seulement..

  A017000732 

 La chere seur est icy, ce soir elle fera sa reveüe..

  A017000733 

 Elle s'est confessee avec un'extreme devotion [64] et est toute ma fille; ce que je vous dis affin que doucement et dextrement vous l'aydies..

  A017000734 

 Elle est bien resignee, et les Seurs font merveilles a la servir tendrement, nul remede n'ayant esté oublié.

  A017000750 

 Pour ces raysons, Monseigneur, je conjure et supplie tres humblement vostre bonté et pieté de favoriser puissamment ce bon œuvre, si heureusement acheminé, pour la gloire de ce Sauveur qui vous est si propice et qui maintient en tant d'honneur vostre couronne, vous en preparant une eternelle en la vie future..

  A017000765 

 C'est le seul sujet que j'ay maintenant, car pour le reste, a mesme que, graces a Dieu, nous sommes sans guerre, nous nous treuvons aussi sans nouvelles, hormis de nostre miserable [66] Geneve que la contagion afflige cruellement, sans qu'a 30 lieues a la ronde il y en ait aucun ressentiment; qui fait plus probable ce que plusieurs disent, qu'elle leur est venue par la puanteur de la foudre qui y tumba prodigieusement cet esté.

  A017000783 

 Or sus, ma tres chere Fille, puisque vous voyla sous la charge avec un peu d'apprehension, oyés ce que [67] Nostre Seigneur dit en l'Evangile du jourd'huy: Apprends de moy que je suis doux et humble de cœur, et vous treuveres du repos en vos ames; car mon joug est suave et mon fardeau leger.

  A017000794 

 Madame Favre est Superieure a Lion et exerce des-ja sa charge; M me de Brechard est un peu mieux, mais tous-jours en fievre et en flux.

  A017000794 

 [69] La question de M me de Mieudry et de vous est aysee a resoudre, mais il n'est pas si aysé d'appayser toutes les allegations et repliques qu'on a accoustumé de faire: c'est pourquoy je remettray cela pour quand nous aurons du loysir.

  A017000806 

 Je vous diray seulement, qu'a mon advis, nostre Seur Jeanne Charlotte est maintenant toute hors de danger, bien qu'ell'ayt encor son flux, car c'est avec tant de diminution de fievre, quil ny paroist presque plus, et si, elle commence fort a manger.

  A017000807 

 C'est pourquoy, si vous sçaves que cela soit vray, vous pourres la destourner, luy escrivant que je vous ay escrit que vous luy fissies sçavoir que, ne sachant si je seray icy cet hiver, je desire qu'elle ne s'incommode point, ni monsieur le president Resiguier; mais si elle veut envoyer deux ou trois filles, vous les recevres et les garderes volontier jusques apres Pasques.

  A017000807 

 Cela me met fort en peine, car si elle vient icy avec ces especes de choses inconneües, en lieu de tirer de la consolation de nous, elle nous donnera fort a faire et nous tiendra empeschés a discerner si cela est saint, si ceci est faint, et troublera grandement la pauvre petite trouppe de colombes innocentes qui n'ont pretention a des choses si ravissantes.

  A017000821 

 Que fait le cœur de ma tres chere Fille, que le mien ayme en verité tres parfaitement? Je pense, certes, quil est tous-jours fort uni a celuy de Nostre Seigneur et quil luy dit souvent:.

  A017000822 

 Le Seigneur est ma lumiere.

  A017000823 

 C'est ma garde constumiere,.

  A017000825 

 C'est l'Eternel qui m'appuye,.

  A017000828 

 Sil vous appelle (et il est vray quil vous appelle) a une sorte de service qui soit selon son gré, quoy que non selon vostre goust, vous ne deves pas moins avoir de courage, ains davantage que si vostre goust concouroit a son gré; car, quand il y a moins du nostre en quelqu'affaire, ell'en va mieux.

  A017000829 

 Ma tres chere Fille, salues tendrement ma chere Seur Peronne Marie, qui est certes toute dedans mon ame, et ma Seur Françoise Hieronime (je ne vay pas par ordre), et ma Seur Marie Renee et ma Seur Anne Marie, et toutes nos autres Seurs que je n'ayme pas moins pour ne les connoistre que pour estre des servantes de Dieu et filles [tres cheres] de Nostre Dame..

  A017000859 

 Vous aves rayson, ma tres chere Fille, d'estre bien franche au payement des dixmes, car c'est la volonté de Dieu.

  A017000860 

 Le P. General des Feuillans partit lundi et laissa icy son compaignon malade, lequel mourut hier au soir; c'est pourquoy je croy qu'il reviendra ce soir pour estre a son enterrement, car il laissa charge qu'on l'advertit sil trespassoit, affin de revenir.

  A017000861 

 Et moy je pense que parmi tout cela on vous pourroit peut estre aussi bien [avoir], principalement si Charles est en estat de pouvoir estre amené icy..

  A017000861 

 [75] Nostre Mere viendra demain, ou tout au plus tard passé demain, si rien n'est survenu despuis Dimanche qui la puisse empescher.

  A017000908 

 La voyla maintenant a prier pour nous et pour vous specialement, puis qu'elle est trespassee vostre fille et sous vostre assistance..

  A017000917 

 Monsieur le Comte, pour dire ceci entre nous deux, est un petit fasché contre moy pour un sujet auquel je n'ay point de coulpe; mays sa bonté adoucira bien tout.

  A017000918 

 Nostre Mere se porte bien et est toute vostre.

  A017000920 

 Si le cher mari est venu, salues-le bien amoureusement de ma part et l'asseures de mon service.

  A017000934 

 Ce benefice la, Monseigneur, ne peut rendre au curé que cinquante ducatons, et la charge des ames y est fort grande pour la multitude du peuple qui en depend, lequel hante fort l'Alemaigne et a besoin d'un pasteur qui ayt grand soin de l'edifier et conserver en la foy.

  A017000951 

 C'est pourquoy, le voyant remis au bon chemin, et d'ailleurs fort en peine pour le sujet quil vous dira, tres volontier je vous supplie, Monseigneur, de le recevoir, esperant que des-ormais vous n'en aures que du contentement, ainsy quil m'a solemnellement promis et protesté.

  A017000952 

 Nostre Geneve est tous-jours extremement affligee de contagion, mays ell' endurcit sous le chastiment.

  A017000952 

 On asseure que jusques a present il est mort bien six mille personnes de ce mal, lequel par miracle ne s'est comme point espanché sur la Savoye..

  A017000953 

 Nostre paix est fort entiere maintenant, graces a Dieu, que je supplie la nous vouloir conserver, et vous combler de toutes les faveurs celestes quil depart a ses plus grans serviteurs, tandis que sans fin je suis et seray inviolablement,.

  A017000971 

 Certes, ma tres chere Mere, mon cœur est tout filial pour vous, et ne cesse point de faire tous les bons souhaitz quil doit pour vostre consolation..

  A017000993 

 Despuis, il a tous-jours continué a vouloir me faire cet honneur, auquel n'estimant pas que je me deusse laisser prevenir, puisqu'il est le premier des Evesques de France et moy le dernier de Savoye, je l'allay voir a Lion, comme Vostre Excellence sçait.

  A017000993 

 Et je ne sceu nullement d'asseurance sa venue, que le soir avant qu'il arrivast; car encor que six jours auparavant le sieur de Medio, originaire de ce païs, mais chanoine de l'eglise de Saint Nizier de Lion, m'eust escrit qu'il avoit quelque opinion que Monseigneur l'Archevesque estendroit sa visite jusques icy, si est ce que, n'y faysant pas fondement, j'envoyay un laquay pour le sçavoir, qui ne revint que le jeudy au soir avant le vendredy auquel Monseigneur l'Archevesque arriva..

  A017001008 

 Bon soir donq mille et mille fois, ma tres chere, tres bonne et tres honnoree Mere, vrayement mienne, c'est a dire tous les jours plus, graces au Sauveur qui vous benisse icy et la.

  A017001017 

 Or il fut treuvé chez son hoste, ou il ny avoit ni papier ni encre; c'est pourquoy il m'envoya dire quil feroit selon mon billet..

  A017001019 

 Dieu, qui sçait ce qui est requis a vostre cœur mien et a ceux de nos Seurs, me veuille suggerer selon sa gloire.

  A017001028 

 Dites [93] moy, ma chere Fille, mais dites le a mon cœur, c'est a dire bien naifvement: quelle tristesse et quel regret monstrastes vous a madame la Comtesse de la N., laquelle la depeint avec des couleurs si noires, que je croy qu'elle vous a pris pour une autre.

  A017001060 

 J'ay esté un peu mal pour toute cette semaine, mais ce n'est rien maintenant, que je m'en vay mesme, Dieu aydant, dire la Messe a la Visitation..

  A017001061 

 A cet effect, j'ay supplié monsieur de Montmeilleur de persuader a nostre seur de venir jusques en ces quartiers, comme pour voir sa fille, et estans ensemble, nous verrons ce qui se pourra et devra faire; puis, sil est expedient, j'iray a Chamberi.

  A017001061 

 Et par ce qu'a l'aventure elle craindra de laisser Bassin, de peur que monsieur de Bressieu son filz n'y aille faire quelque passade, j'ay tiré promesse de luy quil ne bougera point tandis qu'elle sera de deça, de quoy encor monsieur de Montmeilleur est garand.

  A017001062 

 Pour moy, j'en seray tous-jours accusé, et si, je n'en puis mays; car encor que je prendrois a grand honneur d'avoir servi Dieu en cela, si est ce que sa Bonté a voulu le faire elle mesme, par des inspirations venues de sa Providence dans ces ames lhors que la mienne n'y pensoit point, et a la premiere connoissance que j'en ay eu, j'ay intimé le loysir et la dilation, pour voir si c'estoit bien des inspirations.

  A017001074 

 Il est vray, ma tres chere Fille, nous avons bien tardé a vous escrire.

  A017001074 

 Il y a aussi troys semaines que, pour moy, je vay trainant entre la santé et la maladie; mais ce n'est pas cela qui m'a empesché d'escrire, c'est que nulle commodité ne s'en est presentee, ni petite ni grande.

  A017001075 

 Mays vous, ma tres chere Fille, n'escrives pas tant de lettres a chasque fois; il suffira, quand vous aures bien tout escrit a la chere Mere, de faire un seul petit billet au pauvre Pere, qui ne die rien sinon quil est tout vostre..

  A017001076 

 Graces a Dieu, nous voyons que sa divine Providence s'en veut servir pour le bien de plusieurs ames en divers endroitz, ou l'on desire cette Congregation, laquelle par miracle est fœconde, ce semble, au propre instant de sa naissance.

  A017001077 

 Celle la embarasse quelquefois le cœur, mais jamais elle ne le terrasse, sil est un peu sur ses gardes et hardi.

  A017001077 

 Celuy qui n'est point tenté, que sçait il? [101].

  A017001078 

 Si elle vous tient en l'imagination, chanter, se tenir avec les autres, changer d'exercices spirituelz, c'est a dire passer de l'un a l'autre, et les changemens de place encor vous ayderont.

  A017001081 

 Mays, ma tres chere Fille, ce n'est pas besoigne faite, bien qu'en verité toutes s'y acheminent.

  A017001082 

 J'appreuve que vous continuies d'appeller nostre Mere, Mere, puisque c'est vostre consolation, et que vous m'appellies Pere, puisque j'ay pour vous un cœur extraordinairement plus que paternel.

  A017001093 

 Le frere n'est pas dans cette ville..

  A017001102 

 L'excuse aussi n'estoit pas bonne de dire: Je n'ay pas des mammelles, je n'ay point de lait; car ce n'est pas de nostre lait ni de nos mammelles que nous nourrissons les enfans de Dieu; c'est du lait et des mammelles du divin Espoux, et nous ne faysons autre chose sinon les monstrer aux enfans et leur dire: Prenes, succes, tires et vives.

  A017001103 

 La paix n'est pas juste, qui fuit le labeur requis a la glorification du nom de Dieu..

  A017001103 

 Or, la sienne est la sanctification et perfection des ames.

  A017001104 

 Vivés toute a ce divin amour, ma tres chere Fille, et sachés que c'est de tout mon cœur que je cheris vostre ame bienaymee, et ne cesse jamais de la recommander a la misericorde eternelle de nostre Sauveur, a laquelle je vous conjure de me recommander reciproquement fort souvent..

  A017001127 

 Or, Monseigneur, c'est la pure et vraye vérité: ainsy j'en proteste devant Dieu et ses Anges..

  A017001128 

 Et ce bon Archevesque est tellement occupé en la pieté, que quicomque le connoistra bien, jugera facilement que ses pensees ne sont nullement tournees du costé du monde.

  A017001128 

 Et par ce que c'est de la part de Vostre Altesse que cela m'est enjoint, c'est a elle aussi a laquelle maintenant je m'addresse, conjurant en toute humilité sa douceur et bonté de croire que j'ay respondu en cett'occasion avec toute franchise et simplicité.

  A017001158 

 Or, je n'escriray donq pas a monsieur vostre cher mari pour ce regard, comme M. le Prieur s'est imaginé, car je ne doute point que tous ces messieurs n'ayent et l'esprit et le cœur disposé a faire chose juste..

  A017001159 

 Et puisqu'elle ne peut pas aller a La Thuille, pour peu qu'elle nous en donne la commodité, nous ferons venir une partie de La Thuille icy; et je dis une partie, par ce que le petit enfant, qui est le plus beau garçon du monde, n'a garde de vouloir venir en ce tems..

  A017001159 

 Je vous prie de regarder un peu entre vous ce qui se pourra bonnement faire, affin que, sil est possible, on prenne le bon biays pour accommoder honnorablement les affaires.

  A017001160 

 Il y a grand bruit, certes, de toutes parts pour le dessein de la chere niece et de madame du Chatelart, et c'est bon signe que Dieu en sera glorifié.

  A017001160 

 Les hommes sont admirables en leurs cogitations humaines, mays Dieu est suradmirable es siennes divines, qu'il fera reuscir selon son bon playsir..

  A017001174 

 C'est mon extreme consolation de sçavoir que ma grande Fille marche avec sa petite trouppe selon la divine volonté, ne se lassant point d'avancer en la divine dilection par un soin constant et paysible, parmi ces cheres ames que Dieu a choisies pour son honneur..

  A017001184 

 Tenes vous donq bien a luy, et regardes deux ou trois fois le jour si vostre main n'est pas tous-jours fermement attachee a la sienne..

  A017001185 

 Voyes vous, cette petite trouppe de filles, c'est une couronne que Dieu vous prepare et dont vous jouires en la felicité eternelle; mais il veut que vous la porties toute dans vostre cœur en cette vie, et puis il la mettra sur vostre teste en l'autre..

  A017001187 

 Ne voyes vous pas, ma chere ame (car mon cœur me fait dire ainsy), que vostre petite Congregation est comme une fontaine sacree en laquelle plusieurs ames puiseront les eaux de leur salut, et que des-ja plusieurs, a l'imitation de la vostre, veulent eriger d'autres pareilles Congregations a la grande gloire de Dieu et a la grande facilité du salut pour plusieurs? Ne vous lassés donq nullement d'estre mere, quoy que les travaux et soucis de maternité soyent grans..

  A017001189 

 Ma Fille, mon cœur est tout vostre en ce mesme Sauveur.

  A017001199 

 Mon Dieu que ce silence me dit des grandes choses! Il m'apprend [115] a faire la vraye orayson mentale; il m'apprend la ferveur amoureuse d'un cœur qui est saisy d'affections que nourrissent ces douces pensees et qui a peur d'en perdre la suavité s'il les prononce..

  A017001200 

 Helas! ma chere Fille, vous la verres, cette belle Dame, cette heureuse fille de Sion, que, telle qu'elle est, Mere du Roy de gloire, elle va mendiant l'hospitalité en Bethlehem; elle n'en a nulle sorte de honte, ains elle s'honnore de cette sacree et bienheureuse necessité..

  A017001201 

 Mon Dieu, que ce mystere est doux! Le premier ravissement de vostre saint Bernard fut d'une vision d'iceluy, et par ce moyen il rendit son cœur et sa bouche pleine du lait de la Sainte Vierge et des larmes de ce doux petit Enfant..

  A017001211 

 Il est vray qu'en cela je ne voy pas grand peché, puisque c'est contre la volonté; mays il ne faut pas pourtant laisser cela sans quelque penitence.

  A017001211 

 La tentation de rire en l'eglise et a l'Office est mauvaise, quoy qu'elle ne semble que folastre et badine, car, apres la charité, la vertu de la religion est la plus excellente; car, comme la charité rend a Nostre Seigneur l'amour qui luy est deu selon nostre pouvoir, aussi la religion luy rend l'honneur et la reverence requise, et partant, les fautes qui se commettent contre elle sont grandement mauvaises.

  A017001212 

 Celles qui s'humilieront plus profondement le verront de plus pres; car il y est tout abismé dans le fin fond de l'humilité, mais humilité courageuse, confiante et constante..

  A017001212 

 Je ne vous dis pas encor mes pensees sur le sujet dont vous m'aves escrit, parce que c'est aujourd'huy Noël, jour auquel les Anges viennent chercher le Paradis en terre, ou certes aussi il est descendu en la petite spelonque de Bethlehem, dans laquelle, ma tres chere Fille, je vous treuveray tous ces jours suivans avec toutes nos cheres Seurs, qui sans doute feront leur residence, comme des sages abeilles, autour de leur petit Roy.

  A017001213 

 Ce doux Enfant soit a jamais la vie de vostre cœur, ma tres chere Fille, que je cheris nompareillement, et qui est tous-jours present au mien, tant il plaist a Dieu que mon affection se fortifie par cette petite separation de bien exterieur..

  A017001249 

 Multos autem invenire licet qui scientiam habeant, qui autem scientiam cum prudentia, hoc opus, hic labor est.

  A017001249 

 Verum ea res minime sane facile fieri potest, tum quia rarus est qui velit se [121] vitamque suam addicere illi muneri semper in eodem loco obeundo, tum quia non quolibet prædicatore apud illos vestros Sedunenses opus esse existimo, sed modestissimo, prudentissimo et patientissimo.

  A017001265 

 Beaucoup, à la vérité, possèdent la science, mais d'en trouver un qui, à la science joigne la prudence, là est la grave difficulté.

  A017001265 

 Mais la chose n'est nullement facile, soit parce que rare [121] est celui qui accepte de se consacrer à ce ministère toujours dans le même lieu, soit parce que j'estime que vos Valaisans ont besoin, non d'un prédicateur quelconque, mais d'un homme qui excelle en modestie, prudence et patience.

  A017001266 

 D'ailleurs, c'est à mon avis un homme d'une prudence expérimentée et d'un esprit pénétrant..

  A017001282 

 C'est pourquoy il faut que je vous avertisse que je luy dis, sur divers discours, que pour vous, je vous y treuvois asses disposee et que vous en avies escrit a M. de Bourges.

  A017001293 

 Il est vray que les amitiés et affections fondees sur la gloire de Dieu sont invariablement inviolables, ma chere Fille, de sorte que ni le silence, ni les esloignemens, ni la variété des accidens ne sauroyent desfaire ce que Dieu a fait.

  A017001294 

 [125] Il est bon que nous ne soyons pas tous-jours attachés aux mammelles de nostre Dieu et que nous soyons un peu sevrés de sa douceur..

  A017001295 

 Ah, quel bonheur est celuy que, changeant de place, vous ne changes point de cœur! Mon Dieu, ma Fille, puisque nostre cœur ne change point de Dieu, pourquoy changeroit-il d'amour? Aussi bien n'y a-il rien au monde pour nostre cœur que Dieu, ni pour Dieu que nostre cœur.

  A017001317 

 C'est a dire, ma chere Mere, tenons nos yeux en Jesus Christ pour le considerer, nostre bouche pour le louer, et qu'en fin tout nostre visage ne respire que d'aggreer a celuy de nostre cher Jesus; Jesus pour lequel il nous faut humilier, entreprendre, travailler, souffrir et devenir, comme dit saint Paul, des brebis conduites a la boucherie, quand il plairoit a sa divine Majesté de nous rendre deshonnorables pour son honneur et gloire..

  A017001330 

 A ce commencement de nouvelle annee, je vous represente mes vœux et mon obeissance, dissemblables certes aux ans, en ce quilz perissent tous dans leurs vicissitudes et revolutions; mais l'infinie affection que j'ay a vostre gloire est ferme, permanente et exempte de tout autre changement que de celuy de sa continuelle croissance.

  A017001331 

 O combien de foys, Monsieur mon cher Filz, ce nom et ce cœur de pere que je porte envers vous me presse-il d'amour et de zele pour supplier la divine Bonté qui l'a volu comme cela, de combler vostre ame de sa sainte dilection, establissant son royaume celeste en vous! Je le sçai bien que les bons enfans pensent souvent en leurs peres; mays ce n'est pas souvent, c'est tous-jours que les peres ont leurs espritz en leurs enfans..

  A017001332 

 En ces momens, pourtant, comme dans un petit noyau, est enclose la semence de toute l'æternité, et en ces menus travaux de la devotion que nous devons prattiquer est enfermé le prix de l'infinité de la gloire, et ce petit soin de servir Dieu produit le repos d'une joye perdurable.

  A017001333 

 Il ne se peut dire, Monsieur mon Filz, combien j'ay de consolation de sçavoir que monsieur vostre frere, ce digne et brave seigneur qui vous tient lieu de cher enfant, est enfin marié; car je ne doute point que cela ne luy soit un grand moyen pour bien servir Dieu, a quoy il est asses porté par la generosité de son courage, outre que je m'imagine que vostre contentement, Monsieur, en est grand.

  A017001354 

 Ilz protestent fort de ne penser a point de mal, mais c'est en un langage qui ne veut pas du tout dire cela.

  A017001354 

 J'ay veu tout ce quil vous plaist de m'escrire touchant M. de Barraux, que je treuve tres bon, comme venant de vostr'esprit qui sçait mieux discerner que nul autre [131] ce qui est convenable.

  A017001355 

 Nostre Geneve est tous-jours dangereusement travaillee de contagion, et, par merveille, jusques a present toute la Savoye en est exempte, graces a ce bon Dieu qui, a l'adventure, par la peste temporelle, les veut guerir de la spirituelle, ou bien les prendre du costé du Ciel, puisque du costé de la terre, les hommes s'en empeschent les uns les autres..

  A017001356 

 Ce porteur a desiré ma recommandation aupres de vous, et puisquil est des vostres, je ne luy sçaurois rien refuser de ce qui est en mon pouvoir.

  A017001369 

 Et en fin, la cousine est hors de tout danger; qui m'a fait revenir icy, ou je vous donne mille et mille benedictions, ma tres chere Fille, comm'estant tres parfaitement tout vostre, et salue humblement monsieur le cher mari..

  A017001386 

 O que cet amour est doux, qui nous fait aspirer les uns pour les autres au Ciel!.

  A017001395 

 Or, maintenant elle est du tout hors de danger, a ce que m'escrivit avant hier M. de Vallon.

  A017001396 

 Je me res-jouis aussi beaucoup de ce que vous me dites de la chere niece, car tout en est bon, et croy bien que M me du Chastelard aura plus de peyne de s'eschapper.

  A017001397 

 Je suis en peyne de treuver un predicateur a propos pour Rumilli, puisque nos Peres Capucins n'en ont point, et qu'on y est un peu delicat.

  A017001397 

 Si moins, nous en prendrons icy quelqu'un, car nous en avons d'asses bons, pourveu qu'on ne fust pas si douillet comme l'on est en ce tems, auquel tant de gens sçavent bien dire et fort peu bien faire..

  A017001398 

 Vives tout a Dieu, ma tres chere Fille, et cherisses tous-jours fortement mon ame qui vous est toute dediee, comme je suis sans fin,.

  A017001410 

 C'est le seul sujet de ces quatre lignes; car, quant au reste, ce porteur fidele vous dira toutes nos nouvelles, qui sont petites comme en tems de paix..

  A017001411 

 J'ay bien voulu essayer d'accommoder sa volonté avec celle du sieur de Barraux, mais ilz ont reciproquement refusé les ordonnances du medecin, disant qu'ilz n'estoyent pas malades; c'est a dire, ilz ont bien advoüé qu'ilz avoyent sujet de se vouloir l'un l'autre, mais qu'ilz n'avoyent nulle intention de se rechercher pour en tirer satisfaction, pour le respect qu'ilz devoyent a la vostre, laquelle je les exhorteray tous-jours de reverer comme le sanctuaire de leur bonheur.

  A017001424 

 Mays, puisque du bon accueil que Monseigneur l'Archevesque fera a cette Congregation en sa ville depend celuy qu'elle peut prætendre en toute la France, j'acquiesce que l'on en face une Religion formelle, a la reserve de ces deux pointz sus marqués, puisque, comm'il dit, on ne changera rien aux Regles, quil loue et proteste estre « excellentes », car c'est son mot, que le fruit de cette Congregation est admirable, mais que la racine n'en vaut rien; combien que Nostre Seigneur die qu' un mauvais arbre ne sçauroit produire bon fruit. Je voy aussi que, par ce moyen, on contentera une quantité de censeurs, et les peres et parens des filles qui ne les veulent pas donner a Dieu que pour gaigner les portions qu'elles emporteroyent silz les donnoyent a quelque chetif mari..

  A017001425 

 L'importance est, ma tres chere Fille (et je vous le dis de tout mon cœur qui vous parle en simplicité et totale confiance, car en somme vous estes certes ma fille de mon cœur plus que vous ne sçauries penser, ni moy dire), l'importance est que j'ay fait cet acquiescement avec une douceur et tranquillité, ains avec une suavité nompareille.

  A017001425 

 La Regie de saint Augustin est beaucoup plus douce que les nostres, soit pour la clausure, soit pour tout le reste; de sorte que, gardans nos Regles, nous ferons plus que saint Augustin n'ordonne, et le tiltre de la Regie saint Augustin honnorera nos Regles sans y rien adjouster..

  A017001427 

 C'est pourquoy, sil plait a Monseigneur de Lyon, on pourra aysement moderer cette rigueur pour l'entree des dames et autres bonnes femmes qui, pour une si sainte fin, voudront entrer..

  A017001427 

 Joint qu'en Italie, sur tout a Romme, l'esprit des femmes y est tellement soupçonné, que non seulement on ne permet pas aux hommes de parler aux Religieuses a la treille sans expresse et tres rigoureuse licence, mais mesme on ne le permet pas aux femmes sans cette mesme licence; on rie permet pas aux prestres, [140] quelz qu'ilz soyent, fussent ilz Jesuites, Capucins et tout ce qu'on voudra, d'y aller dire Messe, s'il n'a licence par escrit.

  A017001428 

 On parle fort de faire une Congregation a Chamberi, on en demande en plusieurs endroitz; c'est pourquoy je supplie Monseigneur l'Archevesque de terminer cet affaire, en sorte qu'on puisse imprimer les Regles bientost..

  A017001429 

 Ma tres chere Fille, pries Dieu quil remplisse mon cœur de son amour; j'en fay de mesme pour le vostre, qui me semble, certes, estre vrayement mien, comme le mien est tout vostre..

  A017001448 

 Nous prierons a cett'intention; et je m'en vay aujourd'huy a Mionnaz, d'ou je repasseray vers vous tout en passant, au retour, affin de visiter vostre malade, et rendray par mesme moyen le compliment avec M. le Comte qui est gueri.

  A017001473 

 C'est pourquoy je vous conseille de croire le neveu, qui, estant de la profession et ayant l'affection quil a pour vous, ne peut en cela que vous bien conduire.

  A017001473 

 Il m'est advis que ces formalités de tuteur a vos enfans sont superflues, puisque tout est vostre et qu'aussi bien vostre Espoux nouveau ne vous demandera point de dote.

  A017001491 

 Et moy certes, ma tres chere Fille, j'oubliay a vous dire que, sans nulle difficulté, vous mangeassies, avec M. vostre pere et vos enfans, de la chair; vostre complexion est asses lasse sans autre abstinence.

  A017001492 

 Le vicariat de Rumilly depend du curé; ce que j'ay fait pour condescendre a l'extreme instance qui m'a esté faite, c'est de luy permettre quil employast M. Nacot, si bon luy sembloit, sans pour cela empescher que l'on employast M. Charvet a cet exercice, pour ceux qui n'auroyent pas agreé l'autre.

  A017001527 

 Si Monseigneur l'Archevesque vous dit ce qu'il m'a escrit, vous luy respondres que vous aves esté laissee la pour servir a l'establissement de vostre Congregation de tout vostre petit pouvoir; que vous tascheres de bien conduire les Seurs selon les Regles de la Congregation; que s'il plaist a Dieu, apres cela, que cette Congregation change de nom, d'estat et de condition, vous vous en rapportes a son bon playsir, auquel toute la Congregation est entierement voûee; et, qu'en quelle façon que Dieu soit servi en l'assemblee ou vous le serves maintenant, vous seres satisfaite..

  A017001528 

 En effect, ma tres chere Fille, il faut avoir cet esprit la en nostre Congregation, car c'est l'esprit parfait et apostolique.

  A017001530 

 Croyesmoy, ma chere Fille, j'ayme parfaitement nostre pauvre petite Congregation, mays sans anxieté, sans [150] laquelle l'amour n'a pas accoustumé de vivre, pour l'ordinaire; mays le mien, qui n'est pas ordinaire, vit, je vous asseure, tout a fait sans cela, et avec une tres particuliere confiance que j'ay en la grace de Nostre Seigneur, que sa main souveraine fera plus pour ce petit et humble Institut que les hommes ne peuvent penser.

  A017001538 

 O prenes courage, je vous en conjure; c'est la ou les lis aggreables a vostre Espoux croissent et se nourrissent mieux, et le mouton que Dieu volut luy estre immolé au lieu d'Isaac estoit arresté entre les espines.

  A017001538 

 Travailles fidelement, ma tres chere Fille, avec la pointe superieure de vostre volonté, parmi ces tenebres et secheresses; une once de l'ouvrage fait en cette sorte vaut mieux que cent livres de celuy qu'on fait entre les consolations et sentimens, et bien que celuy ci soit plus doux, l'autre neanmoins est meilleur..

  A017001539 

 J'appreuve bien que vous envoyes vostre filz faire la reverence a Son Excellence, puisque elle ne vous fait nulle response, ni a moy, a qui neanmoins ell'a respondu sur un'autre point dont je luy escrivois; et selon que vous la verres inclinee, vous pourres par apres recourir a Son Altesse, tandis que la memoire est fraische du defunct..

  A017001554 

 C'est pourquoy je luy ay fait sçavoir quil ne revint pas qu'avec cette provision-la.

  A017001571 

 Ce college est extremement pauvre pour la grandeur des charges qui y sont; et si on ne le secourt par addition de quelques revenus, ces bons Peres y vivront avec tant d'incommodités, que non seulement ilz ny pourront pas faire les progres que leur pieté et les necessités de ce païs requierent..

  A017001571 

 Mais, Monseigneur, puisque la providence de Vostre Altesse a planté ce bon arbre fruitier en cette province, c'est a elle mesme de l'arrouser, affin que, par la grace de Dieu, il puisse croistre.

  A017001572 

 Et, ce qui est plus considerable, comme ces prieurés seroyent utiles a l'entretenement de ces Peres, ces Peres seroyent reciproquement extremement utiles a l'entretenement des prieurés, qui, comme la pluspart des benefices reguliers de ce païs, s'en vont en ruines quant aux choses temporelles devant les hommes, et quant aux services spirituelz devant Dieu, qui sans doute en est grandement offencé: Et non est qui recogitet corde..

  A017001573 

 L'un de ces prieurés s'appelle Silingie et l'autre Saint Clair, tous deux a une lieuë d'icy, fort propres [154] a l'intention que je represente a Vostre Altesse, laquelle je supplie tres humblement, et sous l'adveu de sa bonté je la conjure, par l'amour qu'elle porte au service de Dieu et de l'Eglise et par la paternelle affection qu'elle a envers ce païs, de vouloir estroittement embrasser et presser le bien de ce pauvre college, qui est au cœur de la Savoye et vis a vis, comme antagoniste, de celuy de Geneve, et qui est la premiere retraitte que cette venerable Congregation des Peres Barnabites a eue deça les monts, sous les favorables auspices de Vostre Altesse, laquelle en aura beaucoup de gloire en ce monde entre les serviteurs de Dieu, et en l'autre encor davantage entre les Anges et les Saintz de Paradis.

  A017001603 

 A la vérité, je ne sais comment en remercier dignement Votre Seigneurie Illustrissime, si ce n'est en lui offrant mes tres humbles hommages et en me renfermant dans le silence à cet égard.

  A017001603 

 Je vous donnerai néanmoins une agréable nouvelle, Monseigneur: dans ces pays et par toute la France, la [157] gloire et le culte de ce bienheureux Saint s'accroissent et s'étendent merveilleusement, et sa parfaite sainteté est toujours plus admirée et estimée..

  A017001605 

 Si j'avais plus de connaissance et d'usage de la langue italienne et si je ne craignais de me rendre importun à Votre Illustrissime Seigneurie, je m'étendrais sur d'autres particularités; mais il est bien raisonnable que je demeure dans les termes du respect dû à sa très haute dignité.

  A017001616 

 Il faut donq avoir patience, et petit [160] a petit amender et retrancher nos mauvaises habitudes, dompter nos aversions et surmonter nos inclinations et humeurs selon les occurrences; car en somme, ma tres chere Fille, cette vie est une guerre continuelle, et n'y a celuy qui puisse dire: Je ne suis point attaqué.

  A017001616 

 L'amour propre, l'estime de nous mesmes, la fause liberté de l'esprit, ce sont des racines qu'on ne peut bonnement arracher du cœur humain, mais seulement on peut empescher la production de leurs fruitz, qui sont les pechés; car leurs eslans, leurs premieres saillies, leurs rejetons, c'est a dire leurs premieres secousses ou premiers mouvemens, on ne peut les empescher tout a fait tandis qu'on est en cette vie mortelle, bien qu'on puisse les moderer, et diminuer leur quantité et leur ardeur par la prattique des vertus contraires, et sur tout de l'amour de Dieu.

  A017001616 

 Le repos est reservé pour le Ciel, ou la palme de victoire nous attend.

  A017001631 

 Voyla Tolose qui veut de nos Filles de Sainte Marie, Moulins, [162] Riom, Montbrison, Reims; et c'est grand cas, par tout l'on veut la Mere..

  A017001631 

 Vrayement la moisson est bien grande; il se faut confier que Dieu donnera des ouvrieres.

  A017001641 

 J'ay consulté vostre affaire, et ay treuvé que le conseil de monsieur vostre neveu est extremement bon et quil le faut suivre, sinon que vous fussies fort asseuree quil n'y eut es biens de feu monsieur vostre mari que ce quil faut pour vos droitz, auquel cas il seroit plus court de les retenir pour iceux droitz et ne point faire heriter les enfans.

  A017001643 

 Le bon M. de Guydeboys s'est fort lamenté d'estre demeuré despouillé, a ces deux cousins.

  A017001643 

 Ne faites pas semblant que je vous en aye adverti, mays je seray bien ayse que vous justifiies vostre bonne intention pour luy, attendu quil est si proche de vostre feu mari..

  A017001644 

 Au reste, ma pauvre tres chere Fille, entre les ennuys que vostre imagination vous fournit, jettes souvent vostre cœur entre les bras du cher Espoux nouveau; attachés vous comme un'esclave d'amour au pied de sa sainte Croix, et souvienne vous que bienheureux sont ceux qui n'ont rien, pourveu qu'ilz ayent ce grand Tout hors lequel tout n'est rien pour nous..

  A017001660 

 Ah, que c'est une rare grace, ma chere Fille, de commencer a servir ce grand Dieu tandis que la jeunesse de l'aage nous rend susceptibles de toutes sortes d'impressions, et que l'offrande est aggreable, en laquelle on donne les fleurs avec les premiers fruitz de l'arbre!.

  A017001660 

 Or sus donq, ma chere Niece, il faut donq bien soigneusement cultiver ce cœur bienaymé et ne rien espargner de ce qui peut estre utile a son bonheur; et quoy que en toute sayson cela se puisse faire, si est-ce que celle ci en laquelle vous estes est la plus propre.

  A017001663 

 Or, pour le faire courtement, vous pourres en vous habillant remercier Dieu, par maniere d'oraysons jaculatoires, dequoy il vous a conservee cette nuict la, et faire encor le deuxiesme et le troysiesme point, non seulement en vous habillant, mays au lit ou ailleurs, sans difference de lieu ou d'actions quelcomques; puis, tout aussi tost que vous pourres, vous vous mettres a genoux et feres le quatriesme point, commençant a faire cet eslan de cœur qui est marqué: « O Seigneur, voyla ce pauvre et miserable [167] cœur.

  A017001663 

 Par exemple, vous deves inviolablement faire tous les matins l'exercice du matin qui est marqué en l' Introduction.

  A017001667 

 Les aumosnes qui se font chez vous, soyent aussi faites par vous tous-jours, quand vous le pourres; car c'est un grand accroissement de vertu que de faire l'aumosne de sa main propre, quand il se peut bonnement faire..

  A017001668 

 Visités les malades de vostre bourgade fort volontier; car c'est une des œuvres que Nostre Seigneur regardera au jour du jugement..

  A017001681 

 Je pensois vous envoyer mon laquay demain, ma tres chere Fille, pour vous respondre a souhait sur vos trois dernieres lettres; mays puisque ce garçon s'est presente, je m'en vay vous escrire sur tous les pointz que vous m'aves touchés..

  A017001683 

 Pour les deux cens pistoles que monsieur le Marquis [169] avoit promis de faire payer, M. de Vallon m'a dit quil vous instruiroit de ce que Son Excellence a respondu; c'est a sçavoir, que maintenant il n'y a moyen, faute de finances.

  A017001684 

 Sur ce point, il m'est venu en l'esprit d'ouvrir la lettre de M. de Vallon, et j'ay treuvé quil vous disoit du seigneur Roc ce que je vous allois escrire; de sorte quil ne sera pas besoin que vous envoyies encor a Grenoble pour cela.

  A017001685 

 Il n'y a eu nul poison en vostre cher mari, car [170] M. Faber, qui entend extremement bien et est homme de grande experience, m'en a fort asseuré; de sorte quil vous faut oster toute sorte de soupçon et d'imagination pour ce regard, ma tres chere Fille.

  A017001731 

 Vostre Altesse ayme sans doute le pauvre Thonon; aussi est il doublement sien, d'autant qu'elle en est le souverain Prince, et par ce qu'elle luy a donné une nouvelle vie par le soin paternel qu'elle eut de remettre tout ce peuple dans le sein de l'Eglise: obligation non seulement immortelle, mais eternelle, puisque elle regarde un bienfait qui doit durer es siecles des siecles..

  A017001747 

 Je sçai que la charité et pieté de Vostre Altesse est bien ferme au projet que elle a pour l'introduction des Peres Barnabites a Thonon, a laquelle est attachee la conservation du prieuré de Contamine a la Sainte Mayson de ce lieu-la, pour l'usage et entretenement desditz Peres et de leur college.

  A017001747 

 Neanmoins, puisque c'est mon devoir, je fay de rechef ma tres humble supplication a Vostre Altesse pour ces mesmes fins, luy ramentevant seulement que Thonon est le lieu de la naissance du bienheureux Amé, de la prochaine canonization duquel je me res-jouis [178] infiniment, præsageant en icelle beaucoup de tressaintes benedictions sur la coronne qu'il porta en ce monde et sous laquelle il alla si heureusement estre coronné en l'autre..

  A017001760 

 Vous pouves jurer, ma tres chere Fille, en saine conscience, puisque ce que vous dites est vrayement vostre et que les juges ne vous peuvent demander le serment que pour les choses laissees par le mary, qui sont a luy; et vous n'estes aussi obligee de respondre que sur cela.

  A017001775 

 La sainteté de ces jours prochains m'excite a renouveler les vœux de mon obeissance envers Vostre Grandeur, et ceux de mes foibles prieres a Dieu pour la conservation et prosperité de vostre personne, Monseigneur, vous suppliant tres humblement d'accepter l'une et l'autre offrande et le tesmoignage que j'en fay sur ce papier, comme venant d'un cœur qui est invariable en la fidelité avec laquelle il veut et doit vivre a jamais,.

  A017001790 

 Despuis, j'apprens que le prieuré de Contamine est tres propre et sera tres utile a plusieurs choses; c'est pourquoy, plus tost que de le laisser eschapper, il seroit bon de tenter M. le Comte de Verrue, d'une petite pension jusques a cent pistoles..

  A017001809 

 Le desir ardent de la ville de La Roche, tesmoigné par les lettres ci jointes, a esté longuement desiré par moy qui ay tous-jours creu que si vous avies un convent en ce lieu la, vous en auries autant de contentement que de nul autre que vous puissies avoir de deça, puisque l'air y est extremement bon, le voysinage fertile et abondant en force bons villages, au passage de Thonon en [182] cette ville, esloigné de quatre lieües de tout autre convent de mendians, et ou, en verité, j'ay reconneu le peuple extremement enclin a la devotion.

  A017001810 

 C'est pourquoy, contribuant mes vœux a ceux de ce bon peuple, je vous supplie, et les Peres de la Province, de vouloir accepter les bonnes volontés presentes et d'en moyenner les effectz par les voyes convenables, affin qu'au plus tost on voye reuscir ce projet, plus desiré qu'il ne se peut dire et, comme je pense, grandement desirable.

  A017001827 

 Helas! cette racine est petite, basse et profonde; mais la branche qui s'en separera perira sans doute, sechera et ne sera bonne que pour estre coupee et jettee au feu.

  A017001837 

 Mays, a la faveur de la sainteté de ce jour, j'en fay neanmoins tres humblement la reverence et l'action de graces a Vostre Altesse, la suppliant de continuer sa dilection et protection sur cette province, en laquelle l'avancement de la gloire de Dieu est de si grande consequence et plein de merite pour Vostre Altesse, que sa divine Majesté face a jamais prosperer es benedictions que luy souhaite,.

  A017001854 

 Et en verité, onques il ne m'est advenu d'avoir esté seulement essayé par homme qui vive, ni qui ayt esté, de ce costé lâ; qui me rend d'autant plus estonné quand on me dit que les visites de ces seigneurs ecclesiastiques sont considerees comme suspectes, ne pouvant seulement deviner ni pourquoy ni en quoy, puisque mesme je suis en toutes façons savoyard, et de naissance et d'obligation, qui n'ay, ni n'eu jamais, ni pas un des [186] miens, ni office, ni benefice, ni chose quelcomque hors de cet Estat, et qui ay vescu tellement lié aux exercices ecclesiastiques, qu'on ne m'a jamais treuvé hors de ce train, et qui suis meshuy tantost envielly dans la naturelle et inviolable fidelité que j'ay voüee et juree a Son Altesse..

  A017001871 

 Je joins ma tres humble supplication a celle que monsieur le baron de Vilette vous va faire, puisque celuy le bien duquel elle regarde est egalement mon parent comme a luy.

  A017001885 

 Je receu l'autre jour une lettre de monsieur le Marquis d'Aix, par laquelle il me dit que le sieur Charriere se resoult a vous rendre toutes les satisfactions possibles, telles qu'elles seront advisees par ceux qui prendront la peine de vouloir terminer l'affaire; et que sur cela, il vous avoit fait prier de vouloir ouïr les propositions, selon que je luy avois fait entendre que vous les ouïries, et feries ce que vos principaux parens et amis vous conseilleroyent; qui est, a mon advis, ce que nous resolusmes lhors que nous eusmes le bien de vous voir.

  A017001886 

 Je pars, et vous escris ces quatre motz le pied a l'estrier, mais vous jugeres bien que c'est avec l'affection,.

  A017001899 

 C'est un cœur qu'il nous a fait, unique en esprit et en vie..

  A017001899 

 Vous mesme, ma tres chere Mere, sçavés bien que la sainte unité que Dieu a faite est forte plus que toute separation, et que les distances des lieux n'ont point de pouvoir sur elle.

  A017001907 

 C'est pour vous dire, ma tres chere Fille, que je vous escris sans loysir, et neanmoins je vous veux respondre aux deux questions que vous m'aves faites ci devant, car je voy bien que pour neant j'attens les commodités de mieux faire, puisque je suis destiné au continuel accablement du tracas..

  A017001907 

 Demain je vay consoler madame la Comtesse de Tornon sur le trespas de son mari, y estant obligé par le parentage qui est entre nous et par les obligations que j'ay a la memoire du decedé.

  A017001909 

 Et ces desirs ne sont pas empeschés par l'impossibilité, mais par la lascheté, tiedeur et defaut de courage; c'est pourquoy ilz sont inutiles et ne sanctifient point l'ame, ni ne donnent nul accroissement de grace: dont saint Bernard dit que l'enfer en est plein..

  A017001910 

 C'est pourquoy ces desirs en general sont bons et rendent meilleure l'ame, l'eschaufant et affectionnant au progres..

  A017001910 

 Il est vray que pour l'entiere resolution de vostre difficulté il faut que vous remarquies quil y a des desirs qui semblent estre de la seconde sorte, qui sont toutefois de la premiere, comme au contraire il y en a qui semblent estre de la premiere et sont de la seconde.

  A017001910 

 Par exemple, nul serviteur de Dieu ne peut estre sans ce desir: O que je desirerois bien de mieux servir Dieu! helas! quand le serviray-je a souhait? Et par ce que nous pouvons tous-jours aller de mieux en mieux, il semble que les effectz de ces desirs ne sont empeschés que faute de resolution; mays il n'est pas vray, car ilz sont empeschés par la condition de cette vie mortelle, en laquelle il ne nous est pas si aysé de faire que de desirer.

  A017001911 

 Mays quand en particulier il se presente quelque occasion de profiter, et en lieu d'en venir a l'effect on en demeure au desir, comme par exemple: il se presente occasion de pardonner une injure, de renoncer a la propre volonté en quelque particulier sujet, et en lieu de faire ce pardon ou renoncement, je dis seulement: Je voudrois bien pardonner, mais je ne sçaurois; je voudrois bien renoncer, mais il ny a moyen; qui ne void que ce desir est un amusement, ains quil me rend plus coulpable d'avoir une si forte inclination au bien et ne la vouloir pas effectuer? Et ces desirs ainsy faitz semblent estre de la premiere sorte, et sont de la seconde..

  A017001912 

 Or, maintenant il vous sera aysé de vous resoudre, comme je croy; que sil vous reste quelque difficulté, escrives-la moy, et tost ou tard je vous respondray de tout mon cœur, qui est certes tout vostre, ma tres chere Fille.

  A017001913 

 Par exemple: Mon Sauveur a esté crucifié, c'est une proposition de la foy; il suffit que je l'apprehende simplement, sans m'imaginer comme son cors pendoit sur la croix.

  A017001934 

 Je vous escris emmi les affaires du Sinode, c'est a dire precipitamment.

  A017001936 

 M. de Charmoysi est d'advis que vous venies faire vostre sejour en cette ville, et dit quil vous le signifia lhors quil vous vit, tant pour estre plus pres du filz, que pour avoir meilleur et plus promt advis es occurrences de vos affaires.

  A017001950 

 Ce matin le sieur Roch est parti de cette ville, ma tres chere Fille, et j'ay escrit par luy a M. Bonfilz, qui est a Lagnieu, pour vostre affaire, puisqu'il n'y a pas apparence de le voir si tost, et ledit sieur Roch m'a dit quil y contribueroit son credit..

  A017001951 

 Je pense que vous aves bien fait de vandre le cheval, car c'est une dangereuse garde.

  A017001967 

 Les Peres Barnabites sont establiz a Tonon; reste de les y conserver, et pour cela il est requis que le prieuré de Contamine, sur lequel leur entretenement est principalement assigné, soit mis en asseurance pour eux et delivré de la conteste que le seigneur Abbé Scaglia en fait; ce que la prudence de Vostre Altesse fera fort aysement par les moyens convenables.

  A017002003 

 J'envoie à Votre Seigneurie le Mémoire touchant le mode qui me semble plus convenable pour obtenir la conversion des hérétiques; toutefois, comme il présuppose de toute façon que les princes jouissent [198] de la paix, ce n'est pas le moment de le proposer: aussi, je vous demande que jamais personne ne sache que ce Mémoire est venu de moi.

  A017002003 

 La chose n'est pas considérable en soi, mais à ce que l'on me dit, elle ne laisse pas d'être difficile..

  A017002003 

 Mais avec Votre Seigneurie je traite en toute confiance, je ne voudrais rien vous céler; car, bien que je ne vous connaisse pas personnellement, votre zèle pour la religion catholique est si pur que je ne puis douter de votre charité.

  A017002004 

 Une gracieuse église est attenante à leur maison, avec un chœur intérieur, où elles chantent chaque jour l'Office de la Très Sainte Vierge d'un air si pieux et si doux, qu'elles donnent de la dévotion à tous ceux qui les entendent.

  A017002005 

 Or, Sa Sainteté a accordé à ces Dames et Sœurs certaines Indulgences, que je n'ai cependant pas voulu faire publier, parce qu'il [200] m'a semblé qu'elles avaient été concédées comme si cette Congrégation eût été une Association, Confrérie ou Compagnie de femmes vivant chacune dans sa maison; ce qui n'est pas, car elles demeurent au contraire toutes ensemble, avec une observance religieuse telle, qu'on ne saurait, même par la pensée, imaginer une fidélité plus pure et parfaite en chasteté, obéissance et pauvreté qui réduit tout en commun.

  A017002006 

 J'ajoute encore un point très important: cette [201] Congrégation, n'ayant pas les vœux solennels d'obéissance, chasteté et pauvreté, bien que ces trois vertus s'y observent strictement, n'est pas un Ordre religieux formel, mais une Congrégation d'Oblates.

  A017002011 

 La peste s'est de nouveau réveillée à Genève, tandis que tout le pays avoisinant n'est nullement atteint; aussi semble-t-il que Dieu veuille châtier ce peuple, ennemi de son saint nom.

  A017002022 

 Qu'il est bien raysonnable, ma tres chere Fille, que je vous escrive un peu; et que je le fay de bon cœur! Pleust a Dieu que j'eusse l'esprit necessaire a vostre consolation..

  A017002023 

 Vivre selon l'esprit, ma bienaymee Fille, c'est penser, parler et operer selon les vertus qui sont en l'esprit, et non selon les sens et sentimens qui sont en la chair.

  A017002024 

 Mays, que sont ces vertus de l'esprit, ma chere Fille? C'est la foy, qui nous monstre des verités toutes relevees au dessus des sens; l'esperance, qui nous fait aspirer a des biens invisibles; la charité, qui nous fait aymer Dieu plus que tout et le prochain comme nous mesmes, d'un amour non sensuel, non naturel, non interessé, mays d'un amour pur, solide et invariable, qui a son fondement en Dieu..

  A017002025 

 Le sens humain veut avoir part en tout ce qui se passe, et il s'ayme tant, qu'il luy est advis que rien n'est bon s'il ne s'en est meslé; l'esprit, au contraire, s'attache a Dieu et dit souvent que ce qui n'est pas Dieu ne luy est rien, et comme il prend part aux choses qui luy sont communiquees, par charité, aussi quitte-il volontier sa part es choses qui luy sont celees, par abnegation et humilité..

  A017002026 

 Une Seur est bien douce et aggreable, je la cheris tendrement; elle m'ayme bien, elle m'oblige fort, et je l'ayme reciproquement pour cela: qui ne void que je l'ayme selon les sens et la chair? car les animaux, qui n'ont point d'esprit et n'ont que la chair et les sens, ayment leurs bienfaiteurs et ceux qui leur sont doux et aggreables.

  A017002026 

 Une Seur est rude, aspre, incivile, mays, au partir de la, elle est tres devote et mesme desireuse de s'adoucir et civiliser; et je fay tout, non pour playsir que j'aye en elle ni pour interest quelcomque, mays pour le bon playsir de Dieu; je la cheris, je l'accoste, je la sers, je la caresse: cet amour est selon l'esprit, car la chair n'y a point de part..

  A017002026 

 Vivre selon l'esprit, c'est aymer selon l'esprit; vivre selon la chair, c'est aymer selon la chair, car l'amour est la vie de l'ame, comme l'ame est la vie du cors.

  A017002027 

 Qui ne void que c'est vivre selon l'esprit?.

  A017002027 

 Qui ne void que ce n'est pas vivre selon l'esprit? Non certes, ma chere Fille, car tandis que j'estois encor bien jeune et [206] n'avois pas encor d'esprit je vivois des-ja ainsy; mais, quoy que selon mon naturel je sois honteuse, craintifve, apprehensifve comme une taupe, neanmoins je me veux essayer de surmonter ces passions naturelles, et, petit a petit, faire tout ce qui appartient a la charge que l'obeissance procedante de Dieu m'a imposee.

  A017002028 

 Ma chere Fille, vivre selon l'esprit, c'est faire les actions, dire les paroles et faire les pensees que l'esprit de Dieu requiert de nous.

  A017002028 

 Vivre donq selon l'esprit, c'est faire ce que la foy, l'esperance et la charité nous enseignent, soit es choses temporelles, soit es choses spirituelles..

  A017002039 

 Vous remettres nos pauvres cahiers aux pieds de [208] Monseigneur l'Archevesque, s'il est au lieu et en loysir, et s'il veut s'appliquer a cette lecture; sinon, vous les remettres entre les mains de monsieur de Ville, docteur en sainte theologie, deputé pour l'approbation des livres.

  A017002079 

 Cela m'a donné la fievre encor ce soir, avec beaucoup d'inquietude; mais ce matin je me porte bien de tout le reste, hormis de la bouche, et en somme je sens perceptiblement que ceci n'est rien et, pour un peu de retraitte, j'en seray quite.

  A017002091 

 Quand sera ce que nous serons tous destrempés en douceur et suavité envers nostre prochain? Quand verrons-nous les ames de nos prochains dans la sacree poitrine du Sauveur? Helas! qui regarde le prochain hors [213] de la, il court fortune de ne l'aymer ni purement, ni constamment, ni esgalement; mays la, mays en ce lieu la, qui ne l'aymeroit? qui ne le supporteroit? qui ne souffriroit ses imperfections? qui le treuveroit de mauvaise grace? qui le treuveroit ennuyeux? Or, il y est ce prochain, ma tres chere Fille, il y est dans le sein et dans la poitrine du divin Sauveur; il y est comme tres aymé et tant aymable, que l'Amant meurt d'amour pour luy, Amant duquel l'amour est en sa mort et la mort en son amour..

  A017002099 

 Je sçai bien qu'il me faudra demeurer encor aujourd'huy en solitude et silence, et peut estre demain: si cela est, je prepareray mon ame, comme la vostre, ainsy que je vous dis..

  A017002101 

 Encor ne faut il pas, s'il vous plaist, ma tres chere Mere, prendre aucune nourrice; ains, comme vous voyes, il faut quitter celle que neanmoins vous aures, et demeurer comme une pauvre petite chetifve creature devant le throsne de la misericorde de Dieu; et demeurer toute nue, sans demander jamais ni action ni affection quelcomque pour la creature, et neanmoins vous rendre indifferente a toutes celles qu'il luy plaira vous ordonner, sans vous amuser a considerer que ce sera moy qui vous serviray de nourrice; car, comme vous voyes, si vous prenies une nourrice a vostre gré, vous ne sortiries pas de vous mesme, ains auries tous-jours vostre conte, qui est neanmoins ce qu'il faut fuir sur toutes choses..

  A017002110 

 C'est la gloire de la sacree Sulamite de pouvoir estre seule avec son seul Roy, pour luy dire: Mon Bienaymé est a moy, et moy je suis a luy.

  A017002110 

 Quel contentement a saint Joseph et a la glorieuse Vierge allant en Egypte, lhors qu'en la pluspart du chemin ilz ne voyoient chose quelcomque sinon le doux Jesus! C'est la fin de la Transfiguration, ma tres chere Mere, de ne voir plus ni Moyse, ni Elie, ains le seul Jesus.

  A017002112 

 Je vous dis donq, ma chere Mere: que beni soit le Seigneur qui vous a despouillee! O que mon cœur est content de vous sçavoir en cet estat si desirable! et je vous dis comme il fut dit a Isaïe: Marchés et prophetisés toute nue ces troys jours.

  A017002112 

 Perseverés, en cette nudité, de demeurer aupres de Nostre Seigneur; il n'est plus besoin que vous facies des actes, s'il ne vous vient au cœur, ains que seulement vous chanties, si vous pouves, doucement le cantique de vostre nudité: Nue je suis nee du ventre de ma mere, et ce qui s'ensuit.

  A017002122 

 C'est la verité, il faut demeurer en cette sainte nudité jusques a ce que Dieu vous reveste.

  A017002123 

 Ma tres chere Mere, il est vray, vostre imagination a tort de vous representer que vous n'aves pas osté et quitté le soin de vous mesme et l'affection aux choses spirituelles; car n'aves vous pas tout quitté et tout oublié? Dites ce soir que vous renonces a toutes les vertus, n'en voulant qu'a mesure que Dieu vous les donnera, ni ne voulant avoir aucun soin de les acquerir qu'a mesure que sa Bonté vous employera a cela pour son bon playsir..

  A017002124 

 Ce qu'il faut que vous facies, ne le faites plus parce que c'est vostre inclination, mais purement parce que c'est la volonté de Dieu..

  A017002125 

 Je sens insensiblement au fond de mon cœur une nouvelle confiance de mieux servir Dieu en sainteté et justice tous les jours de ma vie; et si, je me treuve aussi nu, graces a Celuy qui est mort nu pour nous faire entreprendre de vivre nus.

  A017002132 

 Et prenés courage, car s'il vous a [219] desnuee des consolations et sentimens de sa presence, c'est affin que sa presence mesme ne tienne plus vostre cœur, mays luy et son playsir; comme il fit a celle qui, le voulant embrasser et se tenir a ses pieds, fut renvoyee ailleurs: Ne me touche point, luy dit il, mais va, dis le a Simon et a mes freres.

  A017002140 

 Que s'il ne vous delivre pas si tost de vos imperfections, c'est pour vous en delivrer plus utilement et vous exercer plus longuement en l'humilité, affin que vous soyes bien enracinee en cette chere vertu..

  A017002140 

 Vostre cœur sera pur, ma chere petite Fille, puisque vostre intention est pure, et les pensees vaines qui vous [220] surprennent ne le sçauroyent souiller en sorte quelcomque.

  A017002141 

 Alles bien simplement en cette croyance, et salues souvent le cœur de ce divin Sauveur qui, pour nous tesmoigner son amour, s'est voulu couvrir des apparences de pain, affin de demeurer tres familierement et tres intimement en nous et pres de nostre cœur..

  A017002141 

 Mays neanmoins, ce divin Sacrement est principalement institué affin que nous receussions le cors et le sang de nostre Sauveur, avec sa vie vivifiante: comme les habillemens couvrent principalement le cors de l'homme, mais parce que l'ame est unie au cors, ilz couvrent par consequent l'ame, l'entendement, la memoire et la volonté.

  A017002141 

 Qui reçoit la tressainte Communion, il reçoit Jesus Christ vivant: c'est pourquoy son cors, son ame et sa divinité sont en ce divin Sacrement; et d'autant que sa divinité est celle la mesme du Pere et du Saint Esprit, qui ne sont qu'un seul Dieu avec luy, qui reçoit la tressainte Eucharistie reçoit le cors du Filz de Dieu et, par consequent, son sang et son ame, et par consequent, la tressainte Trinité.

  A017002142 

 Ma chere Fille, ces divins Espritz vous apprendront comme vous feres pour bien celebrer ces jours solemnelz, et sur tout l'amour interieur qui vous fera connoistre combien est grand l'amour de nostre Dieu qui, pour se rendre plus nostre, a voulu se donner en viande pour la santé spirituelle de nos cœurs, affin que, les nourrissant, ilz fussent plus parfaitz..

  A017002152 

 Il est vray qu'il ne faut pas permettre que la Regie soit outrepassee, sinon rarement, et pour des sujetz pareilz a celuy cy..

  A017002152 

 Il les faut affermir, s'il est possible, a ne vouloir pas toutes faire tout ce que les autres font, ains seulement a vouloir tout ce que les autres veulent: c'est a dire, a ne faire pas toutes les mesmes exercices, fors ceux de la Regie, ains que chacune marche selon le [222] don de Dieu; mais que toutes ayent cette unique et simple pretention de servir a Dieu, ayant ainsy toutes une mesme volonté, une mesme entreprise, un mesme projet, avec une grande resignation d'y parvenir une chacune selon les moyens que la Superieure et le Pere spirituel jugeront expediens.

  A017002152 

 Selon mon advis, il n'y aura point d'inconvenient de laisser communier cette bonne Seur; ains il faut, s'il est possible, arracher aux Seurs de la Congregation cette imperfection ordinaire aux femmes et filles, de la vaine et jalouse imitation.

  A017002164 

 M me du Chastelard est a la Visitation, qui proteste grandement de n'avoir jamais eu un seul brin de pensee contraire a la sainte inspiration qu'elle avoit eue et laquelle elle sent plus forte que jamais; et vrayement, c'est une bonne ame qui est en une bonne voye.

  A017002175 

 Et en ce cas, bien que je serois tous-jours marri de la voir un peu ravalee de son plus parfait dessein, si est ce que je ne laisserois pas de l'aymer tres cherement, et il me sera toute ma vie impossible de m'empescher de l'affectionner parfaitement en Nostre Seigneur..

  A017002210 

 J'escrivis a M. Cochet, et a madame la Comtesse [227] aussi, pour la petite seur Gavent, mais la responce n'est qu'une remise..

  A017002234 

 Du moins, bonjour pour ce matin, ma tres chere Mere, et je vous demande si vous pourres avoir un P. Barnabite, car M. Roland est a conter de l'argent.

  A017002234 

 Que sil ne se peut bonnement, renvoyes moy, et je vous prouvoyeray bravement, et, tout au fin pis, ce sera d'un pauvre Evesque que vous aymes comme vous mesme; aussi est il en tout, vostre..

  A017002242 

 Vous n'aures pas si tost monsieur de Charmoysi, ma tres chere Fille, car il est si galleux et plein de foroncles [229] quil ne peut bouger.

  A017002243 

 M. Bonfilz est a Chamberi.

  A017002259 

 Ce pendant, escrives moy vostre conception, affin que je face repartir le laquay, lequel est arrivé tandis que j'estois occupé parmi cetté bonne compaignie que nous avons eu a disner..

  A017002259 

 Vous verres par ces deux lettres le petit empressement que M me de la Flechere a pour marier son neveu a nostre fille; il luy est advis qu'il ne faut qu'estre filz de nostre Mere pour estre bien heureux.

  A017002260 

 Si la bonne M me de Rochefort vous va voir, faites-la entrer et caresses-la bien, car cet (sic) une bonne fille; ma Seur Claude Simplicienne est sa voysine, et [231] M me de la Forest, de sa connoissance.

  A017002283 

 Je suis marri de la peine en laquelle monsieur Rigaud s'est mis pour la Præface, que je m'asseure vous aurés recëue des maintenant par un voiturin qui porte une charge de soye a M. Magnin, qui m'a promis de faire rendre le paquet soudain quil seroit arrivé.

  A017002284 

 Et a propos de faute, il y en a deux notables au livre, dont l'une est de l'imprimeur, qui a obmis une ligne entiere; l'autre est de moy, qui ne sçai ou j'avois l'esprit quand j'escrivis les [quatre] vers [qui sont] en la page 725, ligne 8, desquelz je vous envoye la correction, et vous prie qu'en toute façon on les oste pour y mettre [234] ceux que je vous envoye; car ces vers ainsy quilz sont, sont capables de fascher plusieurs lecteurs et les degouster..

  A017002285 

 J'ay encor fait un' autre faute remarquable et digne de mon inadvertence ordinaire: c'est qu'au septiesme Livre, le tiltre du Livre et le tiltre du premier chapitre sont de mesme (en la page 369), la ou le tiltre du chapitre devoit estre:.

  A017002295 

 Je vous escrivis pour avoir un petit Combat spirituel [236] de ceux qui sont imprimés a Paris, par ce que tout y est, car si ilz estoit (sic) imprimés a Lyon avec tout le mesme, ce me seroit tout un..

  A017002313 

 Urbi et orbi ignotus, orbi et Urbi notissimum et amantissimum [238] Cardinalem, secundum eam quæ in Christo est charitatem, precibus confidenter aggredior..

  A017002315 

 Verum, cum non ita pridem Reverendissimum Dominum Archiepiscopum Lugdunensem salutandi gratia adiissem, verbaque simul de rerum nostrarum ecclesiasticarum statu misceremus, incidit inter alia sermo de istis duabus Congregationibus mulierum, quarum odor suavissimus est in utraque diæcesi, ut proinde earum recta gubernatio maximi omnino videatur esse momenti..

  A017002316 

 Ita ergo inter nos statutum est, atque ubi id aggredi cœpimus, miram in eis et suavissimam ad obediendum animorum promptitudinem et facilitatem invenimus..

  A017002317 

 Tria tantum habent in usu peculiaria pietatis officia, [241] quæ summopere illis cordi sunt; et quæ si ab Apostolica Sede concedantur, nihil in hac status mutatione durum, nihil insuave futurum est.

  A017002318 

 Hujus autem earum desiderii ratio est, quia in illis Congregationibus plerumque recipiuntur mulieres jam adultæ, quæ Officium magnum, cum illius rubricis, vix ac ne vix quidem addiscere possent.

  A017002318 

 Primum est, ut ad Officium clericale quod magnum vocant non obligentur, sed tantum ad Officium parvum Beatissimæ Virginis.

  A017002318 

 Quod ideo maxime consideratione dignum est, quia inter omnes totius orbis mulieres, nullæ sunt quæ [242] ineptiore latini sermonis pronunciatione utantur quam Gallicæ, quas proinde impossibile esset accentuum quantitatum et rectæ pronunciationis leges in tanta Officiorum, Lectionum et Psalmorum varietate observare.

  A017002318 

 Unde dolendum est tantam in plerisque monasteriis mulierum pronunciationis imperitiam audiri, ut etiam alioquin cordatis auditoribus interdum risum, sciolis vero et hæresi infectis cachinnum moveant et scandalum..

  A017002319 

 Secundum est, quod viduas interdum etiam aliquot annis, in habitu seculari, sed tamen modestissimo, secum ad Congregationis pia officia exercenda habitare permittant.

  A017002320 

 Cumque hujusmodi viduæ obedientiam et exactam propemodum clausuram observent (vix enim semel bisve quotannis ad domestica negocia componenda illis egredi contingit), nihil omnino dispendii, plurimum vero compendii huic consuetudini inesse existimandum est.

  A017002320 

 Hujus autem desiderii ratio est, quia in istis regionibus tanta libertate viri viduas, quamvis piissimas, colloquiis et irritamentis secularibus infestant, ut quæ veram viduitatem colere volunt, vix id tuto præstare possint; quibus hac via optime consulitur.

  A017002320 

 Imo vero multo minus ea periculum habet, quam quæ in plerisque piissimis monasteriis viget, ut Sorores conversæ negociorum gerendorum gratia egredi et regredi possint, neque multo plus difficultatis quam illa, quæ tamen satis trita est, ut puellæ educationis gratia in monasteriis recipiantur.

  A017002321 

 Tertium est, quod non solum viduas hujusmodi quæ serio seculo renunciare intendunt, sed interdum alias etiam conjugatas admittunt; eas, scilicet, quœ cum velint novam in Christo vitam instituere, atque adeo confessiones, quas vocant generales, præviis aliquod exercitiis spiritualibus facere, opus habent in remotum a secularibus locum tantisper aliquot diebus secedere.

  A017002322 

 Porro, si aliqua causa pia subsit propter quam interdum mulieres Monialium claustra ingredi possint (sunt autem aliquot), hæ duæ inter præcipuas numerandæ sunt; [245] quas tamen ita obtinere æquum est, si ab Ordinario ejusve Vicario generali scripto probentur, et quamdiu ex hujusmodi praxi nihil detrimenti disciplinæ regulari accedet.

  A017002322 

 Quod si ex præteritis de præsentibus et futuris conjectura sumenda sit, nihil omnino sanctius, nihil utilius; quinimmo, quia res omnino fœlicissimum hactenus habuit successum, in posterum eumdem quoque habituram sperandum est..

  A017002332 

 Ignoré de Rome et du monde, je viens, selon la charité qui est [238] dans le Christ, présenter à un Cardinal très connu et très aimé du monde et de Rome une confiante prière..

  A017002337 

 C'est en effet une grande pitié que la prononciation que l'on entend dans la plupart des monastères de femmes, et dont l'étrangeté va jusqu'à exciter le rire chez des auditeurs d'ailleurs bien disposés, et la moquerie, sinon le scandale, chez les demi-savants et les hérétiques..

  A017002337 

 Cela est d'autant plus digne d'être pris en considération, que, de toutes les femmes du monde entier, il n'en [242] est point qui prononcent le latin aussi défectueusement que les françaises, à qui il serait vraiment impossible, dans une telle variété d'Offices, de Leçons et de Psaumes, d'observer exactement les lois de l'accentuation et de la prononciation.

  A017002337 

 En outre, ce petit Office de la Sainte Vierge est par elles récité avec une scrupuleuse observance des tons, accents et pauses, ce qu'elles ne pourraient absolument pas s'il leur fallait réciter un Office plus long.

  A017002337 

 Le premier point, c'est de n'être pas obligées à l'Office des clercs, à savoir au grand Office, mais seulement au petit Office de la Bienheureuse Vierge.

  A017002338 

 Un second point, c'est la permission qu'elles accordent à des veuves de venir, pendant des années parfois, habiter avec elles, en costume séculier, très modeste il est vrai, pour se livrer aux pieux exercices de la Congrégation; et cela, non pas sans doute à toutes les veuves, mais à celles-là seules qui, désireuses d'entrer en Religion, et, en attendant, songeant d'une manière sérieuse à donner congé au siècle et aux sollicitations matrimoniales, cherchent prudemment à cacher ce trésor de la chasteté, qu'elles portent dans des vases fragiles, de crainte que, le portant en leurs mains sous le regard des enfants des hommes, elles ne l'exposent à devenir la proie des voleurs.

  A017002339 

 Elle présente même beaucoup moins de péril que celle qui, dans la plupart des monastères les plus pieux, permet aux Sœurs converses d'aller et de venir pour des raisons d'affaires; et la difficulté n'y est guère plus grande que dans la coutume, pourtant généralement admise, de recevoir des jeunes filles dans les monastères pour y faire leur éducation.

  A017002339 

 Et voici la raison de ce désir: telle est, dans ces pays-ci, la liberté hardie des hommes à harceler les veuves, même les plus pieuses, de leurs conversations et provocations mondaines, que celles qui veulent pratiquer la véritable viduité, ont de la peine à le faire en toute sécurité; à quoi on obvie très heureusement par ce moyen.

  A017002340 

 Quels fruits abondants produit cette sainte et courte hospitalité, on ne saurait assez le dire; car ce n'est pas là seulement une question de repos, mais de condescendance au sentiment de pudeur, de réserve et d'honnêteté, naturel à leur sexe, que l'on ménage en les mettant en rapport avec leurs confesseurs par une petite fenêtre munie d'un treillis de fer, pratiquée tout exprès pour les confessions des Sœurs; là, elles reçoivent des enseignements salutaires qu'elles peuvent ensuite, avec quelqu'une des Sœurs, méditer à loisir..

  A017002341 

 Que s'il est permis de tirer du passé des conjectures pour le présent et pour l'avenir, il n'est certainement rien de plus saint, rien de plus utile; aussi faut-il espérer que, n'ayant eu jusqu'à ce jour que les plus heureux résultats, il en sera de même dans la suite..

  A017002342 

 Pour moi, très éminent Cardinal, c'est à votre unique intercession que j'ai [246] recours.

  A017002353 

 Orbi et Urbi ignotus, ego qui minime sum dignus vocari Episcopus et simpliciter ambulans omnium mihi totique orbi notissimum et illustrissimum Cardinalem, [248] secundum eam quæ in Christo est charitatem, aggredior confidenter..

  A017002354 

 Habemus hic quamdam viduarum ac virginum Congregationem, quæ licet verius Oblatæ quam proprii nominis Moniales esse videantur, tamen tantam pietatem undique spirant, ut quemadmodum de similibus Sanctus Gregorius Nazianzenus olim asseruit, ego quoque de istis dicere non verear: Mihi quidem etsi parvus est hujusmodi mulierum numerus, cælestibus pulcherrimisque Christi syderibus adeo gestio atque exulto, ut pro paucis his de virtutis præstantia, cum multo pluribus contentionem venire non dubitem..

  A017002360 

 Atque in hac etiam hospitalitate cum nihil periculi, plurimum sane compendii, attenta harum regionum conditione esse compertum est..

  A017002360 

 Secundum est, quod viduas interdum etiam aliquot mensibus secum habitare permittunt, sed eas tantum quæ cum veræ viduæ esse velint, dum de nuntio seculo ac nuptiarum interpellatoribus remittendo cogitant, thesaurum quem in vasis fictilibus portant, abscondere quærunt, ne in manibus illum portantes, a latronibus illas depredari contingat.

  A017002362 

 Quartum est, quod incorrigibiles ejicere possunt, ea tamen lege ut prius Episcopum moneant, ejusque decreta expectent, et quicquid propter ejiciendam receperint, eidem restituant: quod quidem nunquam hactenus contigit.

  A017002373 

 Ignoré du monde et de Rome, très indigne d'être appelé évêque, mais marchant en simplicité, j'aborde avec confiance, selon la charité [248] qui est dans le Christ, un Cardinal, de tous le plus illustre, et le plus connu de moi et du monde entier..

  A017002376 

 Leur chant est si heureusement adapté aux règles de la piété, qu'on ne saurait dire si, dans leur psalmodie, la douceur l'emporte sur la gravité, ou la gravité sur la douceur..

  A017002380 

 Le second usage est qu'elles permettent parfois à des veuves d'habiter chez elles, même durant plusieurs mois; à des veuves, dis-je, qui, voulant être des veuves véritables, cherchent à cacher, pendant quelque temps, pour dire adieu au monde et aux solliciteurs en mariages, le trésor qu'elles portent dans des vases d'argile; de peur que, le portant dans leurs mains, au vu de tous, il ne leur arrive d'en être dépouillées par des larrons.

  A017002382 

 Ce fait d'ailleurs ne s'est jamais produit jusqu'à ce jour.

  A017002384 

 Que du moins Sa Sainteté, qui a la charge de tous et doit se faire tout à tous, daigne leur accorder des Indulgences et en enrichir leur église; qu'Elle daigne les encourager à progresser dans la piété par sa paternelle et Apostolique Bénédiction; car la plupart de ces femmes et de ces vierges sont de haute noblesse et issues de parents [253] illustres, et cette Congrégation tout entière est respectée des hérétiques eux-mêmes, tant sa piété sait triompher de l'obstination des ennemis même de la piété..

  A017002393 

 La longueur du tems que monsieur vostre pere a vescu et les dernieres langueurs qui vous ont, il y a quelque tems, annoncé son trespas et menacé de son absence future, vous auront donné sujet de vous resoudre en la perte du bonheur que vous avies de le sentir encor [254] en ce monde; car en somme, puisque nul n'est exempt de la mort, la plus favorable condition que nous puissions avoir d'elle, c'est quand elle nous laisse longuement jouïr de ceux a qui nous appartenons..

  A017002421 

 Puisque Monseigneur de Lyon vous a establi son vicaire pour l'establissement et le progres de la Congregation de la Visitation de Moulins, c'est donq a vous, Monsieur, que j'addresse ces quatre lignes, affin que sous vostre authorité spirituelle, elles servent a ce dessein Dieu, qui, comme je l'espere, benira leur bonne volonté et leur desir....

  A017002430 

 Le service que vous alles rendre a Nostre Seigneur et a sa tres glorieuse Mere, est apostolique; car vous alles [258] assembler, ma tres chere Fille, plusieurs ames en une Congregation, pour les conduire, comme une nouvelle bande, a la guerre spirituelle contre le monde, le diable et la chair, en faveur de la gloire de Dieu; ou plustost, vous alles former un nouvel essaim d'abeilles qui, en une nouvelle ruche, fera le mesnage du divin amour, plus delicieux que le miel..

  A017002431 

 C'est, en un mot, le grand mot de vostre affaire, de ne jamais employer vostre esprit pour disputer en faveur de la tentation du descouragement, sous quel pretexte que ce soit, non pas mesme quand ce seroit sous le specieux pretexte de l'humilité..

  A017002431 

 Quand est ce qu' aucun espera en Dieu et qu'il fut confus? La desfiance que vous aves de vous mesme est bonne tandis qu'elle servira de fondement a la confiance que vous deves avoir en Dieu; mais si jamais elle vous portoit a quelque descouragement, inquietude, chagrin et melancholie, je vous conjure de la rejetter comme la tentation des tentations; et ne permettes jamais a vostre esprit de disputer et repliquer en faveur de l'inquietude ou de l'abbattement de cœur auquel vous vous sentires penchee, car cette simple verité est toute certaine: que Dieu permet arriver beaucoup de difficultés a ceux qui entreprennent son service, mays jamais pourtant il ne les laisse tomber sous le faix tandis qu'ilz se confient en luy.

  A017002432 

 L'humilité, ma tres chere Fille, fait refus des charges, mais elle n'opiniastre pas le refus; et estant employee par ceux qui ont le pouvoir, elle ne discourt plus sur son indignité quant a cela, ains croit tout, espere tout, [259] supporte tout avec la charité; elle est tous-jours simple.

  A017002432 

 La sainte humilité est grande partisane de l'obeissance, et comme elle n'ose jamais penser de pouvoir chose quelcomque, elle pense aussi tous-jours que l'obeissance peut tout; et comme la vraye simplicité refuse humblement les charges, la vraye humilité les exerce simplement..

  A017002433 

 Qui peut conserver la douceur emmi les douleurs et alangourissemens, et la paix entre le tracas et multiplicité des affaires, il est presque parfait; et bien qu'il se treuve peu de gens, es Religions mesmes, qui ayent atteint a ce degré de bonheur, si est ce qu'il y en a pourtant et y en a eu en tout tems, et faut aspirer a ce haut point..

  A017002433 

 Vostre cors est imbecille, mays la charité, qui est la robbe nuptiale, couvrira tout cela.

  A017002434 

 Cette egalité d'humeur, cette douceur et suavité de cœur est plus rare que la parfaite chasteté, mais elle n'en est que plus desirable.

  A017002444 

 Vous estes bien heureuse, certes, d'aller servir a la fondation d'une nouvelle Congregation de servantes de [261] Dieu, car c'est un office angelique.

  A017002458 

 Ma très chere Fille, vives en Dieu doucement et simplement, avec un continuel amour de vostre propre abjection, et un grand courage a servir Celuy qui, pour vous sauver, est mort en la †..

  A017002468 

 Vous estes employee bien jeune a de grandes œuvres: cela vous doit faire humilier profondement, et vous faire resoudre a fidellement obeir aux Regles et a vostre Superieure; car c'est pour [ce] service qu'on vous a choisie, affin que, comme d'autres serviront de bon exemple aux filles plus avancees en aage qui se rangeront a la Congregation, vous servies aussi de patron aux plus jeunes; ce qui est extremement important, car Dieu ayme tres particulierement les premices des annees et desire qu'elles luy soyent consacrees.

  A017002482 

 Encor qu'en l'assemblee que nous avons tenue maintenant, le different que nous avons n'ayt pas esté du tout terminé, si est ce toutefois que l'accommodement en a esté tellement acheminé, qu'il sera aysé, au premier rencontre, de le parachever, ainsy que monsieur Pergod et le sieur Enpio vous en feront plus amplement le [265] recit.

  A017002501 

 [266] M. Bonfilz s'estoit retiré a Sessel aupres de Sa Grandeur, mais il revint hier bien tard, et croy que c'est pour apporter quelque parole et s'entremettre a l'accommodement de ce mal heur..

  A017002519 

 Mays voÿés vous, ma tres chere Fille, [268] vous sçaves bien cela, que la Visitation est toute vostre, et nostre Mere et toutes les Seurs, et a madamoyselle de Beaufort, ainsy que vous le jugeres a propos..

  A017002520 

 En somme, Dieu est bon, et bienheureux est le cœur qui l'ayme..

  A017002520 

 La chere niece est si grandement consolee, que son ame est comme une petite pouponne aux mammelles de la douceur caeleste.

  A017002521 

 Ce bon homme ne me voyoit point, des il y a quelque tems, et avoit protesté a Sessel de ne me vouloir jamais aymer, sans quil eut ni rayson ni sujet quelcomque de faire telle declaration; c'est pourquoy, quoy que diverses fois il fut venu icy, je n'avois pas eu moyen de luy parler de vostre affaire.

  A017002533 

 Je considerois au soir, selon la foiblesse de mes yeux, cette Reyne mourante d'un dernier acces d'une fievre plus suave que toute santé, qui est la fievre d'amour, laquelle, desseehant son cœur, en fin l'enflamme, l'embrase et le consomme, de sorte qu'il exhale son saint esprit, lequel s'en va droit entre les mains de son Filz.

  A017002546 

 Les defiances n'ont point de lieu ou l'amour est parfait.

  A017002546 

 [271] Mays il est vray toutefois, Monsieur mon Filz, que vos lettres m'apportent tous-jours une delectation extreme, y voyant, ou du moins entrevoyant, les traitz de vostre bonté naturelle et de la sainte charité de vostre ame, qui produit et nourrit la douceur de vostre dilection filiale que vous respandes sur moy et qui me remplit de suavité.

  A017002549 

 C'est le plus doux, gracieux et devot Prince [272] qu'on puisse voir; un cœur plein de courage et de justice, une cervelle pleine de jugement et d'esprit, un'ame qui ne respire que le bien et la vertu, l'amour de son peuple et sur tout la crainte de Dieu.

  A017002550 

 Reste, Monsieur mon tres cher Filz tres honnoré, que je vous souhaite toutes les benedictions celestes; et c'est la respiration ordinaire de mon cœur, puisque j'ay la faveur et le bonheur d'estre advoüé vostre Pere, et que je dois estre et suis a jamais,.

  A017002554 

 Monsieur, c'est tout a la haste que j'escris, et je m'asseure que de Lyon vous recevres un autre livre, selon l'ordre que j'en avois donné.

  A017002566 

 Maintenant donq il est revenu a moy, qui le rens porteur de cette lettre, affin que si Vostre Altesse le treuve a propos, elle l'escoute sur ce sujet; car a cette seule intention je l'ay renvoyé vers [274] elle, a laquelle faysant tres humblement la reverence, je suis,.

  A017002580 

 Mays, en toute façon, j'atteste en bonne foy que despuis que j'en ay eu la communication, ce porteur n'a cessé de desirer de le proposer, et s'est engagé en la trouppe delaquelle il est, expres pour avoir sujet et moyen d'approcher Vostre Altesse, ainsy qu'il m'a tous-jours asseuré et qu'il a desiré que je fisse sçavoir a Vostre Altesse, a laquelle je fay tres humblement la reverence et suis,.

  A017002618 

 Je n'ay receu aucune de vos lettres, ma tres chere Fille, despuis vostre depart; cela, je vous prie, que veut il dire? Or, je sçai bien neanmoins que vostre charité est invariable..

  A017002619 

 La porte des consolations est malaysee; la suite sert de recompense.

  A017002619 

 Voyla, ma tres chere Fille, des vrays signes de la bonté de l'œuvre: l'acces y est tous-jours difficile, le progres un peu moins, et la fin bienheureuse.

  A017002620 

 Mais il faut que je vous die naïfvement ce que je crains plus que tout en cette occurrence: c'est la tentation des aversions et repugnances entre vous et nostre [Sœur des Gouffiers], car c'est la tentation qui arrive ordinairement es affaires qui dependent de la correspondance de deux personnes; c'est la tentation des anges terrestres, puisqu'elle est arrivee entre les plus grans Saintz, et c'est nostre imbecillité, de tous tant que nous sommes enfans d'Adam, qui nous ruine, si la charité ne nous en [278] delivre.

  A017002620 

 Mays neanmoins, ma tres chere Fille, rehausses vostre esprit, et voyes que vostre action est de grande consequence.

  A017002620 

 Souffrés, ne despités point, adoucisses tout, regardes que c'est la besoigne de Dieu a laquelle cette dame s'employe selon son sentiment, et vous selon le vostre, et que toutes deux vous deves entreporter et entresupporter pour l'amour du Sauveur.

  A017002622 

 Je salue tres cordialement nos cheres Seurs, et les conjure de prier Dieu pour mon ame, inseparable de la vostre et des leurs en la dilection qui est selon Jesus, nostre Sauveur..

  A017002669 

 Je l'ay donq fait fermer de mon cachet, affin que, si d'adventure le paquet s'ouvroit, comme fit celuy dans lequel elle me fut addressee, elle ne fust pas ouverte par le froissement du port; car c'est ainsy qu'elle fut declose, et non par la malice du porteur, qui me rendit tout le paquet debiffé, mais en sorte que je conneus quil ny avoit point touché..

  A017002670 

 On ne laisse pas pourtant de travailler a la reunion des Princes, sous le credit desquelz on nous dit que tout ce malheur nous est preparé.

  A017002698 

 Et puis que le P. Recteur propose un expedient, il le faut prendre tel quil le dit, hormis qu'apres avoir envoyé a vostre choix ce qui sera plus propre pour cette Mayson-la et pour Rion, vouloir encor faire faire des absences a nostre Mere, c'est dire quil faut demanteler cette Mayson et la laisser a la merci des vens; car, comme vous sçaves, il y a peu de Meres et beaucoup de filles, [287] dont les unes sont des-ja venues, les autres viendront au premier jour, et il faut une Mere icy qui suffise a tout; laissant a part les grandes bonnes affaires qui sont par deça pour cette Congregation, ausquelles nostre seule Mere peut respondre..

  A017002698 

 Or sus, embarqués pourtant que l'on est, il ne faut pas perdre courage, mais user de toute la dexterité possible pour empescher que nos imbecillités ni (sic) scandalisent point ceux du monde.

  A017002699 

 Mays tenes vostre cœur en charité, c'est a dire, supportes le prochain, car ce support est la charité, et la charité, ce support..

  A017002717 

 O Dieu! quand sera-ce que le support du prochain aura sa force dans nos cœurs? C'est la derniere et plus excellente leçon de la doctrine des Saintz: bienheureux l'esprit qui la sçait.

  A017002730 

 Je le dis au P. D. Fulgence avant son depart; mais sachant quil y a une place vacante maintenant, je vous prie de la [290] retenir vacante, c'est a dire, de faire que le Conseil, auquel il appartient de prouvoir, sursoye.

  A017002765 

 C'est pourquoi, vous n'aviez nul besoin d'user d'excuses avec moi pour votre départ inopiné..

  A017002799 

 Ce clergé s'est accommodé avec toute sorte d'humilité et de respect a ce qu'il a pleu a Vostre Altesse de me commander, marris que nous sommes tous de ne pouvoir asses dignement tesmoigner l'infinie affection que nous [295] avons a son service.

  A017002800 

 Monseigneur, c'est le souverain bonheur que peut demander pour Vostre Altesse,.

  A017002813 

 Les Religieux de Talloyres sachans que le fermier de [296] leur Prieur commendataire a promis de fournir trois cens couppes de froment pour l'armee, et qu'il prætend a cet effect employer le bled de sa ferme, ilz supplient tres humblement Vostre Altesse qu'il luy playse de commander qu'avant toute chose les præbendes destinees a la nourriture des Religieux seront reservees, affin que le divin service soit continué, attendu que ledit fermier n'a peu promettre ce qui est aux Religieux.

  A017002829 

 Le college d'Annessi fondé en Avignon recourt par un sien deputé, natif de Chamberi, a nostre Saint Pere le Pape affin d'obtenir de Sa Sainteté quelque digne remede contre les desordres qui y sont survenus au prejudice des sujetz de Vostre Altesse, qui est le mesme sujet pour lequel elle avoit escrit ces jours passés au Vice Legat du comtat d'Avignon; qui me fait la supplier tres humblement d'employer pour ce bon œuvre la mesme faveur a Romme qu'elle avoit accordé pour Avignon..

  A017002856 

 Joint qu'icy on ne traite pas d'imposer ni par voye de prest ni autrement, puisque ce n'est qu'un simple secours pour un cas particulier et qui ne tire nulle consequence..

  A017002856 

 L'autre motif est que les Docteurs limitent le chap. Clericis, in 6.

  A017002887 

 Si monsieur le collateral de Quoex est encor la, je vous supplie quil sache par vostre courtoysie que je le salue humblement et tres affectionnement..

  A017002901 

 Et puis, si je ne me trompe, vostre humeur n'est pas faite pour la conteste.

  A017002901 

 Mais je voy bien, chere Fille, qu'il est un peu malaysé d'avoir soin du mesnage en une mayson ou il y a mere et pere; car je n'ay jamais veu que les peres, et sur tout les meres, layssent le gouvernement entier aux filles, encor que quelquefois il seroit expedient.

  A017002901 

 Pour moy, je vous conseille de faire le plus doucement et sagement que vous pourres ce qui vous est recommandé, sans [305] jamais rompre la paix avec le pere et cette mere; car il vaut mieux que les affaires n'aillent pas si bien, et que ceux a qui l'on a tant de devoir soyent contens.

  A017002916 

 Cette digne porteuse vous dira comme je vous escris a l'improuveüe, ma tres chere Fille, et si soudainement que je ne sçai que dire, sinon que vous seres la tres bien venue, que c'est un grand bien a nostre Charles d'avoir un bon maistre, que je suis plus vostre que mien et ne cesse jamais de vous souhaiter mille et mille faveurs du [307] Ciel, sur tout le saint, puissant, doux et tranquille amour de nostre Dieu..

  A017002917 

 Or sus, tout est pour Dieu: l'amour et le cœur qui ayme.

  A017002918 

 Voyla une lettre pour la seur, qui est vielle, mais ell'a besoin de l'avoir; je la luy envoyay par un prestre de Seyserieu qui, l'ayant treuvee partie, me la rapporta, et maintenant je ne puis luy escrire..

  A017002948 

 C'est pourquoy, ce bon Pere confesseur des Dames de Sainte Claire va pour voir s'il pourra tirer l'asseurance de ladite somme; en quoy je vous supplie tres humblement de l'assister, comme aussi de luy faire delivrer le mandat des trente vaisseaux que saditte Altesse a ouctroyé pour le couvent de Saint François..

  A017002948 

 Et pour l'assignation de cette somme-la, monsieur de Monthouz me dit avant hier que Son Altesse avoit accordé le rappel des galeres en faveur d'un certain notaire ou chatelain, que je pense estre du quartier d'Aiguebelle, a la charge quil donneroit les troys cens ducatons dont il est question pour cett'œuvre pie, et qu'il serviroit deux ans aux bastimens de la Sainte Mayson de Thonon.

  A017002949 

 Je sçai que vostre pieté vous portera asses a tous ces bons offices, sans que j'y employe mon intercession; mais puisque elle m'est demandee, je ne la puis refuser, mesme sachant que vous me faites lhonneur de m'aymer, [310] lequel je vous conjure de me continuer, ainsy que je veux estre a jamais, Monsieur,.

  A017002984 

 Nous avons eu icy madame de Blonnay qui estoit venue voir sa seur, et s'en est retournee aujourdhuy..

  A017003043 

 Je salue la tres chere toute bienaymee Marie Aymee; elle sçait bien qu'elle est la fille de mon cœur, et l'autre chere fille Françon, et toutes nos cheres Seurs.

  A017003056 

 C'est tous-jours quand je puis, ma tres chere Mere, que je vous escris, et voyci la quatriesme, aussi courte que les autres, comm'estant escritte entre deux sermons: l'un que je viens de faire en l'eglise cathedrale, delaquelle Nostre [Dame] est le Patron, et l'autre que je vay faire dans trois heures, en un'eglise, hors ville, ou le tiltre est avec Indulgence pleniere.

  A017003076 

 Vous aves de l'interest en ce point, Monseigneur, puisque c'est sur l'estime que vous luy avies donnee de moy, quil m'a favorisé.

  A017003077 

 Vous sçaures toutes nos nouvelles et que M. le Mareschal part demain et que la paix est desesperee en Piemont.

  A017003090 

 Pries pour celuy qui est vostre sans reserve.

  A017003101 

 Ma tres chere Mere, dites moy sil est vray; et cependant, mille et mille fois le bon soir, et cent et cent mille benedictions sur le cœur de ma tres chere Mere et le mien.

  A017003112 

 O Dieu, qu'il faut faire de resignations pour la gloire de ce grand amour divin! mais ce n'est rien, en comparayson de ces anciens hommes et femmes apostoliques..

  A017003123 

 Sur la vacance d'un canonicat de nostre Eglise, au (sic) voys du Chapitre se sont presentés deux personnages [325] ..., l'un et l'autre desirés de cette compaignie; et apres l'election faite en faveur de l'un, il est resté audit Chapitre un grand desir de pouvoir encor avoir l'autre, pour les bonnes qualités qui sont en luy.

  A017003124 

 Or, je croy que vous ne douteres pas que sil vous [326] playsoit de la garder et nous faire jouir du fruit de vostre residence, nous ne le souhaitassions plus que toute autre chose; mays puisque elle vous est tout a fait inutile, et a l'Eglise, presupposé la resolution que vous aves faite, je pense que vous treuveres bon nostre desir et le seconderes, comme juste quil est, selon Dieu et les loix.

  A017003129 

 Monsieur, en cas que vous facies ce que nous demandons, il ne sera besoin sinon de faire la resignation en mes mains, c'est a dire une procure ad resignandum pure et simpliciter entre mes mains, ou de mon Vicaire [327] general; car par apres, le moys qui vient, auquel je suis en mon alternative je prouvoirois celuy dont il est question, qui s'appelle monsieur Questan, bourgeois de cette ville..

  A017003157 

 Mays en particulier, Monseigneur, je vous en fay tres humble remerciment au nom de tous ceux qui, estans vos tres humbles et tres obeissans sujetz et serviteurs, sont mes diocæsains, ausquelz je ne manqueray pas de representer la singuliere redevance qu'ilz en auront a vostre pieté; non plus que ces bons Peres ne manqueront pas de rendre memorable a toute leur illustre et devote Congregation la grandeur des bienfaitz dont vous les aves favorisés, Monseigneur, qui n'aves pas seulement voulu les recevoir en vostre ville, qui est leur premier logement deça les mons, mais de plus, leur aures basti le lieu sacré qui sera le plus grand moyen de bien rendre le service auquel leur vie est destinee..

  A017003158 

 Dieu remplisse a jamais Vostre Grandeur de ses graces; c'est le souhait perpetuel, Monseigneur, de.

  A017003175 

 Celle ci, comme je m'asseure Vostre Altesse aura des-ja sceu, venoit de faire un enfant d'un estranger quand elle tira promesse de ce jeune gentilhomme; et bien que la charité ayt quelquefois porté des gens de qualité a prendre en mariage des femmes perdues pour les sauver, si est ce qu'il n'en faut pas tirer consequence pour ceux qui, n'estans pas a eux mesme (sic), sous prætexte de charité violeroyent la justice et l'equité, introduisans en leurs familles des personnes dangereuses contre le gré de ceux qui sont les peres et maistres de la famille, mays sur tout en un aage qui n'a pas ordinairement en consideration ni la charité, ni la prudence requise pour exercer une charité en laquelle il faut avoir egard a plusieurs circonstances..

  A017003175 

 Et c'est, Monseigneur, qu'il suffit bien que l'on tolere ces femmes scandaleuses en la republique, sans qu'on leur permette d'entreprendre sur les maysons honnorables et dignes de recommandation, par les infames attraitz desquelz elles charment la foible et legere jeunesse; et la condition d'espouser ou doter n'est ordonnee que pour les filles d'honneur qui ont esté deceües, non pour les femmes deshonnestes qui ont deceu.

  A017003210 

 Je crains pourtant la varieté des opinions au maniement des ames; mays Dieu aura soin de vostre chere trouppe, affin qu'elle aille tous-jours le mesme chemin, puisque c'est celuy auquel il l'a mise..

  A017003211 

 Elle n'est pas sans affaires, mays bonnes et aggreables, ayant [335] madame la Comtesse de Tournon et ses deux filles, qui font les exercices et preparent leur confession generale..

  A017003213 

 Mais celle ci est bien plus grande a Sales, ou ma seur a fait sa troisiesme couche d'une fille, laquelle, une heure apres son Baptesme, est morte.

  A017003213 

 Pour moy, je n'en aurois nul sentiment, si ce n'est pour compatir un petit avec la mere..

  A017003214 

 Vivés tous-jours toute a Dieu, ma tres chere Fille: c'est le continuel souhait de mon cœur qui cherit le vostre incomparablement..

  A017003231 

 Vous m'aves fait playsir en me faysant sçavoir que c'est aujourd'huy le jour de vostre naissance, car je n'y pensois pas.

  A017003256 

 Mon Dieu, ma Fille, que je vous souhaitte sainte, et que vous soyes toute odorante des senteurs de ce cher Sauveur! C'est pour vous remercier de vostre bouquet, et vous asseurer que les petites choses me sont grandes quand elles sortent de vostre cœur, auquel le mien est tout dedié, je vous en asseure, ma tres chere Fille..

  A017003257 

 Le Pater que vous dites pour le mal de teste n'est pas defendu; mays mon Dieu, ma Fille, non, je n'aurois pas le courage de prier Nostre Seigneur, par le mal qu'il a en la teste, de n'avoir point de douleurs en la mienne.

  A017003258 

 Ne manger point chose qui ait eu vie, les vendredis de Caresme, n'est pas mal fait non plus, mais cela tire un [340] peu a la vanité d'esprit, quand cela se fait par le rapport de ce qui l'a euë; mays quand cela se fait par mortification, cela est bon.

  A017003259 

 J'ay suivy vostre desir, mais vous verres que ce papier du livre a beu tout ce que j'y ay escrit; et je croy, certes, que vostre cœur en fera de mesme, car c'est le vin delicieux de l'ame, qui l'enivre et ravit saintement, que ce divin et celeste amour.

  A017003260 

 Cette chair est admirable a ne vouloir rien de piquant; mais la repugnance que vous aves ne tesmoigne pourtant point aucun manquement d'amour; car, comme je pense, si nous » croyions qu'estant escorchés il nous aymeroit plus, nous nous escorcherions, non pas sans repugnance, mays malgré la repugnance.

  A017003261 

 C'est une bonne fille, et bien resignee, et vous cherit grandement.

  A017003261 

 La pauvre Mere de nostre Visitation est cruellement [341] tourmentee d'un catarrhe qu'elle a sur la bouche; mais elle s'en res-joüyt et dit que, pourveu qu'elle applique son cœur a Dieu, elle treuve de la douceur en cette cuisante douleur.

  A017003271 

 Je vous envoye une lettre d'advis sur un fait [342] auquel je desire que vous metties ordre, puisque c'est de vostre charge, et m'asseurant qu'aussi feres-vous et que vous me feres part a vos prieres, je demeureray,.

  A017003291 

 Je salue cherement nos Seurs, et si M me la Comtesse [344] est la, je la salue tres particulierement, et mes cheres filles, qui sont les siennes.

  A017003291 

 Mays ma pauvre chere seur Marie Aymee, je n'en dis rien, cette (sic) ma fille toute aymee; et madamoyselle de Chantal aussi est ma chere fille..

  A017003304 

 Je voy les petitz ennuys que l'ennemi de ce bon œuvre a suscités; et que vous puis-je dire, sinon qu'avec le zele, la patience, douceur, support vous est necessaire, et que, comme j'ay souvent dit, il est requis a qui entreprend quelqu'action [345] relevee pour le Sauveur, d'avoir provision de toutes sortes de vertus selon les occasions qui s'en presentent..

  A017003306 

 Icy, on en desire une, je dis en une ville voysine, et tout est presque prest; mais on envoyera les filles faire leur noviciat a Nissi, ou estant façonnees, une mediocre Superieure suffira par apres..

  A017003306 

 Pour le present, vous pouves juger sil est expedient de les multiplier, ayans si peu de filles pour exercer la superiorité.

  A017003321 

 Dites souvent entre vos contradictions: C'est icy le chemin du Ciel; je voy le port et suis asseuree que les tempestes ne peuvent empescher d'y aller..

  A017003321 

 Haussés vostre teste dans le Ciel; voyes que pas un des mortelz qui y sont immortelz n'y est allé que par des troubles et des afflictions continuelles.

  A017003347 

 Il y a icy quatre ou cinq filles qui me parlent fort asseurement d'estre de la Visitation, et me semblent propres et dignes d'y estre receues; mais je [348] ne sçai presque comme vous les envoyer, tandis que l'on est la en doute si elles pourront estre establies.

  A017003347 

 Or, en tout evenement, nostre Congregation est grandement estimee en tiltre de Congregation et sera fort favorisee; mays puisque nous sommes en poursuite de la reduire en Religion, il faut avoir encor un peu de patience jusqu'a ce que nous sçachions ce qu'on en resoudra..

  A017003359 

 Pour M. Vittoz, si les meurs et la renommee ne font point d'obstacle, l'habit quil porte ne luy en fait point, car cet Ordre-la est de Clercz reguliers qui, ayans licence de leurs Superieurs, peuvent servir de curés, ainsy que j'ay declaré par un escrit que je luy en ay fait..

  A017003360 

 Et sil y en a une, il faut bien considerer en quelz termes ell'est conceüe, et par apres on pourra la promulger (sic), [350] n'estant pas besoin d'autre (sic) monitions pour la promulgation des excommunications a jure.

  A017003360 

 Quant a y mettre l'excommunication par nostre authorité, la difficulté seroit grande, par ce quil y auroit lieu a l'appel; et c'est une grande besoigne d'avoir a faire a des Religieux qui remueront toutes choses par apres pour empescher les effectz de nostre intention, quoy que juste et sainte.

  A017003412 

 Il y a long tems que le doyen de Choysi, prestre, fait profession de conduire des soldatz et suivre l'armee, voulant neanmoins tirer les fruitz de son decanat sur le Chapitre et eglise de Salanche, comme sil faysoit la residence a laquelle il est obligé.

  A017003440 

 Croyes, je vous supplie, que jamais vostre tres chere ame ne sera plus aymee qu'elle l'est de la mienne..

  A017003441 

 Mais, que me dit on? On me dit qu'estant grosse vous jeusnes, et frustres vostre fruit de l'aliment qui est requis a sa mere pour luy donner celuy qui luy est deu.

  A017003441 

 Vous ne manqueres pas de mortification pour le cœur, qui est le seul holocauste que Dieu desire de vous..

  A017003453 

 Je vous diray, sur la difficulté qu'a cette bonne fille, qu'elle se trompe grandement si elle croit que l'orayson la perfectionne sans l'obeissance, laquelle est la chere vertu de l'Espoux, en laquelle, par laquelle et pour laquelle il a voulu mourir.

  A017003454 

 C'est bien fait, ma tres chere Fille, il ne faut point de reserve ni de condition; car, qui recevroit des ames en cette sorte, la Congregation se verroit toute pleine du plus fin, et par consequent du plus dangereux amour propre qui soit au monde.

  A017003454 

 Il faut que celles qui entreront sçachent que la Congregation n'est faite que pour servir d'escole et de conduitte a la perfection, et que l'on y acheminera toutes les filles par les moyens plus convenables, et que les plus convenables seront ceux qu'elles ne choisiront point.

  A017003455 

 Si donq cette fille (que j'ayme neanmoins bien fort pour le bien que vous m'en dites) se veut perfectionner a sa guise, il la faut remettre a elle mesme; mais je ne croy pas, si elle est bien devote et qu'elle ayt le vray esprit d'orayson, qu'elle ne se sousmette a la pure obeissance..

  A017003456 

 C'est ainsy qu'il faut unir sa volonté, non au moyen de servir Dieu, mais a son service et a son bon playsir.

  A017003456 

 Elle est trop prevoyante de dire que, pour un peu de tems, elle s'accommodera a ne faire que demi heure d'orayson; mais pour tous-jours, qu'il luy fascheroit.

  A017003456 

 La vraye servante de Dieu n'est point soigneuse du lendemain; elle fait fidelement ce qu'il desire aujourd'huy, demain elle fera ce qu'il desirera, et passé demain ce qu'il desirera, sans dire ni cecy, ni cela.

  A017003466 

 Il est vray, disoit-il, [361] qu'apres son arrest de Paris, il pensoit estre exempt d'affaires pour vostre regard..

  A017003467 

 Je luy feray donq part du memoire qui m'est laissé et, sur ses responses, je vous tiendray avertie, desireux que je seray toute ma vie de vous tesmoigner par effet que je suis,.

  A017003487 

 C'est pourquoy il faut avoir grand soin de soymesme, de ses actions et de ses intentions, et faire tous-jours voir que le cœur est bon et juste, doux et humble et genereux..

  A017003487 

 Il est aysé de conduire la barque quand elle n'est point pressee des vens et de passer une vie qui est exempte d'affaires; mais parmi le tracas des proces, comme parmi les vens, il est difficile de tenir le chemin.

  A017003522 

 Vos Révérences jugeront aisément que l'extension de leur Ordre est en voie de faire d'excellents progrès à la gloire de Dieu en ces régions, mais que, d'ailleurs, cette extension ne peut s'obtenir qu'avec le temps et une méthode convenable, suivant le bon plaisir de la divine Providence.

  A017003541 

 Faites soigneusement l'exercice du matin qui est marqué au livre de l' Introduction; et bien que la vistesse de vostre esprit comprenne en un seul regard tous les pointz de cet exercice, ne laissés pas de vous y entretenir autant de tems comme il en faut pour dire deux fois le Pater, et apres cela, prononcés de bouche [367] cinq ou six paroles d'adoration, et ensuite vous dirés le Pater avec le Credo..

  A017003542 

 Vous prepareres apres vostre orayson: un mistere de la Vie ou Passion de Nostre Seigneur, que vous vous proposeres de mediter, si tel est le bon playsir de Dieu.

  A017003545 

 Et c'est pour respondre a ce que vous me dites, qu'au commencement, le sentiment de la presence de Dieu se faysoit en la teste, qui parfois vous travailloit fort..

  A017003548 

 Et qu'en cela vous allies trompant vostre naturel et le reduisant petit a petit a la sainte mediocrité et moderation; car a celles qui ont le naturel mol et paresseux, nous dirions: Hastes vous, d'autant que le tems est cher; mays a vous, nous vous disons: Ne vous hastes pas tant, d'autant que la paix, la tranquillité, la douceur d'esprit est pretieuse, et que le tems s'employe plus utilement quand on l'employe paysiblement..

  A017003549 

 Il faut que l'on demeure en la [369] barque en laquelle on est, pour faire le trajet de cette vie a l'autre, et que l'on y demeure volontier et amiablement; parce qu'encor que quelquefois nous n'y ayons pas esté mis de la main de Dieu, ains de la main des hommes, apres neanmoins que nous y sommes, Dieu veut que nous y soyons, et partant il faut donq y estre doucement et volontier.

  A017003550 

 Ce point est de telle importance pour la perfection de vostre ame, que je l'escrirois volontier de mon sang..

  A017003551 

 En quoy voulons nous tesmoigner nostre amour envers Celuy qui a tant souffert pour nous, si ce n'est entre les aversions, repugnances et contradictions? Il faut fourrer nostre cervelle entre les espines des difficultés et laisser transpercer nostre cœur de la lance de la contradiction; boire le fiel et avaler le vinaigre, et en somme, manger l'absinthe et le chicotin, puisque c'est Dieu qui le veut.

  A017003552 

 Au reste, que la tressainte et divine humilité vive et regne en tout et par tout: les habitz, simples, mais selon la propre bienseance et convenance de nostre condition, en sorte que nous n'espouvantions pas, ains allechions les jeunes dames a nostre imitation; nos paroles, simples, courtoises, et neanmoins douces; nos gestes et nostre conversation, ni trop resserree et contrainte, ni trop relaschee et molle; nostre face, nette et decrassee; et en un mot, qu'en toutes choses la suavité et modestie regne, comme il est convenable a une fille de Dieu..

  A017003561 

 A cette premiere commodité que j'ay de vous escrire, je tiens ma promesse, et vous presente quelques moyens [371] par lesquelz vous pourres addoucir la crainte de la mort, qui vous donne de si grans effroys en vos maladies et enfantemens: en quoy, bien qu'il n'y ayt aucun peché, si est ce qu'il y a du dommage pour vostre cœur, lequel, troublé de cette passion, ne peut pas si bien se joindre par amour avec son Dieu, comme il feroit s'il n'estoit pas si fort tourmenté..

  A017003566 

 Cinquiesmement, ne lises point les livres ou les endroitz des livres esquelz il est parlé de la mort, du jugement et de l'enfer; car, graces a Dieu, vous aves bien resolu de vivre chrestiennement et n'aves point besoin d'y estre poussee par les motifs de la frayeur et de l'espouvantement..

  A017003569 

 Huitiesmement, faites quelquefois reflexion sur ce que vous estes fille de l'Eglise catholique, et vous res-jouisses de cela; car les enfans de cette Mere qui desirent de vivre selon ses loix, meurent tous-jours bienheureux, et, comme dit la bienheureuse Mere Therese, c'est une grande consolation a l'heure de la mort d'estre « fille de la sainte Eglise.

  A017003603 

 On me fait peur par le bruit qui court qu'a Chamberi il y a des maladies si dangereuses, et que monsieur d'Avise s'en va mort, qui est le sujet du voyage de ce porteur.

  A017003622 

 C'est maintenant pour mon Eglise (et que puis-je dire de plus affectionné?) que j'implore vostre fraternelle faveur, et croy qu'elle me sera facilement accordee, sur tout quand vous aures ouy la remonstrance que ce porteur vous fera, par laquelle vous verres que le brevet dont il s'agit est non seulement fondé sur la pieté, mais encor, si je ne me trompe, sur la justice.

  A017003623 

 En fin, il n'est que d'estre gens de bien..

  A017003659 

 Puisque le P. D. Fulgence se rend auprès de vous pour les affaires que je recommandai à Votre Paternité Révérendissime par la mienne dernière, il n'est pas besoin que j'ajoute autre chose.

  A017003677 

 Bien que je n'aye pas le bonheur d'estre conneu de vous, si est ce que je ne laisse pas de reconnoistre en vous les qualités par lesquelles vous merites d'estre honnoree de tous ceux qui font profession de l'honneur; dequoy madame la Baronne de Giez, ma cousine, se rendra, je m'asseure bien, ma caution.

  A017003679 

 Mays si vous les desirés encores, je vous les envoyeray au premier advis que vous m'en feres donner, comm'encor les prattiques des Regles, qui est une besoigne a part; bien qu'apres tout cela, il faut que vous sachies que les Regles sont a Rome, ou l'on sollicite pour reduire cette Congregation en Religion.

  A017003680 

 Cependant, vivés et l'une et l'autre toutes en Dieu, hors lequel la vie est une mort, et auquel la mort est une heureuse vie.

  A017003686 

 Madame de Bressieu, qui est la, m'a fait grandement presser d'envoyer ces Regles; c'est pourquoy je n'ay pas pris le loysir de les faire mieux escrire, dont je vous supplie de m'excuser..

  A017003695 

 Et ce n'est pas estre hipocrite de ne faire pas si bien que l'on parle, car, Seigneur Dieu! a quoy en serions nous? Il faudroit donq que je me teusse, de peur d'estre hipocrite, puisque si je parlois de la perfection il s'ensuivroit que je penserois estre parfait.

  A017003696 

 Dites luy qu'elle poudre ses cheveux, puisque son intention est droite; car les cogitations qui viennent sur cela ne sont nullement considerables.

  A017003696 

 Les [386] cheveux de l'esprit de cette fille sont encor plus deliés que ceux de sa teste, et c'est pourquoy elle s'en embarasse.

  A017003697 

 Si ell' est a table et le Saint Sacrement passe, qu'elle l'accompaigne en esprit, si il y a d'autres gens a table avec elle.

  A017003698 

 Je luy ay dit qu'elle pouvoit parler fortement et rrsolument, es occasions ou il est requis, pour retenir en devoir la personne qu'elle sçait; mays que la force estoit plus forte quand ell'estoit tranquille et qu'on la faysoit naistre de la rayson, sans meslange de passion..

  A017003699 

 Ce qui ne peut nuire et peut proffiter est neanmoins bon..

  A017003699 

 La Socirté des Douze ne sçauroit estre mauvaise, car l'exercice duquel elle se sert est bon; mays il faut que cette Barbe Marie, qui ne veut point de peut estre, soufre celuy ci: que, peut estre, cette Societé est veritable, car n'estant nullement tesmoignee par aucun Prælat, ni aucune personne digne de foy, nous ne sçaurions estre asseuree (sic) qu'elle ayt esté instituee, le livret qui le dit n'alleguant ni autheur, ni tesmoin qui en asseure.

  A017003700 

 Qu'elle marche en l'orayson, ou par pointz, comme nous avions dit, ou selon son accoustumee, il importe peu; [387] ains nous nous souvenons bien que nous luy dismes que seulement elle praeparast les pointz et s'essayat, au commencement de l'orayson, de les savourer; et si elle les savoure, c'est signe que Dieu veut qu'elle suive cette methode, au moins alhors.

  A017003701 

 Mais au premier cas, je vous laisseray mesnager l'affaire pour Lyon, non pas envers ma Seur Favre, qui sera tous-jours contente de ce que nous [388] ferons, estant si grandement nostre fille et seur comme ell'est; mais ailleurs, a Lion, ou vous sçaves.

  A017003719 

 Vostre Altesse est protectrice de la discipline ecclesiastique, et la regardant en cette qualité, je luy remonstre que le Doyen de Salanche, nommé Choysi, vient parmi ce pais faire des levees de gens de guerre et, tant de deça comme dela les montz, profane furieusement sa profession ecclesiastique et l'Ordre de prestrise qu'il a, par mille mauvais et scandaleux deportemens, indignes mesme d'un soldat desbauché..

  A017003720 

 Et neanmoins, il ne laisse pas de presser et molester ledit Chapitre, abusant ainsy du nom et de l'authorité de Son Altesse, laquelle sans doute n'a point de telle intention, puisque mesme cet homme ne la sert nullement a ses despens, et n'est pas capable de luy faire aucun service qui merite aucune consideration speciale, n'estant non plus bon soldat que bon prestre.

  A017003720 

 Mays le bon est, qu'avec cela il obtient subrepticement et par surprise des lettres de Son Altesse, par lesquelles elle commande au Chapitre de Salanche de le faire jouir des fruitz de sa præbende comme s'il estoit resident; ce que Vostre Altesse sçait trop mieux estre contraire au droit divin, ecclesiastique et civil.

  A017003720 

 Qui me fait recourir a la providence de Vostre Altesse, affin qu'il luy playse de renvoyer ledit Choysi a sa residence pour y rendre son devoir, et declarer que, sans cela, il ne peut recevoir ni demander les fruitz [391] de sa præbende, et que ce n'est pas la volonté de Son Altesse qu'on se departe des loix et constitutions ecclesiastiques.

  A017003749 

 Le cousin auroit grand'envie de sçavoir si c'est Son Excellence qui a dit quii ne s'estoit pas voulu engager d'escrire a M. de Saint Damian pour ce mariage; par ce que si c'estoit elle, il faudroit en parler plus reservement, quoy qu'il n'en soit rien.

  A017003754 

 M. de Torens n'est pas icy.

  A017003754 

 Nostre Mere est toute malade de sa defluxion et a pris medecine..

  A017003767 

 C'est la verité, Madame ma tres chere Fille, qu'entre les souvenirs que j'ay des ames que Dieu m'a fait aymer, [395] celuy de la vostre m'est de tres grande consolation; car j'ay veu un certain despouillement des creatures et de leurs vanités, qu'il m'est impossible de n'aymer pas passionnement..

  A017003768 

 Les enfans du monde confessent ordinairement en mourant que cette vie n'est pas considerable que pour l'eternelle; mais les enfans de Dieu touchent toute leur vie cette verité..

  A017003770 

 Dieu soit a jamais au milieu de nos espritz, qui est le souhait continuel,.

  A017003792 

 C'est pourquoi je désirerais reprendre ce dessein par un autre biais, si toutefois Sa Sainteté daigne nous favoriser en la façon qui sera proposée à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime par le R. P. Benoît Giustiniani.

  A017003802 

 Si vous... en litiere: c'est une... façon de faire chemin... celle [de] monsieur... et de sa... ... possible a... Recteur.

  A017003834 

 Elle retiendra, s'il vous plaist, ses anciens merites, bien que possedee par un successeur indigne qui vous en supplie, avec toutes les affections de son ame, et est,.

  A017003865 

 C'est pourquoy, cognoissant quil me seroit malaysé de faire mieulx, et gehenné d'autre part de tout plein de considerations qui me pressent de me resouldre, j'ay employé deux soirées, hier et avant hier, a brouillasser ce que je vous envoye presentement.

  A017003865 

 C'est un escholier qui parle a son maistre, un fils a son pere; il n'y fault pas plus de mystere..

  A017003865 

 Il est en sa pureté naturelle, tel quil s'est presenté a mon esprit et a ma plume.

  A017003865 

 Je creins bien fort que vous ayes grand' peine a le lire, tant il est mal escript, et encor plus a l'entendre, tant il est mal digeré.

  A017003867 

 Il est necessaire quil vous plaise faire deux reflexions: l'une, aulx incommodités communes a vostre diocese et au mien; l'autre, a celles qui sont particulieres au mien.

  A017003868 

 C'est l'advis de touts les Religieux et casuistes qui an entendent parler; mais c'est ce que me dient ouvertement les plus honorables et qualifiés (sic) personnes de cete ville.

  A017003869 

 Mais ce dont je vous supplie plus cordialement que de tout le reste, est quil vous plaise, apres avoir pezé meurement toutes choses, me mander ce que vous juges selon Dieu que je doibs faire; car, si apres avoir recommendé l'affaire a Nostre Seigneur, vous voules que je laisse les sorties et que je me conforme a vous entierement, et quil vous plaise an respondre a Dieu pour moy, je vous declare qu'avec cete condition, et soubs la confiance que j'ay en vostre vertu, je mettrey soubs les pieds mon sentiment et tout ce que le monde pourra dire ou faire, et establirey la Congregation, et an ferey publier et imprimer les Constitutions de mot a mot, telles que vous ordonneres, sans y changer rien du tout..

  A017003894 

 Mais cependant, me pourrez-vous dire oui ou non, simplement et courtement, de ce que je vous vais demander? Mes quatre jours sont passés, auxquels vous m'aviez marqué ce que je ferais; et je vous rends compte en ces deux derniers petits feuillets de ce qui s'est passé, car les deux premiers, c'est ma confession en laquelle vous n'entendrez rien.

  A017003906 

 Il est vrai que tout le reste demeure fort étonné; mais faisant bien ce que vous me dites, mon unique Père, comme je ferai sans doute, Dieu m'aidant, tout ira toujours mieux..

  A017003923 

 Hélas! mon unique Père, il m'est venu aujourd'hui en la mémoire qu'un jour vous me commandiez de me dépouiller; je dis: « Je ne sais plus de quoi.

  A017003923 

 La seule gloire donc lui est due et lui soit rendue à jamais..

  A017003923 

 » Et vous me dites: « Ne vous l'avais-je pas bien dit, ma Fille, que je vous dépouillerais de tout? » O Dieu! qu'il est aisé de quitter ce qui est autour de nous! mais quitter sa peau, sa chair, ses os, et pénétrer dans l'intime de la moëlle, qui est, ce me semble, ce que nous avons fait, c'est chose grande, difficile et impossible, sinon à la grâce de Dieu.

  A017003933 

 Ayant esté adverty que pour la perfection du bon œuvre que nous avons commancé en ceste ville, capitale de mon gouvernement, qui est le nouvel establissement d'une Maison de Sainte Marie, il failloit recourir a vous pour avoir vostre permission, afin de faire venir les Dames qui doivent perfectionner ceste entreprise, j'ay creu que vous m'accorderiez la tres humble requeste que je vous en fais, comme Monseigneur de Lion m'a liberalement octroyé sa permission pour l'establissement..

  A017003934 

 Il ne reste donc plus que vostre permission, afin que ces devotes Dames viennent; dont je vous supplie derechef tres humblement, vous asseurant que je fais gloire que, du temps de mon gouvernement, le Bourbonnois soit des premieres provinces a recepvoir les Religieuses de vostre Ordre, n'ignorant pas quelle est [411] vostre reputation et le renom de vostre sainte vie et merite parmi la France; ce qui me faict desirer de donner une de mes filles a vos Religieuses, quand elles seront icy.

  A017003945 

 Ce n'est pas merveille, Monseigneur, que ce qui est sur les montagnes soit visible a tous; au contraire, je m'esbaÿs de l'admirable voile dont vostre humilité a sy longtemps couvert son ouvrage.

  A017003945 

 Ce que madame de Chantal a faict a Lyon, et encores plus [412] ce qu'elle est, la faict extremement desirer icy.

  A017003945 

 Pour mon particulier, j'ambitionerois puissamment le bonheur qu'elle y vint au moins pour quelques mois; mais d'autant que c'est au maistre de famille de sçavoir sy la mere de la famille peut quicter la principale Maison pour aller travailler ailleurs, je me remetz et soubmetz a vostre jugement et disposition, vous asseurant que, quelles que ce soient de voz Filles qui viennent, nous les recevrons, cherirons et servirons avec la mesme sincerité, respect et dilection non feinte que je suis, du Pere de ces vertueuses Filles,.

  A017003970 

 Il est necessaire d'envoyer icy promptement madame de Chantal ou, si sa santé ne le peut permettre, quelque autre Dame qui puisse donner l'habit et l'esprit aulx filles et veufves qui veullent servir a Nostre Seigneur dans ce sainct Institut..

  A017003971 

 Les commencemens que je veoy icy sont si heureux, qu'il fault, Monseigneur, que je vous die ce que j'ay apris d'un bon medecin: qu'encor que l'on veuille faire nourrir les enfans par d'autres que par leur mere, il seroit a souheter, pour le proffit de l'enfant, que la vraye mere luy donnast le premier laict, par un secret de nature qui, donnant et faisant produire l'enfant, ne manque pas a fournir ce qui est pour son mieulx.

  A017003971 

 Vous entendes ce que je veulx dire: si madame de Chantal, vraye Mere de vostre Congregation, pouvoit venir icy donner le premier laict aulx filles commençantes, je prevoyrey autant de bonheur a cete institution et fondation que de celle de nostre Lyon, qui donne tousjours plus de contentement et d'esperance que Dieu y sera glorifié (fidelis sermo est); car c'est ce que nous [414] pretandons.

  A017003985 

 Si j'avois la cognoissance [415] des temps et des moments que le Pere Celeste retient en sa puissance, j'apposerois quelque terme prefix a ce mien vœu; mais au moins, incontinent apres la S. Martin prochaine, sil plaist a Dieu me prester santé, toutes mes pensees, touts mes efforts et desseins se banderont à effectuer ma promesse; et ay ferme esperance en Dieu, qui ne me confondra point, puis que l'entreprinse est pour son service, honneur et gloire, que par sa grace il me suppeditera touts moiens a ce necessaires, et ostera touts empeschements invincibles: Erunt prava in directa, et aspera in vias planas.

  A017003986 

 C'est a elle que je vouë le service de tout le reste de ma vie, et si les forces estoint pareilles au courage, ce ne seroit pas pour petites choses mais pour grandes; toutefois, j'attendray la vocation de Dieu.

  A017003986 

 C'est pourquoy je desire d'estre tousjours recommandé a la benignité et grace de ladicte saincte Eglise, et de ressentir son indulgence, laquelle j'espere et m'y confie..

  A017003986 

 Si donc quelqu'un estoit entré en doute de ma constance, je prie (et c'est icy presque la principale fin pourquoy j'escry la presente) que telle deffiance soit levee, car jamais je ne fus mieux resolu.

  A017003987 

 Il est vray que je ne sçay pas a quoy penche et incline cest affaire la, mais selon mon petit advis, c'est chose qu'il ne faut pas negliger..

  A017003987 

 Le commun bruit est par deça que l'alliance entre Son Altesse et Messieurs de Berne est si fort avancee qu'elle s en va comme conclue.

  A017004028 

 Etsi fortasse non multis in Urbe Reverendissima Amplitudo Vestra nota sit, mihi tamen a multis annis virtutes vestræ, multæ et magnæ, notissima; sunt; neque mihi tantum, sed etiam Sanctissimo Patri Nostro nota est vigilantia pastoralis et charitas in gregem proprium Reverendissimæ Dominationis Vestræ..

  A017004029 

 Sed quod attinet ad negotium virginum et viduarum quod mihi Amplitudo Vestra commendat, non scio prorsus quid agam; tum quia nemo hic est, quod sciam, qui causam sollicitet, tum quia certum est cum illis tribus conditionibus obtineri non posse ab Apostolica Sede, ut confirmetur vera monastica professio.

  A017004030 

 Nec ignorat Amplitudo Vestra, coram Deo vota simplicia non minus obligare, nec minoris meriti esse quam solemnia; solemnitas enim, ut etiam clausura, inchoata est ecclesiastico instituto ab eodem Bonifacio VIII. Et nunc, etiam Romæ, floret valde Monasterium nobilium fœminarum a Sancta Francisca Romana institutum, in quo tamen, neque clausura est, nec solemnis illa professio..

  A017004064 

 C'est un bon homme tout à fait; il est nôtre pour longtemps..

  A017004065 

 Enfin, il s'en est parlé fort mal à propos; Dieu veuille qu'il y ait plus d'innocence que le monde ne pense! Mon Dieu, mon très honoré Père, que de malheurs qui sont parmi le monde! Bienheureux qui vit en crainte! Pour moi, je ne puis mal penser de cette Dame, je la crois trop vertueuse..

  A017004065 

 Pour M me du Puits-d'Orbe, elle est revenue à son abbaye, là où on ne la voulait pas recevoir, et lui a-t-on fait la correction bien sèchement.

  A017004065 

 Pour leur confesseur, il est de delà Paris, à ce que son frère même a dit; et à même temps que ces Dames et lui sortirent, M. l'Evêque Dangre (de Langres) a donné une sentence contre lui, que s'il retournait en Bourgogne, il n'y irait que de la vie.

  A017004066 

 Monseigneur, notre chère Mère s'est trouvée mal; nous vous supplions très humblement de mettre bon ordre, avant que partir de [420] Nicy, que l'on la fasse conserver ce Carême; autrement elle se gâtera et se ruinera de santé tout à fait.

  A017004066 

 O Dieu! mon très cher et honoré Père, c'est la douleur la plus sensible au cœur que l'on puisse avoir; toutes les contradictions ne sont rien, au prix de savoir du mal à cette chère Mère..

  A017004068 

 La sortie de ma bonne Sœur Marie-Jeanne s'achemine assez doucement; nous en avons écrit amplement au R. Père Coton, son confesseur, qui est celui qui nous l'a remise; il nous a conseillé de la mettre dehors, et le Père Remont, Jésuite, et tous ceux à qui nous en parlons et qui la connaissent..

  A017004075 

 Ma sœur Le Blanc vous salue très humblement; elle est auprès de nous, elle vous prie de ne la point nommer dame, mais Sœur Barbe Marie..

  A017004092 

 A la vérité, Monseigneur, son infirmité nous met un peu en peine, car elle est grande, bien que l'on dise que ce soit un mal qui n'ira pas en empirant, parce que ce n'est pas une défluxion, ains une incommodité que la vérole lui a laissée.

  A017004094 

 Il nous semble que le fruit que Notre-Seigneur nous [422] fait tirer de cela est un dénuement de toutes choses créées et l'affection de ne tenir qu'à Dieu seul.

  A017004117 

 Le livre de l' Amour de Dieu nous sert et nous aide grandement à être un peu courageuse aux contradictions dont cette vie est remplie.

  A017004117 

 Nous avons reçu vos lettres avec toujours une particulière consolation: c'est le remède à tous les maux qui nous pourraient arriver; je veux dire que, quelle sorte de peine ou d'abattement d'esprit que nous ayons, vos nouvelles nous remettent en courage et en vigueur.

  A017004122 

 C'est une bonne âme, et à laquelle cette Maison est fort obligée..

  A017004145 

 Nous espérons que, avant que vous sortiez de Grenoble, que nous vous écrirons que nous sommes logées; au moins, l'on est fort après.

  A017004146 

 Notre chère et digne Mère se porte bien; M me Colin l'est allée voir et y sera quelques jours.

  A017004176 

 J'ay leu aussi depuis un mois tout vostre Theotime, où j'ay appris que l'amour de nostre bon Dieu n'est pas de la nature de ceux du monde et de la Cour.

  A017004184 

 Il est loisible à tout le monde de consulter son trepied, qui est le Traitté de l'Amour de Dieu de Monsieur de Sales, Evesque de Geneve.

  A017004184 

 L'oracle de cet Escript est desployé à chascun.


18-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVIII-Vol.8-Lettres.html
  A018000014 

 — Quand la perte des Communions n'est pas dommageable à l'âme. 16.

  A018000031 

 — Pourquoi la fécondité est une bénédiction de Dieu. 31.

  A018000063 

 — Son but est de leur faciliter l'observance de la Règle et la vie de prière. 57.

  A018000078 

 — Les desseins du prince de Piémont et de l'Evêque de Genève sur Contamine; pour les faire réussir, l'intervention de D. Juste auprès des cours de Savoie et de Rome est nécessaire.

  A018000113 

 — Quel est l'ennui le plus importun.

  A018000137 

 — La Mère de Chantal est à Lyon et se dispose à rentrer à Annecy. 131.

  A018000147 

 » — Quelle est la meilleure prière.

  A018000174 

 — Le voyage du Cardinal de Savoie est toujours incertain. 162.

  A018000185 

 Pourquoi le Saint est obligé de renoncer à écrire la Vie de Juvénal Ancina.

  A018000197 

 — Pourquoi le Saint est de bon cœur à Paris, pourquoi il y souffre. 181.

  A018000207 

 — Quand est-ce que Dieu supporte notre fardeau avec nous. 191.

  A018000210 

 — Sans jambes, si elle n'est point estropiée de cœur, une Sœur est capable de tous les exercices essentiels de la Règle.

  A018000226 

 — Pourquoi il est bon de prendre avis de diverses personnes.

  A018000245 

 — Le saint Evêque, malade, est obligé de contremander plusieurs sermons. 230.

  A018000274 

 Ni ne veux pas croire quil soit si outrecuidé de dire, comme quelques uns, qu'il est en l'Eglise gallicane en laquelle les prestres sont privilegiés; car je pense qu'il sçait que l'Eglise gallicane est un membre de l'Eglise universelle, et que les anciens canons des Conciles y sont receuz, et que les Evesques ne sont pas moins Evesques en France qu'ailleurs, et, qu'en particulier, je ne suis rien moins dela le Rosne que deça, ains j'affectionne d'establir la discipline ecclesiastique de dela, et sur tout a Gex, avec plus de soin que de deça, par ce qu'icy les adversaires de l'Eglise sont moins puissans et moins præsens..

  A018000275 

 Mays, de tout ceci, communiques en avec le P. Commissaire qui est, je m'asseure, maintenant vers vous, affin quil fortifie mon intention de ses remonstrances, sil y escheoit.

  A018000275 

 Or, mon intention est que nul præstre n'ayt en sa mayson aucune femme qui y habite, sinon les meres, bellemeres, seurs, belleseurs, tante (c'est a dire seur du pere ou de la mere) et niece, fille de frere ou de seur, selon l'ordre porté par le Concile de Nicee.

  A018000276 

 Il n'est pas expedient pour encor que M. Jaquin aille faire residence; car, comme pourroit il faire [2] commodement la charge de l'œconome que vous luy aves remise? Il a promis de faire reparer la mayson presbiterale de sa cure et accommoder les choses requises a l'exercice, ce qu'attendant il pourra bien suppleer.

  A018000293 

 Il n'y a remede, ma chere Fille: nous avons renoncé aux consolations mondaines, et, non contens de cela, [3] encor nous faut il renoncer aux spirituelles, puisque telle est la volonté de Celuy pour lequel nous devons vivre et mourir..

  A018000294 

 Ilz ne sçavent peut estre pas aussi les miens, et c'est pourquoy ilz ne les jugent pas dignes d'estre suivis.

  A018000306 

 Sans offencer ou quasi sans offencer une fille, on la jugeroit peu sage et n'avoir pas la cervelle bien arrestee si, au milieu de la ville, elle ouvroit son sein et exposoit ses mammelles a la veuë de chacun es rues et aux eglises; mais on ne murmurera jamais, et l'on ne le doit pas faire, de voir qu'une mere nourrice ouvre son sein, monstre et donne sa mammelle a son poupon, pour ce que l'on sçait bien qu'elle est nourrice, et que son devoir de mere nourrice l'oblige a donner le lait a son cher petit poupon en quel lieu et place qu'elle connoist qu'il en a de besoin..

  A018000307 

 Je dis maternellement, a cause que l'amour des meres est tous-jours plus tendre envers les enfans que celuy des peres, pour ce, a mon advis, qu'il leur couste plus.

  A018000307 

 Soyons-le pourtant l'un et l'autre; car c'est le devoir que le Souverain nous a imposé.

  A018000308 

 Et de plus, vous me dites: Mon Pere, ne caches point la verité a vostre filz, qui est perplexe sur ce sujet..

  A018000309 

 Il est vray que, sur la resistance de ces bons NN., je menaçay celuy ci de son Superieur et l'autre de N.; mais je ne fis rien en cela que ce que je doys faire et que je feray tous-jours en tel cas.

  A018000310 

 C'est asses dire la dessus pour vous oster de peine, mon tres cher Frere, mon ami; priés seulement pour nous, et tout va bien..

  A018000310 

 Il est vray que, quand je considere nostre Mere et ses filles, gratias ago ei qui me confortavit, Christo Jesu Domino nostro, quia fidelem me existimavit, ponens in ministerio, a l'occasion de cette Congregation.

  A018000312 

 Helas! Monsieur mon cher ami, j'ay quelquefois les larmes aux yeux, quand je considere ma babilonique Geneve calviniste: Hæreditas nostra versa est ad alienos; le sanctuaire est en derision, la mayson de Dieu en confusion; et qu'en diray-je? Je ne puis bonnement autre chose que pleurer sur ses ruines..

  A018000318 

 J'ay esté vivement touché d'apprendre qu'au prieuré de [Talloires] l'on n'y voit plus la face de la sacree dilection et union, sans laquelle la Religion n'est qu'une veritable illusion.

  A018000318 

 Le pire est que la dissension est entre les bons, dont elle est plus dangereuse; et, comme dit saint Bernard parlant des Religieux qu'il estime estre les yeux de l'Eglise, espouse de Jesus Christ, non est [8] dolor sicut dolor eorum.

  A018000331 

 Nostre Mere est en affaire pour la reception d'une vertueuse damoyselle de Grenoble qui est venue ce matin, avec une carrossee d'autres dames qui l'ameynent; car il vous faut tenir advertie des particularités de la Mayson, et que M me de la Thuille partit hier, ayant fait sa revëue a la Visitation, ou ell'a esté cachee environ sept ou huit jours, avec beaucoup de consolation pour son cœur..

  A018000362 

 C'est pourquoy elle l'implore de toutes ses forces; et moy, Monseigneur, j'accompaigne d'autant plus hardiment sa supplication, que Vostre Altesse me tesmoigna lhors qu'elle estoit de deça, qu'elle nous favoriseroit tous en cett'occasion.

  A018000375 

 Helas! j'attens tous les quartz d'heure la nouvelle du trespas de mon frere de Thorens, qui partit d'icy il y a trois semaines, et le jour de la Trinité estoit a Thurin, abandonné des medecins, et hors de toute esperance d'eschapper; et des-ja, de Chamberi, le bruit vient qu'il est mort.

  A018000375 

 Penses si j'auray besoin de 15 jours pour consoler sa pauvre vefve et toute cette fraternité, et pour rasseoir un peu mon cœur, qui est certes grandement esmeu..

  A018000395 

 Mais icy, hors le sentiment naturel, il y a occasion de sainte consolation, puisque ce bon gentilhomme s'en est allé en une bonne viellesse, et, ce qui importe, en une bonne disposition spirituelle..

  A018000395 

 [14] Ne doutés point que je ne prie pour luy, car c'estoit le pere de ma tres chere Fille, qui m'est, je vous asseure, infiniment chere, et aux desplaysirs et playsirs de laquelle mon cœur participe affectionnement.

  A018000396 

 Or, penses, ma tres chere Fille, ou cette affliction me touche, et voyes si la mienne n'est pas surchargee de celle de sa pauvre petite et de nostre Mere, a qui il faut que ce matin j'aille oster le peu d'esperance qui leur estoit restee apres les premieres nouvelles de cet accident, sur lesquelles nous avons mille et mille fois adoré le decret de la Providence divine, et avons jetté nos cœurs entre les mains de Dieu avec esprit de sousmission, repetant: Ouy, Seigneur, car ainsy il a esté aggreable devant vous.

  A018000397 

 Ce pauvre garçon est mort le premier jour de son arrivee en ce païs-la, d'une fievre pestilentielle, dans le sein de l'Eglise, muni des Sacremens receus avec grand sentiment de religion, sous la direction du bon Pere D. Juste.

  A018000397 

 Helas, qu'il est heureux! ce me semble; mais il est pourtant impossible que je ne pleure sur luy.

  A018000397 

 Mais Dieu est bon, et fait toutes choses en sa bonté.

  A018000398 

 Le pauvre chevalier est encor la, qui aura esté spectateur de ce triste trespas, et peut estre en sera-il le sectateur..

  A018000410 

 Pour moy, ma chere Fille, j'ay pleuré plus d'une fois en cette occasion, car j'aymois tendrement ce frere, et n'ay sceu m'empescher d'avoir les ressentimens de douleur que la nature m'a causés; mais pourtant, je suis maintenant tout resolu et consolé, ayant sceu combien il est trespassé devotement entre les bras de nos Peres Barnabites et de nostre chevalier, apres avoir fait sa confession generale, s'estre reconcilié trois fois, avoir receu la Communion et l'Extreme Onction fort pieusement.

  A018000414 

 Or sus, ma tres chere Fille, consolons nos cœurs le mieux que nous sçaurons, et tenons pour bon tout ce qu'il a pleu a Dieu de faire; car aussi, tout ce qu'il a fait est tres bon..

  A018000426 

 C'est quasi un songe de gens qui veillent, de sçavoir ce pauvre garçon [18] mort aussi tost qu'arrivé en ce païs-la, et sans avoir eu le loysir d'avoir veu le Prince auquel il alloit consacrer sa vie et son courage..

  A018000426 

 Helas! il n'est que trop vray que vous aves perdu un tres humble neveu et fidele serviteur, et moy mon tres cher frere que j'aymois incroyablement pour plusieurs bonnes raysons, outre celle du sang.

  A018000428 

 Certes, je croy bien que M. de Giez, mon cousin, M. le Baron de Bonvilaret et mon neveu du Vuaz auront ressenti grandement cette perte, comme sçachant que ce pauvre trespassé les cherissoit et honnoroit tres particulierement, selon que la nature et plusieurs considerations l'y obligeoyent; mais s'il leur manque, ce n'est pas par son eslection, ni par sa faute.

  A018000429 

 Ma pauvre chere seur tesmoigne entre ses pleurs et regretz la plus aymable, constante et religieuse pieté qu'il est possible de dire: en quoy elle nous contente extremement, pour le desir que nous avons qu'elle conserve l'enfant que nous croyons, par bonnes conjectures, avoir esté laissé en ses flancs par le defunt, comme pour quelque sorte d'allegement a ses freres..

  A018000430 

 Que vous diray-je plus, Monsieur mon cher Oncle? Ce pauvre garçon decedé s'estoit destiné a la vie militaire, et pouvoit mourir de cent façons plus lamentables que celle de laquelle il est mort.

  A018000444 

 Vous pouves aysement vous imaginer quelle est nostre affliction pour la perte que nous venons de faire, ayant connoissance comme vous de l'amitié qui a tous-jours esté, graces a Dieu, entre ceux de cette mayson.

  A018000457 

 Et donques, comme je voy, c'est presque sans intermission que nos amis se vont separant de nous tous les jours; et partant, il se faut resoudre de bonn'heure de n'esperer plus es consolations de cette vie, pour attendre plus doucement celles de l'autre vie, en laquelle nostre societé sera inseparable..

  A018000460 

 Une chose en tout ceci me donne de la peine: c'est que je laisse mon frere de Boysi fort malade d'une fievre tierce, et que sil est vray que Monseigneur l'Archevesque de Lyon aille ambassadeur a Rome, il se pourroit faire quil passast les mons pendant ce tems-la; ce que toutefois m'est difficile a croire, puisque, comme je pense, il voudra voir le Roy son maistre avant son depart..

  A018000461 

 C'est dommage de monsieur de Passier; et Dieu sçait sil y en aura point d'autres que nous ayons a regretter en cette rencontre..

  A018000467 

 Ma seur vous bayse tres humblement les mains, et a madame vostre chere Presidente, et est vostre tres humble servante..

  A018000484 

 Quelle pitié qu'en une sayson en laquelle il est si grande disette de telles ames parmi les gens de ce rang la, nous voyons et souffrons ces pertes si dommageables au public!.

  A018000484 

 Vous ne sçauries croire combien m'est sensible l'affliction que vous aves.

  A018000485 

 Neanmoins, ma chere Dame, toutes choses considerees, il faut accommoder nos cœurs a la condition de la vie en laquelle nous sommes: c'est une vie perissable et mortelle, et la mort qui domine sur cette vie ne tient point de train ordinaire; elle prend tantost ci, tantost la, sans choix ni methode quelcomque, les bons emmi les mauvais et les jeunes parmi les vieux..

  A018000486 

 Cela seul, Madame, est suffisant pour nous consoler; car en fin, en peu de jours, ou tost ou tard en peu d'annees, nous le suivrons en ce passage, et les amitiés et societés commencees en ce inonde se reprendront pour ne recevoir jamais de separation.

  A018000488 

 Faites cela, Madame, pour l'amour de ce cher mari, et vous imagines qu'il vous en a prié a son depart et qu'il vous demande encor cet office; car en verité, il l'eust fait s'il eust peu, et il desire cela de vous a present: tout le reste de vos passions peut estre selon vostre cœur, qui est encor en ce monde, mais non pas selon le sien, qui est en l'autre..

  A018000489 

 Que si ce conseil, que je vous donne avec une sincerité nompareille, vous est aggreable, prattiqués le, vous prosternant devant Nostre Seigneur, acquiesçant a son ordonnance, et considerant l'ame de ce cher defunt qui desire a la vostre une vraye et chrestienne resolution, et vous abandonnant du tout a la celeste providence du Sauveur de vostre ame, vostre protecteur, qui vous aydera et vous secourra, et en fin vous reunira avec vostre trespassé, non point en qualité de femme avec son mari, mais d'heritiere du Ciel avec son coheritier et de fidele amante avec son fidele amant..

  A018000490 

 J'escris ceci, Madame, sans loysir et presque sans haleyne, vous offrant mon tres affectionné service qui vous est de long tems acquis, et celuy encor que les merites et la bienveuillance de monsieur vostre mari envers moy pouvoyent exiger de mon ame.

  A018000499 

 On la pourroit enterrer en l'eglise, car ell'est asses benite en la benediction des fondemens que nous fismes en la position de la premiere pierre.

  A018000517 

 Et cependant, je cheriray de tout mon cœur tout ce quil vous plaira de me recommander, comme je fay le sujet d'avoir soin plus particulier de ces deux damoyselles, desquelles l'une, madamoyselle Favreau, est des-ja voylee, et l'autre le sera soudain que je seray de retour d'un voyage que je vay faire a Thonon; et espere que l'un'et l'autre donneront [et recevront] reciproquement de l'edification et consolation en la Congregation en laquelle elles ont esté appellees, puisque a ce commencement Dieu leur en donne de si bonnes arres.

  A018000533 

 Je suis consolé que nos pauvres filles soyent un peu allegees, car je les cheris d'un cœur plus que paternel toutes, et vous sçaves que j'ayme particulierement cette pauvre Marie Gasparde de tous tems, et, maintenant qu'elle est malade, encor plus tendrement.

  A018000534 

 Saint Pierre, prince des pœnitens, est devant mes yeux, qui fut si doux aux pecheurs apres quil ne le fut plus..

  A018000535 

 Il est vray, ma tres chere Mere, il y a peu de pureté en ce monde, sinon celle que la pœnitence opere et la vie devote..

  A018000537 

 C'est une sainte; elle a grand desir de vous aller voir et de vous mener une sienne brave fille a mon gré, laquelle est aagé (sic) de 19 ans, et, par ouï dire, est un peu touchee d'estre de la Visitation; et cette bonne mere, qui en brusle, estime que la veüe la fera resoudre..

  A018000552 

 Je vous escriray souvent, car vous sçaves le rang que vous tenes dans mon esprit, le tout joignant nostre Mere, a laquelle je vous prie de me recommander; car, bien que je luy escrive, si est ce qu'il faut un peu employer vostre entremise pour la recreer et res-jouir, d'autant qu'elle prend playsir a sçavoir que vous estes tres parfaitement ma tres chere fille et que vous me cherisses en cette qualité la.

  A018000553 

 Dieu soit au milieu de vostre cœur et de celuy de nostre chere seur, qui est certes ma fille de tout mon cœur; au moins je le croy et le veux tous-jours croire pour mon contentement..

  A018000563 

 Et l'infortunee beauté et bonne grace que ces pauvres filles [36] faineantes se font accroire d'avoir, parce que ces miserables le leur dient, est cela qui les perd, car elles s'amusent tant au cors, qu'elles perdent le soin de l'ame.

  A018000563 

 Il la faut certes retirer, cette pauvre ame, du hazard, car la molle façon de vivre du lieu ou elle est, est tellement perilleuse, que c'est merveille quand on eschappe de la meslee.

  A018000573 

 La consolation que vous aves en cette entreprise est sans doute un vray presage qu'elle vous reuscira tres heureusement.

  A018000574 

 Fortifies-vous donq, Madame, en ce bon dessein, duquel la fin est la gloire eternelle; n'oublies rien au logis de ce qui est requis pour en chevir.

  A018000575 

 Je m'asseure que cette gayeté et consolation d'esprit s'estend et rend son odeur pretieuse sur toutes vos conversations et particulierement sur la domestique, laquelle, comme elle vous est la plus ordinaire et selon vostre principal devoir, aussi s'en doit elle ressentir plus que nulle autre.

  A018000576 

 Hé, que vous seres heureuse si vous observes bien la moderation que je vous ay dite en vos exercices, les accommodant le plus que vous pourres a vos affaires domestiques et a la volonté de vostre mari, puisqu'elle n'est point desreglee ni farouche.

  A018000579 

 Les arbres portent les fruitz pour les hommes, mais les femmes portent les enfans pour Dieu; c'est pourquoy la fertilité est une de ses benedictions.

  A018000589 

 C'est une famille gastee et des ames perdues, et l'unique fille de cet homme-la, qui est une bonne fille, deshonnoree devant le monde, bien que devant Dieu, estant devote comme ell'est, elle ne laisse pas d'estre d'estime.

  A018000598 

 C'est tout ce que je vous puis dire cette matinee de la tressainte Visitation, vous donnant le bon jour et demeurant.

  A018000613 

 Je demande tres humblement pardon a Vostre Altesse, si, en un tems auquel elle est environnee de tant d'affaires de consequence, je prens la confiance en sa [42] douceur de luy presenter cette supplication, a laquelle je suis forcé par le devoir que ceux de ma condition ont de compatir aux miserables et soulager les desolés, lors mesme qu'ilz sont abandonnés de tout autre secours..

  A018000614 

 Apres, donq, avoir bien sceu que l'estrange accident advenu au sieur [Président Crespin] estoit procedé de malheur, plustost que d'aucune malice ou deliberation; voyant qu'en une si extreme tribulation il recouroit a moy pour obtenir, par ma tres humble intercession, l'acces aux pieds de Vostre Altesse, je ne l'ay peu ni voulu esconduire, de peur d'offencer Celuy qui jugera les vivans et les mortz selon l'assistence qu'ilz auront faite aux affligés, puysque mesme les deux personnes [43] qui ont esté les plus touchees en ce desastre semblent conspirer au desir de la consolation de celuy auquel il est arrivé: car la fille ne souhaite rien tant que d'avoir son pere, puisqu'elle a perdu sa mere; et quant a monsieur [l'Abbé de la Mente,] soit qu'il ayt eu compassion de ce pere et de cette fille, soit qu'il ayt esté animé de ce divin Esprit qui nous fait vouloir du bien a ceux qui nous font du mal, il a des-ja protesté qu'il ne vouloit procurer aucune punition, ni faire partie..

  A018000616 

 Playse donq a vostre debonnaireté, Monseigneur, de tendre sa main secourable a ce pauvre desolé, et d'excuser la liberté avec laquelle je luy propose ce bon œuvre, protestant que c'est avec toute la tres humble reverence que je doys a Vostre Altesse, a laquelle je souhaite le comble de toute sainte prosperité, demeurant a jamais,.

  A018000645 

 Et encor, si un jour suffisoit a voir cette fille, je m'efforcerois de courir jusque la et revenir; mays, comme vous sçaves, cet esprit est malaysé a s'ouvrir, il y va des jours et des jours.

  A018000646 

 Mays, mon Dieu, cette pauvre fille que j'ayme tant, a grand tort, ce me semble, d'avoir veu M. de Sauzea [47] a Lyon; car, quand il seroit un saint, puisque M. le Premier et M. le Baron d'Origni l'aborre (sic) si fort, ne failloit il pas s'abstenir de cette veüe? Or bien, il ny a remede; c'est pour cela que Dieu donne ces affections paternellement maternelles, affin qu'on se degouste point de servir ces enfans emmi leurs enfances..

  A018000647 

 Au reste, serves vous absolument de nostre logis pour la recevoir et de tout ce qui y est, sil vous semble bon de la faire loger la.

  A018000649 

 On ne peut pas aymer sans travail, mais le travail est aymable quand on ayme..

  A018000651 

 Ce qui me tient en peine pour le fait de la fille de la petite seur, c'est que je l'ay oüie en confession et la fille de chambre aussi, et bien que de ce coste la je ne sache chose au monde de ce qu'on dit, si est ce quil faut eviter qu'on le puisse penser.

  A018000709 

 Ma tres chere Mere, vives tous-jours toute a Dieu, auquel vostre ame est de si long tems consacree.

  A018000722 

 Ce billet donq n'est que pour vous saluer en attendant, et vous dire que les fermiers de Monseigneur vostre frere ne me veulent point donner d'argent, par ce, disent ilz, qu'ilz ne peuvent faire vostre somme que d'icy a 15 jours.

  A018000722 

 Vous aymeres mieux que je vous voye lundi, si ce n'est dimanche..

  A018000753 

 Le bien est doublement heureux quand il nous arrive heureusement, et doublement honnorable quand il nous vient honnorablement.

  A018000753 

 Nul ne vous est icy ce que je vous suis, et nul, ni icy ni ailleurs, ne vous veut honnorer et cherir plus que je [57] souhaite de le faire.

  A018000753 

 Pensés donq, s'il vous plait, quel est mon contentement sur vostre venue en cette ville, pour y posseder la qualité que si souvent je vous avois desiree et laquelle vous est arrivee avec tant d'honneur.

  A018000769 

 Demeurés donq ainsy, et ne permettes jamais a vostre ame qu'elle s'attriste ni vive en amertume d'esprit, ou en scrupule, puisque Celuy qui l'a aymee et qui est mort pour la faire vivre, est si bon, si doux, si amiable..

  A018000783 

 C'est en une ville ou nous aurions un prieuré de huit cens escus d'or de revenu fort liquide, l'eglise toute faite et presque ameublee, et le lieu beau, amene, pres de Geneve et Losanne, et auquel on vit presque pour neant, c'est a dire a fort bon marché.

  A018000802 

 Et quant au reste, la vefve ne sçauroit garder ce qu'elle prætend; car, quand pour avoir ce qui vous est necessaire de sa mayson on la luy aura payee, il se treuvera asses de gens qui feront tenir sequestré l'argent.

  A018000802 

 Il [62] m'est advis que vous n'aves rien a faire en ceci, sinon de prendre ce que selon justice et rayson messieurs les deputés vous bailleront, en le bien payant.

  A018000813 

 C'est grand cas comme l'esprit humain est ami de sa volonté, et comme chacun suit l'amour propre sans regarder ce qui est plus au service de Dieu! Sur cela je luy escris l'advis requis pour l'affaire de monsieur le Prieur; je ne sçai si cela accommodera son cœur, mais il me tardoit que je le fisse..

  A018000813 

 Mays a la premiere commodité, je luy feray sçavoir qu'il m'est impossible de le gratifier tandis quil ne sera pas prestre ni lié aux Ordres sacrés; car, quelle apparence de donner les charges ecclesiastiques de telle consequence a un qui n'est encor point ecclesiastique, au præjudice de plusieurs honnestes ecclesiastiques qui ont des-ja fait longuement l'exercice et qui ont bien servi l'Eglise? Je laisse a part qu'il n'est pas du diocæse, car en cela je me puis dispenser.

  A018000814 

 Au reste, M lle de Chantal ne peut ne vous honnorer et cherir cordialement, puisqu'ell'est la fille de sa mere, et la mienne certes, car je l'ayme bien.

  A018000828 

 Je vous rens graces tres humbles de lhonneur que vous me faites, qui m'est certes infiniment prætieux; et pleut a Dieu que je peusse correspondre par autant de services comme j'ay de desirs!.

  A018000830 

 Je m'asseure que monsieur son pere s'en contentera, puisque il ne s'est rien peu faire davantage, quoy que nos Peres Barnabites, ayent cooperé de tout leur pouvoir.

  A018000831 

 La playe est des-ja a moytié soudee, apres trois moys..

  A018000831 

 Vous m'aves renvoyé M. de Barraux, affin quil eut quelque sorte de refuge vers moy en ce qui regarde son bonheur, c'est a dire vostre grace.

  A018000833 

 La tyrannie du peché est cruelle; elle oste le jugement, oüy mesme a ceux qui n'en ont point..

  A018000833 

 M. de Bellerive avoit renvoyé en Piemont sa Marguerite, sur mes exhortations; mais comme ce sont des [66] diablesses familieres dont on ne se peut defaire apres qu'on leur a fait hommage, on m'a dit qu'ell' est retournee d'elle mesme, comme philtree et transportee de la passion de l'amour de cet homme; mais quant a la vouloir espouser, il proteste de ny avoir jamais pensé.

  A018000853 

 Maintenant, c'est au nom de ma seur de Thorens que je vous escris, et vous presentant son tres humble baysemain, je vous supplie de la favoriser en ce qui se pourra bonnement faire pour le recouvrement de certaines armes de feu mon frere son mari, dont ce porteur vous declarera les particularités; vous remerciant tres humblement encor de la part de cette seur du soin quil vous plaist d'avoir es occurrences des affaires de feu mon frere, que nous allons demeslant le mieux que nous pouvons, pour payer cinq ou six cens escus de debtes quil a laissés, en attendant de voir ce que la providence de Dieu fera naistre de sa vefve enceinte..

  A018000865 

 Mon cœur pense souvent au vostre et, si vous entendies son langage, il vous demande si vous estes tous-jours au pied de la Croix, ou je vous laissay, c'est a dire tous-jours attachee a la tressainte volonté de Dieu, pour ne fourvoyer ni a droitte ni a gauche (ni aux contentemens ni aux afflictions, ni entre les amis ni entre les ennemis) du chemin de ses ordonnances.

  A018000876 

 Certes, mon ame est en peine.

  A018000912 

 C'est pourquoi vous ferez très bien de profiter du temps et de tâcher d'en obtenir la nomination par ceux qui ont le droit de patronage, car les [71] médecins assurent que M. Nicolas mourra bientôt.

  A018000927 

 Nous n'avions encor achevé nos plaintes pour la perte que nous avions faite en Piemont, que voyci la seconde arrivee, laquelle, je vous asseure, nous est infiniment [72] sensible, cette chere ame ayant tellement vescu parmi nous, qu'elle nous avoit rendus tous parfaitement siens, mais moy plus particulierement, qu'elle regardoit avec un amour et honneur filial; et puis, le contrecoup receu par l'affliction de sa digne mere donne surcroist a nostre desplaysir..

  A018000941 

 Elle s'estoit vouee a la Visitation des l'instant de sa viduité et avoit des-ja fait ce projet au despart de son mari; et Dieu luy a fait la grace qu'elle est morte en cette mayson, d'une mort marquee de sainteté extraordinaire; elle demanda l'habit et fit les vœux avant que de mourir..

  A018000951 

 Au reste, que dires vous de nos afflictions domestiques? Ce n'est pas l'aymable belleseur de Thorens que vous avies veuë, c'est une seur toute autre que nous avons veu trespasser ces derniers jours; car, des un an en ça, elle estoit tellement perfectionnee qu'elle n'estoit plus connoissable, mais sur tout despuis sa viduité, qu'elle s'estoit voüee a la Visitation.

  A018000951 

 Aussi, mon Dieu, quelle fin a elle faite! certes, la plus sainte, la plus suave et la plus aymable qu'il est possible de s'imaginer.

  A018000959 

 Ce n'est pas la madame de Thorens que vous aves veuë, quoy que celle-la fust fort aymable: c'est une madame de Thorens toute dediee a Dieu, toute relevee au desir de ne vivre qu'a Dieu, toute pleine de clarté es choses spirituelles et de la connoissance de Dieu et de soy mesme, et telle que l'on pouvoit esperer que dans peu de tems elle seroit une autre nostre Mere..

  A018000961 

 Cette chere ame est trespassee Seur et Fille de la Visitation tout ensemble..

  A018000975 

 Dominus Ludovicus Desplans, in media civitate Gebennensis natus et in medio populi corda et labia polluta habentis educatus, ante multos annos conversus ad Christum, Pastorem et Episcopum animarum nostrarum, ejusdem Sponsæ suavissimæ Ecclesiæ nimirum catholicæ nomen dedit, vel potius reddidit, [77] illiusque communioni restitutus est, idque Romæ, Beatissimo P. Papa Clemente octavo ita jubente; postea vero a Sanctissimo D. Papa Paulo, quem Deus conservet, canonicatum hujus nostræ Ecclesiæ Gebennensis accepit, una cum pensione quadam, quæ tantisper ejus paupertati utcumque sustentandæ sufficeret.

  A018000975 

 Nunc vero, cum pensione illa frui minime possit, vix est, ac ne vix quidem, ut possit diutius vivere, quandoquidem neque paternis bonis, neque aliis ecclesiasticis gaudet.

  A018000976 

 Nam omnes petere aut [79] expectare ab illustrissima manu Dominationis Vestræ sequum sane ac justum non est, quandoquidem illam in extrema hac senectute, post tam multos pro re Christiana inde jam ab ineunte propemodum ætate exantlatos labores, tanto operi perficiendo, non animi (Deo gratias), sed corporis viribus imparem esse satis suspicari licet.

  A018000983 

 Heu, Illustrissime Domine, quot et qualia impendent capitibus nostris mala, nisi fiat pax in virtute Domini [80] Dei exercituum! Utinam esset Principibus catholicis cor unum! sed divisum est cor eorum, nunc interibunt.

  A018000983 

 Ubi est pacem faciens? Etiam, veni, Domine Jesu!.

  A018000991 

 C'est pourquoi il a de nouveau recours à la source Apostolique pour obtenir que cette pension lui soit confirmée et les revenus assurés, ou bien qu'on lui octroie quelque autre pension ou bénéfice.

  A018000991 

 Dans ces conditions, il lui est désormais difficile, ou plutôt impossible de vivre, étant par ailleurs privé de patrimoine et de tout autre bénéfice ecclésiastique.

  A018000991 

 Mais il y a de longues années déjà que, converti au Christ, Evêque et Pasteur de nos âmes, il est venu, ou plutôt revenu, à sa très douce Epouse, l'Eglise catholique, dans la communion de laquelle il a été rétabli à [77] Rome même, et par l'ordre du bienheureux Pontife Clément VIII. Plus tard, il reçut de notre Très Saint-Père le Pape Paul V — que Dieu conserve! — un canonicat de notre Eglise de Genève, ainsi qu'une pension qui devait tant bien que mal subvenir à sa pauvreté; car, en ce qui concerne le canonicat, personne assurément, si économe soit-il, ne peut vivre de ses revenus: à peine s'élèvent-ils a quarante écus, et encore, le plus souvent, ils n'atteignent pas même vingt-cinq pièces d'or.

  A018000992 

 N'est-il pas permis de craindre, à un âge si avancé, après tant de labeurs supportés dès la jeunesse pour les intérêts de la chrétienté, qu'une pareille œuvre ne soit au-dessus, non de la vigueur de votre esprit, grâce à Dieu, mais de vos forces corporelles? Frayer cette voie nouvelle dans le champ des Ecritures, à la tête de jeunes recrues à peine en état de vous suivre, serait assurément une œuvre très utile..

  A018000998 

 Hélas! Illustre Seigneur, combien de maux, et quels maux sont suspendus sur nos têtes, si la paix ne se conclut par la vertu du Seigneur, Dieu des armées! Plût au Ciel que les princes catholiques [80] n'eussent qu' un seul cœur! Mais leur cœur est divisé, donc ils périront! Où est-il le Pacificateur? Oui, venez, Seigneur Jésus!.

  A018001008 

 C'est pourquoy je vous exhorte de toutes mes forces de prendre au plus tost entre vous la resolution de commencer; pour a quoy vous servir et assister, je vous envoyeray homme bien instruit et de bonne qualité, quand vous me feres sçavoir qu'il en sera tems, et moy mesme, s'il est requis, je m'y achemineray tres volontier, et m'estimeray bien heureux si je puis estre utile a faire reuscir un dessein si honnorable et pieux.

  A018001027 

 Je prens la confiance en vostre charité de vous prier que les pointz suivans soyent bien remonstrés, en sorte que, s'il est possible, l'audiencier les escrive..

  A018001031 

 Qu'elles sont extremement marries de ne pouvoir eslever leur bastiment sans donner quelque ombre au jardin desditz Peres: que si en cela elles donnent quelque nuisance, c'est a leur regret et sans leur coulpe, puisque la necessite de leur edifice les contraint; en sorte que si elles font quelque incommodité, si ne leur font elles point de tort, estant des incommodités que les voysins, par disposition de droit et la coustume generale des gens, doivent souffrir des voysins..

  A018001033 

 De sorte qu'iceluy, toutes choses considerees, les ayant authorisees en ce bastiment, elles sont hors de tout reproche et en droit de bastir en ce lieu la; lequel, au reste, n'est ni proche ni en veuë du monastere desditz Reverens Peres, ains seulement d'un jardin qui leur appartient, escarté de leur monastere et hors l'enclos d'iceluy, lequel, avant que la Congregation de la Visitation fust, estoit exposé a la veuë des femmes et filles, et au bruit [de celles qui] faisoyent la lessive, [là où] maintenant il semble [que] la condition desditz Reverens [Pères est améliorée,] puisque lesdites Dames.......

  A018001033 

 Qu'en ce qui regarde la bienseance et la juste distance qui doit estre entre les monasteres des femmes et ceux des hommes, elles s'en sont rapportees au jugement du Reverendissime Evesque de ce lieu, lequel est chargé par les Canons et par le Concile de Trente de prouvoir a tout ce qui regarde la clausure et asseurance des [85] monasteres des filles.

  A018001034 

 Et qu'il faut encor bien noter la difference qu'il y a entre le monastere et le jardin du monastere, sur tout en cette occurrence en laquelle le jardin est hors de l'enclos du monastere et de sa propre constitution, sujet a la veuë de tout le voysinage; de sorte que l'on n'empire pas sa condition, ains on l'ameliore, puisqu'on leur ostera la veuë des [femmes] qui seront la aux fenestres de..........

  A018001041 

 J'ay veu ce cher filz, mais si peu que c'est presque ne l'avoir pas veu, mesme aujourdhuy quil est venu tandis que j'estois en un appointement.

  A018001041 

 Je suis d'advis qu'il retourne a Lyon, puisque il s'y porte si bien et quil est de si bon naturel quil ne refuse pas l'estude auquel il commence a prendre goust, ainsy que son maistre m'a dit.

  A018001082 

 Nunc demum res ad eum statum redacta est, ut nulla prorsus ratione earum victui provideri possit, nisi Sedes Apostolica cum eis dispensare dignetur, ut in communi prædia et alia bona immobilia possidere possint..

  A018001097 

 Je passe sur ce qu'une expérience convaincante nous apprend de la mendicité des femmes: elle est toujours accompagnée de préoccupations pénibles, de soucis immodérés et continuels, de pensées mélancoliques, d'industries dangereuses sur les moyens de demander et d'obtenir, et des plus troublantes inquiétudes..

  A018001099 

 Bien plus, alors que, pour le Jubilé, il est permis à chacun de choisir un confesseur à son gré, pourvu qu'il soit approuvé par l'Ordinaire, ce moyen de soulager leur conscience leur est interdit par une cruelle injustice.

  A018001129 

 C'est pourquoi, à moins qu'elle ne le juge pas à propos pour [95] quelque raison que j'ignore, j'ose dire à Votre Paternité qu'il serait bon de le renvoyer ici; car ayant appris la langue et étant fort goûté en ces quartiers, il me semble qu'il s'y rendrait très utile.

  A018001129 

 Je sais qu'il a failli en faisant imprimer ses livres sans l'autorisation requise, mais je sais aussi que la cause principale de cette faute est une certaine simplicité et inadvertance; sans doute, grâce à la correction paternelle et pleine de bonté qui lui sera faite par Votre Paternité Révérendissime, il se tiendra désormais sur ses gardes.

  A018001145 

 C'est sans loysir que je vous escris, car le P. Redento part a l'improviste aujourd'huy, duquel j'attendois le despart seulement a lundi.

  A018001145 

 Madame la Marquise d'Urfé a receu le paquet des mains de monsieur le premier President, et s'est chargee, de sa grace, de le vous rendre..

  A018001146 

 Je vous supplie de me faire office vers Monseigneur le Reverendissime Cardinal, affin que je puisse sçavoir si ce sera a Grenoble ou a Paris que j'iray cet Advent et ce Caresme; car Son Altesse a promis a monsieur le Mareschal que j'iray a Grenoble, et a d'autres que j'iray a Paris, et je ne sçai auquel des deux son intention est que je m'attache.

  A018001146 

 Or, il est tems que je le sçache, et selon qu'elle me fera entendre, je me resoudray.

  A018001148 

 J'ay receu une lettre de la premiere qui estoit addressee a Vostre Reverence, et en vostre absence, a moy, en laquelle j'ay plus de part que je ne merite; c'est pourquoy je ne vous la renvoye pas..

  A018001148 

 O mon tres Reverend cher Pere, je suis incomparablement tout vostre et de tout mon cœur: c'est ce que je puis dire pour le present, allant celebrer les Ordres.

  A018001178 

 C'est seulement pour les recommander a vos prieres que j'en touche ce mot..

  A018001179 

 Qu'a jamais son saint nom soit beni et vous rende eternellement sienne, qui est le souhait continuel,.

  A018001198 

 Mays, graces a Dieu, tout cela s'est passé [103] a leur salut; car mon frere, qui estoit allé au service de Son Altesse en soldat, y est mort en Religieux; son filz est passé en innocence, et sa femme en sainte, apres avoir demandé et obtenu l'habit de la Visitation et fait les vœux au lit de la mort.

  A018001199 

 Ma tres chere Seur, nous avons a remercier Dieu qui nous a si longuement laissé cette mere, et n'est pas raysonnable que nous treuvions mauvais sil la reprend, puis que c'est pour luy donner une meilleure vie..

  A018001200 

 C'est pourquoy je n'ay plus rien a vous dire, sinon que je ne cesse jamais de souhaiter mille et mille benedictions a vostre chere ame que j'ayme de tout mon cœur, estant a jamais,.

  A018001212 

 Mais ce souhait, entre vous et moy, qui serois estimé homme d'ambition excessive si quelqu'un l'entendoit; et neanmoins, j'y ay certes aussi peu d'ambition que d'esperance, a cause de l'exclamation du Sauveur: O quam difficile est hominem divitias habentem, etc..

  A018001212 

 O sil playsoit a Dieu de le toucher, l'attirer et gaigner! car c'est bien la coustume de sa divine providence d'employer les choses basses et infirmes pour les grans effectz de sa Bonté.

  A018001213 

 Cependant, je confesse que, comme d'un costé ce m'eut [105] esté un contentement indicible de jouir de la presence de cet amy incomparable qui me souhaitoit a Paris et de la conversation de plusieurs autres qui me font lhonneur de m'affectionner, aussi m'est-ce un grand soulagement de m'esloigner si peu de ma residence quil semble presque que je ne m'en esloigne point; car en somme, ma femme, mes enfans, mon devoir et mes affaires sont icy, puisque Dieu a voulu que j'y fusse pere de famille et son œconome..

  A018001215 

 Nous avons la paix, mais non pas encor les effectz de la paix, car l'execution du traitté est, ce dit on, en quelque sorte de difficulté.

  A018001216 

 C'est la verité que nous n'avons jamais rien veu de cette authorité, ce païs estant hors de la legation; si neanmoins le diocæse luy estant marqué il dispense, j'auray tout sujet de croire quil ne fait rien quil ne puisse; mais en chose de telle importance et qui tire consequence, j'aymerois mieux que l'expedition vint de Rome, pour mettre tout en asseurance..

  A018001230 

 Et c'est celle qui me fait en toute humilité supplier Vostre Altesse de l'avoir en recommandation, si toutefois il peut asses vivre pour avoir besoin de ce qu'il recherche; car il part, ce me semble, a moytié mort, tant il a desir d'avoir moyen de vivre..

  A018001230 

 Il pleut a Son Altesse, il y a plusieurs annees, d'ordonner quelques commodités au cappitaine Henry de la Rose, homme lequel meshuy n'est pas seulement viel, ains decrepite; et bien que la liberalité de saditte Altesse fut excitee par diverses considerations, si est ce que celle de la conversion de cette ame en fut le fondement.

  A018001270 

 Elle a fait profession, et est enterree dans l'habit de la Visitation.

  A018001270 

 Il est vray, Dieu a affligé nostre mayson en la mort de mon frere et de ma seur de Thorens; mais sa main divinement paternelle nous force d'adorer sa suave bonté qui ne nous a touchés que doucement, puisque mon frere est mort saint entre les soldatz, ou il se treuve si peu de saintz, et ma seur, sa chere espouse et mon unique fille, est morte sainte entre les servantes de Dieu et dans le cloistre, qui est ordinairement un seminaire de sainteté.

  A018001283 

 Et il est arrivé encor ces jours passés un malheur, en la perte qu'ilz ont faite d'un Pere Parisien qui deceda.

  A018001283 

 Pour moy, je pense qu'ilz seront un jour de grand service a la France; car ilz ne font pas seulement proffit en l'instruction de la jeunesse (aussi n'est il pas si requis ou les Peres Jesuites font si excellemment), mais ilz chantent au chœur, confessent, cathechisent voire mesme es villages ou ilz sont envoyés, preschent et en somme font tout ce qui se peut desirer, et fort cordialement, et ne demandent pas beaucoup pour leur entretien.

  A018001283 

 Une chose leur manque, que nous supportons facilement icy: c'est qu'encor qu'ilz ayent des excellens praedicateurs, nous ne pouvons pas jouir pour encor de leur talent en cela, d'autant qu'ilz n'ont pas encor [112] l'usage parfait du langage françois, ains seulement autant quil faut pour se faire entendre es cathechismes, petites exhortations et conversations spirituelles; mays ilz le vont aquerant tous les jours.

  A018001284 

 C'est bien fait de jetter nostre pensee sur la justice qui nous punit, mais c'est mieux fait encor de benir la misericorde qui nous exerce..

  A018001285 

 Mays en somme, que pouvons nous dire en toutes ces occurrences? Il est mieux de ne rien dire, ains acquiescer.

  A018001332 

 Voici cependant la sainte paix tant désirée; aussi est-ce le moment de voir comment nous pourrons faire réussir les pieux desseins du Sérénissime Prince de Piémont pour consolider la fondation de ces deux collèges d'Annecy et de Thonon.

  A018001333 

 C'est pourquoi il me semble nécessaire qu'il aille tout de suite d'une cour à l'autre.

  A018001333 

 Mais cette sollicitation ne pourra jamais être bien faite que par ledit Père qui est très au courant de la situation locale, non moins que des motifs et des circonstances qui peuvent engager Sa Sainteté à accorder la faveur implorée.

  A018001335 

 En effet, il a maintenant touché du doigt que j'ai raison; car, dans tout le jardin du collège, il n'est pas une place plus stérile et moins propre à la récréation: deux fenêtres des Pères Dominicains y ont vue directe, et le Père Prieur prétend bâtir son Noviciat contre le mur qui donne juste sur cet endroit-là, avec des fenêtres du même côté.

  A018001335 

 Mais, pour le dire librement et sincèrement, si le prix de cette place de l'étang est employé comme il convient, il sera bien plus utile au collège que la place elle-même; voilà pourquoi j'ai été étonné des préventions de nos Pères, [120] auxquels néanmoins je n'en ai point parlé; car voyant que la seule idée de cette affaire les refroidissait avec moi, je n'ai pas voulu passer outre.

  A018001336 

 C'est pourquoi, étant aussi affectionné au collège et au bien de la Congrégation qu'aucun autre peut l'être, j'estimerais qu'il serait expédient de faire cette vente; et sans doute, Votre Paternité Révérendissime, après avoir vu le plan, jugera que j'ai raison, comme l'ont enfin avoué le P. Supérieur et le P. D. Simplicien..

  A018001386 

 C'est aujourd'huy sa premiere feste, qui m'est signalee, et je viens de l'eglise des Peres Recolletz qui est dediee au mystere qui se celebre..

  A018001386 

 La glorieuse Vierge soit a jamais honnoree, qui est nostre Dame et Reyne de dilection.

  A018001397 

 C'est pourquoy, aussi [127] tost apres mon pauvre petit sermon, je me suis venu reposer en son eglise des Recolletz pour celebrer la Messe, durant laquelle cette sainte Dame, de sa grace, a bien daigné me voir de si bon œil, que j'espere d'y retourner quelquefois pour la supplier de conserver long tems la tres chere Mere de laquelle sans doute elle m'a obtenu la guerison....

  A018001409 

 C'est pourquoy, bien que par les projetz de l'annee passee je devois m'imaginer que vous n'esties plus icy, si est ce que je n'ay peu m'empescher que d'abord mon cœur ne vous cherchast autour de [128] madame vostre mere.

  A018001409 

 Et je ne vous ay [cherchée que] pour premierement me res-jouir avec vous de vostre heureux mariage, car on m'en dit beaucoup de bien; que vous aves tant de contentement et que vous en rendes tant, que monsieur vostre mari est si vertueux, et que le lien d'une sainte et forte amitié vous tient unis ensemble; en somme, que vous aves toute occasion de louer Dieu, qui vous a fait rencontrer si favorablement le soin de monsieur vostre pere et de madame vostre mere..

  A018001411 

 Souvenés vous, Madamoyselle, de vivre tous les jours en humilité, affin que Dieu vous benisse en toute vostre mayson, puisqu'il est certain que Dieu resiste aux superbes et vains, et donne aux humbles sa grace.

  A018001413 

 Je ne vous dis rien de la sainte devotion, qui est desirable en tous tems et tous lieux; car, comme vous sçaves, parmi les joyes et contentemens, elle modere nos espritz; [129] entre les adversités, elle nous sert de refuge et nous delasse; et, quoy qu'il nous arrive, elle nous fait benir Dieu, qui est meilleur que tout.

  A018001430 

 Il est vray que vous y aves des grandes mortifications de cœur, vous y voyant si imparfaite et digne d'estre souvent corrigee et reprise; mais n'est-ce pas ce que vous deves chercher, que la mortification du cœur et la connoissance continuelle de vostre propre abjection?.

  A018001441 

 Il est vray neanmoins qu'une fille qui voudra perdre son ame et son honneur se pourra marier apres les vœux, comme feroit la plus grande professe de France si elle se vouloit perdre et se servir de l'Edict de pacification.

  A018001441 

 Le formulaire [132] de vos vœux est fait selon ceux des pareilles Congregations d'Italie, et exprime beaucoup plus la force de l'obligation que ne font la pluspart des formulaires de la Regie de saint Benoist.

  A018001441 

 Le vœu de chasteté est fondamental, selon les anciens Peres, es monasteres des femmes, et les autres ne laissent pas d'estre essentielz..

  A018001442 

 Il est vray, on peut estre dispensé des vœux simples, et des autres aussi; plus facilement toutefois de ceux la que de ceux ci, mais non sans grande occasion, et lhors qu'il est expedient: dont les Peres Jesuites se treuvent extremement bien, maintenant en partie le lustre de leur tres illustre Compaignie par ce moyen, lequel le monde n'appreuve pas, mays ouy bien Dieu et l'Eglise.

  A018001443 

 C'est une chose rigoureuse que pour ne vouloir pas observer le silence on mist une fille dehors.

  A018001444 

 La prolongation du noviciat se faysant pour cause, n'est pas contraire au Concile, comme ont declairé ceux qui ont la charge des declarations d'iceluy, et les docteurs mesmes l'entendent ainsy.

  A018001446 

 Ma tres chere Fille, pour Dieu, ayes bon courage; c'est aussi pour luy que vous vives et travailles.

  A018001456 

 Ne vous estonnes nullement de vos distractions, froideurs et secheresses, car tout cela se passe en vous du costé des sens et en la partie de vostre cœur qui n'est pas entierement en vostre disposition; mays, a ce que je voy, vostre courage est immobile et invariable es resolutions que Dieu nous a donné.

  A018001457 

 Aussi n'est-il pas dit au passage que vous m'aves allegué, que le juste se voit ou sent tomber sept fois le jour, mais qu'il tombe sept fois; aussi il se releve sans attention a ses relevees.

  A018001513 

 [140] C'est pourquoy il est plus convenable que celles-ci qui, faute de forces corporelles, ne le pourroyent pas dire posement, ne disent que le petit Office..

  A018001517 

 Je ne voy pas qu'il soit besoin de vous advertir d'autre [141] chose sur ce sujet, sinon que, quant au Monastere de cette ville, attendu que l'eglise d'iceluy est consacree sous le tiltre de la Visitation de Nostre Dame et du glorieux saint Joseph, il seroit desirable que l'on obtinst Indulgence pleniere pour ces jours la, et pour les jours des tiltres des autres Maysons et Monasteres de cette Congregation, outre l'Indulgence du jour de la Visitation, qui est le tiltre general de la Congregation..

  A018001518 

 Monseigneur de Lion est la, auquel s'il plaist de favoriser l'affaire, il peut infiniment en cela.

  A018001518 

 Or, je croy qu'il luy plaira, puisqu'il a en sa ville metropolitaine une Mayson de la Visitation ou Dieu est grandement honnoré..

  A018001519 

 Ce que je dis, parce que quelques ecclesiastiques austeres et exactz en leurs personnes ont rendu quelque signe qu'ilz n'estoyent pas satisfaitz dequoy en cette Congregation il y avoit si peu d'austerité et de rigueur de peynes; mais il faut tous-jours regarder a la fin, qui est de pouvoir recueillir les filles et femmes debiles, soit en aage, soit en complexion..

  A018001534 

 Non, Monsieur montres cher Frere, vous n'aures jamais cette cogitation, et ce n'est pas cela qui vous fait demander une cedule de [143] moy pour vostre asseurance; car je suis certain que l'amitié dont vous me favorises est si parfaite qu'elle est au dessus de toute desfiance.

  A018001535 

 Nous sçavons bien cette douce importunité des amans, qui se playsent d'ouïr mille et mille fois repeter qu'on les ayme, non pour s'asseurer, mays pour se complaire en l'asseurance quilz ont, qui semble estre mieux savouree quand ell'est plus souvent repetee.

  A018001535 

 Or sus, c'est asses dit pour cette verité que jamais vous ne revoqueres en doute..

  A018001535 

 Que si vous voulies neanmoins une cedule de mon cœur, comme vous me le signifiés, envoyes moy donq le vostre sur lequel je l'escriray, car nul autre papier n'est capable de cette sorte d'escriture.

  A018001537 

 Pleut a Dieu seulement qu'elles eussent poursuivi leur voyage jusques icy, ou madame de Chantal leur avoit præparé une douce retraitte pour tant qu'elles eussent volu; je m'asseure qu'elles s'en fussent retournees fort consolees de voir la devotion qui se prattique en la Mayson de la Visitation, ou maintenant nostre fille est portiere pour la seconde fois, tant on estime sa vertu que de luy donner cette charge, l'une des plus importantes, affin que je vous die encor ce mot de consolation..

  A018001538 

 Il y a la des bons Peres Jesuites qui pourront mieux que moy discerner ce qui est requis pour le bien de ce Monastere.

  A018001540 

 Mais, oserois-je vous dire un surcroist de desplaysir qui m'est arrivé en cett' occasion? Je le feray, Monsieur mon tres cher Frere, mais c'est en confiance, vous suppliant que si il ne vous en est parlé, il vous playse n'en rien tesmoigner a personne..

  A018001541 

 Mays il est vray que ceux qui ont veu avec quel amour, quel honneur, quelle douceur cette pauvre fille estoit cherie de tous nous, ne treuvent pas si estrange qu'elle n'ayt pas volu tirer de nostre mayson que ce qu'elle y avoit apporté, sans que par autre voye nous luy ayons ni donné ni pensé a luy donner cette volonté..

  A018001542 

 Mais c'est trop d'une chose que j'escris par eschappee.

  A018001584 

 Conservés-le donq bien, ce cœur, en ce juste contentement qu'il a de se sentir en paix avec son Dieu; paix de laquelle le prix n'est point au monde, non plus que la recompense, puisqu'elle vous est acquise par le merite [150] du sang de nostre Sauveur, et qu'elle vous acquerra le Paradis eternel, si vous la gardes bien.

  A018001584 

 Et vous le feres, je le sçai bien; car vous invoqueres Dieu, affin qu'il vous en continue la grace, et prendres soin de bien prattiquer ce que je vous ay conseillé, que j'espere de confirmer par mon retour, puisque, comme j'ay opinion, le voyage de ce Prince que je devois accompaigner est retardé..

  A018001598 

 Cependant il est fort certain, comme vous dites, que ce bon œuvre ne se fera pas sans quelques contradictions; car, comme seroit-il bon autrement? Mais pour cette dame, je ne croy pas qu'elle la face longue, puisqu'elle est vertueuse et de bon esprit; et puis, Dieu dissipe les cogitations humaines par sa science celeste..

  A018001599 

 Or sus, ma tres chere Fille, continués tous-jours a servir ce divin Maistre et Sauveur de vostre ame en pureté et douceur d'esprit: c'est l'unique bonheur que nous pouvons pretendre, et l'infallible asseurance de le [152] posseder eternellement consiste a l'aymer en ce monde fidelement et confidemment..

  A018001614 

 Mais quant aux trois cens livres que ledit Pere Provincial demandoit sur les autres revenus ecclesiastiques remis entre mes mains pour le restablissement de l'exercice catholique es eglises du balliage dudit lieu, je ne voy pas que cela luy doive ni puisse estre accordé; veu que tout est requis pour estre employé aux services et offices divins et a l'entretien et reparation des edifices sacrés, sans qu'on en puisse rien oster, ainsy que j'ay clairement fait voir audit Pere Provincial par les contes de ceux qui, de la part de Vostre Majesté, ont esté establis et commis a la recette desditz revenus.

  A018001631 

 Quand on m'a osté d'aupres de vous, ça esté pour monsieur de Sainte Catherine, mais je pensois que ce fust un accident comme l'autre fois; et voyla que ça esté pour luy faire saintement dire dix ou douze fois: VIVE JESUS! et protester qu'il avoit toute son esperance en la mort de Nostre Seigneur: qu'il a prononcé avec beaucoup de force et de vivacité, et puis s'en est allé ou nous avons nos pretentions, sous les auspices du grand saint Paul.

  A018001632 

 Mais tenes vostre cœur en paix, car il le faut; et, comme dit l'Escriture, pleures un peu sur les trespassés, mais pourtant loues Dieu en consolation, puisque nostre esperance est vivante.

  A018001652 

 En la vacance de la chapelle de Sainte Catherine par le trespas du bon et devot M. de Quoëx, j'ay rencontré par mon desir le choix que monsieur vostre mari et vous aves fait; et je n'avois garde de faillir, puisque monsieur le Doyen vous est si proche en toutes façons, que vostre bon naturel ne vous eut pas permis de faire autrement.

  A018001653 

 Et la troysiesme, c'est que, si cette chapelle demeure quelque tems sans recteur, elle n'est pas si petite quil ne se treuve des courans qui l'impetreront a Rome; et elle sera bien impetree, attendu la negligence de ceux qui doivent nommer.

  A018001653 

 L'autre est que laiqs ne peuvent en conscience tenir les benefices, ni les nominateurs ne peuvent non plus les tenir en suspens sans offencer Dieu et les ames [159] des fondateurs.

  A018001653 

 L'une est, que quand monsieur le Baron seroit en estat (dont Dieu le garde) de deservir cette chapelle, en estant le nominateur il ne pourroit pas la prendre pour soymesme, car nulle (sic) ne peut estre nominateur de soymesme.

  A018001671 

 Il faut que vostre courage surnage a tout cela; et croyes que si vous estes bien resolue de vivre en charité avec elles, leur monstrant un cœur de douce mere, qui a oublié tout ce qui s'est passé jusqu'a present, vous les verres toutes revenir a vous dans bien peu de moys..

  A018001672 

 De renvoyer ce point a eux, il n'est pas raysonnable; il faut que ce soit vous qui commencies.

  A018001691 

 Si c'est sur luy, pourquoy pleurer, que nostre Frere est en Paradis ou les pleurs n'ont plus de lieu? Que si pour vous, n'y a-il point trop d'amour propre (je parle avec vous ainsy franchement), d'autant qu'on jugera que vous vous aymes plus que son bonheur, qui est incomparable? Et voudries vous que, pour vous, il ne fust pas avec Celuy in quo movemur et sumus, tous tant que nous sommes qui acquiesçons a son saint playsir et divine volonté?.

  A018001736 

 Je vous prie de voir que c'est et m'en tenir adverti, bien que je ne laisseray pas d'en parler avec monsieur de Blonnay, puisque il vient de deça, a ce quil m'escrit..

  A018001748 

 C'est pourquoy, Monseigneur, le P. Don Laurens de Saint Sixt estant par dela, j'ay creu que ce seroit a propos d'en ramentevoir Vostre Altesse, a ce qu'elle oÿe avec confiance ce qu'il luy en [169] representera, puisque non seulement il a pour ce sujet la creance de son General, mais aussi une speciale fidelité au service et a l'obeissance de Son Altesse, delaquelle il est nay sujet et vassal.

  A018001762 

 O Nostre Dame! ma trrs chere Fille, si Nostre Seigneur pense en vous et s'il vous regarde avec amour? Ouy, ma trrs chere Fille, il pense en vous, et non seulement [170] en vous, mais au moindre cheveu de vostre teste: c'est un article de foy, et n'en faut nullement douter.

  A018001762 

 Vrayement, Dieu est en ce lieu, et je rien sçavois rien, disoit Jacob; c'est a dire, je ne m'en appercevois pas, je n'en avois nul sentiment, il ne me sembloit pas.

  A018001763 

 Et dites-moy, ma tres chere Fille, n'aves vous pas intention d'estre a Dieu? ne voudries vous pas le servir fidelement? Et qui vous donne ce desir et cette intention, sinon luy mesme en son regard amoureux? D'examiner si vostre cœur luy plaist, il ne le faut pas faire, mais ouy bien si son cœur vous plaist; et si vous regardes son cœur, il sera impossible qu'il ne vous plaise, car c'est un cœur si doux, si suave, si condescendant, si amoureux des chetifves creatures, pourveu qu'elles reconnoissent leur misere, si gracieux envers les miserables, si bon envers les penitens! Et qui n'aymeroit ce cœur royal, paternellement maternel envers nous?.

  A018001764 

 Mais, ma Fille, l'amour de Dieu ne consiste pas en consolation ni en tendreté; autrement, Nostre Seigneur n'eust pas aymé son Pere lhors qu'il estoit triste jusques a la mort et qu'il crioit: Mon Pere, mon Pere, pourquoy m'as-tu abandonné? Et c'estoit lhors, toutefois, qu'il faysoit le plus grand acte d'amour qu'il est possible d'imaginer.

  A018001764 

 Vous dites bien, ma tres chere Fille, que ces tentations vous arrivent parce que vostre cœur est sans tendreté envers Dieu; car c'est la verité que si vous avies de la tendreté vous auries de la consolation, et si vous avies de la consolation vous ne series plus en peyne.

  A018001765 

 En somme, nous voudrions tous-jours avoir un peu de consolation et de sucre sur nos viandes, c'est a dire avoir le sentiment de l'amour et la tendreté, et par consequent la consolation.

  A018001766 

 Or sus, c'est asses, ma tres chere Fille.

  A018001774 

 Qui est celuy qui est malade, dit l'Apostre, que je ne le sois avec luy? Et nos anciens Peres ont dit la dessus, que les poules sont tous-jours affligees de travail tandis qu'elles conduisent leurs poussins et que c'est ce qui les fait glosser continuellement, et que l'Apostre estoit comme cela.

  A018001775 

 Cette douceur es souffrances est un pronostic de la future faveur abondante de Nostre Seigneur en cette ame, ou qu'elle aille ou demeure.

  A018001776 

 Au demeurant, s'il est treuvé convenable de renvoyer cette Novice, il le faudra faire avec toute la charité possible, et Dieu reduira tout a sa gloire.

  A018001778 

 O ma tres chere Fille, vous estes espouse non pas encor de Jesus Christ glorifié, mais de Jesus Christ crucifié: c'est pourquoy les bagues, les carquans et enseignes qu'il vous donne et dont il vous veut parer sont des croix, des clouz, des espines, et le festin de ses noces est de fiel, d'hyssope, de vinaigre.

  A018001805 

 Il est cependant fait par un cœur qui honore grandement et chérit le souvenir de notre Monseigneur.

  A018001832 

 Il y a peu de jours, je reçus de la part du bon Père D. Juste un chapelet avec la croix du bois de saint François, qui, à ce qu'il m'écrivit, m'est aussi offert par [178] vous.

  A018001833 

 C'est pourquoi on demande à Son Altesse de daigner faire en faveur de cette œuvre de piété ce qu'elle a fait en de semblables occurrences, ratifiant le [179] contrat passé avec le Duc de Nemours ou avec ceux qui contractent en son nom; et les Sœurs supplient la Sérénissime Infante de vouloir bien recommander cette affaire, et Votre Seigneurie Illustrissime, d'intercéder pour elles, par charité..

  A018001834 

 Mais on attend les dépêches de Rome; ayant maintenant pour les obtenir un solliciteur aussi habile que l'est le P. D. Juste, et de si nombreuses recommandations, il faut espérer qu'avec la grâce de Dieu nous les recevrons bientôt, d'autant plus [180] qu'il s'agit du service et de la gloire de sa divine Majesté, et du salut des âmes rachetées par le sang du Rédempteur.

  A018001846 

 La Sainte Mayson de Thonon ne peut subsister che (sic) par la bonté et liberalité de Son Altesse, qui en est la fondatrice, et laquelle partant est suppliee maintenant sur divers articles desquelz la resolution et execution est necessaire pour maintenir laditte Mayson, ainsy que le sieur Gilette, present porteur, representera..

  A018001847 

 Playse a Vostre Altesse Serenissime d'estre favorable a ce bon oeuvre, comme elle l'est ordinairement a toutes; c'est la supplication seule que pour le present je luy fay, et qu'elle me face la grace de m'advouer tous-jours,.

  A018001860 

 Vous pouves aussi en cueillir quelquefois au jardin des Olives, sur le mont de Calvaire (je veux dire ces bouquetz de myrrhe de vostre saint Bernard), et supplier le celeste Valentin de les recevoir de vostre cœur et d'en louer Dieu, qui est comme s'il en respandoit l'odeur, puisque vous ne pouves ni asses dignement flairer ces divines fleurs, ni asses hautement en louer la suavité.

  A018001862 

 Or, parlons un peu de ce cœur de ma tres chere Fille: s'il estoit a la veuë d'une armee d'ennemis, ne feroit-il pas des merveilles, puisque la veuë et le rencontre d'une petite fille maussade et escervelee le trouble si fort? Mais ne vous troubles pas, ma tres chere Fille, il n'est point d'ennuy si importun que l'ennuy qui est composé de plusieurs petites, mais pressantes et continuelles importunités.

  A018001863 

 Je le voy bien, que par ces menues tracasseries il y a force sujetz d'exercer l'amour ou l'acceptation de nostre propre abjection: car, que dira-on d'une telle fille qui n'a point fait proffiter et n'a point bien dressé ni donné bonne action a cette petite fille? Et puis, qu'est ce que nos Seurs diront de voir que pour la moindre importunité qu'une creature nous fait, nous nous desbattons, nous nous plaignons, nous grondons? Il n'y a remede, ma tres chere Fille.

  A018001863 

 La fille de saint Athanase eust acheté cette condition au prix de l'or, mais ma fille n'est pas si ambitieuse: elle aymeroit mieux que l'occasion luy fust ostee que d'entreprendre de la faire valoir.

  A018001863 

 Recourés bien a l'humilité, et pour ce peu de tems que cet exercice durera, essayés-vous de la supporter en la presence de Dieu, et d'aymer cette pauvre chetifve pour l'amour de Celuy qui l'a tant aymee qu'il est mort pour elle.

  A018001871 

 Et par ce qu'il m'a demandé pour l'amour de Dieu mon intercession aupres de Vostre Altesse, je ne la luy ay peu refuser; c'est pourquoy, croyant fermement que rien ne se treuvera en cette occasion contre son innocence, je fay tres humble supplication a Vostre Altesse de luy vouloir departir sa faveur pour sa briefve sortie et son renvoye en son cloistre..

  A018001871 

 Le Pere Frere Angelo Calcagnio, Gardien des Observantins de Playsance, est prisonnier des il y a trois moys a Chamberi; et par ce que je l'ay souvent veu a Annessi, ou il a quelquefois demeuré les moys entiers avec son frere, et n'ay jamais rien reconneu en luy contraire a la pieté et religion, je l'ay visité en sa prison, ou je l'ay treuvé comme un homme que le tesmoignage de sa conscience tient asseuré.

  A018001891 

 Enfin, cet article du petit Office est si important, que pour l'obtenir il faut se sousmettre a toute sorte d'autres rigueurs..

  A018001892 

 Et quant a vous, mon Reverend Pere, vous sçaves ce que je vous suis, c'est a dire que je suis vostre, sans reserve ni condition, et.

  A018001909 

 Faites moy cependant lhonneur, je vous supplie, de perseverer a m'aymer, puisque je seray toute ma vie, et [189] de vous et de celle qui est toute vous mesme, Monsieur,.

  A018001982 

 En somme, mon Reverend Pere, ce petit Office est la vie de la devotion en la Visitation..

  A018001983 

 La deuxiesme responce est qu'en la Visitation il n'y a pas un seul moment qui ne soit employé tres utilement en prieres, examen de conscience, lecture spirituelle et autres exercices..

  A018001984 

 Je m'asseure que le Saint Siege favorisera cette œuvre, qui n'est ni contre les loix, ni contre l'estat religieux, et qui luy acquiert beaucoup de maysons d'obeissance en un tems et en un royaume ou il en a tant perdu; et puisque mesme il n'y a pas tant de considerations a faire pour des maysons de filles, d'autant qu'elles ne font nulle consequence pour les autres Ordres, ni ne peuvent estre occasion de plaintes aux autres fondees sous autres statutz.

  A018001999 

 Or, dites luy, ma tres chere Fille, qu'il ne faut jamais attribuer, ni en une [197] façon ni en l'autre, la divinité aux chetifves creatures, et que penser encor de pouvoir passer plus outre en louange, c'est une pensee desreglee, ou au moins de le dire ce sont paroles desordonnees; qu'il faut avoir plus de soin d'eviter la vanité es paroles qu'es cheveux et habitz; que des-ormais son langage soit simple, sans estre frisé.

  A018001999 

 Que dites vous, ma tres chere Fille? Vous semble-il qu'elle n'ayt pas tort de parler ainsy? Ne sont ce pas des paroles excessives? Rien ne les peut excuser que l'amour qu'elle me porte, lequel est certes tout saint, mais exprimé par des termes mondains.

  A018002009 

 Ce porteur, jeun'homme de Gex, quitte son pais et la mayson de son pere pour eviter les inhumaines et continuelles persecutions qu'il y a rencontrees des qu'abjurant l'hæresie il a embrassé la foy catholique; et c'est un grand cas, Monsieur, que cette faction de prætendus reformés, toleree par l'indulgence du Roy, est si [198] insolente que de vouloir, par des voyes extraordinaires, empescher aux sujets de la coronne la liberté de servir Dieu selon la religion du Roy et du royaume, en laquelle l'Estat a esté et laquelle a tous-jours esté en l'Estat, il a, graces a Dieu, environ douze cens ans..

  A018002010 

 Monsieur, c'est pour cela que je vous ay supplié de nous faire avoir des magistratz catholiques en ce balliage de Gex, qui, par l'authorité qu'ilz possederont, pourront donner le contrepoids a la multitude et malice des ennemis de la religion du Roy et du royaume, qui sont si hardis au mal et si pleins d'artifices pour l'executer que, s'ilz ne sont retenus de main forte, ilz ne cesseront d'empescher par toutes sortes de moyens violens le progres de la conversion des ames.

  A018002011 

 Au reste, Monsieur, c'est meshuy chose superflue de repeter les vœux de mon service, que j'ay fait a Vostre Grandeur, puisque lhonneur que j'ay de vous oser regarder et considerer comm'un pere tres affectionné fait son tres aymable filz, met hors de doute le parfait respect et infini amour que mon ame a pour la vostre, que je supplie incessamment Nostre Seigneur de vouloir combler de sa grace, et demeure invariablement,.

  A018002039 

 Ma Seur Anne Marie est fort devotement sage, comme vous n'en doutes pas; ma Seur [201] Paul Hieronime, a ce qu'on me dit, fait merveille, et vostre Econome fait des miracles, hormis que ma Seur Anne Jacqueline luy parle tous-jours savoyard et de la monnoye de Savoye, et elle ne l'entend pas; il faut des truchemens..

  A018002042 

 Le nous et nostre ne me deplaist pas, et toutefois il [202] faudra le moderer en sorte que par trop grande habitude de parler ainsy on ne rende pas les defautz, pechés, imperfections communs et les confessions inintelligibles aux confesseurs estrangers; et partant, il semble quil suffiroit de dire nous et nostre de tout ce qui est vrayement commun, comme: nostre chambre, nostre chapelet, nostre travail, nostre Seur, nostre Mere, nostre exercice; car on peut bien dire: Je n'ay pas fait nostre exercice du matin, je n'ay pas esté a nostre disner, j'ay pensé dans nostre lict, et semblables..

  A018002043 

 Si pour ne point differer de donner l'habit a nostre Seur de Collesieu jusques apres vostre despart, Monseigneur de Calcedoine veut dispenser du tems du premier essay, il faut accepter la dispense pour cette fois, et le supplier par apres de n'en point dispenser que pour des dignes sujetz, attendu que la regie de cet essay est fort utile et salutaire a la Congregation..

  A018002046 

 Je parlay a M. Carra, qui ne presse nullement la reception de sa fille, et luy est indifferent que ce soit ou un jour ou un autre.

  A018002049 

 Je croy fermement que ma Seur Barbe Marie, m'ayme singulierement, et n'a pas tort, ni aussi madame de Granieu, qui m'est a la verité precieuse..

  A018002050 

 On me tourmente fort icy a l'occasion de vostre passage a Lion, d'autant, dit on, qu'il vous pourroit causer du mal: a quoy je vous supplie de prendre soigneusement garde, car penses si rien m'est si cher, apres la sainteté de nostre ame, que la sante de ma Mere.

  A018002051 

 Puisque vous voules tout avoir, j'en ay escrit une bonne une fois a madame de Vissilieu, et si j'ay du loysir, j'en escriray une autre a madame de la Baume et vous l'envoyeray a cachet volant; mais il la faudra bien cacheter, car je ne sçay pourquoy, mais il est vray que les advis secretz frappent mieux le cœur jusques a ce que l'on soit fort avancé au renoncement de son propre amour..

  A018002054 

 Vives toute en la vie et en la mort de Celuy qui vit pour nous faire mourir a nous mesme, et est mort pour nous faire vivre a luy mesme.

  A018002055 

 J'abonde un peu en dilection et es paroles d'icelle en ce commencement; vous sçaves que c'est selon la verité et la varieté de ce vray amour que j'ay aux ames.

  A018002056 

 C'est le 30 [avril] 1618..

  A018002070 

 Il n'est besoin, pour vivre constamment en devotion, que d'establir des fortes et excellentes maximes en son esprit..

  A018002071 

 La premiere que je souhaite au vostre, c'est celle de saint Paul: Tout revient au bien de ceux qui ayment Dieu.

  A018002072 

 Si Dieu vous fait prendre une cheute, comme a saint Paul qu'il jetta en terre, c'est pour vous relever a gloire..

  A018002072 

 Si Dieu vous jette la boue de l'ignominie sur les yeux, c'est pour vous donner la belle veuë et vous rendre un spectacle d'honneur.

  A018002073 

 Et qu'aves vous a craindre, qui estes fille d'un tel Pere, sans la providence duquel pas un seul, cheveu de vostre teste ne tombera jamais? C'est merveille qu'estant filz d'un tel Pere, nous ayons ou puissions avoir autre soucy que de le bien aymer et servir.

  A018002073 

 La seconde maxime, c'est qu'il est vostre Pere; car autrement il ne vous commanderoit pas de dire: Nostre Pere qui estes au ciel.

  A018002074 

 La troysiesme maxime que vous deves avoir, c'est celle que Nostre Seigneur enseigna a ses Apostres: Qu'est ce qui vous a manqué? Voyes vous, ma chere Fille, Nostre Seigneur avoit envoyé les Apostres ça et la, sans argent, sans baston, sans souliers, sans besace, revestus d'une seule soutane, et il leur dit par apres: Quand je vous ay ainsy envoyés, quelque chose vous a-elle manqué? Et ilz luy dirent: Non.

  A018002075 

 Dieu est avec vous; ayes bon courage, et vous seres delivree..

  A018002076 

 La quatriesme maxime, c'est celle de l'eternité.

  A018002076 

 Ma Fille, nous allons a l'eternité, nous y avons presque des-ja l'un des pieds; pourveu qu'elle nous soit heureuse, qu'importe-il que ces instans transitoires nous soyent fascheux? Est il possible que nous sçachions que nos tribulations de troys ou quatre jours operent tant d'eternelles consolations, et que nous ne veuillions pas les supporter? En fin, ma tres chere Fille,.

  A018002078 

 Ce qui n'est pour l'eternité.

  A018002081 

 Ceux qui sont piqués des espines de la couronne de Nostre Seigneur, qui est nostre chef, ne sentent guere les autres piqueures..

  A018002081 

 La cinquiesme maxime, c'est celle de l'Apostre: Ja n'advienne que je me glorifie, sinon en la Croix de mon Jesus.

  A018002097 

 Et puis, elles sçavent qu'il n'est pas hors de propos que les fideles espouses de Celuy qui n'eut jamais ni logis ni ou reposer son chef en ce monde ne soyent pas logees a leur commodité.

  A018002124 

 Me voicy de retour, ma tres chere Fille, et, parmi l'esperance de la paix, je nourris celle de vous voir en l'occasion du voyage de M. le Prince Cardinal, s'il est vray qu'il se face, comme nos courtisans m'asseurent.

  A018002146 

 Il est certain que je vous escrivis des Grenoble une fois par monsieur de Bauvillars, gentilhomme de Cremieu, et l'autre, ce me semble, par monsieur Orlandini, ecclesiastique, frere de l'une de nos Seurs.

  A018002147 

 Je salue nos Seurs pour vous, et donneray vostre lettre a monsieur de Boysi quand il sera de retour des chams ou il est.

  A018002162 

 Les Peres de Saint Dominique m'ont offert un parti pour avoir ce morceau de jardin dont nous avons besoin, sans toucher a celuy des Peres Barnabites, mais parti si impossible et, si je ne me trompe, desraysonnable, qu'en fin ce n'est rien.

  A018002163 

 Vous vous resouviendres bien de ce que vous me dites de M. de Grenier et de ses lettres; j'ay sceu que c'est, et m'est advis que c'est si peu de chose, que si vous n'en pouves parler fort doucement et imperceptiblement, il ne seroit presque pas bon d'en rien dire, de peur d'effaroucher cette pauvre fille qui se promet tant de consolation de vostre veue; et peut estre les termes generaux suffiront, sil ne se presente d'autre biais bien propre pour venir aux particuliers..

  A018002166 

 Et puis, cette methode de se desfaire du gentilhomme que vous sçaves, engendrera elle pas indubitablement [220] des querelles, puisque il s'est declairé de sa pretention a M. de Chantal et a moy, a qui mesme il a monstré l'escrit? En somme, il arrive souvent en ce monde que les roses se convertissent en espines..

  A018002166 

 Que je suis en peine, ma tres chere Mere, de crainte que nostre mariage, dont nous nous promettions tant de consolation, ne se rompe; car de ne pas communiquer tres clairement et sans replys toutes les difficultés quil y a, a M. de Chantal et a Monseigneur de Bourges, il ny a point d'apparence; et de les leur communiquer, il y a toute apparence que Monseigneur de Bourges se rebutera de voir que cette terre dont on avoit parlé ne soit pas terre, ains une mayson seulement; que mesme on ne la veuille donner que pour apres le trespas, et non aux noces; que l'argent n'est pas exigeable pour estre colloqué a propos des affaires que l'on a, et que l'on veuille tant de pompe, que deux ou trois mille escus ne suffiront pas: de sorte que rien ne demeure qui puisse bien contenter son esprit que vous connoisses, sinon la fille, que tout le monde avoüe estre digne d'amour.

  A018002167 

 C'est une belle chose que la clarté es affaires.

  A018002194 

 En cette vacance de l'estât d'advocat de Vostre Grandeur en ce Conseil de Genevois, advenue par la promotion de monsieur Ouvrier a celuy de senateur, je croy que le sieur Mottier sera proposé a Vostre Grandeur; et je puis dire que si elle luy fait la grace de le recevoir en cette charge, ell'en sera extremement bien servie, non seulement par ce que c'est l'un des plus dignes advocatz que nous ayons en ce païs, mais aussi par ce qu'il [223] affectionnera ardemment son devoir.

  A018002225 

 Quelle apparence y auroit il de laisser partir ce porteur, de mes amis et confreres, sans luy donner ces quatre motz? car ne faut il pas, le plus souvent que l'on peut, ramentevoir cette juste et inviolable affection plus que fraternelle que mon cœur a envers vous? Il est vray, Monsieur mon tres cher Frere, plus l'honneur et le bien de vous revoir m'est differé, plus ce sentiment va croissant en moy..

  A018002227 

 Cependant, aymes tous-jours constamment, Monsieur mon Frere, celuy qui, a jamais, sans cesse et sans reserve, est et veut estre.

  A018002244 

 Je participe a tous vos contentemens et a tous vos desplaysirs, selon nostre reciproque, ancienne et invariable amitié; c'est pourquoy je regrette la perte de la presence de monsieur vostre beaufilz, et prie Dieu quil console sa chere vefve, a laquelle je voudrois bien pouvoir rendre du service..

  A018002245 

 Ell'est maintenant a Lyon avec nostre fille, et sera icy dans huit jours pour recevoir la profession de M lle de Vallon et de M lle Carra le dimanche entre les octaves de l'Ascension..

  A018002261 

 Pour moy, ma chere Fille, je n'escris a ce coup qu'a vous, car je m'imagine que la bonne Mere sera partie, [227] et ce porteur est un personnage qui fait profession d'estre des grandes connoissances de monsieur vostre mary et ne me donne que ce moment pour vous escrire..

  A018002262 

 C'est pourquoy, ma tres chere Fille, prenes la peyne, je vous prie, de dire cela de ma part a ma Seur Peronne Marie, laquelle, au depart de cette chere Mere, sera, je pense, un peu attendrie.

  A018002262 

 Mais que vous diray-je? Ceux qui n'ont qu'une volonté et qu'un cœur, c'est a dire, ceux qui pour tout ne cherchent que le divin amour celeste et que la volonté et le cœur du Sauveur regnent, ilz sont inseparables.

  A018002275 

 Oh! ce grand Dieu qui est propice aux cœurs de bonne [228] volonté, soit a jamais la vie du vostre, ma tres chere Fille, et du mien, qui est vostre et ne cesse jamais de vous souhaiter cette sainte vie de l'amour celeste..

  A018002289 

 Ce n'est pas escrire, ceci, ma tres chere Fille; c'est seulement, comme par un petit signe, vous faire sçavoir que ce cœur duquel vous estes la fille a receu vostre lettre avec beaucoup de joye et ne cesse point de vous desirer la perfection de l'amour caeleste.

  A018002290 

 Cependant, salues cherement tout ce qui est plus cher a mon ame dans vostre Grenoble.

  A018002290 

 Mays vous sçaves que la [229] nouvelle Mere est ma fille; si est bien madame de Granieu; salues les donq comme il faut.

  A018002304 

 J'ay regardé avec compassion l'estat de vostre cœur, des que j'ay sceu le desplaysir qu'il a receu ces jours passés; car encor que je sache bien que, graces a Dieu, l'experience et accoustumance que vous aves faite des quelques annees en ça a souffrir les mescontentemens, aura affermi vostre ame et animé vostre courage pour n'estre plus si extraordinairement sensible a ces coups inevitables de nostre condition mortelle, si est ce que d'ailleurs je crains que ces recharges si frequentes n'estonnent vostre resolution.

  A018002306 

 Et en verité, il importe peu (ains il importe beaucoup) a ceux que nous cherissons, que leur sejour soit court parmi le tracas et les miseres de cette vie; et quant a nous, cela ne nous toucheroit point, si nous sçavions considerer que c'est la seule eternité a laquelle nous devons dresser tous nos desirs..

  A018002317 

 Je vous diray, Madame, mais aussi, s'il vous plait, ma tres chere Fille, qu'il est impossible de n'avoir pas des ressentimens de douleur en ces separations; car, encor qu'il semble que les unions qui ne tiennent qu'au cœur et a l'esprit ne soyent point sujettes a ces separations exterieures, ni aux desplaysirs qui en procedent, si est ce que, tandis que nous sommes en cette vie mortelle, nous les sentons, d'autant que la distance des lieux empesche la libre communication des ames, qui ne peuvent plus s'entrevoir ni s'entretenir que par cet office des lettres.

  A018002317 

 Mays pourtant, ma tres chere Fille, il y a bien dequoy vivre content en la tressainte dilection que Dieu donne aux ames unies a mesme dessein de le servir, puisque le lien en est indissoluble, et que rien, non pas mesme la mort, ne le peut rompre, demeurant eternellement ferme sur son immuable fondement, qui est le cœur de Dieu, pour lequel et par lequel nous nous cherissons..

  A018002338 

 En somme il est donq vray, Monsieur mon Frere, que les estoilles ne sont plus en veuë quand le soleil l'est sur nostre horizon, et qu'ainsy ce grand contentement que vous contemples au mariage de Monsieur vous vaut tellement que nous ne sommes plus en memoire.

  A018002361 

 Nous sommes tous-jours esperant et attendant la reddition de nostre Verceil, laquelle devroit il y a long tems estre faite, selon la rayson et les promesses, mais qui ne devroit pas estre si tost attendue, selon l'honneur de celuy qui tient la ville, qui expres, dit on, ne la veut pas faire selon les articles et a point nommé, affin que l'on ne puisse pas dire que c'est par l'authorité du Roy qu'il fait ce dernier accomplissement de la paix.

  A018002362 

 Ouy mesme, je le puis dire, sur le sujet de l'image qu'on vous porte, laquelle, vuide d'ame et de cœur, [236] et n'estant que vaine representation d'un homme qui n'est que vanité, prevaut sur moy, qui desirerois bien d'aller en presence aupres de vous pour vous offrir de vive voix mon tres humble service et jouir de l'honneur de vostre veùe.

  A018002378 

 Le secret des secretz en l'orayson, c'est de suivre les attraitz en simplicité de cœur.

  A018002378 

 Vostre sorte d'orayson est tres bonne, ains beaucoup meilleure que si vous y faysies des considerations et discours, puisque les considerations et les discours ne servent que pour exciter les affections; de sorte que s'il plait a Dieu de nous donner les affections sans discours ni consideration, ce nous est une grande grace.

  A018002379 

 Mays, ma tres chere Fille, estant une fois resolue de cela, ne vous amuses point, au tems de l'orayson, a vouloir sçavoir ce [238] que vous faites et comme vous pries; car la meilleure priere ou orayson, c'est celle qui nous tient si bien employés en Dieu que nous ne pensons point en nous mesmes, ni en ce que nous faysons.

  A018002380 

 Demeures en paix, ma tres chere Fille, marches fidelement au chemin auquel Dieu vous a mis; ayes bien soin de contenter saintement celuy quil vous a associé et, comme une petite mouche a miel, en faysant soigneusement le miel de la sacree devotion, faites encor bien la cire de vos affaires domestiques; car si l'un est doux au goust de Nostre Seigneur, qui estant en ce monde mangea le beurre et le miel, l'autre aussi est a son honneur, puisque il sert a faire les cierges allumés de l'ædification du prochain..

  A018002383 

 Cette Mere m'est grandement a cœur; Dieu l'assistera et benira ses bons desirs..

  A018002399 

 Je vous respons bien courtement, mais c'est par force, n'ayant autre loysir que pour cela.

  A018002399 

 Vrayement, mon Pere, il n'est nul besoin de serment pour me faire croire la verité de vostre sincere, cordiale, intime et invariable amitié envers moy; car je la croy, je la sçai, je la voy, je la sens, je la touche, et il faudroit que mon ame fust inanimee et mon cœur insensible, s'il en doutoit.

  A018002410 

 Et puis en fin, il faut revenir au point: il ny a point de deshonneur a pardonner, ou sil y a de deshonneur, ce n'est que devant le monde..

  A018002425 

 Je croy que nostre seur qui est en Piemont n'eut pas fait ainsy, mays elle ne peut pas gouverner tout; la pauvre chere seur Religieuse a fait selon sa condition.

  A018002425 

 Pauvre fille, ell'est bien en peine, mais il n'y a pas de quoy, car elle a fait ce qu'ell'a cuydé estre bon.

  A018002425 

 Tout cela reviendra a bien, moyennant la grace de Dieu, a laquelle je recommande vostre ame qui m'est chere comme la mienne propre..

  A018002434 

 Je vous dis, ma chere Fille, que non seulement vous pouves, ains que vous feres parfaitement bien d'ouvrir vostre cœur tout candidement au Pere Isnard; il est non seulement docte et religieux, mais il est tout spirituel et tout de Dieu; vostre cœur bienaymé aura de la consolation et du proffit a recevoir ses advis..

  A018002447 

 Que de divers advis j'ay receus il y a environ deux mois! Mais Dieu soit loüé, qu'apres avoir pleuré et amerement regretté sur vostre trespas, qu'on m'avoit annoncé, je benis sa divine Majesté et la supplie avec une incomparable consolation pour vostre vie que, certes, vous deves meshuy cherir, Monsieur mon tres cher Filz, puisque vous voyes combien elle est desiree, comme tres utile, par tant de gens de bien; car on m'escrit de Gex que parmi tout vostre gouvernement on a fait des actions de graces publiques a la divine Bonté pour vostre guerison.

  A018002450 

 Au demeurant, Monsieur mon Filz, le jeune Bursal, de Gex, s'estant converti a la foy catholique par la bonté de Dieu, a tant receu de mauvais et indignes traittemens en sa patrie par ses bourgeois et mesme par ses proches, qu'il a esté contraint de se retirer a Paris, ou il a pensé de pouvoir treuver quelque condition de service pour s'entretenir; et nos ecclesiastiques de Gex m'asseurent qu'il est fort bon enfant.

  A018002450 

 Ce qui me fait vous supplier tres humblement, Monsieur mon Filz, d'avoir quelque soin de luy, affin que l'on voye que ceux qui abandonnent cette fause religion pour embrasser celle du Roy et du royaume, qui est la seule vraye religion, ne sont pas abandonnés de ceux qui tiennent les meilleurs rangs au service du Roy et de la coronne..

  A018002451 

 Vivés longuement, heureusement et saintement; c'est le souhait personnel, Monsieur mon Filz, de.

  A018002462 

 Le parti qu'elle propose pour vous est incomparable, sil reuscit, et pourra mesme fort facilement obtenir de Rome le petit Office a perpetuité..

  A018002465 

 ma tres chere Fille, croyes le bien, car ainsy est il..

  A018002479 

 Je ne m'estonne point de l'empressement que ces bons personnages ont a destourner les ames que Dieu appelle a la Visitation; car encor me semble-il que cette bienaymee petite Congregation est quitte a bon marché des persecutions et contradictions que l'ennemi de son progres luy suscite et a accoustumé de susciter en toute pareille occasion.

  A018002480 

 Certes, asses entre sur la mer qui entre dans un vaysseau qui est a l'emboucheure du Rosne, prest a singler et faire voyle..

  A018002482 

 O quelle suavité a mon chetif cœur paternel, de sçavoir que mon frere tres aymable est tout charitablement cordial a mes Filles bienaymees! Je vous en fay mille tres humbles actions de graces, Monsieur mon tres cher Frere, et vous proteste que, recevant vostre lettre, il me sembloit cueillir des fleurs de suavité incomparable sur le coupeau d'une de nos montaignes, ou j'estois alhors.

  A018002493 

 Je vous escris, ma tres chere Fille, a mesme que je vay monter sur le bateau pour aller visiter un monastere de Religieux reformés desquelz pour le present j'ay charge; mais ce gentilhomme, qui est et mon parent et mon grand amy, allant vers M. le Mareschal, il faut a quel prix que ce soit qu'il vous porte de mes nouvelles, puisque mesme il reviendra et m'en pourra rapporter des vostres.

  A018002494 

 Or bien, c'est a vos seules aureilles, qui escoutent si delicatement, que sans dire mot il parle, vous remettant en imagination ce que je disois lorsqu'en chaire je vous representois la volonté de Dieu, qui est vostre sanctification.

  A018002494 

 Vray Dieu, ma tres chere Fille, que sera ce quand nous verrons aeternellement la face du Pere eternel en elle mesme, puisque le portrait mort et muët d'un chetif homme res-jouit le cœur d'une fille qui l'ayme? Mays, ce me dites vous, ce portrait n'est pas muët, car il parle a vostre esprit et luy dit des bonnes paroles.

  A018002496 

 Ne vous mettes nullement en peine de n'avoir pas la memoire si tenante en la recherche de vos fautes, car ce n'est pas le manquement de memoire qui desplait a Dieu, c'est le manquement de volonté; et, graces a sa Bonté celeste, vous ne manques pas en ceci..

  A018002497 

 Il est vray, je suis debiteur a monsieur d'Aoste et a [251] monsieur de la Gran de je ne sçai quoy que je leur promis, mais je ne tarderay pas de m'en aquiter a mon premier loysir..

  A018002499 

 Je salue la chere Mere de dela, qui est bien ma fille, et nos Seurs et nos Novices, et toute cette Mayson la.

  A018002514 

 C'est pourquoy, toutes choses considerees, j'ay creu qu'il estoit requis de faire un'assemblee a cett'intention et qu'il seroit a propos qu'elle se fit icy, affin que nous fussions plus pres de Son Excellence, pour, en cas quil fut necessaire, recourir a elle..

  A018002515 

 Pour cela, j'ay prié ce Pere de procurer de dela une assemblee preparatoire, en laquelle vous deputeres ceux qu'il vous semblera plus propres a laditte resolution; et pourveu que le jour de Saint Pierre aux liens et celuy de Nostre Dame ad Nives soyent exceptés, tout autre tems [253] m'est indifferent, vous priant seulement, sil se presentoyt commodité, de m'en advertir..

  A018002532 

 Cette lettre vous est estroittement recommandee, ma tres chere Fille, par celuy qui l'a escritte en chemin, allant d'icy en Bornand; car quant a moy, je ne vous dis rien pour le present, sinon que je feray response a ces bons Peres desquelz vous m'envoyastes les lettres.

  A018002544 

 La Congregation des Cœlestins, agitee maintenant en France de quelque contention, espere que la venue [255] de son Abbé general, qui est de plus commis expressement par nostre Saint Pere le Pape, calmera et accoysera aysement leur petite mer; mais sur tout, si l'œil de Vostre Majesté en favorise le dessein..

  A018002545 

 C'est de quoy, Sire, vostre justice et pieté est suppliee tres humblement par cette trouppe de tres fideles sujetz et tres devotz orateurs que Vostre Majesté a en cet Ordre, tous-jours jusques a present de grande edification, et mesme sous vostre couronne royale, laquelle les a aussi tous-jours gratifiés de sa speciale protection.

  A018002561 

 J'escrivoys au Roy, ma tres chere Mere, quand ma Seur Anne [Jacqueline] est arrivee..

  A018002562 

 Madame [de] Brochenu, sa tante, me dit a Grenoble qu'elle desiroit [qu'on] la renvoyast en la Mayson de Grenoble, estimant [que l'air] luy seroit plus propre; c'est pourquoy il ny [aura pas] grande difficulté de la renvoyer, en disant [que ce] n'est pas l'air, mais la volonté de cette fille [qui l']afflige.

  A018002563 

 [Ce n']est pas mauvais signe, mais bon, quand il se fait ainsy quelque petite purgation; et comme ce seroit [257] cruauté de renvoyer les filles par nos caprices, aversions ou inclinations, aussi seroit ce cruauté de les retenir contre les leurs, quand ilz ne sont pas guerissables..

  A018002596 

 Ce porteur m'a fort obligé par la peine qu'il a prise de me venir voir, mais encor plus par le soin qu'il a eu de me dire de vos nouvelles, puisqu'elles sont toutes bonnes, et qu'avec cela, pour me donner plus de gloire et de contentement, il m'a dit que vous avies souvent memoire de moy; car je confesse franchement que ce bonheur m'est grandement praetieux, selon l'extreme affection que je sens en mon ame a cherir et honnorer singulierement la vostre qui m'est tous-jours presente, je vous asseure, au moins en mes principales prieres, qui sont celles de la sainte Messe.

  A018002612 

 Vous le voyés bien, ma tres chere Fille, si l'obeissance est aymable: vous allies avec un peu de repugnance, et vous y aves treuvé la permission de recueillir force manne celeste.

  A018002615 

 Je suis bien ayse que vous ayes une parfaite confiance a la Mere de dela, car je croy qu'elle vous sera utile, et c'est une Mere qui est toute ma tres chere fille et en laquelle j'ay toute confiance aussi; et sans cette confiance je luy escrirois plus souvent, mais je m'en dispense, comme je feray de vous a qui j'escris maintenant par rencontre, et j'en suis bien ayse.

  A018002615 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que l'amour cæleste est aymable, voire mesme quand il est exercé icy bas parmi les mysteres de nostre mortalité! la distance des lieux, ni rien du monde ne luy peut oster la suavité.

  A018002616 

 Et je cesse de vous escrire davantage, malgré mon inclination, pour aller penser comment elle mourut d'amour et comme ell'est coronnee de son amour au Ciel, pour en parler demain a mon cher peuple de cette ville qui s'y attend..

  A018002650 

 A la vérité, il est petit, mais néanmoins très propre à faire connaître votre Congrégation en ce pays, et par conséquent à la faire goûter dans le royaume de France et s'y étendre.

  A018002650 

 C'est pourquoi, nos Pères d'ici ayant traité de cette affaire avec moi pour en avoir mon sentiment, j'ai cru devoir les encourager à s'employer pour que l'offre de ce collège fût acceptée.

  A018002668 

 Dites moy, ma tres chere Fille, vostre cœur que fait il? Il est, je m'asseure, plus brave que l'ordinaire en cette sainte octave en laquelle on celebre les triomphes de nostre Reyne, en la protection de laquelle nostre esprit repose et nostre petite Congregation respire.

  A018002668 

 O ma Fille, il le faut tenir haut eslevé ce cœur, et ne permettre point qu'aucun accident de secheresse, d'empressement ou d'ennuy l'estonne, puisque, encor que cela le puisse esloigner de la consolation sensible de la charité, il ne le peut toutefois esloigner de la veritable charité, qui est la souveraine grace de Dieu envers nous pendant cette vie mortelle..

  A018002680 

 C'est pourquoy, Monseigneur, je suis forcé de recourir de rechef a l'æquité et bonté de Vostre Altesse, affin qu'il luy playse d'user de sa providence en cett'occasion et d'ordonner ces payemens, en sorte que meshuy ces pauvres ecclesiastiques puissent en paix faire le service de Dieu en leurs eglises; et cette divine Majesté en benira de plus en plus Vostre Altesse,.

  A018002697 

 Et il n'y a moyen d'en rien avoir, ains faut qu'ilz despensent beaucoup par empruntz, pour solliciter inutilement ce qui est deu si justement..

  A018002698 

 Et les parroisses en seront soulagees, car elles payeront plus a commodité, et les curés asseurés, tant de ce qui leur est deu et qu'ilz doivent reciproquement [269] ailleurs ou ilz ont emprunté, que de ce qui leur doit ci apres estre payé pour leurs pensions..

  A018002698 

 Nous la supplions donq d'assigner nostre payement sur les tailles ordinaires des mesmes parroisses, avec commandement a la Chambre de faire descharger les païsans d'autant, et jusques a la concurrence de ce qui nous est deu.

  A018002699 

 Mais encor, s'il n'y a de bonnes clausules derogatoires, courrions nous fortune de n'avoir rien, tant sommes nous favorisés en nos poursuites, pour justes qu'elles soyent! Ce que je dis, non pour me plaindre de la Chambre, qui est certes marrie de nous voir maltraitter non obstant les arrestz qu'elle a rendus pour nous contre les gabelliers, mais pour vous supplier, Monsieur, de ne rien oublier es depesches, affin que nous vous soyons, et ces curés et moy, de plus en plus obligés.

  A018002717 

 Vidi postea consilium quod a magni consilii Angelo per te mortalibus datum est de vera Religione eligenda; ac demum obiter vidi in bibliotheca Collegii Lugdunensis Tractatum de Prædestinatione, et [272] quamvis nonnisi sparsim ut fit oculos in eum injicere contigerit, cognovi tamen Paternitatem Vestram sententiam illam antiquitate, suavitate ac Scripturarum nativa authoritate nobilissimam, de prædestinatione ad gloriam post prævisa opera, amplecti ac tueri.

  A018002737 

 Ayant de tels sentiments pour vos mérites dont vos œuvres ont fait depuis longtemps l'éloge auprès de moi, mon Père, est-ce merveille si je me suis réjoui en voyant à mon tour l'amitié dont vous voulez bien m'honorer? Pour que vous me la continuiez toujours, je tiendrai maître Gabriel pour très recommandé, et je n'épargnerai rien, à l'occasion, de ce que je saurai vous être agréable..

  A018002750 

 Je chantay, l'autre jour, la victoire avant le triomphe, quand je vous escrivis que nous estions d'accord avec les Peres de Saint Dominique; car, comme le contract a esté dressé, il (sic) n'ont pas volu tenir parole, de sorte quil faudra marcher dans les termes de la justice, laquelle si ell'est un peu bien administree, ilz [274] se repentiront d'avoir refusé dix mille florins de ce qui n'en vaut pas cinq cens.

  A018002751 

 Cependant, tenes moy continuellement en vostre cœur, comme un homme qui est parfaitement vostre et ne sera jamais que vostre, et vostre d'une façon nompareille..

  A018002752 

 Je seray bien ayse si je puis avoir la Regie de saint Augustin, d'Italie, car j'ay celle des Augustins de France, outre la latine qui est en ses Œuvres; et qui pourroit avoir les Constitutions des Angeliques, [275] elles serviroyent beaucoup.

  A018002767 

 C'est ce en quoy j'implore avec eux la grace de Vostre Altesse, a laquelle faysant tres humblement la reverence et souhaitant le comble de toute sainte prosperité, je demeure,.

  A018002781 

 O mon cher Pere, vous aves donq esté malade deux fois en si peu de tems? C'est signe que vous n'aves pas asses soin de conserver vostre santé, et neanmoins vous estes obligé d'avoir ce soin la, pour servir tant mieux nostre grand Maistre et ses enfans, puisque vostre vocation vous y astreint.

  A018002789 

 Elle est dans le noviciat, et je vous asseure que si elle persevere a courir, comme elle commence, dans les voyes de Dieu, elle se treuvera bien tost au sommet de la montagne du Seigneur.

  A018002795 

 Certes, mon tres cher Frere, ces amitiés sacrees que Dieu a fait sont independantes de tout ce qui est hors de Dieu..

  A018002795 

 Mais voyci le tems qu'il faut employer l'advantage que nostre amitié a au dessus de celle des enfans de ce monde, et la faire vivre et regner glorieusement, nonobstant l'absence et division des sejours; et cela, a cause que son autheur n'est point lié au tems ni au lieu.

  A018002796 

 J'espere d'aller faire dans quelques jours un peu de saint repos aupres de luy, qui est nostre commun phœnix, pour odorer les bluettes de cinnamome dans lesquelles il veut mourir, pour plus heureusement revivre parmi les [280] flammes de l'amour sacré duquel il escrit les saintes proprietés dans une histoire qu'il compose..

  A018002797 

 Mays, qui vous a peu dire que nos bonnes Seurs de la Visitation ont esté traversees pour leurs places et bastimens? O mon cher Frere, Dominus refugium factus est nobis; Nostre Seigneur est le refuge de leurs espritz, ne sont elles pas trop heureuses? Et comme nostre bonne Mere, toute vigoureusement languissante, me dit hier, si les Seurs de nostre Congregation sont bien humbles et fideles a Dieu, elles auront le cœur de Jesus, leur Espoux crucifié, pour demeure et sejour en ce monde, et son palais celeste pour habitation eternelle..

  A018002799 

 Mais, mon Dieu, c'est trop dire en ce sujet, ou je ne voulois rien dire.

  A018002799 

 Toutefois c'est a vous, a qui toutes choses sont disables, puisque vous aves un cœur incomparable en dilection pour celuy qui, avec un amoureux respect, vous proteste qu'il est incomparablement,.

  A018002811 

 J'ay un Chapitre autant bien qualifié qu'il se peut dire; c'est pourquoy, outre le devoir que j'ay au service de Dieu et de l'Eglise, j'en ay un bien particulier a mes Chanoynes, qui, par un asses rare exemple, ne sont qu'un cœur et qu'un'ame avec moy au soin de ce [282] diocæse.

  A018002831 

 Ni je ne vous remercieray pas du bon accueil que vous aves fait a monsieur le President Crespin, soit que vous l'ayes fait selon la generosité de vostre esprit, qui vous est naturelle, soit que vous l'ayes fait selon la bienveuillance que vous me portes, de laquelle l'habitude est passee meshuy en nature par la multitude de l'exercice que vous en faites continuellement.

  A018002831 

 On ne remercie pas le soleil dequoy il fait le jour, ni la lune dequoy elle esclaire la nuit, parce que c'est leur nature.

  A018002831 

 Seulement vous diray je que je prie Dieu d'en estre le remunerateur, luy qui en est l'autheur en vous..

  A018002834 

 Mais je dis toutefois qu'il est vray, et ne sera jamais autrement, que je suis de tout mon cœur invariablement, Monseigneur,.

  A018002834 

 Pour moy, je ne sçay encor si j'iray a Paris ou non, cette incertitude dependant de celle du voyage de Monseigneur le Prince Cardinal et de celle qui est ordinaire es cours; ou, pour ne point mentir, je ne dis rien, [284] sinon peut estre qu'il est vray, et peut estre que non.

  A018002846 

 Vous ne sçauries, je vous asseure, Madame, m'escrire trop souvent, ni donner du divertissement a mes occupations par vos lettres, qui plus tost me soulagent par la consolation que j'ay de sçavoir des nouvelles de vostre cœur qui m'est extremement cher, et que je prie de tout le mien de vouloir continuer sa charité envers mon ame, la recommandant souvent a Nostre Seigneur; comme de mon costé je ne cesseray jamais de vous souhaiter la tressainte perseverance, avec un continuel accroissement en l'amour celeste de sa divine Majesté, qui est le comble de tout bonheur, Demeurés en paix, ma tres chere Fille, et benisses de plus en plus la Bonté divine qui vous veut toute pour elle..

  A018002862 

 C'est cela que souvent je luy demande pour vostre chere ame, ma Fille, laquelle j'ayme comme la mienne propre..

  A018002862 

 Dieu est bon, ma tres chere Fille, et puis qu'il luy a pleu de vous donner le desir de son pur amour, il le rendra un jour parfait.

  A018002876 

 Outre le desir que j'ay de me ramentevoir souvent en vostre bonne grace, ce bon Pere Capucin, qui est grandement de mes amis, m'en a reveillé la volonté quand il m'a dit qu'il alloit expres voir cette saintete (sic) solitude en laquelle beneplacitum est Deo habitare in ea; et que particulierement il desiroit de vous bayser les mains, poussé de la renommee qu'il a pleu a Dieu que vous ayes, qu'il honnore avec inclination comm'estant du voysinage du lieu de vostre naissance..

  A018002908 

 Voyla les lettres, et celle que j'escrivois quand ma Seur Anne Jacqueline est venue, estoit a M. de Leaval.

  A018002929 

 Il faudra passer la pauvre Fontani pour 400 ducatons et diminuer la liste des meubles, car monsieur le collateral Flocard dit que ses freres sont pauvres et que ce sera aumosne, et ell'est fille d'une si bonne mere..

  A018002939 

 Et bien que cette mesme consideration me deut retenir de vous importuner, si est ce qu'en l'occasion que ledit sieur Desplans vous represente pour le secours des Chanoynes de mon Eglise, je ne laisseray pas de vous supplier de nous estre favorable a tous, affin que les uns soyent aydés, et moy consolé de les voir un peu assistés et delivrés de pauvreté, vous asseurant, Monsieur, que vous obligeres force gens d'honneur et qui ont affection [292] de marcher de bien en mieux au service de Dieu; et en mon particulier, j'en demeureray a jamais,.

  A018002995 

 Mais notre Mère reviendra bientôt, c'est-à-dire au printemps, et d'ici là, les affaires du Monastère [295] de Turin s'affermiront sur un fondement plus solide.

  A018002996 

 Si la nouvelle que l'on vient de m'annoncer est vraie, que M. le Marquis votre frère est du voyage, ce me sera une particulière consolation, surtout si j'ai le bonheur de pouvoir lui donner quelque marque de mon profond attachement pour M. le Comte et pour vous, Madame.

  A018002997 

 Vous recommander notre bon P. D. Juste serait une chose injurieuse à la bienveillance que vous lui portez; elle ne m'est permise qu'en témoignage de l'affection que j'ai pour lui..

  A018003064 

 Je vous envoyeray la copie du Bref par lequel nostre Congregation est establie en tiltre de Religion..

  A018003075 

 C'est moy qui veux respondre, Monsieur mon tres cher Frere, puisque c'est a moy a qui lhonneur dont vous parles a nostre frere s'addresse.

  A018003115 

 En quittant cette ville, elle passera à Dijon, où tout est prêt pour la fondation d'un autre Monastère, et au printemps elle pourra se rendre à Turin, si toutefois les choses sont en état pour l'établissement.

  A018003116 

 Il me dit en chemin qu'il voulait me parler de ce qui concerne Votre Illustrissime Seigneurie, mais il ne l'a pas fait jusqu'à présent; je ne crois pas même qu'il le puisse de si tôt, occupé comme il l'est par les affaires qui toutes retombent sur ses bras et sur ceux de M. le Marquis votre frère..

  A018003117 

 Le voyage a été excellent; notre Serenissime Seigneur est venu [306] joyeusement.

  A018003117 

 Parfois même elle ramait et me faisait ramer avec elle, pensant d'abord que je ne savais pas cet art, dans lequel pourtant il s'est trouvé que j'étais déjà passé docteur..

  A018003119 

 Il ne se peut dire en quelle estime est ici notre Prince majeur: tous l'appellent le miroir des princes en bonté pour les peuples, en piété, en vaillance, enfin en toutes les qualités qu'on saurait désirer.

  A018003119 

 Madame l'ainée est accomplie, la majesté et la bonté sont empreintes sur ses traits; elle est grande pour son âge et met une grâce incomparable à accueillir, avec une modestie et une gravité singulière, ceux qui l'approchent.

  A018003119 

 Quant à Son Altesse Sérénissime, si nombreux sont ici ses partisans dévoués, qu'il est impossible de les compter; partout on publie ses louanges..

  A018003119 

 Son prédicateur, mon grand ami et homme [309] très pieux, m'a dit qu'elle est douée d'une rare piété, d'une exquise prudence, d'une bonté remarquable.

  A018003120 

 J'ajouterai seulement que j'ai trouvé à Paris un tel accroissement de piété que c'est merveille; le Roi surtout a une si haute idée de la très sainte religion catholique, qu'on peut espérer toutes sortes de bénédictions sur ce royaume..

  A018003120 

 Mais j'ai tort [de vous en écrire si long], sachant qu'on doit envoyer des relations détaillées du voyage et de tout ce qui s'est passé.

  A018003148 

 Je regarde meshuy vostre Mayson comme une pepiniere de plusieurs autres; c'est pourquoy il faut songer d'y enraciner les grandes et parfaites vertus de l'abnegation de son amour propre, l'amour de son abjection, la mortification des humeurs naturelles, la sincere dilection, affin que Nostre Seigneur et sa tressainte Mere soyent glorifiés en nous et par nous..

  A018003160 

 Croyes moy, Dieu void volontier ce qui est mesprisé, et la bassesse aggreee luy fut tous-jours aggreable.

  A018003160 

 Dieu est si bon, qu'il visitera interieurement nostre Visitation, la fortifiera et l'establira a la solide humilité, simplicité et mortification.

  A018003161 

 Ma tres chere Fille, je vous salue d'un esprit qui est inseparablement vostre..

  A018003161 

 Vives joyeuse tant que vous pourres, de cette joye paisible et devote de laquelle l'amour de nostre abjection est la racine.

  A018003172 

 En cette generale allegresse de tout ce royaume sur l'heureuse conclusion du mariage de Vostre Altesse, je ne puis ni ne dois m'empescher de rendre quelque tesmoignage de la mienne, laquelle, certes, est d'autant plus grande, que d'un costé je suis plus obligé a la bonté de Vostre Altesse, et de l'autre j'ay reconneu plus particulierement un tres parfait assemblage de perfections en Madame, au visage, au maintien, au parler; en la conduitte de laquelle on remarque tant de traitz de bonté, de prudence, de douceur et de devotion, qu'on ne sçait discerner laquelle de ces perfections y èst plus parfaite.

  A018003172 

 Et parce que la Sainte Escriture dit que le mary d'une femme bonne est heureux, je puis des a present augurer toute sorte de bonheur a Vostre Altesse pour ce regard, et en benir Nostre Seigneur de tout mon cœur, puisque, [315] comme la mesme Escriture nous annonce, la mayson et les richesses nous sont acquises par nos peres, mais la femme sage et vertueuse, a proprement parler, est donnee comme un pretieux present de la liberalité divine..

  A018003173 

 Au surplus, Monseigneur, je ne sçaurois exprimer avec combien de grace Monseigneur le Cardinal se comporte en cette cour, et combien il est adroit a mesler la qualité de grand Prince que sa naissance luy a donnee, avec celle de tres digne Cardinal que sa profession luy fait tenir, alliant admirablement bien la franche et generale courtoysie, qui est si desiree et estimee de cette nation, avec la modestie et bienseance qui y est si pretieuse, comme par tout le monde..

  A018003188 

 Icy, nous avons beaucoup de peine a faire reuscir l'establissement de la Congregation et crains grandement qu'il ne soit differé, bien que c'est merveille de la quantité des ames qui desirent en estre..

  A018003215 

 Je voy les douleurs et estonnemens de vostre cœur, parmi lesquelz Dieu ne laisse pas de regner; c'est pourquoy vous ne deves pas vous en tourmenter..

  A018003226 

 O Dieu, que c'est chose bien plus desirable d'estre pauvre en la mayson de Dieu, que d'habiter dans les grans palais des Rois! Je fay icy le noviciat de la cour; mais jamais je n'y feray profession, Dieu aydant.

  A018003228 

 Il est luy seul nostre paix, nostre consolation et nostre gloire: que reste-il, sinon que nous nous unissions de plus en [320] plus a ce Sauveur, affin que nous portions bon fruit? Ne sommes nous pas bien heureux, ma chere Mere, de pouvoir enter nos cœurs sur celuy du Sauveur qui est enté sur la Divinité? car ainsy, cette infiniment souveraine Essence est la racine de l'arbre, duquel nous sommes les branches, et nos amours les fruitz: ç'a esté le sujet de ce matin..

  A018003231 

 Il y va bien du tems avant que nous soyons du tout despouillés de nous mesmes et du pretendu droit de juger ce qui nous est meilleur, et de le desirer.

  A018003231 

 Quand sera ce que nous ne voudrons rien, ains laisserons entierement le soin a ceux a qui il appartient de vouloir pour nous ce qu'il faut? Mais il n'y a remede: la propre volonté est bridee par l'obeyssance, et toutefois on ne peut l'empescher de regimber et faire des caprices; il faut supporter cette infirmité.

  A018003243 

 Je vous ay tesmoigné par mes lettres que je prendrois a faveur de me nommer vostre frere, qui est le mot du plus franc et desirable amour de tous ceux que la nature nous a donné et que la grace nous ordonne.

  A018003243 

 Mays quand je parle avec vous sous ce tiltre de frere, c'est avec un tres singulier sentiment de fraternité; et toutefois, vous me demandes encor que je sois vostre pere et que vous soyes mon filz.

  A018003244 

 Il est vray, l'affection que j'auray pour vous tiendra rang, puisqu'il vous plait, de paternelle, a cause de sa force et constance, et de fraternelle, pour sa confiance et privauté; et, comme que ce soit, « la charité esgale ceux qui l'ont » avec tant d'art, qu'ilz sont entre eux freres, peres, meres, enfans.

  A018003244 

 Or, c'est celle la dont vous me parles, mon tres [322] cher Frere; c'est pourquoy je vous diray encor, mon tres cher Filz, et mon tres cher Pere encor..

  A018003254 

 D'autre part, elles portent des manifestations de certaines choses que Dieu declare fort rarement: comme, l'asseurance du salut æternel, la confirmation en grace, le degré de sainteté de plusieurs personnes, et cent autres choses pareilles qui ne servent tout a fait a rien; de sorte que saint Grrgoire ayant esté interrogé par une dame d'honneur de l'Imperatrice, qui s'appelloit Gregoire, sur l'estat de son futur salut, il luy respondit: « Vostre douceur, ma Fille, me demande une chose qui est esgalement et difficile et inutile.

  A018003255 

 Or, de dire qu'a l'advenir on connoistra pourquoy ces revelations se font, c'est un pretexte que celuy qui les fait prend pour eviter le blasme des inutilités de telles choses.

  A018003256 

 Il y eut du tems de la bienheureuse Seur Marie de l'Incarnation, une fille de bas lieu qui fut trompee [324] d'une tromperie la plus extraordinaire qu'il est possible d'imaginer.

  A018003257 

 Seulement, ma tres chere Seur, il luy faut tesmoigner une totale negligence et un parfait mespris de toutes ses revelations et visions, tout ainsy que si elle racontoit des songes ou des resveries d'une fievre chaude, sans s'amuser a les refuter ni combattre; ains au contraire, quand elle en veut parler, il faut luy donner le change, c'est a dire, changer de propos et luy parler des solides vertus et perfections de la vie religieuse, et particulierement de la simplicité de la foy, par laquelle les Saintz ont marché, sans visions ni revelations particulieres quelcomques, se contentans de croire fermement en la revelation de l'Escriture Sainte et de la doctrine apostolique et ecclesiastique, inculquant bien souvent la sentence de Nostre Seigneur: Il y aura plusieurs faiseurs de miracles et plusieurs prophetes ausquelz il dira a la fin du monde: Retires vous de moy, ouvriers d'iniquité; je ne vous connois point.

  A018003259 

 Il leur est souvent advis qu'elles voyent ce qu'elles ne voyent pas, qu'elles oyent ce qu'elles n'oyent point et qu'elles sentent ce qu'elles ne sentent point..

  A018003259 

 J'avois oublié de vous dire que les visions et revelations de cette fille ne doivent pas estre treuvees estranges, parce que la facilité et tendreté de l'imagination des filles les rend beaucoup plus susceptibles de ces illusions que les hommes: c'est pourquoy leur sexe est plus addonné a la creance des songes, a la crainte des espritz et a la credulité des superstitions.

  A018003261 

 La similitude apportee pour l'explication du mystere de la sainte Trinité est bien jolie, mays elle n'est pas hors de la capacité d'un esprit qui se complaist en ses propres imaginations..

  A018003274 

 Ce m'est un desplaysir sensible de voir un si grand manquement de douceur parmi messieurs nos ecclesiastiques de dela, et ne sçai ce que je ne ferois pas pour moderer leurs passions.

  A018003314 

 Ma tres chere Mere, cette vie mortelle est toute pleine de telz accidens, et les douleurs de l'enfantement durent souvent plus que les sages femmes ne pensent.

  A018003316 

 Annessi, tout va bien, graces a Dieu, Le bon M. de Forax est un peu malade, et grandement en peine sur le sujet de sa pretention.

  A018003316 

 C'est, a mon gré, le plus digne d'amitié quil est possible de voir.

  A018003316 

 Mon frere est encor aussi un peu mal de son pied.

  A018003327 

 Et croyes moy bien aussi, ma chere Fille, que ce m'est une fort particuliere consolation de recevoir de vos lettres et de vous envoyer des miennes..

  A018003328 

 L'aymant attire le fer, l'ambre attire la paille et le foin: ou que nous soyons fer par dureté, ou que nous soyons paille par imbecillité, nous nous devons joindre a ce souverain petit Poupon, qui est un vrai tire cœur..

  A018003328 

 Mays, qu'est ce qu'il ne nous dit pas en se taisant? Son petit cœur, pantelant d'amour [334] pour nous, devroit bien enflammer le nostre.

  A018003330 

 Helas! ma chere Fille, l'envie que vous me portes procede elle de ce que je presche au monde les louanges de Dieu? O que c'est quelquefois un grand contentement au cœur de publier la bonté de ce qu'on ayme! Mays si vous desires de prescher avec moy, je vous en prie, faites le, ma Fille, tous-jours, priant Dieu qu'il me donne des paroles selon son cœur et selon vos souhaitz.

  A018003331 

 VIVE JESUS! car c'est nostre vie.

  A018003359 

 Votre Seigneurie Illustrissime fait bien de remettre entre les mains de Dieu ce qui concerne le P. D. Juste; et puisqu'il n'est pas au courant du fait... S'il s'élevait quelque calomnie, la divine Providence la fera bientôt cesser, car c'est ainsi qu'elle agit d'ordinaire avec ses serviteurs..

  A018003360 

 La charité est la reine de la conscience; quand elle dit de différer pour la plus grande gloire de l'Epoux, la conscience ne doit point craindre.

  A018003360 

 Votre Seigneurie attend l'heure où elle pourra tirer après soi plusieurs âmes: attendez donc et ne craignez rien, car sans aucun doute il est mieux de faire ainsi..

  A018003377 

 C'est, pour ce tems present, vostre Espoux, ma tres chere Mere; a l'advenir, ce sera luy mesme glorifié..

  A018003377 

 En somme, Jesus glorifié est beau; mais quoy qu'il soit tous-jours tres bon, si semble-il qu'il le soit encor plus crucifié.

  A018003379 

 Or sus, c'est Dieu qui veut ainsy mettre nostre cœur au sec; ce n'est donq pas une rigueur, c'est une douceur..

  A018003380 

 Voyla que je vous dis, ma tres chere Mere; et tout de mesme pour les nouvelles des desplaysirs de M. [de Chantal.] En fin, Nostre Seigneur, peut estre, nous veut ainsy conduire entre les espines desormais; et je confesse, pour le regard de moy mesme en moy, qu'il en est bien tems: en vous, je le supplie de toutes mes forces qu'il attrempe tous-jours doucement son calice; mais que nostre volonté ne soit pas faite, ains la sienne toute sainte.

  A018003389 

 C'est pourquoy, ma tres chere Fille, nous serons tous-jours ensemble et mon cœur sera [toujours] inseparable du vostre, puisque, graces a Dieu, nous n'avons [qu'une] volonté, qui est d'accomplir la sienne selon nostre petitesse, abjection et misere.

  A018003394 

 C'est par luy et en luy que je suis et seray invariablement, tres absolument vostre, ma tres chere Fille, toute, certes, et a jamais bienaymee..

  A018003397 

 Je voudrois bien avoir loysir d'escrire a madame de Saint André, car il m'est advis que je luy doy cela pour l'affliction que son cœur aura eu au trespas de monsieur de la Coste; mays il ny a moyen.

  A018003410 

 Il me semble, ma tres chere Fille, que vostre cœur est tellement asseuré de l'invariable affection que j'ay pour luy, qu'il ne sçauroit meshuy plus en douter: ce que Dieu fait est bien fait.

  A018003412 

 O Dieu, ma tres chere Fille, que c'est une leçon digne d'estre bien entendue, que cette vie ne nous est donnee que pour acquerir l'eternelle! Faute de cette connoissance, nous establissons nos affections en ce qui est de ce monde dans lequel nous passons; et quand il le faut quitter, nous sommes tout estonnés et effrayés..

  A018003413 

 Croyés moy, ma chere Fille, pour vivre content au pelerinage, il faut tenir presente a nos yeux l'esperance de l'arrivee en nostre patrie, ou eternellement nous arresterons; et ce pendant croire fermement (car il est vray) que Dieu qui nous appelle a soy regarde comme nous y allons, et ne permettra jamais que rien nous advienne que pour nostre plus grand bien.

  A018003426 

 Je reviens asses tard des Benedictins ou, graces a Dieu, j'ay receu au giron de l'Eglise un fort honneste gentilhomme, de bon esprit et de bonnes lettres, et si, je doy prescher demain; c'est pourquoy je vous respondray courtement a vos lettres precedentes..

  A018003427 

 L'autre, qui est a mon gré une brave et digne femme, par ce que voulant meshuy essayer si nous pourrons faire reuscir nostre dessein sans ce bon seigneur, qui, a la verité, est incomparable a tenir les affaires en longueur, nous aurons grandement besoin d'elle et de sa conduite qui est tres bonne..

  A018003427 

 Nous ne vous envoyerons pas encor ni l'une ni l'autre de ces dames: l'une, qui est la mariee, par ce qu'elle ne [345] veut donner que cinq cens francz de pension, se sous-mettant, quant au reste, que sa fille de chambre estant espreuvee, si elle n'est propre a demeurer on la puisse chasser; et pour ses moyens, bien qu'elle ne se determine a rien, si me semble-il qu'elle se laissera conduire.

  A018003428 

 Ce sera eternellement mon sentiment qu'on ne laisse jamais de recevoir les filles infirmes en la Congregation, sinon que ce fut des infirmités marquees aux Regles, telle que n'est pas celle de [cette] fille qui n'a point d'usage de ses jambes, car, sans jambes, on peut faire tous les exercices essentielz de la Regie: obeir, prier, chanter, garder le silence, coudre, manger, et sur tout avoir patience avec les Seurs qui la porteront, quand elles ne seront pas prestes et promptes a faire la charité; car il faudra souvent qu'elle supporte celles qui la porteront, si l'esprit de dilection ne les porte.

  A018003428 

 Si donq ell'a de quoy nourrir celles qui la porteront, je ne voy rien qui doive empescher sa reception, si elle n'est point estropiee de cœur; ains je l'ayme, la pauvre fille, de tout mon esprit.

  A018003430 

 En Piemont et Savoye on a fait des allegresses incroyables les festes de Noel, lors que le Prince eut receu les couleurs des faveurs ou les faveurs de couleurs de Madame; et le Prince publia un cartel pour un tournois general, auquel il invite toute l'Italie a venir voir mourir a ses pieds tous ceux qui diront que l'amarante n'est pas la plus belle de toutes les couleurs, et la Princesse qui favorise cette couleur, la plus digne qui est (sic) jamais esté, et quechevalier qui est son esclave n'est pas le plus heureux du monde.

  A018003430 

 Je veux dire en somme que nostre mariage est fait, et Son Altesse ne fit jamais tant de demonstration d'une veritable et extraordinaire [joie] comm'il fait maintenant.

  A018003430 

 Les ambassadeurs ont visité nostre chere petite Madame, avec tiltre de Vostre Altesse et conjouissance de son mariage: c'est la plus brave Princesse quil est possible de voir.

  A018003430 

 Mais certes, je ne sçai pas trop bien l'histoire de ce cartel; aussi n'est elle pas trop propre pour estre leüe en [347] refectoir.

  A018003430 

 Vous ne doutes plus de nostre mariage, je m'asseure; car vous aures sceu meshuy que le contract fut solemnisé il y a 9 jours, que tout s'est passé avec un bonheur nompareil.

  A018003431 

 Mays ce que je crain, c'est que d'abord on ne le mettra pas en fortune, ains faudra qu'il la gaigne par la sujettion et par sa vertu, bien que, moyennant cela, il y a apparence qu'il la fera proportionnee a sa condition.

  A018003431 

 Qui luy pourroit persuader que la douceur et courtoysie est incomparablement plus honnorable que la violence et fierté, le mettroit au chemin de faire des merveilles.

  A018003431 

 Vous sçaves, ma tres chere Mere, que la mayson du Prince est un monastere, et que pour chose du monde il ne veut souffrir les desordres; et bien que venant icy il veuille s'accommoder a la liberté du paÏs, si est ce quil la veut vertueuse.

  A018003432 

 Ce qui tient en peine M. de Forax, c'est premierement qu'il ne sçait ou aller prendre la finale conclusion de son mariage, ou de sa prćtention, puisque madamoyselle de Chantal n'est pas aupres de vous, et que, ni elle sans vous, ni vous sans elle ne feres rien.

  A018003432 

 Et je vous asseure que le pauvre garçon n'en est guere plus grand docteur que moy, ouy bien en toute sorte de vertu, pieté et courtoysie; et luy est advis qu'encor qu'il n'espouseroit pas M lle de Chantal, laquelle pourtant il a bien envie d'espouser, il ne laisserait pas d'estre vostre filz..

  A018003433 

 Je pense que c'est que je suis vieux; en somme, ce n'est rien, je vous asseure.

  A018003433 

 M. Flocard est tous-jours icy nostre camarade, et tous-jours plein de vertu et de respect pour vous..

  A018003433 

 Mon engourdissement de jambes n'est rien de douloureux, ni qui m'empesche de marcher des que j'ay fait dix ou douze pas.

  A018003433 

 Mon frere est au lit, mais il se porte bien.

  A018003454 

 Chacun n'est pas de la bonté de nostre Monseigneur l'Archevesque, car on veut reconsiderer nos Regles, et chacun y treuve son adire, qui d'une façon, qui d'un'autre.

  A018003455 

 Vous ne sçauries croire, ma tres chere Mere, combien tout est recherché en ce tems icy; je croy que le monde va finir, car tous ont peur qu'il ne leur manque..

  A018003456 

 Or sus, ma tres chere Mere, saches que nostre partage en ce monde est en la croix; il le sera en l'autre en la gloire.

  A018003468 

 Mais il faut que si les Seurs n'ont pas la confiance de demander a parler a luy, luy mesme l'ayt de demander de parler a elles quelquefois, et sil ne l'avoit pas, il faut que vous la luy donnies, si c'est un Pere qui la puisse recevoir; car, comme il faut pourvoir d'une juste liberté aux Seurs pour la communication, aussi les faut-il retenir dans la regie de la simplicité et humilité; et n'est pas raysonnable que la foiblesse de quelques unes face multiplier les confessions extraordinaires a toute la Congregation, et mette en tristesse et ennuy le pauvre confesseur ordinaire.

  A018003488 

 C'est le souhait que fait mon cœur pour le vostre bienaymé, ma tres chere Cousine, ma Fille, et suis.

  A018003508 

 Ayant bien veu la lettre que vous me donnastes aux [357] Benedictins, j'ay certes ressenti grandement la peine de celle qui me l'a escritte, non que pour cela je la voye en aucun danger, mais par ce qu'ell'est affligee; et j'ay tant de part en elle qu'il est impossible que son affliction ne m'afflige.

  A018003508 

 O Dieu, que sa foy est bonne et qu'ell' est grande! car si elle n'estoit grande et forte, elle ne feroit pas des repugnances si pressantes aux suggestions.

  A018003520 

 O ma chere Mere, que la prudence humaine est admirable! Croiries vous que des grans serviteurs et servantes de Dieu m'ont encor dit aujourd'huy que la douceur et la pieté de nostre Institut estoyent tellement au goust des espritz françois, que vous osteries toute la vogue aux autres Maysons religieuses; que quand on auroit veu cette madame de Chantal, il n'y auroit plus que pour elle.

  A018003520 

 Or sus, cela n'est rien.

  A018003548 

 Aussi, est-ce au nom de ce Père céleste que j'ai commencé à vous appeler: Ma Fille bien aimée.

  A018003548 

 J'ai voulu écrire tout cela à Votre Seigneurie Illustrissime parce que, me semble-t-il, la conclusion de saint Paul est bonne: Consolez-vous donc en ces paroles; car cette consolation suffit aux enfants de [361] Dieu, que leurs défunts aient reçu avant leur départ les secours efficaces de la sainte Eglise.

  A018003549 

 Hélas! Madame ma très chère Fille, les choses du service de Dieu ne se font qu'avec ces difficultés et délais; c'est pourquoi il faut avoir non seulement la magnanimité, mais encore, et bien plus, la longanimité..

  A018003549 

 On lui écrit de Piémont, que cette affaire est en bonne voie, dit-il; mais quand il n'en serait pas ainsi, il arrangera toutes choses à son retour.

  A018003564 

 Cette affaire s'entreprend sous la seule Providence de Dieu... C'est un coup de hasard, et plus que cela; mays Dieu requiert que l'on le fasse, et il vaut mieux n'estre appuyé que sur sa tressainte Providence que de se gouverner selon la sagesse et prudence humaine..

  A018003566 

 Ma chere Mere, prenons nouveau courage, ou plustost renouvelions nostre ancien courage pour faire merveilles au service de Dieu et de nostre bienaymee petite Congregation qui est toute sienne..

  A018003576 

 Mais en fin, ce pere est trespassé en sorte que, si la foy de la vie eternelle regne en nos espritz comme elle doit, nous devons estre grandement consolés.

  A018003604 

 En somme, il est gracieux et debonnaire; car soudain que nous nous humilions sous sa volonté, il s'accommode a la nostre.

  A018003604 

 L'enfant ne perira jamais, qui demeurera entre les bras d'un Pere qui est tout puissant.

  A018003604 

 Si nostre Dieu ne nous donne pas tous-jours ce que nous luy demandons, c'est pour nous retenir aupres de luy et nous donner sujet de le presser et contraindre par une amoureuse violence, ainsy qu'il fit voir en Emmaus, avec ces deux pelerins avec lesquelz il n'arresta que sur la fin de la journee, et bien tard, et quand ilz le forcerent.

  A018003604 

 Vous voyes comment la Providence celeste est douce envers vous, et qu'elle ne differe son secours que pour provoquer nostre confiance.

  A018003606 

 Madame de Chantal est icy avec sa petite trouppe.

  A018003619 

 Dela je suis allé chez M me la Marquise [371] de Verneüil, que j'ayme certes bien, car ell'est, a mon advis, bien franche.

  A018003619 

 Elle dit plus: que l'hostel du Cardinal de Guyse, qui est proche de cette mayson, nous sera encor vendu si nous voulons.

  A018003619 

 Or, elle m'a dit enfin quil failloit prendre la mayson qui est pres de l'hostel de Guise et qui est, ce dit elle, a madamoyselle de Creil; et qu'elle la nantira d'une rente qu'elle respondra de valoir 24 mille escus, dont par apres vous luy tiendres conte a commodité, ce qu'elle veut donner detrait.

  A018003639 

 Vous n'aves donq plus parmi vous, ma tres chere Fille, M me la Presidente Le Blanc; or, je croy qu'elle est parmi les Anges.

  A018003649 

 Je pense toutefois que si on prioit M me de Royssieux, peut estre vous envoyeroit elle bien le sien, ou madame la Contesse de Joigni; et je m'advise que celuy de M me de Royssieux n'est pas a elle, mais a son beaufrere..

  A018003661 

 De dire d'ou ce malheur m'est arrivé, je ne le puis qu'en devinant.

  A018003661 

 Les tribulations ne seroyent pas tribulations si elles n'affligeoyent, et les [376] serviteurs de Dieu n'en sont gueres exempts; leur bonheur est reservé pour la vie future.

  A018003679 

 Et ne croyés nullement que j'aye cette cogitation que vous recherchies l'excellence du personnage, car, bien que cette sorte de pensee est grandement convenable a ma misere, si est ce qu'en telles rencontres elle ne me vient pas; ains au contraire, il n'y a peut estre rien qui soit plus capable de m'acheminer a l'humilité, admirant que tant de serviteurs et servantes de Nostre Seigneur ayent une si grande confiance en un esprit si imparfait comme est le mien.

  A018003679 

 Il est vray, sans doute, ma tres chere Seur, que si je ne fusse pas venu en cette ville, malaysement eussies-vous peu communiquer vos affaires spirituelles avec moy; mais puisqu'il a pleu a la Providence celeste que j'y sois, il n'y a nul inconvenient que vous employes cette occasion, si vous penses qu'il soit a propos.

  A018003680 

 C'est donq ce meschant esprit qui, a jamais privé d'amour sacré, voudroit empescher que nous jouissions des [378] fruitz de celuy que le Saint Esprit veut estre prattiqué entre nous, affin que, par les reciproques communications saintes, nous ayons moyen de croistre en sa celeste volonté..

  A018003681 

 C'est pourquoy il n'est pas requis que nous marchions tous-jours contre nos inclinations, quand elles ne sont pas mauvaises et qu'ayant esté examinees elles ont esté treuvees bonnes..

  A018003681 

 Il est malaysé, ma tres chere Seur, de treuver des espritz universelz qui puissent esgalement bien discerner en toutes matieres: aussi n'est il pas requis d'en avoir de telz pour estre bien conduit, et n'y a point de mal, ce me semble, de recueillir de plusieurs fleurs le miel qu'on ne peut pas treuver sur une seule.

  A018003681 

 Il suffit, ma tres chere Seur, de se sousmettre aux advis, et n'est pas ni necessaire ni expedient de les desirer contraires a nos inclinations, ains seulement de les vouloir conformes a la loy et doctrine celeste.

  A018003681 

 Ma chere Seur, je ne voy pas qu'il y ayt grand danger en cela, puisque vous ne voules pas suivre vos inclinations qu'elles ne soyent appreuvees; et quoy que vous cherchies des juges favorables, si est ce toutefois que, les prenant bons, sages et doctes, vous ne sçauries mal faire de suivre leurs opinions, bien que desirees par vous, pourveu qu'au reste vous proposies naifvement vos affaires et les difficultés que vous aves.

  A018003682 

 Il n'y a pas grand mal d'ouyr les personnes et les affaires du monde quand c'est pour y mettre du bien, et ne faut pas estre pointilleuse en l'examen qu'on en fait; car c'est chose moralement impossible de demeurer beaucoup au fin point de la moderation.

  A018003683 

 Et croyes, je vous supplie, que rien ne m'empeschera d'avoir ce dernier [contentement] que l'impossibilité, et prendray tout le loysir que vous desires; tant il est vray que je desire infiniment le vostre, et que Dieu m'a donné une tres singuliere affection pour vostre cœur, que sa divine Majesté veuille combler de benedictions.

  A018003697 

 Vous pourres tous-jours, quand vous voudres, nous faire sçavoir de vos nouvelles, addressant vos lettres icy, a Maurice des Melliers, valet de chambre de monsieur [le] Comte de Moret, qui est de nos voysins de Thorens; ou bien mesme a Rouen, a monsieur l'advocat Monet, qui est de la Bonneville.

  A018003716 

 Mays vous sçaures mieux tout ceci bien tost, que j'auray lhonneur de vous voir, sil est vray que Monseigneur le Prince s'en aille dans 15 jours, et Madame dans 15 apres, comm'on nous dit.

  A018003734 

 Considerons que tout ce que nous avons ne nous fait estre rien plus en effect que le reste du monde, et que tout cela n'est rien devant Dieu et les Anges..

  A018003735 

 C'est peu de chose de plaire a Dieu en ce qui nous plaist: la fidelité filiale requiert que nous luy voulions plaire en ce qui nous desplaist, nous remettans devant les yeux ce que le grand Filz bienaymé disoit de soy mesme: Je ne suis pas venu pour faire ma volonté, mays pour faire la volonté de Celuy qui m'a envoyé; car aussi n'estes vous pas chrestienne pour faire vostre volonté, mais pour faire la volonté de Celuy qui vous a adoptee pour estre et sa fille et son heritiere eternelle..

  A018003745 

 Il me dit toutefois que [386] Monseigneur de la Rochefoucault vouloit assembler un conseil de conscience pour se determiner, et peut estre est ce pour cela que le P. Superieur de Saint Louys vous veut parler..

  A018003747 

 Mon Dieu, que c'est un digne Praglat! [387].

  A018003757 

 Et de plus, je connois qu'il m'est profitable et qu'il m'encourage a mieux faire: c'est pourquoy je le conserveray soigneusement.

  A018003758 

 Or sus donq, ma tres chere Fille, c'est la verité que je suis meshuy en si grande incertitude du tems de mon depart que je n'ose plus me promettre la consolation de vous revoir de mes yeux mortelz; mays si j'en ay le loysir, je le feray tres affectionnement, et si je croy que vostre cœur bienaymé en doive recevoir quelque notable utilité, je feray tout ce que je pourray pour cela..

  A018003759 

 Animes continuellement vostre courage d'humilité, et vostre humilité, c'est a dire vostre misere et le desir d'estre humble, animes les de confiance en Dieu, en sorte que vostre courage soit humble et vostre humilité courageuse..

  A018003760 

 Que vostre modestie soit conneuë de tous les hommes. Et s'il est possible, soyes esgale en humeur, et que toutes vos actions se ressentent de la resolution que vous aves faite d'aymer constamment l'amour de Dieu..

  A018003761 

 Ce bon porteur, que j'ayme cordialement parce qu'il est tout vostre, vous porte le livre du P. Dom Sens, General des Feüillans, ou il y a une grande et profonde doctrine spirituelle, pleine de maximes tres importantes.

  A018003761 

 S'il vous sembloit qu'il vous portast hors de la [389] sainte allegresse que je vous conseille si fort, croyes que ce n'est pas sa pretention, ains seulement de rendre serieuse et grave cette joye, comme aussi faut il qu'elle soit.

  A018003765 

 Je ne sçay pourquoy je vous escris si largement; c'est mon cœur qui ne se lasse pas de parler au vostre, mais il faut [390] que je finisse pour entrer au bain, puisque je suis entre les mains du medecin..

  A018003775 

 La bonne madame de Saint George fait elle mesme par lettre ses excuses a Vostre Altesse, dequoy elle ne s'est [391] peu mettre en chemin pour suivre Madame; mays elle n'a pas l'asseurance de nommer la cause de son retardement, par ce qu'elle est extraordinaire pour elle qui, n'ayant peu devenir grosse en tant d'annees de son mariage, a rencontré ce contentement en celle ci, comme plus heureuse pour la benediction des noces.

  A018003787 

 Je n'ay garde, certes, Monsieur mon tres cher Filz, de donner la liberté a mon cœur d'entretenir le vostre, maintenant qu'il est tout environné des affaires de la cour.

  A018003787 

 La seule necessité de mon Eglise me dispense de ce respect, pour vous supplier, comme je fay tres humblement, de vouloir retirer la connoissance du different qui est entre maditte Eglise et les sieurs habitans de Sessel par devant vous, au tems et au lieu qu'il vous plaira de marquer.

  A018003787 

 Non que nous voulions vous donner l'importunité d'assister a la meslee des allegations qui se feront de part et d'autre, mais seulement nous souhaiterions que l'affaire se passast en lieu ou vous puissies, en un mot de vostre authorité, determiner ce qui sera jugé convenable par ceux a qui il vous plaira de donner le soin de voir le droit et le juste; autrement, Monsieur mon Filz, il ny a nul moyen de finir cette conteste, laquelle toutefois est de consequence pour le repos des ames des uns et des autres..

  A018003788 

 Et bien que je nomme ces deux lieux, ce n'est pas pour prsevenir vostre volonté, ains seulement pour tesmoigner qu'y ayant en l'un et en l'autre des gens dignes de creance, il sera peut estre plus a propos d'y faire venir des parties qui ont besoin d'estre rangees par l'advis de juges de qualité, et sur tout par vostre commandement..

  A018003789 

 Et tandis, je prie Dieu, Monsieur mon tres cher Filz, qu'il vous comble de toute parfaite prosperité avec tout ce qui vous est plus cher, et suis invariablement, d'un cœur paternellement passionné,.

  A018003806 

 O que bienheureux est l'esprit de celuy qui ne void que ces deux objetz, dont l'un le ravit a la dilection souveraine, et l'autre le ravale a l'abjection extreme! car, que pouvoit dire ce grand hermite, en un lieu ou il n'avoit que Dieu et luy, sinon: « Qui estes vous, Seigneur, et qui suis-je? ».

  A018003819 

 Mays pourtant, les Seurs de la Visitation disent qu'elles se sont apperceuës que ledit Conseil ne treuve nullement convenable qu'elles reçoivent cette bonne dame, parce que leur Monastere est tout composé de Novices, et si recent en cette ville que la reputation en est delicate, comme regardé curieusement en ce commencement, et [397] regardé de beaucoup d'espritz fort tendres; que, de plus, ledit Conseil a mis en consideration que mondit seigneur le Cardinal avoit tous-jours declairé qu'il ne souffriroit jamais qu'on y entrast, sinon pour y vouloir demeurer tout a fait: qu'en suite de cela il fut conclu qu'on ne la recevroit point pour quelque tems; mais que si elle estoit bien tendre et qu'elle voulust estre Religieuse a bon escient, on la pourroit recevoir, comme vous me dites vous [mesme, quand on] auroit bien espreuvé sa vocation, et qu'une des bonnes marques seroit qu'elle se contentast d'aller pour quelque tems en quelqu'un des monasteres de France, pour ensuite revenir icy.

  A018003819 

 Voyla en substance ce que j'en appris hier de la Mere Superieure, laquelle me nomma son autheur, bien digne de foy; mais parce qu'il n'est pas du Conseil, je m'addressay hier a M. de Pierrevive, qui, je m'asseure, me donnera plus de clarté..

  A018003820 

 Cependant, Madame, vous jugeres que si la chose est telle, je ne dois rien dire sur ces Messieurs, estans les interpretes du Prelat; et n'estant icy qu'en attente de mon depart, je dois en tout et par tout suivre leurs sentimens, outre que ce seul bruit donne tant d'apprehension a ces Seurs, que s'il est vray, je n'oserois leur persuader une reception de laquelle elles auroyent tant de degoust..

  A018003830 

 Je salue seulement vostre chere ame, a laquelle il ne se peut dire combien la mienne chetifve est affectionnee, ne cessant de luy desirer la perfection du divin amour.

  A018003831 

 Mays je luy dis aussi que le chemin par lequel elle doit suivre cette vocation n'est point extraordinaire; car, ma chere Fille, c'est une douce, paysible et forte humilité, et une tres humble, forte et paysible douceur..

  A018003832 

 C'est aller avec l'Espoux crucifié que de s'abaisser, s'humilier, se mespriser soymesme jusques a la mort de toutes nos passions, et je dis jusques a la mort de la croix.

  A018003833 

 Dites luy qu'elle communie hardiment en paix, avec toute humilité, pour correspondre a cett' Espoux (sic), qui, pour s'unir a nous, s'est aneanti et suavement abaissé, jusques a se rendre nostre viande et pasture, de nous qui sommes la pasture et viande des vers. O ma Fille, qui se communie selon l'esprit de l'Espoux s'aneantit soymesme et dit a Nostre Seigneur: Masches moy, digeres moy, aneantisses moy et convertisses moy en vous.

  A018003833 

 Je ne treuve rien au monde dequoy nous ayons plus de possession et sur quoy nous ayons tant de domination que la viande que nous aneantissons pour nous conserver; et Nostre Seigneur est venu jusques a cet exces d'amour, que de se rendre viande pour nous.

  A018003836 

 Vives toute a Dieu, ma tres chere Fille, et recommandes souvent a sa Bonté l'ame de celuy qui, d'un'affection invariable, est tout dedié a la vostre..

  A018003856 

 Bien que je n'aye aucun autre sujet d'escrire a Vostre Altesse, si est ce que ayant prié ce gentilhomme, mon ami, et qui est grandement affectionné a la Mayson de Vostre Altesse, de luy faire la reverence de ma part, je luy donne ces quatre lignes pour gage, et en toute humilité je demeure,.

  A018003870 

 Il est encor vray que c'est une tres bonne methode d'interpreter l'Escriture sacree de conferer les passages d'icelle les uns avec les autres, et reduire le tout a l'analogie de la foy; et cela aussi l'ay-je tous-jours dit.

  A018003870 

 Il est fort vray que l'Escriture sacree contient avec beaucoup de clarté la doctrine requise pour vostre salut, et ne pensay jamais le contraire.

  A018003871 

 Ainsy firent jadis tous les heretiques, qui tous ont eu pretexte de mieux entendre l'Escriture et de vouloir reformer l'Eglise, cherchans en vain la verité hors du sein de l'Espouse a laquelle l'Espoux celeste l'avoit confiee, comme a une fidele depositaire et gardienne, qui la distribueroit aux chers enfans du lict nuptial qui est et sera a jamais sans macule..

  A018003871 

 C'est l'Esprit de Dieu, Monsieur, qui nous a donné l'Escriture, et c'est le mesme Esprit qui en donne le vray sens, et ne le donne qu'a son Eglise, colomne et appuy de verité; Eglise par le ministere de laquelle ce divin Esprit garde et maintient sa verité, c'est a dire le vray sens de sa Parole; et Eglise qui seule a l'infallible assistance de l' Esprit de verité, pour bien, deuëment et infalliblement treuver la verité en la Parole de Dieu.

  A018003871 

 L'Escriture est donq claire es paroles; mays l'esprit de l'homme est obscur, et, comme une chouette, ne peut [403] voir cette clarté.

  A018003871 

 La methode susmentionnee est tres bonne, mais l'esprit humain n'en sçait pas user.

  A018003871 

 Si que, qui cherche la verité de cette celeste Parole hors de l'Eglise qui en est la gardienne, ne la treuvera jamais; et qui la veut sçavoir autrement que par son ministere, en lieu de la verité, il espousera la vanité; et en lieu de la certaine clarté de la Parole sacree, il suivra les illusions de ce faux ange, qui se transfigure en ange de lumiere.

  A018003872 

 C'est donq cela que je vous dis en substance, Monsieur, qui n'est ni de loin ni de pres contraire a la doctrine des saintz Peres allegués par monsieur de Mornay au livre qu'il vous pleut m'envoyer hier au soir, et que je vous renvoye ce matin, avec remerciement et protestation que je desireray continuellement de pouvoir, par quelqu'heureuse occasion, tesmoigner,.

  A018003901 

 Il est meshuy tems que je vous rende comte de ces deux ou troys jours..

  A018003931 

 Il est vray que je suis revenu tout gay, a mon advis.

  A018003931 

 Les cinq premiers jours de mon sejour a [Maubuisson] [409] je fus travaillé de foiblesse et d'inquietude; la femme de Port Royal, qui est une archimedecine, me traitta tout a fait comme il le failloit, avec de l'eau de rhubarbe que je meslay avec mon vin, qui me purgea et me restreignit insensiblement.

  A018003932 

 Si je puis, je vous iray voir cet apres disner, non toutefois pour vous entretenir, mays c'est apres avoir confessé des dames qui n'attendent que cela pour s'en aller aux chams; et je ne voy pas que passé cela je me treuve fort occupé que pour aller dire mes adieux tout bellement..

  A018003942 

 La lettre que Vostre Altesse a escrit a Monsieur le Duc de Nemours a esté receue par luy trois jours avant que la copie m'ayt esté remise en main, de sorte que des-ja il m'avoit parlé sur le sujet d'icelle, non sans se douloir du retardement pour l'article qui regarde son payement, deu par le sieur Bonfilz des il y a long tems, a ce qu'il dit, et par le manquement duquel toute sa mayson et ses affaires sont extremement incommodés; dont il ne peut esperer le remede que de la [410] promesse qu'il a pleu a Vostre Altesse de luy faire, d'avoir du soin et de la bienveuillance pour luy qui, a la verité, n'est pas sans beaucoup d'inquietude parmi la necessité en laquelle il se treuvé (sic), ayant si peu de revenuz de deça, ou ses terres sont presque toutes engagees, et ne jouissant de celuy qu'il [a] en Savoye, qui est son fond principal.

  A018003958 

 Mais je vous diray celle ci, que vous ne croiries pas si aysement de sa bouche: c'est que nous desirons grandement qu'elle soit conduitte a la vraye connoissance et prattique de la vie devote.

  A018003973 

 Il semble que cela soit un peu accoysé maintenant; c'est pourquoy j'ay envoyé a ces bonnes dames leur dire que sur les deux heures je pourray avoir l'honneur de leur visite; et si monsieur de Meneville venoit sur les quatre heures, j'en serois bien ayse..

  A018003985 

 Les enfans du siecle sont tous separés les uns des autres parce qu'ilz ont les cœurs en divers lieux; mais les enfans de Dieu ayant leur cœur ou est leur thresor, et n'ayant tous qu'un mesme thresor qui est le mesme Dieu, ilz sont par consequent tous-jours jointz et unis ensemble.

  A018003985 

 Nous nous reverrons bien souvent aupres de nostre saint Crucifix, si nous observons bien les paroles que nous nous en sommes donné; aussi bien est ce la ou les entreveuës sont uniquement profitables..

  A018003986 

 En un mot, je voudrois que vous fussies toute Philothee, et que vous ne fussies rien plus que cela: c'est a dire, que vous fussies comme je marque au livre de l' Introduction, qui est fait pour vous et vos semblables..

  A018003987 

 Es conversations, ma tres chere Fille, soyes en paix de tout ce qu'on y dit et qu'on y fait; car s'il est bon, vous aves dequoy louer Dieu; et s'il est mauvais, vous aves dequoy servir Dieu en destournant vostre cœur de cela, sans faire ni l'estonnee ni la fascheuse, puisque vous n'en pouves mais et n'aves pas asses de credit pour divertir les mauvaises paroles de ceux qui les veulent dire, et qui en diront encor de pires si on fait semblant de les vouloir [416] empescher; car ainsy faysant, vous demeureres toute innocente parmi les sifflemens des serpens, et, comme une aymable fraise, vous ne contracteres aucun venin par le commerce des langues veneneuses..

  A018003989 

 Prenes bien garde a bien prattiquer l'humble douceur que vous deves au cher mari et a tout le monde, car c'est la vertu des vertus que Nostre Seigneur nous a tant recommandee; et s'il vous arrive d'y contrevenir, ne vous troubles point, ains, avec toute confiance, remettes vous sur pied pour marcher de rechef en paix et douceur comme auparavant..

  A018004051 

 Ce mot est pour vous saluer en toute humilité et nous plaindre de ce que nous n'aurons point l'honneur de vous voir selon que nous le croyions, ma sœur Barbe Marie nous assurant que vous n'allez pas à Paris, ains à Grenoble.

  A018004053 

 Nous serons toujours contente en l'assurance que nous avons, [421] Monseigneur, d'avoir part en vos saintes prières, en qualité de celle qui est et sera éternellement,.

  A018004101 

 Nos igitur, qui Divini cultus augmentum et Christianæ religionis propagationem sinceris desideramus affectibus, prædictum Carolum Emmanuelem, Ducem, a quibusvis excommunicationis, suspensionis et interdicti, aliisque Ecclesiasticis sententiis, censuris et pœnis, a jure vel ab homine quavis occasione vel causa latis, si quibus quomodolibet innodatus existit, ad effectum præsentium dumtaxat consequendum, harum serie absolventes et absolutum fore censentes, hujusmodi supplicationibus inclinati, Fraternitati Tuæ per præsentes committimus et mandamus quatenus, si est ita, in prædicta domo, si et postquam illa ad formam Monasterii reducta, et debita clausura munita, sacraque et profana suppellectili luculenter instructa, illique tot census, redditus, proprietates et bona stabilia, quorum annuus valor ad competentem Monasterii dotem, ac illius Abbatissæ, seu Priorissæ, et Monialium congruam sustentationem onerumque illis incumbentium supportationem sufficiat, perpetuo dotata et assignata fuerint, unum Monasterium Monialium Ordinis Sancti Augustini, cum ecclesia, campanili, campanis, cœmiterio, claustro, refectorio, dormitorio, hortis, hortalitiis cæterisque officinis et membris necessariis pro una Abbatissa, seu Priorissa, et competenti Monialium numero quæ inibi, juxta regularia ejusdem Ordinis instituta, sub illius regulari habitu Altissimo perpetuo famulentur, Divinisque laudibus insistant, ac alias in omnibus et per omnia, ad instar aliorum Monasteriorum Monialium dicti Ordinis, perpetuo, sine alicujus [424] præjudicio, auctoritate Nostra Apostolica erigas et instituas.

  A018004113 

 C'est pourquoÿ ne l'avons point voulu laisser partir sans les presentes, par lesquelles prions tres affectueusement Vostre Seigneurie Reverendissime de l'avancer et luÿ prester toute faveur et aide, si que il soÿ (se) puisse louer avoir jouÿ de ceste nostre intercession: Nous paroffrans en toutes les occasions de nous en revancher, prians le Tout Puissant et sa saincte Mere de conserver Vostre Paternité en bonne prosperité..

  A018004123 

 Pour obeir a vos commandemens de respondre aux vostres sur l'avis que vouléz avoir touchant l'establissement que vous vouléz faire de la pension du sr Curé quil vous plaira institüér de la cure de [426] Sacconex, il est certain que pour ce effect il est necessaire de chercher aillieurs des moyens pour luy donnér quelque honneste commodité pour s'entretenir; car ladicte cure d'a present ne sçauroit avoir guiere davantage de 300 a 400 florins, monoye de Geneve.

  A018004124 

 Et partant, puisqu'il vous plaict de faire un establissement general et parfaict de toutes les cures, si vous estiés de retour moyennant la grace de Dieu, vous pourriéz remettre ce qui est de Sacconex avec les autres; et ainsi, pour une bonne foys, vous vous delivreriéz de plusieurs ennuÿs que vous en recevés a l'ordinaire.

  A018004124 

 Quant a celles qui ont les biens venduz ou alienéz, et ce pendant il est requis d'y establir des ecclesiastiques, comme Sacconex, Ornex, Thoiry, voisines des autres, Matigni, Vernier et Meirin, il serait expedient, voire necessaire, sçavoir a quoy monte tout le revenu des biens ecclesiastiques de ce Bailliage generalement, et, selon la porté desdicts biens, les distribüér a chasque cure comme l'ont recognoistroit estre de besoing, et non pas demembrér le corps de l'ceconomie pour accommoder un particulier.

  A018004125 

 Au reste, il en a pris la gardiature et charge dy faire le service divin, de quoy monsieur Cheynel n'en est pas [427] autrement content.

  A018004125 

 Ce pendant hier, a ma presence, il promit a monsieur Poncet de luy remettre et quittér ledit benefice d'icy a Noel, n'attendant autre que de recouvrer tout ce que luy est deub de sa pension, et vous en donner avis.

  A018004125 

 Si vous trouvés bon que cela soit, lors monsieur Gobet, au lieu de Versoix (qui est un lieu plus important et qui requier un homme bien capable), pourroit estre institué de Sessy.

  A018004127 

 Le petit filz de Montanier, l'ayant aussy gardé deux moys, est maintenant a Tonon, et son pere vous en rend un monde d'actions de graces, encores quil ne ce soit prevalu de ce que luy avéz ottroyé.

  A018004147 

 Et comme, Monseigneur, vous m'avez tousjours favorisé de lhonneur de vostre amitié, c'est en l'occasion de ceste commune resjouissance que je desire d'en ressentir principalement les effects, sur l'asseurance que j'ay que le tort que monsieur de la Mente m'a fait luy estant representé par vous, Monseigneur, vostre respect adoucira sa passion et le fera rougir en son ame de la perfidie premierement, et despuis de l'impie cruauté avec laquelle il s'emporte en mon endroict, en recompense de mon affection, delaquelle monsieur le Presidant peut estre tesmoing.

  A018004163 

 Il n'est pas croyable comme leurs saintes mœurs, leur pureté de vie et leur céleste conversation attirent les cœurs et l'estime de tout le monde.

  A018004165 

 Mais, vrai Dieu, Monseigneur, cette fille de votre cœur est bien fournie de votre [432] patience, douceur et discrétion, qu'à peine le bonhomme peut-il uger que par lui-même il se rend trop importun.

  A018004181 

 J'ay infiniment à me plaindre à V. A. que nonobstant toutte poursuite que j'aye sceu faire, presenté les lettres de V. A. à Messieurs du Senat, leur commandant de n'octroyer plus aucun dellay au presidan Crespin sur l'assassinat qui m'a esté faict y a deux moys, ayns de veulloyr le juger prontemant; neantmoings, au prejudice de mon honneur et de ma reputation, et de la justice qu'ils doyvent à un chasqun, ils vont prolongant le jugemant, ayant de nouveau octroyé un prolong de troys semaynes pour ce (sic) representer; encore qu'an mespris de la justice, un chasqun croye qu'il ne soyt jamais parti de ce lieu, estan porté d'une partie de ses (sic) Messieurs du Senat ausquels il est apparanté.

  A018004199 

 Quanto a me, id est Don Giusto, altre volte è stato contrario a questo, perchè temevo che alcuni de nostri boni amici d'Annessi non s'inimicassero; ma hora che vedo che tutto questo si farà senza perdere l'amicizia loro, et non facendolo forsi che perderessimo quella delli Serenissimi Prencipi et Prencipesse, che pure più importano, sono di parere che si faccia la grazia, perchè non facendola perdaremo più di quello che vale tal sito; et anche farla per charità, più principalmente..

  A018004213 

 Car telle est Nostre volonté..

  A018004226 

 Et pour avoir ceste commodité, elles auroient supplié Monseigneur le Duc de Genevois et Nemours, de leur baillir pouvoir de rachepter les moulins par luy venduz, a faculté de rachapt perpetuel, situés dans Vostre dicte Ville d'Annessy, a feu Noble Anthoine de Conflens, pour le mesme prix et somme, charges et conditions portées par le contract de vente passée a Lagnieu, le dixhuictiesme [439] janvier mil cinq cents nonante six, par devant M e Burdet, nottaire, dont la copie est ci joincte..


19-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIX-Vol.9-Lettres.html
  A019000020 

 — Béatitude de l'âme qui n'est qu'à Dieu; ce qu'elle cherche et ce qu'elle veut. 22.

  A019000022 

 — Ce que Dieu unit est inséparable 24.

  A019000031 

 Quelque chose qui est «demeuré sur le cœur» du Saint.

  A019000053 

 Requête au nom d'un Monastère qui fleurit «en veritable devotion.» — Un Mémoire dont la lecture n'est pas «hors de sayson» pendant les fêtes de Noël. 56.

  A019000060 

 — Pourquoi le saint Evêque est «beaucoup» Père de la Novice.

  A019000104 

 La coadjutorerie de Jean-François de Sales est uniquement l'œuvre de Dieu.

  A019000109 

 — Quelle est la meilleure marque de la dilection de Dieu pour ses enfants.

  A019000120 

 — Pourquoi François de Sales est empêché d'aller prêcher à Lyon.

  A019000121 

 — Bien que les Sœurs ne récitent que le petit Office, il est bon de maintenir le rang des Associées.

  A019000128 

 — Ce qu'est la vie religieuse.

  A019000128 

 — Que fera la destinataire de sa liberté? — Impossibilité de demeurer en l'état où elle est.

  A019000133 

 Une supplication que la destinataire est priée d'appuyer.

  A019000162 

 — On est fidèle, si on est humble; on est humble, si on désire l'être.

  A019000199 

 La Visitation n'est pas instituée pour l'éducation des petites filles.

  A019000213 

 — Quand on est bien, ne pas chercher le mieux, de peur de trouver le mal.

  A019000243 

 Voyla, ma tres chere Fille, pour la bonne madame de Vaugrenant, a laquelle j'ay beaucoup de compassion, [1] la considerant ainsy environnee d'affaires, elle qui, a mon advis, n'est pas accoustumee a cela.

  A019000254 

 Au premier point, je dis que vous fassies donq cette confession; au second, que vous vous y preparies par maniere d'une amoureuse humilité; au troysiesme, si vous voules faire quelques marques sur le papier, que je l'appreuverois, mais sans anxieté; au quatriesme, que cela se face en un jour, c'est a dire en troys ou quatre heures d'un jour, car cela suffit; au cinquiesme, que vous changees de motif, car je vous connois, a mon advis, fort entierement.

  A019000256 

 J'attens response de Monseigneur le [Prince de Piémont], et j'espere que ce sera pour mon retour, auquel mon ame me presse grandement a cause de mon devoir; et ne puis m'imaginer que ni retour, ni chose quelcomque me puisse jamais separer de vous: non, ni mesme la mort, puisque nostre union est en Celuy qui ne meurt plus.

  A019000267 

 Je me blasmerois moy mesme, ma tres chere Fille, si je laissois partir cette chere seur sans luy donner, en ces trois lignes, ce foible mais asseuré tesmoignage de la souvenance que j'ay de vous et de vostre cœur que je cheris parfaitement, avec mille desirs qu'il se perfectionne de plus en plus en douceur et humilité, affin quil vive tout selon le cœur de Nostre Seigneur, auquel je le recommande incessamment, et tout ce qui vous est plus aymable, demeurant a jamais et invariablement,.

  A019000283 

 Elle a 200 livres annuelles a perpetuité, c'est a dire qui demeureront a la Mayson, et ce qu'il faut pour l'entree.

  A019000283 

 Il me semble que ce soit une bonne fille; et si, je metz en quelque consideration qu'elle est de bon lieu et bien apparentee.

  A019000283 

 Madame Amelot est si vertueuse que, comme je croy, elle parle sincerement des qualités de la fille..

  A019000289 

 Ayant sceu vostre affliction, ma tres chere Fille, mon ame en a esté touchee de la mesure de l'amour cordial que Dieu m'a donné pour vous; car je vous voy, ce me semble, grandement assaillie de desplaysir, comme une mere qui est separee de son filz unique, et certes bien aymable.

  A019000289 

 C'est pourquoy vous deves mitiger et adoucir tant qu'il vous sera [6] possible, par la rayson, la douleur que la nature vous donne..

  A019000313 

 Ayes un grand soin d'estre attentive en toutes vos prieres et de tenir vostre cors en reverence devant Dieu, en sorte que le prochain voye que c'est a la divine Majesté que vous parles..

  A019000313 

 Quand vous pourres ouÿr la sainte Messe, faites le; quand vous ne pourres pas l'ouÿr, faites une demi heure de priere, unissant vostre esprit a la tressainte Eglise en l'adoration de ce saint Sacrifice et du Redempteur de nos ames qui y est contenu.

  A019000315 

 Cette eternité sainte qui nous attend soit vostre consolation, et d'estre chrestienne, fille de Jesus Christ, regeneree en son sang, car en cela seul gist nostre gloire: que ce divin Sauveur est mort pour nous..

  A019000330 

 C'est le grand bien de nos ames d'estre a Dieu, et le tres grand bien de n'estre qu'a Dieu.

  A019000330 

 Qui n'est qu'a Dieu il veut bien que chacun sache qu'il le veut servir et [11] se veut essayer de faire les exercices convenables pour demeurer uni a iceluy..

  A019000330 

 Qui n'est qu'a Dieu ne cherche que luy; et parce qu'il n'est pas moins en la tribulation qu'en la prosperité, on demeure en paix parmi les adversités.

  A019000330 

 Qui n'est qu'a Dieu ne se contriste jamais, sinon d'avoir offencé Dieu; et sa tristesse pour cela se passe en une profonde, mays tranquille et paysible humilité et sousmission, apres laquelle on se releve en la Bonté divine par une douce et parfaitte confiance, sans chagrin ni despit.

  A019000330 

 Qui n'est qu'a Dieu pense souvent en luy parmi toutes les occasions de cette vie.

  A019000343 

 C'est le signe evident de la perfection de vouloir estre corrigee; car c'est le principal fruit de l'humilité, qui nous fait connoistre que nous en avons besoin..

  A019000343 

 Sçaves vous que c'est que le Monastere? C'est l'academie de la correction exacte, ou chaque ame doit apprendre a se laisser traitter, raboter et polir, affin qu'estant bien lissee et explanee, elle puisse estre jointe, unie et collee plus justement a la volonté de Dieu.

  A019000344 

 Le Alonastere, c'est un hospital de malades spirituelz qui veulent estre gueris, et pour l'estre, s'exposent a souffrir la saignee, la lancette, le rasoir, la sonde, le fer, le feu et toutes les amertumes des medicamens; et au commencement de l'Eglise, on appelloit les Religieux d'un nom qui veut dire guerisseurs.

  A019000345 

 Cette asseurance s'acquerra petit a petit, a mesure que la grace [13] de Dieu croistra en vous; car la grace engendre la confiance, et la confiance n'est point confondue..

  A019000345 

 Le souverain Esprit de nostre Dieu est par tout, sans la volonté ou permission duquel nul esprit ne se meut.

  A019000356 

 Je pars en fin demain matin, ma tres chere Fille, puisque telle est la volonté de Celuy auquel nous sommes, nous vivons et nous mouvons.

  A019000356 

 O qu'il soit loué, ce grand Dieu eternel, pour les misericordes qu'il exerce envers nous! Vostre consolation console mon cœur, qui est si fort uni avec le vostre, que rien ne sera jamais receu en l'un que l'autre n'y ayt sa part, ains le tout, puisqu'en verité ilz sont en communauté, ce me semble, parfaite; et qu'il me soit loysible d'user du langage de la primitive Eglise, un cœur et une ame..

  A019000360 

 Prenés garde, ma tres chere Fille, a ces motz de sot et de sotte, et souvenes vous de la parole de Nostre Seigneur: Qui dira a son frere: Raca (qui est une parole qui ne veut rien dire, ains tesmoigne seulement quelque indignation), il sera coulpable de conseil; c'est a dire, on deliberera comme il le faudra chastier.

  A019000361 

 Manger peu, travailler beaucoup, avoir beaucoup de tracas d'esprit, et refuser le dormir au cors, c'est vouloir tirer beaucoup de service d'un cheval qui est efflanqué, et sans le faire repaistre..

  A019000362 

 Neanmoins, Dieu soit beni dequoy encor la [16] chose est ainsy passee, avec tant d'édification des autres prochains, selon que le bon M. du V[al] escrit..

  A019000362 

 Pour la seconde lettre: Ne falloit il pas que vous fussies espreuvee en ce commencement de plus grande pretention? Or sus, il n'y a rien en cela que des traitz de la providence de Dieu, qui a abandonné cette pauvre creature affin de faire que ses pechés soyent plus fortement chastiés, et que par ce moyen elle revienne a soy et a Dieu, duquel il y a si long tems qu'elle s'est departie.

  A019000363 

 Ma chere Fille, je vous dis adieu, et conjure vostre cœur de croire que jamais le mien ne se separera de luy: il est impossible; ce que Dieu unit est inseparable.

  A019000366 

 Ce qui n'est point Dieu doit estre peu en nostre estime.

  A019000374 

 Ce que Dieu a uni en sang et en sentiment est inseparable tandis que ce mesme Dieu regne en nous; et il y regnera eternellement..

  A019000374 

 Que cela vous est salutaire de vous tenir ainsy l'une a l'autre! Cett'union des ames est comme l'unguent praetieux qu'on respandit sur le grand Aaron, ainsy que dit le Roy Psalmiste, auquel on mesloit tellement plusieurs liqueurs odorantes, que toutes ne faysoyent qu'une senteur et une suavité.

  A019000394 

 Quelle difference, ma tres chere Mere, entre cette assemblee de divers pretendans (car la cour est cela et n'est que cela), et l'assemblee des ames religieuses qui n'ont point de pretention qu'au Ciel! Oh! si nous sçavions en quoy consiste le vray bien!.

  A019000405 

 Je sceu a mon depart de Paris que vous esties rentree dans Maubuisson avec vostre petite chere troupe, mays je n'ay peu sçavoir si vous avies treuvé vos papiers, vos meubles de devotion et vostre argenterie sacree; car celle qui s'est elle mesme desrobee a Dieu, pourquoy ne desroberoit-elle pas toute autre chose?.

  A019000406 

 O Dieu, que c'est bien autre chose de voir un train d'avettes qui toutes concurrent a fournir une ruche de miel, et un amas de guespes qui sont acharnees sur un cors mort, pour parler honnestement..

  A019000407 

 Je salue les cheres Seurs Catherine Agnes, Marie et Anne; et nostre bonne seculiere, qui m'est si chere, ma Seur Catherine de [22] Gennes.

  A019000407 

 Je vous escriray avant mon départ de ce lieu, apres que j'auray veu ce cher frere; et croyes moy, ma tres chere Fille, mon ame se console a vous escrire, tant il est vray que Dieu veut que mon ame regarde la vostre, la cherisse et soit parfaitement vostre.

  A019000419 

 Mays il n'a pas pleu a Nostre Seigneur qu'aucune occasion se soit presentee d'aller du costé d'Amiens pendant mon sejour en ces quartiers, d'où partant tout presentement pour me retirer en mon diocsese, duquel je n'ay esté que trop absent, je vay en esprit aupres de vous, et vous envoye ce billet qui vous dira de ma part que toute ma vie j'ay cheri vostre ame de tout mon cœur, et me suis consolé de sçavoir que la divine Majesté vous avoit retiree a son service en une si [sainte] vocation comm'est celle [24] en laquelle vous vivés, et que j'honnore parfaitement, et en laquelle je prie Dieu, et ne cesseray point, que vous perseveries heureusement, faysant des continuelz progres en.......................................

  A019000434 

 A mesure que je m'esloigne de vous, ma tres chere Fille, selon les lieux, je me sens interieurement de plus [25] en plus joint et uni a vostre cœur selon l'esprit; et connois bien par la que c'est le bon playsir de Dieu que nous ayons ce sentiment de veritable et sincere dilection..

  A019000436 

 A peu que je ne luy aye dit les paroles de cet ancien Prophete: Et comment, Seigneur, vous affliges donq encor ces filles, qui pour l'amour de vous m'ont repeu et nourri? Mays non, ma Fille toute tres chere, j'ayme mieux, avec l'autre Prophete, dire: ]e suis muet sous vos verges, et n'ouvre nullement ma bouche, car c'est vous qui faites cela.

  A019000448 

 Que vous diray-je, ma Fille, vous voyant parmi ces amertumes? Oh! courage, je vous prie; l'Espoux que vous aves choisi des que vous estes separee de celuy qu'on vous avoit choysi, est un faisceau de myrrhe: quicomque l'ayme ne peut n'aymer pas l'amertume; et ceux [27] qu'il favorise de son plus estroit amour sont tous-jours piqués de tribulations.

  A019000449 

 Mais quand ce frere a sceu vostre maladie et celle de nostre Seur Marie, son cœur s'est attendri et son sentiment a paru sur les yeux; et toutefois il demeure ferme et sans trouble, tant il est vertueux et vertueusement chrestien..

  A019000472 

 Au moins suis-je asseuré que M. Flocard vous aura veu, et fidelement mis en main ma lettre a l'heure que j'escris celleci, si quelque disgrace ne luy est survenue..

  A019000475 

 C'est pourquoy, bon soir, ma tres chere Mere; Dieu soit a jamais au milieu de nostre unique cœur.

  A019000490 

 Et quand on nous reprend ou qu'on nous veut marquer nos imperfections en la conduitte, nous devons doucement tout ouÿr, et puis proposer cela a Dieu et nous en conseiller avec nos aydes ou coadjutrices; et apres cela, faire ce qui est estimé a propos, avec une sainte confiance que la divine Providence reduira tout a sa gloire..

  A019000490 

 Non, ma tres chere Fille, car je vous asseure que le mestier de reprendre est fort aysé, celuy de faire mieux, difficile; il ne faut guere de capacité pour treuver les defautz et ce qu'il y a a redire en ceux qui gouvernent et en leur gouvernement.

  A019000491 

 Ne soyes pas prompte a promettre, mays demandes du loysir pour vous resoudre es choses de quelque consequence; cela est propre pour bien asseurer nos affaires et pour nourrir l'humilité.

  A019000492 

 Faites si suavement cela, que vos inferieures ne prennent point occasion de perdre le respect qui est deu a vostre charge, ni de penser que vous aves besoin d'elles pour gouverner; ains faites leur connoistre doucement, sans le dire, que vous faites ainsy pour suivre la regle de la modestie et humilité, et ce qui est porté par les Constitutions; car voyes vous, ma chere Fille, il faut tant qu'il est possible, faire que le respect de nos inferieurs envers nous ne diminue point l'amour, et que l'amour ne diminue point le respect..

  A019000496 

 Quand je vous dis: ne monstres pas cette lettre, je veux dire: ne la monstres pas indifferemment; car si c'est vostre consolation de la monstrer a quelqu'une, je le veux bien..

  A019000509 

 Il est bien teins, ma tres chere Mere, que je vous rende comte de mon voyage despuis Tours jusques icy.

  A019000510 

 Je vis M. le Cardinal de la Rochefocaut, qui m'obligea infiniment, et me dit qu'il desiroit faire l'union des Audriettes, et quil auroit un soin tout particulier de la Mayson de Sainte Marie, c'est a dire, dit il, de vos Filles.

  A019000511 

 L'affaire n'est pas encor preste, ni ne le sera pas si tost; et tandis, nous escouterons ce que Dieu en ordonnera, a la plus grande gloire duquel je veux tout reduire et sans laquelle je ne veux rien faire, moyennant sa grace, ainsy que je fis entendre a mondit seigneur le Cardinal d'abord, et le luy repliquay de rechef estant a Amboyse, ou il m'en parla encor plus cordialement; et Monsieur le Cardinal de la Rochefocaut m'en tendit un mot devant M. le Prince, mais en sorte que cela ne fut [39] point consideré.

  A019000513 

 A Tours, je vis les Meres Carmelines et y fis un'exhortation, et fus fort edifié de voir la Superieure, fille de feu M lle Acarie, qui est une ame de haute vertu et d'esprit merveilleusement amiable et franc, et joyeux et gay.

  A019000513 

 Je vis le P. Suffren, avec mille reciproques consolations, et communicasmes fort franchement; c'est un grand personnage, et veritablement humble et sincere.

  A019000514 

 A Bourges, il est incroyable combien de faveurs nous receumes de M. nostre Archevesque, qui est veritablement cordial; mais nous eumes fort peu de tems a parler.

  A019000514 

 M. de Neucheze, qui fait une particuliere profession de vous aymer, me dit quil vous avoit escrit pour se plaindre de la defiance que son cousin avoit de luy; et que quand il vint a Bourges, il ne vint nullement a l'archevesché et ne vid point M. l'Archevesque, qui est fort bien avec M. le Mareschal.

  A019000515 

 M. de Saint Aignan n'est encor point venu; mais il faut que je vous die que nous avons veu en sa mayson tant de marques de la pieté de M me de Saint Aignan que j'en suis devenu tout amoureux, m'estant advis qu'elle sera un jour sainte si elle persevere avec humilité.

  A019000516 

 Non pas certes pour celleci, car tout y va presque selon Dieu; et c'est une grande consolation de voir nostre petite Madame si gave et toute bonne, et Madame de Vandaume, qui est un ( sic ) parfaite bonté, et tout son train si bien rangé et vertueux..

  A019000516 

 Penses vous, ma tres chere Mere, que des Roane j'aye eu le loysir de continuer cette lettre jusques icy a Vareppe, deux liëues pres de Grenoble? C'est une grande perte de tems que d'estre a la cour, et plusieurs y perdent encor l'eternité.

  A019000517 

 A Bourges, je treuvay la pauvre Superieure entre les mortifications continuelles qu'on luy fait sur ce qu'elle n'est pas habile aux choses du monde et trop facile a la reception des filles et a la conduite des Seurs.

  A019000517 

 Je luy parlay et a l'Assistente ensemblement, et dis qu'elle ne s'obligeast nullement a faire tous-jours venir l'Assistente au parloir avec elle; mays qu'es affaires de consequence, apres avoir ouy ce qu'on propose, elle prit loysir d'en conferer avec elle et les Coadjutrices, par ce qu'en cette sorte elle conservera la dignité de Superieure et la bonne conduite des affaires ensemblement; et non pas avec cette timidité avec laquelle elle n'osoit venir au parloir sans l'Assistente, de peur qu'on ne luy parlast d'affaires temporelles: en quoy elle se tenoit trop sujette, et privoit les Seurs de deux presences, [42] dont l'une pour le moins est requise pour tenir en devoir les Novices.

  A019000517 

 La pauvrette est, nonobstant cela, toute douce et amiable.

  A019000518 

 Mays quant a madame leur bonne protectrice, elle ne sera pas satisfaite si on ne met un'autre Superieure; car, dit elle, cette fille est faite pour estre un ( sic ) tres excellente Directrice, et c'est dommage de la divertir au soin du temporel auquel elle ne sçauroit reuscir.

  A019000520 

 Je treuvay la pauvre Seur Jeanne Françoise toute attendrie dequoy, a son advis, vous ne pouves avoir de l'inclination pour elle; elle s'est grandement changee, et marche de bon pied en la douceur et humilité, a ce que j'appris.

  A019000521 

 La fille des revelations est toute desabusee, et croy qu'elle fera prou.

  A019000548 

 C'est pourquoy, vostre Belley attendant sur ce vos commandemens, je vous supplie de contribuer vostre authorité a ce parti, duquel je sçai que vostre bercail sera grandement consolé, et vous extremement satisfait..

  A019000566 

 Non veritablement, ma tres chere Mere, car je ne sens nulle sorte d'ambition que celle de pouvoir utilement employer le reste de mes jours au service de [49] l'honneur de Nostre Seigneur Non certes, la court m'est en souverain mespris, parce que ce sont les souveraines delices du monde que j'abhorre de plus en plus, et luy, et son esprit, et ses maximes, et toutes ses niaiseries..

  A019000576 

 C'est pour respondre a ce que vous dites de la legereté et inconstance de vostre ame, car je le croy fermement qu'elle est continuellement agitee des vens de ses passions, et que par consequent elle est tous-jours en bransle; mais je croy aussi fermement que la grace de Dieu et la resolution qu'elle vous a donnee, demeure continuellement en la pointe de vostre esprit, ou l'estendart de la Croix est tous-jours arboré, et ou la foy, l'esperance et la charité prononcent tous-jours hautement: VIVE JESUS!.

  A019000576 

 Nostre glorieux saint Bernard dit que c'est heresie de dire que nous puissions perseverer en un mesme estat icy bas, d'autant que le Saint Esprit a dit par Job, parlant de l'homme, que jamais il n'est en mesme estat.

  A019000578 

 Mais es lettres, a la verité, cela est un peu, ains beaucoup plus insupportable; car on void mieux ce que l'on fait, et si on s'apperçoit d'une notable affectation, il faut punir la main qui l'a escritte, luy faysant escrire une autre lettre d'autre façon..

  A019000591 

 Cette pure colombe est bien plus propre a demeurer avec son Bienaymé dans le trou de la masure d'une cellule, qu'a converser avec les hommes.

  A019000602 

 Je vous priay de dire a M. Combaz quil vint retirer sa fille; mays despuis, sachant l'extremité de la passion en laquelle il est sur ce sujet, j'ay pensé que je pourrois encor voir plus particulierement sil y aura moyen de la [54] retenir; et Dieu sçait si j'en seroys joyeux, n'y ayant que la necessité et force de la conscience qui puisse la faire renvoyer.

  A019000619 

 Vostre Altesse donq est suppliee tres humblement de faire declarer la volonté de Son Altesse sur cette occasion, affin que l'on puisse asseurement ou accorder, ou, ce qui est plus desirable, refuser ladite praebende.

  A019000632 

 Je vous salue et vous embrasse tres affectionnement en esprit a cette mienne arrivee apres une si longue absence; et m'estant apperceu que l'ennemy de paix et d'union tasche a semer petit a petit des pensees de separation parmi vous autres, je vous prie et exhorte de tout mon cœur de ne point permettre qu'il prevaille contre les saintes et honnorables resolutions que vous aves prinses avec moy, de vivre jointz et liés ensemble en l'observance de vos Regles, entre lesquelles la communauté et union des cœurs et de biens est la principale.

  A019000647 

 Et bien que ce rassasiement s'entende pour le jour du jugement auquel on fera justice a tous ceux a qui elle a manqué, et qui par consequent en ont eu faim et soif en ce monde, si est ce que j'espere que le Parlement en fin rassasiera ce personnage, apres qu'il aura eu faim et soif de justice: et Dieu veuille pardonner a ceux qui le persecutent..

  A019000647 

 Je voy, ma tres chere Mere, par la derniere de vos lettres, du 12 passé, que monsieur [de Foras] est tous-jours en peyne, et que je suis exposé a divers jugemens pour son mariage.

  A019000649 

 La Providence supreme sçait la mesure de la reputation [58] qui m'est necessaire pour bien faire le service auquel elle me veut employer, et je n'en veux ni plus ni moins que ce qu'il luy plaira que j'en aye.

  A019000649 

 Or sus, c'est asses pour ce coup..

  A019000669 

 Mon Dieu, il faut dire la verité: c'est pitié de voir une aymable avette embarrassee parmi les viles toiles des araignees; mays si un vent secourable rompt cette chetifve trame et ces fascheux fïletz, pourquoy est ce que cette chere avette ne prend cette occasion pour se demesler et desprendre de ces pieges et pour aller faire son doux miel? Vous voyes, ma tres chere Fille, mes pensees; faites voir les vostres a ce Sauveur qui vous semond.

  A019000670 

 Je ne puis n'aymer pas vostre ame que je connois estre bonne, et ne puis ne luy souhaiter le tres desirable amour de la genereuse perfection, me resouvenant des larmes que vos yeux respandirent lhors que, vous disant adieu, je vous desirois a Dieu, et que, pour estre plus a Dieu, vous dissies adieu a tout ce qui n'est pas pour Dieu..

  A019000679 

 Je voy parmi tout cela vostre cœur bienaymé, qui, avec une grande sousmission a la divine Providence, dit que tout cela est bon, puisque la main paternelle de cette supreme Bonté a donné tous ces coups..

  A019000680 

 O que cet enfant est heureux d'estre volé au Ciel comme un petit ange, avant que d'avoir presque touché la terre! Quel gage aves vous la haut, ma chere Fille! [61] Mays vous aures, je m'asseure, traitté cœur a cœur avec nostre Sauveur de cet affaire, et il aura des-ja saintement accoysé la tendreté naturelle de vostre maternité, et vous aures des-ja plusieurs fois prononcé de tout vostre cœur la protestation filiale que Nostre Seigneur nous a enseignee: Ouy, Pere eternel; car ainsy vous a-il pleu de faire, et il est bon qu'il soit ainsy..

  A019000681 

 C'est la façon de parler du Saint Esprit en l'Escriture.

  A019000681 

 O ma Fille, si vous aves fait comme cela, vous estes heureusement morte en ce divin Sauveur avec cet enfant, et vostre vie est cachee avec luy en Dieu; et quand le Sauveur paroistra, qui est nostre vie, alhors vous paroistres avec luy en gloire.

  A019000693 

 C'est pourquoy j'ay creu que je vous devois donner cet advis, affin que, s'il vous plaist, vous contribuies vostre authorité et dexterité pour haster [63] l'accommodement, et par consequent les noces; puisque je me souviens que vous me tesmoignastes de les desirer voir faites avant vostre despart pour Bourgoigne, affin de contenter monsieur du Boys, et que d'ailleurs, pour briefve que soit la voye de la justice, elle ne peut qu'estre longue et sujette a beaucoup d'accidens..

  A019000693 

 La dispense pour le mariage de madamoyselle vostre fille est arrivee, et neanmoins il reste encor a vuider un empeschement mis au greffe de l'evesché par M. de Paumier, et je voy monsieur du Boys aucunement disposé a l'oster par le moyen de quelque somme d'argent; mays je ne sçai pas si elle sera telle que les parties s'en contentent d'abord.

  A019000712 

 O que c'est une bonne chose d'estre tout a Dieu! Soyons le donq, ma tres chere Fille.

  A019000726 

 Permettes moy, je vous supplie, Monsieur, de soulager mon ame en me plaignant a vous mesme de vos plaintes, [65] lesquelles a la verité m'affligent et m'estonnent, ne croyant pas d'en avoir donné aucune occasion; puisque, hors le veritable tesmoignage que j'ay rendu une seule fois des merites et bonnes qualités du gentilhomme, et une autre fois de sa religion, je n'ay nullement cooperé a cette alliance que peut estre par la recommandation que j'en ay faite a Dieu, si elle devoit estre a sa gloire; et tout ce qui se dit de plus n'est qu'exageration..

  A019000727 

 Il est vray que les parties s'estans liees d'affection et de promesses pendant mon absence, je fus present, soudain apres mon retour, a la repetition des promesses qu'elles voulurent renouveller devant moy; mais d'une presence si simple que je ne fis qu'escouter avec plusieurs autres sans dire mot.

  A019000734 

 Ceux qui me connoissent sçavent bien que je ne veux rien ou presque rien avec passion et violence; et quand je fay des fautes, c'est par ignorance.

  A019000746 

 C'est qu'apres une forte resolution d'aller prendre congé de ce bon pere a mon despart de Paris, l'ayant reservé pour le dernier comme celuy a qui je devois beaucoup d'honneur et qui estoit le plus pres, ravi et emporté de la force des visites qui me furent faites ce jour la, je fus tellement suffoqué d'esprit que je ne pensay point a cette obligation sur l'occasion; et estant en chemin, lhors que je ne pouvois plus m'en acquitter, je m'en apperceus, comme seulement pour en estre marri.

  A019000746 

 Mays moy, c'est la verité que j'ay encor une douleur sur le sujet de ce trespas qui me fasche tous-jours quand j'y suis attentif.

  A019000746 

 Or, [69] j'espere que ce bon seigneur m'a aysement pardonné, s'il faut ainsy dire, puisque voyant Celuy qui voit tout, il voit bien que cette mienne faute n'est point procedee de manquement d'honneur, de respect et d'affection.

  A019000767 

 Et a nostre Seur Marie Anastase mille salutations; c'est une petite Jacobite, car Nostre Seigneur l'a touchee a la cuisse, et elle ira mieux boiteuse au chemin de la perfection qu'elle n'eust fait autrement, comme j'espere.

  A019000776 

 Je commence par ou vous finisses, ma tres chere et tres veritablement bienaymee Fille; car vostre derniere lettre, entre celles que j'ay receuës, finit ainsy: «Je croy que vous me connoisses bien.» Or il est vray, certes, je vous connois bien, et que vous aves tous-jours dedans le cœur une invariable resolution de vivre toute a Dieu; mais aussi, que cette grande activité naturelle vous fait [74] sentir une grande vicissitude de saillies.

  A019000777 

 Le bon pere me remercie si bonnement de la dilection que je porte a cette chere fille, sans considerer que c'est une affection qui m'est si pretieuse et tellement naturalisee en mon ame, que personne ne m'en doit sçavoir non plus de gré que dequoy je me souhaitte du bien a moy mesme..

  A019000779 

 Ce païs est ma patrie, selon ma naissance naturelle; selon ma renaissance spirituelle, c'est l'Eglise.

  A019000780 

 Non, ma Fille, ne laisses pas l'oraison que pour des occasions qu'il est presque impossible de recouvrer.

  A019000781 

 Sa pauvre seur est en grand danger, a ce qu'on m'escrit; et je vous asseure que mon ame en est toute affligee, et voudrois, si je pouvois, beaucoup faire pour retenir ces deux seurs pour Dieu qui les veut, pourveu qu'elles ne resistent..

  A019000783 

 Quant a la C., il ne faut pas treuver estrange le [76] refus qu'on en a fait: le bien qui en doit reuscir est trop grand pour n'avoir point de difficulté et de contradiction.

  A019000791 

 C'est pourquoy je vous envoye tout a coup mes vielles lettres, et celle ci par laquelle je respons a celles que j'ay receües despuis par le sieur [Truytat] et par autre voye..

  A019000795 

 M. Favre m'escrit que M. de Foras n'est pas encor [79] hors de prison, par l'opiniastreté des parens qui font le pis qu'ilz peuvent.

  A019000798 

 C'est que Monsieur le Reverendissime du Montdevis a, ce dit [80] on, un prieuré pres de [Belley], qui s'appelle Consieu, duquel s'il vouloit se desfaire en faveur de nostre Eglise, on luy asseureroit une bonne pension, pourveu qu'elle n'excedast pas tous les fruitz; et apres on pourroit traitter avec le Chapitre de Belley, du doyenné de Seyserieux.

  A019000798 

 Or, je voy en cela une extreme difficulté, a cause du placet du Roy qui tres mal volontier ordonnera pour unir a un cors qui est hors du royaume.

  A019000800 

 C'est le vray moyen de les fascher et combattre, mesprisant leurs effortz par l'asseurance que nous tesmoignerons d'avoir dans nostre innocence et inviolable affection au service de nos Princes..

  A019000801 

 M. le Marquis de Saint Damian s'en reva, qui m'est venu voir avec beaucoup de demonstrations de nous aymer.

  A019000802 

 Je croy bien que pour celuy de naturalité de M. de [Bonnières] il faudroit donner quelque chose en chancellerie, mais il n'y a remede: si c'est peu de fait, il faudra avancer..

  A019000802 

 M. de Cormand a fiancé la bonne madamoyselle de la Croix, et croy que l'on est apres de poursuivre la dispense.

  A019000803 

 Ce porteur est l'un de leurs Religieux..

  A019000807 

 Monseigneur de Turin me recommande le Pere Sommier (?) pour la prebende de l'abbaye d'Aulps; mais c'est la, et non icy, ou il faut faire l'office.

  A019000839 

 Voyla le tant aymable petit Jesus qui va naistre en nostre commemoration ces festes-ci prochaines; et puisqu'il naist pour nous venir visiter de la part de son Pere eternel, et que les pasteurs et les Rois le viendront reciproquement visiter en son berceau, je croy qu'il est le Pere et l'Enfant tout ensemble de Sainte Marie de la Visitation..

  A019000840 

 Et quand vous luy recommanderes vostre ame, recommandes luy quant et quant la mienne, qui est certes toute vostre..

  A019000841 

 Je salue cherement la chere trouppe de nos Seurs, que je regarde comme des simples bergeres veillantes sur leurs troupeaux, c'est a dire sur leurs affections, qui, adverties par l'Ange, vont faire l'hommage au divin Enfant, et pour gage de leur eternelle servitude luy offrent le plus beau de leurs aigneaux, qui est leur amour sans reserve ni exception..

  A019000849 

 David pleura tant sur Saül mort, quoy que ce fust son plus grand ennemi: pleurons un peu sur ce monde, [87] qui meurt, ains qui est mort pour nous, et auquel nous voulons a jamais mourir..

  A019000852 

 Car vrayement mon esprit est extremement amy de la simplicité, mays la serpe avec laquelle on tranche ces inutiles rejettons, je la laisse ordinairement es mains de Dieu: et voyla, ma tres chere Fille, qu'il vous en va donner un coup pour ces poudres, pour ces papiers dorés.

  A019000852 

 Ce mesme Dieu sçait que sur vostre despart, il me [vint] en la pensee de vous dire qu'il failloit retrancher le musc et les senteurs; mais je me retins, sur ma methode, qui est suave, de laisser lieu au mouvement que petit a petit les exercices spirituelz ont accoustumé de faire dans les ames qui se consacrent entierement a sa divine Bonté.

  A019000852 

 Qu'a jamais sa misericorde soit benite, car elle vous est fort misericordieuse, je le voy bien..

  A019000855 

 Et qui ne se mouvroit a ces coups de rasoir qui separent et divisent l'ame d'avec l'esprit, et le cœur de chair d'avec le cœur divin, et nous mesmes d'avec nous mesmes? Mais, vive Dieu! Ces [89] coups sont donnés, c'en est fait: non, jamais plus il n'y aura reunion de l'un a l'autre, moyennant la grace de Celuy pour auquel nous unir inseparablement nous nous sommes separés pour jamais de toute autre chose..

  A019000855 

 Helas, ma chere Fille, il est certes vray: ces eternelz et irrevocables renoncemens, ces adieux immortelz que nous avons ditz au monde et a ses amitiés, font quelque attendrissement a nostre cœur.

  A019000867 

 Hé! qui [ne] voit le cher petit Enfant de Bethlehem, duquel le zele pour nos ames est incomparable, car il vient pour mourir affin de les sauver; il est si humble, si doux, si amiable..

  A019000868 

 Vives joyeuse et courageuse, ma chere Fille, (je dis en la portion superieure de vostre ame) car l'Ange qui preconise la naissance de nostre petit Maistre annonce en chantant, et chante en annonçant, qu'il publie une joye, une paix, un bonheur aux hommes de bonne volonté, [91] affin que personne n'ignore qu'il suffit, pour recevoir cet Enfant, d'estre de bonne volonté, encor que jusqu'icy on n'ayt pas esté de bon effect; car il est venu benir les bonnes volontés, et petit a petit il les rendra fructueuses et de bon effect, pourveu qu'on les luy laisse gouverner, comme j'espere que nous ferons les nostres, ma tres chere Fille.

  A019000869 

 Amen, il est vray..

  A019000904 

 Que diray je a cette chere Fille qui m'est si fort a cœur? Vives toute en Nostre Seigneur, ma tres chere Fille, et croyes que, pour luy, la sainte amitié que je vous porte vit fort entierement et immortellement en mon esprit.

  A019000906 

 Ne permettes plus tant a vostre esprit de faire des reflexions sur vostre misere et sur vostre incapacité; car, a quoy est bon tout cela? Dépendes vous pas de la Providence de Dieu en tout et par tout? Or, celuy qui habite dans le sejour du Seigneur demeurera en sa protection..

  A019000912 

 Je me resjouis grandement, ma tres chere Fille, du bonheur dont vous jouisses en cette sacree compaignie en laquelle vous estes, ainsy que monsieur vostre bon pere m'a fait sçavoir; car ce vous est un bien inestimable de vivre au service de Dieu en un lieu ou toutes les ames le servent, et ou leur conversation environne vostre jeunesse pour la conserver et affermir en ses bons propos..

  A019000913 

 C'est pourquoy vous estes un peu ma fille, comme je croy, et je suis beaucoup vostre Pere asseurément, ayant et sentant un'affection grandement paternelle pour vous.

  A019000930 

 Quand l'Escriture Sainte veut parler d'une personne bonne, douce, innocente et dediee a Dieu, elle dit: C'est un filz ou une fille d'un an.

  A019000932 

 Mais n'est ce pas, donq, ma Fille, dores-en-avant nous ne serons plus ces vieux nous mesmes que nous avons esté devant; nous serons des nous mesmes qui, sans exception, sans reserve, sans condition, serons a jamais sacrifiés a Dieu et a son amour, et, comme de petitz phœnix, nous serons renouvellés de ce feu de la dilection divine pour laquelle, avec un irreconciliable divorce, nous avons pour jamais abandonné et rejetté le monde et toute sorte de vanité.

  A019000944 

 Il y a si long tems que Son Altesse tesmoigne d'affectionner le secours de monsieur de Corsier, et que je vous prie de l'avoir en recommandation comme l'un de ceux pour qui premierement fut erigee la Sainte Mayson, que je pense estre superflu d'y rien adjouster; et sur tout puisqu'il est tant appuyé de parens et amis en ces quartiers la.

  A019000961 

 Mais au reste, c'est la verité qu'il fait des merveilles; et non seulement nostre chere Madame, mais Son Altesse et tous les Princes et Princesses, seigneurs et dames le cherissent et l'estiment grandement; et des maintenant, sans que j'en aye parlé en sorte quelconque, on le va jetter dans la coadjutorerie, si Madame est de croire, affin que son premier Aumosnier soit Evesque..

  A019000961 

 Monsieur [de Boisy] est tous-jours a la cour, ou il apprend la mortification de la propre volonté, excellemment, et encor plus celle de l'impatience, activité et soudaineté, car il faut demeurer trois heures et quatre a attendre les heures du service; beaucoup plus, certes, que quand il treuvoit quelqu'un a l'autel de la Visitation.

  A019000962 

 O ma Mere, soit que la providence de Dieu me face changer de sejour, soit qu'elle me laisse icy (car cela m'est tout un), ne seray-je pas mieux de n'avoir pas tant de charge, affin que je puisse un peu respirer en la Croix de Nostre Seigneur et escrire quelque chose a sa gloire?.

  A019000963 

 Mon Saint, c'est saint François, avec l'amour de la [101] pauvreté; mays je ne sçai comme l'aymer cette aymable pauvreté, car je ne la vis jamais de bien pres: neanmoins, en ayant ouy dire tant de bien a Nostre Seigneur, avec lequel elle nasquit, vescut, fut crucifiee et resuscita, je l'ayme et l'honnore infiniment..

  A019000972 

 Demeures-la, ma tres chere [Fille], et apprenes de luy quil est doux, humble, simple et amiable.

  A019000985 

 Quicomque presche, il tient le lieu et fait la fonction de l'Evesque: c'est pourquoy, si le bon monsieur [d'Ulme] fait l'Office, je ne voy pas [103] qu'un autre ne puisse prescher, quel qu'il soit.

  A019000986 

 Mais apres cela, quel remede? car, de le divertir, c'est renverser son esprit.

  A019000986 

 Mays avec cela, je confesse aussi que c'est une vraye humanité au bon monsieur [d'Ulme] de croire qu'il importe a sa reputation qu'il face ou ne face pas l'Office, et mesme n'ayant pas le talent de la predication; et croy, quant a moy, que ce soit au contraire.

  A019000986 

 Que si cela ne se peut, il faudra prier quelque Pere Religieux; car, que faire parmi ces imaginations? Le jour est court, et de disposer Monseigneur a autre chose il n'y a pas de l'apparence.

  A019000987 

 Au reste, ma tres chere Fille, il est vray, qui a son cœur et sa pretention en Dieu, il ne se sent point, au moins en la partie superieure, des agitations des creatures; et qui l'a au Ciel, comme dit saint Gregoire a deux Evesques, il n'est point tourmenté des vens de la terre..

  A019000988 

 L'esprit de Dieu est genereux, suave et humble.

  A019000989 

 Elle a consacré ses forces corporelles a Dieu; ce n'est plus a elle a les ruiner, sinon quand Dieu l'ordonnera, et elle n'apprendra jamais l'ordonnance de Dieu que par l'obeissance aux creatures que le Createur luy a donnees pour sa direction..

  A019000989 

 Elle a rayson, certes, la bonne fille, de croire que son humeur jeusneuse est une vraye tentation: ce l'a esté, ce l'est et ce la sera tandis qu'elle continuera de faire ces abstinences, par lesquelles il est vray qu'elle affoiblit son cors et la volupté d'iceluy, mais, par un pauvre eschange, elle renforce son amour propre avec sa propre volonté; elle amaigrit son cors, et surcharge son cœur de [105] la veneneuse graisse de sa propre estime et de ses propres appetitz.

  A019000990 

 Faites donq ainsy, pries monsieur N. de l'instruire et fortifier contre cette tentation; et s'il est par luy treuvé bon, que ce soit mesme en vostre presence..

  A019000991 

 Est ce tout de bon, ma tres chere Fille, quand vous dites: Nous sommes prou pauvres, Dieu mercy? O que, s'il estoit vray, je dirois volontier: Que vous estes donq trop heureuses, Dieu mercy! Mays je n'ose gueres parler d'une vertu que je ne connois que par le recit infallible du Roy des pauvres, Nostre Seigneur; car, quant a moy, je n'ay jamais veu la pauvreté de pres..

  A019000992 

 Puys, ne vous amuses pas a penser quelles sont les pensees de vostre esprit pour cela, puisque de toutes ces pensees il n'y en a point qui soit vostre pensee que celle que, deliberement et volontairement, vous aures acceptee, qui est de faire la Communion pour l'union et comme une union de vostre cœur a celuy de l'Espoux..

  A019001002 

 Mays, mon Reverend Pere, n'est ce pas pitié du tres-pas du bon P. Constantin? Je l'ay regretté, et luy rendray, comme j'ay commencé, mon devoir es saintz [107] Sacrifices.

  A019001015 

 Ces saillies de l'amour propre doivent estre negligees; pour les desadvouer deux ou trois fois le jour, on en est quitte; il ne faut pas les rejetter a force de bras, il suffit de dire un petit non..

  A019001016 

 Que Dieu face et de nostre vie, et de nostre estime, et de nostre honneur a son gré, puisque tout est a luy.

  A019001016 

 Vous aves rayson: une fille qui est a Dieu ne doit penser a la reputation, cela est impertinent.

  A019001017 

 Je ne vis jamais une tentation plus manifeste et connoissable que celle la; ell'est presque sans fard et sans praetexte.

  A019001031 

 La cogitation de sortir a toutes les plus veritables marques de tentation qu'on sçauroit treuver; mays Dieu soit loué dequoy en cet assaut le donjon n'est pas encor rendu ni, comme je pense, prest a se rendre.

  A019001032 

 Oh! ne voyes vous pas saint Simeon Stilite, si prompt a quitter sa colomne sur l'advis des anciens? Et vous, ma tres chere Fille, vous ne quitteres pas vos abstinences sur l'advis de tant de gens de bien, qui n'ont nul interest de vous les faire quitter que pour vous faire rendre quitte et exempte de vostre propre amour? Or sus, ma tres chere Fille, chantes meshuy le cantique de l'amour: O que c'est une chose douce et bonne de voir les Seurs habiter ensemble! Traittés rudement vostre tentation; dites luy: Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu; Va en arriere, Satan; tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et a iceluy seul tu serviras..

  A019001033 

 Je vous laisse a penser, ma tres chere Fille: faire les genuflexions au Saint Sacrement comme par despit, en suitte de la tentation, quelle plus grande marque de tentation peut on avoir? La force des inspirations est humble, douce, tranquille et sainte; et comme donq peut estre inspiration vostre inclination, qui est si depiteuse, dure, chagrine et tempestueuse? Retires vous de la, ma tres chere Fille; traittés cette tentation comme on traitte celles du blaspheme, de trahison, d'heresie, de desespoir.

  A019001043 

 Cette chere fille estoit bonne et vertueuse; et, comme je m'asseure, elle hantoit les saintz Sacremens, et par consequent estoit tous-jours bien disposee, au moins suffisamment, pour se conserver [112] en la grace de Dieu: c'est pourquoy son trespas n'a peu estre que bon, non plus que celuy de saint Simeon Stilite, que la foudre et feu du ciel tua sur la colomne.

  A019001043 

 Or, qu'elle soit trespassee, c'est un accident si commun, si general et si inevitable, que ce seroit ne connoistre pas ce que vous estes et la fermeté de vostre esprit, que de vous vouloir donner du secours pour vostre consolation en cela.

  A019001054 

 Je croy fort asseurement que nul homme du monde ne vous honnorera jamais plus franchement que je fay; et d'autant plus suis-je marri de ce qui s'est passé ces derniers jours en vostre mayson, puis que Dieu y a esté [113] offensé et le publiq scandalisé, et que le mariage est tout a fait nul et invalide, la commission de dispenser obtenue a Rome n'ayant point esté executee; de sorte qu'il sera requis de celebrer derechef le contract du consentement nuptial, affin de rendre cette conjunction et la posterité legitime.

  A019001085 

 Et ce pendant, ce m'est tous-jours de lhonneur et de la consolation de vous ramentevoir et raffraichir la tres humble et inviolable passion paternelle que j'ay pour vous, Monsieur mon Filz, selon laquelle je vous souhaite incessamment les plus favorables benedictions de Nostre Seigneur, et suis.

  A019001103 

 C'est le fin moindre de mes soucis que c'est que deviendra l'heritage de feu M. Gras, et apres un peu [118] de consideration du droit de l'Evesché, vous seres le maistre de tout ce qui en dependra, comme de tout le reste qui appartient a ma personne.

  A019001103 

 Mays qu'un prestre, sans tiltre ni vray ni coloré, se tienne dans une cure par force, ne veuille reconnoistre l'authorité de l'Evesque, rejette l'œconome qui est legitimement envoyé, empesche que l'Evesque ne face inventaire de ce qui est dans une mayson presbiterale, appelle comme d'abus d'une tres legitime authorité, tout ainsy que si du moins le soin des benefices de ma charge, tandis qu'ilz sont vacans et jusques a tant qu'ilz soyent prouveuz, ne m'appartenoyt pas: tout cela, je ne le puis ni treuver bon, ni civil, ni supportable..

  A019001104 

 Quand M. Gras me fera voir ses legitimes provisions, je ne les mespriseray point, et les luy feray fidelement valoir tout ce qu'elles vaudront, sachant le respect qui est deu et aux droitz et aux faitz du Superieur general des ecclesiastiques.

  A019001104 

 Que s'il est permis, sur des patentions, d'esloigner les justes et ordinaires procedures [119] des Praelatz par voye de fait, quelz inconveniens n'en verrons nous pas? Je me demettray quand il en sera tems; mays quant a present, je ne puis, ni ne dois, ni par consequent je ne veux point ceder mon droit de donner tel ordre que bon me semblera a ce benefïce vacant, en attendant qu'il soit prouveu; et ne veux nullement que ceux qui s'ahurtent y administrent les Sacremens, ayant deputé un prestre qui ira demain, pour empescher que ce peuple ne demeure pas desprouveu de ce qui luy sera necessaire de ce costé la..

  A019001105 

 J'ayme messieurs les Grassi, et d'autant plus que l'un d'entre eux est a vostre service; mais je suis obligé de maintenir le respect qui est deu a l'authorité qui m'est confiee et a luy faire faire place ou il est requis.

  A019001106 

 Tout mon desplaysir seroit si en cela je vous desplaysois aucunement; mays je ne le croyray pas ni ne le sçaurois croire, puisque mon intention est bonne et sans fiel, et vous m'aymes constamment, qui suis aussi invariablement,.

  A019001121 

 On me mande de Paris que l'on m'y rase la barbe a bon escient, mais j'espere que Dieu la fera recroistre plus peuplee que jamais, si cela est necessaire pour son service.

  A019001139 

 Ferme, ma tres chere Fille, tout est a nous, et nous sommes a Dieu..

  A019001139 

 Mais c'est donq asses, ma tres chere Fille: Dieu et vostre bon Ange vous ayant consolee, je n'y metz plus la main; vostre amertume tres amere est en paix, qu'est il besoin d'en plus parler? A mesure que Dieu tire a soy, piece apres piece, les thresors que nostre cœur avoit icy bas, c'est a dire ce que nous y affectionnions, il y tire nostre cœur mesme; et puisque je n'ay plus de pere en terre, dit saint François, je diray plus librement: Nostre Pere qui es es cieux.

  A019001140 

 Mais, ma Fille, et nos Seurs Catherine de Sienne, Anne et Marie, que font elles, les pauvres filles? Elles sont constantes, n'est ce pas? car elles sont nos seurs.

  A019001141 

 Il est vray, je suis merveilleusement accablé d'affaires; mais vos lettres, ma Fille, ne sont pas des affaires, ce sont des rafraischissemens et allegemens pour mon ame: cela soit dit pour une bonne fois..

  A019001142 

 C'est beaucoup qu'exterieurement vous soyes plus observatrice de la Regle.

  A019001142 

 Les humiliations, dit nostre Seigneur, precedent et introduisent bien souvent l'humilité; continues en cet exterieur, qui est plus aysé, et petit a petit l'interieur s'accommodera..

  A019001146 

 Mais, ma Fille, cet amour de la propre excellence n'est [125] il pas gratieux en cette fille que je vous ay tant recommandee et qui en verité m'est chere comme mon ame? Car, qu'y a il de plus gentil que cette petite aversion, laquelle [provient] d'estre appellee fille de cette pauvre Mere? Mays demandes luy, je vous prie, si elle a encor point de sentiment dequoy je l'appelle ma Fille, et si elle voudroit point que je l'appellasse ma Mere? O vray Dieu, qu'il luy a cousté d'effortz pour me dire cette petite niaiserie! Certes, ma Fille, je ne sçai pas combien il luy couste, mais je ne voudrois pour rien du monde qu'elle ne me l'eust dit, puisqu'en cela elle a prattiqué une si profonde resignation et confiance envers moy..

  A019001147 

 Elle est de rechef encor plus aggreable quand elle me defend de dire ceci a cette pauvre Mere.

  A019001149 

 Cette seur m'est chere tout extraordinairement..

  A019001149 

 Je sçai qu'il est tellement a Nostre Seigneur, que non pas mesme ce rude coup n'a sceu luy oster la paix interieure; mays son ennuy et ses apprehensions auront esté grandes.

  A019001152 

 Mon frere est tous-jours aupres de Madame.

  A019001161 

 Ce n'est pas pour vous separer de monsieur vostre cher mari, que je vous escris separement et a l'un et a l'autre, Madamoyselle ma tres chere Fille, mais c'est par ce que l'inscription seroit trop grande si je la faysois a tous deux ensemble..

  A019001169 

 Mon frere est tous-jours aupres de Madame..

  A019001180 

 Mais je parle mal sans y penser, ma tres chere Fille: ce n'est pas vostre cœur qui est alangouri, c'est vostre cors; et a cause de la liayson qui est entre eux, il semble au cœur qu'il a le mal du cors.

  A019001180 

 Mon Dieu, ma Fille, ne vous tenes nullement chargee de souffrir ce qu'il faut que vous souffries: c'est pour la tressainte volonté de Dieu, qui a donné ce poids et cette mesure a vostre estat, corporel; mais l'amour sçait tout et fait tout; il me rend ce me semble, medecin..

  A019001193 

 En fin il se faut consoler; rien n'est si aggreable ni si salutaire en cette vie mortelle que de bien aymer Dieu, et pour Dieu le prochain.

  A019001194 

 Mais, c'est son calice; ne faut il pas qu' elle le boive? Et puis, je m'imagine que vous luy escrives souvent, et alleges son tendre cœur par la communication des sentimens du vostre..

  A019001196 

 Je me resouviens fort bien que j'allay visiter une damoyselle, grande amie de madame l'Abbesse de Baume; et elle sera donq la mienne puisqu'elle est la vostre, car les cœurs qui sont unis a un cœur ne peuvent qu'ilz ne soyent unis ensemble..

  A019001197 

 Mon frere ne se peut desprendre de la cour, ou le service et les faveurs de Madame l'attachent; mais je puis bien respondre pour luy, qu'il est grandement vostre serviteur tres humble.

  A019001199 

 Monsieur mon tres cher Frere, c'est la veritable profession de.

  A019001212 

 On a treuvé un logis et un' honneste compaignie pour cette pauvre femme, dont il vous plaira faire donner advis a M. Rosetain, affin que, s'il est tous-jours estimé expedient, on la dispose a se praevaloir de cett'occasion.

  A019001213 

 Dequoy c'est la verité quil communiqua premierement avec moy, sur le sujet du refus quil fit d'aller aupres de Madame, ou Monseigneur le Serenissime Prince le desiroit; mais ce fut avec une resolution en laquelle il ny avoit plus aucun lieu de conseil.

  A019001213 

 Mays vous sçaves bien que le bon M. le Doyen de Chevron, mon cousin et vostre parent, que j'avois retenu des il y a trois ans en nostre profession ecclesiastique, estimant qu'il y pouvoit rendre plus de service a Nostre Seigneur, enfin s'est retiré a Talloyres, dans la vocation monastique.

  A019001230 

 Le gratis est d'importance, et l'acceleration; a quoy vient a propos que, commejecroy, monsieur l'Ambassadeur sera favorable, et si Madame fait recommander l'affaire a Monseigneur le Nonce, auquel neanmoins j'escriray dans peu de jours.

  A019001231 

 Nostre monsieur de Quoex, dit quil ne faut rien que la procure que j'ay faite, et que la chose soit vivement sollicitee; pour cela, j'escris a monsieur Beybin, qui est non seulement de ce diocese, mais curé de Saint Germain de la Chevre et respondant de Dumont, et voysin de monsieur l'Abbé de Cheysery, et fort dependant de Monsieur de Bourges..

  A019001232 

 C'est la verité qu'il est expedient que je n'aille pas a Turin qu'apres Pasques et le Sinode, s'il se peut, et particulierement s'il faut que l'information super vita et moribus se face en cette ville.

  A019001234 

 Le bon monsieur du Chatelart en eut la premiere nouvelle, c'est a dire deux jours devant moy, de sorte qu'on commença d'en parler avant que j'en sceusse rien.

  A019001234 

 Messieurs du Conseil et toute la ville, tout cela est en joye, et chacun l'appreuve encor plus parce que cela s'est fait sans brigue ni recherche.

  A019001234 

 Presque tout le monde icy tesmoigne de la joye de vostre promotion, et ceux qui ne la tesmoignent pas sont de trois sortes: les uns, parce qu'ilz ont opinion que c'est tout a fait pour m'oster d'icy, et ilz nous voudroyent tous deux; les autres, parce que cela leur est tellement [137] inopiné, qu'a l'abord ilz ont eu peine de le croire; et les autres, qui sont fort peu et si peu que ce n'est rien, par envie, jalousie et amertume de cœur.

  A019001235 

 Il n'est point besoin de placet a Rome, la lettre de Son Altesse a l'Ambassadeur suffit; mais il le faut avoir pour la possession, que le Senat ne permettroit pas sans cela..

  A019001235 

 Je n'escris a personne, car je n'en ay nul loysir, et il faut faire partir cette procure et ce Memoire, qui est l'essence de l'affaire.

  A019001261 

 La mense épiscopale est petite, le diocèse est grand et onéreux; c'est pourquoi, si mon frère pouvait garder ses bénéfices pendant la durée de la coadjutorerie, ce serait fort à propos.

  A019001272 

 C'est pour vous dire que je ne vous escris que ces deux motz, reservant le loysir pour escrire a d'autres a qui il faut faire responce.

  A019001284 

 Cette fille me sera chere, venant de la main de la providence de Dieu, et sur vostre recommandation, ma tres chere Fille, qui m'est de tres grande estime en toute façon.

  A019001285 

 Qu'est ce qui peut nuire aux enfans du Pere eternel qui ont confiance en sa debonnaireté? En toy, Seigneur, j'ay mon esperance; disons bien cecy, ma tres chere Fille, mais disons le souvent, disons le ardamment, disons le hardiment, et ce qui s'ensuit nous arrivera: Je ne seray point confondu.

  A019001296 

 Il est vray, vous l'aves desiré et je l'ay accepté: vous estes ma tres chere Fille, et j'en ay de la consolation, estimant que vos bons souhaitz devant Dieu ne serviront pas peu pour impetrer sa misericorde sur mon ame, laquelle aussi reclame souvent cette mesme Bonté sur la vostre, affin qu'elle soit toute sainte, et qu'en verité elle marche en douceur, humilité et simplicité interieure, qui sont les trois vertus colombines que le divin Espoux Jesus Christ recherche en ses amantes.

  A019001319 

 On dit souvent de telles propositions qui se doivent entendre commodement, c'est a dire quand les choses se peuvent bonnement faire, selon les lieux, les personnes et les affaires que l'on a. Demeures donq en paix, et faites valoir ce document, sagement, prudemment, non durement ni rigoureusement, ni ric a ric..

  A019001320 

 Et de plus, s'il se treuve quelque ame, voire mesme au noviciat, qui craigne trop d'assujettir son esprit aux exercices marqués, pourveu que cette crainte ne procede pas de caprice, outrecuydance, desdain ou chagrin, c'est a la prudente Maistresse de les conduire par une autre voye, bien que pour l'ordinaire celle ci soit utile, ainsy que l'experience le fait voir..

  A019001320 

 Le Directoire du noviciat propose quantité d'exercices, il est vray, et il est encor bon et convenable pour le commencement de tenir les espritz rangés et occupés; mays quand, par le progres du tems, les ames se sont un peu exercees en cette multiplicité d'actes interieurs et qu'elles sont façonnees, desrompues et desengourdies, alhors les exercices s'unissent a un exercice de plus grande simplicité: ou a l'amour de complaysance, ou a l'amour de bienveuillance, ou a l'amour de confiance, ou de l'union et reunion du cœur a la volonté de Dieu; de sorte que cette multiplicité se convertit en unité.

  A019001331 

 Et mesme que monsieur de Menthon, de la nomination duquel est ladite chapelle, praeferera aussi celluy-la a quicomque pourroit venir, puisqu'il luy est aussi proche qu'a vous, Monsieur, qui sous la faveur de Son Altesse ne tarderes pas, comme j'espere, beaucoup sans avoir des autres bonnes commodités pour monsieur vostre filz; et moy, je desireray tous-jours le bonheur de m'y pouvoir employer..

  A019001331 

 Mays monsieur le Doyen la possedera encor toute l'annee de son noviciat, apres laquelle il en veut disposer en faveur d'un parent qui luy est si proche, [148] et a vous, Monsieur, que quand il me l'a eu nommé et dit ses raysons, il m'a osté tout a fait le courage d'interceder pour tout autre.

  A019001332 

 Ce pendant, Monsieur, cette mesme amitié ancienne qu'il vous a pleu de me marquer, m'oblige a vous communiquer lhonneur que Son Altesse a fait ces jours passés a mon frere qui est aupres de Madame, l'ayant nommé mon coadjuteur et successeur en cett'Evesché, avec une gratification d'autant plus honnorable que ça esté sans que je l'aye jamais ni demandee ni fait demander.

  A019001348 

 Elle est veritablement hors de sens, mais non pas tant qu'elle soit excusable en ses fautes.

  A019001356 

 Et l'excellence du fait, c'est que, ni directement ni indirectement, j'e n'ay demandé ni procuré ce bienfait, qui n'est pas grand, a la verité, quant aux moyens, mais bien grand quand a lhonneur et la façon encor plus honnorable de le conferer.

  A019001356 

 Or ne sçai-je pas si avec cela ilz accroistront point la pension de six cens escus, c'est a dire 300 pistoles, qu'ilz nous ont accordé et delaquelle nous sommes entrés en payement des le quartier d'octobre, novembre et decembre passés.

  A019001356 

 Saches, ma tres chere Mere, que par une voye admirable Son Altesse a nommé mon frere a ma coadjutorie et succession en cet Evesché, sur le desir de Madame et de Monseigneur le Prince, brevet expedié et toutes les faveurs les plus favorables pour Rome; mays avec des paroles si avantageuses de Son Altesse et de Madame pour toute nostre mayson, pour mon frere et pour moy, que rien ne s'est veu de pareil.

  A019001357 

 Je confesse, et il est vray, que je ne suis guere richement accommodé de moyens; mais je suis sans necessité, et n'ay ni occasion ni inclination quelcomque de faire rien d'indigne de ma condition et profession pour en avoir.

  A019001358 

 C'est asses de cela; je cours au reste.

  A019001359 

 Si vous nous donnes advis que ma chere fille madamoyselle de Chantal ne soit point mariee, ni pour l'estre de dela, je m'essayeray de renouer le mariage, ou avec le neveu de M. d'Andelot, sil revient asses tost d'Italie ou il est (j'entens l'oncle), ou avec monsieur de Ballon, s'il n'espouse madamoyselle de Charmoysi qu'il recherche avec force grans corrivaux..

  A019001361 

 Je vous dis courtement qu'ouy: cet abandonnement en Dieu parmi les douleurs interieures et exterieures est tres [153] bon, et bon aussi de dire vocalement les paroles que vous me marques, de tems en tems, pour faire sçavoir au cœur qu'il est en Dieu, par le tesmoignage que ces paroles luy rendent.

  A019001362 

 Ne vous fasches point de ce que je vous ay dit de cette Seur Jeanne Françoise, car j'en suis plus en peine que fasché; c'est a dire, je suis plus en perplexité comme je dois faire, qu'affligé de ce qu'il y faut faire.

  A019001363 

 La grande est grandement aymee de mon cœur: quelle patience avec moy, d'attendre si longuement que j'escrive! La chere Seur Anne Catherine sçait bien ce que je luy suis, et la chere Seur Jeanne Marie et Marie Anastase, et la premiere Novice, et toutes.

  A019001364 

 Si l'affaire de Valence est si bien disposé comme vous l'escrivés, car voyla la premiere nouvelle, je pense qu'il ne seroit pas mal a propos qu'il y eut une Mayson, car ce quartier la est peuplé en noblesse; mais il faudroit bien adjuster l'affaire.

  A019001389 

 C'est elle qui, emmi la meslee des passions, crie tous-jours intelligiblement: VIVE JESUS! Vous aves donq bien rayson de demeurer en paix.

  A019001389 

 Il m'est advis que je voy vostre cœur comme un cadran qui est posé au soleil et qui ne remue point, ains demeure immobile, tandis que l'esguille et calamite qui est dedans [157] s'agite incessamment et, par des continuelles inquietudes, s'eslance du costé de sa belle estoile; car ainsy vostre cœur demeurant immobile, vostre volonté tend par des bons mouvemens a son Dieu.

  A019001391 

 Vous verres si je suis doux en cela, et si c'est vous loger au sepulchre! Non, je n'ay pas voulu, en un Monastere ou j'avois toute authorité, les enfermer, parce que les filles n'y avoyent pas inclination; et ay tous-jours dit que ces grans traitz dependoyent de l'inspiration et non de l'authorité exterieure, laquelle peut bien faire des enfermees, mais non pas des Religieuses..

  A019001399 

 Ce qu'il fit, mais en confession, en sorte que je ne puis dire sur ce sujet que deux veritables verités: l'un'est que cett'ame est parfaitement bonne et toute exposee a la volonté de Dieu; et l'autre, que j'ay estimé a propos de luy donner [159] encor un peu de tems, tandis qu'elle acheve son cours de theologie, pour plus entierement digerer ses cogitations sur le fait de sa vocation.

  A019001399 

 Son confesseur, a ce qu'il m'a dit, est un tres grand personnage, et de la Compaignie, qui verra plus clairement a la suite ce qui sera convenable, et en discernera mieux que je ne sçaurois faire..

  A019001400 

 Et pourroit ce dessein estre mesnagé sur l'erection d'un evesché a Chamberi, que Son Altesse semble tant affectionner et qui y est si nécessaire, et dont [160] la commodité est meilleure que jamais tandis que M. le mareschal des Diguieres gouverne; car la proposition d'un Seminaire estant faite, on pourra faire aysement entrer en propos l'entretenement de quelques Peres pour la conduite d'iceluy..

  A019001455 

 Demeurés en paix, ma tres chere Seur, et ne croyes point que j'aille ni en Espagne ni ailleurs, au moins ny [164] a-il nulle apparence de cela; et j'espere que j'auray le contentement de vous rendre quelque service pour vostre logement avant mesme que j'aille en l'autre monde, qui est le plus long et le plus esloigné, comm'aussi le plus asseuré de tous les voyages que j'aye a faire, et lequel je vous supplie tous-jours de recommander et faire recommander a Dieu par vos cheres Filles, affin quil me soit heureux.

  A019001476 

 Monsieur, les habitans de Six, pour leur grande misere, sont dignes de compassion, et, pour leur pieté, sont dignes d'estre affectionnés; c'est pourquoy je ne fay point de difficulté de vous supplier tres humblement de leur departir vostre justice et faveur en la conservation de leurs bons droitz..

  A019001515 

 Ce billet que j'arrache de force d'entre un accablement extreme, n'est que pour vous dire que cette bonne fille de laquelle vous m'escrives, ayant esté des premieres de cette Mayson la, et estant de si importante consideration, comme vous me dites, pour tenir en paix cette bonne dame et plusieurs personnes apparentes, je croy qu'il la faut recevoir a la Profession, puisque mesme il n'y a point d'obstacles de consequence; et j'espere que cette feminine tendreté sur elle mesme se passera petit a petit.

  A019001528 

 Ce garçon est venu en un tems auquel je n'ay, pour tout, sceu le depeseher que ce matin, 27 du moys, accablé, je vous asseure, d'affaires si pressantes que je n'ay peu m'en eschapper.

  A019001542 

 La faveur est toute entiere de la part de nos Serenissimes Princes et de l'absolue volonté de Madame; et ce procedé me console, n'y voyant rien du mien ni rien d'humain..

  A019001542 

 Vous me croires bien, ma tres chere [Mère], quand je vous diray simplement que la nomination de mon frere a la coadjutorie est si clairement une œuvre de Dieu, que je n'en ay jamais dit ni escrit une seule parole, ni mendié ni procuré aucune recommandation.

  A019001548 

 Pour moy, je n'y suis nullement, non pas mesme par la pensee, car mon ame est toute contournee a la vie contraire, et ne sçauroit s'amuser a la consideration d'un objet qui luy revient si peu..

  A019001558 

 C'est la verité, ma tres chere Fille, que mon ame vous cherit tres parfaitement; et m'est impossible, quand je pense en vous, qui n'est pas peu souvent, que je ne ressente un eslan d'affection fort particuliere..

  A019001559 

 Hé! ne l'abandonnes donq jamais, et donnes toute liberté a vostre cœur de s'unir et serrer invariablement a son bon playsir, car il est fait pour cela..

  A019001559 

 O que Dieu est souverainement bon et gratieux, ma tres chere Fille! Certes, j'ay eu un contentement incroyable a voir comme il vous a conduitte en l'abondance de son amour.

  A019001561 

 Mais, ma tres chere Fille, ne sommes nous pas enfans, adorateurs et serviteurs de la celeste Providence et du cœur amoureux et paternel de nostre Sauveur? n'est ce pas sur ce fonds sur lequel nous avons basti nos esperances? Faites ce qu'il vous a inspiré pour sa gloire, et ne doutés nullement qu'il ne face pour vostre bien ce qui sera le meilleur.

  A019001561 

 Ne capitulons point avec luy: il est nostre Maistre, nostre Roy, nostre Pere, nostre Tout; pensons a le bien servir, il pensera a nous bien favoriser..

  A019001562 

 Donq, ma Fille, pour conclure, je feray pour vostre petit contentement tout ce que je pourray, qui est peu; de dela, je m'asseure qu'on fera de mesme; mais au Ciel on fera tout, on vous comblera de consolations par les moyens que la Sagesse supreme connoist et void, et que nous ne sçavons pas..

  A019001577 

 A madame de Veycelieu, mille et mille salutations; sa niece est une fille tres bonne et a un cœur bien conditionné..

  A019001583 

 La chere seur est tres bonne, et je croy quelle reuscira grandement..

  A019001593 

 Or, laissons cette pensee, et pour moy j'ay tous-jours esperé que vostre mariage reüsciroit grandement heureux en son progres, cette entree ayant esté si fascheuse; car c'est une des ordinaires methodes dont la providence de Dieu use en ce qu'elle destine a sa gloire, de faire naistre les espines avant les roses..

  A019001594 

 On m'escrit que vostre amitié nuptiale est si entiere et parfaite que rien plus: et n'est ce pas cela la veritable et certaine marque de la benediction de Dieu sur un mariage? Et ce que Dieu benit, qu'importe-il que les hommes le censurent? Continues seulement en cette benediction, et nourrisses soigneusement ce bonheur par une perseverante fidelité au service de la divine Majesté; et que tout le monde parle tant qu'il voudra.

  A019001608 

 C'est un vray martire, ma tres chere Fille, de souffrir beaucoup pour la volonté de Celuy a qui nous avons voué la nostre, et qui nous a tant aymé quil a volu mourir pour nous..

  A019001608 

 J'ay loué sa divine Majesté quand j'ay sceu que vous esties acouchee heureusement apres tant de maux et de peines, par lesquelles la divine Providence vous veut associer a sa croix, qui est la plus estimable marque de sa dilection parmi ses enfans.

  A019001609 

 Je vous demande permission de saluer en ce petit bout de lettre ma tres chere petite fille madamoyselle Anne, qui, je m'asseure, est encor plus devote que belle.

  A019001626 

 Maintenant donq, renouvellant ma supplication, je recours de rechef a cette mesme gratification qu'il pleut a Vostre Grandeur de tesmoigner, affin qu'il luy playse d'en commander les depesches, comme aussi ceux de deux autres graces que je demanday a Monsieur pour deux autres de mes amis; puisque, si je ne me trompe, l'une est de justice, pour reparation d'un tort fait a un gentilhomme nourri et envielli au service de Monsieur, et l'autre est de pieté, pour l'assoupissement d'un proces que les gens de Sa Grandeur ont avec deux filles pupilles.

  A019001650 

 De retourner a Orleans, j'y voy fort peu d'apparence, car cela est bien loin; chacun voudroit sçavoir pourquoy, et il seroit malaysé de treuver un praetexte.

  A019001652 

 La pauvre M me de Charmoysi est toute affligé ( sic ) de son filz qui est de si mauvaise humeur, a ce qu'on luy a dit, et m'a prié de luy escrire une lettre de censure..

  A019001675 

 Certes, cela est très à propos, n'ayant moi-même ni la capacité ni le moyen de le faire, bien que, pour l'attachement et le respect envers Votre Seigneurie Illustrissime, je croie n'avoir à le céder à personne..

  A019001675 

 J'ai attendu jusqu'à présent de vous offrir l'humble remerciement qui vous est dû, car nos bons Pères Barnabites [184] se rendant à Milan, le P. D. Candide, porteur, m'a promis de suppléer à mon défaut en accomplissant ce devoir pour moi.

  A019001703 

 Je vous supplie en même temps, si toutefois cela se peut et s'il est expédient, de vouloir bien les renvoyer ici; car, ayant appris la langue et les usages du pays, ils pourront y travailler plus utilement que d'autres qui viendraient sans ces éléments nécessaires de succès..

  A019001717 

 O ma tres chere Mere, si je revenois au monde avec mes sentimens presens, je ne croy pas que toute la prudence de la chair et des enfans de ce siecle me peust esbransler en la certitude que j'ay que cette prudence est une vraye chimere et une toute veritable niaiserie.

  A019001717 

 Que vous diray je? Rien autre, ma tres chere Mere, sinon qu'il me semble que mon ame est un peu plus solidement establie en l'esperance qu'elle a eu, de pouvoir un jour jouir des fruitz de la mort et resurrection de Nostre Seigneur; lequel, comme il m'est advis, parmi les jours de la Semaine Sainte et jusques a present, non seulement m'a fait voir plus clairement, mays avec une certitude et consolation intellectuelle et toute en la pointe de l'esprit, les sacrés axiomes et les maximes evangeliques, plus clairement et suavement, dis je, que jamais; et je ne puis asses admirer comme, ayant tous-jours eu une si grande estime de ces maximes et de la doctrine de la Croix, j'ay si peu pris de soin pour les prattiquer.

  A019001719 

 La petite seur est allee conduire sa fille a Vanchi.

  A019001719 

 Madame de la Flechere est tous-jours bonne fort solidement, et tous-jours accablee d'affaires et de mauvaise santé.

  A019001740 

 Non veritablement, ma tres chere Fille, il n'est pas vray que je vous puisse dire de quel cœur je vous cheris et honnore, ni par consequent que jamais je vous puisse obliger en vous escrivant le plus souvent que je puis; quoy que je le fay avec bien plus de douceur, sachant que vous aymes a recevoir ce petit tesmoignage de mon infinie affection, que vous ne pouves guere connoistre humainement d'autre sorte, et de laquelle en suite vous auries bien sujet de douter si Dieu, qui en est l'autheur, ne vous en donnoit la certitude dans le fond de vostre ame, comm'au milieu de la mienne il a planté un invariable sentiment de ce que vous m'estes et de ce que vostre cœur est au mien.

  A019001740 

 Or sus, cette verité est trop grande et trop constante pour estre curieusement protestee.

  A019001758 

 Voyla mon frere Evesque; cela ne m'enrichit pas, il est vray, mais cela m'allege et me donne quelque esperance de me pouvoir retirer de la presse: cela vaut mieux qu'un chapeau de Cardinal..

  A019001760 

 Voyla Son Altesse qui me mande advertir que de toute necessité il veut que j'accompaigne Monseigneur le Cardinal son filz a Rome; et en effect, il sera a propos, pour le service mesme de l'Eglise, que je face ce voyage, bien qu'en toute verité, ma Mere, il ne soit nullement selon mon inclination: car en somme, c'est tous-jours aller, et j'ayme a demeurer; et c'est tous-jours aller a la cour, et j'ayme la simplicité.

  A019001761 

 Je suis a jamais, sans reserve et sans comparayson, c'est a dire au dessus de toute comparayson, vostre, et certes, comme vous sçaves tres bien vous mesme, je suis vostre tres parfaitement..

  A019001771 

 Sa promptitude naturelle est la cause de tout son mal; car elle anime sa vivacité, et sa vivacité anime sa promptitude.

  A019001772 

 Dites luy que, pour toute broncharde qu'elle pourroit estre, jamais elle ne s'estonne, ni ne despite contre soy mesme; qu'elle regarde plustost Nostre Seigneur qui, du haut du Ciel, la regarde comme un pere fait son enfant qui, encor tout foible, a peyne d'asseurer ses pas, et luy dit: Tout bellement, mon enfant; et s'il tombe, l'encourage, disant: Il a sauté, il est bien sage, ne pleures point; puis s'approche et luy tend la main.

  A019001772 

 Mais voyes vous, ma tres chere Fille, vous luy estes un peu trop severe a la pauvre fille; il ne luy faut point tant faire de reproches, puis qu'elle est fille de bons desirs.

  A019001772 

 Si cette fille est un enfant en humilité et qu'elle sache bien qu'elle est enfant, elle ne s'estonnera point d'estre tombee, car elle ne tombera pas aussi d'en haut..

  A019001773 

 Et si quelquefois elle vous donne de la peine, supportes la suavement a ma consideration, mays sur tout a la consideration de Celuy qui l'a tant aymee, que, pour l'aller prendre dans son neant ou elle estoit, il s'est abbaissè jusques a la mort, et la mort de la croix.

  A019001773 

 O Dieu, ma tres chere Fille, si vous sçavies combien mon cœur ayme cette fille et de quelz yeux je la regarde des icy a tous momens, vous auries un grand soin d'elle, encor pour l'amour de moy, outre ce que vous luy estes; car vous m'aymes d'un amour qui est asses fort pour vous faire aymer tout ce que j'ayme.

  A019001773 

 O ma chere Philemone, ma Fille, veux je dire, si vous m'aymes, si vous m'aves receu dedans vostre cœur, receves y aussi ma chere fille Onesime, et la supportes; c'est a dire, receves mes entrailles, car cette fille est en verité cela pour Nostre Seigneur.

  A019001775 

 Mille benedictions sur vostre cœur, ma chere Fille, et sur toutes nos cheres Seurs, et sur tout ce qui est a vous, en vous et pour vous; et j'y auray donq ma bonne part, puisque je suis infiniment a vous en Jesus Christ et pour Jesus Christ..

  A019001786 

 Le Concile de Trente prefige absolument une annee de noviciat, en sorte que nul ne peut en establir deux, ni mesme un seul mois davantage, sans special privilege du Pape; bien qu'es cas particuliers, les Superieurs, ains la Superieure et les Seurs, peuvent differer la Profession quand il y a cause legitime: comme quand, avec un peu de loysir, la Novice pourra se rendre plus capable, ainsy qu'il est dit es Constitutions.

  A019001799 

 Il est vray que ces jeunes gens donnent de la peine; mais que feroit on la? Je ne treuve point de bien sans charge en ce monde.

  A019001799 

 Il faut donq balancer: est il mieux qu'en nostre jardin il y ayt des espines pour y avoir des roses, ou de n'avoir point de roses pour n'avoir point d'espines? Si cette fille apporte plus de bien que de mal, il sera bon de la recevoir; si elle apporte plus de mal que de bien, il ne la faut pas recevoir..

  A019001800 

 Et a propos de petites filles, la Seur Jeanne Marguerite, fille de madame la concierge, qui a esté receuë si jeune, est malade d'une maladie douloureuse et, comme dit M. Grandis, mortelle; car elle est pulmonique.

  A019001801 

 Or, si vous receves celle que vous dites, il est vray qu'il ne la faut pas lier aux exercices, car cela la pourroit rebuter en cette si tendre jeunesse, qui ne peut encor savourer ce que c'est de l'esprit, pour l'ordinaire.

  A019001805 

 C'est pourquoy l'on n'a pas marqué les exercices qu'il leur faut donner en lieu de l'Office au chœur; car, selon leur infirmité, il'les faut pourvoir.

  A019001805 

 Et nonobstant cela, il est bon qu'il y ayt des Seurs Associees, pour faire la charité a tout plein de personnes qui ne sçauroyent dire l'Office, ou pour avoir la veuë trop foible et basse, ou pour avoir manquement d'estomach, ou pour quelque autre infirmité.

  A019001805 

 Si elles ont faute de veuë, on leur peut donner des chapeletz; si c'est infirmité d'estomach et non de veuë, elles pourront dire les Heures, et la Superieure pourra disposer d'elles a quelque office non incompatible avec leur infirmité..

  A019001806 

 C'est pourquoy il ne sera nul besoin qu'elles disent les Heures, ains suffira qu'elles fassent ce qui est porté en l'article de cette Constitution, et qu'au reste la Supérieure les employe selon qu'elle verra qu'elles pourront faire..

  A019001806 

 Despuis, j'ay leu la premiere Constitution, ou il est asses clairement dit que les Seurs Associees, comme les Domestiques, diront des Pater et Ave en lieu de l'Office: c'est en la page 118 et 119.

  A019001807 

 Et ne vous mettes nullement en peine de cette petite touche que vostre cœur en ressent, car cela n'est rien, et sert beaucoup pour nous faire humilier doucement, pour nous faire voir la misere de nostre nature, et pour nous faire desirer parfaitement de vivre selon la grace, selon l'Evangile, selon l'esprit de Nostre Seigneur..

  A019001840 

 La charité est douce, elle est pliable, elle est patiente, et, a la fin, elle fait tout..

  A019001841 

 Dieu, qui est la charité mesme, vous veuille tous conserver en son saint service, parmi lequel je vous prie me faire part en vos oraysons..

  A019001851 

 Si madame la Comtesse n'est pas partie, je vous supplie de luy donner asseurance de mon humble service, et a madame de la Croix, laquelle, a mon advis, ne sera pas sans souci de demeurer ainsy seule en l'incertitude de ses pretentions.

  A019001872 

 Ce porteur mesme me remit une lettre de Vostre Excellence, addressee a monsieur de la Feuge, colomnel de la ville dAnnessi; et j'ay eu peine a me resoudre si je [209] la luy envoyerois, puisque il y a long tems quil n'est plus colomnel de cette ville, monsieur de Villette l'ayant esté l'annee passee, et mon frere le Chevalier l'estant celle ci, lequel, n'estant pas a present icy, j'eusse adverti promptement d'y venir, si ce n'eut esté que, par un bruit commun, j'ay sceu que Vostre Excellence avoit donné tout le commandement et du chasteau de cette ville et des compaignies de la ville mesme a monsieur de Monthouz, en sorte que mondit frere ne semble y avoir plus rien a faire.

  A019001883 

 N'en doutes point, je vous ayme plus que jamais, parce que je vous voy en estat d'entrer dans cette voye d'une [210] veritable devotion qui commence a destacher son cœur de toutes les choses du monde, affin d'estre toute a Dieu et qu'il puisse absolument disposer de vous, pour n'aymer que ce que Dieu ayme, pour faire sa volonté et suivre ses conseilz, pour fuir avec un soin extreme tout ce qui le peut offencer, mortifier ses passions et regler sa vie sur les maximes de Jesus Christ, estre humble et patiente; car le grand secret pour entretenir une bonne devotion, c'est d'avoir beaucoup d'humilité.

  A019001884 

 Cet Amour increé, qui, sans esgard a ses propres advantages, s'employe par tout a chercher nostre bien, nous cachant souvent les plus belles flammes ou nous le pensions moins, a ce saint artifice pour nous engager a l'aymer de toute nostre puissance; et parce que cet amour est un don [211] gratuit de son amour, aussi devons nous le chercher de toutes nos forces.

  A019001884 

 Nous ne devons pas nous troubler pour nos offences; car souvent ce divin Esprit est plus liberal de ses dons a ceux qui luy ont esté plus avares de leur cœur et de leurs affections..

  A019001885 

 Et si vous me demandes pourquoy cela, il faut avant sçavoir que le Saint Esprit est le vin du Ciel, chez saint Bernard, qui disoit qu'au Ciel il y avoit surabondance de ce vin, je veux dire l'allegresse du Saint Esprit et la joye beatifique; mais il n'y avoit ce pain sacré de l'humanité de Jesus Christ.

  A019001886 

 Il faut donq, leur dit Jesus Christ, qu'il y ait un saint commerce entre vous et les Anges: vous aures infalliblement du Ciel ce vin si puissant du Saint Esprit, en luy faysant part de vostre pain sacré qui est encor sur la terre et comme entre vos mains, c'est a dire l'humanité de Jesus Christ..

  A019001887 

 Je croy, ma chere Fille, que c'est asses pour bien ouvrir vostre cœur a la reception du Saint Esprit, et de ces langues de feu et de flammes adorables.

  A019001893 

 Or sus, au nom de Dieu, ma tres chere Fille, il est vray, Dieu veut que vous vous servies de mon ame avec une confiance toute entiere pour tout ce qui regarde le [213] bien de la vostre, laquelle pour cela il m'a rendue toute chere et pretieuse en son celeste amour..

  A019001894 

 Et puisque vous le connoisses ainsy, benisses du plus profond de vostre esprit cette divine douceur; et moy je l'en beniray avec vous, destinant a cela les Sacrifices tressaintz que j'offriray sur ses autelz sacrés, car plus grande action de graces ne puis je faire a la divine Majesté, que de luy presenter Celuy pour lequel et par lequel tout luy est aggreable au Ciel et en la terre..

  A019001895 

 Mays, ma Fille, que ferons nous donq de cette liberté que nous avons? Nous la voulons, sans doute, toute immoler a Celuy de qui nous la tenons; car cette resolution est invariable, que, sans reserve ni exception quelcomque, non pas mesme d'un seul moment, nous ne voulons vivre que pour Celuy lequel, pour nous faire vivre de la vraye vie, voulut bien mourir sur la croix..

  A019001897 

 O ma Fille, c'est bien asses, il n'en faut pas parler davantage.

  A019001898 

 Certes, les Apostres ayant ouy parler une fois Nostre Seigneur de l'indissoluble lien du mariage, luy dirent: Seigneur, s'il en va de la sorte, il n'est donq pas expedient de se marier? Et Nostre Seigneur appreuvant leur opinion, leur respondit: Tous ne comprennent pas ce mot; qui le peut comprendre, qu'il le comprenne.

  A019001898 

 Ma chere Fille, et moy, apres vous avoir ouy parler et veu vostre lettre sur ce sujet, je vous parle hardiment et vous dis: Certes, ma Fille, puisqu'il est ainsy, il n'est pas expedient de vous marier; et bien que tous [215] ne comprennent pas, c'est a dire n'embrassent pas, n'empoignent pas cette parole, n'en entendent pas le bonheur, ne s'en prevalent pas, si est ce que, quant a vous, ma chere Fille, vous vous en pouves aysement prevaloir, vous pouves facilement atteindre a ce bien la, et comprendre et savourer ce conseil: et faites le donq.

  A019001899 

 Je vous dis donq ainsy, par force: Ma Fille, entres en Religion; mais en vous le disant, je sens une secrette suavité dans cette force, qui fait que cette force n'est point forcee, ains douce et aggreable.

  A019001899 

 Les Anges contraignirent le bon homme Lot, et sa femme, et ses filles, et les empoignerent par la main, et de force les tirerent hors de la ville; mays Lot ne treuve point de violence en cette force, ains il dit qu'il connoist bien qu'il est en leurs bonnes graces.

  A019001899 

 Mais cette resolution estant ainsy prise sans qu'il y ait sujet d'en avoir aucun scrupule, il est bien plus difficile de vous dire ensuite: Entres donq en Religion.

  A019001900 

 Il est vray que la Providence souveraine se [216] sert maintes fois de la nature pour le service de la grace, mais il s'en faut bien que ce soit tous-jours, ni presque tous-jours..

  A019001900 

 Penses vous que Dieu donne tous-jours la vocation de la Religion, ou bien de la parfaite devotion, selon les conditions naturelles et les inclinations des espritz qu'il appelle? Non certes, ma Fille, ne croyes pas cela: la vie religieuse n'est pas une vie naturelle, elle est au dessus de la nature, et faut que la grace la donne et soit l'ame de cette vie.

  A019001901 

 Celuy qui crioit si lamentablement: Le bien que je veux, je ne le fay pas, mais le mal que je ne veux pas est en moy; c'est a dire: En ma chair n'habite pas le bien; car le vouloir est attaché a moy, mais je ne treuve point le moyen de le parfaire.

  A019001901 

 Et neanmoins, c'est un des plus parfaitz serviteurs que jamais Dieu ayt eus en ce monde, et lequel en fin fut si heureux que de pouvoir dire en verité: Je vis moy, mais non plus moy, ains Jesus Christ vit en moy, apres que la grace eut assujetti la nature et que les inspirations eurent subjugué les inclinations..

  A019001902 

 Vous aymeres la parole de la Croix, que les payens ont tenue pour folie, et les Juifs pour scandale; et laquelle a nous, c'est a dire a ceux qui sont sauvés, est la sagesse supreme, la force et vertu de Dieu..

  A019001904 

 Et ce pendant pries Dieu, ma tres chere Fille; humilies vous, destines vostre vie a l'eternité, releves vos intentions, purifiés vos pretentions, penses souvent qu'un seul petit profit en l'amour de Dieu est digne de grande consideration, puisqu'il aggrandira nostre gloire a toute eternité.

  A019001914 

 Et parce que elles m'ont allegué.............estant ainsy................ce qui est requis de vostre part pour sa Profession, j'ay pensé, Monsieur, que vous me sçauriés [219] gré si je vous priois de vouloir contribuer a cette bonne œuvre le soin qu'une bonne seur doit attendre d'un bon frere, et contribuer a l'indemnité de ce Monastere qui, ce pendant, entretient tous-jours cette fille et la fait traitter en ses maladies si frequentes, sans en avoir rien..

  A019001914 

 Les Seurs de la Visitation m'ont voulu rendre quelque compte de l'estat de leur Monastere, ou, entre autres choses, j'ay treuvé a dire en ce que la bonne Seur Jeanne Marie vostre seur, est tous-jours novice, y ayant si long tems que son annee de probation est passee.

  A019001915 

 C'est pourquoy, Monsieur, je vous escris ces quatre lignes, que je finis en me disant,.

  A019001928 

 Ce porteur est tous-jours luy mesme.

  A019001943 

 Troys ou quatre se presenteront pour le canonicat, entre lesquelz, ce me semble, M. Ducrest, qui est [222] docteur, est tout a mon gré et pour l'exterieur et pour l'interieur; mais je ne sçai ce que messieurs du Chapitre feront..

  A019001944 

 Son grand pere estoit noble, c'est a dire le fut fait; et si, il n'est point boyteux ni pointilleux.

  A019001945 

 Mais nous acheminons le plus que nous pouvons l'eschange de son benefice avec un autre qui est possedé par un autre changeant, affin quil puisse revenir; et le tems nous fera sages..

  A019001945 

 Pour celuy qui est a Paris, en verité il auroit bien tous les autres talens, mais je croy que la constance lui manquerait, et seroit dans peu de tems dans une dangereuse liberté qui lui serviroit de reproche, et a nous, le passé nous ayant asses appris ce qui se doit presager pour l'avenir.

  A019001946 

 Mon frere et ma seur de Cornillon ont un desir extreme que M. le curé de Regnier venant a mourir, comm'il semble quil doive faire dans peu de jours, M. François Baudri, qui est maintenant vicaire, leur voysin, et qui a plusieurs bonnes petites conditions, eut la nomination, estimans que le bon M. Pergod, qui est procureur de M. Argentier, en nommeroit peut estre quelqu'autre.

  A019001950 

 O mon Dieu, quel bonheur si on peut restablir le service de sa divine Majesté en toutes ces provinces! Mays pour Ripaille et pour la Congregation de Thonon, il n'est pas grand besoin que de l'authorité de Son Altesse; car en l'un il ny a personne, et en l'autre on ne change rien, la Bulle de Clement ordonnant que cette Congregation soit des Prestres de l'Oratoire.

  A019001951 

 Et ce qui m'oste encor plus l'esperance de pouvoir servir monsieur Pernet en son desir, qui est digne de luy et du soin charitable quil a de ceux qui luy appartiennent, c'est que son cousin, M. le chanoyne, a ses apprehensions si fortes, qu'il croid que sa partie a grand tort et luy en doit de reste; combien que m'estant enquis le plus que j'ay peu de la verité, je treuve que c'est tout au contraire, et que ledit sieur chanoyne Pernet a excedé fort scandaleusement, et que le bon M. Rogex l'a traitté avec un respect duquel la partie a grandement a se plaindre.

  A019001952 

 Mays il ny a moyen de le servir en cela par lettres; car d'un costé, je suis engagé des il y a long tems pour M. de Saint Agné, frere de monsieur de Lucei, et d'autre part je sçai que les lettres n'ont nul pouvoir sur l'esprit de cette damoyselle, qui est si pleine de considerations qu'il faut parler, et de presence l'esclarcir des repliques que son esprit luy fournit.

  A019001953 

 Hier la tres bonne M me de Granieu arriva, et sera icy ces deux jours suivans; ce n'est pas sans parler de vous avec affection..

  A019001970 

 Et partant, Monseigneur, je supplieray Vostre Altesse de se resouvenir de l'heureux dessein qu'ell'a d'employer les praebendes de ce prieuré-la pour l'establissement des lectures de theologie et du Novitiat des Peres Barnabites, puisque il est si malaysé [230] de mettre la reforme en un Heu ou il ny a pour encor aucun sujet capable de l'introduire, et tout a fait destitué de bastimens..

  A019001986 

 Voyla donq la lettre que j'escris a Monseigneur le Prince Cardinal ensuite du desir de Monsieur le Prothonotaire du Laurey, qui n'est guere moins mon frere que le vostre en mon affection; mays vostre parole animera ma supplication affin qu'elle reuscisse..

  A019001988 

 C'est dequoy j'escris donq la ci jointe; et m'est advis que l'on n'aura que du desplaysir si on le veut porter a contrecœur en une vocation en laquelle il faut tant de bonne volonté.

  A019002000 

 Et de dire que monsieur le Comte de Verrue ayt conillé pour obtenir plus aysement le chapeau, c'est chose impertinente; car mes Bulles furent expediees en un tems auquel monsieur l'Abbé Scaglia estoit si jeune, ou plustost si enfant, que son pere ne pouvoit avoir cette pensee.

  A019002003 

 Vous aures sceu la blesseure du sieur Bonfilz, qui est grande a ce qu'on dit, mais je ne croy pas quil en ayt autre chose que le mal..

  A019002004 

 C'est un homme admirable en l'amour quil me porte, et l'affection quil a de m'entretenir pendant le voyage luy donne de la peine.

  A019002021 

 J'escriray pour M. le General si tost que je pourray, et au moins par la Seur qui ira-la, laquelle nous voudrions estre grandement excellente; mais il est malayse d'en treuver de telles.

  A019002023 

 Sil est possible, faites vous porter en carosse jusques a la porte de vostre monastere a Nevers; et quoy qu'on vous aille au rencontre, ne descendes pas, et vous excuses sur ce que la barque sur l'eau, ou le carrosse sur terre sont vos monasteres portatifz.

  A019002025 

 O ma Fille, il ny a pas moyen d'escrire davantage, non pas mesme a ma tres chere grande fille de Paris, a laquelle neanmoins je dis icy qu'il faut qu'elle ne desire plus la Profession avant l'annee, par ce que cela est impossible.

  A019002039 

 Cet aymable esprit que j'ay veu en vous quelques moys durant, tandis que vous esties en cette ville, ma tres chere Fille, ne reviendra il jamais dans vostre cœur? [238] Certes, quand je voy comme il en est sorti, je suis en grandeperplexité, non devostre salut, car j'esperequevous le feres tous-jours, mays de vostre perfection, a laquelle Dieu vous appelle et n'a jamais cessé de vous appeller des vostre jeunesse.

  A019002041 

 On pourra bien, ce me semble, obtenir que vous puissies avoir l'entree en quelque Mayson de la Visitation, pour vous recueillir souvent en cette façon de vie, et que neanmoins vous n'y demeuries pas attachee, ains ayes un logis proche pour vostre retraitte, avec la seule sujetion de quelques exercices de devotion propres a vostre bonne conduitte; car ainsy vous aures la commodité de contenter vostre esprit, qui hait si estrangement la sousmission et liayson a l'obeissance, qui a tant de peine a rencontrer des ames faites a son gré, et qui est si clairvoyant a treuver les a dire et si douillet a les ressentir..

  A019002044 

 Or, voyes si vostre ame est faite pour cela, si vostre tems sera dignement destiné a cela: je veux dire, prenes M. Vincent, examines bien avec luy toute cette affaire et coupes court.

  A019002046 

 Mays il ne m'est pas loysible d'escrire davantage, ravi par les affaires, pressé par le depart de ce porteur.

  A019002052 

 Or, il a une grande esperance que, par ce moyen, il rendra un bon et fructueux service a la coronne, car ceux qui entendent en l'affaire l'asseurent qu'ell'est fort bonne et digne d'estre entreprise.

  A019002054 

 En somme, toutes choses bien considerees, il ny en a pas un qui, a tout prendre, puisse mieux, ni certes si bien reuscir en cette charge; car, a ce qu'on me dit, monsieur de Montouz est desiré en la Chambre, et ne veut pas prsetendre ailleurs pour encor..

  A019002054 

 Puys, que M. de la Valbonne paternise en cela, qu'il est grandement conscientieux; quil harangue heureusement et fait fort bien toutes sortes de complimens; qu'il preside merveilleusement bien et prononce avec beaucoup de grace les arrestz; quil est fort docte; qu'il a esté dix ans au Senat, trois ans juge mage et trois ans President icy, et que, par ces degrés, il s'est acquis une grande habitude a bien distribuer la justice; quil a environ 38, aage de maturité et propre pour rendre beaucoup de service.

  A019002054 

 Que M. le premier President est le plus grand jurisconsulte de ce tems, et que c'est dommage quil ne puisse plus si aysement meshuy prononcer les arretz et se treuver a toutes occasions comm'il faysoit; que sa maladie luy donne egalement cette incommodité et presque asseurance de longue vie, puisque elle le decharge des humeurs peccantes; que c'estoit une belle chose, es occurrences, de le voir haranguer et representer le Senat.

  A019002057 

 Mays ce [244] que je vous dis n'est que pour sçavoir vostre pensee sur cette proposition, car ce pendant M. le Doyen achevera son noviciat..

  A019002058 

 Si vous voyes lieu d'en parler a propos j'en seray bien ayse, car Monseigneur le Prince m'a tous-jours asseuré quil vouloit que nous fussions payés; et c'est merveille que cinq cens escus coustent tant a retirer en un sujet si plein de justice et de pieté..

  A019002093 

 O que puisse je, ma tres chere Mere, bien recevoir et employer le don du saint entendement, pour penetrer plus clairement dans les saintz mysteres de nostre foy! car cette intelligence assujettit merveilleusement la volonté au service de Celuy que l'entendement reconnoist si admirablement tout bon, et dans lequel il est enfoncé et engagé: en sorte que, comme il n'entend plus qu'aucune chose soit bonne en comparayson de cette Bonté, aussi la volonté ne peut plus vouloir aymer aucune bonté en comparayson de cette Bonté, ainsy qu'un œil qui seroit planté bien avant dans le soleil ne peut envisager d'autre clarté..

  A019002094 

 Mais parce que, tandis que nous sommes au monde, nous ne pouvons aymer qu'en bien faysant, parce que nostre amour y doit estre actif, comme je diray demain au sermon, Dieu aydant, nous avons besoin de conseil, affin de discerner ce que nous devons prattiquer et faire pour cet amour qui nous presse; car il n'est rien de si pressant a la prattique du bien que l'amour celeste.

  A019002103 

 O que cette cuisine est excellente et aymable, parce qu'elle est vile et abjecte!.

  A019002104 

 On peut retirer les Seurs du chœur au rang des Seurs Associees, et les Associees au rang de celles du chœur, quand la rayson le requiert, ainsy qu'il est dit des Seurs Domestiques au premier chapitre des Constitutions..

  A019002106 

 C'est aux gens d'intelligence de marquer cela es occasions, car on n'en sçauroit faire une regle generale.

  A019002106 

 De sçavoir quand, es contratz, il est requis que le Pere spirituel soit present ou non, cela depend de la nature des contratz, car il y en a ou cela est requis, et des autres ou cela n'est pas requis; comme l'Evesque en quelques contratz a besoin de la presence de son Chapitre, en des autres non.

  A019002108 

 On peut laisser lire le livre de la Volonté de Dieu jusques au dernier, qui, estant asses inintelligible, pourroit estre entendu mal a propos par l'imagination des lectrices, lesquelles, desirant ces unions, s'imagineroyent aysement de les avoir, ne sachant seulement pas que c'est.

  A019002109 

 Cette parole: «Nostre Seigneur souffre en moy telle ou telle chose,» est tout a fait extraordinaire; et bien que Nostre Seigneur ayt dit quelquefois qu'il souffroit en la personne des siens, pour les honnorer, si est ce que nous ne devons parler si avantageusement de nous mesmes; car Nostre Seigneur ne souffre qu'en la personne [253] de ses amis et serviteurs fideles, et de nous vanter ou prescher pour telz, il y a un peu de presomption.

  A019002109 

 Souvent l'amour propre est bien ayse de s'en faire accroire..

  A019002111 

 Si je vay a Rome, je procureray la clausure pour la Mayson de Grenoble, c'est a dire l'establissement en tiltre de Monastere, bien que il ne soit pas absolument necessaire, car Monseigneur de Grenoble pourra l'establir quand il luy plaira, puisque la Mayson d'Annessi, delaquelle est derivee celle la, l'est.

  A019002112 

 Tandis que les femmes pourront entrer dans la mayson, il est raysonnable que les estrangeres soyent preferees..

  A019002113 

 Ma Seur Claude Cecile est une bonne fille, au gré de la Superieure et de Monseigneur qui l'ayme bien..

  A019002114 

 Vostre chemin est tres bon, ma tres chere Fille, et ny a rien a dire, sinon que vous alles trop considerant vos pas, crainte de choir.

  A019002115 

 Dequoy vous mettes vous tant en peine? Dieu est bon, il void bien qui vous estes.

  A019002132 

 Dieu soit loué dequoy vostre retour s'est fait bien doucement et que vous aves treuvé monsieur vostre cher mary tout allegé.

  A019002135 

 Or sus, ma tres chere Fille, saches, je vous supplie, que ce m'est une grande consolation de recevoir souvent de vos lettres, et que mon ame cherit grandement ces tesmoignages de la dilection que la vostre a pour elle..

  A019002139 

 Ce soir madame de la Flechere est arrivee, qui m'a dit l'ayse qu'elle eut de vous voir.

  A019002139 

 Or cela est vray..

  A019002163 

 Il est vray, Madame ma tres chere Mere, que feu monsieur le Marquis vostre frere avoit desseigné de me faire une entiere confession generale de toute sa vie, pour prendre de moy les advis convenables pour en employer le reste plus ardemment au service de Dieu; mais je ne revins pas asses tost pour luy rendre cet office, puisque Dieu l'appella avant mon depart de Paris, avec la grace qu'il luy fit de bien recevoir ses divins Sacremens..

  A019002164 

 O ma tres chere Mere, que c'est une diligence bienheureuse que celle que l'on prend de se bien disposer au depart de cette vie, puisque le tems en est incertain! et quand l'estat religieux n'apporteroit aucun autre bien que celuy la, d'une continuelle preparation au trespas, ce ne seroit pas une petite grace..

  A019002165 

 Aymés tous-jours bien ma pauvre ame, ma tres chere Mere, car elle est certes toute vostre; pries souvent pour elle, affin que la misericorde divine la reçoive en sa protection parmi tant de hasars et destroitz ou cette vocation pastorale la fait passer..

  A019002166 

 Je pensois que quand Son Altesse donna son placet [260] et ses faveurs a mon frere pour le faire estre mon coadjuteur, comme il est maintenant (devant estre consacré Evesque de Chalcedoine a cet effect dans un mois, a Turin ou il est), j'aurois quelque moyen de retirer le petit bout de vie qui me reste pour me mettre en equipage et me disposer a la sortie de ce monde; mais je voy que pour le present je ne puis l'esperer, d'autant que Son Altesse et Madame veulent que ou mondit frere ou moy soyons aupres de leurs personnes, en sorte que l'un estant icy, l'autre soit la.

  A019002166 

 Voyes donq, ma chere Mere, si j'ay besoin de vos supplications devant Nostre Seigneur; car si la charge episcopale est perilleuse, la residence de la cour ne l'est guere moins..

  A019002167 

 Et faut que j'adjouste que cette coadjutorie a esté donnee a mon frere sans que je l'aye demandee ni fait demander, ni d'une façon ni d'autre; ce qui ne m'est pas une petite consolation, parce que, n'y ayant rien du mien que le consentement, j'espere que Nostre Seigneur l'aura plus aggreable..

  A019002176 

 C'est la verité que non seulement vous estes ma tres chere fille, mais c'est la verité aussi que tous les jours [261] vous l'estes davantage en mon ressentiment; et Dieu soit loué dequoy non seulement il a creé en mon ame un'affection veritablement plus que paternelle pour vous, mais dequoy il a mis l'asseurance que vous en deves avoir dedans vostre cœur.

  A019002194 

 Cette commodité d'escrire vous semblera grande, ma veritablement et uniquement tres chere Mere, et neanmoins elle ne l'est pas; car il m'a fallu faire tant de despeches et escrire a tant de Praelatz pour Lyon, Nevers, Orleans, Clermont, quil me faut bien haster pour vous rendre mon devoir, ma tres chere Mere; je dis, selon que je le puis rendre..

  A019002196 

 Ma Seur Françoise Marguerite est demeuree Assistante par election et consentement des deux tiers des voix; ma Seur Marie Magdeleine en eut plusieurs, et sans consideration, a mon advis, puis que elle n'est encor point du Monastere, ains seulement de la Congregation, ayant encor demandé terme pour achever ses affaires; ma Seur Marie Andrienne en eut aussi quelques unes.

  A019002196 

 Mais en fin, Dieu voulut que ce fut ma Seur Françoise Marguerite, et il veut tous-jours le mieux; car c'est une bonne femme, sage, constante et veritable servante de Nostre Seigneur; un peu seche et froide de visage, mais bonne de cœur, courte en paroles, mais moelleuse.

  A019002197 

 Mays il faut que je vous die que nostre Seur Peronne Marie est une fille tout a fait admirable, en parole, en maintien, en effectz, car tout cela respire la vertu et pieté..

  A019002198 

 O ma Mere, je crain souverainement la prudence naturelle au discernement des choses de la grace, et si la prudence du serpent n'est detrempee en la simplicité de la colombe du Saint Esprit, ell'est tout a fait veneneuse..

  A019002198 

 Qu'une [264] fille soit de tant mauvais naturel qu'on voudra, mais quand elle agit en ses essentielz deportemens par la grace et non par la nature, selon la grace et non selon la nature, ell'est digne d'estre recueillie avec amour et respect, comme temple du Saint Esprit.

  A019002199 

 Mon Dieu, que nostre grande Fille est admirable! Ell'a regardé ma lettre d'un biays duquel je ne l'ay pas escrit.

  A019002200 

 S'ilz voyoyent la Profession des Benedictins, qui est la Profession des plus anciens et peuplés monasteres, ilz auroyent donq bien a discourir, car il ny est fait mention quelcomque ni des Superieurs, ni des vœux de chasteté, pauvreté et obeissance, ains seulement [265] de stabilité au monastere et de la conversion des mœurs selon la Regle de saint Benoist.

  A019002201 

 Veritablement M me la Presidente de Herce, est ( sic ) ma tres chere fille et comere, est toute aymable devant Dieu et es ( sic ) hommes; je luy escris, et la rayson mesme vouloit bien que je luy eusse plus tost rendu ce devoir.

  A019002202 

 M me la Contesse de Fiesque est une des dames que j'honnore le plus en ce monde; et je sens encor avec suavité l'odeur de sa pieté et vertu, que je receu en deux seules fois que je la vis chez le bon monsieur de Monthelon et chez M me de Guise, et m'estimerois grandement favorisé si je pouvois luy rendre quelque digne service.

  A019002202 

 Son ame est bien appellee de Dieu, et je croy qu'elle correspondra heureusement.

  A019002203 

 Qu'est il besoin de vous dire ni de lhonneur que je porte a nostre chere M me de Villesavin, ni de l'affection que j'ay pour sa pieté? car vous le sçaves bien; et si je puis gaigner un moment, je luy escriray, et a M. son mari qui m'a fait lhonneur de m'escrire.

  A019002204 

 M lle de Frouville sçait bien qu'ell'est tout a fait ma chere fille; ell'a, je m'asseure, sa response.

  A019002206 

 C'est une fille, comme mon frere m'escrit, tout a fait genereuse et sainte..

  A019002207 

 Il est vray, j'ay prié nos Seurs de garder cette grande Peronne, esperant que si les projetz de la reformation de plusieurs Monasteres en ce pais reuscit ( sic ), je pourray treuver quelque moyen de la faire retirer, et l'oster de l'eminent peril d'estre perdue auquel elle seroit si on la renvoyoit a son pere, qui ne menasse de rien moins que l'envoyer parmi les huguenotz, et qui est homme si terrible, que, puisqu'il le dit, on ne luy fait pas tort d'en douter et le craindre.

  A019002209 

 Je vous envoye nostre chere Seur Marie Gasparde d'Avise, avec nos Seurs de la fondation d'Orleans, affin qu'a vostre retour elle vous serve de compagne; car c'est vrayement une fille vertueuse, sincere, modeste et d'un bon secours aupres de vostre chere personne..

  A019002220 

 Ce porteur allant pour representer a Vostre Altesse plusieurs moyens et occasions d'amplifier la gloire de Dieu et le bien des sujetz de Son Altesse, a la ruine de l'haeresie, je ne fay nulle difficulté de supplier tres humblement vostre bonté, Monseigneur, de l'ouïr et de gratifier le dessein qu'il a, si elle juge qu'il soit convenable, puisque je sçai qu'elle affectionne grandement toutes les œuvres de pieté comm'est celle ci..

  A019002233 

 Ce n'est pas escrire que d'escrire si peu, ma tres chere Fille; mais c'est pourtant faire en partie ce que l'on doit quand on fait ce que l'on peut.

  A019002235 

 A la premiere occasion, j'escriray a la chere seur [270] Catherine de Gennes, qui m'est, je vous asseure, toute cherement chere.

  A019002235 

 La pauvre fille, helas! elle est du vray monastere de la croix et volonté de Dieu..

  A019002236 

 Ma tres chere Fille, Dieu m'a rendu vostre, et je le seray invariablement a jamais et tout a fait sans reserve; il est vray, ma tres chere Fille, je le suis plus qu'il ne se peut dire..

  A019002243 

 Dieu nostre Sauveur sçait bien qu'entre les affections qu'il a mises en mon ame, celle de vous cherir infiniment et vous honnorer tres parfaitement est l'une des plus fortes et tout a fait invariable, exempte de vicissitude et d'oubli.

  A019002245 

 Ce n'est rien, ma tres chere Fille, que tout ce que vous me dites de vos petites saillies.

  A019002246 

 Il suffit que nous ne consentions pas d'un consentement voulu, deliberé, arresté et entretenu, et cette vertu de l'indifference est si excellente, que nostre viel homme, en la portion sensible, et la nature humaine, selon les facultés naturelles, n'en fut pas capable non pas mesme [272] en Nostre Seigneur, qui, comme enfant d'Adam, quoy qu'exempt de tout peché et de toutes les appartenances d'iceluy, en sa portion sensible et selon ses facultés humaines n'estoit nullement indifferent, ains desira ne point mourir en la croix; l'indifference estant toute reservee, et l'exercice d'icelle, a l'esprit, a la portion superieure, aux facultés embrasees de la grace et en somme a luy mesme, en tant qu'il estoit le nouvel homme..

  A019002256 

 Oseray-je bien vous supplier de presenter mes tres humbles affections et mon service a madame la Marquise de Menelay? Elle est asses humble pour le treuver bon, et le petit François asses sage pour le luy persuader, et madame de Chenoyse.

  A019002274 

 Et certes, la difficulté est bien fondée, parlant selon la loi ordinaire.

  A019002274 

 Mais il y a une loi supérieure: «Le salut du peuple est la suprême loi,» d'après laquelle j'ose dire qu'on ne saurait rendre un plus grand service à Dieu, au Siège Apostolique et à la sainte Eglise, qu'en usant de dispense en pareil cas et en accordant le bénéfice à ce Prélat: et cela pour deux raisons principales..

  A019002275 

 Aussi, ce doyenné venant à vaquer par la mort de son titulaire, pourrait, par brigues et intrigues, tomber aux mains [276] d'un homme ennemi de l'unité catholique et de l'autorité Apostolique, car il en est beaucoup de cette sorte, très en faveur, et qui pourraient exciter dans cette grande ville de redoutables soulèvements qui s'apaiseraient difficilement ensuite, non sans de tristes conséquences..

  A019002275 

 La première: que l'église Saint-Germain est des plus importantes de Paris, étant la paroisse du Louvre, de la cour et de plusieurs milliers de personnes.

  A019002276 

 L'autre raison est que Monseigneur de Belley est très dévoué à Dieu et à la sainte Eglise, et qu'il a un grand renom dans la capitale comme l'un des meilleurs prédicateurs de France.

  A019002285 

 Ce m'est tous-jours bien de la consolation, ma tres chere Fille, de sçavoir que vostre cœur ne se depart point de ses resolutions, encor que souvent il se relasche a des immortifications; car j'espere qu'a force de s'humilier parmi les signes de son imperfection, il reparera les defautz qu'elle luy apporte..

  A019002296 

 Et si j'eusse eu dequoy luy parler en cela, je l'eusse fait, non seulement pour vous contenter, mais satisfaire a la fidelité que je vous dois; vous asseurant en toute verité, ma tres chere Fille, qu'encor que j'ayme vostre ame d'un amour extraordinaire et lequel est si fort quil ne peut estre dissimulé, si est ce qu'a mon advis, il ne m'aveugle pas pour m'empescher de voir vos tares, si j'avois la commodité de les observer..

  A019002298 

 Ma tres chere Fille, mon ame est toute vostre, et je suis asseuré que la vostre ne sçauroit douter de cette si veritable verité que Dieu Nostre Seigneur a fait et quil fera durer a jamais pour cette vie et pour l'eternité, selon que je l'espere de sa misericorde.

  A019002312 

 Vous scaves la bonne trouppe qui est [partie] d'icy, ou nous avons encor la Seur Peronne Marie, qui est en verité une tres excellente fille.

  A019002315 

 Madame nostre Presidente ma niece est une vraye Seur de la Visitation de dehors..

  A019002315 

 Nostre bon monsieur le Premier est presque tout a fait remis, et attendons qu'il nous assigne le tems pour venir [281] icy a la recreation, et faire le baptesme du petit Charles Chrestien.

  A019002337 

 Je vous parle clairement, puisque le tems en est venu.

  A019002350 

 Je n'avois garde de deviner que cette difficulté deust jamais arriver pour la fondation de Nevers, ma tres chere Fille; car, quelle consequence y a il? Une fille est a [285] Moulins: il faut donq qu'elle et ses moyens y demeurent.

  A019002352 

 Il faut peu vouloir, et petitement, tout ce qui n'est pas Dieu..

  A019002352 

 Je vous asseure, ma tres chere Fille, que cette difficulté ne m'a point tant fasché que pour le desplaysir que je sçai que vous en aves eu; sur le sujet duquel il faut que je vous die que vous lisies un peu le chapitre De la Patience, de Philothèe, ou vous verres que la piqueure des mouches a miel est plus douloureuse que celle des autres mouches.

  A019002354 

 Et en tous evenemens, il faut demeurer en paix dans la volonté de Dieu, pour laquelle la nostre est faite..

  A019002366 

 Nous n'avons pas oublié celuy de ma Seur Anne Catherine, puisque c'est aujourdhuy la feste de sainte Anne, 26 julliet 1620..

  A019002380 

 Mays la consideration de vostre vœu me fait adhaerer au conseil du R. P. Recteur, qui porte, comme vous m'escrivés, que vous [fassies l'un et ne laissies pas l'autre; puisque, comme il est presupposé, il y a suffisamment pour ayder puissamment la fondation de la Mayson de Nevers et pour appuyer et secourir celle de Moulins.

  A019002380 

 Or maintenant, ma tres chere Fille, je voy les ardens desirs de monsieur le Mareschal et de madame la Mareschale de Saint Geran, et encor de monsieur de Palierne et de Messieurs de la ville de Moulins, dont le zele est digne de mille louanges, et la volonté de toute sorte de respect.

  A019002381 

 Continues, ma tres chere Fille; croisses tous les jours en humilité, douceur, pureté, et recommandes souvent a cette celeste Bonté celuy qui vous recommande incessamment a elle, et qui est a jamais, ma tres chere Fille,.

  A019002381 

 Voyla tout ce que je vous puis dire, ma tres chere Fille, demeurant au reste plein d'une sainte satisfaction et, sil est permis de le dire, tout glorieux dequoy on m'asseure si fort que vous faites des merveilles en pieté, et dautant plus que c'est madame la Mareschale de Saint Geran, laquelle est, graces a Dieu, sçavante en ce saint mestier; car je croy que vous ne doutes pas que la tres sincere et invariable dilection que Nostre Seigneur m'a donnee pour vostre ame, me face aymer, cherir et sentir tres passionnement vostre establissement et progres au saint service de sa divine Majesté.

  A019002399 

 Maintenant, M lle du Tertre m'escrit que l'authorité de monsieur le Mareschal et de madame la Mareschale de Saint Geran la retire de son premier projet, et que des dignes theologiens l'asseurent que sa conscience est en liberté pour demeurer ou ell'est.

  A019002399 

 Reste le desplaysir que, parmi cela, ma bonne Seur Jeanne [293] Charlotte peut recevoir d'avoir donné des paroles a Messieurs de Nevers qu'elle ne peut soustenir, car je croy que rien n'est capable d'affliger un'ame bien nee que cela; mays il ny a remede..

  A019002417 

 Or, monsieur de Cheinex, qui succede au fondateur, s'est chargé de faire que Son Altesse commandera qu'en payant a ceux qui praetendent avoir droit en ladite establerie ce qui sera jugé equitable, on la face oster de la, comm'il est bien convenable; et les Peres Cordeliers ont desiré que je vous priasse, si l'occasion s'en presente, de faire encor office pour cela.

  A019002417 

 Vous sçaves l'incommodité que l'establerie de M. de Moyron, attachee a l'eglise de Saint François, apporte, et combien elle est messeante.

  A019002431 

 Non, ne craignes pas que vos sentimens me facent rien faire; car encor que je vous cheris tres parfaitement toutes, si est ce que je sçai bien que vos sentimens ne sont pas vous mesmes, encor qu'ilz soyent en vous..

  A019002433 

 Si c'est M. Scarron, j'espere qu'on en aura de la satisfaction; car bien que je ne le connoisse gueres, si est ce que j'en ay ouy dire de grans biens..

  A019002434 

 Que si je ne vous ay pas fait voir ces lettres, c'est que je n'y ay pas seulement pensé; comme a la verité, cette multitude et varieté d'affaires m'oste la memoire de la pluspart des choses..

  A019002447 

 Certes, s'il se pouvoit, je voudrois tous les jours recevoir des nouvelles de vostre ame et tous les jours vous en donner de la mienne, car je m'imagine que vous ne vives gueres sans afflictions; si est-ce que par le sentiment de mon coeur je connois que le vostre seroit aucunement soulagé par le commerce spirituel qu'il pourroit avoir avec le mien, selon qu'il a pleu a Dieu de me donner une affection toute singuliere pour vous cherir de toutes mes forces..

  A019002448 

 Je voy vostre cœur assis et affermi sur cette verité; c'est pourquoy, bien que d'un costé je ne puisse [298] pas m'empescher de compatir avec vous, puisque veritablement vous estes ma Fille, d'autre part je me glorifie avec vous en la Croix de Nostre Seigneur, puisque vous estes si heureuse que d'y participer; et ne cesseray jamais de prier le Saint Esprit qu'il establisse de plus en plus le vostre en son obeissance [et en son] tres pur et tressaint amour..

  A019002460 

 C'est pourquoy sa Providence est obligee, a sa disposition, de vous tenir de sa main affin que vous fassies bien ce a quoy il vous appelle.

  A019002460 

 Quelle consolation pour vous que c'est Dieu mesme qui vous a faite Superieure, puisque vous l'estes par les voyes ordinaires.

  A019002462 

 Son cœur est grand, et il veut que le vostre y ayt place.

  A019002464 

 Il m'est advis, ma tres chere Fille, que je vay bien a la bonne foy avec vous de vous parler ainsy, comme si je ne sçavois pas que vous sçaves mieux que moy tout ceci; mays il n'importe, car cela fait plus de coup quand un cœur ami le nous dit..

  A019002474 

 Il y a huit ou 9 jours que j'ay eu un peu des incommodités que l'esté a accoustumé de m'apporter; nostre M. Grandis dit que ce n'est rien, et non seulement je le croy fermement, mais je le sens evidemment.

  A019002474 

 Or il est force pourtant qu'en suite j'escrive le moins que je puis; a ce moys prochain, cette reserve me sera ostee..

  A019002476 

 O ma Mere, je vous escriray, et a toutes nos Filles, si tost que nostre bon P. D. Juste sera parti, qui est le plus admirable amateur et admirateur de la Visitation, de nous et de tout ce qui est de nous, quil est possible d'imaginer.

  A019002494 

 Mais puis qu'il vous plait, je l'y contribueray, grandement obligé a vostre bienveuillance de la veritable asseurance que vous prenes de mon affection, qui est toute invariable a vous honnorer fidelement, et a me faire vivre a jamais,.

  A019002528 

 Le vœu n'est pas demeuré entre Dieu et M lle du Tertre; la promesse est passee jusques a Nevers et ell'y a esté acceptee, et en suite de l'acceptation, on a acchepté places, mayson et meubles jusques a dix mille francz, par commission donnee de la part de madamoyselle du Tertre.

  A019002529 

 Et quant a l'obeissance, qui est essentielle, ell'est tous-jours bien douce, ce me semble, quand on est en des monasteres ou les Superieures sont bien conditionnees, principalement aux filles infirmes et qui pour quelque digne sujet sont exceptees..

  A019002530 

 Il n'est pas besoin de se mettre en souci si celles ci ou celles-la y entreront; [308] Dieu, duquel la providence a fait ce buisson, sçait bien quelz oyseaux y doivent chanter ses louanges..

  A019002531 

 Que si ell'est pour Sainte Marie, ell'y treuvera bien aussi de quoy y servir sa divine Majesté..

  A019002533 

 Elle sçait bien que la pretention que j'ay en elle n'est autre chose que son eternelle beatitude, praetention que je la supplie de favoriser de tout son pouvoir.

  A019002549 

 C'est la verité que le vœu de M lle du Tartre ( sic ) ayant esté fait en faveur de Nevers, et ayant esté non seulement accepté, mays en bonne partie executé jusques a l'employ de dix mille francz fait par ordre et procuration de M lle du Tertre, il ny a nulle apparence qu'elle s'en puisse desdire, au moins quant a la part des-ja employee.

  A019002550 

 La pauvre Seur Jeanne Charlotte a esté bien exercee, a ce qu'on m'escrit; et, ce qui est plus deplorable, c'est que l'on a remué ces vieux bruitz qui, comme tres injustes, avoyent esté ensevelis, ainsy que m'escrit ma chere fille de Goufiez, a laquelle je ne puis escrire, me contentant de la saluer de tout mon cœur pour cette fois.

  A019002550 

 O que le monde est inique, a mon gré, et que sa prudence est haïssable, parce qu'ell'est serpentine et nullement associé ( sic ) a la simplicité colombine! O il ny a nul danger que vous traitties toutes ces filles maternellement; elles le reçoivent, je m'asseure, filialement..

  A019002553 

 Helas! la pauvre Seur Marie Magdeleyne est une bonne Seur, mais je ne sçai quand on la pourra tirer de dessus elle mesme.

  A019002553 

 Ma Mere, je suis cruel a nos Seurs d'icy, car je ne les voy point; mais le monde m'est cruel a moy, qui m'apporte tant de tricheries.

  A019002555 

 Je vous vay escrire un article pour ma fille M lle de Frouville et M me de Villeneuve, que vous pourres monstrer a celle ci, car c'est pour le service de la seur que j'ayme tout a fait..

  A019002566 

 Ce m'est une douceur nompareille, ma tres chere Fille, de voir l'operation celeste que le Saint Esprit a faite en vostre cœur, en vostre si forte et genereuse resolution de vous retirer du monde.

  A019002566 

 Cette promptitude de faire la volonté de Dieu est un grand moyen d'attirer de grandes et puissantes graces pour la suite et accomplissement de toute bonne œuvre; et vous voyes, ma tres chere Fille, qu'apres la rude secousse que vostre cœur sentit quand, de vive force, il se desprit de ses sentimens, humeurs et inclinations pour suivre l'attrait superieur, en fin vous voyla toute consolee et accoysee dans le bienheureux buisson que vous aves choysi pour chanter a jamais la gloire du Sauveur et Createur de vostre ame..

  A019002567 

 Ce n'est rien, certes (et je voy bien que vous le croyes ainsy), ce n'est tout a fait rien en comparayson de vostre devoir et de ces immortelles recompenses que Dieu vous a preparees; car, que sont toutes ces choses que nous mesprisons et quittons pour Dieu? En somme, ce ne sont que des chetifz petitz momens de libertés, mille fois plus sujettes que l'esclavage [313] mesme; des inquietudes perpetuelles, et des pretentions vaines, inconstantes et incapables d'estre jamais assouvies, qui eussent agité nos espritz de mille sollicitudes et empressemens inutiles: et ce, pour des miserables jours, si incertains, et courtz, et mauvais.

  A019002569 

 C'est pourquoy vous ne deves point apprehender: Qui vous a donné la volonté, il vous donnera l'accomplissement.

  A019002569 

 Il en reste encor deux: l'une est d'escorcher la victime, despouillant vostre cœur de soy mesme, coupant et tranchant toutes ces menues impressions que la nature et le monde vous donnent; et l'autre, de brusler et reduire en cendres vostre amour propre, et convertir tout en flammes d'amour celeste vostre chere ame.

  A019002569 

 Mays, ma tres chere Fille, il faut que je vous die que vous voyla doucement toute morte au monde, et le monde tout mort en vous: c'est une partie de l'holocauste.

  A019002569 

 Or, ma Fille certes toute tres chere, cela ne se fait pas en un jour, et Celuy qui vous a fait la grace de faire le premier coup, fera luy mesme avec vous les autres deux; et parce que sa main est toute paternelle, ou il le fera insensiblement, ou, s'il vous le fait sentir, il vous donnera la constance, ains la joye qu'il donna au Saint duquel nous faysons la feste, sur la grille.

  A019002585 

 O c'est ainsy, ma Fille tres cherement bienaymee, quil faut servir Dieu, car c'est le servir en Dieu et par l'amour souverainement et incomparablement excellent.

  A019002586 

 Je sçai le fort, vif et tendre amour de vostre cœur envers cette seur, et que cette petite separation luy aura costé des grans effortz, et c'est cela qui me donne mille playsirs en la partie superieure; car en l'inferieure, croyes moy, ma Fille, j'ay treuvé mon sentiment engagé dans le vostre, tant il est vray en un sens tres sincere, que «l'amour egale les amans.» Vous aves donq si bonne part en ce sacrifice aggreable, que je m'en res-jouis tres affectionnement avec vous, et croy que la divine Bonté aura une douce souvenance de vostre holocauste et confirmera vostre conseil, et vous rendra, selon l'intention de vostre cœur, une consolation qui vous fera tousjours croistre en cet amour, ou une force qui, sans consolation, vous fera tous-jours de plus en plus parfaitement servir ce celeste amour..

  A019002601 

 Car je sçai bien, Monsieur, que cette fille vous estoit parfaitement pretieuse, et que vous n'auries peu la donner a la divine volonté que premierement vous ne vous fussies abandonné tout a fait vous mesme a son obeissance, qui est le plus excellent bonheur qu'on puisse souhaitter..

  A019002629 

 Une seule chose me donne à réfléchir: c'est que quelques personnages italiens disent que les chapitres où je traite des jeux, des bals, des amourettes et de semblables amusements et passe-temps, comme aussi celui De l'honnêteté du lit nuptial et la comparaison de la princesse sollicitée, qui se trouve dans le traité des Tentations, conviennent à la légèreté et liberté de la nation française; mais que la retenue et la gravité naturelle des Italiens n'ont pas besoin qu'on parle de tels sujets.

  A019002632 

 Il me fâche que dans cette dernière édition, qui est la sixième, tant d'erreurs se soient glissées en un livre où il n'en faudrait point; car une faute d'impression peut facilement donner un sens faux en matières importantes.

  A019002633 

 Ce n'est pas, certes, faute de sujet; car j'aurais beaucoup à écrire de l'amour du prochain et des choses que j'ai prêchées en trois ou quatre mille sermons faits depuis vingt-huit ans, qui, de l'avis de plusieurs, seraient utiles au bien public.

  A019002633 

 Mais il est [321] impossible sous cette charge pastorale, d'écrire pour faire imprimer.

  A019002634 

 Plaise à Dieu notre Seigneur que la peine prise par Votre Paternité et l'humilité avec laquelle Elle a daigné donner à ce petit ouvrage le beau vêtement italien dont il est orné, devienne très profitable au salut de beaucoup d'âmes..

  A019002634 

 Quant à l' Introduction, il est vrai qu'elle a été très utile en France, en Flandre, en Angleterre; on l'a réimprimée en français plus de quarante fois, en divers lieux; elle a même servi à convertir les hérétiques, comme le remarque le P. Jacques Gaultier, de la Compagnie de Jésus, au sixième siècle de ses Tables chronographiques.

  A019002654 

 En certains endroits, l'imprimeur de Lyon s'est trompé, et, par conséquent, a occasionné des erreurs dans la traduction; je les ai corrigées.

  A019002654 

 Goderon est la fraise qu'on porte autour du cou; et tels autres mots, comme les défenses du sanglier, qui sont les dents qui sortent de sa gueule, lesquelles en français ne s'appellent pas dents, mais seulement défenses; et encore venaison, qui est la graisse et l'embonpoint des cerfs..

  A019002655 

 Les uns disent que les chapitres où je traite des jeux, des bals et de semblables passe-temps, et ceux où il est parlé des amourettes et de l'honnêteté du lit nuptial, comme aussi la comparaison de la princesse sollicitée que je fais dans les chapitres sur la tentation ne sont pas à propos pour l'Italie; car la retenue et la prudence naturelle de cette nation ne permettent pas qu'on fasse de telles choses.

  A019002665 

 Ce monde est tout plein de desplaysirs..

  A019002667 

 M. le sacristain Perret est allé a Cluny, ou il remüe tant quil peut pour son dessein, et de la il veut passer a Rome pour remonstrer a Sa Sainteté ce quil pense propre pour rompre celuy de Monseigneur le Prince..

  A019002670 

 Voyla deux laquais, dont l'un est aucunement cuysinier, et l'autre est bon tailleur.

  A019002673 

 De nostre Pere D. Juste je n'en dis rien, car il sçait bien que c'est un article de foy morale que je suis tres entierement tout sien..

  A019002674 

 Le bon M. du Crest de l'Estoile est mort, et a laissé, comme on me dit, messieurs de Chevron ses heritiers en ce quil peut..

  A019002690 

 Le don sacré de l'orayson est tout prest en la main droitte du Sauveur, soudain que vous seres vuide de vous mesme, c'est a dire de cet amour de vostre cors et de vostre volonté propre; c'est a dire, quand vous seres bien humble, il le versera dedans vostre cœur..

  A019002693 

 Mais que je me sois plaint de vous, certes, je ne l'ay jamais fait, ni n'ay nullement inculqué mon advis, qui est l'advis de tous les theologiens..

  A019002693 

 Or sus, c'est la verité que j'ay escrit une seule fois a N. qu'une aumôsne voiiee et non delivree pouvoit estre en quelque sorte transferee d'un lieu auquel elle estoit destinee en un autre d'egale pieté; mais qu'estant voüee, delivree et executee on ne pouvoit plus s'en desdire, puisqu'une aumosne delivree n'est plus a celuy qui l'a faite, mais, de plein droit et tres certainement, appartient a celuy qui l'a receuë, et sur tout quand il l'a receuë sans condition, ou avec une condition qu'il est prest de son costé d'executer.

  A019002694 

 Aussi vous est il egal de donner ou icy ou la, puisque le Dieu du Monastere de [Nevers] est le Dieu du Monastere de [Moulins], et que toutes les deux Maysons sont egalement a la tressainte Vierge, et a vous, ma tres chere Fille, que je conjure de perseverer a m'aymer constamment en Nostre Seigneur, comme tres invariablement je suis a jamais et sans reserve vostre; et ne cesse point de supplier la tressainte Vierge, la plus aymee Dame du Ciel et de la terre, qu'elle vous ayme et vous rende toute bien-aymee de son Filz, par les continuelles inspirations qu'elle impetrera de sa Majesté divine..

  A019002713 

 Hier bien tard je receu vos lettres, ma tres chere Mere, de la veille de Nostre Dame, et ce matin je vous escris hastivement par le sire Pierre qui va partir; et c'est le 22 de septembre, jour de saint Maurice..

  A019002716 

 Et cette si digne et bonne Princesse les protegeant si favorablement, il m'est advis qu'il ny a qu'a beaucoup attendre de progres pour cette Mayson-la, moyennant la grace de Dieu, [335] qui est le souverain et unique objet de toutes nos confiances..

  A019002716 

 J'espere avec vous, ma tres chere Mere, que nostre Seur Claude Agnes fera bien, et sur tout estant si proche de vous en ce commencement, car il me semble qu'Orleans est un fauxbourg de Paris.

  A019002717 

 Je seray grandement ayse quand je sçauray que vous seres logees, et dedans la ville, puisque mesme c'est le sentiment de nostre bon P. Binet qui a tant de charité pour vous et tant de bonne conduite.

  A019002718 

 Or, il escrit maintenant des choses que les Peres Jesuites de deça et quelques theologiens qui les ont veues [336] jugent devoir estre fort utiles parmi le monde: c'est une besoigne de mesme espece que la Memoire de nostre pauvre Darie.

  A019002719 

 Elle l'est a mon gré tout a fait, non obstant tout ce qu'elle dit contre elle mesme, qui [est] voyrement veritable, mais qui est contrechangé par une si bonne et franche volonté que cela ne tient point de place, et sur tout par ce qu'elle ne l'ayme pas et que un jour tout cela s'esvanouira devant la grace de Dieu.

  A019002719 

 Ma tres chere Mere, salues tres cherement son ame de la part de mon cœur qui est le vostre et qui est sien.

  A019002719 

 Mays Dieu sçait des choses que nous ne sçavons pas: sil est expedient pour sa gloire, il fera possible ce qui nous semble ne le pouvoir pas estre, et s'il laisse cette fille la, il fera pour elle, la, tout ce que nous pourrions desirer.

  A019002719 

 O que mon cœur a esté touché d'une douceur extreme dequoy ma tres chere fille M me de Port Royal a esté avec vous! car il est vray, je luy dis que devant estre a jamais tout a elle, je vous donnois egalement et uniquement aussi avec moy, et j'eusse deu dire en moy.

  A019002748 

 Et parce qu'il aura peut-être besoin de l'autorité de Votre Seigneurie Illustrissime pour réussir, je vous prie de la lui accorder là où elle sera nécessaire, pour l'amour de M. l'Abbé d'Abondance qui me chérit si fort, et pour l'amour de Dieu, dont l'honneur est en partie engagé dans cette affaire..

  A019002761 

 Et je dis ainsy, ma tres chere Fille, en la portion inferieure, parce que c'est celle la qui tient immediatement au cors et qui est sujette a participer aux incommodités d'iceluy.

  A019002761 

 Je ne suis nullement estonné si vostre courage vous semble un peu plus pesant et engourdi, car vous estes grosse; et c'est une verité manifeste que nos ames contractent ordinairement les qualités et conditions de nos cors, en la portion inferieure.

  A019002762 

 Ma tres chere Fille, il ne faut pas estre injuste, ni exiger de nous que ce qui est en nous.

  A019002763 

 Ma tres chere Fille, nous avons a Nessi un peintre Capucin, qui, comme vous pouves penser, ne fait point d'images que pour Dieu et son temple; et bien que travaillant il ayt une si grande attention qu'il ne peut faire l'orayson a la mesme heure, et que mesme cela occupe et lasse son esprit, si est ce qu'il fait ces ouvrages de bon cœur, pour la gloire qui en doit reuscir a Nostre Seigneur et l'esperance qu'il a que ces tableaux exciteront plusieurs fideles a louer Dieu et benir sa bonté.

  A019002763 

 Mais souffres amoureusement ces lassitudes et pesanteurs, en consideration de l'honneur que Dieu recevra de vostre production; car c'est vostre image, qui sera colloquee au temple eternel de la celeste Hierusalem et sera regardee eternellement avec playsir de Dieu, des Anges et des hommes; et les Saintz en loueront Dieu, et vous aussi quand vous l'y verres.

  A019002763 

 Or, ma chere Fille, vostre enfant qui se forme au milieu de vos entrailles sera une image vivante de la divine Majesté; mais ce pendant que vostre ame, vos forces, vostre vigueur naturelle est occupee a cet œuvre, elle ne peut qu'elle ne se lasse et fatigue, et vous ne pouves pas en mesme tems faire vos exercices ordinaires si activement et gayement.

  A019002764 

 En somme, je ne sçai pas ce que mon ame ne pense pas et ne desire pas pour la perfection de la vostre, laquelle, puisque Dieu l'a voulu et le veut ainsy, est certes au milieu de la mienne.

  A019002776 

 C'est une qualité des amitiés que le Ciel fait en nous de ne perir jamais, non plus que la source dont elles sont issues ne tarit jamais, et que la presence ne les nourrit non plus que l'absence ne les fait languir ni finir, parce que leur fondement est par tout: puisque c'est Dieu, auquel j'ay rendu graces tres humbles de vostre vocation et de celle des deux cheres Seurs a un si saint Institut; et sur tout dequoy il vous y maintient avec tant de faveur, que toutes trois vous y rendes du fruit et devenes toutes, les unes apres les autres, Meres en une si honnorable famille, pour l'establissement de laquelle, en France, vostre veritablement sainte mere avoit tant prié et travaillé, comme pour sa finale retraitte et vostre habitation en cette vie.

  A019002779 

 Et pour finir, ma tres chere Fille, ce m'est une satisfaction nompareille que la Superieure et les Seurs de Sainte Marie de la Visitation vous ayent veuë; parce que je sçai que cela les aura toutes encouragees a servir bien le Filz et la Mere de Dieu, a qui elles sont consacrees.

  A019002780 

 C'est asses pour cette fois, car je me prometz de vous escrire souvent, et, si vous me le permettes, de joindre tous-jours le mot de nostre ancienne alliance, vous appellant ma Fille, a celuy que le rang que vous tenes en vostre Ordre vous a acquis; et suis de tout mon cœur a jamais,.

  A019002792 

 At vero multum, Reverende Domine, et jure canonico et decreto Concilii Tridentini cautum est ne quis ad Indulgentiarum publicationem, earum maxime quae cum eleemosynarum collectione conjunctae sunt, admittatur, nisi fidem faciat omni exceptione majorem, de illarum concessione.

  A019002792 

 Yerum, cum ad rem ventum est, ubi ab eo qui litteras illas attulit postulatum est ut facultatis rerum Domus vestrse gerendarum authenticum diploma ac Bullam aut Breve, vel transcriptum concessionis Indulgentiarum proferret, respondit se non habere.

  A019002799 

 Mais quand on est venu au fait et qu'on a demandé au porteur de la lettre de fournir une pièce authentique qui le constituât votre chargé d'affaires, une Bulle ou un Bref, ou une copie de la concession des Indulgences, il a répondu qu'il n'en avait pas.

  A019002811 

 Ce n'est pas que cela ne se soit fait et ne se fasse encor a present loüablement en plusieurs lieux; mays c'est qu'il seroit encor plus louable s'il se faysoit autrement: sur quoy il y auroit plusieurs choses a dire..

  A019002813 

 Et en fin, il me semble que veritablement le Pape sousmis en effect ces bonnes Religieuses de France au [348] gouvernement de ces Messieurs; et m'est advis que ces bonnes filles ne sçavent ce qu'elles veulent, si elles veulent attirer sur elles la superiorité des Religieux, les-quelz, a la verité, sont des excellens serviteurs de Dieu, mais c'est une chose tous-jours dure pour les filles, que d'estre gouvernees par les Ordres, qui ont coustume de leur oster la sainte liberté de l'esprit..

  A019002815 

 O ma tres chere Mere, je salue vostre cœur qui m'est pretieux comme le mien propre.

  A019002832 

 Le sieur de Saunaz, Prieur de Chindrieu en Chautaigne, desire sans fin de consacrer sa personne et son prieuré au service de Dieu et des ames sous l'Institut des Peres de l'Oratoire; et parce que son prieuré est proche de Rumilly, il a jetté ses yeux sur ce lieu-la, duquel la cure estant asses bonne, icelle, jointe au prieuré avec quelques autres petitz benefices, pourroit suffire a l'entretenement de dix ou douze bons ecclesiastiques dudit Oratoire qui auroyent un grand employ en cette ville-la et en tout le voysinage.

  A019002833 

 Yostre Altesse sçait combien cette supplication est juste; qu'il soit donq son bon playsir de la faire reuscir, tandis que nous prions Nostre Seigneur qu'il la conserve et face de plus en plus prosperer..

  A019002846 

 Je croy bien que M me de Soyssons ne vous [a] ni favorisees ni defavorisees, sur tout si vous ne l'aves priee de rien; mays a quelque chose malheur est bon.

  A019002846 

 Or sus, il est certain que je feray le voyage de France, mais non pas si tost: dont je suis bien ayse, car cependant il se pourra faire que le Roy ira a Paris, unique moyen de nous y faire aller aussi.

  A019002864 

 Ce m'est une douceur toute aggreable de penser a cela, ma tres chere Fille, et supplie sa divine Majesté qu'elle me face la grace de bien correspondre a ses bien-faitz et au soin qu'ell'a d'appuyer mon pauvre chetif courage par l'association qu'il luy donne avec plusieurs ames, et particulierement avec la vostre, a laquelle je suis lié d'un nœud indissoluble.

  A019002864 

 Certes, il est vray que vostre inopinee visite de Belley, ma tres chere Fille, me laisse tout plein de sainte consolation.

  A019002864 

 O que les affections celestes ont bien d'autres effectz et d'autres consequences que les humaines! Beni en soit le nom de Dieu qui en est l'autheur et le conservateur.

  A019002875 

 Je le croy bien, ma tres chere Fille, que ce seroit vostre advis que nous vous ostassions la charge de Mere, mais il n'est nullement le nostre.

  A019002876 

 Vostre cœur est naïf, rond et sincere.............Soulages vostre pauvre cœur, que j'ayme parfaitement et paternellement........

  A019002877 

 O ma pauvre fille Peronne, si les vers avoyent blessé vostre cœur, vous series morte, car cette partie, qui est la premiere a recevoir la vie et la derniere a la perdre, n'est jamais piquee pour peu que ce soit qu'elle n'en meure, et par consequent celuy en qui elle est.

  A019002886 

 O ma Fille, que le monde appelle souventesfois bien ce qui est mal, et encor plus souvent mal ce qui est bien!.

  A019002888 

 En somme, graces a Dieu, il y a mal de tous costés; mais mal qui est un grand bien, comme j'espere.

  A019002905 

 Tout est doux aux doux, et tout est saint aux saintz..

  A019002915 

 C'est cela que dit la Mere Therese; car se plaindre, ce n'est pas dire son mal, mais le dire avec des lamentations, doleances et tesmoignages de beaucoup d'affliction.

  A019002915 

 Il est vray, sans doute, l'humilité, la patience, l'amour de Celuy qui nous donne la croix, requierent que nous la recevions sans en faire des plaintes; mais voyes vous, ma tres chere Fille, il y a difference entre dire son mal et s'en plaindre.

  A019002915 

 On le peut donq dire, ains, en beaucoup d'océasions on est obligé de le dire, comme on est obligé d'y remedier; mais cela se doit faire paysiblement, sans l'aggrandir par paroles ni plaintes.

  A019002917 

 VIVE JESUS! N'est ce pas nostre mot de guet? Non, rien n'entrera dans nos cœurs qui ne die en verité: VIVE JESUS! Il sçait, ce doux Sauveur, que je suis en verité tout vostre..

  A019002936 

 Je ne doute nullement que Vostre Altesse Serenissime ne sache qui est le sieur collateral Flocard, qui aura [363] lhonneur de luy presenter cet escrit.

  A019002950 

 Mais puisqu'il le desire, je ne laisseray pas [364] de rendre veritable tesmoignage a Vostre Altesse, qu'il est tous-jours luy mesme en probité, fidelité et constance pour cette affection, et certes, digne d'estre confidemment employé..

  A019002957 

 Ce n'est icy qu'une lettre d'attente, ma tres chere Fille, pour seulement vous dire qu'au premier jour je respondray par le menu a toutes celles que vous m'aves fait la consolation de m'escrire jusques alhors.

  A019002958 

 Vous pourres ce pendant respondre a Monseigneur l'Evesque, que ces bonnes filles de Moulins, comme vous aussi, n'estes la que pour faire le service de la fondation, et que quand le Monastere sera establi, vous pourres [retourner] en vos Maysons de profession, ou [l'on vous recevra]; et que partant, il ne faut rien demander pour ces [filles] la a la Mayson de Moulins, qui demeure oblig[ee de les] recevoir quand elles retourneront.....Il semble qu'il n'est pas [a propos de presser] nostre Seur Marie Aymee de Morville; ains qu'elle mesme laisse librement les dix mille francz..

  A019002989 

 Ayant sceu que M. le Prieur de Rumilly inquietoit le sieur Curé dudit lieu pour certaine reconnoissance qu'il prœtend de luy, j'ay creu que je vous devois rendre ce veritable tesmoignage, que la cure de Rumilly n'est plus au Curé (bien que, comme il est raysonnable, les fruitz luy soyent reservés), puisque il l'a resignee par supplication qu'il m'a faite de l'unir au Chapitre ou cors des Altariens de cette eglise-la, et que j'ay fait toutes les formalités praeparatoires a laditte union, delaquelle les finales expeditions seroyent signees et mises en execution, si Monseigneur le Serenissime Prince ne m'eust fait sçavoir que, voulant faire unir quelques autres pieces [370] pour le plus grand bien de cette eglise, il desiroit que j'attendisse pour un peu, affin de faire tout ensemble ce qui sera requis..

  A019002990 

 Mays cependant, en un'assemblee que les ecclesiastiques de Rumilly et les scindiques firent devant moy, monsieur le Prieur traitta de toutes ses pretentions, en cas de l'union de la cure, laquelle est a la veille d'estre faite, puisque je n'attens que le commandement de Monseigneur le Serenissime Prince qui ne doit pas tarder.

  A019003008 

 Je le fay donq autant quil m'est possible..

  A019003027 

 En somme, c'est avoir certains papiers, inutiles a vous, Monsieur, ou je suis le plus trompé homme du monde, et utiles a moy qui, apres mon retour d'un voyage forcé que je vay faire, auray bien peut estre lhonneur de vous offrir mon service en presence, comme, absent et present,.

  A019003042 

 Et non seulement l'experience, mais la rayson nous apprend que les filles si jeunes estant reduites sous la discipline d'un Monastere, qui est ordinairement trop disproportionnee a leur enfance, elles la haïssent et prennent a contrecœur.

  A019003042 

 Si elles desirent par apres de prendre l'habit, ce n'est pas par le vray et pur motif que requiert la sainteté de l'Institut..

  A019003042 

 Vous pouvés, avec la permission de Monseigneur [374] l'Evesque, recevoir la petite fille qui est d'un naturel si bien conditionné, selon que vous me dites, que l'on doit esperer qu'il n'en arrivera point d'inquietude a la Religion; mais, ma tres chere Fille, il faut tout a fait eviter de recevoir des autres filles avant l'aage, car Dieu n'a pas esleu vostre Institut pour l'education des petites filles, ains pour la perfection des femmes et filles qui, en aage de pouvoir discerner ce qu'elles font, y sont appellees.

  A019003043 

 Et ne s'ensuit pas que ce qui s'est fait pour cette fois [375] il le faille faire pour des autres, non plus qu'il ne s'ensuit pas qu'un homme s'estant chargé d'une juste charge pour un amy, il doive se surcharger d'une seconde charge pour un autre amy; et ceux qui le seront aussi de vostre Institut auront patience jusques a ce que les enfans soyent d'aage convenable.

  A019003045 

 Pour la fondation de Roan, il en faut escrire a nostre Mere, puisque Roan est au dela de Paris, et que d'envoyer des filles d'icy-la il auroit bien de la peine..

  A019003048 

 Il ny a nul mal de demander aux Novices comm'elles se portent; mais quand elles marquent des maux de nulle consequence, il ne faut pas les attendrir, ains simplement leur dire: Vous seres bien tost guerie, Dieu aydant; puisque, a la verité, le sexe est merveilleusement enclin a se plaindre ou a desirer d'estre plaint, et c'est la verité que ces tendretés prennent leur source de paresse et amour propre.

  A019003049 

 Ecoute, ma fille, et voy, et abbaisse ton aureille, et oublie ta mayson; et le Roy te desirera, car il est ton Dieu: c'est a dire, il te ferareyne, car il est bon.

  A019003049 

 Or, il n'en est pas tems au commencement de vostre besoigne.

  A019003052 

 L'esprit humain fait tant de destours sans que nous y pensions, que il ne se peut quil ne face des mines; celuy pourtant qui en fait le moins est le meilleur.

  A019003052 

 Si quelquefois elle est difficile a traitter en ses incommodités corporelles, petit a petit cela passera.

  A019003053 

 Il ny a nul danger, ains il est expedient de faire dextrement bien concevoir au Pere spirituel l'importance de la Constitution De la Clausure, toute tiree du sacré Concile de Trente, et de mesme a Monseigneur l'Evesque..

  A019003055 

 Mays les personnes estant discrettes et de condition, en les advertissant de ce defaut, qui a la verité y est grand, vous pourres selon vostre prudence les prester..

  A019003056 

 Il ne se faut pas laisser peindre, si Monseigneur l'Evesque ne le commande ou vostre Pere spirituel, auquel vous pouves obeir en cela comm'es autres choses indifferentes, c'est a dire qui ne sont pas contre l'Institut.

  A019003057 

 Il faut, a la verité, bien reverer l'Evesque, establi superieur en l'Eglise par le Sacrement de son Ordre, c'est a dire par le Saint Esprit, comme dit saint Paul, et par la Regle propre et par la Constitution; et Dieu benira vostre obeissance, qui est l'obeissance des Religieux anciens..

  A019003058 

 Il ne faut pas dire au Confiteor: et beatum Augustinum, par ce que vostre Congregation est sous le tiltre de Sainte Marie de la Visitation, quoy que sous la Regle de saint Augustin.

  A019003059 

 Il n'est pas necessaire de donner les Constitutions aux praetendentes qu'en les leur expliquant.

  A019003059 

 La filosophie des bains de cette bonne fille est gratieuse; en somme, il ny a rien qu'un esprit foible ne glose; on ne peut remedier a telles nyayseries qu'avec la patience d'inculquer la verité..

  A019003062 

 Vostre sentiment est le mien: il ne faut pas recevoir les riches au choeur par ce qu'elles sont riches, mais par ce qu'elles ont le talent d'y servir; et si elles ne l'ont pas: qu'elles soyent des Associees si elles sont foibles, ou vielles, ou maladives; si elles sont fortes, qu'on les puisse employer au service de la Mayson, ou du moins a cooperer aux Domestiques si quelque consideration les fait mettre parmi les Associees, comme seroit leur delicatesse, ou la bonté de leur esprit qui les rendra habiles a servir de Superieure ou aux autres offices, hors celuy d'Assistente.

  A019003064 

 On peut recevoir Associees les femmes et filles qui ne sçavent pas lire, car tout ce qui est dit de la lecture s'entend pour celles qui sçavent lire..

  A019003092 

 Est il possible que cest esprit se soit ainsy perdu? Il me disoit tant qu'il ne seroit jamais autre chose qu'enfant de la sainte Eglise Romaine, quoy qu'il creust que le Pape excedast les bornes de la justice pour estendre celles de son authorité.

  A019003092 

 Et cependant, apres avoir crié qu'il ne failloit pas que le supreme Pasteur, officier en l'Eglise, entreprist de delivrer les sujetz de l'obeissance du supreme Prince de la Republique, pour aucun mal qu'il fist: luy mesme, pour des abus pretendus, se va rendre rebelle a ce supreme Pasteur, ou, pour parler selon son langage, a tous les Pasteurs de l'Eglise en laquelle il a esté baptizé et nourri! Luy qui ne treuvoit pas asses de clarté, disoit il, es passages de l'Escriture, pour l'authorité de saint Pierre sur le reste des Chrestiens, comme s'est il allé ranger sous l'authorité ecclesiastique d'un Roy duquel l'Escriture n'a jamais authorisé la puissance que pour les choses civiles? S'il treuvoit que le Pape excedoit les bornes de son pouvoir, entreprenant quelque chose sur le temporel des Princes, comme ne treuve-il pas que le Roy sous lequel il est allé vivre excede les limites de son authorité, entreprenant sur le spirituel?.

  A019003092 

 O Dieu, mon tres cher [381] Frere, que de douleurs a mon ame quand je l'ay leüe! Certes, il est vray que de ma vie je n'ay eu un si fascheux estonnement.

  A019003093 

 Est il possible que ce qui ramena et maintint saint Augustin en l'Eglise n'aye peu retenir cest esprit? Est il possible que la reverence de l'antiquité et l'abjection de la nouveauté n'aye point eu le pouvoir de l'arrester? Est il possible qu'il aye creu que l'Eglise ayt tant erré, et que les huguenotz ou Anglo-calvinistes ayent si heureusement rencontré par tout la verité, qu'ilz n'ayent point erré en l'intelligence de l'Escriture? D'ou peut estre venue cette si universelle connoissance du sens de l'Escriture en ces testes-la, es matieres de nos controverses, que par tout ilz ayent rayson, et nous tort par tout, en sorte qu'il nous faille quitter pour adherer a eux?.

  A019003111 

 O que l'establissement des Peres de l'Oratoire reuscira heureusement a Thonon et a Rumilly, et comme Dieu [384] le favorisera! car voyla M. le Prieur dudit lieu qui, ce soir, m'est venu dire qu'en le recompensant, il donnera son prieuré pour les intentions de Son Altesse.

  A019003113 

 Au reste, en fin M. du Chatelard est Doyen, avec mille contradictions et avec autant de promesses d'y faire des merveilles, et a moy de faire tout ce que je luy conseilleray..

  A019003114 

 Certes, tandis que sa praetention durera et quil y aura apparence qu'elle doive reuscir, non seulement je ne voudrois luy nuire, mais je voudrois le servir de mon sang propre; car, comme sa mere est ma tres chere fille, je le cheris aussi comme mon filz..

  A019003114 

 Le bon M. Buccio m'a prié de le vous recommander en son affaire, que son frere vous dira, et qui est, ce me semble, grandement favorable.

  A019003115 

 Nostre Seur Marie est toute guerie et reprend grandement son bon visage..

  A019003128 

 Ce jeune homme [ne s'est jamais voulu gouverner a mon gré, tous-jours il a] repoussé le joug tres doux de Nostre Seigneur.

  A019003128 

 O la vanité de l'esprit humain tandis qu'il se fie en soy mesme! O que les hommes sont vains quand ilz se croyent eux mesmes! Il est expedient que scandale arrive, mais malheur a celuy par qui il arrive.

  A019003129 

 En somme, le jugement est une partie rare, tous-jours accompaignee de meureté et d'humilité.

  A019003129 

 Il escrit luy mesme sa perte a [mon frere,] avec [387] tant de respect, de sousmission et de courtoysie que rien plus, et avec ces termes: «Je me separe de la communion de l'Eglise pour me retirer en Angleterre, ou Dieu,» dit il, «m'appelle.» Qui ne gemiroit sur ce mot la: «Je me separe de la communion de l'Eglise»? puisque se separer de l'Eglise, c'est se separer de Dieu.

  A019003129 

 Or sus, peut estre n'en sçaves vous rien encor: s'il est ainsy, n'en sçaches donq rien, ma tres chere Mere, et demeures en paix..

  A019003130 

 Je salue tres parfaitement madame N., a laquelle je dis par vostre entremise, n'ayant nul loysir, que sa retraitte est comme une datte, qui en fin produira une belle palme de triomphe, mais peut estre seulement d'icy a cent heures, ou a cent jours, ou cent semaines, ou cent moys; et les contradictions qu'elle a eues serviront a cela..

  A019003130 

 Ma Mere, resalues la de ma part cherement, et luy faites sçavoir que je la cheris tres cordialement, et la croix sur laquelle elle est.

  A019003144 

 C'est Dieu, ma tres chere Seur, qui a conduit M. de Saunaza l'Oratoire, et je l'en remercie profondement, [389] estimant que ce jeune gentilhomme y servira tres fidelement la gloire de son nom..

  A019003145 

 En Italie, on a conneu manifestement que les Monasteres de filles n'estoyent nullement si bien sous la conduitte des Peres de leur Ordre que sous les prestres et autres Ordinaires; le pourquoy est long a dire, mays il est manifeste..

  A019003145 

 Qui est bien, s'y doit tenir de pres.

  A019003159 

 Et si l'envie pouvoit regner au royaume de l'amour eternel, les Anges envieroyent aux hommes deux excellences qui consistent en deux souffrances: l'une est celle que Nostre Seigneur a enduree en la croix pour nous, et non pour eux, du moins si entierement; l'autre est celle que les hommes endurent pour Nostre Seigneur: la souffrance de Dieu pour l'homme, la souffrance de l'homme pour Dieu..

  A019003163 

 Il n'est pas infidele, ma tres chere Fille, mays il est un peu foible quelquefois, et un peu assoupi.

  A019003184 

 L'aspreté du tems et la grandeur des neiges ont retenu comme par vive force le bon M. l'Abbé [jusques] a present, mon tres cher Frere; et ce qui me desplait en ceci, c'est qu'il n'arrivera pas asses tost pour vous donner la commodité de nous faire jouir de vostre chere presence pour ces premieres festes.

  A019003187 

 Tenés aujourd'huy,........pour toutes asseurances de la triomphante sortie de M. Bonfilz, qui est a mesme tems establi General des Finances, avec un si extreme credit que nul ne pourra plus vivre que par sa bonne grace.

  A019003187 

 Toutefois, plusieurs ne veulent croire cette si soudaine metamorphose; et, quant a moy, je ne diray sinon: peut estre qu'il est vray, et peut estre que non..

  A019003188 

 C'est une merveille qu'en ce païs on ne sçait encor point la deplorable adventure de M. de [Granier]; car, quant a moy, je la cele le plus que je puis, affin de n'infecter point l'air d'une si puante nouvelle.

  A019003190 

 M. Perret est grandement malade; et s'il mouroit, il y auroit danger qu'on impetrast sa place a Rome, comme il l'impetra luy mesme..

  A019003193 

 C'est pourquoy je le vous recommande de tout mon cœur, et vous prie de me tenir en la bonne grace de madame de Sarsenas qu'on m'a dit estre grosse, dont je me res-jouis grandement..

  A019003195 

 M. l'Abbé de Six est en fin trespassé, et on m'a dit que M. l'Esleu ne demeure pas sans affaires avec les Religieux qui ne le veulent pasreconnoistre, parce qu'ilz croyent qu'il n'a pas ses permissions de Rome..

  A019003196 

 C'est aujourd'huy le jour anniversaire de mon sacre, par lequel je commence la dix neufviesme annee..

  A019003209 

 Je prise trop l'honneur de vivre en vostre souvenance, pour laisser partir monsieur de Barraux sans luy donner ces quatre motz de tesmoignage de celle que j'ay de vous, laquelle est tous-jours accompaignee d'un extreme desir de vous rendre service, si mon bonheur m'en laissoit arriver quelqu'occasion.

  A019003237 

 L'extreme desolation qui est en la Sainte Mayson de Nostre Dame de Thonon ne peut recevoir remede que de vostre serenissime providence: la pauvreté y est demesuree, et les enfans du Seminaire tout fin nuds, deschaux et transis de misere; les prestres de la Mayson et les Peres Barnabites n'ont justement que pour manger et habiter, et non pour se vestir, et le reste va tres mal en point; mays, ce qui est le pis, c'est que cette calamité y fait naistre une lamentable desunion, tandis que chacun s'essaye de tirer a soy le peu de moyens et d'argent qu'on y porte.

  A019003237 

 Le remede, Monseigneur, a ce mal qui, a la verité, est de plus grande consequence qu'il ne semble, consiste en ces pointz:.

  A019003238 

 Il est vray encor, avec tout cela, Monseigneur, que la mauvayse intelligence des membres de cette [399] Mayson et la mauvaise conduite de ses affaires l'apauvrit de plus en plus..

  A019003254 

 C'est tous-jours ainsy, ma tres chere Mere, que je vous escris sans loysir et sans haleyne; voyla que M. du Tellier, gentilhomme de M me de Mercœur, envoye prendre mes lettres, et faut que je les finisse avant que de les avoir commencees..

  A019003256 

 Que je seray content si je vous puis voir bien logees! L'hostel de messieurs Zameth n'est, ce me semble, que trop beau; neanmoins, a faute d'un asses beau, il se faudra contenter d'un trop beau.

  A019003257 

 Par la premiere occasion, je vous supplie, un peu des nouvelles de madame la Generale des Galeres, de M lle de Frouville et de madame de Villesavin, et de M lle de Montigni, si ell'est tous-jours malade ou non..

  A019003258 

 Mais il ne faut pas qu'elle nomme la Religion en laquelle elle se veut retirer, ains seulement qu'elle die qu'ayant la licence elle se retirera en un Monastere, pour y faire profession, auquel l'observance est en vigueur.

  A019003258 

 Que ne ferois-je pas pour contenter son cœur! Voyci mon advis: puysque elle n'a jamais peu croire que ce fut la volonté de Dieu qu'elle demeurast en cet Ordre, et que parmi toutes ses actions de vœux, de Profession, de susception de charge ell'a tous-jours excepté devant Dieu de se retirer dudit Ordre a la premiere bonne occasion, je pense qu'elle fera donq bien de faire un essay pour cela, et de faire escrire a Rome pour avoir dispense, laquelle, si ell'exprime bien son intention, ne sera pas, si je ne me trompe, difficile d'estre obtenue; car quand elle dira que ce n'est pas pour retourner au monde, mais pour se retirer en une Religion en laquelle l'observance religieuse est en vigueur, il ny aura rien a dire.

  A019003259 

 Mays, ma tres chere Mere, voyci un fascheux rencontre, car il seroit expedient que cette fille fut un peu assistee et dressee par vostre amour tout affectionné; et neanmoins, voyla qu'a Turin le Monastere est accepté, et le P. D. [Juste].....................................................................

  A019003261 

 Helas! il n'est nullement vray que je me soys fasché en la partie superieure des advis que vous m'aves envoyés sur les Constitutions; mais ayant de prim'abord jetté les [403] yeux sur celuy de l'exclusion des maladives, qui est tout a fait contre mon esprit et sentiment, je dis par un'inconsideree soudaineté: Qui laissera gouverner la prudence naturelle, elle gastera la charité et ne sera jamais fait..

  A019003274 

 Ce qui m'en desplait le plus, c'est le mespris de la justice, et que, sans ma coulpe, j'en aye esté l'occasion.

  A019003274 

 Vous aures sceu ce qui s'est passé de la part de monsieur le Baron de Tornon envers monsieur de la Valbonne.

  A019003276 

 En somme, c'est cela qu'il faut faire pour fleurir et fructifier..

  A019003295 

 Quand vous escrires a la Mere qui est allee a Xaintes, je vous prie de l'asseurer de lhonneur et amour que je porte a sa pieté.

  A019003296 

 Certes, dit saint Augustin a ses Filles, vous aves pris naissance, nourriture et accroissement ainsy, pour la plus grande gloire de Dieu et l'establissement de vostre salut: demeures donq ainsy, mes bienaymees, et qui est bien, qu'il ne se meuve pour rien que soit, de peur qu'au lieu de mieux on treuve le mal..

  A019003307 

 Vous devries pleurer si on vous les vouloit oster.» Ce n'est pas que je veuille faire l'arbitre en un differend porté de part et d'autre de tant de gens; mais je vous parle comme a mon ancienne et cordiale fille, en toute confiance..

  A019003319 

 Faites belle moysson pendant qu'il en est la sayson, recueilles bien les benedictions des contradictions; vous proffiteres plus ainsy dans un jour, que vous ne feries en dix d'une autre sayson..

  A019003319 

 Or sus, demeures en paix, souffres en paix, attendes en paix, et Dieu, qui est le Dieu de paix, fera reuscir sa gloire au milieu de cette guerre humaine.

  A019003373 

 Hinc est quod Nos felici, prosperoque Domus Beatae Mariae Compassionis, seu Septem Dolorum nuncupatae, presbyterorum saecularium, loci Tonnonis, Gebennensis dioecesis, regimini et gubernio prospicere volentes, ac de tua singulari fide, prudentia, doctrina et religionis catholicae zelo plurimum in Domino confisi, Tibi per prsesentes committimus et mandamus, ut tanquam noster et Apostolicse Sedis delegatus, dictam Domum, omnesque et singulos illius superiores, presbyteros aliasque personas etiam Nobis et dictas Sedi immediate subjectas tam in capite quam in membris, semel tantum, auctoritate Apostolica visites ac in illorum statum, vitam, mores, ritus et instituta diligenter inquiras, necnon evangelicae et apostolicae doctrinae, sacrorumque [417] Canonum et generalium Conciliorum et praesertim Tridentini decretis ac Sanctorum Patrum traditionibus, dictaeque Domus regularibus institutis a Sede Apostolica approbatis inhaerendo, quacumque mutatione, correctione, emendatione, revocatione et renovatione indigere cognoveris, reformes, mutes, corrigas et etiam de novo condas ac condita sacris Canonibus et Concilii Tridentini decretis et regularibus dictae Domus institutis non repugnantia confirmes; abusus quoscumque tollas; regulas, institutiones et ecclesiasticam disciplinam, ubicumque illse exciderint, modis congruis restituas et reintegres; ipsasque personas ad debitum et honestum vitae modum revoces, et quidquid statueris et ordinaveris observari facias; inobedientesque, per censuras ecclesiasticas aliaque opportuna juris et facti remedia, cogas et compellas; aliaque in praemissis et circa ea necessaria quomodolibet et opportuna facias, geras et exequaris.

  A019003421 

 Je connois de vue celuy qui le poursuit, lequel, avec toutes les bonnes qualités que vous luy donnes, est de tres mauvaise mine..

  A019003441 

 Dautant que l'Evesché de Geneve est de tres grand poidz et tire appres soy beaucoup de soing et de travail, tant pour la grande estendue de sa diocese que la voysinance de l'heresie de Geneve, outre les grandes fatigues que tres Reverend nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur, Messire François de Sales, moderne Evesque, faict aux predications et autres exercices spirituelz pour exciter les ames a luy commises a leur perseverance a la devotion: il Nous a semblé luy estre grandement necessaire un Coadjuteur, et que Nous ne pourrions faire nomination de personne plus digne et de plus de merite que de Reverend nostre tres cher, bien amé et feal, devot Orateur Jean François de Sales, frere dudict Evesque et premier Aulmosnier de Madame; lequel, pour sa bonne vie, doctrine et autres vertuz, et pour satisfaire au desir dudict Evesque, Nous avons nommé et presenté, et par ces presentes, en vertu du droict de nomination qui Nous appertient sur ledict Evesché, nommons et presentons a Nostre Tressainct Pere le Pape, pour Coadjuteur et futeur successeur audict moderne Evesque et Evesché de Geneve, suppliant Sa Saincteté de le vouloir aggreer et luy faire expedier ses Bulles et provisions a ce necessaires, moyenant lesquelles Nous voulons qu'il soit receu, admis et maintenu en la plaine et legitime jouissance de ladicte coadjutorie, aucthoritez, prerogatives et autres choses quy en despendent, sans aucune difficulté: car ainsy Nous plait..

  A019003564 

 La Mère de Chantal savait de quels ménagements il fallait user avec une âme qu'on voulait sauver à tout prix; elle connaissait d'ailleurs l'incomparable condescendance de François de Sales, et, sans craindre de trop l'engager, elle écrit à M me du Tertre le 24 mars 1620: «Ne doutez point que notre bon Père ne vous concède votre désir selon toute l'étendue de son pouvoir, qui est toujours de plusieurs années.» Avec prudence, la Fondatrice ajoute: «Mais nous nous assurons que Dieu vous ayant confirmée en son saint amour pendant plusieurs années, vous fera aimer la conservation des Règles.» La réponse de l'Evêque de Genève est identique: «Que celte chere Mere soit Superieure, j'y consens sans difficulté; mays que cela se puisse faire si absolument comme vous m'en parles, je n'en sçay pas les moyens... Mais... faites ce que» Dieu «vous a inspiré pour sa gloire, et ne doutés nullement qu'il ne face pour vostre bien ce qui sera le meilleur.».

  A019003568 

 Peut-être ces arrêts n'étaient-ils pas tout à fait contre le gré de la prisonnière! — «J'eusse grandement souhaité qu'elle n'eût bougé de notre maison,» écrivait la Sainte à M. de Palierne, «assuré que l'on doit être que c'est un lieu où l'on ne force personne; mais bien, puisque Dieu a permis cela, patience! Nous vous supplions toutefois que, puisqu'elle est résolue de continuer sa bonne volonté, elle y retourne au plus tôt.».

  A019003569 

 Si maintenant elle est persuadée par d'autres raisons et inclinations, qu'elle les suive; mais je vous supplie que ce soit en sorte qu'il ne s'ensuive point de brouillerie ni de procès.

  A019003569 

 Vrai Dieu!... que ces soulèvements ont touché mon cœur!» Et mettant le doigt sur la plaie: «Quoi! il n'est question que d'argent! Et qu'est-ce que cela? Si M me du Tertre en veut plus donner à Moulins qu'à Nevers, au nom de Dieu soit-il! cela nous est indifférent; nous chérissons nos Maisons également, et la chère dame sait bien que c'est son pur mouvement qui l'avait portée à Nevers.

  A019003570 

 C'est pourquoi, ma très chère Fille, je vous conjure que, pour éviter les maux et embarrassements que je prévois, vous laissiez à la Maison de Nevers ce que vous lui avez déjà donné irrévocablement, et ce que vous ne pouvez lui ôter sans faire soulever de grandes mutineries en ce lieu-là: chose qui nous serait insupportable et nous ferait tout quitter...Il restera assez à Moulins, et la Supérieure que Monseigneur de Genève a envoyée vous donnera pleine satisfaction, n'en doutez point.».

  A019003570 

 J'en serais consolée si tout se fût passé paisiblement; car, quel intérêt en tout cela?... L'une des Maisons nous est chère comme l'autre, et nous ne demandons, sur toutes choses, que la paix pour vivre tranquillement en nos petites observances.

  A019003571 

 Elle pousse à la roue et travaille si bien pour arriver à ses fins, qu'une seconde fois la condescendance des saints Fondateurs surnage au-dessus de toutes les difficultés; l'échange des obédiences est autorisé, mais l'Evêque de Genève demande cependant pour la Mère de Bréchard un séjour «d'un mois ou deux» à Nevers, afin d'aider à l'installation.

  A019003575 

 C'est que tout, en effet, était prêt de renverser.


20-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XX-Vol.10-Lettres.html
  A020000050 

 — Il est le principe et la vie de toutes choses.

  A020000050 

 — Qu'est-ce que Dieu? — Sa présence en ce monde.

  A020000056 

 — la sagesse de Dieu, c'est la folie de la Croix.

  A020000060 

 — Le Duc est supplié d'y mettre ordre. 61.

  A020000077 

 — Pourquoi nous est donnée la vie en ce monde. 75.

  A020000089 

 — Il faut souffrir les lenteurs des officiers de la Cour de Rome, puisqu'on s'est inopportunément mis à leur merci.

  A020000111 

 — Hors de la Providence divine, tout n'est qu'affliction. 108.

  A020000117 

 — C'est à la Sainte à juger de l'opportunité de son retour ou de la prolongation de son séjour à Paris.

  A020000121 

 — Ce qui ne nuit point au salut est « bien peu considerable.

  A020000124 

 — Qu'est-ce que la foi nue et simple? — Comment « vivre en verité et non point en mensonge.

  A020000162 

 — Quel est le « passeport des filles de Jesus Christ.

  A020000163 

 — A quoi il est utile d'employer sa vie lorsqu'elle doit être courte.

  A020000175 

 — C'est la suite et la persévérance qui témoignent de la bonté des dispositions.

  A020000198 

 MCMXXVI. A Sa Sainteté Grégoire XV. Ce qui s'est fait au Chapitre général tenu à Pignerol.

  A020000207 

 — La seule impuissance de méditer n'exclut pas du cloître — Ce n'est pas sans raison ni pour fâcher le père que la Supérieure se décide à ne pas recevoir la fille. 202.

  A020000211 

 — C'est à Dieu de conduire sa fille àla vie religieuse.

  A020000218 

 En ne s'attachant qu'à la volonté de Dieu, on se trouve bien partout, et partout l'on est en sûreté de conscience.

  A020000302 

 Expetiit et expetit impensissime umbraculum protectionis Illustrissimæ Dominationis Vestræ, et quia me ejusdem cultorem addictissimum cognovit, petiit ut litteris opem istam charitatis Illustrissimæ Dominationis Vestræ exposcerem; id quod vestra humanitate fretus facio quam humillime, sciens quia Vestra Illustrissima Dominatio libenter oculus est cæco, pes claudo.

  A020000315 

 Si c'est pour vous une charge, ne vous en prenez qu'à vous-même, Illustrissime Seigneur, qui avez voulu être tel que vous êtes..

  A020000345 

 Il est d'ailleurs de bon esprit, doux, gai et pieux.

  A020000345 

 Nous avons ici un jeune homme d'une famille honorable, qui m'est cher pour plusieurs raisons, mais surtout parce qu'il est bon [6] séculier et très dévot.

  A020000345 

 Or, il souhaite extrêmement pouvoir entrer dans votre Congrégation, et craint néanmoins de n'être pas reçu, étant eunuque dès le sein de sa mère; c'est pourquoi il veut que je supplie Votre très Révérende Paternité d'être favorable à ses pieux désirs.

  A020000346 

 C'est en priant Dieu notre Seigneur d'accorder à Votre Paternité et à toute sa Congrégation un véritable accroissement de prospérité, que je demeure.

  A020000406 

 En somme, ce n'est que pour vous saluer de toute l'estendue de mes affections, ma tres chere Fille, et vous asseurer que je n'oublie point vos afflictions, ni la condition de vostre vie attachee a la croix.

  A020000406 

 Mais de ne vous point escrire du tout, il ne m'est pas possible.

  A020000406 

 Mais vostre cœur est bon, ma tres chere Fille, et je croy fermement qu'il connoist bien le mien, puisque Dieu l'a ainsy voulu.

  A020000407 

 Et quand elle ira en esprit a Rome voir celuy qui y est, nostre bon frere, c'est son chemin de passer par icy, et sa commodité de s'arrester un peu parmi ces montaignes.

  A020000408 

 Salues bien a part, et comme vostre ame sçait qu'il le faut, le cœur de nostre Seur Marie Angelique, et dites luy que le mien est a elle, et que Dieu l'a voulu et le veut, ma tres chere Fille.

  A020000434 

 Mays vous vives, ma tres chere Fille, mays vous subsistes, [14] mays vous perseveres et receves constamment tous ces accidens; c'est par cet essay que Dieu vous connoist pour sa fille legitime.

  A020000435 

 Cependant, je vous remercie de la communication que vous m'aves faite de vostre desplaysir, car encor bien que ces desplaysirs me desplaysent entant qu'ilz attaquent un cœur que j'ayme grandement, si est ce qu'ilz me consolent entant qu'ilz perfectionnent un cœur auquel je souhaite toute sainte perfection, et duquel je suis veritablement,.

  A020000447 

 En fin, Monsieur mon tres cher Frere, voyla, comme je pense, l'esperance de nostre voyage, ou plustost de [15] nostre conversation au voyage, tout a fait dissipee; mais, quel remede? Demeures en paix, mon tres cher Frere, et demeurons, malgré la distance des lieux, tous-jours tres unanimement serrés ensemble par ce lien indissoluble de nostre sainte amitié, que Dieu a fait et a rendu exempt de tout le dechet que la distance et absence a accoustumé de faire sur les amitiés humaines et transitoires: n'est ce pas, mon tres cher Frere?.

  A020000448 

 Mais me voyci encor en une autre peine: c'est que je ne sçay si Son Altesse voudra point que j'aille faire une residence de quelques moys aupres de Madame, tandis que mon frere viendra aussi commencer la sienne icy.

  A020000449 

 Vives tout a fait a jamais, comme vous faites, en cet amour celeste, Monsieur mon tres cher Frere, et aymes celuy qui est de tout son cœur, inviolablement,.

  A020000457 

 Que faites vous escartee en ce bon païs d'Auvergne, ma tres chere Fille? car il me semble qu'il y a long tems que vous ne me dites mot; et toutefois, l'amour n'est jamais muet, mesme le filial qui a tous-jours je ne sçai quoy a dire au Pere....

  A020000501 

 Comme il m'a esté un contentement tres particulier de voir monsieur de Cusinens mon cousin, et trop [19] d'honneur quil ne soit venu que pour nous favoriser, Monsieur de Calcedoine et moy, aussi ay-je receu de la peine de celle quil a prise pour cela en ce tems qui est si aspre; mays [il faut] que ceux que vous aymes souffrent ces exces de bienveuillance, et pour moy je n'ay rien a dire sur cela, sinon que nous sommes parfaitement vostres..

  A020000539 

 Il est tout vray, ma tres chere Fille; mais [23] bienheureux sont les pauvres, car a eux appartient le Royaume des cieux.

  A020000539 

 Il est vray, mais cela nous appauvrit et incommode grandement.

  A020000540 

 Vous estes fille de Jesus Christ crucifié: et quelle merveille y a il donq si vous participes en sa croix? Je me suis teu, disoit David, et je n'ay point ouvert la bouche, parce que c'est vous, Seigneur, qui l'aves fait.

  A020000551 

 Il me semble qu'il n'en est pas tant de besoin maintenant que vous estes tant accoustumee a la croix; et moy, je suis chargé d'aage, et, pour le dire a vous, d'incommodités qui m'empeschent de pouvoir ce que je veux, et de plus, la multitude des correspondances que j'ay acquises depuis ce tems la, fait que j'escris moins aux uns et aux autres.

  A020000551 

 Mais, ma tres chere Fille, c'est la ou il faut tesmoigner nostre fidelité a Nostre Seigneur, affin que l'on puisse dire de nous, comme il est dit de Job, apres tant de reproches et de contrarietés que ses amis luy firent, qu' en tout cela Job ne pecha point de ses levres, ni ne fit rien de mal a propos..

  A020000551 

 Mais, ma tres chere Fille, vous estes tous-jours presente a mes Messes, ou j'offre au Pere celeste son Filz bienaymé, et, en l'union d'iceluy, vostre chere ame, affin qu'il luy playse de la recevoir en sa sainte protection et luy departir son tressaint amour, notamment en l'occasion des proces et affaires que vous aves avec le prochain; car c'est la ou il y a plus de peine de tenir ferme pour la douceur et humilité, tant exterieure qu'interieure, et j'y voy les plus asseurés bien empeschés: c'est pourquoy cette tribulation me donne plus de crainte pour les ames que j'ayme le plus.

  A020000566 

 Vostre Altesse Serenissime me commande que je luy envoye un Memorial de ce qui est requis d'estre impetré a Romme pour la restauration de la discipline ecclesiastique en ce païs.

  A020000582 

 Il vous playse donq, Monsieur, de les faire chercher, et, comme je croy, ilz seront aysés a treuver, puisqu'ilz sont en quatre ou cinq feuilles jointes ensemble; car, quant a la forme en laquelle la demande doit estre faite a Romme, c'est chose qu'il faut qui se face a Romme mesme..

  A020000583 

 Ce pendant, Monsieur, je vous supplie tres humblement d'avoir un soin particulier de l'introduction des PP. de l'Oratoire a Rumilly, par ou il faut commencer, puisque c'est un'affaire qui ne peut souffrir aucun delay; et excuses mon importunité, puisque je suis de tout mon cœur, Monsieur,.

  A020000592 

 En suite dequoy, je contribue ma tres humble supplication aupres de Vostre Grandeur, affin qu'il luy playse de le gratifier, puisque mesme il est filz d'un de ses officiers domestiques..

  A020000621 

 Ce n'est que pour 15 jours ou trois semaines que j'absente, ma tres chere Fille.

  A020000637 

 Mais maintenant que je n'espere presque plus ce bien et que ce digne porteur me donne une commodité si asseuree, je me res-jouis de tout mon cœur avec vous, ma tres chere Fille (car ce mot est plus cordial), je me res-jouis et loue Nostre Seigneur de vostre si estimable et aymable mariage, qui [32] vous servira de fondement pour bastir et eslever en vous une douce et aggreable vie en ce monde, et pour heureusement passer cette mortalité en la tressainte crainte de Dieu, en laquelle, par sa grace, vous aves esté nourrie des vostre berceau; car tout le monde me dit que monsieur vostre mary est un des plus sages et accomplis cavaliers de France, et que vostre liayson est non seulement noüee de la sainte amitié qui la doit serrer de plus en plus, mais aussi des-ja benite de la fertilité, par laquelle vous estes a la veille de vos couches, ainsy que [nostre Mere] m'asseure..

  A020000651 

 Je ne puis croire que Monseigneur l'Evesque N. veuille vous charger de l'education des filles seculieres, quand vous luy aures fait humblement remonstrer que cela detraqueroit grandement vostre Mayson, nullement propre a rendre cet office; car a la verité, l'experience a fait voir a Nessy que vostre façon de vivre est presque incompatible avec cet exercice.

  A020000678 

 C'est en quoy vous puisés sans doute la grande rayson de vostre consolation, et vivés, comme j'espere, satisfaitz d'estre enfans d'un tel pere et d'avoir si long tems esté en l'eschole de sa vertu et pieté.

  A020000679 

 Il ne me reste donq plus en cette occasion que de vous supplier de me vouloir tous-jours conserver en l'honneur et contentement qu'il m'avoit accordé pour toute ma vie, qui est que je serois de vostre mayson et censé comme l'un de ses enfans, vostre frere.

  A020000694 

 Vous ne laisseres pas pourtant de voir au plus tost le [39] Pere Diegue et le Pere Dom Sens de Sainte Catherine, jadis General des Feuillans, auquel vous remettres la lettre qui est pour Monseigneur le Cardinal de Sainte Suzanne, car je m'asseure que tant ledit Pere Dom Sens que le Pere Diegue s'employeront volontier pour l'affaire des Seurs de la Visitation, selon que je les en supplie.

  A020000705 

 Il n'est nul besoin que l'on vous recommande les œuvres pies, que vous embrasses, graces a Dieu, avec tant de charité; mays puisque monsieur de Vege, passant icy, a desiré que je vous suppliasse de le favoriser, et sa partie, d'un soin particulier pour leur accommodement, je le fay volontier, comme parent de l'une et ami de toutes deux.

  A020000725 

 En cette occasion du voyage que le R. P. Dominique, Provincial, et le R. P. Philibert, de l'Ordre des [42] Capucins, font en vos contrees de Valey, je me sens obligé de vous remercier du favorable tesmoignage que vous rendites a Romme pour mon frere Monsieur l'Evesque de Calcedoine, qui est a present mon coadjuteur, lequel, s'il estoit icy presentement, vous eut aussi escrit luy mesme..

  A020000726 

 Mays ce n'est pas la seule preuve que j'ay eüe de vostre bienveuillance en mon endroit, y ayant si long tems que vous m'aymes et que j'ay esté obligé a vous honnorer pour la pieté et probité, jointes au zele et a la prudence dont Dieu vous a doué, me resouvenant fort bien de ce que vous aves fait pour le service de l'Eglise et le bien de vostre païs en toutes les occurrences.

  A020000746 

 C'est de tout mon cœur que je me res-jouis avec nostre tres chere signora D. Genevra du bon œuvre qu'ell'a fait, donnant dequoy jetter les fondemens de vostre eglise de cette ville, et je l'en remercie aussi par la lettre ci jointe..

  A020000748 

 O mon tres cher Pere, que le monde est mauvais et que je l'estime peu! je dis la vie de ce monde.

  A020000752 

 M. de Calcedoine est a Sales, revenant de Bornand ou il alla il y a huit jours.

  A020000767 

 O quel proffit elle rendra, et mesme aux seculiers, si la piece de son histoire du tems qu'elle fut au monde a esté bien representee, comme je croy qu'elle l'est, puisque c'est M. du Val qui l'a composee.

  A020000777 

 En somme, ma tres chere Fille, il est vray, ainsy que je vous ay souvent dit, que la discretion est une vertu sans laquelle, au rapport de saint Anthoine, nulle vertu [48] n'est vertu, non pas mesme la devotion, si toutefois la devotion veritable peut estre sans une veritable discretion..

  A020000778 

 Voyes, ma tres chere Fille, de contribuer au contentement de cette mere ce que vous pourres aupres de cette fille, laquelle a la verité est obligee a quitter, je ne dis pas un peu, mais beaucoup de ses consolations, pour spirituelles qu'elles soyent, pour en laisser beaucoup a sa mere..

  A020000779 

 Je confesse que je ne sçai comme il se peut faire qu'une mere de tant d'esprit, de perfection et de pieté, et une fille de si grande vertu et devotion, ne demeurent tout a fait unies en ce grand Dieu, qui est le Dieu d'union et de conjonction; mais je sçai bien pourtant que cela se fait, et que mesme les Anges, sans cesser d'estre Anges, ont des contraires volontés sur un mesme sujet, sans pour cela estre en division ni en dissention, parce que ilz sont parfaitement amoureux de la volonté de Dieu, laquelle, soudain qu'elle paroist, est embrassee et adoree de tous eux.

  A020000780 

 Cette bonne dame, qui est mere, me parle d'un vœu de chasteté fait par la fille, et dit que c'est precipitamment.

  A020000781 

 Mais je ne sçai non plus que dire sur cela, ne sachant pas quell'est la vocation du Ciel et voyant les enfans de M me de Dalet si petitz..

  A020000781 

 Mays elle parle, cette mere, d'autre chose, qui est qu'elle aymeroit mieux que sa fille fut Religieuse tout a fait, puysque en ce cas-la on ne la luy demanderoit plus pour caution, et que l'administration des biens des enfans luy seroit conferee.

  A020000782 

 Or cela, ma tres chere Fille, est tout a fait contraire a mes sentimens.

  A020000782 

 Une chose seule me touche plus que les autres de tout ce que cette dame m'escrit: c'est ce qu'elle dit que sa fille fait bourse a part parmi tant de peynes et travaux qu'elle void a sa mere, sans la soulager de son assistence.

  A020000784 

 Au reste, elle ne desire de vous sinon que vous employiés vostre entremise pour moderer le zele que sa bonne fille a a ses retraittes, qui est chose qui ne se peut ni doit refuser, la moderation estant tous-jours bonne en tous les exercices, ormis en celuy de l'amour de Dieu, qu'on ne doit aymer par mesure, ains tout fait « sans mesure.

  A020000784 

 » Employes vous donq bien a cette moderation, a laquelle il sera bien aysé de reduire cette bonne fille, [50] puisque sa bonne mere luy permet qu'elle aille jouyr de la devotion en paix toutes les grandes festes de l'annee, et, outre cela, de six semaines en six semaines trois jours, qui est beaucoup..

  A020000785 

 C'est asses.

  A020000797 

 Quant au premier, je ne suis pas pour interposer mon jugement si le vœu que vous aves fait vous oblige a ne point desirer dispense, bien qu'elle allegue une grande precipitation qui peut prevenir la juste consideration; car veritablement la pureté de la chasteté est de si haut prix, que quicomque l'a vouee est tres heureux de la garder, et n'y a rien a preferer que la necessité de la charité publique..

  A020000799 

 O Dieu! c'est la moindre communication qu'on doive aux peres et aux meres.

  A020000801 

 Elles ont souvent de la jalousie; si on s'amuse un peu hors de leur presence, il leur est advis qu'on ne les ayme jamais asses et que l'amour qu'on leur doit ne peut estre mesuré que par le desmesurement.

  A020000801 

 Hé! Dieu est si bon que, condescendant a cela, il estime les accommodemens de nostre [54] volonté a celle de nos meres comme faitz pour la sienne, pourveu que nous ayons son bon playsir pour fin principale de nos actions..

  A020000801 

 Quel remede a cela? Il faut avoir patience, et faire au plus pres que l'on peut tout ce qui est requis pour y correspondre.

  A020000802 

 Et moy, j'ay tort de vous entretenir si longuement, mais j'ay un peu de complaysance de parler avec une ame pure et chaste, et de laquelle il n'y a aucune sorte de plainte que pour l'exces de devotion; tare si rare et si aymable, que je ne puis n'aymer pas et n'honnorer pas celle qui en est accusee, et n'estre pas a jamais, Madame,.

  A020000802 

 Or sus, vous aves la Moyse et les Prophetes, c'est a dire tant d'excellens serviteurs de Dieu: escoutes les.

  A020000817 

 Or sus, j'escris a ces deux filles que vous dites avoir tant de liayson ensemble; c'est a Dieu a donner l'efficace a mes paroles.

  A020000817 

 Pries l'en, Madame, avec sousmission a son adorable Providence, a laquelle jamais creature ne [57] se remit comme il est convenable, qu'elle n'en ayt esté soulagee et secourue..

  A020000828 

 J'escris selon vostre desir a ces d[ames], desquelles la conteste est toute aymable, puisque elle procede de l'exces de l'amour, en l'une de sa fille, et en l'autre de la devotion.

  A020000846 

 C'est pourquoy il faut, par charité, faire ce qui se pourra bonnement faire pour son salut.

  A020000846 

 Je ne me sçaurois determiner, ma tres chere Fille, sur la demande que vous me faites de l'opinion que j'ay, s'il est a propos qu'on retienne ou qu'on renvoye cette fille, [59] parce que je ne la connois pas asses.

  A020000847 

 Livre de l' Amour de Dieu, car cela vous donnera une suffisante lumiere pour concevoir en quelque sorte que c'est que Dieu: c'est a dire, vous apprendres, autant qu'il est requis, ce qu'il faut en croire..

  A020000847 

 Quant a l'autre demande que vous me faites, il est impossible d'y respondre entierement, non seulement a moy, mais aussi aux Anges et aux Cherubins; car Dieu est au dessus de toute intelligence, et s'il y avoit une intelligence qui peust comprendre ou parfaitement dire ce que Dieu est, il faudroit que cette intelligence fust Dieu, car il faudroit qu'elle fust infinie en perfection.

  A020000848 

 Dieu est un esprit infini, qui est la cause et le mouvement de toutes choses, auquel et par lequel tout est, tout subsiste et a son mouvement.

  A020000848 

 En somme, ma Fille, comme nostre ame est en nostre cors sans que nous la voyons, ainsy Dieu est au monde sans que nous le voyons; comme nostre ame tient en vie tout nostre cors tandis qu'elle est en iceluy, ainsy Dieu tient en estre tout le monde tandis qu'il est en iceluy, et si le monde cessoit d'estre en Dieu, il cesseroit tout aussi tost d'estre.

  A020000848 

 Et comme, en certaine façon, nostre ame est tellement en nostre cors qu'elle ne laisse pas d'estre hors de nostre cors, n'estant pas contenue en iceluy, puisqu'elle void, elle entend, elle oyt, elle fait ses operations hors de nostre cors et au dela de nostre cors, ainsy Dieu est tellement au monde qu'il ne laisse pas d'estre hors du monde et au dela du monde et de tout ce que nous pouvons penser.

  A020000848 

 Et pour fin, Dieu est le souverain Estre, le principe et la cause des choses qui sont bonnes, c'est a dire qui ne sont point peché..

  A020000848 

 Il est infini, il est par tout et tient tout par sa puissance; rien ne le tient pour le comprendre, ains il comprend et contient [60] tout, sans estre contenu de chose quelcomque.

  A020000848 

 Il est, par consequent, invisible en soy mesme, ne pouvant estre veu qu'en l'humanité de Nostre Seigneur, qu'il a unie a sa Divinité.

  A020000849 

 O ma Fille, c'est un abisme! C'est l'Esprit qui vivifie tout, qui cause tout, qui conserve tout, duquel toutes choses ont besoin pour estre; et luy, n'a besoin de nulle chose, n'ayant jamais esté que tres infini en tout ce qu'il est, et est tres heureux, ne pouvant ni commencer d'estre ni finir, parce qu'il est eternel et ne peut n'estre pas eternel.

  A020000850 

 Je n'ay pas dit ceci pour vous dire ce que c'est, mais pour vous faire tant mieux entendre que je ne le puis ni sçay dire, et que je ne sçay que confesser que je suis un vray neant devant luy, que j'adore tres profondement, comme aussi l'humanité de nostre Sauveur a laquelle il s'est uni, affin qu'en icelle nous le puissions aborder, et le voir en nos sens et sentimens au Ciel, et en nos cœurs et en nos cors icy en terre au divin Sacrement de l'Eucharistie.

  A020000862 

 Ce porteur, Frere Adrian, va aupres de Vostre Altesse Serenissime pour des affaires de si bonne condition pour le service de Dieu et du publiq, et luy mesme est si zelé sujet de Son Altesse, qu'il n'est nul besoin que je le recommande a la bonté de Vostre Altesse.

  A020000877 

 Voyci la question que vous me faites: Vostre cœur n'aymera-il pas le mien tous-jours et en toutes saysons? Et voyci ma response: O mon tres cher Frere, c'est une maxime de trois grans amans, tous trois saintz, tous trois Docteurs de l'Eglise, tous trois grans amis, tous trois grans maistres de la theologie morale: saint Ambroyse, saint Hierosme, saint Augustin: Amicitia quæ desinere potuit, nunquam vera fuit..

  A020000878 

 Les amitiés des enfans du monde sont de la nature du monde: le monde passe, et toutes ses amitiés passent, mais la nostre, elle est de Dieu, en Dieu et pour Dieu: Ipse autem idem ipse est, et anni ejus non deficient.

  A020000878 

 Tenes, mon cher Frere, voyla l'oracle sacré qui vous annonce la loy invariable de l'eternité de nostre amitié, puisqu'elle est sainte et non feinte, fondee sur la verité et non sur la vanité, sur la communication des biens spirituelz et non sur l'interest et le commerce des biens temporelz.

  A020000892 

 Helas! je regrette les pechés des calomniateurs, mais cette injure receue est une des meilleures marques de l'approbation du Ciel; et, affin que nous sceussions entendre ce secret, nostre Sauveur luy mesme de combien de façons a il esté calomnié! Oh! que bienheureux sont ceux qui endurent persecution pour la justice!.

  A020000892 

 Je loüe Dieu, ma tres chere Fille, dequoy cette pauvre petite Congregation des servantes de la divine Majesté est fort calomniee.

  A020000893 

 Vostre affliction interieure est encor une persecution pour la justice, car elle tend a bien ajuster vostre volonté a la resignation et indifference que nous aymons et louons tant.

  A020000902 

 Ce porteur, le sieur d'Areres, mon proche voysin et grand ami, allant pour voir, s'il peut, la fin d'un affaire qu'il a devant la cour, je l'accompaigne de ma tres humble supplication, que je vous fay, de le proteger en son bon droit qui ne m'est pas moins cher que si c'estoit le mien propre, pour l'obligation d'amitié que je luy ay.

  A020000937 

 Je ne vous dis point l'amour plus que paternel, certes, que mon cœur a pour vous, ma tres chere Fille, car je pense que Dieu mesme qui l'a creé vous le dira; et s'il ne le vous fait entendre, il n'est pas en mon pouvoir de le faire.

  A020000938 

 Mais, ma Fille, il me semble qu'a Troyes on a changé d'Evesque; et si cela est, il faut donq sçavoir son nom.

  A020000938 

 Vous desires que s'il n'est pas entre nos mains, on envoye vistement pour en avoir un pareil de Romme.

  A020000939 

 Et c'est ce qu'il nous a tant inculqué: A qui te veut oster en jugement ta tunique, donne luy encor ton manteau..

  A020000939 

 Jusques a quand sera ce, ma tres chere Fille, que vous pretendres d'autres victoires sur le monde et l'affection a ce que vous y pouves avoir, que celles que Nostre Seigneur en a remportees et a l'exemple desquelles il vous exhorte en tant de façons? Comment fit-il, ce Seigneur de tout le monde? Il est vray, ma Fille, il estoit le Seigneur legitime de tout le monde: et plaida il jamais pour avoir seulement ou recliner sa teste? On luy fit mille tortz: quel proces en eut il jamais? devant quel tribunal fit il jamais citer personne? Jamais, en verité, ains non pas mesme il ne voulut citer les traistres qui le crucifierent devant le tribunal de la justice de Dieu; au contraire, il invoqua sur eux l'authorité de la misericorde.

  A020000941 

 Il est vray, ma tres chere Fille; mais, graces a Dieu, nous sommes en ce cas la, car nous aspirons a la perfection, et voulons suivre au plus pres que nous pourrons celuy qui, d'une affection veritablement apostolique, disoit: Ayant dequoy boire et manger, et dequoy nous vestir, soyons contens de cela; et crioit apres les Corinthiens: Certes, des-ja totalement et sans doute il y a faute et coulpe en vous, dequoy vous aves des procès ensemble.

  A020000943 

 Mais, ce me dira la prudence humaine, a quoy nous voules vous reduire? Quoy? qu'on nous foule aux pieds, qu'on nous torde le nez, qu'on se joue de nous comme d'une marotte, qu'on nous habille et deshabille, sans que nous disions mot? Ouy, il est vray, je veux cela; et si, je ne le veux pas moy, ains Jesus Christ le veut en moy.

  A020000944 

 Ce n'est pas tout a coup, certes; car des que j'eus la grace de sçavoir un peu le fruit de la Croix, ce sentiment entra dans mon ame et n'en est jamais sorti.

  A020000945 

 Au reste, je le veux bien, ma Fille, soyes prudente comme le serpent, qui se despouille tout a fait, non de ses habitz, mais de sa peau mesme, pour rajeunir; qui cache sa teste, dit saint Gregoire (c'est a dire, pour nous, la fidelité aux paroles evangeliques), et expose tout le reste a la mercy de ses ennemis pour sauver l'integrité de celle la..

  A020000946 

 Mais en fin, que vous veux je dire? J'escris avec impetuosité cette lettre que j'ay esté forcé de faire a deux fois; et l'amour n'est pas prudent et discret, il va de force et devant soy.

  A020000946 

 Vous aves la tant de gens d'honneur, de sagesse, d'esprit, de cordialité, de pieté; ne leur sera il pas aysé de reduire madame de C. et madame de L. a quelque parti dans lequel vous puissies avoir une sainte suffisance? Sont elles des tigres, pour ne se laisser pas sagement ramener a la rayson? N'aves vous pas la M. N., en la prudence duquel tout ce que vous estes et tout ce que vous pretendes seroit tres bien asseuré? N'aves vous pas M. N., qui vous fera bien cette charité de vous assister [71] en cette voye chrestienne et paysible? Et le bon Pere [Binet] ne prendra il pas playsir a servir Dieu en vostre affaire, qui regarde a peu pres quasi le salut de vostre ame, et du moins tout a fait vostre advancement en la perfection? Et puis, madame de Chantal ne doit elle pas estre creuë? car elle est voirement, certes, je ne dis pas tres bien bonne, mais elle est encor asses prudente pour vous bien conseiller en ceci..

  A020000947 

 Que de duplicités, que d'artifices, que de paroles seculieres, et peut estre que de mensonges, que de petites injustices, et douces, et bien couvertes, et imperceptibles calomnies, ou du moins des demi calomnies, employe-on en ce tracas de proces et de procedures! Dires vous point que vous vous voules marier, pour scandalizer tout un monde par un mensonge evident, si vous n'aves un precepteur continuel qui vous souffle a l'oreille la pureté de la sincerité? Ne dires vous point que vous voules vivre au monde et estre entretenue selon vostre naissance, que vous aves besoin de cecy et de cela? Et que sera ce de toute cette formiliere de pensees et imaginations que ces poursuittes produiront en vostre esprit? Laisses, laisses aux mondains leur monde: qu'aves vous besoin de ce qui est requis pour y passer? Deux mille escus, et moins encor, suffiront tres abondamment pour une fille qui ayme Nostre Seigneur crucifié.

  A020000948 

 C'est une riche, quoy que tres devote et admirablement spirituelle abjection que d'estre regardee dans une Congregation comme fondatrice, ou du moins comme grande bienfaitrice.

  A020000948 

 Il est vray, il est difficile a l'homme, mais non pas au Filz de Dieu, qui le fera en vous..

  A020000948 

 Mais de vivre d'aumosne comme Nostre Seigneur, de prendre la charité d'autruy en nos maladies, nous qui d'extraction et de courage sommes cecy et cela, cela certes est bien fascheux et difficile.

  A020000948 

 — Da, il est vray, ma tres chere Fille, je le sçavois bien que vostre pieté faysoit planche a l'amour propre, tant elle est piteusement humaine.

  A020000949 

 Mais n'est ce pas une bonne chose d'avoir le sien pour l'employer a son gré au service de Dieu? — Le mot a son gré fait l'esclaircissement de nostre differend.

  A020000949 

 Non, non, il n'est pas difficile a Dieu de faire autant avec cinq pains d'orge, comme Salomon avec tant de cuisiniers et de pourvoyeurs..

  A020000949 

 — Or sus, mon gré donq est que vous vous contenties de ce que M. [Vincent] et madame de Chantal aviseront, et que le reste vous le laissies pour l'amour de Dieu, et l'edification du prochain, et la paix des ames de mesdames vos seurs, et que vous le consacries ainsy a la dilection du prochain et a la gloire de l'esprit chrestien.

  A020000962 

 C'est la verité: on parle perpetuellement d'estre enfant de l'Evangile, et personne presque n'en a les maximes entierement en l'estime qu'il faut.

  A020000964 

 Est il possible que ses seurs ne lui veuillent rien donner? Mais si cela est, est il possible que les enfans de Dieu veuillent avoir tout ce qui leur appartient, leur Pere Jesus Christ n'ayant rien voulu avoir de ce monde qui luy appartient? O mon Dieu, que je luy souhaite de biens, mais sur tout la suavité et la paix du Saint Esprit, et le repos qu'elle doit avoir en mes sentimens pour elle; [74] car je puis dire que je sçay qu'ilz sont selon Dieu, et non seulement cela, mais qu'ilz sont de Dieu.

  A020000964 

 Qu'est il besoin de tant d'affaires pour une vie si passagere, et de faire des corniches dorees pour une image de papier? Je luy dis paternellement mon sentiment, car je l'ayme, certes, incroyablement; mais je le dis devant Nostre Seigneur, qui sçait que je ne mens point..

  A020000997 

 C'est en la presence de Dieu que je vous dois particulierement escrire cette lettre, puisque c'est pour vous dire ce que vous deves faire pour sa plus grande gloire es choses que vous m'aves marquees..

  A020000998 

 Apres donq avoir invoqué son Saint Esprit, je vous dis que je ne voy nulle juste occasion en tout ce que vous me dites et que madame vostre mere me dit, pour laquelle vous devies violer le vœu que vous aves fait de vostre chasteté a Dieu; car la conservation des maysons n'est pas considerable sinon pour les princes, quand leur posterité est requise pour le bien publiq.

  A020000999 

 Il est tout vray que vous n'estes nullement obligee par droit de justice d'assister de vos moyens la mayson de monsieur vostre pere, puisque vos moyens et ceux [77] de vos enfans, par l'ordre establi en la republique, sont separés et independans de la mayson de monsieur vostre pere, et qu'il n'est point en necessité effective; et d'autant plus qu'en effect vous n'aves rien receu de vostre dot, promis seulement, et non payé..

  A020001000 

 Au contraire, s'il est veritable que vous ruineries vos enfans et ce qui est a eux, et que vous vous ruineries vous mesme si vous vous chargies des affaires de vostre mayson paternelle, sans pour cela l'empescher de se ruiner, vous estes obligee, du moins par charité, de ne le faire pas; car a quel propos ruiner une mayson pour en laisser encor ruiner une autre, et donner des remedes contre un mal irremediable, aux despens de vos enfans? Si donq vous sçaves que vostre secours sera inutile au soulagement de monsieur vostre pere, vous estes obligee de ne l'y point employer au prejudice des affaires de vos enfans..

  A020001001 

 Mais, Madame, si vous pouves l'ayder sans endommager notablement vos enfans, comme il semble apparemment que vous le puissies faire, puisque vous estes unique et que tout ce que vous pourres empescher d'estre vendu demeurera en fin a vos enfans, monsieur vostre pere et madame vostre mere ne pouvant avoir d'autres heritiers, il m'est advis que vous le deves faire; car ce ne sera qu'abandonner vos moyens d'une main et les reprendre de l'autre..

  A020001004 

 Et je vous supplie, Madame, de ne point vous mettre en aucune consideration qui vous puisse oster la liberté de m'escrire, puisque je suis et seray des-ormais tout a fait et sans reserve vostre tres humble et tres affectionné serviteur, qui vous souhaitte le comble des graces de Nostre Seigneur, et sur tout un progres continuel en la tressainte douceur de charité et la sacree humilité de la tres aymable simplicité chrestienne; ne me pouvant empescher de vous dire que j'ay treuvé parfaitement douce la parole que vous mettes en vostre lettre, disant que vostre mayson est des communes et rien plus; car cela est cherissable en un aage ou les enfans du siecle font de si gros broüa de leurs maysons, de leurs noms et de leurs extractions..

  A020001005 

 Vives tous-jours ainsy, ma tres chere Fille, et ne vous [79] glorifies qu'en la Croix de Nostre Seigneur, par laquelle le monde vous est crucifié, et vous au monde.

  A020001017 

 La multitude des enfans, et notamment de filles, qui sont en la mayson de Bressieu Roüer, est veritablement digne d'extreme compassion.

  A020001048 

 Je feray au plus tost le voyage de Thonon, selon le commandement de Vostre Altesse, ne me pouvant empescher de me res-jouir avec elle du commencement qu'elle donne a l'execution du saint projet qu'elle fit estant en cette ville, pour la reformation des Monasteres et le bien publiq de l'Eglise en cette province; ne doutant point que, comme c'est un tres grand service de Dieu, aussi sa divine Majesté n'en recompense Vostre Altesse des tres grandes benedictions que je luy souhaite incessamment, comme estant sans fin,.

  A020001057 

 Bien qu'il semble qu'il n'importe pas beaucoup de sçavoir a qui les prieurés et abbayes que l'on veut unir appartiennent, puisque on ne pretend pas d'unir les portions des Abbés et Prieurs, ains seulement celles des moines, si est ce que, pour obeir a Son Altesse, je marque icy les noms des possesseurs des dittes abbayes et des prieurés: [82].

  A020001058 

 L'abbaye d'Aux est a Monseigneur le Serenissime Prince Cardinal..

  A020001060 

 Tamié, a R. P. François Nicolas de Riddes, aumosnier de Son Altesse, senateur au Senat de Savoye, qui en est Abbé titulaire..

  A020001084 

 Et je vous en supplie donq, et de me croire tous-jours tel que tous-jours je veux estre: c'est,.

  A020001084 

 Je sçai combien vostre courtoysie est grande, et que vostre bon naturel vous fera tous-jours favoriser monsieur [86] de Corsier, present porteur; mays je ne puis esconduire le desir qu'il a que je vous supplie de l'avoir en recommandation pour l'affaire qui le fait aller la.

  A020001103 

 C'est pourquoy, Monseigneur, laditte dame ayant quelques affaires a Paris, et estant conseillee d'y envoyer plus tost son filz que d'y aller elle mesme pour les conclure, ell'en demande les commandemens de Vostre Altesse Serenissime, sous lesquelz et elle et son filz veulent a jamais vivre en tres humble sousmission et obeissance.

  A020001122 

 Que si je pouvois vous dire que ce sera pour toute sa vie, je le ferois volontier pour [89] contenter vostre zele et celuy de tant d'ames qui se consolent avec elle; mais vous vous imagineres bien quelles occasions peuvent se presenter pour la retirer et destiner ailleurs, selon que la gloire de Celuy auquel elle est vouee le requerra..

  A020001139 

 Continues a estre toute a Nostre Seigneur, ma tres chere Fille, et salues toutes nos Seurs bien cherement, je vous en prie, et M. l'Abbé de Mauzac, et M. Brun qui est tout de mes amis..

  A020001150 

 Et ce matin, a mon premier reveil, il m'est venu une si forte impression de vivre tout a fait selon l'esprit de la foy et la pointe de l'ame, que, malgré mon ame et mon cœur, je veux ce que Dieu voudra, et je veux ce qui sera de son plus grand service, sans reserve ni de consolation sensible ni de consolation spirituelle; et je prie Dieu que jamais il ne permette que je change de resolution..

  A020001150 

 Vous verres en la lettre de ce bon Pere le desplaysir qui certes m'a un peu touché; mais cette nouvelle m'ayant pris dans le sentiment que j'avois d'une totale resignation en la conduitte de la tressainte Providence, je n'ay rien dit en mon cœur, sinon: Ouy, Pere celeste, car tel est vostre bon playsir.

  A020001174 

 Ce porteur, le sieur de Lespine, se treuvant accablé de la recherche qui se fait par la Chambre des Comptes des restatz et deniers desquelz feu son pere estoit demeuré debiteur et obligé, sans moyen quelcomque ni esperance de pouvoir exiger lesditz restatz qui sont deuz par les communes, lesquelles ont asses a faire de fournir aux charges presentes, il recourt a l'unique remede, qui est la bonté et debonaireté de Son Altesse et a la vostre, Monseigneur, affin qu'il luy playse d'estre propice a son impuissance et le delivrer de cette recherche.

  A020001174 

 Et par ce qu'il est grandement chargé d'enfans et d'aillieurs homme d'honneur, je l'accompaigne de ma tres humble supplication et recommandation aupres de Vostre Altesse Serenissime, delaquelle je suis,.

  A020001190 

 Monsieur Le Poivre vous dira toutes nouvelles de Paris et de cette ville, et peut estre encor comme monsieur le procureur fiscal est tout a fait a luy, et grandement estimé pour le fidele service quil a rendu et rend tous les jours a Sa Grandeur..

  A020001226 

 Ayant visité la Sainte Mayson de Nostre Dame de Compassion, Ell' en recevra la relation, qui est toute la mesme que celle de messieurs de la Chambre des Comptes, et verra, s'il luy plait, les necessités qu'il y a d'y faire des establissemens permanens pour la faire fleurir selon la tres pieuse intention de Vostre Altesse qui l'a fondee.

  A020001252 

 Mays premierement: l'eglise n'est pas entretenüe proprement, ni assortie des meubles convenables, par ce que lesditz prestres tirans un chacun son gage a part, il ny a pas dequoy fournir aux necessités communes, lesquelles ensuite sont negligees.

  A020001252 

 Quartement, le revenu de laditte Congregation n'est pas bien ramassé, parce que chascun y estant a gage particulier, nul ne fait le mesnage commun, ains donnent tout le bien a cense, et l'admodiateur gaigne une grande partie, de laquelle, par consequent, la Congregation est privee..

  A020001252 

 Secondement, l'Office des Heures canoniales n'y est pas fait avec la bienseance et devotion exterieure qu'il seroit requis, lesditz ecclesiastiques n'estans pas duitz et nourris a cela, ains seulement assemblés sous la condition des gages.

  A020001253 

 Et ainsy, le revenu que possedent a present les ecclesiastiques seculiers de Nostre Dame n'estant point employé en gages particuliers, ains estant mis tout en commun, il y aura dequoy faire une Congregation de beaucoup davantage de Peres, qui, mesnageant par leurs freres les biens, auront dequoy entretenir les meubles de l'eglise, les Offices et ce qui dependra d'eux, en une grande reverence et politesse: et cette partie de la Sainte Mayson, qui est la fondamentale, et laquelle paroist le moins, paroistra indubitablement le plus et edifiera infiniment.

  A020001254 

 Et neanmoins, il est gentilhomme de bon lieu et duquel la parentee a beaucoup souffert pour le service de Son Altesse; il est tres homme de bien et bon ecclesiastique, mais non pas propre pour la charge des ames.

  A020001266 

 Puysque j'ay occasion d'escrire a Vostre Altesse Serenissime, je la supplie tres humblement d'avoir aggreable [103] que je luy represente l'extreme besoin qu'ont les Religieuses de Cisteaux de deça les mons, et celles de Sainte Claire hors la ville de Chamberi (sujettes au General des Conventuelz surnommés, de deça, de la Grand'manche), d'estre ou reformees ou changees selon le projet ci devant envoyé a Vostre Altesse; et cela est dautant plus desirable que la plus part des Religieuses mesme le desirent et souspirent apres ce bien..

  A020001267 

 J'adjousteray de plus, Monseigneur, qu'il seroit requis, pour l'establissement des PP. Chartreux a Ripaille et en l'abbaye d'Aux, que Vostre Altesse commandast et fit commander par leur General au P. D. Laurens de Saint Sixt, leur Procureur en Savoye, de se rendre aupres d'elle pour terminer ce projet ainsy qu'il est requis; car, Monseigneur, de reformer ces Religieux d'Aux qui y sont maintenant, il est impossible.

  A020001297 

 Je viens donc supplier humblement Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime de daigner le favoriser et faire cette charité, d'autant plus qu'il est de bonnes mœurs et de bon esprit.

  A020001297 

 La chapellenie de Notre-Dame de Consolation érigée dans la [105] paroisse de Menthon étant vacante, Barthélemy Flocard en a été pourvu sur les instances de la famille des fondateurs à laquelle il appartient, et surtout parce qu'il est pauvre et manque d'autres moyens de subsistance.

  A020001297 

 Mais comme il n'a pas l'âge pour être prêtre dans le courant de l'année, la dispense Apostolique lui est nécessaire; on l'espère en faveur des fondateurs ses prédécesseurs dont ce Barthélemy est issu.

  A020001310 

 Je prie donq Dieu, ma chere Cousine, qu'il vous soulage luy mesme de sa sainte consolation, et qu'il vous face ramentevoir, en cette occasion, de toutes les resolutions qu'il vous a jamais donnees d'acquiescer en toutes occurrences a sa tressainte volonté, et de l'estime que sa divine Majesté vous a donnee de la tressainte eternité a laquelle nous devons esperer que la chere ame de celuy de qui nous ressentons la separation est arrivee; car, helas! ma chere Cousine, nous n'avons de vie en ce monde que pour aller a celle de Paradis, a laquelle nous nous avançons de jour en jour, et ne sçavons pas quand ce sera le jour de nostre arrivee.

  A020001310 

 Or sus, vostre pere est hors du pelerinage plein de tant de travaux; il est arrivé au lieu de son asseurance, et s'il ne possede pas encor la vie eternelle, il en possede la certitude, et nous contribuerons nos prieres a l'acceptation de son bonheur perdurable..

  A020001320 

 O combien tout cela est esloigné de cette pure charité, qui n'a point de jalousie ni d'emulation, et qui ne cherche point ce qui luy appartient! Ma Fille, cette prudence est opposee a ce doux repos que les enfans de Dieu doivent avoir en la Providence celeste.

  A020001320 

 O ma tres chere Fille, quelle pitié de considerer les effectz de la prudence humaine en ces ames dont vous m'escrives! Le mien et tien regnent d'autant plus puissamment es choses spirituelles, qu'il semble estre un mien et tien spirituel; et cependant il est tout a fait non seulement naturel, mais charnel.

  A020001321 

 On diroit que l'erection des Maysons religieuses et la vocation des ames se fait par les artifices de la sagesse naturelle; et je croy, certes, que, quant aux murailles et a la charpenterie, l'artifice en peut estre naturel; mais la vocation, l'union des ames appellees, la multiplication d'icelles, ou elle est surnaturelle, ou elle ne vaut rien tout a fait.

  A020001322 

 Croyes moy, le bien qui est vray bien ne craint point d'estre diminué par le surcroist d'un autre vray bien..

  A020001322 

 Qu'importe il a une ame veritablement amante que le celeste Espoux soit servi par ce moyen ou par un autre? Qui ne cherche que le contentement du Bienaymé, il est content de tout ce qui le contente.

  A020001323 

 Servons bien Dieu, et ne disons point: Que mangerons nous? que boirons nous? d'ou nous viendront des Seurs? C'est au Maistre de la mayson d'avoir cette sollicitude, et a la Dame de nos logis de les meubler; et nos Maysons sont a Dieu et a sa sainte Mere.

  A020001336 

 Mays ce pendant, monsieur de la Pesse m'ayant communiqué la prætention qu'il a de perseverer au service qu'il a exercé ci devant en vostre Conseil de ce pays, je me sens obligé de recommander a Vostre Grandeur sa tres humble supplication, non seulement par ce qu'il est fort homme de bien, mais par ce qu'il s'est tres affectionnement employé en sa charge en un tems difficile et pour des occasions esquelles on ne pouvoit pas nier qu'il ne fallut qu'il eüt du zele et du courage; et peut on dire que sans la fermeté et la diligence [111] de monsieur le collateral Floccard son beaufrere, et la sienne, le sieur Bonfilz, qui avoit une grande industrie et un grand support, ne fut jamais venu au compte auquel l'authorité de Son Altesse l'a reduit.

  A020001353 

 Ce porteur va de la part de M. de Chalcedoine et du Chevalier, mes freres, comme aussi de la mienne, pour vous offrir nostre service en cette occasion de la perte que vous aves faite, laquelle, comme elle est extreme, aussi nous la ressentons vivement avec vous; et ne laissons pas pourtant de vous prier de soulager vostre cœur de tout vostre pouvoir, en consideration de la grace que Dieu vous a faite, et a tous ceux qui ont le bien de vous appartenir, vous ayant laissé la jouissance de ce bon pere a longues annees, ne l'ayant retiré qu'a l'aage apres lequel cette vie ne pouvoit plus guere durer sans beaucoup de peines et de travaux qui accompaignent ordinairement la viellesse..

  A020001354 

 Mais vous deves encor plus vous consoler dequoy ce bon pere a vescu toutes ses annees dedans l'honneur et [113] la vertu, en l'estime publique, en l'affection de sa parentee et de tous ceux qui le connoissoyent, et en fin dequoy il est decedé dans le sein de l'Eglise et parmi les actions de la pieté: de sorte que vous aves dequoy esperer qu'il vous assistera mesme en la vie des Bienheureux..

  A020001365 

 Je salue vostre cœur qui m'est plus pretieux que le mien propre.

  A020001366 

 Helas! il est pourtant vray que mon cœur n'a point de tort; car j'escrivis innocemment et tout a fait sans fiel, quoy qu'avec un peu de liberté et contre le sentiment de cette fille.

  A020001367 

 O que la paix est une sainte marchandise qui merite d'estre achetee cherement!.

  A020001367 

 Puisque le Reverend Pere et vous treuves bon de donner la somme que vous me marques, je l'appreuve grandement, puisque cela est plus conforme a la douceur que Nostre Seigneur enseigne a ses enfans.

  A020001368 

 L'edification que les Maysons donnent tous les jours fait foy de l'intention du Saint Esprit; car c'est merveille combien la reputation de la vie devote s'aggrandit par la communication de nos Seurs, lesquelles je voy aussi proffiter tous les jours et devenir plus affectionnees a la pureté et sainteté de vie.

  A020001369 

 Ma tres chere Mere, je salue vostre cœur de tout le mien, qui est tres parfaitement et irrevocablement vostre en Nostre Seigneur, nostre unique amour.

  A020001388 

 Or sus, puisque la methode de ce tems porte que c'est au Pere de commencer et recommencer l'entretien et le sacré commerce de l'affection, dites tout ce que vous voudres, ma chere Fille, mais en effect vous aves tort.

  A020001401 

 C'est un grand honneur, ma chere Fille, [119] d'avoir en charge la conservation d'une mayson toute composee d'espouses de Nostre Seigneur; car, qui garde les portes, les tours et les parloirs des monasteres, il garde la paix, la tranquillité et la devotion de la mayson, et de plus, peut grandement edifier ceux qui ont besoin d'aborder le monastere.

  A020001401 

 Il n'y a rien de petit au service de Dieu, mais il m'est advis que cette charge du tour est de tres grande importance, et grandement utile a celles qui l'exercent avec humilité et consideration..

  A020001401 

 Vous aves esté heureuse d'avoir jusques a present servi Dieu en la personne d'une maistresse de laquelle Dieu est le Maistre et avec laquelle vous cives eu toutes sortes de sujetz de proffiter spirituellement; mais vous estes encor plus heureuse d'aller servir ce mesme Seigneur en la personne de celles qui, pour le mieux servir, ont quitté toutes choses.

  A020001411 

 Certes, vous estes grandement ma tres chere fille; or, penses donq si mon cœur n'est pas touché de tendreté sur l'apprehension que vous me tesmoignes par vostre derniere, du retour de nostre tres chere Mere de Sainte Marie en ce païs.

  A020001412 

 Une chose vous puis je dire: que cette tant chere Mere differera sa venue jusques a l'extremité, quoy qu'elle soit grandement desiree et requise icy; mays nous nous promettons aussi que le tems estant venu, vous recevres doucement la separation de cette ame, laquelle ne sera pas une mort comme l'est la separation que l'ame fait de son cors, car le Saint Esprit, qui est la vie de nos cœurs, vous animera tous-jours de son saint amour, et vous tiendra de plus en plus unie a nous et nous a vous..

  A020001413 

 Salues, je vous supplie, cherement le cœur de la tres aymee Seur Helene Angelique, qui est bien heureuse de s'estre quittee d'elle mesme pour estre tout a fait a Dieu, qui la benisse et vous aussi, Madame ma tres chere Fille..

  A020001442 

 Je vous connois asses, ma tres chere Seur, ma Fille, pour vous cherir de tout mon cœur en la dilection de Nostre Seigneur, qui, ayant disposé de vous pour la charge en laquelle vous estes, s'est par consequent obligé soy mesme a soy mesme de vous prester sa tressainte main en toutes les occasions de vostre office, pourveu que vous correspondies de vostre part par une sainte et tres humble, mais tres courageuse confiance en sa bonté.

  A020001444 

 Une fille ou femme qui est appellee au gouvernement d'un Monastere est appellee a une grande besoigne et de grande importance, sur tout quand c'est pour fonder et [124] establir; mais Dieu estend son bras tout puissant a mesure de l'œuvre qu'il donne.

  A020001458 

 Il passionne l'ame, parce qu'estant une [125] passion et la maistresse des passions, il agite et trouble l'esprit; parce que c'est une perturbation, et treuvant des regles, il desregle toute l'economie de nos affections.

  A020001458 

 Madame, l'amour, quel qu'il soit, si ce n'est celuy de Dieu, peut estre trop grand, et quand il est trop grand il est dangereux.

  A020001458 

 Or ne faut il pas croire, Madame, que l'amour des meres envers les enfans ne puisse estre de mesme; ains, il l'est d'autant plus librement qu'il semble qu'il le soit loysiblement, avec le passeport, ce semble, de l'inclination naturelle, et l'excuse de la bonté du cœur des meres..

  A020001472 

 Quand il sera tems de vous envoyer un ecclesiastique pour vous accompaigner au retour, vous m'advertires, et je vous envoyeray ou M. Michel, ou M. Rolland qui a une affaire par dela, laquelle il pourroit peut estre bien faire en ce tems la, et vous serviroit bien au voyage pour tout le tems que vous desireries, puisqu'il n'est plus chanoine de Nostre Dame, ayant quitté cette place pour avoir plus de commodité de faire ce que je desire de luy; mays il ne faut encor pas faire bruit de ceci..

  A020001477 

 Dieu veuille que les habitans de Bourges le soyent aussi, et je l'espere, puisque celuy qui succede est si capable et homme de bien; mays je ne sçai si c'est le Penitentier de Bourges ou celuy de Paris.

  A020001477 

 J'ay releu vostre lettre, et je treuve que nostre M gr l'Archevesque est fort bien recompensé.

  A020001479 

 Je suis de l'advis du P. Binet pour nostre seur de Gouffiez, et neanmoins je voudrois bien regaigner son cœur, car il me semble qu'elle n'en treuvera pas un qui soit plus pour elle que le mien; et il n'est pas bon d'abandonner les amitiés que Dieu seul nous avoit donnees.

  A020001479 

 Toutefois, je me reprens, et dis que Dieu a tout bien fait et a tout bien permis, et espere que, comme sans nous il nous avoit donné cette fille, sans nous aussi il la nous redonnera, si tel est son bon playsir.

  A020001495 

 O que c'est un bon affaire que de n'avoir point de proces! Je suis marri dequoy a Chamberi on ne parle quasi que de cela, et qu'on en parle si chaudement et si passionnement; et je suis consolé dequoy vous aves essayé d'accommoder celuy duquel vous m'escrives, et dequoy vous en parles avec le respect qui est deu a la partie, et dequoy monsieur vostre mary se rend si facile a lascher le sien pour l'assoupir..

  A020001496 

 Dieu soit loüé du contentement que vous aves de la suffisance qu'il vous a donnee! Et continues bien a luy en rendre graces; car c'est la vraye beatitude de cette vie temporelle et civile, de se contenter en la suffisance, parce que, qui ne se contente de cela ne se contentera jamais de rien, et, comme vostre livre dit (puisque vous l'appelles vostre livre), a qui « ce qui suffit ne suffit pas, rien ne » luy suffira jamais.

  A020001497 

 Non, il ne faut nullement revoquer en doute que les dependances de vos fautes n'ayent esté suffisamment exprimees; car tous les theologiens sont d'accord qu'il n'est nullement besoin de dire toutes les dependances ni les acheminemens du peché.

  A020001497 

 Qui dit qu'il a bruslé une mayson, il n'est pas requis qu'il die ce qui estoit dedans par le menu; ains suffit de dire s'il y avoit des gens dedans, ou s'il n'y en avoit point..

  A020001497 

 Qui dit: J'ay tué un homme, il n'est pas besoin qu'il die qu'il a tiré son espee, ni qu'il a esté cause de plusieurs desplaysirs aux parens, ni qu'il a scandalizé ceux qui l'ont veu, ni qu'il a troublé la ruë en laquelle il l'a tué; car tout cela s'entend asses sans qu'on le die; et suffit seulement de dire qu'il a tué un homme par cholere, ou de guet a pend par vengeance, qu'il estoit homme simple ou ecclesiastique: et puis, laisser le jugement a celuy qui vous escoute.

  A020001499 

 Ce qui vous estonne, c'est que vous voudries estre tout a coup telle qu'elle prescrit; et toutefois, ma tres chere Fille, cette mesme Introduction vous inculque que de composer vostre vie a ses enseignemens n'est pas la besoigne d'un jour, ains de toute nostre vie, et que nous ne nous devons nullement estonner des imperfections qui nous arrivent parmi les [132] exercices de nostre entreprise.

  A020001499 

 L' Introduction a la Vie devote est toute souëfve et bonne pour vous, ma tres chere Fille.

  A020001499 

 Ma Fille, la devotion n'est pas une piece qu'il faille avoir a force de bras: il faut voirement y travailler, mais la grande besoigne depend de la confiance en Dieu; il y faut aller bellement, quoy que soigneusement..

  A020001500 

 Il est vray, certes, que l'obeissance vous sera fort utile; et puisque vous desires que ce soit moy qui vous en impose les loix, en voyci quelques unes:.

  A020001507 

 Ma Fille, tout ceci est menu, mais profitable; et avec le tems nous pourrons en changer, ou adjouster.

  A020001507 

 Ne vous lasses point, ma tres chere Fille; il faut remettre vostre esprit, qui est vif et subtil, en la leçon de l'enfance.

  A020001522 

 Mon Dieu, que cette plainte est delicate! Les Peres de l'Oratoire font bien plus; et en Italie, plusieurs Evesques ont composé tout entierement les Offices des Saintz de leurs Eglises.

  A020001523 

 Mon solliciteur dit que l'on a tort de recourir a Rome pour les choses esquelles on s'en peut passer, et des Cardinaux l'ont dit aussi: car, disent ilz, il y a des choses qui n'ont point besoin d'estre authorisees parce qu'elles sont loysibles, lesquelles quand on veut authoriser sont examinees diversement; et le Pape est bien ayse que la coustume authorise plusieurs choses qu'il ne veut pas authoriser luy mesme, a cause des consequences.

  A020001524 

 Et je pense qu'il faudra faire, au plus pres qu'il se pourra, selon la commodité des lieux, tous les monasteres ainsy; et tous-jours les treilles bien ferrees et les jalousies de bois esloignees des grilles; car c'est un grand playsir de parler en asseurance es parloirs.

  A020001524 

 J'ay fait faire icy un beau plan de monastere que je vous envoyeray au premier jour; et celuy qui l'a fait est tres bon maistre, et l'a fait sur les descriptions que saint Charles a fait faire des monasteres, en s'accommodant neanmoins a l'usage de la Visitation.

  A020001554 

 Ce papier ne vous est presenté que pour vous ramentevoir cette verité, puisque la suffisance du porteur m'excuse de vous entretenir davantage, et le peu de loysir que j'ay m'empesche de le pouvoir faire.

  A020001555 

 Madame, je vous regarde en esprit, et quoy que tous-jours vous ayes tenu vostre cœur en Dieu, il m'est advis que maintenant il est encor plus entierement attaché a sa Bonté, n'ayant plus aucun objet avec luy, comme il n'en eut jamais sans luy, ni hors de luy.

  A020001555 

 Que bienheureuses sont les afflictions qui relevent et lancent nos affections en Celuy qui est le Pere de misericorde et le Dieu de toute consolation!.

  A020001590 

 Et je ne doute point qu'il ne represente a Vostre Altesse, qu'entre tous les remedes par lesquelz on peut le mieux empescher la decadence de ce lieu de pieté, l'introduction des Peres de l'Oratoire seroit le plus propre, ainsy qu'estans a Tonon ensemblement nous l'avions jugé; dont j'ay des-ja donné advis [à] Vostre Altesse Serenissime, laquelle je supplie tres humblement de proteger tous-jours cette Sainte Mayson, comme un œuvre de grande qualité pour la gloire de Dieu et le lustre du nom de la serenissime Mayson de Son Altesse, de la main delaquelle est sortie cette piece de devotion, affin qu'elle ne [140] perisse pas, ou du moins qu'elle ne perde pas, faute de bon ordre, la grande reputation sous laquelle ell' a esté fondee contre l'heresie et pour l'accroissement de la sainte religion catholique..

  A020001591 

 Je supplie encor Vostre Altesse Serenissime de se resouvenir de l'establissement des Prestres de l'Oratoire en l'eglise de Rumilly, en l'occasion qui se presente maintenant, que le sieur de Saunas, sujet de Son Altesse, un jeune gentilhomme des plus sçavans theologiens de son aage, y desire contribuer sa personne des-ja vouee a cette Congregation, et son prieuré de Chindrieu, et que le Curé de Rumilly, decrepite et extremement malade, est jugé a mort par les medecins qui asseurent que dans bien peu de jours il decedera..

  A020001592 

 Je supplie encor Vostre Altesse de jetter les yeux de sa bonté et de son zele sur les Monasteres de Cisteaux, de Saint Benoist et de Saint Augustin de deça les montz, ou la Regie n'est point observee, et ou elle ne peut estre restablie, ni mesme es Religions des filles ou ell'est si necessaire, sans l'execution des projetz que Vostre Altesse fit icy en cette ville, dont je luy envoyay le Memoire l'annee passee..

  A020001611 

 J'ay treuvé fort bon que la Superieure puisse oster, quand bon luy semblera, les officieres, comme c'est a elle de les establir..

  A020001620 

 Vostre lettre que M. Crichant m'a rendue m'est de grande consolation, ma tres chere Fille, estant ayse de voir que, comme je n'oublie point vostre cœur, il n'oublie pas nomplus le mien..

  A020001621 

 C'est une sorte d'obeissance grandement aggreable a Dieu, que de ne point desirer de dispense sans grande occasion.

  A020001621 

 Ce n'est pas certes moy qui ay præfigé l'aage auquel il faut que les filles soyent Religieuses, ains le sacré Concile de Trente.

  A020001622 

 Apres l'enfant, Dieu ouvrira la porte a la mere; et il n'est pas defendu de cuire, au sacrifice, la brebis au lait de la brebiette..

  A020001640 

 Monsieur de Blonnay vostre pere, et M. le Prieur vostre frere, souperent [145] hier ceans, et ce porteur, qui est bien fort de mes amis, vous dira quilz se portent tres bien.

  A020001651 

 Ouy certes, il est vray, ma tres chere Fille, j'ay tort, mais je dis tres grand tort, si je ne vous cheris d'une dilection toute particuliere.

  A020001652 

 Non, non, ma Fille, n'ayes pas crainte de me surprendre, j'entens tres bien vostre langage: vos plaintes ne sont pas aigres, ce sont des douceurs d'un enfant envers son pere; si elles sont apprestees au verjus, ce n'est que pour leur donner le haut goust.

  A020001653 

 O que nostre tres chere Seur Helene Angelique est bienheureuse d'estre en cette vocation avec le bon playsir de Dieu, qui luy donne la clarté et la consolation convenable et propre a graver profondement son tressaint et pur amour en son cœur..

  A020001654 

 M. Flocard qui vouloit revenir icy a cause de sa femme, avoit rayson, car sa femme est digne d'estre aymee, puisqu'elle tasche de tout son cœur de bien aymer Dieu; et ayant sceu l'honneur que vous faites a son mari ... tous-jours privee de la presence de son mari qui est en Piemont des il y [a] 11 moys..

  A020001658 

 Et vous estes ma tres chere fille en Celuy qui est nostre Tout, qui est beni es siecles des siecles..

  A020001676 

 O mon Dieu, ma tres chere Fille, que cette Providence eternelle a de moyens differens de gratifier les siens! O que c'est une grande faveur quand il conserve et reserve ses gratifications pourfla vie eternelle!.

  A020001684 

 Je me confie en sa bonté qu'il vous verra de bon cœur es occurrences de vostre profit spirituel; mays puisque vous me demandes mon advis, je vous diray, ma chere Fille, que c'est un personnage grandement appliqué au service de Dieu et de son Eglise, au milieu de Paris qui est un monde ou tant de gens voudront avoir part a sa charité, que vous deves faire vostre exercice ordinaire a l'Oratoire, sous la conduite de vostre Pere ordinaire, qui est, ce me semble, le P. Menan, et de troys moys en troys moys voir ce grand Prælat pour la suavité de vostre esprit..

  A020001684 

 Je suis consolé de la consolation que vous avés dequoy Monseigneur de Belley est vostre Praelat, bien que ce soit [149] avec ma perte.

  A020001685 

 C'est un grand bonheur que ce soit en cet aage, en cette condition et en cette ville..

  A020001699 

 Je viens finalement a vous, ma tres chere Mere, pour vous dire que j'ay receu trois de vos cheres lettres, et vous rens graces du soin que vous aves de m'escrire ainsy souvent; aussi est ce la plus grande consolation que j'aye en cett' espece, car vos lettres sont, en comparaison de toutes les autres, ce que m'est vostre chere ame en parangon des autres, selon qu'il a pleu a Dieu de le faire..

  A020001700 

 Ayes en soin encor de ce cors, car il est a Dieu, ma tres chere Mere.

  A020001701 

 Si moins, je vous laisseray encor la en paix, quoy qu'avec quelque sorte d'impatience de vous revoir de deça, puisque, comme vous m'escrives, l'air de Paris ne vous est pas salutaire.

  A020001702 

 De sçavoir si, en les faysant reimprimer, il faudra les faire de rechef appreuver par les docteurs de Paris, c'est a l'imprimeur de le sçavoir.

  A020001702 

 Je pense, quant a moy, que non, puisque mesme M. de Damas, qui a appreuvé la premiere impression, est docteur de Paris..

  A020001703 

 Il est vray qu'il ne faut plus recourir a Rome, puisque on peut eviter cet incomparable tracas qu'on y a en telles matieres.

  A020001704 

 En somme, si ces examinateurs et censeurs sans authorité, qui font tant de questions sur toutes choses, se peuvent donner un peu de patience, ilz verront que tout est de Dieu..

  A020001706 

 M. Jantet ne part pas encor, et je reserveray a ce [152] tems-la d'escrire a beaucoup de dames ausquelles il ne m'est pas possible de faire response maintenant.

  A020001707 

 O certes, il est vray, la mort de M. de Termes m'a infiniment tourmenté le cœur; je ne puis m'empescher que je n'en sente de tems en tems des vives atteintes; mays il est bien heureux d'estre mort si chrestiennement, et pour une si juste cause..

  A020001710 

 Hier je receu une lettre de madame la Premiere de Bourgoigne, qui m'escrit que nos Seurs seront receues a Dijon pour la Saint Martin; si cela est, voyla une nouvelle peine pour vous.

  A020001710 

 Je n'ay point veu madame de Royssieux, ni ne sçai pas ou elle est, bien que par la lettre de madame la Premiere il semble qu'elle ne soit plus a Dijon.

  A020001710 

 Quand je sçauray ce que je pourray faire pour ma tres chere fille de Port Royal, je le feray, mays de quel cœur! C'est beaucoup que sa mere soit gaignee.

  A020001714 

 Cette bonne Mere m'est une si parfaitement bonne fille ... des-ja il y a vingt ans..

  A020001725 

 Ayant treuvé icy monsieur Lachat, Curé de Vuallier, j'ay voulu employer sa bonne volonté pour vous faire tenir en main propre ces quattre motz, par lesquelz je desire vous ramentevoir l'affection que vous aves tesmoigné ci devant, de vouloir faire la Profession de Religion, qui est grandement necessaire pour le bon establissement de vostre Monastere.

  A020001742 

 Je croy bien que la resolution que la Compaignie a pris sur cela, est en partie fondee sur l'extreme incommodité que ce leur seroit sil failloit estre si souvent au confessional, ayans tant d'autres saintes occupations; mais il faut s'accommoder a cela et tant mieux ruminer la Communion du dimanche toute la semaine suivante.

  A020001742 

 Si c'estoit luy seul qui retranchast les Communions, j'auroys bien eu asses de courage; mays quand c'est par l'advis de toute la Compaignie, il me suffit bien d'user de mon opinion contraire, [157] sans que je les importune contre la leur.

  A020001791 

 O mon Dieu, que le monde est fascheux en ces saintes occasions!.

  A020001792 

 Au moins, mon Reverend Pere, faites bien sçavoir a la Serenissime Infante Catherine que je luy souhaite les benedictions des plus serenissimes Princesses qui furent jamais, et sur tout la perseverance aux desirs fervens d'aymer de plus en plus Jesus Christ crucifié, qui est la benediction des benedictions..

  A020001792 

 Mais dites moy, je vous prie, mon tres cher Pere, puis [161] je loysiblement oser vous supplier de faire tres humblement la reverence de ma part a nos Serenissimes Dames Infantes, ou du moins a la Serenissime Princesse Catherine? car, mon Pere, si cela est bonnement permis a mon indignité, faites le, je vous en prie de tout mon cœur, et dites leur que je les revere infiniment a cause de leur altesse, que je regarde avec toute extreme sousmission; mais que je les revere tres infiniment a rayson de la profonde humilité qu'elles prattiquent en leur serenissime altesse et grandeur.

  A020001793 

 O mon Pere, on me presse, et il faut faire partir cet enfant, qui est vostre puisqu'il est mien, filz de mon frere, qui me le donna, mourant tout a fait comme un saint entre mes bras, comme l'autre mourut entre les vostres..

  A020001804 

 Ce m'est un si grand honneur qu'il ayt pleu a Vostre Altesse Serenissime de commander que le filz de mon frere soit receu au nombre de ses pages, que je ne sçai comme former le tres humble remerciment que j'en doy a vostre bonté; laquelle je supplie donq, en toute reverence, d'avoir aggreable qu'en lieu de tout autre tesmoignage de reconnoissance, je benisse Dieu de la douceur et debonaireté qu'il a donné au cœur de Vostre Altesse, Madame, pour le bonheur de vos serviteurs, et que, comme je suys infiniment tres-obligé de fayre, j'invoque journellement la divine Providence pour vostre prosperité,.

  A020001835 

 C'est la plus grande ambition, mays la plus juste que je puysse avoir, que celle d'estre conservé au service de Madame, puisque Vostre Altesse, par sa seule bonté, m'y a appellé.

  A020001851 

 Je m'imagine que vous estes la, en ce bel air, ou vous regardes, comme d'un saint hermitage, le monde qui est en bas, et voyes le ciel auquel vous aspires, a descouvert..

  A020001852 

 Je vous asseure, ma tres chere Fille, que je suis grandement vostre, et croy que vous faites bien de vivre totalement dans le giron de la Providence divine, hors de laquelle tout n'est qu'affliction vaine et inutile..

  A020001861 

 Il y a un peu de l'extraordinaire en l'action de cette fille, et peut estre encor en sa reception; mays ce n'est pas merveille qu'une eguille non engraissee, non distante, non frottee d'ail, non empeschee par le diamant, s'attache si promptement et si puissamment a son aymant.

  A020001865 

 Mon cœur est tout a fait dedié a celuy de madamoyselle de Verton, vostre chere seur, dans lequel j'ay veu que Dieu regne.

  A020001875 

 La Seur de Chatel est tous-jours elle mesme, bonne fille..

  A020001876 

 Tenes vostre ame eslevee en sa souveraine Bonté; c'est le souhait invariable de.

  A020001891 

 En somme, il faut ne vouloir point les choses mauvaises, vouloir peu les bonnes, et vouloir sans mesure le seul bien divin, qui est Dieu mesme..

  A020001892 

 Il est vray, ma tres chere Fille, Grenoble est tous-jours en mon cœur; et vous, ma tres chere Fille, au milieu de ce mesme Grenoble.

  A020001895 

 Et vous aves aussi esté une petite infirmiere, puisque vous aves eu tant de malades ces moys passés; et vous aves esté infirme de leur infirmité, car puisque c'estoyent mesme des personnes si cheres, comme monsieur vostre mary et vostre filz bienaymé, vous aves bien peu dire: Qui est infirme, que je ne sois infirme avec luy? Dieu soit loué, qui, par ces alternatives, nous conduit a la ferme et invariable tranquillité de l'eternel sejour..

  A020001922 

 Il ny a remede, ma tres chere Fille, il faut suivre les loix du monde, puisque on y est, en tout ce qui n'est pas contraire a la loy de Dieu..

  A020001922 

 Mais maintenant il faut que je me courrouce un peu [172] avec vous, par ce que mon neveu n'est pas habillé convenablement ni a sa qualité, ni au service auquel il est; et outre que cela luy detraque l'esprit, voyant tous ses compagnons beaucoup mieux que luy, cela est blasmé par ses amis, desquelz quelques uns m'en ont parlé avec zele.

  A020001939 

 En fin, ma tres chere Mere, monsieur Crichant est donq arrivé, puisque, comme je voy par vostre derniere lettre, vous aves receu celles que je vous envoyois par luy.

  A020001940 

 Elle nous a dit tout ce qui s'est passé a Dijon, ou il sera a propos que vous arresties deux ou trois moys pour appaiser ces messieurs du party contraire, qu'il faut combattre et abbattre par la douceur et l'humilité; encor qu'a mon advis nous ayons l'advantage, puisque monsieur le Duc et madame la Duchesse de Bellegarde, madame de [175] Termes et la pluspart du Parlement est pour nous, et particulierement Monsieur l'Evesque de Langres, qui a le zele, la prudence et l'authorité apostolique en ce païs la, et qu'outre cela nous aurons l'assistance de Monseigneur nostre bon Archevesque..

  A020001941 

 Madame de Royssieu m'a dit que monsieur le premier President avoit quelque amertume contre moy a [176] rayson de ce qui s'est passé de la part de monsieur de Sauzea; en quoy, sil est vray, il a un tort tres grand, car non seulement je n'envoyay pas monsieur de Sauzea au Puis d'Orbe, mais, avec toute la dexterité qui me fut possible, je m'essayay de divertir la poursuite que l'on faisoit pour l'y attirer, comme sachant bien que son courage estoit trop fort et trop verd pour la conduite d'une telle Mayson que je voyois devoir estre conduite doucement et avec respect.

  A020001941 

 Mais, ma tres chere Mere, je vous supplie de ne point parler de ceci, si vous ne voyes tout a fait qu'il en soit tems; et je croy que son cœur se laissera gaigner par la verité, puisque mesme, comme m'asseure madame de Royssieu, madame la premiere Presidente est toute portee a nous favoriser, comm'aussi elle me l'a tesmoigné par une sienne lettre, et que la bonté et sincerité de son cœur me le fait croire fermement..

  A020001942 

 Nos Seurs de Grenoble, avec leur Pere spirituel, monsieur d'Aouste, qui est un grand serviteur de Dieu, desirent que l'on face imprimer le Formulaire de la reception des Prætendantes au novitiat et des Novices a la profession avec les Regles et les Constitutions; mais je croy pourtant que cela doit estre en deux petitz volumes, et que le Formulaire des receptions soit en lettre asses grosse pour estre leüe aysement..

  A020001943 

 Je me suis imaginé en cett'occasion la les douleurs du cœur de madame la Contesse sa chere femme, et n'ay peu contenir le mien d'en recevoir de la tendreté, bien que j'aye eu confiance en Dieu, a qui ell'est, qu'il la tiendrait de sa main paternelle en la tranquillité et resignation qu'il a accoustumé de donner a ses enfans bien-aymés quand ilz sont affligés.

  A020001943 

 Je ne me resouviens pas d'avoir jamais veu cette dame qu'une fois chez madame de Guise, ou je ne luy parlay presque point, et un'autre fois chez monsieur de Montelon, ou je l'entretins environ une heure; mais je confesse la verité, que je treuvay son ame tellement a mon gré, que je ne puis ne la cherir pas et ne l'estimer pas autant qu'il m'est possible; et je luy escrirois fort volontier pour le luy tesmoigner, si ce n'estoit la pensee que j'ay que vous feres aussi bien cest office pour moy comme moy mesme, puisque vous connoisses mon cœur comme le vostre, lequel je vous prie de luy offrir avec mon tres humble service.

  A020001944 

 Et a ce propos, ma tres chere Mere, je ne fay nulle difficulté que les Evesques et, en leur absence, les Peres spirituelz des Maysons de la Visitation, ne puissent, ains ne doivent charitablement faire entrer les dames en telles occurrences, sans quil soit besoin quelconque que cela soit [178] declaré dans les Constitutions, par la douce et legitime interpretation de l'article du Concile de Trente qui est mis en la Constitution De la Clausure, car on le pratique bien ainsy en Italie et par tout le monde, mesme pour des moindres occasions: car je vous laisse a penser, si l'on fait bien entrer des jardiniers, des jardinieres, non seulement pour l'ageancement necessaire des jardins, mais aussi pour les embellissemens non necessaires, ains seulement utiles a la recreation, comme sont les berceaux, les palissades, les parterres, les entrees de telles gens estant jugees necessaires non par ce que ce quilz font soit necessaire, ains seulement par ce que ces gens la sont necessairement requis pour faire telle besoigne, si nous ne pourrons pas justement estimer l'entree des dames desolees par quelque evenement inopiné estre necessaire, quand elles ne peuvent pas aysement treuver hors du monastere les soulagemens et consolations si convenables.

  A020001952 

 C'est pourquoy je vous supplie de vous servir en cette occasion de vostre propre jugement; car, comme vous dites, il se pourroit bien faire que les affaires de Dijon vous donneroyent asses de loysir pour estre encor a Paris au mois de fevrier, attendu mesme qu'aussi tost que j'auray l'asseurance de cest affaire et que je sçauray comm'elle se devra conduire, j'escriray a nostre grande Fille de Monferrand affin qu'elle aille vous attendre la, et parmi tout cela il se passera fort aysement deux ou troys moys..

  A020001964 

 Que si Sa Sainteté luy en faisoit la concession, il y auroit une tres probable apparence que son desir est de la volonté de Dieu, attendu que la chose estant de soy mesme difficile, elle ne pourroit reuscir sans un special concours de la faveur divine; que si, au contraire, Sa Sainteté l'esconduisoit, il n'y auroit plus autre occasion de faire autre chose que de s'humilier et appayser son cœur.

  A020001966 

 L'inconstance des filles est a craindre, mais on ne peut pas deviner; et la constance en celle cy est esgalement, ains advantageusement, a bien esperer..

  A020001967 

 Mon Dieu, mon Pere, que nostre ancienne amitié me fait extraordinairement apprivoiser et espancher mon ame avec la vostre! C'est trop.

  A020001988 

 L'occasion pour laquelle il va, n'est qu'une juste (sic) persecution, pour laquelle dissiper il aura besoin de vostre conseil et assistence; mays il est beaufilz de feu M. le President ....

  A020001989 

 Monsieur, il y a la un fort honneste advocat de ce païs, [186] nommé M. Monet, qui a quelque envie de pouvoir, es occasions, entrer au service de Monseigneur de Nemours es offices de robbe longue; en quoy je confesse qu'il ne suit pas mon sentiment, car il y a trop d'agitations en ce tems ci; mays il est mon ami, et je le sers selon son goust, vous suppliant, en ce qui se pourra bonnement faire, de le favoriser..

  A020002004 

 Or sus, bien que vostre grossesse vous incommode un peu sensiblement tous deux, ma fille qui la sent, et mon tres cher frere qui la ressent, il me semble toutefois que je vous voy tous deux avec deux cœurs si contens et si courageux a bien servir Dieu, que ce mal mesme que vous sentes et ressentes vous console; comme marque que, n'ayant pas exemption entiere de toute affliction en ce monde, vostre parfaite felicite vous est reservee au Ciel, ou je m'asseure que vous aves vos principales pretentions..

  A020002040 

 C'est que l'on va fonder a Dijon, ville de telle importance que vous sçaves.

  A020002040 

 Or je ne vous plains pas, car c'est un grand bien de travailler beaucoup pour Dieu; mais je plains nostre tres chere madame de Dalet, qui peut estre en souffrira dans son cœur, et je la cheris et honnore si fort, que cela me fait bien de l'apprehension.

  A020002040 

 Toutefois, ell'est toute a Dieu, et je m'asseure qu'elle preferera son service a la consolation que vostre presence luy peut donner.

  A020002041 

 On vous envoyera a propos, et cependant, ma tres chere Fille, vives toute en Dieu, et salues bien l'ame de madame de Dalet de la part de la mienne qui est toute [191] vostre et a elle aussi.

  A020002075 

 Selon vostre lettre, ma tres chere Fille, du 14 e novembre, nous avions des-ja pensé de choisir icy une Superieure pour Valence; mais Dieu soit loué dequoy pour maintenant vous n'en aures pas besoin, puisque par sa [193] misericorde celle qui y est est hors de danger, ainsy que vous nous escrives du 19 de ce mesme moys; et je suis grandement consolé de ce que vous me dites, qu'elle et ses compaignes sont si bien disposees a souffrir pour Nostre Seigneur, qui ne leur aura pas donné ce courage qu'avec plusieurs autres vertus.

  A020002076 

 J'ay certes grande compassion du cœur de la mere de vostre malade; car, combien qu'en verité cet accident de la fille soit honnorable devant Dieu et ses Anges, et par consequent doive estre souffert avec amour et douceur, si est ce neanmoins que je sçay combien les cœurs des meres sont tendres et sujetz a s'inquieter en des pareilles occasions esquelles, selon les yeux vulgaires des hommes, il y a quelque sorte d'abjection; et c'est l'abjection des maux qui mortifie principalement l'esprit du sexe.

  A020002077 

 Les verités de la foy sont quelquefois aggreables a [194] l'esprit humain, non pas seulement parce que Dieu les a revelees par sa parole et proposees par son Eglise, mais parce qu'elles reviennent a nostre goust, et que nous les penetrons bien, nous les entendons facilement, et sont conformes a nos inclination s. Comme, par exemple: qu'il y ayt un Paradis apres cette vie mortelle, c'est une verité de la foy que plusieurs treuvent bien a leur gré, parce qu'elle est douce et desirable; que Dieu soit misericordieux, la pluspart du monde le treuve fort bon et le croit aysement, parce que la philosophie mesme nous l'enseigne: cela est conforme a nostre goust et a nostre desir.

  A020002077 

 Or, toutes les verités de la foy ne sont pas de la sorte: comme, par exemple, qu'il y ayt un enfer eternel pour la punition des meschans, c'est une verité de la foy, mais verité amere, effroyable, espouvantable et laquelle nous ne croyons pas volontier, sinon par la force de la parole de Dieu..

  A020002078 

 Et alhors nostre foy est nue, parce qu'elle n'est point revestue d'aucune suavité ni d'aucun goust; elle est simple, parce qu'elle n'est point meslee d'aucune satisfaction de nostre propre sentiment..

  A020002078 

 Et maintenant, je dis premierement: que la foy nue et simple est celle la par laquelle nous croyons les verités de la foy sans consideration d'aucune douceur, suavité et consolation que nous ayons en icelles, par le seul acquiescement que nostre esprit fait a l'authorité de la parole de Dieu et de la proposition de l'Eglise; et ainsy nous ne croyons pas moins les verités effroyables que les verités douces et aymables.

  A020002079 

 Et cette foy ainsy nue et simple est celle que les Saintz ont prattiquee et pratiquent parmi les sterilités, aridités, degoustz et tenebres..

  A020002079 

 Et cette foy la est veritablement nue, car elle est destituee de toute imagination; et elle est parfaitement simple, parce qu'elle n'est point meslee d'aucune sorte d'actions que de celle de nostre entendement, lequel, purement et simplement, embrasse ces verités sur le seul gage de la parole de Dieu.

  A020002079 

 Il y en a des autres lesquelles nous ne pouvons nullement apprehender par imagination: comme la verité de la tressainte Trinité, l'eternité, la presence du cors de Nostre Seigneur au tressaint Sacrement de l'Eucharistie; car toutes ces verités sont veritables d'une façon qui est inconcevable a nostre imagination, d'autant que nous ne sçavons imaginer comme cela peut estre, mais [195] neanmoins nostre entendement le croit tres fermement et simplement, sur la seule asseurance qu'il prend en la parole de Dieu.

  A020002080 

 Et c'est le mensonge auquel vivent tous ceux qui n'adherent pas avec simplicité et nudité de foy a la parole de Nostre Seigneur, mais qui veulent vivre selon la prudence humaine, qui n'est autre chose qu'une fourmiliere de mensonges et de vains discours.

  A020002080 

 Et vivre selon ces choses la, c'est vivre en mensonge, ou du moins en un perpetuel hazard de mensonge (mais vivre selon la foy nue et simple, c'est vivre en verité): ainsy qu'il est dit du malin esprit, qu' il ne s'arresta pas en la verité, parce qu'ayant eu la foy au commencement de sa creation, il s'en escarta, voulant discourir sans la foy sur sa propre excellence, et voulut faire le fin soy mesme, non selon la foy nue et simple, mais selon les conditions naturelles, qui le porterent a l'amour desmesuré et desreglé de soy mesme.

  A020002080 

 Vivre en verité et non point en mensonge, c'est faire une vie totalement conforme a la foy nue et simple, selon les operations de la grace et non selon les operations de la nature; parce que nostre imagination, nos sens, nostre sentiment, nostre goust, nos consolations, nos discours peuvent estre trompés et errans.

  A020002082 

 Je voy bien qu'il n'y aura pas loysir d'escrire a nostre Seur Colin; c'est pourquoy je vous prie de la saluer cordialement de ma part, et de me recommander a la [196] misericorde de Nostre Seigneur, puisque je suis de tout mon cœur, parfaitement et tout a fait invariablement tout vostre, qui salue toutes nos Seurs et M. Brun..

  A020002089 

 Et bien quil n'ayt encor fait que six ou sept sermons, si est ce quil est capable de prescher devant les Roys et les peuples egalement, et ce qui me plait, c'est qu'il presche devotement.

  A020002105 

 Et selon qu'il a pleu a Vostre Altesse de m'ordonner, je luy envoye ce qui est presentement requis pour l'establissement des Peres de l'Oratoire a Rumilly, qui est une chose pressante; et demeure ce pendant, de toutes mes affections,.

  A020002131 

 Je vous rens mille actions de graces du soin qu'il vous a pleu de prendre pour me faire avoir response de Monseigneur le Serenissime Prince en faveur de l'introduction des Peres de l'Oratoire a Rumilly, ou l'on ne sçauroit dire combien leur venüe est necessaire; car, Monsieur, imaginés vous qu'en cette seule eglise il y a quatre diverses especes d'ecclesiastiques: 1.

  A020002131 

 Le Prieur, qui est Religieux de l'Ordre de Cluny, dependant du prieuré de Nantua qui est a present en France; 2.

  A020002131 

 le sacristain [200] seculier, qui est dependant du prieuré; 3.

  A020002132 

 Il n'est pas croyable combien de peine cette petite trouppe ainsy composee m'a donné de peine (sic) des 20 ans en ça, a cause des continuelz proces et altercatz que les uns ont eu perpetuellement les uns (sic) avec les autres, avec un extreme scandale du peuple.

  A020002133 

 Au reste, monsieur de Saunaz est filz de monsieur de Saunaz qui fut pendu a Geneve pour le service de Son Altesse, lors de l'Escalade, et va achever a ces festes de Noël son noviciat en la mesme Congregation, et meurt de desir que son prieuré de Chindrieu soit uni a l'eglise [201] de Rumilly pour ce bon œuvre.

  A020002134 

 Et ce qui est grandement a noter, c'est que le prieuré de Rumilly depend de Nantua qui en prouvoit, et Nantua est hors de l'Estat de Son Altesse, et encor, ledit Nantua a le droit de presenter le curé.

  A020002148 

 Mais Dieu est bon, il void la grandeur de ma charge et la vanité de mes forces; c'est pourquoy je dis comme saint Ambroyse: Je ne crains pas d'une crainte qui oste le courage, par ce que j'ay un bon Maistre..

  A020002149 

 La tres glorieuse Vierge, nostre tres bonteuse Dame et tres pitoyable Mere, nous veuille combler de son saint amour, affin que vous et moy ensemblement, qui avons eu le bonheur d'estre appellés et embarqués sous sa protection et en son nom, fassions saintement nostre navigation en humble pureté et simplicité, affin qu'un jour nous nous treuvions au port de salut qui est le Paradis, pour louer et benir eternellement son Filz nostre Redempteur.

  A020002156 

 Je compatis infiniment a cette bonne dame; elle n'est que de trop bon naturel, ou du moins, son bon naturel n'est pas asses dompté par le surnaturel en elle.

  A020002157 

 C'est la le port de nos asseurances; et ne permettes point de repliques ni de mais sur cela..

  A020002158 

 Qu'appelles vous grand esprit, ma tres chere Fille, et [204] petit esprit? Il n'y a point de grand esprit que celuy de Dieu, qui est si bon qu'il habite volontier es petitz espritz; il ayme les espritz des petitz enfans, et en dispose a son gré, mieux que des vieux espritz.

  A020002158 

 Si la fille du procureur dont vous m'escrives est douce, maniable, innocente et pure, ainsy que vous le dites, mon Dieu, gardes vous en bien de la renvoyer; car, sur qui habite l'Esprit du Seigneur, sinon sur les pauvres et innocens qui ayment et craignent sa parole? Icy, nous avons des filles du voyle noir, Associees, qui font tres bien: mais qu'importe il que celle ci soit Associee, jusques a ce qu'elle soit capable du chœur? C'est pour des telles filles que ce rang de Seurs a esté mis es Constitutions..

  A020002170 

 Il ne faudroit pas vous avoir au milieu de mon cœur, ma tres chere Fille, pour ne pas avoir avec vous part a vos afflictions; mays il est tout vray, qu'estant ce que je vous suis, et a vostre mayson, je compatis grandement a toutes vos afflictions, et de madame de la Baume, vostre seur.

  A020002170 

 Mays, ma tres chere Fille, il me semble que vous estes un peu plus susceptible des consolations que cette chere seur; c'est pourquoy je vous dis que nous avons tort si nous regardons nos parens, nos amis, nos satisfactions et contentemens comme choses sur lesquelles nous puissions establir nos cœurs.

  A020002170 

 Sommes nous, je vous prie, en ce monde qu'avec les conditions des autres hommes et de la perpetuelle inconstance dans laquelle il est establi? Il faut s'arrester la, ma tres chere Fille, et reposer nos attentes en la sainte aeternité a laquelle nous aspirons.

  A020002174 

 La niece qui est icy est bienheureuse d'estre si bonne et douce Religieuse comme ell'est..

  A020002187 

 L'une et l'autre pensee est bonne, ma tres chere Fille: puisque vous aves tout donné a Dieu, vous ne deves rien chercher en vous que luy, qui est sans doute, luy mesme, le contreschange du mauvais petit tout que vous luy aves donné.

  A020002188 

 Et c'est bien fait de penser toutefois que vostre sterilité vient de vostre defaut, sans neanmoins vous amuser a rechercher quel est ce defaut; car cela vous fera marcher en humilité.

  A020002189 

 Saint Hierosme dit a une fille de ses devotes: Celuy n'a besoin de planche qui marche dessus la terre; celuy n'a besoin de toit qui est couvert du ciel.

  A020002202 

 Ilz vous supplieront, mon tres Reverend Pere, de les gratifier de vostre authorité, requise pour cela; et puis qu'ilz le souhaitent, j'implore avec eux vostre charité, ce que je fay d'autant plus volontier, que si je puys prendre connoissance des qualités de cette fille par celles de son aysnee qui est ma belleseur, elle sera vertueuse et bonne servante de Dieu.

  A020002218 

 C'est bien une lettre d'empressement, car veritablement je ny puis mettre sinon que nous sommes icy tous en tres bonne santé, et moy particulierement, avec bonne esperance de vous revoir de mesme quand Dieu nous donnera la consolation de vostre retour, pour lequel je vous envoyeray ou M. Roland ou M. Michel pour le tems que vous m'advertirés, que vous marqueres a vostre gré, selon que le service de Dieu vous semblera le requerir..

  A020002219 

 Helas! que la pauvre madame de Gouffier est bien morte a l'improuvëu, et que j'en ay esté touché! Vous m'avies escrit qu'elle estoit hors de danger et pleyne d'un estreme desir d'estre retiree dans vostre Mayson, et j'en avois esté consolé.

  A020002230 

 Me treuvant dans ces bonnes festes environné de mille affaires, il ne m'est presque pas bien possible de vous aller visiter, ma tres chere Fille.

  A020002243 

 Nous avons icy nostre Monseigneur de Chalcedoine, lequel, ou je suis trompé, ou il reparera beaucoup de fautes que j'ay faites en ma charge, ou je confesse que j'ay failli en tout, ormis en l'affection; mais ce frere est d'un esprit zelé, et, ce me semble, brave homme pour reparer mon meschef..

  A020002244 

 Je suis bien ayse que nos Filles de Sainte Marie soyent [213] en leur monastere; ce ne sera pas un petit attrait a plusieurs ames pour se retirer du monde, puisque l'on est si miserable en ce siecle que l'on ne regarde pas tous-jours le celeste Espoux au visage, ains a ces ageancemens exterieurs, et que souvent nous estimons les lieux plus devotieux que les autres, a cause de leur forme..

  A020002254 

 Je vous respondray en peu de paroles, puisqu'aussi bien sçay je ce que vous m'eussies dit, par vostre lettre, comme si je vous eusse oüye parler de bouche; car en fin, c'est que vous estes tous-jours celle la que vous m'aves dit les annees passees.

  A020002256 

 Vous seres toute vostre vie imparfaitte, et y aura tous-jours beaucoup a corriger; c'est pourquoy il faut apprendre a ne se point lasser en cest exercice..

  A020002257 

 Tiercement, travaillés pour acquerir la suavité du cœur envers le prochain, le considerant comme œuvre de Dieu, et qui en fin jouyra, s'il plait a la Bonté celeste, du Paradis qui nous est preparé.

  A020002268 

 Ce qui n'est point Dieu, n'est rien pour nous.

  A020002268 

 Comme se peut il faire que je sente ces choses, moy qui suis le plus affectif du monde, comme vous sçaves, ma tres chere Mere? En verité, je les sens pourtant; mais c'est merveille comme j'accommode tout cela ensemble, car il m'est advis que je n'ayme rien du tout que Dieu et toutes les ames pour Dieu.

  A020002268 

 J'adjouste donq ce mot, ma tres chere Mere, pour vous dire que, selon vostre ordre, j'ay escrit a nostre Seur de N. amoureusement, et je vous asseure, ma tres chere Mere, que c'est de tout mon cœur, car j'ayme cette pauvre fille d'un cœur parfait.

  A020002268 

 Mays c'est grand cas, il n'y a point d'ames au monde, comme je pense, qui cherissent plus cordialement, tendrement et, pour le dire tout a la bonne foy, plus amoureusement que moy; car il a pleu a Dieu de faire mon cœur ainsy.

  A020002269 

 Ma tres chere Mere, ce discours est infini.

  A020002300 

 O que Dieu est bon, ma tres chere Fille! Il est vray qu'il est bon a tous, mays souverainement a ceux qui l'ayment.

  A020002301 

 Meilleure est une heure es portiques de Dieu, que mille et millions es cabinetz des pecheurs.

  A020002302 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre ame, pour l'enflammer de plus en plus de son pur amour, qui est la plus digne et la plus desirable benediction de vostre esprit.

  A020002310 

 Quand la prudence humaine se mesle de nos desseins, il est malaysé de la faire taire; car elle est merveilleusement importune, et se fourre ardamment et hardiment en nos affaires malgré nous..

  A020002312 

 Si nous avons une fille, par exemple, que la prudence humaine dicte devoir estre colloquee en Religion pour quelques raysons de l'estat de nos affaires, or sus, nous dirons en nous mesmes (je ne dis pas devant les hommes, mais devant Dieu): O Seigneur, je vous veux offrir cette fille, parce que, telle qu'elle est, elle est vostre; et bien que ma prudence humaine m'incite et incline a cela, si est ce, Seigneur, que si je sçavois que ce ne fust pas aussi vostre bon playsir, malgré ma prudence inferieure je ne le ferois nullement, rejettant en cette action ladite prudence que mon cœur sent, mays a laquelle il desire ne [222] point consentir, et embrassant vostre volonté que mon cœur n'apperçoit pas selon son sentiment, mais a laquelle il consent selon sa resolution..

  A020002313 

 Et cela fait, laisses clabauder la prudence humaine tant qu'elle voudra, car l'œuvre ne sera plus sienne; et vous luy pourres dire comme les Samaritains dirent a la Samaritaine apres qu'ilz eurent oüy Nostre Seigneur: Ce n'est plus meshuy pour ta parole que nous croyons, mays parce que nous mesmes l'avons veu et entendu.

  A020002313 

 O ma tres chere Fille, c'est a tout propos que l'esprit humain nous travaille de ses pretentions et se vient importunement ingerer parmi nos affaires.

  A020002326 

 Leur exemple est le point d'ou depend le bonheur et le malheur du peuple, et partant ilz doivent tous dire avec Trajan: « Je dois estre tel prince envers mes sujetz, que je desirerois de rencontrer un prince si j'estois sujet.

  A020002326 

 Or, il est vray que Dieu ne veut autre chose d'un prince, sinon qu'en regissant tous [224] ses sujetz avec crainte et amour, il ayme et craigne Dieu avec une crainte filiale et un amour tres pur, tressaint et tres cordial.

  A020002326 

 Souvent leur indulgence est une pure cruauté, et leur justice, une grande misericorde.

  A020002327 

 C'est la leur premiere leçon, d'ou ilz apprendront a rendre a Dieu et a leur Roy tous les devoirs de leur sujettion, et a leurs sujetz tous les offices d'une puissance qui ne doit marcher que sur la justice et sur la bonté.

  A020002327 

 De mesme aussi, comme chaque seigneur et chaque gentilhomme est un petit monarque en sa mayson, ilz ne doivent pas s'oublier de ces paroles de l'Apostre: Vous qui estes maistres, faites a vos serviteurs ce qui est juste et convenable, vous souvenans que vous aves un autre Maistre au Ciel et des Rois sur la terre, de qui vous dependes.

  A020002336 

 Plus je vay avant, plus je treuve le monde haïssable et les pretentions des mondains vaines, et ce qui est encor pis, plus injustes..

  A020002347 

 Ayant fort souvent esté prié par le sieur Peyssard, vicaire en l'eglise parroissiale de cette ville, de vous representer combien la chapelle de Chitri, qui y est, a besoin de vostre soin et d'un legat que feu M. de Treverney avoit fait pour icelle, je le fay maintenant par cette commodité, sachant que vous aurés grandement aggreable que je vous rende ce devoir, et que vous prendres playsir a faire ce bien-la en un lieu qui porte le nom et les marques d'une mayson qui n'est qu'une avec la vostre et qui s'est si honnorablement, jadis, signalee en la vertu et pieté..

  A020002371 

 Ou bien il est sans jugement,.

  A020002373 

 Neanmoins, la cheute de Salomon, que j'ay si souvent en la pensee, me mit, je vous asseure, grandement en peine; et fus grandement soulagé quand ce bon Frere m'eut parlé et que j'eus veu le tesmoignage plus grand qu'aucune exception de monsieur l'Archidiacre, duquel [229] le tesmoignage est digne de tres grand respect.

  A020002374 

 Voicy mon advis: Premierement, puisqu'ainsy que me dit ce porteur et que vostre lettre me signifie, la calomnie n'est pas encor entree dans la foule du peuple, et qu'au contraire les plus apparens et les plus dignes juges des actions humaines de ce païs la sont tout a fait resolus en l'opinion de vostre probité, je prefere la dissimulation au ressentiment; car nous sommes au cas de l'ancien sage:.

  A020002376 

 et, comme j'ay accoustumé de dire, la barbe n'est ni arrachee ni bruslee, ains seulement coupee ou rasee: elle recroistra facilement..

  A020002378 

 Neanmoins, il faudroit oster de devant les yeux des malins tout ce qui les peut provoquer et qui n'est pas du service de Dieu..

  A020002390 

 Sa divine Bonté nous veuille a jamais defendre de la prudence et sagesse, et des saillies de l'esprit humain, et nous face tout a fait vivre en la suite de l'esprit du saint Evangile, qui est simple, doux, amiable, humble, et qui ayme le bien en tous, pour tous, et par tout ou il est; et qui nous fait tellement aymer nostre vocation que nous n'en aymons pas moins les autres, et qui nous fait parler avec veritable sentiment d'honneur, de respect et d'amour de tout ce que Dieu veut estre en son Eglise pour le bien de ses enfans et pour son service..

  A020002405 

 Il recourt donq avec la confiance qu'il a, et que mesme je luy ay augmentee, en vostre æquité et debonaireté, affin qu'il vous playse, Monsieur, de le delivrer [233] de la totale ruine delaquelle il est menacé et des-ja presque tout accablé, le conservant en l'office d'archer du prævost et en celuy qu'il avoit pour la garde du sel, a Gex..

  A020002405 

 Mondon, present porteur, est veritablement l'un de ceux la, grandement vexé pour le crime d'autruy, ains pour le fait d'autruy qui n'est pas tout a fait crime, ainsy que Vostre Grandeur, Monsieur, pourra mieux discerner que nul autre, sil vous plait d'oüir le discours de cet accident.

  A020002435 

 C'est pourquoy, ma tres chere Fille, en toutes occasions de fondation, il faut que les Superieures des lieux ou l'on recourt pour avoir des Seurs prennent advis et conseil avec les Peres spirituelz et autres sages amis et amies, et que, avec le consentement du Chapitre et l'obeissance de l'Evesque, ou, en son absence, du Pere spirituel, elle dispose (sic) des personnes convenables a la fondation.

  A020002435 

 Et quand c'est hors de la diocæse qu'il faut aller fonder et que l'obeissance est donnee par le Pere spirituel, il faut que le Vicaire general de l'evesché atteste que le Pere spirituel est deputé pour la direction du [236] Monastere; et faut observer encor cela quand, selon que le Concile de Trente l'ordonne, un Monastere eslit et desire une Superieure d'un autre monastere hors du diocæse ou se fait l'election..

  A020002436 

 De sorte, ma tres chere Fille, que pour les deux fondations que vous me marques, vous n'avies nul besoin de m'advertir sinon en ce qui regarde la disposition de vostre chere personne, pour laquelle je ne voy nul lieu de me dispenser contre les promesses faites a tant de personnes, mays sur tout a monsieur vostre pere, qui ne peut quasi plus rien esperer pour l'accomplissement de ses consolations en ce monde, que de vous voir au Monastere de Chamberi que l'on va entreprendre, affin de vous avoir aupres de luy, d'ou il a esloigné tous messieurs vos freres par les charges honnorables dont ilz sont tous prouveuz maintenant, puisque, comme vous sçaves, M. de Feliciaz est senateur et juge maje de la province de Chablaix; monsieur de Charmettes a la cour, aupres de Madame; monsieur nostre President de Genevois icy, d'ou il ne peut absenter, non plus que monsieur de Vaugelaz de la cour de France; de sorte quil ne reste que monsieur [237] le Doyen de la Sainte Chapelle.

  A020002436 

 Et bien que ce tres bon pere, comme tout dedié a Dieu luy mesme, se remet tres volontier a tout ce qui sera jugé plus a propos pour l'employ de sa fille au service de la plus grande gloire de cette celeste Majesté, si est ce que cela mesme nous oblige tant plus a le consoler en ce qui se pourra.

  A020002436 

 Mays, comme que ce soit, il est malaysé de repliquer au desir d'un pere, si juste comm'est celuy de voir sa fille, puysque cela se peut bonnement faire, et selon la gloire de Dieu.

  A020002437 

 Et quant a la fondation de madame de Chazeron, je vous diray mon advis, qui est que l'on la contente en tout ce que l'on pourra, et sur tout quant a la qualité et quant aux privileges de fondatrice, dont elle puisse jouir des maintenant..

  A020002438 

 Mays j'appreuverois merveilleusement que l'on ne se hastat pas tant de faire le Monastere de Riom, non seulement pour donner du tems aux autres Institutz des filles, Carmelites, Urselines et autres qui y sont, mays principalement pour en donner a vostre Monastere de Montferrant de se bien establir, sur tout en personnes; car c'est cela que j'apprehende en toutes les fondations, qu'elles ne se facent sans filles bien formees et solides [238] en cette vertu religieuse que l'Institut requiert autant ou plus qu'aucun autre Institut qui soit en l'Eglise, puisque dautant plus qu'il y a moins d'austerité exterieure il faut quil y ayt de l'esprit interieur.

  A020002441 

 Et certes, il n'est pas convenable que l'on engage ces si jeunes filles a l'habit, car il y [a] bien plus de peine a oster l'habit a une fille qu'a la renvoyer avant qu'elle l'ayt (sic) pris l'habit..

  A020002441 

 Mays affin que cela se face comm'il est expedient, il faut qu'elle face le premier essay de quelques semaines, apres lequel, sil (sic) ell'estjugee propre, il faut avoir dispense de M. l'Evesque ou du Pere spirituel, car autrement cela tireroit consequence plus grande.

  A020002443 

 Je treuve que c'est une grande Providence de Dieu que [240] les Supperieurs, en ce commencement, ne soyent pas trop empressés de vostre conduite; elle se fera plus suavement par les advis des amis que vous employerés..

  A020002445 

 Vives toute a Dieu, ma tres chere Fille, et ne bouges, ce reste de tems, d'aupres du petit Enfant qui vous dira, au commencement de ses ans, que l'eternité de laquelle il vient, a laquelle il est, a laquelle il va est seule desirable.

  A020002456 

 Bien que je n'eusse pas eu le bonheur de vous connoistre quand j'eu la premiere nouvelle de vostre desplaysir, si [241] est ce que je ne laissay pas d'estre vivement touché de compassion pour vostre cœur, m'imaginant combien forte avoit esté cette inopinee secousse; et si mes souhaitz eussent esté autant pleins d'efficace comm'ilz le furent d'affection et de tendreté, je croy que des lors vous eussies ressenti quelque sorte de veritable alegement.

  A020002456 

 Mays, Madame, les pensees des hommes sont vaynes et inutiles en elles mesmes; Dieu seul est le Maistre et le Consolateur des cœurs, c'est luy seul qui apayse les ames de bonne volonté.

  A020002458 

 » Bienheureux est le cœur qui sçait bien employer ce souspir!.

  A020002459 

 Ce cher filz est passé de ce monde a l'autre sous des bons auspices, a la suite de son devoir envers Dieu et le Roy: ne voyes plus ce passage qu'en l'eternité..

  A020002460 

 Madame, on me presse de donner cette lettre, qui est des-ja trop longue pour estre si peu consideré (sic). Je benis Dieu dequoy ces Seurs de Sainte Marie vous ont esté aggreables en cett'occasion de vostre retraitte, et de quoy il vous a fait faire ce choix pour cette petite retraitte.

  A020002501 

 Puisque non une seule rayson, mais plusieurs bien justes et urgentes retirent la bonne Mere Superieure de la Visitation Sainte Marie de Paris a Dijon et de deça, il est bien raysonnable que je vous remercie, ainsy que je fay tres humblement, des consolations et faveurs qu'elle a recueillies de vostre continuelle charité: vous suppliant neanmoins tous-jours de les luy continuer en la personne de cette trouppe de filles qu'elle laisse la pour le service de la gloire de Dieu, qui est tout vostre amour, et duquel la providence a preparé vostre cœur pour estre le refuge et la protection des petites servantes de son Filz, qui en sont d'autant plus necessiteuses que l'aage et l'imbecillité de leur establissement est plus tendre et sujet a la contradiction..

  A020002514 

 La pensee m'est venue, en escrivant a M. Berger, que peut estre Monseigneur le Cardinal le rendra vostre [247] Pere spirituel a Paris, puisque il se va rendre ecclesiastique aux Quatre Tems des Cendres; et je croy que la Mayson en seroit bien et cordialement assistee..

  A020002517 

 M. Boucher, chancelier et theologal d'Orleans, est mon ancien compaignon d'estude, qui m'a tous-jours grandement aymé..

  A020002518 

 J'ay des-ja adverti ma Seur Marie Marguerite Milletot, outre laquelle il seroit peut estre bon d'envoyer encor la, la Seur Bernarde Marguerite, laquelle s'est tellement amendee qu'en fin elle est receuë a la Profession..

  A020002518 

 Je ne sçay pas bonnement combien il y a de Moulins a Montferrant, mais si cela est asses commode, je pense que ce seroit de la consolation a ces filles que vous allassies prendre leur Superieure pour Dijon, laquelle, comme je prevoy, il y aura peine de tirer, selon que vous verres par la lettre qu'elle m'escrit, ci jointe.

  A020002518 

 Puisque la conduite de vostre chemin de Paris a Dijon, pour passer par les monasteres, requiert que vous venies a Moulins, et que les Seurs que l'on prendra icy et a Grenoble vous aillent prendre la, il faudra donq sçavoir a point nommé le tems auquel il les faudroit envoyer et comme quoy les choses passeront, c'est a dire d'ou viendra l'advis que nous devons recevoir; mais il me semble [248] pourtant que n'y ayant que quarante lieuës d'icy a Dijon, ce sera grandement allonger le chemin de passer a Moulins.

  A020002520 

 J'ay veu l'histoire de la consultation faite pour nostre tres chere fille madame de Port Royal, sur laquelle il n'y a rien a dire sinon que je voy un examen merveilleusement ponctuel, en ce que on y a pensé que, [à cause de] la longueur du tems et [de] la multitude des actions de superiorité, nonobstant la protestation et le continuel [249] desadveu interieur, cette fille soit tellement obligee de demeurer qu'elle ne puisse pas faire autrement; car bien que cela soit probable en terme de conscience, si est ce que cela n'est pas advoüé de tous, et de plus, le Pape en peut dispenser.

  A020002520 

 Je tiens aussi la comparayson de la perfection de la Regie de saint Benoist avec l'Institut de la Visitation un peu rigoureuse et desadvantageuse, car il faudroit faire la comparayson de la Regie de saint Benoist avec la Regie de saint Augustin; et bien que peut estre la Regie de saint Benoist demeurast encor superieure en perfection, si est ce que la comparayson empescheroit tout mespris pour la Visitation, c'est a dire toute tentation de mespris.

  A020002521 

 Je me res-jouis avec elle de l'honneur [et] du bonheur que sa chere fille Marie aura a cette feste de Pasques en sa premiere Communion; et si j'estois la, je prendrois bien a faveur d'estre son instituteur a cette action qui, a la verité, est bien [250] importante.

  A020002521 

 Le petit livret du Pere Fulve Androce, de la Confession et Communion, contient plusieurs petitz pointz propres a cela; mais puisque, comme je croy, le R. P. Suffren est a Paris, rien ne luy peut manquer..

  A020002521 

 Madame la Presidente Amelot sçait bien, je m'asseure, que mon cœur est tout sien devant Dieu et ses Anges.

  A020002522 

 Il est a considerer si vous treuveres plus a propos qu'on la fasse professe icy ou qu'on l'envoye pour faire profession a Dijon, sur l'attestation qu'on luy feroit icy de sa capacité; car nous avons pensé que peut estre seroit on bien ayse que cette action se fist la, en presence de ses parens et amys, et la rendre ainsy la premiere fille de ce Monastere..

  A020002522 

 Nous avons pensé pour cela a ma Seur Marie Adrienne Fichet, laquelle est de bon esprit et de bon cœur, comme vous sçaves; a ma Seur Françoise Augustine, de Moyran pres Saint Claude, que je confesse estre une fille grandement a mon gré, et, si je ne me trompe, tout a fait irreprehensible en l'interieur et en l'exterieur; ma Seur Marguerite Scholastique, de Bourgoigne, qui est douce, maniable et de bon esprit, cousine germaine de vostre Assistante; ma Seur Marguerite Agnes, [251] qui est d'aupres de Vienne, qui est de bonne mayson, de bonne observance et d'une aggreable simplicité; a ma Seur Peronne Marie Benod, Seur domestique grandement douce et pliable; outre ma Seur Marie Marguerite Milletot, qui viendra de Grenoble, que vous connoisses, et ma Seur Bernarde Marguerite, qui est celle de Dijon que vous nous envoyastes, de la capacité de laquelle, bien qu'on ayt douté quelques moys durant, on a despuis eu bonne satisfaction.

  A020002529 

 Et il est vray, car quand il impose quelque charge a une de ses filles, il la renforce tellement que, soustenant la charge avec elle, elle est comme deschargee.

  A020002530 

 C'est cela que le Cantique marque en la louange des mammelles de l'Espoux: Tes tetins sont meilleurs quelevin, odorantz de parfums prætieux; [254] le lait, le beurre et le miel sont sous ta langue.

  A020002530 

 C'est la seule condition qui suffit, et sans laquelle rien ne suffit..

  A020002543 

 Or sus, c'est asses..

  A020002558 

 Monsieur Roland vous dira [257] toutes les nouvelles que vous pourries desirer de deça, d'ou, comme je croy, plusieurs vous escriront plus amplement que moy qui n'en ay nul loysir; aussi est il a propos que je soys court, pour ne point divertir la consolation que vous aures a recevoir nostre bonne Mere..

  A020002559 

 Si faut il pourtant que je vous die que rien ne me pouvoit estre plus doux et aggreable en vostre lettre, que la bonne nouvelle que vous me donnés de la favorable souvenance que Monseigneur l'Evesque d'Orleans a de moy; et bien que je sache que ce bien provienne de son bon naturel, qui est franc et genereux, si ne laisse je pas de le reconnoistre de Dieu, qui, m'ayant donné une singuliere affection envers ce Prælat, a voulu quil y eut en luy cette aggreable correspondance et qu'il eut une bonne inclination pour moy.

  A020002560 

 Cependant, je salue tres cherement le cœur de cette fille bienaymee, qui sera sainte aussi bien que sa mere, si mes souhaitz sont exaucés; et si nostre bonne Mere la peut voir entrant en la ville ou sortant, j'en seray consolé: aussi luy escris je que cette chere Seur est mon ancienne et partiale fille.

  A020002560 

 Nostre chere et cordiale Seur Prieure des Carmelites recevra, je m'asseure, le chapelet et ma lettre par monsieur Jantet, a qui, si je m'en souviens bien, je remis le tout; et n'estant pas encor parti de Beley, ce n'est pas merveille si ni elle ni vous ne l'aves encor pas receu.

  A020002561 

 Vous entendres bien ce que je desire, qui est sur tout le bien et la consolation de vostre Mayson..

  A020002562 

 Je confesse que j'ay grand tort de ne point escrire a ma Seur Marie Michele, que j'ayme neanmoins de tout mon cœur; ni a ma Seur Marie Françoise Belet, que j'affectionne grandement non seulement parce qu'ell'est ma fille, mays par ce qu'ell'estoit chere a la bonne M me Le Blanc; ni a ma petite fille Anne Marguerite Clement [259] qui, a la verité, est grandement bienaymee de mon ame, nonobstant la petite duplicité des scrupules qu'elle me demanda avant son depart..

  A020002579 

 C'est pourquoy je le considere avec le vostre en la mesme action; car, comme vous sçaves, elle se treuva avec vous unie d'affection et d'amour au jour de vostre Visitation, et semble que des lhors elle immola des-ja en resolution son cœur avec le vostre..

  A020002580 

 Que je suis consolé quand je m'imagine que, selon mon esperance, on vous annoncera en toute verité cette parole de la mort vitale: V ous estes morte, et vostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu; car, ma tres chere Fille, de la verité de ce mot depend la verité de l'evenement qu'on prononce consecutivement: Mais quand Jesus Christ apparoistra, et ce qui s'ensuit..

  A020002589 

 Que vous puis je dire en cette occasion, ma tres chere Fille, sinon qu'entre les consolations que j'attens bien grandes de revoir nostre bonne Mere, celle de l'ouyr parler de vostre cœur en est une? Mais je ne veux pas dire, pourtant, que je veuille attendre son retour pour en apprendre des nouvelles, de ce cher cœur.

  A020002590 

 Le passeport des filles de Jesus Christ, c'est la paix; la joye des filles de Nostre Dame, c'est la paix..

  A020002591 

 Il est vray, ma tres chere Fille, que vous n'aves point de cœur qui soit ni plus ni certes tant vostre que le mien.

  A020002601 

 Et la chere petite, douce fondatrice est bien heureuse d'avoir [264] a souffrir quelque chose pour Nostre Seigneur, qui, ayant fondé l'Eglise militante et triomphante sur la croix, favorise tous-jours ceux qui endurent la croix; et puisque cette petite creature doit demeurer peu en ce monde, il est bon que son loysir soit employé a la souffrance..

  A020002603 

 J'admire bien encor cette autre Seur qui ne se peut plaire ou elle est.

  A020002615 

 Je suys tous-jours attendant les despeches necessaires pour remettre l'eglise de Rumilly entre les mains des Peres de l'Oratoire, bien en peyne dequoy je n'ay plus que seze jours de loysir pour disposer de la cure vacante, apres quoy elle vaquera en Cour de Rome, sans que j'y puysse plus mettre la main; et c'est sans doute qu'il ne manquera pas d'impetrans, qu'il sera par apres malaysé de ranger au salutaire dessein de Vostre Altesse..

  A020002632 

 Je respons a nostre chere Seur Superieure de Montferrant sur ce que vous me proposes par vostre lettre, bien marri que, pour ce qui regarde sa personne, je ne puis pas seconder le desir de madame de Chazeron; car, quant au vostre, Madame, je sçai bien les limites dans lesquelles vous le contenes affin que le service de Dieu soit en toutes occasions purement prattiqué: c'est pourquoy je ne vous fay point d'excuse..

  A020002633 

 Quant a la crainte de la mort et de l'enfer qui afflige vostre chere ame, c'est veritablement une tentation de l'ennemy, mais que l'Amy bienaymé de vostre cœur employera par sa bonté a vostre progres en la pureté et humilité.

  A020002635 

 Vous sçaves bien en la pointe de vostre esprit que Dieu est trop bon pour rejetter une ame qui ne veut point estre hypocrite, quelles tentations et suggestions qui luy arrivent.

  A020002661 

 Et pour la cedule des interestz remise a M. Rollant, quand il sera revenu de Paris ou il est allé prendre M me de Chantal pour l'accompagner a son retour, je les (sic) luy feray chercher..

  A020002662 

 Et en tout je m'essayeray de vous tesmoigner que c'est de toute mon affection que je suis a jamais, Madame,.

  A020002698 

 Le bon Pere de Saunaz, qui est venu comme une brebis par obeissance, s'en reva comme un aigneau par obeissance, prest a revenir pour sacrifier a la gloire de Dieu sa vie, sa (sic) prieuré et sa cure pour le bien de Rumilly et de tout ce païs.

  A020002714 

 J'avoys pensé de vous escrire un'asses longue lettre, en response de celle que j'ay receüe de vous; mays puisque, comme monsieur le Baron de Vallon m'a dit, on a mis remede a tout ce que vous craignies, il ne me reste a vous dire sinon que tous-jours je feray tout ce que je pourray pour le bien de ce cher filz et le contentement de ma tres chere fille, sa mere, laquelle pourtant il faut que j'advertisse d'avoir soin de sa santé: car on me dit, certes de tres bon lieu et de tres bon cœur, que vous ne prenes pas asses de soulagement pour la conserver et que vous n'espargnes pas autant quil est necessaire vostre force et complexion, et, plus quil ne faudroit, les moyens.

  A020002714 

 Mays ce qui est l'importance, c'est qu'on me dit qu'on n'ose pas vous le dire.

  A020002725 

 Certes, c'est bien tous-jours le desir de mon cœur que vous m'escrivies franchement selon le vostre; mays les nouvelles du vostre seront selon [le] mien quand vous m'advertires ou que vostre affaire est passee a Rome, si Dieu le veut ainsy, ou que si elle ne peut passer a Rome vous demeures accoysee, employant au soulagement de vos desirs les permissions que vous aves et les autres remedes qu'en ce cas-la je vous diray, Dieu aydant, selon quil plaira a la Providence souveraine de sa divine Majesté de me suggerer et de vous inspirer.

  A020002725 

 Il m'est advis, ma tres chere Fille, que mon esprit parlera au vostre d'un nouvel air quand je sçauray que la determination de vostre affaire sera tout a fait prise.

  A020002738 

 Combien plus donq se peut elle vouer a Dieu, le mariage qui semble mettre en difficulté sa devotion estant nul de tant de nullités comm'il l'est, devant Dieu et les hommes.

  A020002738 

 Il ny a nulle difficulté qu'on ne puisse, ains qu'on ne doive recevoir madamoyselle de Pressin, ma tres chere Fille, si son esprit est appellé, ainsy que vous me dites; car encor bien qu'ell'eut fait promesse de mariage, et de plus encor, bien qu'ell'eut contracté et celebré le mariage en la face de la tressainte Eglise, pourveu qu'elle ne l'eut pas consommé, il est constant entre les docteurs tant des loix que de la theologie, qu'elle ne laisseroit pas de pouvoir entrer en Religion, et que par sa Profession elle rendroit le contract annullé et de nul effect.

  A020002738 

 Il se [276] faut arrester en cette affaire a la determination de l'Eglise, declaree par le Concile de Trente en ces motz: « Si quelqu'un dit que le mariage fait, appreuvé et confirmé, mais non pas consommé, n'est pas dirimé et annullé par la solemnelle profession de Religion, qu'il soit anatheme.

  A020002739 

 C'est un œuvre de charité presque le plus excellent qu'on puisse faire, bien plus grand sans comparayson que de bastir un hospital, recevoir les pelerins, nourrir les orphelins.

  A020002739 

 Quant au second point que vous demandes, si cette damoyselle pourra tenir lieu de fondatrice, je dis qu'oùy, s'il est treuvé a propos par ceux qui vous conduisent, car les bienfacteurs notables peuvent tenir ce rang la.

  A020002741 

 C'est pourquoy, dautant plus je me res-joüys qu'elle face une si bonne election et que, quittant les amours peu aymables des hommes, elle se consacre a l'amour tres aymable de son Dieu, vray Espoux des ames genereuses..

  A020002741 

 Cette fille est cousine remuee de germain de ma belleseur de Thorens.

  A020002758 

 Et en cor me semble il que c'est a propos que je vous la destine aujourd'huy, jour de la Samaritaine, a la conversion de laquelle la bienheureuse [279] vierge Therese fut si devote, et a son cher mot salutaire: Domine, da mihi hanc aquam..

  A020002774 

 O ma chere Fille, que l'eternité du Ciel est aymable et que les momens de la terre sont miserables! Aspirés continuellement a cette eternité, et mesprisés hardiment cette caducité et les momens de cette mortalité..

  A020002776 

 Plantés sur ces sauvageons les greffes de l'eternelle dilection que Dieu est prest de vous donner si, par une parfaitte abnegation de vous mesme, vous vous disposes a les recevoir..

  A020002789 

 Entre les filles desquelles la conversion est illustre en l'Evangile, il ny eut que la Magdeleine qui vint par amour et avec l'amour; l'adultere y vint par confusion publique, comme la Samaritaine par confusion particuliere; la Chananee vint pour estre soulagee en son affliction temporelle.

  A020002790 

 Il est tout certain, ainsy que on raconte l'histoire, que cette pauvre fille de laquelle nous parlons, n'avoit pas asses de generosité pour quitter l'amour de celuy qui la recherchoit en mariage, si la contradiction de ses parens ne l'y eusse contrainte; mais il n'importe, pourveu qu'elle ayt asses d'entendement et de valeur pour connoistre que la necessité, qui luy est imposee par ses parens, vaut mieux cent mille fois que le libre usage de sa volonté et de sa fantasie, et qu'en fin elle puisse bien dire: Je perdois ma liberté si je n'eusse perdu ma liberté..

  A020002791 

 Or, ma tres chere Fille, le moyen d'ayder cet esprit pour luy faire connoistre son bonheur, c'est de la conduire le plus doucement que l'on pourra aux exercices de l'orayson et des vertus, de luy tesmoigner un grand amour de vostre part et de toutes nos Seurs, sans faire nul semblant de l'imperfection du motif par lequel ell'est entree, de ne point luy parler avec mespris de la personne qu'elle a aymé.

  A020002792 

 Je dis qu'a mon advis, il ne faut pas l'esconduire tout a fait, si ell'est grandement desiree; mais pour le commencement, il faut gauchir et biayser le refus.

  A020002792 

 Puis, quand vous connoistres que la fille est bien resolue au party bienheureux de l'amour de Dieu, vous pourres permettre deux ou trois entreveües.

  A020002795 

 Quant a ce que le monde dira de cette vocation, il n'y faut faire nulle sorte de reflexion, car ce n'est pas aussi pour luy qu'on l'accepte.

  A020002796 

 Mais gardes vous bien de luy dire cette mauvaise pensee qui me vient en l'esprit; car, au reste, c'est une bien brave Seur que j'ayme parfaitement, parce que, comme je m'asseure, elle ne vit pas selon ses sentimens, ses aversions et inclinations, qui luy font desirer l'esclat et la gloire de son Monastere, ains plustost selon l'esprit de la Croix de Nostre Seigneur, qui luy fait perpetuellêment renoncer aux saillies de l'amour propre..

  A020002808 

 Et par ce, Monseigneur, que veritablement sa femme et ses enfans qui sont en grand nombre sont dignes de compassion, et qu'en la grace du pere est en-close la grace des enfans, de la femme et de toute la famille, qui ne peut vivre sans l'assistence actuelle de ce pauvre homme, je joins a la tres humble supplication que la Confrairie fait a Vostre Altesse pour ce sujet, ma tres humble recommandation; qui suys, Monseigneur,.

  A020002822 

 C'est, Monsieur, que partie mes distractions, partie celles des parties mesmes, m'ont apporté de l'empeschement jusques a cett'heure.

  A020002822 

 Mais, ce Caresme passé, le bon monsieur de Chavanes, qui n'a point de part en cette negligence, ains qui est extremement affectionné a vostre service, et moy, qui ayant la coulpe de cette lenteur, suis toutefois tout dedié a vous servir et honnorer, ferons....

  A020002833 

 Il doit, a mon [288] advis, suffire que tout l'interieur et tout l'exterieur des Filles de la Visitation est consacré a Dieu; que ce sont des hosties de sacrifice et des holocaustes vivans, et toutes leurs actions et resignations sont autant de prieres et d'oraysons; toutes leurs heures sont dediees a Dieu, ouy mesme celles du sommeil et de la recreation, et sont des fruitz de la charité.

  A020002833 

 Si cette bonne dame, que vous ne me nommes point, veut faire un monastere de Religieuses de la Visitation, il ne faut pas qu'elle les charge de grandes prieres vocales, ni de plusieurs exercices exterieurs; car ce n'est pas vouloir des Filles de la Visitation.

  A020002834 

 De vouloir tirer des olives d'un figuier ou des figues d'un olivier, c'est chose hors de propos: qui veut avoir des figues, qu'il plante des figuiers; qui veut avoir des olives, qu'il plante des oliviers..

  A020002836 

 Vous aves receu deux nouvelles, mais anciennes filles de vostre Mayson; le retour est tous-jours plus aggreable aux meres que le despart des enfans.

  A020002848 

 Ma Seur Françoise Augustine est une brebis de grande observance et devotion.

  A020002848 

 Ma Seur Paule Hieronime est une tres bonne fille, propre a tout, de bon esprit et de meilleur courage; ell'a autant de proprietés que la sauge, selon le mot de feu vostre filz de Torens.

  A020002848 

 Ma Seur Peronne Marie est toute pleine de desir de bien s'employer.

  A020002848 

 Nous avions encor choysi ma Seur Françoise Agathe; mays voyans qu'il ny avoit place que pour 4, nous avons un peu favorisé sa mere qui avoit de la tendreté sur son depart, et non elle, qui partoit de bon cœur comm'ell'est demeuree de bon cœur.

  A020002849 

 La bonne madame de Dalet est bienheureuse de vouloir cette vie-la; Dieu luy face la grace qu'y estant, elle ne recherche plus rien et ne refuse plus rien.

  A020002850 

 Au cœur de nostre madame de Tolongeon il ne faut dire mot, sinon qu'il escoute bien celuy de sa mere: c'est tout ce que son vieux Pere luy desire.

  A020002850 

 Je salue tres humblement madame la Duchesse de Bellegarde, si ell'est la, et madame la Marquise de Termes, et suis leur tres obeissant serviteur.

  A020002851 

 Dans peu, j'envoyeray a nostre Seur Marie Jaqueline tout ce qui luy est necessaire pour venir.

  A020002852 

 O Dieu, que c'est une bonne chose de ne vivre qu'en Dieu, ne travailler qu'en Dieu, ne se res-jouir qu'en Dieu! Ainsy je salue vostre cœur, ma tres chere Mere, de tout le mien, qui est vostre.

  A020002867 

 Le pauvre peuple de Rumilly attend tous-jours en bonne devotion la venue des Peres de l'Oratoire en leur ville, et moy j'attens de Vostre Altesse les expeditions necessaires pour les faire venir et la et a Tonon, ou c'est la verité que rien ne peut remedier au mal qui y est, quant au mauvais ordre qu'il y a en l'administration des biens, que par cette venue dé ces Peres.

  A020002867 

 Vostre Altesse me pardonne si je luy suys aucunement importun; mon excuse est toute faite au commandement qu'elle m'a fait d'avoir le soin de cette affaire..

  A020002882 

 Dieu n'est il pas bon, ma tres chere Fille, d'avoir ainsy explané le chemin de la retraitte a cette chere ame, laquelle, comme vous sçaves, je ne connois pas; mais j'ay certain secret instinct pour elle, qu'il ne se peut dire combien elle m'est chere.

  A020002882 

 Je ne voy nulle sorte de difficulté en l'affaire de la bonne madame de Dalet, et me semble qu'il n'est point necessaire d'employer le tems a voir comme reüscira la remise de ses enfans entre les mains de M. et M me de Monfan; car il suffit de bien pourvoir a la personne et au bien [295] maintenant, et d'avoir une tres probable conjecture que tout ira bien.

  A020002883 

 Je me res-jouis dequoy cette Mayson-la est pleine de bonnes filles; celle qu'a mon advis vous voules laisser en vostre place, m'a escrit, et je luy respons..

  A020002884 

 C'est la verité que son esprit estant de la condition que vous me marqués, elle doit moins faire de consideration a se retirer et mettre a l'abry.

  A020002884 

 O que madame [de] Dalet est heureuse d'avoir un esprit si ferme au desir de la perfection du saint amour! Je la salue tres cordialement, et toutes nos Seurs; mais vostre chere ame, ma Fille bienaymee, je la salue de toute l'estendue des affections de la mienne, qui suis.

  A020002894 

 C'est la verité, ma tres chere Seur, ma Fille, que vous m'aves grandement consolé en la peine que vous aves [297] prise de m'escrire, puisque mesme, ainsy que je m'apperçois, vous estes celle a qui Dieu dispose de faire remettre la charge de Superieure.

  A020002895 

 Ne demandes rien ni ne refuses rien de tout ce qui est en la vie religieuse: c'est la sainte indifference qui vous conservera en la paix de vostre Espoux eternel, et c'est l'unique document que je souhaite estre prattiqué par toutes nos Seurs, que mon cœur salue tres cherement avec le vostre, ma tres chere Fille..

  A020002916 

 Je les incite fort a se tenir invariables dans la pureté et sincerité de l'esprit de leur Institut, puisque c'est pour elles le chemin le plus asseuré pour parvenir a Dieu..

  A020002943 

 Et pour moy, je n'adjousteray rien, sinon que veritablement la misere de ce personnage est digne de vostre misericorde, et sa pieté digne d'estre pitoyablement secourue..

  A020002961 

 Or sus, mon cœur salue le vostre de toute l'estendue de ses affections, et luy souhaite perpetuellement une sainte et amoureuse generosité au service de l'Espoux celeste, et pour vous et pour toutes nos Seurs; et, comme vous [303] sçaves, les nostres de ce Monastere y sont comprises, specialement ma Seur Jeanne Marie, ma niece, et ma Seur Marie Anastase, nostre premiere professe, et la grande fille de Moulins; et puis vous sçaves ce que nostre Seur Helene Angelique est a mon ame.

  A020002962 

 Je ne dis mot a madame de Villeneuve, car ell'est tellement ma fille, qu'elle ne doute point de la perpetuité de mon affection.

  A020002963 

 Le pere se porte bien, la mere est tous-jours malade.

  A020002963 

 Nous verrons icy les deux seurs mariees, et j'ay veu naguere le Frere Vincent, qui est tout brave homme et tres bon Capucin..

  A020003013 

 Les affaires qui se sont passees au Languedoc des quelque tems en ça m'ont osté les commodités de vous escrire si souvent comme je soulois et devroys faire; et bien qu'en cela il n'y ayt point de coulpe de mon costé, je ne laisse pas d'en sentir de la pœnitence, puisque veritablement ce m'est une tres grande consolation quand je puys me ramentevoir en vostre chere souvenance et vous rafraichir les offres de mon inviolable affection a vostre service.

  A020003014 

 Or, monsieur de Bellecombe est l'un des principaux suivans ordinaires de Son Altesse et son maistre d'hostel actuellement servant maintenant; chevallier que je regarde avec un honneur extreme, non seulement par ce qu'il est serviteur d'un si grand Prince et qu'il est de mes principaux amis, mais aussi par ce que veritablement il est plein de tant de vertu et de merite qu'il est impossible de le connoistre et ne l'affectionner pas ardemment.

  A020003031 

 C'est le grand et inviolable desir que j'ay pour vous et pour moy, qui seul estant observé et prattiqué, nous consolera au depart de ce monde..

  A020003031 

 O mon Dieu, ma tres chere Fille, combien estes vous obligee a cet Amour eternel, qui vous est si bon et si doux, et qui, comme un bon Pere, a tant de soin de vous inspirer continuellement le desir d'estre toute sienne! Comme pourries vous jamais esconduire ses paternelles semonces, ni rompre le sacré et advantageux marché qu'il a fait avec vous, par lequel il se donne tout a fait a vous, pourveu que vous soyes tout a fait a luy? Soyons le meshuy sans reserve, ma tres chere Fille, et sans condition quelcomque.

  A020003033 

 On dit cela, et le tient on pour certain au diocese d'Orleans, d'ou nostre Seur Claude Agnes, qui est Superieure la du Monastere de la Visitation, me l'a envoyee.

  A020003033 

 Tenes, voyla une des larmes de Vandosme, c'est a dire une goutte de l'eau dans laquelle on a trempé la fiole dans laquelle est, ainsy qu'on tient par la tradition ancienne des habitans de Vandosme, de la terre sur laquelle tomberent les larmes de Nostre Seigneur, tandis qu'au tems de sa mortalité et de ses peynes il pria et adora son Pere eternel pour la remission de nos pechés.

  A020003059 

 Toutefois, comme le Père Général doit se rendre à Rome au mois de septembre, on a décidé que le Prieur élu de Saint-Bernard ne prendrait pas possession de sa charge jusqu'à ce que le Général lui-même ait présenté ses hommages à Votre Seigneurie Illustrissime et reçu ses ordres; de sorte que, en qualité de protecteur des Feuillants, Elle pourra alors, si bon lui semble, transférer l'élection de ce [313] français faite en Chapitre, au Prieur de Sainte-Pudentienne, qui est italien.

  A020003072 

 Comme j'estoy ces jours passez à Pignerolle pour assister à la celebration du Chapitre general des Peres Fueillans, j'ay esté convié par Vostre Seigneurie Illustrissime, par vostre Vicaire general et encore par [315] Monseigneur le Nonce, qui est en ces quartiers, d'administrer le Sacrement de Confirmation au peuple de ce lieu, dequoy je me suis acquitté pendant les deux jours consecutifs de Dimanche qui se sont rencontrez au temps de la tenuë du Chapitre.

  A020003073 

 Je m'asseure, que Vostre Seigneurie Illustrissime aura pour chose fort aggreable de le voir favorablement quand il se rendra à Rome l'automne prochain; parce que c'est un personnage de tres-grand merite, et qui a servy et servira à l'advenir la saincte Eglise par ses doctes escrits, et d'ailleurs, parce qu'ayant esté creé General au Monastere de Vostre Seigneurie Illustrissime, il se promet et attend beaucoup de vostre protection..

  A020003074 

 Je remercie tres-humblement Vostre Seigneurie Illustrissime de ce qu'Elle a daigné me commander et se servir de moy en ceste petite occasion; car c'est la plus grande [316] gloire que je pouvois esperer.

  A020003086 

 Il n'a esté veu entr'eux ny discorde, ny dispute, ny la moindre contradiction, mesmement à l'eslection du General, qui a esté faicte d'une approbation tres-generale et par le concours quasi de tous les suffrages; comme certes il estoit tres-convenable, puis qu'ils faisoyent choix d'une personne dont le sçavoir est tres-eminent, la probité exquise et la prudence admirable, et duquel les travaux ont esté tres-heureusement et utilement employez pour la propagation de la saincte foy catholique, comme ses diverses traductions de quelques anciens Peres grecs et quelques traictez qu'il a escrits contre les heresies de ce temps le demonstrent visiblement: de sorte qu'il n'estoit point necessaire que l'authorité Apostolique intervinst en un Chapitre de telle qualité..

  A020003100 

 Mais c'est la verité que j'ay esté tres-inutile aux Peres Fueillans; car ils se sont comportez en leur Chapitre general avec tant de pieté, avec tant de paix, d'union et de tranquillité, que je n'ay eu aucune occasion de les servir, comme Vostre Seigneurie Illustrissime me commandoit et comme je le desirois ardamment..

  A020003101 

 Il a tres-bien merité de la saincte theologie; car il a traduict beaucoup de livres de grec en latin, comme il se voit au second tome de sainct Gregoire de Nice (sic). La traduction [319] françoise qu'il a faicte de sainct Denys Areopagite, avec de tres-belles annotations, est cogneuë par tout le royaume.

  A020003114 

 C'est l'ardent desir de celuy qui est,.

  A020003128 

 Et pour moy, je ne trouve en tout cecy qu'une chose à redire: c'est qu'il me semble que ce n'est pas un detriment de peu d'importance au public, qu'un personnage d'une condition si eminente et qui a escrit tres-elegamment pour le service de l'Eglise, se trouve neantmoins maintenant occupé ès affaires qu'apporte la charge et la Superiorité qu'on luy a imposée, encore que ceste charge soit sur des personnes religieuses et qui font profession de la perfection monastique.

  A020003128 

 Toutesfois, puis que la divine Providence l'a ainsi ordonné, il est à esperer qu'elle se veut servir de sa promotion au Generalat pour faire reüssir par ce moyen quelque grand fruict à son Ordre et à la saincte Eglise catholique..

  A020003141 

 Litteris Sanctitatis Vestræ quibus me in Præsidem Capituli generalis Congregationis Beatæ Mariæ Fulliensis constituit, sine mora parui et in monasterium Pinaroli me transtuli, ubi Capitulum illud generale celebratum est.

  A020003142 

 Quod sane omnino hoc triennio futurum sperandum mihi videtur, quando quidem Domnus Frater Joannes a Sancto Francisco, qui Congregationis Superior Generalis est creatus, vir est non tantum spectatæ ac eminentis eruditionis quippe qui variis sacris et præclaris lucubrationibus scripto Ecclesiam ornavit et adversus hæreticos munivit, sed etiam vir est prudentia ac rerum gerendarum peritia excultissimus, quodque caput est, pietate ac zeli scientia instructissimus, ut credendum sit, sub ejus moderamine, Congregationem universam uberiores in dies proventus habituram..

  A020003143 

 Unum tamen est, Beatissime Pater, quod in hac eadem Congregatione desiderandum existimabam, quod tamen urgere me debere non putavi, sed potius providentiæ Vestræ Apostolicæ relinquere.

  A020003143 

 Utitur nimirum Breviario quodam Cisterciensi, in quo multa sunt correctione, imo [325] reprehensione dignissima: historiæ, scilicet, leves et propemodum ludicræ, hymni verborum perturbationibus intercepti, multa sententiarum tenebris maculata; quæ omnia congruum est ut ab ecclesia Dei removeantur.

  A020003143 

 Verum, quia id quidem plerique capitulantium doctiores et sapientiores expetebant, sed simpliciores ac suarum antiquitatum, ut vocant, plus sequo amantiores tueri conabantur Breviarium usu inter eos hactenus receptum, non putavi Capitulum tanta alioquin concordia celebratum, debere me fortiori authoritate compellere; [326] ratus fœlicius ac facilius rem totam definiendam, si Beatitudo Sua coram præcipiat Generali ut quamprimum rejecto illo antiquato Breviario, monasticum quod a Sede Apostolica non solum approbatum est, sed omnibus Monachis maxime commendatum in usum inducat.

  A020003157 

 Les Lettres de Votre Sainteté m'ayant établi Président du Chapitre général de la Congrégation des Feuillants, j'ai obéi sans retard et me suis transporté au monastère de Pignerol où s'est tenu ce Chapitre.

  A020003158 

 A mon avis, cet espoir paraît devoir se réaliser certainement au cours de ce triennat, puisque c'est Frère D. Jean de Saint-François qui a été élu Supérieur général de la Congrégation.

  A020003158 

 Ce n'est pas seulement un homme d'une érudition remarquable et vraiment éminente, par la variété de ses pieux écrits et par de brillants travaux (il a en effet illustré l'Eglise, il l'a défendue contre les hérétiques), c'est encore un homme d'une prudence très avisée et fort exerce aux affaires; enfin, ce qui est capital, il est versé dans la piété et dans la science de l'apostolat.

  A020003159 

 A mon avis, toute l'affaire se conclura plus heureusement et avec plus de facilité si Votre Sainteté fait un précepte au Général de laisser au plus tôt ce Bréviaire vieilli, pour adopter l'édition monastique, laquelle est non seulement approuvée, mais absolument recommandée à tous les moines par le Siège Apostolique.

  A020003159 

 La Congrégation se sert, en effet, d'un Bréviaire en usage chez les Cisterciens, dont il est nécessaire de corriger, voire même de blâmer un assez grand nombre de passages.

  A020003159 

 [325] Ce sont des récits peu sérieux et presque badins, des hymnes sans suite, grâce au mélange des mots, nombre d'endroits entachés de pensées obscures: il est décent que tout cet ensemble soit rejeté hors de l'église de Dieu.

  A020003160 

 Que Dieu très bon et très grand conserve le plus longtemps possible les jours de Votre Sainteté: tel est l'objet de tous mes vœux, de mon humble prière, de mon ardent désir..

  A020003172 

 Acceptis Sanctitatis Vestræ Litteris Apostolicis, 28 mensis Aprilis hujus anni expeditis, quibus me in Præsidem Capituli generalis Congregationis Beatæ Mariæ Fulliensis constituit, sine mora parui, et in monasterium ejusdem Ordinis Pinerolii me transtuli, ubi me præsente, et secundum mandata Apostolica præsidente, Capitulum illud generale celebratum est..

  A020003173 

 Ita sane, ut illud Propheticum dici de hoc Capitulo existimem: Quam bonum et quam jucundum habitare [328] fratres in unum! Sicut unguentum in capite, quod descendit in barbam, barbara Aaron. Nihil ut expectandum supersit, nisi ut quemadmodum non tam unio quam unitas inter tot variarum provinciarum ac nationum capita hoc tempore laudanda est, ita et deinceps laudari possit..

  A020003183 

 Je me suis rendu au monastère dudit Ordre à Pignerol; et là, en ma présence et, conformément aux décisions Apostoliques, sous ma présidence, s'est tenue cette assemblée..

  A020003184 

 Aussi me semble-t-il qu'on puisse appliquer à ce Chapitre la parole du Prophète: Qu'il est bon, qu'il est [328] agréable pour les frères d'habiter ensemble! C'est comme le parfum répandu sur la tête, qui descend sur la barbe, la barbe d'Aaron.

  A020003184 

 Il ne reste plus qu'une chose à désirer: c'est que cette union, ou plutôt cette unité, entre des hommes de tant de provinces et de nations différentes, continue dans l'avenir à mériter les éloges qu'elle mérite aujourd'hui..

  A020003184 

 Tout cela s'est passé dans une si parfaite harmonie des coeurs, une si grande paix, une telle douceur, que l'on ne saurait rien voir de plus suave, de plus aimable.

  A020003197 

 Je ne vous diray donq pas autre chose sur le dessein que madame [de Dalet], vostre fille, a de se retirer dans le monastere, sinon que je croy fermement que c'est une veritable inspiration divine, ne voyant tout a fait aucune rayson au contraire, puisque, graces a Dieu, elle a de si justes et dignes garens de la personne et biens de ses enfans, pourveu qu'il vous playse, et a monsieur [votre mari], de vous charger de cette peine.

  A020003198 

 Je voy bien qu'il y a plusieurs repliques a ce que je dis; mais je croy bien aussi qu'en ces occurrences il n'est pas question de contester et de disputer, ains de considerer les maximes de l'Evangile, qui sans doute nous conduisent au parfait despouillement, et au mespris de la sagesse temporelle qui ne s'arreste a la sagesse de la vertu que requiert l'excellence et l'eminence de l'amour celeste..

  A020003199 

 Car, presupposé la charité de monsieur vostre mari et la vostre [331] envers vos petitz enfans pour avoir soin d'eux et de leurs petitz affaires, et asseurer madame vostre fille pour luy [donner] commodité de vivre plus parfaitement sous l'ombre de la Croix, que peut on dire autre chose sinon que Dieu a donné l'inspiration a la fille de se retirer, et au pere et a la mere de luy en donner les moyens? Je sçai qu'a faire ces grandes et heroïques vertus il y a de l'effort; mays c'est aussi de la d'ou elles tirent leur plus grande gloire..

  A020003200 

 C'est une des plus aymables conditions que vous puissies avoir, je le confesse; mais il faut adjouster une autre grandement pretieuse, qui est de ne point user de vostre authorité maternelle contre cet esprit qui, pour eviter le coup, se desrobe plustost que de parer..

  A020003200 

 Vous me marques, Madame, un defaut de cette fille, qui est qu'elle jure sous equivoque; a quoy, ce me dites vous, vous ne vous entendes point.

  A020003210 

 Ce n'est pas peu que d'estre dans les porches de la mayson du Seigneur..

  A020003252 

 Oh! que je serois heureux si d'icy a un an ou deux je pouvois tellement partager avec vous ma charge, que je peusse tenir la partie de Magdeleine, et vous celle de Marthe! Non certes que je desire celle de Magdeleine parce qu'elle est meilleure; mais parce que, si je pouvois estre un peu en repos aux pieds de Nostre Seigneur, il m'est advis que j'apprendrois certaines choses que je pourrois laisser tres utilement a la posterité par escrit, selon l'exhortation que tant de gens de bien m'en ont fait.

  A020003276 

 C'est pourquoi j'espère, Madame, que vous daignerez m'excuser et que vous n'attribuerez pas à présomption cette marque de confiance..

  A020003276 

 Je ne parlerai pas à Votre Altesse des faveurs reçues de leur bonté; mais je dirai bien que celle que me fait la Sérénissime Infante Françoise-Catherine en m'ordonnant de saluer ainsi par écrit et à la hâte Votre Altesse, est une des plus grandes et précieuses que je [339] pusse attendre en ce monde.

  A020003317 

 Ensuite dequoy je voudroys bien, je vous asseure, Monsieur, vous rendre quelque utile service en toutes occasions, mays en particulier pour la consolation de madamoyselle vostre fille, et mesme ayant receu une si grande recommandation et si puissante, comm'est celle de Monseigneur le Duc de Nemours qui m'escrit ardemment pour vostre intention.

  A020003318 

 Que si [343] quelqu'un vous a dit le contraire, il a eu tort, de moy qui sçai, des le tems mesme que vous me marques et duquel la memoire m'est si douce, quand j'avois le bonheur d'estre avec vous au college, que veritas non quærit angulos, et qu'il ny a nulle finesse au vray service de la pieté..

  A020003319 

 Et de plus, Monsieur, bien que l'exercice de la meditation soit grandement desirable es Monasteres, si est ce que, quand toutes les autres qualités se treuvent en un esprit, j'ay tous-jours jugé que celle de n'estre pas propre a former les meditations n'estoit pas suffisante pour forclorre un'ame du cloistre.

  A020003319 

 Peut estre donq y aura-il en madamoyselle vostre fille quelqu'autre manquement, non es choses essentielles de la pieté simplement, mays, a l'aventure, en ce qui est requis au genre de vie des Seurs de la Visitation, qui provoque la Superieure a la desirer ailleurs; car je ne puis m'imaginer que, sans rayson, de gayeté de cœur, ni mesme de fierté de courage, elle voulut fascher un personnage de vostre condition, et refuser le sejour au monastere a une fille si bien nee comm'est la vostre, Monsieur.

  A020003352 

 Il est vray que des il y a long tems je me suis apperceu des desirs que plusieurs de vos Filles avoyent de la reformation; et, tout autant que la conscience me l'a peu permettre, je vous l'ay signifié de tems en tems.

  A020003352 

 Mais il est vray aussi que j'eusse souhaité qu'elles eussent eu encor un peu de patience, puisque nous [347] sommes a la veille de voir un ordre general pour la reformation de tous les Monasteres de cette province de deça les mons, notamment des filles, parmi lesquelles les moindres defautz sont plus blasmés que les grans parmi les hommes.

  A020003367 

 Je le croys, ma tres chere Mere, car je le voys, que toutes les Superieures desirent de voir les filles maussades et fantasques esloignees de leurs monasteres, car c'est la condition de l'esprit humain de ne se plaire qu'aux choses plaisantes.

  A020003370 

 Celle de Nevers ne m'en a point escrit, mais les plaintes de celle de Moulins tesmoignent que l'opinion du bon droit est grandement enracinée en l'esprit de l'une et de l'autre..

  A020003370 

 Est il possible que des filles nourries en l'escole de la folie de la Croix, soyent tellement affectionnees a la prudence du monde que ny l'une ny l'autre ne veuille point ceder et que chacune sache tant alleguer de termes de justice? Il faudra tascher pourtant d'arrester celle qui aura moins de rayson, pourveu qu'encores l'esprit du monde luy permette de se laisser condamner; mais je ne croys pas que cela se puisse faire avant vostre venue.

  A020003373 

 Quant a madamoyselle de Vigny, puisque c'est un si bon esprit comme vous m'escrives, on pourra luy permettre ce qu'elle desirera; [352] mais dores-en avant il ne faut pas recevoir de ces bienfaitrices qui desirent tant de conditions..

  A020003374 

 La quantité des malades de la Mayson de Paris est un grand presage de la benediction que Dieu y veut mettre, quoyque le sens y repugne..

  A020003376 

 En somme, il n'est pas en nostre pouvoir de garder les consolations que Dieu nous a donnees, sinon celle de l'aymer sur toutes choses, qui est aussi la benediction souverainement desirable..

  A020003380 

 Receves les infirmes; croyes moy, ma tres chere Mere, la prudence humaine est ennemie de la bonté du Crucifix..

  A020003397 

 Je voy clair, ce me semble: Dieu, qui vous appelle si misericordieusement au monastere de la Visitation pour son pur amour, vous ouvre le chemin et facilite librement vostre entree; c'est pourquoy je vous dis hardiment: Sortes maintenant du monde en effect, puisque des-ja vous en estes dehors d'affection..

  A020003398 

 En charges vous vos pere et mere? Non, vous ne les charges pas tant que vous les descharges, puisque c'est selon leur gré et a leur souhait que cela se fait..

  A020003398 

 Quelle plus legitime descharge pouves vous faire de la personne et des biens de vos enfans, que de les remettre entre les mains de monsieur vostre pere et de madame vostre mere? Et n'est ce pas un trait visible et palpable de la Providence divine pour ce sujet, que cela se puisse faire avec l'aggreement, ains avec le desir de cette mere, jadis si jalouse de vostre presence au monde? Il m'est [356] advis, certes, ma tres chere Fille, que Dieu luy mesme jette des fleurs et des parfums aux chemins de vostre retraitte, affin qu'elle se face avec plus de douceur et que les plus coquilleux l'appreuvent et benissent; car, que peut on dire? Que vous laisses vos enfans? Ouy; mais ou les laisses vous? Entre les bras de leur [premier] pere et de leur premiere mere.

  A020003399 

 Cecy est vray, je vous asseure, ma tres chere Fille: il arrive quelquefois que les jeunes enfans eslevés en Religion en rejettent par apres la sujettion, comme les chevaux que l'on charge trop tost de la selle.

  A020003399 

 La vocation a la Religion est une grace trop particuliere pour estre donnee par l'industrie et prudence humaine.

  A020003413 

 Il est vray, elles sont plus que vous: mays les Seraphins mesprisent ilz les petitz Anges? et au Ciel, ou est l'image sur laquelle nous nous devons former, les grans Saintz mesprisent ilz les moindres? Mais apres tout cela, en somme, qui plus aymera sera le plus aymé, et qui aura le plus aymé sera le plus glorifié.

  A020003414 

 Le malin esprit fait des effortz parce qu'il void que ce [359] petit Institut est utile au service et a la gloire de Dieu, et il le hait particulierement parce qu'il est petit et le moindre de tous; car cet esprit est arrogant et hait la petitesse parce qu'elle sert a l'humilité, luy qui a tous-jours aymé la hauteur, la fierté et l'arrogance, et qui, pour n'avoir pas voulu demeurer en sa petitesse, a perdu sa grandeur.

  A020003425 

 apres mille faveurs receuës, et certes dix mille consolations, non seulement de la part de Madame, de Leurs [360] Altesses et de ces rares Princesses, mais de plusieurs bonnes ames; entre lesquelles je vous dis, ma tres chere Mere, que l'Infante cadette, Madame Françoise Catherine, est entierement tres bonne et tres pleine de vertu, de bonté et de sainte naïfveté.

  A020003427 

 car le changement est tout a fait contraire au bien des Monasteres qui ont la clausure perpetuelle pour un article essentiel.

  A020003429 

 Je suis capable de souffrir toute autre sorte de desplaysir, mais celuy la est au dessus de mes forces.

  A020003429 

 Pour qui travaille on sinon pour Dieu? et si c'est pour Dieu, pourquoy dispute on? Je hay cette sorte de sagesse et de prudence.

  A020003435 

 C'est une tres digne Princesse, et ses seurs aussi..

  A020003446 

 Il faudra seulement mesnager en sorte que Monsieur de Tamy soit satisfait en ce quil est grandement præoccupé de la necessité de dire tout l'Office de leur Ordre et de le chanter en leur chant ordinaire; il [364] faudra tout bellement le faire desprendre.

  A020003446 

 Non seulement nous envoyerons deux de nos Seurs pour un moys ou pour deux, sil est besoin, mays il ne coustera rien a ces nouvelles filles, car on donnera aux Seurs ce qui sera requis, sans qu'elles facent aucune despense sur leurs hostesses.

  A020003471 

 J'ay retiré le brevet de nomination, en faveur de vostre Congregation, pour l'eglise de Rumilly, des prieurés de Chindrieu, de l'Aumosne, de Vaux, et de Sainte Agathe qui est le prieuré de Rumilly, que Son Altesse a signé et fait expedier de tres bon cœur.

  A020003490 

 Monseigneur, A mon arrivee en ce pais, j'ay treuvé les sieurs Sousprieur et Sacristain de Contamine, prestz a remplir les quatre præbendes que Vostre Altesse avoit ordonné devoir demeurer vacantes pour estre appliquees aux colleges des Peres Barnabites; et d'effect, ilz les ont maintenant remplies de quatre jeunes parens, ausquelz ilz ont mis l'habit de leur Religion par l'authorité de Monsieur l'Abbé de Cluni qui en est le General.

  A020003491 

 Vostre Altesse avoit judicieusement estimé qu'il estoit expedient de transferer le revenu de ce monastere-la a l'entretenement des colleges et lecteurs Barnabites, attendu qu'il est un monastere tout a fait ruiné et qui ne peut bonnement estre reparé, et que la discipline monacale ny est nullement observee, non plus qu'es autres lieux de cet Ordre-la.

  A020003491 

 Vostre Altesse demeura en ceste resolution quand je partis de Turin; il ne reste donq plus sinon que la sollicitation s'en face, et c'est cela dont maintenant Ell' est tres humblement suppliee..

  A020003507 

 C'est la vraye assiete d'un esprit religieux, que de ne point s'attacher sinon a la volonté de Dieu, et ceux qui sont si heureux que d'avoir cette si bonne condition sont bien par tout et peuvent demeurer par tout en bonne conscience.

  A020003524 

 Et bien que je vous escrive maintenant, c'est parmi tant de tracas, qu'encor ne sçauroys-je bien m'aquiter de ce devoir, estant botté et pret a monter a cheval pour aller a Belley, ou Monseigneur nostre bon Evesque m'attend, pour partir, soudain apres que je l'auray salué, pour aller a Paris..

  A020003524 

 J'ay demeuré troys moys en Piemont pendant lesquelz on a receu icy et gardé vos lettres, de sorte que ce n'est pas merveille si vous n'en aves pas eu de moy, ni la response, ni le remerciment que je vous en doys.

  A020003526 

 De vous dire que je participe a tous vos biens et a tous vos maux, cela, ce crois-je, est superflu.

  A020003558 

 J'ay rapporté de Turin la nomination de troys prieurés, dont les deux sont dans la ville mesme, le troysiesme a deux lieues, et qui est desja au P. de Saunaz.

  A020003558 

 Le lieu est petit, mays beau, au milieu de la Savoye, entre Chamberi et Geneve en egale distance.

  A020003558 

 Voyla une lettre de Son Altesse Monseigneur le Duc de Savoye, par laquelle il vous prie d'envoyer de vos Peres pour prendre l'eglise de Rumilly, laquelle, quant a la cure, est des-ja au Pere de Saunaz.

  A020003560 

 En foy dequoy je vous dis d'abord, que je voudroys qu'en tout et partout vostre douceur et humilité tint fermement ses adventages sur vos adversaires, en consideration de ce quilz sont dans l'Eglise, et qu'ilz portent le manteau, ou du moins le nom du manteau d'Helie, comme vou (sic) dites; qui est le premier trait que j'ay treuvé un peu trop penetrant, et que je desirerois estre rayé, affin qu'autant quil sera possible on ne voye chose quelcomque dans vos Discours qui ne ressente parfaitement la cordiale dilection et le support tres suave du prochain..

  A020003577 

 De sorte qu'il ne reste plus a ce peuple aucun autre refuge qu'en la debonaireté de Vostre Altesse Serenissime, qu'il implore avec moy [en] toute sousmission et reverence, avec confiance que la bonté de Vostre Altesse est trop grande pour laisser perir dans le malheur d'une ruine toutale (sic) un peuple si fidele a son Prince..

  A020003577 

 Je supplie tres humblement Vostre Altesse Serenissime d'avoir aggreable, que je recoure a Elle pour le soulagement de cette ville en la necessité delaquelle elle est pressee maintenant, pour l'entretenement des trouppes [378] qui sont icy, lesquelles sont a [la] veille d'entrer en des effortz impitoyables pour faire treuver en desordre, aux particuliers, ce que la communauté ne peut plus fournir par aucun ordre dont on se puisse adviser, puisque meshuy l'on a espuisé jusques aux bourses mesmes des Religieux et des Religieuses.

  A020003610 

 Le nom de la divine Providence est si excellent qu'il merite bien un an de terme, pour voir si vous vous en rendres toutes dignes par vostre perseverance et par le progres que vous feres dans la perfection religieuse.

  A020003632 

 Voyes, je vous prie, vous mesme, ma tres bonne et tres chere Mere, les lettres ci jointes, et voyes s'il y a apparence que, sans vous incommoder beaucoup, vous puissies donner ce contentement tant desiré a ces cheres ames; car, si cela se peut bonnement, pour moy, non seulement j'y consens, mais je le souhaiterois tres volontier, sur tout s'il est vray que venant de Dijon a Monferrant, ce fust vostre passage de voir vostre chere fille; et encor plus, si venant de Monferrant a Lion, c'estoit vostre passage [384] de voir Saint Estienne de Forez.

  A020003665 

 Certes, ma tres chere Cousine, ma Fille, qui ne veut aggreer qu'a ce celeste Amant, il est par tout tres bien, car il a ce qu'il veut.

  A020003693 

 Hé, que mon ame en benit le Sauveur! Je vous asseure que cette chere Mere est toute selon mon cœur; mais que dis je? je croy qu'elle est tout entierement selon le cœur de Dieu, duquel je desire et j'espere qu'elle recevra tant de benedictions, qu'elle sera elle mesme une Mere de benediction dans nostre cher Institut.

  A020003720 

 Vous sçaves, ma tres chere Fille, combien je suis aysé a contenter et combien j'ay de facilité a bien esperer des ames que j'affectionne: c'est des vostre enfance que j'ay une infinie passion pour vostre salut, et que j'ay conceu une grande confiance que Dieu vous tiendroit de sa main, pourveu que vous voulies correspondre a ses faveurs.

  A020003721 

 C'est un grand advantage pour vostre vertu, ma tres chere Fille; faites le bien profiter, et quoy que vostre aage, vostre complexion et vostre santé vous promettent une longue vie, souvenes vous neanmoins qu'aussi pouves vous mourir bien tost, et que vous n'aures rien de plus desirable a la fin, que d'avoir mis un grand soin a recueillir et conserver les faveurs de la Bonté divine..

  A020003734 

 Vivons seulement pour cette vie, ma tres chere Fille, qui seule merite le nom de vie, en comparayson de laquelle la vie des grans de ce monde est une tres miserable mort..

  A020003744 

 Dieu qui voit les desirs de mon cœur, sçait qu'il y en a de tres grans pour vostre continuel avancement en son tressaint amour, ma tres chere Fille, sur tout maintenant que, selon la disposition de la sainte Providence eternelle, vous voyla mere et conductrice d'une trouppe d'espritz consacrés a la gloire de Celuy qui est l'unique bien auquel nous devons aspirer..

  A020003745 

 Nostre Mere a bien rayson de vous souhaiter une grande humilité, car c'est le seul fondement de la prosperité spirituelle d'une Mayson religieuse, qui n'exalte jamais ses branches ni ses fruitz qu'a mesure qu'elle enfonce ses racines en l'amour de l'abjection et bassesse..

  A020003759 

 Il explique son indigence en sa requeste, laquelle si vous ne treuves pas convenable d'exaucer, il en præsente une autre, Monsieur mon Filz: c'est qu'il playse a vostre bonté de luy donner une place es gardes du sel, ou en Forest, d'ou il est, ou ailleurs sous vostre authorité..

  A020003776 

 Cette chere damoyselle qui vous porte ce billet est digne d'estre singulierement cherie, parce qu'elle cherit tres affectionnement la divine Majesté de laquelle nous celebrons aujourd'huy la sainte nayssance; mais outre cela, ma tres chere Fille, elle vous ayme saintement, et a desiré que je vous escrivisse par son entremise..

  A020003777 

 Je le fay de tout mon cœur, ma tres chere Fille, sans vous dire autre sorte de nouvelles, sinon que nostre Seur Emmanuelle est toute pleyne de ferveur en la reforme du Monastere de Sainte Catherine qui se fait a Rumilly.

  A020003778 

 vous fera la faveur de vous voir ... dire par lettre et de vive voix ... prose latine qu'il vous donna ... C'est un personnage tout aymable, et qui a une affection toute sincere pour vous et pour vostre Monastere.

  A020003815 

 Et vous assure, Monseigneur, que Dieu, qui vient toujours au secours de votre grande fille qui n'est grande qu'en misère, conduit si bien les affaires, que madame de Montfan, sa mère, a blâmé tout le [401] monde et m'a jugée la plus blâmable, [et cependant,] nous sortons toujours l'une d'avec l'autre bonnes amies.

  A020003841 

 Estant amplement informé, et à nostre particulier contentement, du bon progrez et avancement que prend de jour à autre la reforme restablie dez quelques annees en ça au prieuré de Talloires en l'estroite observance de la Regie de S t Benoist, et desirant, pour le service et plus grande gloire de Dieu, non seulement de maintenir et favoriser ce louable commencement qui y paroist aujourd'huy, mais encor de procurer autant qu'il Nous est possible l'entiere introduction de la ditte reforme dedans tous les Monasteres du mesme Ordre qui ne sont encor unis à aucun autre corps de Congregation reformee, riere nos Estats et pays dela les monts: pour a quoy parvenir, comm'il est tres requis et necessaire de leur pourvoir d'un chef resident dans nos Estats, qui, par capacité, dignité et vie exemplaire, puisse meriter et exercer dignement cette charge, et travailler soigneusement a l'introduction de la ditte reforme, attandu mesme [403] que le dit prieuré de Talloire depend de Superieurs d'Ordre non reformés et estrangers: Aussy, apres avoir jette l'œil sur les Prelats et Evesques de nos provinces de Savoye, Nous avons, entre les autres, choisi la personne de tres Reverend nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur, Messire FRANÇOIS DE SALES, Evesque de Geneve, pour les preuves signalees et remarquables qu'il a en tout tems donnees, tant de sa suffisance et vigilance au salut des ames, que par la connoissance que Nous avons d'ailleurs de ses saintes œuvres, vie devote, tres louable et tres exemplaire; esperant que non seulement il sera tres agreable aux Religieux de cette sainte reforme, mais tres utile au bien et avancement d'icelle..

  A020003860 

 Je dis quelque chose en faveur de notre chère Visitation, non pour la rendre recommandable, car elle ne pourrait être plus honorée et estimée qu'elle est ici, mais pour satisfaire à l'affection et dévotion des assistants, et pour rendre le devoir que j'ai aux Filles [405] d'un si grand, digne et aimable Père, de la débonnaireté duquel j'espère que j'aurai toujours la grâce d'être avoué.

  A020003873 

 Et certes, à dire vrai, vivre ponctuellement selon les rudes casualités et règlements, selon les ordonnances des trop exacts médecins, est embrasser une grande peine.

  A020003873 

 Il m'est arrivé comme à l'avare: j'ai été pauvre de cette abondance et, comme aux grands festins, j'ai plutôt été [406] rassasié des yeux que de l'estomac.

  A020003874 

 Ce n'est point de tout cela que je voulais parler, ains vous souvenir que vous m'avez daigné écrire autrefois: Et voici mon petit peuple qui veut être votre peuple, pourvu qu'il vous plaise que de votre peuple je rende mon peuple.

  A020003874 

 Est-il besoin de vous dire que six filles de bonne volonté soupirent de désir de voir un monastère de la Visitation en cette ville? Alors elles seront entièrement vos filles, s'il vous plaît d'envoyer de celles qui le sont déjà dans votre cher Nicy en notre petit Belley; et alors je dirai à mon tour: Populus [ tuus, populus meus ]..

  A020003875 

 Ce sont des lunes obscures, jusqu'à ce qu'elles soient illuminées des rayons de mon Père, qui est aussi véritablement le soleil de ce siècle que cet astre unique est le flambeau du ciel et de la terre.

  A020003875 

 Nos bonnes filles entrent dans des impatiences contre moi, et m'est avis, quand elles me regardent sans m'oser dire mot, que leurs yeux me voudraient faire entendre ce que disait autrefois une désolée:.

  A020003891 

 Il n'en est pas ainsi des miennes, mais vous me pardonnerez volontiers, voyant que la nécessité me rend importun pour cette fois.

  A020003904 

 L'on a désiré que je vous écrivisse un mot sur ce [408] sujet; commission qui m'est autant chère comme j'honore le sujet qui me l'a fait donner, et révère celui à qui ma plume et mon cœur s'adressent..

  A020003905 

 Oui, Monseigneur, j'admire tous les jours les travaux que vous prenez pour la gloire de Dieu et pour l'état de son Eglise: plaise à la divine Bonté de les accompagner toujours de cette grâce accidentelle, que, comme les lauriers de ces anciens de la Grèce réveillèrent Thémistocle, ainsi vos labeurs et vos trophées en la cause de la religion et dévotion réveillent quelques esprits généreux de ce siècle, et les tirant hors du profond sommeil, les animent à des pensées et à des actions dignes du temps où nous sommes et des nécessités où l'Eglise est réduite.

  A020003906 

 Tout est en une très bonne disposition, chacun l'attend avec affection, et singulièrement ceux qui ont autrefois été témoins des heureuses ferveurs de son commencement.

  A020003997 

 At vero, tum demum ad nos prædecessoresve nostros hac de re scriptum est, cum res minus esset integra, traditione Collegii jam facta et in ejus possessione dictis Patribus constitutis.

  A020003999 

 Nec est ut de nobis queri possitis, quandoquidem vestro, non nostro facto, a societate recissum est, nobis nequidem interpellatis, nisi postquam executioni omnia fuere demandata..

  A020004020 

 Pour dignes respects nous vous avons voulu dire par ces lignes que n'envoyez aucune personne a Louven, pour la ratification de la transaction passée avec les RDS Peres Bernabites du College d'Annissy, sans nostre advis et commandement expres; ains vous prolongerez le terme accordé auxdits Peres pour procurer ladite ratification, jusques au mois de may prochainement venant: car tel est le vouloir de S. A..

  A020004066 

 Recit veritable, comme le sieur de S t Laurent Batilly, gentilhomme parent a monsieur le Marquis de Beringhen, premier escuyer du Roy, et chevalier de l'Ordre du S t Esprit, et a monsieur de Mauroy, colonel de cavalerie et chevalier de S t Louis, a un depost considerable: sçavoir, une lettre de S t François de Sales, vivant Evesque de Geneve, et la dite lettre escrite de sa main propre; ce n'est point de copie, mais l'original mesme..

  A020004067 

 Et pour cela, le lendemain elle fit venir a elle le sieur Philippeau, alors ayde major a Turin, et Madame Royale sçavoit bien qu'il escrivoit bien, et mesme a peindre; c'est pourquoy sadite Altesse donna es mains dudit sieur Philippeau la lettre de S t François de Sales, et luy ordonna d'en faire plusieurs copies mot a mot, lesquelles copies elle vouloit donner a ses dames Et le sieur Philippeau ayant receu cette lettre, se retire chez luy, sans rien dire de cette lettre a ame vivante, et Madame Royale n'en ayant parlé a personne.


21-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXI-Vol.11-Lettres.html
  A021000022 

 — Il n'est pas besoin de sentir toujours de la force et du courage.

  A021000043 

 — Etre doux et paisible ce n'est pas être insensible.

  A021000043 

 — Pour qui toute mort est-elle heureuse? — Vivre avec des pensées généreuses et magnifiques.

  A021000056 

 — Quelle est la plus fructueuse 42.

  A021000064 

 — C'est « un grand mal » d'entretenir des imperfections dans une Maison religieuse. 48.

  A021000064 

 — L'ennemi doit être combattu pendant qu'il est petit.

  A021000064 

 — Une bonne méthode, mais qui n'est pas celle de François de Sales.

  A021000101 

 Comment l'Evêque de Belley est à la fois père, frère et fils de l'Evêque de Genève. 82.

  A021000123 

 — Quel est le seul désir qui remplit le cœur de François de Sales. 93.

  A021000128 

 — Confiance en Notre-Seigneur; quelle est la mesure de sa Providence à notre égard.

  A021000130 

 MMLXXIV. Peut-on parvenir à la perfection en pratiquant une seule vertu? — Qu'est-ce que la vertu? — Dans la charité, toutes les vertus sont comprises.

  A021000133 

 — L'âme irrévocablement abandonnée à Dieu est sûre de l'avoir.

  A021000136 

 MMLXXX. Vouloir la croix, c'est la transformer.

  A021000143 

 — Tout le « faire » de la Mère de Chantal; à quoi elle est obligée.

  A021000146 

 — Ce qui est « tous-jours imperfection » et ce qui est « de grande perfection ».

  A021000147 

 MMXCI. La vraie pauvreté est celle que Notre-Seigneur et sa sainte Mère ont pratiquée.

  A021000151 

 — Confiance en Notre-Seigneur; il prend soin de tout et il « est si proche ».

  A021000154 

 — En quoi consiste la vraie sainteté et quelle est la meilleure extase.

  A021000170 

 — A qui Dieu est tout, le monde n'est rien.

  A021000179 

 Mon Dieu, ma tres chere Mere, que ma volonté s'est treuvee dilatee en ce sentiment! Playse a sa divine Bonté continuer sur moy cette abondance de courage, pour son honneur et gloire, et pour la perfection et excellence de cette tres incomparable unité de cœur qu'il luy a pleu nous donner.

  A021000179 

 Or, la gloire de ce saint amour consiste a brusler et consumer tout ce qui n'est pas luy mesme, pour reduire et convertir tout en luy.

  A021000192 

 Mon Frere, qu'y a il qui vous empesche d'estre saint? et qu'est ce que vous voules que vous ne puissies pour ce [3] sujet? Un pauvre homme peut bien, a la verité, estre saint; mais un seigneur puissant, comme vous estes, peut non seulement l'estre, mais faire tout autant de saintz qu'il y a de tesmoins de ses actions ....

  A021000215 

 Vous le deves faire, car cette action est purement pour Dieu, et c'est pour une devote et tressainte Religion, qui fera beaucoup de fruit en vos quartiers... [5].

  A021000224 

 L'autre, pour essayer et taster l'aspreté, affin de voir si vous la pourries embrasser et quelle repugnance vous y aures; car cet essay vous est requis pour l'espreuve de la foible inclination que vous aves a la retraitte du monde.

  A021000246 

 La vraye science de Dieu nous apprend, sur toutes choses, que sa volonté doit ranger nostre cœur a son obeissance et a treuver bon, comme en effect il est tres bon, tout ce qu'elle ordonne sur les enfans de son bon playsir.

  A021000247 

 Or sus, c'est fait: voyla ce que j'avois a vous dire.

  A021000247 

 Pleures maintenant, mais moderes vos pleurs et benisses Dieu; car cette mere vous sera propice, comme vous deves esperer, beaucoup plus ou elle est, qu'elle n'eust sceu l'estre ou elle estoit.

  A021000259 

 Mais ce qui me donne plus d'apprehension maintenant, c'est ce qu'on crie, qu'outre le mal que vous aves par les accidens corporelz, vous estes surchargé d'une violente melancholie; car je m'imagine combien cela retardera le retour de vostre parfaitte santé et engendrera de dispositions contraires.

  A021000259 

 Or, c'est icy, Monsieur, ou mon cœur [11] est grandement pressé, et selon la grandeur de la vive et extreme affection dont il vous cherit plus qu'il ne se peut dire, il a aussi une extraordinaire compassion aux vostres..

  A021000260 

 Et s'il vous plaist, Monsieur, dites moy, je vous supplie, quel sujet aves vous de nourrir cette triste humeur qui vous est si prejudiciable? Je me doute que vostre esprit ne soit encor embarrassé de quelque crainte de la mort soudaine et des jugemens de Dieu.

  A021000260 

 Helas! que c'est un estrange tourment que celuy la! Mon ame qui l'a enduré six semaines durant, est bien capable de compatir a ceux qui en sont affligés.

  A021000260 

 Mais, Monsieur, il faut que je vous parle un peu cœur a cœur, et que je vous die que quicomque a un vray desir de servir Nostre Seigneur et fuir le peché ne doit nullement se tourmenter de la pensee de la mort, ni des jugemens divins; car encor que l'un et l'autre soit a craindre, si est ce que la crainte ne doit pas estre de ce naturel terrible et effroyable qui abat et deprime la vigueur et force de l'esprit, ains doit estre une crainte tellement meslee avec la confiance en la bonté de Dieu, que par ce moyen elle en devienne douce..

  A021000261 

 C'est un sentiment meilleur de se desfier de pouvoir resister aux tentations, que non pas celuy de s'en tenir pour asseuré et asses fort, pourveu que ce qu'on n'attend pas de ses forces on l'attende de la grace de Dieu: en sorte que plusieurs qui, avec grande consolation, se sont promis de faire des merveilles pour Dieu, quand c'est venu au point ont manqué; et plusieurs qui [12] ont eu grande desfiance de leurs forces et une grande crainte qu'a l'occasion ilz ne manquassent, sur le champ ont fait merveilles, parce que ce grand sentiment de leur foiblesse les a poussés a rechercher l'ayde et le secours de Dieu, a veiller, prier et s'humilier pour ne point entrer en tentation..

  A021000261 

 Oh! non, Monsieur, car la desfiance de nos forces n'est pas un manquement de resolution, ains une vraye reconnoissance de nostre misere.

  A021000262 

 Et Dieu, qui ne fait rien en vain, ne nous donne pas ni la force ni le courage quand il n'est besoin de l'employer, mais es occasions jamais il ne manque; et partant il faut tous-jours esperer qu'en toutes occurrences il nous aydera, pourveu que nous le reclamions.

  A021000262 

 Et n'est pas besoin qu'on sente en soy aucun signe ni aucune marque qu'on aura ce courage la, ains il suffit qu'on espere que Dieu nous aydera.

  A021000262 

 Je dis, qu'encor que nous ne sentions en nous ni force, ni mesme courage quelcomque pour resister a la tentation si elle se presentoit maintenant a nous, pourveu que nous desirions neanmoins de resister, et esperions que si elle venoit Dieu nous ayderoit et luy demanderions son secours, nous ne devons nullement nous contrister, d'autant qu'il n'est pas besoin de sentir tous-jours de la force et du courage, et suffit qu'on espere et desire d'en avoir en tems et lieu.

  A021000262 

 Samson, qui estoit appellé le fort, ne sentoit jamais les forces surnaturelles dont Dieu l'assistoit sinon es occasions; et pour cela il est dit que quand il rencontroit les lions ou les ennemis, l'Esprit de Dieu le saysissoit pour les tuer.

  A021000264 

 Je vous conjure, Monsieur, d'appayser toutes les repliques qui se pourroyent former en vostre esprit, ausquelles il n'est besoin de respondre autre chose sinon que [13] vous desires d'estre fidele en toutes occurrences, et que vous esperes que Dieu fera que vous le seres, sans qu'il soit besoin d'essayer vostre esprit s'il le seroit ou non, car ces essays sont trompeurs, et plusieurs sont vaillans quand ilz ne voyent point l'ennemi, qui ne le sont pas en sa presence; et au contraire, plusieurs craignent avant l'escarmouche, ausquelz le danger present donne le courage.

  A021000272 

 Ces fonctions, a la verité, sont diverses, mais l'affection avec laquelle on y doit vaquer est unique.

  A021000272 

 L'amour [14] seul est celuy qui diversifie le prix de nos exercices..

  A021000273 

 Le divin Sauveur est le Bienaymé de son Pere dans le fleuve du Jourdain ou il s'humilie, aux noces de Cana ou il est exalté, sur le mont de Thabor ou il paroist transfiguré et sur la montagne du Calvaire ou il est crucifié; parce qu'en toutes ses œuvres il honnore son Pere d'un mesme cœur, d'une pareille sousmission et d'une esgale affection.

  A021000281 

 Mais puisque Dieu m'a voulu entraver comme les mauvais chevaux, affin que je demeurasse en ce champ, c'est bien la rayson que je m'y accommode et que sa divine volonté soit faite.

  A021000282 

 N'aymes point, s'il se peut, la volonté de Dieu parce qu'elle est selon la vostre; mais aymes la vostre quand et parce qu'elle sera selon celle de Dieu..

  A021000292 

 En l'orayson, si elle veut voler, qu'elle vole; si elle se veut remuer, qu'elle se remue; bien qu'encor la, la tranquillité et simple repos de l'ame a voir Dieu, a vouloir Dieu et a savourer Dieu est extremement excellent..

  A021000293 

 Quand je commence a vous escrire, je ne pense pas a ce que je vous escriray; mais ayant commencé, j'escris tout ce qui me vient, pourveu que ce soit quelque chose de Dieu, car je sçay que tout vous est aggreable, ayant de beaucoup fortifié l'entiere confiance que mon cœur avoit au vostre en ce dernier voyage, ou je vis bien, ce me semble, que vous avies toute asseurance en moy..

  A021000294 

 J'escris a cette bonne D. N., laquelle m'escrit que je la conseille sur sa vie future; en quoy j'ay de la peyne, pour n'avoir guere veu son esprit, et le mien estant trop commun et trivial pour considerer une vie si singuliere comme est la sienne; toutefois, je luy dis simplement ce que je pense..

  A021000323 

 Cette vie est courte et elle ne nous est donnee que pour gaigner l'autre; et vous l'employeres bien si vous estes douce envers ces deux personnes avec lesquelles Dieu vous a mise..

  A021000330 

 Et pour les bien conserver, tenes vous pres du Sauveur, car son ombre est salutaire pour la naissance et conservation de telz fruitz.

  A021000338 

 Qu'est ce que fait vostre cœur, ma tres chere Fille? Nostre frere m'escrit que vous aves receu quelque sorte [20] d'affliction qu'il ne me nomme point.

  A021000348 

 La croix est la porte royale pour entrer au temple de la sainteté; qui en cherche ailleurs n'en treuvera jamais un seul brin..

  A021000348 

 Si Dieu vous a rendue plus forte et vaillante a supporter vos adversités, la gloire en soit a sa Bonté, laquelle est tous-jours prompte au secours des ames qui esperent en luy.

  A021000349 

 Et me resouvenant de cette croix exterieure que vous porties, quand j'eus le contentement de vous voir, sur vostre cœur, aymés bien vostre croix, ma chere Dame, car elle est toute d'or si vous la regardes de vos yeux d'amour.

  A021000349 

 Madame, je ne vous diray pas que vous ne regardies point vos afflictions, car vostre esprit, qui est prompt a repliquer, me diroit qu'elles se font bien regarder par l'aspreté de la douleur qu'elles donnent; mais je vous diray bien que vous ne les regardies pas qu'au travers de la Croix, et vous les treuveres ou petites, ou du moins si aggreables, que vous en aymeres plus la souffrance que la jouyssance de toute consolation qui en est separee.

  A021000350 

 Vous connoistrés bien que mon cœur se dilate en vous parlant, et que c'est une saillie de l'amour qu'il a pour le vostre, que je conjure d'en faire aussi souvent devant Dieu pour impetrer sa misericorde sur moy, qui suis en verité,.

  A021000367 

 Dieu vous face la grace, ma Fille, de bien absolument mespriser le monde qui vous est si inique: qu'il nous crucifie, pourveu que nous le crucifiions! Aussi les abnegations mentales des vanités et commodités mondaines se font asses aysement; les reelles sont bien plus difficiles.

  A021000367 

 Et vous voyla donq emmi les occasions de prattiquer cette vertu jusques a l'extremité, puisqu'a cette privation est joint l'opprobre, et qu'elle se fait en vous, sans vous et pour vous, mais plus en Dieu, avec Dieu et pour Dieu..

  A021000368 

 Il est vray, la joliveté de l'esprit nous donne quelquefois bien de la vanité, et on leve plus souvent le nez de l'esprit que celuy du visage; on fait les doux yeux par les paroles aussi bien que par le regard.

  A021000368 

 Il n'est pas bon, vrayement, d'aller sur le bout du pied, ni d'esprit ni de cors; car si on choppe, la cheute en est plus rude.

  A021000369 

 Continues a me dire bien franchement et souvent des nouvelles de ce cœur la, que le mien cherit d'un grand amour, pour Celuy qui est mort d'amour affin que nous vescussions par amour en sa sainte et vitale mort..

  A021000378 

 O Dieu, que les amitiés fondees sur le solide fondement de la charité sont bien plus constantes et fermes que celles desquelles le fondement est en la chair et au sang et aux respectz mondains!.

  A021000385 

 Que je suis marry, ma tres chere Fille, dequoy je n'ay point receu vos dernieres lettres! Mais nostre chere M me N. [25] m'ayant communiqué l'estat de vos affaires, je vous dis de tout mon cœur, c'est a dire de tout ce cœur qui cherit uniquement le vostre, que vous ne vous opiniastries point a plaider.

  A021000385 

 Voules vous, pour cela, vous occuper d'une si fascheuse occupation comme est celle d'un mauvais proces? Vous ne seres que tres mal vengee si apres avoir receu ce tort vous perdes vostre tranquillité, vostre tems et le train de vostre interieur.

  A021000385 

 Vous y consommeres vostre tems inutilement, et vostre cœur encor, qui est le pis.

  A021000386 

 » Et vous: Hé! je diray donq tant plus confidemment: Mon Espoux, mon Amour, qui est au Ciel..

  A021000396 

 La pluspart des injures sont plus heureusement rejettees par le mespris qu'on en fait que par aucun autre moyen; le blasme en est plus pour l'injurieux que pour l'injurié..

  A021000396 

 Voyes vous, ma tres chere Fille, j'estime qu'en vraye verité le mespris du mespris et le tesmoignage de generosité que l'on rend par les desdains de la foiblesse et inconstance de ceux qui rompent la foy qu'ilz nous ont donnee, c'est le meilleur remede de tous.

  A021000398 

 Dieu vous benisse de ses grandes benedictions, ma tres chere Fille; c'est a dire, Dieu vous rende tres parfaitement toute sienne.

  A021000405 

 Continues a souffrir ces petites disettes et pauvretés spirituelles que Nostre Seigneur en sa bonté permet arriver en vostre ame, car ce n'est que pour l'affermir et rendre solide, tandis que, par resolution, vous vous attachés a sa divine Majesté, sans entremise d'aucune sorte de consolation.

  A021000407 

 Laisses le la, ce cœur chetif, s'il veut demeurer immobile, pourveu que la volonté qui est en luy tire et meuve en son Dieu..

  A021000423 

 L'homme n'est en ce monde que comme un arbre planté de la main du Createur, cultivé par sa sagesse, arrousé du sang de Jesus Christ, affin qu'il porte des fruitz propres au goust du Maistre, qui desire estre servi en ceci principalement, que, de plein gré, nous nous laissions gouverner a sa Providence qui mene les volontaires et traisne a force les refractaires..

  A021000432 

 Dieu soit au milieu de vostre cœur, ma Fille, et vous soit unique et parfait Consolateur en cest inopiné accident de cette bonne et vertueuse seur, laquelle, sans aucun esbranslement precedent de sa santé, est tombee en un moment a la mort, mais, comme nous devons esperer, entre les mains de la misericorde de son Sauveur.

  A021000432 

 Helas! ma chere Fille, nous sommes miserables de sçavoir par tant d'experiences combien cette vie est mortelle, et de nous affliger neanmoins si fort quand, ou nous ou les nostres passons de la vie a la mort.

  A021000433 

 Je veux bien que vous pleuries pour cette perte, car c'est la rayson; mais je desire bien aussi que vous ne pleuries pas desordonnement, et qu'en cette occasion vous tesmoignies que vous aves des-ja tant proffité en la vertu, que vous aves plus de fondement sur l'eternité que sur l'image de ce monde.

  A021000433 

 Voyes cette si soudaine mort, qui n'a pas donné le loysir a la deffunte [31] de dire les adieux d'honneur a ceux qu'elle cherissoit; et, en esperant qu'elle est passee en la grace de Nostre Seigneur, disons nos adieux de bonne heure, renonçant affectionnement au monde et a toute sa vanité, et colloquons nos cœurs en la bienheureuse eternité qui nous attend..

  A021000450 

 Je ne veux pas, ma chere Fille, que vous desiries nullement la mort, car vous n'estes plus vostre, ains a Celuy qui, pour vous avoir faite sienne, s'est rendu [33] tout vostre; et partant il ne vous appartient pas de desirer ni de sortir de ce monde, ni d'y demeurer, ains vous deves laisser ce soin au Seigneur..

  A021000451 

 Au reste, cette mere tesmoigna tant la presence de la grace de Dieu en son trespas, que nous devons tenir qu'elle est presente, ou du moins asseuree d'estre bien tost presente a sa gloire eternelle.

  A021000452 

 A mesure que Dieu tire nos plus chers a soy, il veut attirer nostre cœur, et, comme disoit saint François: A qui n'a point de pere en terre, il est plus aysé de dire: Nostre Pere, qui estes aux cieux.

  A021000452 

 Et [a] qui n'a point de mere en terre, il est plus aysé [de dire] a la Bonté divine: Nostre dame, nostre mere qui estes au Ciel.

  A021000459 

 Pour moy, ma tres chere Fille, je ne veux point vous presenter d'autre consolation que Jesus Christ crucifié, a la veuë duquel vostre foy vous consolera; car apres cette mort du Sauveur, toute mort est heureuse a ceux qui, comme le deffunt duquel je parle, meurent au [34] giron et avec le secours de la sainte Eglise; et quicomque se glorifie en la mort de Nostre Seigneur, jamais il ne se desolera en la mort de ceux qu'il a rachetés et receus pour siens..

  A021000461 

 Ce cœur ainsy genereusement relevé est tous-jours humble, car il est establi en la verité et non en la vanité; il est doux et paysible, car il ne tient conte de ce qui le peut troubler.

  A021000461 

 Mais quand je dis qu'il est doux et paysible, je ne veux pas dire qu'il n'ayt point de douleur ni de sentiment d'affliction.

  A021000461 

 Non certes, ma chere Fille, je ne dis pas cela; mais je dis que les souffrances, les peines, les tribulations sont accompaignees d'une si forte resolution de les souffrir pour Dieu, que toute cette amertume, pour amere qu'elle soit, est en paix et tranquillité..

  A021000471 

 C'est en ces occasions esquelles, avec un saint amour, il faut soüefvement acquiescer au bon playsir du doux Jesus..

  A021000481 

 Cette vie est courte, ma tres chere Fille, mais elle est pourtant de grande valeur, puisque par icelle nous [37] pouvons acquerir l'eternelle: bienheureux sont ceux qui la sçavent employer a cela..

  A021000482 

 Rien n'est si aggreable que la perseverance, a la divine Majesté, et les plus petites vertus, comme l'hospitalité, rendent plus parfaitz ceux qui perseverent jusques a la fin, que les plus grandes qu'on exerce par change et varieté..

  A021000483 

 Demeures donq en repos et dites: O combien de voyes pour le Ciel! benis soyent ceux qui marchent par icelles; mais puisque celle ci est la mienne, je marcheray en icelle avec paix, sincerité, simplicité et humilité.

  A021000483 

 Ouy sans doute, ma tres chere Fille, l'unité de cœur est le plus excellent moyen de la perfection.

  A021000491 

 L'advis que la bonne cousine vous donna si constamment, de demeurer en vous mesme au service de monsieur vostre pere et en estat de vous consacrer par apres cœur et cors a Nostre Seigneur, estoit fondé sur une grande quantité de considerations tirees de plusieurs circonstances de vostre condition; c'est pourquoy, si vostre esprit se fust treuvé en une pleine et entiere indifference, je vous eusse sans doute dit qu'il failloit suivre cet advis la, comme le plus digne et le plus propre qu'on vous sceust proposer, car, sans difficulté, il eust esté tel.

  A021000491 

 Mays puisque vostre esprit n'est nullement en l'indifference, ains totalement penché au choix du mariage, et que nonobstant que vous ayes recouru a Dieu vous vous y sentes encor attachee, il n'est pas expedient que vous facies violence a une si forte impression par aucune sorte de consideration; car toutes les circonstances, qui d'ailleurs seroyent plus que suffisantes pour me faire conclure avec la chere cousine, n'ont point de poids au prix de cette forte inclination et propension que vous aves; laquelle, a la verité, si elle estoit foible et debile, [39] seroit peu considerable, mais estant puissante et ferme, elle doit servir de fondement a la resolution..

  A021000492 

 Je dis: s'il est d'humeur compatissante, parce que ce manquement de taille requiert cela; comme il requiert de vous que vous contreschangies ce defaut par une grande douceur, par un sincere amour et par une humilité fort resignee, et bref, que la vraye vertu et perfection de l'esprit couvre universellement la tare du cors..

  A021000492 

 Si donq le mary qui vous est proposé est d'ailleurs sortable, homme de bien et d'humeur compatissante, vous pouves utilement l'accepter.

  A021000493 

 L'estat de mariage est un estat qui requiert plus de vertu et constance que nul autre; c'est un perpetuel exercice de mortification, il le sera peut estre a vous plus que l'ordinaire: il faut donq vous y disposer avec un soin particulier, affin qu'en cette plante de thym vous puissies, malgré l'amertume naturelle de son suc, en tirer et faire le miel d'une sainte conversation..

  A021000501 

 Voyla, ma tres chere Fille, les conditions avec lesquelles nous nous devons donner a Dieu: c'est que, soudain, il fasse sa volonté de nous, de nos affaires et de nos desseins, et qu'il rompe et desfasse la nostre ainsy qu'il luy plaira.

  A021000503 

 La chere cousine est tendre en cette affection, et a un cœur parfaitement vostre..

  A021000504 

 C'est ainsy qu'on lit cet Evangile, et il m'est venu au cœur de vous dire cette pensee.

  A021000504 

 Cet espoux de Cana en Galilee fait le festin de ses noces, et croit d'estre l'espoux; mais il est trop plus heureux, car Nostre Seigneur luy donne le change, et convertissant son eau en tres bon vin, il se rend Espoux luy mesme et fait l'ame de ce pauvre premier espoux son espouse; car, soit que ce fust saint Jean l'Evangeliste ou quelque autre, estant non a la veille, mais au jour de son mariage, Nostre Seigneur l'emporte a sa suite, il ravit a soy sa chaste ame et le rend son disciple; et l'espouse, voyant que ce Sauveur pouvoit avoir plusieurs espouses, voulut [41] estre du nombre.

  A021000522 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que j'ayme vostre cœur, puisqu'il ne veut plus rien aymer que son Jesus et pour [43] son Jesus! Helas! se pourroit il bien faire qu'une ame qui considere ce Jesus crucifié pour elle, peust aymer quelque chose hors d'iceluy, et qu'apres tant de veritables eslancemens de fidelité qui nous ont si souvent fait dire, escrire, chanter, aspirer et souspirer: VIVE JESUS! nous voulussions, comme des Juifz, crier: Qu'on le crucifie, qu'on le tue en nos coeurs? O Dieu, ma Fille, je dis ma vraye Fille, que nous serons fortz si nous continuons a nous entretenir liés l'un a l'autre par ce lien teint au sang vermeil du Sauveur! car nul n'attaquera vostre cœur qu'il ne treuve de la resistance et de vostre costé et du costé du mien, qui est tout dedié au vostre..

  A021000523 

 Les iniques, dit David, m'ont raconté leurs niaiseries; mais cela n'est point comme vostre loy.

  A021000523 

 O Dieu, que cela est fade au prix de ce sacré divin amour qui vit en nos cœurs!.

  A021000525 

 Vous aves rayson encor de recevoir ce peu de paroles que je vous dis avec tendreté d'amour; car l'affection que j'ay pour vous est plus grande et plus forte que vous ne penseries jamais..

  A021000526 

 Il faut qu'un soldat ayt beaucoup gaigné en la guerre quand il est bien ayse de la paix.

  A021000526 

 Jamais nous n'aurons la parfaite douceur et charité si elle n'est exercee entre les repugnances, aversions et desgoustz.

  A021000527 

 L'Enfant qui nous va naistre n'est pas venu pour se reposer ni avoir ses commodités, ni spirituelles ni temporelles, ains pour combattre et pour se mortifier et mourir.

  A021000528 

 Ce pendant, presses bien ce divin Poupon sur vostre cœur, affin de pouvoir, avec cette ame outree de l'amour celeste, souspirer ces sacrees paroles d'amour: Mon Bienaymé est a moy, et je suis toute a luy; il demeurera emmi mes mammelles..

  A021000535 

 Si Nostre Seigneur vous donne quelque contentement, ma tres chere Fille, en la veritable et nompareille dilection qu'il a mise dans mon cœur pour le vostre, j'en benis son saint nom et en remercie sa Providence, vous asseurant fort fidelement que ce m'est une consolation toute particuliere de sçavoir que, reciproquement, vostre ame cherisse puissamment la mienne de cet amour sacré que la divine Bonté peut donner; et si, pour tout cela, je ne [45] veux pas vous prier de le me continuer, sçachant bien qu'il est imperissable, comme le motif duquel il prend sa force..

  A021000536 

 Il n'est pas des rosiers spirituelz comme des corporelz: en ceux ci, les espines durent et les roses passent; en ceux la, les espines'passeront et les roses demeureront..

  A021000538 

 Ma tres chere Fille, le porteur qui m'a apporté vostre lettre ne me donne que des momens pour vous escrire; c'est pourquoy je finis, vous dediant en Nostre Seigneur tout mon cœur et mes affections..

  A021000545 

 Venes en la montaigne que Dieu vous monstrera, pour y consacrer ces petitz momens de vie qui vous restent, en faveur de la tressainte eternité qui vous est preparee..

  A021000555 

 C'est a luy, ma tres chere Fille, que vous en deves le remerciement, qui vous y a puissamment attiree, et a tourné les cœurs de ces cheres Seurs devers le vostre et le vostre devers le leur, et tous ensemble devers la Croix et sa Mere tressainte..

  A021000566 

 Car le Pere n'est pas le Filz, ni le Filz n'est pas le Saint Esprit: d'autant que, encor que le Pere ne soit pas un autre Dieu que le Filz et le Saint Esprit, il est neanmoins une autre Personne; et de mesme, le Filz n'est pas un autre Dieu que le Pere et le Saint Esprit, ains seulement une autre Personne; et le Saint Esprit n'est pas un autre Dieu que le Pere et le Filz, ains seulement une autre Personne..

  A021000566 

 Le premier, principal et fondamental article de foy, c'est de croire qu'il n'y a qu'un tres unique et tres vray Dieu.

  A021000566 

 Le second article principal, c'est que ce seul vray Dieu est Pere, Filz et Saint Esprit: dont le Pere est la premiere Personne de la tressainte Trinité, le Filz la seconde et le Saint Esprit la troysiesme; en sorte que les troys Personnes ne sont pas plusieurs dieux, ains un seul vray Dieu, bien que l'une des Personnes ne soit pas l'autre.

  A021000567 

 Et bien que l'une des puissances ne soit pas l'autre, si est ce que toutes troys ne sont qu'une seule ame: l'entendement estant ame, la memoire ame, la volonté ame, et non troys ames, ains une ame; et bien que ce ne soit qu'une ame, si est ce que cette ame, en tant qu'entendement n'est pas memoire, en tant que memoire n'est pas volonté..

  A021000567 

 La difficulté consiste a bien entendre ceci, et il se peut aucunement comprendre par cet exemple: vous n'aves qu'une ame, ma chere Fille, et neanmoins cette ame est entendement, memoire et volonté.

  A021000567 

 Vostre ame donq est une toute seule; ses puissances sont troys: entendement, memoire, volonté.

  A021000567 

 Vostre entendement n'est pas memoire, car il y a beaucoup de choses que vous entendes, desquelles vous ne vous resouvenes pas quelque [49] tems apres; vostre entendement et vostre memoire ne sont pas vostre volonté, car il y a beaucoup de choses que vous entendes et desquelles vous aves memoire, lesquelles vous ne voules pas, comme sont les pechés, que vous detestes.

  A021000568 

 Ainsy, il n'y a qu'un seul Dieu en troys Personnes, desquelles troys l'une n'est pas l'autre, et toutes troys ne sont qu'un seul Dieu; en sorte que le Pere est Dieu, le Filz est Dieu, le Saint Esprit est Dieu, et non troys dieux, mais un seul Dieu; parce que, encor qu'il y ayt troys Personnes, toutes troys ensemble n'ont qu'une seule et unique Divinité: comme, encor qu'il y ayt troys puissances en nostre ame, toutes troys neanmoins ne sont qu'une seule ame..

  A021000569 

 Ainsy, le seul Filz est incarné, et non le Pere ni le Saint Esprit, bien que le Pere, le Filz et le Saint Esprit ne soyent qu'un Dieu..

  A021000569 

 Comme si je disois que vostre ame a pris la connoissance d'escrire, je ne dirois pas pour cela que c'est vostre volonté qui a pris cette connoissance, car ce n'est pas la volonté qui connoist, c'est l'entendement; et neanmoins, l'entendement et la volonté ne sont qu'une seule ame.

  A021000569 

 Mais il faut noter, qu'encor que ce soit le seul unique vray Dieu qui ayt pris nostre humanité, si est ce qu'il ne l'a prise en la Personne du Pere, ni en la Personne du Saint Esprit, ains seulement en la Personne du Filz.

  A021000569 

 Or Dieu, qui n'est qu'un en Divinité ou nature divine, apres avoir creé le monde, et long tems apres, c'est a dire environ cinq mille ans apres la creation, prit la nature humaine, joignant l'humanité a sa Divinité au ventre de la Vierge, et par ce moyen il se rendit homme; car, comme ayant la Divinité il est Dieu, aussi ayant l'humanité il est homme.

  A021000570 

 Il faut encor sçavoir que le Pere, le Filz et le Saint Esprit, un seul vray Dieu, sont par tout et totalement par tout le monde, comme vostre ame est par tout vostre cors; mais parce qu'au Ciel sa divine Majesté se manifeste plus clairement, nous imaginons plus facilement sa presence au Ciel..

  A021000571 

 Maintenant donq, ma chere Fille, quand vous vous representies Nostre Seigneur revenant d'Egypte, vous consideries Dieu le Filz, lequel, bien qu'il fust par tout, selon qu'il est Dieu, estoit neanmoins par les chemins, en travail, selon qu'il est homme.

  A021000572 

 Et comme le fer enflammé a la nature du fer et celle du feu, et peut estre dit fer et feu tout ensemble, ainsy Nostre Seigneur ayant saysi la nature humaine comme le feu [51] saysit le fer, il est vrayement Dieu a rayson du feu de la Divinité, et vrayement homme a rayson du fer de l'humanité.

  A021000572 

 Et le Filz est Dieu, et un mesme Dieu avec le Pere et le Saint Esprit; mays, outre cela, il est vray homme, ayant deux natures: l'une divine, qui est celle-la mesme du Pere et du Saint Esprit, l'autre humaine, qu'il a prise au ventre de la Vierge; comme nous avons deux natures, l'une spirituelle qui est nostre ame, l'autre corporelle qui est la chair.

  A021000572 

 Mais il y a de plus: c'est que vous consideries Nostre Seigneur en tant qu'homme, et, en cette sorte, il est vrayement different d'avec le Pere en nature; car le Pere n'est pas homme, ains seulement Dieu.

  A021000573 

 Ma chere Fille, je ne pense pas, non, vous avoir declairé l'affaire; car c'est un abisme lequel il faut regarder simplement et humblement, sans se beaucoup tourmenter pour l'entendre.

  A021000579 

 Mon Dieu, ma chere Fille, je ne treuve nullement estrange que vous desiries de mes lettres; car, outre ce [52] que Dieu le veut bien (qui est le grand mot de nostre commerce), je sens tant de consolation de vostre communication que je croy aysement que vous en aves un peu de la mienne.

  A021000580 

 Non, ma Fille, car le pauvre cœur n'en peut mais, puisque cela n'arrive pas faute de resolutions et vives affections d'aymer Dieu, mays faute de sensible passion, laquelle ne depend point de nostre cœur, mais d'autre sorte de dispositions que nous ne pouvons procurer; car tout ainsy, ma chere Fille, qu'en ce monde il n'est pas possible que nous puissions faire pleuvoir quand nous voulons, ni empescher qu'il ne pleuve quand nous ne voulons pas qu'il pleuve, aussi n'est il pas a nostre pouvoir de pleurer quand nous voulons, par devotion, ni de ne pleurer pas aussi quand l'impetuosité nous saysit.

  A021000583 

 VIVE JESUS! ma tres chere Fille; c'est le mot interieur sous lequel il nous faut vivre et mourir, et avec lequel je proteste d'estre tous-jours tout vostre..

  A021000588 

 Dieu vous est donq bon, ma chere Fille, n'est il pas vray? mais a qui ne l'est il pas, ce souverain Amour des cœurs? Ceux qui le goustent ne s'en peuvent assouvir, et ceux qui s'approchent de son cœur ne peuvent contenir les leurs de le benir et loüer a jamais..

  A021000589 

 Et puis, nostre grand rendes vous est en cette eternité, au prix de laquelle que peut sur nous tout ce qui se finit par le tems?.

  A021000589 

 Gardés ce saint silence que vous me dites, car vrayement il est bon d'espargner nos paroles pour Dieu et pour sa gloire.

  A021000589 

 Mon Dieu, disoit saint Gregoire a un Evesque affligé, comme se peut il faire que nos cœurs, qui sont meshuy au Ciel, soyent agités des accidens de la terre? C'est bien dit: la seule veuë de nostre cher Jesus crucifié peut addoucir en un moment toutes nos douleurs, qui ne sont que des fleurs en comparayson de ses espines.

  A021000591 

 Et courage, chere Fille, Dieu nous est bon; que tout nous soit mauvais, que nous en doit il chaloir? Vivés joyeuse aupres de luy; c'est en luy que mon ame est toute dediee a la vostre.

  A021000598 

 Si vous savoures vostre point en l'orayson, c'est un signe que Dieu veut que vous suivies cette methode, du moins alhors.

  A021000599 

 Les bouillonnemens et dilatemens du cœur ne peuvent quelquefois estre evités; mais quand on s'apperçoit de leur venue, il est bon d'addoucir ces mouvemens et les appayser, en debandant un peu l'attention ou les eslans, d'autant que l'orayson, plus elle est tranquille, simple et delicate, c'est a dire, plus elle se fait en la pointe de l'esprit, plus elle est fructueuse..

  A021000615 

 C'est bien dit, ma Fille: laissons-le la, ce monde, pour rien qui vaille.

  A021000616 

 Vous desires de ne mentir point: c'est un grand secret pour attirer l'Esprit de Dieu en nos entrailles.

  A021000618 

 Ah! qui nous fera la grace que nos cœurs le soyent aussi un jour! Mais ce Simeon n'est il pas bien glorieux d'embrasser cet Enfant divin? Ouy, mais je ne luy peux sçavoir gré du mauvais tour qu'il nous vouloit faire, car estant hors de soy mesme, il le vouloit emporter avec soy en l'autre monde: Maintenant, dit il, laisses aller vostre serviteur en paix.

  A021000620 

 Je ne vay pas, ma tres chere Fille, la part ou l'on vous avoit dit, car je vis encor en obedience qui m'est imposee, non de la part de Dieu, mais du monde, permise neanmoins de sa divine Providence: c'est pourquoy j'y acquiesce..

  A021000621 

 Vives toute pour Celuy qui, pour estre tout nostre, s'est fait petit Enfant.

  A021000680 

 Accepi litteras quibus me sacra Vestra Cæsaræa Majestas dignata est, non sine ea quam tanto culmini debeo reverenda.

  A021000713 

 Ce n'est pas bien d'être tellement affectionné à son Ordre que l'on en perde les yeux pour voir les choses évidentes.

  A021000713 

 Est-il quelqu'un qui puisse justement se fâcher contre celui qui lui dit de se laver après avoir été quelque temps sans le faire? Pourquoi ne pourra-t-on pas dire: réformez-vous, à une Maison qui a passé bien des années depuis sa dernière réforme? On se garde bien de laisser longtemps une maison sans l'approprier extérieurement; pourquoi n'en fera-t-on pas de même à l'intérieur?.

  A021000713 

 L'amour mondain est aveugle, et s'il ne [66] l'était pas, il n'aimerait pas le monde qui n'a rien de beau ou de bon; mais l'amour céleste n'est pas aveugle, car il a des lampes et des flammes brillantes, comme dit le Cantique, parmi lesquelles il donne l'esprit de discernement pour séparer le bien du mal.

  A021000713 

 Rien n'est si constant sous le ciel qui ne fléchisse, ni rien de si pur à quoi la poussière ne s'attache.

  A021000714 

 Certes, l'on ne doit pas, sans quelque utilité, dire les manquements qui se voient dans les Maisons, ni [67] les publier; mais, de ne pas vouloir les reconnaître ni confesser à qui peut y appliquer les remèdes, c'est une passion et un amour désordonné.

  A021000714 

 Or je pense que vous pouvez bien en dire autant de votre Maison: elle est belle, c'est vrai; mais le soleil, c'est-à-dire le temps, la longueur des jours a altéré son teint.

  A021000714 

 Pourquoi donc ne tâcherez-vous pas de lui rendre son ancien lustre, afin que son Epoux puisse dire: Vous êtes toute belle? Quand les défauts sont momentanés et passagers dans une Maison, c'est bien fait de les dissimuler; mais quand ils sont à demeure et permanents, il faut les chasser, et meme à cor et à cri s'il en est besoin.

  A021000714 

 car c'est le soleil qui m'a hâlée.

  A021000716 

 C'est l'amour-propre qui, sans raison, nous fait paraître intolérables nos incommodités.

  A021000716 

 David admirait comme Dieu donne la nourriture [68] aux poussins des corbeaux; aussi est-ce chose digne d'admiration.

  A021000716 

 Ou Jésus nous trompe, ou c'est vous qui vous trompez..

  A021000717 

 Certes, les chirurgiens sont quelquefois contraints d'agrandir la plaie pour amoindrir le mal, lorsque sous une petite plaie il y a beaucoup d'humeur purulente ou de sang corrompu; c'est peut-être ce qui les a obligés à toucher sur le vif.

  A021000717 

 Je loue leur méthode parce qu'elle est bonne, bien que ce ne soit pas la mienne, surtout à l'endroit des esprits nobles et bien élevés comme sont les vôtres.

  A021000717 

 Je pense qu'il est mieux de vous montrer que [70] toutes les raisons demandent que vous vous soumettiez à la réforme..

  A021000717 

 Peut-être est-ce aussi un empêchement à votre réforme qu'elle ait été entreprise trop âprement par ceux qui, jusqu'à présent, vous l'ont proposée, et qui n'ont pas manié doucement la plaie.

  A021000719 

 Il est aisé de détourner les petits fleuves où nous voulons, mais les grands ne se laissent pas dompter..

  A021000719 

 Je sais bien que vous avez de très grands empêchements; c'est ce qui me fait pitié et m'oblige à vous écrire, car j'ai certaines considérations lesquelles, à mon avis, pourront vous aider à surmonter les obstacles qui retardent un si grand bien. Je pense que le plus grand empêchement à votre réforme, c'est de vous imaginer que le mal et le défaut soit petit et léger, ne pouvant [71] guère me [persuader que si vous le jugiez grand vous voulussiez y persévérer et le permettre.

  A021000719 

 L'ennemi doit être combattu pendant qu'il est petit, sans attendre qu'il grandisse.

  A021000719 

 Prenez -moi les petits renardeaux, car ils ruinent les vignes, est-il écrit dans le Cantique des Cantiques.

  A021000719 

 Vous ne pouvez nier que ce ne soit un manquement et déchet en la pauvreté et communauté religieuse; et pour petit qu'il soit, faudra-t-il en négliger l'amendement? Tout au contraire, il faut le corriger pendant qu'il est petit, car il pourrait arriver que, croissant, il ne soit plus possible de le guérir.

  A021000720 

 Il ne vous semblera pas qu'il en soit ainsi; c'est cependant la vérité. Vous serez moins dignes d'excuse si vous n'êtes pas fidèles dans les petites choses: soyez fidèles dans la réforme de ces petits défauts, et vous serez établies sur beaucoup de choses.

  A021000720 

 Je tiens votre Maison pour une maison d'Abraham, de ce grand Père qui est dans les Cieux; il [72] y a une Sara et une Agar, la partie supérieure et l'inférieure.

  A021000720 

 L'inférieure engendre Ismael, c'est-à-dire le désir et la sollicitude pour les choses extérieures.

  A021000720 

 La supérieure engendre le bon Isaac, qui est le vœu volontaire et libre que vous avez fait, comme un sacrifice de vous-mêmes, sur la montagne de la vie religieuse.

  A021000720 

 Or, pendant qu'Ismaël, c'est-à-dire le désir et la sollicitude, n'attaque pas votre vœu, bien qu'il demeure en votre Maison, j'en suis content, et Dieu ne se tiendra pas pour offensé.

  A021000722 

 Ce proverbe est connu: « Le moine ne vaut pas une obole s'il possède une obole.

  A021000761 

 Et parce quil a besoin de vostre faveur pour obtenir ce bien pour sa seur et quil a desiré ma recommandation aupres de vous, estimant qu'elle vous sera aggreable et utile a son dessein, je me suis treuvé redevable, et pour la qualité de la chose qui est bonn' en soy, et pour plusieurs autres devoirs, de vous en supplier comme je fay par ces quatre lignes, m'offrant [77] entierement a vostre service et vous demandant l'assistance de vos saintes oraisons..

  A021000796 

 Je salue humblement madame ma seur, et vous donne pour toutes nos nouvelles que ma pauvre mere est extremement malade de la goutte.

  A021000835 

 Le sieur chanoyne Gottri desirant de vous une ratification sur un contract quil a fait, m'a prié de m'employer aupres de vous pour la luy faire obtenir; et par ce quil m'a asseuré que son desir estoit juste, et quil est bien fort de mes amis, je vous supplie de l'en gratifier, en contemplation mesme de celuy qui, priant [82] Nostre Seigneur pour vostre bonheur, demeure toute sa vie,.

  A021000848 

 Il ne m'est pas advis, ma chere Fille, que ce soit vous escrire quand je vous escris si peu, mais il faut que je m'accommode a la necessité..

  A021000849 

 Nous voyci en fin au bout de cett' annee 1606, et je treuve qu'elle s'est escoulee comme l'eau sur la greve, sans avoir laissé en mon ame aucun' autre chose que de l'ordure et quelques petites coquilles vuides, de certaines vaines apparences d'avancement et de certains desirs sans effect.

  A021000850 

 Et vous, ma chere Fille, n'estes vous pas toute pleyne d'esperance, mais d'un'esperance vive et qui dilate le cœur, le renforçant contre les difficultés du chemin? Si faut, ma Fille, il faut avoir un cœur grand, bien large et bien estendu, affin de recevoir la celeste rosee que le [83] petit Agnelet d'innocence secouera sur nos ames a cette Circoncision, et dont sa blanche layne, sa toyson et son humanité est toute detrempee; car bien que les goutes soyent encor toutes petites, si ne sont elles receües que par les cœurs fort ouvertz du costé du Ciel.

  A021000852 

 J'ay receu une de vos lettres de Tote, du mois d'octobre, et elle m'est arrivé (sic) le jour Saint Estienne.

  A021000852 

 Je ne sçay laquelle est la premiere, car la derniere n'estoit point datee; toutes deux neanmoins sont escrittes avant l'arrivee du lacquay de M me du Puis d'Orbe..

  A021000853 

 Je m'accuse de ne vous avoir point escrit de tout ce moys de decembre, par ce que j'ay esté quelque tems a Sales aupres de ma bonne mere, laquelle est attachee sur la croix par les piedz, souffrant extremement de la goutte.

  A021000853 

 Or tout cela [84] n'est rien, ma chere Fille; je me porte fort bien maintenant, et si bien que je fis tous les Offices et de la nuit et du jour de Noël, despuis lequel je me suis encor beaucoup mieux treuvé, Dieu merci..

  A021000854 

 Sa Majesté sçait combien mon souhait est entier pour ce regard, et qu'en toutes les actions de mon ame la vostre a tous-jours sa bonne part, ains le tout..

  A021000858 

 A Dieu, ma Fille, tout ce qui m'appartient est vostre, specialement ma mere.

  A021000858 

 J'ay receu le cantique, qui est bien beau, mais il est trop relevé pour le faire chanter au cathechisme.

  A021000905 

 Helas! c'est la quatriesme chose difficile a Salomon, et laquelle il dit luy avoir esté inconneüe, que le chemin de l'homme en sa jeunesse.

  A021000905 

 Nous avons parlé quelquefois de sagesse, ce Baron et moy; mais, ma chere Fille, le mal que vous aves fort bien reconneu en luy ne se guerit que par l'experience, car ceste fause estime de nous mesme est tellement [89] favorisee par l'amour propre, que la rayson ne peut rien contr'elle.

  A021000906 

 Or, attendre en attendant, c'est de ne s'inquieter point en attendant; car il y en a plusieurs qui en attendant n'attendent pas, mais se troublent et s'empressent..

  A021000906 

 Vostre cœur dira-il point, peut estre: Ardé comme cet homme va tous-jours esloignant l'affaire! O ma Fille, croyes que [90] le mien attend le jour de vostre consolation avec autant d'ardeur que le vostre; mais il faut que je face ainsy pour des raysons lesquelles il n'est pas expedient que je vous escrive.

  A021000907 

 Et tout plein de petites traverses et secrettes contradictions qui sont survenuës a ma tranquillité, me donnent une si douce et suave tranquillité que rien plus, et me presagent, ce me semble, le prochain establissement de mon ame en son Dieu, qui est, certes, non seulement la grande, mais, a mon advis, l'unique ambition et passion de mon cœur.

  A021000908 

 C'est, ce me semble, comme le guy, qui croist et paroist sur un arbre et en un arbre, bien que non pas de l'arbre ni par l'arbre.

  A021000908 

 Et puis que je suis sur le propos de mon ame, je vous en veux donner cette bonne nouvelle: c'est que je fay et feray ce que vous m'aves demandé pour elle, n'en doutes point; et vous remercie du zele que vous aves pour son bien, qui est indivis avec ce luy de la vostre, si vostre et mien se peut dire entre nous pour ce regard.

  A021000908 

 Je vous diray plus: c'est que je la treuve un peu plus a mon gré que l'ordinaire, pour n'y voir plus rien qui la tienne attachee a ce monde et plus sensible aux biens eternelz.

  A021000908 

 Mais, ma Fille, comme donq se peut il faire que sur une telle volonté tant d'imperfections [91] paroissent et naissent en moy? Non certes, ce n'est pas de ma volonté ni par ma volonté, quoy qu'en ma volonté et sur ma volonté.

  A021000908 

 O Dieu, pourquoy vous dis-je tout ceci, sinon par ce que mon cœur se mest tous-jours au large et s'espanche sans borne quand il est avec le vostre?.

  A021000908 

 Que si j'estois aussi vivement et fortement joint a Dieu comme je suis absolument dis-joint et aliené du monde, mon cher Sauveur, que je serois heureux! et vous, ma Fille, que vous series contente! Mais je parle pour l'interieur et pour mon sentiment; car mon exterieur et, ce qui est le pis, mes deportemens sont pleins d'une grande varieté d'imperfections contraires, et le bien que je veux je ne le fay pas; maisje sçai pourtant bien que, en verité et sans feintise, je le veux, et d'une volonté inviolable.

  A021000909 

 Vostre façon d'orayson est bonne; soyes seulement bien fidelle a demeurer aupres de Dieu en cette douce et tranquille attention de cœur, et en ce doux endormissement entre les bras de sa providence et en ce doux acquiescement a sa sainte volonté, car tout cela luy est aggreable..

  A021000911 

 Or, cela est sous la main de Dieu, et moy je n'oserois en rien dire, ni directement ni indirectement, car j'en effaroucherois les plus anciennes et gasterois tout pour le present.

  A021000912 

 Ell'est grosse bien fort, dont ell'est toute contente.

  A021000912 

 Je vous envoye un livre, mais ce n'est encor pas le beau, par ce que je me reserve a le vous donner apres la troysiesme edition, laquelle j'espere rendre fort entiere et correcte; car en celle ci je fus si pressé que quelques chapitres entiers y manquent, comme celuy Des habitz et Quil faut avoir l'esprit juste et raysonnable: dequoy je ne m'estois apperceu qu'avant hier.

  A021000915 

 Mon frere de la Thuille s'est rendu si amoureux de M lle Favre qu'on ne l'en peut tirer, et le bon pere a un si grand desir de la luy donner, que j'ay grand peur que le dessein d'estre Religieuse n'en soit suffoqué, bien qu'il y a trois semaines que je ne l'aye veüe.

  A021000917 

 Et quand, a cette simple demeure, se joint quelque sentiment que nous sommes a Dieu et qu'il est nostre Tout, nous en devons bien rendre graces a sa Bonté..

  A021000917 

 Mais apres qu'on s'y est mis, on s'y tient tous-jours, tandis que, ou par l'entendement, ou par la volonté, on fait des actes envers Dieu, soit le regardant, ou regardant quelque autre chose pour l'amour de luy; ou ne regardant rien, mais luy parlant; ou ne le regardant ni parlant a luy, mais simplement demeurant ou il nous a mis, comm' une statue dans sa niche.

  A021000918 

 De quoy sers tu lâ? quel proffit te revient il d'estre ainsy? Ce n'est pas pour mon service que j'y suis, c'est pour servir et obeir a la volonté de mon maistre.

  A021000918 

 Ne desires tu donq rien? Non, car je suis ou mon maistre m'a mis, et son gré est l'unique contentement de mon estre..

  A021000919 

 Mon Dieu, chere Fille, que c'est une bonn' orayson et que c'est une bonne façon de se tenir en la presence de Dieu que de se tenir en sa volonté et en son bon playsir! Il m'est advis que Madeleyne estoit une statue en sa niche, quand, sans dire mot, sans se remuer, et peut estre sans le regarder, ell' escoutoit ce que Nostre Seigneur disoit, assise a ses pieds.

  A021000919 

 Un [96] petit enfant qui est sur le sein de sa mere dormante, est vrayement en sa bonne et desirable place, bien qu'elle ne luy dit mot, ni luy a elle..

  A021000920 

 Pour moy, je pense que nous nous tenons en la presence de Dieu mesmement en dormant, car nous nous endormons a sa veùe, a son gré et par sa volonté, et il nous met la sulle lict comme des statues dans une niche; et quand nous nous esveillons, nous treuvons qu'il est la aupres de nous, il n'en a point bougé, ni nous aussi: nous nous sommes donq tenu (sic) en sa presence, mais les yeux fermés et clos..

  A021000953 

 Quant à la pauvreté, elle est telle, qu'entre les distributions et les prébendes, ils n'ont pas de quoi vivre convenablement trois mois de l'année; car les Genevois les ont d'abord dépouillés de la plus grande partie de leurs biens, et ensuite, les guerres qui se sont succédé ont presque épuisé le reste.

  A021000963 

 Je me suis consolé a prescher de la crainte de Dieu a mon cher peuple, et je me consoleray a prescher de son amour a ma chaste troupe de colombelles, entre lesquelles je vous regarde comme la toute mienne en Celuy a qui nostre cœur est donné.

  A021000972 

 Et pour me donner plus de pouvoir de recommander vostre affaire, non seulement je remonstre qu'on vous a fait tort, et a vostre Monastere, mais je me dis vostre parent, comme je puis [102] faire a bonn' occasion telle qu'est celle ci, puisque je le suis, quoy que d'asses loin, et que si le tems et les successions nous esloignent quant au sang, la charité et dilection nous approchent selon l'esprit..

  A021000972 

 J'ay escrit tout a la haste deux lettres, dont l'une est addressee, selon vostre desir, au sieur advocat qui me conseille a Dijon, l'autre est de telle sorte que vous y pouves mettre l'inscription pour l'un de messieurs les presidens, selon que vos affaires le requerront; mais l'un' et l'autre escrittes de fort bonne encre, comme je suis obligé de faire pour vous, que je cheris et honnore de tout mon cœur en Nostre Seigneur.

  A021000974 

 Si ce porteur m'eut donné un peu de loysir, je l'eusse advertie, affin qu'elle vous eut escrit, et moy j'eusse escrit a madame de la Vergeonniere, non seulement affin de m'acquiter de l'obligation en laquelle elle m'a mise (sic) par la peyne qu'elle a prise de m'escrire la premiere, mais pour le saint amour que je porte a ses vertus, desquelles ce m'est de la consolation d'avoir ouïr (sic) parler a monsieur l'Aumosnier.

  A021000976 

 C'est pour luy et en luy que je suis tout vostre, ma Fille, et.

  A021000980 

 Monsieur de Vallon est a Thurin; monsieur et madame de Charmoysi sont au chams..

  A021001011 

 Je loue Dieu de l'un et de l'autre, puisque sans doute c'est sa mesme main paternelle qui nous abbat pour nous faire rentrer en nous mesme, et nous releve pour nous faire [entrer en luy] regarder a luy.

  A021001031 

 Je vous diray donq, Monsieur, si vous me le permettes, ce qui me sembleroit a propos maintenant: c'est qu'il vous pleust, par cette occasion, faire bien valoir l'innocence du cousin, laquelle on tasche, sans rayson ni propos, de rendre suspecte par tant d'inventions et d'exagerations; car ces petitz mensonges sont bons pour donner connoissance des plus grans.

  A021001044 

 Hélas! ma très chère Mère, que je suis plein de confusion lorsque je me ressouviens des ardeurs avec lesquelles en ce saint jour je sacrifiai en esprit toute ma vie à la gloire de Notre-Seigneur et au salut de ce peuple, il y a onze ans, et quand je considère combien peu j'ai correspondu à ces résolutions! J'y réfléchis cependant sans perdre courage; au contraire, j'en ai beaucoup, et d'autant plus que Notre-Seigneur m'a donné une aide qui non seulement m'est semblable, mais qui est une même chose avec moi, de telle sorte qu'elle et moi ne sommes qu'un en un seul esprit.

  A021001057 

 Je feray volontier ce que vous dites, ma tres chere Mere; j'[envoierai] advertir M. de Lovagni qui est [110] aux chams.

  A021001069 

 Me representant le sentiment que vous aves eu de monsieur vostre filz par le ressentiment que j'en ay eu, je [111] m'imagine qu'il a esté extreme; car c'est la verité que me resouvenant du contentement que vous preniés a me parler l'autre jour de cet enfant, j'entray en une grande compassion quand je me representay combien vostre regret seroit douloureux a la nouvelle de son deces; mais je n'osay pourtant vous tesmoigner ma condoleance, ne sachant pas ni que la perte fust certaine, ni qu'elle vous eust esté annoncée..

  A021001070 

 Nostre siecle n'est pas si aggreable, que ceux qui en eschappent doivent estre beaucoup lamentés; ce filz, pour luy, a, ce me semble, beaucoup gaigné d'en sortir avant presque d'y estre bonnement arrivé..

  A021001071 

 Et ce n'est pas bien parler entre nous autres Chrestiens, car il faudroit dire: Vostre filz, ou vostre pere s'est retiré en son païs et au vostre; et parce qu'il le failloit, il est passé par la mort, en laquelle il n'a point arresté.

  A021001071 

 Le mot de mort est espouvantable, ainsy qu'on nous le propose, car on nous vient dire: Vostre cher pere est mort; et: Vostre filz est mort.

  A021001071 

 Nous nous en allons, et sommes plus asseurés de la presence de nos chers amis qui sont la haut, que de ceux qui sont icy bas: car ceux la nous attendent, et nous allons vers eux; ceux cy nous laissent aller et retarderont le plus qu'ilz pourront apres nous, et s'ilz vont comme nous, c'est contre leur gré.

  A021001073 

 Monsieur, si je suis exaucé en mes continuelz souhaitz, vous seres comblé de toute sainte prosperité; car c'est de tout mon cœur que je cheris et honnore le vostre, et qu'en cette occasion et en toute autre, je me nomme et dedie,.

  A021001086 

 Vous treuveres les lettres ci jointes de longue datte; c'est que le sieur Roybon ayant rencontré le sieur de [113] la Bretonniere en chemin, est revenu icy avec luy pour affaires et a rapporté le pacquet que je luy avois donné la semaine passee.

  A021001105 

 Dieu, par apres, la consideration duquel a donné naissance a cette si grande liayson, la benira de sa sainte grace, affin qu'elle soit fertile en toute consolation pour l'un et l'autre des cœurs qui, ensemblement, l'un par l'autre et l'un en l'autre, ne respirent emmi cette vie mortelle que d'aymer et benir l'eternité de l'immortelle en laquelle vit et regne la vie hors de laquelle tout est mort.

  A021001105 

 Il est vray, Monsieur, je veux des-ormais cherir Vostre Grandeur si fortement, fidelement et respectueusement, que le meslange de la force, de la fidelité et du respect fasse le plus absolu amour et honneur qui vous puisse jamais estre rendu par homme quelcomque que vous ayes provoqué; en sorte que le tiltre de Pere dont il vous plaist me gratifier, ne soit ni trop haut, ni trop puissant, ni trop doux pour signifier la passion avec laquelle j'y correspondray.

  A021001112 

 Je m'imagine que vous estes sur vostre depart pour Languedoc, ma tres chere Fille (car c'est le mot du cœur), et avant que vous soyes en chemin, je vous resalue mille et mille fois, priant Dieu qu'il vous accompaigne et vous tienne tous-jours de sa sainte main, puisque, par sa bonté, il vous a saysie affin que vous fussies a jamais toute sienne..

  A021001113 

 Demeures donq ainsy, et ne permettes jamais a vostre ame qu'elle s'attriste ni vive en amertume d'esprit ou en scrupule, puisque Celuy qui l'a aymee et qui est mort pour la faire vivre, est si bon, si doux, si amiable..

  A021001141 

 Il est d'ailleurs bon, pliable, simple et, de plus, orné de plusieurs dons de science.

  A021001163 

 Je dois, par tous moyens, chercher à le faire pour ne pas offenser Dieu, car j'entends chaque jour des nouvelles qui m'affligent beaucoup; de sorte que, à cause du relâchement du Clergé, je vois que ma présence est nécessaire en l'évêché de Genève..

  A021001176 

 Je voy bien que c'est: tout le monde refuse les [121] pecheurs, sinon Nostre Seigneur; mais je veux que nous la recevions, a son imitation, dans l'un de nos monasteres..

  A021001221 

 Or, vostre cœur est tel, ma tres chere Fille, et Dieu le benisse a jamais, ce cœur-la, et le tienne tous-jours en la tressainte humilité et douceur interieure..

  A021001235 

 Je voy que vostre cœur a tous-jours un grand desir de bien faire et une crainte de l'imprudence; mais ne le tourmentés point, je vous prie, ce cœur bien-aymé; redresses le doucement pour l'amour de Dieu a qui il est dedié, qui le benira et favorisera en tout ce qui sera pour sa gloire.

  A021001248 

 Me resouvenant avec extreme consolation du grand zele que Vostre Altesse tesmoigna a la conversion des huguenotz a Thonon, il y a 25 ans, et sur tout du soin qu'elle prit pour le sieur Depréz, l'un des plus obstinés d'entre eux et qui, par son malheur, ne sceut pas faire son proffit de la debonaireté de son Prince souverain, [127] je prens une sainte confiance en la pieté de Vostre Altesse, Monseigneur, pour la supplier qu'en lieu du pere il luy playse recevoir le filz, qui, ayant tres bien estudié es loix et se treuvant fort estimé parmi les heretiques, apres avoir meurement examiné les raysons catholiques, avec un courage que Dieu seul peut donner, a la veüe de son pere et de tous ceux de ce malheureux parti, et, s'il se peut dire ainsy, les foulant saintement aux pieds, fit la profession publique de la foy catholique il y a justement un moys; et apres avoir soustenu une rude batterie de convices, injures, reproches et calomnies, qui sont les armes des hæretiques, en fin s'est retiré, comme au port, dans les Estatz de Vostre Altesse delaquelle il est nay sujet et vassal, dont il s'estime fort heureux.

  A021001262 

 Ah! quand serons nous entierement mirrhe par mortification, encens par orayson et or par charité? Quand traitterons nous des affaires de ce siecle avec les yeux fichés au Ciel? Quand affectionnerons nous un chacun au rang qui luy appartient, selon le desir de Nostre Seigneur? Quand ne chercherons-nous plus rien pour la consolation de nos cœurs? Quand ne chercherons nous plus que Celuy qui nous va par tout cherchant pour avoir nos coeurs et les remplir de benedictions? O qu'il est desirable que nous aymions Dieu solidement et constamment! ... [130].

  A021001271 

 Soyes toute courageuse, ma chere Fille; Dieu est nostre Tout, et il tient le cordeau de nostre conduite dans les labyrinthes et embarras que la sagesse humaine fait en cette vie mortelle; tout reuscit a bien a ceux qui l'ayment ....

  A021001277 

 Et puisque vous le voules ainsi, comme fils (et fils unique, puisque Dieu ne s'est point servi de mon ministere pour consacrer aucun autre Evesque que vous), à raison de la grace que Dieu a respanduë en vostre ame par l'imposition de mes mains; grâce que je ne vous conjure pas de resusciter en vous, car je suppose qu'elle n'y est jamais morte, mais de ne la laisser point vuide, c'est a dire inutile, mais de l'employer utilement au service de nostre grand Maistre, selon les talens qu'il a pleu a sa bonté vous communiquer.

  A021001285 

 Il en est comme des vendangeurs et des moissonneurs, qui ne sont jamais si contens et joyeux que quand ils plient souz leur faix: qui les a jamais oui plaindre de l'exces de la moisson ou de la vendange?.

  A021001285 

 Quel honneur pour vous, quel bonheur, que Dieu s'en daigne servir pour deslier tant de pauvres ames, ou les retirer de la mort du peché, qui est la region de l'ombre de mort, pour les ramener au jour et à la vie de la grace! Ce fardeau est semblable a celuy du cinnamome, qui fortifie et recree par son odeur celuy qui en est chargé.

  A021001286 

 Je vous avouë donc, que, comme l'on appelle martyrs ceux qui confessent Dieu devant les hommes, c'est a dire qui rendent tesmoignage par leurs souffrances à la verité de la foy, il n'y auroit pas grand danger quand on appelleroit ceux la encore martyrs, en quelque maniere, qui confessent les hommes devant [133] Dieu, voire quand on les nommeroit confesseurs et martyrs tout ensemble..

  A021001294 

 C'est une chose royale d'estre calomnié pour avoir bien fait et d'estre lapidé pour une bonne œuvre.

  A021001294 

 O que vous serez heureux quand les hommes mesdiront de vous et en diront toute sorte de mal, en haine de la verité que vous leur proposerez! Resjoüissez-vous avec beaucoup d'allegresse, d'autant que vostre loyer est grand dedans les cieux.

  A021001303 

 Vrayement, vous avez bonne grace de me consulter sur ce que des soldats mangeront en Caresme, comme si la loy de la guerre et celle de la necessité n'estoient pas les deux plus violentes de toutes les loix et par delà toute exception! N'est-ce pas encore beaucoup que ces bonnes [135] gens se sousmettent à l'Eglise et luy deferent à respect, de demander son congé et sa benediction? Certes, ils font mentir celuy qui a chanté que.

  A021001329 

 est pas treuvé.

  A021001337 

 Cependant, en verité, cela n'est rien que vraye santé..

  A021001352 

 si suis je bien de la chere petite Catine, qui est bien joyeuse, ce me semble, d'estre aupres de monsieur son grand ....

  A021001405 

 C'est icy un des grans articles du prouffit spirituel, parce que nostre esprit hantant si souvent et familierement son Dieu, il se parfume tout de ses perfections..

  A021001416 

 Outre les deux ordinaires motifz d'aymer les parens et amis, par nature et consideration de vostre devoir, adjoustes le troysiesme: parce que Dieu veut que vous les aymies en luy, par luy et pour luy, car cet amour est eternel, et non point fragile; doux, mais non point pliable; ardent, mais non point empressé; affectionné, mais non point chastouilleux.

  A021001418 

 Mays prenes garde que ce soyent des vertus de cœur, vous resouvenant de ce que je vous ay dit: que c'est un des grans artifices du diable de faire que plusieurs s'amusent a dire des parolles et faire des gestes exterieurs des vertus, lesquelz, n'examinant pas les affections de leur cœur, pensent estre humbles et doux, et ne le sont neanmoins point en effect..

  A021001418 

 Sur toutes les vertus, je vous recommande les deux cheres vertus que Nostre Seigneur desire tant que nous apprenions de luy, c'est a sçavoir: l'humilité et la douceur de cœur.

  A021001426 

 Cheminons tout a la bonne foy avec luy, car il est bon et nous ayme indubitablement.

  A021001426 

 Qu'a jamais puisse-il combler nos cœurs: c'est mon unique souhait.

  A021001435 

 De mesme, l'amour parfait du prochain qui est selon Dieu, se communique en diverses manieres: il l'ayde par paroles, par œuvres et par exemple; le prouvoit de toutes ses necessités entant qu'il luy est possible; il se res-jouit de son bonheur et felicité temporelle, mais beaucoup plus de son avancement spirituel; luy procure les biens temporelz entant qu'ilz luy peuvent servir pour obtenir la beatitude eternelle; luy desire les principaux biens de la grace, les vertus qui le peuvent, selon Dieu, perfectionner; les luy procure par toutes les voyes licites avec grande affection, mais avec quietude d'esprit, sans aucune alteration; avec une pure charité, sans aucune passion de tristesse ou indignation pour les evenemens contraires..

  A021001435 

 Il est vray que l'amour pur lie inseparablement les [144] cœurs sans toucher les cors.

  A021001436 

 Et comme le corail, tandis qu'il est en la mer, est un arbrisseau mossu, verdastre et sans beauté, si tost qu'il en est tiré, il rend son vermeil et son lustre: de mesme, tandis que l'amitié trempe aux objectz des sens, elle n'a ni beauté ni bonté; mais si tost qu'elle est tiree en Dieu, en l'esprit, en la charité, elle se treuve en sa perfection..

  A021001447 

 Consideres tout ce qui vous est arrivé de fascheux jusques a present, et comme tout cela est esvanouy et dissipé, car il sera de mesme en ce qui vous arrivera des-ormais: si qu'il faut avoir une douce patience en tous evenemens..

  A021001454 

 Je n'appreuve nullement que l'on se serve des prestres comme des valetz de mayson, pour le seul trafiq [146] des choses temporelles; car encores que quelquefois la pauvreté le leur permette et face desirer, veu qu'ilz sont rustiques et gens de peu, si est ce qu'il ne faut pas que nous perdions le respect deu a leur qualité et caractere.

  A021001458 

 Ma chere Fille, non certes, je ne doute ni peu ni prou de vostre confiance; aussi vous dis-je que je veux vous employer comme chose qui m'est entierement remise, pour estre maniee selon mon gré au service de Dieu..

  A021001466 

 Celuy, a la verité, est tres bon et fidele serviteur qui ne regarde d'avoir response conforme a sa volonté, mais veut seulement ce qu'il oyt et entend estre a Dieu aggreable par la response qu'il luy plaist de faire, conformant sa volonté a celle de la divine Majesté..

  A021001482 

 C'est grand cas! je suis tous-jours apres ces choix que je voudrois que nous n'eussions point, pas mesme parmi les hommes; combien moins avec Dieu..

  A021001486 

 VIVE JESUS! O ma Fille, que je desire de l'aymer et que je voudrois bien que chacun l'aymast! Mon cœur est vuide de tout autre bien que de celuy la.

  A021001497 

 On n'a jamais sceu d'asseurance de quel bois la Croix de Nostre Seigneur fut faite; c'est, je pense, affin que nous aymassions esgalement les croix qu'il nous envoyeroit, de quel bois qu'elles fussent composees, et que nous ne dissions pas: cette croix ou celle-ci n'est pas aymable parce qu'elle n'est pas de tel ou de tel bois..

  A021001498 

 C'est la ou paroist la generosité des enfans de la Croix et des habitans du sacré mont de Calvaire..

  A021001507 

 Ne vous attribues point les louanges des bonnes œuvres et actions, mais portés tout aux pieds de Jesus Christ qui en est l'autheur; autrement vous luy desroberies sa gloire.

  A021001507 

 Nous sommes veritablement serviteurs inutiles; il n'est meilleur exercice que de se mespriser soy mesme.

  A021001508 

 « L'on parvient a l'humilité par l'humiliation et le contemnement de soy mesme, » dit saint Bernard; « et il m'est expedient que mon » impuissance et « insipience soit conneuë et, quant et quant, confondue et blasmee de ceux qui la connoistront, car souvent il m'est advenu d'estre injustement loué de ceux qui ne me connoissoyent.

  A021001521 

 Jesus Christ est sur la croix: qui le veut bayser, il faut gravir sur la croix et se piquer aux espines de sa couronne..

  A021001536 

 Nous ne sçavons pas que c'est d'aymer Dieu.

  A021001546 

 Celuy qui veut estre entierement a Nostre Seigneur doit souvent examiner son cœur pour voir s'il est point attaché a quelque chose de la terre; et s'il treuve qu'il n'y a rien que ce soit qu'il ne voulust quitter pour faire la volonté de Dieu, c'est une grande fidelité, avec laquelle il doit demeurer en repos, et doit prendre tout ce qui luy arrive comme de la main de Dieu, simplement..

  A021001547 

 Nous n'avons rien en nostre pouvoir que le simple acte de foy: c'est pourquoy il ne nous faut point fascher quand nous n'avons ou ne pouvons ceci ou cela; il faut tout attendre de la volonté de Dieu.

  A021001548 

 La mesure de la Providence divine sur nous est la confiance que nous y avons.

  A021001549 

 Il se faut attacher a la fin, qui est Dieu, et a sa volonté, et non pas aux moyens; il s'y faut bien affectionner, mais non pas en sorte que si Dieu les oste il s'en faille troubler.

  A021001551 

 L'esprit de douceur, c'est le vray esprit de Dieu; l'esprit de souffrance, c'est l'esprit du Crucifix.

  A021001553 

 La croix est de Dieu: il ne [la] faut point regarder, mais s'y accommoder, comme l'on feroit avec une personne avec laquelle il faudroit tous-jours demeurer; il n'y faut plus penser, mais aller doucement, et prendre toutes [155] choses simplement, dè la main de Dieu, sans aucune reflexion.

  A021001559 

 Au contraire, dit il, c'est une molle devotion que celle qu'il faut flatter, essayant ce qu'elle veut faire avant que luy dire ce que l'on veut qu'elle fasse.

  A021001559 

 Saint Bernard dit que c'est la parole de la fervente indifference, qui n'a rien a faire que ce que Dieu veut et se sousmet a tout ce qu'il luy plaist.

  A021001567 

 La rayson de cela, c'est que la vertu n'estant autre chose qu'une moderation faite en la rayson, fait que l'esprit habitué a une seule vertu se plie facilement a toutes rencontres de la prattique des autres vertus..

  A021001567 

 Mays quant aux vertus essentielles, qui en a une en perfection il les a toutes en quelque degré; et cela se fait parce que la vertu n'est autre chose qu'une certaine moderation faite en la rayson, et non en la chose.

  A021001586 

 L'un des hautz pointz de l'humilité, c'est de ne se point excuser..

  A021001586 

 La plus excellente intention de s'humilier est parce que Nostre Seigneur s'est humilié.

  A021001589 

 Portes doucement et tranquillement la croix que Nostre Seigneur luy mesme vous a imposee, ainsy qu'il est dit de ce divin Sauveur, comme un aigneau qui n'ouvre point sa bouche..

  A021001597 

 Aymes bien et entretenes bien le repos de l'esprit et du cors, comme une sainte statue dedans la niche ou son maistre l'a mise, comme un petit oyseau dans son nid, qui n'a ni forces ni jambes pour aller, ni plumes pour voler; car vostre lict est un nid auquel Nostre Seigneur regardera vostre confiance.

  A021001642 

 Elle n'est croix que parce que nous ne la voulons pas; et si elle est de Dieu, pourquoy donq ne la voulons nous pas?.

  A021001642 

 La croix est de Dieu, mais elle est croix parce que nous ne nous joignons pas a elle; car, quand on est fortement resolu de vouloir la croix que Dieu nous donne, ce n'est plus croix.

  A021001648 

 Quand nous sommes travaillés de tentations ou de choses penibles, quelles qu'elles puissent estre, il faut premierement regarder la Providence divine par l'ordre de laquelle nous sommes en ces combatz; et, soit qu'ilz nous soyent envoyés pour nostre chastiment, soit qu'ilz nous soyent envoyés pour nostre exercice (ce qu'il ne faut jamais s'amuser a discerner), il faut aymer cette divine Providence, qui est tous-jours tres juste et tres sainte, nous complaysant en son bon playsir et nous conformant a tout ce que sa sagesse fait ou permet, pour penible qu'il soit..

  A021001655 

 Demeurés ainsy toute en Dieu, ou sensiblement, ou par la foy; aymés vostre pauvreté, car il est escrit que les yeux du Seigneur regardent sur les pauvres et que ses oreilles escoutent leurs prieres..

  A021001655 

 Oh! demeurés pleine d'humilité, de simplicité, de courage et de joye cordiale devant Dieu, qui est le tres unique object de nostre amour et de nostre ame.

  A021001656 

 Il ne se faut point soucier de se sentir foible, sçachant que Dieu est fort et bon pour nous.

  A021001672 

 Que de tresors dans cet abisme d'affliction spirituelle! Nous pensons que tout soit perdu, et c'est ou nous treuvons la delicate, toute simple et pure union de nostre esprit avec ce divin bon playsir, sans meslange d'aucune lumiere, science, intelligence ni satisfaction.

  A021001679 

 C'est une partie de la charge de la Superieure de voir avec repos les fautes de sa Mayson et de souffrir doucement les choses qui y arrivent..

  A021001681 

 C'est une tres grande et parfaite simplicité de n'arrester volontairement son esprit qu'en Dieu seul.

  A021001681 

 Nostre Seigneur vous veut en cette maniere de si parfaite simplicité, tres asseurement; c'est ce que vous pouves faire de plus aggreable a sa Bonté.

  A021001698 

 Laysses-le faire ce qui luy plaira, usant d'un simple et doux acquiescement ou acceptation de sa sainte volonté; sur tout aux choses ou il n'est requis de mettre de l'ordre, ne les regardes jamais et ne permettes a vostre esprit d'en faire aucun discours.

  A021001706 

 Ah, vive Dieu! tout ce qui n'est pas Dieu ne m'est rien; mon Dieu m'est tout en toutes choses..

  A021001707 

 C'est ce que nous avons promis.

  A021001721 

 Quand l'on est parmi les afflictions interieures sans treuver ou mettre son pied pour treuver repos, alhors il faut, le mieux que l'on peut, regarder nostre cher Capitaine et seule esperance, le doux Jesus; voir son abandonnement au combat de sa Passion et, a son imitation, batailler de deux sortes d'armes: l'une, de la patience et resignation en la volonté de Nostre Seigneur, s'offrant d'avaler ce calice et mettant, avec Job, vostre cordiale consolation a estre ainsy qu'il plaira a Dieu, parce qu'il le veut, et autant de tems qu'il le voudra, sans luy prefiger le terme ni conter les jours comme ceux de Bethulie, remettant le tout a sa Providence amoureuse.

  A021001723 

 Tout vostre faire, c'est de souffrir et laisser faire Nostre Seigneur.

  A021001737 

 Jesus vous tienne saintement esclave de sa sainte Croix et desnuee de tout ce qui n'est pas luy mesme.

  A021001743 

 La robe de laquelle on s'est despouillé ne nous doit pas mettre en sollicitude.

  A021001752 

 Il faut tous-jours estre contente de ce que Nostre Seigneur voudra faire de nous, car cela est l'humilité, et non pas vouloir choysir.

  A021001756 

 Quand une ame fait quelque chose fort contraire a ses inclinations et qu'elle le ressent beaucoup, venant a considerer que c'est le plus grand service de Nostre Seigneur, elle se doit hontoyer et ne plus faire cas de ce qu'elle souffre, mays l'endurer doucement; car d'autant plus que l'on perd de sa consolation pour Nostre Seigneur, d'autant plus se doit on consoler de la perdre..

  A021001760 

 Celuy qui est doux n'offence personne, supporte et endure volontier ceux qui luy font du mal, en fin souffre patiemment les coups et ne rend mal pour mal.

  A021001763 

 Ne receves jamais aucun sentiment ni courroux de quelque chose que ce soit, ni sous quel pretexte et apparence de rayson que ce soit, car c'est tous-jours imperfection; il est mieux de faire toutes choses qui se peuvent, et recevoir tout avec tranquillité et repos: cela est de grande perfection et edification..

  A021001763 

 Quand l'on est contraint, pour quelque bien, deremonstrer le tort du prochain, il ne faut justement dire que ce qui est requis pour l'affaire presente, et taire le reste tant qu'il sera possible.

  A021001764 

 Il ne faut nul remede pour les distractions, que de ramener doucement le cœur a son object, quand l'on s'apperçoit qu'il en est diverti, disant des paroles d'amour et d'humilité a Nostre Seigneur.

  A021001771 

 Encor qu'estant de la race de David et Salomon selon la chair, il est neanmoins extremement rejetté en la ville de David et gist en une souveraine pauvreté en la cresche, et sa Mere ne treuve pas seulement qui daigne le loger.

  A021001780 

 Oh! que la science est dangereuse, pour grande qu'elle soit, quand elle opere sans charité et humilité! Oh! qu'elle est encor plus dangereuse quand elle est petite et arrogante! Ce pauvre jeune homme, comme vous sçaves, a tous-jours eu un esprit trop hardi pour avoir tous-jours esté si peu armé..

  A021001790 

 Celuy qui ne veut rien retenir pour soy est tout a Dieu..

  A021001811 

 O ma Mere, que c'est un grand contentement a nostre ame vrayement dediee a Dieu, de cheminer les yeux fermés, selon que la souveraine Providence la conduit de tems en tems; car ses raysons et jugemens sont impenetrables, mais tous-jours doux, tous-jours suaves, tous-jours utiles a ceux qui se confient en luy.

  A021001811 

 Que voulons nous, sinon ce que Dieu veut? Laissons luy conduire nostre ame, qui est sa barque, il la fera surgir a bon port.

  A021001817 

 Quelz sentimens relevés, ardens et pressans je ressens tous-jours pour ce divin amour! Et c'est la verité que cet amour celeste et divin predomine tellement sur ce cœur, que, nonobstant ses miseres, il est tout dedié a la divine Majesté et ne regarde que sa gloire..

  A021001825 

 Je loue Dieu de ce qu'il nous envoye des tribulations qu'il sçait nous estre convenables, specialement quand je voy en ce lieu une telle necessité et famine, qu'on parle de pain sans le voir ni sçavoir que c'est.

  A021001826 

 Nostre Seigneur est si proche qu'il ne se faut soucier de rien; car j'espere en sa misericorde qu'il m'acheminera a ce qui luy sera plus aggreable, et fera sa volonté de moy..

  A021001840 

 Je suis fort pressé, et me semble que je n'ay nulle force pour resister et que je succomberois si l'occasion m'estoit presente; mais, plus je me sens foible, plus ma confiance en Dieu est vive, et je m'asseure qu'en presence des objectz je serois revestu de la force et vertu de Dieu, et que je devorerois mes ennemis comme des aigneletz..

  A021001846 

 C'est avec une nouvelle ardeur que je souspire apres l'amour divin, affin qu'il remplisse mon cœur et le face abonder en graces et benedictions du Saint Esprit..

  A021001861 

 Oh! que bienheureux sont ceux qui ne mettent point leur courage en une vie si trompeuse et incertaine comme est celle-ci, et n'en font conte que comme d'une planche [184] pour passer a la vie celeste! C'est en cela qu'il nous faut loger nos esperances et pretentions..

  A021001865 

 Il m'est advis que nous ne devons plus vivre qu'a Dieu; mon cœur, mon courage fait une nouvelle saillie pour cela, et luy semble qu'il sera vray..

  A021001866 

 Or sus, Nostre Seigneur est nostre Seigneur et tout nostre bien: qu'avons nous a faire d'autre chose?.

  A021001872 

 Mais venons a l'exercice de la veritable douceur et sous-mission, au renoncement de soy mesme, a la souplesse de cœur, a l'amour de l'abjection, a la condescendance aux intentions d'autruy: c'est cela qui est la vraye et plus aymable extase des serviteurs de Dieu..

  A021001872 

 Vouloir faire les extatiques, c'est un abus.

  A021001881 

 La vraye et sainte science, c'est de laisser faire et desfaire a Dieu, en soy et en toute chose, ce qui luy plaira, sans avoir d'autre vouloir ni eslection, reverant d'un profond silence ce que l'entendement de la foiblesse humaine ne peut comprendre, car ses desseins peuvent estre cachés, mais tous-jours justes.

  A021001893 

 C'est le grand mot de nostre repos, de souvent prevoir l'empirement de nos affaires et travaux et nous y disposer, et quand les accidens arrivent, user de la domination que nostre volonté superieure a sur l'inferieure; car d'empescher que cette partie inferieure ne gronde et chagrine, il n'est pas possible; mais il la faut laisser faire, et mettre la superieure en son estre, acceptant de bon cœur ce que Dieu veut ou permet nous arriver, a la façon que Nostre Seigneur fit dans son agonie: Mon ame est triste jusqu'a la mort.

  A021001898 

 Ce grand Saint, apres tant de ravissemens, ne laissoit souventesfois d'experimenter la misere de nostre nature, quand il s'escrioit: O moy miserable, qui me delivrera du cors de cette mort? En fin, il ne se faut point estonner ni rendre lasche pour nos infirmités et instabilités; mais, en s'humiliant doucement et tranquillement, il faut remonter son cœur en Dieu et poursuivre sa sainte entreprise, se confiant et appuyant en Nostre Seigneur, car il veut fournir tout ce qui est necessaire pour l'execution, ne nous demandant rien que nostre consentement et fidelité..

  A021001900 

 Nous devons aymer et affectionner le prochain, et chacun en son rang, selon le desir de Nostre Seigneur, faysant tout ce qui nous est possible pour les contenter et leur prouffiter, car c'est le desir de Dieu.

  A021001900 

 Que s'il plaist a Dieu que nous ayons l'amour de leurs cœurs, c'est une grande consolation et benediction de Dieu; que s'il ne plaist pas a sa Bonté, nous nous devons contenter de l'amour du cœur de Nostre Seigneur, et c'est bien asses..

  A021001905 

 Oh! que les vrayes amantes du celeste Amant sont sages et bien advisees! Sçaves-vous ce qu'elles font? Parfois elles se retournent sur elles mesmes pour considerer si leur atour spirituel est convenablement ageancé, si aucune perle de vertu ne leur manque et si tous leurs riches joyaux ont leur vif et naïf esclat; mais, oh! que cette reflexion est rectifiee! oh! qu'elle est simple! oh! qu'elle est pretieuse, puisqu'elle n'a autre mire que de satisfaire et d'aggreer au divin Espoux! [189].

  A021001931 

 La fille de monsieur le premier Præsident, Carmelite, si ell'est a Dijon ou a Chalom..

  A021001932 

 Le P. Recteur des Jesuites, si c'est le P. René; le P. Gentil..

  A021001945 

 Ce que je vous dis par expérience; car m'étant trouvé avec monsieur de Bérulle seul, il a proposé beaucoup de petites choses qui seront négligées par notre ami parce qu'ils (sic) regardent son honneur particulier; mais il y en a d'autres très importantes où il faut son jugement et qui ne se peuvent écrire: c'est pourquoi je conclus que, sans sa personne, rien ne se fera.

  A021001945 

 De sorte que la considération grande en laquelle il est tenu, pour sa qualité et pour son mérite particulier, retient chacun, ne pouvant personne se résoudre sans lui, tant aux choses qui sont de son particulier, qu'en l'honneur et révérence que chacun lui veut porter, qu'aux choses générales qui regardent l'établissement de la chose.

  A021001945 

 La révérence en laquelle notre cher et précieux ami est tenu par deça sera cause que l'on ne pourra rien résoudre de ce qui lui a été ci-devant écrit, parce qu'en toutes affaires, comme vous savez, il y a des circonstances et petites difficultés par dessus lesquelles il convient passer, et principalement en l'établissement que l'on desire faire, pour être nouveau.

  A021001966 

 C'est pourquoy sans reserve je la veux laisser regenter au dessus de mes affections, és occasions, où je verray, ce qu'elle requiert de moy.

  A021001966 

 Certes je me taste partout, pour voir, si la vieillesse me porte point à l'humeur avare; et je treuve au contraire, qu'elle m'affranchit de soucy, et me fait negliger de tout mon cœur et de toute mon ame toute chicheté, prevoyance mondaine, et desfiance d'avoir besoing; et plus je vay avant, plus je treuve le monde haïssable, et les prétentions des mondains vaines; et ce qui est encor pis, plus injustes.

  A021001966 

 O ma Mere, soit que la Providence de Dieu me face changer de sejour, soit qu'elle me laisse icy (car cela m'est tout un) n'auray-je pas mieux, de n'avoir pas tant de charge, à fin que je puisse un peu respirer en la Croix de nostre Seigneur, et escrire quelque chose à sa gloire? Cependant nous escouterons, ce que Dieu ordonnera, à la plus grande gloire duquel je veux tout reduire, et sans laquelle je ne veux rien faire, moyennant sa grace: car vous sçavez, ma [194] tres-chere Mere, quelle fidelité nostre cœur luy a voué.


22-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXII-Vol.1-Opuscules.html
  A022000056 

 2) Qu'est-ce que combattre l'ennemi spirituel? [1592-1594] (Fragment inédit).

  A022000078 

 — Somme qui leur est due, et comment elle pourrait leur être payée. 75.

  A022000079 

 La restitution des bénéfices ecclésiastiques est indispensable.

  A022000087 

 — Le Bref de Clément VIII, rapporté de Rome par le Prévôt, est de tous points conforme à celui de Grégoire XIII qu'allèguent les Chevaliers.

  A022000098 

 Rétablir la religion catholique dans le pays de Gex, c'est mettre à exécution l'Edit de Nantes.

  A022000103 

 Quelle partie du diocèse de Genève est soumise au roi de France depuis le traité de paix de Lyon.

  A022000159 

 Ideo semper quoad fieri potest studebimus brevitati, multa veluti solum attingentes [3] ut occasionem demus acutis ingeniis inde multa alia deducendi; alia quae bene tradita reperiemus in authoribus quorum omnibus communiter est copia solum citantes, ut in propriis originibus videntur; alia tandem, tanquam inutilia relinquentes, conabimur tamen ea quae utilia videbuntur exacte examinare et omnia ea claritate explanare qua facillime a discipulis percipiantur..

  A022000163 

 Verum, quamvis ita procedendum sit et Logicae naturam ac proprietates inquirere non ad Logicam sed ad metaphisicam spectet, tamen, quia imperfecta posset merito censeri illius artificis cognitio qui quid sit id quod tractat ignoraret, et manca ejus hominis doctrina qui postea quam totam aliquam disciplinam sit edoctus quid fiat adhuc nesciat, ideo prima disputatio de Logica est habenda in qua ipsa aliarum scientiarum viribus adjuta, quod ad sui perfectam cognitionem attinet manifestet.

  A022000169 

 Notandum est primo: Logicam ita dici a nomine greco logos, quae vox licet multas habet significationes, apud Aristotelem tamen 4 precipuas videtur sortiri: primo enim significat sermonem, seu orationem, ut I. Perili., c. 4, et aliis in locis; secundo, rationem seu argumentationem, ut ait Al.

  A022000170 

 Fortasse tamen melius interpretabimur Logicam ita nominatam ab ultima significatione, eoquod sit facultas mentis, id est, quae circa mentis actiones versatur easque dirigit, et agit de iis quae in solo mentis intuitu consistunt.

  A022000177 

 In Alcibiade vero, I, faelicitatem in sapientia et probitate videtur ponere; ait enim neminem faelicem dicendum nisi sapientem et bonum, malos autem miseros esse, quia faelicitas in bono est.

  A022000177 

 Nam in Philebo facit duplex summum bonum: unum simpliciter, quod in se continet omnem rationem boni, qualis est Deus; alterum humanum, in quo videtur ponere nostram beatitudinem, quod definit esse optimam divinorum possessionem ex sapientia constantem et voluptate.

  A022000179 

 Quod optime significavit S. Aug., I. Confess., c. I: FECISTIS NOS, inquit, DOMINE, AD TE, ET INQUIETUM EST COR NOSTRUM DONEC REVERTATUR AD TE. Videatur D. Th., tertio Contra Gentes, c. 17. et 25, qui idem docet quod tradidimus..

  A022000179 

 Quod vero de theoretica beatitudine tradit Aristoteles, eam non solum consistere in contemplatione Dei, sed etiam in contemplatione intelligentiarum, de beatitudine formali debet intelligi, non de [6] objectiva; et adhuc est falsum ioquendo de beatitudine essentiali: non enim nostra foelicitas consistit in cognitione Angelorum, tum quia sunt finitas perfectionis et imperfecta bona, tum quia homo non dependet ab Angelis, nec horum existentiam requirit aut ab illis fit.

  A022000179 

 Reliquum igitur est ut objectum nostrae beatitudinis essentialis, etiam si in puris naturalibus relinqueremur, esset Deus ipseque solus: quod praeter refutationem omnium aliarum sententiarum probatur, quia Deus est primum principium hominis, maxime animi humani; effectus autem maxime perficitur in reditu ad suum primum principium: ergo in hoc consistet maxima hominis perfectio.

  A022000179 

 a. 8, quia intellectus et voluntas sunt facultates universales, extendunt enim se ad omne verum et ad omne bonum; sed Deus est objectum universalissimum, continens in se omnem bonitatem et veritatem: ergo est objectum harum facultatum quod solum eas valeat satiare, quia reliqua omnia particularia non satiant praedictas facultates.

  A022000183 

 Ad primam objectionem, concessa majori, nego minorem: potest enim homo secundum rectam rationem amare Deum sibi ut illo fruatur, idque non est referre Deum ad se, sed potius referre seipsum ad Deum; nam aliter amat sibi homo Deum, aliter sanitatem et alia particularia bona, quia haec ordinat ad seipsum tanquam ad finem, eoquod vel ex natura vel ex Dei ordinatione hae res ipsum habent pro fine; Deum vero non ordinat ad se ut ad finem, sed illum amat ut ultimum finem cui cupit uniri, unde eo amore non se diligit plusquam Deum, cum amet Deum ut ultimum finem.

  A022000186 

 Amor etiam est quaedam tendentia, non consecutio, in qua tamen essentialiter debet sita esse beatitudo; haec autem volitio in qua beatitudo essentialiter consisteret, esset perfectissima quam homo viribus naturae habere valeret.

  A022000186 

 Deinde ratione arguitur, quia non consistere essentialiter in delectatione patet ex eo quod delectatio supponit consecutionem ex eaque sequitur et non est precipuum bonum nec per se primo intentum.

  A022000186 

 Ergo illa beatitudo requirit necessario amorem Dei naturalem et ejusdem cognitionem, ex quibus necesse est ut oriatur magna delectatio.

  A022000186 

 Ethic., intellectum esse optimam potentiam et sapientiam, id est cognitionem divinorum, esse perfectissimam virtutum; idemque potest colligi ex 7.

  A022000186 

 Idem probatur ex I a Joannis, 3°: Similes ei erimus, quia videbimus eum sicuti est; et Joannis, 14, loquens Christus de prsemio charitatis, inquit: Manifestabo ei meipsum; et c. 17: Ubi ego sum, illic sint mecum, ut videant, etc.; Psal. 16: Satiabor cum apparuerit gloria tua, et 90: Longitudine dierum replebo eum, et ostendam illi salutare meum.

  A022000186 

 Quia supernaturalis beatitudo, secundum communiorem sententiam theologorum et meo judicio veriorem, essentialiter solum consistit in cognitione qua clare Deus a Beatis videtur, ex Jo., c. 17: Haec est vita æterna, [9] ut cognoscant te.

  A022000186 

 Tota haec doctrina est satis communis, et probatur quia beatitudo naturalis consistit in consecutione naturali Dei, ut ex praecedentibus constare debet quatenus est ultimus finis naturae et bonum summe dilectum.

  A022000187 

 Ex iis ergo omnibus colligimus essentialiter beatitudinem supernaturalem hominum ut et Angelorum tantum consistere in visione clara Dei, ut est comprehensio, non ita ut comprehensio significet adaequatam cognitionem objecti, sed prout significat tentionem, ut ita dicam, objecti desiderati et sperati, juxta id Canticorum, 3: Tenui illum, neque dimittam..

  A022000195 

 Et considereray de pres mon imbecillité et neantise, laquelle j'ay experimenté tant de foys que je n'ay poinct besoin d'autres preuves; et partant je confirmeray souventesfoys mon cœur de ceste sainte viande, selon ce qui est escrit: Panis cor hominis confirmans; Psal. 103..

  A022000195 

 Je tascheray par tous moyens de recevoir reveremment le plus souvent que fayre se pourra le tres auguste et tressaint Sacrement de l'autel, me resouvenant qu'il est institué pour la reparation de l'[humeur] radical spirituel de nostre ame, et a iceluy est attribuee la conservation et perseverance de la vie spirituelle militante, [11] jusques a ce qu'on soit en la spirituelle triomphante.

  A022000197 

 Je n'estimeray pas legitime empeschement de ceste sainte devotion toute sorte d'incommodité, mays seulement celle qui sera telle qu'avec icelle on ne puysse communier; sçachant que ce n'est pas grand service celuy que l'on faict seulement quand on en a commodité, par maniere d'inadvertance et occurrence..

  A022000198 

 Que si je ne puys, par quelque legitime empeschement, aller a la table de Nostre Seigneur et me refectionner de ceste sainte viande quand sera le tems ordinaire, je feray quelque extraordinaire bonne œuvre en contreschange: comme sera quelque effort de prieres, de misericorde tant spirituelle que corporelle, d'austerité, d'humilité et abjection, et autres semblables; imitant en cecy ceux lesquelz en hyver n'ont pas du feu pour se garder du froid, qui s'advisent de fayre d'autant plus d'exercices et mouvemens: ainsy, ne pouvant m'approcher du Saint Sacrement, qui est le feu que Nostre [12] Seigneur vint mettre au monde, je feray d'autant plus d'exercice et mouvement en la vertu, a fin que le froid et vent de bize a quo omne malum panditur, qui est le peché, ne me gele interieurement; et particulierement je feray a la façon des François, qui passent la faim en chantant, car je passeray la faute de ce Pain celeste faysant d'autant plus de prieres..

  A022000199 

 Item, je me conforteray en la Communion spirituelle, c'est a dire au desir des Sacremens: comme ceux qu'on nourriroit quelque espace de tems avec l'odeur des choses aromatiques et vaporeuses, m'enivrant a l'odeur seule d'un si puyssant et fort vin qu'est celuy la; et, ne recevant l'onction, je ne lairray de courir in odorem unguentorum Domini..

  A022000212 

 Exaudi me, Domine, quoniam benigna est misericordia tua; secundum multitudinem miserationum tuarum respice in me, et ne avertas faciem tuam a puero tuo; quoniam tribulor, velociter exaudi me.

  A022000212 

 Infixus sum in limo profundi, et non est subdtantia; veni in altitudinem maris, et tempestas demersit me.

  A022000217 

 In Deo salutare [17] meum, et gloria mea; Deus auxilii mei, et spes mea in Deo est.

  A022000225 

 C'est pour cela que nous ne craindrons pas, tandis que la terre sera bouleversée et que des montagnes seront transportées au cœur des mers..

  A022000225 

 Dieu est notre refuge et notre force, notre aide dans les tribulations qui nous ont assailli très violemment.

  A022000229 

 Ayez pitié de moi, ô Dieu, ayez pitié de moi parce que mon âme s'est confiée en vous; et à l'ombre de vos ailes, j'espérerai jusqu'à ce que l'iniquité soit passée.

  A022000230 

 Exaucez-moi, Seigneur, parce que votre miséricorde est bienfaisante; selon la multitude de vos bontés, jetez un regard sur moi et ne détournez pas votre face de votre serviteur; parce que je suis tourmenté, exaucez-moi promptement.

  A022000230 

 Pour moi, je vous adresse ma prière, Seigneur; c'est le temps de votre bienveillance, ô Dieu.

  A022000232 

 C'est vous qui êtes mon aide et mon libérateur; Seigneur, ne tardez pas..

  A022000234 

 Donnez-nous, Seigneur, du secours pour nous retirer de la tribulation, parce que vain est le salut de l'homme.

  A022000235 

 C'est en vous, Seigneur, que j'ai espéré; je ne serai pas confondu a jamais..

  A022000235 

 En Dieu est mon [17] salut et ma gloire: il est le Dieu de mon secours, et mon espérance est en Dieu.

  A022000235 

 Est-ce que mon âme ne sera pas soumise à Dieu? car c'est de lui-même que vient mon salut, car lui-même est mon Dieu et mon Sauveur; mon soutien, je ne serai plus ébranlé.

  A022000235 

 Parce que lui-même est mon Dieu et mon sauveur; mon aide, je n'émigrerai pas.

  A022000241 

 Moy, miserable, helas! seray je donques privé de la grace de Celuy qui m'a faict gouster si souefvement ses douceurs, et qui s'est monstré à moy si aymable? O Amour! o Charité! o Beauté a laquelle j'ay voué toutes mes affections, hé, je ne jouyray donques plus de vos delices, et je ne seray plus enyvré de l'abondance de vostre mayson, et vous ne m'abbreuveres plus du torrent de vostre volupté? O les bienaymés tabernacles du Dieu des vertus, hé donques, je ne passeray jamais au lieu de ce tabernacle admirable, jusques en la mayson de Dieu?.

  A022000243 

 Et jamais donques je ne seray faict participant de cest immense benefice de la Redemption?... Et mon doux Jesus n'est il pas mort aussi bien pour moy que pour les [18] autres?... Ah! quoy qu'il en soit, Seigneur, pour le moins que je vous ayme en ceste vie, si je ne puis vous aymer en l'eternelle, puysque personne ne vous loüe en enfer..

  A022000254 

 Quoi qu'il arrive, Seigneur, vous qui tenez tout dans votre main, et dont toutes les voies sont justice et vérité; quoi que vous ayez arrêté à mon égard au sujet de cet éternel secret de prédestination et de réprobation; vous dont les jugements sont un profond abîme, vous qui êtes toujours juste Juge et Père miséricordieux, je vous aimerai, Seigneur, au moins en cette vie, s'il ne m'est pas [19] donné de vous aimer dans la vie éternelle; au moins je vous aimerai ici, ô mon Dieu, et j' espérerai toujours en votre miséricorde, et toujours je répéterai toute votre louange, malgré tout ce que l' ange de Satan ne cesse de m'inspirer là-contre.

  A022000260 

 Et pour [21] ce que la Preparation est comme un fourrier a toutes nos actions, je m'y occuperay selon la diversité des occurrences et tascheray, par le moyen d'icelle, de me disposer a bien et loüablement traitter et prattiquer mes affayres..

  A022000260 

 Je prefereray tousjours a toute autre chose l'Exercice de la Preparation, et je le feray au moins une foys le jour, c'est a sçavoir le matin; que s'il se presente quelque occasion extraordinaire, je m'en serviray particulierement et la prendray pour sujet de ce mien Exercice.

  A022000261 

 En somme, je le prieray de me fayre digne de passer la journëe sans l'offencer; a quoy servira ce qui est escrit au Psalme cent quarante troysiesme: Notam fac mihi viam in qua ambulem, quia ad te levavi animam meam.

  A022000261 

 La premiere partie de cest Exercice est l' invocation; partant, reconnoissant que je suis exposé a une infinité de dangers, j'invoqueray l'assistance de mon Dieu et diray: Domine, nisi custodieris animam meam, frustra [22] vigilat qui custodit eam; Seigneur, si vous n'aves soin de mon ame, c'est en vain qu'un autre en aura du soin.

  A022000262 

 La seconde partie est l' imagination, qui n'est autre chose qu'une prevoyance ou conjecture de tout ce qui [23] peut arriver le long de la journée.

  A022000263 

 C'est pourquoy, apres avoir discrettement conjecturé les divers labirinthes ou aysement je m'esgarerois et courrois risque de me perdre, je considereray diligemment et rechercheray les meilleurs moyens pour esviter les mauvais pas; je disposeray aussy et ordonneray a part moy de ce qu'il me conviendra fayre, de l'ordre et de la façon qu'il faudra observer en telz et telz negoces, de ce que je diray en compaignie, de la contenance que je tiendray, de ce que je fuyray ou rechercheray..

  A022000263 

 La troysiesme partie est la disposition.

  A022000264 

 A quel propos contrevenir a ses equitables loix pour eviter les dommages du cors, des biens et de l'honneur? Que nous peuvent fayre les creatures? Or sus, consolons nous et fortifions nous tout ensemble, sur ce beau verset du Psalmiste: Dominus regnavit, irascantur populi; qui sedet super Cherubim, moveatur terra; Que les meschans facent du pis qu'ilz pourront contre moy, le Seigneur est puyssant pour les tous royalement subjuguer; que le monde gronde tant qu'il voudra contre moy seulement, il ne m'en chaut, puysque Celuy qui domine sur tous les Espritz angeliques est mon protecteur..

  A022000264 

 La quattriesme partie est la resolution, en suitte dequoy je feray un ferme propos de ne jamais plus offencer Dieu, et specialement en ceste presente journee.

  A022000264 

 Pour [24] ceste fin je me serviray des parolles du Prophete royal David: Nonne Deo subjecta eris, anima mea? ab ipso enim salutare meum; eh bien, mon ame, n'obeyres vous pas de bon cœur aux saintes volontés de Dieu, veu que de luy depend vostre salut? Ah, que c'est une grande lascheté de se laisser persuader et conduire a mal fayre, contre l'amour et desir du Createur, par crainte, amour, desir et hayne des creatures, quelles qu'elles soyent! Certainement, ce Seigneur d'infinie majesté estant reconneu de nous digne de tout honneur et service, ne peut estre mesprisé qu'a faute de courage.

  A022000265 

 La cinquiesme partie est la recommandation; voyla pourquoy je me remettray, et tout ce qui depend de moy, entre les mains de l'eternelle Bonté et la supplieray de m'avoir tousjours pour recommandé.

  A022000273 

 L'Exercice de la Preparation sera preferé tousjours a tous autres, et se doit faire au moins une foys le jour, c'est a sçavoir le matin; et s'il se presente quelque extraordinaire occasion, il sera bon [21] de le fayre particulierement pour icelle.

  A022000274 

 La premiere est l'invocation de Dieu, laquelle se fera connoissant les dangers esquelz journellement nous sommes, qui nous fera dire: Domine, nisi custodieris animam meam, frustra vigilat qui [22] custodit eam.

  A022000275 

 La seconde: apres avoir ainsy invoqué Dieu et l'ayant prié de nous fayre dignes de passer la journëe sans l'offencer (a quoy [23] pourra encores servir l'orayson «Actiones nostras,» et fort commodement les versetz du Psalme 142: Notam fac mihi viam in qua ambulem; Eripe me; Spiritus tuus bonus ), alhors l'on fera l'imagination, ou prevoyante conjecture, se representant et discourant sur ce qu'en toute la journee nous pourrons penser nous devoir advenir: c'est a dire, les lieux ou nous nous devons trouver, les compaignies, les affayres que nous devons traitter, allant recherchant ce qui nous pourra survenir..

  A022000276 

 La troysiesme sera l'advis et disposition providente, c'est a dire la diligence que nous prendrons a considerer quel meilleur moyen, ordre et façon nous pourrons tenir a fayre ce que nous penserons devoir fayre, disposant ce que nous pourrons dire, quelle contenance tenir, quoy fuyr, quoy chercher..

  A022000277 

 La quattriesme sera la discretion et separation, par laquelle, de tout ce qui se pourra presenter a fayre, nous rejetterons ce qui [24] est contre l'honneur de Dieu et la charité du prochain, ce qui est scandaleux et vituperable..

  A022000278 

 La cinquiesme sera la resolution et ferme propos de ne jamais offencer Dieu, et particulierement en toute ceste journee, disant a bon escient a l'ame: Nonne Deo subjecta eris, a nima mea? ab ipso enim salutare tuum; et pensant combien c'est grande lascheté, par crainte, amour, desir et hayne des creatures, quelles qu'elles soyent, se laisser persuader et conduire a mal fayre, contre l'amour et desir du Createur, lequel, estant reconneu pour digne de tout service, ne peut estre mesprisé que par faute de courage de resister [25] au mal du cors et de l'honneur que nous peut fayre la creature.

  A022000280 

 Or, quant a la Preparation, estant icelle comme un fourrier a toutes actions, il la faudra fayre selon la diversité des occurrences, principalement selon les poinctz qui s'ensuyvent, esquelz est traitté de ce qui se doit observer.

  A022000285 

 En suitte dequoy je considereray que nostre amoureux Sauveur est la lumiere des Gentilz et la lumiere qui dissipe les tenebres du peché; sur quoy, faysant une sainte resolution pour toute la journee, je chanteray avec David: Mane adstabo tibi et videbo, quoniam non Deus volens iniquitatem tu es; Je me leveray de bonne heure, et me mettant en vostre presence, je considereray que vous estes le Dieu auquel desplait l'iniquité; partant je la fuyray de tout mon possible, comme chose souverainement desaggreable a vostre infinie Majesté..

  A022000285 

 — Le matin, aussy tost que je seray esveillé, je rendray graces a mon Dieu avec ces parolles du Psalmiste royal David: In matutinis meditabor in te, quia fuisti adjutor meus; c'est a dire: Des l'aube du jour vous seres le sujet de ma meditation, d'autant que vous aves esté ma sauvegarde.

  A022000286 

 Transeamus usque Bethlehem, et videamus hoc Mot quod factum est, quod Dominus ostendit nobis; Allons a l'eglise, car c'est la ou l'on faict le pain supersubstantiel avec les saintes parolles que Dieu a mises en la bouche des prestres pour nostre consolation..

  A022000287 

 — Comme le cors a besoin de prendre son sommeil pour delasser et soulager ses membres travaillés, de mesme est il necessaire que l'ame ayt quelque tems pour sommeiller et se reposer entre les chastes bras de son celeste Espoux, a fin de restaurer par ce moyen les forces et la vigueur de ses puyssances spirituelles, aucunement recreües et fatiguëes; partant je destineray tous les jours certain tems pour ce sacré sommeil, a ce que mon ame, a l'imitation du bienaymé Disciple, dorme en toute asseurance sur l'amiable poitrine, voire dans le cœur amoureux de l'amoureux Sauveur.

  A022000289 

 Puys, par la consideration des tenebres exterieures entrant dans la consideration de celles de mon ame et de tous les pecheurs, je formeray ceste priere: Illuminare his qui in tenebris et in umbra mortis sedent, ad dirigendos pedes nostros in viam pacis; Hé, Seigneur, puysque les entrailles de vostre misericorde vous ont faict descendre du Ciel en terre pour nous venir visiter, de grace, illumines ceux qui gisent estenduz de leur long dans les tenebres d'ignorance et dans l'ombre de la mort eternelle, qui est le peché mortel; conduises les aussy, s'il vous plaist, au chemin de la paix interieure.

  A022000289 

 — Si Dieu me faict la grace de m'esveiller parmy la nuict, je resveilleray incontinent mon cœur avec ces parolles: Media nocte clamor factus est: Ecce Sponsus venit, exite obviant ei; Sur la minuict, on a crié: Voyla l'Espoux qui vient, alles au devant de luy.

  A022000290 

 En fin, apres avoir consideré les tenebres et les imperfections de mon ame, je pourray dire les parolles qui sont en Esaïe: Custos, quid de nocte? custos, quid de nocte? c'est a dire: O surveillant, surveillant, reste il encores beaucoup de la nuict de nos imperfections? Et j'entendray qu'il me respondra: Venit mane et nox, le matin des bonnes inspirations est venu; pourquoy est ce que tu aymes plus les tenebres que la lumiere?.

  A022000291 

 D'abondant, je me serviray de ces saintes parolles de David: Dominus illuminatio mea et salus mea, quem timebo? qui est autant que si on disoit: Le soleil ny ses rayons ne sont pas ma lumiere principale, ny la compaignie ne me sauve pas, [32] mays Dieu seul, lequel m'est aussy propice la nuict comme le jour..

  A022000291 

 Je me souviendray encores de ce verset: Scuto circumdabit te veritas ejus, non timebis a timore nocturno; L'escu de la foy et ferme confiance en Dieu me couvrira, c'est pourquoy je ne dois avoir peur de chose quelcomque.

  A022000291 

 — D'autant que les nocturnes [31] frayeurs ont accoustumé d'empescher telles devotions, si par fortune je m'en sentois saysy, je m'en deslivreray avec la consideration de mon bon Ange gardien, disant: Dominus a dextris est mihi, ne commovear; Mon Seigneur est a mon costé droict a fin que je ne craigne de rien; ce qu'aucuns docteurs ont expliqué du bon Ange.

  A022000295 

 Transeamus usque Bethlehem, et videamus Mot quod factum est nobis a Domino; c'est a dire: Allons a l'eglise, la ou on faict ce pain substantiel avec ces divines parolles que Dieu a donné en la bouche des prestres pour nostre consolation..

  A022000298 

 Mays si je me puys esveiller parmy la nuict, je m'exciteray avec ces parolles: Media nocte clamor factus est: Ecce Sponsus venit, exite obviam ei; dressant ces parolles a mon ame.

  A022000299 

 Ou bien je m'exciteray disant: «Dum medium silentium» cuncta teneret, «omnipotens Sermo tuus, Domine,» factus est.

  A022000300 

 Parfoys encores, me retournant a mon Dieu, mon Sauveur, lequel ne dort point ni ne sommeille gardant l'Israel de nos ames, apres avoir consideré les tenebres de l'imperfection de mon cœur, je pourray dire les parolles qui sont en Esaïe: Custos, quid de nocte? custos, quid de nocte? Et j'entendray quil me dira: Venit mane et nox; c'est a dire, le matin de mes inspirations et de ma grace est venu; pourquoy est ce que tu aymes mieux les tenebres que la lumiere?.

  A022000301 

 Et lhors, considerant que Nostre Seigneur est la lumiere pour revelation des Gentilz et la lumiere qui destruit les tenebres de peché, faysant resolution pour toute la journëe, m'imaginant d'assister a quelqu'un des saintz misteres, je diray avec devotion et crainte: Mane adstabo tibi et videbo, quoniam [ non ] Deus volens iniquitatem tu es, a fin que, considerant que le peché desplaist a ce grand Dieu, je me garde la journëe d'en fayre..

  A022000302 

 D'autant que les frayeurs nocturnes ont accoustumé d'empescher les exercices, si par fortune je m'en sentois saysy, je m'en deslivreray avec la consideration de mon bon Ange protecteur, disant: Dominus a dextris meis, ne commovear, qu'aucuns docteurs ont entendu de l'Ange; et considereray encores que scuto circumdabit me veritas ejus, nec timere debeo a timore nocturno (90 Ps.), qui est l' escu de la foy et confiance.

  A022000302 

 Dominus illuminatio mea et salus mea, quem timebo? comme disant: Le soleil [32] ny ses rayons ne sont pas ma lumiere principale, ny la compaignie ne me sauve pas, mays Dieu seul, qui m'est aussy propice la nuict comme le jour..

  A022000309 

 Secondement: cela faict, je me reposeray tout bellement en la consideration de la vanité des grandeurs, des richesses, des honneurs, des commoditées et des voluptés de ce monde immonde; je m'arresteray a voir le peu de durëe qui est en ces choses la, leur incertitude, leur fin, et l'incompossibilité qu'elles ont avec les vrays et solides contentemens; en suitte dequoy mon cœur les desdaignera, les mesprisera, les aura en horreur et dira: Alles, alles, o diaboliques appas, retires vous loin de moy, cherches fortune ailleurs; je ne veux poinct de vous, puysque les plaisirs que vous promettes appartiennent aussy bien aux folz et abominables qu'aux hommes sages et vertueux..

  A022000310 

 Troysiesmement: je me reposeray tout doucement en la consideration de la laydeur, de l'abjection et de la deplorable misere qui se retrouve au vice et au peché, et aux miserables ames qui en sont obsedëes et possedëes; puys je diray, sans me troubler et inquieter aucunement: Le vice, le peché est chose indigne d'une personne bien nëe et qui faict profession de merite, jamais il n'apporte contentement qui soit veritablement solide, ains seulement en imagination; mais quelles espines, quelz scrupules, quelz regretz, quelles amertumes, quelles inquietudes et quelz supplices ne traisne il quant et soy! Voire, et quand tout cela ne seroit pas, ne nous doit il pas suffire qu'il est desaggreable a Dieu? Oh, cela doit estre plus que suffisant pour le nous faire detester a toute outrance..

  A022000311 

 C'est elle qui rend l'homme interieurement, et encor exterieurement, beau; elle le rend incomparablement aggreable a son Createur; elle luy sied extremement [34] bien, comme propre qu'elle luy est.

  A022000311 

 Mays quelles consolations, quelles delices, quelz honnestes playsirs ne luy donne elle pas en tout tems! Ah, c'est la chrestienne vertu qui le sanctifie, qui le change en ange, qui en faict un petit dieu, qui luy donne des icy bas le Paradis..

  A022000311 

 Quatriesmement: je sommeilleray souëfvement en la connoissance de l'excellence de la vertu; vertu qui est si belle, si gratieuse, si noble, si genereuse, si attrayante, si puyssante.

  A022000312 

 Hé, que ne suyvons nous la lumiere brillante de ce divin flambeau, puysque l'usage nous en est donné pour voir ou nous devons mettre le pied! Ah! si nous nous layssions conduire au dictamen d'icelle, rarement chopperions nous, difficilement ferions nous jamais mal..

  A022000313 

 Je feray en sorte de m'exciter et de resveiller ma paresse, en repetant souvent ces parolles: En morior, quid mihi proderunt primogenita, sive omnia ista? Voyla que tous les jours je m'en vay mourant; dequoy est ce que me serviront les choses presentes et tout ce qui est d'esclattant et de spectable en ce monde? Il vaut beaucoup mieux que je les mesprise courageusement et que, vivant en crainte filiale sous l'observance des commandemens de mon [34] Dieu, j'attende avec accoysement d'esprit les biens de la vie future..

  A022000315 

 Huictiesmement: finalement, je m'endormiray en l'amour de la seule et unique bonté de mon Dieu; je gousteray, si je puys, ceste immense bonté, non en ses effectz, mays en elle mesme; je boiray ceste eau de vie, non dans les vases ou fioles des creatures, mays en sa propre fontayne; je savoureray combien ceste adorable Majesté est bonne en elle mesme, bonne a elle mesme, bonne pour elle mesme; voire, comme elle est la bonté mesme et comme elle est la toute bonté, et bonté qui est eternelle, intarissable et incomprehensible.

  A022000325 

 Combien la vertu est digne de l'homme et combien elle le [34] rend beau et aggreable, comme luy estant propre; combien est grande la consolation qu'elle luy donne en tout tems..

  A022000326 

 Et au contraire, combien le vice est indigne d'un homme bien né et qui faict profession de merite; comme le vice n'apporte jamais contentement solide, mays seulement en imagination..

  A022000328 

 Que la beauté de la rayson et usage d'icelle nous est donné a fin que nous la suyvions..

  A022000336 

 Au rencontre, la compaignie n'est pas de durëe, on ne s'y familiarise gueres, on ne s'y engage trop d'affection; mays en la conversation on se void souvent, on use de privauté, on s'affectionne aux personnes choysies, on les frequente pour vivre loüablement et s'entretenir ensemblement.

  A022000336 

 — Il y a difference entre rencontre et conversation; car le rencontre se faict fortuitement et par occasion, la ou la conversation est de choix et d'eslection.

  A022000337 

 Si le rencontre est brief et que quelqu'un ayt desja pris la parolle, quand je ne dirois autre chose que la salutation, avec une contenance ny austere ny melancholique, ains [38] moderement et honnestement libre, ce ne seroit que le mieux..

  A022000337 

 Sur tout je seray soigneux de ne mordre, picquer ou me mocquer d'aucun, veu que c'est une lourdise de penser se mocquer sans hayne de ceux qui n'ont poinct de sujet de nous supporter.

  A022000338 

 Encores me faudra il par tout exercer le jugement et la prudence, puysqu'il n'y a regle si generale qui n'aye quelquefoys son exception, sinon celle ci, fondement de toute autre: RIEN CONTRE DIEU. Donques, en conversation, je seray modeste sans insolence, libre sans austerité, doux sans affectation, souple sans contradiction, si ce n'est que la rayson le requist; cordial sans dissimulation, parce que les hommes se playsent de connoistre ceux avec lesquelz ilz traittent; toutesfoys il se faut ouvrir plus ou moins, selon que sont les compaignies..

  A022000338 

 — Quant a ma conversation, elle sera de peu, de bons et honnorables, d'autant qu'il est malaysé de reuscir avec plusieurs, de n'apprendre de se corrompre avec les mauvais, et d'estre honnoré sinon des personnes honnorables; specialement je garderay, pour le regard du rencontre et de la conversation, ce precepte: Amy de tous et familier a peu.

  A022000339 

 Aux superieurs, ou d'aage, ou de profession, ou d'authorité, il ne faut fayre paroystre que ce qui est exquis; aux semblables, que ce qui est bon; aux inferieurs, que ce qui est indifferent.

  A022000339 

 Et puys, a quel propos descouvrir les imperfections? ne les voit on pas asses? ne se descouvrent elles pas asses d'elles mesmes? Il n'est [40] donques nullement expedient de les manifester, mays il est bon de les advoüer et confesser.

  A022000339 

 Il y a bien certains melancholiques qui se playsent qu'on leur descouvre les vices que l'on a: toutesfoys, c'est a ceux la qu'il les faut davantage cacher, car ayant l'impression plus forte, ilz rumineront et philosopheront dix ans sur la moindre imperfection.

  A022000339 

 Or, nonobstant ce que nous avons dict, on peut, conversant avec les superieurs, les esgaux et inferieurs, temperer parfoys l'entretien de ce qui est exquis, bon et indifferent, pourveu que le tout se fasse discrettement.

  A022000339 

 Quant a ce qui est mauvais, il ne le faut jamais descouvrir a qui que ce soit, d'autant qu'il ne peut qu'offencer les yeux qui le voyent et rendre laid celuy auquel il est.

  A022000339 

 — Puysque l'on est souvent quasi [39] contrainct de converser avec personnes de differentes qualités, il faut que je sçache qu'à certains il ne faut monstrer que l'exquis, aux autres que ce qui est bon, aux autres que l'indifferent, mais a personne ce qui est mauvais.

  A022000340 

 — S'il me convient converser avec personnes insolentes, libres ou melancholiques, j'useray de ceste precaution: aux insolentes, je me cacheray tout a faict; aux libres, pourveu qu'elles soyent craignantes Dieu, je me descouvriray tout a faict, je leur parleray a cœur ouvert; aux sombres et melancholiques, je me monstreray seulement, comme on dict en commun proverbe, de la fenestre: c'est a dire, qu'en partie je me descouvriray a elles, parce qu'elles sont curieuses de voir les cœurs des hommes, et si on faict trop le rencheri elles [41] entrent incontinent en soupçon; en partie aussy je me cacheray a elles, a cause qu'elles sont sujettes, ainsy que nous avons desja dict, a philosopher et remarquer de trop pres les conditions de ceux qui les frequentent..

  A022000341 

 — Si la necessité me force de converser avec les grans, c'est alhors que je me tiendray soigneusement sur mes gardes, car il faut estre avec eux comme avec le feu: c'est a dire, qu'il est bien bon parfoys de s'en approcher, mais ne faut pas aussy que ce soit de trop pres; partant, je me comporteray en leur presence avec beaucoup de modestie, meslëe neantmoins d'une honneste liberté.

  A022000350 

 La conversation donques doit estre de peu, de bons et honnorables, d'autant quil est malaysé de reuscir avec plusieurs, de n'apprendre a se corrompre avec les mauvais, et estre honnoré sinon de personnes honnorables; gardant en la conversation et rencontre ce qui doit estre gardé en la familiarité et amitié: Amy de tous, familier a peu..

  A022000354 

 Le rencontre est une partie de la conversation generale, lequel estant sans familiarité, il se faut garder d'y fayre le compaignon avec personne, ny mesme avec les familiers, s'il s'en rencontroit un parmy le reste du rencontre; car ceux qui le considerent pensent cela estre legereté.

  A022000355 

 Garder sur tout d'y mordre et picquer, ny se mocquer de personne, car c'est vrayement une lourdise de penser se mocquer sans hayne de ceux qui n'ont poinct d'occasion de vous supporter..

  A022000356 

 Et si le rencontre est brief et quelqu'un autre a pris la parolle, quand on ne diroit autre que la salutation, avec une contenance ny austere ny melancholique, mays modeste et honnestement libre, ce ne sera que le mieux.

  A022000359 

 Il faut par tout exercer le jugement et la prudence, ne se faysant regle si generale qui ne doive avoir son model d'exception, sinon ceste regle, fondement de toute autre: RIEN CONTRE DIEU. Si est ce que la conversation doit estre modeste, sans aucune insolence; libre, sans austerité; douce et souëfve, sans monstrer affectation ny effort, et souple, sans contredite sans rayson; ouverte et cordiale, d'autant que les hommes se playsent de connoistre ceux avec lesquelz ilz traittent.

  A022000360 

 Et pour autant qu'il nous faut converser hommes et femmes, superieurs et inferieurs, il est bon de sçavoir qu'a certains il ne faut monstrer que l'exquis, aux autres le bon, aux autres l'indifferent, mais a personne le mauvais.

  A022000361 

 Il y a certains melancholiques [41] qui se playsent qu'on leur descouvre les vices qu'on a; mays c'est a ceux qu'il les faut plus cacher, car ilz ont l'impression plus forte, et rumineront dix ans la moindre imperfection.

  A022000361 

 Mays quant au mauvais, il ne le faut jamais monstrer, pour familier qu'on soit, d'autant quil ne peut qu'offencer les yeux qui le voyent et rendre laid celuy auquel il est.

  A022000361 

 Quant aux imperfections, on n'a que fayre de les descouvrir, car on les descouvre tousjours asses, mays il est bon de les confesser..

  A022000367 

 De la, je passeray a la consideration de l'ancien Temple, et compareray combien est plus auguste la moindre de toutes nos eglises que n'estoit le Temple de Salomon, parce que, sur nos autelz, le vray Aigneau de Dieu est offert en hostie pacifique pour nos pechés.

  A022000367 

 Si je ne peux entrer dans l'eglise, j'adoreray de loin le tressaint Sacrement, mesme par quelque acte exterieur, ostant mon chapeau et fleschissant le genou, si l'eglise est proche, sans me soucier qu'en diront mes compaignons..

  A022000372 

 — Ayant receu le tressaint Sacrement, je me donneray tout a Celuy qui s'est tout donné a moy; j'abandonneray d'affection toutes les choses du Ciel et de la terre, disant: Que veux je au Ciel? que me reste il a desirer sur la terre, puysque j'ay mon Dieu qui est mon tout? Je luy diray simplement, respectueusement et confidemment tout ce que son amour me suggerera, et me resoudray de vivre selon la sainte volonté du Maistre qui me nourrit de luy mesme..

  A022000392 

 Atque haec tremens timensque notabam, anno 1590, 15 Decembris, ne si postea sententia ea quam confirmavi cum adolescerem, cum aetate, doctrina experitior, judicio vel sententia Ecclesise verior videri perseveret, ut visa est tunc in infantia mea; ex qua in ejus confirmatione meditatus sum quaeque rem astringere videntur a me forsan desiderarentur; id enim aliquando speculando accidit in puncto quod non accidit in anno.

  A022000393 

 Credidi enim, propter quod locutus sum, non, locutus sum propter quod credidi; hoc est: fides debet esse regula credendi, sed claudat omnia humilitas: ego autem humiliatus sum nimis.

  A022000393 

 Haec ergo ita scripsi humillime, ut pro sententia quam Ecclesia Catholica, Apostolica et Romana, Mater mea et columna veritatis amplexa est, aut deinceps amplectetur, non modo omnes, omnino omni meo renitente intellectu, quas habeo aut habiturus sum conclusiones, sed etiam caput ipsum a quo manant prorsus abjicere sum paratissimus, nec quidquam unquam dicturus sum, dum Deus dabit intellectum, nisi id quod fidei Catholicae conformius videbitur.

  A022000402 

 Ces choses, donc, je les ai écrites très humblement, étant tout prêt à abandonner non seulement les conclusions que j'ai prises ou prendrai, mais la tête même qui les a conçues, et cela, même si toute mon intelligence y répugne, pour embrasser l'opinion qui est ou qui sera à l'avenir adoptée par l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, ma Mère et la colonne de vérité.

  A022000402 

 Et jamais je ne dirai aucune chose, tant que Dieu me donnera l'intelligence, que ce qui sera le plus conforme à la foi catholique, car j'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé, et non j'ai parlé parce que j'ai cru; ce qui revient à dire: la foi doit être la règle de la croyance; mais que l'humilité soit la conclusion de tout: et je suis grandement humilié.

  A022000409 

 Ipse sapientiam dat parvulis, non superbis; ipse est «Lumen cordium, Pater pauperum, Dator» luminum, in cujus lumine videbimus lumen: ipsi laus in saecula saeculorum, cum Patre et Filio.

  A022000410 

 Deus autem ipse est Pater totius consolationis, nec inde gloriari nos oportet quasi quid-quam sit ex nobis tanquam ex nobis, nam, ut alibi ostendi, omnis sufficientia nostra a Deo; non enim liberi arbitrii seclusa gratia, opera prsevisa dicuntur ratio praedestinationis, sed semper opus est praevisione gratiae Domini, per cujus misericordiam in domum ejus ibimus si in hac vita pedes nostri in atriis tuis, Hierusalem, fuerint, sine enim Christo nihil possumus facere..

  A022000412 

 Mirabilia testimonia tua, Domine; propterea scrutata est ea anima mea.

  A022000418 

 C'est lui qui donne la sagesse aux petits, non aux orgueilleux; c'est lui qui est la «Lumière des cœurs,» le «Père des pauvres,» le «Distributeur des» lumières, dans la lumière de qui nous verrons la lumière.

  A022000419 

 Or, Dieu lui-même est le Père de toute consolation, et nous ne devons pas nous glorifier comme si quoi que ce soit venait de nous comme de nous, puisque, comme je l'ai montré ailleurs, toute notre suffisance vient de Dieu; car si la doctrine de la prédestination dit que nos actions sont prévues, ce n'est pas au préjudice de la grâce du libre arbitre, mais il est toujours besoin de la prévision de la grâce du Seigneur, par la miséricorde de qui nous irons dans sa maison, si, en cette vie, nos pieds ont été dans tes parvis, Jérusalem, car, sans le Christ, nous ne pouvons rien faire..

  A022000421 

 Vos témoignages sont admirables, Seigneur; c'est pourquoi mon âme les a scrutés.

  A022000428 

 Consequens absurdissimum, ergo antecedens explicatur; nam in contraria opinione damnatio non est finis nec absolute per se volita, sed est medium castigandorum malorum et suppositis malis volita.

  A022000428 

 Primo: Cujus est ordinare finem, ejus est ordinare media ad finem.

  A022000429 

 Secundo probatur: Deo non placet damnatio aut reprobatio ut reprobatio est, maxime quatenus dicit privationem, sed tantum quatenus justa est; at justa esse non potest sine ordine ad culpam, ut per se patet: ergo neminem reprobat sine ordine ad culpam, non ad culpam non praevisam, quia ad non praevisum nihil ordinare possumus, ergo ad culpam praevisam.

  A022000430 

 Deinde, quid hoc est: Deus tibi non deest nisi tibi desis? Sane mihi defuit in fundamento, cum nec mihi affuissem aut defuissem, si vera esset ea opinio, durior omni ferro.

  A022000430 

 Sed sine Dei voluntate nihil possumus; ergo ea sublata, salvari non possumus, et ea sublata et remota negatave a Deo, effectus negatus videtur, scilicet gloria, quod absurdissimum est.

  A022000431 

 Exemplum est si Rex velit occidere Titium, et tamen nolit eum occidere injuste: opportet ut praevideat ejus culpam, aut ut cogat ut culpam admittat, vel sane se committet periculo non occidendi Titium juste ut decreverat.

  A022000431 

 Si Deus ordinavit aliquos ad poenam ante culpae praevisionem, quare dictum est: Prout gesserit quisque in corpore suo, sive bonum; sive malum? Quomodo enim factum ut poenae quam Deus sine ulla ratione culpae ordinavit, tam juste corresponderet culpa ex libero nostro arbitrio? Sane opportuit Deum ordinare culpam ut responderet poenae jam ordinatae, aut committere libero arbitrio nostro ut sine culpa damnaremur, ut clarum est.

  A022000432 

 Atque ita satis intelligibilis est, nec cuiquam injuriam faciet Dominus: nam quos damnabit, suis demeritis damnabit; quos salvabit, sua misericordia, et conquaerenti dicet: Amice, tolle quod tuum est; si autem iis volo dare, quid ad te?.

  A022000432 

 In hanc + sententiam notandum est: Primo, posse [57] forsan hanc sententiam, quod scilicet praedestinatio fiat sine praevisis operibus, reprobatio autem minime, hoc modo explicari, ut Deus primo det cunctis hominibus auxilium sufficiens; deinde, cum videat multos eo non utentes, hos reprobet; alios vero, tam utentes quam non utentes, per media efficacia salvet: ita ut inter non utentes, quosdam damnet, alios efficaciter a praecipiti damnationis cursu retrahat.

  A022000433 

 Sed notandum est secundo, non respondere hanc sententiam ei sententiæ Domini: Nonne si bene egeris [58] recipies? quia potius dicendum esset: Non[ne] si recipies bene ages?.

  A022000434 

 Notandum tertio, non esse jam ullo testimonio Scripturae firmam hanc sententiam; cum enim necesse sit eam respondere authoritati Pauli ad Romanos, et ea authoritas non magis probet unum quam aliud, necesse est dicere neutrum probare..

  A022000438 

 Sed non omnes ita vocatos existimandum est..

  A022000439 

 Notandum octavo: Cum nec ad justitiam Dei spectet nec ad potentiam (magis quam salvatio) aliquem sine demeritis damnare, irrationabile prorsus est reprobationis modum quem nonnulli tenent.

  A022000440 

 Et urget validissime si una vera est veram esse alteram, quod quinto notabili notavi, et innumera quae afferri possent.

  A022000440 

 Nam, si verum est non damnari homines sine praevisione, cum respondendum sit ad Epistolam ad Romanos, remanet sine impugnatione posita sententia.

  A022000448 

 Du reste, en supposant comme très sûre l'opinion qui admet comme base de la réprobation la prévision des démérites, l'opinion ci-dessus est facilement confirmée.

  A022000448 

 En outre, Tartaretus cite en faveur de cette thèse Henri, in Reportatis, et aussi [52] Occam, et il affirme que cette opinion est probable et ne contredit pas Scot.

  A022000449 

 Dieu ordonne la fin, à savoir la damnation; c'est donc lui qui ordonne les moyens à cette fin, à savoir les péchés.

  A022000449 

 En effet, dans l'opinion contraire, la damnation n'est pas la fin et n'est pas voulue absolument pour elle-même, mais elle est un moyen pour châtier les méchants, et est voulue pour des êtres supposés méchants.

  A022000449 

 Exemple: Je veux absolument un remède; s'il était défendu à quiconque n'est pas malade de recevoir un remède, je devrais vouloir la maladie comme moyen d'avoir ce remède: sans quoi, je ne le veux pas efficacement.

  A022000449 

 Le conséquent est tout a fait absurde, donc l'antécédent demande à être expliqué.

  A022000450 

 Deuxième preuve: La damnation ou réprobation ne plaît pas à Dieu comme telle, surtout en tant qu'elle dit privation, mais elle lui plaît seulement en tant qu'elle est juste; par ailleurs, elle ne peut évidemment être juste sans relation avec la faute.

  A022000450 

 La majeure est évidente, d'abord parce que Dieu, étant de sa nature communicable, ne peut avoir pour agréable sa propre privation prise en elle-même; ensuite, parce qu'autrement l'on irait contre les expressions de l'Ecriture qui partout présentent Dieu comme ayant soif de notre glorification et compatissant à notre condamnation, tout prêt qu'il est à [54] détourner cette dernière si seulement nos péchés disparaissent.

  A022000451 

 Et puis, que signifie cet adage: Dieu ne te fait pas défaut si tu ne te fais pas défaut? En vérité, pourrait-on dire, il m'a fait défaut au commencement, alors que je ne pouvais ni m'être utile, ni m'être nuisible, si nous supposons que l'opinion ci-dessus, plus dure que le fer, est vraie.

  A022000451 

 Mais sans la volonté de Dieu nous ne pouvons rien; par conséquent, une fois cette volonté de Dieu écartée, nous ne pouvons être sauvés, et une fois cette volonté de Dieu écartée et enlevée, ou refusée par Dieu, son effet paraît refusé, c'est-à-dire la gloire: ce qui est parfaitement absurde.

  A022000452 

 Or, tout cela est blasphématoire; donc, Dieu ne réprouve pas en dehors de la prévision des péchés.

  A022000452 

 Si Dieu en a destiné certains à la peine avant la prévision de la faute, pourquoi a-t-il été dit: Comme chacun aura agi dans son corps, soit en bien soit en mal? Comment peut-il se faire qu'à une peine ordonnée par Dieu sans aucune relation avec la faute, corresponde aussi justement cette faute provenant de notre libre arbitre? Il a fallu certainement, ou que Dieu ordonnât la faute [56] pour qu'elle répondît à la peine déjà ordonnée, ou bien qu'il abandonnât à notre libre arbitre le soin de décider si nous devrions être condamnés sans faute, comme cela est clair.

  A022000453 

 Telle que nous venons de la présenter, elle est suffisamment intelligible, et ainsi le Seigneur ne fera tort à personne; car ceux qu'il damnera, il les damnera à cause de leurs démérites, et ceux qu'il sauvera, il les sauvera par sa miséricorde, et à celui qui se plaindra il répondra: Mon ami, prends ce qui te revient; si je veux donner quelque chose à ceux-ci, que t'importe?.

  A022000454 

 Mais il faut remarquer, en second lieu, que l'opinion des adversaires ne s'accorde pas avec cette parole du Seigneur: Est-ce que si tu fais le bien, tu n'en recevras pas la récompense? car il faudrait [58] plutot dire: Est-ce que, si tu reçois la recompense, tu ne feras pas le bien?.

  A022000455 

 Cette opinion n'est basee sur aucun temoignage de 1'Ecriture.

  A022000457 

 Si Dieu sauve ceux qui autrement auraient du etre damnes, ou est la justice? Comment rendra-t-il à chacun selon ses oeuvres, puisqu'il faudrait dire plutot que chacun agira suivant ce qu'il recevra? Et puis, pourquoi Dieu a-t-il prevu les peches des futurs damnes, et non ceux des autres? pourquoi en a-t-il vu certains faire le bien, plutot que d'autres? et s'il a tout vu, pourquoi dirons-nous qu'il a preordonne le chatiment d'apres les peches, plutot que la recompense d'apres les merites? [59].

  A022000459 

 Il est probable que Dieu, dans sa très grande bonté, en a ordonné plusieurs à la gloire en leur accordant un moyen plus puissant, lesquels, s'il leur en avait concédé seulement un moindre et ordinaire, n'auraient pas agi convenablement.

  A022000460 

 La damnation (plus encore que le salut) de quelqu'un en dehors de démérites de sa part ne convenant ni à la justice de Dieu ni à sa puissance, il est déraisonnable d'admettre le mode de réprobation que certains admettent.

  A022000461 

 Ce qui la renforce considérablement, c'est ce que j'ai noté à la cinquième remarque, ci-dessus, que si l'une des propositions est vraie, l'autre l'est également, et aussi d'innombrables preuves qui pourraient être apportées.

  A022000461 

 Si, en effet, il est vrai que les hommes ne sont pas damnés en dehors de la prévision [de leurs démérites], comme d'un autre côté il faut, [pour les adversaires,] pouvoir répondre à l'autorité tirée de l'Epître aux Romains, il reste que l'opinion que nous avons énoncée est inébranlable.

  A022000466 

 Est locus uspiam in Scriptura Veteri, in quo praedicens Propheta futuram Christi redemptionem, ait non [63] dicendum amplius eo tempore, comedisse patres uvas non bonas, et dentes filiorum obstupuisse; quia, inquit, Christo veniente, filius non portabit iniquitatem patris, sed anima quae peccaverit, ipsa morietur..

  A022000469 

 Ad pedes beatorum Augustini et Thomse provolutus, paratus omnia ignorare ut illum sciam qui est scientia Patris, Christum crucifixum, quanquam enim quae scripsi non dubito vera esse, quia nihil video quod de eorum veritate solidam possit facere dubitationem; quia tamen non omnia video et tam reconditum misterium est [64] clarius quam fixe ab oculis meis victicoracis inspici possit, si postea contrarium appareret (quod nunquam futurum existimo); imo, si me damnatum (quod absit, Domine Jesu!) scirem voluntate illa quam ponunt Thomistae in Deo ut ostenderet Deus justitiam suam, libenter, obstupescens et suspiciens altissimum Judicem, post Prophetam dicerem: Nonne Deo subjecta erit anima mea? Amen, Pater, quia sic placitum est ante te; fiat voluntas tua.

  A022000469 

 Euge, serve parve, indigne quidem, sed fidelis; quia sperasti in me, confidens de misericordia mea, et quia in pauca (scilicet in glorificando me patiendo et per damnationem, si ita mihi placeret) fuisti fidelis, supra multa te constituam; et quia voluisti magnificare nomen meum, etiam patiendo, si opus esset (quandoquidem in eo parva est magnificatio et glorificatio nominis mei, qui non est damnator, sed JESUS), supra multa te constituam, ut beatitudine perpetua laudes me, in qua multa est gloria nomini meo.

  A022000469 

 Non es mortuus, sed dormis; infirmitas non est ad mortem, sed ut conversus glorifices Deum.

  A022000469 

 Non est voluntas mea nisi sanctificatio tua, nihilque odivit anima mea eorum quae fecit.

  A022000469 

 Per memetipsum juravi: quia fecisti rem hanc, id est, praeparasti cor tuum in obsequium justitiae meae, et non pepercisti tibi, acquiescens voluntati mese etiam usque ad gehennam propter me, benedicam tibi benedictione perpetua, et intres in gaudium Domini tui..

  A022000469 

 Quare tristis est anima tua et quare conturbatur? Spera in Deo, quia adhuc confiteberis ei, salutare vultus tui et Deus [65] tuus.

  A022000470 

 Nec tunc aliter respondere deberem quam prius: Amen, Pater, quia sic placitum est ante te.

  A022000476 

 Il y a un passage quelque part dans l'Ancien Testament, où le Prophète, prédisant la future rédemption du Christ, affirme qu'il [63] ne faudra plus dire alors que les pères ont mangé de mauvais raisins et que les dents des fils en ont été agacées; parce que, dit-il, le Christ arrivant, le fils ne portera pas l'iniquité du père, mais c'est l'âme pécheresse qui mourra d'elle-même..

  A022000479 

 Courage, petit serviteur, indigne certes, mais fidèle; puisque tu as espéré en moi, ayant confiance en ma miséricorde, et p arce que tu m'as été fidèle en peu de choses (à savoir, en me glorifiant par la souffrance et par la damnation, s'il me plaisait ainsi), je t'établirai sur beaucoup; et parce que tu as voulu glorifier mon nom, même en souffrant, s'il en était besoin (bien qu'en cela, cette glorification et l'exaltation de mon nom qui n'est pas «damnateur», mais «SAUVEUR», soient petites), je t'établirai sur beaucoup, afin que tu me loues dans la perpétuelle béatitude où la gloire rendue à mon nom est abondante.

  A022000479 

 En effet, quoique je ne doute pas que les choses que j'ai écrites ne soient vraies, parce que je n'y vois rien qui puisse former un doute solide au sujet de leur vérité; cependant, parce que je ne vois pas tout et qu'un mystère si profond est trop brillant [64] pour pouvoir être regardé en face par mes yeux de chouette, si, dans la suite, le contraire apparaissait (ce qui, je pense, n'arrivera jamais); bien plus, si je me savais damné (que cela n'arrive pas, Seigneur Jésus!) par cette volonté que les thomistes placent en Dieu afin que Dieu montre sa justice, frappé de stupeur et levant les yeux vers le Juge suprême, volontiers je dirais avec le Prophète: Mon âme ne sera-t-elle pas soumise à Dieu? Amen, Père, parce qu' il vous paraît bon ainsi; que votre volonté soit faite.

  A022000479 

 Ma volonté n'est autre que ta sanctification, et mon âme ne hait rien de ce qu'elle a fait.

  A022000479 

 Par moi-même j'ai juré: parce que tu as fait cela, c'est-à-dire, parce que tu as préparé ton cœur à obéir à ma justice, et que tu ne t'es pas épargné, acquiesçant à ma volonté, même jusqu'à la géhenne à cause de moi, je te bénirai d'une perpétuelle bénédiction, et tu entreras dans la gloire de ton Seigneur..

  A022000479 

 Pourquoi ton âme est-elle triste, et pourquoi se trouble-t-elle? Espère en Dieu, parce que tu le loueras encore; il est le salut de ta face [65] et ton Dieu.

  A022000479 

 Prosterné aux pieds des bienheureux Augustin et Thomas, je suis prêt à tout ignorer pour connaître Celui qui est la science du Père, le Christ crucifié.

  A022000480 

 Mon coeur est prêt, ô Dieu, à la peine à cause de vous; mon cœur est prêt à la gloire à cause de votre nom, JESUS. Je suis devenu comme une bête de somme devant vous, et vous-même, Seigneur, soyez toujours avec moi.

  A022000480 

 Mon âme ne vous sera-t-elle pas soumise? car c'est de vous que vient mon salut.

  A022000496 

 moriens obliviscitur sui qui vivens oblitus est Dei..

  A022000507 

 Matrimonia dirimebantur apud Gentes qua erat levitate idololatria; nunc autem indissolubile est matrimonium quod ad vinculum attinet, paucissimis exceptis casibus.

  A022000507 

 Quo ad torum vero difficillime dissolvitur, quia quod erat contractus purus inter gentes quæ Deum non noverunt et nomen sanctum Dei non invocaverunt, et pura fides per consensum, nunc est augustissimum Sacramentum per Christum Dominum nostrum, cui, cum Patre et Spiritu Sancto, laus, honor, imperium; Beatissimae Dominae nostrse Mariae Deiparae Virgini, Sanctisque Petro et Paulo Apostolis, quorum hodie celebris memoria est ex Chatedra ( sic ) Sancti Petri in [69] Ecclesia; Sanctis Fabiano et Sebastiano, martiribus; Sanctis Joseph, Francisco et Bonaventurae, confessoribus.

  A022000514 

 En ce qui concerne la cohabitation, il est très difficilement dissous, parce que ce qui était un pur contrat chez ces nations qui n'ont pas connu Dieu et n'ont pas invoqué le saint nom de Dieu, et ce qui n'était consenti que par un simple engagement, est aujourd'hui un très auguste Sacrement par le Christ notre Seigneur, à qui, ainsi qu'au Père et à l'Esprit-Saint, soit louange, honneur, puissance; et à notre Bienheureuse Dame la Vierge Marie, Mère de Dieu, aux saints Apôtres Pierre et Paul, dont aujourd'hui même la mémoire est célébrée dans toute l'Eglise, à raison de la chaire de [69] saint Pierre [à Antioche]; aux saints Fabien et Sébastien, martyrs; aux saints Joseph, François et Bonaventure, confesseurs.

  A022000514 

 Le mariage pouvait être annulé chez les Gentils à cause de la légèreté de mœurs du paganisme; mais aujourd'hui il est indissoluble, en ce qui concerne le lien, un très petit nombre de cas étant exceptés.

  A022000543 

 Et cela, avec tant de précision et de concision, que j'ai trouvé inutile de recueillir les principales de ces notes, car toutes sont principales et aucune n'est inutile; d'autant plus qu'à ce travail minutieux, j'ai, au début de notre apprentissage, consacré de bonnes heures.

  A022000553 

 Et vere, conturbatæ sunt gentes et inclinata sunt regna; dedit vocem suam, et mota est terra.

  A022000553 

 Instruunt copias bellicas Itali Principes et Germani; jam Anglus, Hispanus, Gallus, strictis gladiis, aerem terramque gemitibus et sanguine conturbant; regnum Scotiae, Angliae, Daniae in horrendum haeresum baratrum prolapsum est Polonicum, Ungaricum, Boemicum; ac quod omnem superat dolorem, Christianissimum olim Gallorum diadema in caput haeretici, aut potius in miserandum [73] exitii genus inclinatum, non sine lachrimis sentimus et contemplamur!.

  A022000554 

 Qui mecum non est, contra me est; an ( sic ) non Belial mecum est.

  A022000554 

 Ut quid diligitis mendacium non servatæ promissionis experientia cognitum? Cur quaeritis et diligitis mendacium quo in futurum decipiamini? Quid ergo superest? Et mota est terra.

  A022000561 

 Sans sa grâce et lumière, tout est confus et sans ordre..

  A022000564 

 Les Princes Italiens et Germains lèvent des troupes guerrières; déjà l'Anglais, l'Espagnol, le Français, ayant tiré le glaive, troublent l'air et la terre de gémissements et de sang; les royaumes d'Ecosse, d'Angleterre, de Danemarck sont tombés dans l'horrible gouffre des hérésies, ainsi que ceux de Pologne, de Hongrie, de Bohème; et, ce qui est au-dessus de toute douleur, nous voyons et contemplons avec larmes la couronne autrefois très chrétienne de France prête à se placer [73] sur la tête d'un hérétique, ou plutôt penchée vers un désastre lamentable!.

  A022000565 

 Qui n'est pas avec moi est contre moi; et Bélial n'est pas avec moi.

  A022000574 

 Eccli., 1: Unus est Altissimus..

  A022000575 

 «Catholica» autem fides ea dicitur quae tam locorum quam hominum et temporum ratione universalis est et illimitata, hoc est quae omni tempore ex quo incepit ab universis hominibus Christianis (nam differentia Catholici et haeretici inter eos qui Christianam profitentur fidem tantum est) et in omni loco praecepta fuit atque confessa..

  A022000576 

 Jam vero quod additur: «ET UT NEMO DE EA PUBLICE CONTENDERE AUDEAT,» ita intelligitur, ut contendere quidem non liceat de fide, cum vetemur esse contentiosi, id est, pertinaciter et verbose, opinioni propriæ adhaerentes.

  A022000576 

 Licet enim de relligionis ( sic ) misteriis humiliter et cum submissione disserere, etiam aliquando publice, in concionibus contra haereticos, in publicis disputationibus et lectionibus; id enim non est de fide contendere, sed disputare, illustrandae veritatis gratia..

  A022000577 

 Ergo, in ea «religione versari» quisque debet quam Petri successor tenet quamque Petrus Romanis tradidisse claret: haec est, ut Trinitatem in Unitate, et Unitatem in Trinitate veneremur.

  A022000578 

 Quicquid impetrant irritum est ac nullum; ac adeo jusjurandum illud a nobilibus Gallis obtentum, ex se nullum est..

  A022000579 

 Tandem, «incorruptae,» id est perfectae, [78] «Trinitatis indivisa substantia» omnino credenda est.

  A022000580 

 Plane L. III contentiones de fide prohibentur, quia contentiosus perfidus est et fractionis fidei causam quaerit.

  A022000581 

 Imperium religione firmatur; Romana Ecclesia «caput est Ecclesiarum.» Quae L. I, II, III dicta sunt, imo toto hoc Titulo decreta authoritate Summi Pontificis confirmata sunt.

  A022000582 

 «Filium Dei Patri consubstantialem secundum Divinitatem, et nobis secundum humanitatem» confitetur; Beatissimam etiam Virginem Mariam vere et proprie Dei Genitricem ac Matrem esse, nimirum ex qua Filius Dei, ex Patre «ante secula natus, incarnatus est» in tempore «de Spiritu Sancto.» .................................................................................................

  A022000583 

 «Æquum est ut qui» statutis Summi Pontificis non parent, «ab Ecclesia habeantur extorres;» verumtamen «Ecclesia nunquam redeuntibus gremium suum claudit.» L. VI..

  A022000584 

 Aureus est hic Titulus et plane augustus, saepeque legendus adversus novatores et sciolos ac politicos; quare pressius haec ex singulis Legibus adnotavi..

  A022000592 

 Etant donné que tout pouvoir appartient à Dieu et s'appuie avec raison sur le Dieu de sagesse comme sur un fondement, selon ce mot du Sage: C'est par moi que régnent les rois (L. IV), et celui-ci: «De Jupiter vient le principe du pouvoir,» et que d'autres preuves majeures puissent être mises en avant, c'est avec raison que l'Empereur commence par cette considération le texte qui [75] contient les constitutions destinées à maintenir et sanctionner intégralement la dignité de la vraie foi..

  A022000593 

 Ecclésiastique, 1: Le Très-Haut est unique..

  A022000594 

 Or, la foi appelée «catholique» est celle qui, en raison tant des [76] lieux que des hommes et des temps, est universelle et sans limites, c'est-à-dire, qui à toutes les époques, depuis qu'elle a commencé, et en tous lieux, fut enseignée et confessée par tous les Chrétiens (car la différence du catholique de l'hérétique existe seulement parmi ceux qui professent la loi chrétienne)..

  A022000595 

 Il est permis, en effet, de disserter sur les mystères de la religion avec humilité et soumission, même quelquefois en public, dans des conférences contre les hérétiques, dans des discussions et cours publics; car cela n'est pas mettre la foi en cause, mais échanger ses pensées pour éclairer la foi..

  A022000595 

 Quant à ces paroles ajoutées: «QUE PERSONNE NE SE PERMETTE D'EN DISCUTER EN PUBLIC,» voici comment il faut les entendre: il n'est pas permis de discuter de la foi, puisqu'il nous est défendu d'être contentieux, c'est-à-dire de nous attacher à notre opinion personnelle avec obstination et verbeusement.

  A022000596 

 Donc, tout homme «doit appartenir» à cette «religion» que professe le successeur de Pierre et qu'il est prouvé que Pierre a transmise aux Romains: elle consiste à vénérer la Trinité dans l'Unité et l'Unité dans la Trinité.

  A022000597 

 Tout ce qu'ils obtiennent est non avenu et nul; ainsi, ce serment obtenu des nobles Français est nul en lui-même..

  A022000598 

 Or, les mots de l'Empereur: «Lui que nous espérons et que nous recevons du souverain Père de toutes choses,» ne confirment pas cette opinion des Grecs, que le Saint-Esprit procède du Père seulement, puisqu'elle n'est apparue que plusieurs siècles après; mais il parle de la réception de la grâce du Saint-Esprit, car il est dit ainsi, que l'Esprit-Saint est donné aux hommes par le Père au moyen du Fils, que le Père enverra en mon nom.

  A022000598 

 [78] Enfin, il faut entièrement croire «indivise la substance de la Trinité pure,» c'est-à-dire parfaite.

  A022000599 

 La troisième Loi interdit entièrement les contentions au sujet de la foi, parce que l'homme contentieux est perfide et cherche à briser l'unité de la foi.

  A022000600 

 Le pouvoir s'appuie sur la religion; l'Eglise Romaine est «la tête des Eglises.» Ce qui est dit dans les Lois I, II, III, et même tous les décrets compris sous ce Titre, tout cela a été confirmé par l'autorité du Souverain Pontife.

  A022000601 

 Il professe que «le Fils de Dieu est consubstantiel au Père selon la Divinité, et à nous selon l'humanité;» et aussi que la bienheureuse Vierge Marie est vraiment et proprement la Mère de Dieu, car c'est d'elle que le Fils de Dieu, «né du Père avant les siècles, s'est incarné» dans le temps «par le Saint-Esprit.».

  A022000603 

 «Il est juste que» ceux qui n'obéissent pas aux décisions du Souverain Pontife «soient considérés par l'Eglise comme bannis;» cependant, «l'Eglise ne ferme jamais son sein à ceux qui reviennent.» (L. VI.).

  A022000604 

 Ce Titre est précieux et tout à fait auguste, et digne d'être lu souvent contre les novateurs, les demi-savants et les politiques; c'est pourquoi j'ai pris ces notes avec plus de précision, en les extrayants de chaque Loi une à une..

  A022000615 

 Titulus aureus est..

  A022000622 

 AUREA EST ET MAJUSCULIS LITTERIS DIGNALEX IX, ex qua id habetur: IGNE PUNIANTUR FAMILIARES PRINCIPIS SI VEXENT PROVINCIALES..

  A022000633 

 Ce Titre est précieux comme de l'or..

  A022000635 

 IL N'EST PERMIS A PERSONNE DE SCULPTER OU DE PEINDRE LE SIGNE DU CHRIST SAUVEUR A TERRE, OU DANS LA PIERRE OU DANS LE MARBRE.

  A022000640 

 EST PRÉCIEUSE COMME DE L'OR ET DIGNE DE LETTRES MAJUSCULES LA IX e Loi, où l'on trouve ceci: QUE SOIENT PUNIS DU FEU LES FAMILIERS DU PRINCE, S'ILS PERSÉCUTENT LES HABITANTS DES PROVINCES..

  A022000645 

 Etsi satis apud me reputo quantum existimationis meae intersit ut eas vobis gratias agere enitar, quas exigit a me maximas sacrosanctum illud quod hodierna die in me collocastis beneficium, Reverendissime Proantistes, venerande Prior, Patres conscripti; cum [82] tamen iis agendis, ut par est, neque me satis esse, et vos gravissimis occupationibus intentos interesse commode non posse, cognoscam; vestrae commoditatis quam meae ipsius existimationis amantior, ab hoc debito grati animi officio libenter abstinuissem.

  A022000646 

 Caetera enim vel fortunae vel corporis sunt ornamenta; hoc unum doctoratus ipsam exornat virtutem, quae per se ornatissima [83] est; atque eo majus splendidiusque munus hoc existimo, quod non solum laurea, sed laurus ipsa mihi per hoc Gymnasium collata est; hoc est, non me solum doctorem fecit, sed etiam dignum qui doctor forem et nuncuparer..

  A022000647 

 Jam vero, heu! quse rerum est vicissitudo! belli terroribus tabescit inclyta litterarum parens Lutetiana schola, ac solitudinem, quam Deus optimus avertat, prima fronte minitatur.

  A022000648 

 Tune mihi Jacobi Menochii voces audire vivas licuit, cujus mortuas, id est praeclare scripta, cuncti mirantur ac suspiciunt, et cujus recessus Academiae magno futurus erat utique detrimento, [86] nisi in ejus locum Angelus Matheaceus, vir omni disciplinarum genere cumulatissimus, maturo plane consilio, non iniqua permutatione suffectus fuisset.

  A022000648 

 Verum hucusque nullam sacrosanctae Juris scientiae operam posueram: at ubi ponendam postea decrevi, nullo fuit opus consilio, quo me verterem, quo me conferrem; ad se statim hoc Patavinum Gymnasium me sua celebritate pertraxit, plane faustis ominibus; quoniam per id tempus doctores ac lectionibus praefectos [85] habebat eos quibus nunquam habuit, nec deinceps est habitura majores: Guidum Pancirolum, jurisprudentiae principem, lumen ac decus vestrum, Patres, nulla unquam tempestate periturum.

  A022000650 

 Hisce praeceptoribus fere omnibus quidquid in me est civilis disciplina, ab hoc vestro Collegio, Patres, ad me derivatum est, quod tale judicastis, ut ad lauream consequendam satis esse sententia vestra pronuntiaveritis, [88] sententia, inquam, ea quae transeat in rem judicatam.

  A022000652 

 Tu, Lex aeterna, legum omnium Regula, legem pone mihi viam justificationum tuarum in medio cordis mei; quoniam beatus est quem tu erudieris, Domine, et de lege tua docueris eum.

  A022000653 

 Quod reliquum est age, quaeso, illustrissime Pancirole, praeceptor colendissime, purissimis ac beneficentissimis illis tuis manibus iis me ornamentis insignitum facias, quibus tali loco constitutos Gymnasium hoc alumnos suos dimittere consuevit exornatos..

  A022000657 

 Bien que je me rende assez compte en moi-même de quelle importance il est pour ma réputation de vous adresser autant que je le puis les très vifs remerclments qu'exige de moi le saint et sacré bienfait que vous m'accordez aujourd'hui, Révérendissime Vicaire général, vénérable Prieur, Pères conscrits: [82] cependant, ne me sentant pas capable de vous les présenter tels qu'il le faudrait et connaissant les graves occupations qui vous empêchent d'y prêter une longue attention, plus soucieux de vos intérêts que de ma propre renommée, je me serais volontiers abstenu de ce devoir de reconnaissance.

  A022000658 

 En effet, les autres avantages ne sont que les ornements de la fortune ou de la personne; mais seul celui du doctorat est l'ornement du mérite [83] lui-même, qui d'ailleurs est, de soi, fort glorieux; et j'estime cet honneur d'autant plus grand et éclatant que ce n'est pas seulement une couronne de laurier que ce Collège m'a conférée, mais le laurier lui-même: car il ne m'a pas fait docteur seulement, mais il m'a rendu digne de le devenir et d'en porter le titre..

  A022000658 

 Je reconnais, honorables Auditeurs, que ce bienfait qui m'a été conféré par ces Pères éminents est de telle sorte qu'on n'en peut attendre de plus grand en cette vie.

  A022000659 

 C'est là que je me suis appliqué d'abord aux belles-lettres, puis à toutes les parties [84] de la philosophie, avec d'autant plus de facilité et de fruit que ses toits, pour ainsi dire, et ses murailles semblent philosopher, tant elle est adonnée à la philosophie et à la théologie..

  A022000659 

 Mais aujourd'hui, hélas, quel changement! Cette école de Paris, mère illustre des lettres, est désolée par les terreurs de la guerre et, à première vue (que Dieu écarte ce malheur!), est sous la menace de devenir déserte.

  A022000661 

 Ensuite, cette Université eut le très docte Otellio qui sait si bien assaisonner d'agrément la science la plus solide, qu'il semble, sachant «unir l'utilité à la douceur,» avoir «emporté tous les suffrages.» Un autre maître était le très excellent Castellano [87] dont l'enseignement, à mon avis, n'est si extraordinaire que parce que sa science est, comme son enseignement, en dehors et au-dessus de l'ordre et de l'intelligence ordinaires.

  A022000662 

 Grâce à presque tous ces maîtres, Pères, tout ce que je possède de science civile est dérivé de votre Collège jusqu'à moi, et vous l'avez jugée telle que, par votre sentence, vous l'avez déclarée suffisante pour m'acquérir la couronne de laurier, et cette sentence [88] devient un jugement définitif.

  A022000662 

 J'ai donc reçu deux bienfaits de cette école, et je ne sais quel est le plus grand, mais je n'ignore pas que tous deux sont très grands; c'est à savoir, que je suis docteur et que j'ai eu le moyen de le devenir..

  A022000664 

 O Loi éternelle, Règle de toutes lois, donnez-moi pour loi le chemin de vos justifications au milieu de mon cœur; car, bienheureux est celui que vous avez instruit, Seigneur, et à qui vous avez enseigné votre loi.

  A022000680 

 1591 Venetiis navem ingressi, prima noctis hora ventis vela dedissemus perincommoda navigatione, minime tamen periculosa (quod Dei est beneficium), 18 ejusdem mensis, qui dies S. Lucae sacer erat, primo diluculo Anconam appulimus.

  A022000682 

 max., ut ejus diu desideratis auspiciis, universa toto orbe, Catholica Ecclesia, maxime vero Gallicana, eam experiatur tranquillitatem quae ad bene beateque vivendum ita conferat, ut populi Catholici, de manu inimiconim suorum liberati, in sanctitate et justitia coram ipso, serviant illi omnibus diebus vitae suae, «cui servire regnare est,» et gens et regnum quse illi non servierit peribit..

  A022000696 

 Comme le 8 octobre 1591, nous étant embarqués à Venise à la première heure de nuit, nous avions mis à la voile, le 18 du même mois, jour consacré à saint Luc, après une navigation très pénible, d'ailleurs nullement périlleuse (ce qui est un bienfait de Dieu), nous abordions dès l'aurore à Ancône.

  A022000697 

 C'est pourquoi, obligés de retourner, au port de Césène nous apprîmes, au milieu des applaudissements universels, bien que la nouvelle ne fut pas encore certaine, l'élection au souverain Pontificat, du Cardinal des Quatre-Couronnés, ou Facchinetti, bolonais.

  A022000697 

 Ce qui surtout rendit incommode et périlleux notre voyage à Rome par le territoire d'Ancône, c'est que le Souverain Pontife Grégoire XIV, longtemps victime d'une longue et dangereuse maladie, avait dit adieu à la vie; nouvelle que nous apprîmes d'abord par un rapport certain au moment même où nous entrions à Ancône.

  A022000698 

 Fasse le Dieu très bon et très grand que, sous ses auspices pour longtemps désirés, l'Eglise catholique universelle, et surtout celle de France, éprouve cette tranquilité qui lui permette de vivre si bien et si heureusement, que les peuples catholiques, délivrés du bras de leurs ennemis, puissent, da ns la sainteté et la justice, servir tous les jours de leur vie Celui «à qui servir c'est régner».

  A022000700 

 A ce moment, reprenant la course que j'avais commencée de faire précédemment à travers tous les Titres du Droit, je suis tombé [95] sur celui qui est mentionné plus haut: Des créances et du serment.

  A022000721 

 Or, elle n'est pas obligée, même pour son fils, le Sénatusconsulte Velléien ne lui permettant pas de s'obliger; Loi III. Elle n'en reçoit pas non plus de secours quand elle promet de doter sa fille; Loi XII. C'est cette Loi que, par voie de tirage au sort, m'attribua pour mon examen solennel le Collège de Padoue, en cette année, le 5 septembre, messire Quarantotto étant Prieur..

  A022000728 

 Ces quelques notes sont prises parmi les nombreuses matières traitées dans tout le Titre; c'est pourquoi il sera très utile de le lire et relire, à cause du sujet si particulier et d'une application si fréquente.

  A022000728 

 MAIS IL FAUT ECRIRE EN LETTRES MAJUSCULES CE QUI EST DIT DANS LA 1 re Loi: «DANS CES CHOSES MEMES OU NOUS INTRODUISONS UNE REFORME DES MŒURS, NOUS NE DEVONS PAS TENIR COMPTE DE LA QUESTION D'ARGENT.» L'observation de cette Loi n'est pas d'une nécessité urgente aujourd'hui, car les usuriers et les prêteurs à gages les plus sordides, lorsqu'ils ont réduit à l'indigence une province jusqu'alors intacte, s'ils se laissent saisir, tous leurs biens reviennent au fisc; pour quelle raison, je l'ignore, car ces biens ne sont pas ceux des usuriers, mais ceux des débiteurs pauvres.

  A022000738 

 Quod fecerat optima et charissima mater erga me, dum solum me et unicum haberet filium; postea tamen revocata est hujusmodi donatio, non ulla materni amoris remissione, sed fratrum, quibus Deus benedicat, accessione: quos ut non mihi sic nec me illis praeferre, communis et prudentissima parens judicavit..

  A022000746 

 Lex ultima est lex ea «benefica», quam vocant; qua jus inventarii conficiendi continetur, ne haeres ultra vires haereditarias teneatur.

  A022000746 

 Qua amplissima Lege inventarii conficiendi modus praescribitur, tempus, ratio et caetera; quare ea est videnda in suo fonte.

  A022000762 

 C'est ce qu'avait fait pour moi ma très bonne et très chère mère lorsqu'elle n'avait encore que moi comme seul et unique fils; dans la suite, pourtant, cette donation fut révoquée, non par une diminution de son amour maternel, mais parce qu'il m'était survenu des frères, que Dieu bénisse: notre commune et très sage mère a jugé que, de même qu'elle ne les préférait pas à moi, ainsi elle ne me préférait pas à eux..

  A022000767 

 Cette Loi très importante prescrit la façon de procéder à l'inventaire, le moment, la méthode, etc.; c'est pourquoi il faut la voir à sa source.

  A022000767 

 La dernière Loi est celle que l'on appelle «bienfaisante».

  A022000770 

 EST INSCRIT HERITIER EST ADMIS A LA POSSESSION.

  A022000803 

 Combattre l'ennemy spirituel et mortifier ses inclinations n'est autre que les rejetter et n'en fayre nomplus d'estat que si elles estoit ( sic ) mortes ou n'estoit poinct; a quoy chascun doit mettre grand peyne, nostre nature estant tellement corrompue qu'elle nous va quasi tous-jours mouvant au mal fayre en toutes sortes de vacations que nous puyssions suyvre; et partant, chascun la doit vaillamment combattre et mortifier ses mouvemens..

  A022000820 

 Amor meus furor meus! Mon amour est toute ma fureur.

  A022000821 

 Est ce l'amour ou la fureur.

  A022000842 

 Plus claire mille fois que n'est le beau soleil.

  A022000846 

 Mais, si tel est le cors, combien est plus luysante.

  A022000871 

 Que ton cors est [en] ce lieu..

  A022000873 

 N'est frivole,.

  A022000921 

 Tu n'y seras seul; Dieu y est.

  A022000927 

 Ou tu verras Celle qui est.

  A022000929 

 N'oseroit on dire qui c'est..

  A022000948 

 Il ne portera point a ses piedz d'escarpins avec les mules ou galoches, tant parce que cela ressent la vanité du monde, que parce qu'il est defendu par les Statutz de son Eglise..

  A022000953 

 Ilz seront habillés a la Romaine, s'il se peut faire, avec toute sorte de modestie, ou bien comme les prestres du Seminaire de Milan, parce que ceste sorte d'habillement couste moins et est plus commode.

  A022000955 

 Deux chambres seront tapissees: une pour les estrangers et l'autre pour recevoir les affayres, c'est a sçavoir la salle..

  A022000956 

 C'est une trop grande audace aux serviteurs d'un Prelat de mespriser les ecclesiastiques inferieurs: tous ceux qui serviront l'Evesque de Geneve seront advertis et accoustumés de traitter honnestement avec tous, mays principalement avec les prestres.

  A022000959 

 Le jour de la feste, le Dimanche dans l'octave et le jour de l'octave il fera la Benediction dans l'eglise des Religieuses de Sainte Claire, tant affin de les consoler, que parce que ceste eglise est coustumierement toute pleyne de peuple, et que c'est la derniere Benediction qui se fait en la ville..

  A022000963 

 Il recitera ordinairement l'Office debout ou a genoux: Matines et Laudes sur le soir, apres la lecture de devotion; Prime, Tierce, Sexte et None entre six et sept heures de matin, c'est a sçavoir apres la meditation; Vespres et Complies devant souper, et le Chapelet apres Vespres, avec les meditations, d'autant qu'il est obligé par vœu de le reciter.

  A022000968 

 Si toutesfois il y avoit esperance de retirer le peuple de ceste dissolution par quelque notable exercice (dont il sera parlé es articles de la republique), alhors il faudra choysir pour ceste recollection quelqu'une des semaynes qui sont entre Pasques et Pentecoste, affin que l'Esprit de Dieu que l'on y aura acquis, opere le bien de ces festes solemnelles et Octave du tressaint Sacrement; pour ce encor, qu'alhors on est moins pressé d'affaires, et que la sayson est fort propre pour la purgation de l'ame aussi bien que du cors, voyre que la [125] purgation du cors pourra servir de praetexte a la purgation de l'ame..

  A022000979 

 C'est pourquoy je finis mon occupation avec un grand desir de m'advancer en ceste pretieuse dilection.

  A022000981 

 C'est en ceste retraitte ou on [126] regarde le Ciel de bien pres et ou on trouve la terre bien esloignee de ses yeux et de son goust; et lhors que les saintes ames qui sont engagees pour le publiq ne peuvent jouir de ceste felicité, elles font un cabinet dans leur cœur, ou elles vont estudier la loy de leur Maistre et la reçoivent de sa propre main.

  A022000981 

 C'est par la prattique de cest exercice que nous apprenons si nous advançons a la vertu; en un mot, c'est en ce tems et en ce lieu ou l'on prend les saintes et solides resolutions de vivre selon les lois de la veritable et eternelle sagesse..

  A022000981 

 De plus, en ceste montaigne, qui est si eslevee qu'on n'y entend point le bruict des creatures, on gouste, comme dit le Prophete, que Dieu est doux et suave.

  A022000990 

 Que si, en ce tems-la, ladite sainte religion ny est pas restablie, j'ordonne que mon cors soit enterré au milieu de la nef de l'eglise de la Visitation que j'ay consacree en cette ville; sinon que je mourusse hors de mon diocaese, auquel cas je laisse le choix de ma sepulture a ceux qui lors seront aupres de moy, a ma suite.

  A022001003 

 La carte ci incluse et tout ce qui est en icelle escrit, est mon testament; et, ainsy quil est contenu, je legue, donne, institue et teste.

  A022001006 

 Nous soubsignés, certifions a tous quil appertiendra, que nous avons estés priés, appellés et requis de Monseigneur le Reverendissime François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, de signer et sceller cette carte qui est son testament solemnel et par escrit..

  A022001023 

 Nous Philibert Roges, docteur en theologie, Chanœnne de Geneve, Vicayre et Officiai substitut de l'Eveché de Geneve, certifions a tous qu'il appartiendra, qu'en l'an et jour et lieu sus escript, a comparu par devant nous Monseigneur le Reverendissime FRANÇOYS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve, lequel, en presence des tesmoins sus nommés et signés, nous a dict et declaré avoir faict son testement et ordonnance de derniere volonté, comm'ell'est dans la presente carte escripte de sa main et soubsigné, comm' il nous a declayré en presence desdits tesmoins, vouliant et entendant que sadite volonté escripte en cette ditte carte sorte son plain et entier effaict a l'advenir, par tous meilleurs moiens qui se peuvent faire, de droict et de coustume; priant lesdits tesmoins vouloir estre recors par cy appres, si besoingt est, de ladite declaration par luy faicte, nous requerant de mesme luy vouloir octroier acte de ses requisions ( sic ): ce que luy avons accordé..

  A022001035 

 Que si en ce tems laditte sainte religion n'y est pas restablie, Nous ordonnons que nos cors soyent enterrés au milieu de la nef de l'eglise de la Visitation (que Nous, Evesque de Geneve, avons consacree en cette ville); [134] sinon que nous mourussions hors du diocese, auquel cas Nous laissons le choix de nostre sepulture a ceux qui pour lhors seront aupres de Nous, a nostre suitte..

  A022001040 

 Lesquelz legatz Nous ordonnons estre payés une annee apres le deces du dernier mourant de Nous deux, et les deux cens florins de nostre frere le Chevalier tous les ans, par semblable jour que le dernier de Nous mourra; sauf que, quant au payement desditz deux mille escus legués a nos neveux, il sera loysible au sieur Baron de Thorens, nostre frere et heritier, d'en faire payement par la cession et transport de semblable somme qui luy est deuë et qui luy doit estre payee apres la mort du seigneur Baron de Cusy son beaupere; laquelle cession lesditz legataires seront tenus d'accepter pour payement, leur maintenant ledit sieur Baron de Thorens semblable somme luy estre bien deuë et exigeable, ou autrement il demeurera chargé dudit legat..

  A022001041 

 Voulans et entendans que nos biens soyent conservés, et parviennent entierement et sans detraction de trebellianique, que Nous prohibons, aux enfans masles qui descendront par loyal mariage de nostre dit [137] frere heritier jusques a l'infini, preferant tous-jours l'aisné d'iceux pour le tout; esperans que nostre dit frere fera semblable disposition pour ce qui est a son pouvoir, pour la conservation de nostre famille; et ainsy Nous substituons vulgairement et par fidecommis perpetuel, pour la faveur du masle aisné descendant de nostre dit frere heritier.

  A022001043 

 Si avons prié les tesmoins signés sur le repli de cette carte, de porter tesmoignage que son contenu est nostre derniere volonté..

  A022001053 

 Le balliage de Thonon est environ de cinq lieuës de long et quattre de large.

  A022001054 

 Et de personnes, il n'y en est demeuré de [140] catholiques qu'environ 80, dont il y en a cinquante, ou environ, en la ville de Thonon; le reste, espars ça et la.

  A022001054 

 Plusieurs eglises y furent reconciliees, et plusieurs personnes aussy, quand Son Altesse y fut au commencement des guerres; mays despuis, tous les lieux y ont estes pillés et violés par l'ennemy, et les personnes retombees en l'erreur par crainte: si qu'en tout le balliage il n'y a qu'un autel, tout nud et sans aucune commodité pour y celebrer, qui est en la paroisse des Alinges.

  A022001054 

 Tout le reste est haeretique, laissant a part le fort des Alinges, ou les soldatz sont la pluspart catholiques..

  A022001057 

 Et ce qui a empesché le bon succes de l'entreprise a esté, en partie, la crainte que les habitans ont que Geneve et Berne ne les maltraitte en cas de romp[ement] de trefves, s'ilz prestoyent l'oreille aux Catholiques; qui a faict qu'ilz ne sont du tout point venuz aux [142] sermons, si ce n'est deux ou trois fois que quattre ou cinq y ont assisté.

  A022001058 

 Et quant aux villageois, ilz protestent ordinairement n'avoir point d'autre regle pour leur religion que la volonté du Prince, qui est, ce disent ilz, plus entendu qu'eux..

  A022001075 

 Or, pour trouver tant de revenu, il est expedient que messieurs les Chevaliers de Saint Lazare et autres qui y tiennent les revenuz d'Eglise, se contentent de payer ces sommes par forme de pension, attendant qu'autrement soit prouveu et que tous les benefices curés soyent laissés a cest effect.

  A022001081 

 Or, ne s'estant delivré de ladicte somme que 12 couppes ou environ, il s'en est ensuivy: premierement, que les habitans n'ont pas voulu croire que lesdits praedicateurs fussent la au sceu de Leurs Altesses, ne voyant point d'entretenement pour eux; secondement, que ces deux se sont reduitz a un, de peur de charger trop les particuliers qui avançoyent les frais.

  A022001086 

 Quattriesmement: mais avant toutes choses, faut payer ce qui s'y [est] frayé jusqu'a present: 200 ˅.

  A022001107 

 Monseigneur, Vostre Altesse voit bien ce que je veux dire et ce qu'il faut faire: il est necessaire de prendre de ces fruicts pour nourrir les curez et predicateurs, et pour restaurer les eglises ruinées; car, quel moyen autrement? Vous avez en cela la souveraine puissance et authorité, comme Grand Maistre de ceste Milice..

  A022001108 

 Et Vostre Altesse, selon sa pieté, ne permettra point que tous ces desseins et tous ces efforts soyent en vain; mais plustost, puis qu'elle s'est des-ja acquise la grandeur par la pieté mesme, elle preferera ceste victoire qu'elle peut Remporter sur la cruauté de l'heresie à toutes les autres qui sont preparées à sa vertu.

  A022001108 

 Et tel est l'estat de vostre Chablais, Monseigneur: quand je diray que c'est une province ruinée, je ne mentiray pas.

  A022001108 

 ce n'est pas trop grand cas des autres; mais je prie Dieu qu'il nous baille une meilleure fortune.

  A022001115 

 Ces années passées, Monseigneur, que Vostre Altesse [158] estoit venuë en Savoye pour faire la guerre aux huguenots, selon son zele à la religion catholique, elle avoit déclaré par lettres patentes que sa volonté estoit que tous les biens d'Eglise fussent restituez, specialement à l'Eglise cathedrale de Geneve, qui est des principales de vos Estats, et, entre les principales, la plus illustre et plus ancienne; et ceste volonté vostre a esté enterinée par vos cours souveraines du Senat et de [159] la Chambre des Comptes de Savoye.

  A022001116 

 Privez de tout secours humain et chassez de leur cité comme des larrons, ils sont contraincts de celebrer leurs Offices dans une eglise mendiée, que toutesfois ils font si bien, par la grace de Dieu, qu'il n'y a point d'eglise en l'Europe (et que cecy soit dit sans envie) où les divins Offices soyent celebrez avec plus de solemnité, ayant esgard à leur pauvreté, qui est presque extreme..

  A022001118 

 Toutesfois, la souveraine Chambre des Comptes a jugé que pour ces graines ainsi enlevées on devoit au Chapitre plus de deux mille et six cens florins: c'est pourquoy, Monseigneur, Vostre Altesse est tres-humblement suppliée de vouloir ratifier les volontez des Souverains Pontifes; et, pour le payement de ces deux mille et six cens florins, s'il luy plaisoit de faire faire des habits à l'usage de l'Eglise, elle imiteroit glorieusement la pieté et liberalité de ses serenissimes ancestres, specialement de ce tres-sage prince Amedée, Duc premier, lequel, apres avoir cedé la Papauté pour la tranquillité de tout le Christianisme, se contenta de demeurer Evesque de Geneve, et mourut sous l'auguste mittre de ceste Eglise..

  A022001122 

 Pour introduire entierement la tres sainte religion catholique en Chablaix, il est grandement necessaire de prier Son Altesse Serenissime qu'elle remette tous les benefices curés qui ont esté possedés jusques a present par les Chevaliers des Saintz Maurice et Lazare, aux pasteurs qui ont esté et qui seront establis par l'Evesque de Geneve, affin que les exercices et Offices sacrés y soyent deuement observés, les Sacremens administrés aux peuples..

  A022001123 

 Et ainsy ce seroit une bonne forteresse de laquelle on combattroit vaillamment, comme a l'opposite, contre les insolentes attaques de Geneve et de Lausanne: car la ville de Thonon est entre l'une et l'autre, de sorte que, s'il y avoit un soldat qui peust jouer de la droitte et de la gauche, il combattroit facilement l'une et l'autre; outre qu'elle n'est pas beaucoup esloignee de la forteresse des Alinges, suffisante pour soustenir le siege d'une armee royale, affin qu'en cas de necessité elle peust servir de refuge aux Peres.

  A022001127 

 Et parce que les Genevoys ont si souvent dit par cy devant qu'ilz vouloyent conferer avec les theologiens catholiques, quoy qu'ilz semblent d'avoir manqué de courage, neanmoins il faut les contraindre a ce faire; et pour ce, escrire au ministre Perrot qu'il fasse avoir la response dont il s'est chargé.

  A022001144 

 Perché alcune persone virtuose, tocche dalla misericordia d'Iddio, sonno con humil pentimento ritornate a lui, et lasciate le tenebre della haeresia calviniana sonno venute alla vera luce di Christo Jesù, nostro vero Sole, et per mezzo nostro, in virtù della authorità che [168] ci è stata concessa della ( sic ) Santa Sede Apostolica, sonno stati ricevuti et abbracciati nell' osculo di pace dalla santa Chiesa Catholica, Apostolica, Romana: desiderando sommamente che vengano molti a simile pœnitentia, habbiam inteso con gran maraviglia che moltissimi sonno trattenuti nell' error con questo falso timor et vana paura, di non esser sicuri fra' Catholici delle loro vite et persone, non ostante le absolutioni fatte dall' authorità della Sede Apostolica, con dire che nella Chiesa Romana si adopra questa regola, cioè: Haereticis non est servanda fides; inventione veramente [169] diabolica per impedir l'anime di volar a Christo..

  A022001157 

 En l'Eglise Romaine, dit-on, la règle en usage est celle-ci: Avec les hérétiques, on n'est pas tenu à garder [169] sa parole; invention vraiment diabolique pour empêcher les âmes de s'élancer vers le Christ..

  A022001158 

 C'est pourquoi, à la prière des personnes susdites, nous avons fait la présente, afin d'assurer chacun du plus ample pardon Apostolique et de la sécurité qu'il obtiendra lorsqu'il abandonnera l'hérésie non seulement de Calvin, mais de tout autre fauteur.

  A022001158 

 Nous lui donnons l'assurance que, revenant au vrai bercail du Christ, il sera reçu et traité avec bonté, et qu'avec une loyauté parfaite, il sera, comme il est dit ci-dessus, affranchi et libéré de toute peine infligée pour cause d'hérésie et aux hérétiques par n'importe quel juge ecclésiastique ou séculier..

  A022001189 

 Il y a Edict dressé pour interdire, tant en general qu'en particulier, la pretenduë religion, la publication duquel se pourra faire dans sept ou huict jours, dont est donné charge au Juge mage; lequel aura lieu encores pour n'aller hors de nos Estats a l'exercice d'icelle, deffendant a toutes personnes, de quelque qualité qu'elles soyent, de n'absenter le pays, ny transporter ou faire transporter leurs biens directement ou indirectement, a peine de confiscation de corps et de biens; et a mesmes peines est enjoinct a ceux qui auront absenté, de retourner dans huict jours apres..

  A022001191 

 Pour le premier chef, il est respondu comme en l'article precedent.

  A022001191 

 Quant a l'autre, qui est de ne divertir les personnes de la religion Catholique directement ni indirectement, Son Altesse en charge et enjoinct aux officiers de chastier exemplairement ceux qui feront le contraire..

  A022001203 

 C'est l'expresse intention de S. A. Pour ce, Elle ordonne au Juge mage et Procureur fiscal de faire defence en particulier a ceux qu'il sera de besoing, de ne s'ingerer d'aucuns offices et charges, directement ou indirectement, pendant qu'ils demeureront en la pretendue religion..

  A022001207 

 Il est accordé..

  A022001211 

 Se fera la reddition des comptes desdicts bleds des aumosnes de trois en trois mois, en presence du seigneur Reverendissime Evesque de Geneve, ou de son Official; present le Juge mage, ou Procureur fiscal, appeliez les deux syndiques de Tonon; auquel Juge mage est mandé de faire observer ce qui sera resolu, nonobstant opposition ou appellation, par ledict seigneur Evesque, tant pour le regard de la distribution desdictes aumosne, que pour reddition desdicts comptes de ce qui est escheu pour le passé et n'a esté distribué par les fermiers, que pour les aumosnes du temps a venir.

  A022001212 

 Que les cloches qui sont aux Alinges seront restituees aux eglises ausquelles elles appartiendront; et le metail de celles de Thonon, Filly et autres, qui est audit lieu, sera remis au Reverendissime Evesque ou a ses deputés, pour estre employé a faire des cloches aux eglises de Thonon, ainsy qu'il verra estre plus expedient; le tout dans quinze jours..

  A022001215 

 Il est accordé, et sont remis tous les ecclesiastiques a la charge des habitans de la ville de Thonon et des parroisses, ausquelles l'on fera prester le serment..

  A022001248 

 C'est pourquoi, comme nombreux sont les curés si pauvres qu'ils sont contraints d'abandonner leurs enfants spirituels, on demande que l'Evêque puisse, chaque fois qu'il en sera prié, même en dehors de la visite générale, leur assigner une portion congrue sur les dîmes, prémices et oblations de leurs paroisses, possédées par les Abbés, Prieurs et autres ecclésiastiques; et cela, nonobstant n'importe quelle opposition ou appel..

  A022001248 

 Mais ce n'est pas seulement la provision pour les théologaux qui est nécessaire; il faut aussi donner aux curés moyen de vivre et de desservir convenablement leurs paroisses, puisque ce sont eux qui portent le poids du jour et de la chaleur.

  A022001249 

 Parce que parmi les corps [ecclésiastiques] nécessaires à un diocèse, le Chapitre cathédral est un des principaux, [on représente] que les chanoines de la Cathédrale de Genève étant tous, [183] d'après leurs Statuts, ou docteurs, ou nobles, et leurs canonicats n'excédant pas soixante ducats, ils ne peuvent en aucune façon, en ces temps malheureux surtout, vivre avec bienséance, et selon leur qualité.

  A022001255 

 On demande cette permission à perpétuité, à causé des nombreux empêchements qu'on peut avoir de recourir à Rome, parfois même quand le besoin en est plus grand, comme maintenant; et d'autant plus que, jusqu'ici, les pouvoirs accordés à l'Evêque ont été, par la grâce de Dieu, employés heureusement et avec fruit..

  A022001257 

 Les Monastères de Savoie, d'hommes et de femmes, donnent à tous d'incroyables scandales par la mauvaise vie de ceux qui les habitent: c'est pourquoi, et parce que le mal est invétéré, on demande qu'un Prélat ultramontain, ou un autre des Etats de Savoie, comme mieux informé de ce qui est requis, reçoive commission de visiter tous les Monastères, assisté de deux Pères [187] Jésuites, Capucins ou autres, selon qu'il sera expédient; de les réformer et corriger de par l'autorité Apostolique, sans appel ni opposition quelconque; et cela d'autant plus que tel est le désir du Sérénissime Duc de Savoie qui, à cet effet, prêtera tout secours du bras séculier là où il sera nécessaire..

  A022001269 

 Supplicat Sanctitati Tuae humiliter, uti unionem illam relaxare et penitus abrogare dignetur, quo beneficia illa omnia, qusecumque tandem sint, curionibus, rectoribus, concionatoribus, reparationibus aliisque ad conservadam religionem sanctam necessariis oneribus applicentur [191], quandoquidem Serenissimus Allobrogum Dux, qui ejus Militiae Magnus Magister est, suum in eam rem consensum praebet, licentiam eidem Episcopo concedendo instituendi paraeciales rectores beneficiaque distribuendi, prout viderit necessarium esse, necnon tres validos concionatores e quovis Ordine seu Religione eligendi..

  A022001293 

 Exponit humillime: episcopalis mensae fructus adeo tenues sunt, ut vix ad decentem sustentationem, hoc misero prasertim tempore, sufficiant, quo magnis expensis eum onerari necesse est, eundo redeundoque ad ecclesiarum et altarium consecrationem benedictionemve..

  A022001302 

 Sunt et nonnulli quibus servitus est curandi per noctem, dum dominus dormit, ne ranse coaxent; quae quam indigna sint homine christiano nemo est qui non videat.

  A022001319 

 Le [191] Sérénissime Duc de Savoie, qui est le Grand-Maître de cet Ordre militaire, y donne son consentement, accordant audit Evêque pouvoir d'établir des curés dans les paroisses et de distribuer les bénéfices, selon qu'il le verra nécessaire, aussi bien que de choisir trois robustes prédicateurs, de quelque Ordre ou Religion qu'ils soient..

  A022001334 

 C'est pourquoi supplie Votre Sainteté qu'Elle daigne lui accorder permission de dispenser du quatrième degré de consanguinité ou d'affinité, et d'absoudre ceux qui jusqu'à ce jour, nonobstant ce quatrième degré, ont contracté mariage, avec le pouvoir de déclarer légitimes les enfants issus de ces unions, et cela au moins au for de la conscience; attendu qu'ils sont empêchés par leur pauvreté de recourir à Rome, et qu'ils sont contraints par la petitesse du lieu de contracter ensemble..

  A022001339 

 Et cette permission est demandée pour toujours, parce que lorsqu'elle est donnée pour un temps, quand celui-ci est écoulé et qu'on ne peut obtenir sur le champ une permission nouvelle, la plupart deviennent non seulement tièdes, mais encore froids et retournent à leur vomissement; ou bien, pendant qu'on attend cette permission ils meurent, non sans grand détriment pour leurs âmes.

  A022001353 

 C'est pourquoi supplie Votre Sainteté qu'il lui plaise donner permission de libérer ces hommes moyennant une somme d'argent, selon qu'il aura été convenu entre eux; et que ces sommes soient employées à l'évidente utilité de la mense épiscopale, ou que les fiefs de cette nature soient convertis en biens d'emphythéose..

  A022001358 

 C'est pourquoi supplie Votre Sainteté qu'Elle daigne donner commission à quelque Prélat, d'au-delà des monts, bien instruit de toutes choses, qui, avec deux Pères de la Société de Jésus, ou de l'Ordre des Capucins, s'adjoignant même, s'il en est besoin, l'aide [198] du bras séculier, ait le devoir et le pouvoir de visiter librement et absolument ces Monastères, de corriger les désobiéssants et de châtier les rebelles, selon qu'il le verra expédient au salut de leurs âmes et à la consolation du peuple, sans tenir compte d'aucun appel ou opposition quelconques; attendu que les Supérieurs de ces Monastères souffrent et endurent de tels désordres, puisqu'ils n'y apportent nul remède..

  A022001370 

 Verum, quia non habent quo decenter vivant, non enim quilibet eorum canonicatus sexaginta ducatorum est; Thononi autem erat antiquitus ecclesia cum conventu Ordinis Eremitarum Sancti Augustini, valoris annui centum nummorum circiter, unita Militiae Sanctorum Mauritii et Lazari a Gregorio, fcelicis recordationis, Papa decimo tertio, sub praetexta causa quod populus ille longe a convertione esset; conventus autem ille destructus, et ecclesia multas patitur ruinas, unde impossibile fere esset Fratribus illis restruere.

  A022001379 

 C'est pourquoi, pour affermir les convertis et réduire les autres, tant l'Evêque lui-même que les Prévôt et Chanoines ont décidé de se transporter en cette ville de Thonon, et là de travailler dans la vigne du Seigneur avec une activité si grande de leurs âmes, qu'en peu de temps des fleurs et des fruits puissent paraître..

  A022001379 

 Or, il est arrivé que les mois derniers, par la vertu du Saint-Esprit et par les prédications continuelles de la parole de Dieu qui ont été faites, presque tous ceux qui habitent les contrées du Chablais et de Ternier en Savoie, ont embrassé la sacrosainte foi catholique, [200] et surtout ceux qui habitent Thonon, ville principale de la province, avec soixante-quatre paroisses qui s'étendent tout à l'entour.

  A022001380 

 A Thonon, d'autre part, il y avait autrefois une église avec un couvent de l'Ordre des Ermites de Saint-Augustin, d'une valeur annuelle de cent écus environ, unie à l'Ordre militaire des saints Maurice et Lazare par le Pape Grégoire XIII, d'heureuse mémoire, sous prétexte que ce peuple était loin de la conversion; or, ce couvent est détruit et l'église souffre de ruines nombreuses, en sorte qu'il serait presque impossible à ces Frères de la rebâtir.

  A022001406 

 Malgré cela, il est obligé de soutenir de fortes dépenses pour se rendre en plusieurs lieux récemment convertis, où doivent se faire des consécrations.

  A022001407 

 Que s'ils meurent dans leur patrie, ils font tout ce qu'ils peuvent à leur mort et pendant leur vie, pour priver leur seigneur, à force de précautions et de fraudes, de l'héritage qui lui est dû; de là s'ensuivent mille inconvénients non seulement pour le temporel, mais aussi pour le spirituel.

  A022001408 

 Si donc Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime n'a pas encore reçu l'ordre requis pour cette affaire, Elle est suppliée de la [208] rappeler à M. le Cardinal, afin que l'Evêque jouisse des effets de la faveur accordée par le Saint-Siège..

  A022001409 

 On n'a pas répondu d'une manière absolue à cette requête, mais le décret en est demeuré en suspens.

  A022001409 

 [209] est permis de croire, cependant, que si Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime avait la bonté d'écrire en faveur de cet article, la concession d'une grâce si importante serait bien facilitée..

  A022001411 

 On pourrait plus facilement réussir en rappelant que Grégoire XIII, d'heureuse mémoire, à la requête du R. P. François Papard, Dominicain, prédicateur à Evian, ordonna que cette prébende lui fût payée; ce qui s'est fait jusqu'à présent, même après la mort du P. Papard, pour d'autres prédicateurs..

  A022001412 

 C'est pourquoi on supplie Votre Seigneurerie Illustrissime d'interposer son autorité, afin d'obtenir l'extension de cette faveur du Saint-Siège et des pouvoirs plus étendus, pour la consolation des âmes et pour leur aplanir le chemin de la pénitence.

  A022001422 

 Le Brief de nostre Saint Pere Clement huictiesme est en conformité de celuy de Gregoire treiziesme allegué par les supplians, auquel ledit Gregoire, prouvoyant au cas heureusement advenu en nos jours sous l'authorité de Son Altesse, baille les benefices des balliages a la Milice (comme inutiles alhors a leur naturel usage, qui estoit indubitablement le maintien des gens d'Eglise), avec ceste condition:.

  A022001425 

 Ceste clausule non minore est apposee en faveur de nostre cause..

  A022001427 

 Quinto: ad justum et competentem numerum; relictum est arbitrio Ordinariorum..

  A022001430 

 Auquel neanmoins il n'y a aucun point prejudiciable a la Milice plus qu'en la condition inseree en celuy de Gregoire, delaquelle il n'est qu'une declaration pour lever toutes occasions de douter..

  A022001431 

 Car, ce qu'il semble que la Milice trouve de dur au Brief posterieur, selon les parolles de leur Requeste, est:.

  A022001433 

 Mais cela n'est en aucune façon pretexte, car c'est une pure et sainte realité, a laquelle non seulement Clement, mais Gregoire prouvoit: Ita tamen..

  A022001436 

 En droict, c'est la production du Brief de Gregoire; mais le Pape l'insere presque tout en son Brief et n'ignoroit rien de ce qu'il contient, ayant procedé avec certaine science.

  A022001438 

 Et au reste, c'est un ordre du Concile de prendre les portions congrues sur tout..

  A022001462 

 Et bien que tout le revenu ecclesiastique de Chablaix qui est en estre et n'a esté aliené, malaysement peut suffire a ce quil seroit besoin faire en ce commencement, auquel on ne peut jamais faire que trop peu, si est ce que ledit Evesque, quand a ce qu'il luy touche, se contentera simplement de ce qui est necessairement [221] necessaire, layssant au surplus a la pieté de Vostre Altesse de prouvoir et au college des Jesuites, ja conclud et destiné par elle avec le Pere General de l'Ordre, et aux autres œuvres qui sont de telle importance qu'elle sçaura tres bien juger..

  A022001495 

 A la vérité, ledit Ouvrier est blessé lui-même, mais légèrement et sans danger de mort.

  A022001495 

 Cet excès, commis à cause d'une certaine débauchée, rend vacante la prébende de l'Ouvrier qui est la plus riche du monastère (il est vrai que le moine qui en est pourvu a en charge la fabrique de l'église).

  A022001495 

 Et bien que tous les Religieux vivent encore, néanmoins la veille de [223] la Toussaint il s'est produit parmi eux un fait qui, si je ne me trompe, nous ouvre la voie à cette union.

  A022001495 

 Le moine appelé, de son office, Ouvrier, blessa à coups de stylet et avec une masse d'arme deux gentilshommes de l'endroit et un autre pauvre homme; les coups furent tels et si nombreux que deux des trois blessés sont à l'article de la mort et l'autre est estropié.

  A022001495 

 Les prébendes de l'Eglise cathédrale consistent en distributions quotidiennes qui n'excèdent pas, une année dans l'autre, soixante écus; c'est pourquoi il serait nécessaire de joindre à la prébende théologale une prébende monacale du prieuré de Talloires.

  A022001496 

 La Collégiale d'Annecy est connue sous le nom de Notre-Dame de Liesse, Lætæ.

  A022001497 

 A Sixt, une prébende est vacante (il est vrai qu'on traitait d'y pourvoir); à Peillonnex, aucune ne vaque..

  A022001497 

 Cette localité, distante d'Annecy de plus d'une journée, est assez peuplée.

  A022001499 

 Elles sont de cent écus annuels, et la Règle de l'abbaye est celle des Chanoines réguliers, les mêmes que ceux de Tarentaise.

  A022001499 

 En effet, Grégoire XIII lui accorda une prébende, mais actuellement le théologal, Dominicain, n'est guère payé, et par suite ne peut y faire sa résidence.

  A022001500 

 A Rumilly aussi, quoi qu'il n'y ait, dans une même église, qu'un Curé, un Prieur, et un Religieux de l'Ordre de Cluny, toutefois, vu l'importance de cette localité, qui est proche de Genève et où Son Altesse réside quelquefois, il serait très avantageux d'y entretenir un théologal avec une prébende d'Hautecombe, de l'Ordre de Cîteaux, et un prieuré rural de l'Ordre de Cluny, voisin de la ville, appelé prieuré de l'Aumône; celui-ci, avec la prébende d'Hautecombe, pourra monter à cent vingt écus annuels..

  A022001501 

 A Seyssel, un théologal est encore très nécessaire, car la ville étant sur le Rhône, il y a là un concours de marchands qui, de Genève et d'Allemagne, transportent leurs marchandises à Lyon; c'est donc un lieu de passage pour les hérétiques et pour les catholiques.

  A022001501 

 On y trouve deux prieurés, dont l'un rural, de l'Ordre de [228] Saint-Benoît, fut anciennement uni au Chapitre cathédral de Genève; c'est là que demeure le curé avec quelques vicaires; l'autre appartient aux Frères Ermites de Saint-Augustin.

  A022001505 

 Et lors même qu'ils s'en soucieraient, je pense qu'on ne devrait guère s'inquiéter de leurs prétentions; il suffit que leurs prébendes soient appliquées à la plus grande gloire de Dieu; car, pour ce qui est de la majorité, ils donnent de tels scandales qu'il faudrait mille prédicateurs pour restaurer ce qu'ils détruisent.

  A022001505 

 Leurs abbayes sont situées en des lieux inhabités, sauf Talloires qui est une bourgade peu éloignée d'Annecy; de sorte que, quand même ils auraient parmi eux des théologaux (et ils sont loin de les avoir), si une autre réforme n'intervient, ils seront toujours de peu d'utilité aux populations..

  A022001506 

 Son Altesse Sérénissime m'a dit qu'aussitôt son retour de France, [231] elle écrira à Rome pour la réforme de ces Monastères; et vraiment, la chose est indispensable, car sous prétexte de leurs exemptions et privilèges, les Religieux ne respectent ni Dieu ni les hommes.

  A022001524 

 Et parce que la pieté, l'equité et la justice requerans que, a l'advenir, ledit exercice catholique soit continué, et par consequent les prestres entretenuz, Son Altesse est suppliee en toute humilité de faire poser ce payement au bilan, pour cette annee et les suivantes, comme encor pour les arrerages................................................................................................

  A022001562 

 Il est vrai qu'ils désirent voir leur religion s'étendre et se conserver; mais ce désir n'est pas digne de considération, puisque, au contraire, les Bernois eux-mêmes qui savent combien vivement Sa Majesté souhaite la propagation de la foi catholique, l'entravent néanmoins, et tâchent de faire surgir des obstacles non seulement parmi leurs sujets, mais encore parmi les sujets des autres.

  A022001562 

 Les Bernois et Genevois n'ont rien à voir en cette affaire, car Sa Majesté n'est pas obligée de contraindre les sujets de la Couronne à vivre de la même manière qu'eux.

  A022001563 

 Quant à la seconde chose qu'on demande, c'est-à-dire, que les biens de l'Eglise soient restitués, il peut y avoir plus ou moins de [244] difficulté, suivant l'état où ils se trouvent.

  A022001563 

 Quelques-uns ont été vendus et aliénés par les Bernois: la restitution de ceux-ci serait bien difficile, parce qu'en les vendant, ils ont promis d'en maintenir la possession à ceux qui les ont achetés; aussi la seule requête qu'on fait au sujet de ces revenus, c'est qu'on puisse les recouvrer en faveur de l'Eglise quand les ecclésiastiques seront en mesure de payer en argent le prix exact donné aux Bernois..

  A022001564 

 C'est pourquoi, bien que ces revenus soient dans le pays de Gex, on n'en espère rien, sinon par la Providence de Dieu..

  A022001566 

 D'autres enfin sont aussi sous la juridiction de Sa Majesté, mais détenus par la prétendue République de Genève; ceux-ci appartiennent principalment à l'Eglise cathédrale, au Chapitre et [246] à la chapelle dite des Machabées qui est unie à la même Cathédrale.

  A022001567 

 De plus, puisqu'Elle a déclaré vouloir que son Edit fût observé dans les pays récemment unis en ce qui est favorable à l'hérésie, il semble que, réciproquement, Elle doive le faire observer en ce qui est favorable à l'Eglise.

  A022001578 

 Le tout a la forme de l'Edit public a Paris le 25 febvrier 1599, lequel le suppliant requiert tres humblement estre observé pour la conservation des droitz de l'Eglise audit balliage de Gex, puisqu'il est maintenant uni a la royale couronne de Vostre Majesté, et que l'ors mesme que l'Edit sus mentionné.

  A022001578 

 fut publié, il estoit des-ja reduit sous son obeissance, tenu, administré et possedé au nom d'icelle; et qu'Elle mesme a declairé estre de son bon playsir «que l'Edit soit observé es pais eschangés,» selon sa forme et teneur, touchant l'establissement «de la religion praetendue reformee»: dont on peut conclure que son intention est que le mesme Edit soit aussi gardé selon sa forme et teneur, et reciproquement, en ce qui concerne le restablissement de la religion et Eglise Catholique..

  A022001579 

 Et en particulier, le mesme Seigneur Duc restablit au balliage de Gex, dont il est question, la religion Catholique l'an 1590, rendant les benefices aux ecclesiastiques, bien que, par la misere de la continuation des guerres, ledit restablissement dura fort peu et fut rendu presque inutile..

  A022001596 

 Si que il ne demeure aucune rayson aux detenteurs et occupateurs des eglises et benefices dudit balliage de Gex, pour laquelle ilz ne doivent subir l'equité et justice portee dans l'Edit sus mentionné, touchant le restablissement de la religion et restitution des biens ecclesiastiques: qui est ce que le suppliant et son Clergé requiert tres humblement, avec deputation de commissaires pour l'entiere et totale execution de l'Edit touchant ce chef..

  A022001624 

 L'une est que l'exercice de la religion Catholique soit restably en tous les lieux dudit balliage ou il estoit avant les troubles survenuz par le schisme et division de religion; et ce, selon les termes et teneur de l'Edit.

  A022001625 

 En quoy il est besoin de distinguer les divers estatz esquelz lesditz biens ecclesiastiques se retrouvent maintenant; car la difficulté sera, de mesme, diverse et differente.

  A022001625 

 L'autre demande est que les biens ecclesiastiques soyent restitués selon le mesme Edit.

  A022001627 

 Et pour ceux cy, attendu qu'ilz sont occupés sans autre tiltre que de pure usurpation, Sa Majesté est suppliee d'en faire justice.

  A022001635 

 De façon que le dernier Edit du Roy, de l'annee 99, fait sur les Editz praecedens, doit estre observé aussi exactement audit balliage de Gex quil l'est en tout ce royaume..

  A022001637 

 C'est pourquoy l'Evesque de Geneve a esté contraint d'avoir recours a la justice et pieté du Roy, pour l'execution du surplus..

  A022001638 

 Et par [ce] que quelques uns de Messieurs du Conseil ont objecté que ledit balliage de Gex estant au Duc de Savoye il ni auroit pourtant pas restabli l'exercice de la religion Catholique, l'on respond que la verité est telle; mays il faut entendre pourquoy:.

  A022001640 

 Est aussi a considerer que le Roy tient le baillage de Gex a pareilles conditions que le Duc de Savoye tient les autres baillages qui confinent les Bernois, ou le Duc de Savoye a restabli l'exercice de la religion Catholique sen ( sic ) que les Bernois s'en soyent offencéz, non plus que de l'ordre que le Duc de Savoye a mis aux biens ecclesiastiques desdits baillages qui est tel, que il a permis aux ecclesiastiques de rachepter ce qui en a esté aliené par les Bernois, selon la forme du droit.

  A022001640 

 Quant a ce qui estoit occupé par les ministres, il l'a entierement remis aux ecclesiastiques; et pour le regard de ce qui est occupé par ceux de Geneve, il en a renvoyé la connoissance a sa Justice ordinaire.

  A022001641 

 Mays la difference qui est entre le Roy et le Duc de Savoye fait aussi esperer beaucoup plus de grace aux ecclesiastiques qui seront installés au balliage de Gex, que le Duc de Savoye n'a osé ouctroyer a ceux qui sont maintenant aux balliages susdits; en quoy ilz se treuvent bien fondés, tant pour la grandeur de Sa Majesté tres chrestienne, que pour ce quilz esperent estre compris au nombre de tous les autres ecclesiastiques de France qui ont esté remis en l'entiere jouissance de tous et chascuns leurs biens, droitz et privileges..

  A022001664 

 Expose humblement Messire François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, comme du dernier novembre 1601, suyvant le bon playsir de Sa Majesté, il avoit esté, par monsieur le Baron de Lux, mis en possession, saysie et jouissance tant de l'eglise Saint Pierre de Gex que des maysons presbiterales et biens dependans du doyenné et [272] cure de laditte eglise, comme plus a plein est contenu par ledit establissement sur ce fait lesditz an et jour, duquel il est prest faire apparoir..

  A022001665 

 Or est il que le ministre, qui pour lhors habitoit en la mayson de la cure, auroit continué, tant luy que autres ses successeurs, la possession de laditte mayson et d'un jardin au derriere d'icelle situé.

  A022001679 

 Il auroit esté limité lieu joignant au cimetiere, pour la sepulture des cors mortz de ceux de la pretendue religion reformee dudit Gex; ce neanmoins, se seroyent de leur authorité absolue et sans aucun pouvoir, du moins qui luy ayt apparu, saysis et emparés du cimetiere de [274] laditte eglise, et illec sousterré lesditz cors mortz: chose qui est directement contrevenante audit establissement, et par consequent a la volonté de Sa Majesté.

  A022001679 

 Qu'est la cause qu'il requiert playse a vous, Monsieur, en ensuyvant la portee de vostre commission de saditte Majesté, le reintegrer de plus fort en la jouissance et possession du susdit cimetiere, par les susnommés indeuement occupé, avec inhibition et defense tres expresses de par ci apres ne commettre semblables abus, sous peyne d'estre punis selon la rigueur des ordonnances, comme vrays perturbateurs du repos publiq, et sous autres peynes qu'il vous plaira leur imposer: et sur ce, luy prouvoir et faire justice..

  A022001694 

 Supplie humblement Messire François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, disant que son evesché, quy estoit aultrefois tout enclos dans les Estatz de l'Altesse de Monseigneur le Duc de Savoye, sauf ce qui est detenu et usurpé par les heretiques, se treuve maintenant, et despuis la paix de Lyon de l'an mil six centz et ung, en partie riere les terres de Sa Majesté: a [276] sçavoir, tout le pays de Verromey, une partie du Bieugey et toutte la terre et baronnie de Gex, que sont envyron soixante parroysses; dont quelques unes, qui sont en laditte terre de Gex, ont obtenu naguieres, par la grace et bonté de Dieu et du Roy, l'exercice de nostre saincte foy et religion Chatollique, demeurant neanlmoins le seul exercice de la religion pretendue en tout le reste dudit pays de Gex, ou, pour ceste cause, plusieurs ministres, faisantz leur ministere a l'acoustumee, jouissent des revenuz ecclesiastiques et font jornellement mille traverses aux pauvres Chatoliques et aux curés que le sieur suppliant y a establis..

  A022001695 

 De sorte que le sieur suppliant est contrainct bien souvent de [277] se porter pour appellant par devant la court de Dijon, et recourir en oultre, pour diverses occations, tant a monsieur le Grand, gouverneur de Bourgoingne, de Bresse, Beugey, Verromey et Gex, qu'a monsieur le Baron de Lux, lieutenant du Roy au dit gouvernement, comme encores, par foys, a Sa Majesté; non sans beaucoup de difficulté et de despens, tant pour ne pouvoir ledit sieur suppliant abandonner son evesché, qui n'est que trop pleyne d'affaires, pour fere les poursuittes qui seroyent necessaire ( sic ) a faire pres de sadite Majesté pour obtenir une finale resolution sur lesdites difficultés, qu'aussy pour les vives solicitations que font continuellement au contraire les scindicques et deputés de ladite pretendue religion demeurantz ordynairement en cour.

  A022001695 

 Par le moyen de quoy, l'avancement de nostre saincte religion et de l'exercice d'icelle est beaucoup retardé, [278] au grand scandalle et prejudice des pauvres convertys de ladite terre de Gex, lesquelz sont tellement estonnés et degouttés, quil est a craindre que plusieurs d'entreux ne soyent contrainctz de regarder en arriere, silz ne sont retenus et confirmés par quelque esperance quil leur naisse de veoir la religion Chatolique favorizee, supportee et avancee audit pays plus qu'elle n'a esté jusques a present..

  A022001696 

 A quoy desirant le sieur suppliant pourveoir ainsy quil doibt et le mieulx quil luy sera possible, il luy a semblé que le mellieur et unique remede seroyt de recourir a Voz Reverences, pour obtenir de leur charité que, comme lesdits pays de Beugey, Verromey et Gex sont unis et incorporés a l'Estat et Coronne du royaume, aussy son evesché, pour la part qui est dans l'obeissance de Sa Majesté, fust unie ( sic ) et incorporé au corps du Clergé de la France et, par ce moyen, rendu participant des faveurs, graces, benefices dont jouissent touttes les aultres personnes, dignités et biens ecclesiasticques..

  A022001697 

 C'est pour quoy, estant informé de ceste solennelle assemblee quy se faict pour entendre l'estat et les necessités de tout le Clergé de France, afin d'y apporter les remedes et provisions convenables, il recourt a Voz Reverences, a ce qu'en consideration des choses susdites et en commiseration de tant de pauvres ames, les unes ja converties, les aultres encores captives dans les liens de l'eresie, comme encores au grand interest qu'a toutte la Chrestienté, et particullierement la France, de veoir toutte ladite terre de Gex, qui confine et aboutit aux portes de la ville de Geneve, entierement convertie et reunie a nostre saincte foy et religion Chatolique, il vous plaise, mes Seigneurs, declayrer et ordonner que ledit evesché de Geneve, pour toutte la part qui est [279] dans les terres de l'obeissance du Roy, sera par cy appres et des a present unie et incorporé au corps general dudit Clergé de la France, et que, en telle quallité, ledit evesché, pour ladite part, jouira des ores des privileges et immunités dont jouit le reste dudit Clergé.

  A022001709 

 Et si bien les Bernois en avoyent osté l'exercice, cela n'est pas considerable en cest endroit, d'autant que les articles de paix ne regardent pas leur guerre (de laquelle ilz s'estoyent accommodés auparavant, sans rien excepter, au prejudice de la religion Catholique), mais ont lieu seulement pour la guerre faitte entre les deux Princes qui faisoyent la paix; si que Sa Majesté ayant uni et incorporé ledit balliage au royaume, il n'y a rien qui puisse empescher que les Editz de pacification n'y soyent executés pour ce qui concerne l'exercice catholique et les biens ecclesiastiques..

  A022001710 

 Despuys, en quattr' autres parroisses du mesme balliage: Peron, Sessy, Versonnex et Challex, plusieurs habitans demanderent l'exercice catholique par requestes addressees a Sa Majesté, laquelle le leur ouctroya, et renvoya l'execution [282] au seigneur Baron de Lux; laquelle neanmoins n'a pas esté faitte, et ainsy tous les revenuz ecclesiastiques des cures, si ce n'est de ces trois premieres, sont appliqués a l'entretenement des adversaires de l'Eglise, et outre cela, encor prennent ilz des portions sur les prieurés et autres benefïces dudit balliage.

  A022001725 

 Mays pour le regard du suppliant en son particulier, et du Chapitre de son Eglise cathedrale [et] de Saint Victor, sur la demande qu'il auroit faitte pour estre reintegré en la possession des domaines ecclesiastiques usurpés par la ville et cité de Geneve en ce qui est dans la souveraineté de Vostre Majesté, et a cest effect ayant presenté requeste ausditz sieurs Milletot et de Brosses, commissaires, au lieu de luy faire droit conformement a vos Editz et commission particuliere a cest effect a eux decernee, neanmoins ilz ont renvoyé ledit suppliant par devers Vostre Majesté pour luy estre pourveu.

  A022001726 

 A ces causes, Sire, [on remontre] que ledit suppliant ne doit estre de pire condition que tous les autres ecclesiastiques de vostre royaume, duquel il a l'honneur d'estre l'un des Prelatz et en cette qualité luy a fait le serment de fidelité; et attendu qu'il ne possede autre domaine en tout vostre royaume que ce qui luy est usurpé par lesditz de Geneve, joint que, injustement, ilz luy detiennent presque tout le surplus de ses revenuz qui sont dans l'Estat et territoire dudit Geneve, et que dudit renvoy il vous appert par les pieces cy attachees: il playse a Vostre Majesté ordonner qu'il sera reintegré et restabli, tant en [son] particulier que dudit Chapitre de son Eglise cathedrale, et du Chapitre de Saint Victor et des autres ecclesiastiques, en la reelle possession et jouissance des eglises, maysons presbiterales, biens et revenuz ecclesiastiques occupés par laditte ville et cité de Geneve, dans la souveraineté de Vostre Majesté; avec defenses a tous detenteurs et occupateurs de ne le troubler ni molester, a peyne d'estre declarés perturbateurs du repos publiq.

  A022001736 

 Lesdits fermiers n'ont payé qu'une partie de ladite pension, et le reste leur est demeuré entre les mains.

  A022001871 

 Sera traitté plus a plein sur cest article important, et ce pendant le sieur Œconome prendra l'advis du Superieur des Peres Capucins; et pour le reste, est remis a sa prudence de faire selon les occurrences..

  A022001903 

 Et parce qu'il y a charges extraordinaires, tant a cause des PP. Capucins qui celebrent a ladite esglise, et autres passantz, et que ledit sieur curé est œconome, Monseigneur le declaire exempt du luminaire, vin, hosties, et depute monsieur Jaquin pour avoir charge de cela et de la sacristie; et a ces fins luy est decerné cent francs a trois florins piece, a prendre sur la pension de Bomont.

  A022001906 

 Le curé de Thoiry deservira audit lieu, et prendra par les mains de l'oeconome sept centz florins, outre ce peu de terrage qui est annexé a l'esglise, a condition toutesfois qu'il restablira la maison de la cure..

  A022001916 

 Le sieur Dunant, curé de Gex, est declairé œconome par Arrest du Roy en son privé Conseil, entre les mains duquel seront reduitz tous les biens ecclesiastiques dependantz de l'authorité de Monseigneur de Geneve, fors l'es nommés cy dessus..

  A022001949 

 Nous commettons par ces presentes venerable messire Claude de Nambruide, curé de Divone, a l'administration et œconomie des biens ecclesiastiques du balliage de Gex non appliqués ny assignés aux eglises de Farges, Gex, Thoyri, Grilly, Chalex, Versoix, Divone, mais destinés aux autres eglises qui, pour le present, ne sont encor pourveues de pasteurs, a fin que [ledit messire Claude de Nambruide] en donne les admodiations et fermes ainsy qu'il vera a faire; puis retire, exige et distribue les revenus procedenz desdites fermes, selon qu'il sera requis, ainsy qu'il est porté par l'ordre estably du jour d'hyer, et autrement selon les mandaz qui luy seront faitz de nostre part: le [tout nean]tmoins en l'assistance et avec l'advis de venerable messire [300] [Claude] Jacquin, curé de Grilly.

  A022001983 

 Et pour les villes, si nombreuses, pour les républiques entières, où il n'est pas permis aux prédicateurs catholiques de se faire entendre, ni de demeurer et parler, [303] quel moyen de les ramener à la foi? Car désormais, chez nous autres Suisses et en toute l'Allemagne, voire même dans plusieurs parties de la France, des villes entières sont hérétiques et l'hérésie passe en raison d'Etat; on ne voit pas le moindre espoir de leur conversion; les choses vont même si avant, que les hérétiques ne sont pas inquiétés le moins du monde, et c'est sans remède.».

  A022001983 

 Mais vous avez exhorté les autres à rentrer dans le sein de l'Eglise: cela est bon pour les particuliers.

  A022001984 

 Ces paroles pénétrèrent tellement mon cœur qu'il ne m'a jamais été possible de me les ôter de l'esprit, et en somme, voici la pensée qui m'est venue: Il est vrai que si on laisse ainsi les Suisses de Zurich, Bâle, Berne et autres cantons (on peut en dire tout autant de l'Angleterre et des autres pays hérétiques), jamais ils ne se convertiront; au contraire, leur religion parvenant à l'Etat, ils établiront l'une dans l'autre.

  A022001985 

 J'ai pensé à beaucoup de choses, et je n'ai trouvé que ce seul moyen: Il faudrait que notre Très Saint Père et Seigneur, ou le Saint-Siège Apostolique, engageât tous les princes catholiques et toutes les républiques non pas à prendre les armes extérieures, mais les intérieures; c'est-à-dire, à proposer la réunion des hérétiques à la sainte Eglise.

  A022001987 

 Premièrement: les princes devraient convoquer pour ce seul but un concile national, c'est-à-dire, un en France et un en Allemagne, et tâcher, par tous les efforts possibles, d'y faire intervenir [305] quelques délégués des princes et des républiques hérétiques, pour qu'ils puissent ouïr les propositions relatives à cette union, non point pour disputer ou argumenter, mais seulement pour conférer sur la façon de la ménager..

  A022001988 

 Dans ces conciles, il ne faudrait pas l'autorité Apostolique antécédente, mais seulement conséquente; c'est-à-dire, pour ne pas engager le Saint-Siège, ils ne devraient pas se tenir en son nom, mais ils devraient promettre la ratification des résolutions prises..

  A022001991 

 Il faudrait promettre aux ministres hérétiques le même traitement qu'ils ont pour leurs familles, et même encore plus de moyens temporels; car, c'est la vérité, la plupart, pour ce morceau de pain, demeurent dans l'hérésie.

  A022001992 

 Cependant, il ne faudrait en aucune façon argumenter, mais seulement proposer les moyens à prendre, afin que tous pussent voir que, la foi catholique sauve, la sainte Eglise est prête à prodiguer pour cette réunion, les revenus et autres choses qui seront jugées nécessaires.

  A022002055 

 En surmontant une seule ville de Geneve, on donnera un esbranlement estrange à tout le reste de l'heresie en l'Europe, car elle est jugée sedes Sathanæ.

  A022002056 

 1° Geneve est caput calvinismi, nam in ea Calvinus et Beza sedem domicilii elegerunt..

  A022002059 

 4° II n'y a aucune ville en l'Europe ou il y aye tant de commodités d'entretenir l'heresie: I a L'assiette et situation de la ville a la porte de France, de Flandres, d'Allemagne, d'Italie, Espagne et autres provinces; elle est sy commode qu'en icelle se treuvent habitants de toutes sortes de nations, voire mesme d'Angleterre; elle est comme le centre des autres provinces, et par icelle tout passe.

  A022002060 

 5° Il faut considerer que dans Geneve se brassent et traittent toutes les entreprinses contre la Chrestienté et le Saint Siege Apostolique, et les font exequuter avec grande diligence; et cecy s'est veriffié en une infinité d'entreprinses descouvertes.

  A022002060 

 Et n'y a rien qu'il leur est venu un personnage de Levant qui, a leur solicitation, a cherché des moyens d'empoisonner Sa Saincteté et tous les Cardinaux, ou engendrer certaines vapeurs pestiferes à Rome par certaine poussiere: tesmoin monsr le chanoine de la Biollée qui a sceu cecy par un espion secret quil y a dans Geneve..

  A022002068 

 Pour le moins six, pour estre [318] distribués ou est de besoin, et les PP. Jesuistes pour la confession.

  A022002069 

 Avoir un bon imprimeur à Necy pour publier à tous coups livrets, escrits, papiers contra haereticos; cecy est un bon moyen.

  A022002069 

 Desja il y a des moyens, mais il faudrait encores une pension de 100 escus que Sa Saincteté pourroit bailler sur quelque abbaye, comme sur Talloeres; il y a une pension qui vacque, qui est pour une personne laicque appellé le chapte boys..

  A022002076 

 Et c'est pour ces considerations:.

  A022002078 

 Et le Roy peut tres bien s'excuser qu'il est solicité de Sa Saincteté de cest affaire..

  A022002083 

 Et faut noter que ce secretaire est catholique; et sy on s'adresse a d'autres, il y a du danger, car ils sont heretiques.

  A022002083 

 Et n'y a rien de plus facile que d'avoir ladite lettre par ce moyen: c'est que le sieur Conte de Saconay a un amy secretaire du Roy, voire des premiers; il s'appelle monsieur Ruzé, seigneur de [320] Beaulieu, lequel facilement dresseroit la lettre a ceux de Geneve en bonne forme.

  A022002083 

 Pour ce, estant ledit sr Conte de Saconay bien zelé et au gré de S. A., il y pourroit venir; mais il est necessaire que Sa Saincteté le luy commande, ou prye par une Lettre ou Brief Apostolique, tant pour aller à la court de France vers Mons r le Legat, vers le Roy et vers ledit secretaire pour negocier, et autres solicitations qu'il faudra fere; luy promettant, Sa Saincteté, qu'on n'obliera de le remunerer des frays qu'il y fera.

  A022002086 

 Et est tres vray que ces dispositions s'y treuvent; donc, ce seroit peché de ne les ayder quand on le peut faire si facilement..

  A022002086 

 Mais il est tres-asseuré, comme font foy les lettres qu'aves et les attestations, que dans Geneve les uns desirent d'y avoir la Messe, comme disposez Catholiques.

  A022002087 

 Cecy se pourroit negocier par Mons r le Nonce ou Légat qui est en Suysse, auquel Sa Saincteté le recommanderoit..

  A022002088 

 L'Empereur dirait que sa conscience l'oblige a le faire et qu'il en est pryé de Sa Saincteté.

  A022002088 

 Que l'Empereur escrivit à Geneve, qui est ville imperialle, qu'ilz doivent prendre l' Interim comme les autres villes d'Allemagne, et que, ne condescendantz, ils seroient privéz de tous honneurs, droits, privileges, mesmes du commerce en ses villes; et que sa lettre fut portée par homme qui fit bien sonner le faict.

  A022002089 

 Parler avec Sa Saincteté, s'il luy plait asseurer qu'on aydera au payement des debtes de leur ville, acceptants l'exercice de la religion Catholique; et qu'aux particuliers qui feront reussir on donnera, a l'un 4 mil, a l'autre 10 mil escus, ou choses semblables: cecy est une belle amorce pour eux.

  A022002118 

 Il est bien vray que Nous estimions que ce deubst estre par le [324] moien de bonnes exortations et par la voye des presches, et non par commination ny menaces, pour ne donner aulcun subject d'ombrage aux circonvoisins, ny subject d'alteration ausdictz de Thonon, bien sacheantz que la conjuncture du temps present ne portoit pas que l'on procedast aultrement, et que la procedure rigoureuse estoit mal convenable a la disposition des aultres affaires que Nous avons sur les bras, encores que bien deue a l'obstination de quelques particuliers dudict Thonon qui se rendent les plus difficiles.

  A022002119 

 Et cependant, en vous laissant dextrement entendre a ces gens que Nostre intention n'est pas de les forcer ny contrevenir aux provisions quilz disent avoir de feu nostre S r et Pere et de Nous, vous ne lairrez de les induire et persuader, en tant que vostre pouvoir se pourra estendre, dé Nous donner ceste satisfaction que d'ouyr et frequenter les presches qui peuvent servir a les desabuser de leur faulce opinion,............................................................................

  A022002140 

 De ce faire vous donnons pouvoir, authorité, commission et mandement, car telle est Nostre volonté..

  A022002164 

 Nos igitur, qui Catholicae fidei propagationem, quantum cum Domino possumus, procurare non desistimus, Litterarum dicti Gregorii, praedecessoris, tenores praesentibus pro expressis habentes, hujusmodi supplicationibus inclinati, Fraternitati Tuae, unionem, annexionem et incorporationem, extentionem, ampliationem et decretum in praedicti Gregorii, praedecessoris, Litteris contenti, de praedicti Caroli Emanuelis, Ducis, consensu, Apostolicam auctoritatem perpetuo dissolvendi, dismembrandi, revocandi et annullandi, ac parrochiales ecclesias supradictas restituendi, seu de novo erigendi et instituendi, ipsorumque beneficiorum fructus, redditus et proventus praedictarum ecclesiarum rectoribus illarumque reparationibus; necnon octo presbyterorum secularium qui in ecclesia parrochiali oppidi de Tonon, quod insigne est, divinis officiis et servitiis Sacramentorumque administrationi insistant, et trium ad minus magis eruditorum, et tam secularium quam cujusvis Ordinum regularium, arbitrio tuo eligendorum, verbi Dei praedicatorum, in eisdem balliagiis manutenendorum sustentationi et alimentis etiam pcrpetuo applicandi et appropriandi; praedictosque Milites, seu eorum Magnum Magistrum pro tempore existentem ex praedictorum beneficiorum tunc, ut praefertur, unitorum fructibus, redditibus et proventibus generaliter aut particulariter ab ipsarum ecciesiarum rectoribus, aut monasteriorum Abbatibus, aut prioratuum Prioribus, seu aliis quibuscumque, nihil unquam petere aut praetendere, seu lite desuper et causam quomodolibet et quovis pratextu aut colore movere ullatenus posse decernendi, sed perpetuum illis desuper silentium imponendi, Tibique de illis, ad effectum praemissum, libere et omnino disponendi in omnibus et per omnia perinde ac si eadem unio, annexio et incorporatio eis seu eorum Militiae facta non fuisset, et plena eorumdem beneficiorum dispositio ad Te spectaret hac vice dumtaxat, auctoritate Apostolica, tenore praesentium licentia et facultatem concedimus et impartimur..

  A022002165 

 Et nihilominus, ut in ipsis parrochialibus ecclesiis aliisque beneficiis hujusmodi, ut necessarium est, idonei rectores et pastores vigiles deputentur qui ad gravem ipsarum animarum de novo conversarum curam exercendam strenue invigilent, Tibi quod de eisdem parrochialibus ecclesiis, necnon etiam perpetuis capellaniis seu ecclesiis aut capellis et aliis beneficiis bujusmodi, etiamsi de jurepatronatus quorumvis, tam laicorum, etiam nobilium, quam quorumvis aliorum cx fundatione vel dotatione existant, quomodocumque [331] per haeresim devolutionem aut aliter quomodolibet vacaverint, pro hac prima vice in favorem personae seu personarum Tibi benevisarum, et habilium et idonearum, disponendi et de illis providendi; necnon eos qui hactenus de dictis parrochialibus ecclesiis provisi fuerint quatenus ad curam animarum exercendam idonei non reperiantur, summarie de plano, sine strepitu et figura judicii, iisdem, ecclesiis privandi, ipsorumque parrochiales ecclesias aliis magis idoneis conferandi..

  A022002268 

 A raison de quoy, ils ont plus consumé et faict de despence que receu, et quils ne peuvent plus supporter, daultant que ce de quoy ils se [339] doibvent nourrir et allimenter il fault quils le despence ( sic ) aux courses et poursuittes qu'il faut fere pour en obtenir le paiement; et, que pis est, ils sont contraincts de laisser le service divin» a leur grand regret, le plus souvent pour chercher leur pauvre vie..

  A022002268 

 Supplient humblement les pauvres Aulmosniers d'Armoy et de Draillans, disants: quil est plus que notoire a la Chambre la pention quil a pleu a S. A. Sme leur establir vers le S r Gabellier general, de cinquante escus annuels a chacung d'eulx, pour estre les biens desdits curés occupés par les Seigneurs de Geneve; dallieurs, les divers voiages, frais et despens quil a convenu faire et supporter pour estre paiés d'une partie d'icelle, appres tant de decretz, arrests et jugement de ceans contre les ja dits Gabelliers.

  A022002269 

 A quoy la Chambre est tres humblement suppliee de fere consideration et prouvoir une fois pour toutes; et, [ce] consideré, nos Seigneurs, vous plairra ordonner au sieur moderne Gabellier general leur continuer la dite pention, quartier par quartier, a la forme de leur provision, patentes de S. A. et Arrests de ceans portant veriffication d'icelles, et leur fere rescription une fois pour toutes vers le commis du grenier a sel de Chablais, pour eviter aux voyages quil convient de fere pour ce regard, et a ce que le service de Dieu ne vienne a manquer: et sur ce, plaira leur prouvoir..

  A022002293 

 Ce n'est pas peu qu'en une si malheureuse conjoncture, une partie, et la principale, se face bien, et qu'une autre fois l'autre se face, et que, des a present, ceux la mesme qui [342] ne favorisent guere l'affaire en donnent presque asseurance.

  A022002293 

 Mais j'espere que Dieu le favorisera de telle sorte, quil surmontera en ce voyage non pas peut estre toutes les difficultés, mais du moins un bonne partie, et quil s'en retournera pour le moins a demy content, si son contentement n'est du tout empeché par le desplaysir quil aura de n'avoir pas entierement satisfaict a ce que vous desirez.

  A022002293 

 Monsieur de Lux est arrivé icy bien a poinct pour y faire de tres bons offices, comme Vostre Seigneurie Reverendissime entendra plus a plein quelque jour, car il seroit trop long et difficile de vous en representer par lettre toutes les particularités..

  A022002295 

 Je me resjouys extremement et vous remercie tres humblement de la bonne nouvelle qu'avez eu de Rome, laquelle ne me pouvoit arriver meilleure en contrechange de celle qu'a eu Madame de la decision de Rote, de laquelle, toutefois, et elle et tous ces messieurs de son Conseil se donnent maintenant beaucoup moins de peine des que nous l'avons receue et veu qu'elle n'est fondee sur raison qui vaille, ny qui soit nouvelle.

  A022002295 

 Tout le Conseil de Madame se doit assembler en brief pour en prendre une finale resolution, laquelle attendant de vous escrire par monsieur mon Frere, qui partira devant moy pour la retardation de l'arrivee de Monsieur, je vous baise cependant tres humblement les mains, Monseigneur, comme celuy qui est,.

  A022002308 

 Je me sens obligé par double devoir, en l'absence de monsieur le Prevost mon frere, vous donner advis de sa santé, et quil est allé des hier a Fontainebleau vers le Roy, pour tirer de Sa Majesté quelque bonne resolution avant qu'elle parte pour aller a Blois, ou l'on tient qu'elle va bientost..

  A022002309 

 En somme, il est tenu pour le premier predicateur que la France ayt eu des long temps en ce grand theatre, et plusieurs pensent que le Roy ne le laissera poinct venir quil ne l'aye faict prescher devant luy; ce que je desirerois, comme font aussy plusieurs autres, m'asseurant que cela donneroit beaucoup de credit a sa negociation, delaquelle ne pouvant vous escrire autre pour le present, je ne feray ceste plus longue, sinon pour vous baiser tres humblement les mains et prier Dieu quil vous doint, Monseigneur, en santé, longue et contante vie..

  A022002319 

 C'est pourquoy nous vous envoyons ce porteur expres, pour vous dire que nous desirons estre informez de vos droictz, pour ne faire chose au prejudice d'iceux.

  A022002332 

 Comme aussy, le dict Evesque n'a que veoir sur nos terres ny sur nos droicts, soit sur celles que Nous tenons du costé du dict balliage en souveraineté, soit sur celles de S t Victor et Chapitre, ayans des traittés avec la Couronne de France et Messieurs nos alliez de Suisse, ausquelz ceste Seigneurie est comprise avec tout son territoire, et a forme de nostre presente et ancienne possession qui est assez notoire a tout le pays.

  A022002350 

 Pour le soulagement de ceux qui manient les biens d'Eglise, plairra a Monseigneur fere entendre que sa volonté est de distribuer les biens d'Eglise aux curés, sans les laisser en œconomie..

  A022002378 

 La pension de Monseigneur le Reverendissime Evesque de Bourges, a cause du prieuré de Prevessin, qui est de................................. ff.

  A022002383 

 Le disme de Sacconex, qui est de douze couppes froment annuellement.froment, 12 couppes.

  A022002418 

 plus, le terrage avec les cinq pour centz, qui est de dix florins, audit Saint Jean; le tout monte a..................... ff.

  A022002427 

 La troisiesme partie de la pension de Challex, qui est quattre couppes avoine et six couppes froment; argent.............................. ff.

  A022002431 

 lequel disme de Tougin sera remis a Monseigneur le Reverendissime, pour en disposer apres que l'on aura les autres deux tierces parties de la susdite pension qui est en proces..

  A022002443 

 plus, luy sera remis le disme de Fleix, qui est annuellement........................... paires 20.

  A022002449 

 Et c'est en consideration de la grande despence qu'ilz ont faitte au Conseil du Roy a Paris pour le restablisserrient des ecclesisastiques et services au balliage de Gex..

  A022002449 

 Et pour le regard de la pension de l'abbaye de Bonmont qui se payoit autrefois aux ministres du balliage de Gex, qui estoit de deux centz florins annuelz, nous l'avons laissee au sieur Prevost du Chapitre de Saint Pierre de Geneve, auquel appartient le membre qui estoit [tenu] de payer ladite pension; lequel n'a aucune charge ni cure d'ames, pour estre un membre dependant de l'abbaye de Bonmont, laquelle est riere la Seigneurie de Berne.

  A022002450 

 [354] pour lesditz centz florins, qu'il prendra douze couppes from, ent et huit d'avoine qui sont restat de la pension de Saint Jean; et ce, sa vie durant, sans tirer en consequence, ayant esgard au lieu ou il est..

  A022002468 

 Ledit curé s'est acquis les biens dependantz de ladite cure, scavoir: une maison et courtine en icelle; plus, une seytine de pré en lieu dit Enfouillie; plus, une autre seytine de pré sous les vignes; plus, une autre seytine de pré en praz Gaillard; plus, trois quartz de poses de vigne en lieu dit En chaud-soleil.

  A022002471 

 L'on trouve fort estrange que le curé de Peron, qui a une tres bonne cure, soit curé de Tougin, qui est a trois grandes lieues loin; laquelle cure avoit esté annexee a l'eglise de Gex pour l'entretien des vicaires.


23-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXIII-Vol.2-Opuscules.html
  A023000028 

 V. Est descendu aux enfers, le tiers jour est resuscité des mortz.

  A023000029 

 VI. Est monté aux cieux, est assis a la dextre de Dieu le Père tout puyssant.

  A023000041 

 Que le mot adorer ou adoration est souvent employé pour l'honneur pait aux creatures selon la Sainte Escriture 32.

  A023000138 

 Atque ratio Sancti Thomae omnino convincit de voluntate in genere, abstrahendo ab absoluta et conditionata, antecedente et consequente: quod contra vos est, non contra nos.

  A023000138 

 Non ergo, secundum eum, praedestinatio est volitio illa et electio ad gratiam primo, deinde ad gloriam consequenter, quod vos ut subterfugiatis argumenta imaginamini, sed potius e contra vult uni prae aliis dare gloriam, aliis negare; deinde consequenter iis negare efficacia media, illis dare.

  A023000138 

 Prius agens, ait, intendit et vult finem quam media ad finem; at gloria est finis, praeparatio gratiae est medium: eigo prius vult dare gloriam electis quam velit dare gratiam.

  A023000138 

 Quare [2] argumentum Sancti Thomae omnino probat prius Deum velle cuique dare antecedenter gloriam, deinde ut eam consequerentur media necessaria: quod est contra vos.

  A023000139 

 Ergo volitio illa finis est prima radix omnium bonorum supernaturalium.

  A023000139 

 Jam vero, ut sigillatim de singulis eorum propositionibus aliquid dicamus, prima refutata est argumento Sancti Thomae; cum enim volitid finis sit prior volitione mediorum, praeparatio finis debet esse prior praeparatione mediorum, imo praeparantur media propter finem.

  A023000139 

 Per praedestinationem autem, omnes eam radicem primam intelligunt: ergo praedestinatio est, vel saltem praecipue complectitur praeparationem finis, non gratiae tantum, ut ipsi volunt.

  A023000139 

 Tertio, ita intelligunt omnes fere scolastici, ut videre est apud Lexicon theologicum.

  A023000141 

 Ergo, ideo odio habuit, id est non dilexit (ita enim interpretantur), quia non usi sunt.

  A023000141 

 Nam si posita affirmatione diligit, et affirmatio est causa dilectionis, posita negatione non diliget, et negatio erit causa non dilectionis.

  A023000142 

 Longeque mitior est Augustinus istis, cum non sine culpa abjici quemquam velit, sed juste ob peccatum originale; isti nulla prorsus culpae habita ratione nullumque ob peccatum innumeros abjici, aliquos tantum salvari.

  A023000142 

 Sane, in eo tantum conveniunt quod cum Augustino negent causam ullam esse in nobis praedestinationis, in explicatione autem sententiae omnino discrepant; hoc est, conveniunt in verbis, non in re.

  A023000142 

 Sane, si ita dure loquendum erat, cum Augustino fieri debuerat; intolerabile enim est sine Augustino cum omni Patrum veneranda caterva contendere..

  A023000143 

 At dicunt: convenimus cum Augustino in praecipuo totius negotii, scilicet in negando causam praedestinationis, quod satis est.

  A023000143 

 Quod si nos negemus dari causam ex parte nostra, quatenus nostra est, cum Augustino sentire merito dicendi erimus.

  A023000151 

 C'est pourquoi [2] l'argument de saint Thomas prouve sûrement que Dieu veut d'abord accorder antécédemment à chacun la gloire, et ensuite les moyens nécessaires pour l'obtenir: ce qui est contre vous.

  A023000151 

 D'un autre côté, la raison de saint Thomas a toute sa force de conviction en entendant la volonté en général, abstraction faite de savoir si cette volonté est absolue ou conditionnelle, antécédente ou conséquente: ce qui est contre vous, non contre nous.

  A023000151 

 Il reste donc que l'opinion ci-dessus ne s'appuie sur aucun auteur sérieux; et comme en matière de telle importance être seul est souverainement dangereux, cette opinion est loin d'être sûre..

  A023000151 

 L'agent, dit-il, vise et veut d'abord la fin, avant les moyens; or, la gloire est la fin, et la préparation par la grâce est le moyen: donc, Dieu veut donner la gloire aux élus avant de vouloir leur donner la grâce.

  A023000151 

 La prédestination n'est donc pas, d'après saint Thomas, la volonté et l'élection se rapportant d'abord à la grâce, ensuite et conséquemment à la gloire, comme vous l'imaginez afin de vous soustraire à nos arguments; mais au contraire, elle consiste plutôt à vouloir accorder la gloire aux uns de préférence aux autres, et à la refuser à ceux-ci: par conséquent, à refuser aux derniers les moyens efficaces, et à les donner aux premiers.

  A023000152 

 En quatrième lieu, la première proposition des adversaires est en contradiction avec leur quatrième, car il n'y a presque personne (surtout parmi les chrétiens) qui, dans toute la série ou économie de la grâce, n'ait pas en partage une grâce plus que suffisante qui le justifie, lui fasse concevoir de bons désirs; et cependant, dans la quatrième proposition il est dit que les réprouvés reçoivent la seule grâce suffisante: ce qui est faux, attendu que de nombreux réprouvés se trouvent être des chrétiens, lesquels ont plus que la grâce suffisante..

  A023000152 

 Mais cette racine première, tout le monde la voit dans la prédestination: il s'ensuit donc que la prédestination est, ou tout au moins embrasse principalement la préparation de la fin, et non de la grace seulement, comme le veulent nos adversaires.

  A023000152 

 Par suite, cette volition de la fin est la racine première de tous les biens surnaturels.

  A023000154 

 En effet, si Dieu aime dans l'hypothèse qu'ils ont fait usage de la grâce, et si cet usage est cause de sa dilection, il n'aimera pas dans l'hypothèse qu'ils n'en ont point fait usage, et cette omission sera cause de sa non dilection.

  A023000154 

 Par suite, si Dieu les a haïs, c'est-à-dire ne les a pas aimés (selon l'interprétation même des adversaires), s'est qu'ils n'ont pas employé cette grâce.

  A023000155 

 Effectivement, Augustin veut que la grâce suffisante soit accordée aux seuls prédestinés; eux, qu'elle l'est à tous.

  A023000155 

 En vérité, leur seul point de contact avec Augustin, est qu'ils nient en nous toute cause de prédestination; mais dans l'explication de leur pensée, ils s'écartent de lui: en somme, ils sont d'accord avec lui en paroles, non en réalité.

  A023000155 

 Et Augustin est bien moins sévère qu'eux, car il n'admet pas que quelqu'un soit rejeté sans faute, mais il donne comme cause juste à cette réprobation le péché originel; eux, au contraire, prétendent qu'innombrables sont les réprouvés, sans relation aucune à une faute ou à un péché quelconque, et que seulement quelques-uns sont sauvés.

  A023000155 

 Ils veulent, en effet, que le non usage de la grâce soit prévu; pour Augustin, le péché originel seul est prévu.

  A023000155 

 La seule chose qu'ils adoptent de celui-ci, c'est qu'ils nient comme lui la prévision [des mérites et des démérites]; mais ce qu'il entend et prétend par cette négation, c'est ce dont ils ne s'embarrassent pas.

  A023000155 

 Vraiment, à émettre de si dures paroles, il fallait le faire en union avec Augustin; c'est, en effet, chose intolérable qu'on se mette en contradiction avec l'entière phalange si vénérable des Pères, sans avoir avec soi Augustin..

  A023000156 

 Le but principal de celui-ci ayant été de combattre Pélage, notre opinion, en lui donnant un sens droit, ne peut s'éloigner plus que la vôtre de celle d'Augustin: en d'autres termes, s'il est vrai que nous avouons tous que c'est gratuitement et grâce à la miséricorde de Dieu que les prédestinés le sont, Augustin donne là-dessus son explication, vous une différente, nous encore une troisième; mais nous, au moins, nous nous séparons d'Augustin avec d'autant plus de sécurité que nous suivons les traces de tous les autres Pères; tandis que pour vous, l'abandon que vous faites de saint Augustin est d'autant plus dangereux, que vous vous éloignez et écartez davantage, en solitaires, de tous les autres..

  A023000156 

 Si nous nions, nous aussi, l'existence d'une cause à la prédestination de notre part, en tant que cette part est bien nôtre, nous avons le droit d'être considérés comme d'accord avec Augustin.

  A023000163 

 Potest tum speculativam, tum practicam divisim, quia non est extra proportione objectivam cum vi naturali; quia id habetur Ro., I, Psal. 4, Sap., 13; quia caeterae res naturales faciunt suae formae consentaneas operationes..

  A023000164 

 Quia error est pcena peccati originalis; Clemens Alex., 5 Strom., id vero ita habet ob impedimenta extrinseca, brevitatem, scilicet, vitae, et caetera.

  A023000164 

 Verum haec impedimenta, licet sint extrinseca intellectui humano, non sunt extrinseca sed intrinseca homini, quia per se mortalis est..

  A023000171 

 L'homme peut connaître séparément, soit telle vérité spéculative, soit telle vérité d'ordre pratique, parce que cela n'est pas hors de proportion objective avec la force naturelle; parce que cela est indiqué [par l'Ecriture]: Romains, 1, Ps.

  A023000172 

 Cette raison est apportée par Justin, in Parenetica; par Théodoret, De curandis Græcar.

  A023000172 

 Toutefois les empêchements ci-dessus, quoique extrinsèques par rapport à l'intelligence humaine, ne sont pas extrinsèques, mais bien intrinsèques à l'homme, parce qu'il est mortel..

  A023000172 

 [Autre raison:] parce que l'erreur est la peine du péché originel; Clément d'Alexandrie (lib. V Strom.) présente cette [8] preuve en s'attachant aux empêchements extrinsèques, à savoir la brièveté de la vie, etc. Par ailleurs, les vérités en question ne sont pas en dehors de l'objet proportionné à l'intelligence humaine, mais il faudrait, pour les connaître, une vie d'une durée infinie et une mémoire également d'une étendue infinie.

  A023000184 

 Quand nous parlons du salut auquel conduit l'œuvre moralement bonne, nous voulons dire qu'un empêchement majeur est supprimé: l'homme a moins d'entraves pour arriver au salut, puisqu'il agit moralement bien.

  A023000184 

 [Dernier argument scripturaire:] Matt., V: Est-ce que les payens ne font pas cela?.

  A023000201 

 Ad formale boni concurrit; est enim differentia realis: ergo ad totum bonum, non ad totum malum.

  A023000201 

 Item, ad materiale peccati Deus concurrit, ut est causa naturalis et necessaria ex suppositione; ad bona vero etiam potest concurrere, ut est causa libera.

  A023000207 

 De même encore, Dieu concourt à l'élément matériel du péché, en tant qu'il est cause naturelle et nécessaire par supposition; mais pour ce qui est du bien, il peut aussi y concourir en tant que cause libre.

  A023000207 

 Quant à l'élément matériel de l'acte bon et du mauvais, il y concourt physiquement de la même manière; pour ce qui est de l'élément formel de l'acte mauvais, il n'y concourt d'aucune façon, cet élément formel étant une pure privation; tandis qu'à l'élément formel de l'acte bon, il donne son concours.

  A023000212 

 Deinde, est omnino impossibile quod dicit; nam si ad actum malum Deus voluntatem non determinat, ergo necessario permittit, ut si velit efficiat bonum actum quando facit malum..

  A023000213 

 Ergo, non solum permitteremur malum operari, nam permissio indifferens est ad utrumque oppositorum, et quotiescumque est in nostra potestate determinare [11] nos ad actum malum, est etiam determinare ad actum bonum..

  A023000213 

 Explico aliter: vel illa determinatio est omnino necessaria ut faciamus actum bonum, vel non.

  A023000213 

 Si secundum, ergo non est semper ponenda; si primum, ergo quando non adest, necesse est ut malum operemur, maxime si operemur.

  A023000221 

 Ensuite, ce qu'elle avance est tout à fait impossible; car si Dieu ne détermine pas la volonté à l'acte mauvais, il permet nécessairement que l'homme, s'il le veut, puisse faire un acte bon au moment où il en fait un mauvais..

  A023000222 

 Je l'explique autrement: ou bien la détermination en question est tout à fait nécessaire pour que nous fassions un acte bon, ou bien elle ne l'est pas.

  A023000222 

 Par suite, ce ne serait pas Seulement une permission que nous aurions à l'égard du mal à accomplir; car la permission est indifférente aux deux termes de l'opposition, et toutes les fois qu'il est [11] en notre pouvoir de nous déterminer à un acte mauvais, il est aussi en notre pouvoir de nous déterminer à un acte bon..

  A023000233 

 FRANÇOIS — La seconde qu'est elle?.

  A023000247 

 FRANÇOIS — La troysiesme sorte de Chrestiens qu'est elle?.

  A023000266 

 BERNARD — L'unction sur l'estomach est pour nous embraser en l'amour de Dieu; celle sur les espaules est pour nous fortifier a porter la charge des commandemens et des ordonnances divines; celle sur le front, a fin que, publiquement et sans honte ni crainte, nous confessions la foy de Nostre Seigneur Jesuschrist..

  A023000271 

 FRANÇOIS — Vostre response est bonne; mays combien deves vous sçavoir de choses pour estre sauvé?.

  A023000281 

 FRANÇOIS — Quelle est la marque plus frequente que vous donnes pour prouver que vous estes Chrestien?.

  A023000282 

 BERNARD — C'est le sacré signe de la Croix, qui est le veritable signe du Chrestien.

  A023000297 

 Moi GABRIEL DE SAINT-MICHEL, je reconnais et confesse, de coeur contrit et humilié, devant la Très Sainte Trinité et toute la Cour céleste, et vous autres témoins, que j'ai gravement péché en adhérant aux hérétiques et en croyant leurs diverses hérésies, surtout celles-ci: que le saint Corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ n'est pas vraiment, réellement et substantiellement dans le très auguste Sacrement de l'Eucharistie; qu'il n'est pas un vrai et [16] propitiatoire Sacrifice pour les vivants et les morts, lorsque, d'une manière non sanglante, il est offert à la Messe par les prêtres; qu'il n'existe aucun feu purificatoire après cette vie; que les Saints et les Bienheureux qui sont dans les Cieux ne doivent pas être invoqués; que l'Eglise Catholique visible peut errer et se tromper; et autres très nombreuses..

  A023000305 

 Si je considere sur vos saintz autelz, o mon Sauveur, mon Dieu, vostre tres sacré Cors, que vous aves assaysonné par tant de miracles pour nous nourrir en ces desers, et que, tout ravy en admiration, autre ne me demeure en bouche que ceste protestation de mon insuffisance: Qu'est cecy? qu'est cecy? Manhu? manhu? o Seigneur, regardes a moy! mon jugement naturel, ma chair, mes sens, me livrent [18] mille assautz: Hé, ce me disent ilz, comme se peut il faire que le Sauveur aye donné sa chair a manger? O que ceste parolle est dure! et qui la peut ouyr ni croyre?.

  A023000306 

 Et quoy? disois je, ceste sacree parolle qui est sur le commencement de ce Symbole, ne suffiroit elle pas, quand il n'y auroit autre, pour rompre tous les effortz de ces seditieux? JE CROY: c'est le mot que j'ay ja prononcé des mon Baptesme par la bouche de ceux qui m'y presenterent; je suis donques croyant et fidelle, non pas entendeur ou compreneur, et partant, plus on me rend ce Sacrement malaysé a entendre et comprendre, plus on me le rend croyable et venerable.

  A023000306 

 Mays, c'est par vostre grace, mon Dieu, que ces seducteurs n'ont encor rien gaigné sur moy; je leur ay tousjours opposé le mot et Symbole que vos Apostres enseignerent jadis a nos anciens.

  A023000309 

 Dieu est Dieu en toutes, ses œuvres, mais en celles qui sont plus grandes il faict mieux voir sa Divinité.

  A023000309 

 Et puysque ce Sacrement est un grand œuvre de Dieu, quelle plus asseuree marque peut il porter de son Ouvrier, pour estre receu en ma croyance, que d'estre admirable et incomprehensible?.

  A023000314 

 Quand je voy, o mon Sauveur, vostre Pere avoir tant aymé le monde qu'il vous a donné pour en estre le Pasteur et Medecin, hé, quelle merveille est ce, dis je, [si] le Filz, d'esgale ains de mesme bonté, s'est encor donné luy mesme pour estre la pasture et la medecine, pour se rendre tousjours tant plus Sauveur, Roy et Seigneur, du tout et par tout nostre?.

  A023000317 

 Comme fustes vous conceu, o mon Dieu, au ventre d'une Vierge, sans aucune œuvre virile? Et pourquoy recherchera on l'ordre naturel en vostre cors qui a esté faict outre tout ordre naturel et est né d'une Vierge?.

  A023000321 

 Celuy qui [t'a] tant aymé, o mon ame, que te pouvant sauver par une seule goutte de son sang et la moindre de ses souffrances, a voulu neantmoins tout exposer son cors aux douleurs et passions d'une mort tres amere pour te donner la vie, hé! c'est Celuy la mesme qui, pour la te conserver, te nourrit de ce mesme cors.

  A023000321 

 N'est il pas bien croyable? L'amour des meres ne se contente pas d'avoir produit l'enfant de la substance d'icelles s'il ne l'en faict encor nourrir, Et pour vray, apres tant d'exquises representations de ceste Passion desquelles ont esté repeuz les serviteurs, comme ont esté l'aigneau paschal, la manne et plusieurs autres, c'eust esté une trop maigre et froide commemoration d'icelle, pour les enfans, de n'y employer autre que du simple pain et du vin.

  A023000324 

 C'est luy qui, pouvant visiter en mille autres façons les siens qui estoyent au sein d'Abraham, descendit toutesfois es enfers pour les visiter en la reelle presence de son ame; ce n'est merveille si, pouvant nous nourrir en plusieurs autres manieres, il a choysi la plus chere, admirable et aymable, qui est de nous donner en viande sa propre chair..

  A023000325 

 Que si, par la resurrection, il a delivré son cors des qualités grossieres de passibilité, pesanteur, espesseur et obscurité et autres semblables, si qu'il a traversé la pierre, est entré les portes fermëes (ce qui ne s'est peu faire sans mettre deux cors en un lieu, en sorte que l'un n'en occupast point); s'il s'est rendu, invisible, impalpable, imperceptible et sans occuper place, pourquoy ne sera il, en ce saint Sacrement, invisible et sans occuper lieu, puysqu'il a dict qu'il y estoit? A quel propos rechercherions nous plus en luy les conditions d'un cors mortel et corruptible?.

  A023000328 

 Trouverons nous estrange que ce cors vienne reellement et de fait, quoy que surnaturellement, dans les nostres, puysque, plus leger qu'un oyseau, outrepassant toutes les regles d'un cors humain, il est monté sur tous les cieux? «Il est assis a la dextre de Dieu le Pere,» sur tous les cieux, ou il n'occupe plus ni lieu ni place; car, quelle superficie peut environner le cors qui est au pardessus de tout autre cors? Pourquoy ne sera il bien icy bas sans tenir ni remplir aucun heu ni aucune place?.

  A023000331 

 Ainsy, n'estant pas sujet a lieu, ni place, ni pesanteur, il comparoistra en l'air au dernier jour avec ses Saintz, visible a tous les hommes ou qu'ilz soyent, quoy qu'avec divers effectz; non sans aussy grand miracle que celuy par lequel il est invisible en ce grand Sacrement.

  A023000336 

 Le Saint Esprit a dicté les Saintes Escritures; eust il mis en icelles des parolles si expresses et vives comme sont celles cy: Cecy est mon cors, si ce n'estoit le vray Cors de Nostre Seigneur? N'y eust il pas faict mettre quelque declaration de son intention, s'il l'eust eu autre que ces parolles ne portent en leur sens propre et premier? Et luy, qui est Docteur en l'Eglise, l'eust il laissee aller, en un article si important, a l'erreur et mensonge? l'eust il abandonnee si longuement?.

  A023000339 

 Et pour vray, comment pourroit on appeller l'Eglise sainte (qui n'est qu'une seule universelle), si elle n'eust [23] maintenu la verité tant en ce faict comme es autres, en tous teins, en tous lieux et parmy toutes nations? Ce qu'elle n'auroit pas faict si le vray Cors de Nostre Seigneur n'estoit en ce Sacrement..

  A023000340 

 Mays y a il plus parfaitte communion des Saintz que celle cy, en laquelle nous sommes tous un pain et un cors, d'autant que nous sommes participans d'un mesme pain qui est descendu du Ciel, vivant et vivifiant? Et comme mangerions nous tous d'un mesme pain, si ce pain n'estoit le Cors de Jesuschrist? autant de lieux, autant de pains divers y auroit il.

  A023000343 

 Et quoy? une simple figuré et commemoration auroit elle bien ce pouvoir? Le sang de la genisse respandu, quoy que figure du sang respandu sur la croix, ne sanctifioit que quant a la pureté de la chair; non, c'est le propre sang de vostre Majesté qui nettoye nos consciences des œuvres mortes, pour servir au Dieu vivant..

  A023000346 

 Hé, beny Jesus, quand sera ce qu' en un moment, en un clin d'oeil, a la derniere trompette, les mortz resusciteront, et la mesme chair d'un chacun, ja dissipee en cent mille façons, sera reproduitte l'autre foys en chair incorruptible et immortelle? Mon Dieu, quelle merveille Mays ce pendant, j'admireray chose presque pareille: [24] en un moment, en un clin d'œil, a la trompette de vostre parolle, vostre mesme Cors, qui est assis a la dextre du Pere au Ciel, est en certaine façon reproduit en ce saint Sacrement par tout ou le mistere en est celebré..

  A023000350 

 Et de faict, quelle autre viande, o Sauveur, si ce n'est vostre Cors, peut donner la vie eternelle? Il faut un pain vivant pour donner la vie; un pain descendu du Ciel pour donner une vie celeste, un pain qui soit vous mesme, mon Seigneur et mon Dieu, pour donner la vie immortelle, eternelle et perdurable.

  A023000359 

 Le marquis de Cambis ( Vie manuscrite de saint François de Sales, 1762, vol. I er, p. 245) attribue également l'ouvrage à l'Apôtre du Chablais: «parce que le livre du medecin estoit fort gousté dans le» bailliage, dit-il, c François de Sales se crût en droit d'y répondre.» Le «precis» qu'il en fait est beaucoup plus long que celui de Charles-Auguste.

  A023000363 

 — Charles-Auguste n'est pas un témoin infaillible; ce ne serait pas la première fois qu'il aurait attribué à son saint onclè un écrit qui n'est pas de lui.

  A023000364 

 Le témoignage du biographe est déjà fort infirmé par cette contradiction; mais il y a plus..

  A023000364 

 — Le même biographe, suivi par Cambis, place en 1597 la rédaction du Traité de la Démonomanie, motivée, dit-il, par «le pernicieux livre d'un certain... medecin de Paris... dedié au Roy» Henri IV. Or, ce livre est, sans nul doute, le D iscours veritable sur le faict de Marthe Brossier de Romorantin, imprimé à Paris par Mamert Patisson, en 1599; il fut, en effet, dédié au Roi, et même écrit sur son ordre; le privilège est du 13 juillet.

  A023000365 

 — Habert ( La Vie du Cardinal de Berulle, Paris, Camusat et Le Petit, 1646), pariant des ouvrages du fondateur de l'Oratoire, dit: «Le premier a esté celuy de l' Abnegation interieure... En suite on le pressa d'escrire celuy... des Energumenes, pour deffendre, à propos d'une possedée qu'il exorcisoit, la verité des possessions en general... Il est vray que ce traité, qui peut passer pour une merveille d'esprit, de doctrine et d'éloquence, ayant esté imprimé sans nom, a esté attribué au Bien-heureux Evesque de Sales... Une copie que M. de Berulle avoit envoyée A ce Bien-heureux Prelat pour luy en demander son sentiment, s'estant trouvée apres sa mort parmy ses papiers, avec quelques remarques faites de sa main, donna sujet de croire que l'original estoit à luy... Mais le digne neveu et successeur de ce grand Prelat, M. de Geneve que nous avons aujourd'huy, ne s'est pas plutost apperceu de cette erreur, que par une lettre escrite au Reverend Pere Gibieuf, il a renoncé pour son Bien-heureux Oncle à ce bien qui s'estoit trouvé dans sa succession; il a voulu, pour user de ses propres tomes, faire restitution à nostre saint Cardinal pour cét autre Saint, quoy qu'il n'en fust pas besoin entre deux grands hommes à qui toutes choses avoient esté communes par l'amitié.» (Liv. III, chap. XII, pp. 818, 819.) — Ainsi, Charles-Auguste lui-même se serait dédit plusieurs années après la publication de son Histoire du Bien-Heureux François de Sales, parue en 1634..

  A023000368 

 Est-ce le manuscrit de celle-ci et un exemplaire de celle-là que l'auteur fit parvenir à notre Saint, ou bien le manuscrit complet de l'une et de l'autre? On ne saurait le dire; Charles-Auguste, nous l'avons vu, le désigne ainsi: « Livre... escrit en partie de sa main propre,» et parle d'un «original».

  A023000370 

 La question reste donc désormais tranchée: saint François de Sales n'est pas l'auteur du Traité des Energumenes; et lors même qn'il aurait, en 1597, composé un petit écrit touchant les possessions diaboliques, si fréquentes en Chablais à cette époque, le sommaire qu'en donnent Charles-Auguste et Cambis n'est certainement pas celui de cet écrit, mais bien celui de l'ouvrage de Pierre de Bérulle, puisqu'on y retrouve le même nombre de chapitres et les mêmes divisions..

  A023000377 

 C'est outre l'ordre de nature que la semence de la femme vierge Brise la teste du serpent; c'est encor outre l'ordre de nature que Nostre Seigneur soit descendu d'Abraham et de David sans aucune œuvre virile.

  A023000377 

 Quant au terme qu'il a demeuré au ventre de sa Mere, supposé la virginité d'icelle, c'est tousjours outre l'ordre de nature; et neantmoins je n'ay point parlé de ce terme en ma Consideration, ni aussy n'ay point dict quil soit creu outre l'ordre naturel, mays seulement qu'il a esté faict outre iceluy..

  A023000377 

 Si donques il est dict a la Vierge: Tu concevras et enfanteras, il est dict aussy cela devoir estre faict outre l'ordre de nature, par les paroles [31] suyvantes: Le Saint Esprit surviendra en toy, et caetera.

  A023000377 

 Voyci l'une de vos propositions: Estre faict de la semence de la femme, porté en son ventre l'espace accoustumé [30], estre nourry de sa propre substance, n'est pas estre faict outre tout ordre de nature.

  A023000377 

 — Je dis que si, par le nom de femme, vous entendes une femme qui aÿe eu accointance d'homme, vous parles bien; mays vostre assumption, par laquelle vous dites Jesuschrist avoir esté faict ainsy, est un blaspheme.

  A023000378 

 La proposition de saint Pol, que Jesuschrist a esté faict semblable a nous en tout et par tout, hormis le peché, n'est veritable au sens que vous la proposes contre l'intention de l'autheur, car voyci des instances inevitables: Jesuschrist a esté faict en tout et par tout semblable a nous; nous ne sommes point nés d'une vierge, ne marchons dessus les eaux, n'entrons pas en aucun heu les portes fermëes; donques, ni Jesuschrist.

  A023000379 

 Cependant, la piece que vous attaques de ceste mienne Consideration n'est pas mienne, mays de saint Ambroyse, lequel vous attaques sous mon nom: «Liquet igitur,» ce dict il, «quod praeter naturae ordinem Virgo generavit, et hoc quod conficimus corpus ex Virgine est; quid hic quaeris naturae ordinem in Christi corpore, cum praeter naturam sit ipse Dominus Jesus partus ex Virgine?» Voyla mon garand, duquel la citation est a la marge; mays peut [32] estre que la chaleur du desir de reprendre vous aura empesché de la voir..

  A023000380 

 Et vostre argument ne vaut non plus que celuy ci: Tout cors humain est faict de l'accointance de l'homme a la femme; le cors de Jesuschrist est cors humain, donques il est faict par l'accointance.

  A023000380 

 La faute gist en ce que en la premiere proposition il est parlé du cors humain qui n'a rien outre le naturel; en la seconde il est parlé d'un cors humain qui a beaucoup de surnaturel..

  A023000380 

 Vostre second argument est faict en ceste sorte: Tout cors humain occupe place; le cors de Jesuschrist est cors humain, ergo le cors de Jesuschrist occupe place.

  A023000380 

 — Si, en la premiere proposition, vous entendes du cors humain selon l'ordinayre de la nature, vous parles bien; si vous entendes du cors humain eslevé et assisté par la vertu divine, vous parles mal, car l'instance est inevitable en la sortie de Jesuschrist du ventre de sa Mere et du sepulchre, et a l'entrëe qu'il fit les portes fermëes.

  A023000381 

 Mays quant a avoir le ventre gros et remply de l'enfant, pourveu qu'il n'y ayt aucune ouverture ni fraction au ventre, n'est point contrayre a la perfection de la virginité; et partant, Nostre Seigneur occupoit place dans le ventre de sa Mere, d'autant que cela ne violoit son integrité, et n'en occupa point en sortant, pour ne la point violer.

  A023000381 

 Or, tous les medecins, philosophes, jurisconsultes et bons theologiens establissent la perfection de la virginité corporelle en deux choses: l'une est l'integrité des parties naturelles genitales; l'autre, a n'avoir jamais eu connoissance d'homme: d'ou sont sorties les loix de ventre inspiciendo.

  A023000381 

 Quand vous dites que si le cors de Nostre Seigneur n'occupa point de place sortant du ventre de sa Mere, il n'en occupa donques point estant dans iceluy, d'autant que la virginité n'est non plus lezee par l'un que par l'autre, il semble que vous ne consideries pas bien en quoy gist la parfaitte virginité.

  A023000382 

 Sed in adjutorio ipsjus Salvatoris, sicut spreverunt Catholici velut acutissimum quod Jovinianus exseruerat argumentum, et nec sanctam Mariam pariendo fuisse corruptam, nec Dominum fuisse phantasma crediderunt, sed et illam virginem mansisse post partum, et ex illa tamen verum Christi corpus exortum, sic» spreverunt «vestra calumniosa vaniloquia.» Et quelle virginité pouvoit nier Jovinien estre en la Vierge en l'enfantement, sinon celle que vous nies? Et quelle autre corruption y pouvoit il mettre que celle que vous y mettes? car de méttre en l'enfant la corruption qui se faict par l'accointance de l'homme, c'est une chose inintelligible.

  A023000383 

 In talibus rebus tota ratio facti est potentia facientis.».

  A023000383 

 Mays quand il parle en particulier du cors de Jesuschrist, disant qu'il est «in aliquo caeli loco [34] propter veri corporis modum,» conforme au dire de saint Pierre, il ne faict rien contre nous, car les bons entendeurs sçavent qu'il y a difference entre estre en un lieu, et occuper un lieu ou place; tesmoins les Anges et les ames.

  A023000383 

 Saint Augustin donques, en ceste epistre, combat les Ubiquitaires qui disent le cors de Nostre Seigneur estre par tout, et non les Catholiques qui confessent qu'il est en certains lieux, quoy que sans occuper lieu, a la façon des espritz; ainsy qu'il penetra dedans la salle, les portes estans fermëes.

  A023000384 

 Adjoustes que ces loix, selon leur rigueur, ne touchent point a Nostre Seigneur qui n'y avoit aucune obligation; mays il s'y est sousmis, parce qu'en apparence et selon la commune estimation des hommes il y sembloit estre obligé.

  A023000384 

 Ceste loy donques est observëe par ses parens, parce qu'il estoit estimé né comme les autres.

  A023000384 

 Mays en ce lieu la, ouvrir la matrice ne veut dire autre qu'estre conceu; ainsy est il dict que le Seigneur ouvrit la matrice de Rachel et Lia long tems apres qu'elles furent desfleurëes, lhors qu'elles conceurent des enfans.

  A023000384 

 Sic enim baptizari etiam ipse dignatus est baptismo Joannis, qui erat baptismus pœnitentiae in remissionem peccatorum, quam vis nullum haberet» ipse «peccatum.».

  A023000385 

 Et le dire de Nostre Seigneur: Touches et voyes, n'y est point contrayre; car je ne dis pas que Nostre Seigneur fut tousjours invisible et imperceptible, mays confesse que, comme il a esté visible et perceptible, il a aussy esté invisible et imperceptible quand il luy a pleu: l'un n'empeschoit point l'autre, non plus que d'estre mortel et immortel en divers tems.

  A023000385 

 Le «tangere vel tangi nisi corpus, nulla potest res,» n'est pas a propos, car on ne dict pas qu'autre que le cors soit palpable, mais on dict que le cors peut estre parfois impalpable..

  A023000386 

 Certes, c'est chose bien aysëe de trouver des difficultés es misteres de nostre sainte foy, mays cela ne suffit pas pour les rejetter.

  A023000396 

 C'est ce que vous aves nié formellement en vostre premier escrit..

  A023000396 

 Or, estre conceu c'est estre faict; donques, il a esté faict outre l'ordre de nature.

  A023000396 

 Vous confesses en fin que la conception de Nostre Seigneur est surnaturelle; donques, il a esté conceu surnaturellement et outre tout ordre de nature.

  A023000397 

 D'ou s'ensuit que Nostre Seigneur est reellement la semence de la femme, d'Abraham et David; mays tout cela n'a point esté faict selon l'ordre naturel, mays selon la vertu d'En Haut.

  A023000397 

 Et quand l'Escriture dict que Nostre Seigneur est descendu d'Abraham et de David selon [la] chair, ce n'est pas a dire selon l'ordre naturel, mais selon la nature humaine, d'autant que selon la divine il n'est filz d'Abraham ni de David.

  A023000397 

 Jamais, selon l'ordre naturel, enfant ne fut faict de la semence d'une vierge, ni porté au ventre d'une vierge, ni nourry au ventre d'une vierge; c'est la rayson pour laquelle je dis que cela est outre tout ordre naturel.

  A023000397 

 Le sens de ceste parolle, selon la chair, c'est a dire, [d'après vous,] «selon l'ordre naturel,» est infiniment absurde, puysque la conception, qui est le fondement de tout le reste, est purement surnaturelle..

  A023000398 

 Ce n'est pas aussy un argument a causa non clausa de dire que la virginité, pour estre en sa perfection, consiste en deux choses: l'une, l'integrité des parties genitales; l'autre, n'avoir jamais eu connoissance d'homme.

  A023000400 

 (I Cor., 15.) Ce n'est cependant qu'un mesme cors en substance, mais different en qualités; ainsy dis je que Nostre Seigneur n'a eu qu'un seul cors, vray, reel, humain, mais qui a eu des grandes diversités de qualités naturelles et surnaturelles.

  A023000400 

 Confessons donq qu'estant vray Dieu et vray homme, il a peu sortir son cors du sepulchre, entrer les portes fermëes, sortir d'une Vierge sans ouverture, estre en plusieurs lieux et sans occuper place, sans que pour cela il laisse d'avoir un tres vray et reel cors humain, composé d'os, de chair et de sang: autant possible l'un que l'autre a Celuy auquel rien n'est impossible..

  A023000400 

 Il jeusne 40 jours surnaturellement, il a faim naturellement; il est conceu d'une Vierge et né d'une Vierge surnaturellement, il pleure, dort et mange naturellement; il marche sur les eaux surnaturellement, il marche parmi Hierusalem naturellement; il est transfiguré surnaturellement, il est en la table naturellement.

  A023000400 

 Je dis donques que, quant a sa substance, le cors de Nostre Seigneur est vrayement humain; mais que, quant a [38] ses operations et qualités, il est bien different maintenant des nostres, et l'a esté parfois pendant quil estoit icy bas: je l'ay asses prouvé, et ny a point de responce ni replique vallable contre ceste verité.

  A023000401 

 Je croys que l'homme est faict quand il est conceu; le reste s'appelle croistre et perfectionner.

  A023000402 

 N'occuper point de place n'est aucunement contraire a la nature d'un vray cors humain, mais c'est bien sur et outre la nature; et partant, un vray cors naturel humain, estant eslevé et assisté par la vertu divine, peut n'occuper point de place: vous ne prouveres jamais le contraire.

  A023000402 

 Or, saint Pierre, assisté de la vertu divine, marchoit sur les eaux, et neanmoins occupoit place; aussi ne dis je pas qu'un cors eslevé par la vertu divine n'ayt jamais occupé place, mays seulement quil peut estre sans l'occuper, asçavoir estant assisté et eslevé a cest effect, qui n'est aucunement possible..

  A023000403 

 Et quand vous me dites que peto principium, vous me faites juger que vous me croyes du tout ignorant a la maniere de raysonner, comme si je ne sçavois pas que petitio principii est argumentantis, non respondentis or, je suis respondant.

  A023000403 

 Or, vous le faites avec ces repetitions: «Le cors humain doit occuper place, le cors qui n'occupe place n'est pas naturel; si le cors de Nostre Seigneur n'occupe place, il est phantastique.».

  A023000403 

 Vous attaques mes theses; demeurer en son principe est vice a vous, mays non pas a moy.

  A023000404 

 Pour bien respondre, il failloit monstrer que le vostre vaut mieux, car c'est cela que je nie; et de faict, comme vous accommodes le mien, j'accommoderay les vostres..

  A023000405 

 Il y a donques plusieurs choses surnaturelles au cors de Nostre Seigneur, particulierement maintenant quil est triomphant; et si ne laisse pas d'avoir esté faict en tout et par [40] tout semblable aux nostres, quoy quil n'ayt pas tousjours demeuré en mesme façon..

  A023000405 

 Le cors de Nostre Seigneur est cors humain; le cors de Nostre Seigneur n'a pas tousjours occupé place, donques tout cors humain n'occupe pas tousjours place.

  A023000406 

 Et bien que l'un viole plus que l'autre, si est ce que l'un et l'autre repugne a la perfection de la virginité de la Vierge Marie; je craindray donques tous-jours de dire et de penser que Nostre Seigneur ayt ouvert le ventre de sa Mere, et par consequent quil ayt occupé place, d'autant que c'est une proposition condamnee pour haeretique de l'ancienneté..

  A023000406 

 Il n'est vrayement pas necessaire que copula et partus concurrat ad violationem virginitatis, car l'un des deux suffit; qui est ce que je dis, et que les Anciens ont soustenu contre Jovinien.

  A023000408 

 Je ne vous fais donques point de tort de vous attribuer l'erreur de ceux qui ont dict la Vierge avoir esté corrompue en l'enfantement, quoy que sans aucune connoissance d'homme; car, quelle autre corruption ont ilz peu mettre en l'enfantement que celle que vous y mettes? et dequoy est ce que les anciens Peres les ont repris que de ce dont je vous reprens? Si vous ne quittes l'erreur de Jovinien, je ne quitteray point les reprehensions de saint Ambroyse, saint Hierosme et saint Augustin.

  A023000409 

 Ceux qui veulent le cors de Jesuschrist estre en plusieurs lieux sont autant esloignés de ceux qui le veulent estre par tout ou Dieu est: comme il y a difference entre te tout et une petite partie, entre le fini et l'infini.

  A023000410 

 Je vous dirois pourquoy si je vous voyois, mays je n'ay loysir d'escrire; aussy est ce hors nostre propos..

  A023000410 

 Si cela est, c'est parler de la theologie en clerc d'armes.

  A023000411 

 Ainsy est il dict d'Anne, que Dominus concluserat vulvam ejus, non pas certes a l'endroit du mary, cui satis aperta erat, mais eo quod non conciperet.

  A023000411 

 C'est pour se bailler beau jeu en leurs accusations, lesquelles autrement seroyent impertinentes.

  A023000411 

 Mays c'est l'ordinayre des vostres de nous imposer des opinions que nous detestons infiniment, comm'est celle ci, d'un cors phantastique en Nostre Seigneur et de l'ubiquité.

  A023000411 

 Vous avés veu que Jovinien et Julien, Pelagien, en faisoyent de mesme, tesmoin saint Augustin; mais ce ne sont sinon «calumniosa vaniloquia.» C'est chose claire qu'en l'Escriture: tunc Deus aperit vulvam mulieribus cum concipiunt, et concludit cum steriles sunt, ut sint virum expertæ.

  A023000411 

 Vous ne le sçauries prouver, et moins encor vous eschapper de la force des authorités des Peres que j'ay cité, qui font droitement contre vous, nonobstant ce que vous dites quilz font contre moy; ce qui vous est autant aysé a dire qu'impossible a prouver.

  A023000411 

 Vous prenes et reprenes le principe quand vous finisses disant, que c'est oster la verité du cors de dire quil n'occupe place.

  A023000412 

 Quand a l'observation de la Loy, argumentum hoc non est extra rem, car je dis que si bien Nostre Seigneur non aperuisset vulvam, neanmoins ceste Loy luy compete, non ex rei veritate, sed ex communi hominum existimatione; lesquelz tenoyent que more aliorum conceptus et natus esset, unde etsi ea Lege non teneretur, eam [42] tamen adimplevit, non tam «propter necessitatem» quam «propter consuetudinem.» Et quant a la pleige quil avoit prise pour nous, il s'en acquitte en sa Passion, et tres abundamment..

  A023000413 

 Qui a jamais dict que, quod repente Christus ab oculis discipulorum evanuit, fuerit umbrae aut phantasmatis? Imo sane virtus Dei est quae corpora, etiam solidissima et humana, oculis mortalium eripit, et les rend invisibles pro tempore, comm'il luy plaist: ainsy fit il quand, transiens per medium illorum, ibat..

  A023000414 

 Estre parfois impalpable et invisible, ce n'est pas n'estre point cors parfois, mais seulement avoir des qualités surnaturelles; non plus qu'estre immortel ou cors spirituel, comme parle saint Pol, n'est pas n'estre point cors, mais estre cors accompaigné de conditions spirituelles et glorieuses..

  A023000414 

 Si vous dites quil occupa place, vous gastes l'Escriture; si vous dites quil n'en occupa point, vous gastes vostre generale proposition, laquelle, a la verité, n'est ni de l'Escriture ni de la Theologie, mais de vostre imagination.

  A023000415 

 Et me croyes aussy, Monsieur, que le seul honneur que je porte a la verité de l'Evangile, a l'ancienne Eglise de Nostre Seigneur, qui est la colomne et fermeté de verité, et le desir de voir ceux qui ont presté le serment a Jesuschrist au Baptesme rëunis en la mayson de leur Pere, delaquelle ilz se sont sequestrés et hors laquelle neanmoins ilz ne peuvent que se perdre, me faict courir apres toutes sortes de travaux et difficultés, esperant que incrementum dabit Deus.

  A023000426 

 Pourquoy donques est ce que ces pretenduz reformateurs ont laissé les anciens et accoustumés noms de ce Sacrement pour luy imposer celuy de Cene? Ne monstrent ilz pas en cela un'extreme affectation de nouveauté? Que s'ilz estiment que saint Pol aye employé le mot de cent pour signifier l'Eucharistie, quand il reproche aux Corinthiens la façon de faire leurs cenes, ne sont ilz pas ineptes? veu que l'Apostre declaire qu'il parle d'une cene en laquelle on s'enyvroit, ou s'avançoit on de manger son souper en particulier, [que] les riches en avoyent plus que les pauvres, et qu'on pouvoit faire chacun chez soy: ce qui ne peut arriver en la manducation de la sacree viande.

  A023000430 

 Pourquoy donques est ce, et par quelle authorité, que les ministres l'ont produit a leurs gens en tant de differens langages, difformes, desreglés et bastars? Ont ilz eu plus de soin et de charité vers les peuples que les Apostres?.

  A023000434 

 Nostre Seigneur proteste qu'il ayme les petitz enfans, veut qu'on les laisse venir a luy, ains dict que qui n'est semblable a eux n'est sortable au Royaume des cieux.

  A023000434 

 Pourquoy donq est ce que les ministres leur refusent la Cene et l'accordent aux femmes, que l'Escriture n'appelle point? notamment s'il est vray ce que Calvin escrit au milieu du § 33.

  A023000438 

 Quelle asseurance donques peuvent avoir les ministres, qu'il faille employer, en l'usage du calice, le vin pur plustost que l'eau, ou la cervoise, ou le vin attrempé par l'eau? Si cela revient plus a leur goust, si n'est il pas pourtant plus commandé [45] en l'Escriture.

  A023000442 

 L'Evangile porte expressement que Nostre Seigneur, donnant ce saint Sacrement, dict: Cecy est mon cors, cecy est mon sang, et commanda qu'on fist ce qu'il avoit faict.

  A023000442 

 Puys donq qu'il dict ces sacrosaintes parolles a mesme qu'il presentoit ceste sainte viande, pourquoy est ce que les ministres baillent leur Cene sans les dire, se contentans de les dire avant la communication? Que ne font ilz ce que Nostre Seigneur fit, ou que ne confessent ilz qu'ilz ne le font ni veulent faire!.

  A023000446 

 Et quand il a dit; Cecy est mon cors, vous y alles inventer un significat pour est; une figure pour cacher ceste verité si claire!.

  A023000446 

 Puysque nul autre Sacrement au Viel ni au Nouveau Testament, voire ni aucun sacrifice ni ceremonie n'ont jamais esté institués avec parolles figurees, comme peut estre que ce tres grand et, sur tous les autres misteres de la religion chrestienne, principal Sacrement du Cors de Jesuschrist, ayt esté institué par un parler figuré, comme vous dites? Au lieu qu'il est escrit: Cecy est mon cars, vous voules gloser: «Cecy signifie mon cors.» Dieu commanda aux Israëlites de se circoncire: c'estoit un commandement un peu difficile; toutesfois on le prend tout simplement, sans l'eluder et divertir par figures et metaphores.

  A023000450 

 Et que dires vous a ce que le mesme saint Augustin escrit: Que cest adversaire de la Loy et des Prophetes demeure «en arriere avec ses semblables, qui dirent: Ceste parolle est dure, et qui la peut ouyr? Car nous autres, d'un cœur fidele et de la bouche, nous recevons Jesuschrist nous donnant sa chair a manger et son sang a boire, encores qu'il semble plus horrible de manger la chair humaine que de la massacrer, et de boire le sang humain que de le respandre.» Voyla comme saint Augustin ne çourt pas soudain aux figures, et dict aussi qu'on reçoit «d'un cœur fidele et de bouche» les choses qui, de prime face, semblent absurdes..

  A023000450 

 On accordera bien que si, pour choses mal sonnantes, saint Augustin entendoit ce qui est contre la loy de nature, blasmer, mentir, et, comme vouloyent les Capharnaïtes, deschirer Jesuschrist vivant, qui sont choses qui ne se peuvent jamais droittement commander, vous entendes saint Augustin comme il faut.

  A023000452 

 Et outre plus, si tout ce qui semble absurde ne se doit croire, que respondres vous aux haeretiques Ariens, Montanistes et Manicheens, qui sentoyent mal de l'Incarnation du Filz de Dieu? car il leur sembloit aussi absurde et indecent que la Divinité fust meslëe parmy les souilleures de nostre nature, que Dieu souffrist faim, playes et mort: qui n'est gueres different des absurdités que vous dites [47] estre en la reelle presence du Cors de Jesuschrist en la sainte Hostie; et toutesfois, vous tenes ces pestes d'haeretiques anciens pour hommes tres malheureux qui ont advancé ces choses la..

  A023000460 

 Quel autel donques est celuy la que nous avons de plus qu'eux?.

  A023000464 

 De Beze escrit clair et net, en sa Preface sur Josué, que c'est à Calvin, «apres Dieu, qu'appartient l'honneur de la resolution despuis suyvie par toutes gens de bon jugement,» touchant «ce qu'il faut croire, chercher et recevoir en la Cene.» Que sont donques devenuz tous les devanciers? Ce mistere si important aura il esté caché a toute l'Eglise ancienne, pour estre descouvert a ce seul pretendu mignon et favory du Saint Esprit? Que ne confesse on donques franchement que ceste reformation est toute nouvelle et non jamais conneûe a l'ancienneté!.

  A023000468 

 Quelle loy vous exempte de laver les piedz les uns aux [48] autres avant la celebration de la Cene, comme Nostre Seigneur fit et ordonna? Si ce n'est la Tradition, ce ne peut estre que vostre propre jugement..

  A023000493 

 Quelle origine que le mot d'adoration aÿe eü, si est il certain qu'il ne veut dire autre que faire reverence, profession de submission ou honneur a celuy que nous reconnoissons avoir quelque praeeminence.

  A023000494 

 C'est pourquoy les devanciers ont quelquefois fait difficulté d'appliquer le mot d'adoration a l'honneur des creatures, quoy qu'ilz sceussent que cela se pouvoit fort bien faire; sur tout, ilz ont observé cecy quand ilz ont eu a faire avec les chicaneurs, heretiques, schismatiques et reformeurs..

  A023000494 

 Et neanmoins, qui considerera de plus pres l'Escriture et les Anciens, trouvera que le mot d'adorer panche un peu plus a l'honneur deu a Dieu seul que non pas a l'autre; de façon que l'hors que le mot d'adorer est seul en l'Escriture, il s'entend ordinairement de l'adoration de latrie.

  A023000494 

 Nos peres ont adoré en ce mont, disoit la Samaritaine, et vous dites qu'il faut adorer en Hierusalem; c'est a dire sacrifier, qui est la seule action exterieure qui est particulierement et perpetuellement destinee a l'adoration de latrie.

  A023000495 

 Que le mot adorer s'applique a l'honneur des creatures, en voicy une preuve trop abondante Abraham adora les enfans de Heth et l'Ange, comme firent aussi Loth, Josue et Balaam; Saul adora l'ame de Samuel; David commande qu'on adore l'escabeau des piedz de Dieu parce qu'il est saint; l'Eglise d'Israël adora Salomon.

  A023000513 

 Ce qu'estant fait maintenant par [55] carte proposition en laquelle ell'est advoüee, il accepte de nouveau les offres contenus en laditte lettre..

  A023000539 

 Sauve aussi, entre cy et le commencement de laditte conference, de nommer autres moderateurs et secretaires, [59] si quelque incommodité survenoit pour laquelle les nommés ne puissent se trouver pour faire ce dont est question..

  A023000552 

 Dit premierement: Que la matiere de la conference de laquelle a esté traicté cy devant ne peut estre le livre des Articles de la confession des esglises pretendues reformees dont on luy a exibé l'exemplaire, dautant que l'on n'est pas en different de tous lesditz articles; mais il faudroit premierement conferer ensemble pour choisir ceux tant seulement desquelz on est en controverse.

  A023000553 

 Que le moyen choysi par les ministres de seulement s'escrire l'un a l'autre n'a aucune conformité a ce qui a esté cy devant traitté touchant la conference, ains en rompt la suitte et le fil; c'est sortir hors les termes d'icelle, et venir a nouveau traitté et renoncer au precedent..

  A023000554 

 Et de plus, que la conference de laquelle a esté traitté cy devant comprent asses touttes les commodités de ce nouveau moyen proposé maintenant, puisqu'on y devoit tout escrire, et fidellement; et, outre cela, apportoit plusieurs autres commodités, comme: le bien de la briefveté des resoulutions; de l'exibition des aucteurs qu'on auroit a proposer; de la plus particuliere et claire declaration de l'intention d'un chacun, laquelle est bien souvent mal aisee a tirer des escritr faitz entre absentz, et y va une grand piece de temps a envoyer et renvoyer, et les raisons se presseront plus et mieux en presence; avec autres telles occasions qui se perdent par la voye proposee par les ministres.

  A023000554 

 Que ce moyen empeche beaucoup le fruict de la dispute, puisque l'experience monstre que, quoy qu'on aye tant escrit de part et d'autre, on est aussi frais de recommencer telle maniere de dispute qu'au commencement, et que ceste procedure a besoing de tout l'aage d'un homme, encor ny suffiroit il pas.

  A023000555 

 Ce moyen est trop adventageux pour les ministres, non pour la substance du moyen, car elle n'est pas autre que celle de celluy de la conference reduicte par escrit, [62] mais pour plusieurs circonstances; car les ministres sont tousjours en grand nombre, dans Geneve, ensemble, pour s'entraider et entreprester la main les uns aux autres, la ou, de nostre cousté, nous ne pouvons demeurer longuement plusieurs ensemble.

  A023000578 

 Prodiit superiore saeculo ab inferis horrendum nescio, an miserandum potius, hominum genus, qui, a Christianae religionis et sacrosanctae fidei nostrae Catholicae unitate ac, [67] quod omnino consequens est, veritate desciscentes, nova passim dogmata novasque haereses, sed ex veteribus et jam pridem damnatis magna ex parte consutas conflatasque, invexerunt, in tot pene sectas divisi quot fuerunt eorum capita, qui sectatores habere quam esse maluerunt.

  A023000579 

 Quanquam ea jam Anabaptistarum conditio est, ut caeteris, licet non insania et impietate, attamen numero longe inferiores, ab omnibus propemodum tanquam imbelles nulliusque pretii hostes contemnantur, solis Lutheranis et Calvinianis locum sibi pene omnem relictum gloriantibus.

  A023000581 

 Praeclare vero et in tanta infaelicitate satis faeliciter actum est cum Republica Christiana, quod has ipsas sectas, quae tanto impetu in eam conjurarunt, iis notis infames esse contigit, propter quas vel primo ipso intuitu dubitare nemo possit, quin «haereticae», ut sacri Canones loquuntur, pravitatis speciem et insignia prae se ferant..

  A023000582 

 Possumus enim vere affirmare, nihil a nobis hac in re factum esse, nisi quod pio et Christiano cuilibet facere licuerit, eamque nos in tanti momenti negotio adhibuisse cautionem, quae fuit necessaria, ne justissimas Ecclesiae censuras, quas et veremur ut par est, et reveremur, ullo modo incurreremus.

  A023000582 

 Reliqua theologis, qui tam multi tamque praeclari ex professo ista tractarunt, consulto relinquemus.] Adferemus autem ipsissima Lutheri et Calvini verba, ut qui non poterunt facile credere, quod sane incredibile est, tam absurdas et plane diabolicas impietates, tamque impias absurditates tot assertoribus superbientes cuiquam mortalium in mentem venire unquam potuisse, nihil tamen a nobis effictum aut immutatum conqueri jure possint.

  A023000591 

 Au siècle dernier, s'échappa de l'enfer une race d'hommes dont je ne sais si elle est plus digne d'horreur ou de pitié.

  A023000592 

 C'est donc d'eux seuls que nous nous occuperons, car des autres, si ce n'était par les livres et renommée, nous ignorerions presque jusqu'au nom..

  A023000598 

 Nec enim apud Juris nostri sive auctores sive interpretes dubitationem res habet, quin actor, quisquis [72] est, probare debeat suam intentionem, etiam quae in negando consistat, praesertim vero si agat quis ad turbandum eum, qui sit in pacifica rei de qua controvertitur possessione.

  A023000598 

 Porro negative Christianum quem esse quid aliud rogo est, quam omnino non esse Christianum?.

  A023000598 

 Prima illa, nec meo judicio parva nota est, quod omnia propemodum negant, affirmant pene nihil, nisi quod et negando affirmant plerumque, et affirmando negant, ut facile appareat ex eorum numero illos esse qui, ut Tertullianus de haereticis omnibus scripsit: «Credendo non credunt,» dissimiles in eo a paganis qui, ut idem ille ait: «Non credendo credunt.» Nec video quibus magis quam istis convenire possit quod de Antichristo magni plerique viri existimarunt: άρυοΰμαι nomen illi esse; quando-quidem antichristianorum omnium, id est haereticorum, solemnis mos iste est, ut doctrinam suam fere omnem constituant in negando.

  A023000602 

 Huic autem negationi contraria est affirmatio Christi dicentis potuisse se rogare Patrem, et exhibuisset illi Pater plus quam duodecim legiones Angelorum; et camelum per foramen acus transmittere; item affirmatio illa Joannis Baptistae, posse Deum ex lapidibus suscitare filios Abrahae.

  A023000602 

 Negant in Deo potentiam ullam esse absolutam: [73] «Commentum,» inquit Calvinus, «de absoluta Dei potentia, quod scholastici invexerunt, execranda blasphemia est.» Et alibi, «impossibile» appellat quod nunquam aut fuit aut futurum est.

  A023000602 

 Potuit et Praxeam» (addamus, si lubet, Lutherum et Calvinum) «et omnes pariter haereticos extinxisse; non tamen quia potuit extinxit.» Haec autem omnia non potuit Deus de potentia ordinaria; alio enim ordine res et stabilitae sunt et peractae; ergo de potentia absoluta, id est, [74] quae soluta sit ab omni lege promulgata, et ab ordine rerum constituto; sed non absoluta eo sensu, quasi soluta sit ab aequitate et justitia, quomodo perperam interpretatur Calvinus; aequitas enim et justitia lex Dei intrinseca est, ipsa vero nihil aliud quam ipsemet Deus, qui, ut sibi ipsi lex est, ita recedere a lege et aequitate minime potest..

  A023000606 

 Vult ergo Deus permulta, non voluntate efficiente aut committente, sed permittente tantum; ea scilicet quae cum mala sint malitia, ut aiunt, morali, a Deo qui bonus et bonitas ipsa est proficisci nunquam possunt.

  A023000610 

 Calvini enim verba haec sunt: «Ne Augustinus quidem illa superstitione interdum solutus est, quemadmodum ubi dicit indurationem et excaecationem non ad operationem Dei, sed ad praescientiam spectare; at istas argutias non recipiunt tot Scripturae,» etc. Huic autem negationi contrarium est quod passim affirmat Sacra Scriptura, Deum praevidisse proditionem Judae, negationem Petri, excaecationem Judaeorum; quae quidem praedixit et praescivit Christus, nec tamen voluit aut effecit..

  A023000614 

 At vero Filius, qui hanc ipsam habet essentiam, habet non a nullo, nec a se, sed a Patre; denique essentia quae, si in se consideretur, a nullo est, ea in Filio a Patre est..

  A023000614 

 Quis enim, vel intellectu solo mentisque ulla cogitatione, assequi possit, eum qui Filius sit et dicatur, Filium ejus esse a quo essentiam naturamve non habeat? Quid vero [76] aliud Filius a Patre habere potuit, quam Divinitatem? Quid Patri et Filio commune est, prseter essentiam? Quid ergo Filio communicavit Pater, si non essentiam ipsam? Quare passim clamant Scripturae, Concilia, Patres, universus denique Christianorum orbis, Filium esse «Deum de Deo, Lumen de Lumine, Deum veyum de Deo vero»? Habet ergo Deus Pater veram essentiam divinam, quae nec a se, ut parum caute loquitur Calvinus, nec ab aliquo alio est; sed prorsus a nullo, cum essentia neque generet, neque generetur.

  A023000618 

 Denique vita nostra filia Christi mortis est; qui alibi quam in hac morte vitam quaerit, vitam perdidit.

  A023000622 

 Negant Christum esse Legislatorem, atque adeo ullam in Evangelio legem proponi; sic enim Lutherus: «Necesse est,» inquit, «ut scias quid sit Christus definitive: Christus autem definitive non est Legislator.» Mox doctrinam de Christo Legislatore «pestilentem» appellat.

  A023000622 

 [78] Et paulo post: «Labor mihi est,» inquit, «ut dediscam veterem illam inolitam opinionem de Christo Legislatore et Judice, utque damnem et repellam illam.» At contra, hoc ipsum affirmat Epistola D. Jacobi, quae disertis verbis Christum Legislatorem appellat, quem Isaias prius Legiferum vocarat: Dominus, inquit, Legifer noster..

  A023000638 

 Nam Lutherus, in libro quem conscripsit De captivitate Babylonica, cap. De Sacramento Extremæ Unctionis, respondens ad argumentum ductum ab auctoritate manifestissima D. Jacobi pro Extrema Unctione, his ipsis verbis sententiam exponit suam: «Ego autem dico, si uspiam deliratum est, hoc loco praecipue deliratum est.

  A023000647 

 Quod si ita esset, cur Christus Dominus noster comparasset eam civitati supra montem positae, convivio, ovili, aedificio super petram aedificato? Cur praeterea nos ad Ecclesiam remitteret illis Evangelii verbis: Dic Ecclesiæ? An non faciunt ridiculum et impostorem Christum, qui nos ad Ecclesiam alleget, si invisibilis illa et imperceptibilis est?.

  A023000651 

 Cui negationi contraria certe est affirmatio illa Christi: Portae inferi non prævalebunt [84] adversus eam; itemque Pauli, qui eam columnam vocat, et firmamentum veritatis.

  A023000655 

 Christus enim» ait: « Attendite a falsis prophetis... Haec sola auctoritas satis» est, inquit, «adversus omnium Pontificum, omnium Patrum, omnium Conciliorum, omnium scholarum sententias, quae jus judicandi et decernendi solis Episcopis et ministris tribuerunt, et impie ac sacrilege populo, id est Ecclesiae reginae, rapuerunt.» Et paulo post insultat Regi Henrico: «Et ut hic mei Henrici et sophistarum recorder, qui a longitudine temporum et multitudine hominum pendent cum sua fide, primum negari non potest hujus rapti juris tyrannidem ultra mille annos durasse; nam in ipso.

  A023000662 

 Contra quem errorem jam olim scripsit Beatus Augustinus quamplurima ex professo et pluribus locis, sed semper ita ut in eam recidat sententiam, quam semel pro constanti et perpetua propositione his verbis exposuit: «Est igitur,» inquit, «liberum arbitrium; quod quisquis negaverit, Catholicus non est.».

  A023000666 

 Negant fideles posse peccare mortaliter, quia, inquit Calvinus, «Fidelium peccata venialia» sunt; «quia Dei misericordia condemnatio nulla est iis qui sunt in Christo Jesu, quia non imputontur, quia venia delentur.» Quasi vero Petri execrationes et Domini sui abnegationes, Davi-dis adulterium et homicidium, imo ipsius Adami et Evæ inobedientia non fuerint peccata mortalia! Quid ergo sibi voluit, qui Episcopo dixit in Apocalypsi: Nomen habes quod vivas, et mortuus es? Quid, quod David, tantis la-chrymis, tot singultibus petiit peccatum suum deleri, cor novum sibi creari, a sua iniquitate lavari, a peccato mundari[89], si, quia fidelis erat, nihil ei damnationis fuerat, neque ullum peccatum illi imputatum?.

  A023000670 

 Sed nihil tantis theologis dignius, quam quod fatetur Calvinus, quaedam ex his Sacramenta fuisse Apostolorum temporibus, nunc vero esse negat; quasi Sacramenta non nisi ad tempus fuerint instituta, non ut tanto tempore durarent, quanto Ecclesia ipsa, hoc est, ad saeculi usque consummationem..

  A023000678 

 Atqui, promissio nullibi facta est iis qui aut ex sanguinibus, aut ex voluntate viri, aut ex voluntate carnis nati sunt; sed iis tantum qui renati sunt ex aqua et Spiritu Sancto, hoc est, qui ex Deo nati [91] sunt.

  A023000679 

 Mitissima tamen apud Catholicos sententia illa est, quod non baptizati infantes, quibus nullum praeter originale peccatum imputari potest, damnantur paena damni tantum, non etiam sensus, gaudentque naturali fcelicitate, qualis quantaque maxima esse potest, ita ut etiam suo modo dent laudem Deo, quantum ad justitiam ejus, non modo vindicativam, sed etiam distributivam.

  A023000683 

 Est enim hoc solemne Calvini et Calvinianorum omnium paradoxum, unde et Sacramentarii ab omnibus appellantur, propria veluti quadam et insigni nota, quod scilicet Sacramentum sine re fingant et constituant.

  A023000684 

 Ad quod impugnan dum invitatus aliquando Lutherus, cum jam verecundiae fines omnes gnaviter transiisset, impugnare tamen erubuit, nimisque potens esse Mot illud professus est.

  A023000684 

 Huic autem istorum negationi, aut potius nugationi, repugnat ex diametro Mot illud Christi, sole clarius, caelo solidius: Hoc est corpus meum.

  A023000685 

 Cum ad octuaginta quatuor usque diversissimas interpretationes ex eorum libris, optima fide, collegerit vir clarissimus Claudius Sanctesius, Episcopus Ebroicensis, in aureo illo suo opere De Eucharistia, quibus si addas omnes eas quae ab eo [94] tempore supervenerunt, non pauciores quam ducentas invenies, easque non modo diversas, sed etiam, quod in magno mendacio evenire necesse est, omnes pene invicem pugnantes.

  A023000686 

 Una quae in verbis Christi figuram et tropum inducit, et Mot substantivum est accipit pro significat.

  A023000687 

 Prior vero [sane dignior est, quae ad grammaticorum quam ad theologorum scholas relegetur, ut toties vapulent miseri, quoties negabunt verbo est veritatem substantiae, non significationem ipsius, significari.] Quid vero isti tropologici dicerent, si textum hebraicum D. Matthaei vidissent, qui, sicut Evangelium conscripsit ea ipsa lingua qua Christus Dominus utebatur cum Sacramentum institueret atque cum hominibus in terris conversaretur, ita institutionis formulam praecipuam magisque observandam tradidisse credendus est; quam porro sic concepit: Accipite et manducate hoc corpus meum, nullo addito verbo est, aut alio ullo ejusmodi, pro quo Sacramentarii suum illud significat substituere, nobisque obtrudere possint.

  A023000687 

 Quo admisso, illud certe etiam manifeste relinquitur, quod ab aliis Evangelistis omnibus, uno ore, et a divo Paulo (qui hoc ipsum accepit non a coapostolis, sed a Domino jam in Caelos assumpto) additum est graecum substantivum Mot έστί, non ea mente factum fuisse, ut commentitiae [96] isti interpretationi viam patefacerent, et Mot est pro significat unquam accipi vellent; sed ut eum ipsum sensum quem Matthaeus materna Christi lingua expressit apertius exprimerent, addito verbo substantivo ad pronomen hoc demonstrativum substantiae, et nomen substantivum corpus, subjectumque adjectivum meum, quo persona ipsa Christi enixissime significatur; itemque relativum quod, cujus eam esse vim et naturam sciunt grammatici omnes ut sit relativum substantiae, ne tot junctis verbis nihil penitus nisi substantiam et veritatem substantiae exprimentibus, dubitare quisquam posset, quin de vero ac reali corpore suo Christus Dominus in Sacramenti institutione sensisset, quod postea pro nobis datum et traditum est in cruce, non per figuram et significationem, sed vere ac realiter, ut figurae omnes Veteris Testamenti, consummato redemptionis opere, finirentur..

  A023000688 

 Ergo verum corpus Domini est, etiamsi indigne et ab infideli manducetur.

  A023000692 

 Ita et ab expresso Dei verbo, et ab omnium antiquorum Patrum et Christianorum fide, prorsus dissentiunt; quid enim clarius illis verbis: Hoc est corpus meum, quod pro vobis datur; Hic est sanguis meus, qui pro vobis et pro multis funditur in remissionem peccatorum? Nimirum datur sacrosanctum corpus illud, non solum nobis in Sacramentum, sed etiam pro nobis in Sacrificium.

  A023000692 

 Omitto Mot quod factum est per Malachiam Prophetam, de oblatione munda toto terrarum orbe offerenda; omitto alia pleraque ex Scripturis firmissima argumenta, quae theologi non omittunt.

  A023000692 

 Satis enim superque fidem nostram adserit Mot illud quod os Domini locutum est, quo evidentissime et efficacissime probatur Eucharistiam non modo Sacramentum esse nobis exhibendum, sed etiam Sacrificium pro nobis offerendum..

  A023000693 

 Adeo verum est quod Tertullianus scripsit: «Varie diabolus semulatus est veritatem; affectavit illam aliquando defendendo concutere.» Eodem namque modo inferunt isti: Quia fides justificat, ergo charitatem non justificare; quia Christi justitia nobis imputatur, ergo nullam in nobis esse justitiam; quia Christus nobis meruit, ergo nulla in nobis esse merita; quia Christus est summus Pontifex, ergo nullum in Ecclesia esse summum Christi vicarium Pontificem; quia Christus mediator redemptionis unicus est, ergo nullum esse mediatorem intercessionis; quia Christus nobis jejunavit, ergo jejunare nos non debere; denique, ne singula persequamur, quia Sacramentum est signum, ergo nullam rem esse in Sacramento.

  A023000693 

 Ergo, inquies, a sacrificii Crucis positione ad sacrificii altaris eversionem isti argumentantur: hoc vero quis credat? Recte sentis, quisquis ita colligis; istorum [100] enim solemnis mos iste est, veritatem nimirum veritate destruere.

  A023000694 

 At apud eruditos, et sive in theologia, sive in logica melius versatos, sunt ista omnino ridicula; sciunt enim sic potius e contrario argumentari nos debere: Quia fides justificat, ergo multo magis charitatem justificare, sine qua fides mortua est; quia Christi justitia nobis imputatur, ergo realem et veram justitiam in nobis effici et procreari; quia Christus nobis meruit, ergo in nobis esse merita, quae meritis Christi nobis sunt comparata; quia Christus est summus Pontifex, ergo inter eos qui ejus vices interim gerunt, unum debere esse summum Pontificem; quia Christus mediator redemptionis unicus est, ergo multos esse posse et debere mediatores intercessionis, qui nobiscum ab eo pro nobis petant, ut redemptionis supe pretium et efficaciam nobis applicet; quia Christus nobis jejunavit, ergo multo magis nos, ad ejus exemplum et imitationem, jejunare oportere; quia Christus resurrexit et ad caelos ascendit, ergo nos, si non tantum fideles, sed etiam electi erimus, et resurrecturos et ad caelum ascensuros, quo modo Paulus ad Thessalonicenses argumentatur; denique, quia in Sacramento signum est, ergo rem quoque ipsam significatam adesse debere.

  A023000695 

 At non eo minus verum illud quoque est, Eucharistiam esse sacrificium; non enim duo sunt sacrificia, Crucis et altaris, sed unicum; unica nempe res in utroque offertur, et ab unico offerente, unico fine et unico Patri.

  A023000695 

 Est equidem illud verissimum, sacrificio Crucis omnia consummata esse, nec oblatione ulla nova opus esse.

  A023000695 

 Idem nimirum Christus est qui in utroque et offert et offertur; unicus Pater caelestis, cui offertur, et in unicam remissionem peccatorum et nominis Dei sanctificationem.

  A023000695 

 Proinde in modo tantum et forma differentia est, nam res quidem oblata idem Christus est, ut diximus; at in cruce, in propria specie et forma, modo crueuto; in Eucharistia vero, sub specie panis et vini, secundum ordinem Melchisedech, modo incruento.

  A023000696 

 Ergo Missae oblatio non alia est, sed eadem cum oblatione Crucis, tantum abest ut sit contraria.

  A023000696 

 Nec tam repetitio est oblationis factae in cruce, quam continuatio ac perseverans exhibitio, cum unico, perpetuo ac constantissimo voluntatis actu seipsum Christus Redemptor Patri obtulerit et offerat usque in aeternum, ut non saepius nec iteratis actibus, sed unico, et nulla alicujus cessationis interruptione [104] discreto actu, oblatio haec perficiatur ex parte Christi, quamvis respectu nostri et ministerii quod praestamus, et respectu externorum actuum, non tam continuata quam repetita, sed semper tamen eadem oblatio censeri merito possit.

  A023000705 

 Quam vero longe aliter divus Paulus, qui ad Ephesios exclamat de Christo: Quod autem ascendit, quid est, nisi quia et descendit in inferiores partes terrae?.

  A023000717 

 Huic vero negationi obstat manifestissimum Scripturæ testimonium in Libris Machabaeorum: Sancta, inquit Spiritus Sanctus, et salubris cogitatio est pro defunctis exorare, ut a peccatis solvantur; sed et ipsius Christi, qui in Evangelio dicit, peccata quaedam esse quae nec in hoc sæculo remittantur, nec in futuro.

  A023000723 

 Aussi est-il clair qu'ils sont du nombre de ceux dont Tertullien a écrit, à propos de tous les hérétiques: «Tout en croyant, ils ne croient pas.» Ils ne sont pas en cela semblables aux païens qui, comme dit le même auteur, «tout en ne croyant pas, croient.» Et je ne vois pas à qui mieux qu'à eux puisse convenir le nom d'άρυοΰμαι ( je nie ), que plusieurs grands écrivains ont estimé être le nom de l'Antéchrist, car la coutume habituelle de tous les antéchrists, c'est-à-dire des hérétiques, est d'établir presque toute leur doctrine sur la négation.

  A023000723 

 En effet, c'est un principe, pour [72] les auteurs comme pour les interprètes de notre Droit, qu'une chose ne peut être douteuse qu'autant que celui qui l'attaque en justice prouve son accusation, même si celle-ci consiste en une négation, surtout s'il s'agit de troubler quelqu'un qui se trouve en possession tranquille de la chose controversée.

  A023000723 

 La première caractéristique de nos hérétiques, caractéristique qui, à mon jugement, ne manque pas d'importance, c'est qu'ils nient presque tout, n'affirment presque rien, si ce n'est qu'ils affirment la plupart du temps en niant, et nient en affirmant.

  A023000723 

 Mais être chrétien négativement, n'est-ce pas, je le demande, ne pas être chrétien du tout?.

  A023000727 

 A cette négation est opposée l'affirmation du Christ, disant qu'il aurait pu prier son Père, et que son Père lui eût fourni plus de douze légions d'Anges; et aussi faire passer un chameau par le trou d'une aiguille; de même l'affirmation de Jean-Baptiste, que des pierres mêmes Dieu pourrait faire naître des fils à Abraham.

  A023000727 

 Il a pu détruire Praxéas» (ajoutons, si cela vous plaît, Luther et Calvin) «et tous les hérétiques; cependant, de ce qu'il l'a pu, il ne s'ensuit pas qu'il l'ait fait.» Or, ce n'est pas d'une puissance ordinaire que Dieu a pu tout cela, car autre a été l'ordre suivant lequel les choses ont été arrêtées et exécutées; c'est donc d'une puissance absolue, [74] c'est-à-dire d'une puissance libre de toute loi promulguée et de l'ordre de choses établi.

  A023000727 

 Il ne s'agit pas cependant d'une puissance absolue, dans le sens de puissance affranchie de l'équité et de la justice, comme l'interprète à tort Calvin; car l'équité et la justice sont la loi intrinsèque de Dieu: loi qui n'est pas autre chose que Dieu lui-même, lequel étant sa loi à lui-même, aussi ne peut-il en aucune façon s'écarter de la loi et de l'équité..

  A023000727 

 Nos hérétiques nient qu'en Dieu il y ait une puissance absolue: [73] «L'invention des scolastiques,» dit Calvin, «sur la puissance absolue de Dieu est un exécrable blasphème.» Et ailleurs, il appelle «impossible» ce qui n'a jamais été ou ne sera jamais.

  A023000731 

 Dieu veut donc bien des choses d'une volonté, non efficiente ou concourante, mais seulement permissive; c'est-à-dire que ce qui est mauvais, d'une malice qu'on appelle morale, ne peut provenir jamais de Dieu, qui est bon et la bonté même.

  A023000735 

 Voici, en effet, les paroles mêmes de Calvin: «Augustin n'est pas lui-même exempt parfois de cette superstition, comme lorsqu'il dit que l'endurcissement et l'aveuglement n'appartiennent pas à l'opération, mais à la prescience de Dieu; pourtant, un grand nombre de textes scripturaires ne supportent pas ces arguties,» etc. A cette négation on peut opposer ce qu'affirme çà et là la Sainte Ecriture, à savoir que Dieu a prévu la trahison de Judas, le reniement de Pierre, l'aveuglement des Juifs; toutes choses que le Christ a prédites et prévues, sans cependant les vouloir ou les faire..

  A023000739 

 Les Ecritures, au contraire, et le Christ lui-même, affirment que le Christ est.

  A023000739 

 Qui donc peut, en effet, comprendre par un effort de son esprit ou de sa pensée, que celui qui est et est appelé Fils, n'ait pas son essence ou sa nature [76] de celui dont il est le Fils? Qu'a donc pu avoir le Fils du Père, sinon la Divinité? Qu'y a-t-il de commun entre le Père et le Fils en dehors de l'essence? Qu'a donc communiqué le Père au Fils, si ce n'est l'essence même? C'est pourquoi les Ecritures, les Conciles, les Pères, enfin tout l'univers chrétien, proclament que le Fils est «Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu.» Par conséquent, Dieu le Père possède la véritable essence divine, qu'il n'a ni de lui-même, contrairement à l'expression peu prudente de Calvin, ni de quelque autre, mais tout à fait de personne, l'essence n'engendrant pas et n'étant pas engendrée.

  A023000743 

 Enfin, notre vie est fille de la mort du Christ; celui qui cherche la vie ailleurs que dans cette mort a perdu la vie.

  A023000743 

 Quelle n'est pas l'audace de ces hérétiques de dire que rien n'eût été fait par la mort du Christ, alors que, à cause de la dignité infinie de Celui qui l'a subie, la plus petite goutte de son sang royal et divin eût suffi à racheter des mondes innombrables!.

  A023000747 

 Et un [78] peu après: «Je travaille,» dit-il, «à désapprendre cette opinion invétérée du Christ Législateur et Juge, afin de la condamner et repousser.» Mais, tout au contraire, l'Epître de saint Jacques enseigne cette doctrine même, en appelant en propres termes le Christ Législateur, après Isaïe qui l'avait nommé du même nom en disant: Le Seigneur est notre Législateur..

  A023000747 

 Voici, en effet, les paroles de Luther: «Il faut que tu saches ce qu'est en définitive le Christ: or, le Christ en définitive n'est pas Législateur.» Et aussitôt, il traite de «pestilentielle» la doctrine du Christ Législateur.

  A023000751 

 Tout autre est l'enseignement de saint Pierre, qui affirme ouvertement que le Christ a été établi par Dieu, Juge des vivants et des morts.

  A023000755 

 Et en réalité, quelle sera la certitude et l'autorité des Saintes Ecritures, si l'on supprime la Tradition, puisque cette certitude et cette autorité peuvent se prouver non par le témoignage de l'Ecriture, mais seulement par la Tradition? Pourquoi appellerons-nous Livres canoniques les Evangiles de Matthieu et de Luc, plutôt que ceux de Thomas et de Nicodème? Et si quelqu'un se met à nier cela et à rejeter, avec nos hérétiques, la Tradition non écrite, comment arriverons-nous à trouver une preuve contre lui? En outre, où étaient donc l'Eglise et la foi de l'Eglise pendant tous les siècles où les matières de foi étaient traitées, non par l'écriture, mais seulement par la parole? Est-ce que l'Eglise n'a pas été antérieure aux Ecritures? Dans quel endroit de l'Ecriture trouveront-ils quelque chose qui nous oblige à croire qu'il faut ajouter foi seulement à ce qui est écrit? Que dire du Baptême des enfants; du Dimanche à sanctifier, de préférence à tout autre jour, en remplacement du Sabbat juif; de la création des Anges, et de tant d'autres choses du même genre dont la croyance est très certaine dans l'Eglise, et même parmi tous les [80] hérétiques, mais dont la preuve par l'Ecriture est tout à fait inexistante? C'est bien autrement, et magnifiquement comme toujours, que parle Augustin: «Je ne croirais pas à l'Evangile, si» l'Eglise ne me disait que c'est l'Evangile..

  A023000759 

 Quelques-uns, parmi ceux-ci, n'ont été écrits qu'après la fixation du Canon des Juifs: qui s'étonnera donc de ne pas les voir insérés dans ce Canon, si ce n'est celui qui, par ignorance de la chronographie, ne sait pas que c'est là une impossibilité? [81].

  A023000763 

 Je laisse de côté, en effet, que plusieurs affirment avec grande probabilité que cette Epître n'est pas de l'Apôtre Jacques, ni digne de l'esprit apostolique, bien que par l'usage elle ait obtenu de l'autorité, quel que soit par ailleurs son auteur.

  A023000763 

 Luther, en effet, dans le livre qu'il a écrit Sur la captivité de Babylone, a.u chapitre Du Sacrement de l'Extrême-Onction, répondant à un argument tiré de l'autorité évidente de saint Jacques en faveur de l'Extrême-Onction, expose en ces termes son opinion: «Je dis, moi, que si jamais on a déliré, c'est surtout en cet endroit qu'on l'a fait.

  A023000764 

 Voyez-vous l'audace et l'impudence de cet homme qui, non content d'avoir détruit autant qu'il l'a pu l'autorité de l'Epître apostolique, accuse encore l'Apôtre d'arrogance, si c'est lui qui a écrit [82] l'Epître, en s'attribuant le droit d'instituer un Sacrement! L'insensé apostat ne voit pas que l'Apôtre agit comme il le fait, non pour instituer le Sacrement de l'Extrême-Onction, mais pour exhorter les fidèles à en user; ce qu'il n'aurait certes pas fait, si le Christ n'avait lui-même institué ce Sacrement..

  A023000772 

 Si cela était, pourquoi le Christ notre Seigneur l'aurait-il comparée à une ville située sur une montagne, à un festin, à un bercail, à un édifice construit sur le roc? Pourquoi, en outre, nous renverrait-il à l'Eglise par ces paroles de l'Evangile: Dis-le à l'Eglise? Ne rendent-ils pas le Christ ridicule et imposteur, lui qui nous renvoie à l'Eglise, si celle-ci est invisible et si l'on ne peut l'apercevoir?.

  A023000776 

 A cette négation est certes contraire l'affirmation du Christ: Les portes de l'enfer ne prévaudront [84] point contre elle; de même celle de Paul, qui l'appelle colonne et soutien de la vérité.

  A023000780 

 Voici, en effet, les paroles de Luther: «Il appartient à tous les chrétiens et à chacun d'eux de connaître et de juger de la doctrine, et cela leur appartient tellement, qu'il faudrait dire anathème à quiconque léserait ce droit le moins du monde Car le Christ a dit: Gardez-vous des faux prophètes... Cette seule autorité suffit contre les sentences de tous les Pontifes, de tous les Pères, de tous les Conciles, de toutes les écoles, qui ont accordé le droit de juger et de décider aux seuls Evêques et ministres, et l'ont, d'une manière impie et sacrilège, arraché au peuple, c'est-à-dire à l'Eglise-reine.» Un peu plus loin il s'en prend au roi Henri: «Et pour faire ici mention de mon Henri et des sophistes qui font dépendre leur foi de la durée des temps et de la multitude des hommes, tout d'abord on ne peut nier que ce soit depuis plus de mille ans que le droit en question a été tyranniquement ravi; car dans le Concile de Nicée, le meilleur de tous cependant, on commençait déjà à faire des lois et à s'attribuer le droit susdit.» Et peu après il ajoute: «Il est hors de controverse que le droit de connaître de la doctrine, d'en juger ou de l'approuver réside en [86] nous-mêmes, non dans les Conciles, chez les Pontifes, les Pères, les Docteurs.».

  A023000781 

 Et s'ils ont ce droit parce que chrétiens, est-ce que les Pontifes, les Pères, les Docteurs ne sont pas aussi chrétiens? Ils l'auront en tant que brebis, non en tant que pasteurs.

  A023000781 

 Je vous le demande, qui que vous soyez qui lisez ces phrases, a-t-on jamais rien écrit de plus arrogant et de plus impudent? Ce ne sont pas les Conciles, les Pontifes, les Pères, les Docteurs qui ont le droit de connaître et de juger des doctrines, mais le seul Luther; bien mieux, le premier venu de la lie du peuple, pourvu qu'il soit luthérien (car j'imagine que c'est là le sens de Luther; autrement c'en serait fini de lui et de tous les luthériens, s'ils avouaient qu'il faut croire à Calvin et aux calvinistes au sujet de l'interprétation des Ecritures).

  A023000782 

 Qui le nie? Toutefois, est-ce parce qu'il veut que chacun juge de leur doctrine, comme le pense Luther? Pas le moins du monde; mais parce que chacun peut facilement se rendre compte de leur personne (comme nous le faisons, pour notre trop grand malheur, à l'égard des luthériens et des calvinistes) [87] au moyen de leurs fruits et de leurs œuvres; car ils viennent et ne sont pas envoyés, ils dispersent les brebis et divisent le troupeau, en sorte que, malgré leurs apparences de brebis, il est facile de reconnaître qu'ils sont au-dedans des loups ravisseurs..

  A023000787 

 Contre cette erreur, le bienheureux Augustin a déjà écrit autrefois abondamment, ex professo et en nombre d'endroits, mais toujours pour en revenir à la doctrine qu'il a une fois exposée en ces mots résumant bien sa constante et persévérante pensée: «Il y a donc un libre arbitre, et celui qui le nie n'est pas Catholique.».

  A023000791 

 Ils nient que les fidèles puissent pécher mortellement, parce que, dit Calvin, «les péchés des fidèles sont véniels; la raison en est que, grâce à la miséricorde divine, il n'y a pas de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus, leurs péchés ne leur sont pas imputés, ils sont effacés par le pardon.» Comme si les imprécations et les reniements de Pierre à l'égard de son Maître, l'adultère et l'homicide de David, bien mieux, la désobéissance d'Adam et d'Eve n'avaient pas été des péchés mortels! Qu'a donc voulu dire celui qui, dans l'Apocalypse, a adressé ces paroles à l'Evêque: Tu as un nom de vivant, et tu es mort? Pourquoi donc David a-t-il, au prix de tant de larmes, de tant de sanglots, demandé que son péché fût effacé, qu'un cœur nouveau fût créé en lui, qu'il fût lavé de son iniquité, purifié de son péché, si, puisqu'il était [89] fidèle, il n'avait à craindre aucune condamnation, aucune imputation de péché?.

  A023000795 

 Mais rien n'est plus digne de ces grands théologiens que ce qu'affirme Calvin, lorsqu'il dit que certains de ces Sacrements ont existé au temps des Apôtres, qui cependant n'existent plus aujourd'hui; comme si les Sacrements n'avaient été institués que pour un temps, non pour tout le temps que devait durer l'Eglise elle-même, c'est-à-dire jusqu'à la consommation des siècles!.

  A023000799 

 C'est aussi ce qu'a ordonné de croire le Concile de Nicée, et encore celui de Constantinople, et ce que l'Eglise universelle elle-même proclame en chantant cette solennelle affirmation: «Je confesse un Baptême pour la rémission des péchés.».

  A023000799 

 Ils admettent, il est vrai, les deux autres Sacrements, le Baptême et l'Eucharistie, en niant toutefois l'efficacité du Baptême à remettre les péchés.

  A023000799 

 S'il faut, en effet, en croire Calvin, l'eau du Baptême n'opère pas «notre ablution et notre salut,» ne contient [90] pas «en soi la vertu de purifier, de régénérer et de renouveler.» Tout ceci cependant est affirmé très clairement par l'Apôtre Paul dans son Epître à Tite, lorsqu'il dit que le Christ nous a sauvés par le bain de la régénération.

  A023000803 

 Or, la promesse n'a nulle part été faite à ceux qui sont nés du sang, ou de la volonté de l'homme, ou de la volonté [91] de la chair; mais seulement à ceux qui renaissent de l'eau et de l'Esprit-Saint, c'est-à-dire qui sont nés de Dieu.

  A023000803 

 Voici, en effet, ce que dit Calvin: «L'enfant d'un fidèle, dès le sein, de sa mère est compris dans l'alliance par droit héréditaire, selon la formule de la promesse.» Comme si vraiment l'Apôtre ne s'écriait pas: Ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, mais ce sont les enfants de la promesse qui sont regardés comme la postérité.

  A023000804 

 Cependant, c'est une opinion bien peu sévère que celle des catholiques au sujet des enfants non baptisés, auxquels ne peut être imputé d'autre péché que le péché originel: à savoir, qu'ils sont, condamnés à la peine du dam seulement, non à celle du sens, et qu'ils jouissent d'un bonheur naturel le plus grand possible en qualité et en quantité, en sorte qu'ils rendent gloire à Dieu pour sa justice, non seulement vindicative, mais aussi distributive.

  A023000808 

 C'est, en effet, ici l'enseignement paradoxal sur lequel Calvin et les calvinistes reviennent sans cesse; ce qui les fait appeler par tout le monde les Sacramentaires, caractéristique qui leur est attribuée en propre et les distingue, parce qu'ils imaginent et inventent un Sacrement sans la chose de ce Sacrement.

  A023000809 

 A cette négation, ou plutôt à cet enfantillage des sacramentaires, s'oppose diamétralement cette parole du Christ, plus claire que le soleil, plus inébranlable que le firmament: Ceci est mon corps.

  A023000810 

 C'est à ce point que le très illustre Claude de Sainctes, évêque d'Evreux, dans son excellent ouvrage De Eucharistia, a pu parfaitement tirer de leurs livres jusqu'à quatre-vingt-quatre interprétations fort différentes.

  A023000810 

 Ceci ne s'est pas produit sans un jugement admirable et profondément sage du Dieu très bon et très grand: il fallait, en effet, que ceux qui ont osé, par cette épouvantable négation allant à l'encontre de la parole divine, violer et profaner un si grand Sacrement, un si parfait symbole d'unité, fussent précipités par là même dans un abîme de division..

  A023000811 

 L'autre est celle qui, pour ne pas avoir l'air de s'écarter même matériellement des paroles du Christ, admet que son vrai corps se trouve dans le Sacrement de l'Eucharistie, mais par la foi, non par une présence réelle et corporelle qui précéderait la manducation; en somme, [95] qu'il s'y trouve sans s'y trouver, et que cette présence n'est vraie qu'en imagination.

  A023000811 

 L'une est celle qui introduit dans les paroles du Christ une façon de parler métaphorique, et prend le verbe être dans le sens de signifier.

  A023000812 

 Cela admis, il reste en outre certainement manifeste que l'addition du verbe grec substantif ( est ), faite d'un commun accord par tous les autres Evangélistes et par [96] saint Paul (celui-ci d'après l'enseignement, non de ses collègues en apostolat, mais du Seigneur déjà monté au Ciel), que cette addition, disons-nous, n'a pas été, faite dans le but d'aplanir la voie à l'interprétation mensongère ci-dessus et de faire croire qu'ils voulaient donner au verbe est le sens de signifie; mais pour exprimer plus ouvertement le même sens que saint Matthieu a exprimé dans la langue maternelle du Christ.

  A023000812 

 En sorte qu'il est impossible à personne, devant tant de mots réunis qui n'expriment que la substance et la vérité de la substance, de douter de l'intention que Notre-Seigneur Jésus-Christ a eue, en instituant son Sacrement, de parler de son corps véritable et réel, celui-là même qui ensuite fut donné et livré pour nous sur la croix, non en figure et signification, mais vraiment et réellement, afin que toutes les figures de l'Ancien Testament prissent fin avec la consommation de l'oeuvre de la rédemption..

  A023000812 

 Ils ont pour cela ajouté le verbe substantif au pronom ce, démonstratif de la substance, au nom substantif corps, et à l'adjectif dépendant mien, qui indique très énergiquement la personne elle-même du Christ; de même ils ont ajouté le relatif qui, dont la portée naturelle, comme le savent tous les grammairiens, est d'exprimer une relation avec la substance.

  A023000813 

 Donc, le vrai corps du Seigneur est là, même s'il est mangé indignement et par un infidèle.

  A023000817 

 Mais à qui serait-il donné pour nous, si ce n'était au Père tout-puissant? Et pour que personne ne puisse penser que c'est bien un sacrifice, mais [99] non une hostie de propitiation, le Christ a ajouté en propres termes: en rémission des péchés.

  A023000817 

 Notre foi est surabondamment établie par la parole ci-dessus, prononcée par la bouche du Seigneur, qui prouve avec la plus grande force et évidence que l'Eucharistie n'est pas uniquement un Sacrement devant nous être présenté, mais encore un Sacrifice devant être offert pour nous..

  A023000817 

 Quoi de plus clair, en eflet, que ces paroles: Ceci est mon corps qui est donné pour vous; Ceci est mon sang qui est répandu pour vous et pour plusieurs en rémission des péchés? Sans nul doute, ce corps très saint est donné, non pas seulement à nous en Sacrement, mais aussi pour nous en Sacrifice.

  A023000818 

 Et si vous ajoutez: le Christ est ressuscité et il est monté aux cieux pour tous les fidèles et les élus, donc personne ne ressuscitera et ne montera aux cieux, le vulgaire le croira aussi, pourvu toutefois que ce soit Luther ou Calvin qui l'affirme; c'est, en effet, par un argument de même sorte que le leur que s'obtient ce dernier mensonge.

  A023000818 

 Ils en déduisent qu'il n'est pas besoin que le Christ s'offre plus souvent.

  A023000818 

 Mais alors, dira quelqu'un, ces hérétiques renversent le sacrifice de l'autel en se basant sur le sacrifice de la Croix: qui peut vraiment croire cela? Tu es [100] dans le vrai en tirant une semblable conclusion; car la coutume ordinaire de ces hérétiques est de détruire une vérité par une vérité.

  A023000818 

 Qu'est-ce donc qui a pu pousser ces malheureux à obscurcir de leurs balivernes la splendeur des paroles du Christ? Je le dirai en peu de mots, laissant aux théologiens le soin de développer l'argument.

  A023000818 

 Tant est juste ce que Tertullien a écrit: «Le démon a varié ses moyens pour attaquer la vérité; il a parfois affecté de la défendre pour l'abattre.» Pareilles sont ces autres conclusions de nos hérétiques: La foi justifie, donc la charité ne justifie pas; la justice du Christ nous est imputée, donc il n'y a en nous aucune justice; le Christ a mérité pour nous, donc nous n'avons aucun mérite; le Christ est souverain Pontife, donc il n'y a dans l'Eglise aucun souverain Pontife, vicaire du Christ; le Christ est l'unique médiateur de rédemption, donc il n'existe aucun médiateur d'intercession; le Christ a jeûné pour nous, donc nous ne devons pas jeûner; enfin, pour ne pas tout énumérer, le Sacrement est un signe, donc dans le Sacrement il n'y a aucune réalité.

  A023000819 

 Mais auprès des savants et de ceux qui sont davantage versés dans la connaissance, soit de la théologie, soit de la logique, tous ces raisonnements sont parfaitement ridicules; car les gens instruits savent qu'il nous faut, au contraire, raisonner ainsi: La foi justifie, donc bien plus la charité justifie, elle sans laquelle la foi est morte; la justice du Christ nous est inciputée, donc une réelle et vraie justice est produite en nous; le Christ a mérité pour nous, donc nous avons des mérites que nous ont valus les mérites du Christ; le Christ est souverain Pontife, donc parmi ceux qui pour le moment le remplacent, il faut qu'il y en ait un qui soit souverain Pontife; le Christ est l'unique médiateur de rédemption, donc il peut et il doit y avoir de nombreux médiateurs d'intercession, qui, avec nous et pour nous, implorent de lui qu'il nous applique le prix et l'efficacité de sa rédemption; le Christ a jeûné pour nous, donc à plus forte raison devons-nous jeûner à son exemple et imitation; le Christ est ressuscité et monté aux cieux, donc nous aussi, si nous sommes non pas seulement fidèles, mais aussi élus, nous ressusciterons et monterons aux cieux, selon le raisonnement de Paul dans son Epître aux Thessaloniciens; enfin, il y a un signe dans le Sacrement, donc il faut que la chose signifiée y soit aussi.

  A023000820 

 C'est le même Christ qui s'offre lui-même, mais sur la croix c'est sans le ministère d'un autre prêtre inférieur; sur l'autel, c'est non seulement par lui-même, comme au jour de l'institution [du Sacrement], mais aussi par les co-ministres de son sacerdoce établi par lui selon l'ordre de Melchisedech, qu'il a voulu être offert en tout lieu comme une oblation pure.

  A023000820 

 C'est un même Dieu à qui l'offrande est faite, mais sur la croix, c'est à un Dieu irrité et courroucé contre tout le genre humain; dans l'Eucharistie, c'est à un Dieu apaisé et favorable, tout disposé à faire du bien à ceux auxquels est appliqué le fruit du premier sacrifice de la Croix..

  A023000820 

 Car c'est le même Christ qui, de part et d'autre, offre et est offert; c'est le seul Père céleste à qui est faite l'offrande, et cela pour la seule rémission des péchés et sanctification du nom de Dieu.

  A023000820 

 De même, pour arriver à ce qui noua occupe, de ce que le Christ s'est offert lui-même en sacrifice sur la croix, concluons plutôt qu'il s'est aussi offert en sacrifice dans l'Eucharistie, but évident de recommander et appliquer le premier sacrifice par le second.

  A023000820 

 Il est très vrai que par le sacrifice de la Croix tout a été consommé et qu'il n'est nul besoin d'une nouvelle oblation; toutefois il n'est pas moins vrai que l'Eucharistie est un sacrifice: il n'y a pas, en effet, deux sacrifices, celui de la Croix et celui de l'autel, mais un seul, parce que, d'un côté comme de l'autre, c'est une même chose qui est offerte, par un même sacrificateur, à une même fin et au même Père.

  A023000820 

 La fin pour laquelle il est offert est la même des deux côtés: à savoir, la rémission des péchés; mais elle n'est pas atteinte de la même façon dans l'un [103] et l'autre cas, attendu que sur la croix la rémission se fait par une rédemption, satisfaction et réparation sans bornes, tandis que sur l'autel, elle se fait par l'usufruit et l'application de cette rédemption, de cette satisfaction, de cette réparation.

  A023000820 

 Par conséquent, la différence n'est que dans la manière et la forme, puisque, comme nous l'avons dit, la chose offerte est le même Christ; mais sur la croix il est offert dans sa propre apparence et forme, d'une manière sanglante, tandis que dans l'Eucharistie, il l'est sous l'espèce du pain et du vin, selon l'ordre de Melchisédech, d'une manière non sanglante.

  A023000821 

 Ainsi donc, celui qui dirait que le sacrifice de la Messe et celui de la Croix sont deux sacrifices, dirait vrai à cause de la forme et des modes divers de la double offrande; mais il est bien mieux et non moins vrai, tout au contraire plus vrai, de parler d'un seul sacrifice, à cause de l'identité, pour ainsi dire, de Celui qui à la fois offre et est offert, de Celui à qui il est offert et de la fin pour laquelle il est offert.

  A023000821 

 Ainsi le soleil, par un acte unique et continu, offre et communique sa lumière au monde inférieur, et n'est aucunement affecté en lui-même par l'alternance des nuits et des jours, bien que, par rapport à nous, la diversité des nuits et des jours nous fasse distinguer en lui un cours sans cesse recommencé dans son unité.

  A023000821 

 C'est comme pour le soleil: celui qui parlera d'un seul, à cause de l'unité indivise de la substance du soleil, s'exprimera avec plus de vérité que celui qui, à cause de la distinction des jours, estimera devoir parler de plusieurs soleils.

  A023000821 

 Il n'est pas tant la répétition de l'offrande faite sur la croix, que sa continuation et sa reproduction persévérante, puisque l'acte de volonté, par lequel le Christ Rédempteur s'est offert et s'offre pour toujours au Père, est unique, perpétuel et très constant.

  A023000821 

 Par suite, le sacrifice de la Messe n'est pas différent, mais est le même que celui de la Croix, bien loin de lui être contraire.

  A023000822 

 Cela montre bien que tout leur plan est de mépriser une chose et de rejeter l'autre..

  A023000822 

 Cependant, lorsqu'ils passent au sacrifice de la Croix, ils lui enlèvent toute force et vertu, en affirmant, comme nous l'avons dit ci-dessus, que rien n'a été fait par lui, et ils réduisent toute l'œuvre de notre rédemption à je ne sais quels supplices de l'enfer dont il n'est pas fait la moindre mention dans l'Ecriture tout entière.

  A023000830 

 Combien elle est éloignée de l'interprétation calviniste cette exclamation de saint Paul aux Ephésiens: Or, que signifie: Il est monté, sinon qu'il était d'abord descendu dans les régions inférieures de la terre?.

  A023000830 

 Ils nient que le Christ soit descendu aux enfers vraiment et dans un sens historique, et disent qu'il y est se vilement descendu mystiquement et dans un sens métaphorique, bien qu'il soit écrit en termes très exprès dans le Symbole des Apôtres: «Il est descen du aux enfers.» Comme si le Symbole des Apôtres avait été conçu et avait dû être conçu en des termes de sens si difficile et si caché que jusqu'ici personne, hormis Calvin, n'ait pu le saisir ou le deviner, et non plutôt en ces termes faciles qui ont pour tout chrétien un sens obvie.

  A023000838 

 «Qui donc,» écrit Calvin, «a-t-il révélé qu'ils aient des oreilles assez longues pour écouter nos voix?» Qu'il me soit plus justement permis de m'écrier: Qui donc pourrait croire que Calvin ait une âme assez méchante et assez stupide, pour mesurer l'ouïe des esprits bienheureux à la longueur de leurs oreilles? Le Christ n'a-t-il pas lui-même révélé que même les Anges dans le ciel se réjouissent du repentir des pécheurs? Mais comment peuvent-ils s'en réjouir s'ils ne le connaissent pas? Et s'ils le connaissent, avec quelles oreilles l'ont-ils appris? C'est, en effet, avec [108] les mêmes oreilles que les âmes des Saints perçoivent nos voix, étant égaux aux Anges quant aux oreilles, aux yeux, aux mains et aux pieds, selon cette parole du Christ notre Seigneur: Ils seront semblables aux Anges de Dieu..

  A023000842 

 A cette négation s'oppose le très éclatant témoignage de l'Ecriture dans les Livres des Machabées: Elle est sainte et salutaire, dit le Saint-Esprit, la pensée de prier pour les défunts, afin qu'ils soient délivrés de leurs péchés; celui aussi du Christ lui-même, disant dans l'Evangile, que certains péchés ne sont remis ni dans ce siècle, ni dans le siècle à venir.

  A023000848 

 Si quid autem, praeterea, de quibus nobiscum sentiunt, affirmare videntur, illud omne privativum, putativum et chimericum est.

  A023000852 

 Eodemque loco, disertis verbis contendit, Deum, «per ministrum irae suae, Sathanam, consilia» impiorum destinare, «quo visum est, et voluntates» excitare «et conatus» firmare.

  A023000852 

 «Fateor,» inquit, «in hanc miseriam» (loquitur autem de peccato) «decidisse universos filios Adam, atque id est, quod principio dicebam, redeundum tandem semper esse ad solum divinae voluntatis arbitrium.» Mox arguit eos qui «negant decretum fuisse a Deo, ut sua defectione periret Adam.» Subinde, loquens de perditis: «Ex Dei,» inquit, «praedestinatione pendet eorum perditio.» Rursum: «Cadit igitur homo, Dei [111] providentia sic ordinante.» Sed et incestum quem Absalon commisit, «opus Dei esse» dicit, ut et Chaldaeorum saevitiam in Judaeos.

  A023000857 

 Affirraant peccata remitti sola non imputatione; quod ipsum nihil aliud est, quam negare veram peccatorum remissionem.

  A023000857 

 Igitur superest ut delendo et abluendo tegat, quandoquidem nihil Deo tectum, aut non apertum ejus oculis esse potest, nisi quod omnino non est.

  A023000861 

 Affirmant impium justificari per solam justitiae Christi imputationem, ut scilicet nulla in nobis sit justitia a Christo, sed ea nobis solum imputetur, quae in Christo est, non in nobis.

  A023000861 

 De quo non plura fere in Sacris Scripturis verba sunt, quam testimonia: Charitas Dei diffusa est in cordibus nostris per Spiritum Sanctum qui datus est nobis; Eratis aliquando tenebræ, nunc autem lux in Domino.

  A023000861 

 Et invitatus ille repulsus est, non quia sponso vel filio regis deesset vestis nuptialis, sed quia ipse non habebat; et prodigo filio non tantum suam vestem imputavit pater, sed novam [114] dedit; et Sancti ambulant in albis, non tantum quia Agnus albus est, sed quia stolas suas dealbaverunt in sanguine Agni..

  A023000861 

 Hac autem affirmatione vim et efficaciam justitiae Christi negant, quae in eo maxime elucet, ut nobis prosit non modo per sui imputationem, sed per justitiae formalis in corda nostra derivationem et infusionem, ut filii Dei non tantum nominemur, sed etiam simus; ac, quod consequens est, non justi tantum nominemur et habeamur, sed vere simus et efficiamur.

  A023000865 

 Jacobus [115] vero: Fides sine operibus mortua est; atqui opera sunt charitatis; ergo sine charitate fides mortua est.

  A023000865 

 Rursum Lutherus, ibidem, hoc suavi se oblectat argumento, ut facile agnoscas quam bonus fuerit logicus: « Lex non est ex fide; atqui lex nihil aliud praecipit quam charitatem; ergo charitas est non ex fide, sed pugnat cum ea.» Quid vero tu ad haec, o magne Paule? Si tantam fidem habuero ut montes transferam, charitatem autem non habuero, nihil mihi prodest.

  A023000865 

 «Fide,» inquit Lutherus, «homo fit Deus; per charitatem merus est homo.» At Paulus; Sine charitate, inquit, nihil sum.

  A023000866 

 Quare non immerito seipsum miratur Lutherus, in haec verba prorumpens: «Haec nostra,» inquit, «theologia paradoxa rationi, mirabilis et absurda est, quod non solum surdus sim legi et liber ab ea, sed plane ei mortuus.» Et paulo post: «Respondebimus,» inquit, «cum Paulo, sola fide in Christum nos pronunciari justos, non operibus legis aut charitate.» Ubinam vero gentium Paulus ea verba addidit, quae tu de tuo addis, Luthere: «aut charitate»? [116].

  A023000870 

 Affirmant omne opus bonum esse peccatum; haec enim maxima est et solemnis Lutheri propositio, quam ex professo plerisque locis propugnat.

  A023000871 

 Et qui dabit unicuique secundum opera sua, idem reddet omnibus, piis et impiis, praemium: nam, ut piis quoque propter bonum opus paenam infligat necesse est, quia bonum opus faciendo peccaverunt; item, ut impiis reddat gloriam, quia eorum opera non magis quam piorum et proborum peccata sunt..

  A023000871 

 Haec vero affirmatio quid aliud praestat, nisi ut hoc ipso negent ullum opus bonum esse? nam, si est peccatum, quomodo bonum? Si bonum, quomodo peccatum? Si bonum est peccatum, ergo peccatum est bonum.

  A023000871 

 Rursum, si bonum est peccatum, ergo jubet Deus facere peccatum, quia jubet facere bonum.

  A023000871 

 Si peccatum est bonum, ergo prohibet Deus facere bonum, cum [117] prohibeat facere peccatum.

  A023000872 

 Si enim praestat «otiosum esse quam nihil agere,» ut Plinius dicebat, an non multo tutius est nihil agere quam male agere et peccare? Hic vero quis non videat in hoc hominum genere miram perpetuamque contradicendi libidinem? Bonum, inquiunt, est malum; lux sunt tenebrae; calidum, frigidum.

  A023000876 

 Ac sane, tantum abest ut impossibilia sint Dei praecepta, ut e contrario, et levia et suavia ea esse Christus ipse ore suo pronunciaverit: Jugum, inquit, m eum suave est, et onus meum leve.

  A023000876 

 Proinde hoc ipso negant, nec teneri nos, nec ligari lege ulla; nam, ut est in Juris nostri regula, «impossibilium nulla est obligatio,» nec a nobis exigere quisquam jure potest plus quam praestare possimus, nisi durus nimis et tyrannicus sit exactor.

  A023000877 

 Quicumque ista profitetur et urget, est minister legis, peccati, irae et mortis; nam impossibile est humanam naturam implere legem, imo in justificatis qui habent Spiritum Sanctum.» Et paulo post: «Qui igitur docet fidem in Christum non justificare, nisi lex simul servetur, ille facit Christum peccati ministrum et crudelem tyrannum, qui exigit impossibilia, ut Moses, quffi nemo facere potest.» Idem vero docuit Calvinus, melior, in hoc articulo, ut etiam aliis plerisque, Lutheranus quam theologus..

  A023000877 

 Sic ille scribit: «Christianus proprie definitus liber est ab omnibus legibus, et nulli prorsus, nec intus nec foris, est subjectus.» Item: «Est autem,» inquit, « minister peccati nihil aliud quam legislator seu exactor legis, qui docet bona opera et charitatem, [119] qui docet crucem et passiones ferendas, exemplum Christi et Sanctorum imitandum.

  A023000881 

 «Christus,» inquit Lutherus, «ordinavit ut nullum esset peccatum nisi incredulitas, nulla justitia nisi fides.» Et alibi tuetur mordicus hanc propositionem: «Baptizatum, etiam volentem, non posse perdere salutem suam quantiscumque peccatis, nisi nolit credere, quia,» inquit, «fides tollit omnia [120] peccata et facit volentem non peccare.» Hac autem affirmatione negant evidentissime scortationes, homicidia, perjuria, blasphemias esse peccata; quod tamen quam absurdum sit qui non videt, quid unquam absurdum esse fatebitur? At quam praeclare rursum cohaerent hae propositiones Lutheri: «Omne opus bonum, etiam fidelis, etiam justi, est peccatum;» et: «Nullum opus justi, nisi incredulitas, est peccatum;» nam si omne opus bonum est peccatum, quomodo nullum opus malum peccatum est?.

  A023000885 

 Via arcta est; singulum te fieri necesse est, si transire velis ac penetrare rupem; qui operibus, ceu Jacobitae peregrinatores cocleis circum undique muniti sunt, penetrare non possunt; si saxis operum refertus adveneris, nisi deposito prius onere, non pertransibis.» Et alibi: «Justitia,» inquit, «legis, etiam Decalogi, [121] est immunda et abolita per Christum.» Quis vero tibi, Luthere, has Christi voces revelavit? Nec enim reperisti in Evangelio, in quo nihil tantopere Christus commendat quam ut, si velimus ad vitam ingredi, servemus mandata, et operariis, non fiduciariis, mercedem se daturum pollicetur..

  A023000890 

 Affirmant nulla ex circumstantia fieri peccata deteriora; Lutherus enim hanc propositionem, inter caeteras quas pro certissimis habet, tuetur: «Circumstantias peccatorum, cum matribus, filiabus, sororibus, affimbus, quacumque die, quocumque loco, quibusvis cum personis, ac si quid aliud praeterea externum sit, aequales esse ac penitus contemnendas.» Quam vero eleganti ratione? «Quia,» inquit, «Christus talia non praecepit in suis legibus.» Et alibi: «Apud Christianos,» inquit, «una tantum est circumstantia, quae est peccasse in fratrem.» [122] Qua affirmatione negant peccatorum inaequalitatem, saltem in eodem genere peccati.

  A023000890 

 Hoc vero quis ferat, ut eadem sit malitia peccati ejus qui thorum proximi, et ejus qui thorum patris sui violaverit? Ergo non gravius peccat qui patrem, quam qui servum occiderit? qui columbas in templo plus aequo, quam qui in trivio vendiderit? Quid igitur illud est, quod tantopere Paulus exaggerat Corinthii illius fornicationem, quae tam gravis erat, ut nec inter Gentes inveniretur, nimirum quod quis patris sui uxorem habere auderet?.

  A023000894 

 Hic opportunum est ut maritus dicat: Si tu nolueris, alia volet; si domina noluerit, adveniat ancilla; ita tamen ut antea iterum et tertio admoneat maritus.» Quid, obsecro, possit diabolica impudentia fingere hoc impudente impudentius? Sobrius tamen et modestus est in eo loco, si cum iis, quae alibi scripsit, haec comparentur; nam non modo eadem repetit, sed addit quaedam adeo obscaena de pruritu carnis utriusque sexus, maxime vero muliebris, ut nemo, sine pudore ac verecundia, hujusmodi petulantiam intueri vel audire possit, ne dum referre..

  A023000894 

 Insita est natura et indoles aeque atque membra quae eo pertinent.» [123] Et paulo post: «Reperiuntur interdum,» ait, «pertinaces uxores, quae etiamsi decies in libidinem prolaberetur maritus, pro sua duritia non curarent.

  A023000894 

 «Mot hoc,» ait ille, « Crescite et multiplicamini, non est praeceptum, sed plus quam praeceptum divinum, puta opus quod non est nostrarum virium, ut vel impediatur, vel omittatur, sed tam est necessarium, quam ut masculus sim, magisque necessarium quam edere, bibere, purgare, mucum emungere, somno et excubiis inteutum esse.

  A023000895 

 Hac porro tam absurda, et satyro magis quam homine digna affirmatione, negant consilia Christi et Pauli de virginitate servanda, de secundis nuptiis non expetendis, de castratione propter regnum Dei, de muliere non tangenda, possibilia esse et observanda, gravemque injuriam adultis puellis nondum matrimonio collocatis, viduis, et aliis quibus viri copia non est, inducunt.

  A023000908 

 Rursum peccatis nostris non posse nos damnari, cum ea sibi imputari voluerit, ac si sua essent.» Quo tamen loco advertendum est, in prioribus editionibus, maxime gallicis, rem durius exprimi, quam in posteriori anni 1602; nam in illis non solum asseritur «regnum Caelorum non magis nobis excidere posse quam» Christo, quod et in posteriori diserte scriptum est, sed etiam nos nostris peccatis non magis damnari posse quam Christum.

  A023000908 

 Sed audiamus, quaeso, quam bella et apta comparatione suam doctrinam explicet Calvinus: «Hinc sequitur,» inquit, «ut nobis secure spondere» debeamus «vitam aeternam[126] nostram esse, cujus» Christus «est heres, nec regnum Caelorum, quo jam ingressus est, posse magis nobis excidere quam ipsi.

  A023000908 

 Parole [127] enim ejus gallica haec sunt: «Par quoy nous nous osons promettre asseurement que la vie eternelle est nostre, et ne nous peut faillir non plus qu'a Jesus Christ mesme; d'autre part, que, par nos peches, nous ne pouvons estre damn6s non plus que luy.» Horresco referens! et quis non horrescet, sive legens, sive audiens?.

  A023000912 

 Affirmant electos de sua electione esse certissimos «Pessime ergo,» inquit Calvinus, «et perniciose Gregorius, homilia 38, dum vocationis tantum nostrae conscios nos esse tradit, electionis incertos; unde ad formidinem et trepidationem omnes hortatur.» Qua affirmatione negant et spem et timorem in praedestinatis esse posse; nam quis timeat de amissione illius boni quod amittere se non posse certo sciat? Et quod magnus ille nec unquam satis laudatus Gregorius hortatur nos ad timorem et formidinem, quid aliud est, quam illud ipsum quod consulunt apices omnes [128] Sacrarum Scripturarum? Cur enim putemus laudatum in Evangelio Simeonem, quod non tantum justus esset, verum etiam timoratus, nisi ut intelligamus justitiae comitem perpetuum esse hunc timorem sanctum, non qui servilis sit, sed qui filialis? Itaque mentiantur isti quantum volent; cum se justos dicunt, satis est, ut mentiri eos appareat, quod se timoratos nolunt dicere, ne quidem per mendacium; non quia non audeant (est enim longe audacior qui se justum esse contendit quam qui se fatetur timoratum), sed quia eos pudeat non quidem mentiri, sed ita loqui, ut hac parte mentiendo veritatem dicere videantur..

  A023000913 

 Sed pulchrum est audire sectatores et discipulos Calvini hac de re loquentes, dum unusquisque eorum se tam certum de sua praedestinatione esse gloriatur, quam de morte Christi.

  A023000917 

 Affirmant, ex opposito, Christum, quod Caput est omnium praedestinatorum, incertum suae salutis fuisse; nam Calvinus palam asserit Christum de animae suae salute timuisse; neque id obiter, sed ex professo propugnat.

  A023000917 

 Ex quo indubitate sequitur, Christum incertum fuisse de salute animae suae; nam ut quis timeat timore formidinis, de quo Calvinus loquitur, necesse est ut malum quod timet, praevideat et suspicetur tanquam saltem probabiliter [130] futurum: malum enim a quo se tutum aliquis esse certo cognoscat, quomodo formidare quis potest aut timere? Digna profecto Calvini ingenio et subtilitate affirmatio; ut qui, per summam impudentiam, quemlibet ex suis discipulis de salute sua certissimum esse jubet, Christum de animse suae salute incertum esse, per inauditam hucusque blasphemiam, asseveret.

  A023000921 

 Quod tamen tam falsum [131] esse quam quod maxime, praeterquam quod per seipsum clarissimum est, apparet etiam ex eo quod Beatus Joannes Evangelista, in historia de resurrectione Lazari, asseverat Christum semetipsum turbasse: quia nimirum ut eum decebat, qui non minus vere Deus esset quam vere homo, sponte excitabat in seipso timores, angores et hujusmodi affectus animi, antequam ab eis excitaretur.

  A023000930 

 At quis nescit fidem esse ex auditu, auditum vero per Mot Dei? Quomodo autem Mot Dei pervenit ad animam infantis [133] sine praedicante? quis vero praedicavit infantibus? Rursum actus fidei sine usu rationis esse non possunt, ut apud omnes in confesso est, et naturalem habet intellectum; quis porro credat infantes usu rationis potiri?.

  A023000931 

 Atque haec quidem dixisse sufficiat de prima illa nota antichristianismi, quae haeretici nostri seipsos satis produnt, cum omnia negant, affirmant nihil, et, si quid affirmant, illud negativum et, ut jureconsulti loquentur, simplex abnuitivum est et inane.

  A023000937 

 Et si, en outre, ils ont l'air d'affirmer quelque chose au sujet de ce que nous croyons en commun avec eux, c'est d'une manière privative, putative et chimérique.

  A023000941 

 Ailleurs il s'exprime ainsi: «J'ai déjà montré assez clairement que Dieu est appelé l'auteur de tout ce que ces censeurs veulent attribuer à sa vaine permission.».

  A023000941 

 J'avoue,» dit-il, «que tous les fils d'Adam sont tombés dans ce malheur,» (il parle du péché) «et cela doit être en définitive, comme je le disais en commençant, attribué au seul libre arbitre de la volonté divine.» Tout aussitôt il attaque ceux qui «ne veulent pas attribuer à un décret divin la perte d'Adam par suite de sa défection.» Parlant ensuite des damnés: «C'est de la prédestination de Dieu,» dit-il, «que dépend leur perdition.» De nouveau: «L'homme tombe, la providence de Dieu en ordonnant ainsi.» Bien plus, il appelle «œuvre de Dieu» l'inceste commis par [111] Absalon et les mauvais traitements infligés aux Juifs par les Chaldéens.

  A023000941 

 Prenant son exemple dans le cas de Séhon, roi des Amorrhéens, il dit: «Par conséquent, Dieu voulant le perdre, l'obstination de son cœur fut la préparation divine à sa ruine.» Il affirme aussi que Satan, lorsqu'il pousse les hommes au péché, «est plutôt l'instrument» dont se sert Dieu «pour agir, qu'un agent agissant de soi-même.

  A023000942 

 Saint Augustin a cette belle expression: «Affirmer que la divine providence ne s'étend pas jusqu'aux choses de ce bas monde, ou que tous les maux sont commis par la volonté de Dieu, sont deux propositions impies; mais la seconde l'est davantage.» Quant à saint Basile, il a prononcé un discours entier sur ce sujet: «Dieu n'est pas l'auteur des maux.» [112].

  A023000946 

 Il faut donc qu'il le couvre en l'effaçant et en le lavant, car rien ne peut être caché à Dieu ou passer inaperçu à ses yeux, si ce n'est ce qui n'existe pas du tout.

  A023000946 

 Ils affirment que la rémission des péchés se fait par simple non-imputation, ce qui n'est pas autre chose que nier la vraie rémission des péchés.

  A023000950 

 De cela on trouve presque autant de témoignages que de paroles dans les Saintes Ecritures: La charité de Dieu est répandue dans nos cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné: Vous étiez autrefois ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur.

  A023000950 

 Et l'invité qui a été chassé, l'a été, non parce que l'époux ou le fils du roi était dépourvu de la robe nuptiale, mais parce que lui-même ne l'avait pas; quant à l'enfant prodigue, le père ne s'est pas contenté de le couvrir de sa propre robe, mais il lui en a donné une neuve; et les Saints se promènent [114] [au Ciel] en vêtements blancs, non pas simplement parce que l'Agneau est blanc, mais parce qu' ils ont blanchi leurs robes dans le sang de l'Agneau..

  A023000950 

 Ils affirment que l'impie est justifié par la seule imputation de la justice du Christ, en sorte qu'il n'y a en nous aucune justice provenant du Christ, mais que nous est seulement imputée celle qui est dans le Christ, non en nous.

  A023000950 

 Par cette affirmation ils nient la force et l'efficacité de la justice du Christ, qui se montre surtout en ce qu'elle nous est utile non seulement par son imputation, mais par une dérivation et une infusion d'une justice formelle dans nos cœurs, en sorte que, non seulement n ous soyons appelés enfants de Dieu, mais aussi que nous le soyons; que, par conséquent, nous ne soyons pas seulement justes de nom et de réputation, mais en réalité et en effet.

  A023000954 

 A ce sujet il est admirable de voir avec quel élan contraire et avec quel effort opposé les Apôtres Paul et Jacques d'une part, Luther et Calvin de l'autre se combattent.

  A023000954 

 A son tour, Jacques: La foi sans les œuvres est [115] morte; or, les œuvres appartiennent à la charité: donc, sans la charité, la foi est morte, bien loin que la charité soit en contradiction avec la foi..

  A023000954 

 De nouveau Luther, au même endroit, se plaît dans ce délicieux argument, qui montre quel bon logicien il était: « La loi ne vient pas de la foi; or, la loi n'ordonne pas autre chose que la charité; donc la charité ne vient pas de la foi, mais est en combat avec elle.» Que répondez-vous à cela, grand Paul? Quand j'aurais une foi assez grande pour transporter les montagnes, si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien.

  A023000955 

 Aussi est-ce avec raison que Luther s'étonne de lui-même et s'exclame ainsi: «Cette théologie, qui est la nôtre, contraire à la raison, est étonnante et absurde, à savoir que je ne sois pas seulement sourd à la loi et délivré d'elle, mais que j'y sois entièrement mort.» Et un peu après: «Nous répondrons avec Paul que nous méritons le nom de justes par la seule foi dans le Christ, non par les œuvres de la loi ou la charité.» Où donc Paul a-t-il ajouté les mots: «ou la charité», que tu ajoutes de toi-même, ô Luther? [116].

  A023000959 

 Et pour empêcher quelqu'un qui aurait meilleure opinion de la bonté morale d'appliquer cette proposition aux simples actions moralement bonnes, Luther l'a expliquée par ces paroles plus claires: «Toute œuvre bonne est un péché dans les saints tant qu'ils sont viateurs.» Calvin, de son côté, soutient dans le même sens «que pas un seul acte n'est produit par les saints qui, s'il est examiné en soi, ne mérite une juste punition.» Ailleurs il ajoute: «Toute action d'un homme pieux, si elle était examinée au sévère jugement de Dieu, serait condamnable.».

  A023000959 

 Ils affirment que toute œuvre bonne est un péché: telle est, en effet, la grande et habituelle proposition de Luther, qu'il enseigne ex professo en de nombreux passages.

  A023000960 

 A quoi donc aboutit cette affirmation, sinon à nier l'existence de toute œuvre bonne? car, si elle est un péché, comment est-elle bonne? Si elle est bonne, comment est-elle un péché? Si ce qui est bon est un péché, donc le péché est chose bonne.

  A023000960 

 D'un autre côté, si le bien est un péché, donc Dieu ordonne de faire le péché, puisqu'il ordonne de faire le bien.

  A023000960 

 Si le péché est chose bonne, donc Dieu défend de faire une chose bonne en défendant [117] de faire le péché.

  A023000961 

 Si, en effet, il vaut mieux «travailler à son aise que de ne rien faire du tout,» comme disait Pline, n'est-il pas beaucoup plus sûr de ne rien faire que de mal agir et de pécher? Ici, qui n'aperçoit dans cette espèce d'hommes une envie extraordinaire et continuelle de contredire? Le bien, disent-ils, est le mal; la lumière se confond avec les ténèbres, le chaud avec le froid.

  A023000965 

 Mais vraiment, les commandements de Dieu, bien loin d'être impossibles à observer, le Christ les a appelés de sa propre bouche légers et suaves: Mon joug, dit-il, est doux, et mon fardeau léger.

  A023000966 

 Mais écoutons Luther dans son attitude de négateur: sa manière de s'exprimer est assez bien un aveu de mensonge.

  A023000966 

 Quiconque professe cela et y oblige est un ministre de loi, de péché, de colère et de mort, la nature humaine étant dans l'impossibilité de suivre la loi, même s'il s'agit des justes qui possèdent le Saint-Esprit.» Et un peu plus loin: «Celui donc qui enseigne que la foi dans le Christ ne justifie qu'avec l'observation de la loi, celui-là fait du Christ un ministre de péché et un tyran cruel qui, comme Moïse, exige des choses impossibles que personne ne peut faire.» Même enseignement chez Calvin, meilleur luthérien que théologien en cet article, aussi bien qu'en beaucoup d'autres..

  A023000966 

 Voici ce qu'il écrit: «Le chrétien, selon sa définition, est libéré de toute loi et n'est soumis à personne aucunement, ni au for interne ni au for externe.» De même: «Le ministre du péché, c'est tout simplement celui qui fait la loi ou en exige l'exécution, celui qui [119] enseigne les bonnes œuvres et la charité, celui qui dit qu'il faut supporter la croix et les souffrances, imiter l'exemple du Christ et des Saints.

  A023000968 

 Que l'incrédulité est seule un péché.

  A023000970 

 Et, d'un autre côté, comment peuvent concorder entre elles ces propositions de Luther: «Tout? œuvre bonne, même d'un croyant, même d'un juste, est un péché;» et: «Aucun acte du juste, si ce n'est l'incrédulité, n'est un péché»? Car si toute action bonne est un péché, comment aucune action mauvaise n'est-elle pas un péché?.

  A023000970 

 Ils affirment que l'incrédulité est seule un péché.

  A023000970 

 «Le Christ,» dit Luther, «a ainsi ordonné les choses, qu'il n'existe aucun péché en dehors de l'incrédulité, et aucune justice si ce n'est la foi.» Ailleurs, il soutient âprement cette proposition: «Le baptisé, même en le voulant et au prix des plus grands péchés, ne peut perdre son salut, à moins qu'il renonce à la foi, parce que,» dit-il, «la foi enlève tous les péchés et empêche de pécher celui qui le voudrait.» Par [120] cette affirmation ils nient de toute évidence que les impudicités les homicides, les parjures, les blasphèmes soient des péchés; et cependant, c'est là une telle absurdité, que si quelqu'un ne la voit pas, jamais il ne trouvera quoi que ce soit d'absurde.

  A023000974 

 La voie est étroite, il faut y entrer seul si tu veux y passer et pénétrer dans le rocher; ceux qui sont tout garnis de leurs œuvres, comme les pèlerins de saint Jacques de leurs coquilles, n'y peuvent pénétrer; si tu es chargé des lourdes pierres de tes œuvres, tu ne passeras pas avant de t'être déchargé de ton fardeau.» [121] Et ailleurs: «La justice de la loi, même du Décalogue, est impure et abolie par le Christ.» Qui t'a donc révélé, ô Luther, ces paroles du Christ? Car tu ne les as pas trouvées dans l'Evangile, où rien n'est si fort recommandé par le Christ que l'observation des commandements, si nous voulons entrer dans la vraie vie, et où il promet de donner une récompense, non aux croyants, mais aux ouvriers..

  A023000978 

 Luther, en effet, défend cette proposition parmi celles qu'il considère comme très certaines: «Les circonstances des péchés, qu'il s'agisse des personnes (mères, filles, sœurs, parentes), du jour, du lieu, ou de tout ce qui est extérieur, sont égales et ne méritent pas qu'on s'en occupe.» Par quelle belle raison? «Parce que le Christ n'a rien ordonné là-dessus dans ses lois.» Et ailleurs: «Pour les chrétiens, une seule circonstance compte, celle d'avoir péché contre son frère.» Par cette affirmation ils nient l'inégalité des péchés, au moins dans le même genre de fautes.

  A023000986 

 Ils affirment que tous les Pasteurs de l'Eglise sont égaux, qu'aucun d'eux n'est supérieur à un autre, de telle sorte qu'il n'y a pas du tout lieu, entre eux, à distinction et à hiérarchie.

  A023000986 

 Parmi ces derniers, le Pontife Romain est «établi chef, pour enlever toute occasion de schisme,» et pour que le corps de l'Eglise, au moyen du rattachement bien ordonné des membres entre eux, fasse un tout unique sous l'unique Chef suprême, le Christ Jésus..

  A023000994 

 Ils affirment que la justice est le bien propre des élus, en sorte que, l'ayant obtenue une fois, ils ne peuvent plu6 jamais la perdre.

  A023000995 

 Dans les premières, en effet, non seulement il est affirmé que «le royaume des Cieux ne peut, pas plus nous manquer» qu'au Christ, ce que porte expressément la dernière édition, mais que nos péchés [127] ne peuvent pas plus nous faire condamner qu'ils ne peuvent faire condamner le Christ lui-même.

  A023000995 

 Mais écoutons, je vous prie, au moyen de quelle belle et juste comparaison Calvin explique sa doctrine: «Il suit de là que nous» devons «nous promettre avec certitude que la vie éternelle est [126] nôtre, puisque» le Christ «en a hérité, et que le royaume des Cieux, où il est déjà entré, ne peut pas plus nous manquer qu'à lui-même.

  A023000995 

 Nous ne pouvons de nouveau être condamnés pour nos péchés, puisqu'il a voulu se les faire imputer comme s'ils étaient siens.» Toutefois, en cet endroit il faut remarquer que dans les premières éditions, surtout françaises, cette doctrine est exprimée plus durement que dans l'édition postérieure de 1602.

  A023000995 

 Voici les paroles françaises: «Par quoy nous nous osons promettre asseurement que la vie eternelle est nostre, et ne nous peut faillir non plus qu'a Jesus Christ mesme; d'autre part, que, par nos pechés, nous ne pouvons estre damnés non plus que luy.» C'est avec horreur que je cite! et qui lira ou entendra ces paroles sans horreur?.

  A023000999 

 Ce n'est pas chez eux manque d'audace (il y a certes plus d'audace à se prétendre juste qu'à se confesser timoré), c'est plutôt honte, non évidemment de mentir, mais de s'exprimer en telle sorte que, par un mensonge sur le point en question, ils aient l'air de dire la vérité..

  A023000999 

 «Grégoire,» dit Calvin, «a fait chose très mauvaise et pernicieuse en assurant, dans son homélie XXXVIII e, que nous sommes seulement sûrs de notre vocation, non de notre élection, et en exhortant, par conséquent, tout le monde à la crainte et au tremblement.» Par cette affirmation ils nient que l'espérance et la crainte puissent se trouver chez les prédestinés; car, qui peut craindre la perte d'un bien qu'il est sûr de ne pouvoir perdre? En nous exhortant à la crainte et au-tremblement, que fait le grand et jamais assez loué saint Grégoire, si ce n'est de nous donner le même [128] conseil que nous donnent à chaque page les Saintes Ecritures? Car, pourquoi pensons-nous que l'Evangile loue Siméon, non seulement de ce qu'il était juste, mais aussi de ce qu'il était timoré, sinon pour nous faire comprendre que la justice doit avoir pour compagne continuelle cette crainte sainte, non celle qui est servile, mais celle qui est filiale? Aussi, que nos hérétiques mentent tant qu'ils voudront en s'appelant justes; il suffit pour faire apparaître leur mensonge, qu'ils ne veuillent pas se dire timorés, même au prix d'un mensonge.

  A023001000 

 Il est beau d'entendre les sectateurs et disciples de Calvin parler de cette matière, chacun se glorifiant d'être aussi sûr de sa prédestination que de la mort du Christ.

  A023001000 

 Qu'est-ce donc qui peut rendre plus certains ces derniers que le premier, qui autrefois fut très certain? Si la voix céleste du premier l'a trompé, parce qu'elle exprimait le bavardage de Calvin au lieu de la voix de l'Esprit-Saint, pourquoi la voix céleste des autres ne les trompera-t-elle pas aussi?.

  A023001004 

 Calvin, en effet, avance ouvertement que le Christ a craint pour le salut de son âme; et ce n'est pas en passant, mais ex professo, qu'il soutient cela.

  A023001008 

 Ils affirment que le Christ a laissé échapper une parole de désespoir, causée par l'impression ressentie dans sa chair: c'est là l'enseignement de Calvin.

  A023001008 

 Que cet enseignement soit faux au delà de tout ce qu'on peut dire, cela apparaît d'abord très clairement du simple énoncé ci-dessus, mais aussi de ce fait que le bienheureux Jean l'Evangéliste, dans le récit de la résurrection de Lazare, assure que le Christ s'est troublé lui-même: il convenait, en effet, que Celui qui n'était pas moins vrai Dieu que vrai homme, excitât volontairement en lui-même les craintes, les angoisses et les sentiments de cette sorte avant d'être excité par eux.

  A023001016 

 Cependant, qui ignore que la foi vient de l'audition, et que l'audition a lieu par la prédication de la parole de Dieu? Et [133] comment la parole de Dieu est-elle parvenue à l'âme de l'enfant sans prédicateur? Qui donc a prêché aux enfants? De plus, les actes de foi ne peuvent exister sans l'usage de la raison, comme tout le monde l'avoue et comme l'enseigne le bon sens naturel; or, qui peut croire que les enfants jouissent de l'usage de la raison?.

  A023001024 

 Secunda igitur nota haec erit, quae ex vocationis defectu proficiscitur; est enim haereticorum omnium proprium, quarto modo, ut vocatione ad ministerium careant.

  A023001025 

 «Quamquam,» inquit, «non nego quin Apostolos postea quoque, vel saltem eorum loco Evangelistas, interdum excitaverit Deus, ut nostro tempore factum est.

  A023001026 

 Lutherus autem palam fatetur se non extraordinaria, sed ordinaria et mediata vocatione vocatum esse: «Sumus [135] igitur,» inquit, «et nos divina auctoritate vocati, non quidem immediate a Christo, ut Apostoli, sed per hominem.» Cum autem explicat quanam ratione vocatus sit per hominem: «Cum autem,» inquit, «princeps seu alius magistratus me vocat, hinc certo et cum fiducia gloriari possum quod mandante Deo per vocem hominis vocatus sim; Est enim ibi mandatum Dei per os principis, quod me certum facit, vocationem meam esse veram et divinam.» Et alibi dicit «vocationem antiquitus quidem per Apostolos, qui suos successores vocaverunt, factam esse, sicut,» inquit, «adhuc vocantur etiam a potestatibus carnalibus et magistratibus seu communitatibus.» Vides igitur ut Lutherus suam vocationem non quemadmodum Apostolorum et Evangelistarum extraordinariam, sed ordinariam et mediatam esse asserat, eamque non ab Episcopis aut ecclesiasticis personis, sed «a magistratibus carnalibus» (hoc enim ipsum ejus Mot est) profectam esse ac derivatam..

  A023001027 

 Itaque ministraverunt, non ut auctores sui, id est Episcopi, faciebant, sed longe rectius et purius..

  A023001034 

 Ea vocatio duravit usque ad nostra tempora, et durabit usque ad finem mundi; estque mediata, quia per hominem fit, et tamen divina est.» Calvinus autem: «Supersunt,» inquit, «Episcopi et parochiarum rectores, qui utinam de retinendo officio contenderent; libenter enim illis concederemus eos habere pium et eximium munus, siquidem eo defungerentur.» Et alibi: «Videmus,» inquit, «hodie papistas, quomodo sibi nomen Ecclesiae arroganter attribuant, sub praetextu successionis perpetuae, quam obtendunt.

  A023001034 

 Enimvero, non solum de vocatione sua non conveniunt, sed etiam, quod magis est, consentiunt inter se de legitima Episcoporum nostrorum vocatione.

  A023001035 

 Quo admisso, sic jam nobis licebit argumentari: Ecclesia Christi recte semel constituta est, ita ut nunquam inferorum [139] portae adversus eam praevalere possint; ergo in ea locum habere vocatio extraordinaria non potest, nisi quatenus ab ordinaria approbetur: Christus enim divisus non est.

  A023001035 

 Stabiliunt autem ordinariam vocationem, quae, inquit Lutherus, «usque ad finem mundi» duratura est; ergo, vocationi ordinariae fidem adhibere debemus.

  A023001035 

 Ut merito verbis Tertulliani urgere liceat apostaticos istos reformatores: «Qui estis» vos, aut «unde venistis?» Quis vos misit evangelizare? «Edant,» inquit ille, «origines ecclesiarum suarum, evolvant ordinem episcoporum suorum.» Quin etiam verbis Lutheri, qui de vocatione ab Apostolis instituta tractans: «Est igitur,» inquit, «non contemnenda vocatio, neque enim satis est habere Mot et puram doctrinam; opportet etiam ut vocatio certa sit, sine qua qui ingreditur ad mactandum et perdendum venit; nunquam enim fortunat Deus laborem illorum qui non vocati sunt; sic hodie fanatici spiritus nostri habent verba de fide in ore, tamen nullum fructum faciunt.» Et ibidem: «Diabolus [140] incitare solet suos ministros, ut non vocati currant et praetextant zelum.».

  A023001043 

 Donc, la seconde caractéristique sera celle qui provient du manque d'appel divin, car c'est tout à fait le propre de tous les hérétiques de manquer de vocation pour exercer leur ministère.

  A023001044 

 Or, il est évident par plusieurs raisons que Luther, Zwingle, Calvin et les autres hérésiarques du siècle passé manquaient totalement d'appel de Dieu: mais la première et la principale est que, devant la question qui leur est posée sur l'origine de leur vocation, ils ne savent trouver une réponse concordante.

  A023001044 

 «Je ne nie pas,» dit-il, «que Dieu ait envoyé parfois plus tard des apôtres, ou au moins, à leur place, des évangélistes, comme cela s'est produit de notre temps; car ils étaient nécessaires pour retirer l'Eglise de la défection de l'Antéchrist.

  A023001045 

 Luther, au contraire, avoue ouvertement avoir été appelé par une vocation, non extraordinaire, mais ordinaire et médiate: [135] «Nous sommes donc,» dit-il, «appelés, nous aussi, non pas, à la vérité, immédiatement par le Christ comme les Apôtres, mais par un homme.» Et lorsqu'il explique de quelle manière il a été appelé par un homme, il dit ceci: «Quand un prince ou un autre magistrat m'appelle, je puis me glorifier avec certitude et confiance d'être, par la voix d'un homme, appelé sur l'ordre de Dieu; c'est là, en effet, le commandement de Dieu par la bouche du prince, qui m'assure de la vérité et de la divinité de ma vocation.» Ailleurs il enseigne que «l'appel autrefois était fait par les Apôtres, qui ont choisi leurs successeurs, comme,» dit-il, «ces successeurs sont encore appelés, même par les puissances charnelles et les magistrats, ou par les communautés.» Vous voyez ainsi Luther affirmer de sa vocation qu'elle n'est pas, comme celle des Apôtres et des Evangélistes, extraordinaire, mais ordinaire et médiate, et qu'elle dérive, non des Evêques ou des personnes ecclésiastiques, mais «des magistrats charnels;» c'est là sa propre expression..

  A023001047 

 Quant à du Plessis, comme un arbitre tombé du ciel pour mettre d'accord ceux qui se disputent, et comme s'il avait assisté à leur vocation, il affirme audacieusement: Luther a mal parlé, plus mal encore Calvin; c'est de nos Evêques qu'ils ont reçu leur vocation.

  A023001053 

 Cette forme de vocation s'est continuée jusqu'à nos temps et persistera jusqu'à la fin du monde; et elle est médiate, parce qu'elle se fait par le ministère humain, bien qu'elle soit divine.» Et Calvin: «Il nous reste,» dit-il, «des Evêques et des curés; puissent-ils faire tous leurs efforts pour s'attacher à leur ministère, car volontiers nous concéderions que ce ministère est bon et excellent, pourvu toutefois qu'ils s'en occupent.» Et ailleurs: «Nous voyons aujourd'hui comment les papistes s'attribuent avec arrogance le nom d'Eglise, sous prétexte de la succession ininterrompue qu'ils mettent en avant.

  A023001053 

 Effectivement, non seulement ils ne s'entendent pas sur l'origine de leur vocation, mais aussi, qui plus est, ils sont d'un avis unanime sur la vocation légitime de nos Evêques.

  A023001053 

 Et à la vérité, nous sommes forcés d'avouer que le ministère ordinaire est de leur côté; mais comme ils ont abusé de leur pouvoir, nous pouvons nous moquer de leurs prétentions.» Quant à Mornay, puisqu'il fait dériver de nos Evêques la mission de Luther et de ses disciples, ne reconnaît-il pas par là très ouvertement la vocation de nos Evêques? Aussi Calvin avait-il raison, plus même qu'il ne le croyait, lorsqu'il disait que «dans les églises régulièrement constituées» il n'y a pas place pour sa mission ni celle des siens..

  A023001054 

 C'est le cas d'interpeller nos réformateurs apostats avec les paroles de Tertullien: «Qui êtes-vous,» vous autres, et «d'où venez-vous?» Qui vous a envoyés évangéliser? «Qu'ils montrent les origines de leurs églises,» ajoute-t-il, «qu'ils déroulent la filière de leurs évêques.» Bien mieux, servons-nous des expressions mêmes de Luther parlant du mode d'appel institué par les Apôtres: «Il ne faut donc pas mépriser la vocation, car il ne suffit pas d'avoir la parole et la pure doctrine, il faut aussi que la vocation soit certaine; celui qui s'ingère sans elle, vient pour égorger et perdre, Dieu ne bénissant jamais le travail de ceux qui ne sont pas appelés.

  A023001054 

 Ceci étant admis, on nous permettra de raisonner ainsi: L'Eglise du Christ a été une fois pour toutes constituée de telle manière [139] que les portes de l'enfer ne puissent jamais prévaloir contre elle; donc, il ne peut y avoir en elle de vocation extraordinaire, si ce n'est en tant qu'approuvée par l'ordinaire, le Christ n'étant pas divisé.

  A023001059 

 Quod magis est, idem, alio loco, negat se crediturum Evangelio, nisi eum auctoritas Ecclesiae commoveret.

  A023001059 

 Tertius haeresium omnium character ille est, quod Ecclesiam contemnunt.

  A023001060 

 Hinc est quod Lutherus passim jactitat, nihil se curare quid Ecclesia sentiat.

  A023001066 

 Comme conséquence à cette parole, saint Augustin affirme fort justement que c'est folie et parfaite insolence de nier ou rejeter ce que toute l'Eglise admet.

  A023001066 

 Et de nouveau, en un autre endroit, à propos du Baptême qui ne doit pas être réitéré aux hérétiques, il écrit ces paroles: «Quoique les Ecritures canoniques ne nous offrent pas d'exemple à ce sujet, c'est cependant encore la vérité de ces Ecritures que nous suivons, lorsque nous agissons selon la volonté de l'Eglise universelle, Eglise qui s'appuie sur l'autorité des Ecritures.» L'Apôtre Paul n'a pu louer plus ouvertement l'autorité de l'Eglise, qu'en l'appelant colonne et base de la vérité.

  A023001066 

 Et, en effet, si le [141] Christ a voulu que l'Eglise, son épouse très chère, fût la mère de tous les chrétiens, comment peut-on la mépriser sans mépriser le Christ lui-même? «Le Christ,» dit saint Augustin, «rend témoignage à l'Eglise... Si tu résistes, ce n'est pas à moi ou à un autre homme, mais au Sauveur lui-même que tu résistes le plus malheureusement du monde, à l'encontre de ton propre salut, car tu ne veux pas croire à la nécessité pour toi d'être admis en la manière qu'admet l'Eglise; or, à cette Eglise rend témoignage Celui auquel, de ton propre aveu, on ne peut sans crime refuser de croire.».

  A023001066 

 Le troisième caractère de toutes les hérésies est de mépriser l'Eglise.

  A023001067 

 Et dans cette fameuse dispute, de toutes la plus délicieuse, qu'il se glorifie d'avoir eue avec le démon, il rapporte que c'est convaincu par les arguments de ce dernier qu'il a abandonné la doctrine de l'Eglise.

  A023001067 

 Les novateurs de notre époque montrent bien leur impudence à fouler aux pieds l'autorité de l'Eglise par ce seul fait que tous, d'une voix unanime, proclament qu'elle est tombée dans l'erreur et l'apostasie, au point de s'attribuer audacieusement le qualificatif de réformateurs et de restaurateurs de l'Eglise.

  A023001072 

 Quartus haereticorum character est Conciliorum universalium contemptus, quorum tamen fuit semper tanta auctoritas, ut D. Gregorius Nazianzenus non dubitaverit affirmare, haereticos non esse, si a Concilio catholico approbati fuerint; esse vero haereticos, si minime fuerint recepti.

  A023001073 

 Lutherus vero, libere simul et impudenter, ut solet: «Papa,» inquit, «mentitur una cum Conciliis.» Et paulo post: «Insanum est,» inquit, «Concilia concludere et statuere velle quid credendum sit, [143] cum tamen saepenumero nemo adsit, qui Spiritum divinum, vel tantillum, gustaverit; quemadmodum in Concilio Nicaeno usuvenit, ubi, dum leges super statum spiritualem ferre conarentur, quibus eidem statui matrimonium interdiceretur, omnes profecto in Concilio a veritate aberraverunt.».

  A023001079 

 Et saint Basile soutient que la meilleure et plus certaine façon de juger si tels ou tels sont oui ou non hérétiques, est de voir s'ils acceptent ou méprisent le Concile de Nicée..

  A023001079 

 La quatrième caractéristique des hérétiques est le mépris des Conciles généraux, dont cependant l'autorité a toujours été si grande, que saint Grégoire de Nazianze n'a pas hésité à affirmer que ceux-là ne sont pas hérétiques, qu'un Concile catholique a approuvés, et que ceux-là sont hérétiques que n'admet pas un Concile catholique.

  A023001080 

 Ainsi il est arrivé, au Concile de Nicée, qu'en s'efforçant de tracer les lois de l'état spirituel, lois qui interdisaient le mariage à cet état, tous les Pères du Concile se sont certainement trompés.».

  A023001080 

 Pour ce qui est de Luther, il s'exprime ainsi, avec son intempérance et son impudence de langage habituelles: «Le Pape ment en même temps que les Conciles.» Et peu après: «C'est folie que les Conciles veuillent établir les articles de [143] foi, alors que souvent, il n'y a personne dans leur sein qui ait eu la moindre perception de l'Esprit divin.

  A023001085 

 Quintum characterem habent haeretici, Apostolicae Sedis contemptum, in quo sane excellit Lutherus prae caeteris; nam is, quodam loco, postquam omnia quae fiunt contra Ecclesiam Romanam, ad Dei gloriam pertinere dixit: «Cum autem,» inquit, «et ego unus sim de antipapis, revelatione divina ad hoc vocatus, ut dissipem et perdam et destruam regnum illud [maledictionis] cupide et habenter illo fungor officio, sicut hactenus feci.» Sed et alibi, cum defendit bellum contra Turcas esse illicitum: «Quanto rectius...,» inquit, «faceremus, si idolo Romano Caesar et Principes modum ponerent... perditionis animarum! nam, [144] ut ego prophetem semel, licet non audiar, quod scio, nisi Romanus Pontifex redigatur in ordinem, actum est de omni re Christiana;... nihil, nisi peccatum et perditionem, Papatus operari potest... Qui habet aures audiendi, audiat, et a bello Turcico abstineat, donec Papae nomen sub caelo valeat.

  A023001087 

 Nec dissimiliter Hieronymus ad Damasum, Pontificem Romanum: «Ego, nullum primum nisi Christum sequens, Beatitudini Tuae, id est Cathedrae Petri, communione consocior; super illam Christi aedificatam Ecclesiam scio.

  A023001087 

 Neque est quod garriant haeretici, Romanum Pontificem Petri successorem non esse, vel auctoritatem quae Petro concessa fuerat, Pontifici Romano datam non esse; nam, cum auctoritas illa propter commune bonum Ecclesiae Petro sit collata, non debuit finiri cum Petro, qui deficere ac mori post paucos annos debuerat, sed cum Ecclesia militante, quae ad finem usque saeculi duratura est: ergo et successorem in ea Petri auctoritate aliquem debet habere Ecclesia.

  A023001087 

 Porro nemo unquam Petri successor hac parte dictus est ab Ecclesia, praeter Pontificem Romanum; fateamur ergo quod res est, Sedem Romani Pontificis petram illam esse, superquam fundata est Ecclesia, in qua Domini ovile pascitur.

  A023001087 

 Quicumque extra hanc domum agnum comederit, prophanus est; si quis in arca Noe non fuerit, peribit regnante diluvio;... quicumque tecum non colligit, spargit: hoc est, qui Christi non est, anti-christi est.».

  A023001088 

 Cyprianus Petri Cathedram appellat «Ecclesiam principalem,» Exordium unitatis sacerdotalis, Unitatis vinculum, Sacerdotii sublime fastigium, «Ecclesiae radicem et matricem.» Irenaeus vero, [147] Ecclesiam in qua est potentior principalitas.

  A023001092 

 Lutherus vero iis omnibus opusculis, quæ initio suae defectionis composuit, tam honorifice de Papa locutus est, ut posterioribus scriptis, jam factus audacior et insolentior, se excusaverit, quod prioribus tam multa et magna Papae concessisset..

  A023001093 

 Juvat vero adversus omnes istos Cathedrae Apostolicae Romanae contemptores iisdem verbis uti, quibus aliquando usus est Augustinus contra Petihanum; sicque Lutherum et Calvinum compellare, si quis erit qui eorum nomine velit respondere: «Cathedra» vobis «quid fecit Ecclesiae Romanae, in qua Petrus sedit, et in qua hodie Anastasius sedet? quare» appellatis «cathedram pestilentiae Cathedram Apostolicam? Si propter homines, quos» putatis «legem loqui et non facere, niunquid Christus propter Pharisaeos, de quibus ait: Dicunt et non faciunt, cathedrae in qua sedebant ullam fecit injuriam? Nonne Ulam cathedram Moisi commendavit, et illos servato cathedrae honore redarguit? Haec si cogitaretis, non propter homines, quos infamatis, blasphemaretis Cathedram Apostolicam, cui non communicatis; sed quid hoc est [150] aliud, quam nescire [quid] dicere, et tamen non posse nisi maledicere?».

  A023001099 

 La cinquième caractéristique des hérétiques est le mépris du Siège Apostolique, point où excelle Luther qui, dans un certain endroit, après avoir dit que tout ce qui se fait contre l'Eglise Romaine tend à la gloire de Dieu, ajoute: «Etant moi-même un des antipapes, appelé par révélation divine à dissiper, perdre et détruire ce royaume [de malédiction], je remplis cette mission avec passion et plaisir, comme je l'ai fait jusqu'ici.» Ailleurs tout en soutenant que la guerre contre les furcs est illégitime, il dit ceci: «Combien mieux n'agirait-on pas si l'Empereur et les Princes empêchaient l'idole Romaine de perdre les âmes! car, s'il m'est [144] permis de prophétiser une fois ce que je sais, au risque de n'être pas écouté, je dirai que c'en est fait du Christianisme, si le Pontife Romain n'est pas mis à la raison... La Papauté ne peut rien produire, si ce n'est péché et perdition... Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende, et s'abstienne de faire la guerre aux Turcs tant que le nom du Pape se fait entendre sur terre.

  A023001100 

 Et puisque le même Christ a confié ses brebis à la garde de Pierre, elle n'est pas brebis du Christ celle qui ne veut pas avoir Pierre pour pasteur.

  A023001101 

 Aussi est-ce avec pleine vérité que saint Cyprien écrit: «Il n'y a pas d'autre cause aux hérésies et aux schismes que le manque d'obéissance au Prêtre de Dieu, parce qu'on ne considère pas comme tenant la place du Christ celui qui seul est pour un temps Prêtre et Juge dans l'Eglise.

  A023001101 

 Et saint Jérôme n'écrit pas différemment à Damase, Pontife Romain: «Ne reconnaissant comme premier Pasteur que le Christ, je m'unis de communion à Ta Béatitude, c'est-à-dire à la Chaire de Pierre: je sais que c'est sur elle qu'a été bâtie l'Eglise.

  A023001101 

 Que les hérétiques ne viennent pas, après cela, prétendre que le Pontife Romain n'est pas le successeur de Pierre, ou que l'autorité accordée à Pierre n'a pas été transmise au Pontife Romain; car cette autorité ayant été conférée à Pierre pour le bien commun de l'Eglise, elle n'a pas dû cesser avec Pierre, lequel devait disparaître par la mort au bout de peu d'années, mais durer autant que l'Eglise militante, qui demeurera jusqu'à la fin du monde: par conséquent, l'Eglise doit avoir un successeur revêtu de l'autorité même dont jouissait Pierre.

  A023001101 

 Quiconque mange l'agneau hors de cette demeure, est un profane; quiconque ne se trouvera pas dans l'arche de Noé, périra quand le déluge se déchaînera; qui n'amasse pas avec toi, disperse: en un mot, celui qui n'est pas avec le Christ est avec l'antéchrist.».

  A023001101 

 Reconnaissons donc, ce qui est vrai, que le Siège du Pontife Romain est cette pierre sur laquelle a été bâtie l'Eglise, véritable bercail du troupeau du Seigneur.

  A023001102 

 Enfin, on ne saurait dire combien admirable et étendu est l'accord des anciens Pères à louer le Siège de Rome, et combien ils se plaisent à inventer des noms et des titres glorieux pour ce Siège.

  A023001104 

 Ce n'est pas que je ne le sache bien plus récent; mais c'est que les calvinistes ont l'audace, à la suite de Calvin lui-même, de louer ce Docteur comme un contempteur du Siège Apostolique.

  A023001104 

 Mais il est bon d'ajouter à tant de témoignages très antiques des Pères celui aussi de saint Bernard.

  A023001106 

 Quant à Luther, il a parlé avec tant d'éloges du Pape dans tous les opuscules composés au commencement de sa défection, que dans ses ouvrages postérieurs, devenu plus audacieux et plus insolent, il s'est excusé d'avoir auparavant accordé au Pape tant et de si grandes choses..

  A023001107 

 Contre tous ces contempteurs de la Chaire Apostolique de Rome, il convient d'employer les expressions dont s'est servi autrefois saint Augustin contre Pétilien, et d'apostropher Luther et Calvin, au cas où quelqu'un voudrait répondre en leur nom: «Que» vous s a fait la Chaire de l'Eglise Romaine, où Pierre a siégé, où siège aujourd'hui Anastase? Pourquoi» appelez-vous « chaire de pestilence la Chaire Apostolique? Si c'est à cause des hommes que» vous supposez «enseigner la loi sans la pratiquer, est-ce que le Christ, à cause des pharisiens dont il a dit: Ils disent et ne font pas, a injurié la chaire où ils siégeaient? N'a-t-il pas honoré la chaire de Moïse, et repris les pharisiens sans toucher à l'honneur de la chaire même? Si vous pensiez à cela, vous ne blasphémeriez pas, à cause des personnes que vous décriez, la Chaire Apostolique, avec laquelle vous n'êtes pas en communion.

  A023001107 

 Qu'est-ce que tout ceci, [150] sinon ne pas savoir que dire, et cependant ne pouvoir se tenir de mal dire?».

  A023001112 

 Quare optimum fuit Sisinni consilium quod Theodosius senior secutus est, ut haereticorum doctrina examinetur ad antiquorum Patrum sententias et normam, et, si contraria reperiatur, confestim toto terrarum orbe explodatur..

  A023001112 

 Sextus haereticorum character est contemptus antiquorum Ecclesias Patrum, quos venerari et colere deberent, si Hieremiam audirent, aut potius Spiritum Sanctum loquentem per Hieremiam: Haec dicit Dominus, inquit ille: State super vias, et videte, et interrogate de semitis antiquis, quæ sit via bona, et ambulate in ea, et invenietis refrigerium animabus vestris. Et alibi Scriptura Sacra: Non te prætereat narratio seniorum; ipsi enim didicerunt a patribus suis.

  A023001113 

 Si quis ab eorum sententiae communione desciverit, audiat illud Apostoli: Non est Deus dissensionis, sed pacis.» Et paulo post: «Necesse est profecto omnibus deinceps Catholicis, qui sese Ecclesiae matris legitimos filios probare student, ut sanctae sanctorum Patrum fidei inhaereant, agglutinentur, immoriantur.».

  A023001114 

 Prophanas vero prophanorum novitates urget divus Augustinus antiquorum Patrum auctoritate: «Ponam,» inquit, «pauca paucorum, quibus tamen nostri contradictores cogantur erubescere et cedere, si ullus in eis vel Dei timor vel hominum pudor est.» Quod autem dixit, se «pauca paucorum» velle haereticis opponere, id fecit, quia pauci illi cum reliquis aperta communione conjuncti erant.

  A023001120 

 La sixième caractéristique des hérétiques est le mépris des anciens Pères de l'Eglise, qu'ils devraient vénérer et avoir en grande estime s'ils écoutaient Jérémie, ou mieux l'Esprit-Saint parlant par Jérémie: Voici ce que dit le Seigneur: Tenez-vous sur les routes, et regardez, informez-vous des sentiers d'autrefois, quelle est la voie du salut, et marchez-y, et vous trouverez du soulagement pour vos âmes.

  A023001121 

 Si quelqu'un s'écarte de leur sentiment commun, qu'il écoute cette parole de l'Apôtre: Dieu n'est pas un Dieu de dissension, mais de paix.» Et un peu après: «Il est de première nécessité désormais à tous les catholiques qui s'efforcent de se montrer les fils légitimes de notre mère l'Eglise, qu'ils s'attachent à la sainte foi des saints Pères, y restent étroitement unis et y meurent.».

  A023001122 

 Pour ce qui est des nouveautés profanes des profanes, saint Augustin les pourchasse en se basant sur l'autorité des anciens Pères: «J'écrirai,» dit-il, «peu de choses sur un petit nombre d'hérétiques, mais des choses telles que nos contradicteurs soient forcés de rougir et de s'avouer vaincus, si toutefois il leur reste quelque crainte de Dieu ou des hommes.» Son expression «peu de choses sur un petit nombre d'hérétiques» s'explique par ce fait, que le «petit nombre» en question était uni de communion ouverte avec les autres hérétiques.

  A023001127 

 Nam Lutherus quidem sic scribit quodam loco: [153] «Primum scire contestatosque eos esse volo, me nullius prorsus quantumlibet sancti Patris auctoritate cogi velle.» Deinde, mox quasi cum Patribus omnibus luctaturus, eos sursum deorsumque movet ut dejiciat: «Jam,» inquit, «quanti errores in omnium Patrum scriptis inventi sunt! Quoties sibi ipsis pugnant! quoties invicem dissentiunt! Quis est, qui non ssepius Scripturas torserit? Quoties Augustinus solum disputat, nihil definit; Hieronymus, in Commentariis, nihil fere asserit.» Deinde tandem concludit: «Nemo ergo,» inquit, «mihi opponat Papae aut Sancti cujusvis auctoritatem, nisi Scripturis munitam.» Et in libro quem edidit Contra Regem Angliae, quam superbe: «Dei Mot,»inquit, «est super omnia.

  A023001132 

 Et alibi, loquens de ceremoniis Missae [158]: «Si quis,» inquit, «vetustate hujusmodi inventiones tueri velit, non ignoro quam non longe ab aetate Apostolorum Caena Domini tecta rubigine fuerit; sed isthaec scilicet humanae confidentiae procacitas est.» Sed et alio loco fatetur antiquos Doctores Missae nomine usos fuisse in «plurali fere numero.» Et alibi: «Veteres quoque illos,» inquit, «video alio hanc memoriam detorsisse, quam institutioni Domini conveniebat.» Et paulo post: «Excusari,» inquit, «non posse arbitror, quin aliquid in actionis modo peccaverint.» Et iterum: «Merito quis eos redarguat, quod ad Legis umbras nimis deflexerunt.» Denique, ne omnia et singula hujus generis scripta recenseamus, quod esset pene infinitum, idem Calvinus fatetur usum Confessionis esse antiquissimum, et nihilominus eam spernit..

  A023001132 

 Et in quaestione de ceremoniis Baptismi fatetur quidem esse illas origine vetustissimas, sed addit statim: «Respuere tamen mihi et piis omnibus fas est, quicquid ad Christi institutionem addere ausi sunt homines.» Et in quaestione de Sacramento Altaris pro viatico infirmorum reservando, quae quidem quaestio praecipui est momenti pro confirmanda fide praesentiae realis corporis Domini, objiciit ille sibi ipsi: «Sed enim qui sic faciunt, habent veteris Ecclesiae exemplum.» Tum respondet: «Fateor verum, in tanta re et in qua non sine magno periculo erratur, nihil tutius est quam ipsam veritatem sequi.» Quasi vero Ecclesia vetus secuta sit falsitatem.

  A023001133 

 Ut jam dubitare nemo possit, si aptissimus hic et certissimus est haereseos character contemptus Ecclesiae et antiquitatis, esse Lutherum et Calvinum, et quotquot sunt eorum sectatores, omnium maxime haereticos; adeo fuerunt illi, prae caeteris antiquioribus haereticis omnibus, et Ecclesiae et totius antiquitatis contemptores.

  A023001139 

 Elle [154] est vraiment admirable la sottise de Satan qui, par une pétition de principe continuelle, m'attaque au moyen d'arguments que j'attaque moi-même.».

  A023001139 

 Luther s'exprime ainsi quelque part: «Je veux d'abord qu'ils [153] sachent bien, et je les prends à témoins, que je ne veux céder en aucune façon à l'autorité d'un Père, pour saint qu'il soit.» Ensuite, comme entrant en lutte avec tous les Pères, il tâche de les secouer en tous sens pour les jeter bas: «Que d'erreurs n'a-t-on pas rencontrées dans les écrits de tous les Pères! Que de fois ne diffèrent-ils pas d'opinion entre eux! que de fois ne sont-ils pas d'avis différent les uns d'avec les autres! Quel est celui d'entre eux qui n'ait plusieurs fois détourné les Ecritures de leur sens? Chaque fois qu'Augustin se contente de disputer, il ne définit rien; Jérôme, dans ses Commentaires, ne formule presque aucune affirmation positive.» Il conclut enfin: «Que personne ne m'oppose l'autorité d'un Pape ou d'un Saint quelconque, si elle n'est appuyée sur les Ecritures.» Et quelle superbe dans son livre Contre le Roi d'Angleterre! «La Parole de Dieu,» écrit-il, «est au-dessus de tout.

  A023001141 

 Et cela, non en matière légère, [155] mais à propos des plus graves articles de notre foi: pax exemple, au sujet de la question du libre arbitre, sur laquelle il dit que les Latins ont parlé avec arrogance, «mais les Grecs avec plus d'arrogance encore;» relativement à la question de la personne du Médiateur, question où il soutient que l'erreur des Anciens est inexcusable; par rapport à la question de la concupiscence, où, après avoir dit qu'à lui seul le témoignage d'Augustin contient le sens de toute l'antiquité, il avoue bientôt après qu'il n'est pas de son avis.

  A023001141 

 Or, ce que Calvin a ainsi débité en général et en gros, ensuite en particulier et en détail, il s'y est tenu dans toute son œuvre pour attaquer l'autorité des Pères, sans dissimuler ses dissentiments d'avec ces derniers, même sur les sujets où les Pères ont été unanimes dans leur enseignement.

  A023001142 

 Lorsqu'il traite de l'Eglise Romaine, il s'exprime ainsi: «Je veux commencer par dire que je ne nie pas le grand honneur que rendent les Anciens à l'Eglise Romaine, et la façon respectueuse dont ils parlent d'elle.» Et un peu plus loin: «L'opinion, répandue je ne sais comment, que cette Eglise a été fondée et constituée par le ministère de Pierre, avait pour résultat de procurer à cette Eglise une faveur et une autorité considérables; c'est pourquoi en Occident elle s'appelait, par honneur, le Siège Apostolique.» Or, au même endroit il méprise, autant qu'il le peut, l'Eglise Romaine, et nie qu'elle ait été fondée par Pierre.

  A023001144 

 A propos des cérémonies du Baptême, il convient qu'elles sont d'une origine très antique, mais il ajoute aussitôt: «Il m'est cependant permis, et à toutes les personnes pieuses, de repousser tout ce que les hommes ont osé ajouter à l'institution du Christ.» Dans la question du Sacrement de l'Autel conservé comme viatique des malades, question de grande importance pour confirmer la foi en la présence réelle du corps du Seigneur, il se fait cette objection: «Mais ceux qui agissent ainsi suivent l'exemple de l'ancienne Eglise.» Il y répond en ces termes: «J'avoue qu'en une matière si grave, et où l'erreur n'est pas sans grand danger, rien n'est plus sûr que de suivre la vérité.» Comme si l'Eglise ancienne avait suivi la fausseté! Et ailleurs, à propos des cérémonies de la Messe: «Si quelqu'un veut défendre des inventions de cette sorte en se basant [158] sur leur antiquité, je n'ignore pas qu'assez près de l'âge apostolique la Cène du Seigneur a été couverte de rouille; mais c'est là un effet de l'audace qu'a l'homme se fiant à lui-même.» Dans un autre endroit il avoue que les anciens Docteurs ont d'ordinaire employé le mot de Messe «au pluriel».

  A023001144 

 Et ailleurs: «Je vois aussi que ces Anciens ont détourné ce mémorial [de la Passion du Seigneur] vers un autre sens que celui qui convenait à l'institution du Seigneur.» Et un peu plus loin: «Je ne pense pas qu'on puisse les excuser d'avoir, dans une certaine mesure, péché quant à leur manière d'agir.» De nouveau: «C'est avec raison qu'on leur reproche d'avoir trop incliné vers les ombres de la Loi.» Enfin, pour ne pas énumérer en particulier tous les écrits de cette sorte, ce qui serait un travail presque sans fin, disons que le même Calvin avoue que l'usage de la Confession est très antique, et cependant il le méprise..

  A023001145 

 En somme, si la caractéristique la plus propre à dénoter avec certitude l'hérésie, est le mépris de l'Eglise et de l'antiquité, il est hors de doute que Luther et Calvin, ainsi que tous leurs sectateurs, sont hérétiques au plus haut point, tant ils ont dépassé tous les autres hérétiques antérieurs en mépris de l'Eglise et de toute l'antiquité.

  A023001152 

 In quos pulchre Lirinensis: « Prophanas,» inquit Paulus, « vocum novitates devita, quas recipere atque sectari nunquam Catholicorum, semper vero haereticorum fuit... Hoc apud omnes fere hæreses quasi solemne est ac legitimum, ut semper prophanis novitatibus gaudeant, antiquitatem fastidiant, et per oppositiones falsi nominis scientiae a fide naufragent; contra vero, Catholicorum hoc fere proprium, deposita sanctorum Patrum et commissa servare, et damnare prophanas novitates.».

  A023001152 

 Septimus character est, quod non tantum antiquitatem non venerantur nec reverentur, sed etiam novitatem quantum possunt maximo studio affectant et sectantur.

  A023001153 

 Et vero quid illud est, quod isti Ecclesiam per tot saecula errasse dicunt, nisi quod novam et plane contrariam Ecclesiae veteri doctrinam afferunt? Unde factum est, ut venientibus ipsis universa Ecclesia cohorruerit, ut solent oves et agni, cum primum vident rabidum lupum ad se venientem..

  A023001154 

 Interea Lutherus, desertus ab omnibus, praelians cum universis, adjutus [162] a nemine, solus in periculo versabatur.» Et paulo post: «Hic ego idem Sacramentariis Papista, Papistis Sacramentarius traducor, cum tamen, ut hi Christum, sic illi Sacramentum Caenae Domini Ecclesus eripere conentur; et hi quidem solos sese praedicare Christum jactant, cujus tamen Sacramenta in Ecclesia nihil nisi signa et veluti tesseras militares faciunt.» Et aliquot sententiis interpositis: «Porcorum,» inquit, «et canum haec est gratitudo, ut, si quis ipsis sanctum et margaritas projiciat, statim conversi irruant in benefactorem eumque dilacerent.».

  A023001154 

 «Solus,» inquit Lutherus, «primo eram, et certe ad tantas res tractandas ineptissimus et indoctissimus.» Et paulo post: «Germani omnes, suspensis animis, expectabant eventum tantae rei, quam nullus antea neque episcopus neque theologus ausus est attingere.» Idem tamen Lutherus, paulo post initium Defensionis verborum Cænæ, cum de Sacramentariis loquitur: «Nec quicquam,» inquit, «magis hanc haeresim promovet, quam novitas; nam nos Germani tales homines sumus, ea quae nobis nova sunt, affectamus et avide arripimus.» Et in Responsione ad maledicum scriptum Regis Anglice, de iisdem Sacramentariis loquens: «Nullos,» inquit, «hostes capitaliores [161] sum expertus hactenus, quam suaves illos fratres, collegas, amicos, quos, tanquam filios, in sinu nostro fovimus novarum sectarum magistros, Sacramentarios dico, et alios phanaticos, qui qualem nobis referant gratiam, vide.» Et paulo post: «Nos, principio, libertatem et Christi honorem asserere et vindicare ccepimus, et tyrannidem pontificiam invadere.

  A023001155 

 Is vero [163] Spiritus Sanctus in probando et fundamenta jaciendo non solum multiplex, sed etiam sibi contrarius et inconstans reperitur; quod eam ob causam fieri mihi persuasum est, ut Spiritus Sanctus palam coarguat, quod isti singuli aeque errent.» Et mox profert septem diversas Sacramentariorum opiniones..

  A023001156 

 Ce qu'il a fait si bien et dextrement, que qui voudra bien considerer ses escrits, confessera que c'est à luy, après Dieu, qu'appartient l'honneur de la résolution depuis suivie par toutes gens de bon jugement.» Ergone, Beza, solus Calvinus recte de Eucharistia sentiendi regulam novit? Omnes usque ad Calvinum tanti Sacramenti vim et efficaciam ignoraverunt?.

  A023001156 

 Theodorus Beza, in Praefatione quadam sua Gallica, ita extollit Calvini sui doctrinam de re sacramentaria, ut ipsum etiam Apostolis praetulisse videatur; scribit namque in haec ipsa verba: «Une chose est a noter, comment ledit Calvin se porta prudemment a traitter ceste matiere, tant en son Institution qu'au dit [164] petit livret; car, voyant que la miserable contention esmeue pour le faict de la Cène, avoit allumé un feu qui etoit pour mettre division entre les eglises, tout son desir fut de l'esteindre par une claire exposition de la matière, sans s'attacher à personne.

  A023001157 

 Missam et Eucharistiam in Coenam, quod nomen plane prophanum est, verterunt; altare in mensam.

  A023001157 

 Scripturae Canonem prorsus novum ediderunt, vel plures vel pauciores Libros comprehendentem, quam in Canone ullius Concilii, aut ex antiquis Patribus fuisse inveniatur; [165] Scripturam innumeris novis versionibus everterunt, nemine alterius versione contento; Sacramenta ad novum numerum, dualem scilicet, reduxerunt; ritus administrandorum Sacramentorum novos invexerunt; ecclesiasticam hierarchiam, nova quadam anarchia, perverterunt; ministros, id est diaconos, novo commento, presbyteris et episcopis praetulerunt; episcopos, quos primo ac principe honore universa semper coluit Ecclesia, in locum infimum abjecerunt.

  A023001158 

 Hoc enim addendum est, quia in postrema editione latina, quae fuit anni 1602, «subsistentiam» pro persona invenies, non «residentiam»; ideo, ut opinor, quod Calvini discipulos, a nostris admonitos, puduit novae hujus theologiae, suumque doctorem ita corrigendum esse censuerunt.

  A023001159 

 At minus illud quoque mirum est, nomine illo offensam fuisse animam haereticam Lutheri, nam, ut praeclare dixit Ambrosius, «hoc Mot in tractatu fidei posuere Patres,» quod viderent esse «adversariis formidini.».

  A023001159 

 Deinde, aliquot verbis interpositis: «Quod si odit anima mea vocem homoousion et nolim ea uti, non ero haereticus; quis enim me coget uti, modo rem teneam quae in Concilio per Scripturas definita est? Etsi Ariani male senserunt in fide, hoc tamen optime, sive bono, sive malo animo exegerunt, ne vocem prophanam et novam in regulis fidei statui liceret.» Quid, obsecro, impudentius isto nebulone possis fingere? Pugnavit antiquitas catholicorum Patrum trecentis pene annis pro verbo hoc homoousion sacratissimo retinendo, in cujus pronunciatione haeretici a Catholicis discernerentur, et ecce novator et nugator iste novam ac prophanam vocem esse pronunciat! Proinde nec mirum [168] est, ex ejus discipulis et sectatoribus inventos fuisse, qui pro homoousion substituerint όμοούσιον, per summam perfidiam; digni sane discipuli apostatae istius et desertoris, qui, post mille trecentos annos, Concilium Nicaenum, omnium quae unquam celebrata fuerunt, augustissimum, prophanationis accusat, Arianos autem pietatis studio adornat.

  A023001159 

 Tandem Lutherus de verbo illo όμοούσιον: «Non est,» inquit, «quod mihi homoousion illud objectes, adversus Arianos receptum; non fuit receptum a multis, iisque praeclarissimis.» Et paulo post, indulgendum ait esse Patribus qui semel extra Scripturam posuerunt vocem prophanam, illam scilicet de qua tractamus: homoousion.

  A023001167 

 Videbis Augustinum ipsum et Alipium nondum clericos (quod notatum est ab Augustino, quia clerici tunc a laicis distinguebantur); videbis et beatum Saturninum, episcopum Uzalensem, Gelosum presbyterum, ac diaconos Carthaginenses; et quidem omnes ab episcopo, tanquam a majori, benedictionem accipientes, quia tunc et episcopi a presbyteris et presbyteri a diaconis distincti erant, et episcopus longe major presbytero habebatur.

  A023001167 

 [171] «Jus habet dandi Baptismum summus sacerdos, qui est Episcopus, deinde presbyteri et diaconi, sed non sine Episcopi facultate.» Parole sunt Tertulliani..

  A023001169 

 Videbis eundem Hesperium ab amico allatam terram sanctam de Hierosolymis, ubi Christus die tertio resurrexit, suspendisse in cubiculo suo, ne quid mali etiam ipse pateretur; at, ubi domus ejus ab illa infestatione purgata est, noluisse diutius in cubiculo suo retinere terram sanctam, idque non alia quam reverentiae causa.

  A023001173 

 Et Augustinum ipsum, e superiori loco concionabundum, oves sibi commissas in laudem Dei [175] ad gratiarum actiones provocantem; et caput illud insigne his verbis concludentem: «Quid erat in cordibus exultantium, nisi fides Christi, pro qua Stephani sanguis effusus est?».

  A023001174 

 Mirum igitur est vel hoc unico capite non esse victos convictosque omnes Lutheranos et Calvinianos, si neque Lutherum Calvinumque pro mendacibus habent, qui Ecclesiam Dei purissimam Augustini temporibus fuisse fatentur, neque Augustinum pro mentiente, qui supra dicta omnia refert tanquam verissima et certissima..

  A023001183 

 Contre eux s'applique bien ce passage de Vincent de Lérins: «Evite les nouveautés profanes de langage,» dit saint Paul, «nouveautés que les catholiques n'ont jamais reçues ni suivies, tout au rebours de ce qu'ont toujours fait les hérétiques...C'est en quelque sorte la grande loi de presque toutes les hérésies, d'avoir du goût pour les nouveautés profanes, du dégoût pour l'antiquité, et de faire naufrage dans la foi à cause des oppositions qu'ils lui font, sous prétexte d'une science qui n'en mérite pas le nom.

  A023001183 

 Leur septième caractéristique est non seulement de ne pas vénérer et révérer l'antiquité, mais de s'attacher de toutes leurs forces à la nouveauté.

  A023001183 

 Par contre, le propre des catholiques est d'ordinaire de conserver les dépôts reçus des saints Pères et de condamner les nouveautés profanes.».

  A023001184 

 Et en réalité, que signifie l'accusation qu'ils lancent contre l'Eglise, d'avoir erré durant de si longs siècles, sinon qu'ils apportent une doctrine nouvelle et tout à fait contraire à l'ancienne Eglise? C'est ce qui explique qu'à leur apparition toute l'Eglise ait frissonné, comme font les brebis et les agneaux à la première vue du loup enragé qui vient vers eux..

  A023001185 

 Dans ce combat nous avons commenté nombre de textes scripturaires, et si nous n'avions pas ainsi ouvert la voie, il est à croire qu'ils n'auraient compris rien du tout au Christ ou à l'Evangile, tant s'en faut, je pense, qu'ils eussent pu par leurs propres efforts secouer le joug pontifical; ou bien, s'ils en avaient trouvé le moyen, la force d'âme leur eût tout à fait manqué.

  A023001185 

 «Tout d'abord,» dit Luther, «j'étais seul, et certes tout à fait dépourvu d'aptitude et de science pour traiter de si grandes choses.» Et peu après: «Tous les allemands, l'esprit en suspens, attendaient l'issue d'une si grande affaire, que personne auparavant, ni évêque, ni théologien, n'avait osé entreprendre.» Cependant le même Luther, peu après le début de la Défense des paroles de la Cène, parlant des sacramentaires, s'exprime ainsi: «Rien n'aide autant cette hérésie que sa nouveauté; car nous autres allemands sommes ainsi faits, que nous nous attachons avec avidité à ce qui est nouveau pour nous.» Et dans sa Réponse au méchant écrit du Roi d'Angleterre, toujours à propos des sacramentaires: «Je n'ai pas jusqu'ici rencontré d'ennemis plus acharnés que ces bons frères, collègues, amis, que nous avons élevés comme [161] des fils dans notre sein, docteurs de sectes nouvelles, j'entends les sacramentaires et autres fanatiques; vois de quelle façon ils nous récompensent.» Et un peu plus loin: «Nous autres au commencement nous nous sommes mis à affirmer et à revendiquer la liberté et l'honneur du Christ, et à foncer sur la tyrannie pontificale.

  A023001190 

 Il faut, en effet, ajouter ceci: dans la dernière édition latine, qui est de l'année 1602, on trouve non pas «résidence,» mais «subsistance», pour signifier la personne; par conséquent, comme je le suppose, les disciples de Calvin, avertis par ceux de notre religion, ont eu honte de cette nouvelle théologie, et ont jugé à propos de corriger ainsi leur docteur.

  A023001197 

 Comment, en effet, pourraient-ils s'en dispenser, eux qui avouent que vous avez été fidèles et saints? En outre, pour éviter toute tergiversation possible, je ne parlerai que de ce qui est bien constaté avoir été habituellement pratiqué par l'Eglise pendant les premières cinq cents années de son existence; car Calvin, après Luther, nous fait cette remarque: «Souvenons-nous des cinq cents ans environ pendant lesquels la religion florissait encore dans tout son éclat, et la doctrine plus pure était en vigueur.» Et ailleurs, à propos de l'époque d'Augustin: «C'est une chose hors de discussion que rien n'a été changé dans la doctrine depuis le commencement jusqu'à cette époque-là.».

  A023001199 

 C'est pourquoi, dès l'époque du même Augustin, Aérius fut condamné par l'Eglise comme hérétique pour avoir affirmé qu'il n'y avait nulle différence entre l'évêque [171] et le prêtre.

  A023001199 

 Vous y verrez aussi le bienheureux Saturnin, évêque d'Uzales, Gelosus, prêtre, et les diacres de Carthage; or, c'est l'évêque, comme exerçant la fonction principale, qui bénit les autres: preuve qu'alors les évêques étaient distincts des prêtres, et les prêtres des diacres, l'évêque étant considéré comme fort au-dessus du prêtre.

  A023001205 

 Il termine son chapitre remarquable par ces mots: «Qu'est-ce qui remplissait le cœur de ceux qui se réjouissaient ainsi, sinon la foi du Christ, pour laquelle le sang d'Etienne a été répandu?».

  A023001206 

 Il est par suite étonnant que de ce seul chef tous les luthériens et calvinistes ne se sentent vaincus et convaincus, et ne considèrent Luther et Calvin comme des imposteurs, eux qui confessent l'état très pur de l'Eglise à l'époque d'Augustin, et qui d'autre part, ne tiennent pas pour un menteur ce dernier qui rapporte comme très vraies et très certaines toutes les choses racontées plus haut..

  A023001207 

 En vérité, quels réformateurs, bon Dieu! sont ces gens qui ont méprisé et repoussé comme profanes toutes les pratiques, toutes les œuvres de l'Eglise, tout ce dont celle-ci se parait à son époque de pureté et de sainteté! N'est-ce pas plutôt le nom de déformateurs qui leur convient, et ne doivent-ils pas être considérés, hués et chassés par tout le monde comme d'ineptes et impudents novateurs? Déjà autrefois Tertullien avait écrit ces belles paroles: «Nous avons coutume de récuser les hérétiques comme de date récente.» Pourquoi donc ne récuserions-nous pas aussi les nôtres?.

  A023001214 

 Octavus haeresium omnium character est spiritus dissensionis; nam, ut inquit Apostolus, numquid divisus est Christus? Et: Deus non dissensionis, sed facis Deus est.

  A023001215 

 Sed unus pro omnibus in testem sufficiat Lutherus, qui, suo illo libro contra Sacramentarios, non perfunctorie, sed ex professo demonstrat septem diversissimas et haereticas interpretationes verborum illorum: Accipite et comedite: hoc est corpus meum, a duobus antea annis emersisse; postquam enim sex enumeravit, addit: «Praeter hos alii accedunt, ut septenarius numerus compleatur, qui dicunt non esse articulum fidei, ideoque liberum cuique esse, ut hic sentiat quicquid velit.

  A023001215 

 Verumtamen Spiritus Sanctus est in iis singulis, et nullus vult erroris argui in iis tam diversis et contrariis [179] probationibus et textus ordinationibus, cum tamen unam textus collocationem veram esse opporteat.

  A023001217 

 Bellum hoc est Madianitarum; ac, sicut dixit alibi Lutherus ipse, a Deo ita ordinatum est, ut impii semper seipsos confundant, et quod mendacia non consonent, sed semper semetipsa testentur.

  A023001217 

 Sed illud omnium suavissimum est, quod, aliquot verbis interpositis, provocat in se Lutherus omnes adversarios suos: «Sed agite dum,» inquit, «adeste omnes, vos, in-quam [180], Papistae sectarii, Sathanae administri et satellites, ac totum agmen diabolici gregis, unanimes vires conjungite vestras.

  A023001224 

 Atqui Scriptura Sacra, inquiunt, unica via est recte sentiendi et consentiendi; in hanc si omnes intendamus, facile consentiemus: sic enim isti exclamant.

  A023001224 

 Dum inquit Augustinus: «Scripturae bonae intelliguntur non bene;» et Hilarius: «Intelligentia haeresis est; et sensus, non sermo, fit crimen;» et Hieronymus: «Scripturae non in legendo consistunt, sed in inteUigendo;» et alibi: «Diabolus loquitur de Scripturis; et omnes haereses, secundum Ezechielem, inde sibi consuunt cervicalia, quae ponunt sub cubito universæ ætatis.» Sed omnium apertissime et aptissime Vincentius iUe Lirinensis, quem diceres haereticorum nostri temporis mores et ingenia exprimere voluisse: «Lege,» inquit, «Pauli Samosateni opuscula, Priscilliani, Eunomii, Joviniani reliquarumque pestium» (omnes vero illos haereticos fuisse nec Lutherani et Calviniani ipsi diffitentur): «cernas infinitam exemplorum congeriem, prope nullam omitti paginam, quae non Novi aut Veteris Testamenti sententiis fucata et colorata sit.» Et [183] paulo post: «Quid est vestitus ovium, nisi Prophetarum et Apostolorum proloquia? Qui sunt lupi rapaces, nisi sensus haereticorum feri et rabidi?» etc..

  A023001224 

 Et quis haereticorum unquam, si unum aut alterum excipias, alio quam Scripturae praetextu bellum movit turbasque in Dei Ecclesia excitavit? Solemne est haereticis omnibus clamare: Mot Domini, Mot Domini! et Scripturam Scripturis convellere, id est, Spiritum vivificantem littera [182] occidente extinguere; nempe quia multiplicem sensum habet Scriptura, quem dum quisque sibi proprium eligit et propugnat, propriam facit haeresim et sectam.

  A023001224 

 Sed quis non videt tortuosos gyros serpentis antiqui? nam nec de alio fere quam de Scriptura ipsa sacra contentio est.

  A023001225 

 Cumque videret Sacramentarios impudenter [184] de Sacra Scriptura gloriari: «Hoc,» inquit, «rei caput est: diabolus sua calliditate et potentia nobis multo superior est; oppugnat et repugnat ubique; si nos ad Scripturam confugiemus, ibidem quoque praesto est, et in ea tantum contentionum et dissensionum concitat, ut propediem ejus obsaturemur, languidiusque Scripturae assentiamur et confidamus.

  A023001225 

 Et quidem hic perpetuo cum ipso conflictari oportet.» Et paulo post, de Sathana loquens: «Turbas,» inquit, «et sectas in Scriptura tot tantasque dabit, ut nescias ubi Scriptura, fides, Christus, tu ipse maneas.» Et mox, in eandem sententiam eodemque loco: «Quamvis,» inquit, «diabolus nos cogatur dimittere, tamen non est oblitus suae artis; nam clanculum sua zizania seminavit in nostros caetus, puta falsos fratres, qui nostram doctrinam et verba apprehenderent non in eum finem, ut nobis adjumento essent in Scripturae propaganda, sed ut a tergo, cum nos in prima acie pugnaremus, in nostrum exercitum impetum facerent, turbas excitarent et contra nos furiose dimicarent.» Et paulo post: «Sed haud cessabit; tanto cardine rerum progredietur longius, et plures articulos fidei attentabit.

  A023001225 

 Hoc ipsum autem faciunt et fecerunt semper omnes haeretici; nunquam tamen illustriore exemplo, quam factum sit ab haereticis nostri temporis, qui quatuor haec Evangelii verba: Hoc est corpus meum, tanta sensuum dissensione et repugnantia intellexerunt, ut jam suo tempore Lutherus septem diversissimas interpretationes observaverit, quemadmodum paulo ante dicebamus.

  A023001225 

 Interpres autem ejusmodi alius esse non potest, quam Ecclesia, quae columna et firmamentum est veritatis, et ad cujus solius auctoritatem semper attinuit, ut haereses et haereticos discerneret ac damnaret.

  A023001225 

 Non ergo Scriptura sola est idonea ad consensionem et unionem fidelium, sed indiget interprete, qui eodem spiritu earum sententiam aperiat, quo ipsae scriptae sunt et revelatae.

  A023001226 

 Aut si hoc humanum duntaxat praesidium est, quodnam, obsecro, erit divinum? Et si quod aliud divinum est, cur tantopere laborat Lutherus, ne cogatur humana quaerere praesidia, cum alia possit habere divina; et hoc ipso haud dubie meliora et tutiora quam humana? An vero possit quis credere, nullum a Deo Opt.

  A023001226 

 Quamquam, ne etiam hac in re haereticus non sit, Lutherus mentitur splendide, dum Concilia «humanum praesidium» appellat; divinum enim est, non humanum, quod in hanc vocem sua decreta inchoat: Visum est Spiritui Sancto et nobis.

  A023001234 

 Aussi avons-nous coutume de dire que le propre des hérétiques est de [178] diviser, comme celui des catholiques de réunir, le Christ étant venu réunir en un seul bercail les brebis dispersées.

  A023001234 

 C'est pourquoi l'Apôtre Jude décrit ainsi les hérétiques: Ce sont ceux qui se divisent eux-mêmes..

  A023001234 

 La huitième caractéristique de toutes les hérésies est l'esprit de dissension; car, comme dit l'Apôtre, est-ce que le Christ est divisé? Et: Dieu est un Dieu non de dissension, mais de paix.

  A023001235 

 Après en avoir énuméré six, il ajoute: «A ceux-ci en succèdent d'autres, pour achever le nombre septénaire, lesquels prétendent qu'il ne s'agit pas ici d'un article de foi; de sorte qu'il est libre à chacun de penser ce qu'il veut.

  A023001235 

 C'est fouler aux pieds et détruire tout.

  A023001235 

 Mais qu'il nous suffise de citer le témoignage de Luther qui, dans son livre contre les sacramentaires, non en passant, mais ex professo, démontre qu'en deux ans se sont fait jour sept interprétations très diverses et hérétiques de ces paroles: Prenez et mangez: Ceci est mon corps.

  A023001237 

 Autrefois Hilaire a prononcé cette parole pleine d'à-propos et de poids: «La guerre que se font les hérétiques est la paix de l'Eglise.».

  A023001237 

 C'est là la guerre des Madianites, et, comme l'écrit ailleurs Luther lui-même, Dieu a tout arrangé pour que les impies se confondent toujours eux- mêmes, et pour que les mensonges ne concordent pas entre eux, mais se dévoilent eux-mêmes.

  A023001237 

 Mais le plus beau passage est celui où, après quelques mots, Luther provoque à la lutte tous ses adversaires: «Eh bien donc! apparaissez tous, vous, papistes sectaires, ministres et satellites de [180] Satan, et toute la troupe du diable, d'un commun accord réunissez vos forces! Amenez ici vos escadrons, attaquez le seul Luther de toutes vos phalanges.

  A023001237 

 Papistes, dirigez l'attaque en première ligne; que les sacramentaires, les anabaptistes donnent l'assaut,» etc. En vérité, c'est à merveille qu'il met les sacramentaires et les anabaptistes derrière lui, non seulement parce qu'ils ont été ses sectateurs, mais aussi parce qu'ils viennent du même point de départ et ont suivi la même voie.

  A023001243 

 Parmi eux, nul siège principal auquel, comme le disait saint Irénée, toute l'Eglise puisse recourir; chacun s'arroge la verge du censeur; ils méprisent l'autorité des Conciles, dont la première utilité est de concilier entre elles les opinions divergentes par l'échange mutuel de vues entre les catholiques.

  A023001244 

 D'autre part, l'Ecriture Sainte est, d'après eux, l'unique voie pour connaître la vérité et s'entendre; si nous portons nos regards de ce côté, nous arriverons facilement à l'unité de doctrine: c'est ce que crient nos hérétiques.

  A023001244 

 Il arrive alors ce que dit Augustin: «Les Ecritures, bonnes en soi, sont mal comprises;» et Hilaire: «La façon de comprendre constitue l'hérésie; c'est le sens qu'on lui donne, non le texte lui-même, qui amène le crime d'hérésie;» et Jérôme: «La valeur des Ecritures ne consiste pas dans leur simple lecture, mais dans la manière de les comprendre;» et ailleurs: «Le démon emploie les Ecritures, et toutes les hérésies s'en font des oreillers qu'elles mettent sous le coude des gens de tout âge, selon l'expression d'Ezéchiel.» Mais entre tous, Vincent de Lérins s'exprime avec le plus de clarté et de justesse, si bien qu'il semble avoir voulu dépeindre les mœurs et la tournure d'esprit des hérétiques de notre temps: «Lisez,» dit-il, «les opuscules de Paul de Samosate, de Priscillien, d'Eunomius, de Jovinien et des autres auteurs pestilentiels» (les luthériens et les calvinistes eux-mêmes considèrent tous ces personnages comme des hérétiques): «examinez l'interminable liste des exemples apportés, et vous verrez qu'il n'y a presque aucune page qui ne soit fardée et colorée au moyen de phrases du Nouveau ou de l'Ancien Testament.» Et peu après: «Qu'est-ce que les vêtements de brebis, sinon les oracles [183] des Prophètes et des Apôtres? Que signifient les loups dévorants, sinon les interprétations cruelles et délirantes des hérétiques? etc..

  A023001244 

 Y a-t-il un hérétique, à l'exception d'un ou de deux, qui ait jamais autrement entamé sa lutte et troublé les foules dans l'Eglise de Dieu, qu'en en prenant prétexte dans l'Ecriture? Tous les hérétiques ont l'habitude de crier: La Parole de Dieu, la Parole de Dieu! tout en bouleversant [182] l'Ecriture par les Ecritures, c'est-à-dire en étouffant l'esprit vivifiant sous la lettre qui tue.

  A023001245 

 C'est ce que font et ont toujours fait tous les hérétiques.

  A023001245 

 Cependant, jamais exemple n'a été si frappant que celui des hérétiques de notre époque; ces quatre mots de l'Evangile: Ceci est mon corps, ont été, en effet, compris par eux avec une telle diversité et contradiction de sentiments, que déjà de son temps Luther, comme nous le disions tout-à-l'heure, avait observé sept interprétations très dissemblables.

  A023001245 

 Un peu plus haut, en parlant des sacramentaires et de leur hérésie, il avait dit: «En cette partie, il [le démon] a fait par l'Ecriture une dizaine de brèches environ et s'est préparé des échappatoires, si bien que je ne sache pas qu'il ait jamais existé une hérésie plus difforme, ni qui dès son origine ait eu tant de chefs, tant de sectes différentes, tant d'opinions discordantes, tendant toutefois finalement au même but, qui est de poursuivre le Christ.» Jusqu'ici Luther..

  A023001245 

 «C'est là,» dit-il, «le pire: le diable nous est de beaucoup supérieur en finesse et en [184] puissance; partout il attaque et se défend; si nous recourons à l'Ecriture, il nous y attend aussitôt, et se met à soulever des tas de contentions et de dissensions à son sujet, au point de presque nous dégoûter d'elle et de diminuer notre assentiment et notre confiance en elle.

  A023001246 

 Toutefois, pour ne pas manquer de se montrer hérétique même ici, Luther fait un beau mensonge en appelant «moyens humains de défense» les Conciles; car elle est divine, non humaine, l'assemblée qui commence ses décrets par ces mots: Il a paru bon à l'Esprit-Saint et à nous. S'il s'agit ici d'un moyen de défense purement humain, où en trouvera-t-on un, je le demande, qui sera divin? Et s'il existe quelque part un autre moyen divin de défense, pourquoi donc Luther fait-il de si grands efforts pour éviter les moyens humains, pouvant s'en procurer de divins et, par le fait même, évidemment meilleurs et plus sûrs que les humains? En vérité, quelqu'un peut-il croire que le Dieu très bon et très grand n'ait pas songé à fournir pour le besoin en question le moyen de défense voulu, moyen, par suite, totalement divin, destiné à conserver l'union et la paix de toute son Eglise? [187].

  A023001253 

 Nonus haereticorum character est spiritus contentionis, superbiae, arrogantiae et pertinaciae; sic enim illorum mores describit beatus Judas, in Epistola canonica: Vae illis qui in via Cain abierunt, et errore Balaam mercede effusi sunt, et in contradictione Core perierunt.

  A023001254 

 Is, in Responsione ad maledicum scriptum Regis Angliæ, in haec verba scribit: «Atque,» inquit, «citra arrogantiam libere dixerim, per me Sacram Scripturam ita repurgatam, ita illustratam esse, ut intra annos mille nunquam fuerit vel clarior, vel notior pluribus.» Et paulo ante: «Mihi perinde est, etiamsi mihi totus jam adhaereat mundus, jam deficiat iterum; utrumque sequi bonimque consulturus sum, nam quis me sustentabat initio, cum essem solus?» Et alibi miris modis seipsum extollit, et animum pervicaciae: «Haec sunt arma,» inquit, «quibus haeretici vincunt hodie: ignis et furor insulsissimorum asinorum et thomisticorum porcorum.

  A023001254 

 Qui primus alterum compescuerit, sit ipse victor; sicut vultis, sic fiat vobis.» Et eodem libro: «Non sumus Papae, sed Papa noster est; nostrum est non judicari ab ipso, sed ipsum judicare: spiritualis enim a nemine judicatur, et ipse judicat omnes.» [190].

  A023001257 

 Aliud exemplum, adhuc clarius, ex alio loco sumi potest, in quo, tractans de Missa: «Quid ergo,» inquit, «dicemus ad Canonem et auctoritatem Patrum? Primum respondeo: si nihil habetur quod dicatur, tutius est omnia [192] negare, quam Missam concedere...» Quid enim hoc aliud, quaeso, est, quam velle quocumque periculo ac per omne fas et nefas suam tueri opinionem, et poeticum illud exequi:.

  A023001259 

 Sed quid arrogantius possis fingere, quam quod Calvinus pronunciare ausus est, omnes Patres in errorem abreptos fuisse aut arroganter locutos? Quid [193] item arrogantius Beza, qui Calvino soli adrogat honorem rectae opinionis et detectae veritatis circa mysterium Eucharistiae, quasi nullus omnino mortalium ante Calvini tempora recte de Sacramento sensisset? Sed et qui sibi vult, rogo, quod ad calcem Vitae Calvini, quam idem Beza scripsit, addidit verba illa Elisaei videntis Heliam raptum in caelum et elevatum: Pater mi, pater mi, currus Israel et auriga ejus! nisi quod Calvinum pro Helia, se autem pro Elisaeo vult haberi?.

  A023001265 

 Si objicias verba Epistolse divi Jacobi, quid respondebunt? Lutherus exclamabit,« si uspiam deliratum est,» hic deliratum esse, potiusque rejiciendam Apostoli Epistolam, quam admittendum ut justificatio a charitate proficiscatur.

  A023001266 

 At-qui de Scriptura nobis controversia est, quam a nobis stare manifestissimum est; justificationem enim scripsit Apostolus, non justificationis manifestationem.

  A023001266 

 Si vero instes: Adeamus ergo Patres, Concilia, Ecclesiam: Bene est, inquit, dum ad normam Scripturae loquantur..

  A023001267 

 Quaeritur quis rectius interpretetur; nec enim sequum est quemquam in causa sua et testem esse et judicem.

  A023001267 

 Quis vero te constituit illorum judicem? hoc ipsum enim est de quo quaerimus: cur tibi magis licere debeat sententiam ipsorum et interpretationem examinare, quam illis aut nobis tuam, et quis in pari omnium jure futurus sit judex? Quod si fallantur interpretando, quia homines fuerunt, ut objicis, quidni etiam tu fallaris? An non et tu homo es, [aut saltem bestia?] Neque enim, opinor, aut angelus aut deus es, aut quicquam ex inanimatis.

  A023001268 

 Quid agas cum impiis istis qui semper in circuitu ambulant, et eo semper redeunt, unde tu tam saepe illos dejeceris? Quae impudentior pertinacia, quam nolle stare judicio Ecclesiae, Patrum, Conciliorum? Quis finis tantae contentionis, si nemo erit qui litem dirimere possit, quique ejus tandem definiendae habeat auctoritatem? Nec enim dubitandum est quin litigandi futura sit immortalis libido.

  A023001276 

 Adducimus et quod idem Augustinus alibi scribit, «animas defunctorum orationibus Martyrum commendari, in quorum locis, id est nomine ac memoria Martyrum venerabilibus, corpora sepulta sunt.» Quid ad lisec isti nugatores, ut elabantur? Nihil aliud, nisi quod lisec non ex animo, sed raptim et inadvertenter dicta sunt.

  A023001276 

 Atqui locum alium illustriorem adducimus, in quo beatum Cyprianum ipse invocat hac desiderii sui contestatione: «Adjuvet nos orationibus suis, ut, donante Domino, quantum possumus [199] bona ejus imitemur.» Parum est, inquiunt, nam non diu immoratur in hujusmodi precibus.

  A023001277 

 Accipe quod offerimus, redona quod rogamus, excusa quod timemus, quia tu es spes unica peccatorum; per te speramus veniam delictorum, et in te, Beatissima, nostrorum est expectatio praemiorum.

  A023001277 

 Is est in Sermone 2.

  A023001278 

 Ergone, quia manna rebellibus et protervis panem caeli non sapit, propterea manna esse desinet et panis de cælo? Quia sol noctuae non lucet, nobis non lucebit? Si sic agatur, actum sane est de universa Scriptura, ut docte Augustinus noster jam olim disputavit contra Faustum, qui, solemni haereticorum insolentia, Sacrae Scripturae loca quibus urgebatur, non germana, sed falsata esse dicebat..

  A023001278 

 Est tamen quod parcamus, nec illibenter, istis qui Patrum scriptis tam inepte illudunt, cum in ipsis quoque Sacris Scripturis idem faciant easque non nisi ad gustum suum et admittant et abjiciant.

  A023001278 

 Sed quid respondetis? Sermo, inquiunt, non est Augustini.

  A023001279 

 Cum vero catholicus supradictum locum protulisset ac ministrum interrogasset: «Quid vero tu ad haec, domine, magne doctor?» Ille, primum haesitabundus et attonito similis, mox seipsum colligens, quasi magnum [202] et elegans quidpiam dicturus, ut facile maximum Ecclesiae reformatorem in ejus vultu agnosceres: «Naevus est,» inquit, «in pulchro corpore.» Quid vero miser catholicus faceret cum isto nebulone, nisi ut Dominum rogaret ne statueret ei hoc peccatum, quia nesciebat quid diceret nec quid faceret? [Abi vero tu in malam crucem, cum istis tuis naevis et nugis!] An non poteras verius dicere, naevum hunc esse in Calvini tui opinione, Beatissimae Virginis Sanctorumque omnium intercessionem temere rejicientes? nam nec quicquam vetat naevos esse in deformi corpore, [203] ut tanto deformius faciant quanto facerent corpus venustius quod esset pulchrum..

  A023001280 

 Hanc vero artem fallendi in Patrum scriptis, etsi haereticorum omnium commtmis est, Calviniani tamen propemodum suam propriam fecerunt, adeo in ea excellunt, ut apparuit ex congressu Illustrissimi Cardinalis et Episcopi Ebroicensis cum misero illo, quem nominare pudet [vel hoc ipso, quod non pudet eum vivere post tam multas tamque evidentes ipsius non tantum haereses, sed etiam falsitates.] in augustissimo ipso Christianissimi Regis conspectu, et amplissimo totius Galliae theatro detectas convictasque..

  A023001280 

 Placent vero sibi novatores nostri tum maxime in sua pertinacia, cum aliquam sententiam in libris Patrum deprehendunt, quae primo intuitu ac in speciem favere iis videatur; est enim hoc fuitque semper hæreticis omnibus commune, ut jam olim Vincentius noster Lirinensis observavit: «Cum sub alieno,» inquit, «nomine haeresim concinnare machinantur, captant plerumque veteris cujuspiam viri scripta paulo involutius edita, quae pro ipsa sui obscuritate dogmati suo quasi congruant, ut illud, nescio quid, quodcumque proferunt, neque primi neque soli sentire videantur.» Hunc scilicet morem tenens minister iste noster egregius, de quo nunc dicebamus, tot illis Augustini locis clarissimis, quae jam citavimus, opponebat locum unum, in quo Augustinus, de Christo loquens: «Ipse Sacerdos est,» inquit, «qui nunc ingressus in interiora veli, solus ibi ex his qui carnem gestaverunt, interpellat pro nobis.» Itaque Augustinum cum Augustino pugnantem inducere volebat subtilis doctor, nec videbat Augustinum eo loco non de alia interpellatione loqui, quam quae fit per [204] redemptionem, quod et praecedentia et sequentia illius loci manifestissime ostendunt.

  A023001286 

 Adeo verum est quod Augustinus jam olim dixit, convinci eos posse, sed vinci non posse.

  A023001287 

 Qua responsione si quis est qui sibi non putet satisfactum, quonam, obsecro, nisi protervo prorsus et contentioso videri potest esse ingenio?.

  A023001287 

 Quare nec Sanctos proprie mediatores agnoscimus eo sensu, quasi sint in medio inter Deum [206] et nos, ut Christus, qui revera medius est, utpote qui utramque naturam Dei et hominum habeat, cum sit et Filius Dei et filius hominis; sed invocamus Sanctos, ut sint nobis comprecatores et cooratores per unum Dominum nostrum Jesum Christum.

  A023001287 

 Quia tamen Christo esse illos nobis gratiores intelligimus, et aliquo modo viciniores, quippe qui jam sint in gloria, plerique Antiquorum mediatores eos appellarunt, non ratione illa qua Christus Mediator dicitur, qui vere est in medio, ut ita dicam, mathematico, sed ut is qui alicui vicinior est, haet permodica distantia, medius dicitur inter hunc et illum a quo longius abest.

  A023001288 

 Nisi quod non possum prætermittere insigne [207] dictum Lutheri, qui, ut Ecclesiae Catholicae contradiceret, quae docet semperque docuit excommunicationem cuicumque viro pio et christiano cavendam esse, tum quoque cum est injusta, tanquam quae, si non aeternae salutis praesens damnum inferat, praesentissimum tamen adfert secum amittendae illius periculum, scripsit ille, ex contrario, docendos esse Christianos, ut excommunicationem diligant potius quam ut metuant.

  A023001296 

 Aussi saint Augustin définit-il avec raison l'hérétique: celui qui, «ayant une intelligence erronée des Ecritures, affirme avec entêtement ses fausses opinions, opposées à leur vérité.» Et ailleurs: «Les hérésies ne sont nées que parce que les Ecritures, bonnes en soi, sont mal comprises, et que ce qui en est mal compris est affirmé avec témérité et audace.» Et de nouveau [188] en un autre endroit: «Ceux qui, dans l'Eglise, ont des manières de voir mauvaises et malsaines, et qui, si on les reprend pour les amener à des manières de voir bonnes et saines, résistent avec obstination, ne veulent pas corriger leurs dogmes pervers, mais persistent à les défendre, ceux-là deviennent hérétiques.».

  A023001296 

 La neuvième caractéristique des hérétiques est l'esprit de contention, de superbe, d'arrogance et d'obstination.

  A023001297 

 Celui-ci, dans sa Réponse au méchant écrit du Roi d'Angleterre, écrit: «Je dirai franchement, et sans arrogance aucune, que j'ai purifié et éclairé l'Ecriture de telle sorte, que d'ici mille ans elle ne sera jamais ni plus claire, ni connue d'un plus grand nombre.» Et un peu auparavant: «C'est pour moi chose indifférente, maintenant que le monde entier adhère à mon parti, si ce monde vient de nouveau à me mépriser; j'approuverai l'une et l'autre détermination, car, qui me soutenait au commencement, quand j'étais seul?» Et ailleurs il se vante étonnamment lui-même, et aussi son esprit d'entêtement: «L'arme,» dit-il, «avec laquelle les hérétiques obtiennent aujourd'hui la victoire, c'est la fureur incendiaire des imbéciles, des ânes et des porcs qui suivent la doctrine thomiste.

  A023001297 

 Que celui qui aura le premier dompté l'autre, soit le vainqueur; qu'il vous soit fait selon votre désir.» Et dans le même livre: «Nous n'appartenons pas au Pape, mais le Pape nous appartient; à nous de ne pas être jugés par lui, mais de le juger lui-même: car l'homme spirituel n'est jugé par personne, et juge tout le monde.» [190].

  A023001299 

 Mais je me vois pris; nulle voie pour m'échapper.» Et peu après: «Si encore aujourd'hui quelqu'un pouvait me prouver, par un témoignage solide des Ecritures, que dans le Sacrement de l'Eucharistie il n'y a que du pain et du vin, il ne serait pas nécessaire de m'entreprendre à ce sujet sur un ton si mordant; car je suis, hélas! porté plus qu'il ne faut de ce côté, autant que je puis connaître la nature de l'Adam qui est en moi.» Peut-on imaginer, je le demande, un esprit plus contentieux que celui de cet homme, qui ne cherche pas, selon ses propres expressions ce qui est vrai ou faux, mais ce qui peut ennuyer le Pape ou l'Eglise, et étudie, non par amour et désir de la vérité, mais par haine de la Papauté?.

  A023001300 

 On peut tirer un autre exemple encore plus typique d'un autre endroit où il dit à propos de la Messe: «Que répondre contre le Canon et l'autorité des Pères? Je réponds d'abord: s'il n'y a rien à dire, il est phis sûr de tout nier que de concéder la Messe.» [192] Qu'est-ce cela, je le demande, sinon vouloir défendre son opinion à tout prix et en employant toute espèce de moyens, selon le mot du poète: Fais cela «si tu le peux,» comme il faut; «si tu ne le peux, fais-le de n'importe quelle manière.».

  A023001301 

 Bien qu'il ne parle pas expressément de Calvin, qui du vivant de Luther n'était encore ni tellement décrié, ni tellement fameux, cependant ce qu'il dit des autres chefs des sacramentaires ne s'applique-t-il pas parfaitement à Calvin, d'autant plus orgueilleux et arrogant que les autres qu'il est venu après eux? Si, en effet, Carlostadt et Zwingle ont été arrogants en contredisant leur père Luther, plus arrogant certes a été Calvin en contredisant Luther, Zwingle et tous les chrétiens de tous les âges.

  A023001307 

 Si vous [194] leur objectez les paroles de l'Epître de saint Jacques, que répondront-ils? Luther s'écriera que, «si l'on a déliré quelque part,» c'est ici qu'on l'a fait, et qu'il vaut mieux rejeter l'Epître de l'Apôtre qu'admettre le principe de la justification dans la charité.

  A023001308 

 Or, c'est précisément au sujet de l'Ecriture que nous discutons, et elle nous donne très manifestement raison, puisque l'Apôtre a écrit justification et non pas manifestation de la justification.

  A023001309 

 Bonté de Dieu! c'est précisément de ce a qu'il s'agit, à savoir, qui interprète mieux les Ecritures..

  A023001309 

 On demande qui de nous interprète plus justement, car il n'est pas admissible que quelqu'un soit témoin et juge dans sa propre cause; lui, pour ne pas sembler vaincu, pour en imposer aux vieilles femmes et au vulgaire, il en appelle à l'Ecriture.

  A023001309 

 Qui vous a donc établi leur juge? c'est justement de cela que nous nous enquérons.

  A023001309 

 Si vous lui demandez s'il consent à écouter les Pères anciens et les Conciles: «Je les écouterai,» dit-il, «si leur jugement est exactement conforme à l'Ecriture.» Mais après qu'ils auront porté leur jugement, demandé-je, vous en tiendrez-vous à leur sentence? Je m'y tiendrai, répond-il, si cependant je l'examine d'abord.

  A023001311 

 Mais, mon Luther, te soumettras-tu, au moins, si le Concile t'est défavorable? Je distingue, répond-il: si la sentence est selon les Ecritures, je me soumettrai; autrement, je refuserai tout.

  A023001312 

 Ce que nous venons de dire de Luther, doit également se dire de tous les autres hérétiques; car leur nom d'hérétiques leur vient justement de ce qu'ils choisissent pour leur usage une interprétation de l'Ecriture telle que, si elle concorde avec celle des Conciles et de l'Eglise, ils la défendent en se basant, non sur l'autorité de l'Eglise ou des Conciles, mais sur leur propre opinion; si, au contraire, elle est différente, ils la soutiennent contre l'autorité de l'Eglise et des Conciles.

  A023001318 

 Or, nous citons un passage plus remarquable, où Augustin lui-même invoque le bienheureux Cyprien en présentant ainsi son désir: «Puisse-t-il nous aider par ses prières, afin que, par la grâce du Seigneur, nous imitions ses vertus autant que nous le pouvons.» C'est là peu de chose, [199] disent-ils, car Augustin ne s'arrête pas longtemps à ces prières.

  A023001319 

 Reçois ce que nous offrons, obtiens-nous ce que nous demandons, éloigne ce que nous craignons, car tu es l'unique espoir des pécheurs; par toi nous attendons le pardon de nos fautes, et en toi, toute Bienheureuse, est l'espérance de notre récompense.

  A023001320 

 Ainsi donc, de ce que la manne n'a pas la saveur d'un pain céleste pour les rebelles et les méchants, faudra-t-il dire que la manne cessera d'être un pain descendu du ciel? Parce que le soleil ne luit pas au profit du hibou, ne luira-t-il pas à notre profit? A ce compte-là, c'en est fait de toute l'Ecriture, comme notre Augustin l'a savamment montré autrefois contre Faustus lequel, avec l'insolence habituelle des hérétiques, prétendait non authentiques, mais falsifiés, les passages de la Sainte Ecriture qui lui étaient opposés..

  A023001320 

 Mais que répondez-vous? Ce sermon, disent-ils, n'est pas d'Augustin.

  A023001320 

 Quel a pu être, en effet, le motif de Luther [201] en condamnant l'Epître de saint Jacques? «C'est,» dit-il, «qu'elle ne respire pas l'esprit apostolique.» Pourquoi Calvin condamne-t-il les Livres des Machabées? Parce que, dit-il, ils ne respirent pas l'esprit divin.

  A023001320 

 Qui en juge ainsi, vous ou moi? Que restera-t-il qui ne puisse être sûrement nié, si cette façon de rejeter l'autorité des Pères est une fois admise? Car si les passages les plus clairs doivent être examinés suivant le goût de ceux qui discutent, ils ne seront jamais du goût des contradicteurs.

  A023001320 

 Si vous demandez pourquoi: parce que, répondent-ils, il n'est pas dans la manière d'Augustin.

  A023001321 

 Un catholique ayant cité le texte ci-dessus, et ayant interrogé le ministre en ces termes: «Que répondez-vous à cela, monsieur le grand docteur?» celui-ci, tout d'abord hésitant et paraissant surpris, reprit ensuite courage et, comme s'il allait dire quelque chose [202] de remarquable et d'élégant, avec un air de suprême réformateur de l'Eglise, prononça ces paroles: «C'est là une tache sur un beau corps.» Que pouvait faire le pauvre catholique avec ce charlatan, sinon demander à Dieu de ne pas lui imputer ce péché, parce qu'il ne savait ni ce qu'il disait ni ce qu'il faisait? [Va donc te faire pendre avec tes taches et tes sornettes!] Ne pouvais-tu dire avec plus de vérité que la tache se trouve dans l'opinion de ton Calvin rejetant témérairement l'intercession de la Bienheureuse Vierge et des Saints? Rien n'empêche, en effet, que des taches ne se trouvent [203] sur un corps difforme, pour le rendre d'autant plus laid, qu'elles eussent rendu plus séduisant un corps déjà beau..

  A023001322 

 C'est là un trait commun à tous les hérétiques présents et passés, ainsi que l'a autrefois observé notre Vincent de Lérins: «Lorsque,» dit-il, «ils complotent d'échafauder une hérésie sous un faux nom, le plus souvent ils s'emparent de paroles écrites un peu trop obscurément par quelque ancien, pour que, par leur obscurité même, elles s'accordent en quelque façon à leur enseignement, et afin que le je ne sais quoi qu'ils émettent, ils ne paraissent ni les premiers ni les seuls à l'émettre.» Notre distingué ministre, dont nous venons de parler, appliquant cette façon de faire à tous les passages si clairs d'Augustin que nous avons cités, opposait ce seul endroit où, à propos du Christ, il s'exprime ainsi: «Il est le Prêtre qui, maintenant entré dans l'intérieur du voile, est seul, de tous ceux qui ont porté la chair, à intercéder pour nous.» Ainsi ce docteur subtil voulait montrer une contradiction entre Augustin et [204] Augustin, sans voir que dans le dernier texte il s'agit de l'intercession qui s'opère par la rédemption, ce que le contexte indique très clairement.

  A023001322 

 Cela s'est bien vu lors de la dispute publique qui eut lieu entre l'Illustrissime Cardinal et.

  A023001330 

 Aussi ne reconnaissons-nous pas les Saints comme médiateurs, c'est-à-dire comme se tenant entre Dieu et nous, à la manière du [207] Christ, qui est en effet entre Dieu et nous, parce qu'il participe à la fois à la nature divine et à la nature humaine, étant Fils de Dieu et fils de l'homme; mais nous invoquons les Saints, pour que ceux-ci coopèrent aux prières que nous adressons par l'intermédiaire du seul Jésus-Christ notre Seigneur.

  A023001330 

 Comme cependant nous comprenons qu'ils sont, eux, plus agréables au Christ et, en quelque manière, plus rapprochés de lui, étant déjà dans la gloire, la plupart des Anciens les ont appelés médiateurs: non point pour la raison qui fait donner au Christ le nom de Médiateur, parce qu'il occupe vraiment ce que je nommerai le milieu mathématique, mais parce qu'on dit de quelqu'un qui est rapproché d'un autre, même d'une distance minime, qu'il tient le milieu entre cet autre et celui dont il est éloigné davantage.

  A023001330 

 Nous répondons en termes on ne peut plus clairs et précis que nous ne donnons de coadjuteurs, ni à Dieu que nous prions, car nous savons fort bien qu'il n'a pas besoin de coadjuteurs pour faire miséricorde, ni au Christ par qui nous prions, attendu que nous savons que son intercession auprès du Père est toute-puissante; mais c'est à nous qui prions, que nous donnons des coadjuteurs, en ce sens que nos prières sont aidées par celles de nos frères, les pieux et les saints surtout, pour que Dieu les exauce par le seul Christ.

  A023001336 

 Decimus character haereseos est maledicentia, procacitas, spiritus irrisionis et calumniae.

  A023001337 

 Nam, quod ad Lutherum pertinet, tam petulanter ille et contumeliose causam suam aggressus est, ut Beza non vereatur illi hac in re succensere.

  A023001337 

 Sed, Deus bone, quam impudenter agit cum Summo Pontifice, cum Rege Angliae, cum universo ordine episcoporum, cum academiis Parisiensi et Lovaniensi! Minima fere quam in eos vibrat contumelia haec est, ut «porcos, asinos, Sathanae satellites stolidissimos,» et caetera id genus appellet; idque tam crebro et importune, ut, si ex Operibus ejus contumeliosa quaeque detrahas, facile octo scriptorum ejus tomos in unum sis redacturus..

  A023001337 

 Ut vero Lutheranos et Calvinianos nostros hoc spiritu [208] agi probemus, magna non est opus inquisitione.

  A023001338 

 Primum enim arcanae illius theologiae, quae inter eos regnat, caput est, nulium esse Deum; alterum, quaecumque de Christo scripta sunt ac docentur, mendacia esse et fabulas.

  A023001345 

 La dixième caractéristique de l'hérésie, c'est la médisance, l'insolence, l'esprit de moquerie et de calomnie.

  A023001346 

 Bonté divine! de quelle impudence n'use-t-il pas envers le Souverain Pontife, envers le Roi d'Angleterre, envers le corps épiscopal, envers les académies de Paris et de Louvain! La moindre des injures qu'il lance contre eux, c'est de les traiter de «porcs, d'ânes, de très sots satellites de Satan,» et autres choses de ce goût.

  A023001346 

 Pour prouver que nos luthériens et calvinistes sont pleins du [208] même esprit, il n'est nul besoin de grande inquisition.

  A023001347 

 Mais pourquoi énumérer trois ou quatre Pontifes, comme si ce qu'ont professé il y a déjà longtemps et professent encore de nos jours, en matière de religion, les Pontifes avec tout le Collège des Cardinaux, était chose douteuse? Car le premier point de la théologie cachée qui a cours parmi eux, c'est qu'il n'y a pas de Dieu; le second, c'est que tout ce qui a été écrit et qui est enseigné du Christ n'est que mensonge et fable.

  A023001347 

 Quoique ceci soit très notoire pour tous ceux qui connaissent Rome, les théologiens de Rome ne cessent [210] pas,» etc. Qui, je vous prie, n'aura honte d'un menteur et d'un imposteur de cette virulence? Et cependant, ce qui rend cette impudence intolérable, c'est que, au même endroit, Calvin affirme qu'il ne parle pas des personnes, mais de la Chaire de Rome; de sorte qu'on peut lui objecter la parole d'Augustin rapportée ci-dessus: «Que» t'a «donc fait la Chaire de Pierre?».

  A023001348 

 Ecoutez Calvin: «Nous concluons que les papistes ne laissent rien au Christ, eux qui ne comptent pour rien son intercession, si elle n'est pas accompagnée de celle de Georges, d'Hippolyte ou de semblables fantômes.» Ailleurs il ment avec la plus grande effronterie, en accusant les catholiques de ne faire «aucune mention du Christ dans toutes leurs Litanies, Hymnes et Proses où ils ne refusent aucun honneur aux Saints défunts.» Quant à Luther, il fait si bien, dans un certain passage, le procès du bienheureux Thomas d'Aquin, qu'il n'a pais honte de dire de lui qu'il est probablement damné! En somme, ces hérétiques n'ont rien respecté, ni au Ciel ni sur terre; et vraiment il était juste qu'ils [211] n'épargnassent pas le Docteur Angélique, eux qui n'ont épargné ni les Anges ni Dieu lui-même..

  A023001348 

 Et ces hérétiques ne se contentent pas de charger de tant d'injures l'Eglise militante de Dieu; c'est encore peu pour eux, s'ils ne lancent les flèches de leurs injures même contre les citoyens de l'Eglise triomphante.

  A023001355 

 Porro cum haeresibus omnibus commune illud sit, ut sordidum et abominandum habeant principium (inde namque est praeclarum illud dictum D. Hieronymi: Haereses ad originem revocasse refutasse est), videamus jam, quod erit pro corollario, quam praeclara origine nostri temporis haereses glorientur..

  A023001356 

 Et Luthero quidem id pro gloria est, quod primus et solus fuerit, qui turbas excitavit; nam congratulatur sibi ipsi, quod «Germani, suspensis animis, expectabant» quem eventum habitura esset contentio quam ipse excitaverat et «quam,» inquit, «nullus antea, neque episcopus, neque theologus ausus esset attingere.» Tantique fecit hanc haereticam laudem, ut injuriae loco duxerit, si quando suas opiniones ab aliis didicisse diceretur; cumque plerique Hussitam eum esse existimarent, reclamat ipse et exclamat: «Non recte vocant, qui me Hussitam appellant, non enim mecum ille sentit; sed si ille fuit haereticus, ego plus decies haereticus sum, cum ille longe minora et pauciora dixerit.» At videamus quibus viis et quo genio Lutherus in hanc doctrinae novitatem venerit.

  A023001356 

 Illud sane constat, non divino impulsu (tametsi dicat ille alibi se a Deo vocatum, ut jactare solent haeretici omnes), sed humano prorsus carnalique affectu rem totam aggressus est: «Casu enim,» [213] inquit ille ipse, «non voluntate nec studio in has turbas incidi, Deum ipsum testor.» Quid vero tam contrarium, quam ut divino impulsu factum esse existimetur quod factum sit casu? Aut quid apertius quam, ex supradictis verbis, non in pacificam Evangelii praedicationem, sed in turbas apostatam illum incidisse? Neque vero solus ipse hoc testatur, sed et Philippus Melanchton, egregius Lutheranus: «Haec initia fuerunt,» inquit, «hujus controversiae, in qua Lutherus, nihil adhuc suspicans aut somnians de futura mutatione rituum, ne quidem ipsas Indulgentias prorsus abjiciebat, sed tantum moderationem flagitabat.

  A023001357 

 Tum vero primi motus et inspirationes quibus Lutherus tactus fuit ut doctrinam catholicam desereret, fuerunt merae et crassissimae blasphemiae; sic enim ipse de se scribit: «Oderam,» inquit, «vocabulum istud: Justitia Dei, quod, usu et consuetudine omnium doctorum, doctus eram philosophice intelligere de justitia formali et activa Dei, [214] qua Deus est justus et peccatores injustosque punit.» Et paulo post: «Non amabam,» inquit, «imo odiebam justum et punientem peccatores Deum, tacitaque, si non blasphemia certe ingenti murmuratione indignabar Deo.» Et alibi, explicans locum illum Pauli: Justitia Dei revelatur in Evangelio, ait omnes Doctores, excepto Augustino, interpretatos esse de justitia Dei puniente; tum subjungit: «Quoties legebam hunc locum, semper optabam ut Deus nunquam revelasset Evangetfum; quis enim possit diligere Deum irascentem, judicantem, damnantem?» Et rursum, alio loco: «Olim, cum legendum esset,» inquit, «et orandum illud Psalmi: In justitia tua libera me, totus exhorrescebam et ex toto corde vocem illam oderam.» Et paulo post: «Atque hic sane,» inquit, «omnes Patres, Augustinus, Ambrosius, etc., hallucinati sunt, et in hoc veluti scandalum impegerunt.» Ex hoc autem odio Dei irascentis et justi in meditationem venit, per quam ait se fidem suam justificantem invenisse: «Tunc,» inquit, «me prorsus esse renatum sensi et, apertis portis, in ipsum Paradisum intrasse.

  A023001359 

 Secundtun est, quod Lutherus non resipuit, postquam haeresim excitavit, sed in hoc execrando odio perstitit: «Quis enim,» inquit, «possit diligere Deum irascentem, judicantem, damnantem?» Quibus verbis non solum se odio Deum habuisse profitetur, sed etiam neque potuisse amare neque posse.

  A023001360 

 Tertium est, quod ignorantiam suam crassissimam prodit Lutherus, cum dicit omnes Doctores, excepto Augustino, locum Pauli ad Romanos de justitia Dei puniente interpretatos fuisse; nam, ut omittam Chrysostomum et Theodoretum, divus sane Thomas et Lyranus, qui [216] omnibus obvius est, de justitia qua Deus nos justificat, palam interpretantur; tametsi contraria quoque expositio non sit omnino improbabilis..

  A023001361 

 Quartum est, quod impudentiam suam Lutherus ostendit, cum Psalmi locum supra citatum dicit a nemine Catholicorum et Patrum fuisse intellectum de justitia qua Deus nos justificat; nam et Augustinus ipse et Lyranus et Glossa ordinaria sic plane interpretantur: In justitia tua libera me, id est, quia mea justitia, quae nulla est, liberari non possum, tua, Deus bone, liberari exopto; quamquam, quod ad locum illum attinet, docte Glossa ordinaria animadvertit interpretationem illam esse potius moralem, cum, secundum litteram, de justitia Dei judicantis Psalmista loquatur, quasi dicat: Cum justus sis, Domine, eripe me et libera me de manibus persequentium me, qui injuste me opprimunt et persequuntur.

  A023001362 

 Nam et ipsi Romano [217] Pontifici diu blanditus est et, cum adversus Regem Angliae injuriose scripsisset, misit ad eum postea epistolam, in qua blanditiis et lenociniis conatur animum Regis demulcere, scribens in himc modum: «Conscius mihi sum gravissime offensam esset Tuam Majestatem libello meo, quem stultus et praeceps edidi.» Et paulo post: «Vehementer,» inquit, «nunc pudefactus, metuo oculos coram Majestate Tua levare, qui passus sum levitate ista me moveri in talem tantumque Regem, praesertim cum sim fex et vermis, quem solo contemptu oportuit victum aut neglectum esse.» Deinde veniam petit, ad Regis pedes prostratus, et promittit se palinodiam cantaturum, si Rex velit.

  A023001369 

 At tanti odii quaenam, obsecro, causa esse potuit? Anne alicujus Angeli aut Dei de caelo persuasione adactus est Lutherus, ut tanto Missam odio execraretur? Imo vero, tantarum Lutheri in Missam irarum praeclarus scilicet ac dignus in cujus verba juraret, magister atque artifex fuit diabolus.

  A023001369 

 Prodeat [220] igitur Lutherus ipse, nec erubescat dicere quo doctore usus sit ab initio, ut Missam convellere niteretur; nam et Jure nostro ita cautum est, ut uniuscujusque rei originem et initium inspici oporteat..

  A023001370 

 In summa (et haec est conclusio Lutheri), nos ab ipsonun privatis Missis et unctione Episcoporum liberati sumus.».

  A023001371 

 Euge, euge, o viri quibus est cor, audierunt aures nostrae viderunt oculi nostri! Hem ista est libertas illa praeclara et evangelica, quam Lutherus et, ejus exemplo, caeteri haeretici nostri temporis invexerunt! «Liberati sumus,» inquit Lutherus, at non libertate quam Christus nobis suo sanguine pretiosissimo acquisivit, sed libertate quam Luthero ab inferis Sathan attulit.

  A023001379 

 Toutes les hérésies ayant cela de commun que leur origine est basse et abominable (d'où cette parole remarquable de saint Jérôme: Pour réfuter les hérésies, il suffit de les ramener à leur origine), voyons maintenant, en manière de corollaire, de quelle belle origine se glorifient les hérésies de notre temps..

  A023001380 

 Pour Luther, il est vrai, c'est une gloire dont il se pare d'avoir le premier et seul excité des troubles; car il se félicite de ce que «les allemands, l'esprit en suspens, attendaient» quelle serait l'issue de la lutte provoquée par lui, et «que personne auparavant,» dit-il, «ni évêque, ni théologien n'avait osé entreprendre.» Pour lui, cette gloire hérétique était d'un si grand prix, qu'il se considérait comme offensé si l'on disait qu'il avait emprunté à d'autres ses opinions; et parce que la plupart le considéraient comme un hussite, il réclamait par cette exclamation: «C'est faux de m'appeler hussite! Hus n'est pas de mon avis; mais s'il a été hérétique, je le suis dix fois plus que lui, car il a dit bien moins de choses que moi, et de moindre importance.».

  A023001381 

 Il est évident que ce n'est pas sous l'impulsion divine qu'il a commencé toute l'affaire (bien qu'il se vante ailleurs, comme le font tous les hérétiques, d'avoir été appelé par Dieu), mais que ç'a été par un entraînement [213] humain et tout à fait charnel: «C'est,» dit-il lui-même, «par hasard, non volontairement et à dessein, que je me suis jeté dans ces agitations; j'en atteste Dieu lui-même.» Qu'y a-t-il de plus opposé à une impulsion divine que ce qui arrive par hasard? Quoi de plus clair, d'après les paroles ci-dessus, que notre apostat s'est jeté, non dans la prédication pacifique de l'Evangile, mais dans les agitations? Et il n'est pas le seul à affirmer cela; Philippe Mélanchton, fameux luthérien, s'exprime ainsi: «Tels ont été les commencements de cette controverse dans laquelle Luther, ne soupçonnant ou ne rêvant rien au sujet du changement futur des rites, ne répudiait pas même absolument les Indulgences, mais y réclamait seulement de la modération.

  A023001381 

 Voyons maintenant par quelles voies et sous quelle influence Luther est arrivé à ces nouvelles doctrines.

  A023001382 

 Puis il ajoute: «Chaque fois que je lisais ce texte, je souhaitais que Dieu n'eût jamais révélé l'Evangile; car, qui peut aimer un Dieu qui s'irrite, qui juge, qui condamne?» De nouveau ailleurs: «Autrefois, lorsqu'il me fallait lire, en priant, ce texte du Psaume: Délivre-moi dans ta justice, j'étais tout pénétré d'horreur, et de tout mon cœur je haïssais cette parole.» Et peu après: «Ici, vraiment, tous les Pères, Augustin, Ambroise, etc., se sont trompés, et se sont heurtés à ce passage comme à une pierre de scandale.» C'est de cette haine d'un Dieu irrité et juste, qu'il passa à la méditation où il dit avoir trouvé sa foi justifiante: «Alors je me sentis renaître et entrer, toutes portes ouvertes, en plein Paradis.

  A023001382 

 Voici, en effet, ce qu'il écrit de lui-même: «Je haïssais ce mot: Justice de Dieu, que, par suite de l'usage de tous les docteurs, j'avais appris à comprendre philosophiquement de la justice formelle et active de Dieu, par laquelle Dieu est juste et punit les [214] pécheurs et les coupables.» Et peu après: «Je n'aimais pas, bien plus, je haïssais un Dieu juste et punissant les pécheurs, et je m'indignais contre lui en silence; ce qui, si ce n'était un blasphème, était certes un grand murmure.» Et ailleurs, expliquant ce texte de saint Paul: La justice de Dieu est révélée dans l'Evangile, il dit que tous les Docteurs, à l'exception d'Augustin, l'ont interprété dans le sens de justice punissante de Dieu.

  A023001384 

 Telle n'est pas, certes, la disposition d'esprit de celui qui chante avec joie: Le Seigneur est juste et aime la justice; son visage considère l'équité.

  A023001385 

 En effet, même en laissant de côté Chrysostôme et Théodoret, certainement Thomas et Nicolas de Lyre (ce [216] dernier est entre les mains de tous) interprètent ouvertement notre texte dans le sens de la justice par laquelle Dieu nous justifie, bien que l'opinion contraire ne soit pas entièrement improbable..

  A023001386 

 Augustin lui-même, Nicolas de Lyre et la Glose ordinaire expliquent clairement ainsi: Délivrez-moi dans votre justice, c'est-à-dire: Ma justice étant nulle, je ne puis être délivré par elle; aussi désiré-je être délivré par la vôtre, ô Dieu bon.

  A023001386 

 Cependant, à propos du texte dont il s'agit, la Glose ordinaire remarque doctement que l'interprétation ci-dessus est plutôt morale, attendu que, littéralement, le Psalmiste parle de la justice de Dieu en tant que juge; comme s'il disait: Puisque vous êtes juste.

  A023001394 

 Mais quelle a bien pu être, je le demande, la cause d'une si grande haine? Est-ce à une persuasion céleste d'un Ange ou de Dieu qu'il faut attribuer une pareille horreur de Luther pour la Messe? Bien plus, certes: le maître qui a enseigné et occasionné ces colères de Luther contre la Messe, le beau maître bien digne que Luther jurât sur sa parole, ce fut le diable.

  A023001394 

 Nous avons rapporté plus haut le passage fameux de Luther où celui-ci assure que la Messe lui déplaît tellement, qu'il est prêt à tout nier plutôt que de l'accepter.

  A023001395 

 En somme (telle est la conclusion de Luther), nous fûmes délivrés de leurs Messes privées et de l'onction des évêques.».

  A023001395 

 S'adressant alors aux catholiques: «Si vous deviez soutenir les chocs du démon, et écouter ses argumentations, vous ne chanteriez pas longtemps votre refrain sur l'Eglise et les anciennes coutumes; car Satan, en un clin d'oeil, remplit [221] de terreurs et de ténèbres l'esprit tout entier.» Ensuite, pour répondre au nom du diable à l'objection qu'il avait faite, il s'efforce de montrer par beaucoup de raisons que parfois le diable lui-même enseigne la vérité, et ment de telle sorte que son mensonge est mélangé de vérité.

  A023001407 

 Cujus periculi metuendi non eadem ratio est, cum de monarchia etiam apud democraticos aut aristocraticos magistratus honorifice loquimur; quia nullius inde tumultus nascitur occasio, cupiditate dominandi aut gubernandi multorum ex iis qui dominantur animos impediente ne monarchiam exoptent.

  A023001407 

 Prima propositio est Calvini, disertis verbis expressa: Omnium optimam Reipublicae administrandae rationem esse aristocraticam, quin etiam democraticam; et, quod consequens est, pessimam omnium monarchicam.

  A023001408 

 Max. regimen proxime accedit, ut optima omnium est, ita et desiderabilior et amabilior caeteris, ita ut ejus desiderium naturae ipsi a Deo ingenitum esse videatur..

  A023001414 

 Secunda est propositio Lutheri jam a nobis in praecedentibus relata: «Circumstantiarum omnium quae peccata [226] aggravare communi omnium hominum sensu et opinione creduntur, nullam penitus esse distinctionem;» nec magis peccare illum qui incestum cum filia vel sorore, quam qui cum vidua extranea vel cum meretrice commiserit; nec eum qui patrem aut matrem aut principem, quam qui inimicum occiderit.

  A023001414 

 [Quod quam perniciosum sit Reipublicæ si quis est qui non videat, dignus sane est, qui cum filia vel matre incestum contraxisse, aut vitam principis attentasse accusetur, et probetur ut experiatur an idem persuasurus sit principibus aut magistratibus, quod sibi passus fuerit tam stulte persuaderi a Luthero.].

  A023001420 

 De militibus vero aureus Sermo est divi [228] Bernardi, ad milites Templi in hanc omnino rem pronunciatus: «Securi,» inquit, «procedite, milites, et intrepido animo inimicos Crucis Christi propellite, certi quod neque mors, neque vita poterit vos separare a charitate Dei.

  A023001420 

 Ergone pugnandum non erit medicinis cum peste, nec providentia rei frumentariae et annonae cum fame, ideo tantum quod per hujusmodi afflictiones Deus non tantum visitet nos et castiget, sed etiam probet, approbet, perficiat? Cur ergo gladium gestat Princeps, cur arma milites, nisi ut hostes, si qui ingruent, reprimantur, et Reipublicae invasores propellantur? Inde nimirum est, quod milites laudantur etiam in Evangelio, quia et justi esse possunt, qualis ille Cornelius, nobilis centurio, de quo in Actis Apostolorum; inde, quod etiam a Joanne Baptista approbantur, non si militiam deserant, sed si neminem concutiant neque calumniam faciant et contenti sint suis stipendiis.

  A023001420 

 Rex, inquit Paulus, non sine causa gladium portat; Dei enim minister est, vindex in iram.

  A023001420 

 Tertia ejusdem Lutheri propositio est: «Adversus Turcas praeliari, esse repugnare Deo visitanti nostras iniquitates per ilios.» Qua propositione quid, obsecro, dici potest stultius, iniquius et ad totam Rempublicam Christianam perdendam accommodatius? Ergone grassatores viarum, [227] depopulatores agrorum, incendiarios, hostes denique domi forisque infestantes nulius Principum reprimere debebit? Certum enim est perditos homines qui vexant bonos, ita facere, Deo permittente, ut eorum vexatione boni visitentur a Deo et corrigantur.

  A023001426 

 Quarta propositio Calvini est negantis leges Principis obligare in conscientia.

  A023001426 

 Quidni vero? Quia, inquit, non [229] «cum hominibus, sed cum Deo negotium est conscientiis nostris.».

  A023001428 

 Vixit Paulus eo tempore quo Principes et Imperatores non solum non sequebantur, sed etiam persequebantur Christum et convenerant in unum adversus Dominum et adversus Christum ejus; et tamen exclamat ille: Omnis anima potestatibus sublimioribus subdita sit, non enim est potestas nisi a Deo.

  A023001434 

 Quinta propositio nescio an suavior sit, an periculosior; quae ejusdem Calvini est: Non debere subditos Principum suorum potentiam optare.

  A023001435 

 [O Reges, o Principes, permittite ut pro vestra proque populorum vestrorum securitate liceat mihi exclamare: [231] Quid agitis? Quid expectatis, qui tam perniciosae pestilentisque doctrinae auctores et sectatores in ditionibus vestris fovetis, amatis et quasi magnos Dei prophetas recipitis? Vos enim solos appelio et miror, non ilios qui, ne bellis et factionibus turbent omnia, toierant propemodmn inviti etiam quos oderunt.] Quando autem foelicius beatiusque regnis et populis res cedunt, quam cum Principes eorum, dummodo juste et ex sequo, amplissimis provinciis dominantur? Quando beatius actum est cum Gallis, quam regnante Carolo Magno, Rege ac Imperatore potentissimo? Quando foelicius cum Israelitis, quam regnante magno Salomone?.

  A023001441 

 Nec est quod ex Aristotele aut aliis prophanis auctoribus propositionem hanc pluribus exagitemus; [vellem potius iis rationibus quae jurisconsultum decent et quas Jurisprudentia nostra facile suppeditaret, totam rem hanc pro dignitate tractare, si tanto abundaremus otio quantum materiae [233] amplitudo et abundantia requireret.] Satis sit, quod nulla unquam, apud Christianos, sine legibus administrata est respublica..

  A023001441 

 Sexta propositio est Lutheri (promiscue enim de Luthero et Calvino loquimur, quia parum inter eos distare arbitramur): «Nuliam rempublicam legibus foeliciter administrari.» Cum enim id ex ejus assertionibus doctores nostri [232] collegissent eique tanquam errorem absurdissimum objicerent, ille non modo non negavit, sed diserte affirmavit suaeque affirmationis rationem his verbis reddidit: «Hoc,» inquit, «docet experientia.» Quaenam vero experientia, Luthere? An forte rempublicam aliquam vidisti, audivisti, legisti, sive monarchicam, sive aristocraticam, sive democraticam, quae legibus non regatur et dirigatur? An tu fortasse melior politicus es et prudentior Deo Opt.

  A023001447 

 Septima, quam postremam esse volumus, ejusdem Lutheri propositio est, cum tractat de discrimine legis et Evangelii: «Nihil,» inquit, «conscientiae cum lege, operibus et terrena justitia.

  A023001448 

 An vero unquam foelicius administrata est Respublica christiana, quam sub Constantino, Theodosio seniore, Honorio, Theodosio juniore, Justiniano, Carolo Magno, Ludovico, Amedeis nostris, Imperatoribus, Regibus et Principibus omnium pientissimis? Quare et merito et vere, ut tantum Dei Prophetam oportuit, Isaias, de Christo et de Ecclesia loquens: Gens, inquit, et regnum quod non servierit tibi, peribit.

  A023001453 

 Ergo pessime Lutherus consuluit Principibus, sed tamen bene et accommodate ad eam quam de illis gerebat, opinionem; nec enim illum pudet Reges omnes et Principes vocare «robustos venatores,» ut de Nembroth loquitur Scriptura: Nimium, inquit, honoris est et gloriae dicere «Papatum esse robustam venationem Romani Episcopi»; «nam id exempli Nembroth omnibus quoque principatibus prophanis convenit, quibus tamen nos Deus vult subdi, honorare, benedicere et pro eis orare.» Qualis autem fuerit Nembroth et quaenam ejus robusta ista venatio, explicat D. Hieronymus: nimirum, quia primus in populo tyrannidem arripuit.

  A023001454 

 Hoc vero, si quisquam ullibi gentium Princeps est adeo Lutheranus, qui tecum, Luthere, ita esse fateri velit, bene consulis, et dignum agis tam indigno Principe consiliarium, cum Nembrothicos Principes non Christianismo, sed atheismo, vis operam suam navare.

  A023001454 

 Sed non habebis fatentes aut ferentes tot Reges, Duces et Principes christianos et catholicos, qui, sicut caetera tua dogmata impietatis damnant, ita et hoc tam stultum et contumeliosum maledictum tuae adscribunt temeritati et impudentiae, parumque curant quid tu de iis senseris, dummodo gratam Ei servitutem exhibeant «cui servire regnare est.».

  A023001455 

 Est hoc omnibus haeresibus cum meretricibus commune, ut sola novitate placeant, adolescant, consistant, sola item vetustate displiceant, deficiant, collabantur..

  A023001457 

 Itaque, si novam facitis, fatemini falsam; si nostram retinetis, nostra ergo ilia est, quam Paulus dixit esse columnam veritatis, cum qua [240] proinde non magis errare potestis, quam contra eam bene sentire..

  A023001457 

 Quod si vera nostra Ecclesia est, cur aliam quaeritis? cur novam facitis? Abusus quos in ea tam multos esse vobis falso persuasum erat, emendandi fuerant, si qui erant, at non a vobis, sed a Pastore et Rectore Ecclesiae; ipsa vero Ecclesia eadem semper retinenda, quae nova fieri non poterat quin hoc ipso fieret falsa.

  A023001457 

 Vos ergo, viri magni, quotquot et ubicumque estis, praesertim qui me amatis, supplex oro per viscera misericordiae Christi Domini, ut tanti momenti rem serio tandem et tranquillo, ut decet, animo, ac in humilitatis, non in superbiae, spiritu, quod hactenus factum est, examinetis.

  A023001458 

 Quod reliquum est, peto a vobis in charitate Dei et pro ea, qua vos prosequor, observantia, ut, si quid in haereses aut haeresiarchas acerbius a me dictum putabitis, non ut vos tanquam adversarios lacesserem, sed ut tanquam amicos a somno isto lethargico excitarem, dictum id scriptumque fuisse existimetis.

  A023001470 

 La première proposition est exprimée par ces claires paroles de Calvin: La meilleure façon d'administrer la République est la façon aristocratique ou même démocratique, et par conséquent, la façon monarchique est la pire de toutes.

  A023001470 

 Lorsque nous parlons de monarchie avec louange, et cela même en présence de magistrats représentant la démocratie ou l'aristocratie, le même danger n'est pas à craindre, parce qu'il n'en saurait résulter aucune occasion de trouble, le désir de dominer ou de gouverner empêchant le grand nombre de ceux qui sont au pouvoir de souhaiter la monarchie..

  A023001470 

 Notre homme, en effet, qui a voulu passer pour un grand politique, n'a pas ignoré que rien n'est plus dangereux que d'exciter le peuple et la partie dirigeante du peuple, par l'espérance d'un gouvernement meilleur, à ambitionner ou désirer le pouvoir; car, après l'avoir ambitionné ou désiré, ils peuvent chercher à le capter.

  A023001471 

 Bien plus, parmi les animaux qui vivent en troupeaux, l'un d'eux est toujours le chef des autres: ainsi pour les éléphants, les cerfs, les brebis, les grues, les abeilles et les huîtres perlières, etc. En effet, ce mode de gouvernement, qui se rapproche davantage de celui du Dieu très bon et très grand, de même qu'il est le meilleur de tous, est aussi le plus souhaitable et le plus aimable, en sorte que Dieu semble en avoir répandu le désir dans la nature elle-même en la créant..

  A023001471 

 Quant à la fausseté de l'assertion de Calvin: à savoir, que la domination de plusieurs est préférable à la domination d'un seul, elle ressort du témoignage de tous ceux qui ont écrit sur le gouvernement de l'Etat, et qui sont réputés particulièrement renseignés sur les matières tant ecclésiastiques que civiles.

  A023001477 

 La seconde proposition est celle de Luther, que nous avons déjà rapportée plus haut: «Il n'y a absolument aucune distinction à [226] faire entre les diverses circonstances que l'opinion commune de tous les hommes considère comme aggravant les péchés;» de sorte que l'inceste commis par un individu avec sa fille ou sa sœur n'est pas plus grave que s'il était commis avec une veuve étrangère ou avec une courtisane; de sorte aussi que l'homicide d'un ennemi est l'égal de celui d'un père, d'une mère ou du prince.

  A023001477 

 [Si quelqu'un ne voit combien cela est préjudiciable à la République, il est bien digne d'être accusé d'avoir commis un inceste avec sa fille ou sa mère, ou bien d'avoir attenté à la vie du prince, pour apprendre par son expérience s'il pourra persuader aux princes ou aux magistrats ce qu'il s'est si sottement laissé persuader par Luther.].

  A023001483 

 Avec quelle gloire ils retournent victorieux du combat! Et ceux qui meurent au combat, quels bienheureux martyrs! La vie est pleine de fruits, la victoire pleine de gloire, mais à l'une et à l'autre est préférée une mort sainte.» Et plus loin: «Les soldats du Christ combattent avec assurance les combats de leur Seigneur, sans craindre le péché en tuant les ennemis, ou le péril en étant eux-mêmes tués.

  A023001483 

 Faudra-t-il ne pas combattre la peste par les remèdes, la famine par les approvisionnements de diverses sortes, uniquement parce que, au moyen de ces afflictions, Dieu, non seulement nous visite et nous châtie, mais nous éprouve, nous traite comme siens et nous perfectionne? Pourquoi donc le prince porte-t-il le glaive et le soldat les armes, si ce n'est pour réprimer les attaques des ennemis et chasser les envahisseurs de la République? C'est pour cela, sans aucun doute, que les soldats sont loués, même dans l'Evangile, parce qu'ils peuvent être justes, comme Corneille, ce noble centurion dont il est question dans les Actes des Apôtres; c'est pour cela aussi qu'ils reçoivent l'approbation de Jean-Baptiste lui-même, non s'ils quittent la milice, mais s'ils ne frappent personne, s'ils ne font pas de calomnie et s'ils se contentent de leur solde.

  A023001483 

 La troisième proposition est encore de Luther: «Combattre contre les Turcs, c'est s'opposer à Dieu, qui visite nos iniquités par leur moyen.» Que peut-on dire, je le demande, de plus insensé, de plus inique et de mieux fait pour perdre toute la République chrétienne que cette proposition? Faudra-t-il donc qu'aucun prince [227] ne réprime les brigands des grands chemins, les ravageurs des champs, les incendiaires, enfin les ennemis qui portent la ruine au dehors ou au dedans? Il est en effet certain que les hommes pervers qui tourmentent les bons, le font pour que, avec la permission de Dieu, ceux-ci soient visités par Dieu et corrigés.

  A023001483 

 Le roi, dit saint Paul, ne porte pas le glaive sans cause, car il est le ministre de Dieu, le vengeur de sa colère.

  A023001483 

 Oui, le soldat du Christ tue en toute sûreté, et meurt avec plus de sûreté encore; il est utile à lui-même en étant tué, au Christ en tuant.

  A023001489 

 La quatrième proposition est celle de Calvin niant que les lois du Prince obligent en conscience.

  A023001492 

 Il est donc nécessaire d'être soumis, non seulement par crainte du châtiment, mais aussi par motif de conscience, car ce sont des ministres de Dieu.

  A023001498 

 Aujourd'hui la France et l'Espagne se glorifient d'obéir à de grands Princes; mais elles sentent à leurs dépens combien futile est ce qui les fascine sous le fallacieux prétexte de la gloire.

  A023001498 

 La cinquième proposition, dont je ne sais dire si elle est plus jolie ou plus dangereuse, est celle-ci de Calvin encore: Les sujets ne doivent pas souhaiter la puissance de leurs princes.

  A023001498 

 Puis, parlant en particulier des Français et des Espagnols (on aurait pu croire qu'il parlât plutôt des Turcs ou des Indiens), il ajoute: Nous voyons dès lors quelle est la sottise de ceux qui désirent un roi puissant et commandant à de nombreuses provinces, et combien justement ils sont punis de leur ambition.

  A023001499 

 [O Rois, ô Princes, permettez-moi de crier, pour votre sécurité et celle de vos peuples: Que faites-vous? Qu'attendez-vous, [231] vous qui dans vos Etats favorisez, chérissez et recevez comme de grands prophètes de Dieu les auteurs et les sectateurs d'une doctrine aussi pernicieuse et pestilentielle? C'est vous seuls, en effet, que j'interpelle, en m'étonnant de votre conduite; non ceux qui, pour empêcher les guerres et les factions de tout troubler, font comme malgré eux acte de seule tolérance, même à l'égard de gens qu'ils haïssent.] Quand donc les royaumes et les peuples vivent-ils plus heureux que lorsque les princes gouvernent de très vastes provinces, pourvu qu'ils le fassent avec justice et équité? Quand donc la France a-t-elle été plus florissante que sous Charlemagne, roi et empereur très puissant? Quand donc les Israelites ont-ils été plus heureux que sous le règne du grand Salomon?.

  A023001505 

 Aussi la Sagesse éternelle dit-elle ceci: C'est par moi que les rois règnent, et que les législateurs décrètent ce qui est juste.

  A023001505 

 Donc, ceux qui, comme rois, règnent par Dieu, ceux-là aussi par Dieu font des lois afin de décréter ce qui est juste.

  A023001505 

 Il est inutile de discuter cette proposition d'après ce qu'en disent Aristote et les auteurs profanes; [je voudrais plutôt, si nous avions le loisir de le faire avec toute l'ampleur et l'abondance requises par la matière, traiter celle-ci comme elle le mériterait, d'après les raisons qui conviennent à un jurisconsulte, et que nous [233] fournirait facilement notre Jurisprudence.] Qu'il suffise de dire que jamais chez les chrétiens un état n'a été administré sans lois..

  A023001505 

 La sixième proposition est de Luther (nous parlons indifféremment de Luther et de Calvin, parce que nous ne croyons pas que leur enseignement soit fort dissemblable): «Aucun état n'est heureusement administré par des lois.» Et lorsque nos docteurs [232] catholiques eurent tiré cette proposition des assertions de Luther et la lui eurent opposée comme une très absurde erreur, lui, non seulement ne la nia pas, mais l'affirma expressément et en donna la raison par ces paroles: «C'est là un fait d'expérience.» Quelle expérience, ô Luther? As-tu connu, peut-être, de tes yeux, par ouï dire, ou par tes lectures, un état monarchique, aristocratique ou démocratique, qui ne soit régi et dirigé par des lois? Es-tu par hasard meilleur politique et plus prudent que le Dieu très bon et très grand, ou mieux exercé dans l'art d'administrer heureusement un état? Or, à son peuple d'Israël, Dieu a proposé et ordonné des lois à observer, non seulement morales et cérémonielles, mais aussi politiques et judiciaires.

  A023001511 

 La septième proposition de Luther, par laquelle nous voulons terminer, est tirée du passage qui traite de la différence entre la loi et l'Evangile: «La conscience n'a rien à voir avec la loi, les œuvres et la justice terrestre.

  A023001511 

 Par ces paroles il est hors de doute, comme tous les [234] Anciens l'ont observé, que tous les rois sont invités au culte du Christ..

  A023001512 

 Est-ce que jamais la République chrétienne a été plus heureusement administrée que sous Constantin, Théodose l'ancien, Honorius, Théodose le jeune, Justinien, Charlemagne, Louis, nos Amédée [de Savoie.] tous empereurs, rois et princes très pieux? C'est pourquoi, comme il convenait à un si grand Prophète de Dieu, Isaïe a dit, en parlant du Christ et de l'Eglise: La nation et le royaume qui ne te servira pas, périra.

  A023001512 

 Et si le Christ po rte écrit sur sa cuisse: Roi des rois et Seigneur des seigneurs, ce n'est pas pour autre chose que pour apprendre aux rois qu'ils ne peuvent régner d'une manière plus heureuse et meilleure qu'en étant fidèles au Christ, à l'Evangile et à la piété, car le Christ est la Sagesse qui dit dans les Proverbes: C'est par moi que règnent les rois.

  A023001517 

 C'est donc un très mauvais service qu'a rendu Luther aux princes, répondant bien, cependant, à l'opinion qu'il avait d'eux.

  A023001517 

 Il n'a pas honte, en effet, de qualifier tous les rois et les princes de «puissants chasseurs,» comme parle l'Ecriture au sujet de Nemrod: C'est faire trop d'honneur et donner trop de gloire, dit-il, «à la Papauté, que de dire qu'elle est la grande chasse de l'Evêque Romain»; «et cet exemple de Nemrod convient aussi à toutes les puissances séculières, auxquelles cependant Dieu veut que nous soyons soumis, en les honorant, les bénissant et priant pour elles.» Or saint Jérôme explique ainsi quel a été Nemrod et ce qui lui a valu le nom de «puissant chasseur»: c'est parce que, le premier, il s'empara d'un pouvoir tyrannique sur le peuple.

  A023001518 

 Peu leur importe ton opinion à leur sujet, pourvu qu'ils offrent des hommages agréables à Celui «auquel servir, c'est régner.».

  A023001518 

 Si quelque part sur terre il y a un prince assez luthérien pour vouloir avouer devant toi, ô Luther, qu'il en est ainsi, tu es un digne conseiller pour un si indigne prince, puisque tu veux que les princes, imitateurs de Nemrod, s'appliquent à favoriser, non le Christianisme, mais l'athéïsme.

  A023001521 

 Combien n'avez-vous pas d'exemples de ceux qui avaient été des vôtres, et parmi les plus illustres, et qui, après être retournés à l'Eglise de Dieu, se sentaient seulement couverts de confusion d'avoir fait trop tard ce qu'ils auraient dû faire plus tôt! Vous ne niez pas que cette Eglise, dont vous vous dites les réformateurs, est à la fois la nôtre et l'Eglise Romaine; vous avouez donc que c'est la vraie.

  A023001521 

 Je vous prie instamment, par les entrailles de la miséricorde du Christ, hommes illustres, vous tous en quelque lieu que vous soyez, vous surtout qui m'aimez, d'examiner enfin une affaire de si grande importance avec sérieux et tranquillité, comme il convient, et dans un esprit d'humilité, non de superbe, comme cela s'est pratiqué jusqu'ici.

  A023001521 

 La pénitence [239] ne sera jamais trop tardive, si elle est vraie; mais, elle sera plus digne de louanges, croyez-moi, et plus sûre, si elle est moins tardive.

  A023001521 

 Si donc vous en créez une nouvelle, confessez qu'elle est fausse; si vous conservez la nôtre, c'est donc de la nôtre que Paul a dit qu'elle est la colonne de vérité, en union avec laquelle, par conséquent, vous ne pouvez pas plus errer que demeurer dans la vérité en vous en éloignant.

  A023001521 

 Si notre Eglise est la vraie, pourquoi en cherchez-vous une autre? pourquoi en créez-vous une nouvelle? Les abus, que vous étiez convaincus faussement d'y reconnaître si nombreux, ils devaient être corrigés dans la mesure où ils existaient, non par vous, mais par le Pasteur et le Recteur de l'Eglise.

  A023001522 

 Pour finir, je vous demande, dans la charité de Dieu et avec le respect que je professe pour vous, que si vous estimez que j'aie dit quelque chose de trop acerbe contre les hérésies ou les hérésiarques, vous croyiez que ce n'est pas pour vous offenser comme des adversaires que je l'ai dit et écrit, mais pour vous faire sortir, comme des amis, de votre sommeil léthargique.

  A023001533 

 Sanctorum invocatio est in Missa Æthiopica, apud Geneb., c. 7, Liturgiae Dionisianae.

  A023001548 

 L'invocation des Saints est dans la Messe des Ethiopiens, dans Génébrard, chap. VII, de la Liturgie Dionisienne.

  A023001562 

 Nomen separationis et divisionis vitandum; quia est totius in partes.

  A023001563 

 Vitandum est nomen singularitatis, ne tollatur communicabilitas; nomen unici, ne tollatur numerus personarumnomen confusi, ne tollatur ordo naturae..

  A023001574 

 Eviter les termes de séparation et division, parce que c'est un tout en parties distinctes.

  A023001581 

 «Le saint Concile enseigne et confesse ouvertement et [244] simplement, qu'au tres auguste Sacrement de la sainte Eucharistie, apres la consecration du pain et du vin, Nostre Seigneur Jesus Christ, vray Dieu et vray homme, est contenu vrayement, reellement et substantiellement souz l'espece de ces choses sensibles.».

  A023001582 

 Quand il est dit que «Jesus Christ, vray Dieu et vray homme,» y est, il est par consequent dit que le vray cors de Jesuschrist y est; car un vray homme ne peut estre sans un vray cors..

  A023001583 

 Et affin de tellement declairer la presence de ce cors sacré au tressaint Sacrement que nul ne puisse plus douter comme les Catholiques la croyent, je dis et asseure: que le vray cors reel, substantiel, naturel de Jesus Christ, c'est a dire le mesme cors qui fut formé au ventre de la Vierge et de son tres pur sang, le mesme cors qui fut attaché en la croix et mis dans le sepulchre, le mesme cors qui fut resuscité, qui fut touché par saint Thomas, qui fut eslevé au Ciel et qui y est maintenant, lequel saint Estienne vid, ce mesme cors, dis-je, est vrayement, reellement et substantiellement present en ce divin Sacrement de l'Eucharistie..

  A023001585 

 Ainsy, le vray cors naturel du Sauveur fut formé au ventre de la tressainte Vierge, non naturellement mais surnaturellement, par l'operation du Saint Esprit; ainsy ce mesme vray cors naturel fut enfanté de la tressainte Vierge, demeurant vierge, non naturellement [245] mais surnaturellement, par miracle; ainsy ce mesme cors naturel estoit transfiguré sur la montaigne de Thabor, non naturellement mais surnaturellement; ainsy est-il resuscité, non naturellement mais surnaturellement..

  A023001585 

 Mays par ce qu'un cors, cors vrayement naturel, peut estre en quelqu'endroit ou naturellement ou surnaturellement, je dis que le sacré cors naturel, reel et substantiel de Nostre Seigneur Jesuschrist est au divin Sacrement non point naturellement, mais surnaturellement, par la toute puissance de Dieu.

  A023001594 

 Et quoy que cela ne soit qu'une simple faute de [247] memoire, si est il marri qu'il luy soit arrivé, craignant que les espritz foibles n'en soyent troublés; ne pouvant croire, toutefois, que monsieur du Moulin se vante de rien pour ce rencontre fait sans ordre ni reglement.

  A023001594 

 Monsieur de Geneve m'a dit, qu'il ne voudroit, pour chose quelcomque, nier la verité de ses manquemens; et qu'il est [246] donq vray qu'au rencontre quil eut chez madame la Mareschale de Fervasq, il commit un defaut de memoire, ne treuvant pas, en l'ancienne version latine de la Bible, un mot en l'endroit ou il pensoit le treuver, bien qu'il soit plusieurs foys ailleurs, en la mesme version, pour le mesme sujet.

  A023001605 

 J'estimoys, suyvant celle quil vous avoyt pleu m'escripre, que monsieur Sarrazin seroyt venu pour y satisfere entierement; mais je voys bien que l'on luy a baillé sa leçon par escript, a fin de fere prendre long traict a ceste dispute et l'eviter entierement, sil est possible.

  A023001605 

 Or, cecy n'est pas un affaire d'Estat ou il y aille aulcun hasard de perdre aulcune place; mais il est question de maintenir par dispute, publiquement, la doctrine de laquelle on faict profession, afin de desabuser ceux qui nous tiennent pour heretiques et de raffermir les infirmes en la foy et qui s'esbranlent par la veue d'une doctrine contraire; car les escripts de nos docteurs ne peuvent estre leus ni entendus du peuple, qui veut estre esclaircy par une conference faicte par vive voix, joint que tels escripts n'ont point de replicque.

  A023001605 

 Que si l'on se veut excuser sur Messieurs de Berne, c'est aultant a dire que nous ny voulons pas entendre, d'aultant qu'eux aussi ne veulent pas entrer en jeu; mais ils ny ont pas si grand interest que vous, car ils n'ont envoyé personne et n'en ont faict aulcun semblant.

  A023001606 

 Mais puis que Dieu veut ainsi exercer nostre foy, et mesmes nous chastier du mespris de sa parolle, c'est a nous d'aller au devant de son ire, comme de Celuy duquel depend nostre victoyre et la delivrance de ces tentations si vives, que sans luy et sans son assistance nous n'en pouvons eschapper, nostre naturel resistant tous-jours au Sainct Esprit, a la façon dé nos peres qui ont mangé les aigretz et nous en avons les dentz agacez.

  A023001614 

 Toutesfois, pour l'esperance du residu qui demeure encor sus pieds [252] par la grace, je vous supplies au nom de Nostre Seigneur, que l'on ne recule plus ceste conference; aultrement tout est perdu..

  A023001614 

 Vous sçavez comme prevoyant le danger j'ay crié: A l'ayde! misericorde! nous perissons! Mais quand l'on nous a veu en danger et que l'on nous pouvoyt secourir sans danger, l'on s'est arresté sur des considerations humaines; et cependant les orages ont mis en piece nostre fresle vaisseau.

  A023001615 

 Je ne parle plus par cueur; mon apprehension n'est pas une terreur panique, vous en voyez les effects.

  A023001631 

 Christ n'est pas divisé: il faudroict donc tascher a reunir ses membres et oster toute occasion de schisme et division en l'Eglise de Dieu, puis qu'ainsi est qu'hors d'icelle il ny a point de salut.

  A023001637 

 Et ce qui est dit ailleurs..

  A023001643 

 Las! elle est en cendre reduicte,.

  A023001644 

 Elle est entierement detruicte,.

  A023001647 

 Ce subit changement semblera bien estrange; mais que voules vous qu'un pauvre peuple fasse, qui est delaissé a l'abandon, destitué de pasteurs et de pasture?.

  A023001650 

 C'est donc a vous, Messieurs, d'y penser, quand vous voyez brasier la maison de vostre voysin..

  A023001651 

 Quant a moy, je pense que tous fidelles qui sont membres d'un mesme corps se doibvent unir par charité; car, comme dit S. Augustin: Non est particeps divines charitatis qui hostis est unitatis.

  A023001652 

 Je croy fermement qu'il ny a difficulté de religion qui ne se puisse resouldre entre gens charitables et vuydes de toutes preoccupations, ains seulement desireux de recercher la verité pour la gloyre de Dieu et le salut de son Eglise; car la promesse est infallible, que Jesus Christ a faicte aux siens, quil seroyt avec eux jusqu'à la consommation du monde.

  A023001652 

 [254] Le principal lien, c'est la charité: que donc elle nous eschauffe, afin que non point par vaines disputes et ergoteries, mais par le fil de la verité nous puissions amortir le feu de la dissention qui embrase tout le monde, afin que la charité de Nostre Seigneur nous unisse tous par une vraye et vive foy ensemble pour le glorifier eternellement..

  A023001653 

 Mais, comme j'escrivois dernierement a Mons r Goulard, il est necessaire, pour sauver le navire et ceux qui sont dedans, que les nautonniers demeurent aussi dedans, a peyne de naufrage.

  A023001670 

 Possum enim vere, ita salvus sim, affirmare quicquid est, sive pietatis et sanctimoniae pene incomparabilis, sive eruditionis admirabilis, quod in caeteris Episcopis vel requirere vel laudare possis, totum id in hoc uno elucere tam magnifice ac eminenter, nec eo minus tamen circa ostentationis invidiam: ut sive familiariter colloquentem videas, incredibilem in ore dignitatem, in sermone comitatem, in utroque miram suavitatem morum statim agnoscas; sive graviter ac pie, ut semper solet, concionantem audias, non facile possis decernere an eloquentia praestet, an doctrina, et an gravitate sententiarum ac orationis majestate superet, an apposite ac partite loquendi facilitate; sive, denique, cum haereticis disputantem observes, omnino dubitandum habeas majorene ille eruditione certaverit et vicerit (certare, nempe, illi semper vincere est), an modestia et patientia.

  A023001670 

 Successor is fuit FRANCISCUS DE SALES, (quid enim laudibus ejus efficere debet quod vivat, meque fraterno et amore et nomine prosequatur, quominus a me nominetur, qui ab omnibus laudatur?) non modo splendore generis inter nobiliores totius patrise familias clarissimus, sed etiam doctrinae ac, quod primum est, pietatis et conspicuae innocentiae gloria perillustris; jurisconsultus (nam et hoc ad rem nostram pertinet) ipso etiam Senatus nostri judicio eximius, theologus vero inter doctissimos quosque subtilissimus, et inter subtilissimos scientissimus; praedicator etiam non solum disertissimus, quod ei cum multis commune est, sed etiam, quod cum perpaucis, eloquentissimus; scriptor vero, sive Latina sive Gallica lingua scribendum habeat, elegantissimus, et venustatis aeque ac succi plenus; is denique, quem non aliter aut melius pro dignitate laudare possim, quam si impetrem, ut sufficiat nominasse.

  A023001671 

 Enimvero, quid tam magnum et grande est quod non sperare liceat, tanti Episcopi auspiciis et conatibus, perfici posse, quem Deus Opt.

  A023001673 

 Quid plura? O utinam (quidni enim exclamem, ut votis saltem assequar, quod verbis exprimere, non datur?), utinam iterum atque iterum, utinam multos haec nostra aetas haberet Salesios I Utinam vero etiam superior habuisset! is maxime in locis in quibus haereticorum defectionem ab Episcoporum, sive inscitia, sive ignavia, principium sumpsisse compertum est; nunc de profligandis haeresibus et de dirutis Jacob restituendis non laboraremus.

  A023001673 

 Sed cum ad collapsas res quasque maximas reparandas non aliud aptius remedium esse credatur, quam si omnia quantum fieri potest ad initia sua revocentur, non despero fore, ut quemadmodum sola fere posteriorum Episcoporum incuria viam haeresibus patefecit ad audaciam, ita novo tanti Episcopi exempio plane efformato ad prototypum illum veterum Episcoporum, victi sine bello haeretici tandem resipiscant, nec diutius reluctentur, quominus liceat nobis impetrare a divina misericordia quod Ecclesia Dei, tot lachrymis perfusa non desinit a Sponso suo flagitare, ut tam graviter misereque agitatam per tot annos Petri naviculam, sedatis fluctibus, brevi conquiescere omniumque Christianorum Pastorem unum, sub uno Christo, qui divisus non est, et ovile unum factum esse videamus.

  A023001701 

 VI. Tous ecclesiastiques suyvront en tout et par tout les decretz du tressaint Concile de Trente, et specialement en ce [266] qui est de l'Office divin et celebration de la Messe; et nul ne sera receu dores-en-avant a l'examen pour estre ordonné prestre, qu'il n'apporte attestation du Surveillant de son lieu de sçavoir exactement les saintes ceremonies de la divine Messe, selon l'usage de Trente..

  A023001703 

 VIII. La residence est intimee a tous curés et ayans charge d'ames (s'ilz ne sont legitimement excusés), a peyne de privation de leurs benefices ceste servant pour la derniere sommation.

  A023001704 

 Est enjoint a tous ecclesiastiques de se maintenir en habit convenable et d'avoir tousjours la tonsure et couronne clericale en teste, et la barbe coupee sur la levre superieure..

  A023001706 

 Comme aussi la chasse qui se fait a course de chiens et avec l'arquebuse, de laquelle le port leur est totalement inhibé; et de plus, toutes autres chasses qui se trouveront defendues aux laicez mesmes, selon la diversité des lieux..

  A023001711 

 Et est defendu a tous exorcistes generalement de commander au malin qu'il aye a reveler les sorciers et sorcieres par leurs noms, ni aucune autre sorte de peché..

  A023001711 

 XVI. Nul n'exorcisera dores-en-avant, s'il n'est specialement et de nouveau appreuvé.

  A023001713 

 XVIII. Est enjoint a tous ayans charge d'ames de tenir en bon estat les Registres des baptesmes, mariages et enterremens, et d'en rapporter a chaque Sinode des copies signees, dans Nostre greffe..

  A023001717 

 XXII. Est prohibé l'usage des parolles inconneues, caracteres [270] et signes superstitieux, aux prieres et adjurations qui se font contre la tempeste..

  A023001718 

 XXIII. Toute autre façon de Prosne que celle qui a esté publiee par feu Monseigneur nostre predecesseur (que Dieu absolve) est entierement prohibee..

  A023001724 

 Dominus noster Jesus Christus, qui est sumtnus Pontifex, te absolvat; et ego authoritate ipsius, mihi licet indignissimo concessa, absolvo te in primis ab omni vinculo excommunicationis, in quantum possum et indiges; deinde, ego te absolvo ab omnibus peccatis tuis, in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti.

  A023001729 

 Il est en fin commandé a tous curés et vicayres d'avoir les presentes Constitutions et les affiger en leurs sacristies, ou autre lieu de leurs eglises ou ilz les puissent souvent voir et considerer, a la gloire de Dieu et salut du peuple..

  A023001752 

 On enseignera autant de tems que le Prieur trouvera estre a propos, lequel prendra garde qu'un chacun fasse bien sa charge; et s'il n'est empesché de son office, assignera ceux qui devront disputer et respondre, choysissant tous-jours les mieux instruitz et plus capables..

  A023001753 

 Le Sousprieur et Admoniteur prendront pareillement garde qu'il ne se fasse point de bruit, autrement ilz en feront signe tacitement au Silencier; c'est pourquoy ceux cy demeureront en divers endroitz de l'eschole, sinon que le Prieur conferast avec eux ce pendant que les autres enseignent..

  A023001764 

 L'office que vous exerces est excellent, puisque vous estes establis de la part de Dieu pour juger les ames avec tant d'authorité, que les sentences que vous prononces droittement en terre sont ratifiees au Ciel.

  A023001764 

 Vos bouches sont les [279] canaux par lesquelz la paix coule du Ciel en terre sur les hommes de bonne volonté; vos voix sont les trompettes du grand JESUS, qui renversent les murailles de l'iniquité, qui est la mistique Hiericho..

  A023001765 

 C'est un honneur extreme aux hommes d'estre eslevés a ceste dignité a laquelle les Anges mesme ne sont point appellés; car, auquel des ordres angeliques fut il onques dit: Receves le Saint Esprit; de ceux desquelz vous remettres les pechés, ilz seront remis? Cela neanmoins fut dit aux Apostres et, en leurs personnes, a tous ceux qui par succession legitime recevroyent la mesme authorité.

  A023001773 

 Ainsy, quoy que l'enfant prodigue revinst tout nud, crasseux et puant d'entre les pourceaux, son bon pere neanmoins l'embrasse, le bayse amoureusement et pleure dessus luy parce qu'il estoit son pere, et que le cœur des peres est tendre sur celuy des enfans..

  A023001773 

 Souvenes vous que les pauvres penitens au commencement de leurs confessions vous nomment Pere, et qu'en effect vous deves avoir un cœur paternel en leur endroict, les recevant avec un extreme amour, supportant patiemment leur rusticité, ignorance, imbecillité, tardiveté et autres imperfections; ne vous lassant jamais de les ayder et secourir tandis qu'il y a quelque esperance d'amendement en eux, suyvant le dire de saint Bernard: La charge des Pasteurs n'est pas des ames fortes, mays des foibles et debiles, car les fortes font asses d'elles mesmes, mays il faut porter les foibles.

  A023001775 

 Si vous le voyes effronté et sans apprehension, faittes luy bien entendre que c'est devant Dieu qu'il se vient prosterner; qu'en ceste action il s'agit de son salut eternel; qu'a l'heure de la mort il ne rendra conte d'aucune chose si estroittement que des confessions qu'il aura mal faittes; qu'en l'absolution on employe le pris et le merite de la Mort et Passion de Nostre Seigneur..

  A023001776 

 Si vous le voyes craintif, abbattu et en quelque desfiance d'obtenir le pardon de ses pechés, releves le en luy monstrant le grand playsir que Dieu prend en la penitence des grans pecheurs; que nostre misere estant plus grande, la misericorde de Dieu en est plus glorifiee; que Nostre Seigneur pria Dieu son Pere pour ceux qui le crucifioyent, pour nous faire connoistre que, quand nous l'aurions crucifié de nos propres mains, il nous pardonneroit fort librement; que Dieu fait tant d'estime de la penitence, que la moindre penitence du monde, pourveu qu'elle soit vraye, luy fait oublier toute sorte de peché, de façon que si les damnés et les diables mesmes la pouvoyent avoir, tous leurs pechés leur seroyent remis; que les plus grans Saintz ont esté grans pecheurs: saint Pierre, saint Matthieu, sainte Magdeleine, David, etc.; et en fin, que le plus grand tort qu'on peut faire a la bonté de Dieu et a la Mort et Passion de Jesus Christ, c'est de n'avoir pas confiance d'obtenir le pardon de nos iniquités, et que, par article de foy, nous sommes obligés de croire la remission des pechés, affin que nous ne doutions point de la recevoir lhors que nous [282] recourons au Sacrement que Nostre Seigneur a institué pour cest effect..

  A023001781 

 Dieu benisse vostre cœur qui est si bien disposé a se bien accuser.

  A023001782 

 Quand vous rencontreres des personnes qui, pour des enormes pechés, comme sont les sorcelleries, accointances diaboliques, bestialités, massacres et autres telles abominations, sont excessivement espouvantees et travailles en leurs consciences, vous deves par tous moyens les relever et consoler, les asseurant de la grande misericorde de Dieu, qui est infiniment plus grande pour leur pardonner que tous les pechés du monde pour les damner, et leur promettes de leur assister en tout ce qu'ilz auront besoin de vous pour le salut de leurs ames..

  A023001787 

 S'il y a aucun Sacrement en l'administration duquel il faille paroistre en gravité et majesté, c'est celuy de la Penitence, puisqu'en iceluy nous sommes juges deputés de la part de Dieu.

  A023001793 

 Le penitent estant arrivé, il faut avant toutes choses s'enquerir de luy quel est son estat et condition: c'est a dire, s'il est marié ou non, ecclesiastique ou non, Religieux ou seculier, advocat ou procureur, artisan ou laboureur; car, selon sa vacation, il faudra proceder diversement avec luy..

  A023001794 

 Que s'il n'a pas ceste volonté, il faut s'arrester la et l'y disposer, si faire se peut; que s'il ne se peut faire, il le faut renvoyer, apres luy avoir fait entendre le dangereux et miserable estat auquel il est..

  A023001799 

 C'est un abus intolerable que les pecheurs ne s'accusent de nul peché d'eux mesmes, sinon entant qu'on les interroge.

  A023001800 

 De mesme au peché de luxure: s'il a defleuré une vierge, car c'est un stupre; s'il a conneu une femme mariee, c'est adultere; et ainsy des autres pechés..

  A023001800 

 Il ne suffit pas que le penitent accuse seulement le genre de ses pechés, comme seroit a dire, d'avoir esté homicide, luxurieux, larron; mais est requis qu'il nomme l'espece, comme par exemple: s'il a esté meurtrier de son pere ou de sa mere, car c'est une espece d'homicide different des autres et s'appelle parricide; s'il a tué dans l'eglise, car en cela il y a sacrilege; ou bien s'il a meurtry un ecclesiastique, car c'est un parricide spirituel et est excommunié.

  A023001801 

 Non seulement on doit s'enquerir de l'espece du peché, mais aussi du nombre d'iceux, affin que le penitent s'en [285] accuse, disant combien de fois il a commis tel peché, ou environ plus ou moins, au plus pres qu'il pourra selon sa souvenance, ou au moins disant combien de tems il a perseveré en son peché et s'il y est fort addonné; car il y a bien de la difference entre celuy qui n'aura blasphemé qu'une fois, et celuy qui aura blasphemé cent fois, ou qui en fait mestier..

  A023001802 

 Il est vray que celuy qui a confessé une action mauvaise n'a besoin de confesser les autres qui sont necessairement requises pour faire celle la: ainsy, celuy qui s'est accusé d'avoir violé une fille une seule fois, il n'est pas obligé de dire les baysers et attouchemens qu'il a faitz parmi cela et a ceste occasion; car cela s'entend asses sans qu'on le die, et l'accusation de telles choses est comprinse en la confession de l'action finale du peché..

  A023001803 

 De mesme, il se peut faire qu'avec un mauvais exemple on scandalizera une seule personne, et avec un autre mauvais exemple de mesme espece on [en] scandalizera trente ou quarante, et n'y a point de proportion entre l'un et l'autre peché; c'est pourquoy il faut particulariser, tant qu'il se peut bonnement faire, la quantité de ce qu'on a desrobbé, des gens qu'on a scandalizés par une seule action; et ainsy consecutivement des autres pechés, desquelz la malice croist et decroist selon la quantité de l'object et de la matiere..

  A023001803 

 J'en dis de mesme des pechés desquelz la malice se peut redoubler et multiplier en une seule action: par exemple, celuy qui desrobbe un escu fait un peché; celuy qui en desrobbe deux ne fait aussi qu'un peché, et tout de mesme espece, mais toutesfois la malice de ce second peché est double au pris du premier.

  A023001805 

 C'est tout de mesme de celuy qui, volontairement, pour prendre playsir, s'amuse et prend contentement aux pensees et imaginations des voluptés charnelles; car il peche interieurement contre la chasteté, dont il se doit confesser, d'autant qu'encores qu'il n'a pas voulu appliquer son cors au peché, il a neanmoins appliqué son cœur et son ame.

  A023001805 

 Or, le peché consiste plus a l'application du cœur qu'a celle du cors, et n'est nullement loysible de prendre a son escient playsir et contentement au peché, ni par les actions du cors, ni par celles du cœur.

  A023001806 

 Outre tout cela, encor faut il que le penitent s'accuse des pechés d'autruy, a l'exemple de David; car si par mauvais exemple ou autrement il a provoqué quelqu'un a peché, il en est coulpable, et cela s'appelle proprement scandale.

  A023001811 

 Le confesseur, apres cela, doit connoistre si le penitent est capable de recevoir l'absolution, laquelle ne doit estre conferee a certaines sortes de personnes desquelles je vous proposeray [287] quelques exemples qui vous serviront de lumiere pour tout le reste..

  A023001824 

 Et par ainsy, si c'est un larcin, il le faut faire rendre, ou chose equivalente, par quelque personne discrette qui ne nomme ni decele en aucune façon le restituant; si c'est une fause accusation ou imposture, il faut procurer dextrement que le penitent donne, sans en faire semblant, contraire impression a ceux devant lesquelz il avoit commis la faute, disant le contraire de ce qu'il avoit dit, sans faire semblant d'autre chose.

  A023001824 

 Et pour le regard des reparations et restitutions que l'on doit faire au prochain, il faut trouver moyen, s'il est possible, de les faire secrettement, sans que le penitent puisse estre diffamé.

  A023001824 

 Mais quant aux usures, faux proces et autres semblables embrouillemens de conscience, il est besoin d'en ordonner les reparations avec une exquise prudence, de laquelle si le confesseur ne se trouve pas prouveu suffisamment, il doit doucement demander au penitent quelque loysir pour y penser; puys, s'addresser aux plus doctes, comme sont les deputés des quartiers, lesquelz, si le cas le merite, prendront Nostre advis, ou de nostre Vicaire general.

  A023001824 

 Mays sur toute chose, il faut prendre garde que ceux desquelz on prend le conseil ne puissent en façon quelconque connoistre ou deviner le penitent, si ce n'est par son congé tres expres; encor ne le faut il faire avec son congé, si ce n'est par une grande necessité et qu'il en prie le confesseur hors et apres la confession.

  A023001830 

 J'ay dit griefvement, parce que, quand le coup est leger et le mal de peu d'importance [290], il peut estre absous par l'Evesque, sinon que le coup, quoy que leger de soy mesme, fust grandement scandaleux: comme par exemple, estant donné a un prestre faisant l'Office, ou en un lieu et compaignie de grand respect et considerable..

  A023001845 

 C'est de consoler les penitens qui les auront commis et ne point les desesperer, ains les renvoyer doucement a ceux ausquelz Nous avons donné le pouvoir, que Nous avons mis en grand nombre en tous les endroitz du diocese; car encores qu'ilz ne puissent pas absoudre des cas reservés au Pape, si est ce neanmoins qu'ilz leur donneront tousjours addresse pour obtenir l'absolution..

  A023001852 

 Car il arrive deux inconveniens de cest amas d'actions ou d'oraysons: l'un, que le penitent s'en oublie, et plus, demeure en scrupule; l'autre, c'est qu'il pense plus a ce qu'il a a dire ou a faire que non pas a ce qu'il dit ou qu'il fait, et ce pendant qu'il va cherchant en sa memoire ce qu'il doit faire, ou dedans ses Heures ce qu'il doit dire, la devotion se refroidit.

  A023001852 

 Il est donques mieux d'enjoindre des prieres tout d'une mesme sorte, comme tout des Pater, ou tout des Psaumes qui soyent de suitte et qu'il ne faille pas aller chercher ça et la les uns apres les autres.

  A023001860 

 Et ayant proferé ces parolles: Dominus noster Jesus Christus, vous vous couvrires et estendres la main droitte vers la teste du penitent, poursuivant l'absolution ainsy qu'elle est mise au Rituel..

  A023001861 

 Il est vray, comme le dit le docteur Emmanuel Sa, «es confessions de ceux qui se confessent souvent» on peut retrancher toutes lés prieres qu'on fait devant et apres l'absolution, «disant simplement: Ego te absolvo ab omnibus peccatis tuis.

  A023001861 

 In nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti.» On en doit dire de mesme quand il y a multitude de penitens et que le tems est court, car on peut prudemment abbreger l'absolution, ne disant sinon: Dominus noster Jesus Christus te absolvat, et ego authoritate ipsius absolvo te ab omnibus peccatis tuis, in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti.

  A023001867 

 Cependant, c'est ce que la pluspart des peres spirituelz ne sçavent point faire, et je m'en estonne, car la pierre de touche [297] d'un parfait confesseur c'est qu'il soit pitoyable au vice d'autruy et implacable au sien propre.

  A023001868 

 La cholere de Nostre Seigneur est semblable aux pluyes de l'esté qui ne font que toucher la terre.

  A023001868 

 Le Filz de Dieu est une paste de misericorde, et expres il s'est fait homme pour se joindre a une humeur misericordieuse; pour cela, sa divine ame s'est unie a son humanité pour endurer, et elle a esté attachee a son cors affin de compatir avec douceur a ses creatures et se faire semblable a ses freres.

  A023001868 

 Les espritz ne veulent pas estre rudoyés, mais ramenés doucement; tel est le naturel de l'homme.

  A023001876 

 On y trouve la pensée de saint François de Sales et les mesures prises par lui pour le bon gouvernement de son diocèse, mais exprimées dans un style qui, souvent, n'est pas de lui; pour cette raison, nous croyons devoir renvoyer ces documents à l'Appendice I.) [298].

  A023001882 

 Premieremént, si elles se portent plus au sens le moins receu de l'Escriture qu'a celuy qui, pour estre le plus commun, est le moins dangereux, parée que l'Escriture Sainte est la regle des conduittes de Dieu sur les ames..

  A023001883 

 C'est encor un effect de l'Esprit de Dieu, de jetter une grande crainte avec une extreme confiance en ceux qu'il cherit: l'une vient de la connoissance de nostre infirmité, et l'autre descoule du saint amour.

  A023001884 

 Le parfait, qui est un oyseau plus rare en ce siecle que le phœnix en l'Arabie, non seulement attend les affrontz, les persecutions et les calomnies, mais mesme va au devant sans temerité, et y court comme au festin des noces, jugeant encor qu'il est indigne d'avoir des livrees qui le font prendre pour un serviteur de la mayson de Dieu..

  A023001884 

 Mays la pierre de touche pour esprouver le bon d'avec le mauvais esprit et faire la difference de celuy qui commence d'avec l'autre qui est bien avancé, c'est d'estre prompt a souffrir: car le mauvais devient pire par les afflictions, et murmure contre la providence de Dieu; celuy qui commence se fasche d'endurer, et puys il a regret de s'estre laissé saisir a l'impatience.

  A023001885 

 C'est aussi le signe d'un esprit trompé du diable en ses devotions ou en sa conduitte, lhors que, sous certain zele, il fait l'exact juge de tout, et veut tout chastier, sans user de pitié et sans aucune clemence..

  A023001885 

 C'est encor une marque de l'Esprit de Dieu, d'estre doux et misericordieux a son prochain, lhors mesme qu'il est plus proche de tomber sous la rigueur de sa justice, de peur de l'ensevelir sous ses ruynes.

  A023001886 

 Ne pas quitter l'exercice des vertus pour les difficultés qui s'y rencontrent, est encor le signe d'une ame dont le sacrifice est aggreable a Dieu; parce que cette Bonté infinie ne presente point d'espees flamboyantes pour empescher l'entree de son Paradis a ceux qui le cherchent purement, et bien qu'il permette que ses esleuz soyent dans les rigueurs, dans les souffrances et dans les croix, il les remplit de tant de grace, de force et de douceur, qu'ils s'estiment tres heureux et advantagés de patir pour l'amour de luy.

  A023001887 

 Examines encor si ces personnes se perdent en leur propre estime en relevant leurs graces et leurs propres dons, [300] et lesquelz au contraire traittent avec mespris ou tiennent pour suspectes les faveurs que Dieu depart aux autres; car la marque la plus asseuree de la sainteté c'est quand elle est fondee sur une vraye et profonde humilité et une ardente charité.

  A023001888 

 Par exemple, quand elles disent: Je suis asseuree de ce que Dieu veut de moy; il vous advertit par ma bouche de ce qui est necessaire a vostre salut et a vostre conduitte, faites cela par mon advis, j'en respons devant Dieu; et semblables paroles qui marquent un grand esclarcissement des choses interieures et une conversation dans les Cieux: juges avec discretion si leurs actions sont conformes a ces hautes lumieres..

  A023001889 

 Voyes aussi si le rapport que l'on fait a ces personnes de l'infirmité d'autruy leur donne plus de mouvement d'indignation et d'horreur que de compassion et de pitié de leur misere; parce que c'est un faux zele de s'escrier contre le vice de son frere, d'en descouvrir les defautz sans necessité et contre la charité.

  A023001891 

 Tel est le genie des novateurs..

  A023001893 

 C'est, tout au contraire, un effect de l'heureuse conduite du Pere des lumieres d'inspirer par des sentimens interieurs, se couler doucement dans l'ame et y descendre comme la pluye sur la toison.

  A023001893 

 Il est vray qu'il y eut quelque son et un petit bruit; mays Dieu le permit a cause des Juifz, et pour des raysons marquees en l'Escriture Sainte.

  A023001900 

 C'est par la que nostre miserable Geneve nous a surpris, lhors que, s'appercevant de nostre oysiveté, que nous n'estions pas sur nos gardes et que nous nous contentions de dire simplement nostre Breviaire, sans penser de nous rendre plus sçavans, ilz tromperent la simplicité de nos peres et de ceux qui nous ont precedés, leur faisant croire que jusqu'alhors on n'avoit rien entendu a l'Escriture Sainte: ainsy, tandis que nous dormions, l'homme ennemy sema l'ivraye dans le champ de l'Eglise, et fit glisser l'erreur qui nous a divisés et mis le feu par toute ceste contree; feu duquel vous et moy eussions esté consumés avec beaucoup d'autres, si la bonté de nostre Dieu n'eust misericordieusement suscité ces puissans espritz, je veux dire les Reverens Peres Jesuites, qui s'opposerent aux heretiques et nous font en nostre siecle glorieusement chanter: Misericordiae Domini quia non sumus consumpti.

  A023001900 

 Pour cela, mes tres chers Freres, je vous conjure de vaquer serieusement a l'estude, car la science, a un prestre, c'est le huitiesme Sacrement de la hierarchie de l'Eglise, [303] et son plus grand malheur est arrivé de ce que l'Arche s'est trouvee en d'autres mains que celles des Levites.

  A023001909 

 Premierement, Nous avons ordonné que les Constitutions par Nous faittes au Sinode du second octobre l'an mil six cens et trois seront derechef publiees, mesme en ce qui est des tavernes et cabaretz, sous quelque pretexte que ce soit, pour estre observees avec les presentes..

  A023001910 

 Et affin que les possesseurs de ces benefices ne pretendent cause d'ignorance, il est enjoint a leurs vicayres de les en advertir et leur notifier la presente Ordonnance, de bouche ou par escrit, et de rapporter dans le moys a nostre Vicayre general un acte par lequel il apparoisse de leur diligence; a peyne, contre chaque defaillant, de cinquante livres..

  A023001911 

 Il est inhibé a tous ecclesiastiques de n'exorcizer par cy apres, sinon qu'ilz soyent de nouveau admis par Nous ou par nostre Vicayre, et l'admission sera donnee par escrit a ceux qui seront treuvés capables d'exercer telle charge; ausquelz Nous defendons, a peyne d'excommunication, [306] d'exorcizer sinon dans les eglises, et de tenir les possedés dans leurs maysons, sur tout les femmes et filles, et de faire des voyages et pelerinages avec elles; a peyne de vingt cinq livres, et autre arbitraire..

  A023001914 

 Pour ce qui est de ceux qui frequentent parmi les terres des heretiques, voysins de Nostre diocese, ou bien qui sont contraintz d'y demeurer pour gaigner leur vie, Nous avons donné pouvoir a tous curés et autres qui ont permission de confesser, de les ouyr en confession, et absoudre de n'avoir pas celebré les festes commandees par nostre Mere la sainte Eglise, de n'avoir pas jeusné les jours de Veille, de [307] Quatre Tems et de Caresme; comme aussi d'avoir mangé de chair ces mesmes jours, excepté les vendredis et samedis; et pareillement, d'avoir esté aux presches des ministres, pourveu qu'ilz n'ayent pas pris la Cene..

  A023001916 

 Sur les plaintes qui Nous ont esté faittes que plusieurs curés retiennent le luminaire que l'on porte aux funerailles et obseques le jour de l'enterrement, sans en vouloir fournir pour les Messes qui se disent le lendemain, mays en demandent d'autre, Nous avons ordonné que les curés seront tenus de representer le luminaire le lendemain et pendant les troys jours que l'on a accoustumé de faire prier pour les deffunctz, si tant est que ce luminaire puisse suffire; passé lesquelz troys jours, ce qui restera appartiendra aux curés.

  A023001919 

 Nous commandons a tous ecclesiastiques demeurans riere Nostre diocese de faire par cy apres celebrer la feste de saint Pierre aux Liens avec son octave, comme estant le Patron de Nostre Eglise cathedrale; comme aussi le jour de la Dedicace d'icelle, qui est le huitiesme d'octobre..

  A023001938 

 Qui nunc vivit Episcopus Gebennensis, FRANCISCUS DE SALES, sextus est eorum qui extra civitatem Gebennensem praefuerunt; ex ipsa dioecesi oriundus, et e gremio ecclesiae Cathedralis (cujus per decem annos fuit Praepositus) assumptus.

  A023001943 

 In Ecclesia Gebennensi, quae Beati Petri a vinculis liberati miraculo ac nomine dedicata est, sunt triginta Canonici, Praeposito qui dignitatem habet majorem, ac Cantore et Sacrista, quae officia perpetuo existunt, inclusis; quorum singuh unam praebendam aequalem omnino percipiunt, ita ut Praepositus nihilo plus caeteris excipiat.

  A023001954 

 Quibus, fante decennium, [319] additus est quintus, Fratrum Capucinorum Annessii.].

  A023001961 

 Populus universus praedictarum parrochiarum vere catholicus est et antiquae pietatis cultor, quamvis in septuaginta parrochiis ex suprascriptis inter annos [viginti] haeresis Calviniana vigeret; nam Serenissimi Ducis authoritate, et multorum concionatorum, partim secularium partim variorum Ordinum, sigillatim vero Patrum Capucinorum et PP. Societatis Jesu praedicationibus, conversi [321] sunt ad Pastorem animarum suarum, ita ut cum fuerint ante illa tempora tenebrae, nunc sint lux in Domino..

  A023001968 

 C'est pourquoi il a aujourd'hui comme résidence Annecy, dans le duché de Genevois, [en attendant que vienne pour lui le jour du retour.] [312].

  A023001970 

 Il est natif du diocèse même, et a été choisi dans le Chapitre cathédral, dont il fut le Prévôt pendant dix ans.

  A023001970 

 L'Evêque actuel de Genève, FRANÇOIS DE SALES, est le sixième des évêques qui ont eu leur résidence hors de la ville de Genève.

  A023001975 

 Chacun des chanoines reçoit une prébende qui est absolument égale pour tous, en sorte que le Prévôt ne touche rien de plus que les autres.

  A023001976 

 Il est cependant remarquable de voir avec [316] quelle perfection et dévotion, malgré une si grande pauvreté, les Offices divins sont célébrés par cette Eglise [laquelle, loin de suspendre ses instruments aux saules et de se taire à cause de son exil, chante sur la terre étrangère le cantique de Sion et le cantique du Seigneur ].

  A023001976 

 Or, déduction faite des charges et dépenses nécessaires, la part qui revient à chaque chanoine n'arrive pas à quarante écus d'or par an; c'est là une prébende tout à fait insuffisante à entretenir le moindre individu.

  A023001982 

 [Le dernier seul est possédé en titre.].

  A023001985 

 Les églises paroissiales sont au nombre de quatre cent cinquante, dans chacune desquelles les Sacrements sont administrés et le peuple est instruit des points de la religion catholique par un enseignement à sa portée..

  A023001986 

 [Depuis dix ans, [319] un cinquième, de Frères Capucins, est venu s'ajouter à Annec.].

  A023001993 

 Tonte la population des paroisses ci-dessus est vraiment catholique et professe la piété antique, bien que pendant vingt ans l'hérésie de Calvin ait régné dans soixante-dix paroisses; car, grace à l'autorité du Sérénissime Duc et aux prédications de nombreux ouvriers apostoliques, soit séculiers soit réguliers appartenant à divers Ordres, spécialement Capucins et Jésuites, les hérétiques sont [321] revenus au Pasteur de leurs âmes, en sorte que, après avoir été alors ténèbres, ils sont maintenant lumière dans le Seigneur..

  A023001994 

 Dans dix bourgs la parole de Dieu est prêchée chaque jour pendant tout le temps du Carême.

  A023002001 

 Mensa enim episcopalis tenuior est, quam ut ex ea quicquam amputari aut resecari debeat; mensa Capituli cathedralis pauperrima est, nec alendis Canonicis sufficit, ut et aliae pariter ecclesiae seculares Collegiatae.

  A023002001 

 Nulla in orbe Christiano dioecesis clericorum Seminario magis indiget quam haec Gebennensis; attamen hactenus in eo erigendo perperam laboratum est.

  A023002001 

 Ommino tamen, vel [323] isto modo, vel per communem cleri contributionem, opus hoc erigi par est..

  A023002009 

 Reliquorum omnium argentum versum est in scoriam et vinum mistum est aqua, imo versum est in venenum; unde blasphemare faciunt inimicos Domini, du m dicunt per singulos dies: Ubi est Deus istorum? [325].

  A023002015 

 Omnibus autem, tam Cisterciensibus quam Sanctae Clarae, illud solatium deest quod Concilium Tridentinum, non sine Spiritus Sancti instinctu, illis vult concedi: ut scilicet, ter saltem quotannis illis confessarius extraordinarius constituatur; coguntiu: enim uni eidemque semper confiteri, neque unquam illis liberum est alterius operam expetere; quod quanto animarum illarum periculo fiat, nescio, Deus scit..

  A023002020 

 Est haec diocaesis Gebennensis in medio montium altissimorum posita, in quorum tamen plerumque cacuminibus et praeruptis pagos numerosissimis familiis refertos videre est; quibus ut de religione provideretur, majores ecclesias aedificaverunt ad quas pastores in imis vallibus commorantes, singulis diebus festis accederent, plebem sacratissimo Missae Sacrificio recreaturi.

  A023002021 

 Nunc vero, cum passim, ut supradictum est, in successoribus solum monachorum vestimentum animadverti queat, clamant pauperes illi montium habitatores, velut oves pascuis destitutae: Quare lacte nostro nutriuntur isti et lanis operiuntur, gregem autem nostrum non pascunt nec per se, nec per alios? Et justa videtur oratio eorum..

  A023002021 

 Quominus autem id fiat causa haec est: plerumque semper illorum locorum decimae ad Abbates et Monasteria spectant, quibus scilicet tunc attribuebantur, cum promptuaria spiritualia Monasteriorum plena essent, eructantia ex hoc in illud, et monachi, velut oves fætosæ, abundarent in egressibus suis.

  A023002022 

 Ubi appuli, statim ad [330] me clamores undique, a viris a mulieribus, a majoribus a minoribus: Quid est quod jura ecclesiastica omnia servamus, decimas ac primitias persolvimus, et nullus nobis pastor conceditur, sed sumus sicut arietes non invenientes pascua? Nimirum ab Abbate propinquiori omnia percipiebantur..

  A023002022 

 Vidi ego et visitavi parrochialem ecclesiam in altissimo [329] monte positam, ad quam nemo, nisi pedibus ac manibus reptans, accedere queat, per sex milliaria Italica distantem ab alia ecclesia, cujus pastor unicus et solus utramque regebat, ac in utraque singulis Dominicis diebus Missam celebrabat, quo labore, quo periculo, quo dedecore non est quod dicam, praesertim hieme, cum omnia glacie ac nive istis in partibus sint obruta.

  A023002023 

 Et quidem Episcoporum est in his decernere quid expediat; sed hoc vix fieri potest.

  A023002027 

 Et quidem, quod ad illas attinet, quae a Bernensibus occupantur, nihil sperandum est donec urbs ipsa Bernensis in ordinem redigatur..

  A023002028 

 Quod autem spectat ad alias quae a Rege Christianissimo possidentur, [recte quidem ipse Rex semper sperare jubet, et ejus jussu hactenus toto quadriennio speravi; sed nunc deficiunt propemodum oculi mei in ejus eloqium [332], dicentes: Quando consolabitur me? Hac de re tota scientissimus est Illustrissimus Cardinalis del Bufalo qui dum Sanctae Sedis Nuntius esset in Gallia, maxima contentione, pro suo erga Dei gloriam zelo, conatus est Regem adducere, ut nobis in illis parrochiis idem jus faceret ecclesiastica bona recipiendi ac, quod caput est, catholicae [333] religionis munera obeundi, quod alibi toto regno caeteris Episcopis ac clericis constitutum est.].

  A023002029 

 De Geneva autem nihil addam, cum enim quod Roma est Angelis et Catholicis, illa sit idem diabolis et haereticis.

  A023002029 

 Omnibus qui romanam, id est orthodoxam fidem colunt, ac maxime Summi Pontificis et Principum curae, ut scilicet aut evertatur Babilon illa, aut convertatur, sed magis ut convertatur et vivat, laudetque viventem in secula seculorum..

  A023002041 

 Cependant, jusqu'ici c'est en vain qu'on a travaillé à son érection.

  A023002041 

 La mense épiscopale, en effet, est trop faible pour qu'on puisse rien en retrancher; la mense capitulaire est très pauvre et ne suffit pas à nourrir les chanoines, comme d'ailleurs les autres églises collégiales.

  A023002049 

 Aussi font-ils blasphémer les ennemis de Dieu, qui disent chaque jour: Où est donc le Dieu de ces gens? [325].

  A023002049 

 Chez tous les autres l'argent s'est changé en scorie et le vin a été mêlé d'eau, bien plus, s'est transformé en venin.

  A023002049 

 Il est surprenant de voir à quel point la discipline régulière est partout ruinée dans les abbayes et prieurés de ce diocèse (j'excepte les Chartreux et les Mendiants).

  A023002050 

 Le premier remède est très facile; le troisième est très utile et, vu les besoins de cette province, serait excellent pour procurer la plus grande gloire de Dieu; le second est très difficile et très incertain, car ce qui s'obtient par la force est presque comme n'existant pas..

  A023002055 

 Elles se trouvent, en effet, obligées de se confesser toujours à un seul et même confesseur, et il ne leur est jamais loisible de demander le ministère d'un autre: avec quel danger pour les âmes, je l'ignore, Dieu le sait..

  A023002060 

 Le diocèse de Genève est situé au milieu de très hautes montagnes, dont cependant les sommets et les escarpements sont semés le plus souvent de villages renfermant des familles très nombreuses.

  A023002062 

 Or, un seul et unique curé administrait les deux églises et célébrait la Messe aux jours de fête dans l'une et l'autre, au prix de quelle peine, de quel péril, de quelle inconvenance, je n'ai pas à le dire, surtout l'hiver, lorsque tout est couvert de glace et de neige dans ces parages.

  A023002063 

 Plût à Dieu qu'un Visiteur Apostolique, fidèle et prudent, pût venir donner à toutes les églises, comme à autant de familles, la mesure de froment qui est nécessaire à chacune!.

  A023002063 

 Sans doute, c'est aux Evêques à décider ce qu'il y a à faire dans ces cas; mais cela ne peut presque se réaliser.

  A023002068 

 Pour ce qui regarde les autres qui sont en la possession du Roi Très Chrétien, [avec raison le Roi lui-même ordonne de toujours espérer, et sur son ordre j'ai espéré pendant quatre longues années; mais mes yeux commencent à se lasser d'attendre sa parole, et [332] disent; Quand me consolera-t-il? Au sujet de toute cette affaire, le très docte et Illustrissime cardinal del Bufalo, étant Nonce du Saint-Siège en France, poussé par son zèle pour la gloire de Dieu, a fait les plus grands efforts pour amener le Roi à établir pour nous, dans les églises en question, le même droit d'entrer en possession des biens ecclésiastiques et, ce qui est le principal, de [333] remplir les fonctions de la religion catholique, qui a été établi dans tout le reste du royaume en faveur des Evêques et des clercs (*).].

  A023002069 

 Je n'ajouterai rien au sujet de Genève, car ce que Rome est pour les Anges et les Catholiques, Genève l'est pour le diable et les hérétiques.

  A023002069 

 Que tous ceux qui professent la foi romaine, c'est-à-dire la foi orthodoxe, que surtout le Souverain Pontife et les princes aient à cœur que cette Babylone ou soit détruite, ou se convertisse, mais plutôt qu'elle se convertisse et vive, et qu'elle loue Celui qui vit aux siècles des siècles..

  A023002090 

 Remanent itaque, deductis praedictis necessariis expensis, circiter floreni ad septem millia pro Episcopi sustentatione, id est, nummi aurei circiter..........................860.

  A023002092 

 Sed rursus notandum est, quod si vel hieme nimio, vel aestu vehementiori, vel tempestate, vel peste, arva et agri vel laedantur vel inculta remaneant, tunc minuuntur quidem census Episcopi, sed non onera, quae tunc temporis maxime potius augentur, nisi velit esse crudehor struthione in deserto.

  A023002092 

 Si htibus jus Ecclesiae prosequendum, id omne Episcopi expensis fit ut par est..

  A023002094 

 Quare, cum jure merito sacratissimum Concilium Tridentinum [337] censuerit, nullam imponi debere pensionem Episcopis quorum mensae valorem annuum mille ducatorum non excederent, aequum sane non est ut Episcopus Gebennensis decimae solutione gravetur, quandoquidem,.

  A023002114 

 Item, outre les aumônes spontanées et à la volonté de l'Evêque, celui-ci est tenu de par la coutume, de partager aux mendiants chaque semaine au moins un quart de froment; or, le total du froment annuellement distribué monte environ à florins........................150 [336].

  A023002117 

 Il reste donc, une fois prélevé les dépenses nécessaires susdites, environ sept mille florins pour l'entretien de l'Evêque, c'est-à-dire environ, en écus d'or..................860.

  A023002120 

 Tout cela est exactement vrai: je n'affirme que ce qui est connu et appuyé sur les meilleures preuves..

  A023002121 

 Aussi, le très saint Concile de Trente ayant décidé qu'aucune [337] pension ne devait être imposée aux Evêques dont la mense n'excéderait pas la valeur de mille ducats par an, il n'est pas équitable que l'Evêque de Genève soit obligé à payer un droit de décime, posé que..

  A023002122 

 Si dorénavant on enlève à celui qui est dépourvu même ce qu'il a, non seulement l'administration publique ecclésiastique sera conservée plus difficilement dans ce diocèse, mais elle se verra forcée à tomber tout à fait, à moins que Dieu ne daigne de nouveau accorder sa manne céleste à ceux qui manqueront de la farine d'Egypte..

  A023002131 

 Ayans receu la Bulle du Jubilé, delaquelle le present Sommaire est extrait, Nous vous commandons et ordonnons de le publier, en toutes vos eglises, aux peuples qui vous sont commis, vous res-jouissans mesme de Nostre part avec eux de cette grande commodité quilz auront de proffiter spirituellement, recueillans avec devotion et charité les graces qui si liberalement leur sont departies en leur propre diocaese.

  A023002189 

 Encor qu'entre tant de perfections desquelles Dieu a comblé les ancestres de Vostre Altesse, il soit malayse de discerner celle qui tient le premier rang, si est ce que la pieté envers Dieu presente un esclat si particulier et si signalé entre toutes, qu'il donne toute asseurance aux tres humbles et tres obeissans orateurs de Vostre Altesse, Philibert, Evesque de Maurienne, François, Evesque de Geneve, supplians, tant a leur nom que de leur clergé, et aux autres ecclesiastiques soubsignés, de luy remonstrer:.

  A023002191 

 C'est pourquoy les susditz ecclesiastiques la supplient? tres humblement de les relever de tant d'ennuis par une favorable, mais tres juste et tres equitable declaration, suyvant les Articles ci jointz, affin qu'avec plus de tranquillité ilz puissent s'acquitter de leurs devoirs spirituelz envers Dieu et le peuple; continuant d'implorer la souveraine bonté de Dieu pour la prosperité et benediction de la couronne de Vostre Altesse, laquelle ne les obligera pas moins en la grace qu'Elle leur fera de les rendre paysibles en la jouissance de leurs revenuz, que ses Serenissimes praedecesseurs ont fait leur en donnant les droitz et tiltres..

  A023002207 

 D'autant que les dismes et premices doivent estre payees a l'Eglise, tant par disposition du droict divin que humain, et neanmoins, a tous propos et contre toutes les raysons, les payemens d'icelles sont differés, evités et empeschés par mille sortes de subterfuges que la longueur des proces fournit: playse a Son Altesse d'ordonner a ses magistratz, entant que de leur connoissance et ïurisdiction, pourvoir a ce que, sans difficulté ni dilation, lesdittes dismes et premices soyent payees aux ecclesiastiques, au moins par provision, moyennant bonne et suffisante caution de rendre le tout, avec despens, dommages et interestz, s'il est dit en fin de cause..

  A023002227 

 Rivulorum enim originem a civitate trahentium praecisionem, non civibus inclusis, sed potius hostibus exclusis, non obsessis, sed obsidentibus, aquarum copiam intercidere et auferre manifestum est..

  A023002227 

 Verum, quoniam Ecclesia, non extra muros, sed in medio sui Sanctum habet Spiritum, fortem illum videhcet aquarum viventium fontem, qui inde per Sacramenta in animos fidelium defluit, propterea de hac nostra Christianorum Bethulia, siti premenda vel ad deditionem cogenda, frustra et puerihter ab hsereticis cogitatum, dehberatum et tentatum est.

  A023002228 

 Quin etiam quo vehementiori conatu ac uberiore intemperantia in Sacramentorum numerum, dignitatem, cultumve hostes Ecclesiae aciem converterunt, eo fortius ac firmius, pro sacro illo septenario numero, pro rituum religiosa solemnitate, ac rerum sacramentahum sanctitate, ab omnibus primum Antistibus in augustissimo Concilio Tridentino conjunctim, deinde etiam a plerisque fere omnibus [351] in suis provinciis seorsim, majore semper alacritate certatum est..

  A023002229 

 Quamvis enim inter populares nostros nemo palam haeresim profiteretur, aliqui tamen haeresis crimen non ita ut par est execrandum existimabant: homines non frigidi quidem, sed certe neque etiam calidi in fide; pauci quoque aliquot scioh, rerum literarumque humaniorum spectatores, ritus catholicos non sane damnare, sed tamen ad censuram et in discrimen suo judicio examinandos revocare contendebant.

  A023002230 

 Parrochiales ecclesias per concursum conferendi, ex ejusdem Concilii decreto, quo nihil utilius, nihil sanctius excogitari poterat, saluberrimum morem, primus omnium in istis provinciis Gallicis, amplexus est, aliisque Praesulibus exemplum dedit, ut quemadmodum ille fecerat, ita et ipsi facerent.

  A023002230 

 Porro igitur, ecce successit in ejus locum Claudius de Granier, vir dilectus Deo et hominibus, cujus memoria in benedictione est, quemque, propter veritatem, et mansuetudinem et pietatem, mirabiliter deduxit dextera Excelsi, similem illum faciens in gloria sanctorum ut honestaret eum in laboribus et impleret labores illius; huic enim praestantissimo Praesuli, quicquid propemodum in hac diaecesi non poenitendum videmus, nos ingenue [353] acceptum ferre justum est.

  A023002232 

 At enim, quia propemodum ultimo suo aetatis decennio, partim bellorum cladibus, partim variis ecclesiis restituendis multisque haereticorum millibus ad poenitentiam per se suosque reducendis (quos deinde flenti Matri Ecclesiae, tanquam filios redivivos, reddidit), fractus, occupatus, impeditus, interim dum editio Ritualis differtur, maximum omnibus bonis sui desiderium relinquens, ipse nobis aufertur, et in Caelos, uti sperandum est, effertur.

  A023002243 

 Ce qu'Holopherne imagina, Frères très chers, lorsqu'il assiégeait Béthulie et qu'il fit couper et occuper de toutes parts son aqueduc et toutes ses fontaines, afin qu'il ne restât pas la moindre goutte d'eau pouvant étancher la soif des assiégés: c'est ce que reproduisent tous les hérétiques qui combattent l'Eglise, surtout ceux de notre temps.

  A023002244 

 En effet, couper des ruisseaux qui tirent leur origine de la ville elle-même, c'est manifestement priver d'eau, non les citoyens enfermés, mais bien plutôt les ennemis qui se tiennent au dehors, non les assiégés, mais les assiégeants..

  A023002244 

 Mais l'Eglise possédant, non hors de ses murs, mais au milieu d'elle-même le Saint-Esprit, cette source abondante d'eaux vivifiantes qui, par les Sacrements, se répand dans les âmes des fidèles, c'est chose vaine et puérile de la part des hérétiques d'avoir imaginé, délibéré et tenté de prendre par la soif et de réduire à discrétion la Béthulie des chrétiens.

  A023002246 

 Quoique, en effet, parmi nos populations, personne ne professât ouvertement l'hérésie, quelques-uns toutefois ne jugeaient pas le crime d'hérésie aussi exécrable qu'il l'est en réalité: hommes non pas froids à l'égard de la foi, il est vrai, mais sans doute non plus bien chauds.

  A023002247 

 C'est lui qui introduisit dans toutes les églises du diocèse, avec autant de douceur que d'efficacité, les prières et Offices ecclésiastiques corrigés selon les prescriptions du Concile de Trente.

  A023002247 

 C'est lui qui, le premier dans nos provinces françaises, adopta la coutume, on ne peut plus utile et sainte, et prescrite par le même Concile, de conférer les églises paroissiales au concours: il donna ainsi l'exemple aux autres Evêques, afin que, comme il avait fait, ils fissent aussi eux-mêmes.

  A023002247 

 En effet, tout ce que nous voyons dans ce diocèse qui ne soit pas à regretter, tout [353] cela à peu près, il est juste que nous le reportions avec simplicité à ce remarquable Prélat.

  A023002247 

 Mais voici que lui succède Claude de Granier, homme cher à Dieu et aux hommes, dont la mémoire est en bénédiction; homme que la droite du Très-Haut conduisit d'une manière admirable à cause de son amour de la vérité, de sa douceur et de sa piété, lui faisant partager la gloire des saints, afin de l'enrichir dans ses pénibles labeurs et de faire fructifier ses travaux.

  A023002249 

 C'est pourquoi Nous, qui Nous estimerons très heureux, non seulement d'avoir remplacé un tel Père dans sa charge, mais de Nous montrer son successeur et imitateur dans la façon dont Nous la remplirons, Nous vous présentons enfin cette édition du Rituel qu'il avait lui-même grandement souhaitée..

  A023002249 

 Sur ces entrefaites, pendant que se différait l'édition du Rituel, notre Evêque, au très grand regret de tous les bons, nous est enlevé et, comme il faut l'espérer, [355] élevé au Ciel.

  A023002250 

 Ensuite, de tous les exemplaires qu'il Nous fut possible de consulter, Nous avons de ci et de là tiré différentes règles et de nombreux enseignements qui fourniront une ample lumière aux curés et à leurs vicaires sur l'exercice bien réglé de leurs fonctions; c'est ainsi que, à l'exemple des abeilles, Nous avons, de diverses fleurs, amassé le miel dans notre ruche.

  A023002250 

 Est aussi ajouté un Calendrier [356], où sont notés les fêtes et Offices établis et reçus dans Notre diocèse, soit par la coutume ancienne, soit par les récentes Constitutions synodales.

  A023002293 

 Die 2 Augusti, SS. Machabeorum, Martyrum, quorum festum, ob Ecclesiae cathedralis Patroni solemnia, translatum est ex prima die in sequentem.

  A023002294 

 Die 16 Augusti, festum S. Theoduli, Episcopi et Confessoris, qui Ecclesiae Sedunensi, nobis finitimae, miram spirans vitae sanctimoniam, foelicissime praefuit, cujusque memoria, propter miraculorum frequentiam, ubique in his regionibus celeberrima est..

  A023002319 

 Singulis porro diebus jovis, extra tempus Quadragesimale, Adventus et vigiliarum, si nullum occurrat festum [364] duplex sive semiduplex, fit Officium semiduplex de Sanctissimo Eucharistiae Sacramento, cujus cum adoratio ab haereticis per summam perfidiam irrideatur, consonum est ut in hac maxime diaecesi, quanta fieri poterit maxima devotione, celebretur..

  A023002331 

 Le 1 er février, fête de sainte Brigitte, vierge; double, et la fête de saint Ignace est transférée au premier jour non empêché par une fête de neuf leçons..

  A023002337 

 Semi-double, mais qui, à cause de la fête des saints martyrs Sotère et Caïus, est transféré au premier jour non empêché par un double ou un semi-double..

  A023002359 

 Et le jour octaval, la fête de saint Cyriaque et de ses Compagnons est transférée au jour suivant, avec mémoire de la vigile et de saint Romain..

  A023002361 

 Le 16 août, fête de saint Théodule, évêque et confesseur, qui gouverna très heureusement l'Eglise voisine de Sion en répandant une merveilleuse odeur de sainteté, et dont la mémoire, à cause de la multitude de ses miracles, est très célèbre partout dans nos contrées..

  A023002392 

 C'est pourquoy la sainte Eglise, fondee sur les divines promesses et coustumes apostoliques, a tres bien ordonné qu'es saintz jours de Dimanches et festes nous nous assemblions en l'eglise, laquelle a esté appellee par Nostre Seigneur mayson de Dieu et de priere.

  A023002392 

 Et c'est pour, en icelle, celebrer le tressaint Sacrifice de la Messe, auquel nostre Sauveur, par les mains des prestres, s'offre et presente reellement, sous les especes de pain et de vin, a Dieu son Pere eternel, pour hostie et offrande vivante, en remembrance et commemoration de sa Mort et Passion; affin que, par ce divin Sacrifice, nous fassions hommage, reconnoissance et action de graces a Dieu nostre Createur de tous nos biens et personnes, et qu'en vertu d'iceluy nos prieres soyent encor plus aggreables devant le throsne de sa divine Bonté..

  A023002392 

 Peuple chrestien, encor que nostre bon Dieu exauce [365] toutes les prieres qui luy sont devotement presentees au nom de Jesus Christ son Filz, toutesfois il s'est reservé des lieux et des jours esquelz il veut estre plus particulierement servi et invoqué; comme aussi en iceux il reçoit plus favorablement nos requestes.

  A023002402 

 Davantage, s'il est ainsy que nostre Sauveur prevoyant la ruine de Hierusalem pleura sur icelle, nous devons deplorer et regretter de tout nostre cœur la perdition des pauvres ames des infideles, schismatiques, desvoyés et faux chrestiens, qui se font un thresor de l'ire de Dieu pour le jour de son courroux, a ce qu'il luy playse les esclairer de sa sainte grace et verité..

  A023002403 

 De plus, Nostre Seigneur reputant estre fait a soy ce qui est fait au moindre des siens, nous prierons pour tous les pauvres affligés et necessiteux, pour les vefves, orphelins, malades, prisonniers, pelerins, et generalement pour tous ceux qui sont en tribulation et adversité, affin qu'il playse au Pere des misericordes et de toutes consolations de les assister de son Saint Esprit, affin que, recevans leur affliction en humilité, ilz puissent posseder leurs ames en patience..

  A023002410 

 Finalement, puisque la Sainte Escriture tesmoigne et l'Eglise a tous-jours creu que c'est une sainte et salutaire pensee de prier pour les fidelles trespassés, nous prierons pour nos peres, meres, freres, parens et amis et tous autres fidelles decedés, et en particulier pour ceux desquelz les cors reposent en cette eglise ou cimetiere, et tous bienfacteurs d'icelle (et mesme pour tel N. ou telle N.), lesquelz estans trespassés au giron de l'Eglise, sont et seront tous-jours ses enfans, appartenans a un mesme Royaume de Jesus Christ et membres d'un mesme cors avec nous; affin que, s'ilz estoyent detenus en quelque peyne, il playse a Dieu les en retirer et les colloquer au repos eternel..

  A023002413 

 Pater noster, [etc.] C'est a dire:.

  A023002416 

 Ave, Maria, gratia plena, [etc.] C'est a dire:.

  A023002417 

 Je vous salue Marie, pleine de grace, le Seigneur est avec vous; vous estes benite entre les femmes et benit est le fruit de vostre ventre, JESUS. Sainte Marie, Mere de Dieu, pries pour nous pecheurs, maintenant et a l'heure de nostre mort.

  A023002418 

 De plus, parce que non seulement nos prieres, mais aussi toutes nos actions doivent estre fondees en la vraye foy, sans laquelle, comme dit l'Escriture, il est impossible de plaire a Dieu, nous ferons generale protestation de vouloir vivre et mourir en la foy de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, par le recit du Symbole des Apostres, disans:.

  A023002419 

 Credo in Deum Patrem omnipotentem, [etc.] C'est a dire:.

  A023002421 

 C'est a dire:.

  A023002422 

 Benisses le Seigneur, ains plustost, que le Seigneur nous benisse, et que, tant nous que tout ce qui est pour nostre usage, soit beni par la dextre de Jesus Christ.

  A023002423 

 Encores est il requis sur toutes choses au vray chrestien d'observer la volonté de Dieu pour parvenir a la vie eternelle, la foy sans les œuvres estant morte, comme dit saint Jaques Oyes donq avec reverence les Commandemens de Dieu, pour les apprendre et garder de point en point, moyennant sa sainte grace..

  A023002426 

 (Quelquefois se pourront dire les Commandemens comme dessus est escrit, et d'autres fois comme s'ensuit:).

  A023002429 

 Or, non seulement Dieu veut estre ouy et obey, mays aussi il veut que l'Eglise soit escoutee et obeye, a peyne, pour ceux qui font au contraire, d'estre reputés devant luy pour infidelles, payens et publicains, ne pouvant «avoir Dieu pour Pere, qui n'aura l'Eglise pour Mere.» Vous apprendres donq ses Commandemens et les garderes de bon cœur; c'est a sçavoir:.

  A023002433 

 S'il y a quelque feste de devotion, il dira: Vous aves (tel jour) la feste de N., laquelle n'est pas de commandement, mays seulement de devotion, pour ceux qui la voudront garder..

  A023002454 

 Laquelle ordonnance ayant des long tems esté publiee par tout ce diocese, vous est maintenant derechef declairee, publiee et annoncee, affin que nul n'en pretende cause d'ignorance..

  A023002460 

 Parce que l'Eglise nous propose aujourd'huy en l'Escriture de l'Evangilement de Baptesme, et que d'ailleurs chaque fidelle peut et doit l'administrer en cas d'extreme necessité, partant vous deves sçavoir qu'en ce cas la d'extreme necessité, c'est a dire quand il y a danger que la creature qui doit estre baptizee ne meure promptement, il suffit de prendre de l'eau naturelle et commune, et la respandre sur l'enfant en telle sorte qu'elle le touche, en disant ces paroles: Je te baptize au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit..

  A023002466 

 Et parce que ce saint tems est sayson de la cueillette spirituelle des bonnes œuvres, on vous exhorte au nom de Dieu de vacquer plus soigneusement a prieres, aumosnes et penitences, en vous preparant de faire la sainte Confession et Communion de Pasques, a la gloire de Dieu et salut de vos ames..

  A023002559 

 Au reste, est defendu a tous curés et vicayres de ne publier au Prosne et solemnité de la sainte Messe aucune chose profane, comme venditions, accensemens de biens, payement de tailles, ou servis, et autres choses semblables; ains seulement ce qui concernera le service de Dieu et de son Eglise, comme festes, jeusnes, processions et autres commandemens qui viennent de la part de Monseigneur le Reverendissime..

  A023002643 

 Mirum quam dissipata sit omnium Regularium disciplina (Chartusianos et Mendicantes excipio), ut eorum [383] argentum versum sit in scotiam; unde blasphematur nomen Domini propter eos ab haereticis, d um dicunt per singulos dies: Ubi est Deus istorum?.

  A023002645 

 Atque jam ita ceptum est fieri in monasterio Abundantiae, in quo Fullienses, in locum Canonicorum regularium, suffecti simt..

  A023002646 

 Cur ergo isti non mutentur in seculares, Reipublicae Christianae longe utiliores? Eo etiam maxime quod magna copia est in hac Sabaudia nobilium hominum qui censibus idoneis carent, quorum filiis qui ecclesiasticam professionem sequuntur, hoc modo commode provideri posset.

  A023002648 

 Etsi vero Monasterium de Six et de Pellionnex ab Ordinario visitetur, cui antiquo jure subjacet (licet hactenus vix obedire voluerint), nihil tamen a Nobis cum illis actum est, quia Regula et Constitutionibus carent, et satis modeste se gerunt quod ad clericalem professionem attinet; itaque, visitari ab alio Visitatore deberent..

  A023002649 

 Sed, ut verum fatear, primum et secundum remedium [386] utilissima futura sunt, nam hoc tertium difficillimum est et incertissimum; nam quod vi fit, vix fit..

  A023002659 

 C'est pourquoi le nom du Seigneur est blasphémé à cause d'eux chez les [383] hérétiques, qui disent chaque jour: Où est donc le Dieu de ces gens-là?.

  A023002659 

 Il est surprenant de voir jusqu'à quel point la discipline de tous les Réguliers (j'excepte les Chartreux et les Mendiants) est détruite, en sorte que l'argent, chez eux, a été changé en scorie.

  A023002661 

 C'est ce qui a déjà commencé à se faire au monastère d'Abondance, où les Feuillants ont été substitués aux Chanoines réguliers..

  A023002663 

 Mais il ne conviendrait pas du tout qu'une telle visite fût faite par les Supérieurs de leurs Ordres; car les moines et les Abbés de Cluny, de Savigny et de Saint-Ruf ne savent pas même ce que c'est que réforme.

  A023002664 

 Pour ce qui est des monastères de Chanoines réguliers de ces régions, ils n'appartiennent à aucune Congrégation, ne célèbrent aucun Chapitre, ne sont soumis à aucune visite ni à aucune Règle.

  A023002665 

 J'avoue que le premier et le second remèdes semblent devoir être très utiles, tandis que le troisième est très difficile et très [386] incertain; car ce qui s'obtient par la force est presque comme n'existant pas..

  A023002666 

 Quant aux Religieuses, les deux Monastères de Clarisses marchent fort bien, et je n'y vois rien à désirer si ce n'est qu'il soit donné aux Religieuses le secours que le saint Concile de Trente, non sans être inspiré de l'Esprit-Saint, leur a accordé et a voulu qu'on leur donnât: à savoir, qu'au moins trois fois par an un confesseur extraordinaire leur soit envoyé.

  A023002705 

 Ceux qui doresnavant vouldront estre promeus aux Ordres sacrés se presenteront, en suitte de l'ordonnance du sainct et sacré Concile de Trente, avec bon et suffisant tiltre; lequel ne sera estimé tel s'il n'est au moins de six vingt florins, et sil n'est faict et stipulé en la presence du Surveillant.

  A023002717 

 Ce qui se fera precisement dans le temps qui est entre Pasques et Pentecoste, et dans la quinzaine suivante lesditz distributeurs envoyeront a nostre Vicaire general le rooïïe de ceux qui ne les auront prises.

  A023002810 

 Il est raysonnable de remettre le soin d'une [charge] a celuy qui en peut le moins abuser; et si j'avois de la [398] creance pres les grans, je prefererois la conscience a la science et a la qualité de la mayson; aucun n'auroit charge dans l'Eglise, qui ne fust deschargé des vices qui l'ont esbranlee.

  A023002811 

 Ceux qui dient qu'il faut remplir les sieges vacans et donner leurs places aux doctes, n'en disent pas asses s'ilz n'y adjoustent: et humbles; car la science enfle et ne doit estre estimee qu'autant qu'elle est fructueuse a salut..

  A023002812 

 Il y a bien des degrés auparavant que d'entrer au cabinet de la vraye doctrine: il faut passer par devant ceux qui veulent sçavoir pour sçavoir, et qu'on appelle curieux; de la, venir a ceux qui veulent sçavoir pour paroistre sçavans, et qu'on nomme vains; par apres, a ceux qui veulent sçavoir pour tirer la science a leur usage et a leur commodité, et qu'on peut estimer avaricieux; et puis, monter a ceux qui veulent sçavoir pour edifier, et c'est la qu'est la charité.

  A023002812 

 Mais le [plus haut] point est a vouloir sçavoir pour estre edifié, car c'est la le cabinet de la vraye science..

  A023002814 

 C'est que les bons curés ne sont pas moins necessaires que les bons Evesques, et les Evesques travaillent en vain s'ilz ne sont soigneux de pourvoir leurs eglises parroissiales de curés devotz, de vie exemplaire et de suffisante doctrine, parce que ce sont les pasteurs immediatz qui doivent marcher devant les brebis, leur enseigner le chemin du Ciel et leur donner l'exemple qu'elles doivent suivre.

  A023002825 

 L'Office des mortz ne se doibt fere les jours de Dimenche; neantmoins cela est toleré pour eviter a scandale et ne lever la devotion des gentz..

  A023002833 

 Plus est inhibé a tous curés et exorcistes de ne exorciser aucune femme sans Nostre permission, ou de nostre Vicaire, dans leur cure, sinon publiquement dans l'eglise, ni les tenir dans leur cure; pareillement, ne fere aucune peregrination avec lesdictes femmes: a peyne de vingt cinq livres et autre peyne arbitraire..

  A023002837 

 Et par ce quil Nous est venu a notice que, en plusieurs endroictz et parroches de ceste diocese, la coustume est que ensepvelissant les [404] decedés, de mettre ung linceul sus les corps d'iceulz et de se servir d'un linceul honneste, lequel les curés ne perçoipvent, mais appartient [aux héritiers]: affin que l'honneur deubt et service soit faict avec la decence requise, a esté ordonné quil ne sera plus exigé par cy apres pour ledict linceul sinon six florins, et pour le couvre-chief accoustumé mettre sus les petitz enfans, deux florins seulement..

  A023002841 

 Est touttesfois ordonné que le curé sera tenu de donner deux chandoilles pour les pauvres..

  A023002842 

 Plus a esté ordonné que la feste de sainct Pierre ad vincula, avec l'octave, seront celebrees par toute la diocese; ensemble, le jour de la Dedicasse le jour qu'elle tombera, qu'est le huictiesme d'octobre..

  A023002855 

 Est aussy inhibé et defendu a tous curés, vicaires et autres prebstres de ne baptizer avec cerimonies dans les maisons; a la mesme peyne que dessus..

  A023002863 

 Et affin que tous confesseurs puissent sçavoir comme ilz se pourront compourter pour les cas de conscience, l'on fait sçavoir que tous les quatriesme jours du mois l'on s'assemblera en ceste ville, si ce n'est jour de feste, pour decider des questions occurrentes; ceulx qui ne pourront y assister, ilz pourront mander par missive..

  A023002873 

 Plus a esté dict et ordonné que aucun Monitoire apostillé ne sera publié par aucun curé; lesquelz Monitoires les impetrantz d'iceulx seront tenus aporter au paravant la Messe: autrement, la publication sera diferee au prochain Dimenche par ledict curé, auquel est inhibé que pour la publication d'iceulx, ny pour autres offices pastoraulx quelz qu'ils soyent, ilz n'en prennent aucune chose, sinon que ilz fussent requis se transporter par les maisons..

  A023002874 

 Ausquelz curés est faicte injunction de porter habit decent, et la barbe selon leur qualité ecclesiastique..

  A023002875 

 Est inhibé de ne frequenter jeux publics, tavernes, sous les peynes pourtees par nos precedentes Constitutions sinodales, et ne travailler de labeurs rustiques [publiquement.].

  A023002878 

 Et de comparoir toutes les annees au Sinode et appourter les quattre livres que leur [est] commandé de fere; iceulx remettre par devers le greffe, a peyne de l'amende de dix livres.

  A023002879 

 Et si, est de rechiefz inhibé et defendu de n'intenter aucun proces sans le sceu et advis de leurs Survelliantz, a la mesme [peine] que dessus, suyvant nos precedentes Sinodales..

  A023002881 

 Est ordonné ne recepvoir a confesse et a la saincte Communion ceulx qui vont a Geneve et mangent le vendredy et sammedy de la chair, prennent la Cene et font autres actes par lesquelz ilz renoncent purement a nostre religion [catholique]; et ne seront neantmoins refusés ceulx qui, par necessité, se transportent a Geneve et travaillient les jours de feste, et ne sont obligés icelles observer, en cas de necessité..

  A023002901 

 Sur la plaincte a Nous faicte que aucuns curés prennent argent pour publier mariages et Monitoires, des a present il est inhibé a tous curés que, pour publication de mariages ou Monitoire, il n'en soit prins aucun argent; a peyne de vingt cinq livres et autre plus grande, sil y eschoit..

  A023002902 

 Et ou ledict Monitoire sera esté refusé de publier, sera mis au pied: «N'a esté publié par ce que l'impetrant ne s'est purgé par serment.».

  A023002907 

 Ausquelz Surveilliantz est permis donner a leurs parrochains, en cas de necessité seulement, permission par escrit de pouvoir travallier, et defendu de ny commettre aucun abus; qui n'en pourront estre recherchés aucunement.

  A023002907 

 Et touttesfois, leur est commandé de fere inhibition a leurs parrochains de prevariquer les festes locales et de les interrompre..

  A023002908 

 Puisque par Nos Sinodales cy devant faictes estoit inhibé a [411] tous prebstres ne tenir femmes suspectes, est derechef inhibé de ne tenir femme, sinon que ce soit mere, bellemere, tante, seur; a peyne d'estre chastié rigoureusement..

  A023002910 

 Si est commandé a tous curés de ce diocese ayant leur esglise propre, d'enseigner le Cathechisme aux enfans; a peyne de dix livres, et a Nos officiers d'y tenir main..

  A023002912 

 Ausquelz curés est inhibé de ne recepvoir aucunes patentes de passagiers, qui soient trassees, rompues et deschirees..

  A023002921 

 Et neantmoins, faisant droict sur les requisitions dudict Procureur fiscal, a dict et ordonné que tous curés seront tenus de comparoir au Sinode par cy apres et donner leur nom, payer deux solz; a peyne de l'amende de dix livres, laquelle est declaree contre chacun contrevenant et defaillant..

  A023002924 

 Ausquelz [curés] est inhibé de ne dispenser en façon que soit, sinon aux Survelliantz, ausquelz Nous avons permis de pouvoir dispenser..

  A023002929 

 Pour eviter aux contestes des fruictz des benefices a qui doibvent appertenir, est declaré que la prise de tout benefice commence a la feste de sainct [Jean] Baptiste et finissent ( sic ) a l'autre sainct Jehan suivant; et s'adjugeront ad ratam temporis..

  A023002932 

 Quand l'on assiste au Baptesme, se contracte affinité; et si c'est en necessité, ny a poinct d'affinité, laquelle survenant, l'Evesque en peut dispenser.

  A023002932 

 Tous curés ministrantz le sainct Sacrement de Baptesme escripront le jour de la nativité par cy apres; ausquelz est defendu de ne baptizer solemnellement dans les maisons, a peyne d'irregularité.

  A023002933 

 Tous curés sont exhortés de celebrer et de conferer le Sacrement de Mariage le mattin, affin que l'on puisse [donner] la benediction matrimoniale, quoy qu'il est loisible le conferer a toutte heure; que si viennent le soir, de les exhorter de venir le mattin..

  A023002948 

 Item, est inhibé a tous prebstres de ne administrer aucun Sacrement sans permission des curés ou leurs vicaires..

  A023002949 

 Item, est inhibé a tous ne se confesser allieurs [à Pâques] sans permission de leur curé; et ou ilz se confesseront, en rapporter attestation..

  A023002951 

 Et n'est loisible a aucun curé ou prebstre pour ouyr confession [414] prendre aucune sorte d'argent, sinon [ce] qui leur sera ballié par voye d'aulmone..

  A023002964 

 Ledict Rituel a l'usage de Rome, auquel est contenu un Calendrier ou sont des estoilles pour monstrer les festes que doibvent estre celebrees..

  A023002967 

 Est inhibé de n'en prendre rien, sinon quil leur sera loisible de dresser un tronc pour y mettre des oblations que leur seront donnees..

  A023002990 

 Est inhibé et defendu a tous curés de ce diocese de n'ouyr en confession, a Pasques, les parrochains d'autre parroche, sans la licence du curé de la parroche de laquelle sont parrochains; et se confessant allieurs, attendu ladicte licence, en seront tenus rapporter attestation..

  A023003001 

 Et finalement a esté ordonné que tous prebstres desirant obtenir admissionem in vicarium se presenteront le premier Dimenche de chacun mois, ou bien, sil est feste solemne, le lendemain..

  A023003011 

 Quant aux Rogations, a esté dict quil les faut fere, car l'on est [obligé de] les fere suivant ce qu'est pourté au Missel; mais non pas fere feste, car il ny a poinct de commandement..

  A023003022 

 Plus, que les flambeaux que seront donnés pour les funerallies des decedés, les heretiers d'iceulx s'en pourront servir pendant l'annee du dueil aux services; laquelle passee, appertiendront a l'eglise en laquelle le corps est enterré, sauf ceux qui sont donnés aux eglises qui accompagnent le corps..

  A023003040 

 Veu les Requeste et Articles cy attachés, a Nous presentés de la part du Clergé de Savoye, et le tout bien consideré, attendu le faict dont il s'agit; de Nostre certaine science et avec l'advis de Nostre Conseil, vous mandons et ordonnons par ces presentes, que, le tout bien et deuement consideré, ayes a pourvoir sur les fins et conclusions desdicts articles le plus promptement que faire se pourra, ainsy et comme verres estre a faire par rayson et justice, vous donnant de ce faire plein pouvoir, authorité, mandement et commission: car tel est Nostre vouloir..


24-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXIV-Vol.3-Opuscules.html
  A024000158 

 I. Mémoire destiné à prouver que l'Evêque de Genève est le seul légitime Prince souverain de la cité et de ses dépendances, [décembre 1601].

  A024000274 

 Verum, cum omnia quæ a Deo sunt ordinata sint (Rom., 13 ), et omnia honeste et secundum ordinem facienda (1. Cor., 14 ), tum maxime id omnino servandum est in Ecclesia sancta Dei, quæ scilicet procedere semper debet ut castrorum est acies ordinata.

  A024000277 

 Cæterum, in gratiam populi, et [ut] ejus devotio[nem] erga ecclesiam parrochialem Sancti Mauritii, quantum in Nobis est promoveamus, censuimus in dicta ecclesia solemne Missæ officium a Nobis ut par est celebrandum, cui respondebunt tum Cathedralis, tum Collegiatæ clerici, et ibidem, ut omnes [ad pro]cessionem ineundam et finiendam conveniant..

  A024000284 

 C'est pourquoi, avant tout, Nous exhortons vivement tous les fidèles des deux sexes, les membres du clergé tant séculier que régulier, de tout Ordre et dignité, d'assister à la procession générale dans laquelle est porté ce Corps redoutable; et même, autant que Nous le pouvons dans le Seigneur, en vertu de la sainte obéissance et sous peine d'excommunication latæ sententiæ (à moins d'empêchement légitime), Nous prescrivons à tous de participer à cette procession solennelle avec les ornements sacrés et la pompe convenable.

  A024000285 

 Pour établir cet ordre il ne faut pas néanmoins s'en rapporter à chacun, mais à cet Esprit qui est répandu dans tout le corps de l'Eglise et qui manifeste ses volontés par les Conciles, surtout par les Conciles généraux, et par les Souverains Pontifes du Siège Apostolique, vicaires de Jésus-Christ..

  A024000286 

 C'est pourquoi Nous, par le présent édit, Nous ordonnons et décrétons ce qui suit: Parmi les ecclésiastiques, viendront en premier lieu les Frères de Saint-François, de l'Ordre des Capucins, puis les Révérends Frères de Saint-François de l'Observance et les Révérends Frères de l'Ordre de Saint-Dominique.

  A024000288 

 D'ailleurs, pour favoriser le peuple, et exciter sa dévotion envers l'église paroissiale de Saint-Maurice autant qu'il est en Notre pouvoir, Nous avons décidé de célébrer dans cette église l'office solennel de la Messe, à laquelle répondront alternativement les membres du clergé de la Cathédrale et de la Collégiale, de telle sorte que là même tous puissent commencer la procession et la finir.

  A024000296 

 Lequel noble Loys de Sales s'est offert d'obeir, et requis copie pour le faire sçavoir a ses confreres, et le tout faict suivant ledict commandement: delaquelle assignation luy ay donné copie en presence de Noel Rogex et François Favre, tesmoins.

  A024000304 

 Cela ne sera pas sans exemple, puisque feu vostre predecesseur (cujus memoria in benedictione est) l'avoit ainsi faict et practiqué anterieurement.

  A024000304 

 Voyant que la feste du (sic) auguste Sacrement de l'hostel est proche, et ayant esté adverty de ce qui est arrivé l'annee passee, que les sieurs Doien et Chanoennes de Nostre Dame furent contrainctz se tenir hors leur cueur en une chappelle, estant leur cueur occupé par vous, Monsieur, et les sieurs Prevost et Chanoennes de vostre Eglise de Sainct Pierre, chose qui pouvoit appourter quelque occasion de plainte et de scandale: cela m'a occasionné de vous fere la presente (puis que l'affaire est sur le poinct d'estre jugé) pour vous prier de leur donner au cueur de leur eglise le cousté gauche, et que, a la Grande Messe, ilz offrent conjoinctement avec les sieurs de vostre Eglise; que marchant processionnellement ledict jour ils ayent pour ce coupt, et sans le tirer en consequence, ilz soient mis a vostre main gauche.

  A024000313 

 Ce qu'estant faict, et icelle missive remise, s'est retiré ledict sieur Prevost, avec les Chanoennes cy apres nommés, en une sale a part, pour remarquer le contenu d'icelle de poinct en poinct, sçavoir: R dz messires Amblard Guilliet, François de Chissé, Estienne de la Combe, Jaques Brunet, Theodore Verhouff, Jaques d'Usillion et Jehan François de Sales de Boysye.

  A024000316 

 A quoy replicquant, ledict sieur Prevost a dict [à] mondict Seignieur: « Il ne conste de la volonté pretendue de mondict Seigneur de Vienne que par une lettre, laquelle ne faict aucune mention des jugemens rendus sur ce faict par sa justice, mesme de la sentence provisionelle rendue l'annee passee en jugement contradictoire a l'encontre desdictz sieurs de Nostre Dame; par vertu de laquelle, vous, Monseigneur, commandates l'ordre qui fust tenu l'annee passee, laquelle sentence, comme dict est, n'a esté infirmee ny revocquee par jugement definitif.

  A024000316 

 Et partant, nous persistons aux fins que ladicte sentence desja executee demeure en sa force et vigueur; vous suppliant, Monseigneur, prendre en la bonne part la remonstrance que vous est faicte, que feu d'heureuse memoire Monseigneur Justiniani, pour avoir commandé semblable meslange que pretendent se debvoir fere lesdictz sieur et Chanoennes avec vostre Eglise et Chappitre, se y pourtant lors pour appellantz, par sentence du Metropolitan telle procedure fust recogneue et decleree nulle et mal faicte, avec despens.

  A024000321 

 « Premierement, il est dict que lesdictz Chanoennes et Doien ont esté contrainctz se tenir hors de leur cueur en une chapelle, estant le cueur occupé par vous, Monseigneur, et les Chanoennes de vostre Eglise.

  A024000326 

 Et par [ce que] lesdictz sieurs Doyen et Chanoennes et Chappitre de Nostre Dame en persistant estre dudict ordre ordonné jouxte et a forme de ladicte missive de mondict Seigneur le R me de Vienne, et respondu ne l'avoir pas poursuivi, mais seulement demandé l'ordre a debvoir tenir en la procession future, et son intention, puis que le proces est pendant par devant luy:.

  A024000328 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par ia grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, ayant ouy les requisitions, responses et repliques des parties sus mentionnees, et principalement ayant consideré que la lettre de Monseigneur le R me Archevesque de Vienne, nostre Metropolitain, ne Nous donne aucun nouveau pouvoir [15] pour contraindre par voye de justice les parties respectivement, pour tenir l'ordre quil desire, et beaucoup moins d'executer nonobstant opposition et appellation; et ayant, entant qu'en Nous est, procuré par voye d'exhortation et de sommation que laditte lettre fust reduitte a son plein et entier effect, ce que n'avons obtenu: apres avoir invoqué l'ayde du Saint Esprit, avons receu et recevons les oppositions et appellations des sieurs Prevost et Chanoynes de Nostre Eglise entant que de droit et de rayson.

  A024000330 

 Si commandons et enjoignons tres expressement, en vertu de la sainte obedience, et ce, sous peyne aux contrevenans, silz sont particuliers, d'excommunication ipso facto incurrendæ, et si c'est un des Cors, d'interdit, d'observer cette presente Nostre ordonnance, laquelle Nous avons declairee executoire, nonobstant opposition et appellation quelcomque..

  A024000350 

 Sur le different et proces meu et pendant indecis par devant le Conseil de Genevois entre les venerables Dames Prieure et Religieuses de la Chartreuse de Melan demanderesses, en possession et jouissance, seu quasi, de prendre et percevoir de tout temps certain disme et nouveletz riere la paroisse de Samoen, comme plus amplement [18] est contenu en leur requeste fondamentale et lettres dudict Conseil, du 23 juin 1606; comparant pour icelles venerable Pere Anthoine Curtet, Chartreux et procureur de ladicte Maison de Melan, assisté de M e Jean Greyffié, procureur audict Conseil et leur procureur, et les R ds sieurs Doyen, Chanoines, Chapitre et Curé de Samoen, defendeurs, comparant pour eux M re François Cornu, Doyen de Samoen:.

  A024000361 

 La susdite sentence arbitrale a esté leue, prononcee et signifiee par moy, scribe soubzsigné dudict President, au V. P. Dom Anthoine Curtet, Chartreux, Procureur en ladicte Maison de Melan, qui y a acquiescé et s'est soubsigné, a Necy, ce dernier jour d'apvril 1610; et le mesme jour a R d messire François Cornu, Doyen de l'eglise collegiale de Samoen, qui a dict quil en vouloit communiquer a son Conseil pour y respondre, et n'a voulu signer..

  A024000369 

 Jurisdictio est penes D. Decanum..

  A024000397 

 Lequel Chapitre en est en paysible et non jamais alteree ni interrompue jouissance, possession et coustume des un tems immemorial, ainsy qu'il conste et appert par plusieurs bons tiltres et documens, et par la continuation de l'usage dudit droit; lequel, comme bon, legitime et solide, et tel reconneu par Nous, non seulement Nous ne voulons en sorte quelconque violer ni contredire, mais plustost, entant qu'en Nous seroit, Nous voudrions maintenir, confirmer et entretenir, selon le devoir que Nous avons a la conservation des droitz, privileges et biens de Nos ditz Eglise et Chapitre..

  A024000414 

 A ceste cause, lesdictz suppliantz recourent tres humblement a Vostre Reverendissime Seigneurie, quil luy plaise les regler en leurs demandes et ordonner ce que raisonnablement leur est deubt ausdictz clercs et maniglier, a cause dudict service; car ilz desirent en tout et par tout de se ranger par la mesure de voz commandementz, ainsy quilz sont voz serviteurs et creatures tres humbles, et tres affectionnez a prier Dieu pour la prosperité de Vostre dicte Reverendissime Seigneurie, de laquelle ilz attendent devotement un tres charitable et equitable office..

  A024000443 

 Comme la meilleure chose qui puisse arriver à l'homme est de chercher, pendant cette vie et pour les nombreux siècles à venir, les moyens les plus propres à s'assurer la vie éternelle: pour cette raison, et aussi poussé par le souvenir affectueux et reconnaissant de ses parents qui lui donnèrent la vie temporelle, [29] la noblesse de la race et une éducation distinguée, il a résolu (l'aide de Dieu venant appuyer ses saints efforts) de construire, moyennant Notre bon plaisir, en l'honneur de Dieu, de la Bienheureuse Marie et de tous les Saints, surtout en mémoire du très saint Nom de JESUS, une chapelle contigue à l'église de Notre-Dame de Compassion dans la ville de Thonon.

  A024000444 

 De ce recteur il s'est réservé à perpétuité la nomination, la présentation (c'est-à-dire le droit patronal de le présenter), pour lui-même et ses légitimes successeurs, hommes et femmes, aussi bien pour l'election du premier titulaire comme pour celle des autres à venir, que la vacance se produise par voie de mort, de renonciation, de permutation, ou par toute autre cause.

  A024000445 

 Pour faciliter l'exécution de tout ce qui précède, le très illustre et très magnifique marquis Nous a demandé avec l'insistance requise de lui accorder, au sujet dé tout ce qui est contenu dans cet acte, Notre consentement, approbation et libre faculté.

  A024000445 

 Pouvoir au marquis de se faire enterrer dans la chapelle, lui et les siens, de nommer et présenter le recteur, c'est-à-dire de posséder à perpétuité le droit de patronage.

  A024000470 

 C'est pourquoi, pour l'honneur de Dieu, de la Bienheureuse Marie et de tous les Saints, et surtout au nom de la Vierge Mère de Dieu et du Bienheureux Claude, se sont-ils proposé de réédifier la chapelle susdite dans la même église et au même endroit, si toutefois cela Nous semble convenable; et aussi de lui fournir les ornements, le calice et autres choses nécessaires à la célébration de la sainte [35] Messe.

  A024000523 

 Il estime devoir obtenir ce résultat plus facilement et plus heureusement, si l'esprit des fidèles est alléché par des Indulgences..

  A024000551 

 Et lesquelles festes, tous les susnommés et leurs successeurs en ladicte parroesse et parochiens, serment faict main levee, ont promis et par ces presentes promectent a Dieu leur Createur et nostre Mere saincte Eglise, icelles solemnizer et tenir aperpetuité, eulx abstenir de faire aulcune oeuvre mecanicque, tant riere ladicte parroesse que dehors, ny moins permettre estre faict par aulcuns habitantz ou censiers estant dans ladicte parroesse; et c'est a peyne aux contrevenantz, par chescune fois, de cinq florins applicables a la reparation de l'eglise de ladicte parroesse, et en oultre, porter la Dimenche secutive, au devant de la croix, en la procession, une chandoille en signe d'amende honnorable a Dieu..

  A024000551 

 Premierement, la solemnité et feste de sainct Bastian, sainct Anthoenne, le Vendredy Sainct, la Saincte Croix, troysiesme may, sainct Theodollouz (Théodule), sainct Roch et sainct Gras; et parce que la Saincte Croix, quattorziesme septembre, est jour de foere Sainct Gerveys, laquelle ilz ne peuvent solemnizer a cause de ladicte foere, ilz ont transmué ladicte feste au jour et feste de Nostre Dame d'aoust.

  A024000569 

 Nous faisons savoir qu'après avoir vu l'acte écrit ci-dessus, reçu et signé le 16 août 1596 par l'honorable notaire du Gerdil, et après avoir examiné avec grand soin tout ce qui y est contenu, Nous l'avons confirmé, approuvé et ratifié et tout ce qu'il renferme, comme Nous le confirmons et approuvons par la teneur des présentes.

  A024000580 

 Accompagnans le Saint Sacrement lhors quil est porté aux malades, Indulgence de 100 jours..

  A024000593 

 Attendu que l'institution de la Confrairie du saint Rosaire tourne a la plus grande gloire de Dieu et porte de [48] grans fruitz de pieté au milieu du peuple qui Nous est confié, appreuvons de Nostre authorité celle qui a esté establie dans l'eglise de Sainte Marie du Petit Bornand par le R. P. François Sebastien de Maurienne, de l'Ordre de Saint François, des Capucins..

  A024000604 

 Et par ce que ladicte chappelle est sans ornements et mal propre, tant la voute que murallie, et encores le toict mal couvert, supplie de plus ledict M e Aubert Darand vous plaise, mondict Seigneur, luy decerner lettres pour saizir tous les revenus et arrerages dependants de ladicte chappelle, pour iceux estre appliquez tant au divin service que reparation decente, et, pour cest effect, commettre tel quil vous plaira pour iceux estre emploié selon quil est requis et supplié; et autrement, luy prouvoir comme de raison.

  A024000604 

 Sauf que ledict suppliant se reserve le droict fondataire, c'est a dire, estre procedé ladicte chappelle de leur maison; voulant et requerant que la fondation, tiltres et documents, rentes foncieres et autres dependantz de ladicte chappelle soient et appartiennent audict curé, pour le service quil [y] fera, selon que par vous, sur ce, sera ordonné.

  A024000607 

 Nous avons accordé et accordons la requeste selon la forme et teneur quant a son premier chef, sauf les droitz et usufruitz du recteur moderne, lequel soit appellé pour respondre au second chef; luy enjoignans neanmoins de rendre les devoirs qu'il est obligé rendre au service de ladite chapelle, a peyne de privation si dans six semaines il ne fait apparoistre de sa diligence pour ce regard..

  A024000628 

 Et pour le regard des cordes des cloches, est enjoint aux parroissiens de les maintenir et entretenir.

  A024000646 

 Par le présent décret, Nous la confirmons et l'homologuons, sur la demande des nobles frères fondateurs et augmentateurs, [53] à cause d'un don aussi remarquable, qui est un témoignage de leur piété et de leur dévoûment envers la religion catholique et le culte divin, souhaitant et demandant pour eux, selon les promesses du Christ, le centuple en ce monde et la vie éternelle dans l'autre..

  A024000671 

 Dequoy le messager et questant faict quelque peu de difficulté, sur l'opinion de certains offrantz ordinaires et quelques particulliers, lesquels, plustost pour envie qu'aultre devotion, ne voudroyent observer lesdictes coustumes, nonobstant que la plus-part des bons parroissiens le veulent; qu'est cause d'un grand bruict et clameur dans ladicte esglise (chose malsonnante au peuple), voulant distribuer l'offrande a leur playsir, sans avoir esgard auxdictes coustumes que ledict questant voudroit plus particullierement observer qu'iceulx....

  A024000684 

 Mais parce qu'ell' est despendante du prieuré de Bellevaux, qui appertient aux Religieux d'Esnay, de Lyon, et son revenu comprins a celluy du prieuré qu'est desja cottizé es dictes decimes, n'ayant le suppliant aultre sinon une simple pension de vicayre perpetuel, qui n'arrive encor a sa congrue portion deüe de droict, laquelle, ores que debeat esse illæsa, sine onere, encor le suppliant la dispute et est en proces, tant avec le sieur R me Abbé d'Aulx, que lesdicts Religieulx d'Esnay.

  A024000684 

 Tellement que ledict suppliant demeureroyt surchargé, sans moyen pour deservir a ladicte cure; et de mesme l'on percevroit la decime de ladicte cure, laquelle est comprinse dans le revenu dudict prieuré de Bellevaux, sil se treuvoit subject au payement de ladicte decime contre la disposition du droict..

  A024000685 

 Ce consideré, Monseigneur, et que ladicte cure est despendante dudict prieuré de Bellevaux, vous playse declayrer que ledict suppliant sera distraict et rayé des cottizés pour lesdictes decimes, et qu'inhibitions soyent faictes aux exacteurs de proceder a aulcune execution en son prejudice, saltem par provision, jusqu'autrement soyt cogneu.

  A024000686 

 Sera sursoyé a l'exaction dont est question, jusques a ce que Nous ayons conferé avec Nos deputés sur les raysons du suppliant..

  A024000695 

 A tous qu'appartiendra, sçavoir faisons, qu'en suite de la visite par Nous faitte de la parrochiale de Versonnex du vingt sixiesme novembre mil six cens et cinq, sur la remonstrance que Nous auroit esté faitte pour lhors par M re Jean Delavenay, moderne Curé dudit Versonnex, du peu de revenu qu'il y a en laditte cure, requerant avec toute humilité luy vouloir assigner portion congrue aux fins d'avoir moyen de s'entretenir honnestement et de faire ce qui est de sa charge:.

  A024000696 

 Apres Nous estre informé diligemment de tout ce qui en pourroit estre, tant des parroissiens dudit lieu qu'autres qui en pouvoyent sçavoir quelque chose, ayant treuvé le revenu de laditte cure ne pouvoir valoir par communes annees, pour consister en terrage, plus de dix huit couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure de Rumilly, et d'une sommee de vin, tous les dismes de laditte parrochialle tant du blé que du vin estans possedés et perceus par le sieur [58] Prieur de Bonneguette: Le tout meurement consideré, avons ordonné et ordonnons, qu'outre ce qui est du terrage de laditte cure, le sieur Curé present et ses successeurs en laditte cure prendront et percevront annuellement, sur les dismes de laditte parroisse appartenant audit seigneur Prieur de Bonneguette, la quantité de vingt cinq couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure de Rumilly, et quattre sommees de vin, mesme mesure; et c'est pour complement de la portion congrue demandee par ledit sieur Curé, et pour laquelle avoir il auroit tiré en instance ledit seigneur Prieur de Bonneguette..

  A024000697 

 Et attendu que par le saint Concile de Trente il est ordonné et establi que telles portions congrues s'assigneront en fons, avons ordonné et ordonnons que tant lesditz seigneur Prieur que Curé modernes conviendront de prudhommes et d'expertz dans six moys, pour prendre desditz dismes, tant en blé qu'en vin, qui puisse rendre par communes annees vingt cinq couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure que dessus, et quattre sommees de vin; qui seront desunis dudit prieuré et unis a la parrochiale de Versonnex pour le supplement de la portion congrue par Nous sus adjugé; condamnant en outre ledit seigneur Prieur de delivrer pour l'entretien du sieur Curé, pour la presente annee, a commencer des le jour et feste de saint Jean Baptiste mil six cens et sept, laditte quantité de [59] vingt cinq couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure que dessus, et quattre sommees de vin..

  A024000719 

 Tant que touche l'annee mil six centz et sept, que tout ce qui est accoustumé percepvoir par ledict seigneur chamarier rierre lesdites parroches de Surjouz et Cra a rayson de son office, appertiendra et demeurera ausdictz Curés de Craz et Surjouz pour ladicte annee seulement.

  A024000731 

 Premierement, que tout le revenu d'icell'eglise qui depend de la communauté ecclesiastique surnommee des Altariens sera partagee (sic) doresenavant en deux partz egales: desquelles, l'une sera appliquee en prebendes egales qui seront distribuees a un chacun des ecclesiastiques desquelz ladite communauté est composee, et l'autre part sera appliquee en distributions quotidiennes..

  A024000764 

 Supplient humblement les nobles François (sic) et Jaques de Vallon, freres, disantz que par diverses requestes ils auroient recouru a Vostre R me Seigneurie aux fins d'avoir une chapelle dans l'esglise de Samoen, pour y faire le service divin et y eriger ung banc pour prier Dieu; et ce, en contre eschange d'une quils en a voient, fondee par leurs predecesseurs, laquelle plus n'est leur, pour la place estre employee au bastiment du chœur....

  A024000765 

 Ce consideré, vous plaise leur donner l'une des chapelles estantz dans ladicte esglise, pour s'en servir comme sus est dict.

  A024000815 

 Et a ce effect sera ipothequé expressement une piece de terre de bonne valleur, size illec pres, et dans laquelle ladicte chappelle est bastie au cuyng: sçavoir, de la valleur de cent ducattons pour une foys, delaquelle sera possedé les fruictz pour la securation annuelle desdictz quattre florins ou plus apperpetuitté; en consideration que lesdictz pere et filz et les leurs en demeureront presenteurs du prebstre ou recteur que fera ledict office, et en passeront acte de fondation par main de notaire, auctantique et vallable.

  A024000821 

 Nous commettons le sieur Prevost de l'eglise de Salanche, pour voir de la bienseance du lieu dont il est question et des autres particularités mentionnees en la requeste, pour, son advis receu, prouveoir ainsy que de rayson..

  A024000835 

 Qu'est la cause qu'ilz recourent a Vostre R me Seigneurie, a ce qu'il plaise de permettre aux susnommés... de pouvoir bastir [ces] oratoires pour y estre celebré Messes, [etc.].

  A024000874 

 Supplient humblement les habitantz du village de Macherine, parroesse de Dousard, disant qu'y ayant au pres de leur village, lieu dict au Crestet, une place ou, par tradition, ceux du lieu ont [79] tousjours entendu des plus vieulx qui le rapportoient aussy de leurs plus anciens, quil y avoit heu une esglise, mesmes quil y apparoissoit une grosse pierre qui estoit reputee avoir esté celle du grand autel; qu'en temps des Rogations la procession de Douzard y vient tousjours fayre une station, et en temps de contagion l'on y a ensevely ceulx que en sont mort (sic): sur ces considerations, ilz se sont mis en devoir d'y bastir une chappelle, en quoy faysant ilz ont treuvé les fondementz de la vieillie esglise, la separation du cœur et de la neufz (sic), ou il y avoit quattre fort grosses pierres mises deux a deux en esquarre et de distance comme pour l'entree au cœur, trouëes au dessus, ou estoient les fertz des treillies; et loin de la, a cousté, pres des fondementz, ont treuvé des charbons, apportés, comme est a croyre, pour allumer le feu ou s'en servir a l'encensoir.

  A024000934 

 Avons, en suitte de telle coustume et possession inviolablement observee, ordonné et ordonnons: Que ledict Pierre Crud et Anthoenne Vittet continueront paier ladicte premice dont est question, a raison d'une gerbe mediocre, pour n'avoer lesdictz deffendeurs aulcongs bœufz quant a present; conformement a ladicte coustume de tous temps observé esdictz villages des Costes, Pussye et Le Jourdil, comme ceulx desdictes Ollieres, ainsy que sus est dict.

  A024000934 

 Et ordonnons que, sans s'arrester ausdictes Visites, tous les habitantz desdictz villages paieront la premice, suyvant ladicte ancienne coustume sans aulcune interruption observé jusque a ce jourdhuy; et que tel amendement sera apposé sur le Registre de Nous (sic) Visites par Nostre greffier, auquel est enjoinct de n'expedier cy appres aulcong extraict, sinong a forme de Nostre presente Ordonnance et amendement.

  A024000935 

 Et entant que concerne ledict Biais de Lachinal, qu'est parrochien desdictes Ollieres, avons ordonné et ordonnons quil continuera le paiement de ladicte premice, comme font les aultres parochiens dudict lieu, sçavoer: aiant charrue, une bonne gerbe froment; et ceulx qui n'en ont point, une gerbe froment mediocre, ainsy qu'est pourté par les Visites faictes en la parroesse desdictes Ollieres..

  A024000952 

 Par appres, grande confusion a Pasque, car l'on ne sçait qui faict le debvoir de bon catholique, et, in conscientia, je ne sçait qui est mon parroissien, pour cause que checung faict a sa faintasie et volonté..

  A024000953 

 Je sçait qu'[a] occasioné cella: c'est que les Curés mes antecesseurs ne ce sontz adressés vers leurs Superieurs pour y faire mettre de l'ordre..

  A024000965 

 Au 4 e est respondu comm'au premier, attendu que telz grangers sont habitans et manans de ladite parroisse..

  A024000998 

 Supplient tres humblement les parroissiens de La Gietaz, disant qu'en leur eglise parrochiale se treuvent fondees diverses chapelles, entre lesquelles celle de Saint Barthelmy est de la nomination des suppliantz, et les autres de quelques particuliers: en toutes lesquelles, neanmoins, ne se fait aucun service par les [94] recteurs, ny aucune reparation, nonobstant la ruyne imminente qu'elles menacent, et autres manquemens notables, au prejudice mesme de ladite eglise parrochiale..

  A024001012 

 Supplie en toute humilité messire Guilliaume Faucoz, notaire ducal de la parroisse de Vacheresse et curial d'Abondance, disant que des qu'il a eu la connoissance des bonnes lettres il s'est voué a Dieu et a la sacree Vierge Marie, et a pris pour sa Patronne madame saincte Anne.

  A024001014 

 Et ledit suppliant priera Dieu, comme il est desja tenu de faire, pour Vostre Ill me et R me Seigneurie..

  A024001015 

 Laditte chappelle demeurant en l'administration du sieur Curé du lieu, comme il Nous est exposé verbalement, Nous permettons selon la requeste, a la charge que contract authentique se passera de la fondation de laditte chappelle..

  A024001026 

 Qui le contrainct recourir par ceste, a ce quil soit de vostre volonté appeller summairement par devant vous en vostre estude ledit sieur Abraham de Chastillion, prebstre, pour declarer formellement si en l'une et l'autre qualité il veut accepter ledit legat, soub la charge et condition pourté par ledit testament de la celebration de ladite Messe le jour de Dimenche, puisque il est en ville; pour, suyvant sa declaration faicte, estre par ledit suppliant satisfaict a forme dudit testament, et autrement sur iceluy provoir..

  A024001071 

 Nous faisons savoir que Nous tâchons volontiers de prêter Notre attention et Notre aide efficace à tout ce qui, suivant les circonstances de lieux et de personnes, est nécessaire au bon gouvernement des églises paroissiales et autres, et à l'augmentation du [101] culte divin.

  A024001072 

 Nous approuvons une requête qui est juste et raisonnable, d'abord parce qu'il y a contentement de la part des paroissiens et du R d monsieur le Doyen et recteur de ladite église paroissiale; ensuite, parce que, d'après les constitutions du saint Concile de Trente, l'érection de cette vicairerie perpétuelle devait absolument se faire.

  A024001073 

 C'est pourquoi Nous ordonnons à tous prêtres, clercs, notaires et tabellions de Notre diocèse, et à chacun d'eux conjointement, d'avoir à procurer la possession réelle, actuelle et corporelle de cette vicairerie perpétuelle pour la paroisse de Bonne, et de ses droits, fruits, rentes et revenus à M. du Martherey, prêtre, comme capable, et d'avoir à le défendre dans sa possession, en chassant tout illégitime détenteur..

  A024001112 

 Par devant Nous, FRANÇOYS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolicque Evesque et Prince de Geneve, s'est presenté et comparu au palaix de Nostre habitation et residence ordinayre de cette cité M re Jacques Duret, procureur de M re Laurent de Collonges, Curé de [106] Morzine, lequel Nous a remonstré comme les scindicques et procureurs dudict lieu auroyent fondez et donné a laditte eglise a perpetuité, et promis paier annuellement audict sieur Curé et a ses successeurs la somme de douze vingtz florins, monnoye de Savoye, pour l'entretien d'ung vicayre audict lieu de Morzine, ainsi que plus amplement est contenu au contraict du premier de ce mois, qu'il exhibe, receu et signé par M e Galliard, notayre.

  A024001134 

 Supplient en toute humilité noble Gaspard de Lucinge, seigneur dudict heu, et avec luy tous les parroiessiens et habitantz riere la parroiesse de Sales, mandement de Monthoux, disantz que cy devant et de tous temps ceulx dudict Sales ont heust leur Curé, lequel fesoit son habitation ordinaire dans la cure dudict lieu et administroit en toutes necessités et occasions a ceulx dudict Sales les sainctz Sacrementz; et c'est jusques il y a envyron cinq ou six annees, que M re Henry Lancod, dernier Curé de ladicte parrochiale, apres avoir gaigné quelque petit nombre des parroiessiens, il auroyt remis ladicte cure a M re Symond Ruptier lequel, du susdict consentement, auroyt uny ladicte cure avec celle de Cranves; en telle sorte que du despuis ilz ont estés contrainctz, la plus grand part du temps, d'aller audict Cranves ouir la saincte Messe, quoy que par ladicte union, il soit esté expressement convenus (sic) que les jours de feste et Dimenches l'on celebreroit une petitte Messe audict Sales, Oultre quoy, du despuis les suppliantz ont estés contrainctz d'aller fere baptizer leurs enfantz audict Cranves, et dudict Cranves fere apporter les sainctz Sacrementz aux mallades, et fere benir le jour de la Purification les chandoielles audict Cranves; quoy que audict Sales ilz aient leur eglise asses [110] commode pour ceulx dudict lieu, mesmement il y a un honneste revenu pour l'entretient d'un prebstre..

  A024001135 

 C'est pourquoy lesdictz parroiessiens estantz assemblés, le dixhuictiesme de ce mois, en nombre suffisant, par devant M e Boccard, notaire, ilz ont faictz dresser l'acte de procuration cy joinct, par lequel ilz supplient tres humblement V. R me Seigneurie leur ordonner un Curé, puisque par le deces dudict M re Symond Ruptier ledict office de Curé est vaccant.

  A024001165 

 Nous donc, qui, parmi les autres obligations de Notre charge, n'estimons pas de mince importance celle-ci (c'est-à-dire l'accroissement du culte divin et la consolation spirituelle des paroissiens), et croyons qu'elle sera agréable au Dieu très bon et très grand: Nous montrant favorable à la requête du patron et des habitants de Sales, après avoir fait une enquête sur la vérité des choses y contenues et pris connaissance du consentement de Notre administration [113] fiscale, de par Notre autorité ordinaire, Nous dissolvons et révoquons, dès maintenant et pour toujours, l'union, jadis faite par Nous, des églises paroissiales de Cranves et de Sales.

  A024001223 

 Comme ainsi soit que anciennement les scindiques et communisses de la paroisse du Grand Sainct Felix eussent voué la feste de monseigneur sainct Gras, Evesque d'Aouste, comme deuement en rapportent tous les dicts communisses anciens, et qui l'ont veu observer et l'ont observé comme le Dimanche jusques quelques annees: maintenant, quelqu'uns la solemnisent comme le Dimanche, selon le vœu, et les autres a leur devotion; tellement que ledict vœu n'est observé.

  A024001224 

 Or est il que ce jourdhuy, septiesme jour du mois de septembre mil six cent et dix huict, le jour de la feste de monseigneur sainct Gras, par devant moy soussigné, R d M re Pierre de Montfalcon, chanoine de Sainct Pierre de Geneve, Surveillant en ledict Evesché et Curé dudict Sainct Felix, sçavoir: honnorable Claude Poncet, [120] Jean Linollat, Pierre Burdet, Santhon Sathod, scindiques dudict Sainct Felix (les peres ont authorizé leurs fils pour cet effect); noble Pompé Millet, seigneur de la Chapelle, ......................................................................

  A024001261 

 Outre que lesdictz sieurs Altariens n'ayant point de correspondance avec ledict sieur Curé, sinon entant que luy mesme est Altarien, il arrive en diverses occasions des divisions et contentions qu'empeschent le bon ordre de ladicte eglise..

  A024001262 

 Pour a quoy remedier, il sembleroit estre expedient que le revenu de la cure, qui est asses ample, fust uny a celuy de la communauté desdictz Altariens, apres toutefois la mort dudict sieur Curé, sauf vingt coppes de bled, froment et seigle, mesure de ceste ville, que des a present lesdictz Altariens percevront par les mains dudict sieur Curé pour faire le service divin d'heu a sa charge; et que le nombre d'iceux fust limité, en sorte que tous puissent faire residence, avec obligation d'assister aux Offices et cooperer a la charge pastorale, ainsy que par les reiglements qu'il plairoit a Vostre Seigneurie Reverendissime en faire il seroit ordonné..

  A024001326 

 Or, les six ans estantz expirez, ledict Rev. messire Gaspard Querlaz a prié ledict R d Bernard de Montpithon de desister de faire plus l'office et percepvoir lesdictes six coppes de froment, dautant quil est en aage et qualité de faire sa charge dans ladicte chapelle.

  A024001338 

 Supplient en toutte humilité les paouvres et desolés manantz et habitans du village de Tullyer, disantz, comme lhors du restablissement de la religion catolique en Chablais, la cure dudict Tuilier estoit teneue et reputée (comme en effect elle est encores de present) pour l'une des meillieures et riches cures quil y aye en Chablais, et l'esglise des mieux ornée et en bon estat..

  A024001339 

 Exemplo perniciosissimo, heu mesme esgard que telle esglise avoit esté consacrée, et qu'a present elle est le repaire des animaulx, et en tel estat (a correction) que les cheveux dressent a ceulx qui l'ont veu auparavant en si bon estat, se taisantz des vitriades, pour ne sembler voulloir advancer le prouverbe: Quod non capit Christus, rapit fiscus.

  A024001340 

 Qu'est la cause quilz recourent pour la 3 e foys a V. R me Seigneurie, aux fins quil luy plaise, ce consideré, enjoindre sub gravi pœna excommunicationis, aux R ds Prebtres de ladicte Saincte Maison, qui possedent le revenu de ladicte cure et patinerie, de fere recouvrir ladicte esglise de Tuilier, et la remettre avec ses portes et ferrures au mesme estat et deu qu'elle estoit au paravant le susdict acte scandaleux.

  A024001372 

 Committimus venerabili domino Curato de Corbonnex, ut visitet sacellum sive oratorium œdificatum in domo de Grex, domini de Croizon; et si invenerit illud [135] commode factum ad sacratissimum Missæ Sacrificium celebrandum, ita ut nihil indecorum appareat, illud nostra authoritate benedicat Benedictione loci quæ est in libro Missali, sive in Rituale hujus diocæsis.

  A024001392 

 Commis le seigneur de Polinge, chanoyne et archidiacre de Nostre Eglise, pour voir si le lieu est propre; et le treuvant tel, le benir Benedictione loci, puis decerner qu'on y pourra celebrer jusques a Nostre visite.

  A024001418 

 Toute la Loi et les Prophètes enseignent que c'est faire chose très agréable à notre Dieu que de se prêter charitablement secours entre voisins.

  A024001437 

 Jean-François de Sales, Notre frère et chanoine de Notre église cathédrale, voulant aller à Paris pour des raisons connues et approuvées de Nous, par les présentes, pour cela signées de Notre main et munies de Notre sceau, Nous certifions et témoignons, autant qu'il est en Nous, que c'est un prêtre exempt de toute censure ecclésiastique et partant digne de toutes les marques d'une chrétienne et sincère dilection..

  A024001454 

 Nous certifions par la teneur des présentes que le vénérable et à Nous cher dans le Christ M. Henri Barbier, prêtre de Notre diocèse, a été promu selon toutes les règles canoniques, est libre, à Notre connaissance, de toute censure ecclésiastique, n'est entaché d'aucune infamie ou vice répréhensible; bien mieux, a été approuvé, par Nos examinateurs synodaux, pour l'administration des Sacrements.

  A024001465 

 Nous ayant esté remonstré de la part de messire Pierre Rouffille, prebstre, quil auroit cy devant faict permutation de la cure d'Arit, de laquelle il estoit paisible pocesseur et laquelle il avoit descervy l'espasse de trente cinq ans, a une chappelle a luy remise en eschange par messire Jehan Claude Blanc, prebstre et curé moderne dudict Arit, et que depuis ladicte permutation, a raison d'une maladie, joincte a son vieil aage, qu'il luy seroit survenue, il auroit faict despence de toute l'espargne qu'il avoit faict en son jeune aage; si que maintenant il ne luy reste plus aucun moien de pouvoir s'entretenir et secourir en ceste extremité de sa vie, sinon qu'il luy soit par Nous prouveu, attendu que la chappelle sus mentionnee n'est pas de revenu suffisant pour ce faire:.

  A024001567 

 Reverendissime in Christo Pater et Domine, ea qua par est reverentia vices Nostras subdelegamus, facultatem vobis facientes, eidem Petro Godet Ordines omnes conferendi et illi suscipiendi, servatis tamen de jure servandis, exceptis interstitiis, super quibus, si vobis placuerit, dispensare poteritis; dummodo tamen, vobis ante omnia constiterit de Litteris Apostolicis [150] quibus se ad Nos missum asserit pro dictis omnibus Ordinibus suscipiendis, conscientiam Nostram interim de premissis omnibus exonerantes..

  A024001577 

 Mais comme il ne peut arriver commodément jusqu'à Nous, soit à cause des troubles apportés par la guerre, soit à cause de la distance qui sépare sa résidence de la Nôtre, sans grand dommage pour sa bourse et surtout pour ses études: c'est pourquoi, Révérendissime Père et Seigneur dans le Christ, avec tout le respect qui convient, Nous vous déléguons à Notre place, vous accordant le pouvoir de conférer tous les Ordres au dit Pierre Godet, et à lui de les recevoir, en observant cependant tout ce qui est requis par le droit, excepté les interstices, au sujet desquels, si cela voas agrée, vous pourrez dispenser.

  A024001607 

 Ea est hujus diæcesis amplitudo ac rerum perturbatio, ut hoc pastoralis curæ pondere pressus, illud Psaltis, post divum Gregorium, usurpare merito possim: Incurvatus sum et humiliatus usquequaque; nam ut simili causa dixit Moyses: Non possum solus sustinere omnem hunc populum, quia gravis est..

  A024001608 

 Quapropter, e numero fratrum et consacerdotum meorum seligendi sunt nonnulli, quos, ut Moysi dictum est, novi quod, sensu et ingenio, senes sunt cleri, ut sustentent onus populi mecum et non solus graver ego, qui maxime sum imbecillis..

  A024001622 

 En pareille circonstance Moïse avait dit: Je ne puis à moi seul supporter tout ce peuple, car il est trop pesant pour moi..

  A024001622 

 Telle est l'étendue de ce diocèse et le trouble des événements, qu'écrasé sous le poids de cette charge pastorale je puis à juste titre m'appliquer, après saint Grégoire, cette parole du Psalmiste: Je suis courbé, abattu à l'excès.

  A024001623 

 C'est pourquoi, parmi mes frères dans le sacerdoce il est à propos d'en choisir quelques-uns que je sais avoir, comme il fut dit à Moïse, la sagesse et l'expérience des vieillards, pour qu'ils portent avec moi la charge du peuple, et que moi, si faible, je ne sois pas seul à en être accablé..

  A024001624 

 En vertu [154] donc de ces Lettres, vous devrez les visiter au moins deux fois chaque année; s'il existe quelque lacune, vous la ferez combler, ou quelqu'abus, vous le ferez rentrer dans l'ordre; si parmi les fidèles quelque correction ecclésiastique est nécessaire, vous l'infligerez, et s'il est besoin d'une correction plus énergique vous en déférerez à moi-même..

  A024001633 

 R. D. — Ea est hujus diæcesis amplitudo rerumque ac temporum perturbatio, ut immenso hujus pastoralis curæ pondere pressus, illud sane Psaltis regii, post D. Gregorium, usurpare merito possim: Incurvatus sum et humiliatus [156] usquequaque.

  A024001633 

 Vere, namque, ac ut in simili propemodum causa, dixit Moyses: Non possum solus sustinere omnem hunc populum, quia gravis est..

  A024001634 

 Quapropter, e numero fratrum et consacerdotum meorum, nonnulli sunt mihi seligendi quos, ut Moisi quoque dictum est, novi quod, sensus ac ingenii maturitate, senes sunt cleri, ut scilicet sustentent mecum onus populi et non solus graver ego, qui maxime sum imbecillis et infirmus..

  A024001647 

 C'est avec raison que presque en pareille circonstance Moïse avait dit: Je ne puis à moi seul supporter tout ce peuple, car il est trop pesant pour moi..

  A024001647 

 Sur cette haute mer, en effet, je suis battu par des vagues si violentes, qu'il me semble impossible de conduire au port ma vieille barque en maints endroits vermoulue et qu'il est à craindre que la tempête ne me submerge.

  A024001647 

 Telle est l'étendue de ce diocèse et le trouble des événements et des temps, qu'écrasé par le poids énorme de cette charge pastorale je peux à juste titre m'appliquer, après saint Grégoire, cette parole [156] du Psalmiste royal: Je suis courbé et abattu à l'excès.

  A024001648 

 C'est pourquoi, parmi mes frères dans le sacerdoce, il est à propos d'en choisir quelques-uns que je sais être, comme il fut dit à Moïse, des anciens dans le clergé, par la maturité et l'expérience, afin qu'ils portent avec moi la charge du peuple et que moi, si faible et infirme, je ne sois pas seul à en être accablé..

  A024001650 

 C'est pourquoi je remets et, autant qu'avec l'aide de Dieu je le puis, j'impose à votre soin particulier et à votre sollicitude les églises paroissiales dont vous trouverez ci-après les noms.

  A024001650 

 En vertu donc de ces Lettres et en mon nom, vous devrez les visiter au moins [157] deux fois chaque année; s'il existe quelque lacune, vous la ferez combler, ou quelqu'abus, vous le ferez rentrer dans l'ordre; si parmi le clergé ou les fidèles quelque correction ecclésiastique est nécessaire, vous l'infligerez avec de salutaires paroles et avertissements.

  A024001661 

 Supplie humblement messire Pierre Vallet, curé de Vacheresse, disant qu'il est chargé de dire deux Messes le Dimanche et festes, sçavoir: en l'eglise dudict Vacheresse, et Bonnevaulx, distant d'envyron deux lieües; de façon qu'il est contrainct le plus souvent d'aller audict Bonnevaulx le soir devant, pour y estre plus matin, a fin d'y rendre le debvoir, et retourner audict Vacheresse: chose a luy fort incommode, sinon qu'il playse a Vostre Seigneurie Reverendissime de luy permettre de souper ou fayre collation a l'hostellerie dudict Bonnevaulx, sans en abuser, mays fayre comme un bon ecclesiastique..

  A024001683 

 Nous témoignons qu'il a vécu honnêtement tout le temps qu'il est demeuré près de Nous, et qu'il a de même rempli sa charge, en sorte qu'il mérite d'être largement recommandé à tous, ce que Nous faisons..

  A024001697 

 Quare, eum dignum existimamus qui ad dictam abbatiam promoveatur, ob eam maxime causam quod dictus Reverendus D. Ludovicus de Perrucard Monasterium illud ac Monasterii jurisdictionem temporalem, quæ magna ex parte hæreticorum hominum jurisdictioni, non solum finitima sed immixta est, fratris sui et suorum fretus potentia adeo fœliciter et fortiter administravit, ut fœlicius in hac temporum calamitate nihil contingere posse videatur, quam si ejus nepos ex fratre illi coadjutor adhibeatur [164] qui, sicut ejusdem zeli et virtutis, ita ejusdem opis successor existet..

  A024001697 

 Quod autem ad reliqua spectat, eumdem D. Gasparem et scimus et in verbo veritatis testamur, ex hac diocæsi et illustribus ac, quod excellentius est, catholicis et piissimis [163] parentibus oriundum, ipsumque, ab incunabulis, pietati ac litteris incubuisse, atque adeo ita proferisse ut Juris utriusque doctor in Universitate Avenionensi renunciatus, non mediocrem etiam theologiæ cognitionem consecutus sit.

  A024001699 

 Qua propter, et dicto Abbati et ejus familiæ, de religione catholica optime meritis, si Sanctæ Sedi Apostolicæ placuerit, hæc gratia jure optimo collata censebitur, quæ utilissima quoque futura est et Monasterio, et omnibus Monasterii subditis et clientibus..

  A024001707 

 Aussi, avant toutes choses, Nous avons entendu M. Gaspard, personnellement présent, et à genoux devant Nous, réciter mot à mot avec humilité et dévotion, la profession de foi selon la forme prescrite par Sa Sainteté Pie IV dans la Bulle Injunctum Nobis, et avons reçu son serment, tel qu'il est indiqué au bas de ladite formule..

  A024001708 

 Quant au reste, Nous savons et témoignons en toute vérité que M. Gaspard est né dans ce diocèse, d'illustres et, ce qui vaut bien [163] mieux, de catholiques et très pieux parents; que dès son enfance il s'est adonné à la piété et aux lettres avec un tel profit, que, proclamé docteur à l'Université d'Avignon, il a atteint une connaissance plus qu'ordinaire de la théologie.

  A024001710 

 C'est pourquoi, si le Saint-Siège Apostolique y consent, cette grâce accordée au susdit Abbé et à sa famille sera considérée comme accordée à bon droit à des gens bien méritants de la religion catholique, et comme devant être très utile au Monastère et à tous ses sujets et clients.

  A024001765 

 Quare, hac ipsa die decima quinta Junii, tertia post Pentecostem Dominica, in qua de ovis et drachmæ perditæ læta ac jucunda inventione evangelica lectio occurrit, in tempio Beatissimæ Virginis Matris Compatientis, seu Septem Dolorum, Thononiensis, idem ipse Claudius Boccardus, sponte ac libere, personaliter coram Nobis comparuit, ac, ut Ecclesiam quam discedens contristaverat suo reditu lætificaret, in publico totius populi conventu, peccatum suum et injustitiam adversum se confessus est, suppliciter Deo ac sanctæ matri Ecclesiæ Catholicæ, Apostolicæ, Romanæ reconciliari petens ac exposcens..

  A024001778 

 C'est pourquoi aujourd'hui, 15 juin, troisième dimanche après la Pentecôte, jour où se rencontre la lecture de l'Evangile qui parle du recouvrement joyeux de la brebis et de la drachme perdues, dans l'église de Notre-Dame de Compassion ou des Sept-Douleurs, de Thonon, le susdit Claude Boucard a comparu en personne devant Nous, de son propre et libre mouvement, et, pour réjouir par son retour l'Eglise qu'il avait contristée par son départ, il a confessé publiquement, devant tout le peuple assemblé, son péché et son injustice, en demandant et suppliant d'être réconcilié avec Dieu et notre sainte mère l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine..

  A024001780 

 Alors, comme conséquence, en vertu du pouvoir Apostolique à Nous concédé et commis pour cette affaire, Nous avons absous le même Boucard selon toutes les règles et prescriptions des lois et du droit, dans le for intérieur et extérieur, de toutes les censures, absolument, par lui encourues à cause de son hérésie; Nous l'avons ensuite, en vertu de la même autorité, dispensé au sujet des irrégularités par lui contractées; enfin, Nous l'avons libéré entièrement du lien du vœu simple qu'il avait émis dans la Compagnie de Jésus, déclarant, comme Nous le déclarons par les présentes, qu'il n'est plus tenu dorénavant par aucune des lois de la Compagnie de Jésus, mais qu'il doit être considéré par tout le monde comme un vrai clerc et prêtre séculier, capable et participant de tous les privilèges concédés aux prêtres légitimes et honnêtes.

  A024001781 

 Bien au contraire, Nous exhortons vivement tous les chrétiens du monde à exercer tous les offices possibles de charité envers celui qui est maintenant le Révérend M. Claude Boucard, prêtre et docteur en théologie, de même que Nous le bénissons du fond du cœur par les prières que nous adressons pour lui au Dieu tout-puissant..

  A024001825 

 Pour terminer le different survenu entre les venerables Seurs Prieure et Religieuses Carmelites deschaussees de Dijon d'une part, et D lle Seur Jeanne Chevrier d'autre [178] part, sur ce que ladite Dlle Chevrier demandoit restitution de l'habit de Novice de l'Ordre desdites Carmelites, qu'elle disoit luy avoir esté osté ... par lesdittes Prieure et Religieuses: elles ont ce jourdhuy declairé par devant moy, notaire royal soussigné, en presence des tesmoins au bas nommés, et par l'advis de R. P. en Dieu M. François de Sales, Evesque de Geneve, que dautant que ladite Dlle Jeanne Chevrier est leur bienfactrice, les ayant appellees, receues et logees en sa mayson de cette ville de Dijon, et qu'en trois ans qu'elles l'ont gardee entr'elles elles l'ont reconneüe fort vertueuse, devote et affectionnee a leur Ordre, elles consentent que l'habit dudit Ordre luy soit redonné, pour iceluy porter par devotion tant qu'elle voudra.

  A024001852 

 Ayant, par Nous-mêmes, vu, lu et examiné avec soin les Lettres Apostoliques à Nous respectivement adressées et à Nous transmises par le Siège Apostolique, les unes en forme de Bulles sub plumbo, datées de Tivoli, l'an de l'Incarnation du Seigneur mil six cent neuf, le sept des calendes d'octobre, la cinquième année du Pontificat de notre Très Saint Père le Pape, par la divine Providence Paul V; les autres en forme de Bref, sous l'anneau du Pêcheur, et datées de Rome, près de Saint-Pierre, le douze mars 1610, l'année cinquième du Pontificat du même Paul V, expédiées dans les règles, non viciées ni portant de ratures ou uspectes en quelque point, par le Révérend François Bochatton, prêtre de ce diocèse de Genève, obtenues du Saint-Siège Apostolique et à Nous présentées; [182] ayant aussi vu les dépositions de témoins et informations prises et reçues à l'instance du même Révérend François, desquelles il conste clairement, soit de ce qui est contenu et raconté dans les susdites Lettres Apostoliques, soit de la réclamation de ce même François faite secrètement et extrajudiciairement, ante quinquennii lapsum; ayant en outre observé la forme prescrite dans les susdites Lettres, appelé ceux qui devaient être appelés, vu ce qui devait être vu et considéré ce qui, d'après le droit, devait être considéré, ayant devant Nous le Révérend François en habit et tonsure de son Ordre:.

  A024001853 

 Nous, Commissaires apostoliques respectivement délégués dans cette affaire, comme procédant de droit à l'exécution des Lettres [183] Apostoliques, Nous prononçons, décrétons et déclarons, en vertu de l'autorité Apostolique dont Nous sommes revêtus, que la profession autrefois émise par le Révérend François Bochatton (après l'avoir restitué in integrum adversus lapsum quinquennii, comme Nous le restituons,) a été et est nulle et invalide, et d'aucune force ou consistance, parce que faite avant l'âge légitime et sous l'inspiration de la violence et de la crainte.

  A024001853 

 Par suite, il n'est nullement tenu ou lié envers l'Ordre ou la Religion spécialement ou généralement, mais il a pu par le passé et peut dans l'avenir, librement et licitement, retourner au siècle et y demeurer comme prêtre séculier; il a pu et peut aussi obtenir et retenir n'importe quels bénéfices, et personne n'a le droit de l'inquiéter ou troubler là-dessus..

  A024001867 

 Et præterea, vobis etiam, ut vicariis Nostris, quos ad hoc specialiter deputamus, committimus vices Nostras, ut possitis absolvere ab omnibus irregularitatibus propter occulta crimina contractis, excepto homicidio voluntario actu perpetrato, sicut Nobis per sacrosanctum Concilium Tridentinum concessum est..

  A024001886 

 Itaque, quos approbaveritis approbamus; quos ita, ut supradictum est, in messem Nobis commissam immiseritis immittimus et a Nobis immissos censebimus; ita tamen, ut Nobis liceat opus hujusmodi, ubi Nobis ita visum [187] fuerit, his non obstantibus, interdicere: quod nihilominus nunquam Nos facturos confidimus..

  A024001985 

 Cum religiosa Domus, quæ in medio Montis Jovis, a Sancto Bernardo de Menthone, Augustæ archidiacono, fundata est, plurimos Canonicos regulares aliosque viros, sub eorum cura, ad excipiendos peregrinos et quoscumque viatores, qui ex cisalpinis in transalpinas regiones, et vicissim, inter montium illa cacumina, ob nivium procellarum ac frigorum vim et impetum incredibilem passim [197] periclitari soient, Dei Salvatoris nostri intuitu, alere ac exhibere solita sit, idque tacere omnino nequeat, nisi eleemosinis fidelium adjuvetur..

  A024001986 

 Hinc factum est ut jam pridem, per totum pene orbem Christianum, a R. D. Proposito totius illius magnæ familiæ, aliqui Canonici regulares illi subditi emittantur, qui colligendis donis, oblationibus et eleemosinis incumbant, easque postea ipsi, pro Fratrum ac sociorum sustentatione, referant.

  A024001986 

 « Dignum » enim justumque « est, » ut qui totius orbis advenientes viatores cibis, potu, hospitalitate ac ope juvant, a totius orbis hominibus piis juventur..

  A024001987 

 Quare, cum hac de causa lator presentium iter Belgicum, de sui dicti Superioris mandato aggrediatur, collectant apud gentem inclitam facturus; Nos quoque, quorum diocæsis [dicto præ]claro Monasterio finitima est, quique charitatis opera quæ passim in illo fiunt vere novimus [198] eum, in visceribus Christi, omnibus R mis Pontificibus, cæterisque R dis et venerabilibus viris ecclesiasticis, necnon cæteris fidelibus, inter quos eum versati contigerit, impensissime commendamus, eos pariter qui, ab ipsis commendati, ad Nos accesserint, libenter et ex animo suscepimus..

  A024001995 

 « Il est digne et convenable », en effet, que ceux qui procurent de quoi manger, boire et se loger aux voyageurs du monde entier qui se présentent, et qui les secourent de toute manière, soient à leur tour aidés par les personnes pieuses du monde entier..

  A024001996 

 C'est pourquoi le porteur des présentes se disposant, sur l'ordre de son Supérieur, à entreprendre le voyage de Belgique dans le but de quêter au milieu de ce peuple illustre, Nous aussi, dont le diocèse est limitrophe du célèbre Monastère susnommé, et qui connaissons vraiment les actes de charité qui s'y multiplient, Nous [198] recommandons chaudement ce porteur, dans les entrailles du Christ, à tous les Révérendissimes Evêques et autres révérends et vénérables ecclésiastiques, ainsi qu'aux autres fidèles.

  A024001996 

 De même, c'est volontiers et cordialement que jusqu'ici Nous avons reçu ceux qui, recommandés par eux, se sont présentés à Nous..

  A024002065 

 Le vénérable couvent de Saint-Dominique de cette ville d'Annecy, dans Notre diocèse, couvent de l'Ordre des Frères Prêcheurs, ayant la coutume d'envoyer toujours quelqu'un de ses Religieux pour recueillir, suivant la Règle et l'usage de l'Ordre, les aumônes des fidèles, et l'état de ce diocèse et de tout le pays étant tel qu'on n'arrive pas à subvenir aux besoins des mendiants du Christ qui l'habitent: Nous signons de Notre main et munissons de Notre sceau ces lettres en faveur de Notre bien aimé dans le Christ, le Frère Jacques Chappaz, convers dudit Ordre, que le Révérend Frère Prieuret le vénérable Couvent de Saint-Dominique de [203] Notre diocèse ont décidé d'envoyer même hors de celui-ci, c'est-à-dire dans le pays de Fribourg et autres parties de la Suisse, pour implorer le secours des gens pieux, afin de pourvoir à l'entretien de la communauté et de réparer les ruines déjà subies dans leurs édifices.

  A024002127 

 C'est pourquoy, Nous, a quil appartient de veiller, autant pour conserver les immunitéz de l'Eglise que pour avoir un soin tres particulier de vostre salut, selon la charge qui Nous a eté imposée, vous mandons expressement et precisement par ces presentes, soub peyne d'excommunication, de ne point entrer pour ce subjét dans des lieux saints, soit dans une eglise consacrée a Dieu, et de ne point uzer de violence pour arracher cet homme de l'autel affin de le forcer de sortir de l'eglise, estant fondé sur une telle exemption, mesme sous pretexte de rendre ou de faire la justice..

  A024002128 

 Et pour vous faire connoistre que tel est Nostre sentiment, Nous [avons] escript Nous mesme de Nostre main propre et signé les presentes..

  A024002183 

 Nam, in tanta hæresis malitia, qua civitas illa amicta est velut indumento, et se catholicam esse semper professa est, et nullis, sive blandimentis, sive minis, ab ea professione dimoveri se passa est..

  A024002184 

 Atque, quæ Dei summa est pietas, tanta animi magnitudinem [216] insigni tandem corona cumulavit, cum, post funus mariti, civis Gebennensis, 6 liberos tum masculos tum fœminas, quos ex eo susceperat, veluti ex incendio liberatos, ex illa Babilone exire coegit et abduxit, ne malitia hæresis mutaret intellectum eorum.

  A024002192 

 En effet, au milieu d'une si grande malice d'hérésie dont cette ville est couverte comme d'un manteau, elle a toujours fait profession d'être catholique, et jamais, ni par promesses ni par menaces, elle.

  A024002193 

 ne s'est laissée ébranler de cette profession ouverte..

  A024002194 

 Cela est d'autant plus digne de louange qu'elle abandonnait ainsi, de son propre mouvement et volontiers, des richesses et des honneurs appréciables, dont devaient hériter les enfants par suite de la mort du père, préférant être abjecte et pauvre dans la maison du Seigneur, qu'habiter sous les tentes des pécheurs..

  A024002255 

 Ayant veu la sentence mentionnee en la requeste, et consideré les raysons d'icelle et autres verbalement proposees, Nous avons permis et permettons la celebration dudit mariage estre faitte dans une mayson particuliere; a la charge neanmoins que la benediction se fera dans l'eglise parrochiale, entre les solemnités de la Messe, ainsy quil est porté en l'ordinayre Messel Romain, et toutes autres choses qui sont a observer estant observees..

  A024002304 

 Et pour esclarcir plus entierement ce qui est de ses affaires, fera voir encor le contract de mariage de madame de Chantal sa mere, laquelle, en cas que par son testament elle n'eut pas disposé en faveur de son filz de ses biens, en disposera par le contract du mariage de son dit filz, pour avoir plus de force, sil est ainsy advisé..

  A024002329 

 Nous faisons savoir et témoignons qu'aujourd'hui, 19 juin 1618, dans Notre chapelle, selon les rites de la sainte Eglise Romaine, c'est-à-dire pendant la Messe et en tenant compte des autres conditions dè droit, Nous avons donné la bénédiction nuptiale au noble Roch Calcagni, de Plaisance, et à Marguerite de Chavanes, [226] née d'une noble famille de cette ville appartenant à Notre diocèse..

  A024002356 

 Notum facimus et testamur, dilectum Nobis in Christo [228] nobilem virum D. Guillelmum de Bernard toto biennio in civitate Annessiacensi, in qua residentia Ecclesiæ Nostræ est, vixisse omniaque munera catholicæ pietatis quam accuratissime obiisse, quemadmodum par erat ab eo exspectare, qui a parentibus (quos olim de facie et moribus cognovimus) piissimis originem traxit, et ab incunabulis in domo catholicissimi Principis Ducis Namurcii educatus fuit, ut et nunc eidem a cubiculo inservit inter primarios ejus domesticos..

  A024002365 

 Nous faisons savoir et témoignons que Notre bien aimé dans le [228] Christ, le noble M. Guillaume de Bernard a vécu pendant deux années entières dans la ville d'Annecy, où se trouve le siège de Notre Eglise, et il y a accompli tout à fait ponctuellement tous les devoirs de la piété catholique; ce qu'il fallait attendre de quelqu'un ayant eu des parents très pieux (à Nous connus à la fois de vue et de réputation), et élevé dès l'enfance dans la demeure du très catholique prince le Duc de Nemours, dont il est maintenant un des principaux officiers, étant attaché à sa chambre..

  A024002373 

 — Rétablir les armoiries de M. de Vallon, rasées de l'église de Samoëns en suite des menées du « sieur Berthelot », est une question de justice.

  A024002375 

 C'est chose des-ja ouctroyee au feu sieur de Charmoysi, et ensuite dequoy l'information de l'interest que Monsieur y peut avoir, avoit esté prise avant le trespas dudit feu sieur de Charmoysi, par laquelle il se treuvera que c'est chose de peu d'importance; et neantmoins, pour la faciliter encor davantage, on offre recompense de fiefz et servis ailleurs dans les terres de Sa Grandeur, a laquelle il importe peu d'avoir en un lieu ou en un autre, estant par tout le haut seigneur au dessus de tous les autres de ce païs..

  A024002375 

 Sa Grandeur est tres humblement suppliee d'accorder et ordonner aux gens de son Conseil et Chambre des Comptes de Genevois de donner en effect des limites a la jurisdiction [230] que le sieur de Charmoysi a a Villy.

  A024002376 

 C'est un point de justice et qui en conscience ne peut estre refusé; car le sieur de Vallon, ayant fait une notable despense pour la reparation de l'eglise, avoit droit de laisser ou mettre des marques de sa pieté pour la posterité au lieu ou il avoit contribué, pourveu qu'elles fussent en une place en laquelle il ny eut point d'apparence que les dites armoiries fussent mises a pair de celle de Sa Grandeur.

  A024002376 

 Sa Grandeur est encor tres humblement suppliee de commander a ses gens du Conseil de deça, de voir si les armoiries du sieur de Vallon qui estoyent en l'eglise de Samoen et en furent rasees par authorité absolue de Sa Grandeur, estoyent en lieu prejudiciable aux authorités d'icelle; et en cas que ledit Conseil juge que non, les faire restablir, ou du moins permettre audit sieur de Vallon de les faire restablir.

  A024002377 

 C'est un point de pieté et de justice tout ensemble, car ces pauvres filles sont pupilles, et on ne sçauroit preuver solidement la mort de leurs oncles ausquelz la curialité d'Ugine appartenoyt: de sorte qu'en cette (sic) doute du trespas on pourroit leur præfiger un terme dans lequel on les laisseroit joüir de laditte curialité et passé lequel elle seroit reunie au revenu de Sa Grandeur; car aussi bien, le droit qui presuppose que chasqu'homme puisse vivre cent ans, et qu'en effect il les vive, portera que ces filles jouissent encor plus de soixante ans, puisque leurs oncles dont on ne peut preuver la mort, l'un estant allé en Levant et l'autre en Hongrie, ne sçauroyent avoir, s'ilz sont en vie, plus de trentecinq ou quarante ans..

  A024002377 

 Sa Grandeur est enfin suppliee tres humblement de commander que le proces que ces fiscaux font contre les [231] deux filles du feu sieur de Cirisier soit vuidé par voye amiable.

  A024002386 

 Monsieur de la Pierre est supplié, de la part de l'Evesque de Geneve, d'interceder vers Monseigneur le Duc de Nemours, a ce qu'il luy playse de commander qu'on face les expeditions des faveurs que Sa Grandeur a accordees audit Evesque:.

  A024002397 

 « Partant, il supplie tres humblement... Sa Seigneurie Reverendissime... de le vouloir absoudre par son accoustumé doulceur et benignité et equitable justice, laquelle il est prest de subir telle qu'il sera vostre bon plaisir l'ordonner.

  A024002417 

 Mais voyant lesdicts sieurs suppliants l'affection, amitié et debvoir de parentage qui est entre ledit sieur Roges, vostre Vicaire general et Official deputé, et ledit de Thyolla, ils sont contraints de recourir a Vostre Reverendissime Seigneurie..

  A024002448 

 Nous dispensons des bans pour le mariage à célébrer entre l'honorable Claude Chaffarod, Notre bien aimé dans le Christ, et Jeanne Berger, aussi Notre bien aimée dans le Christ, tous deux habitants de Faverges; confiant l'affaire au premier prêtre qui, là-bas, est au service de Dieu et de l'Eglise, à condition que les autres prescriptions du droit soient maintenues..

  A024002457 

 C'est pourquoy Nous vous commettons pour celebrer ledit mariage en la face de nostre Mere sainte Eglise, en presence de deux tesmoins, et mesme en lieu particulier, soit en chambre ou ailleurs, secretement, attendu que ledit mariage est des-ja publié, et qu'il n'est besoin de le celebrer sinon pour reparer les defautz de pouvoir, si aucun est intervenu au mariage des-ja, quoy que peut estre nullement, celebré..

  A024002540 

 Par devant Nous FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu Evesque et Prince de Geneve, s'est presenté et compara au palais de Nostre habitation et residence ordinaire de cette cité d'Annessy, M e Jean Thomas, procureur de Ville et des R dz sieurs et nobles Administrateurs du College de laditte cité: lequel Nous a remonstré, comme suivant la bonne volonté de Son Altesse Serenissime et de Monseigneur le Duc de Genevois, Nemours et Chartres, ilz ont remis, cedé et transporté ledit College et administration d'iceluy aux R dz PP. de la devote Congregation de Saint Paul, vulgairement appellés Barnabites, par contract qu'il exhibe, du cinquiesme juillet prochain passé, receu et signé par M e Vassal, notaire et secretaire de laditte ville; Nous requerant vouloir iceluy homologuer en [248] tant que Nous touche, et sur iceluy interposer Nostre decret et.

  A024002556 

 4° S'il est admis au Tribunal par le Reverendissime Evesque, qu'il n'y aille que du consentement du Reverend S r Curé, gratuitement a l'egard des penitens..

  A024002589 

 Et cela, pour que les professeurs prêtres, y établis et fondés, aient un autel sur lequel ils puissent commodément, aux heures fixées, célébrer la Messe devant les élèves, ou encore pour que soit créé un nouveau cinquième professeur, prêtre lui aussi, selon le progrès dudit Collège, et les Statuts donnés par le Révérend M. Bochut, si le revenu provenant [254] des chapelles unies est suffisant, ou qu'au moins ce revenu serve à assurer d'une façon plus certaine l'entretien des susdits professeurs.

  A024002589 

 On Nous y expose clairement qu'il est très utile, nécessaire même, pour l'établissement d'un clergé de quatre prêtres enseignant dans le Collège de la ville, que certaines chapelles, fondées dans son église [paroissiale], soient unies au Collège en question.

  A024002590 

 C'est pourquoi le Révérend François Bochut, prêtre et recteur de l'église paroissiale d'Ayse, et les Syndics et Conseillers de Cluses Nous ont fait supplier de daigner libéralement et paternellement prendre une décision au sujet de cette union perpétuelle, annexion et incorporation.

  A024002616 

 Et après sa mort, je nomme dès maintenant, pour alors et pour toujours, le Collège des PP. Barnabites d'Annecy, auquel je veux et déclare que les susdits cinquante ducatons soient perpétuellement et irrévocablement assignés et appliqués; à condition, cependant, que le Supérieur du Collège des PP. Barnabites sera tenu de faire célébrer la Messe perpétuelle par l'un des prêtres Religieux de son Ordre: car telle est Notre volonté..

  A024002621 

 C'est pourquoi Nous aussi, autant que cela faire se peut, Nous louons les clauses susdites de la patente et, si cela est nécessaire, les confirmons, celle surtout qui a trait à la fondation [258] d'une Messe perpétuelle et à la nomination faite par la Sérénissime Infante pour sa célébration.

  A024002636 

 Et neantmoins, pour le fondement et validité d'icelle, remonstre que, par un prealable, il doibt estre debuement informé sur la necessité, utilité et prejudice que peut aporter ladicte union, et sur la vraye valeur des revenuz annuelz et charges de la chapelle dont est question; et semblablement, des revenuz et charges des Reverendz Peres supliantz, vocatis vocandis, pour de faict leur estre proveu comme de raison..

  A024002636 

 Le Procureur fiscal de Genevois dit qu'il n'a point d'autre interest en l'union dont est question que celuy du bien public, auquel il estime ladicte union pouvoir grandement conferer: laquelle partant il n'empesche, sans prejudice des droictz de Monseigneur et du tiers non ouy.

  A024002640 

 (Un double de la même supplique des Pères Barnabites est apostille par le Saint et par le Procureur fiscal de l'Evêché de la manière suivante: ).

  A024002659 

 Ce consideré, playse, Monseigneur, ordonner que la presente soit monstrée aux RR dz seigneurs Prevost et Chanoenes dudict venerable Chappitre, pour, sur ce, faire leur declaration et donner leur consentement; duquel ilz sontz priez humblement comme certiorés et (sic) l'estat dudict prieuré et necessitées dudict College, affin que, ce faict, il soyt procedé par V. S. R me a l'union don (sic) est question, ainsi qu'elle verra a faire.

  A024002671 

 Qu'appres qu'il a apparu a V. S. R me des preuves souffizantes des necessitées dudict College, le revenu duquel, comme la plupart incertain, n'est souffizant pour leur entretient et des regens des basses classes; par la sommaire apprinse faicte, de l'authorité et commission de V. S. R me, par M e Dumont, greffier de l'Evesché a ce commis; aussy heu esgard au consentement presté par le venerable Chappitre cathedral de Saint Pierre de Geneve, sur la requeste cy jointe du cinquiesme du courant, signé par le sieur Chanoine Jay, secretaire dudict Chappitre, cy contre, il soit le bon playsir de V. R me S., suyvant les conclusions de leurs precedentes requestes, de passer oultre a l'union du prieuré de Saint Clair, fruictz, revenus, biens et charges en dependentz, audict College a perpetuité, comme estant un simple benefice, ainsy que doibt resulter de ladicte requeste sommaire.

  A024002673 

 Et c'est pour en jouir apres le trespas du moderne recteur et prieur, paysiblement..

  A024002680 

 Quare, cum sacri Canones, nunc divina Officia persolventibus, [263] nunc animarum saluti verbo, doctrina, sacrorum administratione incumbentibus, beneficia impertienda suadeant, novissime vero sancta Tridentina Synodus speciali favore collegia quibus prima ætas pietatis ac litterarum rudimentis instituatur prosequuta, non solum ea erigenda arctissime præcipiat, verum etiam peculiares modos inducat, quibus ipsorum oneribus sublevandis, per fructuum ecclesiasticorum assignationes provideatur; Nobis quoque ita Nostrum quo fungimur in iis redditibus distribuendis munus justius obire visum est, si iis qui non in singula modo, sed in omnia simul ea quæ prædiximus, diligenter intendant, pastoralem curam in hac parte impertiamur..

  A024002692 

 Or, par de légitimes documents et témoignages reçus dans ce but et à Nous montrés, il est évident que les Révérends Clercs réguliers, de Saint-Paul, appelés vulgairement Barnabites, qui au Collège Chappuisien d'Annecy, sous le vocable des Saints Paul et Charles, tout en s'acquittant, selon les pieux statuts de leur Congrégation, de la célébration des Offices divins, de l'administration des Sacrements, des prédications, du catéchisme, des écoles et autres fonctions [264] religieuses, jouissent cependant d'un si petit revenu, que, ne pouvant suffire à tant de charges assumées, ils se voient forcés à diminuer le nombre de leurs Religieux, et à omettre les fonctions ordinaires plus solennelles, ou à les célébrer moins solennellement que ne le leur permettent leurs Constitutions:.

  A024002693 

 Nous donc, en obéissant, selon Notre devoir, aux décrets des saints Canons et du saint Concile de Trente, en conformité aussi à la volonté du Sérénissime Prince de Savoie et de Piémont, voyant que, pour aider et promouvoir les services si utiles et nécessaires à la vie ecclésiastique que rend le susdit Collège, on peut, sans aucune diminution du service divin, assigner commodément la chapelle séculière ou église de Notre diocèse appelée vulgairement prieuré de Saint-Clair; de Notre autorité ordinaire, aussi bien que de celle qui, en tant que l'affaire le requiert, Nous est déléguée par le Siège Apostolique, suivant les décrets du Concile œcuménique de Trente, et après avoir pris le consentement capitulaire de Nos frères les Chanoines, Nous unissons, annexons et incorporons pour toujours, par la teneur des présentes, au Collège Chappuisien des Saints Paul et Charles d'Annecy, des Clercs réguliers de Saint-Paul, [265] ladite chapelle, église ou prieuré de Saint-Clair, de Notre diocèse, avec tous ses biens, revenus, droits et émoluments, ainsi que tous accessoires, appartenances, annexes et dépendances, eu égard à l'état actuel comme à l'état futur, et vice-versa, aussitôt qu'elle sera vacante par voie de cession pour cause de résignation, de permutation ou toute autre, ou bien, par le décès, ou autre démission ou amission du Révérend Jean Sonnerat, recteur actuel.

  A024002704 

 Supplient humblement les R dz Peres Clercz reguliers de la Congregation de Saint Paul, recteurs perpetuelz du College de la presente ville, qu'en la cause d'appel ventillante au Senat sur l'appellation comme d'abus interjectee par le sieur Baron de Menthon de l'union de la chappelle appellée prieuré de Saint Clair audict College, ledict sieur Baron se sert de la Visite faicte par V. R. Seigneurie dudict prieuré, qu'il est presupposé escript que ladicte chappelle est de son patronage; de laquelle Visite les suppliantz desirent avoir extraict..

  A024002712 

 Et ne croyons pas qu'il se faille arrester a ce qu'en ladite Visite sont estes adjoustés par apostille ces motz: de la præsentation du sieur Baron de Menthon, puisque elle n'a esté appreuvé par Nous, et que pour avoir treuvé, appres que le livre de Visite nous a esté des-ja diverses fois representé, qu'elle avoit esté moins soigneusement et exactement redigee par escrit, Nous ny avons pas cy devant adjousté foy telle qu'est deüe aux actes publicz, mais seulement Nous en sommes servi par forme de memoyres et instructions; aussy ne l'avons Nous voulu ny signer ny appreuver nulle part..

  A024002712 

 [268] Particulierement, n'avons aucune memoire qu'en la Visite de la chapelle appellee prieuré de Saint Clair fust parlé d'aucun droit de patronage; c'est pourquoy Nous l'avons tousjours creu et tenu pour un benefice libre, sans qu'aucun en aye le droit de presentation.

  A024002724 

 L'Evesque de Geneve est le seul legitime Prince sauverain de Geneve et de ses dependences, nonobstant que les Seigneurs Ducz de Savoye, comme successeurs des comtes de Geneve d'une part et les citoyens de Geneve de l'autre, prætendent au contraire..

  A024002726 

 L'an 1371, ladite revocation est confirmee, avec commandement au comte, tant de la part du mesme Empereur que du Pape Gregoire 12, d'acquiescer a icelle en faveur de l'Evesque.

  A024002728 

 L'an 1219 et 1290, par accord fait entre les Evesques et les comtes de Geneve et de Savoye, la sauveraineté est reconneüe et declairee appartenir a l'Evesque, le comte Amé se qualifiant vassal de l'Eglise de Geneve.

  A024002735 

 Mays si cela est un privilege donné par l'Evesque, ilz l'ont perdu par le crime de leze majesté commis par eux en leur rebellion contre icelluy..

  A024002760 

 Honorable Georges Scheyffer, messager de son impériale Majesté, délégué vers Nous, est arrivé ici très heureusement l'avant-dernier jour du mois de mars, à deux heures après midi.

  A024002760 

 Il nous a remis les lettres de l'Empereur, et il est reparti sain et sauf comme il était venu: c'est ce que Nous attestons par les présentes..

  A024002771 

 Quod a Nobis dilectus in Christo Georgius Seyffert, d'Augsburc, sacri Imperii tabellarius, expetiit, ut scilicet testatum faceremus Nos ab eo mandatum a Cæsarea Majestate decretum et emanatum ad comparendum in proxima Dieta accepisse; id quidem quia verum est, præsentibus hisce Nostris literis, manu Nostra signatis ac sigillo Nostro munitis, testatum et contestatum facere voluimus et facimus..

  A024002772 

 Fidem facientes insuper, eundem Georgium Seyffert, præsentium latorem, his paucis diebus quibus Nobiscum versatus est, semper catholico more vixisse nihilque gessisse quod virum vere Christianum non redoleat.

  A024002782 

 Georges Seyffert, d'Augsbourg, notaire du Saint Empire, a désiré de Nous, qui le chérissons dans le Christ, l'attestation qu'il Nous a remis un décret de son auguste Majesté pour Nous inviter à la prochaine diete: ce qui est vrai, Nous le déclarons par ces présentes signées de Notre main et munies de Notre sceau..

  A024002793 

 Je croy que le tiltre est de Nostre Dame..

  A024002793 

 Sur la vacance de la pension ou portion qui estoit demeuree a l'Abbé de Filly pour le tiltre de l'abbaye, tout le reste du revenu ayant esté appliqué a l'Ordre Saint Maurice et Lazare, il est requis que Son Altesse nomme a Sa Sainteté un successeur pour ladite portion.

  A024002794 

 La vacance est par le deces de Reverend noble de Grilly, Religieux et Chantre de Saint Claude, bien que ladite [284] [portion] ne soit annexee ni a la chantrerie ni au monastere Saint Claude.

  A024002794 

 La valeur est de 35 escus..

  A024002801 

 Et c'est [pour], au nom de mon dict Seigneur le Reverendissime Evesque, prester la fidelité a Serenissime Monseigneur le Prince de Piemont; et c'est suivant et a la forme teneur de la fidelité prestee personnellement par mon dict Seigneur le Reverendissime le premier may mil six cent et troys, par l'acte signé Boursier, a feu de tres heureuse memoyre Monseigneur le Prince (que Dieu absolve) Philippe Emanuel; et fere tout ainsy que si mon dict Seigneur le Reverendissime estoyt present, et de telle fidelité en retirer acte duement signé et aultrement fayre comme le fait le requiert.

  A024002813 

 Præterquam, quod sæpissime opus est ut recurrat Gratianopolim ad accipiendam Episcopi intentionem, quod in rebus urgentibus sine magnis incommodis fieri nequit.

  A024002823 

 Il s'y fait un grand concours de monde à cause du passage des Français, des Anglais et des Flamands qui vont en Italie; il convient donc, et même il est nécessaire qu'il y réside un Evêque pour tenir en ordre l'état ecclésiastique dans une ville si fréquentée..

  A024002823 

 [...Il écrivit au très saint Siège Apostolique d'excellentes raisons [287] en faveur de l'Eglise cathédrale de Chambéry, par lesquelles il montrait que] de tout temps ia ville de Chambéry fut la capitale de la Savoie, que le souverain Sénat et le Conseil d'Etat y font leur résidence, qu'elle est ornée d'un grand Collège et de plusieurs [288] églises, tant séculières que régulières.

  A024002824 

 D'ailleurs, l'évêché de Grenoble est si étendu et il comprend tant de pays différents, enfin son administration est si difficile, que la plupart du temps les affaires de Savoie sont nécessairement différées..

  A024002826 

 Aussi c'est à peine si les Sacrements de Confirmation et d'Ordre, si les consécrations des églises et des calices, si les saintes Huiles peuvent être procurés par l'Evêque de Grenoble, assez occupé dans sa ville..

  A024002826 

 Une autre difficulté, c'est la trop grande distance qui sépare Chambéry de Grenoble.

  A024002827 

 De plus, l'Evêque de Grenoble étant le chef et le président des comices et des assemblées séculières et temporelles du Dauphiné, s'il surgit quelque dissentiment entre les couronnes de France et de Savoie, ou même entre les gouverneurs de Savoie et du Dauphiné, les relations entre les deux peuples deviennent très difficiles et le passage de l'Evêque sujet à de graves soupçons de part et d'autre; [290] car alors il n'est pas regardé comme le Pasteur commun de l'un et de l'autre peuple, mais comme un homme exclusivement dévoué et lié au pays où il réside et exerce la prééminence..

  A024002828 

 C'est à celui-ci de fournir aux villes et provinces, en y constituant des Evêques, les moyens convenables pour le maintien de la piété et la décence dans l'exercice du culte catholique..

  A024002834 

 Cum enim, ut magnus Nazianzenorum [292] Pontifex Gregorius dixit, Episcopi sint pictores virtutis, rei præclarissimæ, remque tam excellentem verbis ac operibus concinné, et quoad fieri potest, exacte pingere debeant, non dubito quin in nostri clarissimi et spectatissimi Juvenalis vita, justitiæ christianæ, hoc est omnium virtutum omnibus numeris absolutam imaginem conspecturi simus..

  A024002834 

 Gratissimum vero mihi et jucundissimum est quod audio de Vita et vivendi ratione perillustris et Reverendissimi Patris et Domini Juvenalis Ancinæ propediem in lucem emittendam.

  A024002841 

 Ille vero: « Res, » inquit, « hæc, paulo accuratius tractanda est, neque nunc nobis tempus suppeteret, advesperascente jam die; itaque cras, si ad me veneris, opportunius de re tota agemus.

  A024002841 

 Tu, interim, quod caput est, lumen cœleste precibus advoca.

  A024002841 

 Verum, quæ Dei est benignitas! Cum oratorium Valicellam ingressus essem, ecce audio Patrem Juvenalem Ancinam de humani primum ingenii inconstantia et infirmitate, [296] deinde de ea magnanimitate qua instinctus divini exequutioni mandandi sunt, ad populum verba facientem tanta sermonis et sententiarum peritia, ut cordis mei miserandam pigritiam, quasi manu injecta, excutere videretur; ita ut tandem quasi tuba exaltans vocem suam, me ad deditionem cogeret.

  A024002842 

 Quibus attente auditis et expensis: « Et propterea, » inquit Servus ille Dei, « divina Providentia factum est, ut in Ecclesia [297] varii sint Ordines Religiosorum; ut scilicet, qui austeris et pœnitentiæ exteriori addictis, non possit vitam addicere, mitiores ingrediatur.

  A024002843 

 Ex quibus facile est conjicere quanta fuerit magni Juvenalis Ancinæ in dicendo efficacia, in consulendo sagacitas et in juvandis proximis constans et perfecta charitas; quod enim nunc exempli gratia a me recitatum est, idipsum cum plerisque aliis actum cognovimus.

  A024002844 

 Jam autem postquam a præclaro Congregationis Oratorii vivendi modo ad sacrosanctum episcopale munus translatus est, tum vero maxime ejus virtus splendidius micare, ac clarius, ut par erat, splendescere cœpit, ut lucerna nimirum ardens et lucens, quæ super candelabrum posita, omnibus lucet qui in domo sunt..

  A024002845 

 Et quidem cum Carmaniolæ, quod oppidum est Salluciensis diæcesis, ubi Visitationis pastoralis officio tunc incumbebat, anno millesimo sexcentesimo tertio, ejus salutandi gratia, relicto tantisper itinere, venissem; sensi [299] ego tunc quantam dilectione mixtam venerationem, ejus pietas et virtutum copia in populis illis excitaret.

  A024002853 

 Les évêques, en effet, étant, au dire [292] du grand Pontife Grégoire de Nazianze, les peintres de la vertu, qui est la chose la plus belle, et devant, par leurs paroles et leurs actes, retracer avec art et, autant que possible, exactement une chose si excellente, je ne doute pas que nous ne devions contempler en notre très illustre et distingué Juvénal l'image parfaite de la justice chrétienne, c'est-à-dire de toutes les vertus..

  A024002857 

 C'est pourquoi lorsque ceux qui, touchés intérieurement par l'amour céleste, désiraient suivre une manière de vie plus pure et lui demandaient son avis, il ne regardait que la plus grande gloire de Dieu, et les conduisait avec grande affection, par conseils et par actes, vers la Société qu'il pensait pour eux la mieux désignée: homme, par conséquent, qui n'était ni à Paul, ni à Pierre, ni à Apollon, mais à Jésus-Christ; qui ne se souciait, ni dans les affaires temporelles ni dans les spirituelles, de ces mots si froids de mien et de tien, mais pesait sincèrement toutes choses dans le Christ et pour le Christ.

  A024002858 

 Mais l'autre, subitement tout joyeux: « Combien agréable, » [295] dit-il, « combien cher doit être pour moi le souvenir de cet homme! C'est lui, en effet, qui en quelque sorte m'engendra une seconde fois dans le Christ.

  A024002860 

 Lui aussitôt: « L'affaire, » dit-il, « doit être traitée avec plus d'attention, nous n'aurions pas le temps de le faire maintenant que le jour est à son déclin; si donc demain vous venez me trouver, nous nous occuperons plus opportunément de toute cette question.

  A024002860 

 Mais combien grande est la bonté de Dieu! Etant entré à l'oratoire de la Vallicella, voici que j'entends le Père Juvénal Ancina prêcher au peuple, d'abord sur l'inconstance de l'esprit humain [296] et sur sa faiblesse, ensuite sur la magnanimité qu'il faut mettre à suivre les instincts divins; et cela avec tant de talent dans la parole et les idées exprimées, qu'il semblait secouer, comme avec la main, la paresse malheureuse de mon cœur; en sorte que finalement, élevant sa voix comme une trompette, il me contraignit de me rendre.

  A024002860 

 Vous, en attendant, ce qui est le principal, demandez par vos prières la lumière céleste.

  A024002861 

 Ce qu'ayant écouté et examiné attentivement: « Et c'est pour cela, » me dit ce Serviteur de Dieu, « que la Providence [297] a ménagé dans l'Eglise la variété des Ordres religieux; afin que celui qui ne peut s'engager dans ceux qui sont austères et voués à la pénitence extérieure entre dans les plus doux.

  A024002861 

 Et voici que s'offre à vous la Congrégation des Clercs réguliers de Saint-Paul, où la discipline de la perfection religieuse est en grand honneur, et où cependant l'on n'est pas accablé par les austérités corporelles, tellement que à peu près tout homme peut, avec la grâce de Dieu, observer très facilement ses coutumes et Constitutions.

  A024002862 

 D'où il est facile de conclure quelle était la persuasion de parole du grand Juvénal Ancina, sa sagacité dans les conseils, et sa constante et parfaite charité à aider le prochain; car ce que je viens de raconter à titre d'exemple, nous savons qu'il l'a fait pour beaucoup d'autres.

  A024002888 

 Auquel fut respondu que feu Monseigneur le R me Bachodi, qui estoit Nonce de Sa Saincteté, d'allieurs Evesque de Geneve, et apres, le feu Monseigneur le R me Angelo Justinian, Evesque aussi de Geneve, ont laissé l'Office a ceulx de l'eglise de Nostre Dame, sans vouloir rien innover, puisque mesme non seulement leur eglise est la principale de la ville, comme se veoid par l'assemblee qui se faict dans icelle, voyre aussi [qu'ils sont] Curé de la parrochiale de la ville, a laquelle la ville a notable interest..

  A024002889 

 Puisque le temps est fort proche, il est necessaire [savoir] si la Ville vouldra permettre que l'assemblee des croix se fera dans l'eglise empromptee pour Cathedrale, lorsque se feront les processions; oultre que, encores que Curés, on veult que aultres, qui n'ont aulcune part en la cure, fassent l'Office, et priver [ainsi] les propres Curés de leur authorité et prerogative..

  A024002895 

 Messieurs les Scindics ont proposé comme Monseig r le Reverme, Monseigneur François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, les feit appeler hyer, ausquels il remonstra le desir et sincere affection qui le portoient tout parfaire pour l'honneur qui est deub a nostre Dieu.

  A024002895 

 Ne desirant neanmoins de faire breche et prejudicier aux droicts, prerogatives et preeminence deubs au Curé, soit au dict Chapitre de Nostre Dame, par l'acte que dessus; ains au contraire, est de telle volonté que de mourir plustot pour la conservation de parrochiale et droicts de Curé, que de permettre que chose quelconque leur soit levee..

  A024002896 

 Se plaignant encores (Monseigneur) qu'a esté obmis estrangement de ce que a icelle resolution et deliberation il n'a esté daigné l'appeler pour ouvrir ce qui estoit en son entendement et communiquer les raisons qui le poulsoient tout oultre sur chose si saincte (puis mesme que c'est ung Sacrement qui est une union telle que l'Eglise et Docteurs d'icelle la preschent) et faire que chascung iroit avec une union a adorer nostre Dieu.

  A024002908 

 ... Il y a longtemps que la dispute entre M rs de Sainct Pierre et de Nostre Dame dure, et s'est resolue par arrest du Metropolitain de Vienne, par provision,... tellement que pour la procession [de la Fête-Dieu, les chanoines de Notre-Dame] disent ne le pouvoir faire, puis que M rs de Sainct Pierre feront l'office de Curés sans les dictz S rs de Nostre Dame.

  A024002913 

 Ce que n'a volu estre accordé ni discordé a mon dict Seigneur le R me par les dicts sieurs Sindics, sans en communiquer ceans, et de la resolution qu'en sera prinse, la faire entendre au long a mondict S gr de Geneve; qui est ce qui est demandé de l'assistance..

  A024002913 

 Et puisqu'ils precellent tous aultres corps d'eglise, ainsy que s'est veu par la sentence du Metropolitain rendue a ce mois de juin, executee par ce que l'on a peu veoir par la derniere procession de la Feste Dieu de cette annee, il veut que l'assemblee du Clergé se fasse dans la dicte Cathedrale, et que de la, la procession parte, et que tous aient a suivre, ainsi que de coustume, avec la preeminence deue aux cathedraux.

  A024002919 

 Et apres que le dict S r Doyen n'a esté trouvé, la Ville est d'advis que le Chapitre sera prié, ou tout le corps ne vouldra marcher, que, comme Curé, il marchera, ou pour le moins ceux qui sont obligés pour le service de la parrochiale ceste sepmaine; a defaut de quoy, sera prins acte de reffus.

  A024002929 

 Sachent tous comme ainsy soit que par cy devant question et differend soyent estés meus entre les Reverends seigneurs Prevot et chanoines et Chappitre de l'Esglise de Geneve (a present resident en la presente ville d'Annessy) d'une part, et les Reverends seigneurs Doyen, chanoines et Chappitre de l'Esglise collegiale de Nostre Dame de cette ville d'autre, et ce, tant a cause de la precedence et preceance qu'a cause des sepultures: pour raison de quoy, procés auroit esté intenté par devant Monseigneur l'Archevesque de Vienne, ou soit monsr son Vicaire metropolitain, ou le dict procés est encore pendant indecis, ayant neantmoins esté tant procedé que ladicte precedence et presseance auroit esté, par provision, adjugee a ladicte Esglise de Geneve..

  A024002931 

 Pour ce est il que ce jourdhuy, quatorzieme du mois d'octobre mil six cent et cinq, par moy notaire soubsigné et en presence des tesmoins soubs nommés, se sont establis en leurs personnes les susnommés,... et ont transigé, traicté, convenu et arresté comme s'ensuit...:.

  A024002934 

 Et neanmoins, voyant qu'elle est rendue en termes generaux,... le tout a esté arresté comme sera cy bas specifié... Lorsqu'il plaira a mondict Seigneur le Reverendissime, ou a son Grand Vicaire, de convoquer les esglises en son Esglise cathedrale pour les processions, ils ne feront aucune difficulté d'y venir, le signe de la cloche leur estant donné a propos; et au cas quils arriveront pendant que l'on chantera au cœur (sic) cathedral soit Heure ou Grande Messe, ils se logeront ou bon leur semblera hors du cœur, en attendant la fin de l'Office; lequel fini ils entreront au cœur, si bon leur semble, et se logeront aux hautes formes du costé gauche qui sera vuide a ces fins, sauf la place accoustumee pour les gens de Monseigneur tenant ses Conseils et Chambre des Comptes; et la se reposeront, en attendant que la procession se commence, sans toutesfois quils puissent faire aulcune sorte d'Office en ladicte Esglise cathedrale.

  A024002940 

 Et affin que la presente transaction et accord puisse avoir plus de force et de vigueur et sortir son plain et entier effect, les susnommés Reverends seigneurs Prevost et chanoines de ladicte Esglise cathedrale de Saint Pierre de Geneve, comme de mesme les cy devant nommés seigneurs chanoines et prestres d'honneur de ladicte Esglise collegiale de Nostre Dame, ont requis et requierent mondict Seigneur le Reverendissime Evesque et Prince de Geneve, qu'est icy present, vouloir insinuer, emologuer et interposer son decret et authorité judiciaire: ce qu'il a faict.

  A024002952 

 C'est pourquoy, sur l'humble requeste que Nous a este faicte de vostre part, Nous vous donnons pouvoir de confirmer et enrichir des Indulgences et graces speciales cy dessoubz escriptes, toutes les Confrairies du tressainct Sacrement de l'Autel cy devant canoniquement instituees et dressees en tout le diocese de Geneve..

  A024002952 

 Nous accordons volontiers, pour plusieurs respectz, ce que vous Nous demandes, principalement quand c'est pour l'acroissement du service divin.

  A024002977 

 Ceux qui se trouveront aux Messes et aultres divins offices qui se celebrent es eglises, autels ou oratoires desdictes Confrairies, ou bien qui assisteront aux assemblees d'icelles Confrairies, soit qu'elles se facent publiques ou particulieres, en quelque lieu que ce soit, et ceux qui accompagneront le tressainct Sacrement quand il est porté ou es processions ou aux mallades, ou aultrement, comme que ce soit; ou qui, estant empechés de ce faire, oyant le son de la cloche qui sert de signe pour cela, diront un Pater noster et un Ave Maria pour le malade; ou quy se treuveront es aultres processions extraordinaires desdictes Confrairies et des aultres quy se feront par vostre licence, ou aux ensevellissementz des deffuncts; ou quy visiteront et secourront les mallades, ou quy feront hospitalité aux pauvres, ou quy leurs feront ausmonnes et secours, ou qui pacifieront les discordes qu'eux mesmes ou les autres auront, ou bien procureront qu'elles soyent pacifiees; ou bien quy reciteront cinq fois le Pater noster et l' Ave Maria pour les deffuncts, ou quy ramenneront quelqu'ung au chemin de salut, ou quy enseigneront les choses utiles au salut, ou quy feront quelque autre sorte d'œuvres de pieté et de charité: toutes fois et quantes qu'ilz feront quelqu'une des susdictes bonnes œuvres, gaigneront cent jours d'Indulgence..

  A024002981 

 Oultre cela, Nous accordons a tous les confreres et seurs desdictes Confrairies quy, estant legitimement empechés (comme ceux quy seront mallades ou en voyages), ne pourront venir aux esglises, quils puissent en ce mesme temps gaigner les mesmes Indulgences quils gaigneroyent es eglises, selon quil est dict cy dessus, moyennant quils recitent un Chapellet, c'est a dire la troisiesme partie du Rozaire..

  A024002995 

 Et au dessus dudict autel, contre la muraille, se treuve attaché une image de toille, de forme carree, d'environ quattre piedz de tous costés, dans laquelle est pourtraicte en la partie superieure la Tressaincte Trinité et l'Annonciation de la glorieuse Vierge Marie, et en l'inferieure, a dextre, l'image de ladicte Vierge tenant entre ses bras le petit Jesus, et a. gaulche, l'image de sainct Nicolas, et au milieu d'icelle, un petit Crucifix.

  A024002997 

 Interrogé sil est vray que son filz Nicolas fut detenu d'une griefve maladie, en l'aimee 1598, et qu'a ceste occasion il eust faict veu a Dieu et a la glorieuse Vierge Marie de fere construire et bastir la susdicte chappelle, si Dieu luy faysoit la grace de revenir en convalescence, et si ce veu fut faict du sceu et consentement dudict Guilliame deposant:.

  A024003011 

 Respond quil est vray qu'en ladicte annee 1598 il fut detenu d'une grosse maladie de laquelle il tint le lict pres de trois mois, sans se pouvoir lever ny retourner qu'avec assistance d'aultruy, et qu'alhors il fit plusieurs devotions et vœux pour recouvrer sa santé; entre lesquelz l'un fut de fere bastir la susdicte chappelle au plus tost quil en auroit les moyens et commodité, sans touttesfois [317] declarer sondict veu (lhors de sadicte maladie) a son pere jusques environ quattre ans appres icelle.

  A024003012 

 Interrogé sil est toujours en la mesme deliberation de supplier licence de fere celebrer ez jours portés par sadicte Requeste et constituer avec sondict pere le revenu annuel y mentioné:.

  A024003013 

 Et plus oultre n'a esté interrogé, et s'est soubscript..

  A024003023 

 Dict et respond qu'il y a environ demy lieue de distance et qu'il y a trois nantz a passer en chemin; l'un desquelz est plus proche dudict village des Vorziers, appellé nant de Dyere, qui vient fort grand et impeteux en temps de pluye, tenant mesme de gravyne [318] en largeur, en temps sec, environ trente pas, et que deça dudict nant, proche dudict village des Vorziers, sont buissons, bourses et pierres environ deux centz pas de chemin..

  A024003029 

 Ledict Nicolas Challamel, aagé d'environ cinquante ans, juré, assermenté et examiné comme est requis, a esté interrogé sil cognoit Guilliame Perroullaz et Nicolas son filz, et sil sçait quelque chose de l'occasion de la construction de la chappelle sus mentionnee:.

  A024003032 

 Dict et respond qu'il estime y avoir environ une bonne demy lieue de chemin, touttesfois tout a plain, auquel se trouve, au sortir des possessions dudict village, des isles plaines d'espines, buissons et pierres, contenant de chemin environ douze vingtz pas, dans lesquelles isles se trouvent souvent, mesmes en hyver, des loupz et aultres bestes; dela desquelles est la riviere appellé le nant de Diere, fort impetueux en temps de pluye et difficile a passer, et encoures de la ledit nant s'en trouve ung aultre dict le nant de la Croix, et plus oultre, tendant contre Salanche, distant du precedent environ deux centz pas, un aultre appellé nant de Lespignier, lesquelz touttesfois ne viennent si impetueux ny grandz que le premier..

  A024003035 

 Repeté, a perseveré; sur les generaulx interrogatz a respondu pertinemment, et s'est marqué, a faulte de sçavoir escripre..

  A024003046 

 Repeté, a perseveré; sur les generaulx interrogatz respond pertinemment, et s'est soubsigné..

  A024003053 

 Repeté, a percisté; sur les generaulx interrogatz respond pertinemment, et s'est soubsigné..

  A024003059 

 A respondu quil a cognu des sa jeunesse ledict Guilliame Perroulaz et a heu grande familiarité avec luy, et l'a tousjours recognu pour homme de bien; et que pour estre allé souventesfois audict village des Vorziers ou ledict Guilliame desmeure, il a trouvé le chemin fort long, luy semblant exceder demi lieue des la ville de Salanche pour estre au coing de la parroesse; et qu'audict chemin tirant contre les Vorziers, il y a trois nantz, desquelz le dernier et le plus proche dudict village est fort dangereux et se desborde touttes les annees, de sorte que par foys un (sic) ny peult passer qu'au preallable il ne soit descru, comme est arrivé audict deposant; et qu'appres ledict nant, sont les isles des Vorziers, dans lesquelles se treuvent quelques fois des loupz qui font dommaige ez passantz, estant advenu il y a environ quelques annees qu'ilz y gasterent une fillie qui en mourut.

  A024003060 

 Et s'est marqué, pour ne sçavoir escripre..

  A024003064 

 Finablement, ayant consideré qu'a la procedure de telles et semblables informations l'on a accoustumé de donner notice du faict au sieur Curé du lieu ou telles nouvelles chappelles s'erigent et se fondent, et sur ce ouyr et entendre son dire: se trouvant ladicte chappelle dressee [dans la] paroesse de [Sallanches] delaquelle le venerable Chappitre de [Sallanches] est Curé, j'aurois faict entendre aux Reverendz seigneurs du susdict Chappitre l'intention desdictz Perroullaz, pere et filz, pour l'erection et fondation de ladicte chappelle, et la charge a moy commise pour ce faict..

  A024003084 

 Il y a 9 ou 10 jours que je marchande de vous escrire, et ay tous-jours differé attendant la presentation de nos cayers; mais voyant qu'elle se delaye de semaine en semaine, j'ay pensé a propos par advance vous escrire la presente, et vous dire, pour vostre consolation et de tous les bons catholiques de Gex, que la France est tant esloingnee de tout chisme et division du Saint Siege Apostolique, qu'au contraire jamais elle n'y a esté si estroitement jointe et unie qu'elle est a present; comme elle tesmoingne par l'humble demende et instante requisition qu'elle fait a Sa Majesté de la reception et publication du sacrosaint et œcumenique Concile de Trante, ornant le frontispice de son cayer general de cette demande, comme les douze des douze gouvernements de France en estoyent embellies tout au commencement, estant leur I er article, voyre mesme les cayers particuliers des Baillages et senechaussees de tout le Royaume.

  A024003085 

 Cela n'est il pas suffisant pour faire mourir d'honte nos imposteurs? Voyez l'imprimé des motifs [323] de l'impugnation de l'article que je vous envoye, et le communiquez aux catholiques.

  A024003085 

 En un mot je vous diray que toute la France est tant esloignee de tout chisme et desunion, qu'a contrepoir elle se paine et travaille incessamment, et maintenant plus que jamais, a reunir tant par predication que par escript ceux qui se sont separez et desunis de l'Eglise Saincte, Catholique, Apostolique et Romaine..

  A024003086 

 Tous les articles de nos cayers et plusieurs autres que j'ay adjousté touchant vos advis et ce que j'ay jugé utile pour le bien du baillage, et particulierement des catholiques, ont esté bien receu du Clergé; qui est un prejugé qu'ilz seront favorablement repondus de Sa Majesté..

  A024003087 

 C'est pour respondre au dernier point de la vostre, non de parolle, mais en effaict..

  A024003087 

 Il seroit a propos encore d'escrire a Monseigneur l'Archevesque de Bourge et le remercier humblement de centz escus qu'il nous veut donner tous les ans, tant pour nostre entretien que pour employer au faict de nostre mission; c'est outre les centz escus qu'il donne a l'economie et n'ont rien de commun avec iceux.

  A024003087 

 Vostre tresorie est espuisee, c'est le moyen de la remplir et empescher qu'elle ne s'espuise a l'advenir; ceci n'estant toutefois qu'un fil du canal que je pretent y conduire.

  A024003103 

 Dans le I er pacquet il y avoit deux lettres que je vous escrivois; dans le 2 e estoient deux lettres de monsieur le Masurier, l'une pour luy, l'autre pour monsieur le Curé de Gex, qu'il m'avoit envoyees de Poictiers pour respondre des leurs, d'ou maintenant il est de retour depuis 8 jours, et l'ay esté visiter et ay [parlé] de nostre cayer avec lui; mais il le trouve un peu tropt politicque, neantmoins bien affectionné a nostre partis, avec toute sorte d'offre et de courtoisie, et que dimanche prochain il me viendroit voir au couvent..

  A024003104 

 Je vous ay desja escript par la mienne derniere, il y a environ 3 semaines, que tous nos articles avoyent estez fort bien receu et inserez tout au long dans le cayer de l'Eglise, hormis la seigneurie [325] de Peney qui est pour estre riere la souveraineté de Geneve; mais aussy j'en ay adjoustés plusieurs autres que j'ay jugé utiles et necessaires pour le bien des catholiques de Gex.

  A024003104 

 Reste a vous dire que je ne manqueray a soliciter diligemment vers les commissaires [et] ceux qui respondront les cayers pour avoir une bonne et favorable response a nos articles; et si en l'ordonnance generale que le Roy fera de tous les cayers elle n'est telle, je ne manqueray en particulier par apres de la poursuivre vers Sa Majesté et vers son Conseil.

  A024003117 

 Je donnay le I er pacquet a monsieur de la Bastide et je vous l'adressois; le 2ond a Monseigneur de Geneve, par la poste, l'adressant au V. P. Gardien de Chambery (et reste fort estonné que luy ayant escript depuis mon depart de Gex par 5 ou 6 fois, je n'aye receu de luy un seul mot de response, estant venus icy expres pour les affaires de son [326] diocese riere la France); le 3 e pacquet je l'ay adressé a monsieur de Fournel, et ce par la voye de monsieur Carlet; le 4 e a monsieur le Baillif, par l'adresse de monsieur Robin, comme il m'avoit escript; le 5 e est le present, par M. Tombet, deputé du Tiers Estat de Gex, lequel vous racontera amplement la conclusion des Estats et le peu de satisfaction que remportent les deputez en leurs provinces..

  A024003119 

 J'attendray ce temps, comme aussy la response des cayers, et si elle n'est favorable pour nous, je tascheray d'obtenir en particulier ce qu'on n'aura peu en general, comme aussi tout ce que je cognoisteray necessaire pour le bien du baillage de Gex; M. de Favey (?), M. Tombet et moy y avons desja faict tout ce que nous avons peu..

  A024003156 

 Postea vero ad Calvinistarum partes transisse (cujus rei coram Domino nostro Jesu Christo et sancta ejus Ecclesia admodum me pœnitet), non quod de fide Catholica ullatenus dubitarem, sed tantum ut libertatis quæ est secundum mundum et carnem potiundæ mihi copia fieret ac facultas.

  A024003157 

 Itaque factum est ut quos libros Matthias ille Illiricus ejusque asseclæ in animarum perniciem composuerunt, mirabili Dei providentia mihi in salutem cesserint.

  A024003161 

 Consideravi vanitatem et confusionem turris illius quam contra Christi Ecclesiam Lutherus ædificare conatus est, quomodo videlicet in innumeras sectas dissecta sit, quarum nulla aliarum linguam intelligit, sed singulæ singulis hæreticæ sunt, et peculiaria sibique invicem repugnantia amplectantur dogmata.

  A024003244 

 Nobis infrascriptis spem certissimam ministrant, si iisdem vivificæ Crucis signo et sacratissimæ Virginis Mariæ ope et opera, ac Beatissimorum Petri et Pauli Apostolorum suffragiis imploratis, ad Deum ipsum, omnis pietatis auctorem, qui etiam cum ulciscitur est misericors et sicut impœnitentibus est destrictus ita conversis pius et pacificus, soletque emendatos in præsenti vita a tribulationibus liberare et in futura ad æterna gaudia perducere; cum cordis compunctione, gemitu et humilitate, orationibus, jejuniis, frequenti peccatorum confessione, Eucharistiæ sumptione, aliisque piis et charitativis vereque Christianis officiis convertamur, ipse, qui etsi clementissimus, tamen vult rogari, vult cogi, vult quadam importunitate et assidua deprecatione vinci, nos ab omni hæreticorum vexatione, militum [342] incursionibus et depredationibus, fame qua premimur, morbis quibus vexamur, bellis quibus urgemur, et aliis periculis qui jam præ foribus sunt, eripiet et liberabit; ac extinctis ab ipsa civitate, publicis sui ipsiusmet Dei, naturæ humanæ et hominum hostibus, inibi sacram religionem Catholicam reviviscere faciet, nosque infrascriptos, in pristinis sedibus propriaque ecclesia (e quibus, ut præmittitur, expulsi in hoc oppido Annessiaci, amplius quam per quinquaginta annos, quasi advenæ et peregrini, in mendicata ecclesia resedimus) restituet et reintegrabit..

  A024003245 

 Cumque assidua plurimorum oratio ipsi Deo optimo maximo gratissima existat, ipsiusque implorandi auxilii precipua ratio sit si plurimorum fidelium insimul, in nomine ejus Filii unigeniti Dei et Domini nostri Jesu Christi congregatorum, in quorum medio se adfuturum promisit, [343] animi in unum, cooperante Spiritu Sancto, devote consentiant; ad instar itaque aliarum provinciarum, civitatum et locorum quæ in similibus necessitatibus et periculis constitutæ, per erectionem diversarum, sub diversis tamen piis et sacris nominibus et invocationibus, Confraternitatum et societatum, illarumque opera spiritualia, non modicam consolationem et sublevamen recipiunt: idcirco nos, FRANCISCUS DE SALES, Juris utriusque doctor, Præpositus; Joannes Tissot, prothonotarius Apostolicus, sacrista; Joannes Coppier, magister chori et operarius; Ludovicus Reydet, Ludovicus de Sales; Franciscus [de] Chissé, R mi in Christo Patris et Domini D. Claudii de Granier, Episcopi et Principis Gebennensis, in spiritualibus et temporalibus Vicarius generalis et Officialis; Franciscus de Ronis, Jacobus Ballus, sacræ theologiæ doctor; Joannes Portier et Stephanus Decomba, magister in artibus, ejusdem R mi Domini Episcopi Vicarius substitutus; Janus Regard, perpetuus commendatarius prioratus Lovagniaci; Jacobus Brunet, decanus Rumilliaci; Joannes de Eloise, Carolus Aloisius Pernet, procurator fiscalis Episcopatus Gebennensis; Carolus Grosset, Anthonius Bochutus, Claudius d'Angeville, decanus de Vullionex; Eustachius Mugnier, [344] perpetuus commendatarius prioratus Sancti Bardolphi, Gratianopolitanensis diæcesis, et Joannes Deagio, sacræ theologiæ doctor, Canonici theologales Ecclesiæ cathedralis Sancti Petri Gebennarum, in loco infrascripto ad sonum campanæ, ut moris est, capitulariter congregati, [345] constituantes ultra duas partes ex tribus residentibus et Capitulum representantes; tam pro nobis quam aliis dominis Canonicis absentibus, nostrisque in posterum in eadem Ecclesia successoribus, ad honorem Dei totiusque Curiæ cælestis decus, unam sanctam et saluberrimam Confraternitatem seu Societatem utriusque sexus fidelium, sub nomine seu invocatione sacratissimæ Crucis Domini nostri Jesu Christi ac illibatæ Conceptionis Beatissimæ Virginis Mariæ et Sanctissimorum Petri et Pauli Apostolorum, in eadem Ecclesia cathedrali Gebennarum, [346] et ad altare Sanctæ Crucis inibi sito, cum consensu tamen et auctoritate præfati et R mi Domini Episcopi nostri, ac sub beneplacito sanctissimi Domini nostri Papæ et sanctæ Sedis Apostolicæ, subque Statutis et ordinationibus infrascriptis, perpetuo erigimus et instituimus ipsamque ex nunc tamquam confratres ejusdem ac veri fundatores expresse profitemur..

  A024003249 

 In primis, cum ab Ecclesia nostra et civitate Gebennensi, [347] ut præmissum est, expulsi, in hoc oppido Annessiaci residentes, divina Officia capitularia et cathedralia in ecclesia domus Sancti Francisci Fratrum de Observantia (ut prius in ipsa cathedrali fiebant) peragamus; et inter cætera altaria in eadem ecclesia Sancti Francisci erecta, unum extet sub invocatione Sancti Germani, ultra majus altare in quo Missæ capitulares decantantur, quod nostris Missis matutinalibus celebrandis inservit: in ipso propterea altari Sancti Germani, dum in eadem ecclesia Sancti Francisci divina nostra capitularia et cathedralia Officia exolvemus, eamdem Confraternitatem, sic ut præfertur per nos erectam, constituimus, ipsaque postmodum dum ad civitatem prædictam Gebennarum, Deo adjuvante, revertemur, in altari supradicto Sancte Crucis Ecclesiæ nostræ cathedralis, in quo, ut præmittitur, imaginarie erecta extitit, corporaliter et realiter ac perpetuo collocabitur..

  A024003253 

 Et quoniam tam pro divinis Officiis præfatæ Confraternitatis [348] celebrandis et decantandis, aliisque piis operibus exercendis, quam pro ipsius negotiis tractandis, aliquis locus peculiaris omnino liber, extra ecclesiam, in qua altare [quod] ereximus situm est (ut in aliis Confraternitatibus ubique fieri consuerunt) necessarius sit, ecclesiaque Sancti Joannis Baptistæ præceptoriæ Gebennesii, Hospitalis Hierosolimitani, in loco publico prædicti oppidi sita, propter defectum ministrorum ejusdem ac injuriam præsentis temporis non multum frequentetur, sperandum tamen sit incolas oppidi hujusmodi, qui aliunde religiosissimi fidem catholicam verbo et opere devote profitentur, ipsam ecclesiam sancti Joannis posthac ferventius visitaturos, si in eadem Missa aliaque divina Officia frequentius decantentur et peragantur, ac preces publicæ et piæ exhortationes seu conciones sæpius exerceantur et fiant: idcirco, [349] de consensu nobilis et magnifici domini Dionisii de Sacconay, Baronis Cletarum, domini in temporalibus de Sacconay, Truaz et Lorcier, procuratoris generalis Ill mi et R di D. Petri de Sacconay, sui fratris, militiæ Hospitalis Hierosolimitani, et prioratus Arverniæ prioris ac præceptoris Gebennesii, oratorium ejusdem Confraternitatis, dum Capitulum Gebennensis ecclesiæ in oppido prædicto moram traxerit, in ipsa ecclesia Sancti Joannis Baptistas constituimus et deputamus.

  A024003261 

 Dignum est ut quorum juvamen poscimus etiam specialem memoriam et festivitates certis anni diebus agamus et solemniter celebremus.

  A024003281 

 Ideo, quod nihil est ipso salubrius, cum cætera omnia præcellat, statuimus et ordinamus, omnes et singulos confratres utriusque sexus, ut nimirum diebus festivitatum Exaltationis et Inventionis Sanctæ Crucis, ac Conceptionis Beatæ Mariæ Virginis et Sanctorum Apostolorum Petri et Pauli, necnon qualibet secunda Dominica cujuslibet mensis (exceptis Septembri, Decembri, Maio et Junio, in quibus festivitates præfatæ occurrunt), presbiteros scilicet sacrum Missæ Sacrificium in eodem oratorio, si id fieri possit, sin minus in alia ecclesia eis benevisa; reliquos vero laicos utriusque sexus, prævia diligenti peccatorum confessione ubi placuerit facta, Sacramentum hujusmodi Corporis et Sanguinis Domini in eodem oratorio sumere.

  A024003281 

 Inter cætera per quæ divina gratia imploratur, delicta [355] delentur, premiorum æternus cumulus obtinetur, summum et sacratissimum Corporis et Sanguinis Domini Sacramentum, in quo nostræ Redemptionis recensemus memoriam, et per quod a malo retrahimur et confortamur in bono, et ad virtutum et gratiarum conducimur incrementa, est mirabile effectum.

  A024003297 

 Conditori omnium tunc potentissime obsequium acceptable exhibetur, cum sibi pro Catholicæ fidei conservatione, cujus ipse est stabile ac perpetuum fundamentum, pari intentione servitur.

  A024003310 

 Illud etiam prætermittendum non est, et ad quod non modo qui christiano nomine censentur, sed etiam qui le tantum naturæ coguntur, scilicet, incarceratorum et infirmorum visitatio cum verbis consolatoriis, quæ etsi ipsos propterea non sanent nec liberent, tamen pœnas et dolores liniunt et mitigant: igitur statuimus et ordinamus, confratres qui ad tam opus pium et charitativum fert quod inter opera misericordiæ annumeratur, a Priore et Assessoribus infrascriptis deputati fuerunt, ipsos infirmos et incarceratos quanto citius visitare et consolare teneantur, et id frequentius si ex confratribus fuerint, quorum necessitates ipsi Priori illico patefacere debeant, ut juxta ejusdem Confraternitatis facultates ipsis subveniri possit..

  A024003314 

 Lites et controversiæ quas nefarius ille pacis et concordiæ [361] inimicus, alias opertas, alias occultiores, in gregem dispergere magis in dies conatur quot mala, quantas seditiones excitaverint, quotidiana experientia satis declarat; contra vero pax et concordia quas ipse salutis nostræ Auctor, tamque charitati innixus, præcipue coluit, et ascensurus ad Patrem discipulis suis reliquit, quot bonos fructus pariant nullus est qui ignoret.

  A024003322 

 Anima ut est corpore nobilior, ita debet accuratius tam in hoc sæculo quam in altero, ubi sæpe indiget suffragiis fidelium, adjuvari; et cum id multipliciter fieri possit, tamen nihil est quod et magis proficiat quam sacræ Missæ Sacrificium utpote pro vivis et defunctis a Christo institutum.

  A024003330 

 Etsi, ut vulgo dici solet, habitus non facit monachum, tamen habitus exterior interiorem animi affectum demonstrare solet, ut non frustra prisci illi patres nostri habitus in ecclesia destinaverint, et quanto inibi vestitus est humilior, tanto Deo acceptabilior; illumque deferentes ac aspicientes, admonet non superbiendum, sed Deo, in humilitate, cum lachrimis, cinere, cilicio, jejuniis, vigiliis, orationibus, aliisque pœnitentiis inserviendum.

  A024003427 

 Il est admirable le signe de la Croix, source de vie, sur le bois de laquelle Notre Seigneur Jésus-Christ, pour le salut du genre humain, [339] n'a pas refusé de subir la mort pour nous rappeler de la mort à la vie; signe qui « apparaîtra dans le ciel lorsqu'il viendra nous juger; » étendard qui protège la religion catholique, et que le semeur de zizanie, l'antique ennemi du genre humain a en horreur; qui, dès les premiers siècles, a valu de nombreuses victoires et de grands triomphes, non seulement aux saints Pères, pour repousser les tentations, mais aussi aux empereurs, rois et princes, pour combattre les infidèles et vaincre les hérétiques..

  A024003428 

 De même la très pure et très sainte Vierge Marie, Mère de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ, laquelle, conçue sans la souillure du péché originel, est restée vierge avant, pendant et après l'enfantement, qui prie sans cesse « pour le peuple, » intervient « en faveur du clergé, » intercède « pour les femmes consacrées à Dieu, » secourt les opprimés, réprime les efforts des hérétiques et des infidèles, et aide, en les délivrant de tous maux, ceux qui ont recours à elle..

  A024003429 

 Alors furent expulsés le Révérendissime Evêque, les Révérendissimes Chanoines et tout le clergé, ainsi que les autres adeptes de la vraie foi; les églises détruites et dépouillées de leurs très vénérables images et de leurs ornements; les vases sacrés dérobés, les reliques des Saints dispersées et foulées aux pieds, toutes choses saintes profanées; en sorte que, depuis lors, cette ville est réputée, hélas! par tous, et elle est en réalité, la source de toutes [341] les hérésies, la nourricière des guerres intestines qui dévastèrent depuis la France, l'inventrice des trahisons, la propagatrice des homicides, la sentine des incendies et des rapines, l'asile des plus grands malfaiteurs de toute l'Europe, et l'origine de tous les maux qui ont accablé et accablent cette patrie savoyarde et les provinces limitrophes..

  A024003429 

 En outre, les « glorieux Princes de la terre, » les très saints Pierre et Paul, Apôtres de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ, dont le second est le Docteur des nations et le premier, le Prince des Apôtres, [340] Vioaire du même Jésus-Christ, fondement de l'Eglise et celui dont la foi ne défaille pas, ont tous deux illustré par leur mort la sainte Eglise Romaine, tête et maîtresse des autres Eglises, et, comme Patrons titulaires de la vénérable Eglise de Genève, l'ont conservée, ainsi que sa cité, son diocèse et leur peuple, à l'abri de toute hérésie et dans la profession de la foi orthodoxe.

  A024003430 

 Tout cela nous donne, à nous soussignés, le très ferme espoir que, après avoir imploré le secours et l'aide du signe de la Croix, source de vie, et de la très sainte Vierge Marie, ainsi que les suffrages des bienheureux Apôtres Pierre et Paul: si nous nous retournons vers Dieu lui-même, Auteur de toute piété, avec componction de cœur, gémissement et humilité, prières, jeûnes, fréquente confession des péchés, participation à l'Eucharistie, et autres œuvres de dévotion et de charité vraiment dignes de chrétiens; lui qui, même dans sa vengeance, est miséricordieux; lui qui, sévère pour les impénitents, est bon et pacifique envers ceux qui se convertissent; lui qui a coutume de délivrer de leurs tribulations en cette vie et de conduire aux joies éternelles ceux qui se sont amendés; lui qui, par ailleurs, tout clément qu'il est, veut cependant être prié, être forcé, être vaincu par une sorte d'importunité et une prière assidue, il nous [342] arrachera à toutes les vexations des hérétiques, aux incursions et déprédations de la soldatesque, à la famine qui nous oppresse, aux maladies qui nous accablent, aux guerres qui nous enserrent et aux autres périls qui sont à nos portes.

  A024003431 

 Et comme la prière assidue de plusieurs est très agréable au Dieu très bon et très grand, et que la principale raison d'espérer le secours demandé est l'assemblée pieuse et unanime, sous l'action de l'Esprit-Saint, de nombreux fidèles, au nom du Fils unique de Dieu Notre Seigneur Jésus-Christ, lequel a promis de se trouver au [343] milieu d'eux; c'est pourquoi, à l'exemple de ce qui se pratique en d'autres provinces, villes et localités, lesquelles, sous l'empire de nécessités et périls semblables, reçoivent un puissant secours et réconfort par l'érection de Confréries et sociétés sous diverses appellations saintes et pieux vocables, et par les œuvres de piété qui en résultent: pour ce motif, nous, FRANÇOIS DE SALES, docteur en l'un et l'autre droit, Prévôt; Jean Tissot, protonotaire apostolique, sacriste; Jean Coppier, maître de chœur et ouvrier; R mi Louis Reydet, Louis de Sales; François [de] Chissé, vicaire général au spirituel et au temporel du R me Père dans le Christ M gr Claude de Granier, Evêque et Prince de Genève, et Officiai; François de Ronis, Jacques Bally (?), docteur en sacrée théologie; Jean Portier et Etienne de la Combe, maître ès-arts, vicaire substitut du R me Seigneur Evêque; Janus Regard, commendataire perpétuel du prieuré de Lovagny; Jacques Brunet, doyen de Rumilly; Jean d'Eloise, Charles-Louis Pernet, procureur fiscal de l'évêché de Genève; Charles Grosset, Antoine Bochut, Claude d'Angeville, doyen de Vullionnex; Eustache Mugnier, commendataire perpétuel [344] du prieuré de Saint-Bardolphe, du diocèse de Grenoble, et Jean Déage, docteur en sacrée théologie, chanoines théologaux de l'Eglise cathédrale de Saint-Pierre de Genève, capitulairement réunis, selon l'usage, au son de la cloche, au lieu ci-dessous indiqué, [345] constituant plus des deux tiers des résidents et représentant le Chapitre; tant en notre nom qu'en celui des autres chanoines absents, et de nos successeurs dans la même Eglise à l'avenir, à l'honneur de Dieu et à la gloire de toute la Cour céleste, érigeons et instituons à perpétuité une sainte et très salutaire Confrérie ou Société de fidèles des deux sexes, sous le nom ou invocation de la très sainte Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ, de la très pure Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et des très saints Apôtres Pierre et [346] Paul, dans ladite Eglise cathédrale de Genève, et à l'autel de la Sainte-Croix y situé, avec cependant le consentement et sous l'autorité de notre Révérendissime Seigneur Evêque, et avec l'agrément de notre Très Saint Père le Pape et du Saint-Siège Apostolique, avec les Statuts et ordonnances ci-dessous: Confrérie à laquelle dès aujourd'hui nous déclarons expressément appartenir comme confrères et vrais fondateurs..

  A024003435 

 Plus tard, lorsque, avec l'aide de Dieu, nous retournerons en notre ville de Genève, cette Confrérie sera placée corporellement, réellement et pour toujours à l'autel de la Sainte-Croix de notre Eglise cathédrale, où elle est érigée jusqu'ici d'une manière fictive, ainsi qu'il a été dit..

  A024003439 

 Et parce que, soit pour célébrer et chanter les divins Offices de la [348] Confrérie et exercer les autres œuvres pies, soit pour traiter ses affaires, il est nécessaire d'avoir un lieu particulier tout à fait libre, hors de l'église où est situé l'autel que nous avons érigé (comme cela se pratique partout pour les autres Confréries), et que l'église de Saint-Jean-Baptiste, de la commanderie du Genevois, de l'Hôpital de Jérusalem, sise en lieu public de ladite ville, n'est guère fréquentée à cause du manque de ministres et de l'injure du temps présent, mais qu'il y a lieu d'espérer que les habitants de cette ville, d'ailleurs très religieux et professant avec dévotion de bouche et d'œuvre la foi catholique, visiteront ensuite cette église de Saint-Jean avec plus de ferveur, si l'on y chante plus souvent la Messe et les autres Offices divins, et si les prières publiques et les pieuses exhortations s'y multiplient; pour ces raisons, du consentement de [349] noble et magnifique seigneur Denis de Saconay, baron des Clets, seigneur temporel de Saconay, Truaz et Lorcier, procureur général de l'Illustrissime et Révérend seigneur Pierre de Saconay, son frère, de l'Ordre militaire de l'Hôpital de Jérusalem, prieur du prieuré d'Auvergne et commandeur du Genevois, nous établissons et choisissons, dans cette même église de Saint-Jean-Baptiste l'oratoire de notre Confrérie, tant que le Chapitre de Genève résidera dans la ville d'Annecy.

  A024003443 

 Cependant, si cela est jugé expédient, une fraction perpétuellement dépendante de cette Confrérie pourra rester dans une des églises de la susdite ville, à choisir par le Chapitre.

  A024003443 

 Mais si, par hasard, il arrive que l'Eglise cathédrale soit transférée en un lieu autre que la ville de Genève, nous déclarons que cette Confrérie, étant unie et incorporée à perpétuité et indissolublement à la susdite Eglise cathédrale, dès maintenant comme alors, est transférée au même lieu, avec tous ses insignes, vases sacrés, ornements et livres.

  A024003447 

 C'est pourquoi nous statuons et ordonnons que les fêtes spéciales et perpétuelles de notre Confrérie soient: l'Exaltation de la sainte Croix, la Conception de la Bienheureuse Vierge Marie, l'Invention de la sainte Croix et le jour des saints Apôtres Pierre et Paul..

  A024003447 

 Il est juste que nous fassions à certains jours de l'année une mémoire spéciale de ceux dont nous sollicitons le secours, et que nous en célébrions solennellement les fêtes.

  A024003467 

 Aussi, rien n'étant plus salutaire, puisqu'il dépasse en excellence tous les autres, nous statuons et ordonnons que tous et chacun des confrères des deux sexes, aux fêtes de l'Exaltation et de l'Invention de la Sainte Croix, de la Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et des saints Apôtres Pierre et Paul, ainsi que Je deuxième dimanche de chaque mois (excepté septembre, décembre, mai et juin où tombent ces fêtes), s'il s'agit des prêtres, qu'ils célèbrent le saint Sacrifice de la Messe à l'oratoire, s'il est possible, sinon dans une autre église à leur choix; s'il s'agit des laïques des deux sexes, qu'ils reçoivent dans l'oratoire le Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, après avoir fait, où il leur plaira, une soigneuse confession de leurs péchés.

  A024003467 

 Parmi les autres Sacrements qui obtiennent la grâce divine, remettent [355] les fautes et méritent le comble des éternelles récompenses, le très auguste et très saint Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur est vraiment admirable; car par lui nous rappelons le souvenir de notre Rédemption, nous sommes détournés du mal et fortifiés dans le bien, recevant par lui des augmentations de vertu et de grâce.

  A024003479 

 Nous exhortons les confrères à y assister, si cela est possible, et à unir leurs prières à celles du célébrant..

  A024003483 

 L'on rend surtout un hommage agréable au Créateur de toutes choses, lorsque, d'une intention commune, on le sert pour la conservation de la foi catholique, dont il est le ferme et perpétuel fondement.

  A024003491 

 Aucun catholique d'esprit sain ne doute que le très saint Sacrement de l'Eucharistie est un sujet d'amour pour Dieu et de vénération pour les hommes, car rien ne se rencontre de plus précieux, à rien autre n'est dû un honneur plus grand.

  A024003499 

 C'est pourquoi, dès qu'une dispute ou une discorde, même minime, se fera jour, pour quelle cause que ce soit, entre les confrères, que le Prieur en soit averti aussitôt, pour qu'ensuite il puisse avec ses Assesseurs, le plus promptement possible et avant qu'elle ne s'aggrave, s'efforcer de l'apaiser par lui-même, ou par d'autres confrères à son choix.

  A024003503 

 Aussi, pour ne paraître manquer à un devoir si pieux et nécessaire, le dernier qui est dû à nos confrères défunts, nous statuons et ordonnons que, dès l'annonce faite au Prieur du décès d'un de nos confrères de l'un ou l'autre sexe, la bannière attachée à la Croix de la Confrérie soit mise, revêtue de noir, à la porte de l'oratoire, avec l'indication écrite de l'heure et de l'église où se feront les funérailles, pour que les autres confrères, s'ils ne sont pas absolument empêchés, se sachent tenus d'accompagner le corps du confrère défunt à l'enterrement, priant tous dévotement Dieu pour le salut de l'âme du défunt; nous les obligeons expressément à une œuvre si pieuse.

  A024003503 

 C'est pourquoi, depuis les Apôtres jusqu'à nos jours, les corps des chrétiens ont été et sont encore aujourd'hui ensevelis en terre sainte, avec luminaires, hymnes, convois nombreux, Office propre et autres prières catholiques.

  A024003507 

 C'est pourquoi nous statuons et ordonnons que le lendemain du décès d'un confrère, une Messe soit célébrée dans l'oratoire, pour le salut de son âme et sa délivrance des peines du Purgatoire, par un des confrères prêtres choisi par le Prieur.

  A024003507 

 L'âme étant plus noble que le corps mérite d'être aidée avec plus de soin, aussi bien en ce monde qu'en l'autre, où elle a souvent besoin des suffrages des fidèles; et malgré la multiplicité des moyens d'obtenir cet effet, il n'en est pas de plus efficace que le Sacrifice de la sainte Messe, étant ordonné par le Christ pour les vivants et les morts.

  A024003516 

 Plus le vêtement est humble, plus aussi il est agréable à Dieu; et il avertit ceux qui le portent et ceux qui le voient de ne pas s'enorgueillir, mais de servir Dieu en toute humilité, dans les larmes, la cendre, le cilice, les jeûnes, les veilles, les prières et autres pénitences.

  A024003516 

 Quoique, selon le proverbe, l'habit ne fasse pas le moine, cependant l'habit extérieur a coutume d'indiquer la disposition de l'âme, en sorte que ce n'est pas en vain que nos anciens pères ont déterminé un vêtement à porter dans l'église.

  A024003518 

 A qui il est permis d'entrer dans la Confrérie.

  A024003520 

 C'est pourquoi nous statuons et ordonnons qu'on puisse et doive recevoir dans la Confrérie, par le Prieur et les Assesseurs soussignés, toutes les personnes des deux sexes, catholiques néanmoins, de bonne vie et renommée, après que chacune aura émis la profession de foi catholique, soit par elle-même, si elle sait lire, soit par une autre personne en son nom, mais elle présente, et aussi après la promesse d'observer les Statuts et coutumes existants et à venir, selon la formule sous indiquée.

  A024003520 

 Que les nouveaux reçus cependant ne soient point tenus, pour leur entrée, de payer aucune somme ou autre chose, si ce n'est ce que chacun voudra offrir spontanément ou ce que lui dictera sa dévotion..

  A024003536 

 Une république ou une famille est dite par tout le monde bien ordonnée, lorsqu'elle se compose d'une tête et de membres: autrement, comment pourrait-elle se maintenir? Pour que notre Confrérie, instituée avec piété et érigée en esprit de dévotion, dure à perpétuité, et soit régie avec justice et sainteté, et pour que tout souffle de confusion soit aboli, nous, soussignés, constituons et députons comme officiers perpétuels qui seront nommés par nous-mêmes, pour cette première fois, le 13 de ce mois, dans la première assemblée à convoquer alors; et ensuite, chaque année, le jour non empêché le plus proche du 1 er septembre, ces officiers seront changés en l'assemblée générale..

  A024003580 

 C'est pourquoi nous ordonnons que cette Confrérie s'inaugure le jour de l'Exaltation de la Sainte Croix du présent mois de septembre, jour où ses Statuts commenceront à obliger tous les confrères..

  A024003582 

 L'ampliation et la révocation des Statuts est réservée.

  A024003602 

 Et moi, Louis de la Pallud, notaire public et apostolique, qui ai assisté et fus présent à tout ce qui a été exposé ci-dessus, comme cela est relaté, en étant prié, j'en ai reçu le texte; pour cette raison, j'ai ici apposé ma signature..

  A024003621 

 C'est donc à bon droit que Nous leur avons donné Notre consentement et qu'elles doivent être reçues et approuvées par Nous comme, par les présentes, Nous les agréons, recevons et approuvons..

  A024003622 

 En outre, en témoignage de Notre bienveillante faveur et désirant étendre toujours plus les grâces que Dieu Nous a départies: à chaque confrère ou autre qui visitera l'oratoire de la susdite Confrérie et suivra la procession les jours où le très saint Sacrement de l'Eucharistie est exposé sur l'autel à l'adoration des fidèles, pourvu qu'auparavant il ait adressé à Dieu des prières pour la paix et la prospérité de l'Eglise universelle, selon le texte des Statuts de la Confrérie, Nous accordons la remise certaine de quarante jours d'Indulgence..

  A024003633 

 Quilz ont occasion de croyre que les Statutz desquelles (sic) la Confraternité est pourveue sont legitimes, [384] comme ne contenans rien contre la pieté et les commandemens de Dieu et de son Eglise, approuvés par l'Ordinayre..

  A024003634 

 quoy que ces Confraternités soyent laiques, leur oratoire particulier et muable, si est ce qu'elles sont capables de tiltre perpetuel, ainsy que tient le Menochius, Rem.

  A024003635 

 Qu'on ne trouvera point ces Confraternités ne pouvoir recevoir fondation ecclesiastique, sinon celle qui obligeroit les confreres mesmes a fayre quelque ministere ecclesiastique, dautant qu'estant laicque elle n'est capable de telles obligations.

  A024003645 

 Laditte Confrerie fut erigee en la ville d'Annessi l'annee 1593 et commença ses exercices le 14 septembre, jour de [385] l'Exaltation de la Sainte Croix, et ce en l'eglise de Saint Jean, avec approbation et sous l'authorité de Reverendissime Seigneur et Pere en Dieu Monseigneur Claude de Granier, Evesque et Prince de Geneve, duquel la sainte memoire est en benediction..

  A024003668 

 Oyant sonner l' Ave Maria en la principale eglise du lieu ou ilz sont, comme est a Nostre Dame entre celles d'Annessy, ilz se mettent a genoux, non seulement en [389] leurs maysons, mais aussi emmi les rues et lieux publiqs, autant comme cela se peut commodement faire, affin de protester l'honneur que la Confrerie porte a la Mere de Dieu et inciter par leur exemple les autres a ce faire, suyvant la devotion de nos predecesseurs..

  A024003669 

 Ilz accompaignent le tressaint Sacrement lhors qu'il est porté aux malades, et ne pouvant ce faire, ilz disent un Pater noster et Ave Maria pour le malade auquel il est porté, entendans le son de cloche qui sert de signe a cet effect..

  A024003678 

 Si cette date peut être exacte pour le Sommaire des Statuts, elle est fautive pour les Indulgences, qui ne furent obtenues qu'en 1607.

  A024003678 

 [Le texte donné ci-dessous est celui dont nous avons parlé dans la note de la p. 386.

  A024003689 

 Oyant sonner l' Ave Maria en la principale eglise du lieu ou ilz sont, le matin, a mydi et le soir, doivent, sil se peut commodement, [389] la dire a genoux, tant es maysons qu'es rues et lieux publiqs, pour, en ceste sorte, rappeller entant qu'en eux est, l'ancienne devotion de nos predecesseurs pour ce regard..

  A024003690 

 Ilz accompaigneront le tressaint Sacrement lhors qu'il est porté aux malades, ou, ne pouvant ce faire, au signe du son de la cloche diront un Pater et un Ave Maria pour le malade a qui il est porté..

  A024003715 

 Au jour de l'Invention Sainte Croix, des saintz Pierre et Paul, Apostres, de la Conception Nostre Dame, le second Dimanche du moys de mars, a prendre des les premieres Vespres desditz jours jusques au soleil couché d'iceux, priant Dieu comme sus est dit et estans aussi confessés et communiés: pour chacun desditz jours ausquelz ilz feront cela, sept ans d'Indulgence et autant de quarantaines..

  A024003734 

 C'est pourquoy Nous avons ordonné que de nouveau la publication en sera faitte par tout Nostre diocese, affin que chacun soit asseuré de pouvoir par cy apres participer a des biens si grans et excellens; suppliant tous les tres Reverens Ordinaires des lieux qui en seront requis, de vouloir permettre et favoriser semblable publication et la cueillette des aumosnes pour l'effect mentionné en la concession dudit Pardon.

  A024003741 

 Idem vero Franciscus, paulo post Episcopus et Princeps Gebennensis effectus, ac vinculo præfecturæ Domus Tononiensis solutus, se totum, qualis quantusque est, ejusdem Societati sponte et libens dedit, dicavit, addixit, [397] summis imisque votis supplex exoptans, ut augustissimum JESU MARIÆQUE nomen, ex sede Tononiensi, sicut oleum effusum et cinamomum ac balsamum aromatizans, in reliquas totius diocæsis, maxime vero civitatis Gebennensis plateas et ædes, diffundatur, et quasi mirrha electa odorem det suavitatis.

  A024003748 

 Le même François, ayant été peu après créé Evêque et Prince de Genève, et délié ainsi de sa charge de Préfet de la Maison de Thonon, de son plein gré et avec amour se dévoua et consacra tout entier, tel qu'il est et avec toutes ses forces, à cette Institution, [397] faisant les vœux les plus ardents et les plus profonds pour que les noms très augustes de JESUS et de MARIE se répandent de la Maison de Thonon, comme une huile épandue, une cannelle et un baume odorant, à travers tout le territoire et les habitations du diocèse, surtout de la ville de Genève, et y apporte le suave parfum d'une myrrhe choisie.

  A024003761 

 L'eglize est fort fidellement et exactement servie par sesditz ecclesiasticques ordinaires, avec ung fort beau luminayre, et en icelle se celebre (sic) tous les jours sans fallir 4 Messes ordinaires et plusieurs extraordinaires..

  A024003787 

 Nous exhortons donq tous fidelles Chrestiens, mays specialement ceux de Nostre diocese, de se prevaloir de l'occasion qui leur est presentee par la concession de ces [402] saintes Indulgences, s'enroollant a ladite Confrerie et prattiquant soigneusement les exercices d'icelle.

  A024003799 

 La maistresse eglise de la Sainte Mayson sera celle laquelle [403] a present est nommee Saint Augustin, le tiltre de laquelle sera changé en celuy de Nostre Dame de Compassion; et en icelle sera edifiee une chapelle de Saint Augustin, pour memoire de son premier tiltre..

  A024003800 

 Et quant a l'eglise qui fut sous le tiltre Saint Hippolite et qui est a present sous celuy de Nostre Dame de Compassion, on luy donnera par addition le tiltre des Saints Maurice et Hippolite, et sera dependente de l'autre..

  A024003945 

 Lequel rendra ses comptes au moins deux fois l'annee, c'est a dire de six mois en six mois, sauf a le rendre encor en d'autres occurrences, estant appellé pour cest effect par le Conseil et sieur Conservateur, devant lesquelz il rendra tous ses comptes, tant ordinaires qu'extraordinaires, avec prestation de reliquatz..

  A024003956 

 Et outre celâ, sera requis que pour oster tant les uns que les autres, le Conservateur entrevienne au Conseil; que sil n'est pas present, il soit attendu jusques a deux mois, le tout neanmoins par connoissance sommaire et sans figure de proces..

  A024003965 

 Augusti, Pontificatus ejusdem Sanctissimi Patris anno secundo; par lesquelles il est commandé a nostre Official d'appreuver et confirmer par authorité apostolique certaines Constitutions faittes par l'Illustrissime et R me Nonce de Sa Sainteté aupres de Son Altesse Serenissime, desquelles a ces fins l'original Nous a esté aussi remis, pour l'establissement de la Mayson d'heberge instituee en cette ville de Thonon, sous le nom et invocation de Nostre Dame de Compassion ou des Sept Douleurs; pourveu neanmoins qu'icelles Constitutions soyent loysibles, honnestes et qu'elles ne contrarient nullement aux saintz Canons ni aux Decretz du sacré Concile de Trente.

  A024003970 

 Item, en fin, apres toutes ces declarations par Nous faittes, en vertu de ladite commission, Nous avons receu le serment du susdit seigneur don Thomas Bergere, Conservateur esleu et nommé par ladite Sainte Mayson, et accordé par sadite Altesse et par le tres sacré Conseil de ladite sacree Milice des Saintz Maurice et Lazare, par lequel il s'est obligé de bien et deuement conserver, en ce qui dependra de son pouvoir, les droitz, noms, actions, biens et [419] tiltres de ladite Sainte Mayson, et de procurer par toutes voyes convenables que les articles dressés pour l'establissement d'icelle soyent observés.

  A024003979 

 Hæc et alia iis similia, innumera; car certes, la chose est si extravagante qu'on ne sçauroit manquer de bonnes raysons pour la contredire..

  A024003980 

 Ni a-il pas d'asses gens de bien en l'estat ecclesiastique pour la conduite de cette barque, sans y employer ces messieurs destinés a la conduite des armees navales contre les Turcz? Si c'est pour amplifier l'authorité de leur Religion, ce ne leur sera pas grand honneur de s'amuser a regler sept ou huit prestres.

  A024003980 

 Si c'est pour gaigner et prouffiter [421] en argent et choses temporelles, cela est bien estrange qu'une telle Milice aille briguer pour rogner sur une telle œuvre.

  A024003980 

 Si c'est pour s'exercer en la pieté, ilz pourront, si bon leur semble, relever plusieurs hospitaux ou ilz la prattiqueront plus utilement..

  A024003982 

 Ainsy est il prié de la part de son confrere bien affectionné..

  A024004001 

 Attendu que l'intention de nostre Saint Pere le Pape Clement huitiesme, declairee en la Bulle de l'institution de [423] la Sainte Mayson, fut que les prestres de l'Oratoire d'icelle se conformassent au plus pres que faire se pourroit a l'institut de la Congregation de l'Oratoire de Rome, et que neanmoins la diversité qui est entre cette ville et celle la et la consideration de plusieurs circonstances ne permettent pas qu'il y ayt une parfaitte similitude, pour accommoder la necessité avec la bonne volonté, ont esté dressees les presentes Constitutions..

  A024004014 

 Item, celebreront une seconde Messe a sept heures, et [425] la troisiesme, qui est la Grande Messe, estant achevee, ilz celebreront la derniere Messe entre neuf et dix heures..

  A024004018 

 Nul des prestres de la Congregation ne comparoistra au chœur pendant l'Office sinon in habitu et tonsura, c'est a dire avec la soutane jusques aux talons et le bonnet carré, la couronne bien faitte et connoissable, et le surplis de toile blanche, qu'un chacun sera tenu d'avoir a ses despens; et qui comparoistra au chœur pendant l'Office d'une autre sorte sera tenu pour defaillant..

  A024004019 

 Et bien que lesditz prestres doivent principalement observer l'honnesteté et propreté en l'eglise, si est ce qu'il convient qu'a l'ordinaire lesditz prestres aillent proprement vestus, selon toutesfois la modestie et simplicité ecclesiastique..

  A024004025 

 Mays quicomque est entablé pour dire les Messes ordinaires et manque de les dire ou donner ordre qu'elles soyent dittes, quant aux [petites] Messes perdra un florin pour chaque Messe qu'il manquera, et quant aux grandes, un teston..

  A024004057 

 On, y dira le Benedicite et les Graces des clercs, ainsy qu'il est ordonné a la fin des Breviaires; et cest office se fera par celuy qui aura dit la Grande Messe ce jour la..

  A024004058 

 Et parce que ladite Congregation est de peu de prestres, seront retirés et mis a leur table les enfans du Seminaire, desquelz l'un sera deputé pour faire la lecture de la table, sans que les prestres y soyent employés.

  A024004069 

 Le Plebain aura la surintendance en tout ce qui regarde l'administration des Sacremens, le recit du Prosne et du Cathechisme, si ce n'est par quelque tres legitime cause.

  A024004087 

 Ilz se retireront dans la mayson le soir a bonne heure, incontinent apres l' Ave Maria, et ne sortiront point la nuit sinon pour des causes urgentes, advertissant celuy qui pour lhors sera le premier entre eux; et le jour, quand ilz [435] sortiront, ilz diront tous-jours au Portier ou ilz vont, affin que, s'il est requis, on sçache ou les treuver..

  A024004093 

 Le Plebain, en l'absence d'iceluy, presidera, et aura une voix et demi lhors qu'il presidera; c'est a dire, les voix estans pareilles, le parti auquel la sienne se treuvera sera suivi.

  A024004105 

 Nul de la Congregation ne pourra tenir benefice requerant residence, mays si quelqu'un en ayant de telz est admis en [437] ladite Congregation, soit en qualité de Prefect ou autrement, sera obligé, dans troys moys apres, faire sçavoir a la Congregation s'il veut quitter ledit benefice ou non; et en cas qu'il ne le veuille quitter, la Congregation sera obligee, dans troys moys apres, de l'exclure et priver de sa place pour y en mettre un autre.

  A024004118 

 La Mayson estant toute dediee a l'honneur de la tres sainte Vierge, la Congregation ne permettra point qu'on mange de la chair les veilles des festes d'icelle glorieuse Vierge parmi ceux de ladite Congregation; et quant a la veille de la principale feste de la Sainte Mayson, qui est la Nativité de Nostre Dame, le jeusne sera observé generalement en la Congregation..

  A024004129 

 Mais quant a la correction des Superieurs en ce qui regarde les monitions, si ce n'est la correction fraternelle et evangelique, elle sera [439] remise au Superieur majeur, auquel la Congregation pourra recourir par advertissement des fautes, ainsy qu'elle verra a faire..

  A024004157 

 Il ne sera permis a personne, ce pendant qu'on fera les divins Offices, de comparoistre autrement qu'en habit et tonsure: c'est a sçavoir, avec la soutane jusques aux talons, le bonnet carré, la couronne de la teste remarquable, et le surplis de toyle blanche, que chacun sera obligé d'avoir a ses despens.

  A024004160 

 Quicomque, ayant esté assigné pour celebrer les Messes, ne les celebrera pas ou ne les fera pas celebrer, perdra pour chacune, si c'est une petite, un florin, et si c'est une grande, vingt troys solz..

  A024004170 

 Les jours solemnelz de la premiere classe et les festes de Nostre Dame, le Praefect celebrera; en son absence, le Plebain, et si le Plebain n'y est pas encor, le plus ancien selon l'ordre de reception.

  A024004172 

 Le Præfect toutesfois sera exempt de ceste charge a cause de la grande multitude d'affaires dont il est presque tousjours occupé; c'est pourquoy, en sa semaine, l'administration des Sacremens se fera par ordre par les autres six prestres..

  A024004177 

 La benediction de la table et l'action de graces se feront selon qu'il est marqué a la fin du Breviaire pour les clercz.

  A024004180 

 Il corrigera et admonestera les defaillans; lesquelz estans rebelles, il les appellera en Chapitre et les chastiera, s'il est de besoin, apres avoir pris les voix, par quelque penitence salutaire, voire mesme pecuniaire, applicable aux œuvres pies, qui toutesfois n'excedera pas la somme de cinq florins.

  A024004183 

 C'est pourquoy le Plebain pourra exercer l'administration des Sacremens tous-jours quand il luy semblera estre expedient, et ne pourra jamais refuser en estant prié..

  A024004195 

 Le Plebain presidera en son absence, et alhors aura une voix et demie; c'est a dire, quand les voix seront esgales, le costé duquel il penchera l'emportera.

  A024004200 

 Il ne sera permis a personne de manger de la chair en la mayson les veilles des festes de Nostre Dame; et tous observeront absolument le jeusne la veille de la Nativité de la mesme glorieuse Vierge, par ce que c'est la feste la plus solemnelle de la Congregation..

  A024004204 

 Quant au College, si les Peres Jesuites viennent, comme il est presque conclu, on leur baillera, comme pour gage, quatre cens èscuz d'or.

  A024004228 

 Et dominus Abbas, præstito juramento, asseruit se non habere nisi quinque libros Recognitionum quos se habere [443] schedula confessus est.

  A024004244 

 Conventum est etiam ut pro præbendæ hujus anni solutione et maxime vini, D. Abbas det infra sequentem diem fidejussorem, nisi admodiet abbatiam..

  A024004257 

 Ad latus dextrum retro altare majus, est altare ligneum, quod ideo auferri jussit, et etiam quia nimis propinquum altari majori in quod fundationem dicti altaris lignei transtulit..

  A024004283 

 C'est pourquoi, s'ils avaient quelque chose à dire contre, ils n'avaient qu'à le déclarer librement.

  A024004303 

 Le Révérendissime Seigneur visiteur, voyant que la chose n'était pas facile à arranger, renvoya à une autre date la décision à prendre, c'est-à-dire jusqu'au moment où il verra clairement que les revenus sont suffisants..

  A024004316 

 Chaque jour, qu'on célèbre au moins quatre Messes, et même certains jours cinq, à savoir lorsqu'on y est tenu par ailleurs.

  A024004335 

 Au sujet de la reprise de la table commune, la question fut renvoyée au temps où l'on aura les moyens nécessaires pour l'entreprendre, moyens dont est dépourvu actuellement le Monastère: comme de lieu convenable, d'ustensiles et autres choses semblables.

  A024004368 

 Ac primum quicquid in ultima Nostra Visitatione sancitum est, tanquam juri et rationi consonum, iterum districtius præcipimus et decernimus faciendum..

  A024004378 

 Cum abbatia hæc commendata sit, propterea decernimus [457] in ea deinceps sicut antea factum est observari debere, ut scilicet omnibus domnis Canonicis unus ejusdem Ordinis expresse professus, qui Prior nominetur, et qui gregi præire et præesse possit, juxta Concilium Tridentinum, cap. 21°, Sess e 25, præficiatur ac constituatur.

  A024004378 

 Is vero, ut eodem loco, cap. 6°, cautum est, per secreta vota eligatur a Capitulo, ita ut singulorum eligentium nomina nunquam publicentur, et in quem major pars Capituli per dicta secreta vota inclinaverit, electus omnino censeatur qui etiam usque ad obitum in dicto officio prioratus, dummodo recte se gesserit, perseveret.

  A024004383 

 In omnibus vero gravioribus difficuitatibus quæ per Priorem ac Capitulum solvi nequeunt, ad Episcopum hujus diæcesis, sive, eo absente, ad Vicarium episcopatus generalem accedant, qui pro potestate ordinaria constituet quid agendum sit, quemadmodum hactenus observatum est..

  A024004412 

 Dominus Abbas communitati Canonicorum quotannis duodecim præbendas solvere tenebitur, eo modo quo in prædicta Visitatione notatum est; communitas (sic), [462] vero dictorum Canonicorum, duodecim saltem Canonicos idoneos residentes, vel de jure pro residentibus habendos, alere et sustentare, hoc est, de victu, vestitu aliisque ad vitam necessariis providere tenebitur..

  A024004434 

 C'est pourquoi ayant appris que, sous l'inspiration divine, les vénérables Chanoines voulaient rétablir entièrement l'ancienne observance régulière qui, par suite de l'injure des temps, était à peu près anéantie et détruite parmi eux, et que les très Illustres et Révérends seigneurs Jacques de Mouxy, Abbé, bien que commendataire, et Humbert de Mouxy, son coadjuteur et élu par le Monastère, avaient décidé, non seulement d'approuver, mais d'aider de si saintes résolutions:.

  A024004441 

 Pour ce qui regarde l'avenir, aussitôt après l'année de probation, comme le prescrit le même Concile, que le Novice, ou soit admis à la Profession, s'il en est jugé digne, ou soit renvoyé du Monastère.

  A024004441 

 Si cependant, après l'année de probation, il n'est pas encore jugé digne de faire Profession, et que néanmoins il y ait espérance probable qu'il le devienne en le retenant dans le Monastère un peu plus, ou même une année entière, la Congrégation cardinalice du Concile a répondu que cela serait licite, attendu que le décret du Concile touche les idoines, non les autres..

  A024004451 

 [458] Dans toutes les difficultés plus graves qui ne pourront être tranchées par le Prieur et le Chapitre, que l'on ait recours à l'Evêque de ce diocèse, ou, en son absence, au Vicaire général de l'évêché, lequel, en vertu de son pouvoir ordinaire, règlera ce qu'il faudra faire, comme cela s'est pratiqué jusqu'ici..

  A024004461 

 Chaque jour en outre, un Chanoine, celui qui aura été jugé le plus capable, donnera une heure de leçon de chant théorique et pratique aux Novices, et aux autres s'il en est besoin..

  A024004481 

 Il sera tenu de nourrir et entretenir [462] la communauté des Chanoines, douze Chanoines au moins idoines résidents, ou en droit tenus comme résidents, c'est-à-dire les pourvoir de la nourriture, du vêtement et des autres choses nécessaires à la vie..

  A024004486 

 Nous avons jugé bon de ne rien décréter, si ce n'est qu'on observera l'écrit que Nous avons signé comme convenu d'un commun consentement des parties..

  A024004495 

 C'est la grace, o mon Dieu, que j'attens de vostre misericordieuse bonté et que je vous demande de toute l'estendue de mes affections, pour ces ames et celles qui leur doivent succeder.

  A024004501 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a tous qui ces presentes verront, sçavoir faisons: que Nous, ayant receu un Bref de nostre Saint Pere le Pape Paul cinquiesme, daté a Rome, pres Saint Marc, du vingthuitiesme septembre en l'annee derniere mil six cens et six, deuëment seellé, et signé COBELLUTIUS, par lequel il Nous est mandé de supprimer les Religieux de l'Ordre de Saint Augustin estant en l'abbaye de Nostre Dame d'Abondance, riere Nostre diocese, et au lieu et place d'iceux y mettre et establir douze moines de l'Ordre de Saint Bernard, de la Congregation de Nostre Dame des Feuillans, pour l'execution duquel sommes esté par ladite Sainteté commis.

  A024004518 

 Nos itaque, Episcopus Gebennensis, commissarius Apostolicus præfatus, ad infrascripta exequenda specialiter deputatus, attendentes hujusmodi petitionem esse justam rationique consonam, volentes mandata Apostolica ad Nos directa, ut tenemur, liber exequi, quia Nobis notorium est eam ædificiorum dicti monasterii partem quæ pro illius Abbatis [468] habitatione et jurisdictionis ad dictum monasterium spectantis exercitio reservata et assignata erat, et ne ipse Abbas et sua familia Monachorum nunc in dicto monasterio existentium observantiæ disciplinæ ullo modo impediret, cessisse, juxta contractum inter eumdem Abbatem et Monachos prædictos initum, quibus se pro dicta ecclesia amplianda et dividenda intra tres annos obligavit, ut Monachorum et parrochi Officia sine alterutrius impedimento possent celebrari.

  A024004532 

 C'est pourquoi Nous, Evêque de Genève, commissaire apostolique susnommé, spécialement délégué pour exécuter ce qui va suivre, considérant que ladite pétition est juste et raisonnable; voulant, comme Nous y sommes tenu, exécuter librement les commandements Apostoliques à Nous adressés: attendu qu'il est de Notre connaissance que la partie des bâtiments du monastère d'Abondance qui était réservée [468] et assignée à l'habitation de son Abbé, et à l'exercice de la juridiction touchant ce monastère a été cédée par l'Abbé dans le but d'empêcher que lui-même et sa famille gênassent aucunement l'observance de la discipline de la part des moines qui y vivent actuellement, et cela en vertu du contrat intervenu entre le même Abbé et les moines susdits, envers lesquels il s'est engagé d'agrandir et de diviser l'église dans le délai de trois ans, afin que les Offices des moines et du curé puissent se célébrer sans empêchement réciproque.

  A024004608 

 A fin de mortiffier l'esprit par le corps, tous les vendredis, en l'hermitage, l'oraison matutine achevee, durant le recit du Psaulme Miserere mei, en penitence de leurs pechés et diminution des peynes des ames du Purgatoire, a l'honneur et commemoration de la discipline de nostre paix avec la justice de Dieu, volontairement soufferte par Nostre Seigneur et Redempteur Jesus Christ, les Peres hermites se la donneront aussi volontaire et par leur arbitre et mesure a leurs forces; si mieux n'aime qui ne la pourra tolerer, porter la haire ou cilice de crin trois jours de la sepmaine, ou jeusner au pain et a l'eau le vendredy, et comme les veilles le samedy, veu que a tous toutte penitence et austerité n'est pas convenable, aucune bien souvent plus contraire qu'utile au progres de la perfection.

  A024004612 

 Les Freres literés, hors d'aultre plus utile exercice, mortifieront le corps par l'esprit en l'estude des bonnes Lettres et livres les plus profittables a la fin de leur profession, et en la subjection non seulement des puissances executives et imperatives [de] la volonté, mais encor et principalement du jugement de leur intellect [a] celuy de leur Superieur en choses indifferentes, doubteuses et ambigues, non moins qu'aux necessaires, justes et convenables; car c'est par telz actes qu'on acquiert la vraye habitude de l'obeissance.

  A024004713 

 Et puisque contrariorum eadem est disciplina, nul des Freres ja nommés et receus, ny autre qui le soit de semblable chemin, ne pourra estre congedié ou privé que par la mesme voye de ladicte reception, et pour fautes sans espoir d'amendement, ou scandale irreparable et grave, appres touttefois que la clemence de Monseigneur Reverendissime les aura ouy, et autant de fois qu'elle les aura jugé dignes, absous.

  A024004740 

 Chasque an revolu et environ les festes de Pasques du prochainement suyvant, les questes du bled et vin de cestuy cy faictes [et] assemblées, comme dict est, les Freres dresseront et rendront entre eux mesmes les comptes du receu, du despendu, et determineront le reliqua (si poinct y en aura) de l'année precedente; et communiqueront appres le tout audict Reverend Surveillant, afin d'adviser ce a quoy il sera le mieux employé, au cas qu'on ait assez trouvé pour passer la suyvante..

  A024004750 

 Le lieu, pour sa hauteur excessive, extremement froid, et la plus part de l'hiver tellement couvert de neige qu'on y monte et descend au peril de la vie, de soy mesme atteste qu'on n'y peut aller deschaussé et mal vestu; c'est pourquoy les Hermites se chausseront et vestiront le moins mal et avec le meillieur mesnaige qu'il leur sera possible, accommodé a leur profession..

  A024004759 

 Durant l'edifice imparfaict, empeschans les Reigles de pieté susescrites les Freres de cooperer en choses ausquelles l'employer leurs forces et industrie est un grand jeusne, discipline et cilice, non moins que le monter et descendre, ilz en seront dispencés par ledict Reverend Jehan du Verney, et luy par soy mesme; et s'il est absent, par le dictamen de leurs consciences, les autres pareillement..

  A024004806 

 Si declarons en cœur (sic), soubz nostre serment en tel cas requis, estre nostre desir et contentement qu'il continue de vivre avec nous, nostre confrere bien aymé, le reste de sa vie; suppliant tres humblement mondict Seigneur Reverendissime et le sieur Reverend Surveillant de condescendre de leur costé a ce nostre souhait et requeste, qui l'est aussy de toutes les gens de bien qui l'ont cogneu......

  A024004819 

 D'autant que le saint, celebre et ancien hermitage du Mont de Voiron est fondé sous le vocable de la Visitation [489] de la glorieuse Vierge Marie Nostre Dame, les Hermites qui y vivront des-ormais invoqueront particulierement et auront pour Patrons: en premier lieu (apres nostre Sauveur et Redempteur Jesus Christ, Ange du grand conseil et Mediateur de Dieu et des hommes ), les Saintz qui sont au mistere de la Visitation, c'est a sçavoir: la Vierge Marie, Mere de Dieu, saint Joseph, saint Jean Baptiste, patriarche des hermites, saint Zacharie et sainte Elizabeth; en second lieu, tous les bons Anges, specialement le chœur des Principautés; et en troysiesme lieu, saint Paul premier hermite, saint Anthoine et saint Hilarion..

  A024004820 

 Il leur est permis de porter du linge, a cause de la mondicité, excepté au lit, sur lequel ilz se coucheront vestus de leur habit court, sinon qu'ilz fussent mouillés ou malades, car en ce cas ilz pourront se devestir; comm'encor ilz seront chaussés, parce qu'en leur montagne les hivers sont tres rigoureux et les montees et descentes fascheuses..

  A024004825 

 Estant achevee, si c'est en hiver les Freres se chaufferont demi heure, puis chacun s'en ira vacquer a ce qu'il aura en charge..

  A024004826 

 La premiere Messe se dira a six heures, continuant jusques a midy lhors qu'il y aura beaucoup de prestres; que s'il n'y en a que troys ou quatre, la premiere se dira a sept heures, la seconde a huit, la troysiesme a neuf, la quatriesme a dix; et s'il est possible, les Freres les serviront tour a tour..

  A024004828 

 Mays si quelquefois ilz ne se treuvent pas en nombre suffisant pour chanter, alhors, si le restant est prestre, il dira a haute voix les Litanies des Saintz; si c'est un Frere laïc, il recitera les Litanies de Nostre Dame, lesquelles, a tout le moins, ne s'omettront jamais et que tous seront obligés de sçavoir par cœur..

  A024004839 

 Les Hermites observeront exactement toutes ces Constitutions pour estre dignes du saint nom qu'ilz portent; et a cest effect les reliront souvent, taschant tous-jours de faire mieux, et selon les occasions et la rayson en requerront l'Evesque, lequel s'est reservé et reserve le pouvoir d'adjouster et retrancher, selon qu'il verra estre expedient pour la plus grande gloire de Dieu..

  A024004844 

 Et specialement si Nous considerons, non seulement les miracles publiques qui arriverent en sa destination, mais encores, entre autres choses notables de sa reparation, que cette pieuse entreprise reuscit, graces a Dieu, si heureusement, que ladite devotion est frequentee de plusieurs milliers de peuples catholiques et de bon nombre d'heretiques circonvoisins, qui en demeurent pieusement edifiés et contribuent aussi promptement et charitablement de leurs aumosnes que les mesmes catholiques plus proches d'icelle, exhortant ouvertement les venerables Hermites, ses restaurateurs, a y continuer leur bon zele et probité..

  A024004845 

 Nous donq, meus de si juste et puissante cause, combien que nous regrettions infiniment la pauvreté et misere des pauvres de ce païs, si est ce que, croyant tres bien employee la charité quilz feront a cest effect et pour l'entretien desdictz Hermites et leurs messagers, et qu'elle ne diminuera jamais, ains plustost augmentera leurs moyens par l'intercession de Nostre Dame: mandons a tous les RR. Recteurs, Curés, Vicayres et autres ecclesiastiques de ce diocese d'en edifier leurs ditz peuples et les informer, par la lecture de ces Lettres, que lesditz venerables Hermites, [495] ayans et observans des bonnes Reigles et offices de pieté et d'œconomie [sous un] Superieur et Surveillant particulier, vivent sous Nostre obeissance comme prestres et clercs seculiers et suivant les decretz des saintz Conciles, portant toutesfois le nom d'Hermites et l'habit blanc, par Nous dedié au sacré saint mystere de la Visitation, auquel ce tres devot et remarquable desert fut anciennement consacré.

  A024004847 

 Donnees a Annessi, le dernier du mois d'aoust de l'an mil six cens vingt deux, sous Nostre signet et seel episcopal, pour valoir le reste de cette annee et durant toute l'autre prochainement suivante, sans qu'il soit requis de les renouveller, attendu l'incommodité de l'interruption de ladite queste, lhors commencee en quelques lieux, et celle desditz Hermites, dont l'integrité Nous est tres notoyre et tres aggreable..

  A024004857 

 Quant a la closture, il est requis que nul homme n'entre dans le chœur, dans le cloistre ni dans le dortoir des Religieuses, sinon pour les causes pour lesquelles les confesseurs, medecins, chirurgiens, charpentiers et autres peuvent entrer es monasteres les plus reformés; c'est a dire, quand la vraye necessité le requiert..

  A024004863 

 Il faut oster l'autel qui est dedans le chœur, et tirer tout au long une separation entre le chœur et le maistre autel, qui soit faitte a colonnes de bois ou de fer, et en laquelle [498] il y aye une porte par laquelle ou les Religieuses puissent sortir pour se presenter a la Communion, ou le prestre puisse entrer pour la leur porter dedans le chœur; sinon que la separation fust faitte en sorte que les Religieuses se disposans en rang le long d'icelle, le prestre puisse les communier commodement entre les colomnes: ce qui me sembleroit plus seant et plus propre, et fort aysé pour la gravité de l'action.

  A024004864 

 Et pour la faire, il est expedient que les Religieuses en fassent eslection et que madame l'Abbesse l'accepte et confirme pour telle.

  A024004864 

 Il est requis quil se face une Prieure, laquelle, comme lieutenante de l'Abbesse, soit obeye ne plus ne moins que l'Abbesse, en l'absence d'icelle.

  A024004888 

 Mais pour éviter les contestations, il sera mieux que ces Supérieurs ne sachent pas d'où est venu l'avis à la sacrée Congrégation des Réguliers..

  A024004902 

 Ad quarum quidem Literarum Apostolicarum executionem antequam procedere voluerimus, ipsas Literas et in eis contenta quæcunque Reverendissimis in Christo Patribus et Dominis, DD. Gulielmo, Archiepiscopo Corinthiensis, et Joanni, Episcopo Tullensi, de quibus in eisdem Literis expressa mentio facta est, imprimis et ante omnia per primum clericum sive notarium Apostolicum ad hoc requisitimi, quem in eam rem specialiter deputamus, significari et intimari auctoritate Nobis in hac parte delegata mandamus.

  A024004931 

 Or, ce que j'ay dit de retirer quelques Monasteres dans les villes pour accroistre le nombre des chanoynes, regarde le bien de la noblesse de ce païs, laquelle est nombreuse en quantité, mais la plus part pauvre, et laquelle n'a aucun moyen de loger honnorablement ses enfans qui veulent estre d'Eglise, sinon es benefices qui se distribuent dans le [512] païs, comme sont les cures et les canonicaux, lesquelz on pourroit introduire saintement, ne devant estre distribués que par le concours aux gentilzhommes ou docteurs..

  A024004938 

 Joint que de les [513] enfermer aux chams, esloignees d'assistance, c'est les faire prisonnieres miserables, mais non pas Religieuses ainsy que l'on pretend de faire par les bonnes exhortations qu'elles recevront dans les villes.

  A024004955 

 Nostre Saint Pere le Pape Clement VIII a concedé Indulgence pleniere a tous fidelles Chrestiens de l'un et de l'autre sexe, entrans au nombre des confreres de la Maison de Nostre Dame de Compassion, lesquelz contritz, confessés et communiés, en chascune ou quelqu'une des festes de Nostre Dame, des les premieres Vespres jusques aux secondes, visiteront l'esglise de ladite Sainte Maison de Nostre Dame de Compassion, au lieu de Thonon, pres Geneve, ou est instituee ladite Confrerie pour la conversion des heretiques; illec priant Dieu pour l'extirpation des heresies, pour l'exaltation de la sainte Eglise et pour la paix et union entre les princes chrestiens, ainsy qu'appert par Bulle authentique plombee, donnee a Romme l'unziesme (sic) du mois de septembre 1599..

  A024004993 

 Egli presentarà a V. S. R ma la Vita latina del Beato Padre Filippo nostro che regna in Cielo, cujus memoria in benedictione est, per poterla tradurre in lingua francese e farla stampare in Lione, 6 vero in Pariggi, dove a Lei parrà meglio e più espediente..


25-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXV-Vol.4-Opuscules.html
  A025000118 

 De la fin pour laquelle cette congregation est erigee.

  A025000173 

 De la fin pour laquelle la Congregation de la Visitation est erigee.

  A025000264 

 De la fin pour laquelle ceste Congregation est erigee.

  A025000306 

 Or, presque toutes, tant les unes que les autres, mais [4] notamment celles de la premiere bande, qui vivoyent en congregation, estoyent consacrees par des vœux publiqs et grandement celebres; car, qu'est ce que saint Ambroise ne dit pas a la vierge descheüe sur ce sujet? Et ne tesmoigne-il pas que sa seur sainte Marceline fut consacree par le Pape Libere en l'eglise de Saint Pierre de Rome, et le propre jour de Nouel? Certes, c'estoyent ordinairement les Evesques qui celebroyent ces consecrations, comme il est ordonné au Concile de Cartage, auquel le grand saint Augustin assista, et par saint Leon le premier, escrivant aux Evesques d'Allemaigne et de France; et est commandé dans le Pontifical que l'on ne les face qu'es jours de feste ou de Dimanche..

  A025000307 

 Et bien que plusieurs anciens et graves scholastiques penseront jadis que cette solemnité estoit une proprieté naturelle [5] et essentielle des vœux de Religion, si est ce que le Pape Boniface VIII ayant du despuis determiné le contraire, il ny a plus lieu quelcomque d'en disputer, ains faut avouer ingenuement que cette proprieté n'est nullement inseparable des vœux de Religion, puisque anciennement les plus celebres et saintz Religieux faysoyent leur Profession sans icelle, et que, en nostre aage, le Pape Gregoire XIII l'a attachee aux vœux simples en faveur de la tres illustre Compaignie du Nom de Jesus; declarant asses en cela que cette solemnité depend tellement de l'authorité de l'Eglise, qu'elle la peut oster aux vœux solemnelz sans pour cela les rendre simples, et l'adjouster aux vœux simples sans pour cela les rendre solemnelz, selon qu'il est expedient au bien des ames et a la gloire du Createur: ainsy qu'ont doctement expliqué le chancelier Jean Gerson, les Cardinaux Cajetan et Bellarmin, les docteurs Lessius et Azor, et briefvement, mais pertinemment a son accoustumee, Hierosme Platus en ses beaux livres Du bien de l'estat religieux, et en fin le tres docte Thomas Sanches qui en cite une legion d'autres..

  A025000307 

 Mays quand je dis qu'elles estoyent consacrees par des vœux celebres et publiqs, je ne veux pas pourtant dire qu'ilz fussent solemnelz de la solemnité dont les scholastiques et canonistes parlent, par laquelle les mariages contractés par les Religieuses sont totalement invalides; car encor que d'un commun consentement de tous les saintz Peres, et selon la parole du grand Apostre, les vierges et vefves qui par vœu et profession publique estoyent sacrees a Dieu, ayent tous-jours esté tenues en execration l'ors qu'elles rompoyent et violoyent leur vœu, si est ce que, comme dit clairement saint Augustin au livre Du bien de la viduité, leurs mariages subsistoyent; l'invalidité de telles noces ayant seulement esté introduite, premierement par l'authorité ordinaire de quelques Evesques en leurs diocœses, puis par le Concile general tenu a Rome environ l'an 1136 ou 1139 sous Innocent second.

  A025000309 

 Ainsy sainte Françoise Romaine, divinement inspiree, institua la Mayson de la Tour des Mirouers en tiltre de simple Congregation, qui est encor en grande splendeur de pieté a Rome; comm'aussi a Cremone, la Congregation des vierges de Nostre Dame; et de mesme y en a il en divers autres endroitz.

  A025000312 

 Et depuis, plusieurs Instituteurs de divers Ordres de Religieux ont laissé des autres tres saintes Regles, ou du moins des Constitutions qui tiennent lieu de Regle, pour leurs Congregations: comme le grand patriarche saint Benoist, duquel la Regle est si hautement louee par saint Gregoire le Grand, le seraphique saint François d'Assise, saint Bruno, saint François de Paule, le bienheureux Ignace de Loyole..

  A025000313 

 Aussi «nostre Sauveur habitant en luy,» comme parle saint Hierosme, luy inspira cette Regle tellement animee de l'esprit de charité, qu'en tout et par tout elle ne respire que douceur, suavité et benignité, et par ce moyen est propre a toute sorte de personnes, de nations et de complexions; si que ce grand homme apostolique Fescrivant, pouvoit bien dire, a l'imitation de l'Apostre: J'ay esté fait tout a tous, affin de les sauver tous.

  A025000314 

 Or, bien que cette Regle soit visiblement tressainte et que, comme appreuvee de l'Eglise, elle doive estre hors de toute censure, ains que le seul nom de celuy qui l'escrivit la deust rendre venerable a tous ceux qui portent [10] le tiltre de chrestien, si est-ce que la folle temerité des enfans du monde ne laisse pas de vouloir y treuver je ne sçay quoy a dire, par maniere d'affectee curiosité.

  A025000315 

 Ce que le glorieux Pere commande: «Avant toutes choses, que l'on ayme Dieu et le prochain,» n'est pas mis en sa Regle comme pour vouloir faire penser qu'il soit l'autheur de ces commandemens; car, qui ne sçait que non seulement ilz sont de Dieu, ains qu'ilz sont le suc, la moelle et l'abregé de toute la loy de Dieu? Mays ce que Dieu a commandé, ce sien serviteur le recommande comme la fin et prœtention unique pour laquelle il a dressé sa Regle et sa Congregation, et a laquelle tout se rapporte..

  A025000316 

 Ce qu'il dit: «Ce sont icy les choses que nous vous commandons a ce que vous les observies,» ne doit donner aucun scrupule aux Seurs, comme si cette Regle obligeoit en tous les articles sous peyne de peché; car cela n'est pas, ainsy que, apres le grand saint Thomas, les Docteurs plus asseurés ont observé.

  A025000316 

 De sorte que cette sainte Regle n'oblige point a peché, sinon es articles principaux requis a l'observance des troys vœux, ainsy quil est plus amplement declaré a la fin des Constitutions.

  A025000316 

 Et de fait, la parole latine de praecepte, dont saint Augustin use, ne porte pas tous-jours force de commandement absolu, ains fort souvent signifie la methode, le moyen, la maniere, l'instruction et l'art pour bien faire quelque chose; voyre mesme elle est prise quelquefois pour un simple advis de ce qui est expedient.

  A025000317 

 Et certes, puisqu'aussi bien faut: il ordinairement que les Superieurs moderent ou aggravent les loix punitives par la consideration des diverses circonstances qui accroissent ou diminuent les fautes, n'est-il pas bon de laisser les impositions des pœnitences a leur jugement et prudence?.

  A025000319 

 En l'article qui dit: «Domtés vostre chair par jeusnes et abstinences selon que vostre santé le permet,» le bienheureux Pere ne donne pas liberté pour cela a chasque Religieuse de faire des austerités de sa teste, ni de discerner ce que sa santé luy permet; car au contraire, comm'il est porté en un autre article, c'est a la Superieure de faire distribuer les vivres, non egalement a toutes, mais a chacune selon quil est expedient.

  A025000320 

 Celle qui a la charge des autres est appellee Praeposee, comme qui diroit: mise et posee au devant ou au dessus de la Congregation, et qui est praesidente a icelle, qu'on pourroit aussi appeller Praeferee.

  A025000321 

 Et presque en mesme sujet, au troisiesme Concile de Cartage, auquel le saint Pere fut present: «Lhors que les vierges sacrees seront destituees de leurs peres et meres qui les protegeoyent, qu'elles soyent retirees en quelque monastere de vierges par la providence de l'Evesque, ou bien par celle du Prestre, si l'Evesque est absent.» Ce sont les parolles du Concile.

  A025000321 

 Il est dit au bout de la Regle: «Que l'on obeisse a la Superieure, et beaucoup plus au Prestre qui a soin de toutes.» Mays, qui est donq ce «Prestre qui a soin de toutes»? Certes, dautant qu'en la Regle des Freres aussi bien qu'en celle des Seurs cett'obeissance au Prestre est souvent inculquee, ceux que j'ay veu des interpretes de cette Regle ont creu que c'estoyt l'Evesque; «dautant [13],» dit un d'entre eux, qui a fait de bonnes et belles remarques sur icelle, «que les Chanoynes reguliers en dependoyent; mays despuis que les Evesques et leur clergé se sont, par dispense apostolique, secularisés, cest ordre n'est plus gardé.» Or, a la verité dire, quant a ce point je ne puis consentir a cette interpretation; car encor qu'au commencement de l'Eglise les noms de praestre et d'Evesque fussent souvent confondus et passassent l'un pour l'autre, ainsy qu'il est aysé a voir es Actes et es Epitres des saintz Apostres, si est ce que du tems de saint Augustin ces motz n'estoyent plus en cet usage et n'appelloyt on pas les prestres Evesques, ni les Evesques simplement prestres, comme luy mesme le tesmoigne en l'epistre [14] quil a escrite a saint Hierosme; et ne me souviens pas que jamais saint Augustin en ayt usé autrement.

  A025000321 

 Mais il y a plus; car au commencement de l'epitre ou la Regle est inseree, il est parlé manifestement de ce mesme Prestre qui avoit soin du Monastere, sous le nom de Praevost ou Praefect..

  A025000321 

 Mays ce qui m'oste du tout de doute en ce point, c'est que saint Augustin, en cette mesme Regle des Seurs, distingue clairement le prestre d'avec l'Evesque, disant que si quelque Seur «est convaincue d'avoir receu des lettres ou presens en secret, elle» doit estre «griefvement corrigee et chastiee selon qu'il sera advisé par la Superieure, ou par le Prestre, ou mesme par l'Evesque.» Ainsy est distingué le Prestre d'avec l'Evesque.

  A025000322 

 Et certes, je confesse que non seulement en la primitive Eglise et jusques au tems du grand saint Augustin, [15] mais aussi plusieurs siecles apres, les Religieux et Religieuses vivoyent sous l'obeissance des Evesques; car c'est une verité trop certaine pour estre niee, trop evidente pour estre ignoree; puisque Gratian au Decret, Edmerus en la Vie de saint Anselme, saint Bernard, au troysiesme Livre de la Considération et en l'epistre qu'il escrit a l'Archevesque de Sens, Henri, et mesme le maistre de l'Histoire de l'Eglise, Baronius, le tesmoignent en termes qu'on ne peut dissimuler.

  A025000323 

 Ce «Prestre», donq, dont il est parlé en la Regle, estoyt ou le Curé qui, comme a remarqué le docte Filesac, theologien de Paris, estoit jadis nommé simplement «le Prestre» par excellence; ou bien c'estoit le Prestre particulier, auquel l'Evesque avoit commis le soin du Monastere pour les choses spirituelles et administration des Sacremens.

  A025000323 

 Saint Hierosme, en l'Epitaphe de sainte Paule, parlant des Religieuses qui estoyent es trois monasteres de Bethleem: «Elles sortoyent,» dit-il, «seulement le jour du Dimanche pour aller a l'eglise qui estoit a costé de leur sejour, chasque trouppe suivant sa Mere; et de la s'en retournant, elles s'appliquoyent aux exercices qui leur estoyent assignés.» Saint Pacome et ses Religieux appelloyent un des prestres du voysinage pour recevoir la divine Eucharistie (est il dit en sa Vie) et les immortelz Sacremens; «estimant,» disoit il, «que c'est chose profitable aux Monasteres de communiquer aux [17] eglises.» La rayson de ceci fut que les prestres estoyent rares, l'Ordre de prestrise estant en si grande consideration parmi ces Anciens, que peu de gens osoyent se faire promouvoir.

  A025000323 

 Tant y a, donq, que le Prestre dont il est parlé en la Regle estoit ou le Curé, ou celuy que l'Evesque commettoit a part pour le Monastere, comme qui diroit le Pere spirituel; et tout ainsy que la Superieure avoit la direction ordinaire des Religieuses, aussi es choses d'importance et extraordinaires on appelloit le Pere spirituel, et si celane suffisoit, onrecouroit finalement a l'Evesque..

  A025000324 

 Ce qui est defendu que l'on ne porte pas les voyles si desliés qu'on puisse voir, a travers, la coeffeure, c'est parce qu'en Afrique, païs extremement chaud, les filles et femmes ne plioyent leurs cheveux qu'avec des petites coeffes de filet qu'on appelle en latin retiola, comme petitz retz et filetz, et en françois «du lacis», comme petitz laqs ou lacetz.

  A025000325 

 Je n'ay pas estendu au long ce que le saint Pere met en l'article par lequel il defend l'amitié sensuelle entre les Seurs; d'autant que, selon la necessité de ce tems la et de la province en laquelle il vivoit, il marque certaines particularités peu conneues es contrees de deça, et dont la malice porte quant et soy tant d'horreur qu'il n'est pas besoin d'en exprimer plus clairement la prohibition..

  A025000327 

 Ce qu'il donne permission aux Seurs d'aller «une fois le moys» aux estuves, provient de la bonne opinion que les Anciens avoyent des bains; lesquelz, comme plusieurs prenoyent pour le seul playsir, aussi les autres, notamment es regions chaleureuses, les prenoyent pour tenir leurs cors netz des crasses que le hasle et les sueurs salees et adustes produisoyent, et les autres pour la santé, qui certes est grandement aydee de la netteté.

  A025000327 

 Donq ce n'est pas merveille s'il les permet aux Seurs, selon que la coustume de ce païs-la et le conseil des medecins le requeroit; puisque principalement il advertit si soigneusement qu'on n'en use pas pour playsir, ains seulement ou pour la netteté, ou pour la santé..

  A025000328 

 Certes, saint Policarpe, disciple des Apostres, au recit de saint Irenee a tesmoigné que le glorieux saint Jean Evangeliste entrant en un bain a Ephese pour se laver, et y treuvant Cerinthus, haeresiarque, dit a ceux qui estoyent avec luy: «Retirons nous hastivement d'icy, de peur que nous ne soyons accablés de la cheute de cette estuve en laquelle est l'ennemi de la verité.» Ce grand Disciple bien-aymé de Nostre Seigneur ne faysant donq point de difficulté [19] d'aller aux bains, qui pourra, je vous prie, censurer la douceur de saint Augustin s'il en permet l'usage aux Seurs de son Ordre? Je voy que quelques uns ont attribué cette action de saint Jean a une speciale inspiration, comme s'il fut allé aux bains pour avoir sujet de dire la celebre parole qu'il y dit contre Cerinthus; et je voys quant et quant que ce sentiment merite voyrement de n'estre pas mesprisé, a cause du credit que les autheurs d'iceluy ont justement merité parmi les amateurs des Lettres sacrees.

  A025000328 

 Mays c'est une entorse neanmoins que l'on donne a l'histoire, en faveur de la rigoureuse et imployable austerité qu'on estime avoir deu regner en l'esprit de ce grand Saint; car au reste, saint Irenee, qui est le premier escrivain de cette histoire, sur la tres asseuree foy de saint Policarpe, dit au contraire expressement que ce glorieux Evangeliste alloit aux bains pour se laver.

  A025000329 

 Et ce qui est plus a mon propos, le nompareil saint Augustin l'ordonne en cette sainte Regle, de peur, dit il, qu'une ame empestee n'empeste et infecte toute une Congregation.

  A025000329 

 L'article de l'expulsion des incorrigibles est fascheux aux gens du monde qui ne voudroyent jamais revoir parmi eux les filles dont ilz se sont une fois deschargés, et ceux qui l'ont veu ci devant en vos Constitutions l'ont apertement blasmé; mays, comme disent les doctes Azor [20] et Lessius, apres plusieurs graves autheurs, c'est un article du Droit canon et de droit de nature, et par consequent de droit divin.

  A025000332 

 Il donnera de l'amertume a vostre interieur, car il vous conduit a la parfaite mortification de vostre propre amour; mays il sera plus doux que le miel a vostre bouche, par ce que c'est une consolation nompareille de mortifier l'amour de nous mesmes pour faire vivre et regner en nous l'amour de Celuy qui est mort pour l'amour de nous.

  A025000334 

 Bienheureuse l'ame qui observera cette Regle, car elle est fidele et veritable.

  A025000341 

 Or, celles de la premiere sorte, qui estoyent en congregation, vescurent, ce semble, toutes sans avoir des Regles escrites, sous la seule observance des coustumes introduites entre elles par leur commune devotion, jusques environ le tems de Constantin, que S t Pacome ayant receu sa Regle pour les hommes d'un Ange, il la donna par apres a la congregation des Seurs erigee a Tabenne, qui ne dura que quelque tems; et tost apres, S t Basile en l'Eglise grecque, et S t Augustin en l'Eglise latine; et sainte Melanie la Jeune, en Hierusalem, donna des loix a sa Congregation, ainsy qu'il est dit en sa Vie..

  A025000343 

 Et il ny a point de doute pour ceux qui ont tant soit peu hanté les escritz des anciens Peres, que toutes ces Congregations de femmes ne fussent establies par des vœux publiqs et grandement celebres; car, qu'est ce que S t Ambroyse ne dit pas sur ce sujet a la vierge decheue? Et ne tesmoigne-il pas que sa seur S te Marcelline fut consacree le jour de Noel, en l'eglise de S t Pierre, par le Pape Liberius?.

  A025000344 

 Dont il s'ensuit clairement que cette invalidité n'est nullement de l'essence de la Religion, ains depend tellement de l'Eglise, que elle l'adjouste aux vœux simples sans pour cela les rendre solemnelz, et la peut oster aux solemnelz sans les rendre simples, selon quil est expedient pour la plus grande gloire de Dieu: ainsy qu'ont doctement monstré le chancelier Jean Gerson, les Cardinaux Cajetan et Belarmin, et briefvement, mais tres pertinemment a son accoustumé, le P. Hierosme Platus en ses livres Du bien de l'estat religieux; et apres eux, Azor, 1.

  A025000344 

 Et bien que les plus anciens et graves scholastiques eurent jadis opinion que cette solemnité estoyt de la propre nature de ( sic ) vœux de Religion, si est ce que le Pape Boniface huitiesme ayant du despuis determiné le contraire, il ne faut plus en disputer, ains avouer ingenuement que cette solemnité n'est nullement de l'essence des vœux de Religion, puisque anciennement tous les vœux des Religions estoyent sans cette solemnité, et que de nostre aage le Pape Gregoire tresiesme a declaré invalides les mariages de ceux qui en la tres illustre Compaignie de Jesus auroyent faitz les vœux, quoy que seulement simples.

  A025000344 

 Mays, pour parler avec les scholastiques et canonistes, ilz n'estoyent pas pourtant marqués de la marque de solemnité que despuis on y a adjousté, par laquelle les mariages contractés par les Religieuses professes sont invalides; car encor que d'un commun consentement de tous les saintz Pere ( sic ) et selon l'expresse parole du saint Apostre, les vierges ou vefves qui par vœu et profession publique estoyent consacrees, ayt ( sic ) tous-jours esté tenues en execration lors qu'elles rompoyent et violoyent leurs vœux, ou par mariage ou autrement, [26] si est ce que, comme dit clairement S t Augustin au livre Du bien de la viduité, leurs mariages subsistoyent; l'invalidité d'iceux ayant seulement esté introduite par droit ecclesiastique, et premierement par authorité de quelques Evesques en leurs dioceses, puis par le Concile general tenu a Rome l'an 1139, sous Innocent second.

  A025000345 

 Ainsy le tres glorieux S t Charles, mirouer des Praelatz de nostre aage, erigea plusieurs Congregations de diverses sortes pour les filles et femmes, et a son exemple, les Reverendissimes Evesques de sa province; car voyci ce qui est escrit en sa Vie.

  A025000348 

 Et, comme disent Azor et Lessius, apres plusieurs graves docteurs, ell'est conforme aux Canons, aux Regles de S t Augustin et de S t Benoist et au droit [28] de nature, puis que, comme S t Augustin a allegué en sa Regle, les incorrigibles doivent estre rejettees affin qu'une ame n'infecte et infeste toute une Congregation; et, comme dit saint Bernard: «Il est mieux qu'un perisse que l'unité.».

  A025000348 

 L'article par lequel il est dit qu'on expulse et rejette les incorrigibles du monastere et Congregation semble rude et fascheux; car les gens du monde ayans establis ( sic ) quelque fille en Religion, ne voudroyent que jamais, pour aucun cas, quel qu'il fut, on la peut renvoyer.

  A025000349 

 Ce quil faut particulierement craindre es femmes, entre lesquelles plusieurs treuvent bien plus facile, comm' en effect il est, de priver leur bouche de viande, que de priver leur cœur de leur propre volonté..

  A025000349 

 En l'article qui dit aux Seurs: «Domtes vostre chair par jeusnes et abstinence de manger et boire autant que vostre santé le permet,» S t Augustin ne donne pas pour cela liberté a chasque Religieuse de faire des austerités a son gré, ni de discerner quand sa santé luy permet de jeusner ou ne jeusner pas; car il est porté en un autre article, que c'est a la Superieure de faire distribuer les vivres, non egalement a toutes, mais a chacune selon quil est requis.

  A025000350 

 Car en verité, cette Regle est tellement detrempee en l'esprit de la suavité chrestienne, que ell' est propre a toutes sortes de personnes, de nations et de complexions; aux clercz, aux moynes, aux chanoynes, aux chevaliers, aux religieuses: aussi est.

  A025000352 

 [Mais, bien qu'elle] merite du respect a cause de l'authorité quilz ont merité en l'Eglise, c'est une entorse que l'on donne a l'histoire, en faveur de la rigoureuse et impliable austerité qu'on estime devoir regner en tous les serviteurs [de Dieu]; car S t Irenee, qui est le premier qui rapporte cette histoire de S t Jean, sur la tres asseuree foy de S t Policarpe, dit expressement que cet admirable Apostre alloit aux bains pour se laver.

  A025000354 

 Il faut neantmoins confesser qu'en ces contrees de deça il n'est pas si necessaire de parler clairement de ce malheur qui ny est aussi pas maintenant si frequent..

  A025000354 

 L'article par lequel est prohibee l'amitié sensuelle entre les Seurs tend a ce qu'on ne tumbe en aucune tentation de certains pechés fort abominables que le grand Apostre S t Paul marque au premier chapitre de l'Epitre aux Romains.

  A025000354 

 Mays par ce qu'en ce tems le nom de telz pechés n'est jamais tant censuré qu'estant prononcé par ceux qui ne les nomment que pour les reprendre, corriger et detester, je n'ay pas estendu au long tout ce qu'en escrit le s t Pere; quoy que devant toute sorte de juste juge on deut pouvoir parler en asseurance apres un maistre de telle authorité.

  A025000369 

 Que vous observies ce pourquoy vous estes assemblees et congregees, qui est que vous habities unanimement en la Mayson, et que vous n'ayes qu' un'ame et un cœur en Dieu..

  A025000377 

 Et que ce qui est requis pour la nourriture et les vestemens soit distribué a une chacune d'entre vous par vostre Superieure, non pas egalement a toutes, parce que vous n'estes pas toutes de mesme complexion, mais a une chacune [32] selon qu'il sera besoin; car ainsy lises vous es Actes des Apostres (chapitres 2 et 4), que toutes choses leur estoyent communes et qu'on distribuoit a un chacun en particulier selon sa necessité..

  A025000378 

 Et toutefois, qu'on baille ce qui est necessaire pour leur infirmité, quoy que leur pauvreté n'eust pas peu mesme treuver les choses qui leur estoyent necessaires tandis qu'elles estoyent au siecle; et que, pour cela, elles ne pensent pas d'estre heureuses si elles ont treuvé la nourriture et les vestemens telz qu'elles ne les eussent peu treuver dehors..

  A025000382 

 Dequoy sert il de distribuer en donnant aux pauvres, et se rendre pauvre soy mesme, si la miserable ame est rendue plus superbe en mesprisant les richesses qu'elle n'estoit en les possedant? Vives donq toutes unanimement et de bon accord, et honnores Dieu, duquel vous aves esté rendues le temple, les unes en la personne des autres reciproquement..

  A025000382 

 Et qu'elles ne s'eslevent point si elles ont contribué de leurs facultés a la Communauté, et ne deviennent point plus superbes de leurs richesses pour les avoir departies au Monastere que si elles en jouissoyent au siecle; car toute autre iniquité est exercee es mauvaises œuvres affin qu'elles se facent, mais l'orgueil fait des embusches aux bonnes œuvres mesmes [33], affin qu'estant faites elles perissent.

  A025000386 

 Que personne ne face chose quelcomque en l'oratoire sinon ce pour quoy il est fait et d'ou il prend son nom; affin que, si outre les heures determinees, quelques unes, si elles en ont le loysir, vouloyent prier, celles qui veulent y faire quelque autre chose ne leur donnent empeschement..

  A025000387 

 Quand vous pries Dieu par Psalmes et cantiques, que ce que vous prononces de voix soit pareillement en vostre cœur; et ne chantes sinon ce que vous lises devoir estre chanté; mays ce qui n'est pas escrit pour estre chanté ne le chantes pas..

  A025000401 

 Celles-la se doivent estimer plus riches qui sont plus robustes pour supporter l'abstinence; car il est mieux de n'avoir pas besoin de beaucoup que d'avoir beaucoup..

  A025000401 

 Mays ayant repris les forces pristines, qu'elles retournent a leur plus heureuse coustume, qui est dautant plus convenable aux servantes de Dieu qu'elles ont moins de besoin d'autre chose; et que la volupté des viandes ne les retienne plus, estant gueries, au train auquel la necessité les avoit portees durant la maladie.

  A025000406 

 En vostre marcher, en vostre sejour ou demeure, en vostre seance, en tous vos mouvemens, rien ne se face qui attire aucun a convoytise, mais qui soit convenable a vostre sainteté, c'est a dire a la sainteté de vostre vocation..

  A025000410 

 Et celle qui arreste son œil sur un homme et ayme qu'iceluy arreste aussi son œil en elle, ne doit nullement penser de n'estre pas veue en cett'action: certes, ell' est regardee, et par ceux qu'elle ne pense pas.

  A025000410 

 Et ne dites pas que vostre intention est pudique si vous aves les yeux impudiques; car l'œil impudique est messager du cœur impudique.

  A025000410 

 Qu'elle se resouvienne que Celuy-la void tout, affin qu'elle ne veuille estre mauvaysement regardee par l'homme; car d'iceluy est recommandee la crainte, et pour cette mesme cause ou il est escrit: Celuy est abomination au Seigneur, qui fiche et arreste l'œil..

  A025000410 

 Si vous jettes vos yeux sur quelqu'un, ne les arrestes toutefois sur aucun, car allant dehors il ne vous est pas defendu de voir les hommes; mais de les convoyter, ou [36] vouloir estre convoitee par iceux, c'est une faute criminelle; ni ce n'est pas seulement par le toucher, mais aussi par l'affection et par le regard que la femme est convoytee et convoyte.

  A025000427 

 Que si elle est surprise en cette faute et en est convaincue, qu'elle soit griefvement chastiee selon quil semblera bon a la Superieure, ou au Prestre, ou mesme a l'Evesque..

  A025000431 

 Et s'il se peut faire, ne prenes point garde a ce que l'on vous donnera a vestir, [39] selon les saysons, pour voir si l'on vous donnera les habitz que vous avies posés et remis, ou bien si l'on vous donne ceux qu'un'autre avoit portés, pourveu que ce qui est necessaire a une chacune ne luy soit pas refusé.

  A025000432 

 Mays que tous vos ouvrages se facent en commun, avec plus de soin et d'allegresse ordinaire que si vous les faysies pour vous mesme en particulier; car la charité delaquelle il est escrit qu'elle ne cherche point les choses qui sont a elle (c'est a dire ses commodités, ses proffitz, ses avantages), doit estre entendue ainsy: a sçavoir, qu'elle ne prsefere point ses commodités propres aux commodités commîmes, ains les communes aux propres, C'est pourquoy, dautant plus que vous prœfereres la Communauté a vostre particularité, dautant plus deves vous sçavoir que vous aves profité, a ce que parmi toutes les choses desquelles se sert la transitoire necessité on voye surexceller la permanente charité.

  A025000432 

 Que si toutefois vostre infirmité est supportee pour vous faire avoir les habitz mesmes que vous avies posés, ayes neanmoins tout ce que vous poses en un mesme lieu, et le remettes a la garde des Seurs a ce commises; en sorte que nulle d'entre vous ne travaille pour soymesme, soit pour se vestir, soit pour avoir dequoy maintenir son lit, soit pour avoir dequoy se ceindre ou affubler, ou pour couvrir sa teste.

  A025000438 

 Le lavement des cors et l'usage des bains ne soit pas frequent, ains soit accordé selon les intervales de tems accoustumés, c'est a dire une fois le moys.

  A025000439 

 En fin, s'il y a quelque douleur cachee au cors de la servante de Dieu, qu'on la croye simplement, sans doute; mays toutefois a sçavoir si ce qui luy plait est propre a guerir sa douleur.

  A025000439 

 Si ce n'est pas chose asseuree, qu'on s'en conseille au medecin..

  A025000449 

 Que vous n'ayes aucun proces, ou qu'au plus tost vous le terminies, affin que l'ire croissant ne se convertisse en hayne et face un poutre d'un festu, et ne face l'ame homicide; car ce n'est pas les hommes seulz que regarde ce qui est escrit: Celuy qui hait son frere est homicide; ains, au sexe des masles que Dieu crea le premier, le sexe des femmes a aussi receu ce commandement.

  A025000452 

 Celle qui ne veut pardonner a sa Seur ne doit point esperer de recevoir le fruit de l'orayson; mais celle laquelle ne veut jamais demander pardon ou qui ne le demande pas de bon cœur, est en vain dans le monastere, quoy qu'on ne la rejette pas d'iceluy.

  A025000452 

 Or, celle-la est meilleure laquelle, bien qu'elle soit souvent tentee de courroux, se haste toutefois d'impetrer le pardon de celle a laquelle elle connoist d'avoir fait l'injure, que n'est pas celle qui est plus tardifve a se courroucer et plus malaysement aussi se laisse persuader de demander pardon.

  A025000464 

 Que l'on obeysse a la Superieure [comme à une mère], en gardant l'honneur qui luy est deu, de peur qu'en icelle Dieu ne soit offencé; beaucoup plus encor au Prestre qui a soin de toutes vous autres..

  A025000468 

 Or, affin que toutes ces choses soyent gardees et que si quelque chose n'est pas observee elle ne soit pas pourtant negligee, ains qu'on ayt soin de reparer et corriger le defaut, cela est principalement de la charge de la Superieure; en sorte qu'en ce qui est extraordinaire et qui excede sa capacité, elle s'en rapporte au Prestre qui a soin de vous..

  A025000473 

 Et que, bien que l'un et l'autre soit necessaire, que toutefois elle affectionne plus d'estre aymee que d'estre redoutee de vous, pensant tous-jours qu'elle doit rendre conte de vous a Dieu; et partant, obeyssant de plus en plus, n'ayes pas seulement pitié et compassion de vous mesmes, mays aussi d'elle, qui est en un peril dautant plus grand parmi vous qu'elle est en une charge plus relevee..

  A025000481 

 Et quand vous treuveres que vous faites ce qui est escrit en iceluy, rendes en graces au Seigneur, distributeur de tous biens; mais quand quelqu'une d'entre vous connoist d'avoir failli, qu'elle se repente du passé et soit sur ses gardes pour l'advenir, priant Dieu que son offence luy soit remise, et qu'elle ne soit point induite en tentation.

  A025000485 

 C'est assurément cette copie que le Fondateur revoyait lorsque, le 7 août 1621, il écrivait à la Sainte: «Il n'y a pas moyen de vous envoyer les Constitutions jusques a la semaine suivante; car il faut que je les revoye, ayant des-ja, des le commencement, treuvé des fautes en l'escriture.» (Tome XX, p. 127.) En effet, à la sixième page nous remarquons à la Constitution De l'obeissance deux corrections de sa main.

  A025000487 

 Le second Manuscrit est aussi un in-8°, de 57 pages, dont 32 de M. Michel Favre et les 25 autres d'une main qui nous est inconnue; plus, trois pages blanches à la fin.

  A025000488 

 Cette copie est postérieure à celle de la Sœur Favrot, car toutes les modifications faites à cette dernière y figurent non pas en sur [47] charge ou dans les interlignes, mais dans le texte même.

  A025000491 

 Les approbations de Robert Berthelot, évêque de Damas, de Nicolas Ménard, chanoine de Saint-Nizier à Lyon, et la permission du Vicaire général, Thomas de Meschatin La Faye, qui autorisèrent l'impression de 1619, n'y sont pas reproduites; la seule Approbation de saint François de Sales, 9 octobre 1618, y est insérée..

  A025000492 

 Notre texte est celui de l'édition de 1622, sauf là où il présente des erreurs que corrige le Manuscrit revu par le Saint; dans ce cas, ce dernier doit, naturellement, avoir la préférence.

  A025000492 

 Parfois, cependant, on y rencontre des fautes qui ont échappé à sa révision; de plus, comme nous l'avons dit à la page précédente, il y a une lacune de plusieurs feuillets: alors on s'est reporté à la copie de M. Michel Favre, ou encore au Manuscrit de 1618 dont nous allons parler..

  A025000495 

 C'est un in-4 o de 60 pages non chiffrées, dont plusieurs passages et onze pages entières de la main de saint François de Sales; le reste est de celle de Michel Favre, mais le Saint y a fait çà et là des corrections.

  A025000495 

 Ce cahier est sans doute celui qui fut rédigé pour l'édition de 1619; les variantes entre celle-ci et l'édition de 1622 se retrouvent également dans le Manuscrit, avec quelques autres, cependant, et avec l'addition d'une Constitution, celle Des retraites; plusieurs passages y sont aussi omis..

  A025000496 

 L'ordre suivi n'est pas celui qui fut adopté pour l'imprimé; les Constitutions ne sont pas numérotées, sauf les trois premières, auxquelles le Saint a ajouté en marge des chiffres arabes.

  A025000496 

 La Constitution Des trois rangs des Seurs est à la p. 56 du Manuscrit, avant celle de l' Election de la Superieure; le numéro 2 ajouté par le Fondateur indique toutefois son intention de la déplacer.

  A025000496 

 — La première Constitution, De la fin pour laquelle cette Congregation a esté erigee, n'a pas de titre, tandis qu'elle en a un dans l'édition de 1619 où elle est donnée sans numéro d'ordre.

  A025000497 

 Il a 300 pages chiffrées, sauf la dernière qui est blanche, et celle du titre..

  A025000498 

 D'autre part, l'Approbation du Saint étant du 9 octobre, il est permis de supposer que les Constitutions furent terminées ce jour-là même ou peu de jours auparavant..

  A025000498 

 Le dernier jour du mois, saint François de Sales écrit à la Sainte, alors à Grenoble: «Je me confirme tous-jours plus au desir... qu'en cette Congregation la [49] Communion y soit quotidienne de quelques unes des Seurs a tour..., ainsy que je le declareray plus a plein es Regles.» (Tome XVIII, p. 206.) Et en effet, cette Communion est prescrite à la dixième page du Manuscrit, au chapitre De la Communion.

  A025000498 

 Quant à la date du Manuscrit de 1618, elle est certainement postérieure au mois d'avril de cette année.

  A025000507 

 Plusieurs filles et femmes, divinement inspirees, aspirent bien souvent a la vie religieuse, qui toutefois, ou par imbecillité de leur complexion naturelle, ou pour estre des-ja affoiblies par l'aage, ou en fin pour n'estre pas attirees a la prattique des austerités et rigueurs exterieures, ne peuvent pas entrer es Religions esquelles on est obligé a des grandes penitences corporelles, comme sont la pluspart des Congregations reformees qu'on void par deça; et par ce moyen sont contraintes de s'arrester emmi le tracas ordinaire du monde, exposees aux continuelles occasions de pecher, ou du moins de perdre la ferveur de la devotion.

  A025000515 

 Les Seurs de la Congregation seront de trois rangs: les unes seront Choristes, c'est a dire employees a l'Office sacré du chœur pour y chanter les Heures; les autres seront les Seurs Associees, c'est a dire, lesquelles n'ayant pas les forces et les talens de dire et chanter les Offices, sont neanmoins admises en la Congregation pour y prattiquer les autres exercices spirituelz et tout le reste de la vie religieuse; les autres sont les Seurs Domestiques..

  A025000524 

 Et quant a ce qui est d'entrer dans l'enclos du monastere, que cela ne soit permis a personne quelcomque [55], de quel genre, condition, sexe ou aage qu'elle soit, sans licence expresse obtenue en escrit de l'Evesque, sous peyne d'excommunication encorue soudain la faute faite.

  A025000524 

 La clausure s'observera selon les propres termes du sacré Concile de Trente qui sont telz: «Qu'il ne soit loysible a aucune Religieuse, apres la Profession, de sortir du monastere, non pas mesme pour quelque tems, pour court et brief quil puisse estre, ni pour aucun praetexte que ce soit, si ce n'est pour quelque cause legitime qui doit estre appreuvee par l'Evesque.

  A025000527 

 Si on est contraint pour occasion pressante et utilité de les appeller de nuit, quatre Seurs, avec plusieurs lumieres, les accompagneront a l'entree, a la sortie et pendant le sejour dans la Mayson, qu'on procurera estre le plus court que faire se pourra.

  A025000529 

 En suite dequoy, toutes les Seurs obeiront soigneusement, fidelement, promptement, simplement, franchement et cordialement a la Superieure, comme a leur Mere, dit la Regle, c'est a sçavoir, avec une affection toute filiale..

  A025000532 

 Mays es choses d'importance et qui tirent consequence, comme, par exemple, de descharger tout a fait du jeusne et de la residence du chœur une Seur, et en pareilles occasions, elle prendra tous-jours l'advis du Pere spirituel et, sil est besoin, de l'Evesque, ainsy que la Regle dit..

  A025000539 

 Puysque la pudicité est l'honneur du sexe feminin, et que le vœu de chasteté a tous-jours esté estimé fondamental es Congregations des filles et femmes, il n'est pas besoin de declarer combien les Seurs y sont obligees; car en somme, elles ne doivent vivre, respirer ni aspirer que pour leur Espoux caeleste, en toute honnesteté, pureté, netteté et sainteté d'esprit, de paroles, de maintien et d'actions, par une conversation immaculee et angelique.

  A025000544 

 C'est chose digne de remarque combien saint Augustin presse ardemment l'observance de la communauté en toutes choses: en suite dequoy, tout ce qui est et sera apporté et donné a la Mayson doit estre parfaitement reduit en communauté, sans que jamais aucune Seur puisse avoir chose quelcomque, pour petite qu'elle soit et sous quel praetexte que l'on puisse alleguer, en proprieté particuliere; ains chasque Seur, faysant Profession, resignera et renoncera [59] purement et simplement en faveur de la Congregation, es mains de la Superieure, non seulement la proprieté et l'usufruit, mais aussi l'usage et la disposition de tout ce qu'a sa consideration sera remis et assigné a ladite Congregation..

  A025000545 

 Et affin que cet article si important soit a jamais exactement observé, et que toutes affections a la jouissance et usage des choses temporelles soyent retranchees, et que les Seurs vivent en une parfaite abnegation des choses dont elles useront, ainsy que la Regle l'ordonne en termes admirables, on distribuera tout ce qui est requis a la vie, soit en viandes, soit en vestemens, soit en meubles, linges et, en somme, en quoy que ce soit, sans choix ni distinction que de la necessité d'une chacune..

  A025000553 

 qui est suivie de la Messe; 4. et la Messe de None; 5.

  A025000554 

 qui est suivie de la recreation jusques a mydi; 3.

  A025000567 

 Tout le reste se prattique comm'il est dit au chapitre precedent..

  A025000583 

 Et faut noter qu'en tous tems le silence s'observe au choeur, au dortoir et au refectoir, sans que l'on y puisse parler que pour des occasions necessaires; et de plus, que l'on peut tous-jours parler a la Superieure, et les Novices a leur Maistresse, quand il est requis..

  A025000587 

 Es processions esquelles on chante les Hymnes, on chantera par l'inflexion ordinaire; mays en celles esquelles on chante les Litanies, on pourra parfois varier le chant, comm'il est porté par le Directoire..

  A025000607 

 Et bien que toutes les Seurs soyent obligees de faire les ouvrages qui leur sont donnés avec grande fidelité et diligence, si est-ce que, pour eviter toutes sortes d'empressemens et laisser aux Seurs la liberté de s'appliquer a l'orayson interieure, et ne point suffoquer l'esprit de devotion par une trop grande contrainte de s'employer aux ouvrages, la Superieure ne prefigera point aucun terme aux Seurs dans lequel leurs ouvrages soyent achevés, ains laissera cela a leur diligence et souplesse spirituelle, de-laquelle pourtant, en cas qu'elle les vist negligentes et paresseuses, elle les advertira ou fera advertir.

  A025000612 

 Quand il est requis que les Seurs parlent a ceux de dehors la Mayson, on observera que celle qui doit parler soit assistee d'une autre qui puisse ouïr ce qui se dira, sinon que, pour quelque respect, la Superieure treuve bon que la Seur qui parle soit veue et non ouye par celle qui l'assistera; laquelle, en ce cas, se retirera a part, faysant quelque ouvrage ou, si c'est jour de feste, lisant quelque livre ou faysant quelque orayson; et ce pendant prendre garde aux parolles (si elle doit ouÿr) et aux contenances de la Seur, affin d'en rendre conte a la Superieure..

  A025000613 

 Au reste, les Seurs prendront garde de n'ouyr ni dire des paroles inutiles, coupant court en toute sorte de devis, si ce n'est en ceux qui regardent le bien spirituel..

  A025000621 

 On pourra demeurer une heure entiere a table, s'il est expedient, afin que celles qui mangent lentement prennent [70] leur refection a loysir; et ce pendant, celles qui auront plus tost achevé leur repas demeureront attentives a la lecture, sans sortir de leurs places avant Graces, sinon que quelque grande et urgente necessité le requit..

  A025000637 

 Elles diront l'Office au chœur selon qu'il est marqué au Directoire, prononçant nettement et distinctement les paroles, observant les pauses, mediations, accens, moderant et ajustant leurs voix les unes aux autres, et composans leur maintien le plus devotement qu'elles pourront..

  A025000640 

 Or, parce que les espritz humains prennent bien souvent des secrettes complaysances en leurs propres inventions, mesme quand c'est sous pretexte de devotion ou accroissement de pieté, et que neanmoins il arrive quelquefois que la multitude des Offices empesche l'attention, gayeté et reverence avec laquelle on les doit faire, il ne sera point loysible a la Congregation, sous quel pretexte que ce soit, de se charger d'autres Offices ou prieres ordinaires que de celles qui sont marquees en ces Constitutions et Directoire; car ainsy elle aura tant plus de moyen et de sujet de dire et chanter l'Office avec la gravité et le respect qu'elle y observe maintenant..

  A025000646 

 Or faut il qu'il soit homme de doctrine, de prudence et de vie irreprehensible, discret, honneste, stable et devot, et tel que l'Evesque, le Pere spirituel et la Superieure se puissent reposer en son soin et en son zele en ce qui est requis pour le bon estat de la conscience des Seurs; car encor que l'on employe a cela mesme plusieurs autres bons moyens, comme sont les confessions extraordinaires et les communications avec des personnes spirituelles, et specialement [74] avec la Superieure, ainsy qu'il est dit en divers endroitz des Constitutions et notamment au chapitre suivant, si est ce que le Confesseur ordinaire a plus de pouvoir pour maintenir les consciences des Seurs en pureté et sincerité que nul autre, estant comme l'ange visible deputé a la conservation des ames du Monastere et pour leur avancement au salut eternel..

  A025000654 

 Et outre cela, quand quelqu'une desirera de se confesser ou conferer de sa conscience avec quelque personne bien reconneue et de bonne condition, la Superieure le permettra volontier, sans s'enquerir du sujet pour lequel telle conference ou confession est demandee.

  A025000654 

 Mays pourtant, si la Superieure voyoit quelque Seur requerir souvent telles conferences ou confessions, specialement si c'est avec un mesme confesseur, elle en advertira le Pere spirituel pour, avec son advis, prouvoir dextrement a ce que la sainte liberté de la confession et conference ordonnee pour le bien et la plus grande pureté, consolation et tranquillité des ames, ne soit convertie en detraquement de cœur, inquietude d'esprit, curiosité, bigearrerie, melancolie, pour nourrir quelque tentation secrette de prœsumption ou d'aversion au Confesseur ordinaire, ou en fin de singularité et vaine inclination aux personnes..

  A025000667 

 C'est pourquoy les Seurs auront un'attention particuliere a la prattique de cette vertu, faysans toutes choses en esprit de profonde, sincere et franche humilité..

  A025000667 

 L'humilité est l'abbregé de toute la discipline religieuse, le fondement de l'edifice spirituel et le vray caractere et marque infallible des enfans de Jesuschrist.

  A025000683 

 Nulle ne presumera d'aller au parloir, ou tournoir, ni ailleurs pour parler aux estrangers, ni escouter ceux qui parlent, ni demander a la Portiere ou quelqu'autre qui y aura esté, ni que c'est que l'on y a dit..

  A025000685 

 Elles n'entreront point es chambres les unes des autres sans congé et sans advertir celle qui est dedans, heurtant premierement a la porte et attendant qu'elle die: «Au nom de Dieu.» Et tandis qu'elles seront plusieurs en une chambre, faute de logis, elles ne remueront point les besoignes les unes des autres..

  A025000691 

 Bienheureuses seront celles qui prattiqueront naïfvement et devotement cet article, qui enseigne une partie de la sacree enfance spirituelle que Nostre Seigneur a tant recommandee, delaquelle provient et par laquelle est conservee la vraye tranquillité de l'esprit..

  A025000695 

 Et en cas que la faute qui est descouverte, pour le scandale, consequence et nuysance qu'elle tire apres soy semblast devoir estre promptement manifestee a la Superieure, celle qui l'aura veue ou sceue prendra l'advis de la Superieure mesme ou du Pere spirituel, sans nommer ni faire connoistre celle qui sera coulpable, sinon apres qu'elle aura esté conseillee de la nommer..

  A025000695 

 Que si la faute estoit d'importance et secrette, celle qui l'aura apperceue fera doucement et amiablement la correction fraternelle, selon l'Evangile, jusques a trois foys; apres quoy, si la defaillante persevere en ses fautes, elle sera deferee a la seule Superieure, affin que par tous les moyens possibles elle y remedie; mays si la faute n'est pas secrette, elle en advertira la Superieure d'abord.

  A025000697 

 Et parce que la coustume est que non seulement les Surveillantes, mays aussi les autres Seurs facent les advertissemens au refectoir, apres Graces, des fautes qu'elles auront remarquees, qui est de tres grand prouffit, elle sera gardee et observee inviolablement, comme aussi celle de dire les coulpes et faire les mortifications devant le Benedicite..

  A025000702 

 Le samedi, toutes les Seurs, sans qu'aucune s'en puisse excuser, si ce n'est pour cause extremement grande, tant les Professes que les Novices et les Seurs dit mesnage, s'assembleront au Chapitre; et apres avoir dit le Veni, Sancte Spiritus, la Superieure dira tout ce qu'il luy semblera devoir estre dit pour le bien spirituel de la Congregation.

  A025000704 

 Et attendu qu'en toute assemblee faite au nom de Dieu il se treuve au milieu, les Seurs doivent assister en celle ci, qui est vrayement faite en ce tressaint nom, avec grande reverence, devotion et attention, s'imaginant de voir Nostre Seigneur au milieu d'elles, par l'ordonnance et inspiration duquel leur sont dites plusieurs choses pour leur perfection..

  A025000710 

 Lhors que par le commandement de la Superieure on prendra ce qui sera requis pour les necessités de la Mayson et des Seurs, l'on fera un autre roolle qui contiendra les sommes tirees, escrit de la main de l'une de celles qui garderont les clefz, et les causes pour quoy elles ont esté tirees; et sera signé de la main de la Superieure et de l'autre qui garde les clefz, affin que, au bout de chasque annee, un peu avant Noel, toutes les Officieres ensemble avec la Superieure facent sommairement un estat de tout ce qui s'est passé au maniement exterieur de la Mayson, lequel estat sera representé au Superieur en la Visite..

  A025000728 

 Elle eslevera avec un amour paternel les Seurs qui, comme petitz enfans, seront encor foibles en la devotion, se resouvenant de ce que dit saint Bernard a ceux qui servent les ames: «La charge des ames,» dit il, n'est pas des ames fortes, mais «des infirmes; car si quelqu'un te secourt plus qu'il n'est secouru de toy, reconnois que tu es non son pere, mais son pair.» Les justes et parfaitz n'ont point besoin de superieur et conducteur; ilz sont eux mesmes leur loy et leur direction, par la grace de Dieu, et font asses sans qu'on leur commande.

  A025000731 

 Qu'elle ne concede point aysement a pas une l'usage des Sacremens plus frequent que celuy qui est porté par les Constitutions, de peur qu'en lieu d'une amoureuse et respectueuse Communion, il ne s'en face plusieurs par imitation, jalousie, propre estime et vanité..

  A025000743 

 Et neanmoins, bien qu'elle ne soit pas obligee de suivre le conseil, si est ce qu'elle doit l'escouter avec [91] tranquillité et suavité, sans tesmoigner aucun mespris ni desdain, affin de laisser la liberté et confiance aux Seurs de dire ce qui leur semblera bon..

  A025000768 

 Or, ce qu'elle taschera le plus de leur faire concevoir et bien entendre, c'est principalement l'intention qu'elles doivent avoir eue en l'eslection qu'elles ont faite d'abandonner [95] le monde pour se retirer au monastere: qui est affin de s'unir plus parfaitement a Dieu, mortifiant leurs sens exterieurs et encor plus leurs passions interieures, pour rappeller toutes leurs forces au service de l'Espoux celeste, par une chasteté toute pure, une pauvreté despouillee de toutes choses et par une obeissance establie en une parfaite abnegation de sa propre volonté; et que, en somme, cette Congregation est fondee spirituellement sur le mont de Calvaire, pour le service de Jesus Christ crucifié, a l'imitation duquel toutes les Seurs doivent crucifier leurs sens, leurs imaginations, passions, inclinations, aversions et humeurs pour l'amour du Pere celeste..

  A025000769 

 Et parce que l'entreprinse est grande, elle leur apprendra a ne point se confier en elles mesmes, mays a jetter toute leur confiance en Dieu et en l'intercession et protection de la glorieuse Vierge Marie.

  A025000771 

 Sur tout elle taschera d'imprimer dans le cœur de ses Novices que toutes les Seurs de la Congregation ne doivent avoir qu' un seul cœur et qu' une seule ame, avec memoyre continuelle que Nostre Seigneur, par son inspiration et vocation, et Nostre Dame, par une secrette Visitation de laquelle elle a visité leur cœur, les a jointes et unies ensemble, affin que jamais elles ne fussent separees d'amour et de dilection, ains qu'elles demeurassent en unité d'esprit par le lien de charité, qui est le lien de perfection..

  A025000775 

 On la deschargera tant qu'il sera possible de toutes les autres affaires de la Mayson, affin qu'elle puisse tant mieux vacquer a celle ci qui est si importante..

  A025000805 

 Elle pourvoyra que les Officieres ayent tout ce qui leur est necessaire pour leur charge.

  A025000806 

 Elle prendra deux foys l'annee avec soy les Surveillantes pour visiter soigneusement tous les offices et tout le reste de la Mayson, pour, par apres, faire le rapport a la Superieure si tout est en bon ordre et estat; et outre cela, elle mesme fera cette visite selon qu'elle jugera estre expedient..

  A025000810 

 Elle tiendra les inventaires de tous les meubles de chasque office, et procurera que chasque officiere en ayt un particulier de ce qui est de sa charge, qu'elle reverra chasque annee en l'une des visites generales qu'elle fera de toute la Mayson..

  A025000814 

 Elle se rendra prompte et charitable a toutes les necessités des Seurs, selon l'ordonnance de la Superieure, et prendra garde que les Seurs de l'office de la cuysine et les Seurs Tourieres facent bien et a propos ce qui est de leur charge, et avec la douceur et support requis.

  A025000821 

 Elle verra ce qui sort de la Mayson et l'escrira, si c'est chose d'importance..

  A025000822 

 Les Seurs estant aux Offices, en l'orayson et a table, elle s'excusera de les appeller, si ce n'est pour chose qui presse et de grande importance.

  A025000867 

 C'est a elle de despenser en detail le vin, le pain, l'huyle, le sel, le beurre et autres choses requises pour la nourriture des Seurs, pour l'aumosne et autres telles occasions..

  A025000879 

 La Congregation recevra le moins qu'elle pourra des Seurs Tourieres; et semble bien que deux ou troys seront esgalement et necessaires et suffisantes pour tout ce qui est requis au service de la Mayson..

  A025000882 

 Elles ne changeront point d'habit en leur reception ni en leur establissement, ains demeureront vestues comme les honnestes filles de leur qualité originaire, a la façon du heu ou est la Congregation, sans aucune différence, sinon qu'elles seront vestues simplement et modestement de noir, sans ouvrages ni mignardise quelcomque, avec une croix d'argent pendue en leur col comme les autres..

  A025000891 

 On ne recevra aucune fille pour entrer en la Congregation qui n'ayt quinze ans accomplis et ne sache lire, si elle est presentee pour estre du chœur, et qui ne tesmoigne un grand desir de la perfection chrestienne; et quant aux moyens requis pour l'entretenement, on y advisera de tems en tems, selon les commodités de la Mayson..

  A025000899 

 Et luy fera-on entendre que la Congregation est une escole de l'abnegation de soy mesme, de la mortification des sens et de la resignation de toutes les volontés humaines, et, en somme, un mont de Calvaire ou, avec Jesus Christ, ses chastes espouses doivent estre crucifiees spirituellement, pour, apres cette vie, estre glorifiees avec luy..

  A025000902 

 Et sur tout on procurera que la Novice esgale et applanisse ses humeurs et inclinations a la regle de la charité et discretion: c'est a dire, qu'elle apprenne a ne point vivre selon ses humeurs, passions, inclinations et aversions, mays selon l'ordre de la vraye pieté, ne pleurant, riant, parlant, se taysant que par rayson, et non quand le caprice ou fantasie luy en vient: en sorte qu'elle reserve les demonstrations de sa joye ordinaire pour les recreations; l'inclination de se taire, pour le silence; celle de pleurer, quand la grace l'excitera aux larmes de devotion, sans les employer en des frivoles occasions.

  A025000927 

 Mays si les fautes sont griefves et qu'il y ayt de la malice, opiniastreté et obstination, alhors elle conferera avec ses Coadjutrices pour prendre leur advis sur la correction convenable; et s'il est besoin, fera paroistre la coulpable devant elles pour la convaincre, et mesme, s'il est jugé a propos, devant le Confesseur, affin qu'il l'ayde, ou devant le Pere spirituel; et la, luy faire sa sentence, pour luy donner la sainte confusion qui reduit a penitence..

  A025000928 

 Mays s'il arrivoit, ce que Dieu ne veuille jamais permettre, que quelqu'une se rendist tout a fait incorrigible et incurable en son obstination, alhors il faudroit assembler le Chapitre devant le Pere spirituel pour prouvoir de remede; et s'il estoit expedient, on en conferera non seulement avec le Pere spirituel, mays aussi avec l'Evesque, s'il est au lieu, ou s'il n'y est pas, avec son Vicayre general, pour prendre tous les moyens requis et convenables affin de remedier a ce mal.

  A025000933 

 C'est l'opinion commune des Docteurs et la vraye verité que ni la Regle de saint Augustin, ni certes la pluspart des Regles des autres Religions n'obligent nullement a peché d'elles mesmes, ains seulement a rayson des circonstances suyvantes:.

  A025000934 

 Quand la chose defendue est en soy peché, ou que ce qui est commandé est necessaire a salut..

  A025000940 

 Mays, comme il appert, ce n'est pas la Regle ni les Constitutions qui en ces cas causent le peché, ains les circonstances qui de leur nature le causeroyent en toutes autres occasions; car ce seroit tous-jours peché aux seculiers mesme de faire ce qui est peché en soy, de laisser ce qui est requis au salut, d'enfreindre quelque loy par mespris, de violer les vœux, de scandaliser le prochain, de se relascher a quelque passion desordonnee..

  A025000941 

 La Regle donq et, comme il a esté dit, beaucoup moins les Constitutions n'obligent nullement a peché d'elles mesmes; mays les Seurs craindront pourtant tous-jours de les violer si elles se resouviennent que leur vocation est une grace tres particuliere delaquelle il faudra rendre conte au jour du trespas; et qu'elles portent gravee en leur memoyre la sentence du Sage: Qui neglige sa voye sera tué.

  A025000946 

 Quand les Seurs decederont, on fera appeller le Curé du lieu, avec deux ou trois assistans, pour faire l'enterrement ainsy qu'il est marqué au Directoire.

  A025000980 

 P. B. — P. 117: C'est une porte aux tentations de faire passer les Sœurs Domestiques au chœur.

  A025000982 

 P. B. — P. 119: Ces Associées qui n'assistent point au chœur est chose bien digne de considération.

  A025000986 

 Et je pense qu'en chaque Maison il suffirait d'en recevoir, au plus, trois ou quatre ou cinq, car la Règle étant si douce, si la bénédiction du petit Office y est continuée chacun le peut dire, ou fort peu de personnes s'en trouveraient incapables..

  A025000988 

 Page 124: DE LA CLAUSURE. Ne serait-il point à propos de dire que les Sœurs pourront entrer dans le presbytère pour parer l'autel, à la charge que l'église soit fermée et qu'elle soit vide? car je craindrais que quelque Visiteur ne retranchât cela s'il n'est écrit.

  A025000990 

 P. B. — Page 127: Ces lettres closes, envoyées sans être vues, est chose bien délicate.

  A025000997 

 P. B. — Page 137: J'ôterais ce mot de «dormir demi heure», non qu'elles ne le puissent faire, mais afin que les séculiers ne s'en édifient pas mal: en France ce n'est pas la coutume..

  A025001001 

 Page 140: Elles se leveront après cinq heures et demie, s'il vous plaît, parce que le temps d'un quart d'heure est trop court, cela ôte la tranquillité en s'habillant.

  A025001009 

 L'expérience fait voir que c'est leur grand bien d'aller peu au parloir..

  A025001023 

 P. B. — Page 166: Cette Communion de tous les jours se tournera en coutume; cela est selon l'inclination de ces bons Pères..

  A025001038 

 Je crois qu'il serait aussi à propos de dire un mot aux Religieuses quelle est la confiance et obéissance qu'elles lui doivent, parce qu'à l'ordinaire on ne lui parle pas de l'intérieur..

  A025001040 

 P. B. — On ne parle point du Confesseur en aucune façon, ni ne sait-on par les Constitutions ce qu'il doit faire ou non faire; et [129] il est très necessaire de savoir ce qu'il peut, ce qu'il ne doit et ne peut, afin d'éviter mille inconvénients..

  A025001041 

 Je crois qu'il serait utile de marquer quelles doivent être ses qualités et comme l'on fera son élection, dont il est parlé en la page 191, ou son rejet, s'il était requis de le faire..

  A025001066 

 L'expérience a enseigné que deux suffisent; toutefois on pourra dire «deux ou trois», s'il est convenable..

  A025001081 

 Oh! ce dernier point est grandement considérable, d'avoir des séculières, et ne serait guère bien goûté des Sœurs.

  A025001089 

 Le lieu d'impression n'est pas indiqué, mais il est évident qu'elle se fit dans la capitale, où la Mère gouvernait le second Monastère..

  A025001091 

 En 1633, Vincent de Cœursilly, à Lyon, fit une nouvelle édition de la Regle... et Constitutions et Directoire, avec les trois Souhaits et l' Exercice de l'union; mais le premier article: Intentions generales pour les Sœurs, n'y est pas donné.

  A025001092 

 Ce Manuscrit est reproduit dans notre texte; nous donnons en variantes les divergences et additions du Directoire de 1637, qui est la leçon actuelle.

  A025001092 

 Pour «ageancer» ce qui n'était pas coordonné, sainte Jeanne de Chantal [133] y mit-elle parfois du sien? Il est permis de le croire, quand on voit l'addition de fragments considérables qui n'existent pas dans le Directoire manuscrit; mais il est certain qu'elle a toujours interprété la pensée de son Bienheureux Père, si elle n'en a pas reproduit textuellement les paroles..

  A025001111 

 Comme donques pourroit on avoir des liens plus fortz que le lien de la dilection, qui est le lien de la perfection?.

  A025001111 

 Nous n'avons aucun lien que le lien de la dilection, qui est le lien de la perfection; car la dilection est forte comme la mort et le zele d'amour ferme comme l'enfer.

  A025001132 

 Le sommeil est l'image de la mort et le resveil est l'image de la resurrection; ou bien celle de la voix qui retentira au dernier jour: O mortz, leves vous et venes au jugement.

  A025001132 

 Ou bien qu'elles dient avec Job: Je croy que mon Redempteur est vivant et qu'au dernier jour je resusciteray.

  A025001138 

 Les Seurs qui voudront prosperer et faire progres en la voye de Nostre Seigneur doivent, au commencement de toutes leurs actions, tant exterieures qu'interieures, demander sa grace et offrir a sa divine Bonté tout ce qu'elles feront de bien, se preparant ainsy a supporter toute la peyne et mortification qui s'y rencontrera avec paix et douceur d'esprit, comme provenante de la main paternelle de nostre bon Dieu et Sauveur, duquel la tres sainte intention est de les faire meriter par telz moyens pour, par apres, les recompenser de l'abondance de son amour.

  A025001141 

 Les Dimanches et festes de commandement elles adjousteront les commemorations du jour, selon qu'il leur est marqué au Directoire de l'Office..

  A025001141 

 Les Seurs diront a l'ordinaire le petit Office de Nostre Dame, veu que cet Ordre ayant esté institué particulierement pour la retraitte des infirmes et a l'honneur de la Bienheureuse Mere de Dieu Nostre Dame, cet Office leur est plus sortable que le grand.

  A025001142 

 Les Seurs auront en singuliere recommandation la simplicité et promptitude a l'obeissance; et partant, quand les Offices sonneront, elles doivent courir a la voix de l'Espoux qui les appelle, c'est a dire partir allegrement au premier coup, se mettre en la presence de Dieu et, a l'imitation de saint Bernard, demander a leurs ames ce qu'elles vont faire au chœur.

  A025001145 

 Pour se maintenir avec le respect et attention convenable, il faut qu'elles considerent de tems en tems combien ce leur est d'honneur et de grace de faire ça bas en terre le mesme office que les Anges et les Saintz font la haut au Ciel, et qu'elles prononcent, quoy qu'en divers langage, les louanges au mesme Seigneur, la grandeur et majesté duquel fait trembler les plus hautz Seraphins..

  A025001147 

 Mays la principale attention et le plus grand soin que doivent avoir les Seurs qui ne sont pas encor habituees a l'Office, c'est de bien prononcer, faire les accens, pauses, mediations, de prevoir ce qu'elles ont a dire selon les charges qui leur sont donnees, se tenir prestes pour commencer, et faire les ceremonies avec gravité et bienseance, sans exceder en la crainte de faillir non plus qu'en la presomption de bien faire.

  A025001152 

 Apres cela, on pourra dire le Chapelet ou telle autre priere que l'on goustera le plus, jusques a l'Evangile, auquel il se faut lever promptement pour tesmoigner que l'on est appareillé pour cheminer en la voye des commandemens de l'Evangile, et dire: Jesus Christ a esté fait obeissant jusques a la mort, et mesme a la mort de la croix.

  A025001161 

 Faut qu'elles confessent et reconnoissent devant Dieu que ce jour ne s'est point passé sans qu'elles l'ayent offensé en quelque sorte; et parce que nous sommes aveugles en nos [142] propres affaires, il faut demander la grace et lumiere du Saint Esprit affin qu'elles puissent bien reconnoistre leurs fautes..

  A025001166 

 En l'examen du matin il n'est pas requis d'y apporter [143] tant de formalités, ains seulement, apres le Pater, Ave Maria et Credo, il faut dire le Confiteor, et regarder un peu comme l'on s'est comporté la matinee es Offices et oraysons; puis, si on treuve quelque faute, l'adjouster aux precedentes et faire l'acte de contrition avec le ferme propos de s'amender..

  A025001167 

 Pour s'ayder la memoyre affin de bien connoistre leurs fautes, elles regarderont comme elles se seront comportees a l'orayson, aux Offices, au silence, aux assemblees communes, et si elles ont esté employees a quelque chose extraordinaire; comme aussi, si elles ont eu congé de parler en particulier, de quelz propos elles se sont entretenues, car c'est, la ou il est dangereux de faillir..

  A025001175 

 Pour prendre sa refection on gardera cet ordre: Les Seurs estans dans le refectoir, feront l'inclination au Crucifix qui sera eslevé entre la place de la Superieure et celle de l'Assistente, et se rangeront de chœur en chœur, tournees les unes contre les autres, selon leur rang, tenant les mains jointes pendant la Benediction et les Graces qui se disent selon les tems, ainsy qu'il est marqué au Breviaire..

  A025001181 

 Que la douillette considere le fiel qui fut presenté a Nostre Seigneur au fort de ses plus ameres douleurs; celle qui est trop avide pense a l'abstinence et jeusnes rigoureux des Peres du desert et de tant d'autres Saintz qui ont si puissamment mortifié leur sensualité..

  A025001195 

 Qu'elles n'apportent point aux recreations des contenances tristes et chagrines, ains un visage gracieux et affable, et qu'elles s'entretiennent ainsy qu'il est porté par les Constitutions.

  A025001204 

 Qu'en entrant elles se mettent plus particulierement en la presence de Dieu, demandant la grace d'employer le silence selon la fin pour laquelle il a esté saintement institué, qui est non seulement pour empescher le vain babil, mais aussi pour retrancher les pensees vagabondes et inutiles, s'entretenant avec l'Espoux, et pour prendre nouvelles forces affin de travailler sans cesse a son divin service..

  A025001264 

 Apres quoy elles demanderont tres humblement pardon a Nostre Seigneur et la grace de se corriger; dequoy elles feront une bonne resolution, specialement des choses plus importantes qu'elles remarqueront, les detestant et taschant de donner a leur ame une vraye douleur de leurs fautes, pour petites qu'elles soyent; car c'est tous-jours trop de mal d'avoir despieu a la souveraine bonté de Nostre Seigneur qui nous fait journellement tant de misericorde..

  A025001279 

 La principale intention que les Seurs doivent avoir a la sainte Communion c'est de s'unir avec Nostre Seigneur..

  A025001285 

 [A l'amour] avec l'Espouse: Mon Bienaymé est a moy [160] et moy je suis a luy; il demeurera sur mon cœur.

  A025001288 

 On peut penser aussi a l'ardeur interieure de Nostre Dame lhors que l'Ange luy dit que le Saint Esprit viendroit en elle, sa devotion, son humilité, sa confiance, son courage; et qu'a mesme tems qu'elle entendit que Dieu luy donnoit son cœur, qui est son Filz, elle se donna reciproquement a Dieu, et que lhors cette supersainte ame se fondit en charité, si qu'elle pouvoit dire: Mon ame s'est liquefiee ou fondue quand mon Bienaymé m'a parlé..

  A025001289 

 Or, quant a nous, nous recevons une pareille grace en la Communion; car non un Ange, mays bien Jesus Christ mesme nous asseure qu'en icelle le Saint Esprit vient en nous [et la vertu celeste nous enombre, et le Filz de Dieu vient reellement en nous,] et, par maniere de dire, il naist en nous et y est conceu.

  A025001291 

 Elles feront l'enclin a la Superieure quand elles iront, chacune a mesme tems que celle qui la precedera fera la genuflexion, laquelle elles feront a l'instant que celle qui est proche de communier se mettra a genoux pour recevoir la sainte Communion.

  A025001293 

 Outre les Communions que les Constitutions ordonnent, [162] elles communieront, selon la coustume, une fois la semaine de plus durant le Caresme; comme aussi le jour de la Conversion de saint Paul, le jour de saint Joseph, de sainte Catherine de Sienne, les festes de sainte Croix, saint Claude, (en memoyre qu'a tel jour la Congregation fut commencee), de sainte Marie Magdelaine, de sainte Anne, de Nostre Dame aux Neiges, de saint Bernard, de saint Augustin, duquel nos chosmons la feste, du Patron de l'eglise Cathedrale du diocese, de la feste du Saint principal auquel leur eglise est dediee, de saint François d'Assise, de sainte Catherine, vierge et martyre, de saint Charles, le jour des Innocens et celuy auquel elles auront fait la sainte Profession..

  A025001296 

 Quand leurs peres, meres, freres et enfans decederont, on leur appliquera une Messe sans autres prieres ni ceremonies, excepté que celle qui est parente peut, avec congé, faire plusieurs Communions a l'intention du deffunct, durant l'annee du trespas..

  A025001299 

 On ne dit rien de l'orayson, parce que l' Introduction a [164] la Vie devote suffit pour y dresser les ames qui n'en ont pas encor l'usage, et le Traitté de l'Amour de Dieu et plusieurs autres livres qui traittent de cette matiere, avec les Entretiens, fourniront suffisamment de lumiere et d'addresse aux plus advancees; et qu'en fin, le Saint Esprit est le vray Directeur en ce chemin, quoy qu'il faille tous-jours marcher appuyees sur le conseil de la Superieure, laquelle, autant qu'il luy sera possible, doit ayder et advancer les ames en cet exercice, comme tres important et utile en la vie spirituelle..

  A025001302 

 Et de plus, s'il se treuve [165] quelques ames, voire mesme au Novitiat, qui craignent trop d'assujettir leur esprit aux exercices marqués, pourveu que cette crainte ne procede pas de caprice, outrecuidance, desdain ou chagrin, c'est a la prudente Maistresse de les conduire par une autre voye, bien que, pour l'ordinaire, celle ci soit utile, ainsy que l'experience le fait voir..

  A025001302 

 Le Directoire propose quantité d'exercices, il est vray, et il est encores bon et convenable, pour le commencement, de tenir les espritz rangés et occupés.

  A025001302 

 Mais c'est a la Superieure a reconnoistre et discerner l'attrait interieur et l'estat de chacune de ses filles en particulier, affin qu'elle les conduise toutes selon le bon playsir de Dieu.

  A025001306 

 Qu'elles suyvent sa direction avec humilité, luy rendant fidellement conte de leurs actions et de tout leur interieur, luy parlant en la mesme sorte qu'il est dit pour la Superieure..

  A025001308 

 Et si c'est la Directrice qui les envoye, elles feront l'enclin a la Superieure des la place ou elles seront..

  A025001308 

 Quand la Superieure envoyera une Novice en quelque lieu hors de l'assemblee, il ne faut point qu'elle demande congé a la Directrice; mays seulement, si c'est pour demeurer long tems, elle ira luy dire: Ma Seur, nostre Mere m'envoye en telle part; et fera l'enclin.

  A025001319 

 Cet advis est de si grande importance pour maintenir l'esprit de l'Institut en sa perfection, que quand il manquera l'esprit de la compagnie defaudra aussi, lequel esprit, disoit il, estant conservé, enrichira le Paradis d'ames..

  A025001319 

 Et sur tout il est requis, disoit nostre bon Seigneur et Pere avec des paroles tres pregnantes, que les Seurs continuent a se descouvrir a la Superieure [168] avec l'entiere simplicité et sincerité que la Constitution marque; et que, reciproquement, les Superieures ayent un tres grand soin de conserver cette confiance filiale des Seurs en leur endroit par un amour tout cordial et respectueux.

  A025001319 

 Que la Superieure de chasque Monastere prenne soigneusement garde qu'on n'introduise aucune nouveauté, retranchant toute pretention de faire plus ou moins que ce qui est compris en l'Institut.

  A025001321 

 Qu'elles se gardent donq bien de croire, quand on les corrigera ou qu'on leur fera des advertissemens, que cela se face par passion ou mauvaise volonté; ains qu'elles tiennent pour asseuré que c'est une vraye marque de l'amour qu'on leur porte, et du desir qu'on a de les voir perseverer en leur vocation et parvenir a une tres haute perfection.

  A025001321 

 Que si par rencontre elle mortifie quelque Seur, elle se mettra soudain a genoux, demeurant ainsy, les yeux bas et les mains jointes, jusques a ce que la Superieure cesse de parler a elle; puis elle baysera terre, et si la Superieure est encores presente, elle luy fera un grand enclin en se relevant: car il leur sera tres utile de recevoir en cette sorte les mortifications et humiliations, comme remedes convenables et necessaires a leurs maladies, s'imaginant qu'elles sont ainsy que des petitz enfans auxquelz la douce et charitable mere donne l'absinthe et le chicotin, drogues tres ameres, l'une pour les garentir des vers, l'autre pour les [169] sevrer de la mammelle et les accoustumer aux viandes solides.

  A025001327 

 Et quand le monde les tiendra pour telles et les mesprisera, qu'elles reçoivent le mespris comme chose tres convenable a leur petitesse et un gage pretieux de l'amour de Dieu envers elles; car Dieu voit volontier ce qui est mesprisé, et la bassesse aggreee luy est tous-jours fort aggreable.

  A025001328 

 Qu'elles se monstrent tres affectionnees, autant que la Constitution seiziesme le permet, a la prattique de ce document qui est d'un prix inestimable: «Ne demandes rien, ne refuses rien;» mays qu'elles se tiennent disposees pour faire et souffrir tout ce qui leur arrivera de la part de Dieu et de la sainte obeyssance.

  A025001331 

 C'est une marque d'humilité de ne parler point de soy mesme, mays on ne le peut quelquefois esviter.

  A025001331 

 Mais en tout le reste elles parleront en pluriel, comme: Nous avons des cellules; nostre robbe est gastee; nostre lit est fait; nous avons donné une image.

  A025001331 

 Or, ce n'est pas a dire que les Seurs puissent d'elles mesmes donner aucune chose, car il ne leur est pas seulement loysible de se prester ou [171] donner les unes aux autres chose quelconque sans licence.

  A025001342 

 C'est aussi a sa discretion de les coupler deux a deux, ou plusieurs ensemble, ou de les laisser en liberté de se coupler elles mesmes, ou bien la Superieure avec les Professes, et les Novices ensemble; mais non point dans les cellules, ni les Aydes aussi quand elles s'entretiennent a la fin du moys, sinon qu'elles ayent congé..

  A025001362 

 Si c'est un Evesque, il usera de la mitre es occurrences, selon qu'il sera dit ci apres; si c'est un Prestre, il usera du bonnet.

  A025001364 

 Et quand celuy qui fera l'action ne fera pas le sermon, on mettra deux chaires: l'une pour le celebrant, l'autre pour le praedicateur; et le predicateur, s'il n'est Evesque, prendra la benediction du celebrant..

  A025001372 

 Une chose ay je demandé au Seigneur, c'est celle que je requiers: que j'habite en cette mayson du Seigneur tout le tems de ma vie..

  A025001374 

 Une chose avons nous demandé au Seigneur, c'est celle que nous requerons maintenant: que nous habitions en cette mayson du Seigneur tout le tems de nostre vie..

  A025001376 

 Cette Mayson est une escole de la mortification des sens et de la propre volonté, ou on doit continuellement crucifier l'homme exterieur avec toutes ses inclinations, habitudes et convoytises, et en somme, mourir a soy mesme pour vivre a Dieu.

  A025001376 

 Il est vray que cette Mayson est une mayson du Seigneur, en laquelle est convenable toute sainteté; et celles qui y habitent doivent de tout leur cœur et tous les jours de leur vie prattiquer la parole de Nostre Seigneur: Si quelqu'un veut venir apres moy, qu'il renonce a soy [178] mesme, prenne sa croix et me suive.

  A025001404 

 Cela fait, le Celebrant portera ou, s'il ayme mieux, fera porter par l'un des assistans un cierge allumé a celle qui est receue, ou a chacune d'icelles, si elles sont plusieurs, disant:.

  A025001416 

 Induat te Dominus novum hominem, qui secundum Deum creatus est in justitia [ et ] sanctitate veritatis..

  A025001437 

 Est a noter finalement, que soit qu'il y ayt plusieurs prætendentes a voyler ou une seule, les Oraysons de la benediction des voyles et habitz se fera en nombre plurier, dautant que les voyles et habitz seront indistinctement appliqués a l'usage commun de toutes les Seurs; mais en toutes les autres Oraysons, le Celebrant changera le nombre, selon qu'il y aura ou une ou plusieurs pretendantes..

  A025001453 

 Aves vous fermement establi en vostre cœur, n'ayant point necessité, mais ayant la liberté de vostre volonté, de garder obeissance, chasteté et pauvreté a Jesus Christ nostre Seigneur? Car, ma chere Seur, vos habitz du monde vous sont conservés, et voyci le voyle de la Congregation; l'un et l'autre vous est proposé, affin que vous puissies estendre vostre main a celuy que vous voudres, pour le prendre et choisir..

  A025001467 

 Je l'ay resolu en mon cœur, parce qu'il m'est tres bon d'estre comme cela..

  A025001473 

 Il est vray qu'il vous sera tres bon d'estre ainsy, et perseverant, vous recevres la benediction du Seigneur et la misericorde de Dieu nostre Sauveur.

  A025001473 

 Telle est la generation de ceux qui le craignent et cherchent la face du Dieu de Jacob..

  A025001474 

 La Novice joignant les mains et comme acceptant la benediction qui luy est predite, elle dira: [187].

  A025001500 

 Ouy, par la grace de Dieu, nos Seurs luy (ou leur) souhaitent le bonheur de vivre et mourir en leur union, et que pour cela elle face (ou elles facent) maintenant les vœux sacrés et la sainte Profession, selon qu'il est requis a cet effect..

  A025001502 

 Or sus, ma chere fille (ou mes tres cheres filles), si telle est vostre volonté, venes a Dieu vostre Createur et soyes esclairee, et vostre face (ou vos faces ) ne sera point (ou ne seront point ) confondue; sacrifies luy le sacrifice de justice et esperes en luy, car il vous monstrera le bien..

  A025001503 

 Ce pendant le Celebrant benira le voyle, comm' il est dit de celuy des Novices au 12.

  A025001517 

 C'est a vous, o Jesus mon Sauveur, a qui mon cœur parle, encores que je ne sois que poudre et cendre.

  A025001590 

 Vostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu; mais Ihors que Jesus Christ qui est vostre vie paroistra, lhors vous paroistres avec luy en gloire.

  A025001592 

 Absit mihi gloriari nisi in Cruce Domini nostri Jesu Christi, per quem mihi mundus crucifixus est, et ego mundo..

  A025001606 

 Il est a noter que tandis qu'on fait le sermon, les Seurs devront estre assises de chœur en chœur en leurs sieges, excepté la Novice et les assistentes, qui sont sur des sieges a trois ou quatre pas de la grille, eslevés..

  A025001615 

 Quant a l'entree des hommes, on observera rigoureusement ce que le Concile de Trente ordonne pour la reformation des Monasteres, en la façon quil est declairé en la Regle des Carmelines..

  A025001616 

 Il ne sera permis [197] d'arrester dans la Mayson, ni pour manger, ni pour coucher, ni apres le soleil couché, sil n'est expressement porté par la permission en escrit.

  A025001616 

 Nulle des Dames ne parlera aux femmes qui viendront de dehors qu'avec le congé de la Superieure et en presence d'un'autre des Dames, hors la veiie de laquelle elle ne s'escartera point, ni mesme ne parlera point en sorte qu'elle ne soit entendue d'icelle, si toutefois la Superieure ne juge quil soit expedient de permettre quelque conference secrette de quelqu'une des Dames avec celle qui entrera, en quoy elle pourra dispenser; c'est a dire, que telle conference se face hors l'ouye de l'assistente, mais non jamais hors la veüe..

  A025001617 

 Item, elles demeureront autant esloignees de la treille qu'il faut pour n'estre point touchees, ni en leurs habits ni autrement, par ceux qui leur parleront; et tous-jours s'observera que les Dames ne parlent a personne en secret, c'est a dire sans qu'elles puissent estr'ouyes de leur assistente, sinon avec la licence de la Superieure, et jamais sans qu'elles puissent estre veues d'icelle.

  A025001617 

 Mays quant aux autres personnes auxquelles il est requis de parler sans qu'elles entrent, soyent hommes, soyent femmes, elles viendront aux treilles ou deraize du chœur de l'eglise, ou a l'autre qui est a la porte; et la, les dittes treilles estant fermees, les Dames qui seront appellees pour leur parler viendront voylees, et ne parleront point autrement, sinon que la Superieure juge quil faille [198] faire d'autre sorte.

  A025001622 

 Et de deux a trois elles pourront s'assembler pour, toutes ensemble, reprendre haleyne a chanter des cantiques et ouyr la leçon spirituelle qui se fera de demi heure; en sorte que le tout cesse un peu devant Vespres, c'est a dire quand le premier son de Vespres se fera, car alhors une chacune pour[ra] aller prendre les commodités requises pour retourner en l'oratoire..

  A025001626 

 Et quand au prix du travail, il sera delivré purement et simplement en communauté, sans que l'on sache de quel travail il est arrivé..

  A025001636 

 Toutes les lettres qui arriveront de dehors aux Dames, seront premierement remises a la Superieure, qui les verra avant celle a qui ell'est addressee, pour la luy donner si bon luy semble; comm'aussi nulle Dame n'escrira sans congé et sans avoir monstré sa lettre a la Superieure, qui.

  A025001647 

 Le premier Manuscrit, le plus incomplet mais non le moins précieux, puisqu'il est tout entier de la main de saint François de Sales, appartient à la Visitation de Thonon.

  A025001647 

 Malgré cette différence de format, il est évident que ces seize pages sont d'une seule rédaction: le texte se suit parfaitement; on peut même dire que le Saint dut écrire sans interruption notable les douze premières pages: plume, encre, mouvement de la main sont les mêmes partout.

  A025001647 

 Par contre, il y a quelque différence entre ces douze pages et les quatre dernières: celles-ci sont de la même époque, sans doute, mais écrites peut-être à quelques semaines d'intervalle: la main semble plus reposée, les caractères sont plus serrés et plus droits, c'est une autre plume.

  A025001648 

 G est certainement le premier en rédaction.

  A025001649 

 Quelle est sa date? — Juin-juillet 1610 paraît convenir, d'après les observations suivantes:.

  A025001653 

 H, dont il est parlé ci-après, il change: c'est la Supérieure qui fera cette réception; elle ôtera les «habitz et coeffeures» à la prétendante, qui «prendra les habits et coeffeures de la Mayson dedans le refectoir ou ailleurs.» Probablement, le Saint avait songé à donner plus de solennité à cette vêture lorsqu'il pensait faire prendre le voile dès le Noviciat; ce fut sa première idée (voir ci-dessus, p. 201, et ci-après, note 1315, p. 241)..

  A025001659 

 15, 16 du Manuscrit, est en réalité le second en rédaction: celui du Manuscrit de Guingamp — nous en parlerons ci-après, p. 206 — est absolument le même, sauf de très légères variantes à l'article 24.

  A025001659 

 H ayant été réparé en divers endroits, il est assez probable qu'on ait réuni, par méprise, des feuillets appartenant à deux rédactions successives..

  A025001660 

 C'est à cette même ébauche du Formulaire qu'il faut rattacher un fragment appartenant à la Visitation de Caen, deux pages détachées qui se conservent en celle d'Annecy avec un autre petit fragment.

  A025001660 

 Ce dernier est en partie de la main du Saint, en partie de celle de Thibaut; les deux pages sont autographes, et contiennent le premier jet de la formule de l'«Oblation»..

  A025001660 

 Malheureusement, celui-ci est coupé; il devait contenir au recto, avec la fin de l'article 29 e, le commencement du 30 e ( Formulaire de l'Oblation ), qui se poursuit au verso, écrit par saint François de Sales.

  A025001662 

 H fut sans doute élaborée bientôt après les premiers essais, c'est-à-dire en juillet 1610; puis, de nouveau revue et corrigée les mois suivants; la date serait donc: juillet 1610-janvier 1611.

  A025001669 

 H, c'est la Supérieure qui le donne, avec les «coeffeures de la Mayson»; donc, ce Manuscrit est antérieur..

  A025001673 

 Le Manuscrit est une ancienne copie, tonte de la même main, sauf les deux premières pages dont le papier est plus blanc et les caractères plus récents.

  A025001673 

 x 20 cm., et se compose de soixante-douze pages chiffrées au crayon; cette numérotation est moderne.

  A025001674 

 Malgré ces légères inexactitudes, le Manuscrit de Guingamp est certainement très authentique et par conséquent bien précieux; il suffit, pour s'en convaincre, de comparer certains articles avec les articles correspondants du Ms.

  A025001677 

 — De tous les Manuscrits, celui de Guingamp (Ms. K) est le seul où figurent les articles: Du retranchement des sorties et De l'eslection de celles qui visiteront les malades; preuve qu'il est antérieur à la fondation du Monastère de Lyon (1615) où cette visite ne se fit jamais..

  A025001678 

 H reproduisent les corrections faites par le Saint à celui-ci (elles sont, dans notre texte, marquées d'un pointillé); c'est donc sur ce dernier ou sur une copie semblable qu'ils ont dû être transcrits..

  A025001679 

 G, H, est ordinairement remplacé, dans le Ms.

  A025001681 

 C'est quelques jours avant l'«Oblation» des trois premières Mères que fut réglée la manière d'arranger le voile; elle est indiquée, avec le reste du costume religieux, dans le Manuscrit qui nous occupe, tandis qu'il n'en est pas question dans le Ms.

  A025001681 

 K est à coup sûr postérieur au 6 juin 1611.

  A025001682 

 D'autre part, ce Manuscrit est antérieur au mois de décembre 1614, car le voile blanc n'y est pas encore prescrit pour les Novices; et, en effet, les premières voilées furent les Sœurs Paule-Jéronyme de Monthoux et Jeanne-Marie de la Croix, dont la vêture eut lieu le 27 décembre 1614.

  A025001687 

 d) A l'article 7, Du retranchement des sorties, il est dit: «Mais si la Congregation s'establissoit en quelque grande ville...» Or, [208] dans les derniers mois de 1613, non seulement de Lyon, mais aussi de Paris on faisait des démarches; vers le 8 novembre le Saint écrit à M me de la Fléchère: «On a envoyé prendre les Constitutions de Lyon, ou on projette d'en eriger une, et de Paris, pour voir si on en pourra desseigner un'autre.» (Tome XVI, p. 92.) Il est fort probable que la rédaction du Ms.

  A025001689 

 Il est antérieur au texte inséré dans le Ms.

  A025001689 

 Le susdit Manuscrit doit remonter à l'une de ces dates, mais la première est prouvée par le fait que cette Oblation eut lieu à la Galerie.

  A025001690 

 K est: juillet-septembre 1613..

  A025001691 

 Ce Manuscrit est donné ci-après comme texte, avec les variantes du Ms.

  A025001706 

 En quoy il y a beaucoup de perte et de sujetz de compassion; car, qui n'auroit pitié d'une ame bien vertueuse, laquelle ayant un extreme desir de se perfectionner et vivre toute a Dieu, ne peut neanmoins le faire qu'avec mille difficultés et mille peynes, faute d'avoir un cors asses fort et une complexion saine, la poursuite qu'elle desire faire de la sainteté, estant retardee par le manquement de la santé? Et n'est ce pas dommage de voir une vefve, laquelle n'aura peut estre bonnement d'affaires domestiques qu'elle ne puisse despecher en huit ou quinze jours chasqu'annee, pour ces huit ou quinze jours croupir et tremper toute l'annee dans les embarrassemens et inquietudes du mesnage, avec beaucoup de danger de perdre l'affection qu'ell'aura a sa viduité et a la continence viduale? [212].

  A025001708 

 C'est pourquoy il a esté convenable de ranger toutes les femmes et filles de la Congregation dans une mayson ou elles soyent a l'abri et hors du commerce des hommes, pour, avec moins d'empeschement et de danger, suivre leur entreprise..

  A025001708 

 Il est vray que les Congregations erigees par saint Charles Borromee n'obligent pas des filles a se retirer ensemblement dans une mayson, bien que plusieurs neanmoins l'ayent fait avec une tres grande utilité et edification dans la ville de Milan, ou il y a plusieurs telles Congregations retirees ensemblement dans les maysons; ains et seulement [à] s'assembler de tems en tems pour rendre conte de leur vie et s'unir en leur entreprise.

  A025001717 

 DE LA FIN ET PRETENTION POUR LAQUELLE CETTE CONGREGATION EST ERIGEE.

  A025001725 

 Or, sur toutes les qualités requises a celles qui entreront, on doit rechercher qu'elles ayent une tres profonde resolution [215] de mespriser le monde, vivre humblement, doucement et avec une parfaitte obeissance; car cette Congregation n'ayant pas beaucoup d'austerités ni des liens si indissolubles comme les Religions formelles et Congregations regulieres, il faut que la ferveur de la charité et la force d'une tres intime resolution suppleent a tout cela et tiennent heu de loix, de vœux et de jurisdiction, affin qu'en cette Congregation soit verifié le dire de l'Apostre qui asseure que le lien de la charité est le lien de la perfection..

  A025001737 

 Le principal point de la clausure des femmes est qu'on n'entre point en leurs Maysons, et notamment les hommes; et partant, les hommes n'entreront en façon quelcomque en la mayson de la Congregation, sinon quand la chose pour laquelle ilz entrent ne peut estre executee autrement qu'en entrant, et lhors il faut que ce soit avec la licence [216] par escrit de l'Evesque, ou de celuy qui sera commis de sa part..

  A025001744 

 La clausure des femmes consiste en deux pointz, dont le premier est qu'on n'entre point en leur Mayson; le second, qu'elles ne sortent point..

  A025001745 

 Quant au premier, [nul homme du monde ne peut aucunement entrer...] les hommes n'entreront point dans la mayson de la Congregation, sinon es cas esquelz il est permis de les recevoir es Religions les plus reformees du monde; comme sont les cas de vraye necessité, qui ne doivent estre jugés telz sinon quand [le Monastere] la Mayson a besoin de l'assistence et presence des hommes: comme des massons, charpentiers, medecins, cyrurgiens.

  A025001752 

 Secondement, que ce ne soit pour prendre aucun repas, ni pour y arrester apres le soleil couché, s'il n'est expres porté par la licence..

  A025001763 

 Que ce ne soit pour (manger, boirej prendre aucun repas, ni pour coucher, ni pour y arrester apres le soleil couché, sil n'est expressement porté par la licence. 3. Qu'a leur entree on sonnera une clochette, differemment neanmoins que quand on sonne pour les hommes; et tout le reste s'observera comme a l'entree des hommes, sinon que la Superieure pourra user de toute liberté a faire entretenir les femmes qui entreront par celles que bon luy semblera, ou en chambre ou dehors, et les admettre a ffaire tous les exercices...] voir et se treuver aux exercices de l'orayson, de la leçon, voire mesme a celuy de la recreation, sil y a apparence que cela se puisse faire avec edification. 4. Mais en tous cas, nulle des Dames ne pourra [entretenir] parler a celle qui viendra de dehors qu'avec licence de la Superieure, et non jamais qu'a la veue d'une Dame assistente; bien que [quelquefois] la Superieure puisse permettre, quand [bon luy semblera...] elle le treuvera a propos, que l'entretien se face sans que l'assistente puisse ouïr ce qui se dira. [5. On ne recevra a la fois que deux femmes...] [219].

  A025001769 

 Quant aux autres personnes, soit hommes soit femmes, ausquelles il est requis de parler sans qu'elles entrent, on observera:.

  A025001770 

 Troisiesmement, elles prendront garde de n'ouïr ni dire beaucoup de paroles vaynes, couppant court en toutes sortes de devis, si ce n'est en ceux qui regardent le prouffit spirituel.

  A025001774 

 Mais quant aux autres personnes, soyent ( sic ) hommes soyent femmes, ausquelles il est requis de parler sans qu'elles entrent, on.

  A025001775 

 Et tous-jours elles observeront [a ne point s'amuser a...] de n'ouïr, et beaucoup moins dire des paroles curieuses et vaynes, couppant court en toutes sortes de devis, si ce n'est [es spirituelz] en ceux qui regardent le prouffit spirituel de celle qui parle ou de ceux a qui on parle.

  A025001778 

 Si les Dames de cette Congregation observent tant de discretion et de bon ordre a l'entree des personnes de dehors en leur Mayson, elles en doivent encor plus avoir es sorties qu'elles feront, afïin que, comme le monde n'entre point en leur Mayson encor que les personnes du monde y entrent, on puisse aussi dire qu'elles ne vont pas au monde encor qu'elles aillent parmi les lieux et personnes du monde, et qu'elles soyent comme l'huyle qui, passant entre les autres liqueurs, n'est pourtant jamais confuse, meslee ou alteree entre icelles..

  A025001779 

 Donq, elles ne sortiront que pour des causes ou extremement pieuses, comme est le service des pauvres et malades, a l'exemple des anciennes vefves chrestiennes; ou pour autre service grandement necessaire, comme quand, pour leur juste devoir, elles auront besoin d'aller mettre ordre en quelques affaires urgentes, pour par apres se retirer [223] avec plus de repos.

  A025001783 

 Et ne mangeront hors de la Mayson, si ce n'est par grande necessité et grand sujet..

  A025001787 

 Mays pourtant, aucune ne sortira en la nef de l'oratoire, ni devant l'autel tandis qu'il y aura des autres femmes, et principalement des hommes, si ce n'est pour affaires bien urgentes et en presence des autres Seurs..

  A025001795 

 [Cette Congregation estant erig...] Les Dames de la Congregation observant tant de discretion et de bon ordre en ce qui regarde l'entree des personnes de dehors vers elles, n'en doivent pas moins observer es sorties qu'elles feront, affin que, comme par les regles sus escrittes on empesche que le monde n'entre en leur Mayson avec les personnes [mondaines] du monde, aussi, par autres regles, on puisse les empescher d'entrer au monde lhors qu'elles sortiront et seront parmi les personnes du monde; [ains que, comm'un huile sacré, elles se meslent tellement...] car, comme l'huyle [se meslant avec...] passant entre les autres liqueurs n'est jamais pourtant confus ni meslé avec icelles, ainsy [doivent] les ames de cette Congregation [avoir un cœur si bien fait et des si bonnes...] doivent sortir emmi le monde sans s'affectionner au monde, ni s'infecter du monde..

  A025001800 

 Jamais elles ne mangeront hors de la Mayson, si ce n'est par une vraye necessité..

  A025001806 

 Et mesme, s'il y avoit des moyens en la Congregation, on pourroit suppleer par le seul apprest des viandes necessaires aux malades, pauvres et souffreteux; car c'est un des advantages plus desirable des simples Congregations, qu'elles puissent estre employees diversement, selon la varieté des lieux, des tems et des circonstances..

  A025001809 

 Elles pourront encor sortir pour quelque grande et extraordinaire occasion: comme pour gaigner les Jubilés, quand il est porté par iceux que toutes personnes qui ne sont en rigoureuse clausure soyent tenues, pour gaigner l'Indulgence, de visiter les eglises designees.

  A025001809 

 Et ce qui est dit pour le Jubilé pourra mesme estre prattiqué en quelque [227] autre occurrence signalee, par l'advis du Pere spirituel de la Congregation..

  A025001809 

 Que si il est jugé a propos qu'en cette occasion la elles communient en quelques unes des eglises designees, ou ailleurs, la Superieure le leur pourra permettre.

  A025001814 

 Elles pourront aussi sortir pour quelques grandes et extraordinaires œuvres de pieté, comme pour gaigner les Jubilés, esquelz il est porté que toutes personnes qui n'observent pas la rigoureuse clausure soyent tenues, pour gaigner l'Indulgence, de visiter les eglises.

  A025001814 

 Et ce qui est dit pour le Jubilé pourra aussi estre prattiqué en [227] quelqu'autr'occurrence signalee, [avec] par l'advis de l'Evesque et de la Congregation..

  A025001815 

 Mais pourtant, nulle Dame de la Congregation [n'entrera] ne sortira en la nef de l'eglise, ni au chœur devant l'autel tandis quil y aura des hommes ou femmes en l'eglise, [ni ne parlera en façon...] si ce n'est pour quelqu'affaire bien urgente et en presence d'un'autre Dame..

  A025001821 

 Et la Superieure dira: Treuves vous pas [qu'il est juste] que je sois du nombre de celles qui exerceront cette charité, avec la Seur Assistente et la Seur Directrice?.

  A025001822 

 Et les filles respondront: Nous treuvons qu'il est juste et raysonnable qu'en tout et par tout vous soyes la premiere a bien faire..

  A025001834 

 Et bien que l'on pourra visiter et servir les malades riches, et principalement les dames et bourgeoises qui seront devotes et affectionnees a la Congregation, si est ce qu'il faut sur tout exercer cette charité envers les pauvres et destitués.

  A025001858 

 Elles diront le petit Office de Nostre Dame au choeur, et le chanteront distinctement et posement; horsmis les festes suyvantes, sçavoir est: le jour de Noel, des Rois, de la Purification, Annonciation, Visitation, Assomption, Nativité et Conception de Nostre Dame, Pasques, Ascension de Nostre Seigneur, la Pentecoste, le Dimanche de la tressainte Trinité, en commemoration de leur premiere entree en la Congregation qui fut faitte a tel jour, la Feste Dieu et de Toussaintz (toutes lesquelles festes seront suyvies chacune de son octave, excepté la feste de la tres [237] sainte Trinité, qui n'en a point); et en toutes ces festes on chantera l'Invitatoire a Matines, qui sera de propre, et a Laudes le Cantique Benedictus, avec son antienne devant et apres, ce qui ne s'observera point pendant les octaves.

  A025001858 

 Les susditz jours de festes elles diront l'Office ainsy qu'il est marqué en leur Abbregé fait expres..

  A025001860 

 Or, parce que les espritz [humains] ont accoustumé de prendre des secrettes complaysances en leurs inventions et nouveautés, mesme quand c'est sous prsetexte de devotion et accroissement de pieté, et que neanmoins il arrive ordinairement que la multitude des charges et prieres empesche l'attention, gayeté et devotion avec laquelle on les doit faire, il ne sera point loysible a la Congregation de se charger d'autres Offices, sous quelque prsetexte que ce soit, que de celuy de Nostre Dame, qu'on appelle le Petit Office, avec la variation des seules antiennes, chapitres, himnes, versetz et oraysons, es festes nommees ci dessus..

  A025001867 

 Les ouvertures des tours de lit se feront en sorte que les Seurs couchant plusieurs en une chambre ne se voyent point l'une l'autre quand elles se leveront et coucheront; c'est pourquoy lesdittes ouvertures ne seront point l'une contre l'autre..

  A025001881 

 En toutes occasions elles parleront et feront toutes actions doucement, paysiblement et simplement, non point [243] brusquement ni hautement, ni avec paroles recherchees; s'abstiendront tant quil sera possible de parler de leurs maysons, races, familles et honneurs; et comme la joyeuseté leur est recommandee es recreations, aussi le jeu, de quelle sorte qu'il soit, leur est defendu..

  A025001892 

 Par ce que la sainte chasteté est la vertu fondamentale de la retraitte qui se fait en cette Congregation, toutes celles qui seront receuës au voyle en feront le vœu simplement, immediatement devant que de se presenter a la sainte Oblation.

  A025001912 

 Celles qui seront en office, hormis la Superieure qui partout sera la premiere, ne tiendront aucun rang sinon en ce qui regarde leurs offices; comme par exemple: celle qui est [la Directrice] l'Assistente [248] ne [sera la premiere] precedera les autres qu'es Offices [tandis que la Superieure sera presente...]; la Directrice ira la derniere des dediees, pour estre la premiere aupres des Novices; et ainsy, l'Enfermiere ne sera la premiere qu'en l'enfermerie; et de mesme les autres..

  A025001914 

 Mais si la faute est [scandaleuse] d'importance, celle qui l'aura [veue] apperceue fera doucement et secrettement la correction chrestienne jusques a trois fois; et [250] apres cela, si la defaillante persiste en ses fautes, elle sera deferee a la Superieure, affin que par tous les moyens possible ( sic ) elle la face amender..

  A025001914 

 Quand il y en aura quelqu'une qui fera quelque faute, si ell'est legere, les autres ne la reprendront point, sinon qu'elle y continuast et multipliast la faute; et lhors, celle qui la reprendra le fera en toute charité et douceur.

  A025001918 

 Mays si la faute n'est pas secrette, elle en advertira la Superieure.

  A025001931 

 Et lhors que par le commandement de la Superieure on prendra ce qui sera requis pour les necessités de la Mayson et des Seurs, on fera un autre roolle qui contiendra les sommes tirees et les causes pourquoy on les a tirees, escrit de la main de la Portiere et signé par la Superieure et la plus ancienne des Seurs, affin qu'au bout de chasque annee, un peu avant Noel, toutes les Officieres ensemble, avec la Superieure, facent sommairement un estat de tout ce qui s'est passé au maniement exterieur de la Mayson..

  A025001949 

 C'est pourquoy il faut sçavoir que ces Constitutions et regles, ni mesme les commandemens de la Superieure, ou de l'Evesque et Pere spirituel, n'obligent nullement a aucune sorte de peché, sinon quand on y contreviendroit par mespris, ou que le commandement seroit fait sous peyne d'encourir desobeissance, ou que la chose commandee seroit de grande importance..

  A025001949 

 L'ennemi, voyant que l'obeissance est le grand appuy de la vie spirituelle, tasche ordinairement de la rendre odieuse par des scrupules quil fait naistre autour d'icelle.

  A025001953 

 C'est pourquoy il faut sçavoir que ces Constitutions et regles, ni mesme les commandemens de la Superieure, ou du Pere spirituel et de l'Evesque, n'obligent point a aucun peché ni mortel ni veniel, sinon quand on contreviendroit par mespris, ou quand la Superieure, ou le Pere spirituel, ou l'Evesque, es cas esquelz la direction leur appartient, commanderoit [en vertu...] sous peyne d'encourir la deobeissance, [car alhors on ne pourroit pas des-obeir sans vray mespris...] ou que la chose commandee seroit de grand'importance..

  A025001953 

 L'obedience, grand appuy de la vie spirituelle, [est quelquefois employee...] L'ennemi, voyant que l'obedience est le grand appuy de la vie spirituelle, tasche ordinairement de la rendre odieuse par des scrupules quil fait naistre autour d'icelle.

  A025001970 

 Les deux ans expirés, on observera a leur reception ce qui s'observe pour la reception des Seurs, soit pour l'examen ou deliberation de les recevoir ou de differer leur reception, soit pour l'Oblation; laquelle neanmoins elles ne feront point, tant qu'il sera possible, que quand quelque Seur la fera, affin qu'apres les articles esquelz il est marqué, la Superieure, parlant pour elles, n'ayt a faire que de dire simplement: «Ces deux Seurs...», et ce qui s'ensuit.

  A025001970 

 Que si elles font seules leur Oblation, faudra faire comme il est marqué au Formulaire..

  A025001992 

 Elle n'ouvrira jamais la porte seule, si ce n'est aux Seurs Servantes, et a celles qui iront et viendront des visites..

  A025002003 

 Elle les doit regarder comme la vive image de Jesus Christ crucifié; et s'il est vray, comme saint Chrisostome l'asseure, que les anciens chrestiens alloyent en Arabie pour seulement voir et reverer le fumier sur lequel saint Job souffrit tant de travaux avec quelle reverence devons nous approcher les litz sur lesquelz nos freres et nos seurs endurent leurs maladies pour Jesus Christ!.

  A025002011 

 Sil vient quelqu'un a la sacristie qui ayt quelque affaire, elle l'envoyera a la porte, si ce n'est des personnes de respect, auquel cas elle ira advertir promptement la Superieure..

  A025002043 

 Elle eslevera avec un amour maternel les filles qui, comme petitz enfans, sont encor foibles en la devotion, se resouvenant de ce que dit saint Bernard a ceux qui servent aux ames: «La charge des ames,» dit il, n'est pas des ames fortes, mays «des ames infirmes; car si quelqu'un te donne plus de secours quil n'en reçoit de toy, reconnois que tu es non pere, mais pair en son endroit.» Les justes et les parfaitz n'ont point besoin de superieur et de conducteur; ilz se servent de loy a eux mesmes et font asses sans qu'on leur commande.

  A025002048 

 Cela fait, la Superieure qui est pour lhors s'agenouillera au milieu des Seurs.

  A025002048 

 Or, l'election de la Superieure se fait en cette sorte: L'Evesque, ou Pere spirituel, venant dedans le chœur des Seurs, leur dira briefvement de quell'importance est cett' election et les exhortera de la faire en presence de Dieu, selon la connoissance qu'elles ont de la suffisance des personnes.

  A025002049 

 Et tous les billetz ayantz estés receuz, le Pere spirituel les lira l'un apres l'autre; et celle des Seurs quil aura choysie, ayant le roolle de toutes les autres dans une feuille, avec une ligne tiree au bout de chaque nom d'icelles, marquera celle que le Pere spirituel lira, faysant une traverse sur la ligne qui est a l'endroit de son nom.

  A025002056 

 Quand quelque fille ou femme sera proposee pour estre receue, on la fera premierement voir a la Superieure et aux Dames, et siï est expedient, elles la retiendront quelque [273] tems en ses habitz mondains dans la mayson pour la mieux considerer.

  A025002079 

 Et premierement, elle considerera a part soy si telle personne a les conditions requises pour demeurer en la Congregation, et specialement si elle est douce, humble et obeissante.

  A025002100 

 Car, ma chere Seur, voyla vos habitz du monde, et voyci le voyle de la Congregation; l'un et l'autre vous est proposé, affin que vous puissies estendre vostre main a celuy que vous voudres, pour le prendre et le choysir..

  A025002103 

 Et elle respond: Je l'ay resolu en mon cœur, parce que il m'est tres bon d'estre comme cela..

  A025002104 

 Le Prestre replique: Il est vray quil vous sera tres [280] bon d'estr'ainsy, et perseverant, vous recevres la benediction du Seigneur et la misericorde de Dieu nostre Sauveur.

  A025002104 

 Telle est la generation de ceux qui cherchent le Seigneur, qui cherchent la face du Dieu de Jacob..

  A025002114 

 Or sus, ma chere Fille, si telle est vostre volonté, venés a Dieu vostre Createur, et soyes esclairee; et vostre face ne sera point confondue.

  A025002115 

 Sur cela, la praetendante se leve et est conduitte par la Superieure et l'autre Seu pour s'agenouiller sur le milieu du marchepied de l'autel, ou elle demeurera un peu en silence, les mains jointes et les yeux bayssés.

  A025002116 

 C'est a vous, mon Jesus et Sauveur, a qui mon cœur le dit.

  A025002122 

 Et la Seur respondra: Mon Bien aymé est tout mien, et moy je suis toute sienne.

  A025002125 

 Et la Seur respond: O Dieu, v ostre parolle est une lampe devant mes pieds, une lumiere a mes sentiers; [284] vostre lumiere est marquee sur nous, vous aves donné l'allegresse a mon cœur..

  A025002146 

 Et si l'avis des Seurs est tel, on fera une troysiesme assemblee, en laquelle sera appellé le Pere spirituel de la Mayson; et en icelle, en sa presence, sera de nouveau deliberé si on devra faire l'expulsion et rejection..

  A025002147 

 Que si il est conclud qu'elle soit faite, la Seur sera appellee et degradee, le Pere spirituel luy ostant le voyle, et la croix qu'ell'aura a son col, et le chapelet qu'ell'aura a sa ceinture.

  A025002148 

 Cela fait, on prendra quelque loysir convenable pour luy donner moyen de se retirer, pendant lequel tems on la fera manger a part, et n'entrera point es exercices, si ce n'est a celuy des oraysons et prieres, si bon luy semble.

  A025002148 

 Et neanmoins on procurera qu'au plus tost, et avec le moins de bruit que faire se pourra, elle sorte et s'en aille, avec ce qu'ell'aura apporté en la Mayson, selon ce qui est contenu en l'article De la pauvreté, ci-dessus; a quoy il faudra prouvoir de bon'heure, et qui neanmoins ne sera pas pour l'ordinaire si malaysé, puisque si on ne peut luy rendre l'argent, on luy rendra le bien qu'on en aura acheté, ou, en attendant, la cense convenable, jusques a ce qu'on ayt commodité de rendre le fond et principal..

  A025002151 

 Et affin que lesdites voix se donnent plus sincerement, le jour de cette assemblee la, toutes les Seurs qui devront deliberer communieront et, avant toute deliberation, jureront a genoux, toutes ensemble, de dire ce qu'elles croiront estre le plus a la gloire de Dieu, selon [la] justice et selon la charité deuë tant a la Congregation qu'a celle qui est accusee..

  A025002151 

 Or, d'autant que l'expulsion d'une Seur est si importante, on observera la solemnité dite ci dessus, et en fera-on troys deliberations: entre la Superieure et les officieres; la seconde entre la Superieure et toutes les Seurs, et la troysiesme entre le Pere spirituel, la Superieure et toutes les Seurs ensemblement.

  A025002160 

 Cette infirmité est de la chair, mais la vertu ferme et puissante a establi son siege en l'ame.

  A025002160 

 La femme donq, non moins que l'homme, a la faveur d'avoir esté faite a l'image de Dieu; honneur pareil en [291] l'un et en l'autre des sexes; leurs vertus sont egales; a l'un et a l'autre est proposee une recompense pareille, et s'ilz pechent, une damnation semblable.

  A025002160 

 Or, puisque cette [292] divine image est honnoree en l'un et en l'autre sexe, que pareille aussi soit en tous deux la vertu qui face paroistre sa force par bonnes œuvres.».

  A025002164 

 La presumption et importune arrogance de plusieurs enfans de ce siecle, qui font profession de blasmer tout ce qui n'est pas selon leur esprit, blasphemans, comme dit un Apostre, tout ce qu'ilz ignorent, me donne occasion, ains me force de faire [291] cette Praeface, mes tres cheres Seurs, pour armer et mettre en defence vostre sainte vocation contre la pointe de leurs langues empestees; affin que les bonnes et pieuses ames, qui sans doute affectionneront vostre tant aymable et honnorable Institut, treuvant icy dequoy repouser ces traitz et fleches de la temerité de ces bigearres et insolens censeurs..

  A025002167 

 Ainsy, la premiere femme treuva egalement, comme le premier homme, lieu de pœnitence apres le peché, et furent sauvees autant de femmes que d'hommes dans l'arche de Noë, et le Royaume des deux est preparé pour l'un et l'autre sexe; ains il semble que la puissance divine, pour manifester sa perfection en l'infirmité, a pris playsir de faire reluire excellemment le sexe feminin en devotion et sainteté, affin de confondre le fort par le foible.

  A025002167 

 Ce sont les paroles du grand saint Basile, qui ne nie pas que la femme ne doive reconnoistre en l'homme l'advantage de la superiorité et praeeminence, trait de la ressemblance divine que l'homme a de plus que la femme, laquelle estant extraite de l'homme, est aussi faite pour luy; mais il veut bien pourtant qu'en tout le reste la femme est egale a l'homme, et sur tout en la prœtention de la grace et de la gloire, qui est le fruit de l'honneur que la nature humaine possede d'avoir esté faite a l'image et semblance de son Createur.

  A025002170 

 Et par apres, les Evesques des premiers siecles du Christianisme, gens de vie et de succession apostolique, n'oublierent rien de ce qui estoit requis pour saintement continuer ce bon office; mays sur tout envers les femmes et filles qui, par une speciale inspiration, estoyent appellees a l'estat de la sacree continence, qui pour lhors estoyent de deux sortes, comme le docte Cardinal Baronius tesmoigne, et qu'il est evident a tous ceux qui ont quelque part es escritz de l'antiquité..

  A025002173 

 Saint Ambroyse, au commencement du Livre troysiesme des Vierges, semble vouloir dire que sa seur sainte Marcelline, ayant esté consacree a Dieu le jour de Noël et en l'eglise de Saint Pierre de Romme par le Pape Liberius, entra quant et quant en quelque Congregation, quand il dit qu'il y avoit quantité de servantes de Dieu qui disputoyent de sa societé; c'est a dire, comme je pense, qui desiroyent de l'avoir a l'envi en leurs Congregations, car saint Augustin tesmoigne quil avoit veu a Milan et a Romme plusieurs assemblees de vefves et filles qui vivoyent ensemble et avoyent chacune une Superieure.

  A025002176 

 Le troysiesme rang est de ceux qui par les vœux parfaitz, mais simples, sont rendus vrays Religieux: comme sont les estudians de la tres honnorable Compaignie de Jesus, [lesquelz, encor qu'en conscience ilz ne se puissent desfaire eux mesmes des sacrés liens de leurs vœux simples, si est-ce neanmoins qu'ilz en peuvent estre absous non seulement par le Saint Siege Apostolique, mais aussi par les Superieurs de l'Ordre;] [et si par leur malheur ilz quittent sans congé leur sainte vocation pour revenir au monde et se marier, leur mariage est valide, quoy que devant Dieu ilz offencent tres griefvement et meritent le nom d'apostatz, jusques a ce qu'ilz soyent legitimement absous de leurs vœux.].

  A025002177 

 Le quatriesme rang est de certains Ordres que le Saint Siege a receu et appreuvé en tiltre de Religion, encor qu'ilz ne facent pas tous les vœux essentielz, et que, de plus, ilz ne facent que des vœux imparfaitz en comparayson des autres Religieux; d'autant qu'ilz ne vouent ni la chasteté absolue, ni la pauvreté entiere, ni l'obeissance que pour certaines actions.

  A025002178 

 En quoy il ny a rien de reprehensible, puisque le simple peuple n'est pas obligé de sçavoir les distinctions dont on use parmi ceux qui manient les affaires..

  A025002178 

 Et bien que anciennement, du tems de saint Augustin et de saint Hierosme, et en tous ces premiers siecles despuis les Apostres on appellast indistinctement Moynesses, Religieuses et Sanctimoniales toutes les femmes et filles qui se dedioyent a Dieu, ou en Congregation ou hors de Congregation, si est ce que maintenant [299] on ne parle pas comme cela selon le stile present de la Cour Romaine (qui en cecy doit estre suivi), ne plus ne moins qu'on n'appelle plus les Evesques Papes, tressaintz Peres, tres heureux Peres, Vostre Sainteté, Vostre Beatitude; qui sont neanmoins les tiltres ordinaires desquelz l'antiquité les honnoroit; l'usage, qui a toute authorité sur les paroles, ayant reservé ces eloges et appellations d'honneur au seul Evesque Romain qui tient la primauté de saint Pierre.

  A025002179 

 Le sixiesme rang est de ceux qui, hors de Congregation, font profession speciale de vivre devotement par quelque vœu, oblation ou protestation manifeste..

  A025002182 

 C'est pourquoy, cette approbation appartient ou au seul Evesque qui, a rayson de sa primauté, tient la surintendence generale en l'Eglise universelle, ou a la generale congregation des Evesques, que nous appelions Concile, qui n'est qu'une mesme chose quant a ce point; puisque l'authorité du Pape est tous-jours es Conciles generaux et celle des Conciles au Pape, l'Eglise estant en son Evesque, comme dit saint Cyprien, et l'Evesque en son Eglise..

  A025002183 

 Elles n'ont point de jurisdiction ni aucune puissance qui s'estende hors d'une seule mayson; de sorte que, comme elles n'ont point de dependance hors des diocaeses esquelles elles sont, aussi l'Eglise les a tous-jours tenues pour suffisamment authorizees et canoniquement instituees quand elles ont esté erigees et appreuvees par l'authorité des Evesques des lieux ou elles se treuvent instituees, ne plus ne moins que les societés et autres confrairies pieuses; les Ordinaires demeurans, quant a cela, en leur ancienne authorité, puisqu'elle ne leur a esté limitee que pour le regard des Congregations lesquelles, selon le stile de ce tems, portent le tiltre de Religion, et qu'il ne faut pas estimer que le Saint [302] Siege ayt jamais voulu lier les mains aux inferieurs Prelatz, en ce qui ne regarde que leurs troupeaux particuliers et qui est convenable a l'avancement des ames en la perfection chrestienne..

  A025002184 

 Mais, pour ne point trop s'amuser a preuver une chose qui est si evidente, la coustume, qui donne la loy aux loix, ou qui du moins leur sert d'authentique interprete, nous oste de toute difficulté en cet endroit; car, comme du tems de saint Gregoire Nazianzene, de saint Hierosme et de saint Basile les Evesques avoyent erigé force Congregations presque en tous les endroitz du Christianisme, aussi du despuis, et jusques au tems ou nous sommes, les Evesques en ont dressé en plusieurs lieux, et mesme en Italie, ou il semble que la prattique de la discipline ecclesiastique doive estre plus exactement observee..

  A025002186 

 Or, entre ces simples Congregations, il y en a esquelles on ne s'oblige ni par vœu, ni par serment, ni par oblation, ains seulement par une simple volontaire entree par laquelle on se range en icelles, ainsy que l'on fait en la Congregation [305] de l'Oratoire de Romme, en laquelle non seulement on ne fait point de vœu, ni de serment, ni d'oblation manifeste, mays il est mesme expressement ordonné que jamais nul de ceux qui y sont n'ayt a pretendre d'introduire aucune telle obligation, puisque l'intention du bienheureux Philippe, leur Instituteur, n'avoit jamais esté d'advis que cela fust.

  A025002187 

 Il y en a des autres ou l'on fait des vœux simples: comme l'on void en la pluspart de celles de la province de Milan, esquelles les Seurs font vœu publiq de chasteté et de perseverer en l'obeissance des Regles, ainsy qu'il appert par les formulaires de leurs receptions, qui est presque [306] semblable, quant a ce point, a celuy que les Oblatz de Saint Ambroyse observent quand ilz font le vœu..

  A025002188 

 En quelques Congregations on ne s'astreint pas par vœu, ains seulement par oblation et publique protestation: comme on fait a Romme en celle de sainte Françoise, ditte de la Tour des Mirouërs, et en la Congregation des Oblatz susmentionnés, en laquelle, bien qu'on puisse faire les vœux, comme il est porté au livre de leur Institut, si est ce que pour estre receu en icelle il suffit de faire l'oblation simple..

  A025002189 

 Or, l'oblation ou offrande n'oblige pas si fort que le vœu, quoy qu'elle oblige grandement; car le vœu estant une legitime et sainte promesse faite a Dieu, ceux qui le font [307] sont liés en trois façons: premierement, en vertu de la verité qui est tous-jours violee quand on rend volontairement fause la parole qu'on a donnee; secondement, en vertu de la bonne foy et loyauté qui est violee quand on trompe celuy a qui l'on a promis, ou que l'on fait ce que l'on peut pour le tromper; tiercement, en vertu de l'honneur et du respect que l'on doit a la souveraine majesté de Dieu, a laquelle on fait un mespris extreme de fauser la foy et loyauté que l'on luy doit, rendant la parole qu'on luy a donnee fause et mensongere.

  A025002190 

 Mais en l'offrande ou oblation, on ne promet rien expressement, ains seulement on declare et asseure l'affection que l'on a de servir Dieu; et partant, quand on manque, on ne peche pas contre la verité ni contre la loyauté, ains seulement contre la fermeté que l'on doit avoir en ses justes affections et contre la reverence que l'on doit a celuy a qui on s'est offert, quand il est personnage de respect.

  A025002190 

 Que si l'oblation est faite en publiq, il viole encor la charité par le scandale qui s'en ensuit; si que le lien de l'oblation est [309] de grande importance et suffit pour mettre la personne en quelque degré de l'estat de perfection..

  A025002191 

 Qu'elles ne sortent jamais, voire mesme pour un peu de tems, si ce n'est pour quelque cause legitime qui soit appreuvee par l'Evesque; 2. et que nul, quel qu'il soit, non pas mesme les femmes, ne puissent entrer en leurs monasteres sans la licence de l'Evesque ou du Superieur, obtenue par escrit, laquelle ne doit estre donnee que pour des cas necessaires..

  A025002192 

 Ce sont donq les deux articles necessaires de la closture des monasteres, qui, comme a sagement remarqué le docteur Navarrus, n'obligent que les Congregations qui sont erigees en tiltre de Religion; entre lesquelles ce decret neanmoins est diversement observé par l'introduction de diversité de clausures, toutes utiles, toutes selon Dieu, toutes tressaintes, d'autant que selon la varieté des lieux, des nations, des vocations on a jugé les causes des sorties et des entrees estre necessaires et legitimes en certains Monasteres et non pas es autres.

  A025002193 

 En des autres, tres reformés et pieux, les filles seculieres sont receues pour estre instruites, ainsy que l'on peut voir en toute l'Italie et qu'il est tesmoigné es Conciles provinciaux celebrés sous saint Charles a Milan.

  A025002196 

 Quand vous alles dehors, on ne vous defend pas de voir les hommes; mais de les desirer ou vouloir estre desirees d'eux, c'est un grand crime.».

  A025002197 

 Au cinquiesme Concile d'Orleans, celebré il y a plus de mille ans sous le Pape Virgile, il est ordonné que les filles qui entrent es Religions esquelles elles ne demeurent pas perpetuellement recluses, demeurent troys ans a faire leur probation en leur habit seculier..

  A025002198 

 Car il faut considerer qu'a mesure que les Religions et Congregations des femmes sont dediees aux exercices de la vie contemplative, elles ont aussi besoin d'une plus estroitte clausure; de maniere qu'estant receues par l'Eglise a cette intention, et ayant d'ailleurs solemnisé le vœu de leur sousmission et obeissance pour tout ce qui est requis a l'exacte pratique de leur vocation speciale, c'est avec juste rayson qu'on leur impose une clausure exacte, quoy que non pas egalement rigoureuse a toutes, selon ce qui a esté dit ci dessus..

  A025002199 

 Mays les simples Congregations n'estant pas instituees pour les seulz exercices de l'orayson, ains encor pour plusieurs autres, et estant introduites en l'Eglise pour des louables et sacrees retraites esquelles on ne solemnise [315] point les vœux, ains on les y fait simplement pour ce seul genre de vie, que le docte et pieux Navarrus appelle saint, certes il leur suffit de garder la clausure necessaire pour la bienseance de leur vocation; laquelle au reste les oblige estroit'tement de ne permettre non plus d'acces aux hommes en leurs maysons qu'on en permet es plus estroittes Religions, d'autant que cet article est essentiel a la conservation de la pudeur et chasteté des femmes consacrees a Dieu, et a tous-jours esté observé en toute Congregation de femmes; lesquelles, par la condition de leur propre estat, doivent estre separees d'habitation d'avec les hommes, sans leur permettre aucune entree que par une tres, urgente necessité.

  A025002201 

 Et a la verité, tout ainsy qu'il faut exalter la clausure: [316] rigoureuse comme clausure plus parfaite, aussi est ce une tentation extreme de n'en vouloir aucune autre en l'Eglise; car si bien il semble que par cette rigueur on favorise fort la retraitte des servantes de Dieu, toutesfois en effect on la diminue extremement, en leur ostant la commodité des retraittes moderees et faciles que l'antiquité et l'experience a tesmoigné estre fort utiles au salut et perfection de plusieurs ames..

  A025002203 

 La solitude tire souvent apres soy la melancolie, et la conversation attire la dissolution; la doctrine est ordinairement suivie de vanité, et l'ignorance de rusticité et opiniastreté.

  A025002204 

 Il arrive quelquefois que pour eviter un danger present, nous employons des remedes qui en engendrent de plus grans a l'advenir; l'esprit humain se contente maintesfois plus a se desfaire promptement des affaires que de demeurer longuement a les bien faire, et semble que le mal n'est pas mal quand il ne paroist pas..

  A025002205 

 La seule vie eternelle est exempte d'inconveniens..

  A025002206 

 Mais en fin, combien ces Congregations sont desirables, le grand saint Gregoire, Pape, le tesmoigne suffisamment, qui, ayant dit que de son tems il y avoit a Romme bien troys mille femmes et filles dediees a Dieu, il adjouste: «Or, leur vie est telle, que nous croyons que si elles n'estoyent point, nul de tous nous, il y a long tems, n'eust peu durer en ce lieu parmy les espees des Lombars.» Et l'autre grand saint Gregoire, Evesque de Nazianze, estimoit tant les servantes de Dieu, soit qu'elles fussent en Congregation, soit qu'elles fussent es maysons de leurs parens, qu'il ne fait point de difficulté de les appeller son grand honneur et la tres illustre lumiere de son parc; car encor que le sçavant et devot de Billy estime ces tiltres estre donnés [320] a une seule de ces Religieuses, qui surpassoit les autres en vertus, si est ce qu'il y a, a mon advis, plus d'apparence que cela soit attribué a la trouppe entiere; d'autant que ce mesme Saint ayant descrit par apres la vie de ces Dames, il poursuit en cette sorte: «Quoy que certes, quant a moy, j'aye peu de telles femmes, toutesfois je tressaillis tellement d'ayse de voir ces celestes et tres belles estoiles, que pour ce peu que j'en ay je ne fay point de difficulté d'entrer en desfy d'excellence de vertu avec un beaucoup plus grand nombre.» Et sur cela il proteste qu'il se glorifie plus d'avoir quantité de gens dediés a Dieu, qu'il ne feroit de toutes les grandeurs du monde, et dit que sa petite Nazianze estoit appellee Bethleem pour les amys de Dieu qui y estoyent.

  A025002213 

 C'est pourquoy cela appartient au seul Evesque qui, a rayson de sa primauté, a la surintendence generale sur l'Eglise universelle, ou a la generale congregation des Evesques, que nous appelions Concile, qui n'est qu'une mesme chose; puisque l'authorité du Pape est tous-jours es Conciles generaux, et celle des Conciles en celle du Pape, l'Eglise estant en son Evesque, comme dit S t Cyprien, et l'Evesque en son Eglise..

  A025002215 

 Elles n'ont point d'authorité qui se respande hors d'un diocaese, ni mesme, le plus souvent, hors d'une mayson; de sorte que, comme elles n'ont point de dependance hors des diocaeses esquelz elles sont, aussi l'Eglise les a tous-jours tenu ( sic ) pour suffisamment authorizees et canoniquement instituees quand elles ont esté erigees par l'authorité des Evesques des lieux ou elles sont: ne plus ne moins que les confrairies et autres societés pieuses, que le Pape a accoustumé de gratifier et favoriser par la concessions ( sic ) d'Indulgences et autres advantages spirituelz, pourveu qu'elles auront esté canoniquement erigees par les Ordinaires, lesquelz, quant a cela, demeurent en leur ancienne authorité qui ne leur a esté limitee que pour le regard des Congregations lesquelles, selon le stile present du S t Siege, portent le tiltre de Religions; puisque la limitation et restriction de la puissance ordinaire [302] ne doit operer que selon la rigoureuse signification des motz esquelz elle est conceue, et que le S t Siege ne doit estre estimé vouloir lier les mains aux Evesques inferieurs en ce qui est utile pour l'avancement de leurs brebis en la perfection chrestienne, aflïn qu'un chacun d'eux puisse dire quil est venu en son diocaese affin que les ames eussent la vie, et qu'ilz ( sic ) l'eussent plus abondamment..

  A025002221 

 Il y a des Congregations esquelles on n'est obligé ni par vœu, ni par serment, ni par oblation, ains seulement par une simple et volontaire entree, par laquelle en effect on se joint a icelles: comme l'on fait en la Congregation de l'Oratoire de Romme, en laquelle non seulement on ne fait point de voeu, ni de serment [305], ni d'oblation manifeste, mays il est expressement ordonné que jamais nul de ceux qui y sont ne puisse pretendre d'introduire aucun lien de semblable nature; telle ayant esté l'intention du grand Bienheureux Philippe Nerie, l'Instituteur.

  A025002223 

 es formulaires de leurs receptions, qui est presque semblable [306] a celuy que le glorieux S t Charles prescrivit a ceux qui font le vœu en la Congregation des Oblatz de S t Ambroyse..

  A025002224 

 En quelques unes on ne s'astraint pas par vœu, ains seulement par oblation et publique protestation: comme on fait a Romme en la Congregation de sainte Françoise, ditte de la Tour des Mirouërs, et en la Congregation des Oblatz de S t Ambroyse a Milan, en laquelle, bien qu'on puisse faire les vœux, comm'il est porté en leur Institut, si est ce que pour estre receu en icelle il suffit de faire l'oblation simple..

  A025002225 

 Or, l'oblation ou offrande n'oblige pas si fort que le vœu; car au vœu il [y] a trois nœuds qui nous obligent: la verité, foy et loyauté que nous devons avoir en nos paroles, nous obligent d'observer nos legitimes promesses a un chascun, mais sur tout a [307] Dieu tout puissant auquel devans, outre cela, porter un souverain respect, c'est un acte d'irreverence extreme de ne point tenir les promesses et vœux que nous luy faysons.

  A025002226 

 C'est pourquoy l'obligation d'observer les vœux est tres grande.

  A025002226 

 Premierement, par la vertu de la vérité, qui est tous-jours violee quand volontairement on rend faulse sa parole; et partant, qui ne garde pas sa promesse, il viole la vertu de verité rendant sa parole fause.

  A025002226 

 Secondement, par la vertu de la bonne foy et loyauté, qui est violee quand on trompe celuy qui s'attend sur nos promesses.

  A025002226 

 Tiercement, par l'honneur et respect que l'on doit a la souveraine majesté de Dieu; car c'est faire un mespris extreme a cette supreme Bonté, de mentir devant elle et fauser la foy et loyauté que l'on luy doit.

  A025002227 

 De sorte que le lien de l'oblation est de grand'importance, quoy quil ne soit pas si fort comme celuy du vœu..

  A025002227 

 De sorte que, par l'oblation que l'on fait de soy mesme pour vivre en quelque Institut et Congregation, on ne fait pas a proprement parler une promesse, mais on donne neanmoins asseurance que l'on y vivra; et partant, de contrevenir a son oblation, c'est violer la fermeté que l'on doit avoir en ses bonnes resolutions et le respect que l'on doit a celuy auquel on s'est offert.

  A025002227 

 Et si l'oblation est faite en publiq, c'est encor violer la charité, par le scandale que [309] l'on donne.

  A025002227 

 Mays en l'offrande ou oblation, par ce qu'on ne promet rien expressement, ains seulement on declare et asseure l'affection que l'on a de servir Dieu, quand on manque contre l'oblation on ne peche pas contre la verité ni contre la loyauté, ains seulement contre la fermeté en ses justes affections, et contre la reverence que l'on doit a celuy auquel on s'est offert, si c'est une personne digne de respect.

  A025002232 

 L'une est que jamais les femmes recluses ne puissent sortir sinon pour quelque necessité extreme et force inevitable, comme est le feu embrazant le monastere, ou le monastere estant affligé de peste, ou quand, les ennemis de la foy entrans en quelque lieu, il y a juste crainte de violence, forcement ou massacre.

  A025002233 

 Et telle est la clausure de plusieurs Religieuses en divers endroitz du Christianisme, a laquelle quelques unes ont adjousté de ne lever jamais leurs voyles et de n'estre jamais veues, non pas mesme au travers des treilles..

  A025002233 

 L'autre partie de cette si estroitte clausure est que non seulement nul homme, mais non pas mesme aucune femme, pour quelqu'occasion que ce soit, ne puisse entrer dans le monastere, si ce n'est pour quelque necessité violente qui ne puisse estre evitee: comme pour reparer les edifices, medicamenter les malades, les confesser, communier, oindre de l'Extreme Unction et ensevelir.

  A025002234 

 C'est pourquoy ilz se contentoyent des parties essentielles de la clausure: c'est a dire, que les hommes n'en- [311] trassent jamais es monasteres des femmes sans cause tres urgente, et en sorte que leur entree ne peut causer aucun soupçon; et que les Religieuses ne sortissent non plus jamais que pour des bonnes et saintes occasions, et avec tant de bienseance que nul ne peut avec rayson les blasmer.

  A025002234 

 Et par ainsy, cett'absolue et si rigoureuse clausure qui a, despuis peu, esté tres utilement introduite en plusieurs monasteres, n'estoit pas estimee essentiellement necessaire es Congregations anciennes, comme mesme elle n'est pas observee maintenant en plusieurs saintes Religions et Congregations ou la discipline religieuse ne laisse pas de fleurir grandement..

  A025002236 

 S t Augustin, en l'epistre cent et neufviesme, parlant a des Religieuses de son diocsese: «Quand vous alles dehors, on ne vous defend pas de voir les hommes; mais de les desirer ou vouloir estre desirees d'eux, c'est un grand crime.

  A025002243 

 A mesure que les Religions et Congregations des filles et femmes sont plus dediees aux exercices de la vie contemplative, elles ont aussi besoin d'une plus estroitte clausure, pour n'estre du tout point diverties; et d'autant qu'elles sont appreuvees par l'Eglise a cette seule intention, et que d'ailleurs elles ont solemnisé le vœu de leur sousmission pour tout ce qui est requis a l'exacte observance de leur vocation, c'est avec juste rayson que l'on leur impose a toutes une clausure exacte, quoy que non pas egalement rigoureuse, ainsy qu'il a esté dit ci dessus..

  A025002244 

 Mays les Congregations simples n'estant pas instituees pour les seulz exercices de l'orayson, ains pour ceux encor de la charité envers le prochain, estant receues et appreuvees de l'Eglise pour des simples, louables et saintes retraites esquelles d'ailleurs [315] on ne fait les oblations ou vœux a Dieu que pour cette seule vocation et genre de vie que le sçavant et tant pieux Navarrus, appelle saint, partant la bienseance de leur vocation les obligent ( sic ) a quelque sorte de clausure, ne permettant non plus d'acces aux hommes en leurs maysons qu'on en permet aux plus estroittes Religions, car cet article icy est essentiel a la bienseance de leur vocation, Mays quand au reste, demeurant en liberté de sortir et de laisser entrer les filles et femmes seculieres, pour plusieurs autres raysons, outre celles pour lesquelles la sortie ou l'entree des femmes est permise aux Religions reformees..

  A025002245 

 Et certes, c'est une tentation extreme de ne vouloir que l'extreme [316] et rigoureuse clausure pour les femmes et filles; car si bien par icelle il semble que l'on favorise fort la retraitte des servantes de Dieu, neanmoins, on la diminue extremement ostant la commodité de se retirer a toutes celles qui ne sont appellees qu'a la retraite suffisante et moderee, que l'antiquité et l'experience nous tesmoigne estre neanmoins fort aggreable a Dieu et utile au salut et perfection de plusieurs ames..

  A025002248 

 Souvent pour eviter un danger present, on employe des remedes qui en engendrent de plus grans a l'advenir; mais l'esprit humain se contente, pourveu qu'il se desface des affaires, et luy est advis que le mal n'est pas mal, pourveu quil ne paroisse pas..

  A025002249 

 La seule vie eternelle est exempte de perilz et d'inconveniens.

  A025002252 

 Il a remarqué en l'institut de la Congregation de la Visitation ce qui s'ensuit, que Monseigneur de Geneve est supplié tres humblement de considerer et y faire, avec son prudent, docte et pieux jugement, une charitable reflexion, apres laquelle le tout est sousmis avec grande ingenuité a sa censure..

  A025002253 

 L'on met premierement et principalement an consideration que cete Congregation n'est point approuvee du Sainct Siege et, qu'an quelque maniere et sous quelque loy qu'on la mette, les vœux qui se feront en icelle seront tousjours vœux simples, et les filles veufves qui entreront an la Congregation ne seront jamais proprement ny vrayement Religieuses.

  A025002254 

 L'une est qu'il y a pour les filles du regret et du desplaysir qu'elles ayent les obligations essentielles de la Religion et qu'elles n'en ayent ny le nom, ny le merite, ny la perfection, ny les Indulgences; et que les liens qui les tiendront en cete Congregation ne soyent pas si fermes et indissolubles qu'elles ne puissent craindre de veoir, sinon an ces premices de l'esprit de devotion, au moins dans quelques annees et par succession des temps, des tentations et des desordres parmy elles..

  A025002255 

 C'est l'un des poincts que les Parlemens de ce royaume ont remarqué contre l'institut des Jesuites, encor que pour le regard de ce dernier il y ait moins de dangers..

  A025002255 

 Ce qui est d'autant plus grief en France, a cause de la liberté de conscience; car si une fille tentee vient a se faire protestante, elle demandera son partage au bout de vingt ans, et fauldra le luy bailler, et le prendre sur tel qui l'aura dissipé il y aura dix ans; et sur cela, combien d'actions hypothecaires, combien de reductions de familles! Les Edicts ont reglé et empeché cela quant a celles qui ont faict les vœux solemnels et profession en des Religions approuvees; mais ces Filles de la Visitation, lesquelles n'auront faict ny vœux solemnels, ny profession an Religion, ne sont point comprises dans les reglemens et exceptions des Edicts; et partant, elles reviendroient an partage comme les aultres protestans.

  A025002255 

 L'autre poinct qu'on infere est qu'il y a an cela grande apprehension [322] et grand danger pour les parens et les familles.

  A025002255 

 La rayson est que si les filles, apres avoir faict les vœux et estre demeurees longues annees an la Congregation, venoient, par tentations, seductions ou autrement, a contracter mariage, bien qu'elles offenseroient griefvement Dieu, neantmoins le mariage seroit valide; et lhors, quelle honte et quel malheur a la fille, et quel regret a ses parens! Mais, quelles semences de proces et de mauvais mesnages dans les familles! car, a la rigueur et severité du droict, l'on ne pourrait lhors refuser a cete fille son partage.

  A025002256 

 Comme fera-on donc pour les filles de la Congregation? Si elles ne succedent point, c'est [323] blesser la disposition du droict; si elles succedent, leurs parens ne vouldront point qu'elles entrent an cete Congregation.

  A025002257 

 Les vœux des Jesuites, bien que simples an certaine façon, par l'approbation et privileges particuliers du Pape, sont pourtant tousjours vœux de Religion: et partant, celuy qui sort avec congé de son Superieur, peult contracter mariage; mais celuy qui sort sans congé est apostat, et non seulement il peche griefvement an contractant mariage, mais encor de plus, tel mariage est invalide..

  A025002258 

 Donc, pour se recueillir, les parens dient qu'ils ne veoyent pas vollontiers entrer leurs parentes an cete Congregation, d'aultant qu'ils ne sçavent si elles sont Religieuses ou seculieres, si elles persevereront ou non, si elles partageront avec leurs freres et sœurs ou si elles demeureront contentes de la dot qui leur aura esté attribuee; et cete incertitude est aussi longue que la vie de la fille..

  A025002259 

 Or, ce n'est point une speculation des plus sçavans, mais une plainte fort ordinaire et qui s'entend tous les jours en cete ville, an laquelle les parens ne sont pas fort portés a consacrer leurs filles au service de Dieu, hors du monde; et quand ils s'y laissent aller, il y a bien souvent beaucoup de considerations temporelles.

  A025002260 

 Cela se peult faire an leur donnant la Regle de sainct Augustin, qui est fort douce, peu chargeante et approuvee depuis tant de siecles du Sainct Siege.

  A025002260 

 On propose, pour remede a cela, de convertir ces Congregations an vrayes et formelles Religions qui demeurent soubs la jurisdiction de l'Evesque diocesain, et que les Religieuses ayent a vivre an la mesme façon qu'il est porté dans les Regles de la Congregation, qui sont a la verité excellentes et respirent de toutes parts la pieté et l'esprit de Dieu.

  A025002262 

 Et au reste, de deux fins aulxquelles l'institut de la Visitation jette son dessein, cet expedient an embrasse une, qui est d'ouvrir une porte par laquelle puissent passer au service de Nostre Seigneur les personnes desja aagees ou foibles, ou qui ne se sentent pas appellees aulx rigueurs des Religions plus estroittes..

  A025002263 

 Mais on respond, qu'an ce siecle et dans la France ces vœux simples et ces sorties pourroyent tirer apres soy des inconveniens et des incommoditez sans comparaison plus importantes et plus considerables pour le publiq, que ne doibt estre la consolation et le contentement d'un fort petit nombre de personnes; car c'est une chose bien rare qu'une veufve touchee de ces ardeurs efficaces de devotion, et neantmoings tellement attachee aulx affayres de ses enfans qu'elle ne s'an puysse descharger sur quelques parens.

  A025002263 

 Quant a l'aultre fin, qui est de donner une retraitte a des personnes lesquelles sont encor dans le monde pour quelques restes d'affaires et sont pourtant obligees d'an sortir quelquefois pour y pourveoyr, la verité est que la Religion ne peult admettre telles personnes, pour ce qu'elle enjoinct de vivre an perpetuelle closture, laquelle exclut toutes sorties.

  A025002264 

 Et quand il n'y a point de moien de rompre ses liens, possible est il plus asseuré de demeurer au monde que d'entrer an Congregation; car, exceptant quelques vertus extraordinaires, et parlant comme il fault des choses qui se font ordinayrement, il est fort malaysé qu'une mere renfermee an une Maison de devotion, appliquee a l'oraison et a la mortification, puysse an huict ou dix jours, an un ou deux ans, donner l'ordre necessaire aulx affaires de ses enfans; et neantmoings, si vous la presupposes attachee a ce soing par une absolue necessité, elle est comptable a Dieu des [325] omissions qu'elle faict a ce debvoir.

  A025002267 

 Encor puyssé je dire davantage, qu'on a parlé plusieurs fois de supprimer ce Monastere; son antiquité et les Cardinaulx parens des Religieuses l'ont conservé, mais il est unique an Italie..

  A025002267 

 Je puis asseurer que cela n'est point a la Tour des Mirouers a Romme, an laquelle depuis long temps an ça, on ne reçoit gueres que des filles aulxquelles l'on permet quelques fois d'aller dans la [326] ville visiter quelques parens malades, a la charge de retourner le soir au logis; mais de se mesler d'affayres, il ne s'an parla jamais.

  A025002270 

 Et par consequent, puisque ces Congregations ne sont necessaires [327] que pour ces veufves, estant suffisamment pourveu a l'aultre fin des Congregations par le moien de la Regle de sainct Augustin, et des Constitutions doulces et gratieuses, comme il a esté dict au commencement, il semble que l'on peult conclure qu'il est plus expedient d'eriger des Monasteres et Religions formelles, esquelles les Sœurs serviront Dieu an un estat de plus grande perfection et participeront a mille benedictions et Indulgences que les Souverains Pontifes ont concedees aulx dictes Religions; ou, aultrement, les Seurs ne peuvent seulement estre asseurees d'avoir le consentement de Sa Saincteté, car, recherchee plusieurs fois d'autoriser icelles Congregations, jamais elle l'a voulu faire: oultre qu'il y a grande difference entre sa tolerance, et sa benediction et ses Indulgences.

  A025002271 

 Il y a plus de la part des Religieux ou casuistes qui, entendant parler de cete Congregation, an louent grandement les exercices, et admirent la pieté de l'Instituteur et sa charitable prevoyance, deferant infiniment a sa suffisance et a la lumiere que le Ciel luy donne; neantmoings, quand il est question d'accorder ces vœux et ces sorties, et ces aultres inconveniens sus allegués, chacun subsiste; et si l'on les proposoit sans alleguer l'autheur, beaucoup diroyent qu'an cete saison et an ce pais cela est fort dangereux; et ne croit on pas qu'il se puysse trouver aultre exemple d'aulcune Congregation religieuse an laquelle il entre des femmes encor chargees d'affaires, qui, an habit de Religieuse, an sortent de fois, a aultre pour pourveoir aulx dictes affaires..

  A025002272 

 Si, nonobstant toutes ces considerations, il est jugé expedient de demeurer an termes de simple Congregation, on remarque que l'invocation de la Visitation ayant esté prinse sur le dessein que les Sœurs serviroyent les malades, et ce dessein ne se devant plus effectuer, il sembleroit a propos de changer cete invocation et prendre celle de la Presentation de Nostre Dame, a laquelle l'oblation des Sœurs peult avoir plus de rapport.

  A025002273 

 Et ne semble pas asses asseuré de recourir a la distinction des vœux solemnels et simples, et des Congregations et Religions; car, oultre que ce seroyt eluder l'intention desdicts Conciles, qui a esté d'empescher les nouveautés et diversités an l'Eglise (et ces Congregations sont les vrays moiens de les introduire, estant certain que jamais deux Evesques ne seront du mesme advis), il est apparent que cete prohibition s'estend aulx Congregations que vouldroyent introduire les Evesques, puisqu'elle requiert l'approbation Apostolique.

  A025002274 

 L'on dict: La Religion a, de plus, qu'elle est approuvee du Pape, et qu'on y faict des vœux solemnels et plus indissolubles..

  A025002276 

 Bien est vray qu'il seroyt a propos de laisser cete oblation avec ces trois vœux, si l'on le peult faire canoniquement; car cela consoleroit fort et les Sœurs qui entreront an la Congregation, et leurs parens, attendu que chacun n'entend pas ces distinctions des vœux simples et solemnels, et pourtant sembleroit aulx uns et aulx aultres que ce soyt vrayement Religion: qui ne seroyt qu'un bon et pieux equivoque.

  A025002276 

 Quoy qu'il an soit, cete oblation avec les vœux est jugee perilleuse, et il fauldroit avant s'informer si elle se prattique an quelque lieu soubs la simple authorité des Ordinaires, pour ne pas commencer cela sans quelque grand exemple.

  A025002277 

 On remarque encor ce qui est des entrees des hommes an la Congregation, et pour les sorties des femmes.

  A025002278 

 Avec cet expedient et cete moderation, l'on pourrait pourveoir an partie aulx inconveniens qui procedent des sorties, et satisfaire par mesme moien aulx desseins et a l'intention de la Congregation, qui est de donner retraitte a des veufves, bien que chargees encor de quelques affaires pour lesquelles il leur fust besoin de sortir quelquefois au monde; intention que l'on trouve bien louable et charitable, s'il estoit aussy aysé de rencontrer les moiens de l'executer sans inconveniens et incommodités..

  A025002278 

 Et afin qu'elles puyssent sortir sans murmuration des seculiers, il fauldra ordonner qu'an sortant de la Congregation pour leurs affaires, pendant le noviciat comme est dict, elles ne porteront point la barbette, ny le voile blanc de la Congregation, ains iront an habit modeste, comme des veufves chrestiennes et devotes; ou plustost (cela sembleroit encor mieux) a icelles veufves, pendant [330] leur noviciat, on ne changeroit point d'habit.

  A025002279 

 Et il sera bon d'expliquer que c'est principalement pour telle raison que l'on se tient dans les termes de Congregation, afin de pouvoir, an ces sorties et cete prorogation de noviciat, an l'entree des peres et enfans, an l'entree des femmes seculieres et choses semblables (si chose aultre y a), mitiger an quelque chose la rigoureuse observance des Religions et s'accommoder aux infirmités des personnes, pour la plus grande gloire de Dieu; mais qu'au reste, les Sœurs de la Congregation, apres avoir fait ce sacrifice a Dieu pour le bien de leur prochain, doibvent estre, an ce qui les regarde an particulier, aussy fideles a Nostre Seigneur et aussy observantes de leurs Regles comme si elles estoient an la Religion du monde la plus estroitte..

  A025002280 

 Or, il se fault determiner de tout cecy et an demeurer d'accord uniformement, s'il est possible; car il fault prendre garde que dans les Constitutions qu'on fera imprimer, on ne doibt pas dire que les Evesques, selon les necessités de leur diocese, pourront faire cecy ou cela.

  A025002285 

 Sur les remarques qu'il a pleu a Monseigneur l'Archevesque de Lyon communiquer a l'Evesque de Geneve, on le supplie tres humblement d'aggreer ces petites remonstrances lesquelles, veuës et considerees, il luy plaira employer son authorité pour le choix qui luy est deferé; auquel ledit Evesque acquiescera non seulement humblement et reveremment comm'il doit, mais cordialement, gayement et en toute suavité..

  A025002286 

 La Congregation de la Visitation fut simplement projettee et erigee pour Annessi, sans provision qu'elle deust estre dilatee ailleurs, au moins hors du diocœse de Geneve, et se contenta-on d'estre asseuré qu'elle pouvoit sainement et legitimement estre establie en la sorte qu'elle l'est.

  A025002287 

 Premierement, on considera qu'en la province et ville de Milan il y en avoit quantité, toutes presque differentes les unes des autres; qui faisoit foy que ces erections estoyent pleinement au pouvoir des Evesques, d'autant plus que cette province la est advouee la mieux disciplinee qui soit en Italie..

  A025002288 

 Aussi, en l'affaire de M me de Gouffiers, on exprima qu'elle estoit en la May son de la Congregation des Oblates d'Annessi, et ni le nom, ni la chose ne fut point treuvee estrange: signe manifeste qu'elle est de l'espece des Institutz qui sont suffisamment appreuvés quand ilz sont erigés par les Evesques, desquelz les actions n'ont pas besoin d'approbation speciale, sinon es cas que le Saint Siege s'est expressement reservé..

  A025002289 

 Exemple en soit les Guastales a Milan, ou nos bons Peres Barnabites disent tres souvent la Messe; ou l'Institutrice, Confesse Guastale, a establi un confesseur et un clerc ordinaire pour dire la Messe et administrer les Sacremens, ainsy qu'il appert par son testament imprimé, que l'Evesque de Geneve a. Et l'on peut bien comprendre que les Urselines qui sont en Congregation, ont eglise interieure, c'est a dire chœur pour elles, et exterieure pour les Messes, au diocese de Novare, puisque au Formulaire de la reception, qui est imprimé parmi les autres escritz pastoraux de Monseigneur de Novare, il est dit tout a la fin que les filles receuës seront ramenees en leurs maysons, «ou bien en l'eglise interieure, si elles sont receuës en Congregation.» [335].

  A025002290 

 Cela, comme l'on pense, avec ce qui a esté escrit au papier ci devant presenté a Monseigneur l'Archevesque, peut suffire pour monstrer que l'erection de telles Congregations est tres loysible, d'autant plus que celle de la Tour des Mirouers de Romme est non seulement toleree, mais appreuvee expressement par le Saint Siege, et grandement louëe comm'une maniere de vivre sainte; tesmoin Navarre..

  A025002290 

 Et quant a dire l'Office ensemble, a la verité l'Evesque de Geneve n'a pas encor certitude si cela se fait es eglises de Milan, mais ouy bien que la permission de le dire n'est point du genre des choses prohibees aux Evesques, qui le permettent en Italie aux Confrairies des Pœnitens ou Disciplinanti, sans reprehension de personne; et ces Confrairies, composees de gens mariés, imitent en cela les Religieux [336] et le Clergé d'une bonne imitation.

  A025002291 

 Mays, que non seulement elles soyent loysibles, ains aussi utiles au salut des ames et gloire de Dieu, il est advis qu'on n'en puisse pas douter sans blasmer ces bons Evesques d'Italie, qui, avec beaucoup de soin, les erigent, dressent et instruisent; laissant a part que la chose parle d'elle mesme.

  A025002292 

 Si donq ell'est loysible, on ne peut douter qu'elle ne soit tres utile, sans que pour cela on veuille l'esgaler en reputation, dignité et perfection aux Religions formelles ou Congregations des vœux solemnelz; car en l'Eglise il [337] y a des rangs et methodes pour le service de Dieu en grand nombre et en grande difference, tous bons, tous honnorables, mais plus les uns que les autres..

  A025002293 

 Il est vray que cet exercice fut aymé non seulement parce que de soymesme il est pieux et grandement aggreable a Dieu, mays parce que celles qui le prattiquoyent n'alloyent jamais pour le faire sans revenir meilleures et plus consolees.

  A025002293 

 La fin particuliere de l'erection de la Congregation de la Visitation en la ville d'Annessi, fut la retraitte des filles infirmes de cors ou pour l'imbecillité de la complexion, ou pour l'aage, et des vefves encor aucunement attachees aux affaires de leurs enfans, ainsy quil est dit es Regles; comm'encor le refuge et retraitte des femmes qui demeurent au monde, quand elles desireroyent prendre des resolutions et instructions pour mieux et plus saintement vivre en leurs maysons et mesnages.

  A025002294 

 Et quant a l'entree des peres et enfans, s'il est treuvé bon de les gratifier, on croid que ce sera beaucoup de consolation pour eux et sans apparence de peril, la chose estant bien conduite avec l'entree des medecins et confesseurs..

  A025002294 

 Or maintenant, venans a ce qu'il faut resoudre, et considerant que le genre de vie prattiqué en cette Congregation pourra estre receu avec beaucoup d'utilité et de gloire de Dieu en divers endroitz du royaume de France, sil [338] estoit reduit au point auquel Monseigneur l'Archevesque le desire, l'Evesque de Geneve, de tout son cœur, sans un seul brin de repugnance, acquiesce a l'establissement de cette Congregation en tiltre de simple Congregation, sous la condition d'une clausure perpetuelle, toute telle qu'elle est marquee au Concile de Trente pour les Religieuses formelles, et sous cette douce et benigne interpretation que, comme a Romme et en Italie presque par tout on estime une suffisante cause pour faire entrer les filles du monde es monasteres quand elles ont besoin et volonté d'y estre instruites, on puisse aussi y faire entrer les femmes et filles qui auront besoin et volonté de s'y retirer pour un peu, affin de mettre ordre et restaurer leurs consciences; puisque cette necessité est grande, et les fruitz de ces entrees plus grans qu'il ne se peut dire, ainsy que l'experience l'a fait voir de deça.

  A025002297 

 Aussi ce tiltre de Visitation est fort authentique; et pourveu qu'on soit d'accord des choses, il semble que les noms sont de fort peu de consideration..

  A025002297 

 Mays quant au nom de la Congregation, Monseigneur l'Archevesque est supplié tres humblement d'aggreer qu'en tous cas celuy de la Visitation demeure; puisque sous ce nom-la, la Congregation d'Annessi est receue en l'Estat de Savoye, et les patentes enterinees au Senat, et plusieurs contractz faitz avec quantité d'autres escritures.

  A025002298 

 Pour la forme des vœux, il importera aussi fort peu, et Monseigneur l'Archevesque pourra la dresser a son gré; quoy que celle qui avoit esté dressee est pareillement conforme a celle des Congregations de la province de Milan, que Monseigneur l'Archevesque pourra voir es livretz quil a, si toutefois la memoyre de l'Evesque de Geneve ne le trompe..

  A025002300 

 Or, la fin de la Congregation sera aysee a conserver dans la Religion, pourveu que cette fin soit aymee, aggreée et favorisee autant qu'elle le merite et qu'en ces quartiers des Gaules la necessité du bien des ames le requiert; car, quand mesme il faudroit avoir approbation expresse du Saint Siege, estant bien remonstré que les vefves en ces païs de deça, pour resolues qu'elles soyent, ne peuvent demeurer en leurs maysons sans des continuelles sollicitations au mariage, sans estre attaquees, courtisees et exposees a mille incommodités a cause de la grande liberté qui regne entre les deux sexes, il n'est pas croyable qu'il ne soit treuvé bon qu'on les retire dans cette Congregation en leurs habitz, et a la charge qu'y estant, elles se conforment aux Regles et usages d'icelles, observant la clausure au plus pres quil se pourra..

  A025002302 

 On ne dit rien en cet endroit de l'expulsion des Seurs, parce que, puisqu'il s'agit de la Regle de saint Augustin, elle y est expressement marquee, et ne restera sinon de l'execution, comm'il est noté dans les Regles..

  A025002303 

 Pour ce qui regarde de corriger l'incivilité du langage, en [341] l'endroit ou il est parlé en sorte qu'il semble qu'on veuille faire la leçon aux Evesques et traitter en Pape, il ne faut sinon corriger cet endroit-la et tous les autres esquelz on verra qu'il sera a propos..

  A025002304 

 Et aussi n'y a-il plus lieu de retarder, attendu que l'Evesque de Geneve est en une parfaite indifference pour aggreer avec suavité le choix qu'il plaira a Monseigneur l'Archevesque de faire; et mesme a pris plus d'inclination pour celuy de la Religion, y voyant plus reluire le contentement de celuy auquel il doit et veut rendre toute obeissance, et l'applaudissement des gens du monde et mesme de plusieurs Religieux, avec la conservation des fruitz praetendus par la Congregation, afïin que les fruitz et tout l'arbre soit cheri et appreuvé esgalement en l'esprit de celuy auquel ledit Evesque se sousmet, a la gloire et louange de Dieu, a qui soit honneur et gloire..

  A025002304 

 Reste qu'il playse donq a Monseigneur de Lyon de conclure toute cette affaire, afïin que, sans plus de delay, on puisse faire l'establissement en l'une des deux façons: d'autant que les Regles sont demandees de toutes partz et la Congregation desiree en plusieurs endroitz, et mesme en ce païs de Savoye; a quoy il n'est pas expedient de respondre ni correspondre que tout ne soit arresté.

  A025002313 

 Il compte 76 pages, dont la 76 e est blanche; il est complet, sauf le I er article qui a seulement 6 lignes en tête de la première page, lesquelles d'ailleurs sont biffées.

  A025002314 

 K furent sans doute celles que suivait la Communauté d'Annecy; c'est encore ce texte qui fut emporté à Lyon par les fondatrices du deuxième Monastère, en janvier 1615.

  A025002316 

 Il y est dit, en effet, que «les Congregations establies en tiltre de simple congregation pieuse ne sont point sujettes a la rigoureuse clausure... Celle ci sera neanmoins obligee a garder estroittement celle qui est requise pour la conservation et bienseance de sa vocation.

  A025002319 

 e) Dans l'article 15: De l'humilité, on trouve ces détails touchant la manière d'écrire des lettres (ils furent plus tard insérés dans le Coustumier ): «En s'escrivant, comme il pourrait arriver quand quelqu'une seroit envoyee pour dresser quelque Mayson...» «Et pour la façon de mettre l'adresse, l'exemple est à noter: «A ma tres chere Seur en N. S., Ma Seur Agathe Marcelline de Monmartre, en la Congregation de la Visitation a Lyon» ou «Annessi»..

  A025002320 

 La formule des vœux est ainsi conçue: «Je vous fay vœu de perpetuelle chasteté, et de vivre a jamais en obeissance et pauvreté en la Congregation de ceans, selon les regles et Constitutions d'icelle.» Cette phrase fut ensuite modifiée par le saint Fondateur, d'après l'avis de l'Archevêque de Lyon qui l'avait discutée dans son Mémoire..

  A025002321 

 A Lyon, la rénovation des vœux n'eut pas lieu, en 1615, le 21 novembre (voir tome XVII, lettre du 13 décembre à la Mère Favre, p. 104); il est bien permis de supposer que les dernières dispositions furent prises trop tard à Annecy pour que la Supérieure de Lyon en pût être avertie à temps; autrement, elle n'eût pas manqué de se conformer à la première Maison de la Congrégation..

  A025002325 

 a) Dans son Mémoire, l'Archevêque proteste contre les sorties même des veuves, pour l'arrangement des affaires de famille (voir ci-dessus, p. 325); dans notre Manuscrit, l'article 6 est complètement changé; le nouveau texte est écrit par M. Michel Favre sur deux bandes de papier collées en sorte que le texte primitif reste visible..

  A025002329 

 Par ces diverses citations il est facile de conjecturer que le Ms.

  A025002332 

 C'est un très beau Manuscrit, grand in-4 o, de 110 pages; les trois dernières sont blanches et les trois qui les précèdent sont occupées par la Table des matières; le premier feuillet, qui devait porter le titre, manque.

  A025002332 

 Il est tout écrit de la même main, sauf de très rares corrections qui rectifient quelques erreurs du copiste.

  A025002333 

 Cette rédaction est postérieure à la fondation du Monastère de Moulins, le troisième de la Congrégation:.

  A025002336 

 c) A l'article 2, on remarquera la longue addition concernant la réception des veuves: recevoir seulement celles qui n'auront «pas des affaires qui tirent» à la longue et qui ne demandent pas «des frequentes sorties»; — essai de six semaines avant de «tirer les voix»; — si elles ont le consentement de la Supérieure et des Sœurs, on leur fera écrire leur admission, elles prononceront «le vœu de chasteté et de demeurer en la Congregation,» puis on les remettra pour une année à la Directrice, sans pourtant qu'elles «soyent tenues pour estre du cors de la Congregation, bien qu'elles soyent obligees d'en observer toutes les regles et coustumes»; — à la fin de l'année, si leurs affaires ne sont pas encore réglées, elles sortiront du Noviciat jusqu'à ce qu'elles soient «prestes a prendre [346] l'habit,» qu'on ne leur donnera point pendant qu'elles «ne pourront pas s'exempter de sortir,» et, par conséquent, elles ne seront pas «receues a l'establissement solemnel.» C'est encore ce que M gr de Marquemont avait demandé dans son Mémoire (voir ci-dessus, pp. 330, 331)..

  A025002344 

 En quoy, outre la perte qu'elles souffrent, elles sont dignes de grande compassion; car, qui n'auroit pitié d'une ame genereuse, laquelle ayant un extreme desir de se perfectionner et de vivre toute a Dieu, ne peut neanmoins presque bonnement le faire, faute d'avoir un cors asses fort et une complexion saine, la poursuitte qu'elle voudroit faire de la sainteté estant empeschee par le manquement de la santé? Et n'est ce pas grand dommage de voir une vefve qui n'aura peut estre d'affaires domestiques que pour ou huit ou quinze jours chasqu'annee, croupir toutefois et tremper tout le reste de sa vie dans les inquietudes d'un mesnage, emmi les perilz de perdre a chasque moment l'affection qu'elle aura a sa viduité? Et n'est ce pas un secours fort a propos pour celles qui sont avancees en aage, de leur presenter une retraitte en laquelle elles se puissent mieux preparer pour estre retirees eternellement au Ciel? [348].

  A025002348 

 Et quant a la derniere, en la Regle que saint Paul mesme luy dicta, il est expressement marqué que les dittes vefves fussent receues esgalement comme les vierges en sa Congregation..

  A025002352 

 Or, sur toutes les qualités requises a celles qui entreront, on doit rechercher qu'elles ayent une tres profonde resolution de mespriser le monde et de vivre humblement et doucement, avec une parfaite obeissance; car cette Congregation n'ayant pas beaucoup d'austerités, ni des lienssi indissolubles comme beaucoup d'autres, il faut que la ferveur de la charité et la force d'une tres intime resolution [351] supplee a tout cela, affin qu'en cette Congregation soit verifié le dire de l'Apostre qui asseure que le lien de la charité est le lien de la perfection..

  A025002354 

 Le principal point de la clausure des Congregations des femmes et filles est que leurs maysons soyent fermees aux hommes; et partant, les hommes n'entreront en façon quelcomque en la Mayson de cette Congregation, sinon pour chose necessaire et qui ne puisse estre executee que par l'entree d'iceux, pour laquelle il faudra encor avoir licence par escrit de l'Evesque ou de celuy qui sera commis de sa part..

  A025002361 

 Ce n'est pas un point essentiel de la closture des Maysons des servantes de Dieu que les autres femmes ne puissent pas entrer, comme il a esté declaré en la Praeface.

  A025002363 

 Que ce ne soit pour prendre aucun repas, ni pour y arrester apres le soleil couché, s'il n'est expres porté par la licence..

  A025002373 

 Mays quant aux autres personnes, soit hommes ou femmes, auxquelles il est requis que les Seurs parlent au parloir, on observera:.

  A025002374 

 Et toutes prendront garde de n'ouyr ni dire beaucoup de paroles inutiles, coupant court en toutes sortes de devis, si ce n'est ceux qui regardent le prouffit spirituel..

  A025002394 

 Elles diront le Petit Office de Nostre Dame au chœur, ou a droitte voix ou en le chantant, selon qu'il est marqué en leur Directoire de l'Office fait expres pour elles; observant de prononcer nettement et distinctement, faysant les pauses, mediations et accens avec grand soin et attention..

  A025002397 

 Or, parce que les espritz humains ont accoustumé de prendre des secrettes complaysances en leurs inventions et nouveautés, mesme quand c'est sous le praetexte de la devotion et accroissement de pieté, et que neanmoins il arrive ordinairement que la multitude des Offices empesche l'attention, gayeté et reverence avec laquelle on les doit faire, il ne sera point loysible a la Congregation, sous quel praetexte que ce soit, de se charger d'autres Offices ou prieres quelcomques ordinaires que des Heures de Nostre Dame, qu'on appelle le Petit Office, avec la variation des seules antiennes, Chapitres, himnes, versetz, Invitatoires et Oraysons es festes nommees ci dessus, selon quil est porté au Formulaire de leur Office; et par ce moyen elles auront tant plus d'occasion d'apprendre a bien, distinctement et gravement dire, prononcer et chanter leur dit Office..

  A025002433 

 Puisque le vœu fondamental de cette Congregation se fait expressement et formellement de la chasteté et continence perpetuelle, il n'est point besoin de declarer combien toutes les Seurs y sont obligees; car, en un mot, elles doivent [369] estre toutes a Dieu leur Espoux, de cœur et de cors, en toute honnesteté, pureté, netteté et sainteté, en esprit, en paroles et en œuvres, par une angelique conversation..

  A025002440 

 Puis, chacune tirera son billet et prendra sa chambre et ce qui est dedans, et les chapeletz, reliques, croix, images et Agnus Dei selon le nombre qui sera marqué en leur billet; comme, par exemple: celle a laquelle sera escheu le nombre de 4, prendra la chambre quatriesme, avec tout l'emmeublement, et le chapelet, croix, reliques et images qui sera le quatriesme en ordre sur la table.

  A025002443 

 Telle est la force de la communauté et de l'union charitable..

  A025002448 

 Or il faut noter qu'entre tous les billetz des Saintz il y en doit avoir un ou il n'y ayt point de nombre, qui sera tous-jours pour la Superieure; en sorte que si quelqu'autre Seur tire ce billet sans nombre, elle le changera avec celuy que la Superieure aura tiré, c'est a dire elle mettra sur son billet le nombre qui est escheu a la Superieure, et prendra le rang, la chambre et le chapelet selon ce mesme ordre..

  A025002456 

 Et si c'est a la Superieure: A ma tres chere Mere en N. S..

  A025002461 

 Mais elles n'escriront point de lettres de compliment, sur tout les Novices, si ce n'est pour des occasions grandement legitimes, comme de condoleance avec les parens; et que ce soit d'un stile pieux et devot..

  A025002468 

 Et parce que la coustume que les Surveillantes et mesme toutes les Seurs facent les advertissemens et corrections des fautes qu'elles auront remarquees, au refectoir apres Graces, est de grand prouffit, elle sera gardee et observee..

  A025002471 

 Le samedi, toutes les Seurs, sans qu'aucune s'en puisse excuser, si ce n'est pour cause extremement grande, tant celles qui sont establies que les Novices, s'assembleront au Chapitre; et apres avoir dit le Veni, Sancte Spiritus, la Superieure lira quelques advis tirés de quelque livre devot, ou un article de la Regle, et dira tout ce qui luy semblera devoir estre dit pour le bien spirituel de la Congregation.

  A025002473 

 Et attendu que c'est la parole de Dieu qu'en toutes assemblees qui se feront en son nom il sera au milieu, les Seurs doivent assister a celle ci, qui est vrayement faite en ce tressaint nom, avec grande reverence et devotion [377], s'imaginant de voir Nostre Seigneur au milieu d'elles, par l'ordonnance et inspiration duquel leur sont dites et enseignees plusieurs choses necessaires a leur perfection; c'est pourquoy elles les doivent conserver soigneusement en leur esprit, pour les reduire par apres en prattique..

  A025002477 

 Et affin que cela se face avec plus de fruit et d'utilité, on advertira les Seurs des la veille, a l'obedience du mydi, affin qu'elles se preparent ainsy quil est convenable..

  A025002486 

 (La suite est, dans le Ms. Q, conforme au texte de 1619; voir ci-dessus, p. 69, et les variantes 477, 478, 479.

  A025002486 

 Le dernier alinéa, qui n'est pas donné dans le Ms.

  A025002487 

 ...elle les advertira et fera advertir, comme il est dit des autres fautes et coulpes..

  A025002492 

 (La suite est conforme au texte définitif, Constitution XXVII e, sauf que les mots: «lequel estat...Visite» de l'avant-dernier alinéa de celle-ci ne se trouvent pas dans les Mss.

  A025002500 

 Si quelqu'une manque par oubli ou negligence a ce qui est de sa charge, celle qui s'en appercevra l'en pourra advertir, non par forme de remonstrance, ains comme la faysant resouvenir et la remettant en memoire.

  A025002506 

 Elles n'entreront point es chambres les unes des autres sans licence et sans advertir celle qui est dedans, heurtant premierement a la porte et attendant qu'elle die: «Entres, au nom de Dieu.» Et tandis qu'elles seront plusieurs en une chambre, faute de logis, elles ne remueront point les besoignes les unes des autres sans s'advertir..

  A025002512 

 Ces Congregations demeurant sous l'authorité ordinaire des Evesques, elles leur demanderont, une chacune au lieu ou elle est establie, un Pere spirituel, lequel de la part de l'Evesque prenne garde a ce que les Regles soyent bien observees et qu'aucun abus ne s'introduise; visite la Mayson une fois l'annee, assisté d'un compaignon meur d'aage, discret et vertueux; se treuve aux eslections de la Superieure et du Confesseur ordinaire; donne les licences aux femmes d'entrer en la Mayson; signe les causes des sorties extraordinaires des Seurs quand elles arriveront, et les entrees des hommes, selon quil a esté dit ci dessus; et que a luy, tant la Superieure que les autres Seurs puissent avoir recours ou il sera besoin d'une speciale providence.

  A025002529 

 Qu'elle ne concede pas aysement a pas une un usage plus frequent des Sacremens que celuy qui est porté par la Regle, de peur qu'en lieu d'une amoureuse et respectueuse Communion, il ne s'en face plusieurs par imitation, jalousie, propre estime et vanité..

  A025002530 

 Qu'elle ayt un grand soin de faire continuer toute la Congregation a dire l'Office tres devotement et a faire les exercices spirituelz de l'orayson, meditation, examen de conscience, preparation du matin, oraysons jaculatoires, lecture et continuelle presence de Dieu, affin que la reformation de l'homme exterieur ne soit pas sans celle de l'homme interieur, et que la Congregation connoisse tous-jours que l'union des ames avec Dieu est sa principale fin, les filles d'icelle ne se retirans pas du monde seulement pour fuyr les peynes et travaux, perilz et dangers de damnation qui y sont, mais aussi, et principalement, pour estre tirees, jointes et unies de plus pres et plus fortement a leur Sauveur et Createur.

  A025002561 

 Or, les enseignemens qu'elle leur donnera seront principalement de la fin pour laquelle elles se doivent estre retirees du monde, qui est affin de s'unir plus parfaitement a Dieu; que non seulement elles sont entrees en la Congregation pour se retirer du monde, mais pour se retirer et separer d'avec elles mesmes, mortifians leurs sens exterieurs et encor plus leurs passions interieures, rappellant toutes leurs forces au service de Nostre Seigneur, par une chasteté tres parfaite, une pauvreté et despouillement de toutes choses tres entiere, et par une obeissance et abnegation de toute propre volonté; et que, en somme, toute la Congregation est fondee spirituellement sur le mont Calvaire, pour considerer Jesus Christ crucifié pour l'amour de nous, affin que toutes les Seurs apprennent a crucifier leurs sens, passions, inclinations et humeurs pour l'amour de luy..

  A025002575 

 On la deschargera tant qu'il sera possible de toutes les autres affaires de la Mayson, affin qu'elle puisse tant mieux vaquer a celle cy qui est si importante.

  A025002584 

 Elle verra ce qui sort de la Mayson et ce qui y entre, escrira que c'est, si c'est chose d'importance.

  A025002586 

 Les Seurs estant es Offices, en l'orayson et a table, elle s'excusera de les appeller, si ce n'est pour chose pressee et de grande importance..

  A025002594 

 Elle n'ouvrira jamais la porte estant seule, si ce n'est aux Seurs Servantes..

  A025002608 

 Elle tiendra un inventaire de tous les meubles de chasque office et procurera que chasque officiere en ait un particulier de ce qui est de sa charge, qu'elle fera revestir chasque annee en l'une des visites generales qu'elle fera de toute la Mayson..

  A025002623 

 (Le premier alinéa est conforme au texte définitif de la Constitution XXXVIII e; voir plus haut, p. 104.).

  A025002655 

 (La suite est conforme au Ms. de 1618 (D); voir plus haut, p. 109, les variantes 687, 688..

  A025002661 

 La Congregation recevra le moins qu'il sera possible des Seurs Servantes, et semble bien que deux seront esgalement [397] necessaires et suffisantes pour tout ce qui est requis au service de la Mayson..

  A025002666 

 comme les honnestes femmes de leur qualité originaire, a la façon du lieu ou est la Congregation, sans aucune autre difference, sinon qu'elles seront vestues simplement et modestement de noir, sans ouvrages ni mignardises quelcomques, avec une croix d'argent pendue a leur col comme les autres Seurs..

  A025002685 

 (Cet article est reproduit textuellement dans le Ms. D et l'edition de 1619.

  A025002695 

 (La suite est conforme au texte définitif, pp.

  A025002697 

 Comme encor on se gardera, tant qu'il sera possible, de prendre celles qui sont trop adonnees a la tendreté et compassion sur elles mesmes; car, pour dire un mot de ce malheur qui est souvent secret, telles femmes remplissent ordinairement une mayson de pleurs, de plaintes, de doleances, et font a tous propos des mines melancholiques et despiteuses et se treuvent fort souvent descouragees au bien, leur estant advis que les difficultés soyent des impossibilités et que tout ce qui n'est pas a leur goust est insupportable; et pour maintenir leur cause, forment quantité de tristes et scandaleuses raysons contre la Regle ou contre la conduitte de ceux qui gouvernent.

  A025002697 

 Et en fin, cette espece de gens est tous-jours a guetter et considerer si on fait rien plus pour les autres que pour elles, leur amour propre suggerant a leur fantasie qu'on ne fait jamais tant pour elles comme il seroit requis: imperfection feminine, propre pour troubler, amollir et allentir toute une trouppe..

  A025002697 

 Que si elles sont malades et qu'on ne s'embesoigne a prescher la grandeur de leur mal et a courir ça et la pour amasser tous les remedes qui leur viennent en fantasie, c'est alhors [401] qu'elles s'estiment miserables et negligees et qu'a leur advis tout le monde est sans pitié.

  A025002697 

 Que si on les reprend de leurs molles et ennuyeuses humeurs, elles les redoublent, murmurant qu'on est sans charité si on ne va pleurer et gemir avec elles pour les plaindre et lamenter, et protester qu'elles ont bien du sujet de s'affliger.

  A025002707 

 Le matin, le Pere spirituel estant preparé comme pour [402] dire Messe (horsmis qu'en lieu de la chasuble il portera une chappe), et s'estant assis sur une chaire au milieu de l'autel, ayant le visage tourné du costé du peuple, avec le bonnet en teste, ou bien la mitre si c'est l'Evesque, la postulante prosternee a genoux tout vis a vis de luy, au bas du degré, les Seurs chanteront le Veni creator Spiritus.

  A025002709 

 Ou bien en françois: Une chose ay je demandee au Seigneur, c'est celle que je requiers: que j'habite en la mayson du Seigneur tous les jours de ma vie..

  A025002729 

 Induat te Dominus novum hominem, qui secundum Deum creatus est in justitia et sanctitate veritatis..

  A025002747 

 Mais si l'on void en elle une bonne volonté de s'amender, encor que pour son infirmité elle ne se soit pas du tout amendee, on luy donnera encor quelque tems, ouy mesme, sil est besoin, une annee entiere pour parachever son amendement, l'encourageant et l'aydant a cela avec toute charité et confiance..

  A025002748 

 Que si, passee l'annee du novitiat, la Novice est treuvee propre a l'establissement, les voix estans recueillies, on l'advertira de se bien preparer a cela par la confession annuelle et les exercices qui a cet effect seront dressés, affin que le vœu et l'offrande se facent avec toute la solemnité interieure quil sera possible, ainsy qu'elle se fera avec une grande solemnité exterieure.

  A025002757 

 Et la Novice dira: Que je meure, donq, affin que je vive, car Jesus Christ est ma vie, et la mort ma gloire.

  A025002765 

 Vostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu; mais lhors que Jesus Christ qui est vostre vie paroistra, lhors vous paroistres avec luy en la gloire.

  A025002766 

 Cela fait, les Seurs conduiront la Novice au chœur, ou, apres un peu d'orayson, elles la meneront en sa chambre, ou elle colloquera son Crucifix en son oratoire; et puis elles retourneront dire Complies, s'il en est tems..

  A025002768 

 Puis, l'heure estant venue, quand l'Evesque est revestu [408] avec la chappe et la mitre, assis sur le marchepied de l'autel, la Novice sortira modestement du chœur des Seurs, et apres elle la Superieure, l'Assistente ou la Maistresse des Novices; et toutes troys ayans fait la genuflexion a l'autel et un peu d'orayson, elles se leveront et s'assieront toutes troys un peu loin de l'autel, droit vis a vis de l'Evesque.

  A025002774 

 Car, ma chere Seur, voyla vos habitz du monde, et voyci le voyle de la Congregation; l'un et l'autre vous est proposé, affin que vous puissies estendre vostre main a celuy que vous voudres prendre et choysir..

  A025002781 

 Ouy, par la grace de Dieu, nos Seurs luy souhaittent le bonheur de vivre et mourir en leur union, et que pour cela elle face maintenant le vœu sacré et l'Oblation sainte, selon quil est requis a cet effect..

  A025002783 

 Or sus, ma chere Fille, si telle est vostre volonté, venes a Dieu vostre Createur et soyes esclairee, et vostre face ne sera point confondue.

  A025002784 

 Sur cela, la pretendante et les Seurs se levent, et est conduitte par icelles pour s'agenouiller sur le milieu du marchepied de l'autel, ou elle demeurera un peu en silence, les mains jointes et les yeux baissés, ce pendant que toutes les Seurs viendront se mettre en cercle autour d'elle, leurs voyles baissés, avec une chandelle allumee en leurs mains.

  A025002785 

 C'est a vous, o Jesus mon Sauveur, a qui mon cœur parle, encores que je ne sois que poudre et cendre.

  A025002787 

 (La suite de la formule du vœu est conforme à celle du texte [410] définitif, pp.

  A025002805 

 ( La suite est conforme au Ms.

  A025002807 

 Puis elle se signera, tout le reste de la feuille demeurant en blanc pour y estre escrittes les confirmations des vœux, ainsy qu'il est porté en l'article suyvant..

  A025002831 

 Or, comme cette action du renouvellement est grandement importante, aussi doit elle estre faite gravement, distinctement et intelligiblement.

  A025002836 

 Et si l'advis des Seurs est tel, on fera une troysiesme assemblee, en laquelle sera appellé l'Evesque et le Pere spirituel de la Mayson, ou le Grand Vicayre, et en leur presence sera de nouveau deliberé si on devra faire l'expulsion.

  A025002836 

 Que s'il est conclud qu'elle soit faite, la Seur sera appellee, et degradee par l'Evesque et le Pere spirituel, ou le Grand Vicayre, luy ostant le voyle et la croix qu'elle aura en son col..

  A025002837 

 Mais d'autant que l'expulsion d'une Seur est si importante, on observera les pointz qui s'ensuyvent: 1.

  A025002837 

 Qu'en la troysiesme deliberation, qui est definitive et finale, les deux tiers des voix et celle du Pere spirituel concourent a l'expulsion.

  A025002842 

 Ce qu'estant fait, on la degradera, le Prelat ou Pere spirituel luy ostant le voyle et la croix qu'elle aura en son col; et par apres on prendra un loysir convenable pour luy faire faire d'autres habitz et pour luy donner moyen de prouvoir a sa retraitte de la Congregation, et preparer ce qu'il luy faudra rendre: c'est a dire, tout ce qu'elle a apporté a la Mayson ou qui a esté remis a sa consideration pour son dot, excepté ce qui aura esté consumé par l'usage.

  A025002842 

 Et pendant ce loysir qu'on luy donnera, on la fera manger a part, sans permettre qu'elle vienne aux exercices communs, si ce n'est a celuy des oraysons et prieres..

  A025002847 

 Or, l'eslection se fera en cette sorte: L'Evesque, ou le Pere spirituel, entrant dans le chœur des Seurs, leur dira briefvement, par maniere d'exhortation, de quelle importance est cette eslection et combien elles sont obligees de la faire consciencieusement et saintement..

  A025002848 

 Cela fait, on dira le Veni, creator Spiritus, puis l'Evesque, ou le Pere spirituel, estant assis, fera asseoir aussi toutes les Seurs, selon qu'il est convenable, horsmis la Superieure, laquelle s'agenouillera au milieu du chœur, et le Pere spirituel luy dira:.

  A025002850 

 Et tous les billetz ayant esté receus, le Pere spirituel les lira tous l'un apres l'autre, et l'une des Seurs qui aura esté choysie a cet effect, ayant le roolle de toutes les Seurs dans une feuille, avec une ligne tiree au bout de chasque nom d'icelle, marquera celle que le Pere spirituel lira, faysant une traverse sur la ligne qui est a l'endroit du nom d'icelle; puis, tout estant fait, on verra s'il y en a quelqu'une qui ayt plus de la moytié des voix, et celle la demeurera Superieure..

  A025002871 

 Et comme en l'ancienne Loy la victime et hostie, c'est a dire l'animal qui devoit estre immolé, estoit premierement escorchee, ainsy les Seurs qui desirent offrir et vouer leurs personnes a Dieu en cette Congregation, [422] doivent escorcher leurs cœurs, se resouvenant que Nostre Seigneur mesme voulut s'offrir a Dieu son Pere pour nous, tout nud et despouillé sur l'arbre de la croix..

  A025002874 

 A la liberté d'aller ça et la en divers lieux; a l'estime de soymesme; a la liberté de parler et converser avec autruy; a la liberté de se vestir, mirer, accommoder, faire paroistre aggreable et bref, de monstrer les advantages que la nature peut avoir donné a quelques unes; a la liberté du choix des exercices spirituelz, laquelle d'autant plus qu'elle semble honneste, d'autant est elle difficile a quitter; au contentement de voir et frequenter ses parens; a l'inclination que nous avons d'estre estimees judicieuses, sages, discrettes, bien seantes, car on ne peut y vivre selon son jugement, ni selon sa propre sagesse ou propre discretion, ni; selon sa propre bienseance, mays selon celle d'autruy..

  A025002875 

 Cette bienseance est une des choses plus difficile a renoncer [424]; c'est pourquoy il en faut faire un grand renoncement entre les femmes, qui y sont grandement attachees.

  A025002875 

 Et ainsy, qui regarderoit les choses esquelles on s'est pleu au monde, on treuveroit mille renoncemens a faire, et dequoy dire mille et mille adieux au monde et a ses lanterneries et frivoles complaysances..

  A025002881 

 Mays en lieu de toutes autres affections, il n'en faut tirer que celle de l'offrande: considerant combien il est raysonnable que nous nous offrions et donnions a Dieu qui nous a donné l'estre, et le nous a donné affin que nous [426] fussions tres uniquement siens.

  A025002885 

 Les uns ne laissent pas pour cela les occupations et vacations exterieures du monde, entre lesquelles ilz ne peuvent eviter plusieurs empeschemens, destourbiers et tracas grandement contraires a leurs bonnes intentions et resolutions; de sorte que c'est avec grand'peine et perpetuelz dangers qu'ilz se maintiennent au train de la perfection et de la suite de Nostre Seigneur.

  A025002886 

 Ilz ont deux grans avantages sur les autres: l'un est que, deschargés d'autres occupations, ilz s'employent plus facilement a celle de l'amour divin; l'autre est qu'ilz font un acte nompareil, renonçant tout a coup et si genereusement a toutes choses pour Dieu, qui est une [429] œuvre d'une perfection vive, masle, genereuse et hardie..

  A025002889 

 Nostre Seigneur nous offre la tressainte aeternité, affin qu'en icelle nous jouissions d'une jouissance parfaite de sa fœlicité; n'est il pas donq bien raysonnable que nous luy offrions les momens du tems que nous avons a vivre, et que nous le rendions, le plus parfaitement qu'il nous sera possible, jouissant de nostre estre, qui n'est qu'une vraye misere, sans que nous nous en reservions un seul moment, ni aucune partie de nostre vie, ni une seule de nos actions? Helas! qu'est ce que nous offrons a Dieu en eschange des choses qu'il nous offre? [430].

  A025002896 

 C'est a dire: Qu'a jamais soyons nous siennes, qu'a jamais le puissions nous servir.

  A025002898 

 Helas, combien est il juste que nous nous offrions a luy, et que pour luy nous nous attachions et soyons clouees en nostre vocation! Et pour cette meditation suffisent les paroles de saint Paul: Jesus Christ, dit il, est mort four tous, donques tous sont mortz en luy.

  A025002898 

 Il reste que ceux qui vivent ne vivent plus en eux mesmes, mais en Celuy et pour Celuy qui est mort pour eux..

  A025002898 

 Nostre Seigneur s'est offert pour nous sur la croix, a laquelle il voulut estre cloué.

  A025002899 

 Je la vous dois et je la vous donne; et pour la vous mieux donner, je l'offre et sacrifie a la façon de vivre qui vous est la plus agreable, selon ma condition et portee.

  A025002899 

 O mon Jesus, mon Sauveur, vous estes mort pour me donner la vie; hé donques, ma vie n'est plus mienne, ains vostre.

  A025002900 

 C'est bien la rayson de nous donner a Celuy qui s'est si liberalement et absolument donné pour nous.

  A025002903 

 Bienheureuse est l'ame qui peut de bon cœur dire avec saint Paul: Ma vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu.

  A025002910 

 Or, cette bienseance, civilité et courtoysie propre et particuliere est une des choses plus difficile a quiter, principalement pour les.

  A025002915 

 Mays au lieu de toutes autres affections, il n'en faut tirer que celle des vœux de la Profession: considerans combien il est juste et raysonnable que nous offrions, dediions et consacrions a Dieu l'estre, l'ame et le cors qu'il nous a donné luy mesme, et qu'il nous a donné affin que nous fussions tres uniquement siens.

  A025002920 

 Les autres, qui sont de la seconde sorte, suivent Nostre Seigneur de plus pres et s'addonnent a la sainte devotion le mieux qu'ilz peuvent, mais neantmoins demeurent engagés dedans le commerce et la vie ordinaire des mondains; en suite dequoy ilz ne peuvent eviter plusieurs empeschemens, destourbiers et tracas grandement contraires a leur bonne intention, de maniere que c'est avec grande difficulté, et non sans des perpetuelz dangers, qu'ilz se maintiennent et conservent en leur bonne resolution.

  A025002921 

 En quoy ilz ont deux avantages: l'un est que, deschargés de toutes autres occupations, ilz s'employent plus facilement a celle de l'amour celeste; l'autre est qu'ilz font un acte incomparable de devotion, renonceant ( sic ) [429] tout a coup si generalement et si absolument a toutes choses pour Dieu, qui est une œuvre d'une perfection vive, genereuse et tout a fait surnaturelle..

  A025002923 

 meditation sera de l'offre que Nostre Seigneur nous fait de son Paradis et de son aeternité bienheureuse, affin qu'a jamais nous jouissions parfaitement de son infinie fœlicité; car n'est il pas donq reciproquement convenable que nous luy consacrions et donnions les petitz et chetifz momens de cette vie mortelle, et que nous le rendions, le plus parfaitement qu'il nous sera possible, [430] jouissant de nous mesme et de nostre estre qui n'est en effect qu'une veritable misere? Helas! qu'offrirons nous a Dieu en contrechange de la sainte œternité de son Paradis qu'il nous offre?.

  A025002929 

 Or, David avoit praedit que plusieurs filles seroyent amenees a Jesuschrist [ apres ] cette tres unique Reyne du Ciel: c'est pourquoy, a son imitation, suivant le conseil caeleste, plusieurs ames ont tout quité pour plus constamment, purement et parfaitement estre servantes de Dieu; a la suite desquelles il faut, d'un grand courage, que vous vous consacries a cet amour divin, en sorte que vous puissies dire en toute verité: Me voyci la servante de Dieu; me soyt fait selon sa parole, et qu'a jamais je soye toute sienne.

  A025002930 

 Et sur ce point, nous devons peser et ruminer ces admirables paroles de S t Paul: Jesuschrist est mort pour tous, donques tous sont mortz en luy.

  A025002930 

 Il reste que ceux qui vivent ne vivent plus a eux mesme (sic), ains qu'ilz vivent a Celuy et pour Celuy qui est mort pour eux..

  A025002931 

 Je vous la dois, o mon Sauveur, et je la vous immole; et pour la vouer et dedier plus entierement a vostre gloire, je m'oblige, par la Profession et par les vœux de Religion, de vivre en la façon qui vous est la plus agreable, selon ma portee et condition.

  A025002931 

 O Jesus, vous estes mort pour me donner la vie; donques, ma vie n'est plus mienne, mays vostre.

  A025002934 

 Bienheureuse est l'ame qui peut dire de bon cœur avec S t Paul: Ma vie est cachee avec Jesuschrist en Dieu.

  A025002934 

 Disposons nous donques a bien correspondre icy bas, et pensons que comme Nostre Dame, par son infinie bonté, chantera sur nostre Profession son divin cantique: Magnificat anima mea Dominum, aussi serons nous obligees de le chanter interieurement [435] nous mesme; et le saint esprit de devotion nous fera sentir combien grande est la grace que Dieu fait a un'ame de la tirer a soy par un attrait si excellent comm'est celuy de la Profession religieuse.

  A025002942 

 Il n'est pas besoin de mettre en veue les habitz du monde. c.

  A025002965 

 Mortification des sens est une grande austerité, mays sur tout celle de l'esprit.

  A025002966 

 Le moins qu'il se pourra, laissee; et s'il est expedient d'en avoir deux heures..

  A025003002 

 On est trop ensemble: liberté, apres Prime, de s'aller promener, notamment l'esté, en solitude.

  A025003007 

 (Il n'est pas vray.).

  A025003007 

 On est trop courte aux confessions ordinaires.

  A025003021 

 Que si pour quelques occasions elles n'en pouvoyent avoir le secours et assistance necessaires, apres l'avoir recherché le plus humblement et efficacement qu'il leur sera possible, mesme par l'entremise de quelque personne de qualité et consideration, elles s'addresseront a nostre Saint Pere ou a celuy qui tiendra sa place en chasque royaume ou Estat, qui est le Nonce Apostolique, affin que par ce moyen toutes choses soyent pacifiees et reduites a l'uniforme observance..

  A025003023 

 C'estoit encor la volonté de ce bon et digne Prelat, nostre Instituteur d'heureuse memoire, qu'es doutes et difficultés qui pourrovent survenir es Monasteres touchant la prattique des Regles, Constitutions et Coustumes, on demandast advis aux Monasteres plus anciens, et notamment a celuy d'Annessy; car ayant receu les premices de l'esprit, et estant le cœur et fontaine de la vie spirituelle de tout l'Ordre, d'ou sont issus tous les autres Monasteres, on peut justement et raysonnablement croire que l'eau sera tous-jours plus claire en sa source et qu'on y aura plus de lumiere et d'intelligence de toutes les choses qui appartiennent a l'Institut; joint l'honneur et bonheur qu'a ce Monastere d'avoir en preciput les reliques du Fondateur, qui est une grace tres pretieuse..

  A025003040 

 Elle biffera les noms particuliers qui seront escritz aux livres, et y mettra: Ce Livre est du Monastere de la Visitation Sainte Marie de N.

  A025003041 

 Comme aussi quand quelque chose manquera, et principalement aux Professions et receptions des Seurs, observant des la veille si tout ce qui est requis pour la ceremonie du lendemain est prest, prenant garde que rien ne demeure a faire qui serve d'empressement.

  A025003041 

 S'il est requis d'ouvrir la porte, ou si quelqu'un sonne au tour la retraitte estant sonnee, elle y assistera; et aura soin particulier de prendre garde si la Sacristaine fait son devoir en sa charge et si, selon les solemnités, l'autel est suffisamment bien paré, pour seulement en donner advis a la Superieure.

  A025003043 

 Ce sera a elle de tenir ou faire tenir le chœur des Seurs en bon ordre et bien net, le balliant deux fois la semayne, voire plus s'il en est besoin; et le tiendra fermé des le disner jusques a la lecture, et des lhors il demeurera ouvert, jusques apres Vespres, et des les Complies jusques au souper.

  A025003048 

 Ceci importe beaucoup, c'est pourquoy la Directrice y doit estre fort attentive; comme aussi a ne tesmoigner aucun desgoust ni ennuy des fades et importunes humeurs qui se pourront rencontrer parmi les Novices, et moins aucune sorte d'affection particuliere, si bien il y en a quelqu'unes qui semblent le meriter; ains qu'elle monstre un amour universel et un soin esgal au service de toutes, affin d'oster d'entre elles tout sujet de murmure et d'envie.

  A025003053 

 Elle doit donq employer l'annee de probation selon la sainte intention pour laquelle elle est ordonnee; c'est a dire, qu'elle exerce les Novices convenablement, pour essayer et reconnoistre leur vocation (car il ne seroit pas a propos d'attendre de les espreuver apres la Profession), observant neanmoins la discretion en telle sorte que les espreuves n'excedent pas la portee des espritz..

  A025003055 

 En fin elle doit avec grande confiance et sousmission aller a la Superieure, pour se resoudre et conseiller es doutes [451] et difficultés qui luy pourroyent arriver en l'exercice de sa charge; car c'est de la que Nostre Seigneur luy fera puyser les forces, la lumiere et la patience dont elle aura pour l'ordinaire grand besoin: de maniere que le plus souvent qu'elle pourra le faire sera le meilleur..

  A025003059 

 Elle leur donnera le point de l'orayson un moys ou six semaines durant, tous les jours entre les deux coups de Matines, ou, si la necessité le requiert, apres Matines; voire plus long tems s'il est requis.

  A025003065 

 Pour y parvenir, la Maistresse les ira petit a petit despouillant de toutes autres choses, affin que plus parfaittement elles s'arrestent a celle ci qui est de si grande importance; et ne leur permettra point de lire des livres qui traittent des oraysons extraordinaires et surnaturelles, sinon par l'advis de la Superieure et de quelque personne bien versee en la spiritualité..

  A025003069 

 Or, ces petitz desfis doivent estre quelquefois generaux, quelquefois particuliers; c'est a dire, que toutes les Novices facent ensemble le desfi de la douceur ou de l'obeyssance, si la Maistresse apperçoit un defaut universel de ce costé la.

  A025003074 

 Tous les mercredis la Directrice fera l'assemblee du Novitiat immediatement apres Prime, ainsy qu'il est porté par les Constitutions, ou estant a genoux devant l'oratoire et les Novices aussi, toutes en rang derriere elle, elle entonnera le Veni, Sancte Spiritus, etc., et les Novices poursuivront jusques au verset, que la Directrice dira avec l'Orayson; puis, ayant offert cette action a Nostre Seigneur et invoqué sa grace, elle s'assiera sur un siege a costé de l'autel, et toutes les Novices en terre ou sur des sieges fort bas, travaillant; puis viendront deux a deux dire chacune troys ou quatre coulpes, sur lesquelles la Directrice leur dira ce qu'elle jugera estre a propos; et a la fin, si elle a remarqué quelque defaut universel ou plus frequent entre les Novices, elle prendra occasion la dessus de leur parler a toutes en general pour leur donner horreur de cette sorte de defaut, et les excitera a l'amour de la vertu contraire, s'essayant de les laisser tous-jours encouragees.

  A025003089 

 Elle donnera de tems en tems a la Seur que la Superieure aura nommee, le chanvre, filet, esguilles et telles autres choses necessaires aux ouvrages des Seurs, pour en faire la distribution par le menu; laquelle prendra garde, selon qu'il est ordonné en la Constitution, a celles qui se rendroyent negligentes a bien faire et diligemment leurs ouvrages, pour en advertir la Superieure..

  A025003092 

 Elle aura soin de faire payer et recevoir ce qui est deu a la Mayson, prenant a cet effect un memoire, au commencement de l'annee, de la Seur qui a la charge des papiers, de tout ce qui est deu au Monastere, advertissant la Superieure des moyens qu'elle tiendra pour cela.

  A025003102 

 Au commencement de chasque annee elle fera un extraict ou roolle de tout l'argent et rentes qui sont deuës au Monastere, tant en blé, vin, qu'autres choses, supputant ce que doivent ceux qui n'ont payé annuellement, le mettant bien au clair, et remettra ledit bordereau et extraict a la Seur Œconome, pour solliciter et faire payer ceux qui doivent, ainsy qu'il est marqué en son Directoire, et luy en baillera toute l'intelligence necessaire, affin que tous-jours l'on se [460] paye des fruitz escheus avant que de recevoir les sommes principales; et avant que de parler a ceux qui doivent, elle soit instruite de ce qu'ilz sont redevables, affin de ne se pas embrouiller et que rien ne se perde par sa faute..

  A025003108 

 Quand la Seur Portiere est a la porte pour y attendre quelque chose, elle priera ou lira et n'y demeurera point oysive, et tous-jours y parlera fort bas.

  A025003109 

 Si elle est des Seurs du chœur elle prendra place proche la porte, pour sortir plus a propos quand il sera besoin d'aller en sa charge..

  A025003110 

 Appellant une Novice pour aller au parloir, elle en advertira la Directrice, si elle est au novitiat..

  A025003118 

 Qu'elle face fermer l'eglise avant le disner, s'il se peut, et qu'elle en retire les clefs, la faysant ouvrir a deux heures ou environ, voire plus tost s'il est requis, principalement les festes, pour la consolation du peuple; et que tous les.

  A025003123 

 La Seur Sacristaine aura soin de mettre au tour ce qui est necessaire pour la sainte Messe, en sorte qu'elle entende celle de la Communauté avec tranquillité et qu'elle sorte le moins qu'il se pourra de l'Office.

  A025003126 

 Elle fera mettre tous-jours un Crucifix sur l'autel devant le Tabernacle, si c'est la coustume du lieu.

  A025003131 

 Sur tout, s'il est besoin d'emprunter quelque chose, elle le dira a la Superieure et puis l'envoyera querir par la Seur Touriere qui luy sera nommee, ayant soin de le faire rendre par elle mesme, s'il se peut, apres avoir bien nettoyé et mis le tout en bon ordre, prenant garde de ne rien gaster..

  A025003132 

 Mays en l'octave du Saint Sacrement, et tous-jours quand il sera exposé sur l'autel, elle fera servir tous les jours les chasubles et aubes destinees pour les Dimanches et festes de commandement, et aura soin de changer de parement [464] d'autel trois ou quatre fois pendant l'octave; se pourvoyant a l'advantage d'une chappe, si c'est la coustume du lieu, et d'un encensoir pour la Benediction, et fera servir la plus belle aube, si c'est une personne de grande consideration qui la fait..

  A025003136 

 Qu'elle ayt soin de bien empeser les corporaux sur des mestiers, tant qu'il se pourra, et a sayson propre, qui est des le moys de may jusques en octobre; mais elle ne les doit pas empeser tous a la fois.

  A025003140 

 Et en toutes ces grandes solemnités, si c'est la coustume du lieu et le tems des fleurs, elle y fera des guirlandes; observant que les cierges des festes cy dessus nommees et autres principales ne soyent pas usés plus du tiers ou de la moytié, et qu'ilz soyent de cire blanche, s'il se peut, tant pour Vespres que pour la Messe, mais ilz pourront estre un peu moindres pour la vigile..

  A025003143 

 Une fois la semayne elle nettoyera les chandeliers du chœur, les mouchettes et tout ce qui est requis, les preparant pour les Offices a bonne heure..

  A025003165 

 Elle preparera deux calices, si c'est la façon des lieux.

  A025003169 

 Elle preparera la chasuble noire, l'encensoir, un Crucifix; et doit [y] avoir sur l'autel six cierges de cire jaune, si c'est la coustume du lieu.

  A025003176 

 Elle donnera l'encensoir les trois festes, pour la Messe conventuelle; ce qu'elle fera aussi a Noël, Pentecoste et autres, selon qu'il est marqué..

  A025003185 

 Et quand on leur portera le Tres Saint Sacrement, elle preparera proprement l'autel (sur lequel il y aura de l'eau benite, une Croix, deux cierges allumés, un corporal) et tout ce qui est requis, avec un grand soin et reverence; elle ageancera la malade le plus nettement qu'il luy sera possible et mettra sur son lict un linceul pendant..

  A025003185 

 Qu'elle tienne fort nettement tout ce qui est de l'infirmerie, et les malades blanchement et nettement accommodees, les servant des linges de l'infirmerie, si leur necessité ou delicatesse le requiert.

  A025003187 

 Et qu'elle ne mette point devant elles toutes leurs portions, si elle juge qu'elles ne les desirent, ains les servira a mesure qu'elles mangent, n'estant pas aussi necessaire, quand il y a plusieurs malades, de faire a chacune leurs portions, ains on doit mettre pour toutes ensemble; et elle les servira [471] chacune selon leurs besoins, si ce n'est qu'il faille quelque viande plus particuliere a quelques unes: dequoy elle en advertira des le soir la Despensiere et de ce qu'il faut pour leur dejeusner et disner; et des la recreation d'apres le disner ce qu'il faut pour leur gouster et souper, quand elle jugera que quelque chose de particulier leur sera necessaire, sans pourtant exceder aux diversités des choses qui peuvent trop surcharger celles qui apprestent, sinon lhors que le medecin aura reglé leur manger..

  A025003189 

 Qu'elle tienne tous les linges marqués d'un I, outre la marque ordinaire, et un roolle de tout ce qui est de sa charge; procurant d'avoir tous les meubles qui seront necessaires en icelle, pour faire les eaux et les petites choses dont les malades pourroyent avoir besoin, desquelz elle aura soin, ne les laissant mesler ou traisner par la mayson, sur tout le linge si tost qu'il est blanchi et la vaisselle des qu'elle est lavee..

  A025003191 

 Des que les malades seront suffisamment fortes pour sortir de l'infirmerie, pour venir au chœur ouyr la sainte Messe, elle les y conduira, comme aussi au refectoir a une petite table, s'il est besoin, et aux assemblees des que leur santé le pourra permettre bonnement; le tout avec l'advis de la Superieure..

  A025003192 

 Que s'il est requis d'en estre dispensees, elles demanderont congé a la Superieure.

  A025003197 

 Au printemps elle mettra a l'air tous les habitz de reserve et tout ce qui est en sa charge pour les nettoyer, priant les Seurs d'y porter tous leurs matelas et couvertes, affin de les bien nettoyer, changer leurs paillasses au moys de mars et de faire blanchir leurs tours de litz au printems et en automne, ou il sera besoin..

  A025003201 

 Environ le moys de janvier elle demandera ce qui est necessaire pour raccommoder les vestemens de l'esté, pour en faire de neufs quand il sera requis; elle fera de mesme environ le moys de may pour ceux de l'hyver.

  A025003202 

 Qu'elle tienne fort net tout ce qui est en sa charge, et ne fasse rien de nouveau aux habitz des Seurs, ains qu'elle suive par tout son Directoire et la coustume..

  A025003211 

 L'aune dont elle se doit servir pour mesurer c'est celle de Paris..

  A025003218 

 Elle fera vuider les manches devant et doubler la largeur de trois doigtz, si mieux il n'est treuve autrement.

  A025003226 

 Elle balliera son refectoir tous les matins, avant que de dresser les tables, et apres disner s'il est necessaire; et tous les quinze jours, une fois, elle balliera les murailles et ostera les araignees; torchera les tables tous les jours apres le repas..

  A025003226 

 La Seur Refectoriere aura un tres grand soin de tenir tout ce qui est de sa charge fort proprement et nettement, donnera des torchemains deux fois la semayne, voire plus s'il est besoin.

  A025003227 

 Qu'elle tienne un roolle de tout ce qui est du refectoir, [476] tant des serviettes, torchemains qu'autres meubles, pour en rendre conte au bout de chasque annee a l'Œconome..

  A025003238 

 Elle dressera les tables a l'heure que la Superieure jugera plus a propos, et semble que le mieux est apres Complies l'esté, et l'hyver apres la lecture..

  A025003246 

 Qu'elle prenne bien garde d'advertir l'Œconome, si c'est la coustume, quand il faudra tirer le vin de dessus la mere, affin qu'il ne pousse..

  A025003253 

 Elle ira a la cuysine un peu devant que l'on sonne le premier [479] coup du repas, pour couper la viande et faire les portions, affin qu'elle ne laisse attendre les Seurs a table; prenant garde de les faire tenir chaudes, les faisant le plus nettement et esgalement qu'il se pourra, observant de faire pour les infirmes ce qui est ordonné.

  A025003260 

 Qu'elle tienne fort net ce qui est de sa charge et ballie la despense, oste les araignees et poussiere une fois la semayne, et la cave tous les moys, delaquelle elle portera les clefs; et gardera les balais et autres petites choses, et les distribuera selon la necessité.

  A025003261 

 Que si elle est du chœur, devant la lecture elle pourra faire la demi heure d'orayson; si elle n'en est pas, elle la pourra faire pendant Vespres..

  A025003276 

 Elles employerent la demie heure de Vespres, ou autre selon la direction de la Superieure ou de l'Œconome, tant a faire l'orayson qu'a dire leurs Pater de Vespres et Complies toutes ensemble, excepté celle qui est en semayne, qui prendra pour son orayson l'heure de la lecture, s'il est plus commode, et fera la lecture a la demie heure d'apres.

  A025003278 

 Lhors que leur loysir et leur charge le permettra, elles iront les unes apres les autres aux assemblees de la Communauté, observant neanmoins qu'il en demeure tous-jours une a la cuysine, tant qu'il se pourra bonnement faire, lhors qu'il y aura des potz aupres du feu; sinon au tems de la sainte Messe, s'il ne s'en dit qu'une, car si l'on en dit deux, l'une d'entre elles l'entendra, et mesme communiera si c'est jour de Communion..

  A025003287 

 Qu'elles tiennent leur cuysine bien nette, la balliant tous les matins et lhors qu'elle en aura besoin; qu'elles nettoyent bien soigneusement la cheminee et tout ce qui est en leur charge une fois la semayne, et seront soigneuses de bien accommoder et couvrir le feu, retirant tout le bois et autres choses pour esviter le danger..

  A025003289 

 L'une des Seurs qui ne sont de l'office de la cuysine ira dans le refectoir au quart d'heure, pour mettre les potages sur table; l'une des Seurs qui sera hors de l'office de la cuysine avec l'une de celles qui y seront mangeront a la premiere table, tant qu'il se pourra; voire troys y pourront manger, car une peut suffire a la cuysine pour faire ce qu'il faut et qui est requis: comme de faire des potages pour la seconde table, retirer les viandes et faire chauffer l'eau pour laver la vaisselle, en sorte que celles qui auront mangé a la premiere table les aillent laver immediatement apres qu'elles en sortiront, qui sera tous-jours des qu'elles auront disné ou [485] soupe, appellant apres Graces la Seur qui leur doit ayder, affin qu'elles puissent aller toutes, tant que faire se pourra, a la recreation..

  A025003291 

 Qu'elles ayent un grand soin que rien ne se gaste de ce qui est de leur charge, par leur faute, raccommodant leurs linges soigneusement, lesquelz elles conteront a toutes les lessives, tant en les y mettant qu'en les retirant; et la vaisselle d'estain toutes les semaynes une fois, chacune en ce qui sera de sa charge; tiennent leur office et tout ce qui en depend fort net..

  A025003292 

 S'il arrive qu'elles prestent, soit vaisselle ou autres ustensiles, tant pour servir en la Mayson que pour porter dehors, qu'elles ayent un grand soin de les faire rapporter; que si on ne le fait, ou que l'on prenne quelque chose de ce qui est de leurs charges sans les advertir, qu'elles en advertissent les Seurs en charité au refectoir, a l'issue de la premiere table, apres Graces, auquel tems elles diront leurs coulpes quand elles en voudront dire..

  A025003319 

 Nous attestons que nostre tres chere Seur en Jesus Christ, M. Jeanne Françoise Fremyot, Baronne de Chantal, et Perrette de Chatel sa compaigne, de la Congregation de Nostre Dame de la Visitation erigee en cette Nostre [490] citté d'Annessi, partent de ce lieu par le consentement de ladite Congregation et le Nostre, pour les affaires que ladite Jeanne Françoise Fremyot doit traitter en Bourgoigne, lesquelles ne pourroyent bonnement estre faites sans sa presence; et c'est pour le tems, et non plus, que lesdites affaires requerront..

  A025003328 

 La vie de l'homme est une continuelle bataille sur la terre.

  A025003328 

 Nostre ennemy est tous-jours aux aguetz pour [491] nous surprendre, et il dresse ordinairement sa batterie contre la citadelle de nostre cœur a l'endroit le plus foible et ou il connoist, par nos frequentes cheutes, le penchant de nostre inclination perverse ou passion mignonne qui nous fait le plus de mal, et que nous pensons le moins de destruire parce qu'elle nous est aggreable et que nous nous [492] flattons dans la croyance que nos pertes y sont petites; et c'est par la neanmoins que nostre ennemy fait ses advances et tasche de nous surprendre et prendre s'il peut.

  A025003340 

 Le recueillement interieur et l'entretien d'esprit avec nos Saintz particuliers et l'Ange gardien, au tems du silence, en la solitude, en la cellule et autres lieux desoccupés des exercices qui requierent une autre attention; et c'est contre l'ennuy naturel et les distractions importunes.

  A025003433 

 Et comme il est arrivé que ces Communautés, sous l'inspiration et avec l'aide de Dieu, augmentent tous les jours d'une manière sensible en mérite et en nombre, pour qu'un Institut si pieux et digne de louange se conserve fixe et stable, Nous lui avons unanimement [501] destiné et assigné ces Règles et Constitutions qui, à l'instar de murailles très solides, serviront de rempart et de fondement à son genre de vie, voulant mettre avec un amour puisé dans les entrailles du Christ, sous Notre garde pastorale et sollicitude et celle de Nos successeurs, les Congrégations susdites établies dans Nos diocèses..

  A025003486 

 Nos tres cheres Seurs Paule Jeronyme de Monthou et Françoise Jacqueline de Musy, Religieuses professes du monastere de Nostre Dame de la Visitation de cette contree d'Annessi, ayant esté desirees par les Seurs du monastere de Moulins qui est du mesme Ordre, l'une pour y estre Superieure et l'autre pour l'y accompaigner, sous le bon playsir de Monseigneur de lion, et ayant eu, sur [508] ce, ledit consentement dudit Monastere de cette presente cité: Nous leur donnons aussi le congé a ce requis, et ce pour le tems que, par les occurrences, il sera treuvé a propos; suppliant Dieu qu'elles soyent benites en son nom, allant, demeurant et revenant, affin qu'elles facent son service en l'œuvre pour laquelle elles vont, en toutes leurs actions et en toutes les peynes qu'elles endureront pour ce sujet..

  A025003499 

 Ayans veu et consideré l'escrit fait en l'autre part de cette feuille, et sachans fort bien la verité des choses [510] qui y sont contenues, Nous l'avons treuvé bon, le louons et, entant qu'en Nous est, Nous l'appreuvons..

  A025003509 

 Fœlicis memoriae Paulus, Papa Quintus hujus nominis, die 23 Aprilis anni 1618, ad instantiam Ducis Sabaudiae [511], commisit et mandavit Episcopo Gebennensi, ut Domum ac Congregationem piam mulierum quae sub nomine Beatissimae Virginis Mariæ de Visitatione, ante aliquot annos Annessii, Gebennensis diocaesis, instituta fuerat, in Monasterium Monialium sub Regula Sancti Augustini viventium erigeret: quod sane ita factum est..

  A025003513 

 Ut autem rite et devote Officium recitent, multum interest ut semper idem Officium recitent: clarius enim, distinctius et certius illud pronunciant quod tam saepe pronunciare consueverunt, neque totam suam attentionem in recta lectione et pronunciatione ponunt, ut facere illis necesse est quando quotidie illis nova ac inusitata legenda sunt..

  A025003519 

 Neque vero recitatio magni Officii est inseparabilis a statu religioso; nam ut de praeclara ac praestantissima [515] Societate Jesu nihil dicatur, neque de militaribus Ordinibus, sunt in Gallia Monasteria mulierum, ut, verbi gratia, Monasterium Ordinis Sancti Augustini de Pontosia, in quibus Moniales non tenentur nisi ad Officium parvum Beatæ Virginis in choro recitandum; ut privilegium istud dare Monasteriis mulierum, res omnino sit ut non valde quidem usitata, ita etiam non sane penitus nova, et alioquin multis gravissimis de causis desideranda..

  A025003529 

 Mais pour qu'elles récitent convenablement et dévotement l'Office, il importe beaucoup qu'elles récitent toujours le même: elles prononcent, en effet, plus clairement, plus distinctement et avec plus de sûreté ce qu'elles ont coutume de prononcer si souvent, et elles ne mettent pas toute leur attention à la lecture et bonne prononciation: ce qui leur est nécessaire si chaque jour il leur faut dire du nouveau et de l'inattendu..

  A025003534 

 Enfin, la plupart des vierges et aussi des veuves d'âge avancé n'arrivent presque jamais à apprendre exactement à réciter le grand Office; pour cela, le plus souvent, elles ne peuvent entrer en Religion: c'est pour elles un avantage si cet Institut de la Visitation de la Bienheureuse Vierge Mère de Dieu, de l'Ordre; de Saint-Augustin, n'est pas tenu désormais à d'autre Office qu'au petit, récité convenablement.

  A025003535 

 Du reste, la récitation du grand Office n'est pas inséparable de l'état religieux; car, sans parler de l'illustre et très célèbre Compagnie [515] de Jésus, ni des Ordres militaires, il y a en France des Monastères de femmes, par exemple le Monastère de l'Ordre de Saint-Augustin de Pontoise, où les Moniales ne sont tenues qu'à la récitation au chœur du petit Office de la Bienheureuse Vierge; de sorte qu'accorder ce privilège aux Monastères de femmes, est une chose qui, tout en n'étant pas très usitée, n'est pas totalement nouvelle, et d'ailleurs à désirer pour de nombreuses et très graves raisons.

  A025003540 

 Erecta est anno 1610 Congregatio quaedam piarum virginum ac viduarum oblatarum, in oppido Annessiacensi, diaecesis Gebennensis, qua postea multiplicata, erecta est etiam in civitatibus plurimis: Lugdunensi, Molinensi, Gratianopolitanensi, Biturigensi, Parisiensi, Monferranti, Nivernensi, Aurelianensi, et passim quotidie ab aliis expetitur et erigitur civitatibus..

  A025003541 

 Jam vero, prima illa Congregatio Annessiacensis, ex Decreto Paulo Quinto, conversa est in Monasterium Monialium sub Regula Sancti Augustini, anno 1618; quae res optime cessit ad gloriam Dei et populi aedificationem.

  A025003548 

 C'est pourquoi les autres Communautés, issues de cette première soit médiatement, soit immédiatement, font-elles des vœux ardents et présentent une humble requête pour [517] être transformées en Monastères de même Institut et de même Règle, soit parce qu'elles seront ainsi attachées plus fortement à Dieu et à la vie religieuse, soit parce que cela sera plus agréable aux populations, soit parce qu'elles acquerront plus de conformité et de cohésion entre elles.

  A025003581 

 ( La suite est conforme au Ms.

  A025003597 

 Quand aux estrangers, soient hommes ou femmes, ausquelles il est requis de parler sans qu'elles entrent dans la Maison, on observera ce qui s'ensuit:.

  A025003599 

 ( Le reste est semblable au Ms.

  A025003601 

 coupant cour en toutes sorte de devis et discours, si ce n'est en ceux qui regardent le profit spirituel de l'ame et consolation d'icelle..

  A025003602 

 Quand est de la closure des Sœurs voilees, elle s'observera exactement selon la prescription du sacré Concile de Trente, en sorte qu'elles ne pourront aucunement sortir [sinon] es cas notés en iceluy et permis par les sacrez Canons.

  A025003618 

 ( Cet article est conforme au Ms.

  A025003624 

 Elles diront le petit Office de Nostre Dame au chœur, et le chanteront distinctement, sçavoir possement; hormis les festes suyvantes, sçavoir est: le premier jour de Noel...........................

  A025003626 

 K, excepté le deuxième alinéa de celui - ci [525], qui est omis dans le Ms.

  A025003629 

 246, 247; la suite est conforme au Ms.

  A025003629 

 372, 373, sauf le dernier alinéa de celui-ci, qui est omis dans le Ms.

  A025003638 

 ( La fin de cet article est conforme au Ms.

  A025003647 

 ( Cet article est conforme au Ms.

  A025003663 

 ( La suite est conforme au texte définitif, pp.

  A025003669 

 L'annee du noviciat expiree, la Novice sera admise pour faire [527] les vœus, si elle est jugee par la Congregation des Sœurs avoir satisfaict durant son noviciat; et pour ce il fault que des trois partie les deux de l'assemblee y consentent..

  A025003673 

 ( La formule du vœu est pareille à celle du Ms.


26-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXVI-Vol.5-Opuscules.html
  A026000034 

 — Mal penser et parler mal du prochain est la marque la plus sûre d'une âme vicieuse.

  A026000035 

 — Suivre une multiplicité de conseils est chose dangereuse. 56.

  A026000047 

 Qu'est-ce que la dévotion? — La vraie Religieuse « doit estre devote » et fervente.

  A026000047 

 — L'exemple est le meilleur moyen.

  A026000048 

 Pourquoi sommes-nous en ce monde? — Tout ce qui est contraire à notre fin dernière doit être rejeté.

  A026000051 

 — Pour les actions de peu d'importance et auxquelles on n'est pas obligé, considérer avec liberté d'esprit ce qui tend davantage à la gloire de Dieu et se résoudre.

  A026000052 

 La perfection n'est autre chose que la charité.

  A026000052 

 — Qu'est-ce qui la produit.

  A026000056 

 — C'est un grand honneur d'être auprès de Dieu.

  A026000056 

 — Que faire lorsqu'on est distrait.

  A026000061 

 — C'est une superstition de croire qu'il faille recommencer le Chapelet ou autres prières quand, légitimement, on les a interrompus.

  A026000062 

 Une seule chose est nécessaire pour communier: le bon état de l'âme.

  A026000062 

 — Qu'est-ce que la sainte Communion? — Pour s'y préparer, oublier les affaires domestiques et les choses matérielles, et se rappeler les bienfaits de Dieu.

  A026000067 

 — D'où vient la différence qui existe entre elles: le Saint-Esprit est « l'unique Consolateur »; le malin esprit, « un vray desolateur ».

  A026000067 

 — La tristesse peut être bonne ou mauvaise, mais elle est plus souvent mauvaise.

  A026000079 

 — Le désir et la résolution de pécher est de fait un péché, ainsi que les mauvaises pensées volontairement entretenues.

  A026000104 

 — La Mère de Chantal doit tenir son âme ferme, sans « vouloir voir ce qu'elle fait ou si elle est satisfaitte ».

  A026000106 

 — Leur préparation n'est pas longue ni empressée, mais fidèle et amoureuse.

  A026000109 

 — Le Traitté de l'Amour de Dieu est fait surtout pour la Sainte.

  A026000120 

 Comme il se faut relever quand on est tombee.

  A026000154 

 — Demander ce dont on a besoin est plus parfait que de se laisser à « la providence des Superieurs ».

  A026000156 

 » — Le Sauveur est père par sa providence et mère par son amour.

  A026000156 

 — Craindre la tentation, c'est ouvrir la porte à l'ennemi; la confiance en Dieu lui fait peur.

  A026000156 

 — Un effet de la dévotion qui est selon Dieu.

  A026000157 

 — Ce n'est pas « nostre mal qui nous fait mal », c'est l'amour-propre.

  A026000157 

 — L'égalité d'esprit est l'un des plus beaux ornements de la vie chrétienne.

  A026000159 

 — Le divin Maître est Roi, soleil, fournaise, baume, trésor, gage de la gloire.

  A026000159 

 — Quel est, parmi les pauvres, « le plus advantagé »? — Parlons à Dieu de nos misères.

  A026000160 

 — Bienheureuse est l'âme dépouillée de toutes choses.

  A026000160 

 — Dieu n'est pas comme les hommes.

  A026000160 

 — Tout est indifférent au cœur qui ne veut que Dieu.

  A026000161 

 — Celui qui n'a aucune confiance en soi-même est vraiment fidèle. 186.

  A026000161 

 — Quel en est le dernier degré.

  A026000162 

 L'obéissance religieuse est un holocauste.

  A026000162 

 — Qu'est-ce que le propre jugement? — L'indifférence du parfait obéissant 187.

  A026000165 

 — Tout est pauvre dans cette naissance, et nous ne cherchons qu'à nous satisfaire.

  A026000173 

 Au Confiteor (Jesus est courbé en terre) 215.

  A026000174 

 Au bayser de l'autel (Jesus est trahi par le bayser de Judas) 215.

  A026000175 

 A l'Epistre(Jesus est mené prisonnier) 215.

  A026000176 

 A l'Introit (Jesus est souffletté) 216.

  A026000177 

 Au Kyrie Eleison (Jesus est renié par Pierre) 216.

  A026000179 

 A l'Epistre (Jesus est mené chez Pilate) 216.

  A026000180 

 Au Munda Cor Meum (Jesus est mené chez Herode) 216.

  A026000181 

 A l'Evangile (Jesus est moqué et ramené devant Pilate) 216.

  A026000182 

 A l'ouverture du Calice (Jesus est despouillé) 216.

  A026000183 

 A l'Offertoire (Jesus est fouetté) 216.

  A026000184 

 Lhors qu'on couvre le Calice (Jesus est couronné) 217.

  A026000187 

 A la Preface (Jesus est condamné a mort) 218.

  A026000190 

 A la benediction des offrandes (Jesus est attaché en croix) 218.

  A026000191 

 A l'eslevation de l'Hostie (Jesus crucifié est eslevé) 218.

  A026000199 

 A la Communion (Jesus est enseveli) 219.

  A026000200 

 A l'Ablution (Jesus est embaumé) 220.

  A026000235 

 Post orationem quæ est Jo. c. XVII, dixit Dominus verba quæ habentur Mat.

  A026000236 

 Cedron, id est obscurus [3] locus, quia vallis erat arboribus umbrosa; ibi erat torrens.

  A026000236 

 Figura hujus rei est 1 Reg.

  A026000237 

 Venit inde in prædium, seu villam Gethsemani, id est vallis pinguedinis, seu olei mei; quo in prædio erat hortus arboribus ornatus et amœnus.

  A026000238 

 Et ait illis: Tristis est, etc.; sedete hic et vigilate.

  A026000238 

 Post hæc, in eodem horto factum est quod alii Evangelistæ dicunt.

  A026000243 

 ( Gabbatha celsitudo significat; Lytostrotos, græce, lapidibus stratus, locus judicii.) Erat autem Parasceve Paschæ, hora quasi sexta (id est hora sexta orationis: 1, 3, 6, 9, occasus; sic dividebatur dies); et dicit Judæis, [etc.] Responderunt pontifices: [5] Non habemus regem nisi Cæsarem.

  A026000246 

 9: Factus est principatus ejus super humerum ejus b).

  A026000246 

 Id est Is.

  A026000250 

 Et cum iniquis reputatus est f)..

  A026000253 

 Ceux qui viennent voir et qui passent, blasphement: Vah, qui destruis, etc.; salva temetipsum; si Filius Dei es, etc. Semblablement les pontifes et scribes: Si Christus est electus Dei, rex Israel, descendait de cruce.

  A026000256 

 Tenebræ factæ sunt super universum terram, [etc.]; sepulcra mortuorum aperta sunt, terra mota est j)..

  A026000269 

 Après la prière qui est dans saint Jean, chap. XVII, le Seigneur dit les paroles qui sont en saint Matthieu, chap. XXVI, du verset 31 me au 36 me.

  A026000270 

 Cédron, c'est-à-dire lieu obscur, parce qu'il y avait une vallée ombragée par les arbres; là aussi était un torrent.

  A026000271 

 Il vint ensuite au jardin ou domaine de Gethsemani, c'est-à-dire la vallée onctueuse, ou de mon huile.

  A026000272 

 Et il leur dit: Mon âme est triste, etc. Asseyez-vous ici et veillez. Matt.: Demeurez ici et veillez avec moi. Luc: Et priez, afin de ne pas entrer en tentation.

  A026000274 

 Le Seigneur interrogea: Qui cherchez-vous? etc. Et Judas, ayant donné un signe, revint avec d'autres, d'où il est dit: Or Judas, qui le trahissait, se tenait debout avec les autres, [etc.].

  A026000277 

 ( Gabbatha signifie hauteur; Lithostrotos, en grec, balcon de pierres, lieu de jugement.) C'était la préparation de la Pâque, environ la sixième heure (c'est-à-dire la sixième heure de la prière: ainsi divisait-on le jour: 1, 3, 6, 9), et il dit aux Juifs, [etc.] Les princes des [5] prêtres répondirent: Nous n'avons de roi que César. (Donc le Messie vient, Gen. XLIX: Le sceptre ne s'éloignera point, etc.).

  A026000280 

 C'est-à-dire, Isaïe, IX: Son empire a été posé sur ses épaules..

  A026000282 

 d) Arriva hors de la ville, au lieu nommé Calvaire, en hébreu Golgotha. Saint Basile dit que c'est une commune tradition qui fait du Calvaire le lieu de sépulture d'Adam..

  A026000286 

 h) Toi qui détruis le temple, etc.; sauve-toi toi-même; si tu es le Fils de Dieu, etc... Si le Christ est l'élu de Dieu, roi [7] d'Israël, qu'il descende de la croix... Ne crains-tu donc pas Dieu, etc... Souvenez-vous de moi.

  A026000296 

 Et je ne pense pas contrevenir à ses intentions en le publiant; car, quoy qu'il l'aye tenu long-temps secret, estant un des premiers exercices de sa plume, il est neantmoins bien croyable que si la mort n'eust prevenu le dessein qu'il avoit de donner d'autres piec.es au public, non moins utiles que celles qui paroissent maintenant par tout avec tant de fruict et d'approbation, sa charité incomparable l'auroit porté à vous le presenter luy-mesme, mais sans cloute avec plus d'ornement et de perfection..

  A026000296 

 Mon cher Lecteur, je sçay bien que pour vous faire estimer ce petit ouvrage que je vous presente, il suffit de sçavoir que son Autheur est le Bien-heureux François de Sales; un esprit si sainct, si esclairé et si seraphique ne pouvoit parler que tres-dignement et tres-sainctement sur une telle matiere.

  A026000297 

 Cependant, le voilà tout tel qu'il est sorty de sa main et qu'il a esté trouvé apres son decez; lequel en avoit rendu depositaires des personnes lesquelles, soit pour leur consolation particuliere, ou pour quelque autre bonne consideration, n'avoient pas jugé à propos de le publier plus tost.

  A026000306 

 Salomon, pretendant avoir suffisamment enseigne la premiere sorte d'union dans ses autres Livres, n'enseigne que la seconde es Cantiques, ou il presuppose que l'Espouse, qui est l'ame devote, soit des-ja mariee avec le divin Espoux; et represente les saintz et chastes amours de leur mariage qui se font par l'orayson mentale, qui n'est autre chose que la consideration de Dieu et des choses divines..

  A026000307 

 L'une de ces quatre actions est sans fin; la seconde prouffite a l'entendement; la troysiesme et quattriesme prouffitent a la volonté, l'une l'enflammant, l'autre la resjouissant.

  A026000309 

 En sorte que la ou est la foy, nous sommes faitz plus prompts a croire par la devotion; la ou est l'esperance, nous sommes rendus plus prompts a desirer ce que Dieu promet, et par la charité, a aymer ce que Dieu commande; par la temperance, a nous abstenir; par la force, a endurer, et ainsy des autres.

  A026000309 

 La devotion, aux promptitudes particulieres que les habitudes donnent, en adjouste une generale et commune engendree par la meditation et contemplation, ainsy que le pelerin est plus dispos par la refection..

  A026000309 

 Neanmoins, le sujet de ce Livre ne comprend pas la demande ni les deux seules considerations affectives, ni mesme la devotion, laquelle n'est ni meditation ni contemplation, mais en est l'effect, n'estant autre chose qu'une vertu generale, contraire a la paresse spirituelle, qui nous rend prompts au service de Dieu.

  A026000310 

 Salomon a pour fin en ce Livre la devotion, mais pour sujet l'orayson mentale prise pour la meditation et contemplation, non pour la pensee, ni pour l'estude, ni pour la demande, ni pour la devotion, ni mesme pour la consolation et le goust que l'on a en l'orayson, lequel ne s'y trouvant pas tous-jours est distingué d'ieelle; ains arrive souvent que ce goust n'estant pas en l'orayson des bons, se trouve en celle des grans pecheurs.

  A026000311 

 Que si l'orayson mentale est distinguee du goust spirituel comme la cause de l'effect, elle l'est encor plus de l'allegresse spirituelle qui est engendree de la multitude des goustz.

  A026000312 

 Ainsy, le pecheur n'a pas de soy la possibilité a servir Dieu meritoirement: estant en grace, il a la possibilité, avec resistance et sans facilité; apres avoir continué, il le sert facilement; apres qu'il est devot, il le sert promptement; s'il est contemplatif, il le sert allegrement: la grace donnant la possibilité, la charité donnant la facilité, l'orayson mentale la promptitude et devotion, la multitude des goustz la gayeté..

  A026000312 

 Resusciter un enfant mort n'est pas en la possibilité de la mere; le guerir estant extremement malade, est chose possible, mais non pas facile; mettre le feu a sa playe par ordonnance du medecin est possible et facile, mais non pas avec promptitude, ains avec resistance et frayeur; rafraischir son appareil se fait facilement, possiblement, promptement, mais non allegrement; mays apres qu'il est gueri, le recevoir et accueillir entre ses bras, se fait possiblement, facilement, promptement et gayement.

  A026000314 

 Bref, l'orayson mentale est le sujet des Cantiques.

  A026000314 

 Mesme la nature ni les proprietés de Dieu ou de l'ame n'y sont point nommees; mays, au lieu de tout cela, yeux, cheveux, dens, levres, colz, vestemens, jardins, unguens, et mille choses pareilles qui ont mis confusion [13] es expositions par la liberté que les expositeurs ont eu de les faire joindre un chacun a son sens, et, qui pis est, par la licence insupportable qu'un mesme expositeur a pris, d'entendre en une mesme page une mesme parole en diverses manieres et pour diverses choses..

  A026000316 

 En fin, l'orayson mentale est le sujet mistique du Cantique.

  A026000318 

 En la premiere, la souvenance des playsirs passés sensitifs est l'empeschement; le remede est le desir des choses spirituelles et les demander a Dieu; le premier degré est de considerer Dieu es choses corporelles..

  A026000319 

 En la seconde, l'empeschement est la distraction de [14] l'imaginative par les fantosmes et visions sensibles; le remede est l'attention aux inspirations; le degré, la consideration de Dieu es choses spirituelles..

  A026000320 

 En la troysiesme, l'empeschement est les louanges humaines; le remede est de gouster les divines; le degré est la consideration que l'ame fait de Dieu en elle mesme..

  A026000321 

 En la quatriesme, l'empeschement est la fatigue du cors et partie sensitive; le remede sont les colloques et devis spirituels; le degré est mediter Dieu, non en luy mesme, mais en son Humanité..

  A026000322 

 En la cinquiesme, l'empeschement est des respectz humains; le remede est la solitude; le degré, la consideration de Dieu en luy mesme, mais comme Dieu.

  A026000327 

 Ce luy est un grand empeschement pour apprehender les consolations divines de ne se pouvoir separer ni desfaire des anciennes compaignies, conversations et recreations..

  A026000328 

 Donques l'Espouse, c'est a dire l'arae des-ja en grace, voulant entendre a la vie spirituelle par les baysers de son divin Espoux, qui sont les consolations spirituelles, a une grande peyne a se desprendre du chœur des dames (conversations anciennes) qui luy offrent des vins et parfums, qui sont les playsirs temporelz.

  A026000332 

 Premierement elle considere que les biens et playsirs mondains, aupres des divins ne sont que vanité; secondement, que Dieu est doux et souhaittable en luy mesme; troysiesmement, que plusieurs ames saintes ont frayé le chemin, n'ayant trouvé aucun playsir qu'en Dieu; quatriesmement, elle demande a Dieu qu'il luy oste toutes affections terrestres..

  A026000333 

 Et quant au premier, elle dit: Tes amours sont meilleurs que le vin et plus odorans que les parfums; quant [16] au second: Ton nom est le mesme parfum respandu; pour le troysiesme: Les jeunes filles t'ont aymé; et pour le quatriesme: Tire moy apres toy, nous te suivrons et courrons a l'odeur de tes parfums.

  A026000334 

 Le foyer du peché en la concupiscence y apporte du deschet, mays sans quil luy puisse estre reproché ni imputé a peché: Ne prenes donq pas garde a ce que je suis brune, car mon Soleil m'a voulu ainsy laisser en ceste guerre: le soleil m'a donné le teint que j'ay, et ne m'est pas advenu par ma faute, mais par celle des premiers enfans de la nature humaine, ma mere.

  A026000335 

 Et partant, que la confiance revienne en moy, et que je commence a chercher mon Espoux ou il est plus aysement trouvé, par l'orayson.

  A026000335 

 O vous que mon ame ayme, enseignes moy ou vous paisses et ou vous couches a l'ombre du midy, affin que je ne coure ça et la esgarément aux troupeaux de vos compaignons, c'est a dire, apres les creatures.

  A026000339 

 Elles ne se sont pas faittes elles mesmes; elles ne sont pas sans quelque principe qui les a faittes et qui est leur fin derniere, qui les conserve, qui les garde.

  A026000339 

 Mais qui est ce principe et ceste fin? C'est Dieu; les meres de toutes choses sont les idees qui en sont en moy, en ma puyssance et bonté.

  A026000339 

 Mays les aigneaux, aussi tost que l'huys de la bergerie est ouvert, courent droit a leurs meres; ainsy l'homme, voyant les creatures, monte petit a petit a Dieu: c'est un moyen de me trouver..

  A026000341 

 Il sera tous-jours mon tres cher bausme et mon plus grand thresor: Mon Bienaymé m'est une grappe de bausme cueillie aux vignes d'Engaddi..

  A026000341 

 Sur tout, la nature humaine, en tes premieres meditations, t'y sera prouffitable; tu verras les biens surnaturelz qui sont en elle: comme, qu'elle est l'habitation de Dieu, son throsne et quasi son chariot; dont il luy peut dire: O ma bienaymee, je t'ay fait semblable a ma genisse attelee aux chariotz de Pharaon.

  A026000341 

 Tu verras ces biens accidentelz, comme quoy tout le monde a esté fait pour ton usage, ornement et service: Nous te ferons des bagues d'or qui seront esmaillees d'argent; qui sont des bienfaitz si grans, que l'ame les meditant s'enflamme d'amour et est contrainte de s'escrier: [18] Puisque je ne puis autre chose, au moins t'aymeray je, o mon Espoux, et seray moy mesme ta salle royale, laquelle je parfumeray de nard; c'est a dire, je m'empliray d'amour: Tandis que mon Roy sera en sa salle, mon parfum, qui est composé de nard, embaumera tout ce lieu de la suavité de son odeur; et de plus, je m'uniray tellement avec luy, que je le porteray comme un bouquet dedans mon sein: Mon Bienaymé est le bouquet de mirrhe que je porteray tous-jours entre mes deux mammelles.

  A026000341 

 Tu y verras les biens naturelz, car elle est aussi belle en elle mesme comme si elle avoit tous les omemens du monde: Tes joües sont belles comme si elles estoyent parees de quelques beaux ornemens; ton col est beau comme s'il estoit paré de quelque beau carquan.

  A026000342 

 Et mesme ce monde, nostre habitation: Les chevrons de nos maysons sont de cedres et nos solives sont de cypres; donq, quelle merveille si je suis la fleur du champ et le lys des vallees? Ce qu'advouant l'Espoux, il monstre que plusieurs ames sont bien de contraire condition par la malice de leurs volontés, car elles sont comme des espines: Comme un lys entre les espines, ainsy est ma bienaymee entre les filles..

  A026000342 

 L'ame de son costé, reconnoissant que toute sa lumiere depend de son Soleil, qui est Dieu, confesse que luy seul est beau par essence: O mon Bienaymé, tu es beau et de bonne grace, et tu embellis tellement nostre essence, quand il te plaist, que mesme nostre lict, qui est nostre cors, en est beau: voyla nostre lict fleurissant.

  A026000343 

 Cheres loüanges que l'ame n'accepte ni ne refuse, mays, esprise de son Espoux, retourne a le considerer es mesmes choses sensibles, non plus en meditant pour l'aymer, mais en contemplant pour se res-jouir, le confessant tres haut entre toutes les choses creées: Comme est un pommier entre les arbres des forestz, ainsy est mon Bienaymé entre les enfans des hommes.

  A026000343 

 Dont, ayant trouvé un bien si eminent au dessus de tout autre, elle s'y repose sans en plus rechercher: Je me suis reposee a l'ombre de celuy que je desirois; et en ce repos spirituel se fait le goust de la [19] devotion: et son fruict est doux a mon goust, et si doux qu'il engendre des saintes manies et fureurs en mon ame, comme si elle estoit enyvree d'amour; dont elle s'escrie: Il m'a menee au cellier de son vin, il a desployé sur moy l'estendart de son charitable amour.

  A026000343 

 Mais particulierement avec leur frequente communication, ilz engendrent l'habitude de l'allegresse spirituelle, en laquelle, languissant doucement, elle se sent defaillir et esvanouyr, et pour ce dit elle: Hé, reconfortes moy avec des fleurs, mettes des pommes autour de moy, car c'est d'amour que je languis..

  A026000348 

 Plus un chemin nous est conneu, plus nous le hantons; plus nous y connoissons de gens, et plus volontier aussi nous y cheminons et plus facilement.

  A026000348 

 Pour la consideration de Dieu, nul chemin ne nous est plus battu, conneu et familier que celuy des choses corporelles entre lesquelles nous vivons; nul n'a en soy plus de facilité, mays aussi, nul n'a plus de distractions.

  A026000348 

 Quand je medite Dieu en l'Ange, qui [20] est une chose invisible et qui ne m'est nullement familiere, il n'engendre en moy que peu de fantosmes et distractions; mais si je considere Dieu en l'homme, mon imagination descend de l'universel au particulier, et, sous le nom d'homme, me represente Pierre, Paul, ou chacun d'eux, lhors que nous faisons telle ou telle chose.

  A026000348 

 Si bien que tandis qu'en ce chemin qui nous est si familier nous nous arrestons a toutes les boutiques de nostre connoissance, ou nous arrivons tard a nostre but, ou jamais..

  A026000349 

 De mesme que la multitude des songes ne laisse dormir paysiblement, mays fait presque veiller en dormant, ainsy l'orayson arrivee au sommeil de l'extase, qui est comme son giste, elle peut estre appellee elle mesme sommeil; mays quand elle est interrompue de distractions phantastiques, c'est un sommeil plein de songes.

  A026000349 

 Et lhors, nostre Espoux nous parle et vient a nous, mais non pas pour y demeurer et reposer, ains il vient par sautz et eslancemens: C'est la voix de mon Bienaymé, le voyla qui vient aux montaignes, saillant et traversant les collines.

  A026000349 

 Il semble que tantost il vienne et que tantost il fuye: Mon Bienaymé est semblable a un chevreuil et a un faon de cerf; maintenant il se monstre, maintenant il se cache: Le voyla qui se tient debout derriere nos murs; et bien qu'il semble qu'il se face voir, regardant par les fenestres, neanmoins la vision n'estant ni bien claire ni bien arrestee, l'on peut dire que les fenestres ont des barreaux et qu' il regarde par les treillis..

  A026000353 

 Il se res-jouit de ce que les fleurs de devotion commencent a sortir et pousser: Des-ja les fleurs paroissent en nostre terre; de ce qu'elle a commencé a retrancher les superfluités vicieuses: le tems d'esmonder et nettoyer les arbres est venu; de ce qu'ainsy qu'une tourterelle, elle a fait ouÿr sa plainte et son gemissement avec l'orayson: On a ouÿ la voix de la tourterelle en ceste contree; mays de plus, il se res-jouit de ce que des-ja elle a produit des fleurs de bonnes œuvres et des odeurs de bon exemple: Des-ja le figuier jette son fruict, les vignes sont fleuries et jettent leur bonne odeur. Il l'admoneste, outre ce, de passer plus avant, et, de commençante, qu'elle se face prouffitante, luy redisant: Leve toy, ma bienaymee, ma belle, et t'en viens..

  A026000353 

 Neanmoins, il faut user de remede, qui est de se recueillir souvent et prester l'oreille pour escouter les inspirations: Voyla mon Bienaymé qui m'appelle et me dit: Leve toi, ma bienaymee, ma colombe, ma belle, et t'en viens; la faysant, outre cela, resouvenir de l'innocence en laquelle elle peut pieusement croire estre arrivee, ne se sentant chargee d'aucun peché mortel.

  A026000353 

 O combien estoit [21] triste l'hyver du peché: car des-ja l'hyver est passé, la pluye s'en est allee.

  A026000354 

 Et parce qu'es commencemens il semble a l'ame qu'elle soit entre plusieurs difficultés, comme entre des pierres ou des espines ( Ma colombe, qui est dans les trous de la pierre et an creux de la muraille), pour cette cause il asseure qu'elle ne laisse pourtant de luy estre bien aggreable: Hé, monstre moy ta face, que le son de ta voix vienne a mes oreilles, car ta voix est douce et ta face tres belle..

  A026000355 

 Ce discours est si doux qu'il devroit chasser toutes autres pensees; toutesfois, si ces pensees reviennent, elle dira comme en songeant: Prenes ces petitz renardeaux qui fouillent et gastent les vignes, car nostre vigne est en fleur; et se reunissant avec son objet, elle dira: Mon Bienaymé est a moy et moy a luy; et le priera qu'il revienne a elle tant que le jour dure et jusques a ce que les ombres s'abbaissent: Reviens, mon Bienaymé, et sois semblable a un chevreuil ou a un faon de cerf sur les montaignes de Bether.

  A026000360 

 Au precedent degré il semble qu'on ne trouve pas Dieu, encor qu'on l'ayt trouvé; [22] mais en celuy ci on reconnoist incontinent qu'on l'a trouvé: La nuict, en mon lict (c'est a dire es cors humains, qui sont les lictz des ames), j'ay cherché Celuy que mon ame ayme, et je ne l'ay point trouvé.

  A026000360 

 Cette voye des considerations est moins conneuë, mais aussi moins sujette aux distractions.

  A026000361 

 Mon bonheur a voulu que je me suis souvenu des Anges qui sont comme les sentinelles du monde: Les sentinelles qui gardent la cité m'ont trouvee, et me suis resolue de voir si en eux je trouverois la consideration de Dieu plus fermee: N'aves vous point veu le Bienaymé de mon ame? Au dessus de la nature angelique j'ay trouvé immediatement la divine: Un peu apres les avoir passees j'ay trouvé Celuy que mon ame ayme, et ce, sans distractions sensibles, si bien qu'il semble que je ne le dois jamais perdre: Je le tiens et je ne le lairray point, jusques a ce que j'entre en la gloire celeste, vraye mayson de la nature humaine; ma mere est en sa chambre, c'est a dire au siege des Anges qui m'est preparé.

  A026000362 

 La consideration du premier degré est plus interrompue, celle cy plus stable et plus haute, dont elle produit tous ses effectz avec plus d'excellence, a sçavoir, l'amour plus vif et l'allegresse plus spirituelle.

  A026000366 

 L'ame s'acheminant de degré en degré en la sainte orayson, se rend si resplendissante qu'il est impossible qu'elle ne soit admiree, et que le monde mesme la voyant, au milieu du desert empetré de tant de pechés, cheminer droit, ainsy qu'une colomne de parfum odoriferant qui s'esleve vers le ciel, ne s'escrie: Qui est ceste ci qui marche par le desert ainsy qu'un rayon de parfum, de compositions aromatiques de mirrhe et d'encens et de toutes sortes de poudres a embellir? Or, cest applaudissement est un venin caché et doucereux qui fait bien souvent que les plus saintz et devotz perdent leur justice et leur devotion..

  A026000370 

 Que s'il ne peut si tost arrester ses yeux sur la Divinité, qu'au moins il loüe Jesus Christ homme, nostre vray Salomon, et ce principalement en troys choses: la chair, la Croix, la gloire, disant: Voyes combien est digne sa chair, lict de sa Divinité et de son ame, entouree de plus de soixante vaillans soldatz qui la defendent contre quicomque, de nuit, pourroit luy faire peur; ceste chair, qui n'est inclinee au peché comme la nostre, mais, par l'union hypostatique et par l'empire qu'elle tient sur les Anges, est du tout asseuree et impeccable: Voicy que soixante hommes des plus fortz d'Israël entourent le lict de Salomon, tous tenans des glaives et bien duitz a la guerre, chacun desquelz tient son espee droitte sur sa cuisse pour les craintes de la nuit..

  A026000371 

 Et tout cela, pour les ames de l'Eglise; dont il est dit: orné de charité au milieu pour les filles de Hierusalem.

  A026000371 

 La justice [24] et la misericorde sont les deux colomnes qui soustiennent ceste Croix: Il a fait les colomnes d'argent, l'appuy ou reposoir en est d'or, d'autant que tout s'est fait pour conduire les ames a la gloire, l'appuy d'or; la montee en est de pourpre, car il ne nous conduit a la gloire que par son sang.

  A026000371 

 Quant a la Croix, o qu'elle est sainte! elle est de bois, mais de bois du Liban, c'est a dire incorruptible: Le Roy Salomon s'est fait une litiere du bois du Liban.

  A026000376 

 Or ses parties mistiques sont: les yeux, c'est a dire les intentions qui la meuvent; les cheveux, c'est a dire les affections, amour, hayne, desir et autres, qui, comme les cheveux, ne sont ni bonnes ni mauvaises, sinon entant qu'elles sont employees au bien ou au mal; les dens, c'est a dire les sens qui maschent toutes les viandes qui doivent entrer en l'estomach de l'entendement; les levres et le parler, c'est a dire les pensees qui, en façon de paroles interieures, produisent des discours insensibles; les joües sont les deux puissances raysonnables, qui sont l'entendement et la volonté; le col, la force irascible qui rechasse et repousse les empeschemens; les mammelles sont les deux actions de la concupiscible: suivre le bien, fuyr le mal.

  A026000377 

 Les intentions doivent estre simples, pures et interieures, sans qu'on puisse dire que l'une soit au dehors et l'autre au dedans, et qu'elles soyent louches et diverses: Tes [25] yeux sont de colombe, sans ce qui est caché au dedans..

  A026000379 

 Les sens doivent estre gardés comme en prison, ainsy que les dens sous les levres, ou comme brebis nouvellement lavees; et leurs jumeaux, c'est a dire l'apprehensive et l'appetitive, se doivent tenir rangees et reglees: Tes dens sont comme troupeaux de brebis fraischement tondues qui retournent du lavoir, chacune avec deux jumeaux, et pas une d'elles n'est sterile..

  A026000380 

 Les pensees doivent estre si bien accommodees que toutes les conceptions soyent teintes au sang du Sauveur, et les paroles et discours pleins de douceur et prouffit pour le prochain: Tes levres sont comme une bande de couleur pourprine et ton parler est bien doux..

  A026000381 

 L'entendement et volonté monstreront d'entendre le bien et le vouloir faire; et, comme en une grenade ouverte, tout y sera descouvert, rien n'y paroistra laid et desaggreable; et ces deux puissances seront tous-jours humbles et assujetties: Tes joües sont comme une grenade entamee, sans ce qui est caché au dedans..

  A026000382 

 L'irascible sera si vaillante contre les tentations qu'on pourra dire: Ton col est comme la tour de David, bastie avec des boulevars; mille boucliers sont pendus en icelle et toutes sortes d'armes pour les hommes fortz. Et quant a la concupiscible, elle aura son desir du bien et sa fuite du mal si simples qu'on pourra dire: Tes deux mammelles sont comme deux faons de chevres que l'on fait paistre entre les lys..

  A026000383 

 En fin l'Espoux qui, des son Ascension, est allé a la montaigne de la mirrhe et a la colline de l'encens, au Ciel, a la dextre du Pere, comme il l'avoit predit (Devant que le jour decline et que les ombres s'abbaissent, j'iray a la montaigne de la mirrhe et a la colline de l'encens), il loüera l'ame, disant: Tu es toute belle, o ma bienaymee, et il n'y a pas une petite tache en toy; et l'invitera de passer de la Hierusalem militante a la triomphante, disant: [26] Viens du Liban, mon espouse, viens du Liban, viens, et promettra les couronnes et sieges dont furent chassés les demons: Tu seras couronnee du haut du mont Amana, du coupeau de Sanir et d'Hermon, des sieges des lions, des montaignes des leopars..

  A026000385 

 Les exemples en seront de bonne odeur: L'odeur de tes parfums est par dessus toute composition aromatique; les pensees et paroles seront tres devotes et douces: Tes levres sont un rayon de miel qui distille, ce qui est dessous ta langue est lait et miel; les actions seront tres exemplaires: L'odeur de tes vestemens est comme l'odeur de l'encens..

  A026000386 

 En somme, l'ame est une fontayne de bonnes œuvres qui saillent jusques au ciel avec impetuosité, pareille [27] a celle des eaux qui viennent du Liban: La fontayne des jardins, le puitz des eaux vives, qui fluent impetueusement du Liban..

  A026000386 

 Et quant aux exterieures, il faut qu'elles soyent comme un beau paradis: Ce que tu envoyes et metz dehors est comme un paradis auquel on void toutes vertus: de grenade, des fruictz des pommiers, de bausme avec du nard et saffran, sucre et cannelle et toutes sortes de fruictz des arbres du Liban, mirrile et aloës, avec toutes sortes des plus excellens parfums.

  A026000386 

 Et quant aux interieures, il faut qu'elles soyent serrees en Dieu sans que le monde les voye; c'est pourquoy il dit: Un jardin clos est ma seur, mon espouse, elle est un jardin clos et fermé; elle est une fontayne scellee.

  A026000392 

 Elle voudroit bien advancer, mais la peyne l'espouvante; et si l'Espoux l'appelle derechef, elle se leve pour aller a l'orayson, neanmoins avec resistance de la partie sensitive qui la prive du goust et fait qu'a peyne peut elle penser que Dieu soit avec elle, et, comme il advient a ceux qui sont extremement las, elle dort en veillant: Je dors, mays mon cœur veille. [28] Puys, se tournant vers son Espoux qui heurte a son cœur: C'est la voix de mon Bienaymé qui heurte, et l'excite affin de luy ouvrir et commencer de nouveau son orayson: Ouvre moy, ma seur, ma bienaymee, ma colombe, ma toute belle, et, avec un quatriesme degré d'orayson, medite un peu ma Passion: Tu trouveras que j'ay le Chef plein de la celeste rosee de mon sang, et les cheveux sanglans des nocturnes pointures des espines: Car mon chef est plein de rosee et mes cheveux entortillés sont tout trempés des gouttes des nuictz..

  A026000392 

 L'ame qui arrive jusques a ces degrés passés se trouve bien souvent avec le cors las et travaillee; dont il advient que, si Dieu l'invite a nouvelles considerations et plus hautz degrés, elle est en perplexité.

  A026000393 

 Mais d'autre part, elle sent si grande douleur de n'avoir ouvert au premier coup, qu'elle renverse le vase de la mirrhe, c'est a dire qu'elle s'emplit toute de penitence, en arrousant jusques au verrou, c'est a dire faysant passer sa douleur jusques a la sensualité: Mes mains ont distillé la mirrhe et mes doigtz sont pleins de vraye mirrhe et de la meilleure..

  A026000394 

 Dont, se resouvenant avoir esté tant appellee et tant paresseuse, elle se contriste et consomme [29] de douleur: Mon ame s'est toute fondue des que mon Bienaymé a parlé.

  A026000394 

 Elle passe au second degré, des choses spirituelles et angeliques: Les gardes qui entourent la cité m'ont trouvee; mais quand elle compare leur promptitude avec sa paresse, elle demeure transpercee de douleur: Ilz m'ont battue et navree. Et, qui est le pis, si elle entre au troysiesme degré, a considerer soy mesme en son ordre vers Dieu, elle opere la mesme resistance; dont elle se desplaist a soy mesme, et luy est advis que sa face est trop laide en comparaison de celle des Anges, et que, par maniere de dire, ilz luy ostent tout son lustre: Les gardes des murs m'ont osté mon manteau.

  A026000394 

 Par le moyen de ceste douleur il se fait que, bien que l'ame, au defaut de la partie corporelle et sensitive, ouvre a son Seigneur (J'ay ouvert le verrou de mon huys a mon Bienaymé), neanmoins, a cause de ceste repugnance, elle trouve si peu de goust en l'orayson qu'il luy est advis que Dieu n'est point avec elle: mays il s'estoit destourné et avoit des-ja passé.

  A026000398 

 L'ame donques, degoustee par le travail de l'orayson, doit s'addresser a des personnes spirituelles et les prier de l'ayder a trouver son Espoux: Je vous adjure, o filles de Hierusalem, que si vous trouves mon Bienaymé, vous luy disies que je languis d'amour pour luy; et elles, sçachant la necessité, la mettront sur le discours des qualités de l'Espoux: Quel est vostre Bienaymé, o belle entre les femmes, que, pour luy, vous nous aves si fort adjurees?.

  A026000399 

 Il est Dieu, candeur de la mesme lumiere, mays fait homme pour nous pouvoir racheter au pourpre de son sang: Mon Bienaymé [30] est blanc et rouge; et, entant qu'homme, il est si singulier qu'on le peut connoistre entre mille: choysi de mille.

  A026000399 

 Il est comme une blanche colombe qui a en soy tous les dons du Saint Esprit, representé par les yeux: Ses yeux sont comme des colombes sur les rivages des eaux, que l'on a lavees de laict; le Saint Esprit, appellé en autre façon riviere, non par mesure, mais avec toute plenitude luy est donné: et resident es pleins cours des eaux. Partant, si tu contemples ses exemples, comme les joues pleines, ouvertes et mises a la veüe de tous, aussi odoriferantes que vases pleins de parfums aromatiques, ilz se font sentir de tous costés: Ses joües sont comme parterres de fleurs aromatiques que les parfumeurs mesmes ont plantés.

  A026000399 

 Lhors elle propose Jesus Christ si bien au naturel qu'il n'est pas possible de le mieux representer.

  A026000399 

 Parce que la charité, chef des vertus, se peut dire estre d'or en luy, c'est a dire tres pretieuse: son chef est un or tres pur et tres bon; et les graces et benefices qui, comme cheveux innombrables, en procedent, sont les premiers fruictz des palmes et noires comme corbeaux; ce sont les effectz de la victoire qu'il eut en l'arbre de la Croix, si dignes d'estre admirés, comme le noir en un cheveu: Sa cheveleure est comme branches de palmes hautes et touffues, noire comme un corbeau.

  A026000400 

 Quoy plus? soit au dedans, soit au dehors, cest Espoux est admirable: son cœur est d'ivoyre, enrichi de pierres pretieuses; ses deliberations sont simples, mays prudentes: Son ventre est d'ivoire, semé de saphirs au dehors; ses executions sont fortes, mays avec discretion: Ses cuisses sont colomnes de marbre fondees sur des bases d'or; et, pour finir icy, il est tout tres cher, il est tout tres beau: Sa beauté est comme celle du Liban, son port comme d'un cedre. [31].

  A026000405 

 Elle n'a plus besoin d'autre chose que de s'entretenir avec luy, disant: O Seigneur, quand vous pourray je plaire par ma beauté, douceur, bonne grace, force, innocence, devotion et discretion? Quand sera ce donq que vous me dires: O ma bienaymee, tu es belle, douce et de bonne grace comme Hierusalem, forte comme une armee bien rangee? Des-ja, Seigneur, vous m'aves monstré par mille signes que mes œillades vous ont blessé, c'est a dire que mes intentions ne vous sont pas desplaysantes: Destournes vos yeux de moy, car ilz m'ont fait sortir de moy mesme; que mes cheveux, c'est a dire mes desirs, sont purs et netz: Tes cheveux sont comme un troupeau de chevreaux qui paissent sur le mont de Galaad; que mes sens, ainsy que troupeaux, ont esté fidellement gardés: Tes dens sont comme troupeaux de brebis qui sortent du lavoir, chacune ayant deux petitz, et nulle d'icelles n'est sterile; [32] et que mes forces de la partie concupiscible, desirant le bien et fuyant le mal sans dissimulation, comme deux joües bien colorees, vous sont cheres et aggreables: Tes joües sont comme une grenade entamee, sans ce qui est caché au dedans.

  A026000405 

 Et pour ce, puisqu'elle connoist qu'il a tous-jours esté avec elle et y est encor a present, elle dit: Je suis a mon Bienaymé, et mon Bienaymé est a moy, qui se repaist entre les lys.

  A026000405 

 Et si les personnes avec qui elle est veulent poursuivre et luy disent: Ou est allé vostre Espoux, o la plus belle entre toutes les femmes? ou s'est il destourné? et nous le chercherons avec vous, elle ne veut plus les entretenir; mays, reconnoissant qu'encores que les travaux luy fissent sembler que son Espoux se fust retiré bien loin, neanmoins il ne s'en estoit pas allé, au contraire, il estoit tous-jours demeuré avec elle comme en son jardin ou comme en un cabinet de parfums; et, tirant de la plus grande occasion de inerite, elle peut dire qu'il en a cueilli des lys tres odoriferans: Mon Bienaymé est venu en son jardin, au parterre des fleurs aromatiques, pour repaistre aux jardins et y cueillir des lys.

  A026000405 

 Tandis que l'ame discourt de Dieu en son humanité, les goustz luy reviennent et est contrainte de s'escrier: Helas! sa gorge est tres souëfve et il est tout a fait a desirer; tel est mon Bienaymé, et il est mon tres cher, o filles de Hierusalem.

  A026000406 

 Je voudrois, en ma nature qui est ma mere, avoir quelque rareté et que l'on en dist: Elle est unique a sa mere, elle est choysie a celle qui l'a engendree. Je voudrois que l'on peust encores dire: Voyla celle que les filles ont veuë et ont dit estre tres heureuse; les reynes et les concubines l'ont loüee de son innocence, estant sortie de la nuict du péché.

  A026000406 

 Mais, o Dieu, dit l'ame, des-ja ci devant vous m'aves loüee de presque toutes ces parties; je desirerois maintenant m'advancer et surpasser en devotion beaucoup d'autres ames devotes, ou qui pensent l'estre, et que vous peussies me dire: Il y a soixante reynes et quatre vingt concubines, et des jeunes filles sans nombre, mays ma colombe est toute seule.

  A026000406 

 Qui est celle ci qui marche en devotion, comme fait l'aurore quand elle se leve; belle comme la lune; de prudence et bonne eslection, choysie comme le soleil; et finalement d'invincible force, terrible comme les escadrons d'une armee bien rangee?.

  A026000413 

 Et ce n'est pas asses que la personne spirituelle extenue ce qui est en soy: Que voyes vous en ceste Sulamite, sinon compaignies d'armees? car, ce nonobstant, ceux qui la voyent, la louent de ses pieds et façons de marcher, c'est a dire de l'obeyssance avec laquelle ilz voyent que ceste ame garde les commandemens de Dieu: Que tes pas sont beaux en leur chausseure, o fille de prince! de sa chasteté spirituelle, qui fait reconnoistre que Dieu y coopere: Les jointures de tes cuisses sont comme joyaux mis en œuvre de la main d'un bon ouvrier; d'une riche pauvreté, qui n'a jamais besoin d'aucune chose: Ton nombril est comme un hanap rond, qui n'a jamais besoin de breuvages; des jeusnes qui, remplissans le ventre de pain seulement, couronnent l'ame de beaux et riches lys: Ton ventre est comme un monceau de froment environné de lys; de l'estude des deux Testamens: Tes deux mammelles sont comme deux faons jumeaux d'une chevre; de la force: Ton col est comme une tour d'ivoyre; de la prudence: Tes yeux sont comme les piscines d'Hesebon qui sont a la porte de la fille de la multitude; d'une justice exacte: Ton nez est comme la tour du Liban qui regarde vers Damas; de la maistrise des affections et conformité a la volonté de Dieu, conneüe par les canaux de la revelation: Ton chef est comme le mont Carmel, et tes tresses [34] comme pourpre royale qui n'est pas encor tiree de la teinture..

  A026000414 

 Bref, ceste ame est la butte des langues qui luy disent, la loüant: Que tu es belle, que tu es de bonne grace, tres chere, en delices.

  A026000414 

 Les necessiteux, ou d'esprit ou de cors, disent: Je monteray sur le palmier et prendray de ses fruictz, et tes mammelles seront comme grappes de raysins; et pour ses bons exemples on luy dit: L'odeur de ta bouche est comme celle des pommes; pour les bonnes paroles: Helas! dit on, ta gorge est comme un vin tres bon a boire, digne de mon Espoux, et d'estre savouré de ses levres et de ses dens.

  A026000414 

 Mais elle, croissant tous-jours en charité et faisant fruictz parmy le prochain, elle est comme la palme et la vigne: Ta stature et ton port est comme d'une palme, et tes mammelles sont pleines comme grappes de raysins.

  A026000418 

 O qu'il est donq bon de se retirer en la solitude ou l'ame peut dire: Moy a mon Bienaymé, et son regard est dessus moy; viens, mon Bienaymé, sortons aux chams, demeurons au village.

  A026000419 

 Premierement, on se resveille mieux a l'examen de la conscience: Levons nous du matin pour aller aux vignes; voyons si la vigne est fleurie, si les fleurs porteront du fruict, si les grenades sont fleuries; secondement, on y fait une plus entiere resignation de la faculté concupiscible et de ses desirs: La, je te donneray mes mammelles; tiercement, la devotion croist: Les mandragores ont rendu leur odeur; quatriesmement, on y presente plus humblement a Dieu nos petitz merites passés et presens: J'ay serré pour toy, o mon Bienaymé, au dedans de nos portes, toutes sortes de fruictz, vieux et nouveaux.

  A026000424 

 Mays entre les fruictz de la solitude, cestuy ci est eminent, qu'on y peut considerer plus aysement Dieu comme Dieu: ce qui fait user a l'Espouse de ces deux paroles, seul et hors; c'est a dire, hors de toute creature: Qui te donnera a moy, mon frere, sucçant les mammelles de ma mere, et que je te trouve dehors, tout seul? Consideration qui fait saintement affoler les hommes, les fait danser devant l'Arche; d'ou vient que jusques a ce que l'ame soit arrivee a l'affection du mespris de soy mesme, elle a tous-jours quelque honte: c'est pourquoy elle desire la solitude, affin, dit elle, que je le bayse sans que personne nous voye..

  A026000425 

 Consideration qui est un arrhe de la jouissance du Ciel, dont il est advis a l'ame qu'elle y soit des-ja, disant: Je te prendray, je te verray face a face.

  A026000425 

 O Dieu, quand nous serons en la vraye mayson et en la vraye chambre de la nature humaine, qui est au Ciel, quand je te meneray en la mayson de ma mere et en la chambre de celle qui m'a engendré, la je verray tout ce qui appartient a mon bonheur comme en un miroüer; la tu m'enseigneras, et quand tu auras tiré de moy, pour ma felicité, le vin de la vigne et le moust des grenades, la gloire essentielle et accidentelle (et je te donneray d'un breuvage de vin composé, et du moust de mes grenades), et voyla les goustz qui arriveront, voyla les extases, voyla les sommeilz des puyssances; de façon que l'Espouse sacree demande des oreillers pour dormir: qu'il mette sa main gauche dessous ma teste, et qu'il m'embrasse de sa main droitte. L'Espoux aussi, de son costé, tasche de faire qu'elle ne soit point esveillee: Je vous adjure, filles de Hierusalem, que vous n'esveillies ni facies esveiller ma bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A026000428 

 En fin, l'ame est parvenue a une si grande perfection de devotion que nul playsir du monde ne l'esmeut, nul fantosme ne la destourne, nulle louange ne l'affoiblit, nul travail ne la fait craindre, nul respect humain ne la retient; mais, a la veüe de tout le monde, elle caresse librement son Espoux et danse devant l'Arche, ne se souciant pas que la sagesse du monde, apres luy avoir dit: Qui est celle ci qui monte du desert, affluente en delices? la suive encor pour la reprendre de ce qu'elle se tient appuyee sur son Bienaymé.

  A026000429 

 L'ame ne trouvera plus aucune difficulté aux travaux, car rien n'est difficile a l'amour qu'elle a gravé profondement en son cœur, et mesme es actions exterieures: Metz moy comme un cachet sur ton cœur et comme un sceau sur ton bras; si bien que l'amour combat la mort: L'amour est fort comme la mort; l'enfer ne la peut espouvanter: La jalousie est dure comme l'enfer.

  A026000429 

 Rien ne luy est comparable: Si un homme vouloit donner toute la substance de sa mayson pour la dilection, il n'en feroit cas nomplus que de rien..

  A026000430 

 Quant aux louanges qui luy sont donnees, l'ame ne s'en soucie point, pour ce qu'elle dit dedans soy: Quelles sont ces ames impàrfaittes qui, n'ayans aucun bien propre, [37] veulent s'embellir de parures externes? Mes petites seurs, c'est a dire les ames imparfaittes, sont celles qui doivent penser a cela, car elles n'ont point de mammelles d'elles mesmes, de propres vertus et merites: Nostre petite seur n'a point de mammelles; que ferons nous a nostre petite seur au jour qu'il faudra parler a elle? En elles, on peut suppleer le defaut avec louanges estrangeres, tout ainsy que si on couvroit d'argent un mur crevé et corrompu, et de cedre un huys qui seroit pourry: Si c'est un mur, bastissons dessus des boulevars d'argent; si c'est un huys, renforçons le d'ais de cedre; mays, moy bien heureuse, dit l'ame, je me soucie fort peu de plaire aux hommes, mon Espoux m'ayant faitte comme un mur tel et comme une tour telle, que je suis fort playsante et aggreable: Je suis un mur, et mes mammelles comme une tour, dont je suis faitte, trouvant repos et paix devant luy..

  A026000431 

 Au reste, nul soin d'elle mesme ne la peut destourner: peu de chose, dit l'ame, est necessaire a qui veut vivre en la paix de Nostre Seigneur et avec modestie; mille pieces d'argent ou quelque autre grand prix est chose de trop petite valeur: L'homme qui a la paix en soy a une vigne en laquelle sont des peupliers; il l'a baillee a des gardes, et on luy rend pour les fruictz d'icelle mille pieces d'argent.

  A026000431 

 Et moy, dit l'ame, je n'ay point affaire de tant de choses: Ma vigne est devant moy autant que mille pacifiques; au contraire, je veux encor donner deux cens pour aumosne a ces pauvres, qui, avec leurs oraysons, nous gardent nos biens: et deux cens a ceux qui gardent les fruictz d'icelle; au reste, estant abstraitte de toutes les choses sensibles, je ne veux que pas une d'elles puisse me distraire ou me troubler..

  A026000432 

 En laquelle derniere protestation et resignation parfaitte de l'ame en Dieu consiste la fin de l'orayson mentale et le plus haut degré de la spiritualité, qui est cette grande union de l'ame avec Dieu par devotion..

  A026000432 

 Non plus, le monde ni ses playsirs, non plus aucune chose mortelle; o Dieu, mon Dieu, vous seul estes mon Bienaymé, vous seul estes tout mon bien, c'est vous seul que je cherche: Fuys, c'est a dire viens, mais accours legerement, mon Bienaymé, et sois semblable a un chevreuil ou a un faon de cerf sur les mons des bonnes senteurs.

  A026000450 

 44-46, avec le chapitre VIII du Livre XI: on verra que ce fragment est un brouillon des pp.

  A026000450 

 Et plus loin (p. 58) il dit: « Elle » — la dévotion — « nous fait particulierement faire la sainte offrande, donation et dedicace de nous mesme a la divine Majesté, que nous avons ci dessus marquee; » évidemment, il entend renvoyer au morceau qui se lit au tome V de notre Edition, p. 486, et qui est de nouveau donné ici, p. 44..

  A026000450 

 Mais aujourd'hui, après nouvel examen, nous croyons devoir publier en entier ce qui nous est parvenu du Manuscrit sur les Vertus, et répéter pour cela les deux fragments que nous venons de signaler, d'autant plus que le Saint y fait plusieurs allusions.

  A026000451 

 Il est dû à M. Jules Gossin, vice-président en 1824 du tribunal de première instance de la Seine, ensuite conseiller à la cour royale de Paris, et rentré au barreau depuis la révolution de 1830..

  A026000458 

 278, 422): le présent travail n'est donc pas antérieur.

  A026000458 

 291-321; ce qui persuade que cet écrit sur les Vertus est de la même époque..

  A026000458 

 La date de 1614 assignée à cet écrit est certaine.

  A026000465 

 de sorte que mesme ce n'est pas chose resolüe si l'amitié est vertu, bien que je le croye, quand elle est un peu bien formee et que sa communication est honneste..

  A026000466 

 Ces oraysons jaculatoires peuvent servir a cela: Hé, Seigneur, je suis vostre; Mon Ami est mien, et moy je suis sienne; Ma vie c'est Jesus Christ; O Seigneur, ou que je ne face rien, ou que tout soit a vostre gloire; et, Gloria Patri et Filio; Non nobis Domine, non nobis.

  A026000466 

 Puis, dire qu'il faut donques faire cet exercice tous les ans, la protestation tous les moys, l'exercice du matin tous les jours, et parmi la journee plusieurs eslancemens de cœur et plusieurs oraysons jaculatoires, par lesquelles le feu de la charité s'enflamme de plus en plus et brusle comm'en holocauste toutes nos actions a la gloire de Dieu; et s'accoustumer a faire toutes choses au nom de Dieu, comme est de travailler pour Dieu, saluer pour Dieu, aymer pour Dieu, servir pour Dieu, estant impossible qu'une personne fort affectionnee a Nostre Seigneur ne puisse dire en verité, que comme sa personne est a Dieu, aussi sont toutes ses actions: les pecheurs le disent aussi, mays ilz mentent, ou les affectionnés disent la verité.

  A026000470 

 En ce second paradis mystique, Dieu a fait sourdre et jaillir le fleuve de la rayson et lumiere naturelle, de laquelle il est dit: La lumiere de vostre visage est marquee sur nous; et ce fleuve que Dieu fait sourdre pour arrouser tout l'homme en toutes ses facultés et exercices se divise en quatre chefs, selon les quatre parties ou regions de nostre ame, qui produisent les actions humaines et libres.

  A026000470 

 Or l'homme, sans doute, est le paradis du Paradis mesme, puisque le Paradis terrestre n'estoit fait que pour estre le sejour de l'homme, comme l'homme a esté fait pour estre le sejour de Dieu.

  A026000470 

 de] la justice, qui regne principalement en la volonté, puis qu'elle n'est autre chose qu'une perpetuelle et constante volonté de rendre a chacun ce qui luy est deü; le 3.

  A026000470 

 fleuve est celuy de la temperance, qui gouverne l'appetit de convoitise; le 4.

  A026000472 

 Et d'autant que ces vertus qui fluent de la charité comme de leur source sont superieures aux quatre vertus cardinales, si elles les rencontrent en quelqu'ame elles les reduysent a l'obeissance de la charité, se meslent avec elles et les perfectionnent, comme le vin perfectionne l'eau avec laquelle il se mesle. Que si elles ne treuvent point de vertus naturelles en l'ame ou la charité les produit, elles suppleent a leur defaut; y ayant cette difference entre le meslange du vin et de l'eau et celuy des vertus infuses et acquises, que le vin seul est meilleur que l'eau, ou les vertus infuses estans seules, ne sont pas si bonnes comme quand elles sont meslees avec les acquises, la grace ne destruisant point la nature, ains la perfectionnant sans qu'elle perde rien de sa force.

  A026000474 

 Or, la prudence a troys degrés: le premier est l' eubulie, l'habilité de treuver des bons advis et conseilz es affaires; le 2.

  A026000479 

 (La proposition est notable: l'amour fait juger.) Le peintre Androcides le tesmoigna ayant a peindre les fameux escueilz de Sylle et Caribde; car il employa tout son art a representer au naturel, apres le vif, les poissons autour de ces bancz, par ce quil en estoit fort friand, et le reste il le peignit fort grossierement.

  A026000479 

 Ainsy, quand nous sommes passionnés, nous employons toute nostr'industrie en faveur de nostre passion, et par ce moyen la prudence est convertie en ruse, finesse et tromperie..

  A026000479 

 Que si c'est l'amour de charité, il nous fait juger en faveur du vray bien; c'est pourquoy il employe saintement la prudence et la gouverne.

  A026000482 

 Et parce que la plupart des hommes estime ces biens la des vrays biens, et que par iceux on est rendu honnorable aux yeux des enfans [47] du monde, on donne aussi le nom de prudens et de vertueux a ceux qui sont prudens selon la chair.

  A026000482 

 Il y a des vices semblables aux vertus, dit saint Augustin; comme l'affeterie et malice est semblable a la prudence, encor qu'elle soit un vice.

  A026000482 

 Or, les degrés de la prudence de la chair sont: l'astuce, qui n'est autre chose qu'une habileté pour faire, imperceptiblement et par des moyens inconneus ou conneus, reuscir les mauvais desseins (Ne cheminans pas en astuce, dit le saint Apostre, II Cor., IV, apres qu'il avoit dit: Ayant rejette les cachettes de honte, c'est a dire honteuses, parce que l'astuce use de certaines cachettes et secrettes menees, lesquelles estans descouvertes sont honteuses a ceux qui les employent, leur ostent tout credit et authorité); le dol ou tromperie, qui est l'effect et execution de l'astuce, [et] s'appelle fraude quand il est commis par voye d'oeuvre; l'empressement apres les biens mondains et la sollicitude des moyens de vivre a l'advenir..

  A026000483 

 Ces prudences sont maintefois emmi les cœurs religieux, comme Pline dit que vers les Indes, au royaume de Suzerat, il y a une herbe d'odeur pretieuse, qui neanmoins est toute couverte de petitz serpentaux et extremement veneneux; car vous verres, Philothee, maintes personnes religieuses et devotes qui ont une prudence extremement active et soigneuse pour les proces, pour les honneurs, pour les rangs, pour amasser et, en somme, sous pretexte de certains devoirs imaginaires, de certain zele sophistiqué et de certaine charité artificieuse..

  A026000483 

 Et il ne se peut dire, ma chere Philothee, combien cette prudence de la chair est subtile, combien d'inventions elle a pour se fourrer dans les cœurs des mortelz, combien de pretextes et de moyens.

  A026000484 

 Or vous connoistres si la prudence est prudence de la chair, en ce qu'elle eschauffe et donne des ardeurs cuysantes [48] et pressantes: ainsy, les serpenteaux qui piquoyent les Israelites es desertz, estoyent des serpens enflammés, c'est a dire desquelz les piqueures donnoyent des inflammations mortelles a ceux qui en estoyent blessés. Mays la prudence de l'amour sacré est douce, tranquille, et tellement meslee de simplicité qu'il n'y a rien en elle d'empressé ni d'affecté; et en somme, qui veut guerir de toutes les ardeurs du soin, de la sollicitude immoderee et de la precipitation, il faut regarder l'image du serpent eslevé au desert, c'est a dire Nostre Seigneur, qui n'est pas pecheur, mays qui porte l'image du pecheur, sur la croix, et estre prudent de sa divine prudence..

  A026000485 

 L'amour employe la prudence, mays il la tempere tellement, qu'il ne veut point qu'elle le distraye ni divertisse, parce qu'il ne veut estre prudent que pour mieux aymer, et parce que l'amour divin n'est pas comme l'amour humain.

  A026000485 

 Mais l'amour divin sçachant que pour obtenir ce qu'il ayme, le principal moyen est d'aymer, il s'amuse simplement a bien aymer, sçachant que c'est toute sa finesse, avec laquelle il doit gaigner son object: c'est pourquoy il est simple et sage; comme vous voyes Magdeleyne, [49] laquelle, avec cette unique attention au Sauveur, fait mieux ses besoignes que sainte Marthe avec son empressement.

  A026000486 

 Il est vray qu'en ce que les philothees sont philanthropes et qu'il faut qu'ilz servent les hommes, ilz ont besoin d'une sainte prudence, mays prudence que l'amour leur suggere admirablement.

  A026000487 

 Que si la vertu, dit il, nous conduit a la vie bienheureuse, j'asseureray que la vertu n'est nullement autre chose sinon le souverain amour de Dieu; car « ce qu'on dit que la vertu est divisee en quatre, on le dit, ce me semble, a rayson des diverses affections qui proviennent de l'amour: dont je ne feray nul doute de definir en cette sorte ces quatre vertus (desquelles comme les noms sont en la bouche d'un chacun, ainsy pleut a Dieu que l'efficace fut es espritz!), de maniere que la temperance soit l'amour qui se donne tout entier a Dieu; la force, un amour qui supporte volontier toutes choses pour Dieu; la justice, un amour servant a Dieu seul, et pour cela commandant droitement a tout ce qui est sujet a l'homme; la prudence, un amour qui choysit ce qui luy est profitable pour s'unir avec Dieu, et rejette ce qui est nuysible.

  A026000488 

 Certes, Isaie voulant exalter l'admirable prudence de Nostre Seigneur, il ne la colloque pas tant en la connoissance des yeux comm'en celle du goust: Il mangera, dit il, le beurre et le miel, en sorte quil sache repreuver le mal et choysir le bien. En quoy, Philothee, vous voyes quil y a deux prudences, selon deux connoissances: une prudence qui consiste en une science, ou [connaissance] par science, discours et sçavoir; l'autre, qui est une connoissance par goust, experience et savourement.

  A026000488 

 Et certes, Philothee, bien que la prudence soit une vertu qui guide et qui, par consequent, tient entre les actions des vertus le lieu que la lumiere corporelle [tient] entre les oeuvres artificielles, en sorte que comme ceux qui travaillent sans lumiere sont sujetz a mille fautes, comme ceux qui veulent exercer les vertus sans la sainte discretion font des pechés et des grandes nullités (comme le grand saint Anthoyne declara en la conference quil eut avec ses autres Peres du desert, ainsy que raconte Cassian, qui dit que la prudence selon l'Evangile estoit l'œil et la lampe de tout le cors ); si est ce neanmoins, Philothee, que nul n'est estimé prudent pour sçavoir ce qu'il faut eviter et choysir, sil n'est diligent a le bien executer.

  A026000488 

 Et par ce que nous savourons par la volonté et l'amour, saint Augustin a eu rayson de dire que la prudence chrestienne n'estoit autre chose sinon un amour discernant le bien d'avec le mal; comme sil eut dit, par les paroles du Prophete, que la prudence estoit une manducation amoureuse ou un savourement du beurre et miel spirituel, c'est a dire des suavités divines, par le moyen duquel on sçait rejetter et repreuver le mal et eslire le bien convenable a s'unir a Dieu..

  A026000488 

 Si que, encor que l'arbre de la prudence ayt ses racines en l'entendement, il a neanmoins ses fleurs et ses fruitz de la volonté, mesme [51] selon les philosophes, qui pour cela tesmoignent que nul ne peut estre prudent sil n'est bon.

  A026000489 

 Aussi vous voyes les enfans de Dieu si sages, et neanmoins si simples, que c'est merveilles..

  A026000490 

 Ainsy les lievres, les renars et les cerfs, race couarde entre les animaux, ont une prudence si diverse et des ruses en si grand nombre que c'est merveilles; le lion, au contraire, l'elephant, le thoreau vont droit et sans finesse, et leur prudence consiste en leur vaillance et vertu.

  A026000490 

 Les enfans de Dieu sont comme cela: leur sagesse est toute simple, ronde, franche, car l'amour qui les gouverne ayant reduit toutes choses a son obeissance les fait marcher selon luy; et, comme dit saint Hierosme, Nostre Seigneur veut que nous soyons prudens non pas pour l'offensive, mais pour la defense: prudens comme le serpent, pour n'estre point deceuz; simples comme la colombe, pour ne point tromper personne..

  A026000491 

 La prudence amoureuse est humble, obeissante et qui se laisse conduire.

  A026000491 

 Ne t'appuye point sur ta propre prudence, dit le Sage; et les Anciens ont dit que le plus heureux estoit celuy qui de soy est sage; lautre apres, celuy qui escoute et croid le sage..

  A026000492 

 La prudence amoureuse se confie tout en Dieu, elle le prie; elle fait fidelement ce qui est requis, par fidelité, mais elle attend l'issue bonne de son Amant; elle cherche le Royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste luy est adjousté. Aussi saint Paul desire que les Philippiens soyent simples, c'est a dire ronds, francz et sinceres, comme sont les vrays enfans de Dieu, et loüe les Macedoniens dequoy leur profonde et tres haute pauvreté avoit abondé es richesses de leur simplicité, c'est a dire de leur confiance en Dieu, qui leur ostoit toute apprehension [53] de s'appauvrir trop en donnant leurs moyens, eux estans des-ja asses pauvres.

  A026000494 

 La simplicité est contraire aux artifices, duplicités, compositions de divers genres..

  A026000495 

 En somme, ou la prudence est amour, ou elle depend de l'amour et est servente de l'amour qui la fait marcher devant la trouppe de toutes les vertus; comme nostre Seigneur, qui estoit assis sur le propitiatoire, c'est a dire sa majestueuse presence, faysoit marcher la colomne de nuee et de feu devant le peuple d'Israel comm'une guide, ainsy que nous voyons les grans faire porter les flambeaux devant a (sic) eux a leurs pages, pour servir de guide a leurs pas et de ceux qui les suivent, et le phanal aux navires..

  A026000498 

 Car l'amour est sur toutes choses; desirant complaire a la chose aymee, luy rend premierement tout devoir, et non seulement tout devoir, mais tout ce dont il se peut aviser devoir ou pouvoir estre aggreable a celuy quil ayme.

  A026000498 

 De sorte que la charité n'est autre chose qu'une justice surabondante, car apres que l'amour a fait rendre a chacun ce quil luy doit, il passe plus outre et donne plus quil ne doit selon la rigueur de la justice; et fait comme son Maistre, qui ne se contente pas de donner la bonne mesure des recompenses, mais la donne bien comble, bien pressee et sureffluente..

  A026000498 

 Le second fleuve qui procede de la charité, c'est la justice, laquelle, comme dit saint Augustin, n'est autre chose qu' « un amour servant a Dieu seul, et pour cela dominant droittement a tout ce qui est sujet a l'homme.

  A026000498 

 Mays au l. 19 de la Cité, chap. 21, il declare plus amplement que c'est que la justice, disant que c'est une « vertu qui rend a chacun son droit, » c'est a dire ce qui luy appartient et luy est deu: si que, parlant chrestiennement et joignant les deux passages de saint Augustin en une seule intention, nous pouvons dire que la justice n'est autre chose que l'amour de Dieu entant que par iceluy nous avons une constante et perpetuelle volonté de rendre a chascun ce qui luy appartient.

  A026000498 

 » Ou il faut noter quil parle de la justice legale ou dominante, qui est es Princes et Roys, lesquelz doivent servir a Dieu seul, et pour le service de Dieu, « dominant droittement » sur les peuples par des loix equitables, par la distribution raysonnable et bien proportionnee des estatz et offices, par l'administration de la correction et vangeance des [54] fautes et crimes qui se commettent en la republique.

  A026000499 

 Et pour acela [55] nous employons premierement deux actes, l'un de l'entendement et lautre de la volonté; car en l'entendement nous faysons ceste connoissance que le grand saint Augustin demandoit si ardemment: Noverim te, noverim me; et le grand saint François: Quis es tu, et quid sum ego? et sur cette connoissance nous establissons l'acte de la volonté, qui s'appelle reconnoissance, c'est a dire la protestation de l'excellente superiorité infinie de Dieu sur nous et de l'infinie dependence que nous avons de Dieu.

  A026000500 

 C'est cette crainte chaste et sainte qui persevere es siecles des siecles; car si bien les saintz ne craignent pas d'offencer Dieu, car ilz sont asseurés de vivre a jamais en sa bienveuillance, si est ce que l'inestimable estime quilz font de l'excellence divine fait qu'ilz reverent sa divine Majesté, et ont un'aggreable et amoureuse apprehension de sa grandeur, qui les tient en une continuell'attention soigneuse et leur donne un soin perpetuellement attentif a bien exalter la divine Bonté: qui est la crainte dont il est dit que « les puissances tremblent » devant sa Majesté, c'est a dire, elles ont un soin de l'honnorer et l'estiment avec tant d'admiration et de vive attention comme si elles craignoyent de mesprendre; car, autant que sa bonté les asseure que jamais ilz ne manqueront, sa majesté les provoque a l'attention et au soin et reverence.

  A026000500 

 Car c'est elle qui fit prendre le soin a saint Abel de prendre le meilleur de ses trouppeaux pour offrir a Dieu, comme la nonchallance contraire fit que Cain choysit le moindre; [56] c'est elle qui fit tumber en terre Daniel et les autres Prophetes a moytié mors devant la majesté de Dieu; c'est elle qui fait qu'emmi les tressaillement et plus grandes consolations nous tremblons et craignons d'estre devant une si grande majesté; c'est elle qui fait que les Seraphins mesme voylent leurs yeux et leurs pieds, comm'indignes de regarder Dieu et de s'arrester pres de luy; c'est elle qui fait dire a David: Te decet hymnus silentium in Syon, car la grand'estime de la perfection divine fait qu'on n'ose pas en parler, crainte d'en parler peu convenablement.

  A026000500 

 Et cette sainte affection se respand generalement en toutes les œuvres de religion, et est contraire a la negligence et peu d'estime des choses divines, et au manquement d'attention de la veneration que nous devons apporter de la grandeur de l'excellence que nous servons et honnorons.

  A026000500 

 La reverence, qui est un des actes procedans de la religion, et n'est autre chose qu'une certaine vive apprehension et juste crainte de ne se pas bien comporter, et manquer d'honneur et de respect envers Dieu et les choses divines; et de cett'apprehension procede un soin particulier de rendre le plus exactement quil se peut toute sorte de tesmoignage de l'estime que nous faysons de la majesté et eminence de Dieu et de nostre vileté et bassesse, et de la disproportion quil y a entre nous et Dieu.

  A026000502 

 Et par ce que ceux qui sont animés de cette tant desirable vertu se dedient et consacrent, donnent et addonnent totalement au service de Dieu et a tout ce qui le regarde, elle nous fait particulierement faire la sainte offrande, donation et dedicace de nous mesme a la divine Majesté, que nous avons ci dessus marquee, par laquelle nous sommes rendus voués, dediés, consacrés a Dieu, et comme specialement Religieux, que, au commencement de l'Eglise, on appelloit moynes, c'est a dire uns ou unis, a cause de la speciale union avec Dieu a laquelle ilz se dedioyent, ou de l'unité de leur intention et profession qui n'estoit que du seul service de Dieu; et, comme parle le grand saint Denys, a rayson de leur vie une et simple, non distraitte ni divisee, ains toute ramassee et recueillie, pour estre toute destinee [58] a la perfection de l'unique amour de Dieu.

  A026000502 

 La devotion en matiere de religion n'est autre chose qu'une ardeur et ferveur d'esprit qui nous rend promps a faire tout ce qui regarde le service et lhonneur de Dieu; vertu toute pareille a la devotion en matiere de charité, dont nous avons parlé au commencement de l' Introduction, car comme l'une est un'excellente charité, l'autre [est] un'excellente affection de religion.

  A026000504 

 Or est il vray que tous les vœux, autant les simples que les solemnelz, ceux qui se font en la profession reguliere et ceux qui se font hors d'icelle, obligent egalement devant Dieu, sans qu'il y ait nulle difference; en sorte que qui viole les vœux simples il est autant perfide et sacrilege, a rayson du vœu, comme celuy qui viole les vœux solemnelz. Mais pourtant, ceux qui violent les vœux solemnelz, ou simples, mais de Religion, pechent plus griefvement que les autres, a rayson du scandale qui s'en ensuit, [qui] est plus grand: outre que, par l'establissement du droit, ilz peuvent estre apprehendés et chastiés, ne pouvans ni contracter legitimement ni rien acquerir entre les hommes, tandis quilz sont dans les liens du vœu; la ou ceux qui ont fait les vœux purement simples ne sont pas rendus inhabiles a contracter et acquerir entre les hommes, quoy que devant Dieu et en conscience ilz soyent autant perfides en ce faysant que les autres..

  A026000506 

 Et quant aux autres personnes qui ne sont liees que par les simples oblations (qui est un lien de reverence, respect et verité; car c'est un'irreverence de ne point observer ce que l'on a protesté, quoy que non voué de faire, devant un si grand Roy et pour son service, bien que ce ne soit pas contre la fidelité, n'y ayant eu aucune promesse), elles ne sont pas appellees Religieuses si absolument, ains seulement devotes et dediees a Dieu.

  A026000508 

 Car je vous prie, Philothee, si je demande en justice l'argent que j'ay preste a mon voysin, est ce une priere et orayson? Non certes, ains une demande rigoureuse.

  A026000508 

 L' orayson, certes, ou la priere n'est autre chose, a proprement parler, qu'une demande faite a Dieu de ce que nous praetendons obtenir de luy.

  A026000508 

 Mays je demande a un homme qui ne me doit rien, ni service ni chose quelconque, quil me donne de l'argent, quil me preste son [61] cheval, ou quil me donn'a manger ou a boire, a cett'heure-la je ne puis user d'autre sorte de demande que de celle de la priere; et si c'est une personne qui soit relevee au dessus de moy en quelque eminente qualité, je ne prie pas seulement, mais adjoustant avec l'humilité la reverence, je supplie..

  A026000508 

 Si un seigneur demande son manteau, son chapeau, son espee, ou du vin a son valet, est ce une priere? Nullement, mais une demande par authorité.

  A026000509 

 Or, Dieu ne nous doit rien, Philothee, a tous tant que nous sommes, pour nostre regard et pour nostre consideration; car, qu'avons nous pour l'obliger de quoy il ne nous ayt premierement obligés? Nous ne luy sçaurions jamais rien donner, car si nous luy presentons quelque chose, l'ayant premierement receue de luy, c'est rendre, non pas donner; c'est payer, non pas obliger; nous ne l'obligeons pas, mais nous nous acquitons de la dette.

  A026000510 

 Ce n'est pas, Philothee, que Nostre Seigneur ne se soit constitué debteur envers nous des recompenses immortelles, si nous observons ses commandemens, et quil ne die souvent que non seulement il nous les donnera, mais quil les nous rendra: Mon Pere, dit il a celuy qui priera en son nom, te le rendra; et l'Apostre, parlant de la coronne de gloire: laquelle, dit il, en ce jour la advenir le juste Juge me rendra.

  A026000510 

 Or, despuis neanmoins quil s'y est obligé par misericorde, il le fait par justice; dont il dit quil rendra, par ce que s'estant engagé de parole il est constitué debteur de justice, comme par ce qul ne s'est engagé que par misericorde il est donateur de liberalité: il donne, par ce quil ne s'est pas obligé par justice, ains liberalement et de grace; il rend pourtant, par ce quil doit, et il doit par ce quil s'est obligé..

  A026000510 

 Ouy, en verité, Philothee, nos bonnes œuvres faites en la grace de Dieu meritent recompense, et Nostre Seigneur s'oblige de la rendre, comme toute l'Escriture tesmoigne; mays ce n'a pas esté par [62] droit de justice que Nostre Seigneur s'est obligé de nous rendre recompense, ça esté par pure misericorde, selon la grandeur de laquelle il nous a voulu sauver.

  A026000511 

 C'est pourquoy, demandons au Pere eternel quelque chose au nom de Nostre Seigneur, nous la demandons par justice et par grace tout ensemble: en justice, entant que c'est au nom de Nostre Seigneur; en grace, entant que c'est pour nous, qui de nous mesme en sommes grandement indignes.

  A026000511 

 Il nous a merité la grace et tout ce qui est necessaire pour nous acheminer a la grace, pour cheminer en la grace et pour obtenir, par sa grace, la grace consommee et parfaite, qui est la gloire et vie eternelle.

  A026000511 

 Imagines vous, Philothee, le petit Thobie qui demande le payement a Raguel pour son pere, et voyes comme il est payé favorablement par ce quil ressembloit son pere; car il en est de mesme: nous demandons au Pere ce quil doit a son Filz, auquel si nous sommes rendus semblables par une sainte charité, mon Dieu que de graces! Or il doit a son Filz selon mesme toute la rigueur de justice, ainsi que nos sçavans theologiens enseignent, tout ce quil a merité pour nous: or il a merité pour nous que nous puissions meriter, si que le pouvoir que nous avons de meriter est un rejetton du merite de Nostre Seigneur.

  A026000511 

 Mays outre cela, il ne nous considere pas en nous mesme, ains en Nostre Seigneur son Filz, sur lequel nous sommes entés comme des greffes sur un noble tige; et partant, en qualité de membres d'un tel chef, au nom duquel nous demandons toutes choses, il nous rend ce qui luy est deu.

  A026000512 

 C'est pourquoy il est appellé advocat, car les advocatz, a proprement parler, ne font des requisitions qu'en vertu du droit des parties, et implore la justice et l'equité, non la misericorde ni la grace; et en cette qualité d'advocat il montre les tiltres et les droitz pour lesquelz les graces luy sont deües, qui ne sont autres choses que ses playes, tiltre pour lequel le Pere eternel est obligé de favoriser tous ceux qui obeissent a son Filz.

  A026000512 

 En quoy les uns et les autres ont eu rayson: car il demande sans doute a son Pere les benedictions que nous recevons, et sa demande n'est pas priere quant a ce quil demande, car ce quil demande luy est deu par justice; mais elle ressemble pourtant a la priere, par ce qu'il ne demande [64] pas avec moins de reverence, d'humilité et de sousmission que si ce qu'il demande ne luy estoit pas deu..

  A026000512 

 Or, par ce que ses demandes sont fondees en droit et justice, plusieurs grans personnages (Greg. Naz., Orat. 36, 53 et 54) ont dit qu'a proprement parler Nostre Seigneur ne prioit plus maintenant quil est au Ciel, selon que luy mesme l'affirme disant: Je ne dis pas que je prieray mon Pere; mays par ce que neanmoins il demande en qualité d'advocat et que, comme les advocatz, il demande avec un infini respect et une reverence incomparable, plusieurs aussi ont dit quil prioit.

  A026000513 

 Or, l'orayson consiste donq principalement a demander a Dieu quil nous donne par faveur, grace, liberalité et misericorde ce qui est requis pour nostre salut, et depend principalement de l'esperance, comme la meditation de la foy et la contemplation de l'amour: car la meditation considere ce que nous croyons, pour l'aymer; la priere demande ce que nous esperons, pour l'obtenir; et la contemplation regarde ce que nous aymons, pour nous y plaire..

  A026000514 

 Mays, outre ces trois parties de l'orayson, il y a la louange de Dieu, en laquelle nous employons une partie des Heures canoniales; il y a aussi l'action de grace pour les benefices receus, et l'offrande et sousmission de nous mesmes a Dieu: lesquelles parties sont principalement fondees sur la vertu de religion, par laquelle nous sommes portés a rendre a Dieu l'honneur et gloire qui luy est deüe, entant qu'elle luy est deüe; comme aussi l'adoration accompaigne tous-jours l'orayson, car personne ne prie Dieu qu'il ne l'adore..

  A026000515 

 Or, l'adoration est la plus eminente espece d'honneur que l'on puisse rendre a qui que ce soit; dont saint Augustin a dit que « les hommes sont appellés dignes de service et venerables, mays que si on veut beaucoup adjouster a cela, on les appelle encor adorables.

  A026000516 

 O Seigneur, vous estes Celuy qui est; vous estes mon Dieu redoutable, infini, et la grandeur de vostre majesté est trop plus eslevee sur moy, et mon ame le reconnoist.

  A026000516 

 Or, entre toutes les adorations il y en a une qui est hors de toute comparayson; car l'honneur se donne en contemplation de l'excellente vertu de quelqu'un, et l'adoration se donne non pour la vertu entant qu'elle est excellente, mays pour l'excellence entant qu'elle nous est [incompréhensible] a cause de son infinie grandeur et profondité, et laquelle, comme dit Anastase, Evesque de Theopolis, est l'emphase et sureminence de tout honneur: qui est l'adoration deue a Dieu, et que non seulement les hommes, mays aussi les Anges ont commandement de luy rendre; et ce n'est autre chose que la plus grande, juste et profonde sousmission [65] et reconnoissance spirituelle que nous puissions faire a la supresme et, pour dire ainsy, incomprehensible sursouveraine Majesté et superiorité de Dieu.

  A026000519 

 Ilz avoyent dix coudees de haut et leurs aysles cinq de longueur, parce que les Anges administrans ou servans ont charge de regarder et garder l'Eglise, et partant ilz ont leurs affections misericordieuses comme d'olive; et, sans laysser leur contemplation beatifique, laquelle est sur le propitiatoire, ilz estendent leurs secours et exercent promptement leur charité envers les murs de Hierusalem, de l'Eglise, envers la mayson et famille de Dieu.

  A026000523 

 En quoy nous donnons les premiers rangs a nos gouverneurs et princes spirituelz; car l'authorité et [68] pouvoir quilz ont estant surnaturel et leur gouvernement tendant a une fin surnaturelle, le devoir de sousmission et service que nous leur avons a cette consideration est surnaturel, religieux et purement pieux..

  A026000523 

 L' observance est une vertu par laquelle nous rendons l'honneur et le service qui est deu a ceux qui sont ordonnés a nostre gouvernement ou qui sont propres a cela: car, comme nous honnorons et servons avec une speciale affection nos pere, mere et patrie par ce qu'ilz nous representent Dieu en qualité d'autheur, principe et origine de nostre estre, et comme instrumens de sa puissance productrice, aussi honnorons nous ceux qui nous gouvernent par ce quilz representent Dieu en qualité de gouverneur et recteur des hommes et comm'instrumentz de sa providence.

  A026000524 

 Car un œuvre que nous n'estions pas obligé de faire avant quil fut commandé, soudain quil est commandé nous sommes obligés de le faire, et d'œuvre simple elle devient debte ou devoir pour nous, le commandement liant et obligeant nostre volonté avec cett'œuvre: et partant, l'obeissance est la vertu par laquelle nous rendons aux superieurs ce que leur authorité nous oblige de faire par leur commandement..

  A026000524 

 En suite de la pieté et de l'observance vient la sainte obeissance: vertu par laquelle nous faysons volontairement ce que nos superieurs et [ceux] qui ont authorité legitime nous ordonnent ou commande (sic) par ce quilz le nous commandent, c'est a dire par ce que nous devons le faire.

  A026000525 

 C'est pourquoy elle est meilleure que les victimes par ce que les victimes sans obeissance ne sont pas aggreables a Dieu, oui bien l'obeissance sans victimes, et par ce que les victimes ne sont aggreables sinon comm'elles sont commandees.

  A026000525 

 Vertu generale, laquelle ne perd point son unité par la diversité de ceux qui obeissent, [69] ni de ceux auxquelz on obeit, ni des commandemens, car tousjours ell'obeit par ce qu'elle le doit et quil luy est commande par ceux qui ont authorité..

  A026000526 

 Aussi ay je dit quil failloit rendre bien fait pour bien fait: or, ce n'est pas un bien fait sii ne procede d'un esprit aymant, doux, aggreable, officieux, et sil ne regarde plus l'affection du bienfacteur que le bien fait.

  A026000526 

 C'est pourquoy il faut rendre, sil se peut, plus que l'on n'a pas receu, comme font les chams fertiles qui produisent plus de graines incomparablement qu'on n'en a jetté dedans leur sein: car si vous ne rendes que le mesme, c'est plustost une restitution de rigueur qu'une gratitude d'affection et d'amour; et en cela vous ne rendes pas bienfait pour bienfait, car si vous ne rendes que ce que vous aves receu, il [70] n'y a point de bienfait de vostre part.

  A026000526 

 Et deffait, rendre un bien fait avec cett'inquietude, c'est plus tost le payer que le rendre, ou encor, plus tost le rejetter et vouloir effacer que de le vouloir contrechanger.

  A026000526 

 La gratitude est une vertu par laquelle nous rendons a ceux qui nous ont fait du bien quelque sorte de contrechange, ou par honneurs, ou par services, ou par des autres reciproques bien faitz.

  A026000527 

 Il y a une vertu que l'on appelle juste vangeance, a laquelle il appartient de punir les meschans et malfaiteurs, par ce qu'il est raysonnable qu'ilz reçoivent de la peyne pour leurs coulpes et que, par ce moyen, il se face quelque reparation de la faute commise et du tort qui a esté fait au prochain, soit par maniere de dommage qu'on luy a porté, soit par maniere de scandale ou de mauvais exemple.

  A026000528 

 Nous pouvons celer nos sentimens quand il en est tems, mais si nous les voulons exprimer, nous le devons faire fort veritablement et ne point mentir..

  A026000529 

 Ainsy, si j'ay quelqu'aversion et repugnance a mon prochain, pourveu que, selon ma volonté et resolution, je sois deliberé de l'aymer, non seulement je dois luy tesmoigner de l'amour, mais je ne dois nullement luy tesmoigner mon aversion, car cette aversion n'est pas'volontaire et si, [71] elle seroit scandaleuse; et en verité je l'ayme, puisque je l'ayme selon la partie maistresse et regente de mon ame..

  A026000530 

 Car si je veux affirmer une chose de grande consequence, je suis obligé d'avoir un grand soin pour sçavoir la verité; si c'est une chose indifferente, il n'est pas requis de me mettre en peyne pour m'asseurer de la verité, ains suffit que je die simplement ce que je croy estre veritable d'abord.

  A026000530 

 Or, puisque les signes sont ordonnés pour exprimer les choses, nous nous devons cela les uns aux autres, de ne nous point decevoir par iceux, les employant a signifier le mensonge et ce qui n'est point..

  A026000530 

 Si je raconte comme un seigneur ou une dame estoit (sic) vestus en telles occasions, pourveu que je die selon ce quil m'en semble il suffit; mays si je raconte leurs actions, par lesquelles on peut discerner silz ont esté vertueux ou non, je dois estre plus discret et parler avec plus d'asseurance de la verité: car le mensonge n'a jamais aucun juste usage, c'est tous-jours un abus, pour utile qu'en soit la consequence; et n'en est pas de mesme comme de l'hellebore, car bien que nos cors puissent estre gueris par le tourment des medicamens, les espritz le doivent voirement estre par le tourment de la tristesse et repentance, mais non jamais par la coulpe.

  A026000532 

 La suave amitié est une vertu differente de l'affabilité, car elle se prend a un chacun, pour inconneu quil soit; mays l'amitié ne se fait qu'avec privauté et familiarité, car c'est une reciproque et manifeste affection par laquelle nous nous souhaitons et procurons du bien les uns aux autres, selon les regles de la rayson et de l'honnesteté: dont j'ay parlé ailleurs, en l' Introduction et au livre de l' Amour du prochain..

  A026000533 

 C'est un vray vilain vice que celuy-la, et qui monstre une grande bassesse de courage: c'est pourquoy la prodigalité et profusion des richesses seroit plus aymable, si elle n'engendroit.

  A026000533 

 Certes, l'avarice ne proffite a personne, non pas mesme a l'avare, auquel le bien quil a luy defaut et est autant inutile comme celuy quil n'a point.

  A026000533 

 On ne sçauroit dire lequel de ces deux vices est plus dangereux.

  A026000533 

 affection des richesses, ne permettant pas qu'on les prise plus quil ne faut, et par consequent nous porte a les despenser et employer volontier et librement quand il est convenable, affin que d'un costé nous ne soyons pas avares, soyt a ramasser et acquerir trop ardemment les biens de ce monde, soit a les retenir trop chichement, et que d'autre part nous ne soyons pas prodigues, donnant a gens indignes, comme sont les flateurs, bouffons, joüeurs, ni pour choses frivoles et vaines.

  A026000534 

 Il faut rendre a chacun ce qui luy appartient: rendes donc a ce furieux son espee, et il en tuera quelqu'un sur le champ! Non, Philothee, cela ne se doit pas faire; car bien quil faille rendre a chacun ce qui est a luy, cela s'entend quand il n'en abuse pas au plus grand dommage du prochain, et l'equité nous enseigne cela.

  A026000534 

 Mays sur tout ce qui regarde la justice, il y a une vertu que nous appelions œquité, qui empesche que la justice ne soit pas injuste et que le droit ne se change pas en injure; c'est cette prudence qui modere les loix inferieures par les superieures, en sorte que une loy cede a l'autre selon que la rayson requiert et que le legislateur mesme le diroit sil voyoit l'estat present des affaires.

  A026000538 

 A la force appartient la magnanimité, qui n'est autre chose qu'une vertu qui nous porte et incline aux [actions [74] grandes ] et relevees en chasque matiere et espece de vertu, non pour le regard du bien quil y a en l'action grande de la vertu, mais pour le respect de la seule grandeur de l'action.

  A026000538 

 Car, par exemple, consideres d'un costé un homme qui ayme grandement la chasteté, et d'autre costé un homme magnanime et de grand courage: l'un et lautre, au choix de la chasteté, entreprendront la chasteté virginale comme le plus haut et relevé degré qui puisse estre en la vertu de chasteté; mais l'un fait cett'entreprise pour le grand amour quil porte a la chasteté, laquelle plus ell'est grande plus il l'ayme, l'autre fait la mesme entreprise, non pour l'amour de la chasteté qui est en cette grandeur et hauteur de vertu, mays pour l'amour de la grandeur qui est en cette chasteté: si que l'un cherche la perfection de la chasteté en la grandeur de cett'action, et l'autre cherche la grandeur de l'action en la perfection de la chasteté.

  A026000538 

 Or, comme cette vertu recherche la vraye grandeur qui est es actions heroiques des vertus, aussi n'estime elle rien de grand que cela; c'est pourquoy ell'a ces proprietés, selon Aristote (qui neanmoins, au sujet de cette vertu, tesmoigne asses la foiblesse de la philosophie naturelle en comparayson de l'evangelique): 1.

  A026000542 

 Et tant la patience que la longanimité sont requises, affin que d'un costé nous evitions l'insensibilité, qui n'est autre chose qu'une certaine stupidité et brutale lourdise par laquelle, comme si nous avions nos sens assoupis, nous ne sentons aucune douleur ni tristesse de maux, et par consequent sommes hors de tout sujet de patience; et d'autre costé, que nous evitions l'impatience, par laquelle nous ressentons immoderement les afflictions et contradictions..

  A026000542 

 Or, quand, outre le mal que nous endurons avec moderation, nous devons l'avoir longuement: c'est a dire, [76] qu'outre le mal nous devons supporter une longue duree du mal, qui est une grandeur en duree et estendile de continuation, nous n'avons pas seulement besoin de patience, mays de longanimité, qui est la vertu par laquelle nous supportons ou une longue attente du bien, ou une longue duree du mal.

  A026000543 

 Je ne dis pas le don de perseverance, car c'est une grace toute divine dont nous avons parlé, en passant, ailleurs; mays la perseverance qui est une vertu par laquelle nous continuons et poursuivons un bien jusques a la fin, contre la difficulté et l'ennuy que la longueur et duree d'un affaire ou entreprise peut apporter.

  A026000544 

 Et aussi, le martir est parfaitement conforme a Nostre Seigneur, qui tesmoigna sa charité non attaquant ses ennemis et les mesprisant, mays souffrant la mort, joint que celuy qui meurt en se defendant, comme font nos Chevaliers de Saint Jean de Hierusalem contre le Turc .........................................................................................................

  A026000544 

 La souffrance n'est aydee d'autre chose que de la vive force de la rayson; mais l'attaque est.

  A026000544 

 Or, entre toutes les actions de force, il n'y en a point de comparable a celle de nos Martyrs chrestiens: gens invincibles et invariables entre les plus divers et espouvantables tourmens qu'il est possible d'imaginer, qui ont combattu contre les tyrans pour confirmer les plus excellentes vertus de toutes, entant que Nostre Seigneur les a enseignees, et combattu par la seule volontaire souffrance, qui les rend tant plus vaillans en toute façon.

  A026000547 

 C'est pourquoy saint Augustin a dit que la temperance n'est autre chose que « l'amour qui se donne tout a Dieu, » c'est a dire l'amour qui ramasse toute sa vigueur pour aymer Dieu et, pour la ramasser toute, il la divertit des objetz sensuelz esquelz elle se pourroit espancher et dissiper..

  A026000547 

 Et lhors, elle ne peut bonnement se relever a l'objet intelligible et s'attacher si fermement par amour a Dieu; car sa force et puissance amoureuse, ou aymante, ou affective, s'escoulant et dissipant par les sens aux choses sensuelles, elle est d'autant plus foible et alangourie pour les choses superieures et spirituelles.

  A026000547 

 La complaisance que nous prenons es choses sensibles par le moyen de nos cinq sens corporelz attire puissamment nostr'ame aux objetz de ces cinq sens, lesquelz estant bas, corporelz et caduques, rendent aussi nostr'ame telle, quand elle est passionnee de leur delectation et jouissance.

  A026000547 

 La temperance est ordinairement nommee en l'Escriture Sainte, modestie, sobrieté, honnesteté.

  A026000547 

 Or, comme [78] dit saint Augustin, « c'est l'amour qui se donne tout a Dieu, » et c'est le 4.

  A026000548 

 Mays parce qu'entre tous les sens il y en a deux qui sont plus grossiers, brutaux et impetueux en leurs actes, et qui par consequent dissipent et divertissent plus furieusement et desbordent la force affective de nostre ame, c'est a sçavoir l'attouchement et le goust (qui, comme dit Aristote, n'est presque qu'un certain attouchement par lequel nous nous appliquons immediatement aux objectz les plus grossiers), partant la temperance modere les playsirs et voluptés de ces deux sens principalement, bien qu'elle regie aussi les autres playsirs, soit interieurs ou exterieurs, entant que par iceux la force affective pourroit estre mise en desordre et dissipee contre la juste rayson.

  A026000550 

 Et Aristote dit que tout animal est triste apres iceluy, hormis le coq; mais l'homme plus que tous les animaux, comme ayant en iceluy perdu la rayson.

  A026000550 

 Mays l'autre, qui s'appelle intemperance, est le grand vice du monde, par lequel on desire les playsirs sensuelz outre mesure et sans discretion; et c'est le vice qui attira le deluge, qui fit perdre les quatre cités et les fit fondre et en somme c'est le vice le plus infame et vilain, comme dit Aristote, qui nous rend pareilz aux bestes brutes, assoupit l'usage de la rayson et, comme dit Hippocrate, le plus vehement de tous ces playsirs sensuelz n'est autre chose qu'une epilepsie passagere.

  A026000550 

 Mays si l'intemperance passe jusques au dela de la nature, ce n'est plus un vice, « c'est un monstre de vice, » dit Tertulien; ce n'est plus un vice humain, dit Aristote, il est brutal et forcenerie..

  A026000551 

 C'est a dire, qu'il faut premierement prendre ce qui est requis pour maintenir la vie: Ayant la nourriture, dit l'Apostre, et dequoy nous couvrir, nous en sommes contens.

  A026000551 

 Mays non seulement il faut prendre ce qui est pour la necessité, ains aussi ce qui est pour la bienseance, selon la varieté des offices et occurrences de cette vie: c'est pourquoy on jeusne quelquefois, et quelquefois on fait des [80] festins; on s'habille mieux une fois qu'autre; et Dieu mesme donne quelquefois du pain seul a Helie, quelque-fois il luy envoye de la chair; quelquefois il donne du pain et du poisson, d'autres fois il donne du miel et de la manne.

  A026000551 

 Or, d'autant que les playsirs du goust et des autres sens sont donnés a nostre nature pour servir a la conservation de chasque particulier, la regie d'en bien user c'est, comme dit saint Augustin, d'en prendre autant que la necessité de la vie humaine et des offices d'icelle le requiert.

  A026000552 

 La femme qui n'est point mariee et la vierge a soin des choses qui sont du Seigneur, affin qu'elle soit sainte de cors et d'esprit; mais celle qui est mariee a soin des choses du monde, comm'elle plaira au mary.

  A026000552 

 Mays si l'on prætend de chastier, corriger et moderer cet appetit en sorte qu'on puisse avec une grande liberté d'esprit vaquer a Dieu, et en somme ramasser et recueillir toutes les forces de son amour pour les employer en la dilection du souverain Bien, alhors on retranche tout a fait a l'appetit charnel toutes les actions auxquelles il tend, et on le reduit a la parfaite et absolue chasteté, que l'on appelle cælibat parce que, selon saint Hierosme, que (sic) c'est quasi une celeste beatitude d'estre hors du commerce de la chair pour estre plus attentif a celuy de l'esprit; conformement a ce que dit le grand Apostre, I. Cor. 7.

  A026000552 

 Or je vous dis ceci pour vostre utilité, non point pour vous enlacer, mais tendant a ce qui est bienseant et propre a vous joindre au Seigneur sans aucune distraction..

  A026000552 

 vers. 32 et 33, [34, 35]: Celuy qui n'est point marié a souci des choses du Seigneur, comm'il plaira au Seigneur; mais qui est marié a souci des choses de ce monde, comm'il plaira a sa femme, et est divisé.

  A026000553 

 Notes, Philothee, que le grand saint Augustin a tiré de ce lieu la deffinition de la temperance, quand il a dit que c'estoit « un amour qui se donne tout entier a Dieu; » car l'Apostre monstre clairement que le principal but du cœlibat et la virginité est de se joindre et unir plus entierement [81] a Dieu; qu'en comparayson de la personne qui s'abstient parfaitement, la personne mariee est divisee en ses affections, partageant son soin en deux partz, bien qu'inegales; car tous-jours en faut il quelque partie pour aggreer au mari, et c'est autant de moins en ce qui se pouvoit donner a Dieu, c'est tous-jours une distraction et un retranchement de l'entiere et absolue attention que l'on eut donnee a Dieu.

  A026000554 

 Aussi l'Apostre ajoute: Or, je dis ceci four vostre [ utilité, non point pour vous enlacer ] ..................... [bien que le cœur] de la personne mariee ayt ramassé tout son amour pour Dieu, rapportant parfaitement a Dieu l'amour mesme et les actions de son mariage, si est ce que, au moins, le cors est un peu divisé, distrait et alteré par les passions et sentimens necessaires a l'estat nuptial, avec quelque sorte de messeance.

  A026000554 

 C'est ce que veut dire l'Apostre, selon que saint Augustin mesme l'a remarqué au livre Du bien de la viduité, quand il dit quil exhorte a ce qui est honeste et bienseant; car il ne veut pas dire que le saint mariage ne soit honneste et bienseant, mais il advertit que l'estat de continence et vierginité est plus seant et plus honneste, au moins de l'honnesteté exterieure..

  A026000554 

 C'est pourquoy, quant a la substance et essentielle perfection de l'amour celeste, les mariés en peuvent avoir tout autant, et voire plus que les vierges et parfaitz; mais quant a la bienseance, dignité et honnesteté exterieure, les continens et les vierges les devancent tous-jours.

  A026000555 

 Ah! non, c'est une vertu hardie, genereuse, active, ains qui fait une continuelle guerre contre le plus fascheux ennemi qu'on ayt, duquel elle reprime voirement les actions, mais non pas .......................................................................................

  A026000555 

 La chasteté n'est pas une vertu oysivete (sic) et qui consiste en la cessation des actions.

  A026000555 

 Mon Dieu, Philothee, que la chasteté est belle, qui range [82] l'appetit brutal de nostre concupiscence a la pureté des Anges et Espritz caslestes, desquelz comme la pureté est plus pure, aussi la nostre est plus vaillante, car ilz l'ont sans vertu, par nature, et nous la conquerons entre mille hazars, par une continuelle guerre que nous faysons a nos ennemis et, ce qui est plus considerable, a nos amis: aux sens, a l'imagination et a toute cette trouppe de sentimens rebelles et mutins que nostre chair fournit a nostr'ennemi.

  A026000556 

 ains, comme la santé d'un homme gueri est plus forte bien souvent que celle d'un autre qui ne fut onques malade, ainsy la chasteté d'un homme penitent est quelquefois plus estimable que celle d'un vierge.

  A026000557 

 Mais la sainte pudicité est comm'une sentinelle qui, descouvrant quelques actions, contenances ou paroles contraires a la chasteté et a [la] pureté, donne l'alarme au cœur, qui, comme pour armer les frontieres, envoye de la chaleur et du sang au visage.

  A026000558 

 (Ceci doit estre mis au commencement du chapitre De la temperance, puisque la continence n'est qu'un commencement de temperance.).

  A026000558 

 La continence est comme la fleur qui nous donne promesse du fruit, et comm'un'aube qui nous annonce le jour.

  A026000558 

 Or, la premiere resolution de resister aux passions sensuelles, s'appelle continence simple, selon les scholastiques et Aristote; et lhors que cette resolution, se fortifiant par l'exercice, devient parfaite, elle s'appelle temperance et chasteté: car la continence est semblable a celuy qui a pris charge de domter un cheval; la temperance et chasteté, a celuy qui l'a des-ja façonné et domté.

  A026000559 

 A la temperance est attachee la mansuetude, qui manie et modere l'ire et la cholere pour la retenir dans les bornes de la rayson; car l'ire estant bien conduite est bonne, et la mansuetude a cette charge, qui neanmoins n'en use que fort rarement et seulement autant quil faut pour faire roydir le courage es occasions ou il faut vaincre, surmonter et chastier.

  A026000559 

 Or, parce qu'ell'est si dangereuse et que c'est un ingredient si perilleux pour la vertu, il en faut user tres rarement, et lhors seulement qu'on a des-ja acquis une grande maistrise sur ses passions; autrement, en lieu d'en user ell'abusera de nous et nous præcipitera.

  A026000560 

 Et tous-jours faut il prendre garde au bien publiq, selon lequel c'est quelquefois une grande clemence d'user de rigueur et severité, quand le chastiment des meschans est requis pour tenir les autres en bride et les gens de bien en asseurance: dont saint Thomas dit que la severité n'est pas contraire a la clemence, ains est une vertu qui sert a la rayson quand il n'est pas convenable d'user de clemence..

  A026000560 

 La clemence est proprement es superieurs, pour moderer la punition quilz doivent faire des criminelz, affin que autant que la justice le permet, on n'use pas de toute la rigueur, ains on addoucisse la peyne; car, comme Dieu punit tous-jours moins que nous ne meritons et [84] recompense tous-jours plus que nous ne meritons, aussi la clemence punit non selon la rigueur et severité, mais avec douceur, moderation et temperament: en sorte neanmoins qu'evitans la cruauté, ilz ne tumbent pas en la lascheté et exces de douceur.

  A026000561 

 C'est une passion grandement utile pour garder l'ame de mal faire, comm'au contraire l'effronterie et impudence est un grand acheminement a toute sorte de meschanceté..

  A026000561 

 La pudeur ou juste honte est une passion vertueuse par laquelle on craint et apprehende le deshonneur pour quelque chose ou action vilaine; et quand le deshonneur est arrivé, la pudeur se change en confusion.

  A026000562 

 Et parce que l'exercice des voluptés charnelles est le plus laid, desreglé, messeant, vil, vilain et deshonneste, l'honnesteté nous retient plus fort pour ce regard; et puis encor, comme en suite, ell'a soin de repouser tout ce qui est difforme et desordonné [85] au commerce des playsirs sensuelz, affin que rien ne s'y passe contre la bienseance..

  A026000562 

 L' honnesteté est une certaine vertueuse affection que nous avons de rejetter tout ce qui est contraire a la beauté, proportion, bienseance et ornement de nostre conversation et de toutes les actions qui en dependent, tant interieures qu'exterieures.

  A026000563 

 C'est pourquoy le grand Apostre, qui ne s'estime pas digne d'estre appelle apostre en considerant ses defautz, veut estre estimé de tout homme comme serviteur, officier de Dieu et dispensateur de ses misteres.

  A026000563 

 Et je dis que nous reconnoissons et faisons cette profession de nostre neant en ce qui est de nous mesme, parce qu'en ce qui est en nous de Dieu nous ne laissons pas, pour l'humilité, d'avoir un extreme courage et une sainte hauteur d'esprit, l'humilité n'estant nullement contraire a la magnanimité; car l'humilité fait une juste estime de ce qui est de nous en nous, comme la magnanimité de ce qui est de Dieu en nous.

  A026000563 

 La sainte humilité, qui est la plus petite et neanmoins la plus necessaire de toutes les vertus, n'est autre chose qu'une volontaire profession et reconnoissance de nostre vileté et abjection en ce qui, en nous, [est] de nous mesme.

  A026000565 

 En fin, l'humilité nous fait glorifier Dieu et vilipender nous mesme; mays l'orgueil nous fait estimer nostre excellence ou comme plus grande qu'elle n'est, ou comme plus nostre qu'elle n'est, et partant est contraire a l'humilité comm'a l'opposite..

  A026000565 

 Et comme l'humilité nous ravale en nous mesme devant Dieu, elle nous fait aussi humilier devant le prochain, car elle nous fait regarder qui nous sommes selon nous, et quel est le prochain selon Dieu.

  A026000565 

 Et comme par l'humilité nous n'osons rien entreprendre sur nos forces, aussi par la magnanimité nous entreprenons tout sur la faveur divine: c'est pourquoy l'humilité nous rend vrayement magnanimes, comme l'orgueil donne une faulse magnanimité.

  A026000565 

 La charité donne la juste estime a Dieu, et l'humilité a nous mesme: et comme ceux qui ont esté longuement parmi la splendeur ne voyent [86] goutte en l'ombre ou en quelque lumiere un peu obscure, ainsy ceux qui se sont addonnés grandement a l'estime de Dieu ne s'estiment rien eux mesme; comm'au contraire, ceux qui ont demeuré longuement, en tenebres, venans a la clarté du soleil n'en peuvent presque soustenir la grandeur, laquelle leur est dautant plus esclattante, ainsy ceux qui ont demeuré en la connoissance de leur neant admirent bien davantage la majesté de Dieu.

  A026000565 

 [La vertu d'humilité] est d'autant plus chere aux Chrestiens, auxquelz ell'est necessaire affin quilz n'entreprennent rien d'eux mesme comme d'eux mesme, ains quilz veuillent dependre de Dieu.

  A026000566 

 En somme, a mesure que nous descendons par l'abjection et mespris de nous mesme et vraye estime de nostre neant, nous remontons par l'estime de Dieu et de ses dons; et c'est cette sainte vertu qui supprime la fause estime de nous mesme produite par l'amour propre, affin que nous [87] estimions plus les graces de Dieu, tant en luy, qu'au prochain, qu'en nous mesme..

  A026000566 

 La vileté de cœur non seulement nous ravale jusques a nostre neant, mais nous y laisse, sans nous vouloir permettre [de voir] ce qui est de Dieu en nous; l'humilité nous ravale en ce qui est de nous, mais c'est pour nous faire plus estimer ce qui est de Dieu en nous.

  A026000567 

 Mais par ce que la sainte humilité est une vertu qui nous regarde principalement, nous pratiquons l'humilité seulement en nous mesme et sur nous mesme; car, quant aux autres, nous la prattiquons envers eux et non en eux ni sur eux: c'est pourquoy nous ne regardons pas en eux ce quilz sont d'eux mesme, mais ce quilz sont en Dieu, et partant nous les estimons grandement, et non pas nous.

  A026000568 

 Il y a encor une vertu qui range nostre esprit en l'estude et appetit de connoistre les choses, affin que nous ne desirions sçavoir que ce qui est convenable, comm'il est convenable et autant quil est convenable, et pour la fin convenable, en sorte que nous evitions d'un costé, la curiosité qui nous porte au desir [de] sçavoir ce qui ne nous appartient pas, ou d'autre façon quil n'appartient, ou plus qui' n'appartient, ou pour autre intention quil n'appartient, et d'autre part, la negligence qui, par une contraire extremité, nous destourne d'apprendre ce qui nous est necesre et convenable.

  A026000569 

 (De ceci il y a un chapitre en l' Introduction: De la conversation.) Et par ce que cette bienseance a une beauté particuliere, qui de soymesme est aymable, la vertu qui nous affectionne a procurer cette beauté est aussi particuliere; bien qu'outre cela plusieurs dignes respectz nous obligent a cette modestie, et sur tout l'amitié, affabilité et edification du prochain.

  A026000569 

 Celle ci est suivie de la modestie, qui modere nostre maintien, nos mouvemens, gestes et actions exterieures, et les reduit a la vraye bienseance, selon la varieté des personnes, des lieux, des tems et des affaires; a la charge, dit le grand saint Ambroyse, l. I. Off., c. 18, qu'il ny ait rien d'affecté, car tout ce qui est fardé desplait; et sil y a quelque defaut en la nature, il le faut corriger par le soin, en sorte que l'on voye l'amendement, mais pur et sans artifice.

  A026000569 

 Et c'est cette vertu que le saint Apostre desire es Evesques, quand il dit que l'Evesque doit estre orné (I. Tim., 3. v. 2.), ainsy que saint Theodoret, Evesque de Cyr, (et communement les Docteurs, apres saint Thomas, in ejus locum ) l'interprete; par ce que le principal ornement, parement et embellissement de la personne depend de l'honnesteté et bonne grace, et bienseance de son maintien et mouvement..

  A026000570 

 Aucuns l'appellent mal a propos parcimonie, d'autres l'appellent mieux frugalité, d'autres honneste suffisance; mays en somme, c'est une certaine moderation qui reduit tout nostr'exterieur a la rayson, suffisance et bienseance.

  A026000574 

 C'est une verité, que qui ne se sauvera pas par Marie perira, comme tout ce qui estoit hors de l'arche de Noë fut a perdition; non que Marie soit cause absolue de la redemption, car c'est Jesus, son adorable Filz, mais elle est le moyen duquel ce Redempteur s'est voulu servir en prenant d'elle son humanité.

  A026000576 

 Marie veut dire Mere unissante, d'autant que c'est par cette Mere et dans son sein que le Verbe s'est uni hypostatiquement a la nature humaine pour nostre salut.

  A026000576 

 Par Marie le Verbe s'est fait chair, et nous pouvons dire: O Jesus, soyes moy Jesus, c'est a dire soyes moy Sauveur; et nous pouvons aussi dire: O Marie, soyes moy Marie, c'est a dire: Soyes nous Mere et nous unisses a Jesus vostre Filz, affin qu'il soit nostre Espoux et que nous soyons ses espouses..

  A026000580 

 Si la femme de l'Evangile crioit dans les places publiques ou Jesus passoit: Beni soit le ventre qui vous a porté et les mammelles qui vous ont allaité, devons nous pas donner des benedictions perpetuelles au sacré cœur de Marie qui a tant aymé Jesus? O Vierge glorieuse, vous aves receu le Verbe en vostre cœur avant que de le recevoir [90] en vostre sein, et vous estes plus heureuse de l'avoir aymé souverainement et sans intermission que de l'avoir porté corporellement en vostre sein et entre vos bras; et c'est ce que Nostre Seigneur nous vouloit signifier quand il a dit: Mays plustost bienheureux sont ceux qui font la volonté de mon Pere qui est aux Cieux, c'est a dire qui n'ont qu'un mesme esprit et qu'un mesme cœur avec Dieu.

  A026000586 

 Le Filz est mort par la force de sa passion amoureuse pour les ames, et Marie par sa dilection compatissante..

  A026000586 

 Le Pere eternel a tant aymé le monde qu'il luy a donné son propre Filz, ce Filz s'est livré luy mesme a la mort; et nous pouvons dire que Marie, Mere de ce Dieu mourant, a tellement aymé le salut du monde qu'elle a volontairement offert, son Filz a la mort et elle mesme en son Filz.

  A026000591 

 La sacree Vierge, eslevee a la dextre de son Filz, [est] la Generale des armees de Dieu, la Gouvernante du royaume de l'Eglise, la Mere de toutes les saintes familles, le Refuge de tous les coeurs.

  A026000593 

 Le divin Espoux a pris playsir de mettre des pendans aux oreilles de cette Espouse: c'est la clameur des pauvres et des necessiteux..

  A026000604 

 Et de la tires ce propos, de ne rendre jamais la forteresse qu'a Celuy a qui est ledit estendart, ni n'ouvrir jamais le cachet qu'a Celuy a qui est la clef..

  A026000604 

 Imagines vous quelquefois que vostre cœur est un jardin et que, vous signant, vous y mettes l'arbre pretieux de la Croix; ou bien qu'il est comme une forteresse, en laquelle vous plantes cest estendart; ou qu'il est comme un cabinet, lequel vous fermes avec cette clef; ou qu'il est comme une lettre, laquelle vous scelles de ce sceau, affin qu'elle ne soit exposee a la veüe des ennemis, suyvant le desir de l'Espouse qui dit: Mettes moy comme un cachet, ou comme un estendard sur vostre cœur.

  A026000608 

 Mais lhors que la probabilité de quelque action est si forte et qu'elle conclud avec tant de necessité que la rayson ne se peut desdire de la convaincre, il la faut renvoyer a la surprise, a la promptitude, a la tentation ou, en toute extremité, s'en desfaire et se l'oster de l'esprit et n'en point parler; car.

  A026000610 

 Toute verité qui n'est point charitable.

  A026000611 

 Vient d'une charité qui n'est pas veritable..

  A026000614 

 Espritz malicieux qui attaquent tout le monde, cœurs remplis de ces mauvaises qualités qui se mettent entre la veuë spirituelle et l'object, et qui pensent avoir rayson de croire que tout le monde est aussi corrompu que leurs pensees sont noires.

  A026000614 

 Gens aveugles, qui crient contre la cruauté d'Abraham et qui, voyant l'espee nue, n'apperçoivent point l'Ange de Dieu qui le benit et luy dit que son sacrifice est aggreable au Seigneur des armees.

  A026000614 

 Mais vous, mes amis, repartit il, ou est le vostre? Qu'ay je affaire de produire un defaut en ma peinture, si je le puis couvrir sans offenser personne? Voyes vous, ceux qui jugent mal et qui mesdisent de leur prochain, ce sont des sangsues qui ne savent que tirer le mauvais sang et laisser le plus pur dans le cors.

  A026000614 

 Si tost qu'on vist le pourtrait d'Antigone, qu'Apelles avoit tiré obliquement et de sorte que l'incommodité de son œil perdu estoit couvert par un trait de pinceau, il fut importuné de tout le monde qui luy demandoit pourquoy il ne l'avoit pas peint comme il estoit: Ou est l'autre œil? luy disoit on.

  A026000614 

 Telle qu'est la chaleur interne, tel est le sang en nostre cors; et en nostre ame, telle est sa beauté, que son amour vers son prochain.

  A026000615 

 Judas eut des commencemens de sainteté plus accomplis que ceux qu'on se pourroit figurer en la personne qu'aujourd'huy nous estimons la plus parfaitte; saint Paul en eut de pires et fut plus cruel persecuteur de l'Eglise de Jesus Christ que le plus eschauffé tyran de ce siede ne l'est a nos pauvres freres qui sont parmy les infideles: celuy qui estoit Apostre et l'un des plus cheris de Dieu, se rendit le plus malheureux du monde; et celuy qui ne valoit rien devint le meilleur et le plus ardent defenseur de l'Evangile..

  A026000615 

 S'il nous semble que nous sommes meilleurs que ceux desquelz nous parlons, il y a asses de tems pour leur ceder la place, ilz rempliront peut estre nostre siege dans les Cieux; ilz se releveront de nostre cheute, et nous enseveliront sous leurs vielles ruines, car Dieu est puissant pour leur donner la main quand ilz sont tombés.

  A026000616 

 En verité, c'est une experience reconneue, que la pluspart de ces personnes ne voyent que des festus a leurs yeux, parce qu'ilz estiment que la veuë de leur frere est aveuglee de poutre..

  A026000622 

 Et en effect, il y a des meschans dont les exces pour estre passés en coustume treuvent que le repentir est un crime, l'amendement lascheté et l'innocence une honte et une pure niayserie..

  A026000628 

 Qu'un Superieur ne doit jamais accorder aucune particularité a un Religieux, si ce n'est avec cette mesme discretion de saint Ignace, et que s'il arrive de leur faire quelque grace, cela ne doit arriver que quand ilz sont dans l'acces de leurs esmotions, comme un peu d'eau dans l'ardeur de la fievre; mais apres, leur faire connoistre que cela nuit a la santé.

  A026000629 

 On dit: Il est docte, de bonne mayson, etc., mais l'on oublie qu'il ne se sousmettra qu'avec difficulté a la discipline.

  A026000633 

 On ne sçauroit rien faire d'un esprit vain et plein de l'estime de soy mesme; il n'est bon ni a soy ni aux autres.

  A026000643 

 Ictericz, id est qui ont la jaunisse, portans sous leurs piedz nudz la grande chelidoine, guerissent.

  A026000643 

 sur Dioscoride, l. II, c. CLXXVI.] Pedes, affectus, quibus applicanda medicina, ut oculus, id est intellectus, curetur..

  A026000650 

 Le bois engraissé d'huile s'allume incontinent, sil est touché de l'herbe ariadnis cueillie le soleil estant au signe du lion.

  A026000660 

 Aconit est tous-jours un grand poison; beu neanmoins, il guerit la morsure du scorpion, ces deux venins s'entretuans l'un l'autre et laissant en vie l'homme que l'un d'eux, prins a part, tueroit.

  A026000660 

 Telle est sa nature, quil tue la personne qui n'a dedans soi chose qui la puisse tuer.

  A026000661 

 Napellus et anthora ou anthithora, laquelle anthithora [103] s'apelle autrement napel moysi; il croit avec l'autre napellus et est son grand contrepoison.

  A026000664 

 C'est merveille que la force de ce venin s'adoucit par la musique, car je puis testifier pour l'avoir veu, dit Mathioli, [Trad.

  A026000664 

 C'est un'espence (sic) de phalanges et airagnees..

  A026000665 

 La Sardaigne est sans serpens, mais en lieu d'icelles (sic) ell'a un'espece d'aragne nommé solifuga, parce [104] qu'elle fuit le jour, qui fait mourir ceux qui s'assisent dessus.

  A026000667 

 Quand le chamæleon s'enfle, il change de couleur; c'est de crainte et d'apprehension, disent les autres.

  A026000668 

 Corail, arbre, pierre; ou il est, la foudre ne tumbe.

  A026000680 

 Les Schites ont treuvé un' herbe naissant a l'entour de Bætia, nommee schitica, fort douce au gouster, qui est grandement estimee parce qu'en la tenant a la bouche on ne sent ni faim ni soif.

  A026000681 

 On a donné tant d'honneur a l'herbe vetonica, que la maison ou elle sera plantee est contregardee de tout mal.

  A026000690 

 L'aymant tire de sa propre vertu le fer a soy, hormis celuy qui est rouillé; pourveu aussi que la pierre ne soit point frottee d'aux, ou quil ny ayt point de diamant aupres.

  A026000705 

 Acanes, animal magnitudine cervi, cujus fel est in auriculis.

  A026000716 

 Alces est animal figura, colore et quantitate muli; labrum superius habens ita protensum, ut nisi retrograde incedat herbam capere non possit.

  A026000724 

 L' abarmon, poisson très fécond en œufs, ne rejette ses œufs qu'après s'être frotté le ventre sur un sable âpre au toucher; c'est sur ce sable qu'il nourrit ses petits et les élève complètement..

  A026000725 

 Il a la nature du duvet que l'on appelle plume de salamandre, avec une légère humidité onctueuse et grasse, et c'est cela qui nourrit le feu..

  A026000726 

 L' abidès, bête marine, qui vit et se nourrit dans les eaux; ensuite il change de forme et de nature, reçoit un autre nom et est appelé astoim.

  A026000729 

 L' acanès, animal de la taille d'un cerf, et dont le fiel est dans les oreilles..

  A026000734 

 Les éperviers ne chassent pas tous de la même manière: les uns prennent la colombe quand elle est posée à terre, mais jamais quand elle vole; les autres, quand elle vole, et jamais quand elle pose à terre; les autres, ni quand elle est posée à terre, ni quand elle vole, mais quand elle se pose sur les arbres ou sur les lieux élevés.

  A026000735 

 Quand l' épervier voit la proie et ne désire pas s'en emparer, c'est signe qu'il est trop gras..

  A026000740 

 L' alce (élan) est un animal qui a la forme, la couleur et la grandeur d'un mulet; il a la lèvre supérieure si avancée qu'il ne peut paître l'herbe qu'en marchant à reculons..

  A026000741 

 Et disent les nautonniers: s'il est anéanti par la putréfaction jusqu'à la tête et aux yeux, l'eau revenant il vit de nouveau et vit longtemps; autrement peu.

  A026000741 

 L' alforas est un poisson qui s'engendre de la pourriture de la vase.

  A026000753 

 Au traitté des Regles de santé: la cime des palmiers, appellee la cervelle, est douce, mais fait mal a la teste..

  A026000763 

 Vox dilecti mei, ecce iste venit saliens in montibus, transiliens colles; similis est dilectus meus capreæ, hinnuloque cervorum; en ipse stat post parietem nostrum, et cætera.

  A026000764 

 Sed hic liber benedictionum est..

  A026000766 

 [Ps.] 39: In capite libri scriptum est, et cæt., ut facerem voluntatem tuam, et cæt., Paulus Christo aptat..

  A026000784 

 Ton nom est une huile répandue: c'est pourquoi les jeunes filles t'ont passionnément aimé.

  A026000784 

 Voix de mon bien aimé, voici qu'il vient bondissant sur les montagnes, franchissant les collines; mon bien aimé est semblable à la gazelle et au faon des biches; voici qu'il se tient debout derrière notre mur, etc. Mais il faut beaucoup accommoder ces paroles.

  A026000785 

 Comme Dieu voulait inviter son peuple à vivre vertueusement, il le menace, si ce peuple n'obéit pas, de toutes les malédictions écrites dans ce livre, et toutes les nations diront: Pourquoi le Seigneur a-t-il fait ces choses? etc. Mais ce livre-ci est le livre des bénédictions..

  A026000787 

 En tête du livre, il est écrit, etc., afin que je fisse ta volonté; Paul applique [ces paroles] au Christ..

  A026000788 

 J'ai pris racine dans le peuple que Dieu honore, et dans la part de Dieu, laquelle est son héritage, et dans l'assemblée....

  A026000791 

 Sentinelle, où en est la nuit?.

  A026000803 

 XXXV.] Unus ex vobis diabolus est mutatione animi, dum quæ Deus pinxit expunguntur et aliena supponuntur.

  A026000809 

 Neanmoins, il ne se pouvoit faire quil n'eut presque tous-jours l'espee a la gorge pendant quil travailloit; et luy, pour monstrer qu'il ne s'en soucioit gueres, fit lhors un satyre admirable qui jouoit du flageolet et l'apella anapauomenos, c'est a dire s'esgayant. Ibant gaudentes a conspectu concilii.

  A026000810 

 XXXVI, 40.] Dames de caremprenant courent fortune des satyres, id est de perdre leur reputation et leur chasteté. Satyrus salax et pruriens; item, mordax et maledicus..

  A026000811 

 — Les moindres besoignes faittes en charité et selon l'art de vraye devotion, comme sont les mortifications des petites passions, les bas services et offices, les petites œuvres, valent plus que les plus grandes faittes laschement et sans devotion. Charitas est mensura hominis, quæ est Angeli, id est hominis et Angeli, Apoc. 21; arundo aurea sunt opera parva et nullius ex se momenti, ut arundo, et tamen, quia aurea sunt, mensura caritatis..

  A026000813 

 Arellius, peintre fort renommé un peu avant le regne d'Auguste a Romme, est oit sujet aux femmes, et toutes les deesses quil faysoit estoyent faittes a patron des femmes a qui il faysoit la court. Hæretici Virginem Divosque pingunt ut mulieres suas et ministres, et zelotipiam Dei ut suam, justitiam Dei ut suam, misericordiam Dei ut suam, potentiam Dei ut suam: unde ex Joanne Baptista, mollem faciunt ministrum et mollibus vestitum; ex Virgine, puellam de trivio..

  A026000815 

 Nealces voulant representer le rencontre de l'armee des Ægiptiens et de celle des Perses, tous (sic) deux navales, sur [le fleuve] du Nil, et ne pouvant contrefaire l'eau du [Nil pour ce qu'elle est semblable à] la marine, il peignit [un asne beuvant à bort de riviere et un crocodile qui le guettoit.] [L. XXXV, c. XI, al.

  A026000816 

 (Dioscoride dit qu'ell'est blanche en l'absence du soleil. [L. IV, c. CLXXXV].) Addition: Quasi toutes fleurs jaunes suivent le soleil, mais non les feuilles qu'en celle ci. Perfectus amor omnia omnino convertit ad Christum, et folia, id est minima et naturalia..

  A026000817 

 Il y a en l'isle de Cypre, les Marses, les Psylliens et les Ophyogenes qui font fuir les serpens et guerissent ceux qui en sont mordus a leur toucher seulement la playe; item, ceux de l'isle Tentyris, qui est au Nil, ont si grande proprieté contre les crocodyles, qu'a oüir seulement leur voix, les crocodiles s'enfuyent.

  A026000818 

 VI]: Ceux qui ont autrefois esté morduz des chiens enragés ou des serpens, encor quilz soyent gueris rengregent les playes de ceux qui en sont malades a s'approcher seulement d'eux. Quam facilis est casus eorum qui cum peccatoribus versantur! Nemo habitare debet cum iis cum quibus semel peccavit, nisi cauté, nam plagæ etiam obductæ reviviscere et recrudescere faciunt vulnera..

  A026000819 

 Un serpent acharné est malaisé a oster et arracher si ce n'est de la main gauche, Peccator peccato addictus, maxime carnali, vix nisi flagellis abigitur.

  A026000821 

 Dum quis clares habet oculos et nitidos, id est judicium, bene est; at judicio corrupto, ut in hæreticis, actum est..

  A026000830 

 Le cœur est la premiere partie qui se forme et qui vit, les yeux la derniere; et ceux ci meurent les premiers, le cœur le dernier.

  A026000830 

 On diroit que c'est un animal a part, sautelant et se remuant; ceste seule partie n'est jamais malade, car la premiere offence la fait mourir.

  A026000831 

 Le petit cœur est hardi; le grand ou gros, timide..

  A026000832 

 Le jour que Cæsar fut fait dictateur et quil chargea la robbe de pourpre, il fit deux sacrifices, en tous lesquelz ne se treuva nul cœur es bestes quil sacrifia. Cæsar, [119] eversor reipublicæ a cædendo diabolus quos sacrificat in die suæ dictaturæ, id est dictando eis mala, excordat.

  A026000838 

 Pour garder que les raysins ne tumbent, jette de (sic) cendres sur la racine; si ell'est sterile, mesle de fort vinaigre avec cendres et en enduis les racines..

  A026000838 

 Si ta vigne est maigre, metz au pied, en sa racine, la cendre de ses sermens (sic). Caput, radix hominis; serment, la fin.

  A026000841 

 (Pl., l. 8. c. [35, al.] 23; Diosc., l. 6, c. 5.) La plaÿe est petite comme si ell'estoit faitte de la pointe d'un'eguille, sans enfleure; les patiens se sentent incontinent les yeux offusqués et couvers, diverses douleurs par tout le cors, legeres et non sans quelque playsir..

  A026000847 

 Le crocodile est furieux contre ceux qui le craignent et qui le fuyent, et jamais ne fait teste quand on le poursuit.

  A026000847 

 Les daulphins faysans la guerre au crocodile, connoissans que la peau de son ventre est mince et tendre, font semblant d'avoir peur de luy et se fondent en l'eau, et se relevent contre son ventre et avec leurs arrestes trenchantes le luy fendent et le tuent.

  A026000851 

 Chameaux passeront 4 jours sans boire, mais s'en revanchent treuvans l'eau, laquelle ilz ne boivent quilz ne l'aÿe (sic) troublee, ne la treuvans bonne autrement (aucuns estiment que c'est pour ne voir leur difformité en icelle). Optime congruunt hæreticis de Scriptura non bibentibus, nisi sensum turbaverint, ut gustui suo aptent miscendo terrena sacris, vel ne suam videant turpitudinem.

  A026000857 

 Le dragon est si grand quil entortille l'elephant, et fait tumber l'elephant qui en tumbant le tue.

  A026000857 

 Le sang de l'elephant est froid et les dragons desirans se rafraichir en sont frians; dont, aux chaleurs, le dragon se chache (sic) dans l'eau, espians que l'elephant vienne boire, et lhors se jettent (sic) a leur muffle et l'entortille, puis les mordant a l'oreille ou l'elephant ne peut porter la muffle, tire tout le sang de l'elephant, lequel tumbant mort, tue le dragon yvre de son sang.

  A026000858 

 La lionnesse est extremement luxurieuse et se laisse couvrir au liepart (sic), ce que le lion sent longtems apres et la chastie; mais pour oster ce sentiment, elle se lave.

  A026000859 

 Le lion ne fait rien a ceux qui se couchent et humilient, et ne s'addresse jamais aux petitz enfans, sil n'est bien pressé de faim.

  A026000860 

 [Ibid.] Pendant quil est en lieu ou on le voit a descouvert, il fait sa retraitte tout bellement, monstrant de mespriser les chiens et le veneur; estant couvert de bois, il fuit excellemment.

  A026000862 

 Il n'est frauduleux ni soupçonneux et ne regarde jamais personne de travers; aussi ne prent il pas playsir qu'on l'y regarde.

  A026000866 

 Entre les oyseaux de proye, les uns ne se jetteront jamais sur un oyseau sil n'est en terre, les autres les espient seulement quand ilz volent le long des arbres, d'autres quand ilz sont branchez, et d'autres qui les prennent en l'air, a force d'aisles.

  A026000868 

 Coucu est un'espece d'espervier; change de figure en certain tems de l'an; il a la teste d'un pigeon, et la couleur de son pennage, avec les ongles d'un espervier.

  A026000868 

 Faciem habet columbæ, cæterum accipiter; est unguibus aduncis, sed ignavus..

  A026000869 

 La lanterne de mer, nommee en latin lucerna (aucuns disent que c'est le rouget), se tient ordinairement sur l'eau, et la nuit estant clere et calme, elle tire une langue luysante comme feu; l. IX. c. 27 [ al.

  A026000870 

 Si la rosee est pure, elles sont cleres; si le tems estoit trouble, elles le sont, participans plus de l'air que de la mer; elles s'engrossissent et nourrissent si elles peuvent recevoir a suffisance de la rosee.

  A026000872 

 C'est chose asseuree que les chiens en Ægipte lappent et boivent au Nil tous-jours en courant, de peur de servir de proÿe aux crocodiles. Pl.

  A026000875 

 LXIX]. Hæretici, muli, nunquam cum iis concordant qui facti sunt ut jumentum apud Deum, id est Catholicis; et hæretici sunt steriles, ultra non proficiunt..

  A026000878 

 Les lievres, es hautes montaignes, sont blancz l'hiver pendant que la neige y est, et, dit on, quilz vivent de neige; et reprennent leur premier pelage, la neige estant fondue.

  A026000882 

 [Preface de Mattinoli, traduction de Du Pinet, p. 12.] Sic dæmon cura tetigit Christum, qui vere Scilla in terra posita est et miræ virtutis..

  A026000888 

 Qui vult animam habere castam, incubet super agnum castum, id est super meditatione vitæ et mortis Christi..

  A026000897 

 Decimant etiam anethum, cujus virtus est somnum concitare et digestionem juvare; quare antiqui coronas sibi ex anetho faciebant in conviviis, ut ait Mathiol., [l.

  A026000897 

 Le persil, plus il est foulé aux piedz, plus il croit.

  A026000912 

 L'aymant frotté de l'ail ne tire le fert si, par apres, il n'est lavé de sanc de bouc. Allium, superbia Adami, impedit attractionem magnetis, id est Dei; sed cum Deus lotus est in sanguine Christi, tunc iterum attrahit..

  A026000913 

 L'ambre attire les pailles et festus, mais il ne le fait sil est frotté d'huile.

  A026000913 

 Mathioli, sur le c. 93, dit que c'est si les pailles sont frottees d'huile, et dit que ce qu'on dit quil n'attire pas l'hissope est faux. Anima comedit et attrahit vilia quæque et stipulis quæ vertuntur ante faciem venti; sed id non facit si linita sit gratia et charitate, tunc enim cessant rerum inutilium desideria..

  A026000914 

 Du Pinet, p. 12.] Si nos dæmon momordit tentatione, alacriores reddit ( priusquam enim humiliarer, ego deliqui ); sed si vestigia ejus sequamur, id est gloriemur et induremur in peccatis, tunc obstupescunt affectus.

  A026000915 

 La chair des moutonz morduz du loup est meilleure, [134] mais la laine engendre des poux au drap qui en est fait, [Ibid.].

  A026000916 

 LIV], croit en la seule Judee, et est la liqueur la plus odorante de toutes.

  A026000917 

 Estant frais, il est blanc et espais comm'huille demi prins; petit a petit il devient rouge, dur et transparent..

  A026000918 

 (La rayson donc est que, par le mahumetisme, cette region a perdu ses faveurs.).

  A026000918 

 I, c. XVIII]: Mais comme s'est il fait que la Judee est privee du baume, laquelle seule jadis le portoit en plus grande abondance? Il respond que les Rois ægiptiens l'ont transporté; mais Dioscoride et Galien tesmoignent qu'en mesme tems il y avoit du baume en Ægipte et en Judëe.

  A026000919 

 IX, c., VI,] dit que l'arbre est grand comme un grenadier et que ses feulles ressemblent a la rüe, et tant luy que Dioscoride, [135] qu'on l'incise avec le fer.

  A026000919 

 LIV]: La vraye espreuve du baume est quil face prendre le lait et ne tache point le drap..

  A026000920 

 XLII], dit quil croit en Ethiopie parmi les buissons, quoy qu'en la plaine, et n'a nulle odeur estant verd; il est, au plus, de deux coudees.

  A026000921 

 XXXIV,]) est un arbrisseau de cinq coudees, le tronc espineux et tors; aucuns disent qu'elle croist au mesme bois que l'encens, l'un parmi l'autre.

  A026000924 

 Racine de polemonia portee, empesche qu'on n'est piqué des scorpions, ou si on est piqué, la piqueure ne nuit; Dioscoride.

  A026000926 

 VII, c. VI, 3,] ressemblant en couleur a une flambe de feu, et est sur le soir comme une lueur faysant eclairs.

  A026000928 

 Du Pinet, Epitre, p. 10.] In persecutione, inimici duo sunt: succus, et hoc peccatum est.

  A026000928 

 Si læteris de peccato, illud bibis et moreris; si de pœna tua, tunc vivis; unde: Facientes prævaricationes odivi; Si reddidi retribuentibus mihi mala; et hoc est perfectum odium..

  A026000941 

 LII]: On tient que les pigeons ont ressentiment de gloire et quilz se pavonnent en l'air et font des esplanades ça et la, se mirans en la varieté de leur pennage; mais cela est cause que les tierceletz et faucons les attrapent, car s'ilz volloyent leur droit vol, il (sic) ne les attraperoyent jamais, car ilz ont l'aysle plus royde que les oyseaux de proye; mais les ennemis les espient quand ilz s'amusent a leur gloire, pour les surprendre et attraper. Heu, superbi!.

  A026000942 

 La cresserelle est bonne aupres des pigeons, car elle espouvente, par un certain naturel qu'ell'a, tous animaux de proye, qui craignent son regard et son cri. Humilitas [139] debet adesse cuilibet virtuti, nam eam timent dæmones.

  A026000945 

 Il les pria de luy donner loysir de jouer encor un coup de sa cytre, ce qu'ilz firent; et tout incontinent, des daulfins vindrent, et fut receu par l'un d'iceux qui le porta au cap de Tenaro, » qui est en la contree de Misistrat en Lacedemone.

  A026000945 

 « De sorte que l'histoire d'Arion, dit Pline, est aysee a croire.

  A026000947 

 XLII]; le traducteur dit que c'est fable. O anima in charitate vivit; sine charitate nihil est.

  A026000948 

 La munition delaquelle elles vivent est faitte de la rosee du printems et des gommes des feüilles; elle se treuve au fons des rayons, et amere. Dum mei faciunt, amaris vescuntur; sic in pænitentibus consolatio.

  A026000949 

 Flos mortuus virtus est moralis, charitate destituta; huic non insidet Spiritus Sanctus..

  A026000952 

 CXXV]: Le palmier est un arbre haut, il gette grand nombre de fleurs dependantes de certains petitz poilz en mode d'une grappe, de figure semblable a celles du saffran, mais beaucoup moindres et blanches.

  A026000953 

 — Qui nimis accepit de fructu palmæ et Victoriæ spiritalis et vinum, id est lætitiam immoderatam, caput ejus gravate inani gloria et inebriatur superbia.

  A026000957 

 Mathioli, [ibid.]: L'huile [de scorpion] guerit toute (sic) poyson qui n'est corrosive..

  A026000960 

 XXIII.] Christus occisus in cruce; apes, id est contemplativos, generavit, qui mellificium exercent, ut leo Samsonis, etc. Alii mortui non generant nisi frelones, id est luctuosos, tristes..

  A026000961 

 Les guespes ayment la chair; les mouches a miel, au contraire, ne se posent jamais sur un cors mort. Hæc est differentia mundanorum et spiritualium; c. 21 [ al.

  A026000963 

 Frelons et guespes, bastars des mouches a miel, leur font la guerre; ilz font la cire, mais non pas le miel; 24 et 19. Hæretici, infesti Catholicis, faciunt ore ceram, id est promunt corticem litteræ; nam et cera continet mel, mel autem minime.

  A026000964 

 Les araignes ne travaillent point quand il fait beau tems, mais quand il est trouble; apes contra (c. 24 [ al.

  A026000970 

 XXXV]: Polignotus, Thasien, fit un tableau qui fut despuis mis en la galerie de Pompee, ou il y avoit un homme si proprement peint sur un'eschelle, qu'on n'eut sceu dire sil monte ou sil descend. Non progredi, retrogredi est..

  A026000996 

 [Ibid., p. 5.] Sic Deus initio mundi: Fiat; et factum est ita, et fecit bestias, etc,; vidit quod esset bonum, sic enim ait Scriptura cum de cæteris creaturis.

  A026000998 

 Mays quand on void deux feux, ilz apportent tout bonheur et presagent bon voyage, et a leur arrivee le feu malheureux qui est seul et s'appelle helene, s'enfuit et s'esvanouit.

  A026000998 

 Sic amor Dei sine amore proximi est falsus amor et presumptuosus, et amor proximi sine amore Dei est amor concupiscentiæ et malignus; adveniente charitate, quæ utrumque habet, evanescunt illi falsi amores..

  A026000998 

 — Spes sine timore, vel timor sine spe, est solitarium et malignum lumen comburens carinam; at cum duo, bonum omen et expellunt malignum, id est desperationem, nimirum timorem sine spe, aut presumptionem quæ nihil aliud est quam spes sine timore.

  A026000999 

 Il y a une sorte de chevreul qui n'a qu'une corne, en Egipte, qui regarde droit cest'estoile apres qu'ell'est levee, et esternue en signe de reverence, et les chiens sont sujetz a devenir [151] enragés. Heresis, stella canicularis, dum paret in cælo Ecclesiæ, mare, id est populi, tumultuant, vinum doctrinæ subvertitur pessimis interpretationibus; capreæ Ægiptiacæ (et a cornibus unicornium humilitatem meam), homines addicti carni et lasciviæ, eam libenter adorant; denique, plerique canes, maxime ex monachis, in rabiem vertuntur..

  A026001005 

 Item, differentia inter Philippum et Alexandrum, ut videre est apud Plutarchum, quod Philippus omnibus ex rebus gloriam, at Alexander non nisi ex magnis captabat.

  A026001005 

 Tentatio luxuriæ similis est aux cirons qui intus et ubique urgent, maxime desiccatis; nam sudantes et cerosum humorem emittentes vix urgentur.

  A026001011 

 Item, la différence entre Philippe et Alexandre, comme on peut le voir dans Plutarque: c'est que Philippe tirait gloire de tout; Alexandre, des grandes actions seulement.

  A026001011 

 La tentation de luxure est semblable aux cirons qui s'attaquent au dedans et au dehors, surtout des objets secs.

  A026001020 

 Mais le laurier naturel ordinaire est signe d'asseurance, n'estant touché du foudre..

  A026001021 

 XLI]; L'Arabie Heureuse est ingrate, rendant graces aux dieux celestes de ce qu'elle recevoit des infernaux. Sic hommes plerumque agunt gratias diis mortalibus et terrenis de acceptis a celesti; hinc se creaturas hominum potentum nuncupant, etc., et sepe se Dei gratia regna, episcopatum, etc., quæ Dei ira, vel vitio ipsorum obtinent..

  A026001026 

 Rossignol commençant a chanter, c'est signe quil commence a manger seul.

  A026001040 

 VI, p. 710.] Gladius autem portatur a Cherubim, id est scientia..

  A026001045 

 CXV]: Porceaux mangent les serpens sans s'en sentir; tous autres animaux en meurent. Sic peccata porcis sunt cibus, id est fœdis et luxuriosis; aliis sunt interitus, id est amara ut mors..

  A026001054 

 Lactare, in Scripturis est blandiri: Cum te lactaverint peccatores, ne acquiescas eis.

  A026001069 

 Nolle amare Deum quantum possis ex contemptu, accidia, superbia, peccatum est; L. 2.

  A026001070 

 In Tract, de imperio et regno amoris: cum constitutum sit amorem residere in suprema parte animæ, veluti in supremo totius regni solio, facienda erunt capita quibus ostendamus hunc amorem supremum, uti amoribus inferioribus: scilicet, quomodo charitas utatur amore concupiscentiæ, qui est spes, illique imperet; quomodo utatur amore desiderii, amore benevolentiæ; deinde, quomodo utatur timore, gaudio, dolore cæterisque omnibus animæ passionibus; tum vero, quomodo utatur virtutibus, et sic ubique regnet.

  A026001071 

 Amor qui expletur summo bono, alacrior est ad amorem et non vult cessare, unde et satietas sine fastidio; desiderium habet et quietem; desiderat non rem absentem, sed presentem et quam habet, non enim tam expletur quam repletur.

  A026001072 

 Ad cap. de amore congenito et intimo, nobis addenda similitudo de eo qui aquas in terra latentes ad puteum faciendum querit: nam tempore calidissimo æstatis, cum terra valde sicca est, paululum ante solis ortum, prostratus humi circumspicit ad orientem planiciem terræ, et ubi videt nebulum et vaporem tenuem, ibi judicat latere fontem quem alioqui non videt.

  A026001074 

 Le pin, sapin, cypres et autres arbres gommeux et oleeux, ne reçoit (sic) le mariage d'aucun arbre, arbres insociables; quia succus (la seve) ne se peut mesler, ou parce qu'ell'est trop espesse et parce qu'estant grasse elle ne se peut appliquer. Sic fabulis poetarum, vix inseras conceptus theologicos; non enim mendacia poetarum possunt misceri veritatibus theologorum, neque prudentiæ carnis prudentiam spiritus..

  A026001076 

 Non student Scripturis, nam Scriptura est affectiva scientia, illi tantum student litteræ, non sensui; aliud est enim studere intelligentiæ ut intelligas, aliud studere sensui ut sentias.

  A026001078 

 Sa racine est odorante; elle ressemble a l'arbre triste, en ce que l'arbre triste ne fleurit que la nuit. Charitas maxime extenditur in tribulatione; at falsa, inter prospera et consolationes tantum dilatatur.

  A026001079 

 Lilium omnes colores suscipit, si ejus radix antequam plantetur in liquore alicujus coloris; [Ibid., p. 134.] Sic et caritas patiens est, benigna est, cætera.

  A026001081 

 Sancti Francisci stigmata: amore compiacentiæ incaluit cor ejus; deinde corpus, unde lenius per dilatationem effectum est; deinde per compassionem attracta Passio, facile sui impressionem fecit.

  A026001084 

 L'amour de complaysance provoque a la louange et honneur, par maniere d'admiration et de declaration du sentiment que nous avons: c'est pourquoy, au traitté de l'Orayson, il en faudra faire mention es chapitres de la louange, etc..

  A026001086 

 Quand le roy des abeilles est mort, elles s'amoncelent autour de luy, et si leur gouverneur ny prend garde, elles meurent-la plustost que de le quitter; il faut donq quil le leur oste de devant. O morienti Christo, quare non commorimus? Christo confixus sum cruci.

  A026001099 

 Resouvenes vous qu'il n'est rien de si heureux qu'une Religieuse devote, rien de si malheureux qu'une Religieuse sans devotion..

  A026001100 

 Et y a difference entr'un homme de bien et homme devot, car cestuy-la est homme de bien qui garde les commandemens de Dieu, encor que ce ne soit pas avec grande promptitude ni ferveur; mais celuy-la est devot qui non seulement les observe, ains les observe volontier, promptement et de grand courage..

  A026001100 

 La devotion n'est autre chose que la promptitude, ferveur, affection et mouvement que l'on a au service de Dieu.

  A026001101 

 Pour ce faire, il faut premierement prendre garde de n'avoir point la conscience chargee d'aucun peché, car le peché est un si pesant fardeau que, qui le porte ne peut cheminer contre mont; c'est pourquoy il se faut confesser souvent et ne jamais laisser dormir le peché dans nostre sein.

  A026001101 

 Secondement, il faut oster tout ce qui peut embarasser « les piedz » de nostre ame, qui « sont les affections, » lesquelles il faut retirer et desprendre de tout object non seulement mauvais, mais de celuy qui n'est pas bien bon, car un cheval entravé ou piqué ne peut courir..

  A026001103 

 Et touchant la priere, je vous advertis que, premierement, vous ne devés jamais laisser de dire l'Office ordinaire, qui est commandé de l'Eglise, et plus tost faut laisser toutes autres prieres.

  A026001103 

 Quatriesmement, ne passes aucun jour, sil est possible, sans lire quelque peu dans quelque livre spirituel, mesmes avant la meditation, pour resveiller en vous l'appetit spirituel..

  A026001110 

 Touchant vostre qualité d'Abbesse, c'est a dire Mere du Monastere, elle vous oblige a procurer le bien de tous (sic) vos Religieuses pour la perfection de leur ame, et par consequent a reformer leurs mœurs et toute la Mayson..

  A026001112 

 Tenes-vous courte avec les conversations mondaines et ne permettes pas, que le moins que vous pourres, qu'elles soyent en vostre chambre particuliere, pour, petit a petit, procurer que le dortoir des Dames en soit entierement exempt; ce qui seroit bien requis, et vostre exemple en est un grand moyen..

  A026001124 

 Demandes luy avec humilité pourquoy il vous y a mise, et consideres que ce n'est pas pour aucun besoin qu'il eust de vous, mais affin d'exercer en vous sa liberalité et bonté; car c'est pour vous donner son Paradis.

  A026001126 

 Considerés quel malheur c'est au monde de voir que les hommes pour la pluspart ne pensent point a cela, mais leur est advis qu'ilz sont en ce monde pour bastir des maysons, ageancer des jardins, avoir des vignes, amasser de l'or, et semblables choses transitoires..

  A026001127 

 Helas, ce dires vous, que pensois je quand je ne pensois pas en vous? O Seigneur, dequoy me resouvenois je quand je vous avois oublié? Qu'aymois je quand je ne vous aymois pas? N'estois je pas miserable de servir la vanité au lieu de la verité? Helas, le monde, lequel n'est fait que pour me servir, dominoit et maistrisoit sur mes affections.

  A026001132 

 Ah, Seigneur, j'ay de telles et telles pensees, je m'en abstiendray cy apres; j'ay trop de memoire des picques et injures, je la perdray doresnavant; j'ay mon cœur encor attaché a telle et telle chose, qui est inutile ou prejudiciable a vostre service et a la perfection de l'amour que je vous dois: je le retireray et desengageray entierement, moyennant vostre grace, affin que je le puisse tout donner au vostre..

  A026001137 

 C'est celuy qui desire vostre perfection en Dieu, es entrailles duquel il est.

  A026001162 

 C'est le mistere de l'elevation de Jesus crucifié sur le mont de Calvaire, et præsuppose que c'est [un vendredi ]..

  A026001162 

 J'ay choysi un mistere qui est des plus beaux et fertiles, et sur lequel neanmoins je ne diray que fort peu au prix de ce qui s'en pourrait dire.

  A026001168 

 Je me representeray et mettray une vive apprehension en mon esprit que Dieu est veritablement present a toutes choses, mais specialement a mon cœur et a mon entendement, ou il est comme cœur de mon cœur et l'ame de mon ame.

  A026001172 

 Et donques, diray-je, cette mer de perfections, cet abisme de bonté, non seulement m'environne de tous costés, mais se communique par une vraye presence et tres entierement a ce cœur desloyal, a cett'ame felonne! Helas, mon Dieu, mon Seigneur, il me semble que mon cœur, ainsy profondement meslé et uni de toutes pars a vostre divine presence, n'est autre chose qu'un vil et venimeux crapaut qui nage, se supporte et maintient dans une mer de bausme tres prætieux.

  A026001178 

 Sa bouche, toute meurtrie des coups de la nuit, tenant un profond silence, n'est ouverte que pour jetter des souspirs amoureux sur le peuple, en la presence du Pere æternel.

  A026001179 

 Et enfin, voyla la croix qui tumbe dans le creux auquel elle doit estre fichee et donne une secousse au cors qui y est pendu, au moyen de laquelle les playes s'agrandissent et plusieurs goustes de sang s'espluyent esparsement ça et la sur les plus proches, dont la plus part les ostent avec indignation et ne leur semble jamais asses tost quilz s'en puissent laver..

  A026001184 

 Est ce donques, ce dis-je, ce grand Jesus qui a tant fait de miracles, de sermons et d'actes vertueux tout le tems de sa vie? Est ce pas la le Filz de Dieu æternel, qui est Maistre du Ciel et de la terre? et comment donques est-il pendu en croix? Ne pouvoit-il pas mourir de mille sortes de mortz plus honnestes, plus doulces et supportables, puis qu'il vouloit mourir? O quil faut bien dire que cette mort a quelque secrette beauté, puisqu'elle a esté choysie par le Filz de Dieu mesme! O quelle admiration sera ou peut estre digne de cette merveille?.

  A026001184 

 Je considere premierement celuy qui est ainsy pendu et eslevé, et voy par l'escriteau, que c'est Jesus de Nazareth, Roy des Juifz.

  A026001185 

 Hé, que cet Aigneau est benin! Oui me donnera [177] la grace que, parmi les travaux et injures, je puiss'estre de mesme?.

  A026001186 

 Ce n'est pas faute d'haleyne, car il en a bien pour souspirer; ce n'est pas faute de sujet, car il a bien dequoy se plaindre; ce n'est pas faute d'auditeurs, car il en est environné; ce n'est pas faute d'estre interrogés (sic), car un chacun crie apres luy, qui ceci, qui cela.

  A026001190 

 Pour obeir a son Pere; c'est pourquoy en sa premiere parole il l'apelle Pere.

  A026001191 

 Mon iniquité, donques, est bien grande, puisqu'il faut tant de peyne a l'effacer.

  A026001202 

 La crucifixion est faite; c'est a dire, la croix estant couchee sulla terre, Nostre Seigneur est estendu sur icelle tout nud et despouillé, et les bourreaux l'ont serré et cloué pieds et mains la dessus.

  A026001202 

 Maintenant donques, des ce lieu la, je m'imagine que je voy relever ce saint Crucifié en l'air, petit a petit, et que la croix est fichee et plantee dans le trou fait a cette intention..

  A026001203 

 Il reste que je poursuive a considerer les particularités par lesquelles ma volonté puisse estre excitee a produire beaucoup de bonnes saintes affections et resolutions: et cela, c'est la meditation..

  A026001207 

 Exterieurement: par cette eslevation son cors est tout entierement supporté sur ses pieds et ses mains cloués, dont advient que les playes s'agrandissent et la douleur se rend immense.

  A026001207 

 Quand la croix tumbe dans le trou preparé auquel elle est fichee, le Sauveur reçoit une secousse effroyable, qui augmente de nouveau les playes et donne comme un coup d'estrapade a tous ses nerfs et tendons; de tous costés le sang pleut et distille; l'air et le vent froid saysissent tout ce cors eslevé, penetrant dans les playes, et le font presque transir et pasmer.

  A026001208 

 Mays ce n'est rien de cela au prix des douleurs de son cœur, qui, languissant de l'amour des ames, voit une si grande perte de personnes, et sur tout de ceux qui le crucifient..

  A026001212 

 Helas, nul n'est si denaturé que voyant un criminel sur la roue, n'en ayt compassion.

  A026001212 

 Hé donques, mon ame, n'auras tu pas compassion de ton Sauveur qui souffre tant? Si jamais tu fus touchee de commiseration sur la nudité d'aucun pauvre emmi la rigueur de l'hyver, ne dois tu pas [181] compatir a ce pauvre Roy, qui est exposé tout fin nud sur cet arbre? Si jamais quelque pauvre ulceré te fit pitié, regarde, je te prie, celuy-la, auquel tu ne verras, de la plante des pieds jusques a la teste, aucun lieu qui ne soit tout gasté de coups.

  A026001215 

 O qui me donnera la grace que je puisse en quelque façon donner allegement a mon Sauveur affligé! Hé, que ne m'est-il loysible de prendre mes habitz plus prætieux pour couvrir vostre nudité! que n'ay je du bausme excellent pour en oindre vos play es! que ne suis je pres de vous sulla croix pour soustenir vostre cors en mes bras, affin que la pesanteur ne dechirast pas si fort les playes de vos pieds et de vos mains! Mais sur tout, que ne puis je empescher les pecheurs de tant offenser vostre cœur, qui ne feroit que se jouer de toutes les peynes de vostre cors, si pour icelles les pecheurs pouvoyent estre amendés! Que ne suis je quelque excellent et fervent predicateur pour leur annoncer la penitence! O comme ne dirois je aux iniques: Ne veuilles plus vivre iniquement; et aux delinquans: Ne relevés plus les cornes de vostre fierté et felonie!.

  A026001224 

 Je considere la maniere avec laquelle Nostre Seigneur souffroit en ce mistere, et cette maniere est double.

  A026001235 

 Mon iniquité est donques bien grande: o que je suis miserable de m'y estre si souvent abismé! O Seigneur, qui me delivrera de ce labyrinthe, si ce n'est vous? O ja ne vous playse de permettre que j'y retombe plus si lourdement.

  A026001244 

 Chacun est obligé d'aspirer a la perfection de la vie chrestienne, car Nostre Seigneur commande que nous soyons parfaitz, et saint Paul le repete aussi..

  A026001245 

 La perfection de la vie chrestienne consiste en la conformité de nostre volonté avec celle de nostre bon Dieu, qui est la souveraine regie et loy de toutes actions.

  A026001245 

 Pour donques acquerir la perfection, nous devons tous-jours considerer et reconnoistre quell'est la volonté de Dieu en tout ce qui nous regarde, affin que nous fuyons ce quil veut que nous evitions, et que nous observions ce quil veut que nous facions..

  A026001246 

 C'est pourquoy nous devons tous-jours regarder a bien observer ce que Dieu commande a tous les chrestiens, et aussi ce que nostre vocation requiert de nous particulierement; et qui ne fait soigneusement ceci ne peut jamais avoir qu'une devotion trompeuse..

  A026001246 

 Il y a des sujetz esquelz on ne peut douter quelle est la volonté de nostre bon Dieu, comm'en ce qui despend des [185] commandemens de Dieu et du devoir de nostre vocation.

  A026001247 

 C'est pourquoy il les faut recevoir de bon cœur, et conformer sa volonté a celle de Dieu qui les veut; et qui peut passer jusques au point de non seulement les supporter patiemment, mais aussi de les vouloir, il peut bien dire quil a acquis une tres grande conformité.

  A026001248 

 Je donne un exemple de ce que je dis: Je me prœpareray a supporter patiemment la mort, qui ne me peuvent (sic) arriver qu'une fois, et je ne me præpareray point a supporter les incommodités que je reçoy des humeurs de ceux avec lesquelz je converse, ou les importunités d'esprit que ma charge m'apporte, qui se presentent cent fois le jour: c'est cela qui me rend imparfait..

  A026001249 

 Il y [a] des autres actions ausquelles je ne suis point obligé ni par les commandemens generaux de Dieu, ni par le particulier devoir de ma vocation; et en celles ci il faut [186] estre soigneux de considerer en liberté d'esprit ce qui tend a la plus grande gloire de Dieu, car c'est cela que Dieu veut.

  A026001249 

 Que si elle n'est pas de grande importance, aussi ne faut il pas une grande sollicitude, ains, apres une petite consideration, il se faut resoudre; et si par apres l'action, la resolution ne semble pas bonne et qu'on se soit trompé, on ne s'en doit nullement affliger ni troubler, ains s'humilier et mocquer de soi mesme..

  A026001250 

 Et si par leur defaut la resolution n'est pas la meilleure en soy, elle ne laissera pas d'estre la plus utile et meritoire pour vous, car Dieu la rendra fructueuse.

  A026001250 

 Mais si la chose est d'importance, comme de changer de profession, faire des veuz perpetuelz, entreprendre des grans voyages, donner des grandes quantités en aumosne, apres y avoir un peu pensé, il en faut conferer avec les peres spirituelz sous la conduitte des quelz on s'est remis, et passer par leur advis avec simplicité, car Dieu les assistera a vous bien adresser.

  A026001252 

 L'autre, c'est l'exercice, et celluy ci consiste en trois resolutions proportionnees aux vœux de Religion, c'est a dire, obeissance, chasteté et pauvreté..

  A026001252 

 Les grans moyens pour parvenir a la perfection sont de deux sortes. Le premier et principal, c'est d'avoir la grace interieure de Dieu, et celluy ci se doit obtenir par prieres, oraysons, sacrifices, reception des Sacremens.

  A026001259 

 Neanmoins, selon la commune façon d'entendre, on n'appelle pas parfaitz tous ceux qui ont la charité, ains seulement ceux qui l'ont en un degré sublime et eminent; c'est a dire ceux qui ont un amour de Dieu et du prochain fort excellent..

  A026001259 

 Nostre Dieu nous commande d'estre parfaitz; mais en quoy consiste la perfection? C'est chose asseuree qu'elle n'est autre chose que la charité, qui comprend l'amour de Dieu et du prochain.

  A026001260 

 Puis donq que nous sommes obligés d'aspirer a la perfection, il est requis de connoistre les moyens propres pour l'acquerir, et tout ensemble les actions qu'elle produit en nous, qui n'est qu'une mesme chose; car tout ainsy que le grain du froment produit la plante et la plante produit le grain, ainsy les saintz exercices produisent la perfection et la perfection fait naistre les saintz exercices.

  A026001260 

 Puisque la perfection de l'ame consiste en la charité, et la charité est [188] le don principal du Saint Esprit, le premier moyen pour obtenir la perfection, c'est de la demander humblement, instamment et continuellement a Dieu par prieres et meditations; le deuxiesme, c'est l'usage des Sacremens, car ilz sont les canaux par lesquelz Dieu distille en nous la grace, charité et perfection; le troisiesme, c'est l'exercice des vertus en general..

  A026001261 

 Mais parce que ce troisiesme moyen est si ample, je le reduiray en cette sorte: Les trois vertus des Religieux sont les trois plus signalés instrumens pour acquerir la perfection et les trois plus grans effectz d'icelle.

  A026001265 

 Le premier degré, c'est d'obeyr aux Superieurs et [à ceux] qui ont du pouvoir sur nous, comme peres, meres, maris, Prelatz: donq le filz doit obeyr a son pere avec la mesme souplesse qu'un Novice d'une Religion fort reglee feroit a son Superieur; et est une niayserie de s'imaginer qu'on obeyroit bien a un Superieur de la Religion qu'on aurait choisie, si on ne peut obeyr aux Superieurs que Dieu mesme et la nature nous a donnés..

  A026001266 

 degré, c'est d'obeyr a nos compaignons et a ceux qui nous sont esgaux; et ce degré se prattique en se rendant doux et facile a la volonté de nos compaignons.

  A026001267 

 Et cela est ordonné par l'Apostre, qui veut que nous soyons sujetz a un chacun pour l'amour de Dieu..

  A026001267 

 L'exemple de cette obeyssance [189] est en Jesus Christ, qui obeit non seulement a son Pere eternel et a sa sainte Mere, mais aussi a saint Joseph et aux statutz et coustumes de l'Eglise.

  A026001267 

 degré, c'est d'obeyr aux inferieurs, s'accommodant aucunement a leurs desirs entant qu'ilz ne sont point mauvais, avec une [douce] condescendance; et a ce degré est contraire l'authorité imperieuse et desdaigneuse que l'on prend sur les inferieurs.

  A026001269 

 Et a ce degré est formellement contraire la des-obeyssance..

  A026001269 

 est d'obeyr aux commandemens de Dieu et des superieurs; et ce degré d'obeyssance est necessaire a un chacun, car qui ne l'observe peche mortellement, quand il s'agit de quelque chose d'importance.

  A026001270 

 Et a ce degré est grandement contraire la tepidité et froideur..

  A026001270 

 degré, c'est d'obeyr aux conseilz, chacun selon sa vocation: comme de demeurer vefve quand on l'est; de rechercher celuy qui nous a offencés, par caresses et courtoysies; d'ayder ceux qui en ont quelque besoin, encores qu'ilz ne soyent pas en grande necessité.

  A026001271 

 Et a ce degré est contraire l'inadvertance et mespris de nostre interieur.

  A026001271 

 L'exemple en est en Nostre Seigneur qui fit toute sa vie tout ce qui visoit plus a la gloire de son Pere eternel, de la glorieuse Vierge Marie, sa Mere, et de tous les Saintz..

  A026001271 

 degré, c'est d'obeyr aux inspirations et mouvemens interieurs que l'on reconnoist tendre a la plus grande gloire de Dieu, et ce, apres les avoir examinés ou fait examiner.

  A026001273 

 est lhors qu'on nous commande quelque chose aggreable, comme seroit de ne point travailler les festes, de chanter en musique, ou quelque autre chose semblable, laquelle de soy mesme nous est aggreable; et en cela il n'y a pas grande vertu en obeyssant, mais il y a bien du grand vice en des-obeyssant.

  A026001274 

 c'est quand on nous commande des choses indifferentes, c'est a dire choses qui de soy mesme ne sont ni aggreables ni desaggreables, comme seroit de se promener, de porter tel ou tel habit; et lhors la vertu de l'obeyssance est grande, et le vice aussi de la des-obeyssance bien grand..

  A026001275 

 est quand on nous ordonne de faire des choses aspres et difficiles, comme de pardonner aux ennemis, souffrir patiemment les afflictions, ou faire quelque autre chose qui soit fort contraire a nostre inclination; et lhors le merite est extremement grand en obeyssant, et le peché moins grand en des-obeyssant..

  A026001276 

 L'exemple en est en Nostre Seigneur, qui en tout a voulu que le vouloir de son Pere se fist, mesme en la Passion..

  A026001280 

 Je croy que mon Redempteur est vivant et qu'en ce dernier jour je resusciteray.

  A026001280 

 Mettes ordre qu'aussi tost que seres esveillee, vostre ame se jette du tout en Dieu par quelque sainte pensee, telle que celle-cy: Comme le sommeil est l'image de la mort, aussi le resveil est l'image de la resurrection.

  A026001298 

 Helas, comment peut vivre cette miserable et si chetifye creature en une si profonde presence de vostre Bonté? Il me semble, o mon Dieu, que mon cœur ainsy meslé, uni [194] et nageant en vostre infinie Essence, n'est autre chose qu'un vil et venimeux crapaud qui flotte, se supporte, maintient et vit dans une mer de bausme praetieux..

  A026001303 

 Je m'imagine de plus, que le crucifiement est des-ja fait, c'est a dire, la croix estendüe sur la terre; que Nostre Seigneur, despouillé, tout fin nud, a esté attaché par les bourreaux sur icelle, cloüé et serré pieds et mains.

  A026001303 

 Maintenant, donques, m'estant logé par imagination en ce lieu que j'ay dit, je m'imagine [195] outre cela que je voy relever ce saint Crucifié tout vivant en l'air, et que la croix est fichee et plantee en terre dans le creux qui a esté fait a cette fin..

  A026001304 

 Il reste que je poursuyve a considerer les particularités qui peuvent esmouvoir ma volonté aux saintes affections et resolutions: et cela est la meditation..

  A026001313 

 Hé, qui sera ce tigre qui ne fondra en larmes sur ce jeune Roy, le plus doux de tous les hommes, vray Filz de Dieu, et qui est si mal traitté? Helas, nul n'est si denaturé qui voyant un criminel sur la roue, pour criminel qu'il soit, n'en ayt compassion: hé donques, mon ame, mourras tu point de compassion de voir ton Sauveur qui souffre tant? Voy ce cœur tant affligé pour les pechés du monde; et si ton cœur ne s'afflige avec luy, faut il pas qu'il soit plus dur qu'un diamant?.

  A026001314 

 O qui me fera la grace que je puisse en quelque façon soulager mon Sauveur en cette affliction? Hé, que ne m'est [196] il permis de le couvrir de quelque habit praetieux, de respandre sur ses playes quelque bausme excellent et supporter entre mes bras la pesanteur de ce cors! Et vous qui releves cette croix, alles y tout bellement, je vous supplie, et ne la rejettes pas si rudement dans le creux, affin que la secousse ne soit pas si grande pour ce pauvre Patient.

  A026001323 

 Pour l'exterieur: voyes le grand silence de cette divine bouche, qui n'est ouverte que pour jetter de doux et paysibles souspirs; ses yeux gratieux et benins regardoyent quelquefois le Ciel avec grande reverence, quelquefois ilz se tournoyent du costé du peuple qu'ilz regardoyent avec beaucoup de compassion; et il me semble que je voy en sa poitrine, du costé gauche, son cœur qui pantele et tremousse d'amour, avec tant d'inflammation, que tout cet endroit me semble rougir..

  A026001335 

 Premierement, c'est pour obeir a Dieu son Pere.

  A026001336 

 Mon iniquité est donques bien grande: helas, que je suis miserable de m'y estre si souvent abismé! O peché tres abominable, je ne te verray jamais d'un costé que je ne me jette incontinent de l'autre, quand il y auroit tous les tourmens du monde a souffrir; non, je ne veux plus me souiller en tes miserables ordures..

  A026001337 

 O donques, que son amour est grand! Helas, Seigneur, je ne sçay pas si j'ay aucun amour; mais si j'en ay, il est si miserable qu'il s'assouvit d'une seule larme, et il croit s'estre bien fait paroistre quand il a jetté quelques souspirs.

  A026001339 

 Je considere encor la forme particuliere de ce mistere, qui est l'eslevation.

  A026001348 

 Je vous advertis premierement, qu'encor qu'il soit [200] bon pour l'ordinaire de tenir cette methode, c'est a dire, d'adjouster les affections aux considerations et les resolutions aux affections, en sorte que la consideration marche la premiere, toutesfois, si apres la proposition du mistere l'affection se treuve asses esmeue, comme il arrive quelquefois, alhors il luy faut lascher la bride et la laisser courir, car c'est signe que le Saint Esprit nous tire de ce coste la; et puis, la consideration ne se fait que pour esmouvoir l'affection..

  A026001349 

 Il me semble qu'il est meilleur de faire les affections apres chaque consideration que d'attendre apres toutes les considerations, parce qu'on chemine plus simplement.

  A026001350 

 Encor qu'il soit bon de reserver l'action de graces, la priere et l'offrande pour la fin de la Meditation, si est ce que ce sont trois affections qui se peuvent aussi faire avec les autres parmi les considerations, et se presentant, il leur faut aussi librement faire place sans les retenir..

  A026001351 

 Mais il faut que le tout se face tous-jours en la presence de Dieu, c'est a dire, en vertu de l'attention que nous nous sommes procuree au fin commencement de la meditation.

  A026001351 

 Parmi les affections et resolutions, il est bon de parler non seulement a Nostre Seigneur, aux Anges et aux personnes representees aux misteres; mais a soy mesme, a son cœur, aux pecheurs, voire mesme aux creatures insensibles, comme l'on void que David fait en ses Psalmes et saint François en ses oraysons.

  A026001353 

 Ainsy, reconnoissant par la tristesse et engourdissement de vostre esprit que vous estes fort miserable, serves vous de cette occasion et, pleine de confiance, escries vous devant Dieu: Ouy, Seigneur, je suis miserable; mais pour qui la misericorde est-elle, sinon pour les miserables? Et par ce moyen, vous passeres de la meditation que vous avies preparee a la meditation de vostre propre misere, de laquelle vous tireres des affections d'humilité, de confiance, et telles semblables qui vous seront tres utiles..

  A026001353 

 Le premier, c'est d'ouvrir la porte aux paroles, vous lamentant de vous mesme a Nostre Seigneur, confessant vostre indignité, le priant qu'il vous soit en ayde, baysant le Crucifix, si vous l'aves devant vous, et disant mesme de bouche au Sauveur: Si ne vous lairray-je pas; je me tiendray icy aupres de vous, et n'en partiray point que je n'aye eu vostre benediction.

  A026001355 

 Ainsy devons-nous venir a l'orayson comme a la chambre de nostre Roy, pour luy parler et l'ouyr en ses inspirations et mouvemens interieurs; ce qui arrivant, ce nous est un playsir tres delicieux.

  A026001355 

 Le troysiesme, c'est de picquer vostre esprit par quelque contenance de devotion: comme se prosterner en terre, estendant les bras en croix, tenant les mains jointes et eslevees au ciel.

  A026001355 

 Mais quand il ne le feroit jamais, contentons-nous que ce nous est un honneur trop plus grand d'estre aupres de luy et a sa veue..

  A026001355 

 Que si apres tout cela vous demeures encor en secheresse et sans consolation, mesme en telle sorte que vous ne puissies proferer aucune parole ni interieurement ni exterieurement, ne laisses pas pour cela de [202] vous tenir en une contenance devote, sans vous inquieter ni troubler, vous resouvenant qu'il y a deux fins principales pour lesquelles on se met en la presence de Dieu et en orayson: l'une est pour exciter son affection en l'amour de Dieu, et lhors que nostre affection n'y est point vivement excitee nous disons que nostre ame est en secheresse; l'autre est de rendre hommage a Dieu, protestant qu'il est nostre souverain Createur et Seigneur: et cette fin est extremement noble, parce qu'il y a moins de nostre interest.

  A026001355 

 Que si, venant a l'orayson, nous ne pouvons pas faire le premier, il se faut contenter du second, qui est tous-jours beaucoup, encor que nous ne puissions parler a Dieu et qu'il semble qu'il ne nous parle point. Combien y a-il de courtisans qui vont cent fois l'annee en la chambre du Roy et en sa presence, non pour luy parler ni pour l'ouyr, mais simplement pour estre veus de luy et tesmoigner par cette assiduité qu'ilz sont ses serviteurs.

  A026001365 

 Faites qu'a vostre resveil vostre ame se jette du tout en Dieu par quelques saintes parolles, telles que sont celles cy: D'autant que le sommeil est l'image de la mort, aussi le resveil est l'image de la resurrection.

  A026001365 

 Vous pourres adjouster cette orayson jaculatoire avec Job: Je croy que mon Redempteur est vivant et qu'en ce dernier jour je resusciteray.

  A026001366 

 Ou bien avec saint Paul: La nuit est passee, le jour est arrivé; sus, non plus des œuvres de tenebres, mais endossons le harnais de clairté.

  A026001369 

 Il est bon de faire, s'il se peut, la meditation le matin, avant que l'esprit soit embarrassé d'autres affaires; mais a qui ne le pourroit, au moins faut-il faire ce petit exercice qui suit, et lequel, servant pour toute la journee, s'appelle Preparation..

  A026001370 

 On remercie Dieu de ce qu'il nous a conservé cette nuit la, et on considere que si Dieu nous donne le jour present, c'est pour l'employer a sa gloire et a nostre salut, et que sa Majesté hait et deteste souverainement le peché, suyvant le dire de David: Au grand matin je m'approcheray de vous, o mon Dieu, et reconnoistray que vous estes un Dieu qui n'ayme point l'iniquité..

  A026001371 

 On considere quelles occasions on pourra rencontrer le long de la journee pour servir Dieu, ou au contraire pour l'offenser, et cela chacun selon sa condition, et les affaires que l'on peut avoir ce jour la; et les ayans reconneues, on [205] fera une ferme resolution d'embrasser la vertu et d'eviter le peché; en quoy il faut encor qu'un chacun ayt esgard aux imperfections ausquelles il est sujet..

  A026001391 

 Pendant les affaires de la journee, il faut le plus que l'on peut regarder souvent a Nostre Seigneur Jesus Christ, [207] et se resouvenir du poinct de la meditation que l'on a le plus gousté et ressenti; comme si la douceur de ses yeux nous a esté aggreable, nous nous les representerons en disant: Ja ne vous playse, mon Sauveur, que je fasse chose qui puisse offencer vos yeux; et ainsy des autres. Il est bon aussi d'avoir certaines parolles enflammees qui servent de refrain a nostre ame, comme: Vive mon Dieu! VIVE JESUS! Dieu de mon cœur!.

  A026001392 

 Quand l'horloge sonne, il est bon de se resouvenir qu'il est autant passé de cette vie mortelle, et se resouvenir de la derniere heure qui sonnera pour nous.

  A026001396 

 En se despouillant, il est bon de dire avec Job: Je suis [208] sorti nud du ventre de ma mere, nud j'y rentreray; se resouvenant qu'il faut tout laisser..

  A026001402 

 Je ne veux point que vostre meditation soit de plus que d'une grosse demie heure ou trois quartz d'heure, et quand vous ne la pourres faire le matin ou devant le disner, je ne voudrois pas que ce fust sinon pour le moins quattre bonnes heures apres le disner, c'est a dire, un petit avant le souper.

  A026001403 

 Et si vous ne le pouves pas tout dire en une fois, dites le en deux, et l'Office de Nostre Dame aussi; dequoy vous ne deves faire nul scrupule, ains il y a de la superstition a croire que pour de legitimes interruptions il faille recommencer, car cela est sans nulle rayson, ni apparence de pieté: nostre Dieu ne regardant qu'a la devotion avec laquelle on prie, et non pas si c'est a deux fois ou a troys.

  A026001403 

 Que si c'est le Chapelet, vous ne laisseres pas, en le disant, de faire presque tout ce que j'ay marqué; l'un n'empeschera pas l'autre.

  A026001409 

 Mais parce que le bon desir est une piece du bon estat, on peut dire qu'une seule chose est requise, a sçavoir, le bon estat de l'ame.

  A026001410 

 C'est a Dieu d'avoir le soin de le faire, nous n'avons pas besoin de nous en empescher; c'est a nous seulement d'avoir le soin de le bien croire et de nous en prevaloir..

  A026001411 

 Ce poinct est commun a tous les misteres de la sainte foy et a plusieurs autres choses, comme a la creation du monde, duquel nous ne sçaurions dire comme Dieu fit quand il le crea, ni comme il fit quand il crea nostre ame et la mit dans nostre cors.

  A026001411 

 En figure dequoy la celeste manne tomboit jadis au desert, non de jour, mays de nuit, si que nul ne sçavoit comme elle se faisoit, ni comme elle descendoit; mais le matin estant venu, on la voyoit toute faite et descendue: ainsy cette surceleste et divine manne de l'Eucharistie se fait en une façon et maniere qui nous est secrette et cachee; nul ne peut dire comme elle se fait et vient a nous, mais par la lumiere de la foy nous la voyons toute faitte.

  A026001411 

 Qu'est-il donques besoin de sçavoir comme il met son tressaint cors, son sang et son ame en ce Sacrement? C'est a luy de le faire, c'est a nous de le croire.

  A026001413 

 Il est aussi bon quelquefois de mespriser ces pointilles et tentations, et n'en tenir conte quelcomque, laisser japper et clabauder ce matin et passer outre en son chemin; car encor qu'il est enragé, si est ce qu'il ne mord que ceux qui le veulent; et partant, tenant la volonté constante en la foy, qu'il aboye tant qu'il voudra, nous ne craignons rien..

  A026001416 

 C'est la plus entiere communication qu'il pouvoit faire de luy mesme, par laquelle il se joint a nous d'une façon merveilleuse et toute pleine d'amour.

  A026001416 

 C'est le mistere de la plus intime union que nostre Redempteur pouvoit faire avec nous.

  A026001416 

 En fin ce Sacrement, c'est Jesus Christ luy mesme qui, d'une façon nompareille, vient a nous et nous tire a soy..

  A026001416 

 Et qu'est ce qu'il faut considerer? Il ne faut pas considerer comme ce Sacrement se peut faire, car ce seroit nous perdre; mais il faut bien considerer ce que c'est que ce Sacrement.

  A026001416 

 Qu'est cecy, disoyent-ilz, qu'est cecy? Considerons donq ce que c'est que ce divin Sacrement, et nous treuverons que c'est le vray cors de Nostre Seigneur, son sang, son ame, sa Divinité.

  A026001420 

 Quand on vous demandera (dit la sainte Parolle traittant de l'observation de l'aigneau paschal) ce que c'est que vous faittes, dites a la posterité que c'est en memoyre de ce que Dieu vous delivra de l'Egipte, vous passant par le milieu de la Mer Rouge.

  A026001423 

 Il la faut purger des affections desreglees et desordonnees, mesme des choses bonnes; c'est pourquoy ceux qui mangeoyent l'aigneau paschal devoyent avoir des souliers en leurs piedz, affin qu'ilz ne touchassent point la terre des piedz; car « les piedz de l'ame sont ses affections », qui la portent par tout ou elle va, dit saint Augustin, et ses affections ne doivent pas toucher la terre ni estre a l'abandon, mais doivent estre resserrees et couvertes en mangeant le vray Aigneau paschal, qui est le tressaint Sacrement.

  A026001424 

 Mais il faut parer la volonté d'une affection et desir extreme de cette viande celeste, de cette manne secret te; c'est pourquoy il estoit commandé a ceux qui mangeoyent l'aigneau paschal, de le manger avidement et vistement, et a ceux qui cueilloyent la manne, de se lever fort matin; et Nostre Seigneur mesme, avant que d'instituer ce saint Sacrement, l'avoit extremement souhaité: J'ay desiré, disoit il, d'un grand desir de manger cette pasque avec vous.

  A026001425 

 Mais parce que cette preparation est deduitte en termes generaux, je mettray icy les advertissemens particuliers a la prattique d'icelle..

  A026001428 

 Si vous n'estes point agitee des tentations de curiosité, vous n'aves que faire de penser a ce que j'en ay dit; car, en y pensant, vous luy pourries ouvrir la porte pour la faire entrer chez vous; mais vous devés seulement remercier Dieu de ce qu'il vous donne la simplicité de la foy, qui est un don tres pretieux et desirable, et prier sa divine Majesté de vous le continuer..

  A026001431 

 Pour vaincre la curiosité en ce poinct, vainques la en toutes choses, pour petites qu'elles soyent, ne cherchant autre science que celle des Saintz, qui est Jesus Christ crucifié et ce qui vous conduit a luy.

  A026001434 

 Pour la memoire, il est bon de donner ordre le plus qu'il se pourra, que sur tout despuis souper vous ne soyes occupee ni d'esprit ni de cors a aucune affaire esloignee du dessein de la Communion, mais que vous fassies une particuliere retraitte de vostre esprit et de tous vos sens en vostre interieur, pour attendre l'Espoux avec les lampes en main, et que l'huile n'y manque pas; et pour cest effect, que la recreation de l'apres souper soit un peu plus devote et de propos de charité, et le souper plus sobre, sans tristesse neanmoins, ni trop d'austerité..

  A026001436 

 Quant a la purgation de la volonté, il la faut tenir nette en tout tems de toutes affections desreglees, mais sur tout allant a la Communion, et regarder a quoy et a qui nos affections tiennent en ce monde, et si c'est point trop tendrement, trop ardemment; et si nous y voyons du trop, il faut peu a peu le retrancher pour pouvoir dire a Nostre Seigneur avec David: Qu'est ce qu'il y a au Ciel pour moy, ou que veux je en la terre sinon vous? Vous estes le Dieu de mon cœur et mon partage eternel.

  A026001441 

 C'est pourquoy il faut l'entretenir de nos necessités, impuissances et imperfections; il faut en ce tems-la traitter avec luy de nos desseins, intentions et prætentions que nous avons a son amour, de l'esperance que nous avons en luy, et bref, nous donner a luy comm'il s'est donné a nous.

  A026001441 

 Le jour qu'on a communié il faut autant qu'il se peut caresser le saint Hoste qu'on a receu chez soy, et partant se divertir des autres occupations; car c'est en ce tems-la quil a accoustumé de parler plus souaifvement a nostre cœur et luy departir plus favorablement ses graces par la presence reelle de son Humanité.

  A026001443 

 Avant que d'y aller on peut exciter le desir par la comparaison du cerf lancé et malmené, comme fait David au Psalme 41, qui est bon a lire puisque vous les aves en françois, et par l'exemple de Magdeleyne qui par tout le cherche avec ardeur: chez Simon le Lepreux, au sepulchre, au jardin, qui pleure en le cherchant, et qui dit a [219] luy mesme qu'il luy enseigne le lieu ou il s'est mis: Si tu l'as enlevé, dit elle, dis le moy et je l'iray reprendre.

  A026001443 

 Nous aussi devons considarer qu'en ce cæleste banquet nous unissons nostr'ame par une liayson indissoluble avec Nostre Seigneur; c'est pourquoy nous avons rayson de dire: Vadam, J'y iray.

  A026001444 

 A l'amour, comme l'Espouse, laquelle en cette consideration disoit: Mon Bienaymé est a moy et moy je suis a luy; il demeurera entre mes mammelles, c'est a dire, sur mon cœur.

  A026001444 

 A la joye d'esprit, a l'exemple de la bonne Lia, laquelle voyant qu'ell'avoit conceu un enfant en son ventre, s'escrioit tout par tout de joye: Ce sera maintenant que mon mari m'aymera; car ainsy, ayans en nous-mesme le Filz de Dieu, nous pouvons bien dire: C'est maintenant que Dieu le Pere m'ayme.

  A026001444 

 Et il est vray aussy que les Anges font feste autour de ce saint Sacrement et de ceux qui l'ont receu, comme dit saint Chrisostome.

  A026001448 

 C'est pourquoy il est mesmement bon de dire, apres la Communion, le saint cantique de Nostre Dame, appellé le Magnificat, et le bien considerer et peser; et pour ce faire, il est requis d'en sçavoir la signification en françois..

  A026001448 

 Il ne faut point douter que son beni cœur ne s'espanoüit tout entierement aux rayons de ses paroles, quil ne s'aprofondit dessous tant de benedictions, et qu'a mesme quil entendoit [221] que Dieu luy donnoit son cœur propre, qui est son Filz, il ne se donnast reciproquement a Dieu; et qu'alhors cette supersainte ame ne fondit en charité, et pouvoit dire: Mon ame s'est liquefiee ou fondue quand mon Bienaymé m'a parlé.

  A026001448 

 Or, quant a nous, nous recevons une pareille grace en la Communion, [car] non un Ange, mais bien Jesus Christ mesme nous asseure qu'en icelle le Saint Esprit vient en nous et la vertu celeste nous enombre, et le Filz de Dieu vient reellement en nous, et, par maniere de dire, il naist en nous et y est conceu.

  A026001451 

 Vous treuveres peut estre aussi bien longue cette instruction, mais il faut que vous sçachies deux choses: l'une, que vous ne deves pas faire tout ceci tout a coup, mays seulement vous en servir a mesure que vous connoistres en avoir besoin, et en prendre ce qui vous aydera; l'autre, c'est que je vous ay couché cette preparation si au long, affin que vous en puissies ayder les autres qui en auront necessité..

  A026001452 

 Au demeurant, parce que le plus grand moyen de prouffiter en la vie spirituelle c'est la devote Communion, je vous la recommande; et ayés soin que nulle ne la fasse par maniere d'acquit ou de coustume, mais tous-jours pour glorifier Dieu en icelle et s'unir a luy, et prendre force a le [222] servir et supporter toutes afflictions et tentations.

  A026001454 

 Et l'un de ses principaux fruitz c'est la charité mutuelle et la douceur de cœur les uns envers les autres; car nous nous tenons tous a un mesme Seigneur, et en luy nous nous devons entretenir cœur a cœur les uns avec les autres.

  A026001458 

 C'est pourquoy il faut traitter de l'une et de l'autre ensemble, et les remecies de l'une sont prouffitables pour l'autre..

  A026001459 

 Et affin que vous entendies comme la tristesse et l'inquietude s'engendrent l'une l'autre, sçaches que la tristesse [224] n'est autre chose que la douleur d'esprit que nous avons du mal qui est en nous contre nostre gré, soit que le mal soit interieur ou qu'il soit exterieur, comme pauvreté, maladie, infamie, mespris; interieur, comme ignorance, secheresse, mauvaise inclination, peché, imperfection, repugnance au bien..

  A026001460 

 Mais, troisiesmement, l'ame cherchant les moyens d'estre delivree du mal qu'elle sent, peut les chercher pour l'amour de Dieu ou pour l'amour propre: si c'est pour l'amour de Dieu, elle les cherchera avec patience, humilité et douceur, attendant le bien non tant de soy mesme et de sa propre diligence, comme de la misericorde de Dieu; mays si elle les cherche pour l'amour propre, elle s'empressera a la queste des moyens de sa delivrance, comme si ce bonheur dependoit d'elle plus que de Dieu.

  A026001461 

 Vous voyes donques que la tristesse, qui de soy n'est pas mauvaise en son commencement, engendre l'inquietude, et que, reciproquement, l'inquietude engendre une autre tristesse, qui de soy est tres dangereuse..

  A026001465 

 L'inquietude, mere de la mauvaise tristesse, est le plus grand mal qui puisse arriver a l'ame, excepté le peché; car il n'y a aucun defaut qui empesche plus le progres en la vertu et l'expulsion du vice que l'inquietude.

  A026001466 

 Qu'est ce qui fait que les oyseaux ou autres animaux demeurent pris dans les filetz, sinon qu'y estans entrés, ilz se desbattent et remuent dereglément pour en vistement sortir, et ce faysant ilz s'embarrassent et empeschent tant plus.

  A026001467 

 C'est pourquoy, estans tumbés clans les filetz de quelques imperfections, nous n'en sortirons pas par l'inquietude, au contraire nous nous embarrasserons tous-jours davantage.

  A026001471 

 La tristesse peut estre bonne ou mauvaise, selon le dire de saint Paul: La tristesse qui est selon Dieu opere la penitence pour le salut; la tristesse du monde, la mort..

  A026001472 

 Mays outre cela, le malin se plaist en la tristesse et melancholie, parce qu'il est luy mesme triste et melancholique, et le sera eternellement, dont il voudroit qu'un chacun fust comme luy..

  A026001473 

 La tristesse est presque ordinairement mauvaise et rarement bonne; car, selon les Docteurs, l'arbre de tristesse produit huit branches, sçavoir: misericorde, penitence, angoisse, paresse, indignation, jalousie, envie et impatience; entre lesquelles, comme vous voyes, il n'y a que les deux premieres qui soyent purement bonnes.

  A026001476 

 Dont le roy David ne se plaint pas seulement de la tristesse, disant: Pourquoy es tu triste, o mon ame? mais encores du troublement et inquietude, adjoustant: Et pourquoy me troubles-tu? Mais la bonne tristesse laysse une grande paix et tranquillité en l'esprit; c'est pourquoy Nostre Seigneur, apres avoir predit a ses Apostres: Vous seres tristes, il adjouste: Et que vostre cœur ne soit point troublé, et n'ayes point de crainte, etc. Voicy que ma tres amere amertume est en paix..

  A026001477 

 La mauvaise tristesse vient comme une gresle, avec un changement inopiné et des terreurs et impetuosités bien grandes, et tout a coup, sans que l'on puisse dire d'ou elle vient, car elle n'a point de fondement ni de rayson; ains, apres qu'elle est arrivee, elle en cherche de tous costés pour se parer.

  A026001479 

 La mauvaise tristesse obscurcit l'entendement, prive l'ame de conseil, de resolution et de jugement, comme elle fit ceux desquelz parlant le Psalmiste, il dit qu' ilz furent troublés et esbranslés comme un homme qui est ivre, et toute leur sagesse fut devoree; on cherche les remedes ça et la confusement, sans dessein et comme a tastons.

  A026001480 

 La mauvaise empesche la priere, degouste de l'orayson, et donne desfiance de la bonté de Dieu; la bonne, au contraire, est de Dieu, asseure la personne, accroist la confiance en Dieu, fait prier et invoquer sa misericorde: La tribulation et l'angoisse m'ont troublé, mais vos commandemens ont esté ma meditation, disoit David..

  A026001481 

 Bref, ceux qui sont occupés de la mauvaise tristesse ont une infinité d'horreurs, d'erreurs et de craintes inutiles, de peynes et de peurs d'estre abandonnés de Dieu, d'estre en sa disgrace, de ne devoir plus se presenter a luy pour luy demander pardon, que tout leur est contraire et a leur salut, et sont comme Caïn, qui pensoit que tous ceux qui le rencontreroyent le voudroyent tuer.

  A026001481 

 Bref, s'ilz y pensent bien, ilz [229] trouveront que ce qu'ilz pensent leur faute plus considerable, c'est parce qu'ilz se pensent eux mesmes plus considerables..

  A026001483 

 Au contraire, le malin esprit, autheur de la mauvaise tristesse (car je ne parle point de la tristesse naturelle, qui a plus besoin de medecins que de theologiens), c'est un vray desolateur, tenebreux et embarrasseur; et ses fruitz ne peuvent estre que hayne, tristesse, inquietude, chagrin, malice, defaillance.

  A026001483 

 Or, le fondement de ces differences qui sont entre la bonne et la mauvaise tristesse, c'est que le Saint Esprit est Autheur de la bonne tristesse; et parce qu'il est l'unique Consolateur, ses operations ne peuvent estre separees de consolation; parce qu'il est la vraye Lumiere, elles ne peuvent estre separees de clairté; bref, parce qu'il est le vray Bien, ses operations ne peuvent estre separees du vray bien: si que les fruitz d'iceluy, dit saint Paul, sont charité, joye, paix, patience, benignité, longanimité.

  A026001488 

 Il n'est pas mauvais, quand il se peut, de chanter des cantiques spirituelz; car le malin a souvent cessé son operation par ce moyen, pour quelque cause que ce soit: tesmoin l'esprit qui agitoit Saul, duquel la violence estoit attrempee par la psalmodie..

  A026001489 

 Il est bon de s'employer a l'œuvre exterieure et la diversifier le plus que l'on peut, pour divertir la vehemente application de l'esprit de l'objet triste, purifier et eschauffer les espritz; la tristesse estant une passion de [la] complexion froide et humide..

  A026001490 

 Il est bon de faire souvent des actions exterieures de ferveur, quoy que sans goust: comme d'embrasser le Crucifix, le serrer sur son cœur et sur sa poitrine, luy bayser les pieds et les mains, lever les yeux au Ciel avec des propos d'esperance, comme: Mon Bienaymé est a moy, et moy a luy.

  A026001490 

 Mes yeux se fondent sur vous, o mon Dieu, disant: Quand me consoleres-vous? Si Dieu est pour moy, qui sera contre moy? Jesus, soyes moy Jesus.

  A026001490 

 Mon Bienaymé m'est un bouquet de mirrhe, il demeurera entre mes mammelles.

  A026001491 

 La discipline moderee y est quelquefois bonne, parce que la volontaire affliction exterieure impetre la consolation interieure de l'ame, et s'appliquant au cors des douleurs exterieures, on sent moins l'effort des interieures; dont le Psalmiste disoit: Mais quant a moy, quand ilz me molestoyent, je me revestois de haire.

  A026001492 

 Il faut tous-jours s'addresser en ce tems-la a sa divine bonté par des invocations pleines de confiance, ce que l'on ne fait pas quand on est dans le tems de la joye et hors de la tristesse, ou l'on peut croire que l'on a plus de besoin d'exciter en son cœur les sentimens de crainte; par exemple, ceux ci: O Seigneur tres juste et terrible, o que vostre souveraine Majesté me fait trembler! et semblables.

  A026001492 

 La priere y est souveraine, suivant l'advis de saint Jacques: Quelqu'un est il triste, qu'il prie.

  A026001493 

 La frequentation de la Communion a cette intention est excellente, car elle nous donne le Maistre des consolations..

  A026001494 

 L'un des plus asseurés remedes est de desployer et ouvrir son cœur, sans y rien cacher, a quelque personne spirituelle et prudente, et luy declairer tous les ressentimens, affections et suggestions qui arrivent de nostre tristesse, et les raysons avec lesquelles nous les nourrissons; et cela il le faut faire humblement et fidellement.

  A026001495 

 Et notes que la premiere condition que le malin met en l'ame qu'il veut affliger et seduire c'est le silence, comme font les seditieux dans les conspirations et fascheux evenemens; car ilz demandent sur tout que leurs entreprinses et resolutions soyent secrettes.

  A026001505 

 Au gros grain qui est au bout de la derniere dizaine, vous remercieres Dieu de la grace qu'il vous a faitte de vous permettre de le dire.

  A026001506 

 Au gros grain qui est au bout, vous supplieres la divine Majesté d'aggreer le tout a sa gloire et pour le bien de son Eglise, au giron de laquelle vous la supplieres de vous conserver et d'y ramener tous ceux qui en sont desvoyés, et prierés Dieu pour tous vos amis; finissant comme vous aves commencé, par la profession de la foy, disant le Credo et faisant le signe de la Croix..

  A026001514 

 Le Dimanche, consideres le aux entrailles tres pures de [235] sa tres chaste Mere, et admires comme cette grandeur immense s'est ainsy ravalee pour vostre amour.

  A026001518 

 Le samedy, levés les yeux en haut, voyes le estendu de son long, cloüé, eslevé en l'air sur l'arbre de la croix; prestes soigneusement l'oreille a ses douces parolles, pries le qu'il vous fasse la grace de vivre tout a luy, puisqu'il est mort pour vous..

  A026001529 

 A la fin, vous reprendres le gros grain qui est au bout du chapelet et remercieres Dieu de la grace qu'il vous a fait de vous permettre de le dire.

  A026001530 

 Finissant au gros grain qui est au bout, vous dires le Pater, suppliant la divine Majesté qu'elle addresse le tout a sa gloire et pour le bien de son Eglise, en la foy et union de laquelle vous prieres sa Bonté de vouloir ramener tous les desvoyés, et prierés Dieu pour tous vos amis; finissant comme vous aves commencé, par la profession de foy, disant le Credo, puys faisant le signe de la Croix.

  A026001538 

 N'ayes point soin de vous mesme, non plus qu'un voyageur qui s'est embarqué de bonne foy sur un navire, qui ne prend garde qu'a se tenir et vivre dans iceluy, laissant le soin de prendre le vent, tendre les voiles et faire voguer, au pilote sous la conduitte duquel il s'est mis..

  A026001566 

 De mesme au genre du peché de luxure, il y a bien de la difference entre les especes d'iceluy: car desfleurer une vierge, c'est un stupre; cognoistre une femme mariee, c'est adultere; et ainsy des autres pechés..

  A026001566 

 Par exemple: si l'homicide a esté commis en la personne du pere ou de la mere, il le faut exprimer, car cela s'appelle parricide; si l'homicide a esté commis en lieu sacré, c'est sacrilege; si on a tué une personne sacree, c'est un parricide spirituel.

  A026001569 

 Non seulement on se doit accuser des especes des pechés que l'on a commis, mais aussy du nombre d'iceux, disant combien de foys on a commis tel ou tel peché, au plus pres que l'on peut, selon la souvenance que l'on a; et si l'on n'a pas souvenance de la quantité des pechés, il suffit de dire combien plus ou moins environ; que si mesme on ne peut bonnement se resoudre de l'environ, il suffit de dire [245] combien de temps on a perseveré au peché et si on y est fort addonné..

  A026001570 

 Or, la necessité de dire au plus pres que l'on peut la quantité des pechés mortelz est essentiellement requise pour faire une bonne confession, d'autant que pour absoudre le pecheur de ses pechés, il faut avoir cognoissance de l'estat de sa conscience; mais on ne peut cognoistre l'estat d'une ame si on ne sçait a peu pres la quantité des pechés qu'elle a commis: car, quelle apparence y auroit il d'avoir en esgale consideration une femme, par exemple, qui n'auroit offencé de son corps qu'une seule foys, comme la sainte penitente Aglaë, et celle qui auroit offencé peut estre dix mille fois, comme on peut croire de sainte Pelagienne, de sainte Marie Ægytiaque et de sainte Magdelaine?.

  A026001573 

 Il est vray que celuy qui a confessé une action mauvaise n'a pas besoing de dire les autres actions qui sont ordinairement requises pour faire celle la: ainsy, celuy qui s'est accusé d'avoir commis adultere une fois n'est point obligé de dire les baisers et attouchemens quil a faict parmy cela, car cela s'entend asses sans qu'on le die, et l'accusation de telle chose est comprise en la confession de l'acte principal duquel les autres ne sont que les accessoires..

  A026001576 

 C'est pourquoy il faut particulariser, tant qu'il se peut bonnement faire, la qualité de l'objet ou de la matiere par le moyen delaquelle la malice du peché peut croistre ou descroistre; car il ne suffiroit pas a celuy qui auroit empoisonné un flaccon de vin, de dire qu'il a empoisonné du vin pour faire mourir des personnes, mais faudrait dire combien de personnes; car encor que l'empoisonnement se fist par une seule action, neammoins il se termineroit a la mort de plusieurs personnes, et bien que l'action fust unique, la nuysance neammoins seroit de grande quantité..

  A026001576 

 De mesme il se peut faire qu'avec un mauvais exemple on scandalisera une seule personne, et qu'avec un autre mauvais exemple de mesme espece on scandalisera trente ou quarante personnes: et qui ne void que la malice de ce second peché est beaucoup plus grande que celle du premier? Ainsy, sy l'un tue une fille et l'autre tue une femme enceinte, ilz n'ont chacun fait qu'un seul coup; mays l'un neammoins, en un seul peché, a fait deux homicides, et par consequent son peché, quoy qu'il ne soit qu'un quant a l'acte, a neammoins double malice.

  A026001576 

 Or, entre les degrés du peché, il faut prendre garde a [246] celle (sic) qui multiplie ou redouble la malice du peché en une seule action: comme, par exemple, celuy qui derobe un escu fait un peché; celuy qui en derobe deux tout a la fois ne fait aussy qu'un peché, mais toutesfois la malice de ce second peché est deux fois aussy grande comme celle du premier.

  A026001579 

 Le desir est un degré du peché, et la resolution d'exequuter en est un autre dont il se faut confesser, bien que par appres on ne vienne point a l'exequution; car qui desire et beaucoup plus qui se resoult de pecher, il a formé le peché dans son cœur, suyvant le dire de Nostre Seigneur: Qui regardera la femme pour la convoiter, il a desja adulteré en son cœur, et s'il n'a pas peché par effet, il a peché par affection.

  A026001582 

 Or, le peché consiste plus a l'application du cœur qu'a celle du cors, et il n'est nullement loisible de prendre a son escient plaisir et contentement au peché ny par les actions du cors, ny par celles du cœur..

  A026001585 

 Il y a mesme certaines actions lesquelles semblent estre meslées de peché mortel et de veniel, esquelles quelquefois on est grandement trompé: comme, par exemple, une personne grandement en cholere aura voulu donner un grand coup a quelqu'un qui, gauchissant, se sera eschappé; et par ce que l'effect de sa mauvaise volonté ne sera pas ensuivy, il tiendra l'offence pour petite, bien que reellement son intention de frapper rudement la fasse fort grande.

  A026001589 

 En ce premier commandement il nous est ordonné de servir, honnorer et aymer Dieu selon les reigles de la vraye relligion; les especes de peché qui se commettent contre ce commandement sont:.

  A026001590 

 Premierement: le blaspheme, qui n'est autre chose qu'une mesdisance de la divine Majesté faite par mauvaise affection; comme quand on dit que Dieu n'est pas bon, qu'il n'est pas juste, qu'on le renie, qu'on le maugrée, qu'on le despite et, enfin finale, toutes fois et quantes que volontairement et a nostre escient nous parlons de Dieu [249] incivilement, ainsy que l'on fait quand on dit: Aussy vray comme Dieu est; un tel est vilain comme Dieu est noble; Dieu ne se soucie pas de ce que nous faisons; laissons Dieu en Paradis et demeurons icy; et semblables impertinences..

  A026001591 

 C'est aussy un'espece de blaspheme de mesdire des Saintz ou parler incivilement d'eux et des choses sacrées: comme, par exemple, emprunter les paroles de l'Escriture par gausserie, risée et deshonnesteté..

  A026001592 

 La seconde espece des pechés contre ce commandement, c'est l'impieté, qui consiste és actions par lesquelles nous voulons deshonnorer Dieu ou les choses sacrées: comme font ceux qui employent les Sacremens, le saint Cresme, les paroles sacrées pour des charmes, ou qui les foulent par desdain, rompent les images, ruinent les autelz, les reliques et semblables choses..

  A026001593 

 La troysiesme espece, c'est la superstition, comm'est idolatrer, c'est a dire adorer comme Dieu ce qui n'est point Dieu; user de magie, c'est a dire emploier le diable pour quelqu'operation, soit qu'on l'employe ouvertement, comme font ceux qui ont fait convention avec luy et les sorciers, soit qu'on l'employe tacitement par paroles et caracteres inconneus, ou paroles et caracteres connus, mais appliqués faussement et vainement; item, aller aux devins, et, en somme, faire ou dire quelque chose pour obtenir quoy que ce soit du malin esprit ou de ceux qui dependent de luy..

  A026001595 

 Tenter Dieu, c'est a dire vouloir espreuver et essaier si Dieu est bon, juste ou puissant, soit expressément, comme faisoient les Juifz demandant des miracles a Nostre Seigneur sans necessité ny raison quelconque, soit tacitement, [250] comme font ceux qui, sans necessité ny occasion, mesprisent les moyens ordinaires que Dieu nous a donné pour faire les choses, pretendantz que Dieu en fournira d'extraordinaires, et ceux qui, sans necessité, se mettent en des dangers eminentz, presumans que Dieu les en doive delivrer..

  A026001605 

 Jurer contre la justice, c'est a dire contre la raison: comme font ceux qui jurent de faire le mal ou de ne faire pas le bien; car c'est mespriser grandement Dieu que de l'appeller a tesmoin d'une action mauvaise, comme fit Herodes, jurant de faire trancher la teste a saint Jean Baptiste, auquel sont semblables ceux qui jurent de battre, de couper le nez, de ruiner, de tuer et autres..

  A026001606 

 Jurer pour le mensonge; qui est parjurer..

  A026001612 

 Or, quant a la chasse ou tournois loisibles et autres exercices appertenentz principalement a la noblesse, ilz ne sont pas prohibés es jours de festes en qualité d'oeuvre servile, et partant, la Messe estant oüye, on peut loisiblement s'y appliquer es ditz jours de festes; mays ce seroit neammoins un'irreverence trop grande d'y vacquer és grands jours solennelz esquelz, tant qu'il est possible, un chacun doit assister non seulement a la Messe, mais aux autres services chrestiens.

  A026001621 

 Ne vouloir pardonner l'injure ny remettre l'offence a celuy qui est prest de faire satisfaction; persequuter le prochain par menées, proces ou autre moyen.

  A026001622 

 C'est aussi peché de ne l'aider pas au bien, la conseillant, admonestant et corrigeant quand on le peut bonnement faire..

  A026001622 

 C'est encor peché contre ce commandement de tuer l'ame du prochain, la provoquant a peché, ou bien de luy nuire spirituellement, la destournant des bonnes œuvres [254] ou l'empescher malicieusement de bien faire.

  A026001625 

 Dire des parolles ou chanter des chansons lascives, principalement quand c'est a mauvaise intention.

  A026001625 

 Faire l'inceste, c'est a dire avoir accointance avec une parente ou alliée, tant spirituellement que temporellement; je dis spirituellement, a cause des comperes, commeres, parrains, marraines, fileulz et fileules.

  A026001625 

 Faire le sacrilege, c'est a dire avoir connoissance des personnes sacrées a Dieu, comme prestres, Religieux et Religieuses, ou bien faire l'exces de paillardise en lieu sacré.

  A026001625 

 Faire le stupre, c'est a dire desfleurer une vierge consentante.

  A026001625 

 Faire le vice execrable de Sodome, c'est a dire commettre l'acte charnel avec un autre de son propre sexe, ou bien [255] avec une personne de sexe different, mais usant des endroitz non dediés a la generation.

  A026001625 

 Faire le violement, c'est a dire prendre une femme ou une fille par force.

  A026001625 

 Se provoquer, soy mesme ou autruy, a pollution; faire la fornication, c'est a dire avoir compaignie des femmes non vierges, non mariées, non sacrées et non parentes.

  A026001629 

 Contracter des debtes démesurées pour lesquelles on est insolvable, ou que difficilement peuvent estre payées.

  A026001632 

 Juger mal et temerairement de la conscience et des actions du prochain; or, on juge temerairement quand c'est sans legitime fondement.

  A026001633 

 Par imposture, qui n'est autre chose que de jetter sur une personne un crime ou un vice qui n'est pas en luy; par aggrandissement du vice ou du peché qui se treuve en quelcun; par revelement d'un crime secret de quelqu'un; par mauvaise interpretation de l'intention de quelcun, detournant en mauvais sens les bonnes actions d'autruy; niant le bien estre en une personne, lequel y est, ou ravallant la juste estime que l'on doit avoir d'une personne; se taisant lorsque l'on peut justement deffendre de blasme une personne..

  A026001645 

 L'orgueil n'est autre chose qu'une volonté desordonnée d'une grandeur disproportionnee a celuy qui la veut, et partant c'est peché d'orgueil de s'attribuer le bien que l'on a d'autruy comme sy on l'avoit de soy mesme; penser meriter les biens et les graces que l'on a, encor qu'il n'en soit rien; s'attribuer des biens et des graces que l'on n'a pas; se preferer aux autres es choses esquelles on ne se doit pas preferer. Or, l'orgueil est peché mortel quand on ne veut pas reconnoistre de Dieu ce que l'on a; quand, pour maintenir sa vaine estime, on est prest a violer les commandemens de Dieu et quand, pour s'exalter, on deprime et mesprise on le prochain en chose notable..

  A026001646 

 A l'orgueil est attachée la vaine gloire, qui est se glorifier de ce que l'on n'a pas, ou de choses qui ne le meritent pas, ou de choses qui ne nous appertient (sic) pas, ou de choses mauvaises; ou vouloir avoir la gloire du bien que l'on a, sans reconnoissance de Dieu duquel il vient..

  A026001647 

 A la vaine gloire est attachée la jactance, qui consiste a se venter de chose mauvaise, ou de chose bonne, mais plus qu'on ne doit, ou avec mespris du prochain, comme quand on se vente d'estre plus que les autres; ou avec le dommage du prochain, comme quand on se vente de sçavoir guerir de telle et telle maladie, et que les personnes s'y amusent et sont trompées..

  A026001648 

 L'ypocrisie est encor une branche de l'orgueil, laquelle consiste a faire semblant d'estre saint ou vertueux, pour amuser ou decevoir le prochain.

  A026001648 

 La contention s'ensuit, qui n'est autre chose qu'un debat de paroles fait contre la verité.

  A026001648 

 La discorde vient apres, qui n'est autre chose [258] qu'une contrarieté desreglee a la volonté du prochain, laquelle est en sa perfection quand l'opiniastreté survient, par laquelle on s'arreste fermement en son opinion, quoy que sans bon fondement..

  A026001649 

 La curiosité appertient aussy a l'orgueil, qui n'est autre chose qu'un desir immoderé de sçavoir et connoistre les choses qui ne sont pas de nostre profession, ou qui sont dangereuses, ou qui sont deffendues..

  A026001651 

 De tout cela naist la presomption, par laquelle on entreprend de faire, dire, paroistre et estre plus qu'il ne nous appartient: comme quand on veut parler de choses qu'on n'entend pas, ou faire un art que l'on ne sçait pas, ou paroistre plus que l'on n'est pas, ou qu'on veut estre plus que l'on ne peut pas.

  A026001651 

 Et ce dernier porte proprement a l'ambition, qui n'est autre chose qu'un desir desordonné des honneurs et dignités..

  A026001655 

 L'avarice n'est autre chose qu'une volonté immoderée d'avoir des biens temporelz contre raison, et d'icelle naissent tous les pechés contraires au septiesme commandement; comm'aussy la durté (sic) de cœur, qui n'est autre chose qu'un trop grand soin de garder le bien que l'on a, jusques mesmes a n'avoir point de pitié des souffreteux.

  A026001659 

 La luxure n'est autre chose qu'un appetit desordonné du plaisir de la chair.

  A026001659 

 Or, l'appetit est desordonné, ou parce qu'il veut prendre le plaisir sur un sujet qui n'est pas a [259] nous, comm'il advient en la fornication et en l'adultaire; ou parce qu'il le veut prendre contre l'ordre estably par la nature; ou parce quil le veut prendre contre la fin et l'intention pour laquelle ce plaisir est destiné.

  A026001663 

 L'ire n'est autre chose qu'un appetit de vengeance, et produit tous les pechés que nous avons marqué au cinquiesme commandement, qui engendrent les pechés suivans:.

  A026001665 

 L'enfleure du cœur, qui n'est autre chose qu'un assemblage de pensées et de mouvemens qui portent le cœur a la vengeance;.

  A026001670 

 La glotonnie n'est autre chose qu'un appetit desordonnée (sic) de boire et de manger.

  A026001675 

 J'ay dit, entant qu'il semble diminuer le nostre, parce qu'on peut estre marry du bien de quelcun non seulement sans pecher, mais aussy par charité: comme quand on est marry que les indignes soyent advancés, ou que les ennemis de la Republique prosperent..

  A026001675 

 L'envie n'est autre chose que la tristesse que nous avons du bien d'autruy en tant qu'il semble diminuer le nostre.

  A026001680 

 La paresse n'est autre chose qu'une certaine tristesse que l'on a a pratiquer le bien spirituel.

  A026001681 

 Elle produit le decouragement, par lequel on n'ose pas entreprendre le bien qui nous est conseillé; l'engourdissement d'esprit, par lequel on est empesché de se mouvoir a bien faire; l' aigreur malicieuse, par laquelle on hait la perfection chrestienne; la rancune et desgoust contre les personnes spirituelles, parce qu'ilz nous provoquent au bien; l' inadvertance aux choses bonnes; le desespoir, comme sy c'estoit chose impossible de garder les commandemens de Dieu et de se sauver..

  A026001685 

 Or, celuy est estimé ouïr la Messe entiere qui oyt presque toute la Messe, encor qu'il ne l'oye pas exactement toute: ainsy, celuy qui arriveroit quand on dit l'Epistre, oyant tout le reste de la Messe, satisferoit au commandement, l'Esglise n'ayant pas intention d'obliger plus rigoureusement que cela..

  A026001687 

 Or, celuy là est estimé communier a Pasques, qui communie dans les huict jours precedens ou dans les huict jours suivans la feste de Pasques..

  A026001688 

 On peche contre le cinquiesme commandement, ne payant pas la disme et autres devoirs ordinaires qu'on est obligé de rendre a l'Esglise..

  A026001691 

 C'est pourquoy, tout ce qui est contraire a l'amour de Dieu et a l'amour du prochain, sy la contrarieté est parfaite, doit estre estimé peché mortel; mais sy la contrarieté n'est pas parfaite ni accomplie, ains imparfaite et non accomplie, il n'y a que peché veniel..

  A026001692 

 Or, la contrarieté qui se fait a l'amour de Dieu et du prochain est reputée imparfaite en trois façons:.

  A026001693 

 Premierement: de la part de nostre volonté, lorsque nostre liberté n'est pas parfaite et que, par consequent, [262] nostre volonté n'agist pas avec pleine deliberation ny avec un total usage de son franc-arbitre: comm'il arrive quelque fois que nous dirons un'injure a quelqu'un par une si soudaine surprise de colere, que nous l'avons plus tost dite que pensée; car alors, bien que d'injurier le prochain soit ordinairement un peché mortel, toutesfois, a raison de ce que l'acte de la volonté a esté fort imparfait et indeliberé, ce n'est qu'un peché veniel, parce que la contrarieté a l'amour de Dieu en cet acte de la volonté n'a pas esté une pleine et accomplie contrarieté, ains une contrarieté sortie par surprise et inadvertence et la volonté n'estant pas pleynement a soy mesme..

  A026001694 

 Ainsy, celuy qui derobe une pomme, une poire, un liard ne peche que veniellement, parce qu'il offence fort peu le prochain et par consequent ne contrarie pas parfaitement a l'amour qui luy est deu; de mesme les coleres legeres, petitz chagrins, ou quelque legere et imparfaite caresse a l'endroit de la femme d'autruy ne seront pas estimés peché mortel..

  A026001694 

 Secondement: la contrarieté a l'amour de Dieu et du prochain est quelquefois imparfaite a raison de la petitesse de la matiere en laquelle ell'est commise: comme, par exemple, derober c'est un peché mortel, parce que le larcin contrarie a la charité du prochain; mais pourtant, ce que l'on derobe peut estre sy peu de chose, que la nuysance qui s'en ensuit contre le prochain est si extremement legere qu'elle n'est point considerable, et par consequent la contrarieté de cette action là a l'amour du prochain n'est pas une parfaite contrarieté, mais plustost comm'un commencement de contrarieté.

  A026001695 

 Comme par exemple, un mensonge dit par joyeuseté ou pour excuser quelqu'un: c'est un'action laquelle [263] n'est point contraire a l'amour de Dieu et du prochain, ou sy ell'est contraire, c'est par une contrarieté fort imparfaite et qui regarde plustost la perfection de l'amour que l'amour mesme; car bien que le prochain reçoive les petitz mensonges pour la verité, sy est ce que cela ne luy apporte nulle sorte de nuysance.

  A026001695 

 De mesme, joüer plus longuement qu'il ne faut par recreation c'est une chose qui n'est point louable, mais elle n'est pas de soy contraire a l'amour de Dieu et a l'amour du prochain; car, comme il appert, en cela il ny a point de meschanceté, mais seulement de l'inutilité..

  A026001695 

 Or je dis neammoins que la perfection de la charité est violée, parce que la perfection de la charité ne requiert pas seulement que nous ne nuysions pas au prochain, mais aussy que nous ne le frustrions pas de ses justes desirs et que nous ne nous contrarions pas nous mesmes: or, chacun desire naturellement de sçavoir la verité des choses qui luy sont representées, et nous nous contrarions nous mesmes quand nous parlons contre nostre pensée.

  A026001695 

 Tiercement: la contrarieté a l'amour de Dieu et du prochain est imparfaite a raison de la nature mesme de l'action que nous prattiquons, laquelle de soy n'est pas parfaitement mauvaise, mais seulement a quelque sorte de defaut en soy, lequel defaut ne la rend pas contraire a l'amour de Dieu et du prochain, ains seulement a la perfection de l'amour.

  A026001700 

 Les grans donques ayans un de ces gens-là pres d'eux et luy parlant une fois ou deux le jour, c'est merveille comme ilz en sont divertis du mal et soulagés contre les tentations..

  A026001701 

 Quand on s'est resoulu a bon escient de se retirer de ce vice, il est bon de s'en declairer parmy ceux qui sont le plus pres autour de nous, affin de nous brider par nostre propre parolle et declaration..

  A026001703 

 Il est encore bon de s'imposer, voire par vœu, quelque penitence en cas que l'on retombe: comme seroit de dire tant de prieres a genoux, de jeusner, et semblables choses.

  A026001703 

 Mais sur tout, l'excellent remede a ce mal c'est de se confesser et communier souvent.

  A026001703 

 Or, bien quil y aye de la difficulté en ces remedes, si est ce que celuy la se resoulura (sic) aysement de les pratiquer qui se ressouviendra quil faut ou quitter ce peché par quel moyen que ce soit, ou quil faut quitter la grace de Dieu et perir eternellement.

  A026001706 

 O souveraine Bonté, octroyes le pardon a ce chetif coulpable qui confesse et accuse son peché en ceste vie mortelle, en esperance de confesser et celebrer vostre misericorde en l'eternelle, par le merite de la Mort et Passion de vostre Filz qui, avec vous et le Saint Esprit, est un seul Dieu vivant et regnant es siecles des siecles..

  A026001715 

 De la, elle passa fort humblement dans la societé des vefves apres la mort de saint Joseph; et c'est l'opinion de plusieurs Peres, que cette sainte Mere de Dieu, apres l'Ascension de son adorable Filz au Ciel, vescut en terre plusieurs annees, comme les autres vefves et comme plusieurs fideles de la primitive Eglise, des aumosnes et de la communauté des biens des premiers chrestiens..

  A026001715 

 Voyes comme cette Mere universelle de tous les enfans de Dieu s'est faite toute a tous pour attirer et conduire toutes les ames a son Filz.

  A026001723 

 Mais, Seigneur, puisque ainsy il vous a semblé bon, estendes donq le bras de vostre providence jusques a la perfection [267] de l'œuvre que vous aves commencee: favorises ma grossesse de vostre perfection, et portes avec moy, par vostre continuelle assistence, la creature que vous aves produite en moy, jusques a l'heure de sa sortie au monde; et lhors, o Dieu de ma vie, soyes moy secourable, et de vostre sainte main supportes ma foiblesse et receves mon fruit, le conservant jusques a ce que, comme il est vostre par creation, il le soit aussi par redemption, lhors qu'estant receu au Baptesme il sera mis dans le sein de l'Eglise vostre Espouse..

  A026001733 

 Or, ces petitz enfans innocens ayment leurs meres qui les portent, avec une extreme simplicité: ilz ne regardent nullement ce qu'elles font, ni ne font point de retours sur eux mesmes ni sur leurs satisfactions, ilz les prennent sans les regarder; ilz tetent avec avidité et ne regardent point si ce lait est meilleur une fois que l'autre, car tandis qu'il y en a ilz le prennent tout de bon, sans autre curiosité.

  A026001733 

 Secondement: Et pour bien marcher ainsy a la mercy de l'amour et du soin de ce cher souverainement aimable [269] Pere, tenes souëfvement et paysiblement vostre ame ferme, sans permettre qu'elle se divertisse a se retourner sur elle mesme, ni a vouloir voir ce qu'elle fait ou si elle est satisfatte; car, ma chere Mere, nos satisfactions ne sont point aymables devant les yeux de Dieu, ains seulement elles aggreent a nostre propre amour.

  A026001734 

 De cette activité d'esprit et du soin que nostre amour nous suggere d'avoir de nostre cœur et de ce qu'il fait, provient l'inquietude de nostre cœur lhors que nous appercevons soit de loin, soit de pres, quelques tentations ou de la foy ou de quelques autres vertus que nous cherissons fort, ou mesme quand nous craignons de perdre la douceur et consolation: c'est pourquoy il faut simplifier nostre esprit, et ayant abandonné et quitté tout ce qui desplaist a Dieu, demeurer en paix dans nostre barque, c'est a dire faire en paix les exercices de nostre vocation.

  A026001741 

 Pour chose que ce soit, ne perdes vostre paix interieure, quand bien tout bouleverseroit; car, qu'est ce que toutes les choses de cette vie en comparaison de la paix du cœur? [271].

  A026001749 

 Et pour cela, tenes vostre ame ferme en ce train, sans permettre qu'elle se divertisse a faire des retours sur elle mesme pour voir ce qu'elle fait ou si elle est satisfaite.

  A026001750 

 Qui est bien attentif a plaire amoureusement a l'Amant celeste n'a ni le cœur ni le loysir de se retourner sur soy mesme, son esprit tendant continuellement du costé ou l'amour le porte..

  A026001752 

 Mays n'est ce pas un amour bien pur, bien net et bien simple, puisque elles ne se purifient pas pour estre pures, elles ne se parent pas pour estre belles, ains seulement pour plaire a leur Amant, auquel si la laydeur estoit aussi aggreable, elles l'aymeroyent autant que la beauté.

  A026001756 

 Alhors tous les evenemens et varietés d'accidens qui surviennent sont receuz doucement et souefvement: car, qui est entre les mains de Dieu et qui repose dans son sein, qui s'est abandonné a son amour et qui s'est remis a son bon playsir, qu'est ce qui le peut esbransler et mouvoir? Certes, en toutes occurrences, sans s'amuser a philosopher sur les causes, raysons et motifz des evenemens, il prononce de cœur ce saint acquiescement du Sauveur: Ouy, mon Pere, car ainsy a il esté aggreé devant vous..

  A026001757 

 Helas! qui regarde le prochain hors de la, il court fortune de ne l'aymer ni purement, ni constamment, ni esgalement; mays la, qui ne l'aymeroit? qui ne le supporteroit? qui ne souffriroit ses imperfections? qui le treuveroit de mauvaise grace? qui le treuveroit ennuyeux? Or, il y est ce cher prochain, ma tres chere Fille, dans le sein et dans la poitrine du Sauveur; il y est comme tres aymé et tant aymable, que l'Amant meurt d'amour pour luy..

  A026001762 

 VIVE JESUS qui est mort pour nostre cœur! et qu'a jamais nostre cœur meure pour revivre eternellement de la mort de son amour..

  A026001792 

 Ouy, vous deves tout oublier ce qui n'est pas de Dieu [280] et pour Dieu, et demeurer totalement en paix sous la conduite de Dieu..

  A026001794 

 C'est pourquoi je demande à mon très cher Seigneur l'aide de la sainte obédience pour arrêter ce misérable coureur, car il m'est avis qu'il craindra le commandement absolu..

  A026001794 

 Vous me direz: Pourquoi sortez-vous donc de là? O Dieu, c'est mon malheur et malgré moi; car l'expérience m'a appris que cela est fort nuisible.

  A026001799 

 L'enfant qui est entre les bras de sa mere n'a besoin que de laisser faire et de s'attacher a son col..

  A026001801 

 Si Notre-Seigneur n'a pas un soin particulier d'ordonner tout ce qui est requis et nécessaire à cette âme ainsi remise?.

  A026001811 

 Ouy, il est bon de ne s'attacher a rien tant qu'aux Regles; de sorte que sil ny a quelque signalee occasion, alles ou la Regie vous tire et la rendes plus forte que tous ces menus attraitz..

  A026001813 

 Ce point est grand et difficile pour moi..

  A026001813 

 Se laisser gouverner absolument pour ce qui est du corps, recevoir simplement tout ce qui nous est donné ou fait: bien, mal, incommodité, ce qui sera de trop selon notre jugement, sans en rien dire ni témoigner nulle sorte de désagrément; prendre les soulagements du dormir, reposer, chauffer, de l'exemption de quelque exercice pénible ou de mortification; dire à la bonne foi ce que l'on peut faire: que l'on s'insiste, céder sans rien dire.

  A026001814 

 Au reste, de se rendre si parfaitement maniable, c'est ce que je desire bien fort de nostre cœur..

  A026001816 

 Ceci est un peu difficile, et pour ne rien laisser à soi-même; car, combien de fois voudrait-on un peu de solitude, de repos, de temps pour soi! cependant, l'on voit une Sœur qui côtoie, qui s'approche, qui désirerait ce quart d'heure pour elle, une parole, une caresse, une visite, que sais-je moi?.

  A026001819 

 Voilà ce qui m'est venu en vue où il me semble que je pourrais m'exercer et mortifier.

  A026001824 

 Le livre de l' Amour de Dieu, ma chere Fille, est fait particulierement pour vous; c'est pourquoy vous pouves, ains deves avec amour, prattiquer les enseignemens que vous y aves trouvé..

  A026001827 

 Cependant, l'âme qui est en l'état ci-dessus, voulant s'essayer de le faire, ne peut en façon quelconque, dont souvent elle se peine beaucoup.

  A026001827 

 Mais il me semble néanmoins qu'elle le fait et en une manière fort excellente, qui est un simple ressouvenir ou représentation fort délicate du mystère, avec des affections fort douces et savoureuses.

  A026001828 

 Et quant a la contrition, ell'est fort bonne seche et aride; car c'est une action de la partie superieure, ains supreme de l'ame..

  A026001840 

 Cecy doit estre vostre exercice continuel; car cette simplicité de cœur vous empeschera de penser distinctement (car nous ne sommes pas maistres de nos pensees, pour n'en avoir que celles que nous voulons) qu'a ce que vous aures a faire et a ce qui vous est marqué, sans espancher vostre ame ni a vouloir, ni a desirer autre chose; et fera que toutes ces pretentions de plaire et ces craintes de desplaire a nostre Mere, s'esvanouiront, reservant le seul desir de plaire a Dieu, qui est et sera l'unique objet de nostre ame..

  A026001841 

 Lhors qu'il vous arrivera de faire quelque chose qui pourroit fascher ou mal edifier les Seurs, si c'estoit chose d'une grande importance, excuses vous, en disant que vous n'aves pas eu mauvaise intention, s'il est vray; mais si c'est chose legere et qui ne tire point de consequence, ne vous excuses point: observant tous-jours de faire cela avec douceur et tranquillité d'esprit, comme aussi de recevoir les advertissemens.

  A026001842 

 Vous vous trompes en croyant que vous devries faire des actes vifz pour vous desfaire de ces sentimens et troubles de la partie inferieure; c'est au contraire, il n'en faut faire nul estat, mais passer simplement chemin, sans les regarder seulement.

  A026001843 

 Et tout de mesme en est il des pensees de jalousie ou d'envie, et mesme de ces attendrissemens que vous aves sur vos commodités corporelles, et semblables tricheries qui vont ordinairement roulant autour de nos espritz, retranchant a vostre ame tout autre soin que celuy de se tenir en paix et en tranquillité.

  A026001843 

 Je dis mesme celuy de vostre propre perfection; car je remarque que ce trop grand soin [286] de vous perfectionner vous nuit beaucoup, d'autant que des qu'il vous arrive de faire des fautes, vous vous en inquietes, parce qu'il vous semble que c'est tous-jours contre la pretention que vous aves de vous amender.

  A026001845 

 Il est vray pourtant que, si vous vous y rendes fidele, Nostre Seigneur benira vostre travail.

  A026001845 

 Sa Bonté vous attire a cet exercice, c'est une chose tout asseuree: c'est pourquoy vous estes grandement obligee a vous y rendre fidele, pour correspondre a sa volonté.

  A026001847 

 Dieu vous veut toute et sans aucune reserve, et toute fine nue et despouillee; c'est pourquoy il faut que vous ayes grand soin de vous desfaire de vostre propre volonté, car il n'y a que cela seul qui vous nuise, d'autant que vous l'aves tous-jours extremement forte, et vous estes fort attachee a vouloir ce que vous voules.

  A026001848 

 Embrasses donq bien fidelement cet exercice, puisque je vous le dis avec la charité de Dieu et la connoissance que j'ay de vostre necessité, qui est que vous regardies la providence de Dieu aux contradictions qui vous seront faites, Dieu les permettant affin de vous destacher de toutes choses, pour vous mieux serrer a sa Bonté et unir a luy; car je sçay qu'il veut que vous soyes sienne, mais d'une façon toute particuliere..

  A026001854 

 Ne soyes point tant amie de vostre paix que, quand on vous l'ostera par quelque commandement, ou correction, ou contradiction, vous en demeuries troublee; car cette paix qui ne veut point estre agitee est recherchee par l'amour propre..

  A026001857 

 Mais ressouvenes vous de ce que j'ay dit en l'Entretien de l'Humilité; et toutes fois et quantes qu'elle ne produit pas ce fruit, elle est suspecte et indubitablement fause.

  A026001878 

 J'ay receu aussi de Dieu un tendre amour envers les maximes de l'Evangile, et je me persuade que c'est en suite de la connoissance qu'il m'a communiquee de leur eminente beauté.

  A026001885 

 Il faut donq obeir a celle que Dieu nous a donnee pour Superieure en regardant tous-jours Nostre Seigneur en elle, par l'ordonnance duquel elle nous commande et conseille ce qui est pour nostre bien et avancement spirituel.

  A026001886 

 Il faut faire ainsy: obeir simplement a la voix de Dieu qui nous est signifiee par nos Superieures, ne faisant aucun discours ni pensee pour en juger selon nostre inclination..

  A026001888 

 C'est un grand moyen d'avancer en la vertu et en l'amour de Dieu quand nous avons des Superieures qui ne nous ayment pas et que nous n'aymons pas aussi.

  A026001888 

 Dittes avec la Mere Therese de Jesus: « Tout ce qui n'est point Dieu ne m'est rien.

  A026001888 

 Et puis, qu'est ce que dit le Point d'humilité? Qu'il ne faut point vouloir estre aymé.

  A026001890 

 En fin, le cœur obeyssant racontera les victoires; les victoires nous les remportons quand nous sousmettons nostre volonté et jugement a celuy d'autruy, a l'imitation de Nostre Seigneur qui s'est rendu obeissant jusqu'a la mort, et a la mort de la croix, et a mieux aymé mourir que de perdre l'obeissance..

  A026001891 

 Il ne faut jamais rien faire contre l'obeyssance, specialement quand il nous vient en l'esprit que cela n'est pas bien, et que le scrupule nous prend ou que nous ne voudrions pas que nos Superieures le sceussent..

  A026001892 

 Il faut demeurer la ou il y a plus de repugnance: c'est la ou il faut faire de plus grandes prattiques de vertu, obeissant avec respect, sousmission, amour, de bon cœur.

  A026001893 

 S'il vous arrive du proffit quand vous rendes conte, de dire que c'est moy qui vous ay enseigné cet exercice, dites le affin qu'on vous le laisse continuer; mais si elles vous disent que vous facies autrement, quittes tout et faites simplement ce qu'elles vous diront, encor que vous ayes de la repugnance tant a quitter qu'a faire autrement que je vous ay dit.

  A026001895 

 Il faut bien prattiquer tous les moyens qui nous sont donnés pour arriver au Ciel et au salut, purement pour Dieu et pour luy plaire, parce qu'il le veut ainsy et qu'il est bon de le faire.

  A026001898 

 C'est le plus haut point de l'humilité de s'humilier pour Nostre Seigneur, parce qu'il s'est humilié pour nostre amour, pour nous donner exemple de faire comme luy..

  A026001909 

 C'est une injustice de vouloir sçavoir les affaires des autres et ne vouloir rien dire des siennes, par cordialité..

  A026001912 

 Il faut quelquefois flatter son cœur et le servir en ses maladies et l'encourager; et quand il est bien piqué, il le faut prendre comme un cheval de bride et le mettre fermement en soy mesme, sans le laisser courir apres ses sentimens et passions.

  A026001912 

 Tasches d'acquerir la sainte tranquillité exterieure et interieure en toutes vos actions et vous formés selon cela; [296] et quand on ne sçait plus que faire a son esprit, qui est piqué et troublé, il se faut divertir.

  A026001913 

 Dites souvent: Bienheureux sont les debonnaires, car le royaume des deux est a eux.

  A026001913 

 Et avec le Psalmiste: Goustes et voyes combien le Seigneur est doux.

  A026001914 

 Selon les occasions, retires vous en vous mesme, par des retours de vostre esprit en Dieu; il ne faut pas que vous soyes trop retiree, car ce n'est point vostre humeur..

  A026001919 

 Il faut [297] estre une colombe, parce que Nostre Seigneur est colombin, et n'avoir rien a cœur que luy et l'affection de luy plaire, et estre tant simplifiee que vous puissies dire en verité: Je ne pense a rien, hors ce a quoy je suis obligee de penser.

  A026001920 

 C'est le moyen d'estre simple, puisque Dieu est un Esprit simplificateur.

  A026001925 

 Il faut encourager son ame, luy disant qu'elle est toute a Dieu et pour l'eternité.

  A026001925 

 La generosité passe par dessus tout cela, ne s'attachant qu'a Dieu seul, pour l'amour duquel elle fait tout, et mortifie ce qui est d'humain pour ne vivre plus que pour luy.

  A026001927 

 La vie interieure c'est de faire mourir la nature et vivre selon la grace et la rayson.

  A026001927 

 Quand les mouches nous piquent, il ne faut que tout simplement les oster; ainsy, quand il nous vient des contradictions, il ne faut que tout simplement les oster, c'est a dire s'en destourner et non pas s'en occuper.

  A026001932 

 Et pour vous oster la crainte que vous ne faites pas ce que vous leur dites, pensés que vous leur parles comme messagere et envoyee de la part de Dieu; et quand il vous vient de prendre de la vanité de ce que vous leur dites, penses en vous mesme que ce que vous dites n'est pas de vous, mais de Dieu, et vous humilies..

  A026001936 

 Vous aves un esprit comme ces arbres qui ont tant de branches autour qui les empeschent de croistre: tant de menus desirs empeschent de croistre le plus grand, qui est de plaire a Dieu..

  A026001937 

 Il faut quelquefois alleguer ce que disent les Constitutions en ses advertissemens, a l'imitation de Nostre Seigneur; comme quand l'esprit malin le tenta au desert, il dit: Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu; et aussi quand les pharisiens l'interrogeoyent, il leur alleguoit l'Escriture, disant: Il est escrit telle chose.

  A026001938 

 Ma chere Fille, il est bon d'entendre les coulpes des autres pour recevoir la lumiere pour voir les vostres, et penser en soy mesme que cette Seur est bien humble de s'accuser ainsy.

  A026001940 

 Et de [se] la faire, c'est une grande prattique de vertu, et de ne la pas faire, c'est la perdre..

  A026001943 

 Ne vous estonnes pas de vos cheutes et imperfections; qu'elles ne vous fassent entrer en aucun descouragement, car cela est contraire a la perfection que nous desirons..

  A026001943 

 Quand on tombe en quelques defautz et imperfections, c'est un remede et moyen tres bon, et qui plaist fort a Dieu [301] et confond le diable, que de s'humilier tout aussi tost devant Dieu et eslever son esprit au Ciel, usant de ces paroles ou autres semblables: O Seigneur, vous voyes combien je suis fragile et miserable, et comme je tombe souvent; pardonnes moy, Seigneur, et donnes moy la grace de ne plus tomber.

  A026001943 

 Si vous aves failli devant les Seurs, il faut reparer le defaut; et si c'est vers une particuliere que vous aves commis la faute, dites ainsy, si c'est un manquement de douceur, [une] replique, tesmoignage de repugnance: « Ma tres chere Seur, je vous demande pardon de ce que je vous ay tesmoigné de la repugnance et manqué de douceur; je vous ay mal edifiee, je vous prie de prier Nostre Seigneur pour moy, affin qu'il me fasse misericorde et la grace de m'amender.

  A026001945 

 Encor que je die le petit pas, ce n'est pas que je n'aye un grand desir de vostre avancement a la perfection.

  A026001945 

 Vous sçaves combien mon cœur vous ayme et que, tout a fait et sans reserve, vous vous estes donnee a moy et que nous avons ensemble le cœur: le vostre est a moy et le mien est a vous, tout a fait, et quand vous entendres parler de vostre cœur ce sera du mien.

  A026001946 

 Sçachés que vous satisferes asses pour vos pechés quand vous feres tout ce que vous faites purement pour Dieu et pour luy plaire, sans autre intention; et cela est plus parfait..

  A026001947 

 Il se faut fort humilier et prendre bon courage pour combattre nos imperfections, car tandis que nous serons en cette vie, nous aurons tous-jours a faire et a combattre: c'est l'exercice de nostre humilité.

  A026001949 

 — C'est la Superieure, et elle vous fait la correction comme si on luy avoit celé quelque chose.

  A026001952 

 C'est une chose qu'il faut tous-jours redire..

  A026001952 

 Retenes bien cet advis de vostre Pere, ma tres chere Fille, pour le mettre en prattique: c'est qu'il faut vivre de la vie de Nostre Seigneur, marcher tous-jours selon la partie superieure.

  A026001953 

 Chacun ayme mieux ceux qui sont a son gré; c'en est de mesme des vertus.

  A026001953 

 Il est bien facile d'estre doux quand rien ne fasche.

  A026001953 

 Il faut tourner son esprit a toutes mains par une excellente mortification de nous mesme et de tout ce qui est du naturel, pour se ranger au bon playsir de Dieu..

  A026001954 

 Hé, quand sera ce que vous pourrés dire avec l'Apostre: Ce n'est plus moy qui vis, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy. Il faut que ce soit tout a cette heure que vous soyes superieure de vous mesme et que vous soyes la nouvelle fille de Nostre Seigneur.

  A026001959 

 Pour arrester l'activité de l'esprit et le pousser de sa negligence, il faut souvent demander a son cœur qu'est ce qu'il est venu faire en Religion, sans penser au lendemain; chaque jour a bien asses de sa besoigne.

  A026001960 

 Ce que le Combat spirituel veut dire, ma chere Fille, que ce n'est pas si grande vertu et perfection de se resoudre pour tout un jour comme pour toute sa vie? — Sçachés, ma Fille, qu'il y a deux sortes de perfection: par exemple, une personne sera tentee de la tentation de la chair; elle n'y fait point de faute, elle est parfaitte en cela.

  A026001960 

 Ressembles, si vous pouves, a la robbe de [Joseph], qui tenoit despuis la teste jusqu'aux pieds; c'est a dire, qu'il se faut exercer toute sa vie a la prattique des vertus..

  A026001960 

 Une autre n'est point tentee, elle est plus parfaitte, parce que c'est un don de Dieu.

  A026001962 

 Ayant fait vostre reveuë, rejetté et detesté vos imperfections, il reste a faire la fin, qui est de bien mettre en prattique vos resolutions et vouloir des-ormais vivre toute a Dieu et vous appliquer a son amour.

  A026001963 

 Ma chere Fille, de la racine amere procede fruit doux et savoureux: c'est la mortification.

  A026001964 

 Leur esprit, c'est l'humilité et la douceur interieure et exterieure.

  A026001964 

 Pour nous, c'est le chemin du Ciel que nos Regles et Constitutions.

  A026001965 

 En fin, nous sommes espouse d'un Espoux crucifié; il est raysonnable que nous le soyons aussi avec trois clous comme luy.

  A026001966 

 C'est une parole de Nostre Seigneur: qui marche droitement a luy ne regarde qu'a le suivre droitement, sans regarder les autres; n'y penses point.

  A026001967 

 Sentir la Passion de Nostre Seigneur, c'est quand il se presente une occasion de colere: il se faut representer [306] comme Nostre Seigneur se comportoit en sa Passion.

  A026001968 

 Ce n'est pas aller droit de penser beaucoup a ses fautes, et aussi si les Superieures nous ayment.

  A026001968 

 Il faut estre bien ayse si elles nous ayment, parce que cela donne courage a s'avancer; mais ce n'est pas marcher droit de penser beaucoup a cela..

  A026001973 

 Ma chere Fille, oyes saint François s'escrier: Nostre Seigneur est mort d'amour et personne ne l'ayme! Taschés donq [de l'aimer] de tout vostre cœur, de toutes vos forces et puissances.

  A026001975 

 Il ne se faut fascher si on n'est pas tous-jours en la presence de Dieu.

  A026001977 

 Prononçons souvent ce saint Nom, comme nous pourrons; que si pour le present ce n'est qu'en begayant, a la fin nous apprendrons a le bien prononcer.

  A026001979 

 L'ame du prochain, c'est l'arbre de vie du paradis terrestre; il est defendu d'y toucher parce qu'il est a Dieu qui le doit juger, et nous aussi.

  A026001979 

 Ne vous estonnes pas si vostre amour n'est pas tendre, tant a l'endroit de Dieu comme a l'endroit des creatures; pour estre fort, il en est meilleur.

  A026001979 

 Quand il nous vient envie de nous fascher avec quelqu'un, il faut tout aussitost regarder cette ame dans le sein de Dieu; a cette heure nous n'aurons garde de nous fascher avec elle, et c'est le vray moyen de conserver la paix en nostre cœur et l'amour du prochain..

  A026001981 

 Non seulement on est plus obligé a secourir les proches et voysins, mais il le faut faire..

  A026001982 

 Il ne nous oste jamais sa grace pour ces petites choses; il n'est sujet a se fascher contre nous quand nous manquons, pourveu que nous retournions a luy en nous humiliant avec amour et confiance.

  A026001982 

 Quand nous sentons que nous n'avons point de confiance en Dieu, il en faut aller prendre dans son cœur, car Nostre Seigneur en est tout plein.

  A026001985 

 L'amour propre n'est pas si satisfait, car nous voudrions tous-jours avoir des goustz, des satisfactions et consolations, ou autrement tout est perdu.

  A026001985 

 Oh! il faut estre plus courageuse que cela, Il faut autant [309] aymer Nostre Seigneur, et plus, s'il est possible, au mont de Calvaire qu'en celuy de Thabor..

  A026001985 

 Sçaches, ma tres chere Fille, qu'on fait plus de chemin quand le tems est couvert qu'au grand de la chaleur; ainsy, quand on est en grande secheresse on avance plus au pur amour de Dieu, pourveu qu'on soit fidele et sans descouragement.

  A026001992 

 Neanmoins il faut tascher de se vaincre et parler a cette Sœur le plus gratieusement qu'il est possible, prier Dieu pour elle, rechercher sa conversation, la caresser, estre bien ayse de luy rendre service.

  A026001993 

 Et que vous doit il importer d'en avoir ou non, pourveu que vous ne les suivies et que vous ne les nourrissies pas volontairement? Il n'est pas en nostre pouvoir de n'avoir point de tentations et sentimens, mais ouy bien de n'y point consentir et y faire des fautes en suite.

  A026001994 

 Je vous diray, ma tres chere Fille, une chose que vous diries bien a une autre: c'est que ou il y a plus de repugnance, Nostre Seigneur veut que nous prattiquions plus de grandes vertus, car la vertu ne s'acquiert que par son contraire.

  A026001995 

 Ne penses pas, ma Fille, que je voulusse trahir vostre ame; o non, car elle m'est aussi pretieuse que la mienne mesme.

  A026001996 

 C'est un grand moyen d'avancer a la perfection et d'acquerir des vertus heroïques.

  A026001997 

 L'envie c'est que l'on est marri du bien du prochain; l'aversion est une passion qui vient sans que nous voulions, et pour la vaincre quand elle est forte il se faut divertir et n'y point penser que le moins que l'on peut.

  A026001997 

 Quand elle n'est pas si forte, il se faut surmonter.

  A026002000 

 Ne sçaves vous pas que le throsne de sa misericorde c'est nostre misere?.

  A026002000 

 — Il vaut bien mieux ne rien dire qui vaille, pour aymer son abjection, que suivre son humeur, car c'est ce que nostre ennemi pretend: nous abattre le courage, pour aucunes choses qui nous puissent arriver.

  A026002001 

 Parles luy d'amour, jettes vous entre ses bras comme un petit enfant entre les bras de sa mere; dites luy que vous voules estre toute sienne, car il est tous-jours en nostre pouvoir de dire cela, et VTVE JESUS, et chose semblable.

  A026002001 

 — Si fait, mais c'est que vous ne le voules pas, parce que vous y aves de la peyne et que vous n'y aves point de satisfaction.

  A026002003 

 Et ne sçaves vous pas Jesus Christ crucifié? vous sçaves bien cela, c'est asses; vous sçaves plus que vous ne faites.

  A026002003 

 Pour vos tentations, c'est vostre chemin, ne vous en mettes point en peyne; tasches seulement de ne point faire de fautes en leur faveur.

  A026002004 

 Ce n'est rien que les sentimens de la partie inferieure, pourveu que la superieure tienne ferme.

  A026002004 

 La loy de l'homme exterieur c'est de frapper des pieds et mains, dire des paroles; mais l'interieur ne fait rien de cela, encor qu'il ayt le sentiment.

  A026002004 

 Saint Paul qui dit: Je ne vis plus, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy, se plaint et dit: Je sens une loy en mes membres qui repugne a celle [313] de mon esprit.

  A026002011 

 Le don d'entendement est un don que Dieu respand dans l'ame juste des lumieres de la foy et de la ferme creance d'icelles, de leurs clartés et beauté.

  A026002012 

 Nostre Seigneur a dit que quicomque perdra son ame, c'est a dire sa vie, la gaignera, et que qui la gaignera la perdra.

  A026002014 

 Il y a difference des murmures a la mesdisance: le murmure est en des choses de peu, la mesdisance s'entend en des choses grandes..

  A026002019 

 Il s'y faut bien preparer, puis, si Nostre Seigneur prend nostre cœur, il le faut laisser faire et suivre son attrait, sans nous destourner pour regarder ce que nous faysons ou sentons, car c'est une des plus fines tentations et distractions que celle la; il [s'en] faut bien garder..

  A026002020 

 C'en est de mesme resistant aux inspirations et au don de Dieu..

  A026002020 

 C'est comme si un seigneur vous appelloit pour vous parler, et que vous n'y voulussies pas aller et que vous dissies: J'ayme mieux parler a ses valetz.

  A026002020 

 Ne faites pas cela; gardés vous de le plus faire, car c'est resister au Saint Esprit et luy faire la loy et vouloir se gouverner soy mesme.

  A026002020 

 Nostre Seigneur nous attire a luy, nous voulant donner ses graces, et nous resistons! Il est bien employé [316] qu'il nous laisse la tout imparfaitz, puisque nous ne voulons pas recevoir la grace et l'honneur qu'il nous fait avec tant d'amour, sans que nous l'ayons merité.

  A026002022 

 C'est comme une eau qui est tant agitee des vens qu'elle ne represente pas l'image de l'homme, d'autant qu'elle est troublee; et bien qu'elle soit claire, les parties du cors y paroissent comme desunies les unes des autres.

  A026002022 

 En fin, qui n'a l'esprit d'orayson et de recollection, il est impossible quasi qu'il arrive a une parfaitte victoire de soy mesme et a un grand degré de mortification, comme l'experience le monstre.

  A026002022 

 Il n'est pas possible que l'ame qui au tems de la meditation est occupee de quelqu'autre affection ou desir, puisse estre attentive a ce qu'elle medite, pour bien recevoir en soy mesme l'image de Dieu auquel elle cherche de se transformer par l'orayson.

  A026002022 

 Tout de mesme l'ame qui est agitee des vens contraires des passions n'est pas propre pour recevoir en soy l'image de Dieu..

  A026002022 

 Toute l'immortification qu'ont aucunes fois les Religieux provient de ce qu'ilz ne s'addonnent pas a la meditation, laquelle est le chemin raccourci de la perfection.

  A026002023 

 Il faut estre bien fidele a employer l'heure d'orayson, parce qu'elle est toute a Nostre Seigneur, sans se laisser emporter aux distractions volontairement.

  A026002024 

 Un des preceptes de la vie spirituelle est de prendre deux ou trois Saintz et les prier qu'ilz intercedent pour nous vers Nostre Seigneur; mais s'ilz ne nous impetrent pas ce que nous voulons et desirons d'eux, il ne les faut pas quitter.

  A026002037 

 La troisiesme, que Dieu est la present qui contemple si en l'occasion qu'il vous donne de prattiquer la vertu, vous prattiqueres la bonne resolution qu'aves prise de ne le jamais quitter ni offenser..

  A026002057 

 S'accoustumer a parler, et faire toutes ses actions petites et grandes, en la plus douce façon qu'il est possible..

  A026002058 

 Au premier sentiment de colere, d'impatience et souslevement de cœur, c'est de ramasser promptement et doucement ses forces aupres de Nostre Seigneur.

  A026002065 

 Ne se point estonner de nos cheutes, puisque ce n'est pas chose admirable que l'infirmité soit infirme et la foiblesse foible; et en fin nous humilier de toutes nos fautes generalement, soyent elles grandes ou petites; mettre cela devant Dieu par une humble reconnoissance de nostre misere, puis nous relever tout doucement..

  A026002068 

 D'avoir une tres unique pretention en toutes ses œuvres et actions, qui est de plaire a Dieu; de voir et aymer la volonté de Dieu en tout ce qui nous arrive, tant du bien que du mal..

  A026002074 

 Faire ce qui nous est present selon nostre vocation, et nous confiant entierement en la divine Providence..

  A026002093 

 Ne jamais rapporter aux autres ce que nous aurons ouy dire d'elles, [si c'est] chose qui puisse mortifier ou mescontenter; ne jamais dire aucune chose qui puisse tant soit peu mortifier les Seurs.

  A026002118 

 Recevoir tout ce qui repugne a nostre goust, volonté et affection, avec allegresse et promptitude, parce que tel est le bon playsir de Dieu..

  A026002125 

 Obeyr a l'aveugle, sans s'enquerir, examiner ou demander pourquoy, comment, ains n'avoir autre rayson pour se contenter que celle de sçavoir que c'est l'obeyssance, et dire en soy mesme: Je fais ceci parce que telle est la volonté de Dieu, et en icelle est tout mon contentement..

  A026002128 

 Aymer et nous res-jouir quand le moindre de la Mayson nous est donné..

  A026002128 

 Ne prester ni recevoir aucune chose, pour petite qu'elle soit, sans congé; aymer et nous res-jouir quand quelque chose qui nous est necessaire nous manque.

  A026002133 

 Quand on est sec et aride, et sans goust ni consolation, aymer cette pauvreté devant Dieu..

  A026002148 

 Aggrandir son cœur et son courage parmi les peynes et difficultés, car c'est pour cela que Dieu les envoye et permet..

  A026002174 

 I er Point de l'obeyssance est que nous devons croire et tenir pour asseuré que Dieu a establi toute sorte de Superieures et que ce ne sont pas les hommes qui les eslisent, c'est Dieu mesme..

  A026002175 

 C'est que Dieu a establi les Superieures comme ses lieutenantes en terre, affin que nous leur obeyssions comme a luy mesme, et tient estre fait a luy ce qui est fait aux Superieures, comme il le tesmoigne par ces parolles: Celuy qui vous obeit m'obeit, et celuy qui vous mesprise me mesprise..

  A026002176 

 C'est que Dieu ne permettra jamais que vous perissies tandis que vous obeyres fidellement vous confiant en luy; car si Dieu vous a mise sous une Superieure affin que vous luy obeyssies, croyes qu'il vous protegera de sa providence divine pour parvenir a vostre derniere fin, qui est vostre perfection..

  A026002177 

 C'est qu'il ne faut jamais regarder au visage des Superieurs ni dire: Sont ilz propres pour nous? commanderont ilz bien? ains obeyr a l'aveugle en tout ce qu'ilz nous commandent, car ce ne seront pas les Superieures qui nous rendront parfaittes, mais la sousmission et obeyssance que [327] nous leur rendrons.

  A026002177 

 Et l'on voit beaucoup d'inferieurs qui sont saintz sous des Superieurs fort imparfaitz, et des inferieurs imparfaitz sous des Superieurs qui sont saintz, tellement qu'il n'y a point d'excuse en l'obeyssance sinon la grande, qui est d'offenser Dieu.

  A026002194 

 Et moins nous sentons de capacité en nous pour ce faire, dautant plus nous nous devons serrés et ataché a Nostre Seigneur, nous confiant et apuyant toutalement en luy seul, en son assistance et en sa grace, laquelle sa Bonté ne manquera de nous donné pour nous acquiter de nostre devoir selon sa sainte volonté, si nous sommes remplie d'humilité et defiance de nous mesme; car il est tout assurer que nous ne pouvons chose quelconque de nous mesme, mais c'est la verité qu'en Dieu toutes choses nous seront possible..

  A026002194 

 Monseigneur m'a dit que les armes quil faut enporté pour aler en quelque fondation ne sont autre que la saincte humilité, de laquelle vertu il m'a dit quil me faloit estre toute couverte; car l'humilité est toute genereuse, et nous fait entreprendre avec un courage invincible tous ce qui regarde le service de Dieu et l'agrandissement de sa gloire.

  A026002195 

 Nous ne sommes pas Econnome ni Superieure des talans et dons que Dieu a mis en nous, mais seulement Depenciere, pour les distribuer aux autres, pourtant l'esprit de la Visitation par tout afin de le repandre au prochain; [329] tachant de polir, purifier et formé les esprits de celles que Nostre Seigneur nous commettra, qui se treuveront fort divers, esquels il faudra que nous exercions une grande douceur, simplicité, suport et patience pour les voir cheminer le petit pas et tousjours commettre des imperfections; inculquant en ces ames là la vraye humilité, generosite, douceur et charité, qui est le vray esprit de nos Regles, afin que par ce moyen elles parviennent a la perfection de l'amour sacré et a l'union de leurs ames avec sa divine Majesté, qui est la fin pour laquelle elle les a apellé a la Religion..

  A026002207 

 point, user de la petitte orayson qui est en l' Exercice du mattin de Philothee..

  A026002208 

 Vous feres donc ainsi une vive et puissante union amoureuse de vostre volonté a celle de Dieu; puis, parmi toutes les actions de la journee, soit spirituelles, soit corporelles, vous feres de frequentes reunions, c'est a dire, vous renouvellerés et confirmeres l'union faitte le matin, jettant un simple regard interieur sur la divine Bonté et disant par maniere d'acquiescement:.

  A026002225 

 Faites une tres grande estime du ministere a quoy vous estes appellee; et pour le bien faire, tous les jours en vous resveillant, ne manques jamais de dire cette parole que saint Bernard disoit si souvent: « Qu'es tu venu faire ceans? » Qu'est ce que Dieu veut de toy? Puis, soudain apres, abandonnes vous totalement a sa divine volonté, [334] affin quil fasse de vous et en vous tout ce qu'il luy plaira, sans aucune reserve..

  A026002227 

 De plus, il faut que vous fassies grande attention sur cette parole que j'ay mise dans les Constitutions, sçavoir, que la Superieure n'est pas tant pour les fortes que pour les foibles, bien qu'il faille avoir soin de toutes, affin que les plus avancees ne retournent point en arriere.

  A026002231 

 La gloire de Dieu est jointe a ceci et la connoissance de vostre Institut; c'est pourquoy il faut que vous relevies fort vostre courage, en luy faysant entendre l'importance de ce a quoy vous estes appellee..

  A026002237 

 Trois vertus vous sont cherement recommandees: la debonnaireté tres humble, l'humilité tres courageuse, la parfaitte confiance a la providence de Dieu; car quant a l'esgalité de l'esprit et mesme du maintien exterieur, ce n'est pas une vertu particuliere, mais l'ornement interieur et exterieur de l'espouse du Sauveur.

  A026002261 

 Pour celles qui ont la voix bonne et en tirent trop de complaysance il sera tres bon de les priver parfois de tenir les premiers rangs en telles charges, si ce sont filles qui ayent l'esprit fort a supporter la mortification; mais neanmoins il y en a auxquelles il est besoin de donner quelque complaysance au chant des Offices pour les y encourager, en les portant tous-jours de referer tout a Dieu en mortifiant la vanité.

  A026002262 

 Faire le tout prudemment et suavement; la Constitution n'est-elle pas pour cela, affin de rompre les affections et attachemens aux charges?.

  A026002262 

 Quant a celles qui desirent les premiers rangs et charges parce qu'elles sont anciennes, en cela la Superieure doit faire selon qu'elle le jugera pour le mieux, sans avoir esgard a telles foiblesses; car c'est en cela ou il faut rompre et mortifier la volonté et propre estime, sans faire semblant de rien.

  A026002264 

 Il y en a qui tesmoignent la foiblesse du sexe, car si on les veut un peu tenir en devoir au tems de leurs maladies, elles se mettent au descouragement, s'imaginant d'estre abandonnees de Dieu et des creatures; que s'il leur semble que la Superieure n'ayt essayé que c'est d'estre malade, elles prendront plus mal ce qui viendra d'elle: et neanmoins le support ne procede que de la grace de Dieu, quoy que l'experience y serve en quelque façon pour la connoissance de cette infirmité..

  A026002265 

 Suit maintenant vostre demande, ma Seur, si on peut recevoir des Religieuses d'un autre Ordre? Il est certain qu'on le peut, pourveu qu'elles ne soyent pas Professes; si elles le sont, on ne le peut sans dispense de Rome.

  A026002266 

 Il ne faut pas appeller le medecin que pour la vraye necessité et tous-jours avec dispense pour chaque malade, si ce n'est que l'on fust bien pressé; l'on ne leur doit parler des filles que fort discrettement et en sorte que la modestie y soit observee..

  A026002267 

 La prudence est icy grandement necessaire pour traitter avec eux comme il faut, mais tous-jours avec humilité et douceur, en tenant neanmoins la regie droitte et ferme pour ce qui est de l'observance des Regles et de l'esprit de la Visitation..

  A026002267 

 Touchant les Peres spirituelz, il est malaysé d'en donner une regie; les difficultés que vous aves sceu estre arrivees ailleurs vous ont fait faire cette demande.

  A026002268 

 Et si l'on vous remet a vostre choix, prenés le jeusne, car il est mieux de ne flatter pas le cors que de l'attendrir, si ce n'est pour les raysons suivantes: si le jeusne vous rend chagrine ou donne des estourdissemens de teste, ou bien si l'on est [341] travaillé de quelque douleur, il n'y a point de doute que l'on ne doit pas jeusner si cela accroist la douleur; car l'Eglise ordonne le jeusne pour macerer' un peu ceux qui sont sensuelz et pour faire pœnitence; mais ceux qui en reçoivent de l'incommodité qui empesche l'esprit de ses fonctions, l'on en peut dispenser, mais non pas de soy mesme.

  A026002268 

 Mais de manger autant pesant que feroit une poire, il ne seroit pas a propos, d'autant qu'un œuf est fort leger; si ce n'est que l'on ne se peust pas passer a si peu, car alhors l'on peut manger davantage: la discretion doit gouverner le tout.

  A026002268 

 Si en prenant quelque petite chose l'on peut mieux porter le jeusne, l'on le doit faire sans scrupule; mais si une fille ne peut supporter du fruit ou de la resinee, l'on peut luy donner un œuf au tems qu'il est permis d'en manger.

  A026002272 

 Il faut que la Superieure ayt une grande discretion pour ne pas s'exempter des Offices, estant au parloir, si ce n'est qu'elle soit avec des personnes de respect, ou affligees, ou quelque affaire de la Mayson; alhors il faudroit patienter; mais les autres, il leur faut dire humblement que c'est l'heure de l'Office; hors de ce tems la, il s'y faut assujettir autant que l'on le requerra.

  A026002279 

 C'est a son choix de rendre conte ou a un Pere, ou au Confesseur, ou a son Ayde, et rien du tout si elle ne veut..

  A026002289 

 Puisque c'est le haut point de la perfection chrestienne de conduire les ames a Dieu, l'aymant qui a attiré Jesus Christ du Ciel en terre pour y travailler et consommer son œuvre dans la mort et par la Croix, il est aysé de juger que celles qu'il employe a cette fonction se doivent tenir bien honnorees, s'en acquittant avec un soin digne des espouses de Celuy qui a esté crucifié et est mort comme un Roy d'amour, couronné d'espines, parmi la trouppe de ses esleus, les encourageant a la guerre spirituelle qu'il faut soustenir icy bas pour arriver a la celeste Patrie promise a ses enfans..

  A026002290 

 Ainsy, mes cheres Filles, celles que Dieu appelle a la conduite des ames se doivent tenir dans leurs ruches mystiques ou sont assemblees les abeilles celestes pour mesnager le miel des saintes vertus, et la Superieure, qui est entre elles comme leur roy, doit estre soigneuse de s'y rendre [345] presente, pour leur apprendre la façon de le former et conserver.

  A026002294 

 Mais si quelques unes se rendoyent contraires a cette conduite, vous pourries, prenant sujet de les y exercer, leur faire voir leur ignorance, leur peu de rayson et de jugement de s'amuser aux presomptions et fauses imaginations que produit la nature depravee; combien l'esprit humain est opposé a Dieu, dont les secretz ne sont revelés qu'aux humbles; qu'il n'est pas question, en la Religion, de philosophes et de beaux espritz, mays de graces et de vertus, non pour en discourir, mais pour les prattiquer humblement; leur faysant faire et ordonnant des choses difficiles a faire et comprendre et qui soyent humiliantes, pour les destacher insensiblement d'elles mesmes et les engager a une humble et parfaitte sousmission a l'ordre des Superieures, lesquelles aussi doivent avoir une grande discretion a bien observer le tems, les circonstances et les personnes.

  A026002296 

 Serves vous volontier des conseilz, lhors qu'ilz ne seront point contraires au projet que nous avons resolu, de suivre en tout l'esprit d'une suave douceur et de penser plus a l'interieur des ames qu'a l'exterieur; car en fin, la beauté des filles du Roy est au dedans, qu'il faut que les Superieures cultivent, si elles n'ont elles mesmes ce soin, crainte qu'elles ne s'endorment dans leur chemin et ne laissent esteindre leurs lampes par negligence; car il leur seroit dit indubitablement comme aux vierges folles se presentant pour entrer au festin nuptial: Je ne vous connois point..

  A026002302 

 C'est es choses difficiles, malaysees et desaggreables que nous devons prattiquer la fidelité envers Dieu, laquelle sera d'autant plus excellente que nous aurons moins de choix a ce qui nous sert d'exercice.

  A026002303 

 Bref, si la tentation est d'une rose, il faut parler d'une violette, et ne point s'estonner de la varieté des pensees, puisqu'il n'est pas requis de les combattre l'une apres [l'autre], ains seulement de les maistriser et desdaigner toutes par un simple retour du cœur a Dieu, a la Majesté duquel on recourt par prieres; par exemple, de luy dire, en se retournant vers luy: Je suis vostre, mon Dieu; hé, que vous estes aymable! Jesus est bon; VIVE JESUS! et semblables paroles.

  A026002303 

 En somme, c'est un bon moyen de vaincre que de ne point regarder l'ennemy, mais tous-jours se retourner devers le bienaymé Amy celeste; et quoy que nostre ennemy crie et tempeste, il suffit pour le rejetter de ne point respondre, ne point s'amuser a luy et ne point faire semblant de luy.

  A026002303 

 Et pour l'ordinaire, la meilleure methode de resister a la tentation, c'est de ne point disputer avec elle, ni mesme s'amuser a regarder les sujetz; ains il faut, aussi tost qu'on la sent, parler d'autre chose avec Nostre Seigneur ou avec sa sainte Mere, ou avec les Anges et les Saintz, ou avec son ame mesme.

  A026002303 

 La divine Escriture dit: Celuy qui n'est point esprouvé que sçait il? Bienheureux est l'homme qui endure l'essay de la tentation, car apres avoir esté esprouvé [348] par l'Esprit, il recevra la couronne de gloire que Dieu a promise a ceux qui l'ayment.

  A026002303 

 Tandis que l'on dit: Non, on n'est jamais vaincu..

  A026002304 

 Helas! tandis que les ames servent au peché, l'ennemy leur donne quelque apparence de vertu pour quelque particulier sujet, affin de nourrir en elles quelque sorte de presomption et une vayne complaysance en elles mesmes, sans laquelle on ne pourroit gueres demeurer en peché; car, comme l'on ne peut gueres ressentir de perfection sans humilité, aussi ne peut on long tems demeurer en peché sans la vanité, c'est a dire sans presomption..., nous confians en ce grand Salutaire, esperans qu'en sa sayson [349] elle le rendra multiplié.

  A026002306 

 Tout ainsy comme nous aydons aux malades, quand nous les allons visiter, a supporter leur mal en le regrettant et lamentant, de mesme aussi la devotion nous ayde, quand elle est simple et selon Dieu, a supporter plus patiemment les afflictions et tribulations quand elles nous arrivent..

  A026002307 

 Ouy certes, mais je vous diray de luy ce que disoit saint Hierosme de sainte Paule: elle pleuroit trop pour une grande dame, » il est « vray, mais les pechés de sainte Paule eussent esté de bien grandes vertus » a d'aucune.

  A026002312 

 Tout ce qui n'est pas Dieu ne luy est rien; son cœur n'est point sujet au change, car elle rencontre les Anges, elle les quitte sans s'arrester avec eux, pour chercher son Bienaymé crucifié.

  A026002314 

 — Et quel est le chemin qu'il vous a marqué, ma tres chere Fille? Celuy auquel vous estes; et croyes moy, Dieu conduisit les enfans d'Israel par la voye du desert.

  A026002315 

 L'hiver nous nous plaignons du froid et l'esté du chaud; les mouches nous mettent en peyne sur le chemin; en fin il n'y a que l'homme simple qui ne se trouble point, car il ne cherche que Dieu par le chemin auquel il est.

  A026002315 

 Le saint homme Job est moins inquiet entre les incomparables travaux sur son fumier, que le roy Achab sur son lit au milieu de son palais, et que les mauvais Israelites entre les delices de la manne.

  A026002315 

 Ne gromellons point dans nos cœurs, disant que nostre condition est insupportable.

  A026002315 

 O combien de gens changeroyent volontier la leur a la nostre! Ce n'est pas tant nostre mal qui nous fait mal, comme c'est nostre amour propre qui s'aigrit et inquiete a tout ce qu'il a a contre cœur.

  A026002316 

 O Seigneur, que je sois donq sauvee, puisque telle est vostre volonté.

  A026002318 

 C'est pourquoy, ceux qui sont sujetz a beaucoup d'occupations, je leur conseille de faire leurs exercices spirituelz courtement, affin qu'ilz les puissent faire plus attentivement, s'y adonnant avec l'esgalité de l'esprit, qui est un des plus illustres ornemens de la vie chrestienne et un des plus aymables moyens pour acquerir [354] et conserver la grace de Dieu, et mesme de bien edifier le prochain; n'y ayant rien aussi qui detraque tant le bon estat du cœur, ni qui rende plus malaysee la conversation humaine que la bigearrerie de l'ame..

  A026002318 

 Et en suite de cela, il est a noter que nous ne sommes pas obligés sous peyne de peché mortel ni mesme veniel d'ouyr la Messe, si ce n'est les jours de festes et Dimanche, non plus que d'ouyr les prieres extraordinaires du soir; * nous ne sommes point obligés d'ouyr Vespres ni de dire le Benedicite entrant a table, ni Graces en sortant, sous peyne de peché; et pourtant, quand nous faysons ces actes de religion et de devotion, nous sommes obligés de les faire serieusement et avec reverence.

  A026002319 

 Bien qu'il soit vray qu'il est presque impossible de conserver tous-jours si exactement cet advis parmy l'embarras de cette vie mortelle; mais du moins il faut tascher d'acquerir ce bien nompareil de l'esgalité, et quand on s'apperçoit d'estre hors du train de la tranquillité, il faut avant toutes choses se mettre en devoir de corriger l'humeur et action contraire, s'humiliant devant le Saint Esprit et demandant son secours, empeschant du moins que, pendant le trouble, la passion ne s'evapore par la langue, ni par les assautz exterieurs..

  A026002319 

 C'est une des plus blasmables conditions des creatures que d'estre immortifiees, c'est a dire d'estre sujettes a estre de differente humeur: tantost chagrine, melancholique, tantost colere, tantost rieux, tantost serieux, tantost censeur; comme au contraire, c'est une inestimable perfection que d'avoir une humeur douce, esgale et qui face bon rencontre a quelqu'heure et a quelque tems que ce soit.

  A026002320 

 L'esprit de paix et de tranquillité, suavité et d'esgalité, c'est l'esprit de Dieu et d'edification que je vous souhaite de tout mon cœur, et qu'il demeure a jamais avec vous.

  A026002325 

 Si vous estes imparfaitte, humilies vous au fond de vostre cœur et n'en parles point; car cela n'est que l'orgueil, qui fait que vous penses en dire beaucoup, affin que l'on n'en treuve pas tant que vous en dites.

  A026002327 

 Je ne dis pas la vostre, ains celle de vostre Institut, non en paroles, que fort simplement, ne le louant que comme on parle un chacun de soy mesme, ou de ses parens, c'est a dire courtement et simplement..

  A026002331 

 Ne soyes pas du tout tant retenue a relever le voile comme les Seurs Carmelites, mais pourtant uses de discretion pour cela, faysant voir, quand vous le leveres, que c'est pour gratifier ceux qui vous parlent; observant de ne gueres vous avancer des treilles, ni moins d'y passer les mains que pour certaines personnes de qualité qui le desirent..

  A026002332 

 En fin, c'est le Maistre souverain que le Pere eternel a envoyé au monde, pour nous enseigner ce que nous devons faire: et partant, outre l'obligation que nous avons de nous former sur ce divin Modele pour ce sujet, nous devons grandement estre excités a considerer ses œuvres pour les imiter, parce que c'est une des plus excellentes intentions que nous puissions avoir pour tout ce que nous avons a faire et que nous faysons, que de [357] les faire parce que Nostre Seigneur les a faites, c'est a dire prattiquer les vertus parce que Nostre Seigneur les a prattiquees et comme il les a prattiquees.

  A026002332 

 Pour ce qui est de l'orayson, il faut que vous observies de faire que les sujetz sur quoy on la fera soyent sur la Mort, Vie et Passion de Nostre Seigneur; car c'est une chose fort rare que l'on ne puisse proffiter sur la consideration de ce que Nostre Seigneur a fait.

  A026002333 

 Cela est bon; mais il me semble qu'il est asses clairement dit dans le livre de l' Amour de Dieu, ou vous pourres avoir recours, si vous en aves besoin, et aux autres qui traittent de l'orayson..

  A026002333 

 Il se peut faire pourtant qu'il y ayt certaines ames exceptees lesquelles ne peuvent s'arrester ni occuper leur esprit sur aucun mistere; elles sont attirees a une certaine simplicité devant Dieu, toute douce, qui les tient en cette simplicité, sans autre consideration que de sçavoir qu'elles sont devant Dieu et qu'il est tout leur Bien, demeurant ainsy utilement.

  A026002334 

 C'est pourquoy il faut les mettre au train et aux mesmes exercices que les autres; car si elles ont une bonne orayson, elles seront bien ayses d'estre humiliees et de se sousmettre a la conduitte de ceux qui ont du pouvoir sur elles.

  A026002334 

 Et il ne faut pas tous-jours croire les jeunes filles qui ne font que d'entrer en Religion, quand elles disent qu'elles ont de si grandes choses; car bien souvent ce n'est que tromperie et amusement.

  A026002334 

 Il y a tout a craindre en ces manieres d'oraysons relevees; mais l'on peut marcher en asseurance dans la plus commune, qui est de s'appliquer tout a la bonne foy autour de nostre Maistre pour apprendre ce qu'il veut que nous fassions..

  A026002334 

 Mais, generalement parlant, il faut faire que toutes les filles, tant qu'il se peut, se tiennent en l'estat et methode d'orayson qui est la plus seure, qui est celle qui tend a la reformation de vie et changement de mœurs, qui est celle que nous disions premierement, qui se fait autour des mysteres de la Vie et de la Mort de Nostre Seigneur.

  A026002335 

 La Superieure peut, en quelque grande et signalee occasion, faire faire deux ou trois jours de jeusne a la Communauté, [358] ou bien seulement aux filles qui sont plus robustes; faire quelque discipline, plus librement que de jeusner, car c'est une mortification qui ne nuit point a la santé, et partant, toutes la peuvent faire en la sorte qu'on la fait ceans.

  A026002335 

 Mais il faut tous-jours observer de n'introduire point les austerités en vos Maysons; car ce seroit changer vostre Institut, qui est principalement pour les infirmes..

  A026002336 

 Car il le faut tous-jours observer discrettement, ne les tenant ni trop resserrees ni trop en liberté; car vous ne sçauries croire combien c'est une chose necessaire de se tenir en cet entredeux..

  A026002337 

 Il me semble que ce devroit estre la prattique principale d'une Superieure que d'aller devant ses filles en cette simplicité, que de ne rien faire ni de plus ni de moins qu'elles font; car cela fait qu'elle est grandement aymee, et qu'elle tient merveilleusement l'esprit de ses filles en paix.

  A026002338 

 Et quant a ce qui est de la Communion, je voudrois que l'on suivist l'advis des confesseurs; quand vous aves envie de communier quelquefois extraordinairement, que vous prissies leurs advis.

  A026002339 

 Il sera bon, ma chere Fille, que vous vous assujettissies a rendre conte tous les mois, ou les deux ou trois mois, si [359] vous voules, au confesseur extraordinaire, ou mesme au confesseur ordinaire, s'il est capable, ou tel autre que vous jugeres; car c'est un grand bien que de ne rien faire que par l'advis d'autruy..

  A026002347 

 Travailles a l'acquisition des vertus de bonne foy, sans vous embarrasser; laisses vous gouverner a Dieu, serves le selon son goust et non selon le vostre, regardes que c'est luy qui vous a placee ou vous estes.

  A026002348 

 Tasches d'acquerir la perfection qui est propre a cette vie.

  A026002349 

 Mais qu'est ce que nous portons quand nous nous portons nous mesme? C'est rien qui vaille; il ne faut pas que cela nous estonne.

  A026002350 

 Dieu ayme les miserables, il regarde ceux qui ne sont rien; les chetifz et personnes abjectes deviennent le throsne de Dieu; il establit son siege sur une ame qui est vile.

  A026002352 

 Et tant que ce sentiment sera bien gravé dans nostre cœur, pourquoy nous tourmenter? Ne voyes vous pas que c'est l'amour propre qui se mesle subtilement de nous donner la torture? Je vous exhorte encor une fois de tenir vostre cœur au large; Dieu mercy, il se porte bien, puisque l'amour l'anime et quil veut tous-jours aymer..

  A026002353 

 C'est en cette consideration que [362] je vous prie de le tenir le plus joyeux que vous pourres; mesnages le, affin quil fasse de grans progres.

  A026002354 

 Alles librement, ma chere Fille, vous consacrer a nostre divin Sauveur; donnes luy le sacré bayser de la charité, et continues tous-jours a vous humilier profondement, affin que vous l'approchies sans crainte; car je croy que le plus grand moyen pour arriver a la perfection est de recevoir Jesuschrist, pourveu qu'on ayt soin de destruire tout ce qui peut luy desplaire.

  A026002354 

 Et pour recevoir cette grace, il faut nous repaistre de Jesuschrist crucifié; c'est luy qui eschauffera et fortifiera l'estomac de nostre ame, et qui nous preparera et rendra dignes de le recevoir souvent..

  A026002355 

 Tout cela n'est que dans la partie inferieure, car je sçai que la superieure est unie a Dieu et ne souspire que pour luy.

  A026002356 

 Bref, Jesuschrist, dans ce divin Sacrement, vous veut estre toutes choses: c'est cette tablette cordiale que vous deves prendre, affin de vous conforter et de vous preserver de la corruption.

  A026002356 

 C'est une fournaise d'amour ou nos tiedeurs seront consumees, c'est un bausme pretieux qui guerira nos blesseures, c'est en fin un thresor de toutes les graces qui vous enrichira.

  A026002365 

 Croyes moy, que dans la mayson du Seigneur les emplois les plus vilz ne sont pas les moins advantageux; mais le cœur qui est indifferent dit mesme qu'il ne peut pas envisager les advantages qui s'y trouvent.

  A026002365 

 Je ne souhaitte que luy: tout m'est indifferent; je veux aymer toutes choses en Dieu et pour Dieu; j'iray avec luy a la bonne foy, sans trop critiquer.

  A026002365 

 Je sçay que c'est mon Dieu, qui m'ayme, qui m'a choysi cest employ et cette maniere de vie; je ne veux plus envier l'excellence des autres, mais je veux me perfectionner sans empressement et sans inquietude.

  A026002365 

 Ma chere Fille, si vous connoissies le thresor qui est enfermé dans l'abandon total que l'ame fait de tout elle mesme entre les mains de Dieu pour ne plus vouloir que ce qui luy plaist, vous souspireries apres cet estat, et vous ne souhaitteries rien que d'estre ce que Dieu veut que vous soyes.

  A026002365 

 Que les autres soyent eslevés comme des Seraphins; [364] mon partage est de me tenir petite et humble aux pieds de mon Sauveur; hé bien, je veux m'y tenir contente.

  A026002365 

 Si je tombe, je ne m'abattray pas, car le Tout Puyssant me peut relever; si je suis dans l'obscurité, le Seigneur est ma lumiere, que craindray-je? En fin, ni le ciel, ni la terre, ni mesme l'enfer ne me peuvent oster mon Dieu.

  A026002366 

 Ne sçaves vous pas, ma Fille, que nostre Dieu est le veritable Salomon qui veut se reposer dans nostre cœur? Il est bon; si nous pouvons le placer dans le Ciel, nous ne nous troublerons pas des accidens de cette vie..

  A026002366 

 Remarqués que lhors qu'elles viennent du Seigneur, c'est avec douceur et suavité qu'elles nous portent au bien, et nous sommes indifferens du succes, parce que, pourveu que nous ayons fait de nostre costé ce qu'il demande de nous, nous demeurons en paix.

  A026002368 

 Ayes tous-jours une grande douceur et affabilité; vous sçaves que l'affabilité est la cresme de la charité.

  A026002369 

 Laisses vostre ame et vostre cors entre ses benites mains, abandonnes vous a luy, perdes vous en luy, n'aymes que luy, ne veuilles que luy, et que toutes choses hors de luy vous soyent indifferentes; et vous connoistres dans le Ciel que bienheureuse est l'ame qui a vescu dans ce monde despouillee de toutes choses, et qui a rendu hommage au grand despouillement et a la nudité de son Espoux attaché a la croix, et mourant, affin d'enrichir et de revestir ses espouses bienaymees..

  A026002370 

 Nous croyons, parce que nous ne valons rien, que le Seigneur n'aura point soin de nous: ne voyes vous pas la finesse de la prudence humaine qui nous trompe en nous faysant sortir de l'estat d'une parfaitte confiance? Ne faysons point ce [tort] a sa divine Majesté de raysonner si bassement; Dieu n'est pas comme les hommes, qui ne font cas que de ce qui peut leur estre utile.

  A026002371 

 C'est dans la sainte dilection, ma chere Fille, quil faut bastir nostre demeure ou tabernacle, car il n'y a rien de bon [366] pour nous que d'aymer sans mesure l'Amour eternel.

  A026002371 

 Presses fort, ma chere Fille, ce divin Sauveur sur vostre cœur: c'est luy qui l'a scellé et cachetté, affin qu'il soit tout sien.

  A026002378 

 [C'est] avec la mesme moderation qu'il faut aymer les biens de la Communauté, les regardant non avec une affection proprietaire qui nous oste la paix du cœur ou nous desregle en la pretention, conservation ou distribution d'iceux, ains avec un esprit religieux, comme choses consacrees a Dieu, lesquelles il ne faut aymer que selon le goust du Seigneur a qui elles sont consacrees..

  A026002380 

 Il faut fuir tout ce qui est d'honnorable..

  A026002380 

 La pauvreté spirituelle, c'est l'abandonnement de toutes choses, le mespris de soy mesme et la renonciation de toutes choses et de la propre volonté en toutes choses: ces trois degrés sont les enseignemens de la vraye Religion.

  A026002380 

 Ne se vanter jamais de ce que l'on a esté au monde, n'en vouloir estre loüé ni estimé; fuir cela tant qu'il se peut, craignant que nostre pauvreté n'en soit plus prisee, c'est imiter la souveraine humilité de Nostre Seigneur.

  A026002381 

 Il est bon de regarder nostre bassesse en comparayson de la sainteté des Saintz, qui se tenoyent pour rien..

  A026002381 

 La grande et sainte pauvreté est de reconnoistre que nous n'avons rien [et] ne pouvons rien de nous mesme que misere.

  A026002382 

 Le dernier degré de la pauvreté c'est l'absolu renoncement de sa propre volonté, se conformant en toutes choses a celle du prochain, et ne vouloir chose quelconque sinon Dieu et l'accomplissement de son bon playsir..

  A026002384 

 Celuy la est vrayement fidele qui ne se fie ni a aucune confiance en soy, qui s'est rendu comme un vaysseau corrompu et qui perd tellement son ame, qu'il la veut conserver pour la vie eternelle.

  A026002384 

 La seule humilité de cœur est cause que l'ame ne se fie pas en elle mesme; [368] mais, la tenant en abandon, se retire au desert, se reposant toute sur son Bienaymé..

  A026002384 

 Se fier en soy mesme n'est point le propre de la foy, mays de la perfidie.

  A026002391 

 L'obeissance est la supresme et unique vertu.

  A026002391 

 L'obeissance religieuse est un holocauste qu'on offre a Dieu, sans se rien reserver de sa propre volonté.

  A026002391 

 Saint Bernard dit: « Que le Prelat ne commande a sa poste, ains selon la Regie;... qu'il n'accroisse les vœux sans la volonté du sujet, qu'il ne les diminue aussi que par necessité; » mais « que le sujet sçache que l'obeissance est imparfaite qui se renferme dans les bornes des vœux, car la parfaite s'estend a toutes choses auxquelles la charité se treuve.

  A026002392 

 L'on appelle jugement propre celuy qui se separe du sens de l'Eglise, des Prelatz et Superieurs; celuy qui se despart du sens de l'Eglise, des Prelatz, des Superieurs est en erreur..

  A026002393 

 L'indifference consiste a n'incliner pas plus d'un costé que d'autre; de sorte que le parfait obeissant, encor qu'il soit resolu d'accomplir tout ce qui sera de precepte, de Regie, d'ordonnance, il est indifferent a tout le reste, ayant tous-jours au cœur et en la bouche: Seigneur, que voules vous que je face?.

  A026002401 

 Le matin, consideres comment est ce que vous aves passé la nuit; prevoyes avec prudence comment est ce que vous employeres ce jour au service de Dieu..

  A026002403 

 Conferes les actions d'un jour avec un autre, pour voir si vous proffites ou si vous retournes en arriere, taschant de reconnoistre l'imperfection principale, qui est comme la source et origine de tous vos manquemens, affin que vous la puissies peu a peu surmonter.

  A026002408 

 O que Dieu est bon a son Israël! Qu'il est bon a ceux qui sont droitz de cœur!.

  A026002409 

 Consideres premierement, que Nostre Seigneur ayant peu obliger ses creatures a toutes sortes de services et obeissances envers luy, il ne l'a pas neanmoins voulu faire, ains s'est contenté de nous obliger a l'observation de ses Commandemens; de maniere que s'il luy eust pleu d'ordonner que nous jeusnassions toute nostre vie, que nous fissions tous vie d'hermites, de Chartreux, de Capucins, encor ne seroit ce rien au respect du grand devoir que nous luy avons: et neanmoins, il s'est contenté que nous gardassions simplement ses Commandemens..

  A026002410 

 Consideres secondement, qu'encor qu'il ne nous aye point obligé a plus grand service qu'a celuy que nous luy rendons en gardant ses Commandemens, si est ce qu'il nous a invités et conseillés a faire une vie tres parfaite, et observer l'entier renoncement des vanités et convoytises du monde..

  A026002413 

 Sur tout cela: Helas! dires vous a Dieu, Seigneur, en quelle condition vous serviray-je? Ah! mon ame, ou que ton Dieu t'appelle, tu luy seras fidele: mais de quel costé t'est il advis que tu ferois mieux? Examinés un peu vostre esprit pour sçavoir s'il sent point aucune inclination plustost d'un costé que d'autre, et l'ayant descouvert, ne faites encor point de resolution, ains attendes jusques a ce qu'on vous le dise..

  A026002418 

 Ah! miserable que je suis! le moindre oubli que l'on fait de l'honneur pointilleux qui m'est deu, ou que je m'imagine m'estre deu, me trouble, m'inquiete, excite mon arrogance et ma fierté; par tout je me pousse a vive force es premiers rangs.

  A026002419 

 Ou sont les superbes edifices que l'ambition du monde esleve pour l'habitation des vilz et detestables pecheurs? Ah! quel mespris des grandeurs du monde nous a enseigné ce divin Sauveur! Que bienheureux sont ceux qui sçavent aymer la sainte simplicité et moderation! Miserable que je suis, il me faut des palais, encor n'est ce pas asses; et voyla mon Sauveur sous un toit tout percé, et sur du foin, pauvrement et piteusement logé..

  A026002420 

 Helas! que tout est pauvre, que tout est vil et abject en cet accouchement, et que nous sommes doüilletz et sujetz a nos commodités, amoureux des sensualités! Il faut grandement exciter en nous le mespris du monde et le desir de souffrir pour Nostre Seigneur les abjections, mesayses, pauvretés et manquemens.

  A026002429 

 A la fin, vous reprendres le gros grain qui est au commencement dudit Chapelet et remercieres Dieu de la grace qu'il vous a faitte de vous permettre de dire le Chapelet, luy demandant l'assistence de sa grace pour pouvoir mettre en execution les bons propos qu'il vous a donnés.

  A026002429 

 Et en fin, au gros grain qui est au fin bout, vous feres un bouquet spirituel de recollection, renouvellant tous les bons propos [375] et saintes resolutions qu'aves faites en la meditation de ces cinq mysteres, suppliant la divine Majesté qu'elle accepte et addresse toutes vos oraysons a son honneur et gloire et pour le bien de son Eglise, en la foy et union de laquelle vous prieres sa Bonté de vouloir rappeller tous les desvoyés.

  A026002441 

 Ben potiamo dire quel che rispose Davide quand'il Re Saullo l'offerì per moglie la sua figliuola Michol: Quis sum ego, aut quæ est vita mea, aut cognatio patris mei in Israel, ut fiam gener Regis? E chi son io, o Dio del Cielo, che mi volete per vostro figliuolo et volete ch'io vi chiami Padre?.

  A026002449 

 Vostra Eccellenza consideri che questo gran Padre volle [380] communicare questa eccellentissima dignità a tutti, d'onde non dice ch'è Padre di ricchi e signori, ma nostro, id est di tutti, etiam poveri; come il sole, che drizza i suoi raggi, la sua luce e il suo splendore sopra la minima pianta e sopra il minimo fiore che v'è in un gran monte, e sopra l'istesso monte.

  A026002461 

 Domandar primo, ch'il suo Nome santo sia santificato; id est, ch'esso Dio, per tutto il mondo, sia conosciuto, [382] amato, adorato, honorificato, glorificato e esaltato come quello vero et eterno Dio immortale, omnipotente, solo buono, solo santo, solo giusto, solo admirabile e solo meritevole d'esser infinitamente amato; pregandoli dia luce a tutto l'Oriente et Ponente, et a tutte l'altre parti del mondo dove regnano Turchi, Mori, Gentili, pagani e altre simili genti, acciò vengano in cognitione di questo Nome suo santissimo, et pieghino a lui et al suo Figliolo, con lo Spirito Santo, li suoi ginocchi, e tutti dicano: Pater noster qui es in Cælis, sanctificetur Nomen tuum..

  A026002495 

 A malo, peccati, id est a culpa..

  A026002506 

 Ingrediatur putredo in ossibus meis et subter me scateat, ut requiescam in die tribulationis, et ascendant ad populum accinctum nostrum; vi priego, buon Padre, ch'in questi miei ossi entri la putredine, id est, che com'un altro Giob sia questo mio corpo impiagato e flagellato, purchè quest'anima riposi nel giorno della tribulatione, ch'è il giorno della morte, e sia conumerata nel numero di vostri figlioli, ch'è quel populo celeste cinto di gloria e di beatitudine..

  A026002523 

 Siete, Padre, ne' Cieli, id est negl'Angioli e Santi, illuminandoli acciò vi conoscano, perciochè voi siete eterno lume omnia illuminans.

  A026002532 

 Eia ergo, Pater, sanctificetur Nomen tuum; fatemi santo, acciò ch'io benedica di continuo vostra alta Maestà e acciò che vedendo il mondo ch'io attendo a lodarvi e benedirvi, glorificent te, Patrem nostrum, et sanctificent Nomen tuum quod est benedictum in sæcula sæculorum.

  A026002541 

 O Dio degl'Angeli, quanto sono belli, quanto sono amabili cotesti vostri tabernacoli! Concupiscit et deficit anima mea in atria Domini; melior est enim dies una in atriis tuis super milita.

  A026002549 

 Sancti estote, quia ego sanctus sum; et, Hæc est voluntas mea, sanctificatio vestra.

  A026002564 

 Qual padre vi è che non rimetta al figliuolo posto in gran povertà, qualsivoglia debito, quando humilmente gli domanda? O Padre santo, e chi più povero figliuolo di me e chi più carico di debiti? Ecco, com'un altro publicano, humilmente vi domando: perdonatemi tanti debiti di peccati con li quali io v'ho offeso; « Deus, cui proprium est misereri semper et parcere, » habbiate misericordia di questo povero figliuolo et rilasciatemi ogni mio debito.

  A026002588 

 Faites cela avec des amoureux et ardents colloques avec le même Père, car toute cette prière n'est autre chose qu'un très doux entretien de l'âme avec Dieu.

  A026002593 

 Ce Dieu qui créa toutes choses du néant et qui tient tout entre ses mains, à qui servent toutes les hiérarchies du Ciel, est notre Père.

  A026002593 

 Un pauvre berger qui garde ses brebis dans les champs s'estimerait heureux et bien fortuné si Votre Excellence l'adoptait pour fils et pour son héritier; bien plus, etc. Nous pouvons [378] dire à bon droit ce que David répondit au roi Saül quand il lui offrit pour épouse sa fille [Mérob]: Qui suis-je et qu'est-ce que ma vie, qu'est-ce que la famille de mon père en Israël, pour que je devienne le gendre du roi? Et qui suis-je, ô Dieu du Ciel, pour que vous me vouliez pour votre enfant et que vous vouliez que je vous appelle Père?.

  A026002595 

 Vous pouvez exciter l'amour envers ce bon Père, car ce nom de Père est un nom d'amour réciproque..

  A026002596 

 Il nous dirige vers le Ciel par la prédication de son Evangile, nous aide et défend contre nos ennemis, nous conseille, nous honore, nous revêt et nous châtie aussi quand il en est besoin..

  A026002596 

 Il nous pourvoit de tout ce qui nous est nécessaire pour le corps et pour l'âme; il met à notre service toute cette grande machine du monde, ces éléments, ces cieux et même les Anges; il pourvoit notre âme de sa nourriture, qui est le précieux Corps et le Sang de son Fils unique.

  A026002597 

 Lui demander que puisqu'il exerce si bien vis-à-vis de nous les offices d'un bon père, nous exercions aussi à son égard les devoirs de bons fils, qui sont l'amour, l'obéissance, le respect; que nous l'aimions tendrement et nous réjouissions d'avoir un Père si bon, si saint, si sage et si puissant, qu'il est la même bonté, sainteté, sagesse, beauté et infinie puissance; que nous obéissions à sa loi, que nous lui portions en tout lieu le respect qui lui est dû et que nous cherchions que le monde entier l'honore et le révère.

  A026002601 

 Que Votre Excellence considère que ce grand Père a voulu communiquer à tous cette très excellente dignité; c'est pourquoi il ne dit pas qu'il est Père des riches et des seigneurs, mais nôtre, c'est-à-dire de tous, même des pauvres: comme le soleil, qui darde ses rayons, sa lumière et sa splendeur sur la plus petite plante, sur la plus petite fleur qui se trouve sur une grande montagne, et sur la montagne même.

  A026002602 

 Notre, pour nous révéler que nous sommes tous frères, que nous devons aimer tout le monde, prier pour tous et observer les deux commandements auxquels se rattache toute la Loi: le premier, d'aimer Dieu parce qu'il est Père; le second, d'aimer le prochain parce qu'il est notre frère..

  A026002603 

 C'est bien la raison: nous sommes tout siens parce qu'il est tout nôtre.

  A026002607 

 Le ciel est fort, mobile, rempli d'étoiles; je le prierai de me rendre fort dans son saint service, de me donner un mouvement continuel d'amour envers lui, d'orner mon âme d'autant de vertus qu'il y a d'étoiles au ciel et d'y mettre les deux grands luminaires: le plus grand, l'amour fervent de sa Majesté; le plus petit, celui du prochain..

  A026002608 

 Dans les Anges: les éclairant, afin qu'ils le connaissent, lui, lumière éternelle qui éclaire tout; les enflammant, afin qu'ils l'aiment, puisqu'il est un feu qui embrase; les comblant de béatitude, afin qu'ils soient éternellement bien heureux, puisqu'il est le Bien infini qui remplit tout.

  A026002609 

 C'est ce que vous demanderez.

  A026002613 

 Demander d'abord que son saint N'om soit sanctifié; c'est-à-dire que Dieu lui-même soit connu, aimé, adoré, honoré, glorifié et exalté dans le monde entier comme le vrai Dieu, éternel, immortel, tout-puissant, seul bon, seul saint, seul juste, seul admirable, seul digne d'être infiniment aimé.

  A026002615 

 Le prier de donner à tous l'entendement, afin que nous puissions comprendre avec tous les saints, quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur: la largeur de ses bienfaits, la longueur et grandeur de ses promesses, la hauteur de sa Majesté et la profondeur de ses jugements.

  A026002625 

 Demander que de même que les cieux, qui sont les Anges et les Saints, font toujours sa volonté, de même la terre, c'est-à-dire nous, la fassions aussi..

  A026002626 

 Que votre volonté soit faite. Cette volonté est que nous aimions Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit et de toutes nos forces, et le prochain comme nous-mêmes..

  A026002632 

 Notre pain supersubstantiel, qui est son saint Fils dans le Saint Sacrement, afin que nous ayons le souvenir et l'intelligence de l'amour qu'il nous a porté et des choses qu'il a faites et souffertes pour nous, qui sont infinies..

  A026002647 

 Du mal, du péché, c'est-à-dire de la faute..

  A026002654 

 Père, je dois confesser deux choses: l'une, que ce don et ce grand bienfait vient de votre bonté infinie et de l'amour infini que vous avez pour moi; l'autre, que ce mot de Père sied bien sur les lèvres de votre Fils unique mon Seigneur Jésus-Christ, qui est votre Fils par une étemelle et consubstantielle génération, mais sur les miennes, moi qui suis un si grand pécheur, il ne sied pas, il ne convient pas, je ne mérite pas, Seigneur, un si grand bien.

  A026002655 

 Ce mot m'atteste l'amour immense que vous me portez, Seigneur; c'est pourquoi votre Evangéliste, émerveillé, dit: Voyez quel amour le Père nous a témoigné, que nous soyons appelés enfants de Dieu, et que nous le soyons en effet.

  A026002658 

 Que la pourriture entre dans mes os et qu'elle me consume au-dedans de moi, afin que je sois en repos au jour de la tribulation et que je me joigne à notre peuple pour marcher avec lui; je vous prie, ô bon Père, que dans ces os entre la pourriture, c'est-à-dire que, comme un autre Job, mon corps soit couvert de plaies et flagellé, pourvu que mon âme soit en repos au jour de la tribulation, qui est celui de la mort, et soit du nombre de vos enfants qui sont ce peuple céleste, ceint de gloire et de béatitude..

  A026002660 

 Et moi, que dirai-je? Père, vous m'avez fait entendre des paroles de joie et d'allégresse; oh! quelle est ma joie, quelle mon allégresse lorsque cette douce parole, Père, résonne à mes oreilles! Mon âme humiliée, mes os anéantis à cause de la multitude de mes péchés, se récréent et prennent une nouvelle vigueur entendant cette parole: Père.

  A026002660 

 Que les riches se réjouissent de leurs richesses, les puissants de leur puissance, les sages de leur sagesse: pour moi, je me réjouirai dans mon Seigneur, parce qu'il est Père et notre Père.

  A026002660 

 Quelle plus grande joie puis-je avoir que de me ressouvenir que j'ai un Père si bon, qu'il est la bonté même; si saint, qu'il est la sainteté même; si sage, qu'il est la sagesse même, et enfin si puissant, qu'il peut toutes choses au Ciel, sur la terre et dans les abîmes.

  A026002661 

 Ce mot de Père me montre votre soin et combien est grande votre providence à mon égard et à l'égard de tous.

  A026002661 

 Chaque jour, ô Père, vous préparez la table et faites le festin pour le monde entier, et je participe toujours à ce festin; chaque jour vous faites [391] que le soleil nous éclaire, nous vos enfants, et le soir vous cachez cette belle lampe et il semble en certaine façon que vous éteigniez cette belle lumière afin que nous, vos enfants, puissions reposer et prendre le sommeil; vous occupez, Seigneur, le ciel et la terre à mon service, et vous m'avez même confié aux soins des Anges: tout cela afin que j'obtienne l'héritage réservé à vos enfants, qui est le Royaume des Cieux.

  A026002662 

 Donnez-moi, ô Père, le veau gras, c'est-à-dire votre Fils béni dans le Très Saint Sacrement, [392] afin qu'il soit la nourriture de mon âme et par sa grâce la plus abondante..

  A026002663 

 Il suffisait à l'apôtre Paul de savoir seulement et de comprendre [ Jésus-Christ ] crucifié; et à moi il suffit de savoir et de comprendre cette parole: Père, parce que la comprenant, je saurai que vous m'avez pris pour votre fils adoptif, qui est la plus grande dignité qui existe au Ciel et sur la terre après celle de fils naturel, qui appartient en propre à votre Fils unique et mon Seigneur Jésus-Christ..

  A026002663 

 Pour conclusion, ô Père, cette parole très douce est un verbe abrégé qui contient, toute douceur, comme la manne que vous donnâtes jadis à manger à votre peuple dans le désert; et moi, je suis heureux que ce mot, Père, soit une nourriture très savoureuse pour mon âme.

  A026002667 

 Vous êtes, Seigneur, notre Père: qu'elle est grande votre bonté! Vous ne vous contentez pas de communiquer ce nom de Père à vos Anges et à vos Saints qui sont dans votre maison, mais vous voulez aussi le communiquer à ceux qui sont dans ce monde, et non seulement [393] aux riches et aux puissants, mais aux plus pauvres bergers qui, sur les ponts et dans les forêts, dorment sur la terre nue.

  A026002668 

 Dans ces deux mots: Notre Père, vous me découvrez, Seigneur, un autre grand mystère: c'est que vous voulez que j'aime beaucoup votre sainte loi d'amour et de charité, car vous l'avez toute ramenée à votre amour et à l'amour du prochain.

  A026002675 

 Vous êtes aux Cieux, ô Père, c'est-à-dire dans les Anges et dans les Saints; vous les éclairez afin qu'ils vous connaissent, car vous êtes la lumière éternelle qui éclaire tout.

  A026002676 

 O Père très heureux, envoyez quelques parcelles de ce grand fleuve et de ce grand feu qui procède de votre siège et de l'Agneau, c'est-à-dire du Saint-Esprit; envoyez-les [397] à mon âme afin qu'elle brûle de votre amour.

  A026002677 

 Père saint, il est bien juste que puisque vous, mon Dieu, mon Père et mon héritage êtes au Ciel, je ne cherche ni ne m'embarrasse plus de la terre; qu'ai-je à faire de la terre, ô Père, puisque tout mon bien, tout mon trésor est au Ciel? Si vous, mon Père, êtes au Ciel, il suit de là que moi, votre enfant, je suis étranger dans ce monde et que je marche toujours vers ma patrie, qui est le Ciel.

  A026002677 

 Si le pèlerin, quand il marche, a le corps sur la route et l'âme en la douce patrie, chaque heure lui semblant mille ans pour le désir qu'il a de l'atteindre et de voir son cher père et ses très doux frères, pourquoi n'en sera-t-il pas ainsi de moi? Pourquoi, notre Père, mon âme ne converse-t-elle pas dans les Cieux comme l'âme de votre saint Apôtre qui disait: Notre conversation est dans le Ciel, et pourquoi chaque heure de cet exil ne me semble-t-elle pas mille ans? pourquoi ne désiré-je pas voir mes chers frères, qui sont [398] les Anges et les Saints? pourquoi, Père, ne réputé-je pas toutes les choses de cette vie, basses, viles et indignes d'y attacher mon cœur, puisque je suis créé pour posséder les biens du Ciel? Il est hors de doute, ô Père, que ce serait un grand déshonneur pour le fils d'un grand prince ou d'un roi d'étriller de ses mains les chevaux ou, avec les mêmes mains, ramasser les immondices et le fumier dans les rues; mais c'est un bien plus grand déshonneur pour moi de ce que sachant, ô Père céleste, que vous m'avez adopté pour votre fils et que vous me préparez des biens infinis, des richesses inestimables et même le royaume du Ciel, je m'abaisse et me rende méprisable en recherchant les choses viles et basses de ce monde.

  A026002682 

 Que l'orient, l'occident et les autres parties du monde sachent que vous êtes Père, que Jésus-Christ est votre Fils unique, coéternel et consubstantiel, et que tous peuvent être vos enfants d'adoption.

  A026002683 

 Père, avec tous les saints, quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur: nous connaissons la largeur de vos bienfaits envers nous, qui est plus vaste que la mer et la terre; la longueur de vos promesses, [400] qui sont infinies; la hauteur de votre Majesté, qui est immense; la profondeur de vos jugements, qui sont un abîme..

  A026002684 

 Donc, ô Père, que votre Nom soit sanctifié; daignez faire de moi un saint, afin que je ne cesse de bénir votre souveraine Majesté et que le monde, voyant que je suis occupé à vous louer et à vous bénir, vous glorifie, ô notre Père, et sanctifie votre Nom qui est béni dans les siècles des siècles.

  A026002689 

 O Père saint, que votre règne arrive, parce que c'est dans ce but que vous avez créé nos âmes; que votre règne arrive, parce que c'est pour cela que vous avez voulu que votre Fils mourût sur l'arbre de la croix; que votre règne arrive, pour que je bénisse votre nom: les justes sont dans l'attente de la justice que vous me rendrez; vos Anges et tous les Saints désirent ce jour, parce qu'il découvrira en vous, Père, un abîme d'infinie beauté, de puissance infinie; c'est pourquoi ils désirent ardemment avoir de nombreux compagnons qui les aident à louer et à aimer votre souveraine Majesté..

  A026002692 

 Que votre règne arrive: nous sommes en guerre; faites, Seigneur, que nous remportions la victoire, afin que nous obtenions le prix qui est votre saint royaume.

  A026002694 

 Dans ce royaume vous voulez régner; je vous le rends, ô Père, je vous le donne, qu'il soit bien vôtre, puisqu'en réalité il est vôtre; que je ne l'usurpe pas, que je ne le livre plus au démon, au monde ni à la chair, qui sont de très cruels tyrans, mais à vous qui en êtes le vrai Seigneur.

  A026002699 

 Donc, Seigneur, qu'attendez-vous? Coupez seulement ce qui est mien et greffez ce qui est vôtre.

  A026002699 

 Faites, ô Père, que de même qu'en cette terre des vivants, qui est le Ciel, tous les Anges et les Saints font votre divine volonté, ainsi sur cette terre des mourants, qui est ce monde, mon âme fasse votre sainte volonté.

  A026002699 

 Votre volonté, ô Père, est sainte et bonne; la mienne est mauvaise et sensuelle: que voire volonté, donc, soit faite sur cette terre de mon âme comme au Ciel.

  A026002700 

 Je vous prie aussi, Père, que de même que les esprits angéliques, signifiés par les cieux, font toujours votre très sainte volonté, de même l'âme des pécheurs, représentés par la terre, fasse aussi ce qui est de votre volonté, car de cette manière ils ne vous offenseront plus..

  A026002701 

 Je vous demande avec instance, ô Père, que votre volonté soit faite en moi et en tous, parce que je suis sûr que votre volonté est que nous soyons tous des saints.

  A026002701 

 Quel est donc l'homme si aveugle d'intelligence qu'il ne désire être saint? Père saint, je ne cherche, je ne désire autre chose; mes richesses, mes biens, mes trésors seront d'être saint.

  A026002701 

 Soyez saints, car je suis saint; et: Ce que je veux, c'est votre sanctification. O Source de toute sainteté, faites-nous saints, car telle est votre volonté.

  A026002702 

 Père, c'est cela que je veux, que je demande, que je désire de tout mon cœur, que votre volonté sainte soit faite en moi.

  A026002702 

 Que l'accomplissement de votre volonté soit le plaisir, le contentement, la joie de mon âme en tout lieu et en tout temps; car je sais, Père, qu'il est plus utile à mon âme de souffrir tous les tourments du monde, si telle est votre volonté, que de jouir de tous les divertissements et plaisirs des enfants d'Adam.

  A026002702 

 « Votre volonté est que je sois ferme dans la foi, humble dans la conversation, modeste dans mes paroles, juste dans mes actions, miséricordieux avec les nécessiteux, bien réglé dans mes mœurs; que je ne lasse injure à personne, que je supporte tous les hommes, qu'avec tous je garde la paix, que je vous aime comme Père, que [407] je vous craigne comme Père.

  A026002703 

 Enfin, ô Père, vous et votre Fils bien aimé m'avez déclaré votre volonté quand celui-ci a dit: Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme, de tout votre esprit et de toutes vos forces, et votre prochain comme vous-même. O Père, puisque votre volonté est que je vous aime de tout mon cœur, de toute mon âme et de toutes mes forces, donnez-moi, ô Père, de faire « ce que vous ordonnez et ce que vous voulez.

  A026002708 

 Père saint, ce Pain est celui que votre Fils nous a apporté, ce sont les choses merveilleuses qu'il a opérées, prêchées, endurées; faites, ô Père saint, que pendant la durée de ce pèlerinage, cette manne céleste ne vienne jamais à nous manquer et que nous goûtions son immense suavité..

  A026002709 

 Pour le corps, qui est terre, je vous demande le pain de la terre; pour l'âme, qui est esprit, je vous demande le Pain céleste, le Pain des Anges.

  A026002716 

 Quel est le père qui ne remettrait pas à son fils tombé en grande pauvreté n'importe quelle dette, si humblement il le lui demandait? Et qui donc, ô Père saint, est un fils plus pauvre et plus chargé de dettes que moi? Voici que, comme un autre publicain, humblement je vous prie: remettez-moi tant de dettes de péchés par lesquels je vous ai offensé; « O Dieu, dont le propre est de faire toujours miséricorde et de pardonner, » ayez pitié de ce pauvre enfant et remettez-moi toutes mes dettes.

  A026002717 

 Vous n'êtes point changé; vous étiez autrefois le Dieu très miséricordieux, vous ne l'êtes pas moins maintenant; vous êtes le même Dieu que jadis, votre miséricorde n'est pas finie puisqu'elle est infinie; elle ne s'est point arrêtée puisqu'elle n'a point d'arrêts et que, plutôt, on fermerait le Ciel; elle n'a pas cessé, puisque de même que le feu opère toujours tant qu'il y a de la matière à consumer, ainsi votre miséricorde, tant qu'il y a des péchés à brûler et des dettes à remettre.

  A026002722 

 Donnez les moyens, portez secours, 6 Père; les ennemis sont aussi nombreux que le sable de la mer et expérimentés dans le combat; mon âme est languissante, faible, impuissante si vous ne venez à son aide.

  A026002722 

 O Seigneur, que cette pauvre âme a besoin de votre grâce, de votre secours, de votre assistance pour ne pas succomber aux tentations! Une petite brebis [415] au milieu des loups se perd si le berger ne la sauve; ainsi, Père, cette âme au milieu de tant de loups qui l'assaillent dans un monde où elle est sollicitée par mille occasions de péchés, avec la chair qui continuellement la combat, que fera-t-elle sans votre secours?.

  A026002727 

 Père saint, je reconnais vos miséricordes sur moi, car vous m'avez préservé de beaucoup de maux que j'avais mérités par mes péchés; autant de fois que je péchai, autant de fois je méritai ce mal infini qui est la damnation éternelle.

  A026002727 

 Qu'ils sont nombreux, Père, ceux qui ont encouru ce malheur! Ils avaient commis moins de péchés que moi; et combien, parce qu'il ne leur fut pas donné, comme à moi, le loisir de faire pénitence, moururent misérablement dans leurs péchés et se perdirent! Je vous en prie, ô Père, délivrez-moi désormais de toute faute, afin que j'échappe aux peines de l'enfer; faites, Seigneur, que je ne vous offense plus; vous avoir offensé dans le passé est bien suffisant.

  A026002731 

 Je me souviens aussi, Père, qu'il n'était pas permis aux fils de Jacob de paraître une seconde fois en présence de Joseph s'ils ne conduisaient avec eux leur frère cadet Benjamin; et à nous il n'est pas permis de paraître en votre présence sans notre frère aîné, qui est votre Fils unique Jésus-Christ.

  A026002739 

 On celebre la sainte Messe en memoire de la Passion de Nostre Seigneur Jesus Christ, comme il a commandé a ses Apostres leur donnant son corps et son sang, et leur disant: Hoc facite in meam commemorationem, c'est a dire: Faites cela en memoire de moy.

  A026002757 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre conduit comme un criminel a la maison d'Anne, faites moy la grace de ne pas estre [422] attiré au peché par l'esprit malin, ou par les hommes pervers, mais d'estre guidé par vostre Saint Esprit a tout ce qui est aggreable a vostre divine volonté.

  A026002853 

 Si vous n'esties ma Mere, avec rayson je patienterais disant: Elle est bien asses riche pour m'assister, mais helas! n'estant pas ma Mere elle ne m'a.yme pas..

  A026002853 

 Si vous ne pouvies, je vous excuserois disant: Il est vray qu'elle est ma Mere et qu'elle me cherit comme son filz, mais la pauvrette manque d'avoir et de pouvoir.

  A026002872 

 Avant 1637, elle fut publiée à la suite de l' Advertissement aux Confesseurs, dans le petit volume imprimé à Lyon par Jean Charvet, 1620, ou 1615? (Voir notre tome XXIII, note (920), p. 279.) C'est de là, sans doute, que les éditeurs de 1637 l'auront tirée, sans trop examiner si elle était vraiment du saint Evêque de Genève.

  A026002872 

 Qu'on en juge: « Ce devot, traicté, traictant d'un haut mystere, est digne de paroistre partout; car, comme son Aucteur est orthodoxe, aussi l'est l'œuvre.





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